Cancer du sein en situation métastatique Compte-rendu du cours supérieur francophone de cancérologie Nice • Saint-Paul-...
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Cancer du sein en situation métastatique Compte-rendu du cours supérieur francophone de cancérologie Nice • Saint-Paul-de-Vence 7-9 Janvier 2010
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Moïse Namer Michel Héry Marc Spielmann Joseph Gligorov
Cancer du sein en situation métastatique Compte-rendu du cours supérieur francophone de cancérologie Nice • Saint-Paul-de-Vence 7-9 Janvier 2010
Moïse Namer Centre Azuréen de cancérologie 1, place du Dr Jean-Luc Broquerie 06250 Mougins
Michel Héry Centre Hospitalier Princesse-Grâce Avenue Pasteur 98000 Monaco
Marc Spielmann Institut Gustave-Roussy Service d’oncologie médicale et de pathologie mammaire 39, rue Camille Desmoulins 94805 Villejuif Cedex
Joseph Gligorov Département d’oncologie médicale - APREC Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75970 Paris Cedex 20
ISBN : 978-2-8178-0075-2 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, Paris, 2010 Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Jean-François Montmarché Mise en page : Graficoul’Eure
Liste des auteurs
Ammar Didier
Consultation douleur rebelles, Institut Paoli Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, BP 156, 13273 Marseille Cedex 9
Azria David
Département de cancérologie radiothérapie, CRLC Val d’Aurelle, 31, rue Croix-Verte, 34000 Montpellier
Bachelot Thomas
Département de médecine, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Balu-Maestro Catherine
Service de radiodiagnostic, Centre Antoine Lacassagne, 33 avenue de Valombres, 06189 Nice Cedex 02
Baragan Hector
Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Barrière Jérôme
Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex 2
VI
Cancer du sein en situation métastatique
Benchimol Daniel
Service de chirurgie générale et cancérologie digestive, Hôpital de l’Archet 2, 06202 Nice Cedex 3
Bonodeau François
Centre Régional de Lutte contre le Cancer Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Bouleuc Carole
Institut Curie UMA, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris
Bourgier Céline
Département de cancérologie radiothérapie, Institut Gustave Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif
Buyse Marc
IDDI, 30, avenue provinciale, 13480 Louvain-la-Neuve, Belgique
Castelli Joël
Centre hospitalier de Castelluccio, Route de Saint-Antoine, BP 85, 20176 Ajaccio Cedex
Catonné Yves
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Ceugnart Luc
Centre Régional de Lutte contre le Cancer Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Chapelier Claire
Département de radiologie, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
Chauvet Marie-Pierre
Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Liste des auteurs VII Chevallier Patrick
Service d’imagerie médicale, Hôpital Archet, CHU de Nice, 151, route Saint-Antoine Ginestière, 06202 Nice Cedex 3
Chiras Jacques
Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Clarencon Frédéric
Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Cormier Évelyne
Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Cottu Paul
Département d’oncologie médicale, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris
Coudert Bruno
Service d’oncologie médicale, Centre Georges-François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21079 Dijon Cedex
de Cremoux Patricia
Département de biologie des tumeurs, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris
Cucherat Michel
Faculté de Médecine Laënnec, 7, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon Cedex 08
Curé Hervé
Institut Jean Godinot, 1, Avenue du General Koenig, BP 171, 51100 Reims
VIII Cancer du sein en situation métastatique Cyteval Catherine
SIM Lapeyronie - CHU Montpellier, 371, avenue du Doyen Gaston Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5
Debled Marc
Institut Bergonié, 229 Cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux Cedex
Delozier Thierry
Centre François Baclesse, Route de Lion, 14000 Caen
Dohollou Nadine
Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine, 15, rue Claude-Boucher, 33300 Bordeaux
Duret Aude
Département de médecine, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Enkaoua Eric
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Ettore Francette
Département d’anatomopathologie, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
Facchini Thomas
Service de cardiologie, CHU Nice, 30, avenue de la Voie Romaine, BP 69, 06202 Nice Cedex
Fauchon François
Radiothérapie Centre de haute énergie, 06000 Nice
Ferrari Emile
Service de cardiologie, CHU Nice, 30, avenue de la Voie Romaine, BP 69, 06202 Nice Cedex
Liste des auteurs Ferrero Jean-Marc
Département d’oncologie médicale, Centre Antoine Lacassagne, 33 avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex 2
Figl Andréa
Département de chirurgie mammaire, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
Flipo Bernard
Département de chirurgie mammaire, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
Freyer Gilles
Service d’oncologie médicale, CH Lyon-Sud, Hospices Civils de Lyon, Programme lyonnais d’oncologie gériatrique (PROLOG), EA 3738, Université Lyon 1, 27/29, Boulevard du 11 Novembre 1918, 69622 Villeurbanne Cedex
Fumoleau Pierre
Service d’oncologie médicale, Centre Georges-François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21079 Dijon Cedex
Giard Sylvia
Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Grosclaude Pascale
Réseau FRANCIM, U558 Faculté de Médecine Toulouse Purpan, 31059 Toulouse Cedex 9
Guastalla Jean-Paul
Département de médecine, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Guiu Séverine
Service d’oncologie médicale, Centre Georges-François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21079 Dijon Cedex
IX
X
Cancer du sein en situation métastatique
Hannoun-Levi Jean-Michel
Département de radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
Jacquemier Jocelyne
Service d’anatomie pathologique, Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13276 Marseille Cedex 9
Jean Béatrice
Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Khodari Wassim
Département de radiothérapie, Unité fonctionnelle de sénologie, Institut Gustave Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif
Labidi Sana-Intidhar
Département de médecine, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Lallement Michel
Département de chirurgie mammaire, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
Levy Christelle
Centre François Baclesse, Route de Lion, 14000 Caen
Luporsi Elisabeth
CIC-C CHU (Centre d’investigation clinique de cancérologie) Centre Alexis Vautrin, Avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy
Mauriac Louis
Institut Bergonié, 229 Cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux Cedex
Liste des auteurs Mayer François
Service d’oncologie médicale, Centre Georges-François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21079 Dijon Cedex
Mayeur Didier
Service d’hématologie-oncologie, Centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles 78157 Le Chesnay Cedex
Nabholtz Jean-Marc
Centre Jean Perrin, Rue Montalembert, 63000 Clermont-Ferrand
Novellas Sébastien
Service d’imagerie médicale, Hôpital Archet, CHU de NICE, 151, route Saint-Antoine Ginestière, 06202 Nice Cedex 3
Paquis Philippe
Service de neurochirurgie, CHU de Nice, Université Nice Sophia-Antipolis, 06500 Nice
Penault-Llorca Frédérique
Département de pathologie, Centre Jean Perrin, 58, rue Montalembert, BP392, 63011 Clermont-Ferrand Cedex
Penel Nicolas
Centre Régional de Lutte contre le Cancer Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Petit Thierry
Département d’oncologie médicale, CLCC Paul Strauss, 3, rue de la Porte de l’Hôpital, BP42, 67065 Strasbourg Cedex
Raoust Inès
Département de chirurgie mammaire, Centre Antoine Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice Cedex
XI
XII Cancer du sein en situation métastatique Ray-Coquard Isabelle
Département de médecine, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Riedinger Jean-Marc
Département de biologie et de pathologie des tumeurs, Laboratoire de biologie clinique, Centre Georges François Leclerc, 21079 Dijon Cedex
Rose Michèle
Département d’anesthésie réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Salmon Rémy J.
Service de chirurgie, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris
Saltel Pierre
Unité de psycho-oncologie, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Sigal-Zafrani Brigitte
Département de biologie des tumeurs, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris
Simon Hélène
Institut de cancérologie et d’hématologie, CHU, 5, avenue Foch, 29609 Brest Cedex
Spano Jean-Philippe
Service d’oncologie médicale, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Taieb Sophie
Centre Régional de Lutte contre le Cancer Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Taourel Patrice
SIM Lapeyronie - CHU Montpellier, 371, avenue du Doyen Gaston Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5
Liste des auteurs XIII Tixier H.
Service d’oncologie médicale, Centre Georges-François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21079 Dijon Cedex
Tredan Olivier
Département de médecine, Centre Léon Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon Cedex 08
Vieillard M.H.
Département universitaire de rhumatologie CHRU, Département d’oncologie générale Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, 59020 Lille Cedex
Vieillot Sabine
Département de cancérologie radiothérapie, CRLC Val d’Aurelle, 31, rue Croix-Verte, 34000 Montpellier
Sommaire
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein suivant la localisation métastatique, la biologie de la tumeur primitive et les traitements adjuvants reçus.....................................................................................
1
T. Delozier et C. Levy
Le phénomène métastatique. Paramètres pronostiques et prédictifs. Intérêt éventuel des signatures moléculaires.......................................... 13 F. Penault-Llorca
Que sait-on des modifications phénotypiques et génotypiques entre tumeur primitive et métastase(s) des cancers du sein ? ......... 23 B. Sigal-Zafrani, P. Cottu et P. de Cremoux
Bilan d’extension nécessaire après découverte d’une métastase d’un cancer du sein ............................................................................. 29 P. Taourel et C. Cyteval
Méthodes radiologiques d’évaluation de la réponse thérapeutique en cancérologie ............................................................................................. 41 L. Ceugnart, S. Taieb, N. Penel et F. Bonodeau
Méthodes biologiques d’évaluation de l’efficacité des traitements des cancers du sein métastatiques : intérêt des marqueurs tumoraux circulants sériques et de l’étude de leur cinétique..................................................................................................................................... 53 J.-M. Riedinger
XVI Cancer du sein en situation métastatique
Techniques innovantes en radiothérapie, description et application aux cancers du sein métastatique (hors métastases cérébrales).................................................................................................... 59 S. Vieillot, C. Bourgier et D. Azria
Cancers du sein métastasés d’emblée : prise en charge chirurgicale locorégionale ......................................................................................................... 69 M.-P. Chauvet
Imagerie interventionnelle des métastases viscérales des cancers du sein .............................................................................................................................. 77 P. Chevallier et S. Novellas
Métastases viscérales du cancer du sein .................................................................... 87 D. Benchimol
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses ............................ 91 J. Chiras, E. Cormier, F. Clarencon, H. Baragan, B. Jean et M. Rose
Stratégie de prise en charge des métastases cérébrales du cancer du sein................................................................................................................................... 111 P. Paquis et F. Fauchon
Prise en charge chirurgicale des métastases osseuses vertébrales d’origine mammaire ......................................................................................................................... 119 E.A. Enkaoua
Irradiation locorégionale des cancers du sein d’emblée métastatiques ............................................................................................................................................. 129 C. Bourgier, W. Khodari et D. Azria
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein ....................... 135 C. Balu-Maestro
Récidive homolatérale des cancers du sein : facteurs prédisposants et apport de l’anatomopathologie ? ...................................... 157 J. Jacquemier
Traitement d’une récidive après traitement conservateur .................. 163 R.J. Salmon
Sommaire XVII
Second traitement conservateur pour récidive locale du cancer du sein................................................................................................................................... 165 J. Castelli, I. Raoust, M. Lallement, B. Flipo, A. Figl, F. Ettore, C. Chapelier, J.-M. Ferrero et J.-M. Hannoun-Levi
Récidive homolatérale des cancers du sein : quels traitements adjuvants systémiques ? ................................................................................................................ 175 H. Curé
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques : RH+ HER2-. Hormonothérapies, chimiothérapies (monochimiothérapies séquentielles ou polychimiothérapies concomitantes ?), anti-angiogéniques ......................................................................... 181 M. Debled et L. Mauriac
Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+ : trastuzumab, chimiothérapie, hormonothérapie................ 207 B. Coudert, S. Guiu, H. Tixier, F. Mayer et P. Fumoleau
Chimiothérapie du cancer du sein métastatique RH négatif HER2 positif ................................................................................................................................................ 223 T. Petit
Cancers du sein métastatiques « triples négatifs ». Critères cliniques et biologiques additionnels nécessaires pour prendre une décision thérapeutique. Stratégies thérapeutiques, place des anti-angiogéniques et nouvelles thérapeutiques ciblées .................................................................................................................... 233 T. Bachelot, S.-I. Labidi, O. Tredan, I. Ray-Coquard et J.-P. Guastalla
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique : gestion des effets secondaires................................................................................................. 243 H. Simon
Les consultations d’annonce : faut-il une approche particulière pour la situation métastatique ? Approche du psycho-oncologue ....................................................................................................................... 257 P. Saltel
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses .. 261 D. Ammar
XVIII Cancer du sein en situation métastatique
Poursuite des traitements spécifiques et prise en charge des symptômes en situation métastatique : quelle prise de risque en cas de nétropénie ? .................................................................................................. 285 D. Mayeur
Cardiotoxicité des traitements anticancéreux dans le contexte du cancer du sein métastasé..................................................................................................... 291 E. Ferrari et T. Facchini
Les bisphosphonates pour les cancers métastatiques du sein : utiles ou futiles ? Pour quelles localisations et avec quelle surveillance ? ........................... 295 M.H. Vieillard
Limites de la prise en charge des patientes métastatiques : Limites objectives : jusqu’à quelle ligne thérapeutique doit-on aller ? Influence de l’âge de la patiente et des lignes de traitement proposées ?.................................................................................................................... 307 E. Luporsi
Limites subjectives de la prise en charge des patientes métastatiques. Quand les traitements oncostatiques laissent la place aux traitements palliatifs ..................................................................................... 311 C. Bouleuc
Épidémiologie des cancers du sein des personnes âgées en situation métastatique et non métastatique......................................................... 321 P. Grosclaude
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée : de l’évaluation gériatrique à la décision thérapeutique ..................................................................... 323 G. Freyer
Modifications de la prise en charge des traitements systémiques (hormonothérapie, chimiothérapie, traitements ciblés) dus à l’âge ....................................................................................................................................................... 337 J.-P. Spano
Critères d’efficacité des traitements de première ligne métastatique du cancer du sein ........................................................................................... 345 M. Buyse et M. Cucherat
Sommaire XIX
Analyse des recommandations du National Comprehensive Cancer Network portant sur les cancers du sein métastatiques V.1.2009 ................................................................................................................... 355 J.-M. Nabholtz
Cancer du sein métastatique ................................................................................................... 363 J.-P. Guastalla, M. Campone, L. Zelek, J.M. Guinebretière, S. Giard, G. Ganem, B. Coudert et J. Chiras
Que faire après l’apparition d’un échappement clinique au trastuzumab prescrit en première ligne métastatique ? Place du lapatinib et des nouveaux anti-HER2 Avec quelles associations ? ......................................................................................................... 439 J.-M. Ferrero et J. Barrière
Que décider après apparition d’un échappement aux chimiothérapies actuelles de cancer du sein métastatique ? Nouvelles molécules ? Nouvelles associations ? Place et intérêt de la chimiothérapie métronomique................................ 453 N. Dohollou
Que décider après l’apparition d’un échappement aux anti-angiogéniques actuels prescrits aux cancers du sein métastatiques ? Nouveaux anti-angiogéniques ? Nouvelles associations : avec d’autres traitements ciblés ? Avec d’autres chimiothérapies ? ...... 459 I. Ray-Coquard, J.-P. Guastalla, T. Bachelot, O. Tredan, I. Labidi Gady et A. Duret
RBU et cancers du sein métastatiques ......................................................................... 463 P. Fumoleau (Voir site de l’Inca : http://www.e-cancer.fr/soins/les-medicaments/referentiels-debon-usage/cancers-du-sein)
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein suivant la localisation métastatique, la biologie de la tumeur primitive et les traitements adjuvants reçus T. Delozier et C. Levy
Introduction Malgré des progrès incontestables dans la prise en charge du cancer du sein qui ont abouti à une augmentation de la survie globale, de la survie sans rechute après traitement du cancer du sein localisé, une proportion importante de patientes va manifester une rechute métastatique. Les rechutes à distance restent une maladie incurable, cependant la probabilité de survie peut être très variable d’une situation clinique à l’autre. De plus, l’hétérogénéité de la maladie métastatique aboutit à des prises en charge thérapeutiques différentes qui peuvent elles aussi influer sur le pronostic. Par ailleurs, l’influence pronostique de la tumeur primitive doit être considérée. Remarques : L’histoire naturelle des métastases des cancers du sein ne se conçoit que pour des formes traitées. Les travaux de la littérature qui ont étudié l’histoire naturelle des métastases des cancers du sein ont été effectués à partir de bases de données constituées de différentes façons. Il peut s’agir de bases de données issues de laboratoires de biologies qui centralisent la recherche des récepteurs hormonaux (1, 2), de bases de données nationales (3), régionales (4) ou d’établissement hospitalier (5, 6). Les bases peuvent regrouper des données colligées chez des patientes incluses dans des essais de chimiothérapie adjuvante (7) ou de traitement de première ligne (8-10). Ces modes de constitution des bases de données s’accompagnent de variations dans les critères de sélection des patientes : limitation d’âge (4, 9), exclusion des métastases synchrones (1, 2, 5, 8, 11) ou limitation aux seules métastases synchrones (3, 12), inclusion des rechutes locorégionales et/ou controlatérales (2, 5, 7), limitations dans les traitements adjuvants (7, 9), critères d’état général (9, 10), exclusion des métastases cérébrales (8, 9, 13). Autant de variations qui interdisent les comparaisons entre les différentes séries. Néanmoins, des résultats concordants permettent d’appréhender l’histoire naturelle des métastases des cancers du sein.
2
Cancer du sein en situation métastatique
Les données pronostiques et l’histoire naturelle de la maladie métastatique seront décrites en fonction de la littérature et en fonction d’une analyse d’une cohorte de 4 089 patientes traitées au centre François Baclesse de 1973 à 2003 pour une évolution métastatique de leur cancer du sein.
Description globale Localisation des métastases Les métastases des cancers du sein atteignent préférentiellement le squelette, les viscères, les tissus mous (peau et ganglions). Les métastases touchent d’emblée plusieurs sites dans 14 à 29 % des cas (6). Lorsque les métastases ne touchent qu’un organe, le squelette est concerné dans près de 40 % des cas (tableau I) et les localisations viscérales sont présentes d’emblée dans un proportion similaire (tableau II). Parmi les localisations viscérales, les métastases pulmonaires sont les plus fréquentes (tableau III). Les métastases cérébrales inaugurales représentent 2,5 % des cas. La répartition des localisations des métastases dépend du profil biologique de la tumeur. Les tumeurs avec récepteurs hormonaux (RH) positifs présentent plus fréquemment des métastases osseuses, alors que les tumeurs RH- présentent plus fréquemment des métastases viscérales et des métastases multiples d’emblée (2). Les carcinomes lobulaires se manifestent par une fréquence augmentée des métastases osseuses et péritonéales et une fréquence diminuée de métastases pulmonaires (tableau IV). L’étude dans le temps montre que les métastases osseuses et pulmonaires sont moins fréquentes, les métastases hépatiques et multiples sont plus fréquentes. Il faut relativiser cette constatation qui peut, au moins en partie, être liée à l’évolution des moyens de diagnostic à notre disposition. Tableau I – Fréquence des métastases squelettiques. Auteurs
Nbre de patientes
Métastases osseuses (%)
Gennari*
40
9,5
Insa
439
23,6
Largillier
1 038
38,9
Solomayer
648
46
CFB
2 815
45,1
* Fichier regroupant des patientes incluses dans des essais de chimiothérapie de 1re ligne, proportion élevée de métastases viscérales.
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein…
3
Tableau II – Fréquence des métastases viscérales. Auteurs
Nbre de patientes
Métastases viscérales (%)
Gennari*
640
63,8
Chang
346
35
Insa
439
43,5
Largillier
1 038
32,1
Solomayer
648
41
CFB
4 089
35,8
* Fichier regroupant des patientes incluses dans des essais de chimiothérapie de 1re ligne, proportion élevée de métastases viscérales.
Tableau III – Répartition des localisations des métastases dans deux bases de données françaises. Localisation
CFB
Largillier
Squelette
31,0
38,9
Poumon
16,1
17,2
Foie
8,6
11,9
Tissus mous
7,7
15,2
Cerveau
2,8
2,5
Ca 15-3
2,1
Autre
2,6
Multiples
29,1
13,8
Tableau IV – Répartition des localisations des métastases selon le type histologique canalaire ou lobulaire (base de données du CFB). Os
Poumon
Foie
Tissus mous
CCI
29,5
17,0
9,6
7,9
3,1
0,1
28,8
CLI
34,2
8,6
8,6
5,8
2,1
1,7
31,2
Cerveau Péritoine Multiples
Évolution Au total, la découverte d’une métastase aboutira au décès de la patiente dans un délai variable. La médiane de survie (tableau V) varie de 16 à 30 mois selon les études.
4
Cancer du sein en situation métastatique
Tableau V – Médiane de survie depuis la découverte d’une métastase.
Auteurs
Population étudiée
Date de prise en charge Tumeur métastase primitive 1971-1983 1983-2001
Médiane de survie (mois)
Clark
1 015
Chang
346
1970-1991
1970-1991
17,8
23
Dawood
15 438
1988-2003
1988-2003
18
Insa
439
1981-1994
1981-1994
24
Largillier
1 038
1975-2005
1980-2005
23
Pierga
1 430
1977-1992
30
CFB
4 110
1973-2002
16
1943-2002
Facteurs pronostiques Les facteurs pronostiques influençant la survie peuvent être liés à la patiente (âge, ménopause), à la tumeur primitive (extension tumorale et ganglionnaire), à la métastase (localisation, délai de rechute), à la biologie de la tumeur (type histologique, récepteurs hormonaux, grade histologique), aux traitement antérieurs (hormonothérapie et chimiothérapie adjuvantes) et enfin la période de prise en charge et aux traitements disponibles.
La patiente Dans la majorité des études, les femmes de moins de 50 ans présentent une meilleure survie que les femmes plus âgées (tableau VI). Une étude plus détaillée de l’importance de l’âge montre que les femmes de moins de 35 ans présentent un pronostique défavorable (tableau VII). La ménopause n’est pas un facteur pronostique identifié. Tableau VI – Rôle pronostique de l’âge au moment de la découverte des métastases. Auteurs
Population
Chang
Médiane de survie (mois)
p
< 50 ans
* 50 ans
346
22,1
15,3
0,003
Clark
1 015
23
22
0,09
Insa
439
26
24
0,61
Largillier
1 038
30,9
21,1
0,0047
CFB
4 089
17,4
16,0
0,07
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein…
5
Tableau VII – Risque relatif de décès ou hazard ratio selon l’âge. Auteurs
Pierga
Chia
CFB
Jeunes
1,20
1,07
1,18
Moyen
0,80
0,79-0,86
0,83
âgées
1 (> 52 ans)
1 (* 65 ans)
1 (* 65 ans)
p
0,0001
<0,0001
La métastase Le délai de rechute est un facteur pronostique péjoratif (tableau VIII). Les métastases qui surviennent précocement ont une médiane de survie plus courte que les métastases d’apparition tardive. Cependant, les métastases synchrones de la tumeur primitive sont de meilleur pronostic que les rechutes survenues dans les 12 mois suivant le traitement (médianes de survie 18 mois contre 9 mois dans la base de données dans notre base de données) (fig. 1). Les métastases osseuses et les métastases cutanées ou ganglionnaires ont un meilleur pronostic que les métastases viscérales (tableau IX). Parmi les métastases viscérales, par ordre de gravité décroissante, on retrouve le cerveau, le foie, le poumon (tableau X). Tableau VIII – Médiane de survie selon le délai de rechute. Auteurs
<12 ou 24 mois 12-24 à 60 mois
* 60 mois
p
Chang*
14
18
36
0,001
Largillier**
12
24
34
<0,0001
CFB*
12
14
28
<0,0001
* Délai < 12 mois ; ** Délai < 24 mois.
Fig. 1 – Probabilité de survie selon le délai de rechute (base de données du Centre François Baclesse).
6
Cancer du sein en situation métastatique
Tableau IX – Médiane de survie selon le site de la métastase. Médiane de survie viscérale
Auteurs foie Chang
10,9
Insa
13
Largillier
12
CFB
non viscérale
poumon
os
p
tissu mou 23,2
22,4 12
< 0,0001
28
36
0,0002
33,2
43
< 0,0001
24
19
< 0,0001
Tableau X – Médiane de survie selon le site de la métastase dans deux bases de données françaises. Auteurs
Largillier
CFB
Tissu mou
43
19
Squelette
33
24
Poumon
22
15
Foie
12
9
Multiples
9
11
Cerveau
3
5
p
< 0,0001
< 0,0001
La tumeur primitive Extension initiale Lorsque la métastase survient secondairement après traitement de la tumeur primitive, son extension initiale reste un facteur pronostique. Dans presque toutes les séries publiées, la taille de la tumeur primitive est retrouvée comme un facteur pronostique (tableau XI), avec une meilleure survie pour les tumeurs les plus petites. Les tumeurs sans envahissement ganglionnaire ont également un meilleur pronostic (tableau XII). Tableau XI – Médiane de survie selon la tumeur primitive. Auteurs
T1
T2
T3
Chang
20
18
17
T4
0,10
p
Clark
29
21
14
< 0,0001
Dawood
24
23
17
-
Giordano
51
21
19
< 0,01
Insa
30
26
20
17
15
Largillier CFB
32 18
18 25
< 0,0006 0,0003
13
0,0001
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein…
7
Tableau XII – Médiane de survie selon l’envahissement ganglionnaire initial. Auteurs
N-
N+ 1-3
N+ 4-9
N+10+
p
Chang
-
19
21
16
0,25
Clark
30
26
Giordano
26
25
23
16
< 0,01
Insa
32
24
18
14
< 0,00001
Largillier
31
CFB
19
16
< 0,0001
20 19
< 0,0001
14
10
< 0,0001
Biologie de la tumeur La biologie de la tumeur se limite le plus souvent au type histologique et aux récepteurs d’estradiol et de progestérone, tels qu’ils ont été déterminés sur la tumeur primitive. Le type histologique canalaire ou lobulaire n’est pas un facteur pronostique déterminant. Les tumeurs de grade 1 et les tumeurs avec des récepteurs hormonaux ont les meilleures médianes de survie (tableaux XIII et XIV). Tableau XIII – Médiane de survie selon le grade histologique. Auteurs
Grade 1
Grade 2 27
Dawood
30
Largillier
35
CFB
24
Grade 3
p
17 22
< 0,0001
20
11
< 0,0001
Tableau XIV – Médiane de survie selon les récepteurs d’estradiol et de progestérone. Auteurs
RE+
RE-
p
RP+
RP-
p
Chang
21
12
0,0007
25
13
< 0,0001
Clark
28
14
< 0,0001 28
16
-
Dawood
28
13
-
Giordano
35
16
< 0,01
Insa
28
13
< 0,0001
34
18
< 0,0001
CFB
23
9
< 0,0001
23
11
< 0,0001
Traitements antérieurs Les femmes qui ont reçu une chimiothérapie adjuvante ont une espérance de vie plus courte que celles qui n’en avaient pas reçu (tableau XV). En ce qui concerne l’hormonothérapie, les résultats sont disparates (tableau XVI). Si on analyse l’im-
8
Cancer du sein en situation métastatique
pact d’une hormonothérapie adjuvante uniquement dans les tumeurs RH+, l’antécédent d’hormonothérapie adjuvante réduit l’espérance de survie, 19 mois contre 26 mois. Tableau XV – Variation de la médiane de survie en fonction de la chimiothérapie adjuvante. Auteurs
Pas de chimio.
Chimio.
p
Chang
18
17,6
0,09
Clark
26
17
< 0,0001
Insa
36
22
< 0,01
Largillier
31
18
< 0,0001
CFB
17
15
0,009
Tableau XVI – Variation de la médiane de survie en fonction de l’hormonothérapie adjuvante. Auteurs
Pas d’hormono.
Hormono.
p
Chang
14,6
21,5
0,9
Clark
24
19
0,13
Largillier
24
22
0,13
CFB
18
15
0,0002
CFB (RH+)
26
19
0,0001
Interaction entre les facteurs pronostiques L’analyse multifactorielle permet de rechercher des interactions entre les facteurs et d’individualiser les facteurs indépendants (tableau XVII). La localisation de la métastase, le délai de rechute, les récepteurs hormonaux (RE ou RP) et la période de traitement sont les facteurs retrouvés par la majorité des études. Le grade histologique est moins étudié, il est retrouvé comme facteur indépendant dans toutes les études qui l’ont inclus. L’envahissement ganglionnaire initial donne des résultats plus disparates. Le traitement adjuvant (chimiothérapie ou hormonothérapie) n’est pas un facteur pronostique indépendant.
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein…
9
+
+
+
NSm
+
+ +
Intervalle libre
+
+
Tumeur primitive
NSu
NSm
Envahissement ganglionnaire
NSm NSu
Grade RE ou RP
+
NSm
NSu
+
+
+
+
+
+
+
NSm
+
+
NSm
+
NSm
+
+
+ +
+
+
+
+
NSm NSm
Chimio adjuv.
NSu NSm NSm
NSm
Hormono adjuv.
NSu NSm NSu
NSm
Période de traitement
CFB
NSu
Largillier
+
Insa
Gennari
+
Giordano
Dawood
+
Clark
Métastase
Chia
Âge
Chang
Facteurs/auteurs
André
Tableau XVII – Facteurs pronostiques retenus en analyse multivariée selon les études.
+
NSu
+
+
NSm NSm
+
NSm +
+
+
NSm
NSm
+ NSm NSm
+
NSu : non significatif en analyse univariée ; NSm : non significatif en analyse multivariée ; + : significatif en analyse multivariée.
Évolution dans le temps de la survie des cancers du sein avec métastases Grâce à l’amélioration des moyens diagnostiques, la détection des métastases peut se faire plus précocement. Depuis plusieurs décennies, des traitements de plus en plus efficaces ont fait leur apparition, tant en hormonothérapie (tamoxifène, inhibiteurs de l’aromatase) qu’en chimiothérapie (anthracyclines, taxanes). Les thérapeutiques ciblées (trastuzumab, lapatinib) sont maintenant disponibles pour bloquer des voies surexprimées dans certaines formes de cancer. Tous ces éléments pourraient se traduire par un allongement de la survie des cancers métastasés. D’autre part, ces traitements actifs sont utilisés dans le traitement adjuvant. Ils réduisent de façon significative les rechutes du cancer. Ainsi, les cancers qui rechutent sont des tumeurs sélectionnées et au moins partiellement résistantes aux traitements. Cette constatation peut limiter l’amélioration de la survie attendue dans les cancers généralisés. Toutes les études montrent une amélioration de la survie depuis la découverte de la métastase dans les dernières décennies. Cette amélioration est conséquente pour les métastases synchrones, naïves de tout traitement (12). Elle est plus modeste dans les autres cas. Des variations dans la constitution de la population étudiée peuvent valoriser ce progrès avec plus d’emphase. Les courbes de survie présentées par Giordano (7) montrent une amélioration spectaculaire de la survie de 1974 à
10 Cancer du sein en situation métastatique 2000 (fig. 2a). Cependant, l’analyse multifactorielle ne retrouve qu’une réduction non significative du risque de décès de 1 % par année de prise en charge. La corrélation directe entre les progrès et les traitements a été étudiée par Chia (4) dans une étude comportant quatre cohortes discontinues s’étalant sur 10 ans (fig. 2b). La cohorte 1 (1991-1992) servait de référence. La cohorte 2 (1994-1995) correspondait à la mise sur le marché du paclitaxel et la vinorelbine, la cohorte 3 (1997-1998) à l’arrivée du Taxotère® et des inhibiteurs de l’aromatase et la cohorte 4 (1999-2001) à la mise à la disposition des praticiens du trastuzumab et de la capécitabine. Il ne retrouvait pas de différence entre les cohortes 1 et 2. Les cohortes 3 et 4 étaient associées à une meilleure survie (hazard ratio respectivement de 0,84 (p = 0,01) et 0,72 (< 0,001)). Dans une étude regroupant six essais de chimiothérapie de première ligne, étalés sur une période de 10 ans, Gennari (9) ne retrouvait pas d’amélioration significative de la survie selon la période traitement. Globalement, on peut estimer que des progrès significatifs ont été réalisés dans le sens d’un allongement de la survie, mais il est modeste et le cancer du sein avec métastase reste encore une maladie fatale.
Fig. 2 – Évolution de la survie des métastases selon la date de découverte.
Conclusion Des données cliniques et biologiques simples permettent de préciser le pronostic des cancers du sein métastasés : localisation de la métastase, délai de rechute, récepteurs hormonaux (RE ou RP) et grade histologique. En pratique, ces facteurs seront utilisés soit comme marqueur d’un risque de décès précoce, ce qui justifie un traitement rapidement efficace, soit comme facteurs prédictifs de réponse au traitement. Les marqueurs de risque de décès précoce sont la localisation de la métastase, le grade et l’intervalle libre. Les facteurs prédictifs de réponse sont les récepteurs hormonaux, les données sur les traitements adjuvants et l’intervalle libre.
Histoire naturelle des métastases des cancers du sein… 11
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Le phénomène métastatique. Paramètres pronostiques et prédictifs. Intérêt éventuel des signatures moléculaires F. Penault-Llorca
Introduction La prédiction du risque métastatique dans le cancer du sein se base sur des paramètres non spécifiques comme les éléments classiques du pronostic : TNM, grade, type histopathologique, âge, emboles et statut des récepteurs hormonaux et de HER2. Le cancer est une maladie génétiquement programmée : accumulation de mutations conférant à la cellule tumorale une capacité à proliférer et à survivre dans un environnement spécifique. Au décours du processus précoce de cancérisation, les cellules subissent une accumulation d’aberrations génétiques comme les duplications, délétions et translocations (1). Le cancer du sein avec mutations héréditaires BRCA1 et BRCA2 en est un exemple : ces tumeurs présentent des particularités morphologiques et évolutives par rapport aux cancers du sein sporadiques, avec notamment une mutation du gène TP53 (2). Depuis les années 2000, de nombreuses équipes ont contribué à décrypter le génome des cancers du sein et permis de caractériser différents profils génétiques. Le but de ces techniques de « profiling » génomique est, d’une part, de mieux définir le risque de rechute (signature génomique pronostique de la rechute) en fonction de l’expression par la tumeur primitive de certains gènes, afin de faire bénéficier de façon plus sélective les patientes à risque génomique élevé de rechute d’un traitement adjuvant plus approprié (3). D’autre part, le « profiling » génomique de la tumeur peut aussi être utile sur le plan de sa réponse au traitement (signature génomique prédictive de la réponse) (3). Il existe également des marqueurs plus spécifiques du risque métastatique (signature des métastases pulmonaires ou marqueurs du risque osseux par exemple).
14 Cancer du sein en situation métastatique Le profil génomique prédictif de la rechute pourrait donc permettre de mieux cibler les patientes nécessitant : 1) une chimiothérapie adjuvante et d’épargner certaines patientes que les facteurs prédictifs/pronostiques classiques auraient désignées, 2) au sein des patientes avec tumeurs récepteurs hormonaux (RH) positifs, cibler celles qui seraient le plus à risque de rechute malgré une hormonothérapie adjuvante à base d’antiestrogènes (4, 5).
Mécanismes mécaniques et biologiques qui conduisent à la diffusion métastatique Afin de comprendre au mieux les éléments pronostiques et prédictifs du risque métastatique, il est important de comprendre les mécanismes mécaniques et biologiques qui conduisent à la diffusion métastatique. Après une phase locale, les métastases (du grec « metastasis » : déplacement) font toute la gravité de la maladie cancéreuse. Les métastases sont des foyers cancéreux secondaires, développés à distance de la tumeur primitive, et dont la croissance est autonome, indépendante de celle de la tumeur primitive. Le moment d’apparition des métastases dans l’histoire naturelle d’un cancer est variable : – elles peuvent être révélatrices d’une tumeur primitive jusque là asymptomatique et donc méconnue ; – elles peuvent être contemporaines de la tumeur primitive et sont découvertes, soit lors du bilan d’extension, soit parce qu’elles entraînent des symptômes cliniques ; – elles peuvent survenir au cours de l’évolution d’un cancer traité parfois très tardivement alors que la tumeur primitive est éradiquée par la thérapeutique (plus de 10 ans parfois, notamment pour certains cancers du sein). Une très faible proportion des cellules tumorales circulantes est capable de former une métastase : moins d’une sur 10 000 cellules tumorales qui quittent la tumeur primitive échappe au système de défense de l’organisme et fonde une nouvelle tumeur. Du fait de leur hétérogénéité génétique et phénotypique, les diverses cellules cancéreuses d’une même tumeur ont des capacités métastatiques variables : l’histoire naturelle d’un cancer comporte une sélection positive de sous-clones cellulaires à capacité métastasiante. Que ce soit par voie sanguine ou lymphatique, les cellules cancéreuses qui quittent le foyer tumoral initial doivent franchir des étapes successives : chaque étape représente un obstacle que seul un petit nombre de cellules cancéreuses ayant réussi à s’adapter à un nouvel environnement réussiront à franchir. Ces différentes étapes sont les suivantes. – Le détachement cellulaire et l’invasion de la matrice extracellulaire, qui est une étape limitante qui met en jeu les molécules d’adhésion (perte de l’ancrage cellulaire), les protéases extracellulaires (dégradation de la matrice extracellulaire), et des facteurs de mobilité ; l’environnement joue un rôle majeur : stroma réaction et mise en place de l’angiogenèse, prérequis indispensable à la progression tumorale.
Le phénomène métastatique. Paramètres pronostiques et prédictifs. 15 – L’intravasation est le passage dans la circulation ; il s’agit du passage dans le courant sanguin ou lymphatique ; il se fait soit au sein de la tumeur dans les petits vaisseaux induits par l’angiogenèse, qui sont très perméables, soit en périphérie de la tumeur dans les petits vaisseaux lymphatiques. – La survie dans la circulation : dans la circulation, les cellules cancéreuse ne prolifèrent pas. Elles doivent résister à des agressions mécaniques : pression sanguine, élongation et friction dans les capillaires. Elles ont tendance à s’agréger pour résister aux agressions (emboles néoplasiques). De plus, les cellules cancéreuses sont en contact avec les cellules circulantes du système immunitaire (natural killer, lymphocytes T cytotoxiques) qui lysent une grande partie d’entre elles. L’agrégation plaquettaire parfois induite au contact des cellules tumorales pourrait les protéger des agressions mécaniques, les isoler des cellules cytotoxiques et favoriser leur adhésion aux parois vasculaires. Des agrégats de cellules tumorales se bloquent dans les petits capillaires réalisant des microthromboses. Des microthromboses multiples peuvent entraîner des troubles de coagulation (coagulation intravasculaire disséminée). Ces agrégats peuvent aussi s’arrêter dans les ganglions lymphatiques en aval. – L’extravasation : les mécanismes impliqués semblent proches de ceux mis en jeu lors de l’extravasation des leucocytes dans les sites inflammatoires : - contact adhésif entre des motifs de la cellule cancéreuse reconnue par la E-sélectine des cellules endothéliales (roulement) ; - deuxième contact adhésif entre intégrine et son ligand endothélial qui immobilise la cellule ; d’autres interactions cellulaires peuvent intervenir ; - la cellule tumorale provoque la rétraction des cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux, découvrant ainsi les protéines de la membrane basale. Elle se fixe ensuite à la membrane basale par l’intermédiaire de récepteurs. Puis ses enzymes dégradent les protéines et perforent la membrane basale. Des protubérances tentaculaires s’infiltrent dans la zone endommagée et la cellule tumorale s’introduit dans cet orifice tout en continuant de produire des enzymes qui lui permettent d’atteindre les couches de la matrice extracellulaire situées sous la couche basale et de pénétrer dans le tissu sous-jacent. Ces étapes d’intravasation, de circulation et d’extravasation sont peu limitantes. – La survie et la prolifération dans un site étranger. L’invasion est un phénomène actif complexe par lequel les cellules tumorales qui ont quitté la circulation sanguine envahissent les tissus. C’est une étape limitante et peu de cellules y parviennent. Un écosystème favorable est indispensable à leur survie et à leur prolifération : - nécessité de molécules d’adhésion leur permettant de s’ancrer dans le tissu ; - nécessité de facteurs de croissance sécrétés par le milieu ; - nécessité d’échapper à la réponse immunitaire antitumorale du nouveau site colonisé ; - nécessité d’une néovascularisation pour les amas de plus de 5 mm.
16 Cancer du sein en situation métastatique À ce stade, la majorité des cellules cancéreuses meurent par apoptose, certaines restent en dormance (pas de prolifération, pas d’apoptose) ou donnent des micrométastases indétectables (équilibre entre prolifération et apoptose). Seule une minorité de cellules donnera naissance à des métastases actives détectables. Comme au sein de la tumeur primitive, la stroma-réaction et l’angiogenèse vont pouvoir jouer leur rôle. Des cellules tumorales pourront à leur tour s’échapper et former ailleurs de nouvelles métastases.
Caractères généraux du phénomène métastatique dans le cancer du sein La fréquence des métastases varie selon les individus et le type de prolifération. Leur délai d’apparition est également très variable. Différents mécanismes sont proposés pour expliquer ces différences. Les gènes impliqués dans les différents mécanismes décrits précédemment et ci-dessous sont retrouvés dans les différentes signatures pronostiques dans le cancer du sein. – Mécanismes génétiques : la capacité d’une tumeur à faire des métastases est un caractère secondairement acquis par mutation et/ou réarrangement chromosomique. – Mécanismes immunologiques : les défenses cellulaires antitumorales sont assurées essentiellement par : - les lymphocytes T cytotoxiques CD8 : ils interviennent en réponse à des Ag de surface reconnus comme étrangers (Ag spécifiques de certaines tumeurs, Ag viraux, molécules du CMH modifiées) présentés en association avec les molécules de classe I du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) ; - les lymphocytes (NK) responsables d’une cytotoxicité directe non restreinte par le CMH ; - les mécanismes d’échappement de la réponse immunitaire antitumorale sont nombreux, dont par exemple : la diminution de l’expression des molécules de classe I du CMH, qui limite la reconnaissance par les lymphocytes T cytotoxiques CD8 et la sécrétion de cytokines immunosuppressives par la tumeur elle-même : TGFβ (transforming growth factor). – Autres mécanismes de sélection : pertes cellulaires dues à : - une maturation, différenciation ; - une mort cellulaire (nécrose par hypoxie ou apoptose) ; - un arrêt de prolifération (passage en phase G0).
Différentes voies de migration La migration de cellules tumorales à distance du foyer primitif peut se faire par plusieurs voies dont l’importance relative dépend beaucoup du type tumoral. Le mode de dissémination métastatique le plus important d’une tumeur est la diffusion mécanistique. Un carcinome mammaire commencera par donner des métastases
Le phénomène métastatique. Paramètres pronostiques et prédictifs. 17 ganglionnaires avant de diffuser au niveau viscéral car cela correspond au drainage naturel. Les cellules tumorales sont déversées dans la circulation générale ou la circulation lymphatique puis trouvent un filtre et s’y arrêtent. Il s’agit donc du mode majeur de dissémination métastatique puisque le foie et le poumon restent les sites métastatiques préférentiels. Pour les cancers du sein, la voie la plus fréquente est la diffusion par voie lymphatique mais aussi par voie sanguine (cave supérieure) avec diffusion préférentielle aux poumons puis foie et cerveau. Toutefois, la localisation des métastases dépend également d’autres facteurs que le flux sanguins. En effet, un autre site métastatique préférentiel des cancers du sein est l’os. Parmi les autres facteurs impliqués, notons l’importance de l’adressage (homing) dû à l’expression par les cellules tumorales de molécules d’adhérence qui leur permettent de se localiser spécifiquement dans certains tissus. Il est également probable que le micro-environnement spécifique à chaque tissu est plus ou moins favorable à la croissance des cellules tumorales. Ces affinités reposent au moins en partie sur les interactions de chimiokines et de leurs récepteurs. Cette affinité s’exprime par l’existence de récepteurs, exprimés par les cellules cancéreuses, tels que CXCR4 and CCR7, à des chémokines dont la sécrétion est élective au niveau des sites métastatiques (6).
Identification des sous-catégories de cancer du sein : cancer du sein basal-like, luminal-épithélial A et B, HER2 + et normal-like C’est Pérou qui a proposé la première classification des portraits moléculaires du cancer du sein dans sa publication princeps de Nature en 2000 (7). Quatre grands portraits da cancer du sein invasif y sont décrits : type luminal, normal, HER-2 et « basal-like » (8, 9).
Profil luminal Il concerne les patientes présentant une réceptivité hormonale importante et exprimant les cytokératines luminales 8, 18 et 19 et le gène GATA 3. Ce profil comprend deux catégories A et B. Le récepteur aux estrogènes alpha est moins exprimé dans la classe luminal B qui présente par ailleurs une plus forte prolifération et des amplifications ou mutations de certains gènes comme HER-2 ou p 53. Ainsi, les tumeurs luminales A sont des tumeurs hormonosensibles pures et bénéficient de monothérapie antihormonale. Les luminales B devraient bénéficier en plus de l’introduction de la chimiothérapie.
18 Cancer du sein en situation métastatique
Profil HER2 Les études de Pérou et Sorlie classent les tumeurs HER2+ en différentes catégories selon la réceptivité hormonale. Dans le groupe HER2 « enrichi », les tumeurs n’expriment pas les récepteurs hormonaux. Le profil des amplifications des gènes de la topo-isomérase deux alpha et du c-myc complète cette catégorisation.
Profil basal Une tumeur mammaire de profil basal est une tumeur n’exprimant ni les récepteurs hormonaux (RE et RP) ni HER2 (triple négative) mais exprimant une partie des marqueurs « basaux » soit des cytokératines 5/6, 17, 14, EGFR, c-kit, la moesin, caveolin, NGFR/p75. Elles sont en général mutées pour p53. Cette classe serait de mauvais pronostic, ne pouvant bénéficier des thérapeutiques ciblées classiques, mais serait sensible aux taxanes et pourrait bénéficier de thérapeutiques ciblant EGFR et l’angiogenèse.
Stabilité Les différents profils de tumeurs mammaires apparaissent dès le stade des carcinomes in situ et sont retrouvés dans les tumeurs infracliniques. Cette classification des tumeurs mammaires est stable dans le temps et se retrouve également dans les métastases. Il s’agit donc d’un phénomène biologique fort, significatif et stable.
Signature pronostique à 70 gènes ou MammaPrint® Cette approche multigénomique utilise la technique des micro-arrays à partir de coupes sur tissu tumoral frais ou congelé. Développée par l’équipe hollandaise de MJ van de Vijver et al., cette technique fait appel à l’isolement d’ARN tumoral, au marquage de l’ARN complémentaire (ARNc), à l’hybridation de cet ARNc à « une puce à ADN » (micro-arrays) de 25 000 gènes (10). Une première sélection de 5 000 gènes a tout d’abord été réalisée. Parmi ces 5 000 gènes candidats, 231 ont été sélectionnés pour leur association significative avec la survenue des métastases : 70 gènes ont finalement été retenus grâce à un procédé analytique permettant de différencier une signature de bon et mauvais profils génomiques. Le MammaPrint® est le test diagnostique génomique issu du développement de la signature pronostique à 70 gènes. Les 70 gènes de cette signature sont principalement ciblés sur ceux de la prolifération ainsi que sur des gènes additionnels impliqués dans l’invasion, le processus métastatique, l’intégrité du stroma et l’angiogenèse (9). La première validation de cet outil diagnostique a d’abord été réalisée sur une cohorte de 295 patientes dont une série de 151 patientes N- au diagnostic : la probabilité de rester sans métastases pour chaque patiente a été calculée en fonction du profil génomique et comparée à l’évolution publiée des données (8-10).
Le phénomène métastatique. Paramètres pronostiques et prédictifs. 19 La valeur pronostique de MammaPrint® a été réévaluée par un groupe indépendant, le TRANSBIG Consortium (11). Sur une population indépendante de 307 patientes avec cancer du sein N- ? issues de 5 centres européens dont deux en France (CAC de Saint-Cloud et Institut Gustave Roussy), avec un suivi médian de 13,6 ans, 137 rechutes ont été observées. Les deux groupes de risque faible et élevé de rechute ont été déterminés selon : 1) leur signature génomique par MammaPrint® et 2) les critères de risque anatomocliniques classiques incluant les critères de St Gallen et index de Nottingham. Pour être intégrées dans le groupe de bas risque selon leur profil génomique, les patientes devaient avoir une probabilité de survie sans métastase à distance à 5 ans, supérieure à 90 %. Pour le groupe de faible risque anatomoclinique, l’estimation par le logiciel Adjuvant Online, de la probabilité de survie à 10 ans devait être > 88 % pour les tumeurs RE+ ou > 92 % pour les RE-. Les HR ont été estimés afin de comparer le délai jusqu’à apparition des métastases, la survie sans rechute et la SG dans les groupes à faible vs haut risque. La signature génomique à 70 gènes s’est avérée plus performante que l’évaluation du risque selon les critères anatomocliniques classiques sur tous les paramètres : HR de 2,32 (IC 95 % 1,35-4) sans ajustement/HR selon Adjuvant Online de 1,68 (IC 95% ; 0,92-3,07). L’analyse des données de survie à 10 ans montre que pour les patientes du groupe de signature génomique à haut risque, la SG à 10 ans est de 0,69, que les patientes soient dans un groupe de risque clinique faible ou élevé. Pour les patientes dans le groupe de risque génomique faible, la SG à 10 ans est de 0,88 et 0,89 respectivement pour ces deux groupes cliniques. Le MammaPrint® présente donc une valeur pronostique supplémentaire par rapport à l’estimation classique du risque de métastases. Actuellement, ce test MammaPrint® est évalué dans l’essai MINDACT (9, 12).
Score de rechute à 21 gènes - Oncotype DX® L’équipe de Paik a utilisé une approche différente basée sur une technique de RTPCR à partir de tissu tumoral fixé en paraffine (13). Un set de 250 gènes candidats a été sélectionné à partir de la littérature, de base de données de gènes et de résultats obtenus sur du tissu tumoral frais : ce set a ensuite été confronté aux données cliniques de patientes issues de l’essai du NSABP-20 (groupe traité par le tamoxifène), afin de tester la relation entre l’expression génique et la rechute du cancer du sein. Enfin, 16 gènes corrélés à la rechute et 5 gènes de référence ont été retenus. Le niveau d’expression génique a été utilisé pour bâtir un algorithme informatisé : un score de rechute a ainsi été créé. Contrairement au MammaPrint®, la technique utilisée par l’Oncotype DX® se pratique sur des fragments d’ARN extraits de tumeurs fixées en paraffine, matériel beaucoup plus fréquemment disponible que le tissu tumoral frais ou congelé. Les cohortes initiales de patientes sur lesquelles le score de rechute de l’Oncotype DX® a été déterminé et validé sont celles des patientes N-/RE+, traitées par tamoxifène dans les essais NSABP B-14 (n = 675, test réalisé avec succès sur 668 parmi les 2 617 de l’essai) et NSABP-20 (13-15).
20 Cancer du sein en situation métastatique À partir de l’expression de ces 21 gènes, un score de rechute variant de 0 à 100 est calculé : il permet de classer les patientes en faible risque de rechute (score < 18), risque intermédiaire (score * 18 < 30) et à haut risque (* 31). Sur la cohorte des patientes de l’essai NSABP-14, le taux de estimé par méthode de Kaplan-Meier de métastases à distance à 10 ans en fonction de ces trois groupes de risque a été de 6,8 % dans le groupe de faible risque de rechute, 14,3 % dans le groupe intermédiaire et 30,5 % dans celui de risque élevé (p < 0,001). Une étude prospective débutée en mai 2006 aux États-Unis et au Canada est en cours (essai TAILORx) (9).
Grade moléculaire MapQuant Dx® (16) Plus de la moitié des carcinomes mammaires sont de grade II SBR. Comme toutes les catégories intermédiaires dans des systèmes de grading ou de classification à trois classes, la catégorie du milieu, le grade II, reste la plus délicate, d’une part, à diagnostiquer correctement (la reproductibilité y est la plus faible), et d’autre part, à prendre en charge (risque de sur ou de sous traitement). Ledoussal et al. avaient, en 1989, proposé de stratifier les grades II en forts ou faibles par l’addition du grade mSBR (m pour « modifié ») (17). Il s’agissait de grader les tumeurs en utilisant les deux derniers paramètres du grade soit l’anisocaryose et l’index mitotique. Les grades II se rangeaient alors dans deux catégories pronostiques différentes. Certaines équipes et certains référentiels ont utilisé cette information pour la prise en charge des tumeurs de grade II chez des femmes sans envahissement ganglionnaire. Sotiriou et son groupe ont repris cette hypothèse en réalisant une approche moléculaire du grade II (16). Cette signature comprend principalement des gènes de prolifération et elle sépare les grades II en bas ou hauts grades. Les tumeurs mammaires se retrouvent ainsi classées en deux catégories. Elle est commercialisée et indiquée pour les tumeurs de grade II avec réceptivité hormonale (pour les tumeurs sans réceptivité hormonales de grade II, une chimiothérapie est en général indiquée). Il serait très intéressant d’avoir, dans les différentes études qui ont montré l’intérêt du grade moléculaire, ce que donne l’analyse histopathologique et en particulier le mSBR et la prolifération évaluée par le compte des mitoses et le Ki67. Données qui ne sont malheureusement pas disponibles ! Cette approche du grade moléculaire nous permet, en fait, de revisiter la prolifération comme paramètre pronostique et prédictif majeur dans les carcinomes mammaires (18). Reste à savoir si les données de l’examen histopathologique bien exploitées ne donneraient pas les mêmes résultats.
Signature « mort par cancer » (19) Cette signature a été testée dans 11 types de tumeurs (1 153 patientes dont 97 tumeurs du sein issues de la série initiale de la signature d’Amsterdam (10)). Elle est constamment associée à un mauvais pronostic, associée à une résistance intrinsèque aux thérapeutiques classiques. Elle est très stable au cours de l’évolution (retrouvée
Le phénomène métastatique. Paramètres pronostiques et prédictifs. 21 dans la tumeur et les métastases). On observe une expression élevée concomitante de certains gènes régulant l’apoptose (Survivin et XIAP) ; l’activation de protéines impliquées dans le contrôle des mitoses (BUB1, BUB3, KNTC2, Mad2, PLK1, PLK4, STK6/Aurora A) et des taux élevés de marqueurs et régulateurs du cycles cellulaires (CCNB1, CCNB2, CCND1, CCNA2, CDC2, CDC25, Ki67, USP22). Cette signature implique en outre le gène Bmi-1, régulant le potentiel d’auto renouvellement des cellules hématopoïétiques et des cellules souches nerveuses. Ce qui lui confère la mise en évidence de tumeurs avec une expression proche du phénotype « cellule souche ». Cette signature n’est pas utilisée en pratique clinique.
Conclusion L’approche du profil génomique dans la prédiction du risque de rechute du cancer du sein est en passe de devenir un outil indispensable à une prise en charge optimisée car individualisée en situation adjuvante. Les différentes techniques permettant d’identifier un profil ou une signature génomique associée à un niveau de risque de rechute font appel à des procédures utilisant soit du tissu tumoral frais ou congelé, soit des prélèvements fixés en paraffine. Bien que leurs avantages/inconvénients et limites d’utilisation ne soient pas encore complètement évalués, il n’en demeure pas moins qu’ils feront partie des moyens spécifiques à utiliser très bientôt pour ne faire bénéficier d’une chimiothérapie en particulier que les patientes à haut risque génomique de rechute et identifier les patientes pouvant bénéficier de traitements adaptés à la biologie de leurs tumeurs.
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Que sait-on des modifications phénotypiques et génotypiques entre tumeur primitive et métastase(s) des cancers du sein ? B. Sigal-Zafrani, P. Cottu et P. de Cremoux
Introduction Le traitement des patientes au stade métastatique d’un cancer du sein est actuellement fondé sur les caractéristiques phénotypiques de la tumeur initiale. Sachant que les tumeurs primaires de même que les métastases sont très hétérogènes au plan morphologique, phénotypique et génotypique, se pose la question du bien-fondé de cette attitude. En outre, l’hypothèse d’une évolution phénotypique du stade initial à la maladie métastatique liée à l’introduction dès le stade initial de la maladie des nouveaux traitements utilisant des molécules ciblées, ne doit pas être écartée. Ainsi, des modifications phénotypiques pourraient être responsables de l’échec thérapeutique. La question qui mérite d’être posée est la suivante : a-t-on les bonnes cibles du traitement ? Cette question est d’autant plus cruciale que le coût des traitements a décuplé.
Variations phénotypiques tumeur primaire et métastase(s) Les variations individuelles des marqueurs biologiques au cours de l’évolution tumorale sont peu documentées, principalement en raison de la difficulté à biopsier les sites métastatiques. Les séries publiées sont rétrospectives, hétérogènes et elles concernent un nombre limité de cas. Elles analysent principalement le statut HER2 ; peu d’études se sont intéressées aux récepteurs hormonaux.
24 Cancer du sein en situation métastatique
HER2 Trois types de données ont été rapportés : des données concernant tumeur primaire et ganglion axillaire homolatéral, des données concernant tumeur primaire et métastase(s) asynchrone(s) et quelques données concernant tumeur primaire et cellules tumorales disséminées (DTC et CTC). Les études comparant tumeur primaire et ganglion axillaire homolatéral portent sur des séries inégales (44-370 patientes) (1-4). Elles montrent une relative stabilité du statut HER2 puisque le taux de concordance entre le statut HER2 de la tumeur primaire et celui du ganglion axillaire homolatéral varie de 85 à 98 %. Les séries rapportant les résultats de comparaison tumeur primaire et métastase à distance asynchrone portent également sur des séries inégales (30-107 patientes) (5-10) dont une série autopsique (11). Elles montrent soit une modification phénotypique entre la tumeur primitive et sa métastase, soit au contraire des phénotypes hautement corrélés, avec un taux de concordance variant de 82 à 100 %. Les sites métastatiques étudiés sont très divers (os, foie, poumon, tissus mous, tractus gastro-intestinal, ovaire, cerveau, etc.) L’équipe du centre Jules Bordet (6) rapporte par ailleurs des discordances phénotypiques entre différents sites métastatiques d’une même patiente dans 19 % des cas. Dans les séries étudiées, il n’est pas toujours mentionné si les patientes ont reçu de la chimiothérapie à la phase initiale de leur maladie et seules deux études rapportent une stabilité du phénotype HER2 au cours du temps pour les patientes ayant reçu de la chimiothérapie néo-adjuvante ou adjuvante (7, 12). L’ensemble de ces résultats doit être interprété avec prudence car les techniques utilisées (IHC et FISH) sont disparates et surtout le seuil de positivité utilisé est extrêmement hétérogène, que ce soit pour l’étude immunohistochimique ou pour la FISH. Enfin, les séries qui ont été rapportées concernent des patientes traitées avant 2007. Aucune de ces séries ne permet de répondre à la question d’une modification phénotypique qui pourrait être induite par le traitement préalable par trastuzumab. Enfin, si le phénomène d’amplification observé au niveau des tumeurs est un phénomène homogène dans la majorité des cas (6), quelques cas d’hétérogénéité intratumorale ont été rapportés (13, 14) démontrant l’importance de la caractérisation initiale et au cours de(s) la(les) rechute(s). Les nouvelles techniques d’étude du processus métastatique développées depuis une dizaine d’années avec la détection et l’étude des CTC dans le sang et la détection et l’étude des DTC dans la moelle osseuse permettent d’avoir une approche des différentes étapes du processus métastatique. Les données concernant l’évolution phénotypique des tumeurs au stade précoce de dissémination sont préliminaires car portant sur un nombre réduit de cas (24-137 patientes). Deux études portant sur les DTC médullaires montrent des résultats contradictoires avec une variation phénotypique du statut HER2 dans 62 et 90 % des cas (15, 16). Une étude portant sur les CTC (17) montre une stabilité du phénotype HER2 positif dans 97 % des cas. Toutefois, cette étude montre aussi que l’amplification d’HER2 pourrait être acquise au cours de la progression tumorale puisque 37 % des patientes avec des
Que sait-on des modifications phénotypiques et génotypiques… 25 tumeurs initialement HER2 négatives avaient une amplification au niveau des CTC. Ces données devraient être confirmées dans des études prospectives.
Récepteurs hormonaux Les données comparant l’expression des récepteurs hormonaux entre tumeur primitive et métastase(s) sont peu documentées. Les taux de discordance seraient de l’ordre de 20 à 39 %. L’étude la plus importante, portant sur 200 patientes (18), montre une discordance dans l’expression de PgR chez 39 % des patientes et une discordance d’expression de ER chez 30 % des patientes. Dans près de deux tiers de ces cas discordants, le statut ER initial était positif et le statut métastatique négatif et dans un tiers des cas le statut ER initial était négatif et le statut métastatique positif. L’une des hypothèses permettant d’expliquer cette modification phénotypique serait celle d’une sélection de clones résistants par l’administration de traitements antihormonaux adjuvants.
Variations génotypiques de la tumeur primitive et des métastase(s) Aucune étude importante de comparaison globale des marqueurs moléculaires entre carcinome primitif et sites métastatiques n’a encore été effectuée, et il y a controverse quant à savoir si la progression phénotypique est associée à la progression moléculaire (19). Steeg et Theodorescu (20) ont revu extensivement les données génomiques existantes dans la plupart des tumeurs solides, en particulier les données de génomiques acquises en CGH. Ces études concluent globalement à une stabilité entre tumeur primitive et métastases, mais au prix de différences parfois significatives sur le plan du processus métastatique. Il existe des différences d’expression des gènes qui contrôlent les métastases (MTA-1, NCAML1, etc.), la matrice extracellulaire (fibronectine, collagène, etc.), la dynamique des microtubules (stathmine), ou encore des enzymes du métabolisme des drogues (DPD, TS, etc.). Dans l’exemple du cancer colique, il a été montré que le développement de métastases hépatiques est associé à des gains et pertes chromosomiques dans près de 15 % des cas étudiés. Dans le cancer du sein, quelques études ont montré que les couples appariées tumeurs primitives-métastases avaient des profils génétiques similaires, suggérant peu de variation du profil d’expression génique (21, 22). En revanche, d’autres séries utilisant la même technologie ont montré que les métastases du cancer du sein (ou les ganglions axillaires) sont moléculairement distinctes de leurs tumeurs primaires (19, 23). Dans cette dernière étude, la signature métastatique, calculée à l’aide 126 probesets, a identifié quatre gènes épithéliaux (SerpinB5, MMP7, APOD et LTF) qui pourraient séparer à la fois les tumeurs primaires de leurs métastases ganglionnaires et les tumeurs primaires de leurs métastases à distance avec une précision de 70-80 % (19). En outre, la régulation négative de SFRP2, POSTN et
26 Cancer du sein en situation métastatique FN1, trois gènes de fibroblastes, a été observée, mais les auteurs ont émis l’hypothèse que cela pourrait refléter le manque de réactivité des fibroblastes dans l’organe métastatique. Deux autres signatures métastatiques ont été décrites : l’une avec 79 gènes (24) et l’autre avec 155 gènes (25). Dans ces deux signatures, l’origine cellulaire des gènes n’a pas été rapportée. Le gène commun trouvé dans les trois signatures est MMP7, dont la fonction dans le processus métastatique est connue. Des études complémentaires sont nécessaires pour établir si les signatures métastatiques sont identiques. En utilisant une autre approche technologique, Wu et al. (26) ont analysé la méthylation de l’ADN de sept promoteurs de gènes et ont montré une fréquence globale similaire de la méthylation du promoteur multigénique de RASSF1A, HIN1, cycline D2, Twist, récepteur aux estrogènes, APC1 et RAR dans les dix cas étudiés de tumeurs primitives- métastases multiples, mais l’intensité de la méthylation était souvent plus élevée dans les métastases.
Conclusion Les différences existant entre tumeur primitive et métastases génèrent deux types de questions : – quels sont les gènes et/ou voies impliqués sur le plan mécanistique dans la progression tumorale ? – ces distinctions induisent-elles une différence dans la réponse aux traitements ? Elles soulèvent la question du bien-fondé de la stratégie thérapeutique actuelle des cancers du sein métastatiques, basée sur le phénotype de la tumeur primitive. Compte tenu de la large pharmacopée anticancéreuse, du caractère fréquent et parfois durable des effets secondaires indésirables, et de leur coût élevé, il paraît essentiel en 2010 de traiter de façon appropriée (ciblée) la maladie métastatique. Les progrès de l’imagerie diagnostique et interventionnelle, couplés à ceux des techniques biologiques, devraient permettre d’évaluer à partir de prélèvements de métastases le phénotype de la tumeur, base sur laquelle s’appuie la prise en charge clinique des patientes. Par ailleurs, la caractérisation phénotypique des CTC pourrait être utilisée comme « surrogate » biologique des masses tumorales métastatiques, permettant ainsi d’éviter le recours à des biopsies systématiques, mais ceci reste à démontrer. L’étude prospective ESOPE « Evolution phénotypique et génotypique des cancers du sein au cours du processus métastatique et optimisation du ciblage thérapeutique » financée par l’AO PHRC 2009 devrait permettre la caractérisation prospective des sites métastatiques à l’échelle individuelle et contribuer au développement rationnel de nouvelles thérapies ciblées. L’objectif final, au-delà de l’aspect purement cognitif, est de contribuer à la détermination des éléments devant nous permettre de dépasser le paradoxe qui consiste à traiter une métastase d’après sa tumeur primitive, et de ne pas s’attaquer au processus métastatique lui-même à la phase précoce.
Que sait-on des modifications phénotypiques et génotypiques… 27
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Bilan d’extension nécessaire après découverte d’une métastase d’un cancer du sein P. Taourel et C. Cyteval
Introduction Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme dans les pays développés avec 50 000 nouveaux cas par an en France et environ 10 000 morts chaque année. La très grande majorité des décès en rapport avec un cancer du sein est due à des métastases, en particulier osseuses, pulmonaires, hépatiques et cérébrales. Le processus métastatique est un processus complexe comprenant l’invasion de cellules tumorales à travers la membrane basale, leur passage dans le système vasculaire, la survie de ces cellules tumorales dans la circulation sanguine, la colonisation de la paroi vasculaire et l’extravasation des cellules tumorales dans les organes cibles, et enfin la croissance tumorale au sein des organes cibles pour former une métastase (1). L’objectif de cette mise au point est de rappeler l’épidémiologie et la fréquence des métastases dans les différents organes cibles, de décrire la séméiologie en imagerie des métastases du cancer du sein, et de proposer des stratégies diagnostiques pour le diagnostic et le bilan des métastases.
Épidémiologie des métastases d’un cancer du sein Les métastases d’un cancer du sein sont plus fréquentes dans les grosses tumeurs, dans les tumeurs de grade III (2), et chez les femmes jeunes. Cependant, il existe un certain nombre de critères biologiques intrinsèques à la tumeur expliquant la survenue possible de métastases même dans des cancers du sein invasifs de taille infracentimétrique. Les métastases de cancer du sein siègent de façon préférentielle au niveau de l’os, du foie, du poumon et du cerveau. La fréquence exacte des métastases de cancers du sein est difficile à évaluer car elle dépend d’une part du stade du cancer et, d’autre part, du mode de recherche de la métastase avec, par exemple une proportion élevée de métastases dans les séries autopsiques qui ne répertorient, le plus souvent, que des patientes décédées
30 Cancer du sein en situation métastatique d’atteintes néoplasiques. Cela explique, par exemple, le taux atteignant 20 % de métastases ovariennes de cancer du sein classiquement rapportées dans la littérature (3). De façon plus fiable, peuvent être évaluées les fréquences relatives des métastases de cancer du sein. Dans une série incluant 784 patients présentant des cancers du sein dits avancés, il a été retrouvé un taux de métastases osseuses de 48 %, de métastases hépatiques de 30 %, de métastases pulmonaires de 26 %, de métastases cérébrales de 7 % et de métastases pleurales de 7 %. Chez ces patientes présentant un cancer du sein avancé, les deux tiers présentaient une métastase ganglionnaire (4). Les cancers du sein présentent classiquement des métastases dans environ 15 à 20 % des cas, au moment du diagnostic et, chez environ 60 % des patientes au moment de l’autopsie (1). Les métastases cérébrales sont en augmentation chez les patientes sous Herceptin® car cette chimiothérapie ne franchit pas la barrière hématoméningée. Un certain nombre de métastases plus rares sont classiques dans les cancers du sein. Il s’agit, d’une part, des métastases ovariennes, près d’un tiers des métastases ovariennes sont d’origine mammaire, et d’autre part des métastases choroïdiennes. Les métastases aux autres organes tels que le rein, la rate ou l’utérus, sont relativement rares.
Sémiologie des métastases en imagerie Métastases osseuses L’os constitue donc le site métastatique le plus fréquent et représente le premier site métastatique chez près de la moitié des patientes (5). Les signes cliniques des métastases osseuses sont les douleurs osseuses, les fractures pathologiques, l’hypercalcémie et ses signes fonctionnels, et les signes de compression médullaire. Les métastases osseuses siègent préférentiellement là où existe de la moelle hématopoïétique, c’est-à-dire au niveau du squelette axial et affectent en première intention le rachis pour le cancer du sein. Les métastases osseuses du cancer du sein sont le plus souvent ostéolytiques ou mixtes, plus rarement ostéocondensantes. Elles sont plus souvent multiples qu’uniques. La scintigraphie osseuse constitue l’examen le plus souvent employé dans la détection des métastases osseuses. La fixation scintigraphique dépend de l’activité ostéoblastique locale en première intention et du flux sanguin local. La scintigraphie est sensible pour détecter les métastases osseuses du cancer du sein. Les faux négatifs sont assez rares, rencontrés dans les métastases ostéolytiques pures, de croissance rapide ou lorsque le site métastatique est avasculaire (nécrose). En revanche, la spécificité est moyenne avec des faux positifs en rapport avec des processus traumatiques ou inflammatoires. Il est classiquement admis que même chez une patiente présentant un cancer ostéophile, environ un tiers des fixations sont bénignes et ce taux est encore plus élevé si l’hyperfixation est costale et isolée.
Bilan d’extension nécessaire après découverte d’une métastase… 31 En dehors des faux négatifs relativement rares et des faux positifs plus fréquents, la scintigraphie osseuse rencontre d’autres problèmes. Le suivi de la réponse tumorale est difficile en particulier dans les premiers mois puisque la réponse tumorale s’accompagne d’une augmentation de la fixation en scintigraphie du fait de la néoformation osseuse formée par le processus de réparation. Aussi, la différenciation entre un phénomène de réparation et une aggravation des lésions est difficile pendant les 6 mois qui suivent la fin du traitement. En radiologie conventionnelle, les lésions osseuses secondaires dans le cancer du sein sont de type ostéolytique ou mixte plus souvent que condensant. Les lésions ostéolytiques sont bien limitées ou bien présentent un aspect mité ou perméatif, elles sont plus souvent de siège intramédullaire mais peuvent être de siège intracortical, se traduisant par une ostéolyse corticale excentrée, ou par une destruction complète de la corticale. Les lésions mixtes s’accompagnent souvent d’une réaction périphérique condensante. Les métastases rachidiennes se traduisent par une disparition d’un contour cortical et par un tassement vertébral. Les disques intervertébraux sont classiquement épargnés par ces métastases. Tout tassement situé au-dessus de D4 en dehors d’un contexte traumatique très franc doit être considéré comme suspect jusqu’à preuve du contraire. La radiologie conventionnelle est moins sensible (sensibilité autour de 50 %) que la scintigraphie pour le diagnostic de métastases osseuses. Aussi, les indications de radio conventionnelle sont réservées aux patientes présentant une symptomatologie clinique qui oriente le siège de la radiographie et aux patientes présentant une lésion possible en scintigraphie. La réponse tumorale est difficile à évaluer en radiologie conventionnelle. La tomodensitométrie est nettement supérieure à la radiologie conventionnelle en particulier pour l’étude du rachis ; sa sensibilité est supérieure à 80 %. Elle permet de dépister des lésions métastatiques au sein de la moelle avant que la destruction osseuse soit visualisée en radiologie. Elle permet une évaluation fiable de la réponse tumorale dans les lésions lytiques bien limitées. L’IRM est vraisemblablement la technique la plus sensible pour dépister l’infiltration tumorale de la moelle osseuse. Elle dépiste cette infiltration avant la détection scintigraphique de la réaction ostéoblastique associée aux métastases. L’utilisation des séquences en diffusion peut être utile pour des bilans corps entiers de métastases, et l’injection de produit de contraste peut permettre de différencier une tumeur viable de tissu nécrotique et donc de mieux évaluer la réponse tumorale. Le PET scanner est complémentaire de la scintigraphie osseuse puisqu’il lui est supérieur pour détecter les lésions lytiques mais qu’il rencontre des échecs pour diagnostiquer les lésions condensantes (à activité ostéoblastique) bien vues en scintigraphie (6).
32 Cancer du sein en situation métastatique
Métastases hépatiques Les métastases hépatiques de cancer du sein sont le plus souvent métachrones et plus rarement synchrones. Elles sont en général hypoéchogènes sous forme de nodules multiples ou de plages infiltrantes et exceptionnellement hyperéchogènes. En tomodensitométrie, les lésions sont le plus souvent hypodenses au temps portal ; dans moins d’un quart des cas, elles ont une hypervascularisation individualisable à leur phase artérielle. Cependant, dans une série de 300 patientes où 26 % avaient des métastases hépatiques (7), la phase artérielle n’a dépisté des lésions supplémentaires que chez moins de 5 % des patientes, patientes pour lesquelles la phase portale avait déjà permis de visualiser d’autres lésions hépatiques et de faire le diagnostic de maladie métastatique. Or, dans la prise en charge thérapeutique du cancer du sein métastatique, pour lequel un geste de réduction hépatique n’est pas recommandé, l’individualisation de l’ensemble des lésions hépatiques chez une patiente qui a déjà une métastase hépatique a peu d’impact thérapeutique. De façon classique mais rare, une infiltration diffuse avec des remaniements vasculaires et fibreux et une dysmorphie hépatique donnant un aspect de cirrhose hépatique peut être rencontré dans les métastases de cancer du sein, en particulier si une chimiothérapie est associée. Par ailleurs, une augmentation ou une diminution de la taille des métastases hépatiques au cours de l’évolution sous traitement s’accompagnent souvent d’une rétraction hépatique (8). Les patientes sous tamoxifène vont développer dans plus de 40 % des cas une stéatose hépatique (9) qui, lorsqu’elle est nodulaire, ne devra pas être confondue avec des métastases hépatiques. Cette stéatose régresse le plus souvent à l’arrêt du traitement. En pratique clinique, chez une patiente qui présente un cancer pour lequel des lésions hépatiques sont découvertes, la caractérisation de petites lésions (inférieures à 1,5 cm de diamètre) est un problème fréquent et difficile. Elle correspondent dans la majorité des cas à des lésions bénignes (kyste biliaire, angiome ou hamartome), et dans le cas contraire seule l’augmentation de taille de la lésion permettra d’affirmer sa nature métastatique (10, 11).
Métastases pulmonaires Les métastases pulmonaires des cancers du sein surviennent à la fois par voie hématogène et lymphatique. Tous les aspects radiologiques des métastases pulmonaires sont observés, isolément ou en association avec d’autres atteintes comme l’atteinte musculaire pariétale (12), médiastinale ou ganglionnaire. Les métastases pulmonaires se présentent typiquement sous la forme de nodules parenchymateux, multiples, prédominant à la périphérie des parenchymes, parfois excavés en particulier chez les patients sous chimiothérapie. La deuxième forme de présentation des lésions secondaires pulmonaires est celle d’une lymphangite carcinomateuse qui, bien que classiquement bilatérale, peut être unilatérale dans le cadre du cancer du sein. La tomodensitométrie
Bilan d’extension nécessaire après découverte d’une métastase… 33 retrouve des épaississements nodulaires et irréguliers des septa interlobaires et du tissu interstitiel péribronchovasculaire. Les métastases pulmonaires se présentent plus rarement sous la forme d’un nodule parenchymateux unique. La découverte d’un nodule parenchymateux unique chez une patiente présentant un cancer du sein n’est pas toujours en rapport avec une métastase pulmonaire. Dans une série incluant 1 416 patientes avec un cancer du sein (13), 3 % avaient une lésion parenchymateuse pulmonaire unique vue à la radiographie du thorax. Cette lésion correspondait dans 52 % des cas à un cancer primitif du poumon, dans 5 % des cas à une lésion bénigne et dans 43 % des cas à une lésion métastatique. Les métastases endobronchiques représentent une forme rare de métastases en règle générale. Néanmoins, parmi les métastases endobronchiques, deux tiers sont dus à des cancers du sein et ce type de lésions devrait être recherché devant tout aspect de pneumopathie qui peut être en fait en rapport avec un collapsus segmentaire ou lobaire, conséquence d’une métastase bronchique obstructive. En dehors du parenchyme pulmonaire et des ganglions médiastinaux, le cancer du sein peut diffuser à la plèvre avec un aspect de métastases pleurales associant un épanchement pleural et un épaississement de la plèvre pariétale ou viscérale, ou au péricarde et de façon beaucoup plus exceptionnelle au myocarde.
Métastases cérébrales Bien que donnant plus rarement des métastases cérébrales que des métastases osseuses ou hépatiques, le cancer du sein constitue la deuxième cause de métastases cérébrales. Les métastases cérébrales sont rarement isolées et le plus souvent associées à des métastases pulmonaires ou hépatiques. Elles constituent un facteur péjoratif fort avec une série incluant 198 patientes avec métastase cérébrale d’un cancer du sein une survie moyenne de 5 mois et demi qui atteignait cependant 15 mois en cas de résection chirurgicale ou par gamma-knife (14). La symptomatologie, lors du diagnostic des métastases cérébrales, comporte principalement des céphalées, des crises comitiales, des troubles cognitifs, un syndrome déficitaire, plus rarement une paralysie des nerfs crâniens ou un syndrome cérébelleux. Les métastases cérébrales sont diagnostiquées par la tomodensitométrie et l’IRM. Elles sont uniques dans un quart des cas et multiples dans trois quarts des cas. En tomodensitométrie, les métastases se présentent comme des lésions souvent arrondies, spontanément hypodenses, rehaussées par le produit de contraste et entourées d’une hypodensité correspondant à de l’œdème périlésionnel. En IRM, l’aspect est habituellement hypo- ou iso-intense en séquence pondérée en T1 sans injection, en hypersignal sur les séquences pondérées en T2. Après injection de gadolinium, le rehaussement des métastases est souvent arrondi, et peut prendre un aspect homogène, hétérogène ou en cocarde. Les métastases uniques sont difficiles à différencier d’un gliome. L’IRM est plus sensible que la tomodensitométrie dans le dépistage de métastases cérébrales et devra être réalisée préféren-
34 Cancer du sein en situation métastatique tiellement à cette tomodensitométrie en cas de suspicion clinique de métastases cérébrales (15). En dehors des métastases cérébrales, les métastases méningées constituent une complication métastatique en augmentation dans le cancer du sein (16). Elles se manifestent le plus souvent par une faiblesse des membres inférieurs accompagnés de paresthésies, auxquelles peuvent être associés d’autres signes neurologiques témoignant de lésions secondaires du système nerveux central. L’IRM recherchera un rehaussement anormal méningé. Les métastases osseuses, hépatiques, pulmonaires ou cérébrales constituent plus de 95 % des métastases de cancer du sein. Néanmoins, les métastases d’un cancer du sein peuvent toucher d’autres organes comme le péritoine ou les muscles. Citons comme cause classique de métastases de cancer du sein la choroïde et les ovaires. La choroïde représente le site le plus fréquent des métastases oculaires et les cancers du sein, constitue la cause la plus fréquente de métastases oculaires (17). Le cancer du sein constitue après le tube digestif la deuxième cause de métastases ovariennes. Devant une lésion tumorale tissulaire ovarienne, chez une patiente présentant un cancer du sein, le problème posé restant celui de différencier une métastase d’un cancer primitif ovarien associé, d’autant plus que les cancers du sein et de l’ovaire ont la même épidémiologie.
Stratégie diagnostique : quelle imagerie utiliser, dans quelles situations ? Les indications et le rôle de l’imagerie dans le diagnostic de métastases de cancer du sein (le suivi n’entrant pas dans le cadre de ce texte) dépendent de la situation clinique de la patiente et trois situations doivent être individualisées : 1. la recherche d’autres métastases après découverte d’une métastase d’un cancer du sein ; 2. la recherche de métastases chez une patiente symptomatique ; 3. la recherche de métastase chez une patiente asymptomatique.
Recherche d’autres métastases après découverte d’une métastase d’un cancer du sein Dans cette situation clinique, la question posée peut se diviser en : a) Faut-il faire un bilan d’extension morphologique le plus précis des métastases présentes ? b) Si un bilan morphologique précis est nécessaire, quel type d’imagerie doit être utilisé ? L’intérêt du bilan d’imagerie le plus précis possible se discute en termes d’impact sur la prise en charge thérapeutique et impact sur la qualité du suivi et de l’évaluation de l’efficacité d’une chimiothérapie.
Bilan d’extension nécessaire après découverte d’une métastase… 35 L’impact thérapeutique de la découverte d’autres métastases chez une patiente présentant une métastase de cancer du sein existe si le nombre de métastases fait changer la chimiothérapie d’une part, ou bien si une indication chirurgicale portée notamment dans le cadre d’une métastase hépatique apparemment unique sur le foie. Si un traitement non systémique, par exemple par une chirurgie localisée d’une tumeur du foie ou bien par radiofréquence de lésions secondaires hépatiques ou pulmonaires est envisagée, il est indispensable de faire le bilan morphologique le plus précis possible de la maladie métastatique. Dans le cadre d’une thérapie systématique de type chimiothérapie envisagée, le bilan morphologique métastatique a moins d’impact, en particulier sur le type de chimiothérapie ou sa durée. En revanche, dans le cadre du suivi, un bilan thoraco-abdomino-pelvien et cérébral est recommandé chez une patiente pour laquelle une métastase de cancer du sein a été mise en évidence. La deuxième question pertinente est quel type d’imagerie proposer pour la recherche d’autres métastases chez cette patiente chez laquelle a déjà été découverte une métastase de cancer du sein. Aujourd’hui, l’imagerie la plus performante en terme de compromis/sensibilité/spécificité est le PET scanner. Il évite les faux négatifs de la scintigraphie osseuse dans les lésions lytiques, et surtout les faux positifs dans toutes lésions bénignes avec reconstruction. Il est également plus performant que le scanner thoracique ou abdominal pour le diagnostic de métastases hépatiques ou pulmonaires. Pour les métastases hépatiques, dans une série de 43 patients consécutives avec une métastase hépatique unique sur l’imagerie conventionnelle (échographie/TDM) correspondant à un cancer colo-rectal, un cancer du poumon, un cancer de l’ovaire ou bien un cancer du sein (6 cas de cancers du sein), le PET scanner visualisait d’autres lésions chez 12 patientes, et changeait donc la prise en charge thérapeutique (18). Ce travail montre également que la sensibilité du PET scanner était plus liée à l’activité métabolique qu’à la taille de la lésion. Aussi, dans ce cadre-là, et si une thérapeutique locale est envisagée, un PET scanner corps entier semble être la technique à recommander. En revanche, lorsqu’une thérapeutique systématique de type chimiothérapie est envisagée, un scanner thoraco-abdomino-pelvien et cérébral, après injection de produit de contraste, en coupes fines, avec reconstructions en MIP du scanner thoracique, nous paraît suffisant. Ce scanner servira de référence pour le suivi dans le cadre d’une maladie métastatique de cancer du sein.
Recherche de métastases chez une patiente symptomatique Devant une suspicion de métastases osseuses, il sera réalisé une radiologie conventionnelle localisée sur le site douloureux ou fracturaire et un scanner ou une IRM, le scanner étant plus souvent proposé pour les lésions des membres et de la paroi thoracique et l’IRM pour les lésions du rachis.
36 Cancer du sein en situation métastatique Devant une suspicion de métastases hépatiques, le couple échographie-scanner est certainement le plus performant, en termes de coût-efficacité, et la place de l’IRM dans le dépistage de métastase hépatique reste à démontrer. Pour une suspicion clinique de lésions pulmonaires, une radiographie du thorax et surtout un scanner thoracique devront être réalisés. Pour une suspicion clinique de lésions secondaires cérébrales, l’IRM est plus performante que la tomodensitométrie.
Recherche d’une métastase chez une patiente asymptomatique Dans la pratique clinique, la stratégie d’imagerie chez une patiente présentant un cancer du sein récemment diagnostiqué et sans symptôme clinique en faveur d’une métastase incluait, dans un certain nombre de pays, des bilans d’imagerie systématique. Ainsi, le registre italien retrouve 81 % de scintigraphies osseuses réalisées dans le bilan d’extension des cancers du sein jusqu’à l’an 2000 (19). Une imagerie systématique dans le bilan d’extension à distance d’un cancer pourrait être défendue par le fait que près de 25 % des patientes présentant un cancer opérable vont développer des métastases métachrones dans le suivi de leur maladie. Cette donnée plaide pour l’existence d’une maladie microscopique ou passée inaperçue au moment du diagnostic de cancer du sein. Un certain nombre de travaux ont évalué l’efficacité de la recherche de métastases chez une patiente asymptomatique au moment du diagnostic de cancer du sein. Les tests évalués ont été la scintigraphie osseuse pour la recherche de métastases osseuses, l’échographie pour la recherche de métastases hépatiques et la radiographie du thorax pour la recherche de métastases pulmonaires. Dans la recherche de métastases hépatiques, une étude rétrospective française conduite par Bruneton et al. (20), incluant 6 649 patientes avec un cancer du sein opérable, a démontré un taux de détection de métastases hépatiques de seulement 0,51 %, ne justifiant pas du fait des faux positifs associés l’échographie systématique dans le dépistage de métastases hépatiques. Le même type de résultat a été retrouvé pour la radiographie pulmonaire, avec dans une étude incluant 1 493 patientes présentant un cancer du sein de stade 1 ou 2, un taux de détection de cancer du poumon de seulement 0,1 % au moment du diagnostic du cancer (21). Des résultats négatifs ont été également rapportés dans la recherche de métastases osseuses avec dans une étude rétrospective incluant 3 627 patientes (22) un taux de détection de seulement 0,9 % de métastases osseuses sur la scintigraphie osseuse, variant entre 0,18 % et 1,46 % en fonction du stade de la maladie. Cependant, l’efficacité de la scintigraphie osseuse, chez les patientes présentant une maladie de stade III, a été réévaluée et atteindrait jusqu’à 16 % (23). Un certain nombre d’études ont évalué l’efficacité d’une stratégie diagnostique associant de façon conjointe une radiographie du thorax, une échographie hépatique et une scintigraphie osseuse au moment du diagnostic de métastases de cancer du sein.
Bilan d’extension nécessaire après découverte d’une métastase… 37 L’étude allemande de Gerber (24) inclut 1 198 patientes avec un cancer du sein dont 28 % sont de stade IIb ou de stade III. Les examens d’imagerie retrouvent des lésions métastatiques chez 2,8 % des patientes de siège le plus souvent osseux, puis hépatique. Ils montrent d’autre part des lésions classées comme suspectes chez 12,1 % des patientes. Parmi les patientes ayant des lésions suspectes, seules 5,4 % auront une lésion métastatique. L’imagerie n’aura donc dépisté une maladie métastatique que chez 3,4 % des patientes et aura induit les faux positifs chez plus de 10 % des patientes. Les métastases étaient le plus souvent rencontrées chez des patientes présentant une tumeur volumineuse ou des ganglions axillaires envahis d’autant plus qu’ils étaient nombreux. Dans l’étude italienne de Ravaioli (25) incluant 1 218 patientes, dont 27 % avec un cancer de stade 2b ou 3, une métastase a été dépistée par l’imagerie chez 4,6 % des patientes. Une taille importante de la tumeur et des ganglions envahis d’autant plus qu’ils sont nombreux représentaient un facteur de risque significatif de métastases. Les recommandations nord-américaines proposées en 2006 (26) tiennent compte de ces données et ne recommandent pas une imagerie systématique dans le bilan d’extension métastatique d’un cancer du sein. Cette imagerie doit être réalisée s’il existe des signes fonctionnels évocateurs de maladie métastatique, en cas de perturbations du bilan biologique hépatique et dans les tumeurs de stade III. Dans les tumeurs de stade IIa ou IIb, le dépistage par imagerie d’une maladie métastatique est optionnel, mais de nombreuses équipes réalisent des scintigraphies osseuses, en particulier dans les stades IIb. Étant donné la fréquence (30 %) des maladies métastasiques métachrones dans le cancer du sein, il était normal que la place de l’imagerie en suivi pour le diagnostic précoce de métastases soit évaluée. Deux études de référence largement citées, italiennes, multicentriques, randomisées publiées dans le JAMA en 1994 (27, 28), ont évalué l’impact sur la survie d’une stratégie incluant un suivi clinique et mammographique, versus une stratégie incluant en plus une imagerie à la recherche de métastase avec scintigraphie osseuse, échographie hépatique et radiographie du thorax. Chez les patientes ayant un suivi par imagerie, il a été détecté un taux plus élevé de métastases isolées thoraciques, osseuses ou hépatiques. En revanche, en termes de mortalité à 5 ans, il n’y avait aucune différence significative entre les patientes suivies par examen clinique et mammographie et les patientes ayant en plus un suivi par imagerie pour le dépistage précoce de métastases. La méta-analyse récente conduite par la Librairie Cochrane (29) reprend quatre études randomisées comparatives, bien conduites, parmi lesquelles les deux suscitées sont largement dominantes, elle conclut que le simple suivi local par un examen clinique et une mammographie est aussi performant (en termes de survie globale et de qualité de la survie) qu’une stratégie incluant en plus une surveillance biologique, une radiographie du thorax, une échographie hépatique et une scintigraphie osseuse. En résumé, les arguments plaidant contre le bilan systémique par imagerie sont : l’absence de gain en survie démontré à un diagnostic plus précoce et le taux important de faux positifs induits par une stratégie de dépistage de métastase par
38 Cancer du sein en situation métastatique l’imagerie. Les recommandations émises en 2007 par le National Comprehensive Cancer Network sont les suivantes : – Rx thorax pour les stades 1 ; – Rx thorax + scintigraphie osseuse pour les stades 2 N+ avec TDM thoracique + écho ou TDM abdominale en option ; – TDM thoraco-abdomino-pelvien + scintigraphie osseuse pour les stades 3 et 4 ; – PET scan en option. Il faut néanmoins noter que ces conclusions sont basées sur des travaux incluant des patientes traitées par chimiothérapie il y a 15 à 20 ans et que ces attitudes devraient impérativement être évaluées avec les chimiothérapies données aujourd’hui, plus efficaces et mieux tolérées d’une part et avec des modalités d’imagerie plus spécifique : TDM et surtout PET TDM.
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Méthodes radiologiques d’évaluation de la réponse thérapeutique en cancérologie L. Ceugnart, S. Taieb, N. Penel et F. Bonodeau
Introduction L’évaluation de la réponse thérapeutique en cancérologie et notamment en situation métastatique est le cœur du métier d’un grand nombre de radiologue. Pour l’oncologue médical, la réponse tumorale objective évaluée par l’imagerie sur deux examens successifs est (même s’il n’est pas le seul) l’un des paramètres majeurs de décision de poursuite ou d’arrêt des thérapeutiques. Pour les essais de phases I et II, cette réponse tumorale est le paramètre majeur d’évaluation. L’utilisation des critères OMS, RECIST ou volumique, dépend des pathologies et les contraintes techniques de réalisations de ces mesures doivent être respectées afin de ne pas poursuivre une thérapeutique inefficace ou d’arrêter un traitement efficace. Les thérapeutiques ciblées ont mis en défaut le critère de diminution de taille comme seul paramètre à évaluer. En effet, des patients considérés comme nonrépondeurs aux thérapeutiques sur ce seul critère ont une survie équivalente aux patients évalués comme répondeurs. De nouvelles méthodes d’imagerie fonctionnelle basée sur l’évaluation initiale et les modifications de l’angiogenèse tumorale sous traitement sont maintenant indispensables pour estimer correctement la réponse tumorale.
Imagerie morphologique : version V1.1 des critères RECIST et limites en pratique courante La réponse tumorale évaluée par la diminution de taille d’une lésion objectivée sur deux examens d’imagerie successifs sont la règle, qu’il s’agisse d’évaluer un traitement dont l’efficacité est connue ou d’un essai clinique afin d’évaluer un nouveau traitement. Les critères classiques OMS, RECIST ou d’approximation volumique ont l’avantage d’être fiables et reproductibles sous certaines conditions de réalisa-
42 Cancer du sein en situation métastatique tion des examens. La mesure de la taille tumorale, même si la corrélation entre survie globale et réponse tumorale n’est pas toujours prouvée (1, 2), reste une méthode rapide de comparaison de différents traitements. Actuellement, les critères RECIST sont reconnus au niveau international dans les essais de phases 1 et 2 pour les tumeurs solides de l’adulte. Ces critères ne doivent pas être utilisés seuls dans les essais de phase 3 car non directement liés à la survie globale ou à la survie sans récidive. En pratique courante, ils doivent toujours être corrélés à l’amélioration clinique, la diminution des symptômes, la normalisation d’un marqueur et l’amélioration de la qualité de vie (3).
Critères de l’OMS Ils ont été rapportés à la fin des années 1970 (4, 5) : on détermine pour une lésion donnée sa surface en réalisant le produit des deux plus grandes dimensions perpendiculaires dans un même plan (fig. 1). Quand il y a plusieurs cibles, on réalise la somme des surfaces des différentes lésions. On évalue la réponse au traitement par le pourcentage de diminution de ces mêmes surfaces. Si une réponse complète correspond bien à 100 % de régression tumorale, la détermination des valeurs de réponse partielle (* 50 % de régression) ou de progression (* 25 % de progression) est totalement arbitraire et la validité clinique de ces mesures n’est jamais isolée. On parle de maladie stable dans la fourchette intermédiaire : progression < à 25 %, régression < à 50 %.
Fig. 1 – Mesure selon les critères OMS d’une métastase hépatique sur un examen tomodensitométrique sans injection.
Méthodes radiologiques d’évaluation de la réponse thérapeutique… 43
Critères du groupe RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors) – version V1.1 (6) Avec l’avènement de l’imagerie en coupes qui permet de détecter un nombre plus important de lésions, les imprécisions des critères OMS ont été majorées et depuis le début des années 2000 des travaux canadiens, nord-américains et européens (79) ont proposé l’utilisation de mesures unidimensionnelles. Une mise à jour en janvier 2009 a permis de simplifier la prise de mesure et de tenir compte des imperfections de la première version. On mesure toujours la somme des plus grands diamètres des lésions mais on se limite à deux lésions par organe (au lieu de cinq) et à cinq lésions par patients (au lieu de dix). Pour l’évaluation en tomodensitométrie la taille minimale des lésions mesurables est 10 mm si l’épaisseur des coupes est de 5 mm ; si les coupes sont plus épaisses, la taille minimale est le double de l’épaisseur. Pour les essais thérapeutiques où la taille lésionnelle est le critère principal d’évaluation, les auteurs préconisent de mesurer trois lésions par organe. Cette nouvelle version apporte aussi des précisions concernant l’évaluation ganglionnaire : une adénopathie peut être prise pour cible si le petit axe ganglionnaire mesure plus de 15 mm. La mesure du petit axe du ganglion sera sommée avec les autres lésions. Entre 10 et 15 mm, une adénomégalie ne pourra pas être retenue pour cible, enfin un ganglion de moins de 10 mm n’est pas considéré au plan de l’imagerie comme pathologique. Certaines lésions ne sont pas mesurables : lésions de moins de 10 mm, lésions osseuses mais elles sont décrites. D’autres encore ne sont ni évaluables, ni mesurables : présence d’un épanchement pleural, d’une ascite ; elles sont simplement décrites. Dans la surveillance, on évalue : les lésions mesurables, l’évolutivité des lésions non mesurables et l’apparition de nouvelles lésions. Des précisions ont été apportées concernant les critères de réponse afin de palier les inconvénients qui ont été décrits dans la littérature (7-10). La progression tumorale qui correspond à une augmentation de taille de 20 % de la somme des mesures est affinée afin de tenir compte du risque d’erreur lors de la prise de mesure : il faut que cette augmentation soit également supérieure ou égale à 5 mm. Ceci afin d’éviter de classer en progression une maladie stable avec une erreur positive de mesure de 1 mm sur l’ensemble des cinq lésions retenues pour cibles. Concernant la réponse tumorale, deux précisions sont apportées. Si des lésions ganglionnaires sont prises pour cibles, ceux-ci une fois redevenus morphologiquement normaux seront encore visibles et une réponse complète pourra être déclarée si seuls des ganglions (normaux) sont encore visibles. Concernant la confirmation de la réponse exigée par la première version dans un délai de 1 mois, cela ne sera nécessaire que pour les essais thérapeutiques où le critère de réponse est le critère principal. Dans les autres cas (critère principal : survie globale ou survie sans progression), il n’y a plus lieu de confirmer la réponse. Un complément a également été apporté pour tenir compte de l’impact de la tomographie par émission de positons.
44 Cancer du sein en situation métastatique
Approximation volumique On utilise la formule approchée (LxlxH/2) du volume d’une sphère. Les critères de progression et de régression tumorale sont adaptés en fonction de ces mêmes critères lors des mesures uni- ou bidimensionnelles (tableau I). Tableau I – Comparaison des trois systèmes de mesure pour évaluer la réponse au traitement. WHO Surface : Lxl
RECIST Unidim : L
Volume LxlxH/2
Régression
50 %
) 30 %
) 65 %
Progression
> 25 %
> 20 %
> 40 %
Contraintes et limites Actuellement, on utilise les critères OMS et l’approximation volumique pour les lymphomes et les tumeurs solides pédiatriques et les critères RECIST pour la majorité des tumeurs solides de l’adulte. Les contraintes techniques sont nombreuses : techniques identiques, fenêtrage convenable en TDM, temps d’injection identique. Compte tenu de la variabilité de la prise de mesure en inter- (fig. 2), et même en intra-observateurs, il est recommandé lors de l’examen de contrôle de disposer de l’examen antérieur afin de reprendre les mesures sur l’examen initial et ce dans les mêmes conditions : on ne compare pas un examen d’échographie ou d’IRM avec un examen tomodensitométrique et on ne compare pas une séquence sans injection avec une séquence injectée (fig. 3). Avec les nouvelles thérapeutiques ciblées, le comportement tumoral a remis en question ces critères en raison du peu d’effets sur la taille tumorale de ces traitements, alors que l’effet sur la survie était très rapidement amélioré chez les patients évalués comme non-répondeurs selon les critères RECIST par rapport aux séries de références (11). Les patients évalués comme répondeurs (régression lésionnelle de plus de 30 %) avaient la même survie à 6 mois que les patients évalués comme nonrépondeurs (régression inférieure à 30 % ou progression inférieure à 20 %) (12). La diminution du volume tumoral n’est plus le seul paramètre d’évaluation. La nécrose tumorale doit être mesurée (critères de Choi) pour ne pas sous-évaluer une bonne réponse et interrompre des thérapeutiques efficaces. L’analyse des modifications de la vascularisation tumorale est le second nouveau paramètre à prendre en compte. De nombreux auteurs se sont donc intéressés aux aspects post-thérapeutiques des GIST évolués traités (13-18). Qu’il s’agisse de lésions primitives laissées en places ou d’une dissémination métastatique hépatique ou péritonéale, une réponse au traitement est typiquement une diminution de la densité lésionnelle des lésions de 15 unités Hounsfield (UH), mesurée au temps portal de l’injection par rapport à la densité avant traitement, associée ou non à une diminution de taille (critère
Méthodes radiologiques d’évaluation de la réponse thérapeutique… 45 RECIST) de 10 %. Une absence de réponse est évaluée par une augmentation de taille supérieure à 20 % ou une absence de diminution de la densité tumorale ou l’apparition de nouvelle lésion. Cette évaluation est réalisée 2 mois après le début des traitements. Cette réponse est elle-même corrélée à la survie sans progression (18). Les erreurs d’évaluation en tomodensitométrie sont dues à une sous-estimation de la réponse par une pseudo-augmentation de volume liée à une nécrose tumorale extensive ou à la visualisation de lésions non vue initialement. Le développement de technique d’imagerie « fonctionnelle » permet d’appréhender de façon plus précise et surtout plus précoce la réponse aux traitements, notamment antiangiogéniques. Ces évaluations peuvent être effectuées en tomodensitométrie (TDM) et imagerie par résonance magnétique (IRM) ou en échographie de contraste. Cette dernière technique montre notamment qu’une diminution de la vascularisation tumorale au 14e jour est corrélée à la réponse tumorale à 2 mois évaluée par TDM (19).
Fig. 2 – Variabilité inter-observateurs dans la mesure d’une métastase pulmonaire : la lésion est mesurée à 10,8 mm, 11,2 mm, 11,5 mm et 12,4 mm.
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Fig. 3 – Variabilité de la taille lésionnelle selon l’injection : sans injection (fig. 3a), temps artériel de l’injection (fig. 3b), temps portal de l’injection (fig. 3c). Il s’agit du même patient que la figure 1 : notez la variabilité (cette fois-ci intra-observateurs) de la mesure horizontale sur l’image sans injection. Mesures réalisées à 3 minutes d’intervalle.
Messages à retenir Les critères RECIST sont actuellement le standard en pratique courante. La version 1.1 des critères RECIST, publiée en janvier 2009, va devenir le nouveau standard en cancérologie. On compare deux examens identiques, réalisés dans les mêmes conditions techniques. Malgré cela, les mesures sont peu reproductibles en inter- et même en intraobservateur, ce qui nécessite de réévaluer le même jour ancien et nouvel examen. Les mesures morphologiques trouvent leurs limites avec les nouvelles thérapeutiques ciblées.
Méthodes radiologiques d’évaluation de la réponse thérapeutique… 47
Évaluation de la réponse par l’imagerie fonctionnelle Étude de l’angiogenèse et de la perfusion tumorale Principes L’angiogenèse tumorale, induite par une néoformation et indispensable à son évolution, consiste en l’apparition d’une vascularisation désorganisée comprenant un assemblage de vaisseaux, capillaires et de veinules immatures à faible pression et avec un haut degré de shunt artérioveineux. Ces modifications morphologiques (augmentation du nombre et diamètre moyen plus élevé des capillaires) ont des conséquences fonctionnelles sur le volume sanguin régional, le flux sanguin et la perméabilité vasculaire (19, 20). L’appréciation de la néoangiogenèse est estimée en histologie par l’étude de la densité des microvaisseaux (MVD : microvascular density des Anglo-Saxons). Ce paramètre est considéré comme un facteur pronostique et un marqueur du risque de métastase. Depuis les travaux de Frouge et al. en 1994 (21), on sait que l’IRM permet d’approcher de façon précise le processus de néovascularisation qui se met en place lors du développement d’une lésion néoplasique, et que les résultats sont corrélés à la densité des microvaisseaux. La TDM permet elle aussi, grâce à l’injection de produit de contraste iodé, l’analyse des paramètres de la microcirculation.
Données analysables Quatre paramètres vont pouvoir être analysés par ces techniques : – la perfusion tumorale (F en mL/min/100 g) qui correspond au débit sanguin dans les néovaisseaux ; – la perméabilité capillaire (Ktrans en quantité/min) qui représente la fuite du produit injecté du vaisseaux vers le secteur interstitiel ; – la fraction volumique sanguine (Vp en volume de sang/volume du pixel exprimé en pourcentage) qui correspond au volume sanguin contenu dans le volume d’un pixel. Il est indispensable de connaître l’hématocrite pour analyser ce paramètre ; – la fraction volumique interstitielle (Ve exprimé en pourcentage) correspond au volume extravasculaire et extracellulaire rapporté au volume du pixel. Deux autres paramètres importants sont déterminés à partir des quatre précédents : – le temps de transit moyen (TTM exprimé en s) correspond au temps mis par le traceur pour traverser une tumeur, il est calculé par la formule suivante : Vp/F ; – la perméabilité capillaire (Kep exprimé en min-1) est dérivée de la formule : Ktrans/Ve.
48 Cancer du sein en situation métastatique
Acquisitions des données En IRM ou en TDM, l’analyse du rehaussement d’une lésion suite à l’injection d’un produit de contraste (iodé pour le scanner et sels de gadolinium pour l’IRM) va permettre d’obtenir une courbe de rehaussement à partir de données acquises à différents temps de l’examen. Cette technique est utilisée depuis longtemps en imagerie en coupes grâce aux séries d’acquisitions dynamiques au cours de l’injection du contraste. On sait que la quantité de celui-ci arrivant dans la tumeur dépend du débit sanguin et donc de la perfusion tumorale et que l’intensité du rehaussement va être fonction du volume sanguin intralésionnel. Ce dernier dépend principalement de la quantité de néovaisseaux, qui sont anormalement perméables et qui vont donc laisser fuir le produit de contraste dans l’interstitium. La vitesse de rehaussement et l’amplitude de celui-ci vont donc dépendre de la perméabilité capillaire et du volume de dilution dans l’interstitium. On va donc pouvoir théoriquement individualiser deux phases sur les courbes : – la première précoce (dans les 20 premières secondes) correspondant à l’arrivée du produit dans les capillaires qui reflètent la perfusion et le volume sanguin ; – la seconde correspond au passage dans l’interstitium dépendant de la perméabilité capillaire et du volume interstitiel, elle dure plusieurs minutes. La technique d’acquisition des images sera donc différente en fonction des données recherchées : – soit acquisition des données à une cadence très rapide (1 image/seconde) pendant peu de temps, technique actuellement utilisée en recherche, qui permet de calculer la pente d’arrivée du contraste (correspondant à la perfusion F) et le volume sanguin (Vp) – soit la technique d’acquisition de données plus lente (1 série d’images/ 20 à 30 secondes) pendant plusieurs minutes, technique de routine en imagerie hépatique ou mammaire qui permet l’analyse de la perméabilité capillaire (Ktrans) et du volume interstitiel (Ve). La courbe issue du cours de Cédric De Bazelaire (20) résume ces données (fig. 4).
Fig. 4 – La courbe issue du cours de De Bazelaere C, JFR 2009 Paris (20).
Méthodes radiologiques d’évaluation de la réponse thérapeutique… 49 L’analyse de ces paramètres va être rendue possible par l’utilisation de modèles mathématiques bicompartimentaux qui reflètent mieux la réalité, mais qui apparaissent relativement complexe (modèle de Tofts, Brix, Laurence) et qui présentent chacun des avantages et des limites que nous ne présenterons pas ici. La principale limite liée à l’étude de la microcirculation est engendrée par l’absence de standardisation d’un modèle qui rend difficile la diffusion en routine de ces techniques et la validation sur des séries multicentriques de grande échelle.
Application dans le suivi thérapeutique Des études ont été menées dans des situations métastatiques notamment hépatiques montrant une diminution très précoce de la perfusion (moins 40 %) et du volume sanguin après traitement par antiangiogéniques (21). De même, en cas d’association radio-chimiothérapie, une étude mettait en évidence une diminution nette de la perfusion dès la deuxième semaine de traitement.
Échographie de contraste Le développement depuis plus de 15 ans de produits de contraste utilisables en échographie (composés de microbulles), associé à l’utilisation de sondes à hautes fréquences, a permis une approche de la microvascularisation tumorale. Utilisée dans les années 1990 en imagerie vasculaire, il existait des applications cliniques certes très confidentielles en imagerie de la réponse depuis le début des années 2000 en cancérologie (22). Depuis quelques années, la mise sur la marché de contraste ultrasonore de deuxième génération plus performant (Sonovue®, Bracco®), associée à des développements technologiques récents de la part des constructeurs (imagerie harmonique), a engendré une augmentation très significative du rapport signal sur bruit permettant une étude plus fine de la microcirculation.
Technique Par une simple injection d’une dose de produit de contraste ultrasonore au moyen d’une veine du pli du coude, au cours d’un examen d’échographie sur une machine disposant de la technologie d’imagerie harmonique, des boucles vidéos de 10 à 20 secondes sont recueillies pendant les trois premières minutes. Après validation d’une ou plusieurs lésions accessibles en échographie (mais dans ce cas plusieurs injections seront nécessaires), l’examen est effectué le matin du premier jour avant la mise en route du traitement. Il est ensuite répété selon les protocoles aux 1er, 3e, 7e jours et éventuellement plus à distance. L’analyse visuelle comparative entre l’état préthérapeutique et le suivi sous traitement permet de juger de l’efficacité de celuici. Des logiciels de quantification sont en cours de validation mais nécessite actuellement le stockage des données brutes (raw data), ce qui pose des problèmes d’analyse et d’échange de ces éléments. Il n’y a pas de contre-indication à l’injection en dehors de l’infarctus du myocarde en phase aiguë.
50 Cancer du sein en situation métastatique
Résultats Les premières études publiées avec ces nouveaux moyens concernaient des patients suivis pour des GIST et toutes montraient l’insuffisance des critères RECIST ou OMS, et la corrélation nette entre la réponse précoce à j7 et la survie des patients (23, 24). La résistance à une thérapeutique peut être mise en évidence de façon plus précoce que la modification volumique du fait de la reperméabilisation de zones antérieurement dévascularisées, permettant ainsi une modification du traitement. L’échographie de contraste est utilisable pour toute lésion hypervasculaire accessible aux ultrasons (hors poumons, os, cerveau) et donc aux lésions métastatiques mammaires. Une étude multicentrique STIC financée par l’INCa et regroupant 18 centres est actuellement en cours. Elle a pour but de valider la technique et de déterminer le ou les paramètre(s) le(s) plus efficient(s). Elle permettra également la validation d’un logiciel de traitement des données et de quantification objective de la réponse. Plus de 350 patientes ont été incluses à ce jour et les premiers résultats ont été présentés au congrès de la Société nord-américaine de radiologie 2009 (RSNA 2009).
Conclusion L’utilisation des critères morphologiques pour l’évaluation de la réponse thérapeutique est actuellement le « gold standard ». Cependant, dans des cas de plus en plus fréquents, notamment avec les thérapies ciblées et les antiangiogéniques, ces paramètres n’apportent plus les réponses souhaitées ou de façon trop tardive. Le développement de technique d’évaluation de la microcirculation et de la perfusion tumorale, en association avec les critères morphologiques classiques, permet d’avoir de grands espoirs sur une évaluation plus fiable et plus précoce de la réponse ou de la résistance aux thérapeutiques, notamment en situation métastatique.
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Méthodes biologiques d’évaluation de l’efficacité des traitements des cancers du sein métastatiques : intérêt des marqueurs tumoraux circulants sériques et de l’étude de leur cinétique J.-M. Riedinger
Introduction La prise en charge biologique des cancers du sein a fait l’objet de plusieurs textes de recommandations (ASCO, EGTM, ESMO, ANAES, SOR) en dépit desquelles les pratiques restent diverses. Sur la base de ces recommandations, nous ferons le point sur les caractéristiques des différents marqueurs tumoraux des cancers du sein et la place potentielle de ceux-ci dans l’évaluation de l’efficacité des traitements des cancers du sein métastatiques.
Les différents marqueurs Le CA 15.3 C’est le marqueur sérique spécifique le plus utilisé dans le cancer du sein. Il est défini par son immunoréactivité avec deux anticorps monoclonaux (AcM) : l’AcM 115 D8 dirigé contre la membrane du globule graisseux du lait humain et l’AcM DF3 dirigé contre la membrane de cellules humaines de cancer du sein. Il est le produit de gène MUC-1, localisé sur le chromosome 1 (1q21-24), qui code une glycoprotéine de poids moléculaire d’environ 400 kDa, la polymorphic epithelial mucin (PEM). Les produits d’expression du gène MUC-1 sont impliqués dans l’activation du système oncogène ras, l’adhésion cellulaire et l’immunosuppression. Il existe actuellement une vingtaine de trousses de dosage du CA 15-3 disponibles en Europe dont la plupart sont des techniques immunométriques qui utilisent les AcM originaux 115D8 et DF3. La commercialisation de nouveaux systèmes utilisant parfois d’autres AcM entraîne, pour certains patients, une variation importante des résultats qui rend indispensable le suivi de chaque patient par un même laboratoire. Les valeurs usuelles de CA 15-3 varient selon les techniques de dosage de 25 à 38,6 kU/L.
54 Cancer du sein en situation métastatique La valeur seuil la plus utilisée est celle de 30 kU/L correspondant au 95e percentile mesuré sur une population « saine » (sans cancer du sein), ce qui signifie que 5 % des sujets sains ont une concentration de CA 15-3 supérieure aux valeurs usuelles. Les variations physiologiques du CA 15-3 sont rares. Le CA 15-3 peut être élevé dans différentes pathologies qu’elles soient cancéreuses (ovaire, poumon, appareils respiratoire et digestif) ou bénignes (mammaires, hépatopathies bénignes, broncho-pneumopathies, pathologies digestives inflammatoires, pathologies endocrines et maladies auto-immunes).
L’antigène carcino-embryonnaire (ACE) C’est une glycoprotéine oncofœtale de 180 kDa synthétisée chez le fœtus au niveau de l’intestin, du foie et de pancréas. Sa synthèse est très réduite à la naissance mais sa répression n’est pas totale chez l’adulte, ce qui explique l’existence d’une concentration sérique décelable d’ACE. L’ACE qui appartient à la superfamille des immunoglobulines est composé de macromolécules étroitement voisines ayant un haut degré d’immunoréactivité croisée. La multiplicité des anticorps monoclonaux conduit à une importante dispersion inter-technique des résultats qui justifie que l’ACE soit toujours dosé dans le même laboratoire lors du suivi d’un patient. La valeur seuil usuelle de 5 μg/L correspond au 95e percentile de la distribution des valeurs chez les sujets normaux. L’ACE est impliqué dans les contacts et les processus de différenciation cellulaire ainsi que dans la résistance aux chimiothérapies. Sa demi-vie plasmatique est de quelques jours et sa clairance est essentiellement hépatique. Les variations physiologiques sont liées au sexe, à l’âge, à la grossesse et au tabagisme. L’ACE est également augmenté chez les insuffisants rénaux, les sujets alcooliques, les sujets porteurs de lésions bénignes inflammatoires (hépatique, digestive ou pulmonaire) ou de lésions malignes (tractus digestif, ovaire, poumon, utérus, thyroïde).
Les autres marqueurs potentiellement intéressants Ce sont le plus souvent des analogues du CA 15-3, épitopes présents sur des substances appartenant au groupe des mucines soit le CA 27-29 (ou BR 27-29 pour BReast antigen 27-29) qui est la mucine la plus employée après le CA 15-3 pour le suivi des cancers avancés, du CA 549 dont la sensibilité au seuil de 12 kU/L varie de 30 à 50 % selon les stades, le MCA (pour mucin carcinoma associated antigen) qui est retrouvé en grande partie dans les urines et le lait et enfin des CAM 26 et 29 (pour carcinoma associated mucin). Aucune de ces molécules n’a fait la preuve d’une plus grande efficacité que le CA 15-3 en pathologie mammaire.
Méthodes biologiques d’évaluation de l’efficacité des traitements… 55
Sensibilité du CA 15-3 dans la maladie métastatique De nombreuses études ont montré qu’environ 75 % des premières évolutions métastatiques étaient associées à une élévation significative de CA 15-3. Une méta-analyse réalisée à partir de 18 études et portant sur un total de 4 697 patientes dont 1 940 sont porteuses de métastase accorde à une élévation confirmée de CA 15-3 des valeurs prédictives positive et négative respectivement de 92,5 % et 85,6 %. Il est important de noter que la plupart de ces études utilisent toujours la notion de seuil et non pas celle de cinétique pourtant plus intéressante dans la mesure où celle-ci améliore de façon notable la sensibilité et la spécificité. En effet, le pourcentage moyen de faux négatifs proche à 30 % (de 7 % à 50 % selon les études) peut chuter à moins de 10 % si l’on substitue à la notion de taux celle de cinétique. De même, le pourcentage de faux positifs compris selon les auteurs entre 1 et 11 % est probablement à pondérer si on élimine de façon systématique les diagnostics différentiels classiques par des explorations répétées et élargies. La sensibilité du CA 15-3 varie selon la nature du site d’évolution métastatique. Elle est élevée dans les localisations osseuses (68 % à 81 % de CA 15-3 supérieurs aux valeurs usuelles), hépatiques (75 %), pulmonaires (50 à 70 %). La sensibilité du CA 15-3 est faible en cas de localisations cutanées, ganglionnaires (15 à 20 %) ou cérébrales. Dans les cas de localisations multiples, la sensibilité du CA 15-3 peut atteindre 91 %.
Intérêt de la concentration initiale du CA 15-3 L’intérêt de mesurer le taux de CA 15-3 avant tout traitement est de disposer d’une valeur de référence individuelle indispensable pour évaluer l’efficacité d’un traitement et/ou pour réaliser un suivi ultérieur. Si la valeur pronostique de la concentration initiale du CA 15-3 est aujourd’hui admise, son indépendance vis-à-vis des autres facteurs pronostiques (TNM, âge, récepteurs hormonaux, HER-2, etc.) reste controversée. Pourtant dix études, dont une très récente (1), démontrent clairement que la concentration initiale de CA 15-3 est un facteur pronostique indépendant. Une valeur initiale élevée doit donc faire rechercher activement, et avant toute décision thérapeutique, une éventuelle dissémination métastatique dont l’existence est de nature à modifier radicalement la stratégie thérapeutique. Le seuil discriminatif à prendre en considération pour suspecter une maladie métastatique a initialement été décrit à 50 kU/L. Les recommandations internationales ne sont pas unanimes pour reconnaître le CA 15-3 comme indicateur du risque métastatique. L’ANAES par exemple recommande de ne pas doser le CA 15-3 au stade initial de la maladie en dehors d’un protocole de recherche. L’ASCO estime que les données actuelles sont insuffisantes pour recommander l’usage du CA 15-3 dans le staging mais, contrairement à l’ANAES, ne déconseille pas le dosage du CA 15-3 dans le bilan préthérapeutique. En revanche, les SOR préconisent d’inclure les marqueurs dans le bilan initial et de les utiliser comme dosage de référence en présence de facteurs pronostiques péjoratifs. Dans sa nouvelle version, les SOR précisent même qu’au moment du bilan
56 Cancer du sein en situation métastatique initial « une élévation du marqueur peut orienter vers une thérapeutique générale plutôt que vers un simple traitement local ».
Place du CA 15-3 dans le suivi thérapeutique d’une métastase L’intérêt potentiel du taux de CA 15-3 lors de la découverte de la métastase a été peu étudié. Il semble que la concentration du marqueur, à ce stade de la maladie, ne soit pas un élément pronostique de réponse au traitement. En revanche, plusieurs études ont tenté de corréler l’évolution biologique et clinique des patientes durant le traitement des métastases. Ces études ont été confrontées à différents problèmes tels que la difficulté de mesurer certaines cibles (surtout lorsqu’elles celles-ci sont osseuses), l’existence de réponses cliniques dissociées (réduction de la cible initiale et apparition simultanée d’une nouvelle cible), la survenue d’effets pointes en phase initiale d’un traitement systémique (augmentation transitoire du marqueur liée à une lyse massive des cellules tumorales) ou encore le choix des critères d’évolution biologique. La plupart des auteurs proposent en effet le seuil de 25 % de variation du taux de CA 15-3 pour prédire la progression de la maladie. Ces données ont d’ailleurs été reprises dans les propositions du Working Group in Tumour Markers Criteria ISOBM, seules règles officielles parues à ce sujet, qui définit les critères d’évolution biologique ainsi : – 1. hors traitement : augmentation régulière sur trois dosages consécutifs ; – 2. sous traitement : progression en cas d’augmentation de plus de 25 %, rémission partielle en cas de diminution de plus de 50 %. En dépit de ces difficultés, les données de la littérature suggèrent une forte corrélation entre la réponse au traitement de la métastase et les variations du taux de CA 15-3. Ces études montrent en effet un pourcentage de corrélations clinicobiologiques de 66 % en cas de réponse, de 73 % en cas de stabilité de la maladie et de 80 % en cas de progression de la maladie. Ces résultats plébiscitent l’utilisation du CA 15-3 comme indicateur d’efficacité thérapeutique, notamment pour les localisations difficilement évaluables par la clinique telles que les métastases osseuses. Le CA 15-3 est reconnu par l’ANAES comme étant un élément d’évaluation de l’efficacité thérapeutique lors du suivi d’une rechute d’une métastase. L’ASCO et des différents groupes européens (ESMO, EGTM) précisent qu’en l’absence de maladie mesurable l’augmentation du CA 15-3 peut être utilisée pour signifier un échec thérapeutique. Enfin, les SOR confirment l’intérêt du CA 15-3 comme reflet de l’efficacité thérapeutique en phase métastatique.
Interprétation dynamique du CA 15-3 Bien que le consensus actuel en termes d’évaluation précoce de l’efficacité thérapeutique s’appuie sur la notion de variation relative des taux de CA 15-3, l’interprétation du signal peut être encore beaucoup plus précise si elle s’appuie sur la notion de cinétique de marqueur en intégrant l’analyse des courbes d’évolution individuelle du CA 15-3 et le calcul du ou des temps de demi-vie. On sait en effet
Méthodes biologiques d’évaluation de l’efficacité des traitements… 57 que la croissance tumorale spontanée pendant la durée d’observation clinique est exponentielle (temps de doublement [Td] constant) et que la cinétique de régression tumorale obéit au même modèle. Ainsi, sous chimiothérapie (ou radiothérapie) chaque cure (ou séance) tue une fraction constante de cellules tumorales indépendamment du nombre de cellules présentes au moment de l’application du traitement. Dans tous les cas, la courbe de survie cellulaire est de type exponentiel décroissant avec un temps de demi-vie (T1/2) constant. Le modèle exponentiel qui décrit l’évolution tumorale peut s’appliquer aux variations des concentrations circulantes de marqueurs tumoraux. Dans ces conditions, le logarithme de la concentration circulante du marqueur varie linéairement en fonction du temps. Cette représentation dite « en coordonnées semi-logarithmiques » utilise une échelle logarithmique pour l’axe des concentrations et une échelle arithmétique pour l’axe des temps. En faisant de chaque patient son propre référent, l’approche cinétique permet de s’affranchir de la variabilité interindividuelle : toute variation de la concentration de marqueur (quelle que soit la zone de concentration où elle se produit) est indicatrice d’une évolution parallèle de la taille tumorale.
Apport de l’association de marqueurs tumoraux Plusieurs études ont cherché à évaluer l’efficacité thérapeutique de différents marqueurs tumoraux et/ou de leur association au moment du diagnostic initial de cancer ou dans la détection précoce de récidives chez des patientes traitées. Le marqueur le plus performant reste le CA 15-3. Les performances du seul dosage de l’ACE dans le cancer du sein sont inférieures à celles du CA 15-3 au stade diagnostique (il n’est positif seulement que dans 50 % des stades IV). Ses performances sont également inférieures à celles du CA 15-3 aussi bien pour la détection d’une rechute et/ou d’une métastase que pour l’appréciation de l’efficacité du traitement de ces dernières. Dans ces séries, une élévation de CA 15-3 était observée chez 41 à 72 % des patientes développant une rechute ou une métastase alors que le pourcentage d’ACE élevé variait de 16 % à 45 % selon les auteurs. Une élévation isolée d’ACE est décrite chez 7 à 15 % des patientes présentant une première évolution métastatique. Chez ces patientes, l’évolution de l’ACE reflète la réalité clinique dans 60 à 80 % des cas et l’efficacité thérapeutique pourra être appréciée par la cinétique de décroissance de l’ACE. La valeur prédictive négative du couple ACE-CA 15.3 pour un suivi sans événement est de 80 % donc supérieure à celle de l’ACE (61 %) et du CA 15.3 (67 %) pris isolément. L’ANAES recommande de ne pas doser l’ACE sauf chez les patientes métastatiques qui n’expriment pas le CA 15-3. Toute association du CA 15-3 avec des marqueurs non ciblés (CA 125, CA 199, TPA), avec des cytokératines (TPA, TPS, CYFRA 21-1) avec l’HER2 circulant ou avec d’autres mucines (MCA, CA 549, BR 27-29, BRMA) est à proscrire.
58 Cancer du sein en situation métastatique
Conclusion La concentration initiale de CA 15-3 sert de valeur de référence individuelle. Un taux supérieur au seuil de dissémination métastatique de CA 15.3 conditionne la recherche de métastases même sans signe d’appel évident. En raison de la variabilité inter-technique importante, le seuil de dissémination métastatique doit être déterminé pour chaque technique. La surveillance biologique individuelle doit être assurée par un seul laboratoire et une seule technique. L’interprétation du taux du marqueur doit tenir compte de son profil évolutif et du contexte clinique ou radiologique. Lorsqu’un marqueur est élevé, sa normalisation et sa vitesse de diminution constituent des critères précoces d’efficacité thérapeutique. La prescription doit être adaptée à la nature des traitements institués, au risque de récidive et aux alternatives thérapeutiques disponibles. On doit éviter de doser les marqueurs en l’absence d’alternatives thérapeutiques. Le compte rendu doit intégrer la cinétique d’évolution individuelle du marqueur, les antériorités et la valeur biologique de la demi-vie apparente du marqueur si celle-ci est utile au clinicien dans sa démarche de soin.
Référence Chourin S, Georgescu D, Gray C, Guillemet C, Loeb A, Veyret C, Basuyau JP (2009) Value of CA 15-3 determination in the initial management of breast cancer patients. Ann Oncol 20: 962-4
Techniques innovantes en radiothérapie, description et application aux cancers du sein métastatique (hors métastases cérébrales) S. Vieillot, C. Bourgier et D. Azria
Introduction Au cours de ces dernières années, la radiothérapie a connu de grands progrès, notamment par l’évolution de l’imagerie et de l’informatique. L’imagerie 3D obtenue par le scanner a permis le développement de la radiothérapie de conformation tridimensionnelle ou RT3D. Le traitement est devenu personnalisé, les volumes cibles et les organes à risque étant déterminés et contourés pour chaque patient sur les coupes de scanner. Les faisceaux d’irradiation ont pu être adaptés à la forme du volume cible, grâce à l’existence de collimateurs multilames (MLC), dans le but d’obtenir une importante conformité de la dose aux volumes cibles, afin d’épargner les organes sains tout en délivrant la dose requise. En radiothérapie conformationnelle, il faut tenir compte du mouvement des organes et des erreurs de repositionnement du patient par l’adjonction de marges autour du volume tumoral. Le risque est d’une part une surtoxicité liée à des marges trop importantes, d’autre part une diminution du contrôle local pour des marges trop limites qui ne couvriraient pas assez le volume cible. Pour répondre à la problématique des marges adaptées à chaque patient, des dispositifs d’asservissement de l’irradiation à la respiration et d’imagerie embarquée ont été développés, afin d’obtenir une haute précision en termes de repositionnement du malade et de localisation des structures internes. Enfin, d’autres modalités d’irradiation, utilisant d’autres particules possédant des propriétés biologiques particulières, tels les protons, sont actuellement en développement. Nous allons détailler ces différentes « techniques innovantes », puis discuter de leur application pour le traitement des cancers du sein métastatique.
60 Cancer du sein en situation métastatique
Description des techniques innovantes Nouvelles modalités de traitement conformationnel Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité Le principe de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) est qu’à partir de contraintes de dose et de volume définies par le radiothérapeute dans les organes cibles et à risque, le système va déterminer la modulation de chaque faisceau par la position et le déplacement des lames du collimateur au cours de l’irradiation. La RCMI est donc basée sur l’utilisation de faisceaux à l’intérieur desquels l’intensité n’est pas uniforme, contrairement à la RT « conventionnelle », et crée donc des isodoses ajustées au plus près du volume cible, même s’il est de forme complexe (1).
Arcthérapie volumétrique Il s’agit d’une technique en plein essor, dont le but principal est de diminuer le temps de traitement et le nombre d’unités moniteur (UM) délivrées par rapport à la RCMI, tout en gardant la même conformation que cette dernière, voire en l’améliorant. Le principe est la délivrance de la dose en continu sur un arc entier, soit sur 360° ; avec, en plus du déplacement des lames et de la modification de la vitesse des lames du collimateur comme pour la RCMI, la possibilité de varier la vitesse du bras de l’accélérateur et le débit de dose (2, 3).
Tomothérapie Il s’agit d’une technique innovante combinant les fonctions d’un accélérateur linéaire et d’un scanner hélicoïdal conventionnel disposés dans un même anneau. Cette capacité de l’appareil à tourner de façon continue, à vitesse constante, couplée à une translation longitudinale simultanée de la table, permettent de réaliser un traitement en « hélice », de façon comparable à l’acquisition des images par un scanner diagnostique classique. Là aussi, l’intensité du faisceau est modulée par un MLC. La zone à traiter peut atteindre jusqu’à 160 cm, en une seule hélice et permet ainsi l’irradiation de lésions multiples disséminées, ou encore une irradiation cranio-spinale en s’affranchissant de l’obligation d’isocentres multiples nécessaires à l’irradiation de volumes importants (4).
Stéréotaxie Il s’agit d’une technique fondée sur l’utilisation d’un cadre (invasif ou non) qui sert de référentiel dans les trois dimensions et permet de localiser la tumeur avec une haute précision. « L’immobilisation » de la tumeur par ce cadre autorise, avec l’aide d’une balistique hautement conformationnelle, à délivrer des doses plus impor-
Techniques innovantes en radiothérapie, description… 61 tantes par fraction (hypofractionnement). En effet, des marges millimétriques sont utilisées pour tenir compte des mouvements des organes et du repositionnement du patient. On distingue deux types de stéréotaxie, selon le mouvement de la lésion à irradier : si la cible est fixe – c’est le cas des lésions cérébrales – le traitement utilise généralement un cadre invasif, qui est mis en place par un neurochirurgien, et délivre une dose unique. Cette technique est appelée « radiochirurgie ». Si un certain degré de mobilité est observé, comme pour les tumeurs pulmonaires par exemple, alors un fractionnement est préféré, compte tenu d’une plus grande incertitude de repositionnement. Elle est alors appelée radiothérapie stéréotaxique fractionnée (RSF) et utilise un cadre stéréotaxique « non invasif » (5). Le Cyberknife® est un système non invasif de stéréotaxie, qui n’utilise pas de cadre ; il s’agit d’un bras robotisé qui porte une section accélératrice (d’énergie de photons 6 MV). Ce bras permet une orientation des faisceaux d’irradiation selon six axes de liberté (trois en translation, trois en rotation), et la distance source-axe varie, offrant plus de 1 000 positions différentes de traitement. Il possède 12 collimateurs, de diamètre s’étalant de 0,5 à 6 cm : trois collimateurs peuvent être utilisés en même temps, améliorant encore la conformation et l’homogénéité du traitement. Un système orthogonal de rayons X permet de suivre la cible en temps réel, grâce à des marqueurs implantés de type fiduciaire ou par corrélation osseuse. La précision inframillimétrique de l’irradiation est obtenue ici grâce aux collimateurs, au positionnement tridimensionnel, ainsi qu’au repositionnement en temps réel (6, 7).
Localisation de la tumeur, repositionnement Localisation tumorale : radiothérapie asservie à la respiration (RAR) La radiothérapie asservie à la respiration (RAR) est une technique très intéressante pour le traitement des tumeurs mobiles avec la respiration (poumon, foie, sein). En effet, les marges autour du volume tumoral pour prendre en compte le mouvement des organes notamment, impose une irradiation d’un grand volume de tissu sain si l’on prend en compte la respiration, augmentant le risque de complications et limitant l’escalade de dose. Les systèmes de RAR diminuent les conséquences des mouvements respiratoires : d’une part le scanner de planification est plus précis en termes de contours, d’autre part les marges se trouvent diminuées, diminuant le risque de toxicité et permettant l’escalade de dose (8). Plusieurs techniques existent.
Blocage Cette technique nécessite une respiration bloquée pendant l’acquisition scanographique de planification et pendant l’irradiation, en inspiration profonde généralement. En effet, c’est l’intervalle du cycle respiratoire le plus favorable en termes
62 Cancer du sein en situation métastatique d’éloignement des structures critiques, donnant ainsi un avantage dosimétrique : une plus petite fraction du vol pulmonaire total est irradiée, et la dose au cœur est diminuée lors d’une irradiation mammaire. Cependant, cela peut être une technique difficile pour le patient, qui nécessite un apprentissage. Le temps d’irradiation est par conséquent assez long, car il requiert plusieurs apnées.
Synchronisation de l’irradiation avec la respiration (encore appelé gating) Le traitement est déclenché de manière automatique à un certain niveau de respiration (généralement le volume courant), chez un patient en respiration libre. Cela permet un temps d’irradiation plus long, car il ne nécessite pas d’apnée. Le système utilise un système de caméra infrarouge, qui suit les mouvements d’un marqueur posé sur l’abdomen entre la xyphoïde et l’ombilic (au moyen de réflecteurs). Le logiciel intègre ces mouvements et choisit une « fenêtre de tir » au cours du cycle respiratoire. L’acquisition des images pour la préparation du traitement requiert alors le plus souvent un « scanner 4D » : plusieurs images sont effectuées pour chaque coupe, qui couvrent la totalité du cycle respiratoire. Une reconstruction 3D de l’anatomie du patient est ainsi réalisée en fonction du temps (9).
Tracking Il s’agit d’une technique qui combine la localisation de la tumeur, et l’adaptation du faisceau en temps réel, alors que le patient respire librement. Il est généralement nécessaire d’implanter des marqueurs radio-opaques (ficudiaires) dans la tumeur. Ces marqueurs sont repérés en temps réel par fluoroscopie, et la cible est suivie par le faisceau soit par le mouvement du bras de l’accélérateur, soit par le déplacement des lames du MLC, ou encore par mouvements de la table. Le Cyberknife® utilise cette technique.
Radiothérapie guidée par l’image Depuis l’avènement des techniques conformationnelles, des marges de sécurité ont été introduites autour du volume cible anatomoclinique (CTV) pour prendre en compte les mouvements des organes et les erreurs de repositionnement. Pour répondre à la problématique de marges adaptées à chaque patient, pour des tumeurs présentant des variations anatomiques significatives (déformations, déplacements), le concept de radiothérapie guidée par l’image (IGRT) a été développé. Le principe général est de déterminer la localisation de la cible par une visualisation directe (des tissus mous) ou indirecte (grâce à des marqueurs intratumoraux). La position de la cible est ensuite comparée à la position théorique sur le scanner de planification. Si besoin, une correction de la position du patient est effectuée.
Techniques innovantes en radiothérapie, description… 63 Les nouveaux accélérateurs linéaires proposent largement ces systèmes d’imagerie embarquée, intégrés dans l’unité de traitement. Selon les constructeurs, il peut s’agit d’une imagerie planaire (pour le Cyberknife® par exemple) ou volumétrique (pour la tomothérapie par exemple), irradiante ou non (rayons X de basse énergie type kilovoltage (kV), ou mégavoltage (MV) ou d’ultrasons) (10). La tomographie conique de basse énergie (CBCT pour Cone Beam CT) est la modalité d’IGRT la plus répandue ; elle permet d’obtenir une imagerie en 3D. La dose additionnelle de l’IGRT, quelle que soit sa modalité, doit est prise en compte, ou au minimum rapportée. Pour une imagerie en mode kV, la dose par imagerie est de l’ordre de 10 cGy maximum, et pour le mode MV, elle est supérieure à 6-10 cGy (11). Des protocoles se mettent en place dans chaque structure, afin de déterminer la fréquence optimale d’utilisation de ces images, mais aussi de choisir le seuil de déplacement autorisé pour chaque pathologie avant de corriger ce décalage (12).
Hadronthérapie L’hadronthérapie se définit par l’irradiation d’hadrons, qui correspondent à des protons et des neutrons, constituants du noyau. Les caractéristiques physiques de ces particules (leur masse élevée – par rapport aux électrons et aux photons –, leur charge et le type d’interaction avec la matière leur confèrent des propriétés biologiques et balistiques uniques). Ainsi, les hadrons déposent la quasi-totalité de leur énergie à une profondeur déterminée, dessinant le « pic de Bragg ». Cette profondeur dépend de l’énergie incidente de la particule, pour 65 MeV, la profondeur se situe à 3,5 cm, et pour une énergie supérieure à 200 MeV (idéalement 235), la profondeur est alors de 32 cm (8). Ce pic s’explique principalement par un accroissement de la densité linéique des ionisations à mesure que la particule ralentit. Ce dépôt d’énergie important entraîne plus de lésions létales qu’avec les rayonnements classiques, l’efficacité biologique relative est élevée. Dès lors, les schémas de fractionnement sont moins intéressants et permettent des traitements hypofractionnés. La production de telles particules nécessite un cyclotron ou synchrocyclotron, accélérateurs particulièrement volumineux et coûteux, ainsi qu’une mobilisation humaine considérable proportionnelle à la complexité de cette technique, freinant son développement.
64 Cancer du sein en situation métastatique
Application aux cancers du sein métastatique, hors métastases cérébrales Traitement de la glande mammaire Le contrôle locorégional de la tumeur chez les patientes atteintes d’un cancer du sein même métastatique reste important, et la radiothérapie de la glande mammaire ou de la paroi thoracique associée aux aires ganglionnaires peut être discutée en fonction de l’évolutivité de la maladie. L’irradiation en modulation d’intensité offre une grande conformité et une homogénéité au volume cible, et diminue la dose délivrée aux poumons et au cœur. Plusieurs études cliniques et/ou dosimétriques évaluant ces techniques innovantes ont été publiées, et semblent très prometteuses (8, 13-17). L’asservissement respiratoire peut être utilisé pour l’irradiation de la glande mammaire afin d’améliorer la précision des structures et donc de réduire les marges, mais il offre également un avantage dosimétrique potentiel : le blocage en inspiration profonde est la phase du cycle respiratoire la plus favorable en termes d’éloignement des structures critiques (poumons et cœur). Le volume pulmonaire irradié à dose élevée représente ainsi une plus petite fraction du volume pulmonaire total et, dans le cas de l’irradiation du sein gauche par des faisceaux tangentiels, plusieurs auteurs s’accordent sur le fait que la dose cardiaque peut être fortement diminuée grâce au blocage inspiratoire profond (18, 19).
Métastases osseuses rachidiennes L’os est le premier site d’évolution métastatique dans le cancer du sein. L’irradiation des lésions rachidiennes est limitée par la moelle, car le risque de myélite radique irréversible existe dès 40 Gy. L’intérêt des techniques hautement conformationnelles, dans cette situation, est réel, afin de limiter la dose à la moelle tout en délivrant la dose requise, voire permettre des réirradiations (20). La Haute Autorité de Santé (HAS) reconnaît par exemple l’indication de radiothérapie stéréotaxique pour le traitement de ces lésions (21).
Métastases viscérales : hépatiques et pulmonaires L’irradiation de métastases uniques (ou d’oligométastases) hépatiques et pulmonaires, d’évolution lente, sur un cancer du sein contrôlé, est une bonne alternative à la chirurgie, lorsque celle-ci n’est pas retenue du fait de l’état général du patient ou de la localisation de la tumeur. Les toxicités radiques sont liées au volume et à la dose de tissu sain irradié. Aussi, l’utilisation de techniques hautement conforma-
Techniques innovantes en radiothérapie, description… 65 tionnelles associées à la précision d’un repositionnement de la tumeur est en plein développement actuellement, car associe l’épargne des tissus sains tout en délivrant la dose requise pour augmenter le contrôle local (20, 22-24). Les métastases pulmonaires et hépatiques sont des indications de radiothérapie extracrânienne en condition stéréotaxique reconnues par l’HAS (21). Bien sûr, les études cliniques restent nécessaires pour évaluer l’efficacité et la tolérance à plus long terme. Pour des métastases multiples, la tomothérapie semble très intéressante pour traiter simultanément des lésions disséminées. En effet, Kim et al. ont rapporté les résultats d’une série de 31 patients porteurs de métastases d’origines diverses, avec un nombre médian de métastases de 4,32 (min.-max. : 1-10). Les doses médianes prescrites étaient de 40 et 50 Gy en dix fractions, délivrées sur 2 semaines. Les résultats obtenus en termes de survie globale et de contrôle local étaient encourageants, et aucune toxicité de grade 3-4 n’a été observée (25).
Métastases choroïdes Les métastases intraoculaires correspondent aux affections oculaires les plus fréquentes chez l’adulte, la choroïde est la zone la plus touchée. Le sein et le poumon sont les deux primitifs les plus retrouvés, un traitement par radiothérapie plus ou moins associé à une chimiothérapie a été prouvé efficace et bien toléré (26, 27). Il existe des toxicités aiguës et tardives, notamment une baisse d’acuité visuelle que les nouvelles techniques tendent à améliorer ; de plus, celles-ci permettent une escalade de dose intéressante pour le contrôle local. Quelques expériences prometteuses de stéréotaxie extracrânienne pour les tumeurs choroïdiennes, et de protonthérapie pour les mélanomes de la choroïde, permettant une conservation de l’acuité visuelle, ont été publiées. On pourrait donc envisager son application pour les métastases ? (28-30).
Conclusion L’offre de soins en radiothérapie se complète par le développement de nouvelles machines et de nouvelles technologies avec toujours comme objectif une diminution des toxicités et une amélioration de l’efficacité. Les règles de bonnes pratiques, en termes d’indications, de fréquence d’utilisation et de contrôle de qualité de ces techniques innovantes restent à définir et font l’objet de nombreuses études, notamment dans le cancer du sein.
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Cancers du sein métastasés d’emblée : prise en charge chirurgicale locorégionale M.-P. Chauvet et S. Giard
Introduction Environ 4 à 6 % des patientes atteintes d’un cancer du sein présentent des métastases au moment du diagnostic. Historiquement, la place de la chirurgie reste limitée aux situations palliatives locales soit en raison de symptômes locaux invalidants pour la patiente, soit pour assurer un contrôle local correct pendant leur période de survie. Dans cette situation, un geste radical est le plus souvent réalisé, dit de propreté. Parfois, une exérèse mammaire partielle est effectuée, rarement complétée par une irradiation. Cette attitude est basée sur des études ayant confirmé le caractère incurable des stades IV et orienté les praticiens vers des traitements systémiques. Cependant, des études plus récentes évaluant l’intérêt d’une chirurgie radicale agressive (enlevant tumeur primitive et éventuellement métastases) dans d’autres localisations (cancer colorectal, gastrique, ovarien) ont permis de remettre en question le principe d’abstention chirurgicale sur la tumeur primitive en montrant un bénéfice en termes de survie. L’équipe de Flanigan et al. a, par exemple, montré dans une étude randomisée chez des patients atteints de carcinome rénal traité par interféron une amélioration de la survie dans le groupe des patients opérés (néphrectomie). Cependant, l’effet de facteurs biologiques spécifiques de tumeur (circulation des cellules tumorales, type de réponse aux traitements systémiques, modes de dissémination, etc.) diffère selon le type d’organe et ces constatations ne peuvent être généralisées. Pour le cancer du sein, ces publications sont à mettre en parallèle avec l’amélioration de la survie et de la qualité de vie des patientes au stade IV de la maladie grâce en partie aux progrès des traitements systémiques qui ont permis d’augmenter leur espérance de vie.
70 Cancer du sein en situation métastatique Ces arguments sont à l’origine d’un ensemble de publications récentes évaluant l’impact de la chirurgie chez les patientes présentant un cancer du sein métastatique d’emblée. Nous analyserons ici cette littérature et tenterons d’en dégager quelques principes éventuellement applicables en pratique.
Données de la littérature Douze études ont à ce jour évalué l’impact de la chirurgie locorégionale chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Toutes sont rétrospectives et concernent des patientes répertoriées sur des périodes allant de 3 à 45 ans ! De ce fait, ces travaux sont très probablement biaisés par des critères de sélection difficilement analysables secondairement. Dans ces études, on constate également une grande disparité sur : – les indications (allant de la biopsie chirurgicale diagnostique à l’exérèse dite de propreté en passant par l’ablation dite curative en cas de métastases stables) (2, 5) ; – le pourcentage de patientes opérées (allant de 33 à 61 %) ; – les gestes réalisés (dans certaines études (2), l’ablation concomitantes de métastases a été réalisée) ; la notion d’exploration ganglionnaire n’est pas toujours connue et jamais argumentée ; – le timing de la chirurgie : parfois réalisée avant le diagnostic de métastases (7) ; – les modalités d’irradiation : la notion de radiothérapie n’est pas toujours précisée et jamais développée en termes de technique ou d’indication ; – les indications et modalités des traitements systémiques qui ont forcément variées dans le temps. Toutes ces études ont évalué l’impact de la chirurgie sur la survie et ce par des calculs statistiques différents. L’étude de Khan (1) reprend les données de 16 023 cancers à partir du National Cancer Data Base : 6 861 (42,8 %) n’ont pas eu de chirurgie locale, 9 162 (57,2 %) ont eu une chirurgie. Dans 38,3 % (n = 3 513) par mastectomie partielle (MP), et dans 61,7 % des cas (n = 5 649) par mastectomie totale (MT). En analyse multivariée (modèle de Cox), quatre covariables indépendantes sont identifiées comme ayant un impact sur la survie : la qualité chirurgicale, le nombre de sites métastatiques (> 1 HR = 1,25), le type de métastases (tissus mous vs viscérales et osseuses ; HR = 0,74), la réalisation d’un traitement systémique (HR = 0,61 à 0,72). N’apparaissent pas comme covariables significatives le type de chirurgie (MP ou MT), la taille tumorale, l’étendue du prélèvement ganglionnaire, le nombre de ganglions envahis. Cette étude datant de 2002 a dynamisé plusieurs équipes puisque huit études ont été publiées en 2008 et 2009 (tableau I). Une revue de la littérature a également été publiée récemment par Ly et al. (14). Cette étude a repris l’ensemble des séries publiées évaluant le traitement locorégional (chirurgie et radiothérapie) chez les patientes métastatiques.
Cancers du sein métastasés d’emblée… 71 Tableau I – Récapitulatif de l’impact de la chirurgie locale sur la survie.
Auteurs Khan (1) 2002 Rapiti (3) 2006 Gnerlich (4) 2007 Fields (5) 2007 Babiera (2) 2008 Blanchard (6) 2008 Cady 2008 Hazard 2008 Bafford (7) 2009 Shien (8) 2009 Ruiterkamp 2009 Leung 2009
Période
n
1990-1993
16 023
1977-1996
300
1988-2003
9 734
1996-2005
409
1997-2002
224
1973-1991
395
1970-2002
622
1995-2005
111
1998-2005
147
1962- 2007
344
1993-2004
728
1999-2000
157
Survie % de chirurgie Avec Sans mammaire chirurgie chirurgie 27,757 17,3 % 31,8 % 27 % 12 % 42 à 5 ans à 5 ans 36 mois 21 mois 47 (méd.) (méd.) 26,8 mois 12,6 mois 46 (méd.) (méd.) 95 % 79 % 37 à 3 ans à 3 ans 27,1 mois 16,8 mois 61 (méd.) (méd.) 44 % 24 % 38 à 3 ans à 3 ans 43 % 37 % 42 à 3 ans à 3 ans 4,1 ans 2,4 ans 41 (ajusté) (ajusté) 27 mois 22 mois 47 (méd.) (méd.) 24,5 % 13,1 % 40 à 5 ans à 5 ans 25 mois 13 mois 33 (méd.) (méd.)
p <0,0001 0,0002 < 0,001 0,0005 0,091 < 0,0001 < 0,0001 NS 0,003 0,049 < 0,0001 NS
Survie globale et survie spécifique Huit études ont évalué l’impact de la chirurgie locale sur la survie globale. Celle-ci passe de 12,6-28,3 mois sans chirurgie à 25-42,2 mois avec chirurgie. Trois études montrent un bénéfice à 3 ans (1, 2, 10) et 1 à 5 ans (13). Bafford (7), dans une série de 147 cas dont 41 % (n = 61) opérés, met en évidence une différence significative de survie médiane (après ajustement sur l’âge, le nombre de sites métastatiques, l’usage de traitement systémique, le statut RH et HER2). Celle-ci est de 4,13 ans dans le groupe chirurgie vs 2,36 ans dans le groupe sans chirurgie. Reprenant l’hypothèse d’un biais possible de sélection des patientes ayant un meilleur pronostic dans le groupe chirurgical, les auteurs différencient les patientes dont l’état métastatique est connu avant la chirurgie, de celles où le stade IV n’a été diagnostiqué qu’après le geste local : la survie médiane n’est pas différente entre le groupe chirurgie et le groupe non chirurgie chez les patientes connues
72 Cancer du sein en situation métastatique porteuses de métastases (2,4 ans vs 2,36 ans), alors qu’elle est significativement allongée pour le groupe chirurgie avant diagnostic de métastases (4,05 ans vs 2,36 ans). Cette étude suggère que la surstadification par un bilan d’extension postopératoire (ce qui laisse supposer l’absence de symptômes d’appel de métastase) permet d’isoler un groupe de bon pronostic sans que l’on puisse évaluer le rôle de la chirurgie locale sur la survie dans ce groupe. À l’inverse, la survie est comparable dans le groupe reconnu métastatique d’emblée, qu’il y ait ou non une chirurgie mammaire. McGuire (9) a rapporté 566 cas de patientes au stade IV : 27,4 % d’entre elles ont été opérées (n = 154) ; 64 % (n = 98) par MT et 36 % (n = 56) par MP ; 34 % des patientes traitées par MT ont eu un traitement par chimiothérapie avant chirurgie contre 15 % en cas de MP (p = 0,02). Les auteurs mettent en évidence une amélioration de la survie dans le groupe opéré (33 % vs 20 % avec un recul moyen de 37 mois), ainsi que dans le groupe MT vs MP (37 % contre 20 %). Aucun impact du nombre de site métastatique n’est retrouvé. Gnerlich (4) reprend les données de 9 734 cas de stade IV du SEER 1988-2003 : 5 156 (53 %) n’ont pas eu de geste chirurgical, 4 578 (48 %) ont eu une chirurgie locale, 1 844 (40 %) par MP, 2 485 (60 %) par MT. La survie globale à la fin de l’étude est de 16 % dans le groupe non chirurgical et de 24 % dans le groupe chirurgie. La survie médiane est, pour les patientes vivantes à la fin de l’étude de 36 mois pour les opérées, de 21 mois pour les non opérées. Elle est respectivement de 18 et 7 mois pour les patientes décédées. En analyse multivariée (modèle de Cox puis score de propension) tenant compte des possibles biais de sélection entre les deux groupes, la chirurgie reste significativement associée à une réduction de 37 % du risque de décès. Compte tenu du registre de données utilisé, l’étude n’a pu prendre en compte les sites métastatiques, la réponse aux traitements systémiques, l’état des berges d’exérèse, et l’utilisation ou non d’un traitement systémique. Dans l’étude de Fields (5), 409 patientes au stade IV d’emblée ont été retenus avec un suivi médian de 142 mois : 187 (46 %) ont été opérées, 33 % par MP, 66 % par MT ; 49 % avaient des berges négatives et 77 % des patientes ont eu une évaluation ganglionnaire chirurgicale. La survie médiane est de 26,8 mois dans le groupe chirurgical, de 12,6 mois dans le groupe sans chirurgie. Il n’existe en revanche pas de différence significative pour la survie sans progression métastatique entre les deux groupes. Blanchard (6) reprend 395 patientes dont 242 (61,3 %) opérées, 77,7 % par MT et 22,3 % par MP. La survie médiane est de 27,1 mois dans le groupe chirurgical et de 16,8 mois dans le groupe sans chirurgie. En analyse multivariée, les facteurs associés à une meilleure survie globale sont : le geste chirurgical (HR = 0,71), la positivité des récepteurs hormonaux (HR = 0,6), et le nombre de sites métastatiques (> 1 site : HR = 1,27). L’étude de Rapiti (3) concerne 300 patientes : 127 (42 %) ont été opérées, 87 par MT, 40 (48 %) par MP (61 avaient des berges négatives, 33 des berges envahies et 33 des berges non précisées). La survie spécifique à 5 ans est de 12 % pour le groupe sans chirurgie et le groupe chirurgie avec berges inconnues, de 27 % dans le groupe chirurgie en berges saines, et de 16 % dans le groupe berges envahies. Le bénéfice
Cancers du sein métastasés d’emblée… 73 du groupe chirurgie en berges saines était d’autant plus important que le site métastatique se limitait à des métastases osseuses. Il n’y avait en revanche pas d’impact significatif de la réalisation ou non d’un curage ganglionnaire. Trois études ne retrouvent pas de différence significative sur la survie (11, 12).
Survie sans progression métastatique Deux études ont choisi ce critère d’évaluation (2, 11). La série du MD Anderson (2) reprend 224 patientes avec un suivi médian de 32,1 mois : 142 (63 %) n’ont pas été opérées ; 82 (37 %) ont eu une chirurgie mammaire (48 % par MP, 43 par MT). Les indications étaient pour 29 d’entre elles à visée diagnostique, dans 41 cas pour traitement curatif (avec métastasectomie dans 11 cas) et 7 fois à visée palliative. En analyse multivariée, la chirurgie locale n’apparaît pas comme facteur significatif sur la survie globale (facteurs significatifs identifiés : plusieurs sites vs un site métastatique HR = 2,43, HER2 positif vs négatif HR = 2,52). En revanche, la chirurgie locale est significativement associée à une amélioration de la survie sans progression métastatique (HR = 0,54). Hazard (11) rapporte 111 cas dont 47 (42 %) ont été opérées. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer le contrôle local en cas de chirurgie. Cette étude met en évidence une différence significative pour la survie sans progression (HR = 0,493 95 % CI = 0,28-0,87) alors qu’il n’existe pas de différence pour la survie globale.
Caractéristiques des patientes opérées et facteurs pronostiques Dans la majorité des études, l’âge jeune est quasi constamment retrouvé dans le choix d’opérer les patientes (2-5, 11-13). L’analyse des études publiées montre que certains facteurs semblent avoir également influencé la décision d’opérer. Ces critères sont : – la petite taille tumorale (3-6) ; – un moindre envahissement ganglionnaire (2, 3) ; – le faible nombre de sites métastatiques (1 vs plusieurs (1-3, 6, 7)) ; – les métastases osseuses et tissus mous plutôt que viscérales (1, 3, 5, 6) ; – moins de métastases hépatiques (2) ; – le haut grade (4) ; – la présence de récepteurs aux estrogènes (4, 6) ; – la surexpression de HER2 (2) ; – la chimiothérapie comme traitement de première ligne (2, 3). Plusieurs auteurs ont évalué la qualité d’exérèse chirurgicale. Khan (1) retrouve une amélioration de la survie lorsque l’exérèse est complète (HR = 0,612) (tableau II). Rapiti (3) montre des taux de survie passant de 16 à 27 % en fonction des marges.
74 Cancer du sein en situation métastatique Tableau II – Comparaison des taux de survie selon le type d’exérèse. Survie à 5 ans (%)
Survie médiane (mois)
Survie moyenne (mois)
Pas de chirurgie
6,7
11,9
19,3
Berges saines MP MT (p = 0,0137)
16,6 18,4
22,9 25,3
Berges non saines MP MT (p = 0,1035)
11,3 11,5
17,6 20,0
Conclusion Une majorité de ces études met en évidence une augmentation significative de survie ou de survie sans progression métastatique chez les patientes métastatiques opérées. Rappelons encore que ces études sont rétrospectives et couvrent des périodes parfois très longues. Les analyses statistiques utilisées ont toutes comporté des tests multivariés afin de corriger au mieux ces biais, mais il n’en reste pas moins qu’il est impossible à la lecture de ces articles de préciser en particulier l’état général et les conditions du diagnostic ayant motivé ou non un geste chirurgical. Il s’agit probablement d’un biais majeur à prendre en considération dans l’interprétation de ces données. Seuls des essais randomisés pourraient répondre de façon scientifiquement correcte à cette question. Actuellement, deux études randomisées sont en cours d’inclusion (une étude turque (15) et une indienne). L’analyse de la littérature permet de constater que la survie de ces patientes semble sous réserve prolongée lorsque celles-ci ne présentent qu’un seul site métastatique, plutôt osseux. En cas d’atteinte polyviscérale, il paraît prudent d’évaluer la réponse aux traitements systémiques et de n’envisager un geste chirurgical qu’après stabilisation prolongée par chimiothérapie. Le geste chirurgical peut être radical ou partiel à condition que les berges soient saines. Le rôle de l’évaluation ganglionnaire et l’impact de la radiothérapie restent à démontrer, l’ensemble de ces études ne permettant pas de conclure.
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Imagerie interventionnelle des métastases viscérales des cancers du sein P. Chevallier et S. Novellas
Introduction L’imagerie interventionnelle peut être utilisée pour le traitement de certaines métastases hépatiques des cancers du sein avec un rôle, pour l’instant, très peu évalué pour le traitement des métastases ayant d’autres localisations comme les poumons ou les ganglions. Deux types de traitements antitumoraux palliatifs ou curatifs peuvent être utilisés. – Les traitements ablatifs, consistant à détruire un site tumoral au moyen d’une source thermique ou de radiothérapie amenée sous contrôle de l’imagerie au sein de la tumeur ; on peut ainsi détruire les tumeurs en les congelant au moyen d’aiguilles reliées à un générateur de cryothérapie ou en les brûlant avec des aiguilles reliées à des générateurs de micro-ondes ou de radiofréquence ou des fibres reliées à une source laser ; ce type de traitement peut également être réalisé sans utilisation d’aiguilles au moyen d’ultrasons focalisés de haute énergie ou d’une source de radiothérapie très focale (Cyberknife®). – Les traitements menés par un cathéter artériel hépatique, consistant à positionner un cathéter dans le système artériel hépatique en utilisant une voie d’abord fémorale pour y délivrer des chimiothérapies et/ou des emboles ; le cathéter peut être positionné temporairement pour chaque séance thérapeutique ou durablement avec des injections réalisées au moyen d’une chambre d’injection sous-cutanée. D’autres actes d’imagerie interventionnelle peuvent être requis en préparation d’une chirurgie hépatique comme l’embolisation portale préopératoire ou au décours d’actes chirurgicaux comme le drainage de collections liquidiennes postopératoires. Nous donnerons quelques données concernant l’embolisation portale préopératoire.
78 Cancer du sein en situation métastatique
Traitements thermo-ablatifs - Radiofréquence Parmi tous les traitements thermo-ablatifs disponibles, c’est le traitement par radiofréquence qui a été le plus évalué depuis 2001 (1-6) et qui est actuellement le plus utilisé. En dehors de la radiofréquence, on peut trouver dans la littérature un travail mené par une équipe Allemande ayant utilisé la thermo-ablation par laser chez 232 femmes (7) ou une autre ayant utilisé les micro-ondes chez huit patientes (8), ces deux études ayant pris l’IRM comme méthode de guidage.
Technique Les courants de radiofréquence sont utilisés cliniquement pour la destruction de tumeurs viscérales depuis le début des années 1990. Une ou plusieurs aiguilles sont reliées à un générateur d’un courant ayant une fréquence comprise entre 420 et 500 KHz. Le courant va induire à l’échelle cellulaire une agitation ionique avec une augmentation progressive de la chaleur locale. La destruction cellulaire va être effective lorsque la chaleur va être supérieure à 45 °C pendant quelques minutes, ce temps étant plus court à mesure que la chaleur s’élève. Les aiguilles peuvent être monopolaires, le courant étant récupéré par des plaques de dispersion positionnées aux cuisses ou bipolaires, étant alors émettrices et réceptrices. Elles peuvent avoir une extrémité droite ou s’ouvrir comme les baleines d’un parapluie (aiguilles de Leveen®). Un volume maximal de thermo-ablation de 4 à 5 cm de diamètre peut être obtenu avec une aiguille, ce volume pouvant être augmenté par l’utilisation en parallèle de plusieurs aiguilles, ou en repositionnant la même aiguille pour plusieurs applications ; on peut aussi augmenter le volume de destruction en interrompant par voie endo-vasculaire et de manière temporaire ou définitive le flux artériel ou le flux veineux limitant la diffusion de l’onde de chaleur. Les procédures sont réalisées sous anesthésie générale et sous contrôle de l’échographie, du scanner ou de l’IRM. Elles sont en règle générale effectuées par voie percutanée pure dans des unités d’imagerie interventionnelle oncologiques ; elles peuvent aussi être réalisées lors d’une laparoscopie ou d’une laparotomie au bloc opératoire sous contrôle échographique, complétant alors le plus souvent une résection chirurgicale (9, 10). Une gaine coaxiale est mise en place de manière à ce que l’aiguille qui coulisse dans cette gaine ne soit jamais en contact avec les tissus tumoraux, ceci évitant en théorie toute dissémination tumorale sur le trajet de ponction. Par cette gaine coaxiale, on peut aussi faire passer au préalable du traitement une aiguille biopsie pour l’obtention de prélèvements histologiques. On peut détruire de manière fiable des lésions mesurant jusqu’à 35-40 mm de diamètre (mesure effectuée avant toute chimiothérapie). Il n’y a pas de limites techniques concernant le nombre de lésions pouvant être détruites en une séance, et quatre à cinq lésions peuvent être traitées en environ 2 heures. La topographie souscapsulaire ne constitue pas une contre-indication au traitement par radiofréquence. Plusieurs zones anatomiques différentes peuvent être traitées au cours d’une même
Imagerie interventionnelle des métastases viscérales… 79 séance, comme une métastase pulmonaire associée à une métastase hépatique par exemple. Enfin, une micrométastase ne mesurant que quelques millimètres ne constitue pas une difficulté balistique car, dans ce cas de figure, on ne cherche pas à transfixier la lésion avec l’aiguille mais à se positionner près d’elle, le volume de thermo-ablation couvrant alors largement le volume tumoral. Au cours de la procédure, il faut prendre garde à ne pas brûler des organes adjacents aux tumeurs comme le tube digestif – en particulier le côlon droit pour les tumeurs du segment VI et l’estomac pour les tumeurs du lobe gauche – ou les voies biliaires centrales pour les tumeurs centrales des segments IV et V. La destruction thermique de la paroi digestive ou biliaire est à l’origine des principales complications graves de ce type de procédure. Il faut donc contre-indiquer les patients ayant des tumeurs avec de tels rapports ou employer des artifices techniques visant à protéger ces structures anatomiques en les refroidissant ou en effectuant des interpositions d’air ou de ballons entre ces dernières et la tumeur à traiter. Ces artifices techniques sont réalisés dans l’unité d’imagerie interventionnelle.
Résultats et indications pour les métastases hépatiques Le niveau de preuve disponible dans la littérature reste faible avec des séries numériquement limitées, monocentriques et rétrospectives. En particulier, il n’y pas aucun travail randomisé comparant le traitement par radiofréquence à la tumorectomie chirurgicale. Néanmoins, les résultats de ce type de traitement semblent se comparer favorablement à la chirurgie. La médiane de survie après chirurgie, d’après une revue de la littérature réalisée par Meloni et al. (1), varie entre 15 et 63 mois. La survie à 5 ans est comprise entre 25 et 38 % (11) et est égale à 34 % dans l’expérience de l’Institut Gustave Roussy (9). Les travaux ayant utilisé la radiofréquence font état de médianes de survie voisines, comprises entre 42 et 60 mois (1, 2, 4), avec une survie à 5 ans égale à 30 ou 32 % (1, 4). Les facteurs pronostiques mis en évidence dans les séries chirurgicales sont débattus et discordants. Néanmoins, le temps écoulé entre le traitement de la tumeur primitive et la découverte d’une métastase hépatique, l’absence de métastases extrahépatiques et la stabilité ou la régression volumétrique tumorale hépatique sous chimiothérapie préopératoire paraissent être des facteurs pronostiques pertinents (10, 12, 13). Pour les études ayant utilisé la thermo-ablation par radiofréquence, seule la présence de métastases extrahépatiques et extraosseuses serait de mauvais pronostic (2). Les reprises tumorales au site de radiofréquence s’observent dans 3 à 13,5 % des cas (1-3) et sont liées essentiellement au volume tumoral ; pour Meloni et al., ces reprises au site traité étaient plus fréquentes pour des tumeurs ayant un diamètre supérieur à 25 mm (1). Les récidives hépatiques à distance des tumeurs traitées sont observées dans 59 à 67 % des cas (9, 14, 15), ces chiffres étant semblables à ceux donnés après traitement par radiofréquence (50 à 53 %) (1, 3). Ces pourcentages élevés doivent
80 Cancer du sein en situation métastatique conduire à instaurer des traitements adjuvants et devraient plutôt favoriser l’usage de la thermo-ablation par radiofréquence comparativement à la chirurgie du fait de son caractère moins invasif ; en effet, la morbidité (complications nécessitant une prolongation d’hospitalisation) de la chirurgie varie entre 12,9 % et 26 % (9, 12) et celle de la radiofréquence entre 0 et 6,9 % (1-3) ; dans le même registre, le temps d’hospitalisation moyen varie entre 9 et 11 jours avec la chirurgie (9, 12) et est voisin de 2 jours avec la radiofréquence (1). Au total, la seule indication formelle de thermo-ablation tumorale par radiofréquence d’une métastase hépatique de cancer de sein est celle réunissant les points suivants : – contre-indication chirurgicale ; – pas de contre-indication anatomique au traitement par la thermo-ablation ; – lésions mesurant moins de 35 mm de diamètre ; – maladie tumorale stabilisée par la chimiothérapie ; – pas de lésion tumorale extrahépatique et extraosseuse sauf si lésion pouvant être traitée dans le même temps par thermo-ablation. Ces points peuvent être modifiés au cas par cas lors de réunions de concertation pluridisciplinaires et en particulier en fonction : – du degré de contre indication chirurgicale qui peut être relative ; – du degré de stabilisation de la maladie tumorale qui peut être difficile à évaluer avec la proposition d’un traitement d’épreuve, comme cela est déjà fait pour les métastases hépatiques de cancer de côlon et appelé dans la littérature de langue anglaise « the test-of time approach ».
Métastases pulmonaires Quelques particularités techniques sont propres au traitement par radiofréquence de métastases pulmonaires. En cas de métastases bilatérales, le traitement bilatéral peut ne pas être réalisé en une seule fois du fait du risque de pneumothorax, voisin de 60 %, et de défaillance respiratoire en cas de pneumothorax bilatéral. La nécessité d’un drainage de ces pneumothorax n’est cependant pas fréquente (environ 10 %). Les tumeurs centrales parahilaires sont par ailleurs difficiles à traiter du fait du risque de plaie vasculaire et de traitement incomplet de tumeurs par convection thermique (zone tumorale difficile à chauffer du fait de son contact avec une grosse structure vasculaire qui disperse cette chaleur). Seuls quelques cas de traitement par thermo-ablation de métastases pulmonaires par radiofréquence peuvent être trouvés dans la littérature. Ces cas n’ont pas fait l’objet de publications spécifiques mais ont été inclus dans des séries comportant des métastases de diverses tumeurs malignes primitives (16). La survie globale et l’intervalle de temps sans progression tumorale à 12 et 24 mois d’une des séries de traitement par radiofréquence de métastases pulmonaires numériquement la plus importante (16) sont similaires à ceux tirés d’un registre ayant colligé 5 206 tumorectomies chirurgicales (17). La série chirurgicale de métastases pulmonaires de cancer du sein extraite de ce même registre (18) et ayant inclus 467 patientes fait état
Imagerie interventionnelle des métastases viscérales… 81 d’une résection complète dans 84 % des cas, d’un taux de survie à 5 ans de 38 % et à 10 ans de 22 %. Les meilleurs résultats avec une médiane de survie à 59 mois étaient obtenus avec les patientes ayant une seule lésion, apparue plus de 36 mois après la découverte de la tumeur primitive et ayant été complètement réséquée.
Traitements artériels hépatiques Principes La voie artérielle hépatique pour occlure des vaisseaux tumoraux et/ou administrer une chimiothérapie est surtout utilisée actuellement pour le traitement de carcinomes hépatocellulaires intermédiaires ou de métastases hépatiques de tumeurs neuro-endocrines évolutives et/ou symptomatiques. Elle est très peu utilisée pour les autres types tumoraux avec un regain actuel de la technique pour un traitement de troisième ligne de métastases colorectales. Cette voie a été évaluée en deuxième ou troisième ligne thérapeutique pour les métastases hépatiques des cancers du sein dès les années 1980 (19, 20) sur les deux principes suivants : – les métastases hépatiques de cancer du sein ont une riche vascularisation artérielle (11) et l’embolisation artérielle peut entrainer une nécrose tumorale par ischémie ; – l’administration intra-artérielle de chimiothérapies peut permettre d’augmenter les concentrations intratumorales en antimitotiques tout en diminuant leurs effets systémiques comparativement aux mêmes chimiothérapies administrées par voie systémique (21).
Technique Il n’existe pas une seule technique de traitement artériel hépatique mais plusieurs techniques permettant le positionnement temporaire ou à demeure de la voie d’abord artérielle hépatique. On peut en effet mettre de manière temporaire un cathéter dans le système artériel hépatique en utilisant une voie d’abord percutanée fémorale et en cathétérisant sous contrôle fluoroscopique l’artère ou les artères hépatiques. On injecte ensuite les agents thérapeutiques et on enlève enfin le cathéter que l’on replace pour chaque séance. Une autre technique consiste à positionner un cathéter hépatique de manière permanente. Il faut alors occlure toutes les autres afférences hépatiques (parfois plusieurs artères hépatiques) et occlure également toutes les artères à destinée digestive naissant du tronc artériel hépatique choisi (artère pylorique, etc.). Le cathéter est alors relié à une chambre implantée en région sous-cutanée. La bonne distribution du flux véhiculé dans le cathéter vers l’ensemble du foie doit être contrôlée par scintigraphie au technétium99 pour s’assurer du traitement de l’en-
82 Cancer du sein en situation métastatique semble du foie et pour éviter en cas d’usage d’emboles agressifs certaines complications liées au passage digestif ou pulmonaire de ces derniers. La mise en place d’un cathéter hépatique à demeure était chirurgicale dans les années 1980 et 1990, posé spécifiquement pour cette indication ou lors d’un geste chirurgical de résection tumorale (9). Désormais, ce type de procédure est réalisé par voie percutanée pure, la voie d’abord artérielle périphérique étant en règle fémorale et la chambre étant implantée à proximité de l’épine iliaque antérosupérieure.
Résultats De multiples schémas thérapeutiques ont été évalués, utilisant en particulier du 5-FU et/ou des anthracyclines et/ou de la mitomycine C (20, 22, 23) avec des taux de réponses en imagerie selon les critères RECIST variant de 54 à 81 % dans les années 1990 (20, 22) et égaux à 33 % pour l’étude Maes et al. publiée en 2008 (23) et ayant utilisé des bolus de mytomycine C pour des patientes ayant une atteinte hépatique évoluée. À noter également l’expérience de Elias et al. (9) ayant posé des cathéters artériels à demeure lors d’interventions chirurgicales de résections de métastases hépatiques avec une chimiothérapie artérielle postopératoire, utilisant des anthracyclines et faisant diminuer leur taux de reprises évolutives tumorales hépatiques de 60,5 % à 31,2 %. Du fait de la grande amélioration de l’efficacité des traitements médicaux dans les années 2000, de l’obligation dans les années 1980 et 1990 d’un abord chirurgical pour la pose d’un cathéter hépatique à demeure, et de complications locales fréquentes, les traitements artériels hépatiques ont été peu à peu abandonnés. Depuis, on trouve peu de choses en dehors d’une étude pilote publiée en 2007 (21) ayant évalué, pour dix patientes porteuses de métastases évoluées, l’usage de perfusions de paclitaxel à la dose de 200 mg/m2 sur 24 heures et réalisées toutes les 4 semaines. Trois patientes présentaient une réponse partielle durant 6, 7 et 48 mois et quatre patientes étaient stabilisées pendant 5 à 9 mois. L’avenir sera peut-être à l’utilisation de nouveaux agents, spécifiques à l’usage endo-artériel, comme des emboles chargées d’antimitotiques ou d’emboles radioactives permettant d’avoir un effet antitumoral ischémique et une importante activité antitumorale locale par radiothérapie ou importante concentration intratumorale en antimitotiques. Une étude publiée en 2007 (11) a utilisé pour 44 patientes des emboles de 32 ± 10 μm chargées d’yttrium90. L’irradiation à une pénétration moyenne de 2,5 mm et les emboles sont dénommées Theraspheres® ou SIRspheres®. 66 % des patientes avaient des métastases extrahépatiques et 32 étaient en échec thérapeutique après trois lignes de chimiothérapie (8 avec du trastuzumab). 86 % des patientes étaient traitées en ambulatoire. Près de 16 % avaient des effets secondaires digestifs de grade 3. Une réponse partielle était observée pour 47 % des patientes à 12 mois et 86 % étaient en vie à 14 mois.
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Embolisation portale préopératoire Principe et technique Pour subir une hépatectomie, le patient doit conserver à l’issue de cette hépatectomie 30 à 40 % de son volume hépatique non tumoral pour ne pas développer d’insuffisance hépato-cellulaire postopératoire grave, cette insuffisance pouvant engager le pronostic vital. Lorsqu’une hépatectomie majeure est considérée, comme par exemple une lobectomie droite, le volume hépatique qui resterait après l’hépatectomie programmée et mesuré de manière fiable en imagerie peut être insuffisant. Pour augmenter le volume de ce foie résiduel, on peut emboliser le réseau veineux portal du foie devant être ôté. En effet, c’est le sang portal qui amène les facteurs hépatotrophiques au foie comme l’insuline, le glucagon, ou le facteur de croissance hépatique. En occluant la vascularisation portale d’un secteur hépatique, on redistribue cette vascularisation vers les autres secteurs en induisant une hypertrophie de ces derniers avec une minime diminution de volume du secteur embolisé. La procédure est faite sous anesthésie générale. On ponctionne sous contrôle échographique par voie percutanée et transhépatique une branche portale périphérique. On amène ensuite sous contrôle fluoroscopique un cathéter dans chacune des principales branches portales du foie qui sera réséqué pour les emboliser avec de la colle ou avec des spires métalliques (coils). Une nouvelle volumétrie hépatique est réalisée 4 à 6 semaines plus tard.
Résultats (24-26) La tolérance de la procédure est excellente avec des complications exceptionnelles et la sortie possible le lendemain de la procédure d’embolisation. Le volume du foie non embolisé augmente de 80 % en moyenne pour les foies normaux. L’hypertrophie est moindre en cas de fibrose > F2 ou de stéatose majeure. Au final, le projet d’hépatectomie est possible dans 60 à 90 % des cas.
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Métastases viscérales du cancer du sein D. Benchimol
Métastases hépatiques des cancers du sein L’incidence du cancer du sein (CS) a doublé en 25 ans : 20 000 nouveaux cas en 1980 et 42 000 nouveaux cas en 2004 en France. Le CS reste la première cause de mortalité par cancer chez la femme (20 %) bien que cette mortalité soit restée stable : 10 000 décès en 1980 contre 12 000 en 2004. Au stade métastatique, il n’y a quasiment pas d’espoir de guérison et la médiane de survie ne dépasse pas 30 mois (contre 20 mois dans les années 1980). L’obtention d’une rémission complète est rare dans les cancers du sein métastatiques. Dans le cancer du sein, le site de récidive a une nette influence sur la survie. Pour des métastases osseuses exclusives, la survie médiane est de 2 à 4 ans ; alors que la médiane de survie n’excède pas 6 mois chez les patientes avec métastases hépatiques. Le foie est le troisième site métastatique après les os et le poumon. Des métastases hépatiques sont présentes chez 12 à 15 % des patientes ayant une première récidive d’un cancer du sein. Seules 5 % des patientes ont des métastases hépatiques isolées. Alors que 50 % des patientes vont développer des métastases hépatiques à un stade plus tardif de la maladie métastatique. La survie médiane est globalement de 3 à 4 mois après le diagnostic des métastases hépatiques de cancer du sein (MHCS). La survie à 1 an est inférieure à 30 % et reste exceptionnelle à 5 ans.
Traitement chirurgical des MHCS Dans la littérature, les séries sont généralement de petite taille, rétrospectives et très hétérogènes (6 à 34 patientes). La médiane de survie varie de 25 à 63 mois alors que la survie globale à 5 ans varie de 9 à 61 %.
88 Cancer du sein en situation métastatique Le principal facteur pronostique dans la littérature est le caractère curatif de l’hépatectomie : 41,5 mois de surie médiane contre 5 mois en cas d’exérèse incomplète. Certains facteurs sont inconstamment retrouvés, comme : – ganglions pédiculaires hépatiques métastatiques ; – existence de métastases extrahépatiques ; – délai d’apparition des métastases (survie à 3 ans de 55 % si le délai d’apparition des MHCS inférieur à 48 mois contre 86 % si ce délai est supérieur à 48 mois). La série la plus importante de traitement chirurgical des MHCS dans la littérature est une série multicentrique de l’Association française de chirurgie avec 460 malades. Cette série retrouve une survie globale de 41 % à 5 ans et une médiane de survie à 45 mois après résection chirurgicale des MHCS. Ces résultats sont obtenus avec une mortalité opératoire minime de moins de 1 % contre une mortalité proche de 5 % pour les chimiothérapies lourdes. En analyse multivariée, des facteurs de mauvais pronostic pour la survie globale après hépatectomie pour MHCS étaient retrouvés : – délai d’apparition des métastases < 12 mois ; – l’existence de métastases extrahépatiques préhépatectomie ; – la progression des métastases sous chimiothérapie avant l’hépatectomie ; – l’hépatectomie incomplète (R2). Les résultats de cette série importante sont en faveur de l’exérèse chirurgicale des MHCS chez les malades lorsque le délai d’apparition des métastases et de plus de 1 an, lorsque les métastases hépatiques sont isolées et ne progressent pas sous chimiothérapie avant l’exérèse et évidemment lorsque l’exérèse envisagée peut être complète. Ces malades doivent être sélectionnées en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
Radiofréquence et MHCS La radiofréquence est une méthode sûre et efficace pour détruire la tumeur dans 87 à 96 % des cas (taille < 5 cm). Concernant les MHCS et la radiofréquence : les séries sont de faibles effectifs, les malades hétérogènes. Les résultats semblent proches de ceux de la chirurgie avec 40 % de survie globale estimée à 5 ans. Pour mémoire, RF et MH des cancers colo-rectaux (MHCCR) : – taux de récidive locorégionale après résection chirurgicale : 1,2 à 10,4 % ; – taux de récidive locorégionale après radiofréquence : 1,7 à 66,7 %. Pour les MH < 3 cm : la RF ouverte (par laparotomie) semble équivalente à la chirurgie d’exérèse (mais cela reste à démontrer par une étude randomisée). Les taux de récidives locales pour les métastases * 3 cm, pour les RF per-cutanées ou per-laparoscopie sont supérieurs à ceux observés pour la chirurgie.
Métastases viscérales du cancer du sein 89
Métastases digestives du cancer du sein La fréquence des MDCS est de 8 à 35 % dans les séries autopsiques. Dans une série de 2 604 malades, 17 (< 1 %) avaient une métastase digestive. Il s’agit donc d’une situation rare. Le type histologique lobulaire est le plus fréquemment représenté : 72 % à 88 %. Le diagnostic peut être difficile : formes infiltrantes diffuses pseudo-linitiques pour l’estomac (intérêt de l’immunohistochimie). Parfois, le diagnostic est fait sur la pièce d’exérèse chirurgicale. Les sites digestifs atteints sont le côlon-rectum dans 45 % des cas et l’estomac dans 28 % des cas. Lorsque la MDCS est le seul site métastatique retrouvé sans carcinose péritonéale associée, la survie après traitement chirurgical est de 44 mois contre 9 mois. Cette chirurgie doit cependant être considérée comme palliative, elle doit être discutée en RCP en tenant compte des symptômes et du mode de présentation (hémorragie, occlusion) et de la qualité de vie. Si une chirurgie est envisagée, une cœlioscopie première peut permettre d’éliminer une carcinose péritonéale. En cas de métastases extradigestives associées et de métastases digestives peu ou pas symptomatique, la chimiothérapie reste le traitement de référence.
Métastases pulmonaires des cancers du sein (MPCS) Trente pour cent de rechutes sont observés dans l’évolution à 5 ans du CS. Des métastases surviennent chez environ 56 % des patientes dans l’évolution. Il s’agit de MPCS qui sont isolées chez 10 à 20 % des patientes. Devant des nodules pulmonaires isolés chez une malade ayant un CS : – si les nodules sont multiples : il s’agira de MPCS isolées dans 75 % des cas ; – si le nodule est unique : il s’agira de MPCS unique isolée dans un peu plus de 50 % des cas, d’où la nécessité d’une preuve histologique en l’absence de métastases extrapulmonaires. Le résultat de la chirurgie des MPCS montre des résultats satisfaisants chez des malades sélectionnées chez qui la chirurgie est réalisée à intention curative (MP isolées ou MEP réséquées ou contrôlées). Les résultats de la chirurgie dans le registre international des métastases pulmonaires sont : 467 malades avec 45 % de survie à 5 ans en cas de résection complète et de délai d’apparition des MP * 36 mois (voire 50 % de survie à 5 ans en cas métastase solitaire et de délai d’apparition des MP * 36 mois et une médiane de survie à 59 mois). Les facteurs pronostiques sont le délai d’apparition des métastases et la résection complète.
90 Cancer du sein en situation métastatique
Radiofréquence et MPCS Il n’y a pas de séries spécifiques dans la littérature, l’étude RAPTURE multicentrique évaluant la RF dans les tumeurs pulmonaires primitives ou secondaires (53 MPCCR, 20 MP non CCR dont 6 CS). Pour mémoire, la série monocentrique la plus importante pour les MP du cancer colo-rectal est de 55 malades (Australie). La médiane de survie était de 33 mois et la survie à 3 ans de 46 %. La différence de survie était significative pour les T > 3 cm : 31 % contre 52 %. En extrapolant ces résultats pour le cancer du sein métastatiques, la référence reste le traitement chirurgical avec une alternative de la radiofréquence pour les métastases de 3 cm ou moins chez des malades inopérables et/ou avec des MEP contrôlées.
Références Adam R, Chiche L (2005) Chirurgie des métastases hépatiques de cancers non colorectaux non endocrines. Rapport du 107e Congrès de l’AFC. Paris, Arnette Jakobs TF (2009) CT-guided radiofrequency ablation in patients withhepatic metastases from breast cancer. Cardiovasc Intervent Radiol 32: 38-46 Mulier S (2008) Radiofrequency ablation versus resection for resectable colorectal liver metastases: time for a randomized trial? Ann Surg Oncol 15: 144-57 McLemore EC (2005) Breast cancer: presentation and intervention in women with gastrointestinal metastasis and carcinomatosis. Ann Surg Oncol 12: 886-94 Friedel G (2002) International Registry of Lung Metastases, London, England. Results of lung metastasectomy from breast cancer: prognostic criteria on the basis of 467 cases of the International Registry of Lung Metastases. Eur J Cardiothorac Surg 22: 335-44 Lencioni R (2008) Radiofrequency ablation of pulmonary tumours: a prospective, intention-to-treat, multicentre clinical trial (the RAPTURE study). Lancet Oncol 9: 621-8 Fernando HC (2008) Radiofrequency ablation to treat non-small cell lung cancer and pulmonary metastases. Ann Thorac Surg 85: S780-4
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses J. Chiras, E. Cormier, F. Clarencon, H. Baragan, B. Jean et M. Rose
Introduction Les métastases osseuses se développent dans 27 % des cancers (1), l’atteinte vertébrale étant la plus fréquente (2). La fréquence des métastases vertébrales dépend du type de cancer, 80 % dans les cancers prostatiques, 50 % dans les cancers du sein, 30 % dans les cancers du rein de la thyroïde et du poumon (3). L’amélioration de l’efficacité des antimitotiques et l’utilisation des biphosphonates ont permis une amélioration du pronostic des métastases osseuses. Le pronostic vital est déterminé par l’existence d’autres localisations métastatiques, en particulier viscérales, et le type de cancer, les cancers du sein et prostatique ayant un meilleur pronostic vital. Les métastases osseuses sont le plus souvent révélées par des douleurs mais aussi par des complications telles la fracture pathologique, la compression médullaire ou radiculaire, l’hypercalcémie. Le traitement local est fondamental pour améliorer le pronostic fonctionnel de patients dont l’espérance de vie s’allonge. Le développement de nouvelles techniques de radiologie interventionnelle durant ces dernières années a permis de modifier considérablement le pronostic fonctionnel des métastases osseuses. Initialement limitée à l’embolisation préopératoire des lésions hypervasculaires, son domaine d’application s’est étendu avec le développement des nouvelles techniques percutanées mais également endovasculaires. Chacune de ces techniques a ses indications propres, aussi bien dans la prise en charge carcinologique de la tumeur que dans le cadre du traitement palliatif pour stabiliser les vertèbres ou obtenir une rémission douloureuse, ses indications doivent être discutées au sein de réunions de concertation multidisciplinaires, associant chirurgiens orthopédistes, radiologues interventionnels, radiothérapeutes et oncologues.
92 Cancer du sein en situation métastatique Lors de traitements non curateurs, cas le plus fréquent, le protocole thérapeutique dépendra non seulement des possibilités techniques mais également de l’état clinique du patient, de son espérance de vie et de l’objectif thérapeutique, qu’il s’agisse de stabilisation vertébrale, de destruction tumorale ou d’effet antalgique simple.
Techniques percutanées Les techniques percutanées se sont développées dans les dix dernières années et ont pris rapidement un essor important. Il s’agit essentiellement de la vertébroplastie développée pour stabiliser une vertèbre tumorale et, par cet effet, obtenir une sédation douloureuse, mais également de l’embolisation percutanée et de la radiofréquence dont le but est d’obtenir une nécrose tumorale.
Vertébroplastie Cette technique consiste à injecter sous contrôle radiologique au moyen d’aiguilles introduites par voie percutanée dans la vertèbre, du ciment chirurgical (PMMA) de manière à consolider le corps vertébral (4), permettant ainsi d’obtenir dans la majorité des cas une stabilisation vertébrale et par voie de conséquence une rémission douloureuse.
Technique En fonction de l’équipement, la vertébroplastie peut être réalisée sous contrôle scanner ou mieux sous contrôle fluoroscopique numérisé qui permet une détection immédiate des éventuelles fuites de ciment. Nous abordons le corps vertébral sous contrôle radiologique en salle d’angiographie numérisée, permettant un contrôle de face et de profil de la vertèbre. L’utilisation du biplan est préférable au niveau cervical. Ce geste est réalisé sous sédation anesthésique par voie antéro-latérale au niveau cervical (fig. 1), transpédiculaire bilatérale dans tous les cas où c’est possible au niveau thoracique ou lombaire c’est la voie la plus sécurisante (fig. 2), postérolatérale lorsqu’une lyse pédiculaire ou une exérèse chirurgicale interdisent la voie d’abord précédente (fig. 3). Au cours du geste, une biopsie coaxiale peut être réalisée dès lors qu’elle s’impose pour confirmer le diagnostic de lésion secondaire ou au contraire l’infirmer. En effet, les tassements ostéopéniques favorisés par la corticothérapie ne sont pas rares chez ces patients et il peut être, dans certains cas, utile d’évaluer l’activité tumorale chez les patients sous traitement antimitotique et ayant bénéficié au préalable d’une radiothérapie. Enfin, lorsque la vertébroplastie est réalisée en premier, ce qui est de plus en plus fréquent, la biopsie permet d’affirmer la métastase et de rechercher des marqueurs tumoraux précieux pour le choix de la chimiothérapie. L’injection de ciment est contrôlée en permanence en fluoroscopie et dans les suites immédiates un scanner de contrôle de la vertèbre est réalisé pour vérifier la répartition du ciment et l’absence de fuite extrarachidienne (5) (fig. 4).
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 93 L’utilisation du capteur plan permet de réduire les doses d’irradiation et nous réalisons de plus en plus en fin de procédure un contrôle tridimensionnel en remplacement du scanner.
Fig. 1 – Métastase cervicale. Abord antéro-latéral.
Fig. 2 – Métastase dorsale. Abord trans-pédiculaire.
94 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 3 – Métastase lombaire avec destruction pédiculaire. Abord postéro-latéral.
Fig. 4 – Métastase dorsale de cancer du sein, préalablement irradiée. Vertébroplastie pour consolidation.
Indications Initialement utilisée pour obtenir un effet antalgique lors d’échec ou de récidive après traitement local (chirurgie ou radiothérapie), la vertébroplastie prend une part de plus en plus importante dans le traitement des métastases dès leur découverte. Son efficacité peut être attribuée en premier lieu à la consolidation du corps vertébral par le ciment induisant une réduction des douleurs mécaniques liées à la métastase, mais également à une destruction des cellules métastatiques. En effet, certains auteurs ont montré que le ciment était responsable d’une nécrose à la périphérie de la métastase. Si celle-ci ne dépasse pas 5 mm, elle est liée à l’hyperthermie dégagée lors de la polymérisation du ciment PMMA (70-80°). On conçoit donc que cet effet reste limité à la vertèbre et n’ait que peu d’efficacité sur l’envahissement périvertébral (6).
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 95 L’atteinte du mur postérieur et une destruction vertébrale importante ne sont pas une contre indication à la vertébroplastie, en revanche l’existence d’une compression médullaire avec signes neurologiques ou d’une épidurite importante doit conduire au traitement chirurgical ou à la radiothérapie. Actuellement, on pose l’indication d’une vertébroplastie dans deux circonstances cliniques (5, 7-9). – Récidive ou persistance de douleurs locales après traitement local par radiothérapie associée ou non à la chirurgie. Dans ces cas, la douleur est habituellement d’origine mécanique et la vertébroplastie permettra d’obtenir un effet antalgique important dans la majorité des cas, du fait de la consolidation du corps vertébral (fig. 4) ; – Métastases vertébrales non traitées antérieurement : la vertébroplastie apparaît actuellement comme un traitement local de premier plan au même titre que la radiothérapie. Ces deux procédés peuvent être utilisés indépendamment ou en association, le choix thérapeutique dépendant du degré de radio-sensibilité mais également et surtout de chimio-sensibilité de la lésion. Il est important de noter que la vertébroplastie permet d’obtenir très rapidement (dans les 24 à 48 heures suivant le geste) un effet antalgique et permet également de stabiliser la vertèbre. Elle apparaît donc particulièrement indiquée en cas de métastases instables non chirurgicales ou hyperalgiques (fig. 1). Lorsqu’il existe des signes neurologiques, le traitement sera essentiellement chirurgical pour décomprimer la moelle mais la vertébroplastie garde tout son intérêt pour consolider secondairement la vertèbre et permettre une stabilisation du segment antérieur de la colonne vertébrale (fig. 5). La laminectomie avec fixation postérieure par un montage court, associée à la vertébroplastie, permet d’éviter une chirurgie plus lourde avec vertébrectomie (fig. 6).
Fig. 5 – Métastase de la charnière cervico-dorsale opérée pour compression médullaire. Consolidation secondaire par vertébroplastie.
96 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 6 – Métastase opérée pour compression médullaire avec fixation postérieure. Vertébroplastie par voie latérale pour stabilisation antérieure.
Évaluation préthérapeutique – Des examens IRM et scanner sont indispensables. L’IRM, très sensible aux métastases vertébrales, permet de détecter le nombre de vertèbres atteintes, l’existence d’un tassement et du recul du mur postérieur, surtout elle vérifie l’existence d’une épidurite ou d’une compression médullaire ou radiculaire qui peuvent contre-indiquer le geste. Une épidurite de faible importance, en l’absence de signes cliniques, ne contre-indique pas la cimentoplastie. Le scanner permet de différentier les lésions lytiques, des lésions mixtes ou ostéosclérotiques dont le traitement est plus difficile, celles-ci ne sont cimentées que si elles sont douloureuses. Le scanner permet de vérifier l’état des pédicules (utile pour la technique) et du mur postérieur. Il apprécie également la stabilité vertébrale en fonction de l’importance de l’ostéolyse. – Une consultation prévertébroplastie est systématique. Une évaluation de la douleur est faite selon l’échelle EVA de 1 à 10, il faut vérifier la concordance clinique et radiologique, parfois difficile en cas de multiples niveaux atteints sur l’IRM, par le niveau de la douleur retrouvée à la pression de la vertèbre. Il faudra éliminer les contre-indications cliniques (déficit, radiculalgie) infection locale ou générale ou biologique : une aplasie n’est pas rare chez ces patients sous chimiothérapie et la vertébroplastie sera programmée en fonction de la numération formule sanguine.
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 97 – Une consultation d’anesthésie est également systématique car la cimentoplastie est réalisée sous anesthésie locale et sédation intraveineuse, parfois sous anesthésie générale.
Résultats L’effet antalgique est obtenu très rapidement en règle dans les 24 heures qui suivent le geste de vertébroplastie. Si quelques cas d’exacerbation douloureuse vraisemblablement en rapport avec une réaction inflammatoire au ciment ont été rapportés, elle cède habituellement rapidement sous traitement par corticoïdes ou antiinflammatoires non stéroïdiens. L’efficacité antalgique a été évaluée par différents auteurs (5). Elle est de l’ordre de 90 % des cas, dont 60 à 70 % de sédations douloureuses complètes. Dans notre expérience, une étude portant sur plus de 1 000 vertébroplasties est résumée dans le tableau I. La stabilisation et la rémission douloureuse obtenues permettent habituellement de réduire considérablement les doses d’antalgiques et d’améliorer de manière très significative la qualité de vie, en particulier en redonnant une autonomie de déplacement et de mouvements. Si de tels résultats ont été surtout décrits, en cas de métastases ostéolytiques, la vertébroplastie est également efficace dans les métastases ostéosclérotiques ou mixtes mais la technique de vertébroplastie est beaucoup plus délicate et le taux de complications locales majoré par rapport à celui observé dans les lésions ostéolytiques (fig. 7), comme nous l’avons montré dans une publication précédente (10). Comparées à cet excellent résultat antalgique, les complications sont rares et diminuent avec l’expérience de l’opérateur (11). Les complications générales sont le plus souvent en rapport avec l’état clinique du patient et liées à une embolie pulmonaire chez des patients invalides (1,5 %). La possibilité d’embolie pulmonaire de ciment a été rapportée mais reste exceptionnelle (11, 12). Les complications locales sont directement en rapport avec une fuite extrarachidienne de ciment dans les veines intra- ou périvertébrales, dans les disques intervertébraux ou les parties molles. La plupart de ces fuites sont asymptomatiques mais dans certains cas, en particulier lors de fuites intrarachidiennes, celles-ci peuvent être responsables de complications neurologiques : si une compression médullaire est tout à fait exceptionnelle dans les conditions standard de qualité de suivi radiologique, une douleur radiculaire est observée dans environ 1,5 % des cas. La plupart de ces radiculalgies sont régressives spontanément mais elles peuvent nécessiter un traitement propre : infiltration ou libération radiculaire. Comme cela avait été montré précédemment, l’atteinte du mur postérieur de la vertèbre ne contre indique pas la vertébroplastie s’il n’y a pas d’atteinte neurologique déficitaire. En effet, nous avons montré qu’il n’existait pas de modification significative du taux des complications qu’il y ait ou non une rupture du mur postérieur (11) (tableau II).
98 Cancer du sein en situation métastatique Il est également important de souligner que l’effet antalgique apparaît prolongé dans le temps, ce qui est vraisemblablement en rapport avec la nécrose tumorale induite par le ciment, soulignant l’apport essentiel de la vertébroplastie dans le maintien à long ou moyen terme de la qualité de vie chez les patients présentant des métastases osseuses symptomatiques. Tableau I – Complications cliniques en fonction de l’existence (r = 1) ou non d’une rupture du mur postérieur sur 982 vertébroplasties.
Tableau II – Résultats et clinique de la vertébroplastie des métastases vertébrales (803 patients, 982 vertébroplasties)
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 99
Fig. 7 – Métastase condensante douloureuse (cancer de prostate), traitée par vertébroplastie : excellent effet antalgique.
Kyphoplastie Utile surtout dans les fractures récentes non pathologiques, elle est très peu utilisée dans les métastases osseuses. En créant une cavité, elle diminuerait les risques de fuites mais ne fait que repousser la tumeur en périphérie. Nous ne l’utilisons pas du fait de son coût élevé, du caractère agressif et de l’absence de supériorité par rapport à la vertébroplastie dans les métastases.
Cimentoplastie non vertébrale La technique de cimentoplastie a également été développée au niveau des ceintures scapulaires et pelviennes dès lors qu’il existait une nécessité de stabilisation. Les principales indications concernent la stabilisation du cotyle (13, 14), de la tête humérale ou de l’omoplate, voire des régions inter-trochantériennes (figs. 8 et 9). Au niveau du cotyle et de l’épaule, le scanner est important pour vérifier la faisabilité de la cimentoplastie et évaluer les risques de fuites articulaires. Les résultats sont similaires à ceux observés au décours de la vertébroplastie, en sachant toutefois que certaines localisations ne sont pas accessibles à ce type de traitement à l’heure actuelle et nécessitent des développements technologiques. Il s’agit du col fémoral et de certaines parties de l’os iliaque, en particulier lorsqu’il existe une fracture associée. Une atteinte associée fréquente du cotyle et de la tête ou du col fémoral sera chirurgicale.
100 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 8 – Plastie de cotyle pour consolidation et effet antalgique.
Fig. 9 – Métastase lytique douloureuse de la tête et de la métaphyse humérale (cancer du rein) : contrôle après cimentoplastie.
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 101
Embolisation percutanée et radiofréquence Ces techniques percutanées ont été développées pour induire une nécrose tumorale dès lors que l’objectif principal n’était pas de stabiliser l’os mais de détruire une tumeur non contrôlée par le traitement général ou les autres procédés thérapeutiques.
Embolisation percutanée Elle a été développée il y a de nombreuses années pour obtenir une nécrose tumorale. C’est une méthode simple et peu onéreuse. Elle consiste à la mise en place au sein de la métastase par un abord percutané habituellement sous scanner d’une ou plusieurs aiguilles à travers lesquelles on injecte de l’alcool à 98 % mélangé à un opacifiant permettant d’obtenir ainsi une nécrose tumorale chimique. Cette destruction tumorale réduit l’hyperpression sur les terminaisons nerveuses à la périphérie de la tumeur et permet d’obtenir un effet antalgique quasi immédiat et souvent très important. La durée de cet effet antalgique est variable mais habituellement ne dépasse pas 3 à 5 mois (fig. 10) (15).
Fig. 10 – Embolisation percutanée sous scanner d’une lésion sternale (métastase de cancer de thyroïde).
Radiofréquence Il s’agit d’une technique qui a été mise au point pour réaliser la destruction tumorale de lésions hépatiques. Elle s’est progressivement développée au niveau des lésions osseuses. La première application a été la destruction d’ostéome ostéoïde puis la radiofréquence s’est étendue à la destruction de métastases osseuses.
102 Cancer du sein en situation métastatique La mise en place d’une sonde de radiofréquence au centre de la lésion permet d’obtenir la destruction tumorale souvent complète par l’hyperthermie qu’elle induit. L’exposition des cellules tumorales a une température de plus 60° pendant plus de 2 minutes provoque des lésions cellulaires irréversibles (destruction des mitochondries et de l’ARN dès 55°). Par rapport à l’utilisation dans les tissus mous, il existe des particularités liées à la structure même de l’os. En fonction du degré de destruction de l’os spongieux, la conduction de la chaleur varie, ce qui peut faire varier le temps nécessaire pour obtenir une nécrose tissulaire. La corticale osseuse possède un effet d’isolant thermique qui permet de protéger les structures de voisinage.
Technique La voie d’abord percutané est réalisée sous contrôle fluoroscopique ou tomodensitométrique. Nous utilisons les électrodes Cool-tip (Radionic®) droites (les électrodes à baleines étant difficiles à déployer dans les structures osseuses) à circulation interne pour éviter la carbonisation, l’impédance est maintenue faible, ce qui permet de traiter des lésions de 3 cm avec une aiguille simple droite introduites en coaxial dans nos trocards de cimentoplastie. La radiofréquence est appliquée pendant 1 à 7 minutes, cette durée étant actuellement encore mal évaluée. L’aiguille peut être repositionnée pour les lésions de plus de 3 cm. Le trocard en place, une cimentoplastie a été réalisée dans la même séance si une stabilisation était nécessaire dans les lésions ostéolytiques vertébrales ou sur un os porteur. Plusieurs centres font le geste sous sédation simple pour mieux contrôler une éventuelle complication neurologique. Le caractère douloureux de la thermo-ablation nous fait réaliser celle-ci sous anesthésie générale, ce qui peut limiter ses indications chez les patients en mauvais état général.
Indications Actuellement, dans les métastases osseuses, la radiofréquence est utilisée essentiellement en palliatif dans un but antalgique pour réduire le volume des tumeurs mal contrôlées par les traitements de radiothérapie, chimiothérapie, et non accessibles à la chirurgie. En induisant une nécrose tumorale, elle détruit la lésion et sa place dans le traitement curatif comme traitement initial n’est pas encore bien définie, chaque cas doit être discuté en staff multidisciplinaire. La radiofréquence ne permettra pas en revanche d’obtenir une stabilisation osseuse et dès lors qu’elle s’avère nécessaire, elle doit être remplacée par la cimentoplastie ou éventuellement lui être associée (16-18). Dans les métastases vertébrales ostéolytiques, la radiofréquence permet de créer une cavité et en même temps de détruire la tumeur (contrairement à la technique de kyphoplastie) avec l’avantage d’une optimisation du remplissage par le ciment et un risque moindre de fuites.
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 103 Dans les métastases vertébrales ostéosclérotiques et douloureuses où l’injection de ciment est très efficace sur la douleur mais est techniquement difficile, la radiofréquence permet de créer une cavité et ensuite de pouvoir injecter du ciment dans de meilleures conditions. La radiofréquence est utile dans des lésions de la ceinture pelvienne et du bassin ou la chirurgie est souvent délabrante. Elle remplace certaines indications d’alcoolisation avec un meilleur contrôle de la région traitée.
Résultats Une étude multicentrique (43 patients) a montré l’efficacité de la radiofréquence sur la douleur avec une amélioration dans 95 % des cas de métastases osseuses ostéolytiques déjà irradiées avec trois complications (7 %), une brûlure cutanée au second degré au point de ponction, un déficit transitoire vésical dans une lésion du sacrum et une fracture secondaire d’un cotyle qui n’avait pas été cimenté et qui a conduit à une prothèse totale de hanche (19). Une étude récente sur 30 patients a montré également un très bon résultat sur la douleur dans tous les cas sans complications (20), elle a été associée à la vertébroplastie avec de bons résultats dans une autre étude de 12 cas (17). Dans notre expérience, une étude est en cours sur le traitement de lésions du bassin (fig. 11) du rachis, pararachidienne, de l’épaule et du fémur. Il s’agit de métastases lytiques essentiellement et de lésions ostéosclérotiques douloureuses souvent exclues des études (17-20) (fig. 12). Nous avons obtenu de bons résultats sur la douleur (plus de 80 % des cas) et constaté deux complications à type de brulures cutanées sur le trajet de l’aiguille.
Fig. 11 – Radiofréquence sous scanner d’une lésion douloureuse de l’aileron sacré (métastase de cancer du sein).
104 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 12 – Radiofréquence sous scopie d’une lésion ostéosclérotique de L2 douloureuse déjà irradiée (métastase d’un cancer prostatique).
Au niveau vertébral, la proximité de la moelle épinière et des racines nerveuses expose à un risque de complications neurologiques lorsqu’il existe une rupture du mur postérieur et/ou une atteinte pédiculaire avec rupture de la corticale. Dans une série de 17 patients en 2002 d’étude de faisabilité de la radiofréquence associée à la cimentoplastie sur des métastases vertébrales, quatre patients (trois avec rupture du mur postérieur et un avec une atteinte pédiculaire) ont eu une complication neurologique (18). Dans une série plus récente de 12 patients atteints de métastases vertébrales avec rupture du mur postérieur traités par radiofréquence avec cimentoplastie, aucune complication n’a été constatée (17). L’anesthésie générale n’a pas été utilisée dans de nombreuses études (17, 18, 20) pour mieux contrôler une éventuelle complication neurologique, toutefois l’arrêt de la procédure dès l’apparition d’une douleur n’a pas permis d’éviter l’atteinte neurologique (18). Les indications doivent donc être très prudentes en cas de rupture du mur postérieur et une distance d’un centimètre doit être respectée par rapport aux éléments nerveux. L’utilisation de système bipolaire permet de mieux contrôler le volume d’ablation avec une meilleure protection des structures adjacentes notamment pour les lésions paravertébrales proche de la moelle ou des racines nerveuses.
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 105
Techniques endovasculaires L’embolisation endovasculaire a été développée durant les 20 dernières années pour réduire le saignement peropératoire, en particulier dans l’exérèse de lésions hypervascularisées. Parallèlement, certains auteurs ont souligné son intérêt pour provoquer une nécrose tumorale et par ce biais obtenir un effet antalgique (21-23). Sur cette base, certains auteurs, encouragés par le succès de l’embolisation, ont développé des techniques de perfusion intra-artérielle d’antimitotiques ou de chimio-embolisation qui associent chimiothérapie intra-artérielle et embolisation hypersélective (24-26).
Embolisation endovasculaire Technique Elle consiste à injecter aussi distalement que possible dans les artères alimentant la tumeur des matériaux d’embolisation pour obtenir une dévascularisation tumorale puis une nécrose tumorale. Différents agents d’embolisation ont été utilisés : microparticules calibrées (PVA, Embosphère®) ou agents liquides (alcool absolu, colle biologique). Si les agents liquides permettent d’obtenir une dévascularisation définitive, ils restent peu utilisés car ils nécessitent une injection au sein de la lésion tumorale pour éviter une nécrose tissulaire extensive. Avec des particules, la dévascularisation est d’autant plus importante et distale que les particules utilisées sont de petit calibre (100 à 250 μ) mais l’utilisation de telles particules accroît également le risque de nécrose des tissus adjacents à la lésion tumorale. Quoi qu’il en soit, ces techniques sont bien maîtrisées et entre des mains entraînées les complications sont exceptionnelles avec des agents particulaires. Mais lors d’embolisations de masses tumorales volumineuses, un syndrome post-embolisation associant des douleurs et de la fièvre peut être observés dans les suites opératoires, il régresse habituellement dans les 15 jours.
Indications et résultats Les deux principales indications de l’embolisation endovasculaire sont la dévascularisation préopératoire d’une lésion tumorale ou l’embolisation antalgique chez des patients dont les douleurs sont difficilement contrôlables par les antalgiques usuels.
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Embolisation préopératoire Depuis de nombreuses années, différents auteurs (24, 26) ont montré l’intérêt de l’embolisation préopératoire dans la chirurgie des tumeurs rachidiennes pour réduire les pertes sanguines et améliorer les suites opératoires en particulier dans les lésions hypervascularisées telles que les métastases de cancer du rein ou de la thyroïde (fig. 13). Les résultats de l’embolisation apparaissent significativement identiques, quel que soit le type de matériau utilisé et, dans ces conditions, il apparaît préférable d’utiliser les matériaux les moins agressifs, tels le PVA. Cette embolisation, lorsqu’elle est réalisée au niveau vertébral, nécessite au préalable un repérage des artères médullaires au niveau de la zone intéressée de manière à les respecter lors de l’embolisation et de la chirurgie. Le délai à respecter entre l’embolisation et le geste chirurgical a été longtemps débattu, mais actuellement la plupart des auteurs s’accorde pour considérer qu’un intervalle de 1 à 3 jours entre embolisation et intervention est le plus approprié. Ce délai peut être allongé à 15 jours, dès lors que les lésions sont peu néovascularisées.
A
B
Fig. 13 – Embolisation pré-opératoire d’une métastase dorsale hypervasculaire (cancer du rein) : A – avant ; B – après embolisation.
Radiologie interventionnelle des métastases osseuses 107
Embolisation palliative Différents auteurs ont rapporté l’intérêt de l’embolisation palliative chez des patients présentant une métastase osseuse inopérable chimiorésistante et difficilement contrôlable par les antalgiques classiques (22-27). Nous avons réalisé ce type d’embolisation dans des métastases hypervascularisées thyroïdiennes, rénales (de moins en moins depuis l’utilisation des anti-angiogéniques). Si l’effet antalgique est quasi constant, sa durée est très variable de 3 semaines à 8 mois après l’embolisation et dépend de l’agressivité de la tumeur ainsi que de son degré d’hypervascularisation. En cas de réapparition des douleurs, des embolisations itératives sont possibles, mais habituellement l’efficacité s’estompe avec le temps à la fois en termes de qualité et de durée.
Chimio-embolisation L’association à l’embolisation à l’aide de microparticules d’une perfusion d’antimitotiques ou plus récemment l’utilisation de microparticules chargées en antimitotique est un progrès considérable dans la prise en charge de certaines lésions osseuses métastatiques. En effet, dans certains cas, cette technique permet de traiter des lésions osseuses uniques ou prévalentes, préalablement irradiées, inopérables et échappant au traitement médical. Trois cures sont réalisées à un mois d’intervalle. Le principe est celui d’une embolisation endovasculaire, associée à une infusion locale par voie endovasculaire de produit antimitotique, ce qui permet de multiplier par 20 à 40 fois leur efficacité antitumorale. Les doses d’antimitotique sont relativement faibles (300 à 400 mg de carboplatine et 10 mg d’adriamycine), ce qui est habituellement insuffisant pour entraîner une toxicité générale. En revanche, au contact des racines, ces doses élevées d’antimitotique peuvent être responsables d’une toxicité nerveuse en particulier au niveau du bassin. Quoi qu’il en soit, une réponse partielle ou complète est observée dans près de 50 % des cas et cette méthode s’avère souvent très efficace dans la prise en charge des métastases prévalentes en particulier de cancer du sein. Outre la destruction tumorale, cette chimio-embolisation permet dans certains cas d’obtenir une reconstruction osseuse en cas de métastases ostéolytiques invalidantes (fig. 14).
Conclusion L’apparition et le développement de nouvelles techniques de radiologie interventionnelle, endovasculaire et percutanée, associés à l’amélioration de leur sécurité d’utilisation, permettent de traiter plus précocement des métastases osseuses, parfois asymptomatiques et d’améliorer ainsi la qualité de vie à long terme de patients.
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Fig. 14 – Métastase de cancer du sein opérée et irradiée. Récidive locale. Reconstruction par chimio-embolisation.
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Stratégie de prise en charge des métastases cérébrales du cancer du sein P. Paquis et F. Fauchon
Les métastases cérébrales atteignent 20 à 40 % des patients atteints de cancer avec une incidence qui augmente régulièrement. Les métastases cérébrales constituent la maladie néoplasique la plus fréquente du cerveau, loin devant les tumeurs primitives (1, 2). L’âge médian de survenue d’une métastase cérébrale est de 60 ans ; 80 % des patients ont plus d’une métastase cérébrale (3). Les métastases cérébrales du cancer du sein représentent 15 à 30 % des métastases cérébrales dans les séries de la littérature et selon le stade de la maladie : 2,5 % au stade localisé, 7,5 % au stade régional et 13,5 % au stade métastatique (1, 4, 5). Plusieurs situations sont rencontrées. La métastase peut être révélatrice, synchrone ou métachrone. Elle peut être unique ou multiple. Le cancer primitif peut être contrôlé ou non et il peut y avoir une diffusion métastatique extracrânienne importante, ou une lésion métastatique unique cérébrale, ce qui est rare dans le cancer du sein (15 %, série personnelle). Tous ces éléments conditionnent le pronostic et la prise en charge thérapeutique. Le concept de métastase unique évolue car il peut s’agir d’une seule lésion ou de deux lésions contiguës, en particulier pour la discussion d’un abord chirurgical. Sur le plan clinique, la symptomatologie peut associer un syndrome d’hypertension intracrânienne, une comitialité ou des signes de localisation focaux en fonction de la topographie de la métastase. Sur le plan neuroradiologique, il s’agit en général de lésions sphériques, bien limitées, non infiltrantes, avec un aspect plein ou une nécrose centrale avec prise de contraste périphérique. L’examen primordial est l’IRM en l’absence de contre-indication avec injection de gadolinium. Des séquences spectroscopiques spectrographiques peuvent participer à faire le diagnostic différentiel entre les tumeurs cérébrales primitives, les abcès et les métastases cérébrales, en montrant une augmentation de la choline et une augmentation des lipides dans la lésion. Le traitement des métastases cérébrales fait appel à la chirurgie, la radiothérapie cérébrale (WBRT), la radiochirurgie stéréotaxique (SRS) et à la chimiothérapie qui peuvent être associées le plus souvent, et bien sûr aux soins palliatifs. Quoi qu’il en
112 Cancer du sein en situation métastatique soit, il faut envisager une prise en charge multidisciplinaire en RCP pour prendre en charge au mieux les patientes avec des métastases cérébrales.
Traitement chirurgical La chirurgie est intéressante dans les métastases cérébrales uniques ou contiguës car il s’agit de lésions clivables non infiltrantes. Elle permet de supprimer la lésion œdématogène et la cause de l’hypertension intracrânienne et d’obtenir une amélioration fonctionnelle rapide. En retirant le tissu tumoral, elle permet d’envisager un geste éventuellement curatif. En dehors de l’exérèse chirurgicale, on peut envisager des gestes de ponction de lésions kystiques ou une dérivation du liquide céphalorachidien en cas d’hydrocéphalie associée. Les limites de la chirurgie sont les lésions multiples et les lésions profondes ou en zone très fonctionnelle. Le traitement chirurgical doit améliorer et/ou préserver l’état fonctionnel du malade, permettre d’envisager une exérèse carcinologique de la lésion, et ne s’envisage qu’après avoir fait un bilan d’extension complet. Il faut que le pronostic de la maladie permette d’envisager une survie d’au moins 6 mois. L’état général de la patiente est pris en compte également car il s’agit d’un facteur pronostic majeur. Les indications de la chirurgie sont les suivantes : 1. lésion unique ou deux lésions contiguës de taille supérieure à 3 cm ; 2. présence d’une hypertension intracrânienne, en particulier dans les lésions de la fosse postérieure ; 3. lésion kystique (peu sensible à la SRS) ; 4. cancer du sein et/ou métastase viscérale contrôlés ou contrôlables ; 5. choix du patient. Les complications de la chirurgie sont la possibilité d’un hématome postopératoire, d’une infection, d’une fuite liquidienne sur la cicatrice, d’une aggravation d’un déficit. On peut estimer la morbidité à 17 % et la mortalité à 3 % (Wronski). L’indication doit tenir compte des facteurs pronostiques que sont l’âge, l’état fonctionnel évalué par l’échelle de Karnofsky ou le PS OMS, la notion de cancer primitif contrôlé, la diffusion métastatique extracrânienne et la notion de métastase cérébrale unique ou multiple. On peut s’appuyer sur la classification pronostic du RTOG avec : – classe 1 : indice de Karnofsky supérieur ou égal à 70 équivalent à un PS de 0-1 ET âge inférieur à 65 ans ET absence de métastase extracrânienne ET cancer primitif contrôlé ; – classe 2 : indice de Karnofsky supérieur ou égal à 70 ans et tous les autres patients ; – classe 3 : indice de Karnofsky inférieur à 70. Le pronostic fonctionnel immédiat est lié à la métastase cérébrale. Le pronostic vital à plus long terme est lié à l’évolution du cancer primitif et des métastases extracrâniennes (deux tiers des patientes dont la métastase cérébrale est contrôlée par le traitement décèdent de l’évolution extracrânienne de leur maladie cancéreuse). Ainsi, le délai de survie après chirurgie seule est de 4 à 6 mois.
Stratégie de prise en charge des métastases cérébrales… 113
Radiochirurgie C’est une procédure neurochirurgicale en condition stéréotaxique avec cadre invasif où des faisceaux étroits (nécessitant des mesures spécifiques) de rayonnements ionisants, délivrés en séance unique et à dose élevée, permettent d’induire un effet radiobiologique dans un volume cible prédéterminé sans ouverture de la boîte crânienne et en minimisant le risque de dommages aux structures cérébrales adjacentes. On doit la distinguer de la radiothérapie stéréotaxique multifractionnée qui utilise un cadre non invasif et repositionnable où la dose est délivrée en plusieurs fractions selon un étalement prédéfini, et de la radiothérapie conformationnelle qui est une radiothérapie de précision sans faisceaux étroits utilisant des moyens de contention appropriés visant à délivrer une irradiation de géométrie la plus proche possible de celle du volume cible. Elle nécessite l’usage d’un collimateur multilame. La radiochirurgie stéréotaxique peut être réalisée à l’aide d’un gamma knife ou d’un accélérateur linéaire spécialement équipé. Elle permet de délivrer une irradiation très focalisée sur un volume cible limité, en général inférieur à 2,5 (au maximum 3) centimètres, avec une dose élevée sur la cible en une seule séance et en respectant les tissus sains avoisinants du fait d’une décroissance rapide des doses en dehors du champ d’irradiation. Plus récent, le Cyberknife® délivre un traitement en plusieurs séances. Les indications de la radiochirurgie concernent les lésions uniques ou multiples inférieures à 2,5 cm, de grand diamètre, situées en zone fonctionnelle ou profonde chez des patients ambulatoires avec une survie estimée supérieure à 12 semaines, et un cancer primitif contrôlé. Le nombre de lésions est classiquement inférieur ou égal à trois, mais certains patients avec plus de trois lésions ont été traités par cette technique. Celle-ci permet un contrôle local dans 80 à 90 % des cas avec un taux de radionécrose inférieur à 5 %. Il s’agit donc d’un traitement actif bien toléré et non invasif. La radiochirurgie permet un contrôle local équivalent à la chirurgie, avec une morbidité moindre, et une durée d’hospitalisation plus courte, c’est une technique non invasive avec un meilleur confort de traitement. Elle permet de traiter les métastases situées en zone fonctionnelle ou profonde, en revanche elle n’est pas utilisable pour les lésions de taille supérieure à 3 cm. Par ailleurs, la durée du traitement est plus courte puisque la procédure nécessite 24 à 48 heures d’hospitalisation et on peut traiter de façon itérative de nouvelles localisations. Cela éviterait à long terme les complications cognitives tardives de radiothérapie externe chez les longs survivants. Elle n’est applicable qu’à des lésions visibles et ne permet pas de traiter les micrométastases qui font discuter la place de la radiothérapie externe ou de la chimiothérapie associée. Il s’agit donc d’un traitement hyperfocal devant s’intégrer dans une prise en charge oncologique globale. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’études qui montrent une supériorité de la radiochirurgie par rapport à la chirurgie ou l’inverse. Ainsi, la chirurgie est plus intéressante en cas de métastase unique de diamètre supérieur à 3 cm, kystique, et peut traiter l’hypertension intracrânienne et l’hydrocéphalie obstructive. En revanche, la radiochirurgie est plus intéressante pour les lésions profondes ou lorsqu’il y a
114 Cancer du sein en situation métastatique plusieurs lésions ou chez des patients qui ne pourraient pas supporter une intervention chirurgicale du fait de leur état général précaire. Enfin, la SRS est très utile dans les retraitements (7).
Radiothérapie encéphalique (WBRT) Le schéma thérapeutique standard est de délivrer 30 Gy en dix fractions et 2 semaines dans la totalité de la boite crânienne, avec des photons dont l’énergie est suffisante pour traiter de façon homogène le cerveau et les méninges. La contention par masque thermoformé est la règle, ainsi que la dosimétrie 3D et l’imagerie portale quotidienne. La dose biologique équivalente est de 37 Gy, soit en dessous du seuil requis pour un effet prophylactique ou curatif quand ils sont nécessaires. La dose est considérée comme suffisante dans un cadre palliatif. Il a été démontré par Patchell (8) en 1998 que le taux de récidive cérébrale était de 70 % en l’absence de radiothérapie post-chirurgie et de 18 % si une radiothérapie externe avait été pratiquée, mais il n’y a pas de différence significative de la médiane de survie et pas d’évaluation neurocognitive dans cette étude. Trois études contrôlées (9-11) montraient un bénéfice sur la survie et sur la qualité de vie de la radiothérapie postopératoire, surtout si le patient était en bon état général et que la maladie générale était contrôlée. Le taux de récidive cérébrale est cependant très élevé après WBRT « prophylactique », atteignant 34 % dans l’étude EORTC (4). Patchell a montré que l’association de la chirurgie à la radiothérapie postopératoire était supérieure à la radiothérapie seule dans le traitement des métastases uniques. Ainsi, les patients avec un cancer primitif contrôlé et l’absence de pathologie extracrânienne évolutive et un indice de Karnofsky supérieur à 70, avaient une médiane de survie de 10 mois avec cette association, contre 6 mois avec une radiothérapie seule. En revanche, il n’y avait pas de différence entre les deux prises en charge chez les patients avec une pathologie néoplasique extracrânienne évolutive. Dans une étude plus récente de l’EORTC, la WBRT n’apporte pas de bénéfice (4) quand elle est pratiquée après chirurgie ou radiochirurgie. Si les taux de récidive cérébrale sont réduits à 2 ans, il n’y a aucun bénéfice en termes de survie sans dégradation du PS (objectif primaire) ou de survie globale (un des objectifs secondaires de l’essai) avec une médiane de 11 mois (fig. 1). Le taux de récidive cérébrale de presque le double de celui retrouvé dans la littérature souligne l’inutilité de la WBRT en termes de prophylaxie. Par ailleurs, le risque d’atteinte neurocognitive des longs survivants, est toujours en question (12).
Stratégie de prise en charge des métastases cérébrales… 115
Fig. 1 – Survie globale avec ou sans irradiation prophylactique de l'encéphale après chirurgie ou radiochirurgie chez des patients porteurs d'une à trois métastases avec une maladie systémique contrôlée ou absente.
Fig. 2 – Série personnelle de 72 cas de métastase cérébrale de cancer du sein parmi 482 cas en 20 ans : survie globale après la survenue de la (des) métastases cérébrales.
Dans notre propre série de 72 patientes (série personnelle 2009) présentant des métastases cérébrales d’un cancer du sein parmi une série de 482 métastases, la survie globale est plus longue que dans les autres cancers : la survie est de 38 % à 5 ans et 25 % à 10 ans. Elle est plus liée à l’âge et au nombre de métastases (fig. 3). De même, la survie sans progression neurologique est de 50 % à 5 ans et de 30 % à 10 ans.
116 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 3 – Série personnelle de 72 cas de métastase cérébrale de cancer du sein parmi 482 cas en 20 ans : survie en fonction du nombre de métastases.
Fig. 4 – Leucoencéphalopathie post radique
Ainsi, la prise en charge des métastases cérébrales du cancer du sein fait appel à une discussion au cas par cas lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire avec une indication chirurgicale ou radiochirurgicale réservée aux patientes ayant un bon état général. Un bilan d’extension complet doit être pratiqué en dehors du cadre de l’urgence. La meilleure thérapeutique doit être choisie par un panel d’expert (13).
Stratégie de prise en charge des métastases cérébrales… 117
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Prise en charge chirurgicale des métastases osseuses vertébrales d’origine mammaire E.A. Enkaoua
Introduction Bien trop souvent, pour les différents praticiens, l’apparition d’une ou plusieurs métastases rachidiennes est un sentiment d’échappement complet de la maladie cancéreuse et donc « d’abandon thérapeutique ». Ce comportement doit changer. En effet, une bonne compréhension du stade de la maladie générale, l’identité du cancer primitif si possible et le but que doit atteindre le traitement spécifique de ou des métastases rachidiennes améliorent le plus souvent la qualité de « survie » des patients et dans, certains cas parfois, aident à retrouver une rémission. La prise en charge des métastases vertébrales doit donc être multidisciplinaire, pour que les différents traitements soient adaptés au mieux pour le patient, en particulier chez le sujet âgé. Ce traitement doit être le plus efficace en étant le moins traumatisant, chez ces patients présentant un taux élevé d’« hospitalisme ».
Examens complémentaires préthérapeutiques En cas de non-urgence, un bilan systématique doit être toujours entrepris pour mieux comprendre le stade de l’évolution cancéreuse et donc le pronostic de survie du patient. Ce bilan doit être général à la recherche d’autres métastases, et local, pour mieux définir l’envahissement vertébral. Le bilan général recherche des : – métastases pulmonaires, avec une radiographie et si possible un scanner (plus performant dans la découverte de métastases de petites tailles) ; – métastases hépatiques, avec une échographie du foie et/ou un scanner abdominopelvien (qui donne un champ d’investigation plus large) ;
120 Cancer du sein en situation métastatique – métastases osseuses, avec une scintigraphie corps entier et une IRM de tout le rachis allant de C0 à S5 ; (l’IRM est un examen beaucoup plus sensible au niveau rachidien que la scintigraphie osseuse) ; – métastases cérébrales, avec un scanner cérébral ; – PET scan qui peut remplacer la scintigraphie osseuse ainsi que les scanners lorsque cela est possible. Le bilan local comprend : – des radiographies standard centrées sur la vertèbre atteinte de face et de profil. Cet examen est essentiel, montrant la présence ou non d’une fracture tassement associée parfois à une luxation vertébrale stade ultime de la déstabilisation mécanique tumorale. Le signe radiologique le plus fréquent est la disparition d’un ou de deux pédicules vus de face donnant un aspect « borgne ou aveugle » à la vertèbre ; – un scanner centré sur la vertèbre atteinte, définissant au mieux l’atteinte vertébrale des différents arcs (antérieur, moyen ou postérieur), montre la présence d’un envahissement endo-canalaire et/ou d’une épidurite ; le scanner étudie mieux la destruction osseuse corticale tumorale que l’IRM ; – l’IRM centrée sur la vertèbre atteinte donne une meilleure visualisation de l’atteinte sus- et sous-jacente tumorale et montre mieux l’état de la moelle épinière ou du fourreau dural selon l’étage rachidien. ; – une artériographie médullaire est parfois demandée, en préopératoire, pour situer l’artère vertébrale en cas d’atteinte cervicale ou l’artère d’Adamkiewicz en cas d’atteinte dorsale ou dorsolombaire. Cet examen peut donc faire changer de stratégie chirurgicale. Parfois même, un « blush tumoral » peut faire découvrir une métastase qui est passée inaperçue lors de la scintigraphie ou de l’IRM.
Biopsie tumorale Cet acte est essentiel et indispensable avant tout geste thérapeutique, s’il s’agit d’une métastase « découverte », le cancer primitif n’étant pas connu. Lors de ce temps, un examen bactériologique est demandé à titre systématique.
Biopsie sous scanner (1) Le radiologue doit alors discuter du trajet biopsique avec le chirurgien qui fera l’exérèse tumorale, pour que le trajet coïncide avec la cicatrice de résection chirurgicale. Elle est faite à l’aide d’un trocart qui ramène une carotte tumorale. L’avantage de cette technique est d’être simple et peu invasif. En revanche, le trocart ne ramène que peu de matériel tumoral, parfois non suffisant pour typer la tumeur de façon certaine. La voie d’abord peut être faite par voie latérale ou par voie transpédiculaire.
Prise en charge chirurgicale des métastases osseuses vertébrales… 121
Biopsie chirurgicale Elle doit être systématiquement effectuée par le chirurgien qui doit faire la résection tumorale. Il faut préciser alors à l’anatomopathologiste si la métastase a été embolisée en préopératoire, cela entraînant une nécrose tumorale importante gênant parfois au diagnostic. Stratégie thérapeutique Elle dépend de : – la nature histologique de la tumeur ; – la localisation tumorale au niveau du rachis ; – la localisation sur la vertèbre qui fera décider alors de la technique chirurgicale. L’histologie a déjà été discutée lors du temps biopsique. Deux types de chirurgies peuvent êtres pratiqués : – la chirurgie palliative en cas de métastases ou de tumeurs au-delà de toutes ressources curatives, qui a pour but de décomprimer le fourreau dural et de stabiliser le rachis. Elle peut se faire par voie postérieure ou antérieure selon les cas ; – la chirurgie carcinologique ou curative qui a pour but de réséquer toute la tumeur soit en monobloc (carcinologique), soit par morcellement (curative). La décision thérapeutique doit se faire de façon multidisciplinaire pour aider au mieux le patient. Certains scores tels que celui de Tokuhashi (2, 3) ou le score ICBM (4) peuvent aider à prendre une décision thérapeutique. Celle-ci dépend de nombreux facteurs : – l’unicité ou la multiplicité de la métastase vertébrale et la survie du patient, conditionnant l’agressivité thérapeutique ; – la présence ou non de métastases viscérales, la présence de ces dernières diminuant l’espoir de survie ; – la localisation au niveau du rachis (cervical, dorsal ou lombaire). Selon l’étage rachidien, la survenue de déficit neurologique est à haut risque comme le segment dorsal et en particulier la partie haute. En revanche, les segments lombaire ou cervical sont plus volontiers susceptibles d’une déstabilisation tumorale ; – la présence ou non de signes neurologiques, déterminant l’urgence ou non thérapeutique ; – la nature du cancer primitif est un élément essentiel dans le choix du traitement de la métastase (5) ; en effet, cela conditionne la survie du patient ainsi que les résultats fonctionnels et carcinologiques d’une éventuelle chirurgie ; – l’état général du patient ; en effet, si le score Karnofski (score évaluant l’autonomie du patient) est inférieur à 50 % (patient pratiquement grabataire), la chirurgie est alors contre-indiquée car le patient ne pourra pas la supporter. Le véritable problème décisionnel est le déficit médullaire. Bien sûr dans ce caslà, le bilan général ne peut être fait faute de temps. Pour décider de la technique chirurgicale, seules les radiographies standard sont indispensables, un scanner, s’il peut être obtenu rapidement, est d’une grande aide. Le reste des examens locaux est superflu.
122 Cancer du sein en situation métastatique En cas de déficit partiel, il ne faut pas se poser trop de question. Le patient doit être mis en urgence sous corticoïdes à dose adaptée et opérée la plus rapidement possible. Il faut être conscient que la compression tumorale n’est pas mécanique mais avant tout vasculaire. C’est pourquoi même le fourreau dural totalement libéré en cas de déficit médullaire complet le patient n’aura que d’infimes chances de recouvrer un état neurologique satisfaisant. En cas de déficit complet, le problème est beaucoup plus épineux. Si le déficit s’est installé de façon très progressive en plus de 72 heures, la chance de récupération neurologique après chirurgie est certes infime mais possible. Si le déficit s’est installé de façon très rapide en 24 à 48 heures, on peut toujours tenter une intervention chirurgicale si on est dans un délai de 6 heures depuis l’installation du déficit complet, sans avoir trop d’espoir. En revanche, si le patient présente un état général très altéré (score de Karnofsky inférieur à 50 %) il est plus raisonnable de ne pas intervenir chirurgicalement.
Traitements locaux des métastases vertébrales Traitements « neuro-radiologiques » La vertébroplastie est une technique d’injection de ciment dans le corps vertébral sous contrôle scopique et sous neuroleptanalgésie. Pour que le ciment soit bien visible, on le mélange à de la poudre de tantale qui le rend radio-opaque. Cette technique stabilise la vertèbre et donc diminue le risque de déstabilisation en entraînant une analgésie. Cette méthode percutanée, faite par un praticien bien entraîné, doit se faire sous scopie pour avoir un contrôle parfait du ciment pour éviter qu’il ne file dans le canal vertébral, entraînant une compression neurologique iatrogénique. L’embolisation tumorale par cathétérisme sélectif ou percutané est parfois bien utile pour la sédation des douleurs. Cette technique est souvent employée en préopératoire pour diminuer le saignement, ce qui permet au chirurgien d’effectuer un bon geste de résection tumoral ou de libération médullaire. La diminution du saignement peropératoire donne de meilleures suites chez ces patients en général fatigués. La radio-fréquence est l’introduction de cathéters dans la tumeur, dans lesquels on passe une sonde thermique pour « chauffer » la métastase. L’indication est principalement pour les métastases des parties molles à distance d’éléments nobles pour ne pas risquer de les léser.
Traitement chirurgical Le traitement carcinologique est rarissime chez le sujet âgé. Le traitement peut être « carcinologique » en cas de métastase unique (6). Depuis que l’on effectue une IRM de C0 à S5 en préopératoire, la métastase unique est devenue très rare. La nature du
Prise en charge chirurgicale des métastases osseuses vertébrales… 123 cancer primitif est très importante dans la décision de pratiquer cette chirurgie lourde, car il ne faut voir apparaître quelques mois plus tard une autre métastase osseuse ou viscérale. Il est prudent de faire cette chirurgie pour des cancers primitifs d’évolution lente telle que le cancer de la thyroïde qui en plus présente un traitement spécifique (iodothérapie).
Conditions pour réaliser une chirurgie réséquant « en bloc » la tumeur Au niveau rachidien, il n’est pas possible d’envisager une résection qui répondrait aux critères habituels de la carcinologie. Les rapports de voisinage sont trop étroits pour autoriser des gestes larges et forcément délabrant. Respecter le caractère purement extratumoral est, en revanche, parfaitement réalisable grâce à des gestes adaptés à chaque siège tumoral sur la vertèbre. Chaque fois que possible, le geste chirurgical doit emporter la tumeur dans son ensemble sans ouvrir celle-ci et en passant à distance de ses limites. Une telle résection ne peut qu’exceptionnellement s’étendre très loin de la coque tumorale. Dans quelques cas, une résection associée de la dure-mère, de la plèvre, voire du parenchyme pulmonaire, est réalisable. Dans d’autres cas, il faut accepter le sacrifice d’un élément noble tel que racine nerveuse ou artère vertébrale. L’ensemble de ces facteurs explique la terminologie de vertébrectomie totale plutôt que « carcinologique ». Les possibilités de résection sont fonction du siège de la tumeur sur l’arc vertébral, mais aussi fonction du niveau rachidien et de la localisation de l’artère nourricière de la moelle. Les indications et les limites de la vertébrectomie ont été bien décrites par Roy-Camille (7).
Au niveau du rachis cervical supérieur (C1-C2) Aucun geste monobloc extratumoral n’est techniquement réalisable en dehors de quelques exceptionnelles lésions localisées dans la partie tout antérieure du corps de C2.
Au niveau du rachis inférieur (C3-C7) Une lésion isolée du corps vertébral est accessible à une vertébrectomie subtotale réalisée par un abord antérieur pré-sterno-cléido-mastoïdien. Ses limites sont de chaque côté les foramens et le canal vertébral qui ne doivent pas être envahis. Elle peut nécessiter le contrôle uni- ou bilatéral des artères vertébrales. Elle passe dans les disques sains adjacents. Dès qu’il existe une atteinte du pédicule et du canal vertébral, le geste de résection nécessite une résection de l’artère vertébrale et de la racine nerveuse correspondante. La section radiculaire est décidée bien sûr en préopératoire. Le chirurgien doit expliquer auparavant au patient les conséquences fonctionnelles que cela entraîne, ainsi que les possibilités ultérieures de chirurgie palliative des paralysies du membre supérieur. Cette explication de la chirurgie au patient est
124 Cancer du sein en situation métastatique primordiale, permettant d’instaurer une confiance du patient vis-à-vis de son chirurgien et aussi dans un but médico-légal. La limite d’extension postérieure, permettant de réaliser de façon satisfaisante une telle résection dans une lésion unilatérale, est le massif articulaire. À ce stade, un contrôle simultané antérieur et postérieur est indispensable. L’abord est donc fait en décubitus latéral autorisant les deux incisions et le passage rapide de l’une à l’autre. Dès que la lame est atteinte, il faut morceler tout ou une partie de l’arc postérieur perdant ainsi le bénéfice d’une exérèse extratumorale. En cas d’atteinte bilatérale sans lésion de l’arc postérieur, la vertébrectomie totale extratumorale est encore concevable, mais avec une résection bilatérale des artères vertébrales qui devront être préalablement dérivées.
Au niveau du rachis dorsal La vertébrectomie totale par voie postérieure permettant un abord bilatéral élargi (8) est préférée à un abord antérieur ou antéro-latéral isolé qui ne permet pas le contrôle de la face du corps vertébral controlatéral à l’abord, ni l’exérèse du pédicule de ce même côté. Au contraire, l’abord postérieur autorise une résection complète du corps vertébral après résection de l’arc postérieur. Il permet également une résection monobloc en cas d’atteinte unilatérale d’un pédicule, voire d’une côte adjacente ou au maximum d’un massif articulaire. L’atteinte de deux pédicules et/ou des lames est comme à l’étage cervical, la limite, puisque celle-ci impose le morcellement tumoral. La présence de l’artère d’Adamkiewicz au niveau d’un trou de conjugaison correspondant à la lésion tumorale contre-indique toute résection complète de la tumeur, surtout par voie postérieure élargie.
Au niveau du rachis lombaire Les possibilités de chirurgie extratumorale sont plus limitées qu’aux niveaux cervical et dorsal. Une lésion isolée du corps vertébral reste accessible à une spondylectomie totale par voie antéro-latérale. L’atteinte de l’un des deux pédicules interdit malheureusement toute résection extratumorale. Il faut rappeler que la vertébrectomie totale lombaire passe par un double abord qui ne peut être simultané. L’arc postérieur est réséqué dans un premier temps jusqu’au niveau de la partie postérieure du corps vertébral, ce qui implique le morcellement des pédicules. Le corps vertébral est ensuite retiré en monobloc par l’abord antéro-latéral.
Traitement palliatif Il s’agit du traitement le plus fréquemment employé. Les indications sont : la douleur résistant au traitement médical, le risque de déstabilisation mécanique, le risque neurologique. Si l’on veut que cette chirurgie ait de bons résultats, il faut bien définir le but recherché. Cette chirurgie doit être rapide avec des suites simples pour que le temps d’hospitalisation soit le plus court possible, chez ces patients souvent fatigués.
Prise en charge chirurgicale des métastases osseuses vertébrales… 125 La technique chirurgicale est un acte de décompression médullaire grâce à une laminectomie associée ou non à une fixation vertébrale. La voie d’abord antérieure ou postérieure diffère selon les tendances et les écoles. La corporectomie est souvent employée pour les localisations cervicales. La fixation vertébrale peut utiliser plusieurs matériels de conception différente, cela dépend aussi des tendances et des écoles.
Associations thérapeutiques Chirurgie et radiothérapie En cas d’association de chirurgie et de radiothérapie, la chirurgie doit être effectuée en premier car la radiothérapie peut entraîner des ennuis de cicatrisation et d’infection postopératoire. De plus, en cas d’épidurite ou de compression médullaire importante, la chirurgie première doit être impérativement faite, car la radiothérapie entraîne systématiquement un œdème périmédullaire pouvant entraîner une paraplégie subite. Si une radiothérapie est faite sur une métastase compressive, nous devons lui adjoindre une corticothérapie systématiquement. L’effet de cette dernière est lent, il ne s’agit donc pas d’un traitement d’urgence. De plus, la radiothérapie pratiquée en préopératoire augmente le risque d’infection postopératoire et de non-cicatrisation.
Chirurgie et embolisation Bien sûr, l’embolisation est préopératoire et doit se faire 24 à 48 heures à l’avance. L’embolisation ne doit pas se faire trop à distance de l’intervention chirurgicale car son pouvoir « hémostasiant » diminue avec le temps. On considère qu’une embolisation est réellement efficace pendant 10 jours en moyenne.
Chirurgie et vertébroplastie Lors de cette association, la vertébroplastie doit s’effectuer en premier, car si un peu de ciment s’échappe en endocanalaire et vient entraîner un déficit médullaire ou radiculaire, l’acte chirurgical pourra résoudre aisément le problème. De plus, la pose de plaques postérieures gêne considérablement la technique car le ciment est injecté en per-cutanée par voie transpédiculaire en général.
Radiothérapie et vertébroplastie Cette association devient fréquente. L’ordre d’exécution n’est pas encore bien établi, mais il est préférable d’effectuer la vertébroplastie en premier car il s’agit d’un acte plus agressif, la radiothérapie comme lors de la chirurgie pourrait alors entraîner un risque infection.
126 Cancer du sein en situation métastatique
Chimio-embolisation Cette technique de chimiothérapie in situ est réservée aux métastases « dépassées » ne répondant au aucun traitement local. Nous n’avons pas encore un grand recul encore sur ses résultats. Elle sera plus détaillée dans le chapitre de la neuro-radiologie.
Chirurgie et radiofréquence Cette association est plutôt réservée aux os longs. Nous n’avons pas encore un recul sur les résultats, mais ceci reste une voie d’avenir.
Conclusion La chirurgie des métastases osseuses doit être pratiquée par un spécialiste, faisant parti d’un groupe multidisciplinaire. C’est une chirurgie à risque même si l’acte technique n’est pas difficile, car il se pratique sur un patient le plus souvent immunodéprimé. En cas de métastases multiples, la chirurgie améliore la qualité de vie mais n’augmente pas en général la survie du patient. La métastase unique est une entité de plus en plus rare depuis que l’on pratique lors du bilan un « full spine IRM ». Une bonne préparation de la chirurgie est essentielle pour diminuer les risques opératoires et améliorer les suites.
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Irradiation locorégionale des cancers du sein d’emblée métastatiques C. Bourgier, W. Khodari et D. Azria
Introduction L’incidence des cancers du sein avec métastases synchrones au diagnostic (stade IV) est relativement rare, représentant moins de 5 % de l’ensemble des cancers du sein (1-4). Leur pronostic est effroyable avec une survie médiane de 18-24 mois (5, 6). L’avènement de nouvelles molécules systémiques, telles que vinorelbine, paclitaxel, docétaxel, dérivés oraux du 5-fluorouracil (capécitabine), létrozole, anastrozole, exemestane et thérapies ciblées (trastuzumab), a probablement amélioré la survie de ces patientes atteintes d’un cancer de stade IV. Entre 1987 et 1993, la survie globale à 3 ans était estimée à 27 %, puis après l’utilisation des taxanes et des inhibiteurs de l’aromatase (entre 1994 et 2000), la survie globale à 3 ans de ces patientes est de 44 % (p < 0,001) (7). Malgré les progrès des traitements systémiques, la place des traitements locorégionaux était souvent restreinte à celle du traitement palliatif, soit à visée antalgique, soit à visée hémostatique.
Importance d’une prise en charge oncologique multidisciplinaire des cancers de stade IV Le traitement local (chirurgie et/ou radiothérapie) était très rarement envisagé car considéré comme inutile. De récentes publications ont évoqué l’impact positif des traitements locorégionaux sur la survie métastatique sans progression et également sur la survie globale (2-4, 8-10). Cette amélioration de la survie sans récidive et de la survie globale pourrait être expliquée en partie par l’exérèse chirurgicale de la tumeur primitive contribuant ainsi à diminuer le nombre de cellules cancéreuses et leur essaimage. Ceci a été largement documenté dans d’autres types de cancers présentant des métastases synchrones, tels que les cancers de l’ovaire, de l’estomac, colorectal… (11-14). Des
130 Cancer du sein en situation métastatique études récentes ont montré une forte corrélation entre le taux de cellules tumorales circulantes et le pronostic du cancer du sein (15). Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que l’exérèse chirurgicale de la tumeur primitive réduit l’essaimage des cellules métastatiques, et donc le nombre de cellules tumorales circulantes (16) et contribue ainsi à améliorer la survie sans récidive et la survie globale. Par ailleurs, l’adjonction des traitements systémiques en postopératoire permet de limiter l’émergence de cellules tumorales résistantes et augmente ainsi leur action antitumorale (11). De plus, l’efficacité antitumorale de la chirurgie de la tumeur primitive peut être expliquée par l’exérèse des zones tumorales nécrotiques et/ou hypoxiques, qui sont inaccessibles aux traitements systémiques (16). La tumeur primitive peut influencer la progression métastatique par le relargage de facteurs immunosuppresseurs (17). Le rétablissement d’un système immunitaire immunocompétent peut d’une part être dû à une réduction notable de la production de cytokines immunosuppressives par la tumeur primitive par l’exérèse de celle-ci ou à une production de cytokines immunosuppressives par les cellules tumorales métastatiques moins actives (17). De plus, l’exérèse de la tumeur primitive semble participer au rétablissement d’un système immunitaire immunocompétent en empêchant physiquement un lien entre la tumeur primitive et les cellules tumorales métastatiques (18).
Amélioration des survies sans récidive et globale des cancers du sein de stade IV grâce aux traitements locorégionaux De nombreuses études rétrospectives chirurgicales ont montré un impact positif des traitements locorégionaux sur la survie sans récidive et la survie globale des cancers du sein avec métastases synchrones (2-4, 8-10). L’analyse récente des données épidémiologiques du programme du National Cancer Institute’s Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER) montre un intérêt certain de la chirurgie de la tumeur primitive dans les cancers du sein de stade IV (4). En effet, les patientes pour lesquelles le cancer du sein a été traité chirurgicalement ont une survie médiane significativement allongée (36 mois) comparée à celles non traitées par chirurgie (21 mois) (p < 0,001). D’autres études rétrospectives montrent cette même tendance, à savoir, un allongement de la survie sans événement métastatique et de la survie médiane (2, 3, 8-10).
Place de la radiothérapie locorégionale mammaire dans la prise en charge des cancers du sein de stade IV Très récemment, Le Scodan et al. ont montré que le traitement locorégional (LRT), essentiellement par radiothérapie exclusive, améliore significativement la survie sans récidive et la survie globale (SG) avec une SG à 3 ans de 43,4 % contre 26,7 %
Irradiation locorégionale des cancers du sein d’emblée métastatiques 131 en l’absence de traitement locorégional (non LRT) (19). Cette étude rétrospective est la première publication qui montre l’intérêt de la radiothérapie exclusive dans la prise en charge des cancers du sein avec des métastases synchrones. Cependant, il existe quelques biais et quelques incertitudes, tels que l’absence d’explications concernant les raisons médicales qui ont motivé la réalisation ou non d’un traitement locorégional dans cette population. Il aurait été vivement intéressant dans cette étude de préciser si le groupe LRT avait un taux de réponse clinique complète, partielle après chimio- ou hormonothérapie première et si le groupe non-LRT avait une maladie stable ou évolutive après chimio- ou hormonothérapie première. En effet, les patientes du groupe LRT ont d’abord reçu un traitement systémique pendant 4-5 mois puis ont eu un traitement locorégional. De plus, le groupe LRT a de meilleurs facteurs pronostiques que le groupe non-LRT. L’analyse des courbes de survie globale montre une SG à 4-5 mois de 95 % dans le groupe LRT contre 75 % dans le groupe non-LRT, ce qui suggère que les patientes non-LRT ont non seulement de mauvais facteurs de pronostic mais également qu’elles ne répondent pas au traitement systémique. Lors de l’analyse des patientes ayant uniquement des métastases osseuses, il n’y a aucun bénéfice en survie globale entre les patientes ayant un traitement locorégional de celles qui sont traitées exclusivement par traitement systémique. Ces données suggèrent qu’il y a probablement un intérêt à effectuer un traitement locorégional par radiothérapie exclusive lorsque les patientes répondent aux traitements systémiques (réponse clinique complète ou partielle) et en revanche soulève l’intérêt de ces traitements dans des maladies stables, telles que les cancers du sein avec métastases osseuses qui sont généralement lentement évolutif, ou des cancers du sein de stade IV qui progressent rapidement, où le pronostic est au contrôle métastatique. À l’institut Gustave Roussy (IGR), nous avons comparé, au sein d’une population similaire à celle de Le Scodan et al., l’efficacité de la radiothérapie exclusive locorégionale à la chirurgie mammaire locorégionale (20, 21). Depuis 1990, toutes les patientes ayant un cancer du sein de stade IV diagnostiqué à l’IGR ont un traitement locorégional, soit par chirurgie (n = 92) ± radiothérapie ou radiothérapie exclusive (n = 147). Le groupe de patientes traitées exclusivement par traitement systémique présente des cancers du sein extrêmement évolués, ne répondant pas aux traitements systémiques et dont l’issue est rapidement fatale (n = 80). Les patientes traitées par radiothérapie exclusive ont des cancers du sein de plus mauvais pronostic comparés à ceux des patientes traitées par chirurgie. Cependant, lorsque les facteurs pronostiques sont ajustés, l’irradiation locorégionale de ces cancers du sein est équivalente à la chirurgie en termes de survie sans récidive et en survie globale (fig. 1). Par ailleurs, il a été observé une réponse clinique pour 70 % des patientes traitées par chimiothérapie d’emblée, dont 16 % de réponse clinique complète. L’irradiation exclusive a augmenté cette réponse clinique complète à 55 % et, ce, de façon durable pour 85 % de l’ensemble des patientes. Ainsi, l’irradiation exclusive a permis d’obtenir un contrôle tumoral local pour 85 % des patientes. Cette efficacité est en miroir de l’effet de la radiothérapie mammaire pour les cancers du sein à haut risque de récidive locorégionale (22-26) ou de l’efficacité de l’irradiation mammaire exclusive dans les cancers du sein de stade I-III (27-29).
132 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 1 – Survie sans progression métastatique : absence de différence significative entre les deux groupes de traitement chirurgie ± radiothérapie mammaire versus irradiation mammaire exclusive) (21).
Conclusion La prise en charge des cancers du sein avec métastases synchrones doit être multidisciplinaire, alliant la cancérologie médicale à la cancérologie chirurgicale et à la cancérologie radiothérapie. Les traitements locorégionaux, chirurgie suivie d’une irradiation mammaire ou irradiation exclusive, ont un impact positif sur la survie sans progression métastatique et doivent être systématiquement discutés dans cette indication.
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Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein C. Balu-Maestro
Récidive locale Selon les séries, la fréquence des récidives locales après traitement conservateur du cancer du sein varie de 5 à 10 % à 5 ans et de 8 à 15 % à 10 ans ; elle diminue ensuite après 15 ans. Ce taux diminue dans les séries récentes, témoignant des progrès de l’imagerie et de l’anatomopathologie permettant une meilleure sélection des patientes et un taux de réexcision plus élevé. Classiquement, on distingue deux types de récidives : celles qui sont précoces survenant dans un délai de 2 à 7 ans selon une fréquence annuelle de 0,4 à 1,9 % grevant le pronostic vital, qui sont liées à une insuffisance du traitement initial comme en atteste l’aspect radiologique identique à celui du premier cancer, et les récidives tardives qui surviennent dans un quadrant différent, dans un délai de 8 à 10 ans, selon un taux annuel de 0,1 à 0,7 % par an et qui sont considérées comme des deuxièmes tumeurs, moins influentes sur la survie globale. Dans 14 % des cas, les récidives locales après traitement conservateur sont multicentriques et dans 7 % elles sont cutanées. Les cancers canalaires in situ récidivent plus fréquemment que les cancers canalaires invasifs (13,8 % versus 8,4 à 9,7 % de récidive locale après traitement conservateur) ; dans la moitié des cas la récidive locale s’effectue sous forme invasive et dans trois quarts des cas dans les 5 ans. Parmi les facteurs prédictifs de rechute locale, on retiendra : – des facteurs cliniques : âge jeune, préménopause, taille tumorale ; – des facteurs histologiques : grade élevé, présence d’emboles vasculaires, de marges envahies et d’une composante endocanalaire étendue souvent responsables d’un traitement inadapté (2). Selon une récente méta-analyse de 12 études incluant 5 045 patientes, rapportée par l’American Society of Clinical Oncology en 2006 (1), plus de 60 % des récidives sont symptomatiques et diagnostiquées en dehors des visites des examens de surveillance. Ce diagnostic néanmoins doit être précoce impactant la survie comme
136 Cancer du sein en situation métastatique le montre la méta-analyse de Lu (3) sur 13 études et 2 263 patientes dans laquelle la survie est améliorée si la détection est précoce (HR : 1,68), asymptomatique et infraclinique (HR : 2,44). Si tous les cancers avaient été détectés précocement, 5 à 8 décès auraient été évités par un suivi régulier pendant 10 ans pour 1 000 femmes, soit une réduction absolue de la mortalité de 17 à 28 %. Le but de l’imagerie est : – d’établir le diagnostic de récidive, actuellement possible en mammographie dans 85 à 92 % des cas, respectivement pour les récidives invasives et in situ (2, 4, 5) ; – de reconnaître les aspects normaux et les reliquats tumoraux ; – de faire le bilan d’extension afin d’apprécier la faisabilité d’un deuxième traitement conservateur et éviter une deuxième récidive qui survient dans 19 à 50 % des cas après nouveau traitement conservateur (6).
Cancers résiduels après tumorectomie Ils sont d’autant plus fréquents que les marges sont positives en histologie, qu’existent des microcalcifications résiduelles sur les clichés postopératoires, que la tumeur est volumineuse, qu’il s’agit de cancer lobulaire invasif, et qu’est associée une composante intraductale étendue. Cette dernière notion a plus de valeur que la notion d’envahissement des berges et sa présence implique une probabilité élevée d’avoir un reliquat dans le lit d’exérèse (65 % versus 6 % lorsqu’il est absent) (7, 8). Il est important de disposer de radiographie peropératoire dont la valeur pour prédire l’existence d’une tumeur résiduelle est cependant médiocre (62 %) (9) ; l’agrandissement en cas de microcalcifications et la pratique de deux incidences en optimisent sensiblement les résultats. Après exérèse de foyers de microcalcifications, la mammographie postopératoire immédiate avant mise en place de la radiothérapie avec agrandissement localisé sur le lit tumoral, confrontée aux clichés pré- et peropératoires, doit être réalisée lorsque les marges d’exérèse sont réduites. En effet, il existe des zones saines au sein des cancers in situ dans 50 % des cas expliquant les données histologiques concernant les berges et les récidives locales (10). Cependant, sur les clichés radiologiques postopératoires, l’œdème et la densité du site opératoire masquent les lésions tumorales résiduelles dans un tiers des cas (11). L’échographie d’une part fait difficilement la part entre la cavité de tumorectomie, une collection précoce et la formation tumorale, d’autre part elle ne visualise pas les microcalcifications. L’IRM, théoriquement possible qu’à distance de l’acte opératoire après radiothérapie (6 mois), a cependant pour intérêt majeur en l’absence d’IRM préopératoire de planifier les modalités techniques de la reprise chirurgicale. En 1997, deux équipes ont rapporté l’intérêt de l’IRM précoce (3 à 6 semaines) dans l’évaluation des reliquats tumoraux invasifs et in situ avec un taux de faux négatifs inférieur à celui de la radiographie peropératoire et un taux de faux positifs de 21 à 25 % représenté par les rehaussements liés aux processus inflammatoires postopératoires et aux lésions bénignes associées (hyperplasie épithéliale, adénose sclérosante) (8, 12).
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 137 La première équipe confirme en 2004 ses premiers résultats avec une sensibilité pour le diagnostic de tumeur résiduelle de 61,2 % et une spécificité de 69,7 % chez 80 patientes ayant subi 82 tumorectomies dont les marges étaient limites ou envahies avec un taux de tumeur résiduelle de 59,8 % à l’examen anatomopathologique définitif (13). Dans 30 % des cas, il y avait changement de la thérapeutique initialement envisagée avec 23 lésions additionnelles à distance du site opératoire dont 6 malignes (13). Bien que la difficulté de l’interprétation soit maximale sur le site de la tumorectomie, Kawashima (14) sur 29 reliquats péricicatriciels chez 50 patientes obtient des résultats tout à fait intéressants avec des valeurs de sensibilité, spécificité, VPP et VPN, estimées respectivement à 66, 81, 83 et 63 %. Un rehaussement périphérique épais pseudo-nodulaire et discontinu serait spécifique de reliquat tumoral. Concernant le délai de réalisation de l’IRM en postopératoire, Frei (15) obtient les meilleurs résultats lorsque l’IRM est effectuée entre le 28e et le 35e jour postopératoire (et pas avant le 28e jour postopératoire).
Reconnaître les aspects normaux Les aspects en imagerie sont en rapport avec les techniques chirurgicales et le type de sein (16-19). Au décours immédiat de la tumorectomie en échographie, le trajet chirurgical échogène peut être visible ainsi que la cavité de tumorectomie qui progressivement va se remplir d’un matériel fibrotique. En cours de radiothérapie, existe toujours un œdème épidermique et glandulaire majorant la densité radiologique et visible en échographie sous la forme de structures tubulaires un peu irrégulières, transsonores, à différencier des galactophores, représentant l’engorgement lymphatique et l’accumulation de liquide interstitiel. Trois types de complications postopératoires sont aisément observables en échographie : – les hématomes : échogènes en phase aiguë, ils deviennent anéchogènes en 2 à 3 semaines. Leur évacuation n’est pas systématique car ils se résorbent généralement en 1 à 2 mois sauf si l’on cherche à radiographier le lit tumoral pour s’assurer de l’exérèse complète de microcalcifications ; – les abcès sont souvent suspectés cliniquement, c’est l’échographie en visualisant une formation échogène, des bords épais et des septa qui évoquent le diagnostic ; – les lymphocèles sont liées au curage axillaire ; les collections sont souvent volumineuses et cloisonnées en échographie ; cette technique permet d’effectuer et de vérifier leur évacuation complète qui n’évite cependant pas les récidives itératives. À distance, les collections se résorbent en 1 à 2 mois, rarement plus tardivement, l’œdème post-radiothérapique maximum à 6 mois disparaît en 18 mois à 2 ans. On assiste à une régression progressive puis à une stabilisation des cicatrices : 80 % sont visibles à 1 an, 25 % à 3 ans sous forme de gradient de densité ou de distorsion architecturale sur les clichés mammographiques. Dans 10 à 25 % des cas, se constitue une cicatrice stellaire pouvant poser des problèmes diagnostiques avec une récidive. Il faudra s’aider de clichés en compression localisée standard et/ou agrandis, de l’examen clinique et de l’échographie.
138 Cancer du sein en situation métastatique Radiologiquement, les spicules cicatriciels sont grossiers ou curvilignes, discontinus, ils se répartissent de manière asymétrique autour d’un centre de densité variable qui se dissocie selon les incidences et restent à distance de la cicatrice cutanée. En échographie, les cicatrices sont visibles sous la forme d’une image hypoéchogène irrégulière avec atténuation du faisceau ultrasonore ; plus la fibrose progresse plus l’ombre acoustique postérieure s’intensifie ; l’aspect non nodulaire de l’image cicatricielle variant selon l’incidence du faisceau ultrasonore est un élément séméiologique fondamental. Un certain nombre d’anomalies bénignes sont visibles à distance du traitement. – Le granulome cicatriciel peut en imposer cliniquement pour une récidive cutanée. Ils sont le plus souvent trans-sonores mais lorsque l’aspect est hypoéchogène le diagnostic ne peut être établi que par biopsie guidée ou exérèse. Quelquefois, lorsque le nodule est de survenue précoce et que la probabilité de récidive est faible, la surveillance clinique et échographique éventuellement associée à la cytoponction avec une exactitude diagnostique > 90 % est une alternative simple souvent moins anxiogène pour la patiente. – La cytostéatonécrose et les kystes lipidiques sont plus fréquents en cas d’hématome postopératoire ou d’exérèse ayant porté sur la région rétroaréolaire. Elle se calcifie progressivement en quelques mois ou années en périphérie ; les calcifications sont d’abord hétérogènes, irrégulièrement arciformes puis confluentes. Bien qu’il s’agisse d’une complication de la chirurgie, il existe un effet synergique probable de la radiothérapie dans la genèse de ces nécroses graisseuses. Elles ne nécessitent pas d’intervention. Le diagnostic est fait par la mammographie, classique image claire, ronde, finement cerclée ou image de convergence avec ou sans centre clair, alors que l’échographie est trompeuse objectivant le plus souvent une zone hypoéchogène mal limitée. En IRM, la cytostéatonécrose est la cause essentielle des faux positifs de cette technique mettant en évidence des rehaussements périphériques de type précoce et intense. – Les calcifications surviennent chez un tiers à la moitié des patientes, d’autant plus fréquentes qu’une radiothérapie interstitielle est associée. Les calcifications grossières du matériel de suture sur le site chirurgical ou arciforme des kystes huileux ou des nodules de cytostéatonécrose sont aisément reconnaissables en mammographie. Plus problématiques sont les microcalcifications bénignes siégeant sur le site d’excision ; elles sont en rapport soit avec la nécrose tissulaire, soit avec une activité sécrétoire majorée par l’irradiation et surviennent chez 7 % des patientes. – L’échographie n’est d’aucun apport dans le diagnostic étiologique des microcalcifications en dehors de la visualisation d’une masse associée guidant les prélèvements tissulaires.
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 139
Diagnostic des récidives Mammographie Les plus souvent, il s’agit de la modification en taille et/ou en densité d’une image cicatricielle à type d’opacité floue, de gradient de densité ou de distorsion de l’architecture. L’appréciation de ces modifications nécessite une reproductibilité parfaite en terme de constantes d’exposition et d’incidence des examens pratiqués, celles-ci peuvent être difficiles à différencier d’une fibrose cicatricielle en cours de constitution ; l’existence d’un centre dense et la modification de la taille de l’image sont des éléments importants qui doivent conduire à la pratique de prélèvements guidés. Plus spécifique est la constitution d’une image stellaire dont les spicules sont très droits, à base pyramidale, placés symétriquement autour d’un centre dense en direction du revêtement cutané. Toutes ces anomalies sont classées BI-RADS 4 et 5 dans la classification BI-RADS de l’American College of Radiology (ACR) (20, 21). L’apparition d’une opacité circonscrite à contour net et régulier classée ACR 3 dans le site d’exérèse ou plus souvent à distance doit être considérée comme suspecte car l’apparition d’une anomalie bénigne dans un sein radiothérapé est exceptionnelle ; quelquefois, on assiste à l’évolution en taille ou en densité d’une anomalie connue préalablement classée BI-RADS 3 qui peut correspondre à une deuxième localisation non diagnostiquée lors du traitement initial. Les microcalcifications représentent près de la moitié des récidives en mammographie (22), survenant le plus souvent dans le site de tumorectomie. La plupart sont en rapport avec des récidives de bon pronostic (cancer canalaire in situ pur ou associé à un contingent micro-invasif). L’aspect morphologique est généralement identique à celui du cancer initial. Il faut s’aider de clichés localisés en agrandissement permettant une analyse morphologique et numérique précise et de l’aspect évolutif. L’apparition de microcalcifications dans un sein traité est suffisamment suspecte pour indiquer un contrôle histologique généralement réalisable par macrobiopsie par aspiration avec des aiguilles de calibre 11 ou 8 G sous guidage stéréotaxique. En l’absence de matériel dédié, la biopsie chirurgicale à but diagnostique est réalisée après repérage du foyer de calcifications. Dans ce contexte, lorsqu’il s’agit de microcalcifications punctiformes régulières peu nombreuses (classés BI-RADS 3 en procédure de diagnostic ou de dépistage), la vérification histologique est la règle. Enfin, la réapparition d’une réaction sous dermique, d’un œdème déclive, la majoration globale de la densité mammaire sans anomalie focale identifiable peuvent être le signe d’une rechute en poussée évolutive difficile à différencier des poussées inflammatoires post-radiques spontanément résolutives.
Échographie Dans tous les cas, l’échographie peut aider au diagnostic de rechute locale, néanmoins sa valeur est inférieure à celle de la mammographie, apparaissant plus contributive lorsque l’image radiologique siège à distance du site cicatriciel. Comme en
140 Cancer du sein en situation métastatique mammographie, la modification d’une image cicatricielle dont l’aspect devient nodulaire ou l’apparition d’une masse tissulaire corrélée à une opacité ou à des microcalcifications doit conduire à la vérification histologique. L’échographie est utile lorsque le sein est dense, qu’existe une anomalie palpable de localisation périphérique ou non imagée sur les clichés mammographiques ou lorsque l’image est visible uniquement sur une incidence. Dans les seins inflammatoires, elle peut mettre en évidence une masse et dans tous les cas facilite les prélèvements histologiques. Le doppler couleur apparaît peu spécifique, néanmoins l’utilisation de produit de contraste par l’étude morphologique et dynamique de la vascularisation augmenterait la sensibilité et la valeur diagnostique de l’échographie ; actuellement les voies de recherche s’orientent vers les produits de 2e génération permettant l’étude de la microvascularisation (16, 17).
IRM Valeur de l’IRM pour le diagnostic L’IRM est un examen très contributif pour le diagnostic des récidives : la fibrose ne prenant pas le contraste de façon précoce, les séquences dynamiques avec étude de la prise de contraste dans les deux premières minutes après bolus de gadolinium permettent d’obtenir une excellente spécificité comprise entre 85 et 100 % avec une sensibilité entre 75 et 100 % (23-25, 27, 28). Il faut utiliser un appareillage en haut champ, une antenne dédiée, des épaisseurs de coupes fines (< 3 mm avec un gap minimum) sur l’ensemble du sein à la recherche d’une multifocalité. De hautes doses de gadolinium avaient été recommandées (0,2 mmol/kg en bolus intraveineux poussé par un flush de sérum physiologique) pour optimiser la détection de foyers in situ mais actuellement 0,1 mmol semble suffisant dans tous les cas (25). Pour éliminer le signal de la graisse, on utilise des techniques de soustraction d’image. La plupart des auteurs utilisent des acquisitions volumiques en écho de gradient 3D qui permettent un compromis acceptable entre résolution spatiale et temporelle. Afin de privilégier à la fois l’aspect morphologique et dynamique, sont pratiquées plusieurs séries de coupes dynamiques pendant 7 à 8 minutes. Aux critères dynamiques s’associent des critères morphologiques décrits selon le lexique BI-RADS de l’ACR (26) représentés par l’existence d’un rehaussement avec ou sans syndrome de masse. Les masses dont les contours sont irréguliers, spiculés ou flous ou présentant une zone centrale de nécrose en hyposignal et une prise de contraste en couronne, sont classées BI-RADS 4-5. Des aires focales ou segmentaires de topographie canalaire sont évocatrices de processus endogalactophorique. Dans cette application, l’IRM a une valeur prédictive négative proche de 100 %. La sensibilité et la spécificité de l’IRM sont excellentes > 90 % qu’il s’agisse de la récidive sur le site de tumorectomie ou en dehors de celui-ci. Elle est très spécifique au-delà de 12 mois, mais tout à fait possible dès le 3e mois après le traitement chirurgical et la radiothérapie (28). Les faux négatifs sont représentés par les lésions endocanalaires et les cancers mucineux, les faux positifs par la cytostéatonécrose récente dans sa forme spiculée lorsque manque le centre kystique (en hypersignal
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 141 T2) et qu’existe un rehaussement périphérique. La valeur de l’IRM est limitée dans les lésions < 5 mm et les lésions in situ non de haut grade et, de ce fait, n’est pas indiquée actuellement pour caractériser les microcalcifications.
Valeur de l’IRM pour le bilan préthérapeutique de la récidive Actuellement, l’IRM est indiquée lorsqu’il existe une discordance entre l’imagerie conventionnelle et l’examen clinique et/ou les prélèvements histologiques ou lorsque ceux-ci ne sont pas souhaités. Elle doit être pratiquée à la recherche d’une multicentricité lorsqu’un deuxième conservateur est envisagé. Lorsque des rehaussements incidents sont visualisés, un examen mammographique et surtout échographique de 2e intention retrouvant la lésion dans plus de la moitié des cas s’imposent ainsi que des prélèvements guidés éventuellement sous IRM en l’absence de corrélation échographique car la VPP de ces rehaussements incidents est faible (< 30 %) (29). Bien évidemment, l’IRM doit être bilatérale du fait de la majoration du risque. Dans certaines localisations proches de la paroi thoracique non ou incomplètement visualisées à la mammographie, en imageant les lésions et leurs extensions postérieures souvent inaccessibles aux prélèvements guidés, l’IRM apprécie au mieux l’opérabilité des récidives postérieures.
Incidence de l’IRM préthérapeutique de la tumeur primaire sur le taux de récidive Deux études rétrospectives ont évalué cet aspect. L’une, publiée en 2004 par Fischer (30), comparant chez des patientes traitées par chirurgie conservatrice une population de 121 patientes ayant bénéficié d’une IRM préopératoire à une population 225 patientes n’en ayant pas bénéficié sur un suivi moyen de 40 mois et retrouve un taux de 1,2 % de récidive dans la première population contre 6,8 % dans la deuxième. Cette étude est critiquée car les groupes ne sont pas homogènes concernant le stade et les traitements systémiques, les lésions de plus petite taille et N- étant retrouvées parmi les patientes qui ont bénéficié de l’IRM (31, 32). L’autre étude est celle de Solin (33) et concerne 756 patientes traitées par chirurgie conservatrice et radiothérapie, 215 avec IRM préopératoire et 541 sans IRM sur une période de 8 années avec un suivi moyen de 4,6 ans. L’étude ne retrouve aucune différence sur le taux de récidive locale (3 % versus 4 % respectivement ; p : 0,51) comme sur les taux de survie globale (86 % vs 87 % ; p : 0,51), de patientes sans métastase à distance (89 % vs 92 % ; p : 0,16) et de cancer controlatéral (6 % vs 6 % ; p : 0,39).Dans cette étude, il semblerait que les patientes ayant bénéficié d’une IRM avaient des tumeurs de plus petite taille et étaient plus jeunes comparativement au groupe qui n’avait pas eu cette exploration (31, 32). Pour les patientes traitées par chimiothérapie néoadjuvante, deux études de 68 et 66 patientes étudiant la corrélation entre l’aspect morphologique et dynamique du rehaussement et le taux de récidive locale ne retrouvent pas de paramètre prédictif significatif (34, 35).
142 Cancer du sein en situation métastatique
Y a-t-il un sous-groupe de patientes traitées par traitement conservateur à surveiller par IRM ? Selon l’American Cancer Society (36) le seul sous-groupe validé est celui des femmes mutées et des femmes non testées apparentées au premier degré à une mutation BRCA et celles dont le risque cumulé au cours de la vie est > 20-25 %. En dehors de celles-ci, il n’y a pas de recommandations ; toutefois, on peut s’interroger sur des facteurs associés : âge, risque familial, densité mammaire, aspect radiologiquement occulte et profil anatomopathologique de la tumeur primitive traitée. Deux études publiées en 2008 et 2009 tentent de répondre à la question (37, 38). L’étude de Price (37) concerne un screening par IRM chez 171 patientes dont 34 ont un risque modéré lié à une histoire familiale, 41 des antécédents personnels de cancers du sein (30 patientes ont moins de 50 ans et 9 un risque familial) et 37 des seins denses associés pour 30 cas à des facteurs de risque familiaux. Il y avait 4 lésions invasives dont 2 dans des seins très denses sans autre facteur de risque, 1 dans le groupe à risque familial modéré et un cancer controlatéral chez une patiente de 35 ans antérieurement traitée pour cancer. La conclusion est que pour les patientes traitées pour cancer, l’IRM en surveillance doit être réalisée si la tumeur primitive est survenue à un âge jeune ou s’il existe des facteurs de risque familiaux ou une densité mammaire élevée. De même, Morris dans une étude antérieure (39) retrouvait sur une série de 367 patientes à risque dépistées par IRM un taux de cancers de 7 % parmi les patientes qui présentent des antécédents personnels de traitement conservateur et un taux de 8 % lorsque sont associés des facteurs familiaux. Gorechlad (38), dans une étude rétrospective et unicentrique concernant 471 patientes (476 tumeurs primitives), ayant eu un traitement conservateur avec marges saines et une durée médiane de suivi de 5,4 ans qui retrouve un taux de récidive locale de 1,7 % (et controlatérale de 2,3 %), en déduit que cela aurait généré 2 570 IRM avec 5 % de biopsie sans efficacité sur la survie, car les récidives sont de petite taille (tm = 1,6 cm), M0 et toutes les patientes sont en vie. Le bénéfice d’un suivi IRM concernerait moins de 3 ‰ femmes par an et serait d’un coût non négligeable. Il n’y aurait pas de bénéfice de l’IRM dans les seins denses, aucune des tumeurs occultes de la série n’a récidivé et les cancers lobulaires ont des récidives plus fréquentes (2/25) mais infracentimétriques. Cette étude est critiquable car elle résulte d’une extrapolation (l’IRM n’est pas réalisée) et d’une comparaison avec les résultats du dépistage par IRM des femmes mutées, le suivi est court avec une moyenne de 2,7 ans pour les 8 femmes ayant eu une récidive homolatérale, et le statut ganglionnaire des cancers lobulaires est inconnu (40). Concernant l’âge, l’étude de Curie (41), sur 209 femmes de moins de 40 ans traitées par traitement conservateur suivies 12 ans, retrouve un taux de récidive locale à 5 ans de 25 % et à 10 ans de 38 % (12 % de cancer controlatéral) avec un taux annuel de 5 % pendant les 5 premières années. La majoration du risque est de 7 % par année d’âge de moins.
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 143 Concernant certains types anatomopathologiques, l’évolution locale des cancers lobulaires diffère peu de celle des cancers canalaires et, pour les cancers triple-négatifs, les études disponibles ne permettent pas de conclure quant à l’intérêt d’une surveillance locale intensifiée car il s’agit d’un groupe hétérogène. Il manque à l’évidence des études prospectives randomisées pour avancer dans les indications de l’IRM au cours de la surveillance après traitement conservateur. La décision d’un suivi par IRM doit être individuelle et évaluée en fonction du risque : il peut être proposé aux femmes jeunes, dans les seins très denses et lorsque existent des facteurs de risque familiaux.
Tomodensitométrie Cette méthode d’imagerie en coupes présente les mêmes avantages théoriques que l’IRM, confirmés par les études pratiquées tant en technique séquentielle qu’en technique hélicoïdale (42). Actuellement, la technique comporte deux ou trois hélices de 2-3 mm pitch 1 pour les opacités comme pour les microcalcifications, sans et après injection d’une dose totale de 1,5 mL/kg de contraste iodé selon un débit de 2 à 3 mL/seconde et est jugé significatif un rehaussement supérieur à 20 UH à 90 s. On obtient ainsi une sensibilité supérieure à 90 % et une spécificité de 85 %, s’abaissant à 65 % pour les lésions infracliniques et les microcalcifications. Dans l’étude récente de Ternier (43) comportant 53 récidives dont 20 infracliniques, la valeur de la tomodensitométrie est supérieure à celle de l’échographie et de la mammographie (90 % vs 80 % et 70 % respectivement). La tomodensitométrie présente les mêmes indications que l’IRM, elle est utile en cas de discordance et dans le bilan d’extension locorégional et, par cette méthode lors de récidive, sont mis en évidence 50 % de lésions supplémentaires pariétales, ganglionnaires ou métastatiques non suspectées à l’examen clinique ; en outre, elle permet la pratique de repérage mais moins aisément de prélèvements guidés.
Prélèvements guidés Les prélèvements guidés cytologiques ou tissulaires sont une alternative intéressante aux biopsies chirurgicales dont les résultats cosmétiques, l’impact psychologique et financier ne sont pas à négliger. En effet, avant le développement des méthodes de prélèvement guidés, plus de la moitié des biopsies chirurgicales réalisées pour suspicion de récidive était bénigne (44). La valeur de la cytoponction est excellente avec une sensibilité comprise entre 96,7 et 98,2 % et une spécificité de 100 % dans plusieurs séries à la condition de préleveurs expérimentés afin d’éviter les prélèvements acellulaires inadéquats. En effet, ceux-ci peuvent varier de 7 % à 45 % selon l’expérience de l’opérateur et le nombre de passages (45, 46). Cependant, les modifications tissulaires dues aux thérapeutiques peuvent induire des difficultés diagnostiques : prélèvements pauvres en cellules épithéliales liées à l’atrophie avec atypies des cellules épithéliales et myoépithéliales posant des problèmes de diagnostic différentiel avec les granulomes, les nécroses adipeuses et les cicatrices fibreuses. Ces difficultés rendent nécessaires la pratique de prélèvements histologiques pour le diagnostic et la planification thérapeutique. Les microbiopsies au pistolet automatique
144 Cancer du sein en situation métastatique avec un calibre de 14 Gauge sont suffisantes pour les opacités puisque, à la condition d’effectuer trois à cinq tirs, la sensibilité est de 99 % ; en revanche, avec 5 à 10 tirs elle n’est que de 78 % pour les microcalcifications, même lorsque celles-ci sont présentes radiologiquement et/ou histologiquement dans les prélèvements, d’où l’intérêt et le développement des macrobiopsies assistées par le vide. Celles-ci ont une fiabilité diagnostique supérieure à 98 % équivalente à celle des biopsies chirurgicales, avec l’utilisation d’aiguille de 8 ou 11 Gauge et d’un nombre de prélèvements compris entre 12 et 20 (deux à trois tours). Dans tous les cas, il est impératif de radiographier les carottes biopsiques, de mettre en place un clip lorsque l’exérèse des microcalcifications est complète car c’est l’indication idéale d’un traitement conservateur lorsque la récidive est unifocale ; enfin, il est nécessaire de confronter l’aspect radiologique au diagnostic histologique afin d’en affirmer la concordance (47-50).
Récidive après mastectomie Après mastectomie, la survenue d’une récidive locale est un événement grave puisque pour ces patientes, le taux de survie sans événement à 10 ans est inférieur à 50 %. Dans la série de Jager (51) portant sur 608 patientes suivies 7 ans, le taux cumulé de récidive locorégionale à 10 ans est de 18 %. La moitié de ces récidives survient dans les 3 premières années et un tiers s’accompagne de métastases synchrones. Dans la série de Willner (52) concernant 145 patientes avec récidive locorégionale, 56 % d’entre elles apparaissent à 2 ans, 89 % dans les 5 ans et le taux de survie à 2 ans après récidive locorégionale est de 67 % et à 5 ans de 42 %. Toutefois, dans cette série, 36 % des patientes sont indemnes de métastases à 10 ans. La série la plus récente est celle de Buchanan (53) portant sur une étude prospective de 93 cas de récidives chez 1 057 patientes traitées initialement par mastectomie pour cancer invasif dans une seule institution (évitant le biais lié à la technique opératoire) et retrouvant un taux de récidive locorégionale de 8,8 %, un tiers avec des métastases synchrones, un tiers présente des métastases dans le suivi et un tiers est indemne avec un suivi médian de 6 ans. En effet, les taux de récidive varient dans la littérature de 2 à 16 % (54) probablement du fait des techniques chirurgicales et les traitements postopératoires. De même, les taux d’atteinte pariétale isolée sont variables : ils représentent 44 % des récidives de la série de Jager (51), taux équivalent à celui des récidives ganglionnaires (et dans 13 % des cas les 2 sont associées) alors que parmi les 28 patientes sur les 93 qui présentent une récidive locorégionale de la série Buchanan (53) 24 ont une récidive pariétale isolée soit 86 %, 2 seulement sont associées à une récidive ganglionnaire et 2 sont axillaires. Les facteurs prédictifs de récidive locale après mastectomie ont été beaucoup moins étudiés qu’après traitement conservateur. En analyse multivariée, les études retiennent le site de la récidive et le nombre de récidives comme facteurs prédominants mais interviennent également le délai de survenu, l’âge, le contrôle local et les
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 145 caractères de la tumeur primitive (nécrose tumorale, envahissement ganglionnaire) (51, 52). Pour Buchanan (53), les facteurs prédictifs de la récidive isolée sont l’âge, l’invasion lymphovasculaire et la multicentricité. La récidive s’effectue soit directement par une extension tumorale à travers le fascia du muscle pectoral, soit indirectement par le ganglion inter-pectoral de Rotter (55). Ainsi est-il possible d’individualiser un groupe de patientes à haut risque de récidive locale et un groupe de bon pronostic : femmes de plus de 50 ans, délai de survenue > à 1 an, pT1-T2, N0, sans nécrose tumorale et avec un contrôle local optimal pour lesquelles la survie globale sans métastase est possible et comprise entre 78 et 100 % à 4 et 5 ans dans deux séries de la littérature (52, 53).
Aspects cliniques Différents aspects de récidives pariétales peuvent être observés, accessibles à l’examen clinique : – lymphangite cutanée ; – nodule de perméation cutané ou sous-cutané ; – nodule pariétal enchassé ou non dans le muscle pectoral. Les nodules superficiels posent le problème du diagnostic différentiel avec des granulomes cicatriciels pour lesquels une cytoponction ou une biopsie exérèse seront les plus efficaces alors que les nodules pariétaux profonds et pectoraux sont de traduction clinique tardive. Le traitement de la récidive locorégionale isolée peut être la chirurgie et/ou la radiothérapie éventuellement associée à une hormonothérapie en cas d’hormonosensibilité. La récidive non contrôlable localement est soumise à une chimiothérapie.
Imagerie conventionnelle La surveillance de la paroi et des aires ganglionnaires après traitement d’un cancer du sein est classiquement, selon les SOR (4), assurée par l’examen clinique. Toutefois, la mammographie et surtout l’échographie présentent un intérêt pour le diagnostic de récidive locale. La mammographie, lorsqu’elle est possible, a été évaluée et exceptionnellement contributive. Le plus souvent, elle objective des épaississements cutanés non spécifiques. Dans la série de Rissanen (56), la sensibilité de la mammographie est de 45 % vs 91 % pour l’échographie et 79 % pour l’examen clinique. La réalisation de la mammographie est possible après mastectomie sous-cutanée et après mastectomie radicale modifiée qui laisserait davantage de tissu sous-cutané, mais ne visualise pas les lésions distales et profondes aisément imagées par l’échographie. L’échographie permet devant une anomalie palpable ou lors d’un examen systématique de reconnaître les aspects normaux et pathologiques (57) :
146 Cancer du sein en situation métastatique Des aspects postopératoires sont aisément identifiés : – les collections observées en phase postopératoire précoce qui peuvent être évacuées sous échoguidage ; – la fibrose pariétale ou plus souvent axillaire après curage est hypoéchogène irrégulière d’aspect variable selon l’incidence du faisceau ultrasonore, plus ou moins compressible avec atténuation postérieure. Elle est stable au cours des contrôles successifs ou s’atténue ; – les granulomes cicatriciels. Après reconstruction, l’échographie associée à l’examen clinique suffit le plus souvent au diagnostic de rupture prothétique. Les récidives sont superficielles et/ou profondes : – les nodules de perméations sont des masses de taille variable intra- ou sous-dermiques, le plus souvent hypoéchogènes, de grand axe variable. L’échographie permet la détection de lésion infraclinique, le bilan d’extension local (nombre, extension en profondeur) et l’évolution sous traitement ; – les récidives pariétales profondes et intrapectorales sont le plus souvent sans traduction clinique et découvertes lors d’un examen échographique systématique de la paroi : nodule ou plus souvent masse infiltrative mal limitée très hypoéchogène dissociant et interrompant les fibres musculaires pectorales normales. L’échographie en apprécie la taille et l’extension en profondeur. Les sarcomes radio-induits sont exceptionnels. Dans la série de Curie (58) comportant 27 patientes présentant cette pathologie, il y avait 2 347 cas de mastectomie suivie de radiothérapie dont 4 ont présenté des sarcomes radio-induits dont 3 sur la paroi (1 ostéosarcome du sternum, 3 sarcomes de la paroi dont 1 mésenchymome malin, 1 sarcome indifférencié et 1 angiosarcome) le temps de latence était compris entre 3,5 et 14 années, le taux de survie était de 16 à 174 mois. Le traitement en est chirurgical. Le diagnostic tardif assombrit le pronostic et justifie la surveillance systématique de ces patientes à long terme. Plus rarement, des métastases osseuses costales ou sternales sont de découverte échographique.
IRM et TDM L’IRM ou la tomodensitométrie seront indiquées en cas de suspicion clinique ou échographique d’une récidive pariétale profonde. Elles n’ont pas d’intérêt pour la récidive ganglionnaire. Ces techniques permettent de préciser le bilan d’extension local (taille, extension en profondeur, multifocalité) afin de déterminer la résécabilité des lésions, élément fondamental du pronostic. La sensibilité et la spécificité de l’IRM est proche de 100 % à la condition de prendre en compte des critères morphologiques et dynamiques plus « larges » que pour la caractérisation d’une lésion primitive. De même, un hypersignal de la paroi sur les séquences pondérées T2 doit être considéré comme suspect. Ces deux techniques sont indiquées avec l’échographie, pour le monitoring sous traitement systémique, l’IRM est à privilégier permettant une évaluation morphologique et fonctionnelle (59).
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 147 En cas de suspicion de récidive sur prothèse, l’IRM peut être indiquée car les prélèvements peuvent être difficiles. Il n’y a pas de référentiel concernant une surveillance par IRM de ces patientes ayant bénéficié d’une reconstruction mammaire par prothèse ou lambeau musculo-adipeux.
Récidive ganglionnaire Les récidives ganglionnaires ne sont pas toutes accessibles à l’examen clinique et le rôle de l’imagerie à un stade précoce de détection est à préciser puisque l’impact sur la survie n’est pas négligeable. Elle peut siéger dans les territoires axillaires, sus- ou sous-claviculaires ou mammaire interne. Après mastectomie, dans la série de Jager (51) dans laquelle 10 % des 608 patientes avaient une radiothérapie postopératoire et/ou axillaire et 20 % une irradiation de la chaîne mammaire interne (lésions centrales), le taux de récidive ganglionnaire est équivalent à celui des récidives pariétales et leur siège est le plus souvent sus-claviculaire. En effet, dans cette série la récidive ganglionnaire axillaire ne représente que 3 % des récidives et 17 % des récidives locorégionales après mastectomie. L’extension extracapsulaire ganglionnaire et le nombre de ganglions envahis sont dans cette étude un facteur prédictif significatif (51). Après traitement conservateur, le taux classiquement rapporté de récidive ganglionnaire après curage des étages I et II de BERG sont de 1,5 à 3 %. Après technique du ganglion sentinelle, les premiers résultats dans une étude comparant curage et technique du ganglion sentinelle mettaient en évidence un taux supérieur de récidive ganglionnaire après cette technique : 4 récidives ganglionnaires/345 patientes (1 axillaire et 3 supraclaviculaires) versus 0/352 patientes qui ont subi une dissection axillaire sont ainsi retrouvées dans la série de Zavagno (60) alors que dans la série de Van der Ploeg (61) qui s’est intéressée uniquement à la récidive après technique du ganglion sentinelle le taux est de 0,50 % avec 4 récidives ganglionnaires (2 axillaires et 2 supraclaviculaires) parmi 748 patientes indemnes de métastase dans le ganglion sentinelle. La survie à 5 ans est de 87,6 % après ganglion sentinelle et 89,9 % après curage dans la première série et 89,7 % dans la seconde série. Deux autres publications coréennes en 2009 retrouvent des taux de récidive ganglionnaire après GS négatif de 2,1 % (29/1817) et 1,02 % (3/720) avec des suivis de 24 mois et 40 mois respectivement (62, 63). Environ 25 % du drainage lymphatique passent par la voie mammaire interne (dont la dissection est à nouveau discutée avec la technique du ganglion sentinelle) toutefois le taux de récidive à ce niveau est faible (4 à 6 %) (4). De même, il existe exceptionnellement des récidives ganglionnaires controlatérales (considérées comme métastases) isolées ou associées à une récidive locale.
148 Cancer du sein en situation métastatique
Échographie La récidive ganglionnaire peut être dépistée par l’échographie : dans la récente série de Moon (62) 85 % (9/39) des récidives ganglionnaires n’étaient pas palpables. Après curage et a fortiori après technique du ganglion sentinelle des ganglions normaux sont visualisés. Un ganglion métastatique sera suspecté sur (64) : – la forme arrondie (rapport L/T < 2), toutefois lorsque les adénopathies sont de grande taille, la forme peut demeurer ovale ; – échostructure : épaississement global ou focalisé du cortex, disparition ou réduction du hile échogène (aspect en « fente »). En doppler couleur, l’existence de vaisseaux corticaux périphériques en rapport avec des néovaisseaux tumoraux, des vaisseaux hilaires déplacés ou amputés, des vaisseaux aberrants de types perforants sont prédictifs de malignité et augmentent la spécificité de l’échographie en mode B lorsque le hile est conservé. Les faux négatifs sont représentés par les micrométastases. Les faux positifs sont représentés par les hiles hypoéchogènes présents dans les ganglions normaux et il faut rechercher dans ces cas la couronne hyperéchogène périphérique sous-corticale qui correspond au hile refoulé par la graisse sinusale ou des lésions d’histiocytose sinusale. La sensibilité de l’échographie ganglionnaire dans ce contexte atteint 76,9 % avec une spécificité très élevée (98,7 %) dans la série de Moon portant sur 1 817 patientes surveillées par échographie (62).
Prélèvements guidés L’examen cytologique échoguidé est contributif avec une sensibilité et une spécificité > 90 % à la condition d’un cytologiste entraîné et d’une cellularité suffisante qui peut être obtenue en effectuant plusieurs prélèvements. Des microbiopsies (21 ou 18 G) peuvent être envisagées d’emblée ou dans un 2e temps après cytologie non contributive (64). En dépit de son efficacité, l’échographie ganglionnaire n’est pas recommandée en surveillance systématique car l’impact sur la survie du dépistage et du diagnostic infraclinique des rechutes ganglionnaires n’est pas connu.
Méthodes scintigraphiques En 2006, le bulletin de synthèse de veille des SOR concernant l’utilisation de la TEPFDG dans les cancers du sein a modifié les recommandations antérieurement établies (65) augmentant le niveau de preuve pour l’utilisation de la TEP FDG pour le diagnostic de récidive. Ce travail est confirmé par Groheux (66) dans le Bulletin du Cancer en 2009. Dans l’étude de Gallowitch (67) portant sur 62 patientes suspectes de récidives clinique ou biologique, la TEP est comparée à l’imagerie morphologique (mammographie, échographie, scanner, IRM, radiographie thoracique et scintigraphie osseuse) et montre une sensibilité de 97 % et une spécificité de 82 %
Imagerie de la récidive locorégionale du cancer du sein 149 pour la TEP versus 84 % et 60 % pour l’imagerie conventionnelle. Dans cette étude, la TEP est particulièrement performante pour les récidives ganglionnaires (84 % versus 23 %). L’étude de Grahek (68) sur 75 patientes a révélé une modification de la prise en charge thérapeutique pour 44 % des patientes par la mise en évidence de sites métastatiques supplémentaires. Pour Goerres (69), la TEP est plus sensible (100 % versus 79 %) mais moins spécifique que l’IRM (72 % versus 94 %) chez 32 patientes suspectes de récidive locorégionale ou de cancer controlatéral. La méta-analyse d’ISASI (70) regroupant 18 études (808 patientes) retrouve une sensibilité de 90 % et une spécificité de 87 % dans l’analyse par patiente (et 85 % et 93 % par lésion). L’imagerie hybride TEP-TDM est particulièrement performante, notamment au niveau de la paroi thoracique et des aires ganglionnaires axillaires et extra-axillaires comme le montre l’étude de Schmidt (71) comparant la TEP-TDM à l’IRM corps entier à 1,5 et 3T. Elle peut différencier une plexite radique d’une récidive locorégionale. Pour la récidive ganglionnaire médiastinale et de la chaîne mammaire interne, Eubank (72), comparant chez 73 patientes, la tomodensitométrie au TEP-FDG met en évidence une meilleure sensibilité de la TEP (85 % versus 54 %). En conclusion, la TEP-FDG est performante pour le diagnostic de récidive et utile pour celui de récidive à distance, mais aussi locale et l’indication de cet examen en cas de suspicion de récidive est à présent optionnelle dans les SOR avec un niveau de preuve A et confirmée par un groupe d’experts internationaux (65, 73). Enfin, une étude récente compare le Tc-SPECT-MIBI à la Tc-MIBI mammographie et démontre une meilleure sensibilité de celle-ci et la propose comme alternative à l’IRM (89 % pour la SPECT-MIBI versus 78 % pour la MIBI-scintigraphie) avec une spécificité équivalente (87 %) pour la détection et la caractérisation des récidives pariétales (74).
Conclusion Actuellement, dans 70 % des cas, les récidives locales homolatérales sont diagnostiquées à un stade infraclinique grâce à un dépistage précoce par la pratique d’une surveillance rigoureuse bien codifiée dans les référentiels et comportant une mammographie à 6 mois puis annuelle, fréquence adaptable aux facteurs de risque de récidive locale. L’échographie mammaire n’est pas systématique mais elle est utile comme deuxième image de référence, notamment dans les seins denses et pour la pratique des prélèvements guidés ; l’IRM doit être largement indiquée à la fois pour le diagnostic et le bilan local. Le diagnostic précoce des récidives pariétales et ganglionnaires doit pouvoir améliorer le pronostic de ces patientes et l’échographie pariétale et ganglionnaire peut être proposée pour un groupe de patientes à haut risque de récidive locorégionale. Toute anomalie doit être confirmée par les prélèvements ciblés et en cas de récidive pariétale profonde par l’IRM.
150 Cancer du sein en situation métastatique La TEP est recommandée en option par les SOR de la FNCLCC et présente un intérêt pour le diagnostic de récidive locorégionale et bien évidemment pour celui de métastase à distance, modifiant la prise en charge thérapeutique de ces patientes.
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Récidive homolatérale des cancers du sein : facteurs prédisposants et apport de l’anatomopathologie ? J. Jacquemier
Introduction Les résultats de six essais prospectifs randomisés ont montré que l’association chirurgie conservatrice-radiothérapie était équivalente à la mastectomie en termes de survie globale. La survie sans récidive est augmentée en cas de chirurgie conservatrice. Cependant, cette attitude conservatrice s’accompagne d’un taux de récidive locale variant autour de 1 % par an. De nombreuses études ont montré qu’une deuxième chirurgie conservatrice était encore possible, en revanche le doute persiste quant à la possibilité d’une augmentation du risque métastatique lié à cette récidive (1, 2). Dans la mesure où plus des trois quarts des cas de récidive se situent sur le siège initial de la tumeur, cette notion a orienté toutes les études à la recherche de facteurs prédictifs associés au profil de cette tumeur initiale. Ces paramètres se révèlent multiples et nécessitent une pondération qui permettrait d’établir un véritable score de risque de récidive. Le caractère in situ ou invasif doit être distingué pour mieux apprécier ce risque. Nous n’aborderons pas la notion de traitement adjuvant chimio- ou hormonothérapie, qui peuvent modifier le risque de récidive locale mais sont en dehors de notre propos.
Carcinomes canalaires in situ Un récent travail de l’INCA vient d’être effectué sur ce sujet, au sein duquel les facteurs pronostiques de récidives ont été étudiés avec une méthodologie bibliographique inattaquable. Il en ressort des facteurs cliniques, anatomopathologiques et biologiques.
158 Cancer du sein en situation métastatique
Facteurs cliniques L’âge est retrouvé comme un facteur prédictif de récidives locales dans huit des neuf études citées. La définition de la notion d’âge jeune peut varier, cependant sur cinq études l’âge inférieur à 40 ans représente le plus haut risque (hazard ratio variant de 1,89 à 8,66). Les antécédents familiaux n’ont été retrouvés que dans deux études sur 18, en particulier les antécédents du premier degré. Le statut des berges a été étudié dans 15 études sur 18 les berges non saines présentent un hazard ratio variant de 1,07 à 9,01. Point important lorsque ces berges sont étudiées en fonction du nombre de millimètres de marge saine, le risque est d’autant plus réduit que ces berges sont supérieures à 5 mm. Cependant, on ne retrouve pas de différence significative entre 2 et 5 mm. Le grade nucléaire est un facteur pronostique étudié dans six des 18 études sélectionnées, avec un hazard ratio pour les hauts grades qui varie de 1,6 à 4,17. La taille tumorale étudiée de manière précise dans cinq études sur 18 serait un facteur pronostique indépendant pour deux d’entre elles. La présence de nécrose est souvent étudiée avec un HR de 9,3 en cas de comédonécrose. La multifocalité est une notion d’interprétation difficile si on adhère à la notion de lobe malade de Tibor (3). Cette définition entre multicentricité et multifocalité explique l’absence de réponse claire de ces études. Les facteurs biologiques analysés en immunohistochimie ont été également étudiés. La réponse n’est cependant pas très claire, globalement le KI67 indépendamment du grade serait un bon paramètre. Au total, l’âge jeune (< 40 ans en particulier), des berges positives ou limites (< 2 mm), un grade nucléaire élevé, sont les facteurs prédictifs de récidive locale les plus significatifs.
Carcinomes infiltrants Facteurs histopronostiques classiquement déterminants Comme pour les carcinomes in situ, les études manquent souvent de puissance pour déterminer le seuil critique. L’âge inférieur à 40 ans est souvent très fortement évoqué, et pour des raisons de fréquence selon les études le seuil de moins de 50 ans (préménopausée) est celui qui revient le plus.
Taille et marges Les tailles et marges ne sont pas réellement indépendantes. La taille tumorale justifie généralement le choix d’une mastectomie. Cette taille varie selon l’expérience des équipes et la taille du sein, par conséquent les marges sont l’élément le plus
Récidive homolatérale des cancers du sein… 159 déterminant comme prédicteur de récidive locale. L’analyse de ces marges constitue la base de la qualité à la fois de la pratique chirurgicale mais également celle de la prise en charge des pièces opératoires en pathologie. Elles nécessitent des équipes entraînées et coopérantes afin de bien orienter la résection et permettre au mieux une éventuelle reprise chirurgicale. Cette hétérogénéité de prise en charge dans les séries anciennes explique les difficultés pour établir de réelles marges minimales. En effet, la standardisation de la prise en charge des pièces opératoires sous forme de recommandations est récente (10-15 ans maximum). Afin de mieux apprécier l’extension des lésions in situ, le repérage de l’axe mamelonnaire est essentiel, ensuite le repérage des marges latérales dans l’espace constitue le point le plus critique. Le bilan vient d’être fait dans un article de revue (4), à partir de 2 mm de marges saines le taux de récidive locale diminuerait. En revanche, cette notion est à pondérer en fonction de l’existence d’une composante canalaire extensive où les limites exactes de la lésion sont plus difficiles à établir.
Type histologique Ce paramètre reflète le mode de progression de la tumeur et à son aspect multifocal occulte. Ainsi, un carcinome triple négatif ou médullaire voire colloïde est généralement circonscrit sans composante endocanalaire associée. Une marge de 1 mm pourrait être suffisante. En revanche, les carcinomes à prédominance endocanalaire (CCIPE) possèdent un potentiel de multifocal parfois contradictoire avec l’apparente sécurité de marges à 5 mm. Dans ce cadre, le carcinome lobulaire infiltrant doit être évalué avec attention, sa tendance extensive sous forme de petits foyers satellites est fréquente. Ces aspects sont également retrouvés pour les carcinomes mixtes ou tubuleux. Par conséquent, type histologique et mode d’extension sont intimement mêlés.
Composante canalaire extensive Ce facteur associé à l’âge a été reconnu depuis longtemps comme un élément majeur faisant suspecter un risque de récidive locale particulièrement pour des patients de moins de 40 ans. Dans ce sens, la morphogenèse de l’arbre galactophorique qui varie en fonction de l’âge explique cette différence dont l’origine biologique est plus facile à comprendre (5, 6) .
Grade histopronostique Le grade n’est un élément majeur de risque que lorsque les marges sont inférieures à 2 mm avec une composante canalaire, extensive. La tumeur grade 3 circonscrite, sans emboles péritumoraux, avec plus de 2 mm de marge, ne représente pas a priori un risque élevé de récidive locale.
160 Cancer du sein en situation métastatique
Emboles vasculaires péritumoraux Longtemps considérés en particulier en l’absence d’envahissement ganglionnaire comme un facteur de risque métastatique, les emboles vasculaires péritumoraux (EVPT) sont également reconnus comme un facteur de risque de récidive locale.
Marqueurs biologiques Dans une série de 498 cas de cancers du sein, cette notion de sous-types basés sur l’immunohistochimie vient d’être abordée. Les marqueurs sont RE, RP, HER2, CK5/6et EGFR (7). Avec un suivi médian de 84 mois, le taux de récidive locale peut être établi en fonction des sous-types. Avec un taux moyen de RL de 4,8 %, ce taux est successivement de 3,8 % pour les LA, 8,7 % LB, 9,6 % pour les basaux et 7,6 % pour HER2. Cette étude permet de mettre en parallèle les marqueurs classiques. Ainsi, l’analyse de COX révèle cinq facteurs significatifs avec dans l’ordre des HR : marge positive (HR 4,4) grade 3 (HR 3,0), triple négatifs (HR 2,2), basal (HR 2,18), LB (HR 2,13) (7, 8).
Facteurs biologiques récemment décrits L’association d’un arbre galactophorique d’architecture liée à l’âge avec une signature moléculaire particulière pourrait expliquer une biologie intrinsèquement spécifique de la récidive locale. La notion de signature moléculaire comparable aux phénomènes de cicatrisation serait en ce sens un marqueur à développer (6).
Conclusion Les messages à retenir sont les suivants. Si on devait globaliser le risque de récidive locale : – les marges d’exérèse constituent un paramètre majeur dont la valeur seuil est considérée actuellement de 2 mm ; – cependant, la qualité de son évaluation dépend à la fois de la standardisation de l’acte chirurgical et de la prise en charge de la pièce opératoire : ici se situe le premier niveau de pluridisciplinarité ; – les autres paramètres sont relatifs, au mode d’extension à la prolifération et aux spécificités des signatures biologiques ; – l’ensemble de ces éléments devant être pondéré par l’âge de la patiente (± 40 ans).
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Traitement d’une récidive après traitement conservateur R.J. Salmon
Après traitement conservateur, la survenue d’une récidive locale impose l’amputation du sein. Cette amputation du sein n’est réalisée qu’après un bilan d’extension, afin de vérifier que la récidive n’est que locale et ne s’intègre pas dans une dissémination de la maladie initiale. La chirurgie du sein ne pose en règle pas de problème technique et la cicatrisation de la peau thoracique se fait le plus souvent sans problème sur un terrai irradié, sauf chez certaines patientes à la peau particulièrement abîmée et chez les fumeuses. Si un curage ganglionnaire « complet » avait été réalisé, une vérification du creux axillaire est licite et permet d’ailleurs parfois de retrouver des ganglions au sommet de l’aisselle. Si l’approche axillaire avait été un ganglion sentinelle (GS), un curage classique s’impose. Une seule publication du Memorial fait état d’un nouveau GS après GS, mais ceci ne peut rester qu’anecdotique car toutes les conditions de faux négatifs sont réunies : intervention antérieure, irradiation mammaire, chirurgie de l’aisselle. Cette amputation du sein s’intègre évidemment dans une prise en charge multidisciplinaire et si dans la majorité des cas la récidive conduit au geste chirurgical premier, la présentation de la récidive peut conduire à la réalisation d’un traitement médical préchirurgical, notamment en cas de récidive inflammatoire. La récidive après traitement conservateur survient sur un terrain irradié et une nouvelle irradiation postopératoire n’est pas recommandée. Dans certains cas, notamment lorsque la chaîne mammaire interne n’a pas été traitée, un complément d’irradiation est possible, à condition d’avoir le dossier technique de la première irradiation afin d’éviter des zones de surdosage. La réalisation de l’irradiation dans le premier traitement et l’absence d’irradiation prévisible rendent possible la proposition d’une reconstruction immédiate.
164 Cancer du sein en situation métastatique La technique de reconstruction dépend de la morphologie de la patiente, de l’état de la peau et de sa trophicité, de l’état du grand pectoral homolatéral. La règle est d’éviter la mise en place d’une prothèse après irradiation. Les résultats esthétiques sont en règle médiocres, la qualité du sillon sous-mammaire décevante et surtout le volume obtenu limité, ce qui contre-indique cette technique chez les patientes aux seins « généreux ». La meilleure technique est la réalisation d’un lambeau myocutané, grand dorsal ou grand droit (TRAM). Quelques équipes habituées à la microchirurgie réalisent des lambeaux abdominaux microanastomosés (DIEP). Ce sont ces lambeaux qui donnent, éventuellement en association avec une prothèse et une symétrisation controlatérale, les meilleurs résultats esthétiques. Il existe cependant une rançon cicatricielle au niveau du prélèvement du lambeau qui fait souvent hésiter les patientes. Actuellement, en France, les reconstructions sont faites dans 50 % par une prothèse. La biologie de la récidive s’impose afin de comparer cette récidive avec le cancer primitif. Il est nécessaire de préciser le statut HER2 qui n’avait souvent pas été réalisé en routine, notamment avant 2005. Certaines patientes souhaitent la réalisation d’un second traitement conservateur. Il s’agit d’une proposition qui doit rester exceptionnelle. Les raisons qui font récuser ce deuxième traitement conservateur sont de deux ordres : local et général. Sur le plan local, une réintervention dans un site qui a déjà été opéré, lorsque la récidive survient au niveau de la première tumorectomie, entraîne toujours un résultat esthétique médiocre. De plus, la cicatrisation en terrain irradié, surtout après boost sur le lit tumoral, est hasardeuse et les infections fréquentes et difficiles à traiter. Les gestes plastiques sont contre-indiqués en terrain irradié. Il faut donc réserver ces interventions en cas de récidive dans un autre quadrant chez des patientes aux seins de taille suffisante pour permettre un geste local correct. Sur le plan général, la conservation du sein après la survenue de la récidive expose à une reprise évolutive locale chiffrée selon les équipes de 20-50 % dans les 5 ans, fonction de la biologie de la tumeur initiale, du délai d’apparition de la récidive locale et de la biologie de cette récidive. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette technique est habituellement réservée aux patientes âgées. Ces informations doivent être fournies aux patientes dans le cadre d’une décision médicale partagée. En conclusion, la récidive d’un cancer du sein après traitement conservateur impose une amputation du sein et un contrôle du creux axillaire. Une reconstruction immédiate peut être proposée car il n’y a pas d’irradiation à prévoir. Un deuxième traitement conservateur ne peut être décidé qu’au cas par cas et sur des patientes très sélectionnées.
Second traitement conservateur pour récidive locale du cancer du sein J. Castelli, I. Raoust, M. Lallement, B. Flipo, A. Figl, F. Ettore, C. Chapelier, J.-M. Ferrero et J.-M. Hannoun-Levi
Introduction Pendant longtemps, la mastectomie était le traitement de référence pour les cancers du sein, quel que soit le volume tumoral. Il s'agit cependant d'un traitement mutilant, ayant un impact majeur sur l'image corporelle et la sexualité (1, 2). L'équivalence entre mastectomie et traitement conservateur (associant chirurgie et radiothérapie) a été longue à prouver (3-5) pour les tumeurs de moins de 3 cm. Cette attitude conservatrice représente désormais le standard de prise en charge pour des cancers du sein classé T1-2. Après traitement conservateur, le taux de récurrence locale est d'environ 1 à 2 % par an, les séries avec un suivi plus long montrent de 10 à 15 % de récidive locale dans le sein ipsilatéral après 20 ans (6, 7). En cas de récidive, le traitement de référence consiste en une mastectomie de rattrapage (8, 9), constituant ainsi un échec de l'approche conservatrice initiale (tableau I). Plusieurs équipes ont cherché à réaliser un nouveau traitement conservateur en cas de récidive dans le sein ipsilatéral. On peut distinguer deux approches : reprise chirurgicale seule par tumorectomie ou association tumorectomie-radiothérapie (irradiation externe ou curiethérapie). En 2004, nous avons rapporté les résultats d’une analyse rétrospective de 69 patientes ayant présenté une récidive locale de cancer du sein et traitées entre 1975 et 1996 à Marseille et Nice par une association tumorectomie-curiethérapie bas débit de dose (16). Cette étude a montré la faisabilité d’un tel traitement. Nous avons cherché à évaluer la faisabilité et la tolérance des patientes ayant bénéficié d’un second traitement conservateur utilisant une curiethérapie haut débit de dose (HDD). Nous avons également évalué la satisfaction des patientes vis-à-vis du résultat cosmétique et de la possibilité de conserver leur sein une deuxième fois.
166 Cancer du sein en situation métastatique Tableau I – Survie sans seconde rechute locale et survie globale après mastectomie de rattrapage pour récidive locale d’un cancer du sein initialement traité de manière conservatrice. Suivi RL après MT de RL SG à 5 ans Survie après RL TT initial rattrapage après MT après MT sans RL à (mois) (%) (%) (%) (%) 5 ans (%)
Auteurs
N
Kurtz (10)
1593
-
12
-
12
69
-
518
-
11
80
-
73
-
2544
73 (1-192)
8,2
70
4
70
44
1030
-
6
80
5
84
59
759
72 (24-216)
11
76
17
-
59
1593
39
10
74
79
59
Fourquet (11) Salvadori (12) Fowble (13) Dalberg (14) Abner (15)
N = nombre de patientes ; RL = rechute locale ; MT = mastectomie ; SG = survie globale, RL = récidive locale.
Matériel et méthode De juin 2005 à juillet 2009, 37 patientes ayant présenté une récidive locale dans le sein ipsilatéral ont été traitées par une nouvelle tumorectomie associée à une curiethérapie HDD. Les tubes plastiques vecteurs étaient implantés au cours de la chirurgie par le radiothérapeute. Un scanner post-implant était réalisé le lendemain de l’intervention, permettant le contourage du volume cible clinique (CTV-clips plus 1 cm de marge). L’optimisation de la distribution de la dose était ensuite réalisée manuellement (optimisation graphique, Plato™, Nucletron B.V., the Netherlands) par variation du temps et de la position d’arrêt de la source radioactive. Une dose totale de 34 Gy en dix fractions sur 5 jours consécutifs était délivrée. La tolérance a été évaluée selon la Common Terminology Criteria for Adverse Events v3.0 (CTCAE). La satisfaction des patientes était évaluée à l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA), allant de 0 à 10. Les critères étaient le résultat cosmétique et la satisfaction d’avoir eu un nouveau traitement conservateur du sein.
Résultats Le suivi médian était de 24 mois (2,3-50). L’âge médian à la récidive était de 65 ans (31-85). Le délai médian entre le premier cancer du sein et la récidive était de 11 ans (2-35). La taille médiane de la récidive était de 12 mm (2-30). Le site de la récidive était dans ou proche du lit tumoral initial chez 19 patientes (51 %) et 13 patientes (35 %) respectivement, le lit tumoral primitif étant non connu chez 5 patientes. Le nombre médian de tubes plastiques vecteur était de 9 (5-12). Le nombre médian de
Second traitement conservateur pour récidive locale… 167 plan était de 2 (1-3). Le CTV médian était de 68 cm3 (46-145). Les résultats dosimétrique médians étaient : D90 = 108 %, D100 = 86 %, V100 = 91 %, V150 = 38 %, V200 % = 14 %, Conforma Index (COIN) = 0,876. Le taux de contrôle local était de 97 % (une patiente a présenté une deuxième récidive locale et est décédée d’une progression métastatique). Vingt-deux patientes (60 %) ont présenté des complications : G1 chez 14 patientes (38 %), G2 chez 7 patientes (19 %) et G3 chez 1 patiente (3 %). La fibrose cutanée et sous-cutanée représentait 72 % de tous les effets secondaires observés. La douleur/dysesthésie, les télangiectasies et les fractures de côtes ont été observées dans 28 %, 21 %, et 2 % respectivement (plusieurs complications sont survenues chez les mêmes patientes). Le score EVA médian pour le résultat cosmétique était de 7/10 (4-9) alors que le score EVA médian concernant la satisfaction d’avoir eu une conservation du sein était de 10/10 (6, 17, 18).
Discussion Les bons résultats dosimétriques en termes de conformité et d'homogénéité confirment la faisabilité d’un deuxième traitement conservateur associant tumorectomie et curiethérapie HDD en cas de récidive tumorale dans le sein ipsilatéral. Le suivi est trop court actuellement pour conclure sur le contrôle local. Mais l’association d’une radiothérapie à la chirurgie est importante pour le contrôle local, la tumorectomie seule ne permettant pas d’obtenir un taux de contrôle local satisfaisant. Kurtz et al. (19) ont traité 52 patientes en récidive locale par une tumorectomie seule. Avec un suivi médian de 7 ans, le taux de seconde récidive locale était de 23 %. Dans une deuxième publication, la même équipe a observé jusqu’à 36 % de seconde récidive (20). Les études utilisant la tumorectomie seule en cas de récidive locale retrouvent des taux de seconde récidive compris entre 20 et 36 % (tableau II). Tableau II – Second traitement par chirurgie seule d’une récidive locale. Suivi médian après RL (mois)
RL à 5 ans après 2e TTC (%)
SG à 5 ans (%)
S sans RL à 5 ans (%
Auteurs
N
Trt après RL
Kurtz (20)
50
TM
51
32
-
62
Salvadori (12) Abner (15)
57
TM
73
19
-
85
123
MT
39
50
-
-
Fowble (13)
52
MT
-
5
84
59
Recht (21) Gentilini (22)
65
MT
32
37
-
74
161
TM
44
21
82,2
67,6
TM = tumorectomie ; MT = mastectomie ; RL = récidive locale ; 2nd TTC = second traitement conservateur ; SG = survie globale.
168 Cancer du sein en situation métastatique Ces chiffres sont similaires à ceux observés lors d’un traitement conservateur sans radiothérapie adjuvante lors de la prise en charge initiale (18, 23-26) et suggèrent de réaliser un traitement combinant chirurgie et radiothérapie en cas de prise en charge thérapeutique d’une récidive locale de cancer du sein. L’association chirurgie-radiothérapie en cas de récidive offre de meilleurs résultats sur le plan du contrôle local avec une tolérance très acceptable. Dans notre étude de 2004 (16), la survie sans nouvelle progression locale à 5 ans était de 77,4 % (IC 95 % : 62–88 %). La tolérance était bonne (28 % de grade 2-3 pour une dose de 46 Gy). Il existait un lien entre la toxicité de grade 2-3 et la dose cumulée (4 % vs 32,5 % pour des doses cumulées inférieures ou supérieures à 100 Gy respectivement). Dans une autre série (27), nous avons réalisé une curiethérapie après mastectomie de rattrapage. Aucune toxicité de grade 3-4 n’a été observée. Plusieurs modalités de radiothérapie ont été décrites dans la littérature : nouvelle irradiation externe, curiethérapie à bas débit de dose, débit pulsé ou HDD (tableau III). Tableau III – Second traitement par chirurgie conservatrice + radiothérapie. Seconde RL (%)
SG à 5 ans (%)
Grades 3-4 Tardif (%)
50 + 10 TM + RTE 50 (25)
10,2
77,9
0
69
50 + 10
46
5,3
97,2
11
15
-
45
-
-
0
21
50 + 10
45
4,7
-
0
Guix (30)
41
50,4 + 25
30 (12 f/5 j)
10
-
0
Maulard (31)
15
45 + 20
30
26,6
61
13
Auteurs
N
Deutsch (17 )
39
Hannoun Levi (16) Chadha (28) Trombetta (29)
Dose 1er trt (Gy)
Trt RL
TM/CBD TM + CBD TM + CBD TM + CHD TM + CBD
Dose RL (Gy)
RL = rechute locale ; SG = survie globale ; TM = tumorectomie ; MT = mastectomie, RTE = radiothérapie externe ; CBD = curiethérapie bas débit de dose ; CHD = curiethérapie haut débit de dose.
Une autre donnée importante est représentée par la survie globale. Dans la plupart des séries, la cause de décès après récidive locale est liée à une progression métastatique. Ainsi, dans la série d’Alpert et al. (32), la survie globale à 10 ans après mastectomie ou nouvelle tumorectomie n'était pas statistiquement différente (65,7 % vs 58,0 %). Le taux de seconde récidive est plus élevé dans le bras tumorectomie, ceci pouvant être expliqué par l’absence de radiothérapie après la 2e tumorectomie. Ces chiffres étant également retrouvés dans l’étude de Salvadori et al. (12). Une nouvelle fois, ces données vont dans le même sens que celle constatées lors du primo traitement : l’adjonction de la radiothérapie permet de diminuer le taux de récidive locale.
Second traitement conservateur pour récidive locale… 169 Sur le plan cosmétique, le recul de notre étude n’est pas suffisant actuellement pour conclure (suivi médian de 24 mois). Cependant, quel que soit le résultat cosmétique, il apparaît que la satisfaction d’avoir bénéficié d’une nouvelle conservation du sein est très importante (EVA médian de 10/10). La mastectomie reste une chirurgie mutilante, avec un impact psychologique important, à la fois sur l’image corporelle et sur la sexualité (33-36). Dans l’étude de Trombetta et al. (37), 26 patientes ont été traitées par tumorectomie puis curiethérapie (BDD). Le résultat cosmétique était évalué selon l’échelle B-39 (grade 1 excellent, grade 4 mauvais). 18 patientes étaient cotés grade 1, 6 grade 2 et 2 grade 3. Aucun grade 4 n’était retrouvé. Toutes les patientes, quel que soit le grade cosmétique, étaient satisfaites de leur décision. La réalisation d’un nouveau traitement conservateur en cas de récidive locale apparaît donc comme étant faisable. À l’heure de la médecine basée sur les preuves (evidence based medecine), il serait logique d’envisager un essai randomisé comparant mastectomie de rattrapage et association tumorectomie-radiothérapie en cas de rechute locale d’un cancer du sein, afin de confirmer la non-infériorité du second traitement conservateur. Cependant, la récidive locale dans le cancer du sein reste un événement rare. Un tel essai de non-infériorité nécessiterait donc un nombre important de patientes et un suivi très long. Ceci serait en pratique difficilement réalisable, néanmoins, la littérature actuelle pourrait-elle fournir des preuves suffisantes pour changer les pratiques ? Le pronostic après une récidive locale semble surtout se jouer sur le plan systémique, avec une survie globale à 5 ans de 60 % et un risque relatif de décès de 2,58 (38), diminuant l’intérêt d’un traitement agressif et mutilant sur le plan local. Une autre question est celle de la différence entre vraie récidive et deuxième cancer. Cette différence semble surtout avoir un intérêt pour le pronostic, les patientes ayant un deuxième cancer semblant avoir un meilleur pronostic (39, 40). Dans tous les cas, ceci ne doit pas influencer le traitement, puisqu’il serait logique de traiter un deuxième cancer de façon conservatrice (tout comme un primocancer) et que dans le cas d’une vraie récidive, le pronostic serait davantage au niveau systémique. Les critères d’éligibilité pour la réalisation d’un nouveau traitement conservateur sont identiques à ceux déjà connus pour un primo-traitement : volonté de la patiente de conserver son sein une deuxième fois, taille de la tumeur, taille du sein. En cas de récidive, le volume tumoral est souvent faible du fait du suivi régulier de ces patientes (clinique et mammographique). Les modalités de la radiothérapie restent à définir. Des techniques, telles que l’électronthérapie peropératoire, sont réalisables (22), ou encore par radiothérapie stéréotaxique robotisée (en transposant l’essai actuel de boost en néoadjuvant (41) à une radiothérapie de rattrapage). La curiethérapie représente une technique très adaptée, permettant de délivrer une forte dose dans un faible volume, définit cliniquement par le radiothérapeute et le chirurgien au cours de la tumorectomie. Cette précision permet d’épargner au maximum les tissus avoisinants et donc d’améliorer la tolérance.
170 Cancer du sein en situation métastatique
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Second traitement conservateur pour récidive locale… 171
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Récidive homolatérale des cancers du sein : quels traitements adjuvants systémiques ? H. Curé
Introduction Grâce au dépistage, le cancer du sein est détecté de plus en plus précocement avec comme corollaire des traitements de plus en plus conservateurs et un risque de rechute à distance moindre mais une augmentation des rechutes locales. Cette problématique amène donc à se poser la question de la place des traitements médicaux systémiques adjuvants pour la prise en charge des patientes présentant une récidive homolatérale de leur cancer du sein. Pour résoudre cette question, nous aborderons tout d’abord le point sur les facteurs pronostiques de la rechute locale, puis nous ferons le point sur le choix des traitements systémiques, pour finir sur la stratégie adjuvante globale dans cette situation.
Facteurs pronostiques de la rechute locale du cancer du sein La rechute locale (RL) du cancer du sein reste un événement grave dans la mesure où la survie globale à 5 ans après rechute se situe entre 50 à 75 %, telle qu’ont pu l’écrire Hammer et al. dans un article récent, publié en 2009 (1). Certes, Fredriksson est moins pessimiste, avec une survie de 84,5 % à 5 ans et 70,9 % à 10 ans parmi ses 391 patientes ayant rechuté localement, à partir d’une cohorte de 6 613 femmes ayant bénéficié d’une chirurgie conservatrice entre 1981 et 1990 (2). Les facteurs pronostiques les plus importants après RL sont représentés par : un âge jeune, un intervalle libre court et le caractère diffus de la rechute homolatérale (1). D’autres facteurs concernant la tumeur initiale ou la récidive s’ajoutent à ces trois facteurs principaux mais n’ont pas un poids aussi lourd.
176 Cancer du sein en situation métastatique Concernant le cancer initial, la taille clinique (3), le N initial (4) et l’invasion vasculaire (5) représentent une gravité relative au regard du risque de rechute locale. La récidive, par elle-même, présente des facteurs de gravité si la taille de la tumeur est supérieure à 2 cm pour Kurtz et al. (6) et même pour Voogd (7), si la tumeur ne dépasse qu’un centimètre. Les facteurs biologiques de la rechute ont également leur importance, notamment le grade histopronostique (6), le caractère invasif par rapport au carcinome canalaire in situ (8), tandis que l’invasion lymphatique péritumorale doit être considérée par Shen et al. pour décider d’un traitement systémique plus agressif (9). Certains facteurs ne semblent pas ou peu influencer la rechute locale du cancer du sein, notamment pour Fodor et al., le type de chirurgie initiale (conservateur versus radical), le grade de la récidive (1, 2 versus 3), tandis que la chirurgie de sauvetage pour une rechute de taille inférieure ou égale à 2 cm (mastectomie ou deuxième conservateur) n’a aucun impact significatif sur la survie (10).
Choix du traitement adjuvant systémique Le traitement systémique adjuvant dépend avant tout de la durée de l’intervalle libre sans traitement. Si la rechute intervient moins de 12 mois après la fin de la chimiothérapie adjuvante, il est admis de considérer cette situation comme relevant d’une chimiorésistance acquise secondaire (11). D’autres facteurs rentreront en ligne de compte dans le choix du traitement médical complémentaire, parmi lesquels : l’âge, les comorbidités, la dose totale des anthracyclines déjà administrées et, bien sûr, le type de la rechute locale (Her 2+++ versus Her 2-, RH+ versus RH-, pN0 versus pN+). Une chimiothérapie adjuvante pour rechute locale pourrait donc être indiquée dans les situations suivantes : – en cas de carcinome invasif ; – si pN+ ou invasion lymphatique ; – si grade histopronostique supérieur à 1 ; – si RH- ou si rechute locale RH+ apparue sous hormonothérapie ; – si intervalle libre court (a priori inférieur ou égal à 3 ans). Le type de chimiothérapie dépend du statut Her 2 et de la dose totale d’anthracyclines déjà administrée. En dehors d’une tumeur surexprimant Her 2, le docétaxel (Taxotère®) sera appliqué pour 6 perfusions à 3 semaines d’intervalle si la dose d’anthracyclines est atteinte ou en cas de contre-indications aux anthracyclines. Dans le cas contraire, un traitement séquentiel (3 FEC 100 suivis de 3 Taxotère®) sera appliqué. Les alternatives sont l’emploi de la doxorubicine liposomale (12), l’association de paclitaxel administré en hebdomadaire avec la capécitabine (13), l’association capécitabine et vinorelbine (14) et éventuellement l’épothilone dans le cadre d’une essai thérapeutique au vu des résultats de l’ixabepilone en situation métastatique (15).
Récidive homolatérale des cancers du sein… 177 En cas de rechute locale d’une tumeur initiale surexprimant Her 2, la poursuite du trastuzumab est la règle dès lors qu’il n’existe aucun test biologique ayant validé la résistance à l’anticorps monoclonal anti-Her 2. Cependant, étant donné le risque de résistance secondaire à l’Herceptin®, le lapatinib peut être une alternative associée à la capécitabine (16). L’adjonction du lapatinib au trastuzumab pourrait être une alternative comme dans l’étude princeps de O’Shaughnessy (17). Quant à l’hormonothérapie adjuvante, elle sera représentée, a priori, par un inhibiteur de l’aromatase, surtout si la rechute s’est exprimée chez des patientes n’ayant jamais reçu d’hormonothérapie autre que le tamoxifène. L’hormonothérapie sera d’une durée de 5 ans, laquelle pourra être prolongée au-delà en fonction des facteurs de risque d’évolution à distance. Cependant, nous manquons de données récentes suffisantes pour optimiser le traitement hormonal dans son type et dans sa durée. Les thérapies ciblées visant à reverser l’hormonorésistance représentent toutefois un espoir certain qu’il sera nécessaire d’intégrer rapidement dans la pratique quotidienne des sénologues.
Place du traitement adjuvant systématique dans la prise en charge de la récidive locale du cancer du sein La récidive locale du cancer du sein relève d’une prise en charge encore plus minutieuse de la patiente qui en est atteinte. L’exploration des deux seins peut faire appel à des méthodes d’imagerie autres que les mammographies et l’échographie mammaire, notamment l’IRM et le TEPscanner. Les prélèvements biopsiques sont de rigueur. La décision de la meilleure stratégie thérapeutique possible doit être prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Elle implique le chirurgien sénologue qui doit intégrer la possibilité d’un deuxième conservateur sans risque et avec un résultat esthétique satisfaisant ou au contraire la mastectomie avec la possibilité d’une reconstruction en deux temps. La RCP doit décider également du meilleur traitement adjuvant systémique intégrant à la fois le bénéfice réel mais aussi les risques au regard du cumul des toxicités à court, moyen et long termes.
Conclusion Au total, la récidive homolatérale du cancer du sein est un événement dont on connaît l’impact négatif sur la survie à long terme à la fois dans notre expérience et dans la littérature.
178 Cancer du sein en situation métastatique L’enjeu pronostique de la rechute locale est bien celui d’une exploration minutieuse des seins et d’une prise de décision la meilleure qui soit, d’une façon concertée intégrant la chirurgie, la chimiothérapie et l’hormonothérapie si nécessaire. Au-delà du caractère traumatisant de la rechute, le traitement adjuvant systémique doit être appliqué sans compromission afin de maximaliser la survie globale à long terme, en particulier pour les patientes jeunes et pour les rechutes précoces avec des facteurs clinico-biologiques de mauvais pronostic.
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Récidive homolatérale des cancers du sein… 179 11. Blanco G, Holli K, Heikkinen M et al. (1990) Prognostic factors in recurrent breast cancer: relationships to site to recurrence, disease-free interval, female sex steroid receptors, ploidy and histological malignancy grading. Br J Cancer 62: 142-6 12. O’brien ME (2008) Single-agent treatment with pegylated liposomal doxorubicin for metastatic breast cancer. Anticancer Drugs 19: 1-7 13. Blum JL, Dees EC, Vukelja SJ et al. (2007) Phase II trial of capecitabine and weekly paclitaxel in patients with metastatic breast cancer previously treated with every-3-week taxane therapy. Clin Breast Cancer 7: 465-70 14. Estevez LG, Batista N, Sanchez-Rovira P et al. (2008) A phase II study of capecitabine and vinorelbine in patients with metastatic breast cancer pretreated with anthracyclines and taxanes. Clin Breast Cancer 8: 149-54 15. Lechleider RJ, Kaminskas E, Jiang X et al. (2008) Ixabepilone in combination with capecitabine and as monotherapy for treatment of advanced breast cancer refractory to previous chemotherapies. Clin Cancer Res 15: 4378-84 16. Geyer CE, Forster J, Lindquist D et al. (2006) Lapatinib plus capecitabine for Her 2-positive advanced breast cancer. N Engl J Med 355: 2733-43 17. O’Shaughnessy J, Blackwell KL, Burstein H et al. (2008) A randomized study of lapatinib alone or in combination with trastuzumab Her2+ metastatic breast cancer progressing on trastuzumab therapy (abstract 1015). ASCO Annual Meeting
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques : RH+ HER2-. Hormonothérapies, chimiothérapies (monochimiothérapies séquentielles ou polychimiothérapies concomitantes ?), antiangiogéniques M. Debled et L. Mauriac
Introduction La prise en charge d’une patiente atteinte d’un cancer du sein métastatique est complexe. L’objectif thérapeutique est mixte : permettre une vie la plus prolongée, traiter les symptômes, maintenir une bonne qualité de vie. Les traitements possibles sont multiples, relevant de trois mécanismes d’action différents : l’hormonothérapie, la chimiothérapie et les thérapies dites ciblées. Comme l’ont soulignées les études de biologie moléculaire, le cancer du sein regroupe des affections très différentes dans leur expression et leur évolutivité. Pouvant toucher des femmes de tout âge, les attentes des patientes doivent également être intégrées dans un processus de décision qui tient finalement intègre donc de multiples paramètres. Toutes ces considérations amènent à conclure qu’il ne peut y avoir de stratégie thérapeutique univoque pour tous les cancers du sein métastatiques. Dans la grande majorité des cas, la tumeur exprime des récepteurs hormonaux, et la principale question qui se pose au cancérologue est celle du choix du traitement spécifique, hormonothérapie et/ou chimiothérapie, et de l’association potentielle à une thérapie ciblée.
Quels objectifs du traitement ? Prolonger la durée de vie ? Si aucune étude randomisée n’a jamais comparé un traitement spécifique à un traitement symptomatique exclusif dans le cancer du sein métastatique, l’expérience clinique suggère fortement qu’il existe un gain en survie, au moins pour certaines
182 Cancer du sein en situation métastatique patientes. L’importance de ce gain est difficile à évaluer, et est certainement très différent d’une patiente à une autre, en fonction de la sensibilité de la maladie au traitement. De façon indirecte, plusieurs études rétrospectives ont montré par l’analyse de cohortes successives de patientes une amélioration progressive de la survie (1-8). Le gain est cependant très variable selon les analyses et semble avoir été obtenu principalement pour les tumeurs RH+ (4, 5). Ces dernières années, un bénéfice semble être apparu également dans les tumeurs RH- (8). Un deuxième argument indirect d’un bénéfice en durée de vie par l’utilisation des traitements spécifiques provient des études randomisées comparant deux traitements qui montrent un bénéfice d’un traitement par rapport à un autre, une quinzaine ces dix dernières années (9-25). Les études comparant deux chimiothérapies, ou évaluant l’adjonction d’une thérapie ciblée montrent toutefois un bénéfice limité, comme c’est le cas également dans les études d’hormonothérapie comparant en première ligne métastatique le tamoxifène à un inhibiteur de l’aromatase (26). Toutes les études analyses pronostiques multifactorielles retrouvent de façon constante que la survie des patientes reste invariablement liée aux mêmes facteurs pronostiques depuis 20 ans. De façon provocante, Largillier (5) retrouve toujours cette relation inverse entre la durée de vie en phase métastatique et le délai de rechute métastatique, relation qui était déjà connue il y a 50 ans alors que les ressources thérapeutiques étaient beaucoup plus limitées (27).
Faire régresser les symptômes ? Il est généralement admis que le nombre et la sévérité des symptômes causés par la maladie seront réduits par le traitement anticancéreux et qu’il existe une relation directe entre le volume tumoral et le retentissement symptomatique. Peu d’études se sont en fait attachées à évaluer les relations qui existent entre la réponse thérapeutique objective obtenue par la chimiothérapie, d’une part, et la régression des symptômes et/ou l’amélioration de la qualité de vie d’autre part. La principale analyse a été effectuée dans le cadre d’une étude randomisée de phase III comparant la doxorubicine 60 mg/m2 toutes les 3 semaines à un traitement associant la doxorubicine 40 mg/m2 au j1 et la vinorelbine 20 mg/m2 j1 et j8 chez 303 patientes en première ou en deuxième ligne métastatique (28). Des questionnaires de qualité de vie ont pu être complétés par 284 patientes. Les neuf principaux symptômes décrits étaient la douleur, la constipation, la léthargie, des troubles respiratoires, la toux, l’anorexie, des troubles de l’humeur-inquiétude et/ou dépression –, et l’insomnie. Une association significative a pu être observée par les patientes et les médecins entre la régression tumorale et l’amélioration symptomatique pour la douleur, les troubles respiratoires et les troubles de l’humeur. Les patientes décrivent aussi une amélioration concernant les nausées, la constipation ou l’anorexie. À l’opposé, il n’a pas été observé de corrélation entre l’efficacité du traitement et une amélioration de la toux, de l’insomnie ou de la fatigue. La toxicité des traitements peut cependant masquer la régression de certains symptômes
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 183 liés à la maladie. Cette étude semble toutefois confirmer ce qui a pu être observé dans d’autres pathologies tumorales : une relation entre la régression de différents symptômes liés à la maladie et la réponse à la chimiothérapie. Autrement dit, la réponse objective peut être dans certains cas considérée comme un surrogate marker d’un bénéfice symptomatique.
Améliorer la qualité de vie ? Différentes études ont clairement montré en cas de réponse à la chimiothérapie une amélioration de la qualité de vie (29-31), avec un bénéfice physique, psychologique, mais aussi sur la douleur (30). La réalisation de la chimiothérapie à dose optimale n’altère pas la qualité de vie (32) et il apparaît que, dans ce domaine, le contrôle des symptômes importe davantage que les effets secondaires inhérents au traitement (33). Cette relation entre l’obtention d’une régression tumorale et l’amélioration de la qualité de vie concerne aussi l’hormonothérapie : alors que l’impact du traitement hormonal sur la survie apparaît identique en cas de stabilisation tumorale ou en cas de réponse objective, Bernhard (34) a montré que l’amélioration de la qualité de vie était corrélée uniquement à l’obtention d’une régression tumorale.
L’objectif thérapeutique selon les différentes conférences de consensus Grande-Bretagne, 2002 (35) “Metastatic breast cancer is incurable. Systemic treatment with chemotherapeutic and/or hormone-modifying agents may produce modest improvements in survival time, but the primary aim of any form of treatment at this stage should be to relieve symptoms and optimise quality of life.”
European expert panel (36) “Treatment for metastatic breast cancer is rarely curative, therefore optimum palliation and maximum survival are the main treatment goals. It is important to optimise the use of available treatments to control symptoms, prevent serious complications, and lengthen life with the minimum of disruption to lifestyle and quality of life.”
Breast Commission, of the German Gynaecological Oncology Working Group (AGO) (37) “Traditional objectives of palliative therapy are on the short term relief of tumourinduced pain and the long-term preservation of physical activity resulting in a reasonable quality of life. More than ten recent phase-III studies demonstrated a significant prolongation of survival with patient numbers and study design suggesting high validity (level of evidence 1b). In addition, retrospective longitudinal observations observed
184 Cancer du sein en situation métastatique a continuous prolongation of survival over several decades (level of evidence 2a). Therefore, treatment of patients with metastatic breast cancer today also aims at longterm prolongation of life and not just at palliation of symptoms.”
Central European Cooperative Oncology Group (CECOG) (38) “The panel agreed to hold up its previous statement that the primary goals of treatment in metastatic breast cancer include: – maximizing the quality of life – prevention and palliation of symptoms and – prolongation of survival.”
European Society of Medical Oncology (39) “The vast majority of MBC is incurable and hence the main treatment goal is palliation, with the aim of maintaining/improving quality of life, and possibly improving survival.”
National Comprehensive Cancer Center Network, Etats-Unis (40) “The systemic treatment of breast cancer recurrence or stage IV disease prolongs survival and enhances quality of life but is not curative. Therefore, treatments associated with minimal toxicity are preferred. Thus, the use of the minimal toxic endocrine therapies is preferred to the use of cytotoxic therapy whenever reasonable”.
Chimiothérapie ou hormonothérapie ? Études randomisées Une méta-analyse des études randomisées comparant chimiothérapie et hormonothérapie a été actualisée en 2006 par Wilcken dans le cadre de la collaboration Cochrane (41). Sur les dix études retenues, huit apportaient des informations sur la réponse (817 patientes) et six sur la survie (692 patientes). Ces études étaient dans l’ensemble anciennes (publiées entre 1973 et 1995) et petites (un nombre médian de patientes de 70). Il n’a pas été observé de différence pour la survie entre les deux modalités thérapeutiques, que l’on considère l’ensemble des courbes (HR = [0,79 – 1,12] ; p = 0,5), ou les taux de mortalité à 12 mois (OR = 1,03 [0,74 – 1,43] ou à 24 mois (OR = [0,68 – 1,25]. Concernant la réponse (n = 817), un avantage significatif en faveur de la chimiothérapie a été observé, avec un rapport de taux de réponse de 1,25 (IC : 1,011,54 ; p = 0,04). Toutefois, les résultats des deux principales études étaient opposés (test d’hétérogénéité : p = 0,0009), du fait sans doute des caractéristiques très différentes des patientes incluses (42, 43).
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 185 Dans ces dix études, très peu d’informations étaient disponibles sur la toxicité et la qualité de vie. Six des sept études publiées montraient une toxicité plus forte avec la chimiothérapie. Trois études analysaient la qualité de vie, avec des résultats discordants. Finalement, les auteurs ont conclu qu’en cas de maladie métastatique avec expression de récepteurs hormonaux, une hormonothérapie est préférable à une chimiothérapie, sauf en cas de maladie rapidement progressive (41). Du fait des deux limites majeures déjà citées, ancienneté et petite taille des études randomisées, la prise en charge des patientes ne peut être basée uniquement sur cette méta-analyse et doit donc intégrer les données plus récentes.
Un traitement combiné chimiothérapie-hormonothérapie ? La méta-analyse réalisée en 1998 (44) portant sur 28 comparaisons et 3 600 patientes n’a pas montré de bénéfice de survie à l’administration concomitante d’une chimiothérapie et d’un traitement hormonal par rapport à une chimiothérapie seule, qu’il s’agisse de l’association au tamoxifène, à un œstrogène, à une suppression ovarienne, ou à un progestatif. De ce fait, pour la majorité des patientes, il est aujourd’hui proposé d’administrer séparément la chimiothérapie et l’hormonothérapie, même s’il a pu être observé dans cette méta-analyse un taux de réponse significativement plus élevé lorsque la chimiothérapie était associée au tamoxifène ou à l’acétate de megestrol (avec pour ce dernier une majoration de la toxicité).
Une chimiothérapie en première ligne métastatique ? Résultats Si l’on considère les huit études randomisées ayant évalué en première ligne un taxane seul ou associé à une anthracycline, cytotoxiques aujourd’hui considérés comme les plus efficaces dans le cancer du sein, les taux de réponse observés sont de l’ordre de 35-40 %, pouvant atteindre près de 60 % en cas d’association d’un taxane et d’une anthracycline. Ces résultats n’apparaissent pas influencés par le type de métastases, ou l’expression des récepteurs hormonaux (45). Le délai médian avant progression est de 7 mois pour l’ensemble des patientes (n = 3 953), 7,7 mois (IC 95 % : 7,2-8,0) en cas d’association taxane-anthracycline. La survie médiane à partir de l’initiation de la chimiothérapie est de 20 mois, non significativement modifiée par l’utilisation d’un taxane seul ou associé à une anthracycline (45). Ces résultats doivent bien sûr être considérés en fonction des caractéristiques des patientes incluses. Selon les études, 31 à 54 % des patientes avaient reçu une chimiothérapie adjuvante, 35 à 72 % des patientes avaient reçu une hormonothérapie, une atteinte viscérale était présente dans 62 à 83 % des cas, et 17 à 48 % des patientes avaient au moins 3 sites métastatiques.
186 Cancer du sein en situation métastatique Des résultats similaires-taux de réponse de 35 à 60 %, survie sans progression de 5,5 à 9,0 mois, survie globale médiane de 14 à 23 mois-ont été observés dans les autres études randomisées récentes utilisant diverses chimiothérapies (46).
Facteurs prédictifs de réponse En cas de symptomatologie sévère, un objectif important du traitement est, nous l’avons vu, l’obtention d’une réponse objective, condition d’un bénéfice en termes de qualité de vie. La question se pose donc d’identifier des paramètres prédictifs de la régression tumorale sous chimiothérapie plus que de la survie sans progression. Les études multifactorielles portant sur les facteurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie dans le cancer du sein métastatique sont relativement peu nombreuses (> 500 patientes : 47-51). Les facteurs habituellement retrouvés sont d’une aide modérée en pratique : ils ont essentiellement une valeur pronostique (altération de l’état général, survenue d’une rechute précoce après chimiothérapie adjuvante, atteinte métastatique multiple, surtout viscérale) et discriminent mal les répondeurs des non-répondeurs. De ce fait, des scores combinant ces différents facteurs ont été élaborés pour mieux distinguer différents sous-groupes. Ainsi l’équipe de l’Institut Curie a pu isoler trois sous-groupes en utilisant cinq variables (indice de Karnofsky, chimiothérapie adjuvante, taux de LDH, métastases pleurales ou pulmonaires) avec des probabilités de réponse de plus de 70 %, 50 à 70 % et moins de 50 % (47). Ces facteurs prédictifs d’une mauvaise réponse à la chimiothérapie sont associés également à l’agressivité tumorale et à une faible probabilité de réponse à une hormonothérapie. En absence d’alternative thérapeutique satisfaisante, ils sont actuellement peu utilisables.
Une hormonothérapie en première ligne ? Quels résultats ? Quatre études randomisées ont comparé en première ligne métastatique le tamoxifène à un inhibiteur de l’aromatase (52-55). Une réponse objective a été observée dans 21 % (52) à 46 % (55). Le délai avant progression était de 8,2 mois (53) à 11,1 mois (52), et la survie médiane était de 34,0 mois (54) à 40,8 mois (56). Dix à 25 % des patientes étaient toujours sous hormonothérapie deux ans après la randomisation. En fait, lorsqu’on considère l’hormonothérapie, il a été constaté que la survie des patientes ayant une stabilité tumorale d’au moins 6 mois est la même que celle des patientes en réponse objective. Ceci a été observé avec les principales classes d’hormonothérapie, tamoxifène (57-60), inhibiteurs de l’aromatase (57, 60, 61), ou progestatifs (57, 59, 60), que l’hormonothérapie soit administrée en première, deuxième ou troisième ligne (34, 57-60). De ce fait, les patientes doivent être rassurées sur le bénéfice d’une stabilisation de la maladie, et le traitement antihormonal devra être poursuivi jusqu’à progression avérée. La durée de réponse ou de bénéfice clinique est un autre paramètre important à considérer, puisqu’il détermine le
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 187 temps durant lequel la maladie reste contrôlée, avec un traitement généralement très bien toléré. Dans les études qui ont comparé le tamoxifène à un inhibiteur de l’aromatase (52-55), les taux de non-progression ou de bénéfice clinique peuvent atteindre 65 % (55). La durée de réponse (durée médiane de traitement en cas de réponse objective) et la durée de bénéfice clinique atteignent respectivement 23 mois et 19 mois dans l’étude évaluant le létrozole en première ligne métastatique (62).
Facteurs prédictifs de réponse Les deux facteurs prédictifs les plus utiles en pratique sont certainement la positivité et le niveau d’expression des récepteurs hormonaux d’une part, l’intervalle libre entre l’événement carcinologique initial et la rechute métastatique d’autre part. Le grade histologique de la tumeur est sans doute également à considérer (63, 64). Une moindre efficacité de l’hormonothérapie en cas d’atteinte viscérale, classiquement rapportée dans les études anciennes, a également été décrite dans l’étude comparant le tamoxifène et le létrozole en première ligne métastatique : le taux de réponse objective sous létrozole est de 26 % en cas de métastases viscérales contre 22 % en cas d’atteinte osseuse mais 48 % en cas de maladie limitée aux tissus mous (62). Le délai jusqu’à progression est de 4 mois en cas d’atteinte hépatique contre un an environ sinon (65). Ces résultats sont cependant d’interprétation difficile : le statut des récepteurs hormonaux était inconnu pour un tiers des patientes. Dans les études comparant l’anastrozole et le tamoxifène, un taux de bénéfice clinique de 33 % a été observé chez les patientes ayant une atteinte hépatique, pour une durée médiane de 16 mois. Le taux de bénéfice clinique atteignait 52 % en cas de positivité confirmée des récepteurs hormonaux (66). Dans l’étude comparant le tamoxifene et l’exemestane, le taux de réponse objective était de 44 % en cas d’atteinte viscérale, 48 % en cas d’atteinte osseuse, 55 % en cas d’atteinte limitée aux tissus mous (55). Plus récemment, une étude randomisée comparant l’anastrozole et l’exemestane chez 128 patientes ayant une atteinte viscérale a confirmé ces résultats : un taux de réponse de 15 %, des taux de bénéfice clinique de 32 et 38 % respectivement, et une survie médiane de 33 et 30 mois (67). Tous ces résultats montrent qu’une hormonothérapie peut être prescrite chez une patiente ayant une atteinte viscérale, pourvu que l’objectif soit une stabilisation tumorale plutôt qu’une réponse objective. Des résultats similaires ont été observés en 2e ligne : l’exemestane, l’anastrozole et le fulvestrant permettent des taux de bénéfice clinique dans près de 30 % des cas en cas d’atteinte viscérale, avec une durée médiane de bénéfice clinique de l’ordre de 10 mois (68, 69). Bien que les différentes études évaluant les inhibiteurs de l’aromatase en première ligne métastatique aient inclus des patientes préalablement traitées par une hormonothérapie antérieure, une seule étude a examiné l’efficacité du traitement selon l’administration d’une hormonothérapie adjuvante (62). Dans l’étude P024, une analyse multivariée pour la réponse objective montre que l’efficacité du traitement antihormonal en première ligne métastatique (létrozole ou tamoxifène)
188 Cancer du sein en situation métastatique est réduite en cas d’hormonothérapie adjuvante par tamoxifène : odds ratio de 0,64 (0,41-0,98 ; p = 0,04). Aucun impact n’a en revanche été observé pour le délai avant progression. Si l’on considère spécifiquement le groupe de patientes traitées par létrozole, l’efficacité ne semble pas influencée par l’administration antérieure de tamoxifène : taux de réponse de 26 % contre 32 % pour l’ensemble des patientes traitées par létrozole (ayant reçu ou non une hormonothérapie adjuvante), délai médian avant progression de 8,9 mois (contre 9,4 mois) (70). Pour être incluses, les patientes devaient avoir rechute plus d’un an après l’arrêt du traitement adjuvant par tamoxifène. Bien que l’on ne dispose d’aucune étude évaluant l’efficacité d’une hormonothérapie après échec d’un inhibiteur de l’aromatase en adjuvant, ces résultats permettent de penser que ceci ne constitue pas une contre-indication à la reprise d’une hormonothérapie en première ligne métastatique, compte tenu de l’absence de résistance croisée entre les différentes hormonothérapies et d’un niveau d’efficacité très comparable.
Que concluent les conférences de consensus ? Grande-Bretagne, 2009 (71) “Offer endocrine therapy as first-line treatment for the majority of patients with ERpositive advanced breast cancer, Offer chemotherapy as first-line treatment for patients with ER-positive advanced breast cancer whose disease is immediately life-threatening or requires early relief of symptoms because of significant visceral organ involvement, providing they understand and are prepared to accept toxicity. For patients with ER-positive advanced breast cancer who have been treated with chemotherapy as their first line treatment, offer endocrine therapy following the completion of chemotherapy.”
European expert panel (36) “Cytotoxic chemotherapy is indicated for women with metastatic breast cancer which is unresponsive to hormonal therapy or is rapidly progressive and life threatening.”
Breast Commission, of the German Gynaecological Oncology Working Group (AGO) (37) “Endocrine therapy appears to be the therapy of choice in patients with a hormone receptor positive tumour due to a favourable risk (for toxicity)-benefit ratio (referred to therapeutic index) (LOE 1a, GR A, AGO++). Chemotherapy has to be considered in patients with an immediate need for remission.”
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 189
Central European Cooperative Oncology Group (CECOG) (38) “In general and as recommended previously, endocrine treatment should be offered as first option to most women with hormone-sensitive MBC. This recommendation is based upon lower toxicity of endocrine treatment and generally longer durations of response in this subset as compared with cytotoxic chemotherapy, with no difference in overall survival. Patients with hormone-sensitive MBC are typically characterized by: – a long disease-free interval (>2 years), – no (or limited) visceral involvement, – limited metastatic sites and disease-related symptoms and – slow disease progression. (…) Primary chemotherapy should generally be offered to patients whose tumours are not sensitive or are refractory to hormone therapy. The candidates to chemotherapy are also patients with bulky visceral disease, severe tumor-related symptoms or rapid progression, irrespective of hormone-receptor status.”
European Society of Medical Oncology (39) “Endocrine therapy is the preferred option except if clinically aggressive disease mandates a quicker response or if there are doubts regarding the endocrine responsiveness of the tumor.”
National Comprehensive Cancer Center Network, États-Unis (40) “The systemic treatment of breast cancer recurrence or stage IV disease prolongs survival and enhances quality of life but is not curative. Therefore, treatments associated with minimal toxicity are preferred. Thus, the use of the minimal toxic endocrine therapies is preferred to the use of cytotoxic therapy whenever reasonable”.
En pratique D’une façon très homogène, toutes les conférences de consensus soulignent que le traitement du cancer du sein métastatique vise à répondre à un double objectif d’une amélioration de la durée de vie et d’un maintien ou d’une amélioration de la qualité de vie. Il vise donc à maintenir (ou rétablir) une vie de bonne qualité la plus longue possible. Toutes ces conférences insistent sur l’importance d’un traitement adapté à l’agressivité de la maladie, et considèrent que le traitement standard de première ligne repose sur l’hormonothérapie. Il ressort également que la chimiothérapie doit être considérée dans deux situations très distinctes : – en cas de maladie résistante à l’hormonothérapie du fait de la négativité des récepteurs hormonaux ou d’un échappement à plusieurs traitements antihormonaux successifs ; – en cas d’agressivité tumorale nécessitant un traitement ayant une forte probabilité de réponse : maladie rapidement progressive, atteinte viscérale « significative » (71), mettant en jeu le pronostic vital. La difficulté est alors de définir une telle
190 Cancer du sein en situation métastatique maladie « rapidement évolutive » (72). Une dyspnée par lymphangite bronchopulmonaire, un envahissement hépatique massif, avec retentissement biologique significatif (?), une altération de l’état général doivent certainement conduire à une chimiothérapie de première intention. Plus discutable semble l’indication classiquement admise d’une volumineuse masse tumorale totale. Quant à une atteinte viscérale, celle-ci ne doit plus aujourd’hui être considérée comme une contre-indication à une hormonothérapie première, pourvu qu’il existe des facteurs prédictifs d’hormonosensibilité et que l’on puisse disposer de quelques semaines pour évaluer l’efficacité de ce traitement. Apprécier le profil évolutif de la tumeur est alors essentiel.
Une mono- ou une polychimiothérapie ? Cette question très fréquemment soulevée n’est sans doute qu’une manière simplifiée de s’interroger sur l’agressivité nécessaire du traitement, postulant qu’une polychimiothérapie est plus toxique mais également plus efficace qu’une monochimiothérapie. Ceci n’est cependant pas toujours vrai, et une monothérapie par docétaxel à dose optimale est certainement plus efficace mais aussi plus toxique qu’un FEC 50. Deux méta-analyses successives réalisées en 1998 à partir de 15 études sur près de 2 000 patientes (44) et en 2009 sur 43 essais et 10 000 patientes (73) ont montré un bénéfice en faveur de la polychimiothérapie sur la survie, avec des hazard ratio de 0,82 (0,75-0,90) et de 0,88 (0,83-0,93) (p < 0,00001) successivement. Dans la méta-analyse la plus récente, les associations ont montré un bénéfice significatif par rapport à une monothérapie par taxane (HR = 0,82 [0,75 – 0,89], p < 0,00001), mais pas par rapport à une anthracycline (HR = 0,94 [86 –1,02], p = 0,15). Les associations ont aussi montré un bénéfice pour le délai avant progression (HR = 0,78 [0,74 – 0,82], p < 0,00001) et la réponse (RR = 1,29 [1,14 – 1,45], p < 0,0001). Faut-il en conclure qu’un traitement agressif doit systématiquement être préféré ? Certainement pas. – Le bénéfice pour la survie apparaît modeste, puisqu’en moyenne, la durée de vie est allongée de 12 %. Ceci au prix d’un surcroît significatif de toxicité hémalogique, digestive et davantage d’alopécies (73). Surtout, cette dernière méta-analyse souligne du fait d’un test d’hétérogénéité positif que ce bénéfice est variable selon les études, c'est-à-dire selon les patientes incluses et les comparaisons thérapeutiques. Dans leur conclusion, les auteurs soulignent que la question n’est pas résolue. Les deux situations dans lesquelles une chimiothérapie est indiquée doivent certainement être schématiquement distinguées : – lorsque l’objectif est d’enrayer une maladie rapidement évolutive venant menacer à court terme la vie de la patiente, il apparaît logique d’opter pour le traitement donnant la plus grande probabilité de réponse, sous réserve que celui-ci puisse être réalisé. Une polychimiothérapie ou l’association d’une chimiothérapie et d’une thérapie ciblée sera alors choisie ;
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 191 – à l’inverse, pour une maladie lentement évolutive non menaçante à court terme, non hormonosensible, ou ayant une hormonorésistance acquise, en absence ou en cas de faible retentissement fonctionnel de la maladie, l’objectif peut être de maintenir un contrôle de la maladie avec un traitement peu contraignant. Le médecin et la patiente pourront alors opter pour une monothérapie orale ou intraveineuse (74). Entre ces deux tableaux, existe une multitude de situations qui conduiront le médecin à discuter avec la patiente du traitement le mieux adapté à l’objectif thérapeutiques et aux contraintes et toxicités acceptées.
Une chimiothérapie d’entretien ? Lorsque la maladie répond favorablement, et que les symptômes ont régressé, les effets secondaires de la chimiothérapie peuvent paraître excessifs, et l’on est en droit de se demander s’il est licite de poursuivre le traitement ou s’il ne serait pas préférable de le suspendre temporairement jusqu’à la reprise évolutive de la maladie. Cette question a été soulevée à travers dix études randomisées, mais aucune réponse formelle n’a pu être apportée. Il existe en effet des différences notables entre ces essais, qui rendent difficile une vision d’ensemble des résultats. Ces différences portent sur le moment de la randomisation, le type de chimiothérapie utilisé, le nombre de cycles d’induction, le choix de la chimiothérapie d’entretien, les critères de reprise de chimiothérapie mais également l’objectif premier de cette chimiothérapie d’entretien. Dans la méta-analyse la plus récente, portant sur huit de ces études soit 1 942 patientes (75), il n’a pas été noté d’amélioration de la survie globale avec un traitement prolongé (HR = 0,92 [0,84-1,00], p = 0,07). Ce bénéfice, s’il existe, est donc tout au plus marginal. La survie sans progression est en revanche améliorée significativement dans sept des dix études, parfois de façon très significative (10 mois dans l’étude de Falkson (76), 6 mois dans l’étude de Muss (77), ce qui pourrait représenter un bénéfice de qualité de vie pour les patientes, même si ceci n’apparaît clairement (78, 79). Il s’avère donc qu’il n y a pas d’évidence forte à poursuivre la chimiothérapie jusqu’à progression ou survenue d’une toxicité limitante. La décision dépend sans doute de l’importance de la symptomatologie de la maladie et de son agressivité, et du souhait de la patiente. Ceci dépend aussi certainement du traitement utilisé, de sa tolérance et de sa facilité d’administration. À l’instar d’une thérapie ciblée comme le trastuzumab, d’une chimiothérapie métronomique ou même d’une hormonothérapie, il ne semble pas illogique de poursuivre une chimiothérapie orale comme la capécitabine tant qu’elle permet le contrôle de la maladie pourvu que celle-ci soit bien tolérée (74). Ceci d’autant qu’il a pu être montré que les patientes dont la maladie était stabilisée tiraient du traitement un bénéfice similaire aux patientes en réponse objective (80).
192 Cancer du sein en situation métastatique
Une hormonothérapie de maintenance ? Peu de données sont disponibles quant au bénéfice d’une hormonothérapie de maintenance en cas de stabilisation ou de réponse à une chimiothérapie en phase métastatique. Une seule étude randomisée a été publiée (81). Une amélioration, modeste, de la durée de contrôle tumoral a pu être observée (4,9 vs 3,7 mois, p = 0,02), sans amélioration de la survie ou de la qualité de vie. Du fait du faible nombre de patientes (90 patientes), du choix de l’hormonothérapie, l’acétate de mégestrol, de l’arrêt prématuré du traitement chez certaines patientes pour problème de tolérance, la portée de cette étude est limitée. Trois autres analyses, rétrospectives, ont observé dans des analyses multifactorielles un bénéfice d’une hormonothérapie de maintenance pour la survie sans rechute (82-84) et la survie globale (82, 83). Bien que ces études soient de niveau de preuve insuffisant, l’importance du bénéfice observé (d’environ un an pour le délai avant progression, et de 20 % pour la survie), la cohérence du résultat et la faible toxicité d’un tel traitement de maintenance conduisent à recommander une hormonothérapie d’entretien après une première ligne de chimiothérapie pour une tumeur RH+. De même, les études randomisées évaluant une nouvelle chimiothérapie devraient autoriser la possibilité de donner une hormonothérapie de maintenance après obtention d’une réponse.
Une chimiothérapie de deuxième ligne ? Il semble clair que, pour la majorité des patientes, le bénéfice à poursuivre la chimiothérapie au-delà de trois lignes est minime, s’il existe. Malgré cela, de nombreuses patientes vont encore recevoir plusieurs lignes de traitement, parfois jusqu’aux derniers jours. Il faut cependant se souvenir que le cancer du sein métastatique est une maladie très hétérogène, tant dans la vitesse de prolifération de la maladie que dans la sensibilité aux traitements. L’évolution de la maladie et le bénéfice individuel que tire le patient du traitement sont parfois très différents de l’effet moyen observé dans les études. Trois études comparant des chimiothérapies de deuxième ligne ont montré un bénéfice en survie (85-87) et il apparaît donc justifié de proposer un tel traitement après progression après une première ligne de chimiothérapie. Ces trois études ont montré le bénéfice d’un schéma avec docétaxel chez des patientes prétraitées par anthracyclines et il existe donc un niveau d’évidence 2 à utiliser ce traitement dans cette situation (88). L’absence de complète résistance croisée laisse penser que, réciproquement, une anthracycline pourra être préférée en cas de traitement de première ligne par taxane.
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 193
Une hormonothérapie de deuxième ligne ? Bien que son délai soit des plus variables, une progression tumorale surviendra de façon inéluctable après une première ligne d’hormonothérapie. La question se pose alors d’une hormonothérapie de deuxième ligne ou de la préférence d’une chimiothérapie. Après échappement au tamoxifène, les différentes études randomisées avaient montré des taux de réponse de l’ordre de 15 à 20 % et des taux de bénéfice clinique de 25 à 40 % sous inhibiteur de l’aromatase ou sous acétate de progestérone, la durée médiane du bénéfice clinique allant de 11 à 24 mois selon les études (89-97). Très peu de résultats sont disponibles après échec d’un inhibiteur de l’aromatase. Le groupe suisse SAKK a réalisé une analyse rétrospective chez 119 patientes traitées par tamoxifène après avoir reçu de l’anastrozole dans le cadre de l’étude TARGET : si 10 % des patientes seulement ont eu une réponse objective, un bénéfice clinique a été observé chez 48 % des patientes, résultats identiques que les patientes aient ou non une atteinte viscérale (98). Des résultats similaires ont été observés dans l’étude de phase III comparant l’exemestane et le fulvestrant, en deuxième (42 %) ou troisième ligne (58 %) : un taux de réponse de 7 % et un taux de bénéfice clinique de 32 %, pour une durée médiane de 9 mois (99). Ces résultats soulignent qu’une hormonothérapie de deuxième ou troisième ligne permet rarement d’obtenir une réponse objective, mais qu’une nouvelle phase de stabilisation peut être obtenue dans 30 à 50 % des cas, parfois très prolongée. Si la probabilité d’obtenir cette stabilisation est d’autant plus grande que le traitement antérieur a été efficace (100), il ne semble pas exister de corrélation entre la durée de stabilisation sous les deux traitements (100). Les deux autres facteurs prédictifs (pronostiques ?) favorables semblent être le niveau d’expression des récepteurs hormonaux et le grade tumoral, le traitement semblant très nettement plus efficace pour les tumeurs de grade I ou II (100).
Antiangiogéniques dans le traitement des cancers du sein Nous disposons des résultats définitifs de deux études randomisées (101-103) et préliminaires de trois autres (quatre comparaisons) (104-106) sur l’efficacité du bevacizumab dans le cancer du sein métastatique, en première (E2100 (102, 103), AVADO (104)), RIBBON-1 (105)), deuxième (RIBBON-2 (106)) ou sur une population mixte de première, deuxième ou troisième ligne (101). Dans quatre de ces cinq études, l’objectif principal d’une amélioration significative de la survie sans progression a été atteint. Si ce gain se situait entre 20 et 35 % dans trois études (quatre comparaisons), correspondant à un bénéfice absolu de 1,2 à 2,9 mois, la survie sans progression est améliorée de 5,5 mois pour les patientes recevant l’association paclitaxel hebdomadaire-bevacizumab par rapport aux patientes traitées par paclitaxel seul dans l’étude E2100 (HR = 0,48 [0,38 – 0,61], p < 0,0001) (103). On ne notait en revanche aucune différence dans la dernière
194 Cancer du sein en situation métastatique étude qui comparait en 1re (15 % des patientes), 2e (45 %) ou 3e (40 %) ligne la capécitabine à l’association capécitabine-bevacizumab (101). Dans toutes les études, l’adjonction du bevacizumab a permis une augmentation du taux de réponse de la chimiothérapie d’un facteur 1,3 (106) à 2,2 (101, 103), correspondant à un gain absolu de 10 % (101, 106) à 26 % (103). En revanche, il n’a jamais été noté d’amélioration significative de la survie globale. Une analyse de qualité de vie réalisée dans deux études, dont celle la plus démonstrative en faveur du bevacizumab, n’a pas montré de bénéfice significatif pour l’antiangiogène (101, 102). Concernant la toxicité, il ne semble pas que le bevacizumab majore la toxicité de la chimiothérapie associée, et la tolérance du bevacizumab semble bonne, hormis la survenue d’hypertension chez 10 à 20 % des patientes, de céphalées ou d’une protéinurie, significative dans 2 % des cas environ. Il faut également souligner le coût du traitement : environ 4 000 € par mois pour l’association docétaxelbévacizumal, 2,5 fois plus que le docétaxel seul, 10 fois plus que la capécitabine ou un traitement à base d’épirubicine, 30 fois plus qu’un inhibiteur de l’aromatase. Le sorafenib est un inhibiteur agissant contre Raf-1, VEGFR-2, -3, PDGFR, ckit et flt-3. Au vu de deux essais de phase II, le sorafenib a une activité faible en monothérapie dans le cancer du sein. En association au paclitaxel en première ligne métastatique, ce médicament pourrait permettre de ralentir l’évolution : si l’objectif principal portant sur la survie sans progression n’a pas été atteint dans une étude de phase IIb randomisée contre l’association paclitaxel-placebo portant sur 237 patientes (107) (6,9 mois contre 5,6 mois ; HR = 0,79 [0,56 – 1,11] ; p = 0,09), le délai avant progression est lui significativement amélioré (médiane de 8,1 mois contre 5,6 mois (HR = 0,67 [0,47 – 0,97] ; p = 0,017) de même que le taux de réponse (67 % vs 54 %, p = 0,0234). Toutefois, 23 patientes (19 %) traitées par l’association sorafenib-paclitaxel (contre cinq (4 %) patientes dans le bras placebo) ont dû interrompre leur traitement pour toxicité, essentiellement du fait de syndrome main-pied de grade 3 (30 % vs 3 %). Dans une étude similaire, en première ou deuxième ligne métastatique, l’association du sorafinib à la capécitabine s’est avérée supérieure à l’association paclitaxel-placebo pour la survie sans progression (6,4 vs 4,1 mois, HR = 0,58 (CI 95 % 0,41-0,81, p = 0,0006) (résultats préliminaires (108)). Pour ces deux études, les données de survie ne sont pas disponibles. Un troisième médicament ayant une activité antiangiogène a été évalué dans le cadre d’une étude randomisée (109). Le sunitinib est un inhibiteur des tyrosines kinases avec une activité contre VEGFR-1, -2, et -3, PDGFR, c-kit et flt-3. En mars 2009, une étude de phase III comparant le sutinib à la capécitabine chez des patientes avec un cancer du sein Her2 négatif préalablement traité par anthracycline et taxane, a été stoppée après l’inclusion de 464 patientes sur les 700 prévues : l’objectif d’une supériorité du sunitib sur la capécitabine pour la survie sans progression ne pouvait être atteint selon les analyses intermédiaires : celle-ci était de 2,8 mois (IC 95 % 2,4-3,9) pour le sunitinib contre 4,2 mois (IC 95 % 3,4-5,0)
Stratégies thérapeutiques des cancers du sein métastatiques… 195 pour la capécitabine ; le taux de réponse de 9,1 % et de 12,9 % respectivement, et les taux de bénéfice clinique de 14,3 % (IC 95 % 10,0-19,5) et de 21,9 % (IC 95 % 16,8-27,8) respectivement. Le sunitinib s’avère donc peu efficace donc dans cette indication en monothérapie (109).
Interrompre les traitements spécifiques ? À quelques exceptions près, la maladie évoluera inexorablement et le bénéfice apporté par les traitements spécifiques devient de plus en plus discutable. Il n’existe pas de recommandations pour aider les cliniciens et les patients à décider ou non d’arrêter un traitement spécifique et le moment de cette interruption. Cette question se pose de façon d’autant plus criante que le traitement est coûteux ou toxique. La décision de poursuivre une hormonothérapie, quelle que soit son coût, est certainement, à d’autres égards, tout aussi complexe (110, 111). Si l’on considère la chimiothérapie, le meilleur facteur prédictif de l’efficacité objective du traitement en troisième ligne (réponse, durée de contrôle de la maladie, durée de vie) semble être la chimiosensibilité de la maladie aux traitements antérieurs, que l’on considère la réponse objective aux deux premières lignes de chimiothérapie (112), ou la durée de contrôle aux traitements précédents (113). Ainsi, dans la série rétrospective du Royal Marsden Hospital de Londres, portant sur 149 patientes traitées en troisième ligne de chimiothérapie entre 1998 et 2005, le taux de réponse est de 20 %, le délai médian avant progression de 3 mois et la durée de vie médiane de 6 mois en cas de maladie présentant une chimiorésistance aux deux premières lignes, contre 45 %, 4 mois et 12 mois en cas de réponse aux deux premières lignes (112). D’autres facteurs favorables ont pu être retrouvés dans des analyses multivariées : caractéristiques histologiques initiales (canalaire (114) ou récepteurs hormonaux positifs (113)), absence d’atteinte hépatique (113) ou cérébro-méningée (114), utilisation d’une chimiothérapie à base d’anthracyclines, de taxanes ou de 5-FU (114). L’état général et/ou l’autonomie des patientes n’était analysé dans aucune des ces trois études rétrospectives. Le poids pronostique/prédictif de ces différents paramètres est relativement faible : s’ils doivent être considérés, la décision de l’interruption ou de la poursuite d’une chimiothérapie ou de tout autre traitement spécifique relève avant tout du colloque singulier entre le médecin et la patiente (115).
Conclusion Durant ces dix dernières années, diverses sociétés savantes ont cherché à élaborer des recommandations pour la prise en charge du cancer du sein en phase métastatique. Ces recommandations ont permis de souligner que le but du traitement s’exprime tout autant en termes de qualité de vie que de quantité. Elles rapportent toutes l’importance d’un traitement « as little as necessary » (37), et la place essen-
196 Cancer du sein en situation métastatique tielle des soins de support qui n’ont pas été évoqués ici. Elles évoquent également l’importance d’intégrer dans la décision les attentes et les craintes des patientes pour un traitement individualisé. Nous sommes sans doute aujourd’hui à la veille de formidables progrès : les thérapies ciblées sont en plein développement, et l’application des technologies moléculaires permettront rapidement, on l’espère, d’adapter ces traitements plus ciblés et donc moins toxiques à chaque sous-type moléculaire de la maladie et à son évolution, pour une meilleure efficacité. L’histoire nous montre malheureusement que les progrès sont lents et, aujourd’hui encore, moins d’une patiente sur vingt est en vie 10 ans après l’annonce de la maladie métastatique. Le choix du meilleur traitement, aussi important soit-il, n’est sans doute pas le seul essentiel de la prise en charge…
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Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+ : trastuzumab, chimiothérapie, hormonothérapie B. Coudert, S. Guiu, H. Tixier, F. Mayer et P. Fumoleau
Introduction L’efficacité des thérapeutiques anti-HER2, trastuzumab ou lapatinib, pour les tumeurs HER2 positives, qui surexpriment HER2 – c’est-à-dire HER2-3+ en immunohistochimie (protéine) et/ou quand la tumeur présente une amplification du gène HER2 en hybridation in situ (FISH/CISH/SISH) (cf. RPC Saint-Paul 2007) – vient bouleverser les choix des chimiothérapies et des hormonothérapies et impose de distinguer des groupes de traitement selon les récepteurs hormonaux et HER2 (1, 2). Des recommandations sur les conditions techniques de réalisation de l’immunohistochimie et de l’hybridation in situ et sur l’interprétation des tests ont été publiées, par l’ASCO et le Collège des pathologistes américains (3). Dans ces recommandations, des seuils de positivité ont également été proposés. En pratique, moins de 20 % des tumeurs mammaires sur expriment HER2. Les objectifs principaux du traitement des cancers du sein métastatiques (CSM) sont d’améliorer la qualité de vie, la prévention et la palliation des symptômes, enfin la prolongation de la survie (4). Il est maintenant admis qu’en cas de positivité de l’HER2, les thérapeutiques anti-HER2 s’imposent d’emblée.
Hormonothérapie ou chimiothérapie de première ligne métastatique ? Il n’y a pas d’étude comparant thérapeutique anti-HER2 de première ligne associée à une chimiothérapie versus la même thérapeutique anti-HER2 associée à une hormonothérapie. Le clinicien doit donc s’en remettre à son bon sens et revenir à la situation générale du choix entre hormonothérapie et chimiothérapie basée sur
208 Cancer du sein en situation métastatique l’âge, l’état général de la patiente, la présence de comorbidité, la présence d’une forte masse tumorale ou bien de symptômes, une atteinte viscérale, une cinétique de croissance basée entre autres sur le délai de récidive. Les tumeurs HER2 positives restent toutefois, des tumeurs à développement rapide, rendant souvent, cette question du choix de l’hormonothérapie ou de la chimiothérapie de première ligne, un peu théorique (fig. 1).
Fig. 1 – Critères de choix entre chimiothérapie et hormonothérapie.
Thérapeutiques anti-HER2 et hormonothérapie L’efficacité de l’hormonothérapie est moindre en cas de surexpression d’HER2 (5). Ceci est confirmé par la méta-analyse de 12 études et 2 379 malades traitées avec différents traitements hormonaux (tamoxifène, ovariectomie, acétate de mégestrol, inhibiteurs de l’aromatase – fadrazole ou létrozole –, goséréline ± tamoxifène, droloxifène, hormonothérapie sans précision) (6). En revanche, la surexpression d’HER2 ne peut servir d’argument pour choisir une hormonothérapie plutôt qu’une autre (7). Si le choix de l’hormonothérapie est fait, il existe deux possibilités de traitement chez les patientes ménopausées. L’un est d’associer le trastuzumab aux anti-aromatases. L’autre est d’associer le lapatinib aux anti-aromatases. Il n’y a pas d’étude comparant trastuzumab anti-aromatase vs lapatinib anti-aromatase.
Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+… 209
Trastuzumab et hormonothérapie Trastuzumab et anastrozole L’étude TAnDEM a testé l’association trastuzumab et anastrozole vs anastrozole seul dans une étude de phase II randomisée : 207 malades, RE+ et/ou PR+, HER2 positifs (IHC = 3+ et/ou FISH+) (44 % avec métastases pulmonaires, 30 % des métastases hépatiques ; 63 % prétraités par du tamoxifène adjuvant ou métastatique et 56 % prétraités par une chimiothérapie adjuvante). Le taux de réponse sous hormonothérapie seule est relativement faible. Le trastuzumab améliore, le taux de réponse partielle, le taux de bénéfice clinique, la médiane de survie sans progression (4,8 mois vs 2,4 mois en faveur du trastuzumab ; p = 0,0016). L’effet n’est pas significatif sur la survie en sachant que de nombreux patients dans le bras placebo ont bénéficié du trastuzumab au moment de la progression. L’incidence de toxicité de grade 3 et de grade 4 était de 23 % et 5 % dans le bras trastuzumab-anastrozole et de 15 % et 1 % dans le bras anastrozole seul. Un patient recevant l’association a présenté une insuffisance cardiaque congestive de classe II de la NYHA et un autre a présenté une baisse asymptomatique de 15 % de la FEV avec un chiffre passant sous les 50 %. Globalement, les accidents cardiaques étaient plus fréquents avec l’association (14 événements) qu’avec l’anastrozole seul (2 événements).
Trastuzumab et létrozole La combinaison trastuzumab-létrozole, pour des cancers du sein métastatiques RE+ et/ou PR+, HER2 positifs (IHC = 3+ et/ou FISH+), produit des réponses durables (régulièrement supérieures à 1 an) chez 25 % des patientes. Néanmoins, la combinaison est inactive chez 50 % des patientes suggérant des mécanismes de résistances supplémentaires (8).
Autres associations trastuzumab-hormonothérapie Les associations avec l’exemestane, le fulvestran, le tamoxifène sont en cours d’étude.
Lapatinib et hormonothérapie Lapatinib et létrozole Johnston a récemment publié une étude de phase II randomisée comparant, chez 1 286 patientes ménopausées, en première ligne métastatique le lapatinib (1 500 mg/j) associé au létrozole (2,5 mg/j) au létrozole seul, pour des tumeurs avec récepteurs hormonaux positifs et statut HER2 positif ou bien négatif. L’association est bénéfique seulement pour le sous-groupe des tumeurs HER2 positif (219 patientes) en termes de réponse, de bénéfice clinique et de survie sans pro-
210 Cancer du sein en situation métastatique gression (8,2 mois vs 3 mois en faveur du lapatinib, p = 0,019). Il n’y a pas de bénéfice en termes de survie globale. Les toxicités de grade 3-4 étaient plus fréquentes dans le bras létrozole-lapatinib (diarrhées 10 % vs 1 %, rash 1 % vs 0 %) mais restaient gérables (9) (fig. 2).
Fig. 2 – Association de chimiothérapie de deuxième ligne de traitement et de thérapeutique anti-HER2.
Arrêt de l’association thérapeutique anti-HER2 et hormonothérapie Cet arrêt peut être motivé pour deux raisons.
Progression malgré l’association Il n’existe pas d’étude de deuxième ligne d’hormonothérapie en association avec une thérapeutique anti-HER2, soit la même que lors de la première ligne d’hormonothérapie, soit une autre. La logique devant la progression serait peut-être de proposer une association thérapeutique anti-HER2 et chimiothérapie.
Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+… 211
Toxicité de l’association Soit la toxicité est liée à l’hormonothérapie et peut-être, sans donnée de la littérature, peut-on proposer un remplacement de l’anti-aromatase. Soit la toxicité est liée à la thérapeutique anti-HER2 et, de nouveau, il n’existe pas d’étude de deuxième ligne d’hormonothérapie en association avec une thérapeutique anti-HER2, soit la même que lors de la première ligne d’hormonothérapie, soit une autre (fig. 3).
Fig. 3 – Stratégie décisionnelle après hormonothérapie et thérapeutique anti-HER2.
Première ligne de thérapeutique anti-HER2 et de chimiothérapie La première ligne de thérapeutique anti-HER2 et de chimiothérapie s’entend soit d’emblée en cas de maladie agressive, soit lors d’une progression tumorale après association d’hormonothérapie et d’une thérapeutique anti-HER2.
Phase III de première ligne trastuzumab-chimiothérapie (tableau I) L’intérêt de l’introduction précoce du trastuzumab est démontré (10) (Hamberg P et al., SABCS 2007). En première ligne métastatique, dans l’étude originale de Slamon, le bénéfice du trastuzumab associé à une chimiothérapie en termes de taux de réponse, survie sans progression et survie globale, a été démontré (11). L’association était bien
212 Cancer du sein en situation métastatique supportée, même s’il existait une discrète augmentation du risque d’anémie, de leucopénie, de diarrhée, mais a révélé son risque cardiaque surtout lors de cardiopathie préexistante et en association avec les anthracyclines (11). Ultérieurement, d’autres études randomisées permettaient de démontrer la supériorité en survie de l’association du trastuzumab avec le docetaxel (10) ou avec le paclitaxel (12). Dans deux études de phase III, le paclitaxel hebdomadaire semble le plus efficace (13, 14). Il n’est pas certain que l’adjonction d’un troisième cytotoxique à une bithérapie à base de trastuzumab soit utile (15, 16). D’autres études sont en attente de publication (Wardley ESMO 2006, Forbes BCIRG07 ASCO 2006). Tableau I – Études comparatives de combinaisons trastuzumab-chimiothérapie en première ligne de traitement. Auteurs
Nbre pat
Schéma
RO
RC
RP
138
Dx + Cy
42
4
38
143
T + Dx + Cy
56
8
48
96
P /3 s
17
2
15
92
T + P /3 s
42
8
34
94
D /3 s
34
2
32
92
T + D /3 s
61
7
54
58
P heb.
57
14
43
60
T + P heb.
75
22
53
94
T + P /3 s
36
3
33
92
T + P /3 s + CBDCA
52
10
42
S
Chimiothérapie ± trastuzumab Slamon et al. (11)
Marty et al. (10) Gasparini et al. (12)
Comparaisons de chimiothérapies Robert et al. (15) Fountzilas et al. (13)
T + P heb. T + P + CBDCA /3 s T+D+G
Seidman et al. (14)
98
T + P heb.
55
76
T + P /3 s
58
RO = réponse objective ; RC = réponse complète ; RP = réponse partielle ; S = stabilisation ; T = trastuzumab ; D = docetaxel ; P = paclitaxel ; CDDP = cisplatinum ; C = capécitabine ; V = vinorelbine ; G = gemcitabine ; CBDCA = carboplatine ; Dx = doxorubicine ; Cy = cyclophosphamide.
Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+… 213
Trastuzumab seul Le schéma d’administration du trastuzumab a évolué au cours du temps. Initialement, le trastuzumab était administré de manière hebdomadaire, 4 mg/kg lors de la première injection puis 2 mg/kg (11, 16-19). Des études plus récentes ont démontré que l’administration toutes les 3 semaines (8 mg/kg lors de la première injection puis 6 mg/kg) permettait d’obtenir une pharmacocinétique et une efficacité équivalentes (20-22) pour un confort de vie amélioré pour les patientes. En monothérapie par trastuzumab, les taux de réponse varient entre 15 et 26 % (6, 17, 18, 21).
Lapatinib seul En première ligne métastatique et monothérapie orale (1 500 mg 1 fois par jour ou 500 mg 2 fois par jour), le lapatinib obtient 24 % de réponse objective et le bénéfice clinique au-delà de 6 mois est de 31 %. Les effets secondaires, peu sensibles au rythme d’administration, sont essentiellement de la diarrhée (46 %), des rashs (32 %), un prurit (22 %), des douleurs musculaires (14 %°), des nausées-vomissements (14 %) et une toux (13 %) (23). Aucun épisode toxique de grade 4 ni aucune toxicité cardiaque n’ont été rapportés dans cette étude. Dans une autre étude, Burstein rapporte que le lapatinib, à 1 500 mg/j, en première ligne de traitement chez des patientes HER2-positive, obtient 6 % de bénéfice clinique, c’est-à-dire sans progression à 6 mois (24). Chez les patientes japonaises, en échec de traitement par trastuzumab, le lapatinib seul, à 1 500 mg/j, permet 19 % de réponse objective et 25 % de bénéfice clinique. Les patientes dont la tumeur était porteuse de mutation H1047R PIK3CA ou d’un niveau d’expression de PTEN bas pouvaient répondre au lapatinib (25).
À l’arrêt de la chimiothérapie, quelle thérapeutique de maintenance ? Il n’y a pas de données d’études randomisées. La durée d’utilisation du trastuzumab devrait s’appuyer sur les résultats des études précliniques. Sur des modèles de xénogreffes de tumeurs HER2 positive, une reprise de la croissance tumorale est observée en cas d’arrêt du traitement par trastuzumab. Dans un autre modèle de xénogreffe (KPL4) de tumeur mammaire humaine HER2+ progressant sous trastuzumab, la poursuite du trastuzumab potentialise l’activité antitumorale du paclitaxel (26, 27). Dans pratiquement toutes les études publiées, le traitement par trastuzumab a été poursuivi au-delà de la chimiothérapie et jusqu’à progression sans que cette attitude ait été démontrée scientifiquement. De la même manière, chez les patientes RH+ HER2 positif, la question de la maintenance de la réponse par une association trastuzumab hormonothérapie n’a pas été posée. Connaissant les résultats des études de première ligne d’association thérapeutiques anti-HER2 et hormonothérapie, démontrant la supériorité de l’association, la logique serait de maintenir la réponse par une association trastuzumab
214 Cancer du sein en situation métastatique hormonothérapie pour les tumeurs RH+ et par le trastuzumab seul pour les tumeurs RH-. Mais ces assertions font plus appel au bon sens qu’à la démonstration scientifique de l’« evidence based medicine ».
Deuxième ligne de thérapeutique anti-HER2 et de chimiothérapie Il n’y a pas de stratégie clairement définie. Sont disponibles deux études de phase III plaidant toutes les deux pour le maintien d’une thérapeutique anti-HER2. Il n’y a pas d’étude comparative testant le lapatinib-chimiothérapie versus le trastuzumabchimiothérapie.
Lapatinib et capécitabine Une première étude de phase III (EGF100151) chez des patientes porteuses de cancers du sein métastatiques, HER2+, après anthracycline et taxane, a démontré qu’après progression sous trastuzumab, l’adjonction de lapatinib (1 250 mg/j en continu) à une nouvelle ligne de capécitabine (2 000 mg/m (2) de j1 à j14) vs capécitabine seul apportait un avantage. Le taux de réponse objective était de 23,7 % vs 13,9 % (p = 0,017), le temps jusqu’à progression de 6,2 mois vs 4,3 mois (p < 0,001) et la survie de 15,6 mois vs 15,3 mois. Avec l’association, la toxicité cardiaque était de 2,4 % et toujours asymptomatique, la diarrhée et les syndromes mains pieds étaient fréquents (60 % et 49 %), le taux de métastases cérébrales était réduit (4 cas vs 13 cas) (28, 29). L’AMM du lapatinib en association avec la capécitabine, après progression sous trastuzumab chimiothérapie, a son AMM en France.
Trastuzumab et capécitabine Plus récemment, l’étude randomisée de phase III TBP (GBG 26/BIG 3-05), interrompue lors de la publication de l’association lapatinib-capécitabine (28, 29) de l’avis de l’IDMC, démontrait que chez les patientes progressant sous trastuzumab, le maintien du trastuzumab avec la capécitabine utilisée lors du traitement ultérieur était bénéfique en termes de taux de réponse (27 % vs 48,1 %) et de survie sans progression (5,6 mois vs 8,2 mois ; p = 0,0338) avec une amélioration non significative de la survie (20,4 mois vs 25,5 mois) (30). D’autres études vont dans le même sens (31) (fig. 4). (Untch M et al., SABCS 2007).
Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+… 215
Fig. 4 – Association de chimiothérapie de deuxième ligne de traitement et de thérapeutique anti-HER2.
Au-delà de la deuxième ligne de thérapeutique anti-HER2 et de chimiothérapie Des études observationnelles (Etude Hermine ECCO 2005, SABCS 2005, Jackisch SABCS 2007) (32-34) ont montré que le trastuzumab était en fait utilisé dans des associations successives multiples avec des survies médianes pouvant dépasser 4 ans.
Phase II trastuzumab chimiothérapies sans anthracyclines De nombreuses phases II ou III sont maintenant publiées permettant plusieurs associations (tableau II). Hormis les toxicités propres au trastuzumab, les toxicités rencontrées correspondent à celles des chimiothérapies associées. Il n’y a que peu de cardiotoxicité pour les patientes n’ayant pas reçu de chimiothérapie à base d’anthracyclines. La séquence idéale des associations à utiliser avec le trastuzumab n’est pas connue.
216 Cancer du sein en situation métastatique Tableau II – Taux de réponse des principales combinaisons trastuzumab chimiothérapie. Nbre pat
Schéma
RO
Esteva et al. (35)
30
T + D heb.
Meden et al. (36)
12
Montemurro et al. (31) Sato et al. (37)
Auteurs
RC
RP
S
60
60
13
T + D heb.
50
50
42
42
T + D /3 s
67
17
50
17
40
T + D heb.
65
Seidman et al. (38)
95
T + P heb.
57
4
53
13
Tedesco et al. (39)
26
T + D heb.
50
8
42
31
24
16
Trastuzumab + taxanes
Trastuzumab + sels de platinum Pegram et al. (40)
37
T + CDDP
24
Pegram et al. (41)
34
T + D + CDDP
76
9
67
Pegram et al. (41)
14
T + D + CBDCA
71
21
50
Perez et al. (22)
43
T + P + CBDCA /3 s
65
Perez et al. (22)
48
T + P + BDCA heb.
81
Trastuzumab + capécitabine Bartsch et al. (42)
40
T+C
20
3
17
50
Schaller et al. (43)
27
T+C
45
15
30
33
Yamamoto et al. (44)
59
T+C
65
Trastuzumab + vinorelbine Burstein et al. (45)
54
T+V
68
7
61
17
Jahanzeb et al. (46)
40
T+V
78
11
67
8
Bartsch et al. (47)
78
T + V oral
28
6
22
34
T + V oral
41
5
36
43
33
42
Catania et al. (48)
39
T+V
50-86
Yardley et al. (50)
Chan et al. (49) 29
T+V+D
75
Bayo-Calero et al. (51)
52
T + V hebdomadaires
58
O’Shaughnessy et al. (52)
38
T+G
32
Bartsch et al. (53)
30
T+G
Loesch et al. (54)
150
T + G + CBDCA
Trastuzumab + gemcitabine 32 19
27
64
RO = réponse objective ; RC = réponse complète ; RP = réponse partielle ; S= stabilisation. T = trastuzumab, D = docetaxel; P = paclitaxel ; CDDP = cisplatinum ; C = capécitabine ; V = vinorelbine ; G = gemcitabine, CBDCA = carboplatine.
Stratégies thérapeutiques des cancers métastatiques RH+, HER2+… 217
Phase II trastuzumab chimiothérapies avec anthracyclines Dès les premières études, a été soulignée la toxicité cardiaque du trastuzumab soit associé aux anthracyclines, soit chez les patientes ayant reçu des anthracyclines (11). L’incidence des événements cardiaques de classe III ou IV avoisine 2 % chez les patients recevant du trastuzumab en première ligne, 2 % chez les patients recevant du trastuzumab en association avec du paclitaxel, 16 % chez les patients recevant du trastuzumab en association avec de la doxorubicine et du cyclophosphamide (55). L’exclusion des patientes avec fonction cardiaque anormale, ou bien ayant des antécédents de cardiopathie, ou bien ayant déjà reçu une dose importante d’anthracyclines fait que cette question est moins aiguë. Des essais sont en cours pour associer trastuzumab et anthracyclines liposomales à moindre potentiel cardiotoxique. Quoi qu’il en soit, l’association anthracycline-trastuzumab, considérée comme potentiellement toxique, n’a pas l’agrément du référentiel de bon usage des cancers du sein (RBU sein).
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Chimiothérapie du cancer du sein métastatique RH négatif HER2 positif T. Petit
Introduction L’amélioration de la survie en phase métastatique lors des 30 dernières années semble bénéficier principalement aux tumeurs hormono-sensibles. En effet, deux études rétrospectives françaises ont montré une amélioration significative de la survie globale en phase métastatique en comparant globalement les patientes traitées dans les années 1980 et les années 2000, mais cette amélioration était en fait limitée aux tumeurs hormono-sensibles (1, 2). L’étude de l’Institut Gustave Roussy et du Centre Léon Bérard a porté sur 724 patientes traitées entre 1987 et 2000 (1). Pour les patientes avec une tumeur hormonosensible, la survie médiane passait de 28 à 45 mois sur la période étudiée (p < 0,001). Pour les tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux, la survie restait médiocre quelle que soit la période de traitement. L’étude du Centre Antoine Lacassagne a porté sur 1 038 patientes traitées entre 1975 et 2005 (2). Il était constaté une amélioration de la survie médiane en phase métastatique pour les patientes avec tumeur hormonosensible, avec une augmentation de 17,5 mois à 32 mois (p = 0,009), alors que la survie médiane restait égale à 10 mois quand les tumeurs n’exprimaient pas les récepteurs hormonaux. Les thérapies ciblées anti-HER2 ont, pour leur part, permis une amélioration manifeste de la survie globale pour les patientes dont la tumeur porte une surexpression ou amplification d’HER2 (HER2+). Une étude rétrospective menée par le MD Anderson Cancer Center a porté sur 2 091 patientes traitées en phase métastatique entre 1997 et 2005 (3). Les patientes avec une tumeur HER2+ et traitées par trastuzumab bénéficiaient d’une réduction du risque de décès de 44 % par rapport aux patientes avec une tumeur HER2- (p < 0,0001).
224 Cancer du sein en situation métastatique
Faut-il traiter les tumeurs HER2+ selon le statut des récepteurs hormonaux ? Plusieurs études ont montré que la surexpression d’HER2 était un facteur de résistance à l’hormonothérapie (4, 5). Deux études randomisées de phase III ont démontré que l’association d’une hormonothérapie avec une thérapie ciblée anti-HER2 permettait en première ligne de traitement une augmentation significative du taux de réponse et de la survie sans progression par rapport à une hormonothérapie exclusive (6, 7). Deux études rétrospectives ont évalué l’efficacité de la chimiothérapie face à des tumeurs HER2+ selon l’expression des récepteurs hormonaux (RH). Une étude a porté sur 805 patientes traitées en phase métastatique (8). Il n’existait pas de différence en taux de réponse ou en survie sans progression dans cette population HER2+ traitées par chimiothérapie ± trastuzumab, que ces tumeurs soient RH+ ou RH-. La deuxième étude menée par le MD Anderson a étudié cette question en phase néoadjuvante (9). Le taux de réponse complète histologique était identique parmi les tumeurs HER2+, quel que soit le statut des RH. Il faut donc considérer que le bénéfice apporté par l’association chimiothérapie + trastuzumab est identique dans la population HER2+ RH- et la population HER2+ RH+.
Doit-on introduire le trastuzumab dès la première ligne de traitement en phase métastatique ? Une étude randomisée de phase III et deux études randomisées de phase II permettent de répondre à cette question, en comparant une chimiothérapie à l’association chimiothérapie + trastuzumab. L’étude randomisée de phase III a inclus 419 patientes en première ligne de traitement de la phase métastatique (10). Deux chimiothérapies de référence étaient proposées : le protocole AC (adriamycine + cyclophosphamide) ou le paclitaxel. L’addition concomitante de trastuzumab permettait une augmentation significative du taux de réponse (32 versus 50 %, p < 0,0001), de la survie sans progression (4,6 mois versus 7,4 mois, p < 0,0001) et de la survie globale (20 mois versus 25 mois, p = 0,046). Cette amélioration de la survie était au prix d’une majoration de la toxicité cardiaque quand étaient associés l’adriamycine et le trastuzumab. En effet, la toxicité cardiaque de grade III/IV (classification NYHA) passait de 8 % dans le bras AC à 27 % dans le bras AC + trastuzumab. Les auteurs concluaient donc que l’association anthracycline + trastuzumab devait être évitée. La première étude randomisée de phase II a inclus 186 patientes (11). La chimiothérapie de référence était le docetaxel 100 mg/m2. Il était constaté une augmentation significative du taux de réponse (34 % versus 61 %, p = 0,001), de la survie sans progression (6,1 mois versus 10,7 mois, p = 0,001) et de la survie globale
Chimiothérapie du cancer du sein métastatique RH négatif… 225 (23 mois versus 31 mois, p = 0,032) dans le bras trastuzumab + docetaxel. La deuxième étude randomisée de phase II avait choisi le paclitaxel à rythme hebdomadaire comme traitement de référence (12). Il était aussi constaté une augmentation significative du taux de réponse (57 % versus 75 %, p = 0,037) et de la survie sans progression (9 mois versus 12,3 mois, p = 0,03) grâce à l’addition du trastuzumab. En conclusion, face à l’évolution métastatique d’une tumeur HER2+, il est nécessaire d’initier le trastuzumab dès le diagnostic de maladie métastatique car ceci permet une augmentation de la survie.
Doit-on associer d’emblée trastuzumab et chimiothérapie ou peut-on débuter par le trastuzumab seul et attendre la progression pour introduire la chimiothérapie ? Il est nécessaire de rappeler d’abord que le trastuzumab en monothérapie et première ligne métastatique offrait un taux de réponse de 23 et 24 % dans deux études de phase II (13, 14). L’étude randomisée de phase III JO 17360 nous permet de répondre à cette question (15). Cent douze patientes avec tumeur HER2+ étaient incluses. Le bras de référence comportait l’association concomitante de docetaxel 60 mg/m2 et trastuzumab. Le bras expérimental comportait du trastuzumab monothérapie en première ligne suivi par l’adjonction de chimiothérapie lors de la constatation d’une progression. La survie globale était significativement supérieure (HR = 2,72, p = 0,04) quand le traitement débutait avec l’association trastuzumab + chimiothérapie. Il est donc nécessaire de privilégier l’association trastuzumab + chimiothérapie dès le diagnostic de l’atteinte métastatique.
Quelle est la chimiothérapie optimale à associer au trastuzumab en première ligne métastatique ? De nombreuses études de phase II ont évalué l’association des antimitotiques fréquemment prescrits dans le cancer du sein avec le trastuzumab (16). Notons, en plus des associations taxane + trastuzumab, les associations vinorelbine + trastuzumab (17), capécitabine + trastuzumab (18), gemcitabine + trastuzumab (19), et sels de platine + trastuzumab (20). Bien que les résultats de l’étude princeps de Slamon entraînaient une contre-indication de l’association trastuzumab + anthracyclines, cette association a été de nouveau explorée en choisissant des anthracyclines moins cardiotoxiques que l’adriamycine, comme l’épirubicine (21) ou une doxorubicine liposomale (22).
226 Cancer du sein en situation métastatique Il existe peu d’études de phase III pour nous aider à répondre à cette question. L’étude TRAVIOTA a comparé l’association trastuzumab + paclitaxel (± carboplatine) à l’association trastuzumab + vinorelbine (23). Il avait été prévu initialement l’inclusion de 250 patientes, le taux de réponse étant l’objectif principal. L’étude était arrêtée après l’inclusion de 81 patientes en raison du faible niveau de participation. Les résultats étaient analysés lors l’arrêt prématuré de l’étude avec un taux de réponse de 40 % et une survie sans progression de 6 mois pour l’association trastuzumab + paclitaxel et un taux de réponse de 51 % et une survie sans progression de 8,5 mois pour l’association trastuzumab + vinorelbine. Ces résultats n’étaient pas significativement significatifs (p = 0,37 pour le taux de réponse, p = 0,09 pour la survie sans progression). L’étude CALGB 9840 a comparé les deux modalités d’administration du paclitaxel en association avec le trastuzumab, en incluant 174 patientes (24). Le paclitaxel administré de manière hebdomadaire ne permettait pas d’améliorer le taux de réponse (55 % versus 58 %) et la survie sans progression (11 mois versus 10 mois) par rapport à l’administration une fois toutes les 3 semaines. Trois études randomisées ont comparé l’association avec le trastuzumab d’un antimitotique ou de deux antimitotiques. La première étude a inclus 196 patientes et comparé l’association trastuzumab + paclitaxel à l’association trastuzumab + paclitaxel + carboplatine (25). La triple association offrait une augmentation significative du taux de réponse (36 % versus 52 %, p = 0,04) et de la survie sans progression (7,6 mois versus 13,8 mois, p = 0,005). L’étude BCIRG 007 a inclus 263 patientes et comparé l’association trastuzumab + docetaxel à l’association trastuzumab + docetaxel + carboplatine (26). Il n’était pas constaté de bénéfice à l’addition du carboplatine dans cette étude (taux de réponse = 73 % versus 73% ; survie sans progression = 11 mois versus 10 mois). La troisième étude a inclus 222 patientes et comparé l’association trastuzumab + docetaxel à l’association trastuzumab + docetaxel + capécitabine (27). Il n’était pas constaté d’augmentation du taux de réponse (l’objectif principal) avec la trithérapie (72,7 % versus 70,5 %, p = 0,717) mais une augmentation significative de la survie sans progression (12,8 mois versus 17,9 mois, p = 0,045). Le meilleur schéma de chimiothérapie à associer au trastuzumab n’est pas clairement défini. Certaines trithérapies semblent augmenter le taux de réponse ou la survie sans progression, mais toujours au prix d’une majoration de la toxicité. Le choix de prescription sera notamment guidé par les effets secondaires, en sachant que plusieurs lignes successives de chimiothérapies seront prescrites en association avec le trastuzumab. Rappelons notamment que certaines associations n’entraînent pas d’alopécie (vinorelbine ou capécitabine, par exemple).
Faut-il poursuivre le trastuzumab après la première ligne de chimiothérapie ? Les résultats de deux études randomisées de phase III permettent de répondre à cette question.
Chimiothérapie du cancer du sein métastatique RH négatif… 227 L’étude GBG 26 a comparé deux schémas de traitement après progression à la première ligne comportant du trastuzumab (28). Le traitement de référence était la capécitabine seule (2 500 mg/m2) alors que le schéma expérimental était l’association trastuzumab + capécitabine. L’objectif principal était la survie sans progression. Le nombre d’inclusion initialement prévu était de 482. L’étude était arrêtée après l’inclusion de 156 patientes en raison des résultats de l’étude EGF 100151 avec le lapatinib. Les résultats ont été analysés à l’arrêt de l’étude. La poursuite du trastuzumab au-delà de la première ligne permettait une augmentation significative du taux de réponse (27 % versus 48 %, p = 0,011) et de la survie sans progression (5,6 mois versus 8,2 mois, p = 0,034), sans modification de la survie globale (20,4 mois versus 25,5 mois, p = 0,13). La deuxième étude a porté sur 296 patientes progressant sous trastuzumab, avec un nombre médian de lignes de traitement en phase métastatique égal à 3 (29). L’objectif principal était la survie sans progression. Le bras de référence était le lapatinib alors que le bras expérimental était l’association lapatinib + trastuzumab. Le taux de réponse n’était pas significativement supérieur pour l’association (TR = 6,9 % pour le lapatinib versus 10,3 % pour l’association trastuzumab + lapatinib, p = 0,46) mais la poursuite du trastuzumab en association avec le lapatinib offrait une augmentation significative de la survie sans progression (13 semaines versus 28 semaines, p = 0,008) et de la survie globale (9,5 mois versus 14 mois, p = 0,026). En raison de ces résultats, il est habituel de poursuivre le trastuzumab lors de la progression en modifiant la chimiothérapie, d’autant plus qu’une réponse est constatée lors de la ligne de traitement précédente.
Quelle est la place du lapatinib ? En monothérapie, le taux de réponse du lapatinib en première ligne métastatique est de 24 % face à une tumeur HER2+ (30). Une seule étude randomisée de phase III évaluant l’association lapatinib + chimiothérapie en première ligne a pour l’instant été publiée (31). L’étude EGF 300001 a inclus 580 patientes en première ligne métastatique, indépendamment du statut tumoral HER2. Le bras de référence était le paclitaxel, alors que le bras expérimental associait paclitaxel et lapatinib. La survie sans progression et la survie globale étaient identiques dans les deux bras de traitement. De manière rétrospective, ont été recherchées les tumeurs surexprimant HER2. Quatre vingt six patientes étaient dans cette situation (49 patientes dans le bras paclitaxel + lapatinib, 37 patientes dans le bras paxlitaxel). L’analyse rétrospective de la survie sans progression sur ce petit sous-groupe montrait une amélioration significative lors de la prescription de lapatinib (5 mois versus 8,1 mois, p = 0,008). L’étude EGF 100151 a pour sa part évalué le lapatinib en deuxième ligne de traitement (32). Trois cent quatre-vingt dix neuf patientes, préalablement traitées par trastuzumab en phase métastatique, étaient incluses. L’objectif principal était la survie sans progression. Le traitement de référence était la capécitabine seule (2 500 mg/m2) alors que le schéma expérimental associait lapatinib + capécitabine.
228 Cancer du sein en situation métastatique L’association avec le lapatinib permettait une augmentation significative de la survie sans progression (4,3 mois versus 6,2 mois, p = 0,00013) alors qu’il n’y avait pas de modification de la survie globale (15,3 mois versus 15,6 mois). Dans cette étude, étaient constatées moins de progressions cérébrales chez les patientes traitées par lapatinib. Il était constaté des évolutions cérébrales exclusives chez dix patientes dans le bras capécitabine, et trois patientes dans le bras capécitabine + lapatinib. Deux études de phase II ont évalué l’efficacité du lapatinib chez des patientes progressant au niveau cérébral sous trastuzumab. Ces patientes recevaient une irradiation cérébrale avant le traitement par lapatinib. L’étude NCI 6969 incluait 39 patientes avec un taux de réponse de 3 % (33). L’étude EGF 105084 incluait 241 patientes avec un taux de réponse de 6 % (34). La capécitabine était secondairement associée au lapatinib chez 50 patientes progressant au niveau cérébral. Il était alors constaté un taux de réponse de 20 %, correspondant probablement en partie à l’activité intrinsèque de la capécitabine au niveau cérébral (35). En conclusion, le lapatinib associé à la capécitabine est une option après progression sous trastuzumab. Il n’a pas été démontré d’activité significative du lapatinib face aux métastases cérébrales.
Existe-t-il une place pour le bevacizumab dans le traitement des tumeurs RH-, HER2+ ? Trois études randomisées de phase III (E2100, AVADO, RIBBON-1) ont démontré une amélioration significative du taux de réponse et de la survie sans progression en associant chimiothérapie et bevacizumab en première ligne de traitement en phase métastatique (36, 37, 38). Dans ces études, les patientes avec une tumeur HER2+ n’étaient pas incluses. Une étude de phase II associant trastuzumab hebdomadaire (2 mg/kg) + bevacizumab toutes les 2 semaines (10 mg/kg) a déjà été présentée (39). Les résultats préliminaires portaient sur 30 patientes non traitées en phase métastatique, avec un taux de réponse égal à 46 %.
Conclusion Le traitement de référence des tumeurs HER2+ RH- est l’association chimiothérapie + trastuzumab en première ligne. Le trastuzumab peut être poursuivi lors de la progression en changeant la chimiothérapie. Le choix des chimiothérapies doit tenir compte de leur toxicité, notamment cumulative. L’association lapatinib + capécitabine est une option après échappement à la première ligne de traitement comportant du trastuzumab. Le bevacizumab n’a pour l’instant pas de place dans le traitement de ces tumeurs.
Chimiothérapie du cancer du sein métastatique RH négatif… 229
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Cancers du sein métastatiques « triples négatifs ». Critères cliniques et biologiques additionnels nécessaires pour prendre une décision thérapeutique. Stratégies thérapeutiques, place des anti-angiogéniques et nouvelles thérapeutiques ciblées T. Bachelot, S.-I. Labidi, O. Tredan, I. Ray-Coquard et J.-P. Guastalla
Cancers « triples négatifs » : définition, relation au phénotype « basal » des analyses transcriptomiques Le cancer du sein est une maladie hétérogène. Longtemps, les différents types de tumeurs n’ont été décrits que de manière histologique. Les années 1980 et 1990 ont vu la mise au point de tests immunohistochimiques (IHC) d’analyse des récepteurs hormonaux aux estrogènes (ER) et à la progestérone (PR). La diffusion de ces techniques et leur application sur de larges cohortes de patientes ont permis la mise en évidence de sous-types « hormono-sensibles » et « hormono-résistants » (1). Durant les années 1990, ont été décris l’oncogène HER2 et son importance pronostique. À la suite des succès thérapeutiques de l’anticorps humanisé anti-HER2 trastuzumab en situation métastatique puis adjuvante, l’évaluation en IHC de cette protéine est devenue indispensable pour toutes les nouvelles patientes (2). Depuis une petite dizaine d’année, la généralisation des analyses IHC de ER, PR et HER2 nécessaires à la définition du projet thérapeutique a permis de définir un groupe de tumeur « triple négative » (ER-, PR- et HER2-), représentant 10 à 17 % des cancers du sein. Ces tumeurs sont généralement agressives, peu différenciées et associées à un index mitotique élevé, leur pronostic est défavorable (3). Ce groupe de patientes « triples négatives » est donc de définition récente et présente un problème thérapeutique en soi puisqu’il s’agit de patientes de mauvais pronostic pour lesquelles il n’y a pas de traitement médical spécifique, en dehors de la chimiothérapie conventionnelle. Parallèlement, et suite à des avancés phénoménales de la biologie moléculaire, à la fin des années 1990 ont été mises au point des techniques d’analyse transcriptomique à haut débit (« puce à ADN »). Ces techniques permettent l’analyse simultanée de l’expression de milliers de gènes et sont donc théoriquement idéales pour différencier précisément différents types tumoraux au sein d’une même entité anatomopathologique (4). Leur application aux cancers du sein a été rapide et les
234 Cancer du sein en situation métastatique premiers résultats ont été publiés par l’équipe de Perou en 1999 (5). Dès ces premières analyses, les auteurs ont mis en évidence quatre sous-types tumoraux : luminal A ; luminal B ; basale et surexprimant HER2. Les tumeurs « HER2+ » sont caractérisées par la surexpression des gènes associés à l’expression d’HER2. Les types « luminaux » ont un profil transcriptomique proche des cellules épithéliales luminales normales et expriment les récepteurs hormonaux et le « cluster » de gène qui leur est associé. Les cancers dits « basaux » ont un profil transcriptomique proche des cellules épithéliales basales normales et expriment des gènes comme les cytokératines de haut poids moléculaire (CK 5/6, 17), l’intégrine β4 et la laminine. À l’opposé, elles n’expriment pratiquement jamais les récepteurs ER et PR ni HER2. Ces tumeurs basales ainsi définies représentent environ 15 % des tumeurs du sein (3, 5, 6). Les études pronostiques associées à ces études transcriptomiques ont montré que ce sous-groupe « basal » représentait une population de mauvais pronostic (4). Rapidement, il a été considéré que les tumeurs « triples négatives » en IHC étaient les tumeurs « basales » des analyses moléculaires. En fait, la réalité est sans doute plus complexe et reste à définir précisément. Les études de référence ayant abordé le problème de la corrélation transcriptomique/IHC montrent que, s’il existe bien une grande corrélation entres les tumeurs définies comme « basales » par l’analyse transcriptomique et les tumeurs « triples négatives », celle-ci n’est pas parfaite et nécessiterait probablement d’être précisée par l’expression IHC d’autre protéines, comme la cytokératine 5/6 ou la protéine HER1 (6). En pratique, le groupe des tumeurs « triples négatives » comprend des tumeurs peu agressives de grade 1 et, inversement, il a été montré dans certaines séries que près de 20 % des tumeurs transcriptomiquement « basales » expriment au moins une des protéines ER, PR ou HER2 (3, 6). Néanmoins, il est raisonnable en pratique courante de considérer que les tumeurs « triples négatives » en IHC sont pour leur très grande majorité des tumeurs de type basal. De ce fait, les hypothèses thérapeutiques pour les « triples négatives » utilisent actuellement largement les informations biologiques dérivant des analyses moléculaires des tumeurs « basales » (7). Ce raccourci bien pratique pourrait être remis en cause dans les années qui viennent avec la poursuite de l’analyse moléculaire des sous-groupes de cancer du sein.
Caractéristiques cliniques des cancers « triples négatifs » D’un point de vue épidémiologique, les cancers « triples négatifs » (CTN) semblent plus fréquents chez les femmes jeunes, présentant une mutation de BRCA1, ou encore chez les femmes de race noire (3, 8-10). D’un point de vue clinique, il a été largement montré que les patientes présentant ce type de cancer avaient dans l’ensemble un mauvais pronostic, à la fois en termes de rechute et de mortalité. Parmi les patientes présentant un cancer du sein localisé, le groupe « triple négatif » a été isolé comme étant un facteur pronostique indépendant de l’envahissement ganglionnaire et de la taille tumorale dans pratiquement toutes les études
Cancers du sein métastatiques « triples négatifs »… 235 rétrospective, avec un risque relatif de rechute deux fois supérieur. Il a été montré que ces rechutes étaient plutôt précoces (du fait de la haute prolifération de ces cellules), plus souvent viscérales et associées à un risque élevé de métastase cérébrale (7-11). Paradoxalement, cette catégorie de patientes fait partie de celle pour laquelle la chimiothérapie est la plus efficace. Ainsi, les « triples négatives » répondent bien mieux à la chimiothérapie néoadjuvante que les tumeurs ER+, avec des taux de réponse complète histologique atteignant 45 % (contre moins de 10 % pour les patientes ER+) (7, 12). Une fois métastatiques, les patientes « triples négatives » sont également celles présentant le plus mauvais pronostic. Néanmoins, du fait de la caractérisation récente de cette entité, il y a encore peu de larges séries publiées dans la littérature. Une équipe du Princess Margarette hospital de Torronto rapporte une analyse rétrospective de 111 patientes traitées dans leurs institution : 70 % avaient des métastases viscérales lors de la rechute métastatique. La médiane de survie sans progression pendant la première ligne de chimiothérapie n’était que de 2,6 mois et la médiane de survie globale n’était que de 13 mois (13). Dans la série de 116 patientes TN du Dana-Farber Institute de Boston, la médiane de survie globale était identique (13 mois), les auteurs insistant sur le taux notable de métastases cérébrales lors de la rechute métastatique (14 %) (14). On observe des résultats comparables en pratique courante. Ainsi, la petite sous-population de 20 patientes « triples négatives » qui a récemment participé à l’étude pronostique « SEMTOF » sur le centre Léon Bérard, l’institut Curie et le centre René Huguenin, a présenté une médiane de survie sans progression en première ligne de chimiothérapie métastatique d’environ 6 mois et une médiane de survie globale inférieure à 18 mois (publication en cours). Ces résultats sont évidement médiocres quand on les compare aux médianes de survie globales des patientes métastatiques hormonosensibles, (médiane de survie à plus de 30 mois) (15, 16) et aux patientes HER2 positives, particulièrement depuis la commercialisation de l’herceptine (médiane de survie globale de plus de 2 ans) (17).
Caractéristiques biologiques des cancers « triples négatifs » Le problème thérapeutique posé par les patientes présentant une tumeur « triple négative » a stimulé une importante recherche de transfert dont le but est d’analyser le plus précisément possible les mécanismes moléculaires responsables de leur tumorogenèse et de permettre ainsi de développer des traitements plus spécifiques. Un certain nombre de caractéristiques biologiques ont été décrites. Ainsi, ces tumeurs sont très souvent associées à des mutations du gène TP53, à une forte expression du récepteur HER1 et des protéines de prolifération comme c-kit, c-jun, c-fos ou encore l’HGF (3). Les CTN sont fréquentes chez les patientes présentant une mutation de BRCA1 (ou BRCA2). Chez ces dernières, il existe une suppression totale de l’activité de ce gène du fait d’une perte d’hétérozygotie (un premier gène anormal hérité, mutation ou délétion du deuxième gène acquise). Il est rapidement apparu que ce gène était également souvent inhibé chez les patientes présentant un
236 Cancer du sein en situation métastatique cancer triple négatif « sporadique », cette suppression n’étant pas due à des mutations mais probablement à une régulation post-transcriptionnelle ou à l’expression d’une protéine inhibitrice (18-20). La protéine BRCA1 a un rôle central dans la réparation des cassures double brin d’ADN par recombinaison homologue (21). La suppression de ses fonctions va donc entraîner une importante instabilité génétique, permettant à la cellule d’accumuler les mutations nécessaires à sa cancérisation, à sa survie et à son agressivité. Inversement, l’hypothèse a été émise que ces cellules devraient être particulièrement sensibles aux traitements induisant des cassures double brin de l’ADN, létale en l’absence de recombinaison homologue efficace. Cette hypothèse a été vérifiée in vitro sur des lignées cellulaires (21). C’est à partir de ces constatations qu’ont été développés les inhibiteurs de la poly(ADPribose)polymérase (PARP), dont il sera question ci-dessous. Ces anomalies expliquent probablement à la fois la sensibilité aux antimitotiques des CTN (ADN fragile) et la facilité avec laquelle ils deviennent résistants à ces traitements (instabilités génétiques) (20).
Traitements médicaux actuels Antimitotiques « classiques » Les cancers « triples négatifs » représentent donc la seule population de cancer du sein pour laquelle aucune thérapeutique ciblée spécifique n’existe. Ainsi qu’on l’a déjà vu, du fait de leur haut index mitotique et de leur particularité génétique, les chimiothérapies actuelles sont particulièrement efficaces sur les cancers triples négatifs en situation néoadjuvante. En revanche, en situation métastatique, les résultats sont médiocres. Il y a peu d’études prospectives utilisant les drogues classiques qui ont clairement identifié la sous-population triple négative. Dans notre étude ERASM 3, comparant une association paclitaxel-épiadriamycine à une association docetaxel-épiadriamycine, le taux de réponse des patientes présentant un CTN est de 35 % et la SSP de 7 mois (22). Dans l’étude du groupe GINECO associant taxol et capécitabine en première ou deuxième ligne, les 26 patientes TN ont une SSP de 6 mois contre plus de 9 pour l’ensemble de la population (23). La plus grande série prospective de patientes présentant un CTN traité de manière homogène en première ligne par une chimiothérapie moderne « de référence » est celle incluse dans le bras témoin de l’étude « pivot » paclitaxel ± Avastin® publiée par Miller en 2007. Les 109 patientes TN traitées par paclitaxel hebdomadaire seul dans le cadre de cette étude ont une SSP de 4,9 mois seulement (contre plus de 8 mois pour les ER+/HER2-) (24). Pour finir, il a été largement discuté de l’intérêt éventuel pour ces patientes de traitements à base de sel de platine, théoriquement plus efficaces du fait des anomalies de réparation de l’ADN associées au phénotype « basal ». En pratique, les résultats publiés, en dehors de toutes petites séries rapportées uniquement en abstract, ne semblent pas bien différents de ceux obtenus avec les autres chimiothérapies. Ainsi, une analyse rétrospective de 33 patientes présentant un
Cancers du sein métastatiques « triples négatifs »… 237 CTN métastatique traitées par sel de platine en première ligne retrouve un taux de réponse à 37 %, et une médiane de SSP de 6 mois (25). Surtout, le bras de référence de l’étude de phase II randomisé du BSI-201, que O’Shaughnessy a présentée en session plénière à l’ASCO en 2009, comportait une association carboplatine-gemcitabine. Les 40 patientes qui n’ont reçu que cette association ont eu un taux de réponse de 16 % et une SSP de 3,3 mois (26). Certes, un certain nombre de ces patientes étaient en deuxième ou troisième ligne, mais on ne peut pas dire que ces résultats valident l’importance des sels de platine pour les patientes présentant un CTN métastatique.
Associations taxanes-bevacizumab L’analyse actuelle de la littérature est clairement en faveur de l’intérêt du bevacizumab dans cette sous-population particulière. L’analyse spécifique des patientes TN a été réalisée dans les deux grandes études de phase III qui ont validé le bevacizumab en première ligne métastatique dans le cancer du sein. Dans l’étude de Miller, testant l’association bevacizumab-paclitaxel, les patientes étaient randomisées entre un bras de référence paclitaxel seul (90 mg/m2/semaine, 3 semaines sur 4) et un bras association (paclitaxel aux mêmes doses associées au bevacizumab à 10 mg/kg tout les 15 jours) (24). Un tiers des patientes incluses, soit 233 d’entre elles, était porteur d’un CTN. Selon les données mises à jour pour le dépôt du dossier d’AMM, la SSP du groupe CTN traité par Taxol® seul est de 5 mois alors que les 121 patientes TN traitées par l’association paclitaxel-Avastin® ont une médiane de SSP de 11 mois. Cette différence correspond à un risque relatif pour la progression de 0,42 (intervalle de confiance à 95 % : 0,30 à 0,59). Elle est significative et a un ordre de grandeur identique à l’analyse sur l’ensemble de la population (RR = 0,48, p < 10-4). On rappelle néanmoins que la survie n’était pas significativement améliorée dans cette étude pour l’ensemble de la population et que les résultats de survie n’ont pas été rapportés pour les analyses en sous-groupes (24). L’étude AVADO rapportée à l’ASCO en 2008 comportait 736 patientes dont 20 % présentaient un CTN. Ces patientes recevaient du docetaxel à la dose de 100 mg/m2/3 s, associé ou non à du bevacizumab, soit à 15 mg/kg/3 s, soit à 7,5 mg/kg/3 s. Les auteurs n’ont pas donné les chiffres exacts de SSP du sous-groupe CTN, mais la diminution du risque de progression apportée par l’Avastin® aux patientes TN est du même ordre de grandeur que celui apporté à la population générale (RR de 0,6 pour les patientes TN traitées par 15 mg/kg/3 s) (27). Ces résultats très encourageants obtenus pour les patientes présentant un CTN ont poussé les laboratoires Roche à réaliser l’étude internationale BEATRICE qui a évalué l’intérêt du bevacizumab en situation adjuvante dans cette population. Cette étude a inclus 2 530 patientes et vient juste de se terminer.
238 Cancer du sein en situation métastatique
Traitements en développement Inhibiteurs de PARP Parmi les développements actuels, on citera en priorité ceux qui cherchent à utiliser la principale « faille » théorique de ces cellules, à savoir le déficit en recombinaison homologue. L’approche la plus radicale est d’utiliser des traitements spécifiquement désignés pour « bénéficier » de cette anomalie de réparation de l’ADN. Ainsi, les cassures simple brin de l’ADN sont normalement réparées spécifiquement par un ensemble d’enzymes dont les PARP sont l’acteur central. Si elles ne sont pas réparées, les cassures simple brin évoluent lors de la duplication de l’ADN en cassure doubles brin, et ces dernières sont létales en l’absence de recombinaison homologue. Ce concept thérapeutique utilise en pratique le principe de la « synthetic lethality », qui pourrait être traduit par « synergie létale », qui est réalisé quand l’inactivation simultanée de deux gènes entraîne la mort cellulaire alors que l’inactivation d’un seul d’entre eux n’a pas de conséquence néfaste (28). Les développements récents des inhibiteurs des PARP permettent donc d’espérer obtenir un « traitement ciblé » des cellules cancéreuses dont l’anomalie génétique principale est l’absence d’activité de BRCA1 ou 2 (29). Cette voie de recherche a été validée de manière impressionnante à l’ASCO en 2009, avec la présentation de l’étude de phase II randomisée de l’association d’un inhibiteur de PARP, le BSI-201 (5,6 mg/kg IV à j1-j4-j8-j11, reprise à j21), avec carboplatine (AUC2/j1-j8, reprise à j21) et gemcitabine (1 000 mg/m2 j1-j8, reprise à j21) (26). Cette étude a inclus 123 patientes présentant un CTN, 83 étaient évaluables pour l’analyse de l’ASCO. Les patientes pouvaient avoir reçu jusqu'à deux lignes de chimiothérapie en situation métastatique. La présence de métastases cérébrales contrôlées était autorisée. Le rajout du BSI-201 a fait passer le taux de réponse objective de 16 % à 48 %, et la SSP de 3,3 à 6,9 mois (p < 0,0001). La toxicité n’était pas augmentée dans le bras association. De manière impressionnante pour une si petite étude, et rare dans le cadre du cancer du sein métastatique, la survie globale était également améliorée, passant d’une médiane de 5,7 mois pour le groupe contrôle à 9,2 mois pour le groupe ayant reçu le BSI-201 (p = 0,0005). Les résultats de cette étude sont très encourageants mais O’Shaughnessy a justement insisté sur le faible effectif qui fait que cette étude n’avait pas assez de puissance pour conclure sur la survie et qu’une vraie étude de phase III de confirmation était nécessaire. Cette étude de phase III, reprenant les même critères d’inclusion que la phase II, a été réalisée aux États-Unis à la fin 2009, on devrait avoir les résultats en 2010. S’ils confirment l’intérêt de cette molécule, l’autorisation de commercialisation devrait suivre rapidement. Toujours à l’ASCO 2009, les résultats d’une étude de phase II évaluant un autre inhibiteur de PARP-1, l’olaparib (AZD 2281), chez les patientes suivies pour un cancer du sein métastatique et porteuses de mutation BRCA, ont également été présentés en communication orale (30). Le statut ER/PR/HER2 de la tumeur de ces patientes n’était pas précisé, mais on peut supposer qu’une grande majorité étaient des CTN. Étaient incluses des patientes
Cancers du sein métastatiques « triples négatifs »… 239 ayant reçu au moins une ligne de chimiothérapie. Cette étude comportait deux cohortes de 27 patientes chacune, recevant 100 mg × 2/j ou 400 mg × 2/j per os. La toxicité était modérée. Un effet antitumoral dose-dépendant a été observé, avec un taux de réponse objective estimé à 41 % dans la cohorte 400 mg × 2/j (SSP à 5,7 mois) et seulement de 22 % dans la cohorte à 100 mg × 2/j (SSP à 3,8 mois). Ces résultats sont également très intéressants dans ce contexte. L’olaparib a par ailleurs une activité antitumorale sur de nombreux types de cancer, à partir du moment où ils apparaissent chez des sujets porteurs d’une mutation de BRCA 1 ou 2, ce qui valide bien l’hypothèse de « synthetic lethality » appliquée à cette approche thérapeutique (31, 32).
Associations taxanes-bevacizumab Une deuxième voie importante de développement clinique concerne l’utilisation de molécules interagissant avec les vois d’activation des récepteurs membranaires à tyrosine kinase, en particulier HER1 dont on a vu qu’il était souvent surexprimé dans cette population de CTN. Les premières études ont été très décevantes (33), néanmoins, des résultats récents sont plus intéressants. En particulier, une étude américaine utilisant le cetuximab avec une forte partie de transfert a été présentée à l’ASCO en 2008. Le taux de réponse pour les patientes traitées par cetuximab seul était de 6 % et pour les patientes traitées par l’association carboplatine + cetuximab de 18 %. Surtout, les analyses de transfert semblent montrer qu’il serait possible de prédire la réponse au cetuximab si les patientes présentent effectivement une activation des voies de signalisation du récepteur à l’EGF (34). Il est donc probable que l’activation d’HER1 est primordiale pour une petite sous-population de « triple négatif ». D’autres études en cours testent ce concept, en particulier une étude de phase II randomisée comparant l’association ixabepilone-cetuximab à l’ixabepilone seule. D’autres tyrosines kinases semblent également impliquées comme c-KIT ou MEK et les voies d’activation sous-jacentes comme mTOR. De nombreuses études sont également en cours pour tester l’intérêt de l’inhibition de ces cibles (20). Au sein du Groupe d’essais précoces de la Fédération des centres de lutte contre le cancer, on met actuellement en place une étude qui testera l’intérêt de l’inhibiteur de mTOR ridaforolimus sur la sous-population de patientes TN présentant spécifiquement une délétion de PTEN ou une mutation de PI3K ou de Akt. Ce type d’approche devrait permettre d’évoluer a terme ver de véritables « traitements à la carte ». Enfin, pour ce qui est des approches plus traditionnelles, malgré l’intérêt théoriquement moindre des taxanes chez ces patientes, les premières données cliniques obtenues avec les épothilones, en particulier l’ixabepilone, (molécules aux mécanismes d’action proche des taxanes) sont assez encourageantes. Parmi les patientes présentant un cancer « triple négatif », l’ixabepilone a permis d’obtenir en situation néoadjuvante, des taux de réponse pathologique complète de 19 %, et a montré une efficacité significative en situation métastatique réfractaire (35, 36).
240 Cancer du sein en situation métastatique
Conclusion et recommandations pour la pratique clinique Les patientes présentant un cancer « triple négatif » à un stade métastatique ont un pronostic médiocre et ne bénéficient pas des thérapeutiques ciblées actuellement disponibles pour les patientes exprimant ER ou HER2. Les résultats publiés avec les chimiothérapies traditionnelles rapportent des taux de réponses, une survie sans progression et une survie globale inférieure à ceux obtenus pour les autres groupes histologiques. Du fait des anomalies de la recombinaison homologue souvent présente dans ces tumeurs, les sels de platine sont théoriquement plus efficaces et ont été présentés comme une alternative thérapeutique intéressante. Néanmoins, il n’y a pas d’étude prospective qui confirme cette hypothèse. Les données publiées sont décevantes ou peu concluantes et ne permettent pas de recommander leur utilisation systématique en première ligne. Parmi les produits qui ont l’AMM, les seules associations qui aient montré un intérêt par rapport à une chimiothérapie standard dans cette population sont celles associant du bevacizumab à un taxane. Il est donc logique de recommander actuellement une association de ce type en première ligne pour une patiente présentant un CTN. Néanmoins, même avec ces traitements modernes, le pronostic des CTN reste très sombre et il est urgent de proposer des alternatives thérapeutiques. L’avènement d’une part de nouvelles thérapeutiques ciblées comme les inhibiteurs de PARP et, d’autre part, le développement d’une véritable « médecine personnalisée » grâce aux nouvelles possibilités des analyses génomiques à haut débit devraient, à terme, permettre une bien meilleure prise en charge de ces patientes.
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Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique : gestion des effets secondaires H. Simon
Introduction L’angiogenèse est un mécanisme indispensable à la croissance tumorale et à la dissémination métastatique. Le principal vecteur de l’angiogenèse est la famille du vascular endothelial growth factor (VEGF) : VEGF-A, VEGF-B, VEGF-C, VEGF-D, VEGF-E, placental growth factor (1). Ces différents facteurs se fixent sur des récepteurs membranaires spécifiques (VEGFR 1 à 3, neuropiline) qui sont à activité tyrosine kinase. Cette liaison va induire des voies de transduction, essentiellement la voie RAF/MEK/ERK et la voie PI3K/AKT/mTOR (2). Les molécules ciblées agissent directement sur l’angiogenèse tumorale : – inhibiteurs de mTOR qui bloquent la molécule mTOR (Rad 001) ; – inhibiteurs de tyrosine kinase qui bloquent les récepteurs au VEGF (sunitinib, sorafenib) ; – anticorps monoclonaux qui bloquent le VEGF lui-même (bevacizumab). Le VEGF-A, plus communément appelé VEGF, qui se fixe sur les récepteurs VEGFR-1 et VEGFR-2 et neuropiline, joue un rôle essentiel au cours de l’angiogenèse physiologique et tumorale. Il est sécrété de manière abondante par de nombreuses tumeurs hématologiques et solides. Il attire et guide le bourgeonnement des nouveaux vaisseaux vers les régions de la tumeur privées d’oxygène. Le bevacizumab est un anticorps monoclonal humanisé qui se lie au VEGF-A et inhibe de ce fait sa liaison à ses récepteurs neutralisant ainsi son activité biologique. Cela provoque la régression de la néovascularisation, l’inhibition de la formation de néovaisseaux et la normalisation de la vascularisation tumorale. Le bevacizumab a démontré son activité dans de nombreuses tumeurs solides dont le cancer du sein et c’est le seul anti-angiogénique qui possède actuellement une AMM dans cette indication en association avec le paclitaxel ou le docetaxel.
244 Cancer du sein en situation métastatique Nous allons donc essentiellement nous intéresser à la gestion de ses effets secondaires dont la plupart sont cependant communs aux autres anti-angiogéniques. En effet, malgré leur sélectivité, ces molécules vont agir aussi sur l’angiogenèse physiologique qui est essentielle au développement et à l’homéostasie des tissus normaux. Elles vont provoquer des effets secondaires totalement différents des toxicités liées aux chimiothérapies auxquelles les cancérologues étaient jusque-là habitués, toxicités qui étaient prévisibles dans le temps et le plus souvent dose-dépendantes. Les médicaments anti-angiogéniques sont responsables eux de complications très liées au terrain et demandent une prise en charge globale du patient incluant l’évaluation des comorbidités du patient, exercice de médecine interne qui nous est peu familier. Les principales complications du bevacizumab dans le traitement du cancer du sein métastatique sont listées dans le tableau I. Les différents grades de toxicités sont classés en fonction des critères du NCI (tableaux II, III et IV). Tableau I – Principaux effets secondaires du bevacizumab dans le traitement du cancer du sein (3-5).
HTA
Protéinurie et toxicité rénale
Risque thromboembolique
Insuffisance cardiaque
Retard Risque Perforation à la hémordigestive cicatrisation ragique
FRÉQUENCE 3 à 20 % à 30 % 18 % grades 1-2 grades 2 à 3,5 % 3 et 4 grade * 3
1à3% grades 3 et 4
<1% 20 à 40 % cancer du 1à2% En fonction grades 1 et sein grades du délai 2 (1 % à 2 % 3-4 après 0,4 à 2 % cancer du cancer du sein chirurgie grade * 3 côlon)
FACTEURS DE RISQUE
aucun HTA de préexistante connu
- ATCD d’accident artériel - âge * 65 - HTA
- exposition antérieure aux anthracyclines - ATCD d’irradiation paroi gauche
chirurgie majeure récente < 28 jours
- ATCD ulcère diverticulite aucun de irradiation connu abdominale - carcinose péritonéale - occlusion
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique… 245 Tableau II – Grades des toxicités du NCI pour l’HTA et la protéinurie. HTA
Grade 3
Asymptomatique, transitoire (< 24 h), augmentation > 20 mmHg pour la diastolique ou > 150/100 mmHg pour un hypertendu antérieur, sans intervention thérapeutique HTA persistante ou récidivante (> 24 h), ou symptomatique avec une augmentation > 20 mmHg de la diastolique ou > 150/100 mmHg pour un hypertendu antérieur avec nécessité d’une monothérapie HTA nécessitant un traitement médicamenteux ou supplémentaire
Grade 4
Crise hypertensive, mise en jeu du pronostic vital
Grade 1
Grade 2
Protéinurie Grade 1
1 + à la bandelette urinaire ou 0,15–1,0 g/24 h
Grade 2
++ à +++ à la bandelette urinaire ou 1,0–3,5 g/24 h
Grade 3
++++ à la bandelette urinaire ou > 3,5 g/24 h
Grade 4
Syndrome néphrotique
Tableau III – Grades des toxicités du NCI pour les thromboses veineuses. Grade 2
Thrombose veineuse profonde ou cardiaque ne nécessitant pas d’intervention
Grade 3
Thrombose veineuse profonde ou cardiaque requérant une intervention : anticoagulation, thrombolyse, pose d’un filtre, traitement invasif
Grade 4
Accident (dont embolie pulmonaire) menaçant le pronostic vital
Tableau IV – Grades des toxicités du NCI pour les événements hémorragiques. Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4
Légère, intervention non nécessaire Symptomatique, intervention médicale ou cautérisation mineure indiquée Imposant transfusion, radiologie interventionnelle, endoscopie, intervention chirurgicale ou radiothérapie Pronostic vital en jeu, intervention chirurgicale majeure indiquée en urgence
Hypertension L’hypertension artérielle (HTA) est l’effet secondaire le plus fréquent observé au cours d’un traitement anti-VEGF : 3 à 18 % de grade 4 et une incidence totale de 22 à 32 % (5, 6). Elle peut survenir n’importe quand au cours du traitement mais le plus souvent elle apparaît quelques semaines après la première administration et, en l’absence de traitement, s’aggrave avec le nombre de cures (7).
246 Cancer du sein en situation métastatique Il a été soulevé l’hypothèse d’une relation entre l’efficacité des traitements antiangiogéniques et l’augmentation de la pression artérielle (8). Ces données méritent d’être validées et confirmées dans des études prospectives car alors on disposerait d’un marqueur prédictif simple de l’efficacité des anti-angiogéniques sur le processus tumoral.
Mécanisme Le mécanisme physiopathologique de l’HTA est incomplètement élucidé mais il est généralement admis qu’il est lié à la raréfaction vasculaire et l’inhibition de la production de monoxyde d’azote (NO) par les vaisseaux, entraînant ainsi une augmentation des résistances vasculaires et donc une HTA (9) (fig. 1).
Fig. 1 – Mécanisme physiopathologique de l’HTA.
Prise en charge (10, 11) Conduite à tenir avant l’administration du bevacizumab Mesure de la pression artérielle en ambulatoire : – par le médecin traitant : valeur usuelle < 140/90 mmHg – ou en automesure : règle des 3 : valeur usuelle < 135/85 mmHg.
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique… 247 Règle des 3 : – 3 mesures consécutives, le matin : entre le lever et le petit déjeuner, à quelques minutes d’intervalle – 3 mesures consécutives, le soir : entre le dîner et le coucher, à quelques minutes d’intervalle – 3 jours de la semaine en période d’activité habituelle Attention : ne pas éliminer de mesures, même si celles-ci paraissent aberrantes et faire la moyenne des chiffres retrouvés Toute HTA préexistante doit aussi être réévaluée : – En cas de PA élevée, un traitement antihypertenseur doit être prescrit (ou modifié), si possible avant l’instauration du bevacizumab mais sans pour autant le retarder. – Il n’y a pas lieu d’administrer un anti-HTA oral ou IV juste avant la perfusion de bevacizumab même si la PA mesurée à cette occasion est élevée… – La seule contre-indication à l’administration du bevacizumab est l’urgence hypertensive qui est exceptionnelle. Les urgences hypertensives (adaptées de ESC/ESH 2007) concernent les : – encéphalopathie hypertensive ; – HTA maligne ; – leuco-encéphalopathie postérieure ; – HTA avec poussée d’insuffisance cardiaque ; – HTA avec infarctus du myocarde ; – HTA avec angor instable ; – HTA et dissection de l’aorte ; – HTA et accident vasculaire cérébral.
Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab Elle consiste en un contrôle systématique de la pression artérielle (PA) en cours de traitement, 1 semaine, 2 semaines, 1 mois après le début du traitement puis si tout va bien une fois par mois (tableau V).
Comment traiter ? – En l’absence de protéinurie on peut employer l’une des cinq classes d’antihypertenseurs : diurétiques, inhibiteurs calciques, bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), antagonistes de l’angiotensine II (ARA 2). Mais si on emploie des diurétiques, il faut faire attention au ionogramme sanguin en cas de troubles digestifs provoqués par les chimiothérapies associées et à la calcémie qui peut être augmentée par les diurétiques thiazidiques. Les inhibiteurs calciques, et en particulier les dihydropyrimidines, peuvent être facilement employés avec le bevacizumab car il n’y a pas d’interaction médicamenteuse comme avec le sunitinib ou le sorafenib. Et, enfin, il faut se rappeler que les IEC et peut-être les ARA 2 entraînent une surexpression du VEF et de ses récepteurs dans les tissus ischémiques, ce qui est exactement l’effet que vise à contrer l’emploi des anti-angiogéniques…
248 Cancer du sein en situation métastatique Tableau V – Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab. PA
Surveillance
Conduite à tenir
Pas de modification de la prescription de bevacizumab Traitement hypertenseur : PA non PA 1 fois par mois ou - si PA modérément élevée : monothérapie contrôlée* chez plus fréquent tant que la - si HTA sévère : bithérapie d’emblée une patiente PA n’est pas contrôlée Pas de modification de la prescription de asymptomatique bevacizumab PA 1 fois par semaine Traitement hypertenseur : tant que l’HTA est PA non - bithérapie d’emblée le plus souvent symptomatique contrôlée* chez - intensification rapide du traitement => Obtention d’un une patiente Pas de modification de la prescription de contrôle tensionnel symptomatique bevacizumab adéquat INDISPENSABLE Hospitalisation Urgence Prise en charge de l’urgence hypertensive Arrêt du bevacizumab PA normale ou HTA contrôlée
PA 1 fois par mois
* PA non contrôlée : PA (en automesure tensionnelle) > 135 et/ou 85 mmHg ou PA (de consultation) * 140 et/ou 90 mmHg
Il serait peut-être plus prudent, en attendant de plus amples informations, de commencer les traitements par un inhibiteur calcique et/ou un diurétique qui peuvent, si besoin, être prescrits en association. – En cas de protéinurie, l’utilisation d’un IEC ou d’un ARA 2 est cependant préférable en première intention. – Si une association thérapeutique est nécessaire, on suivra les recommandations de l’HAS (fig. 2).
Fig. 2 – Recommandations de l’HAS.
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique… 249
Protéinurie L’excrétion urinaire de plus de 0,15 g/24 h de protéines est considérée comme une protéinurie pathologique. C’est un effet secondaire très fréquent du bevacizumab : son taux de survenue varie entre 21 et 64 % selon les études (12) et il est de 23 % chez les 1 132 patients avec différents types de cancers inclus dans les essais cliniques avec le bevacizumab (13) et dans les cancers du sein ; cette incidence varie entre 20 et 30 % (4) dont 2 à 3,5 % de grade * 3. La protéinurie peut survenir avec un délai variable après la mise sous traitement anti-angiogénique. Elle est presque constamment associée à l’HTA et comme l’HTA elle est habituellement réversible à l’arrêt des anti-VEGF (10). Elle est dépendante de la dose de bevacizumab (12). Elle est le plus souvent sans conséquence sur la poursuite du traitement et la fonction rénale mais ont aussi été décrits de manière exceptionnelle des syndromes néphrotiques, des insuffisances rénales aiguës, des glomérulopathies prolifératives, des néphrites interstitielles, des microangiopathies thrombotiques (14, 15).
Mécanisme La protéinurie chez les patients traités par bevacizumab est attribuée à des altérations de la barrière endothéliale séparant le sang glomérulaire rénal de l’urine. Au niveau du rein, le VEGF est synthétisé et libéré par les podocytes périglomérulaires et active le VEGFR des cellules endothéliales glomérulaires agissant ainsi sur la perméabilité de la barrière endothéliale. Son inhibition entraîne des modifications majeures des fenestrations endothéliales, responsables d’une protéinurie (16).
Prise en charge (10, 11) Conduite à tenir avant l’administration du bevacizumab – La réalisation d’une bandelette urinaire (BU) et l’estimation de la fonction rénale sont des préalables indispensables à l’administration de bevacizumab (fig. 3).
Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab (10, 11) – Contrôle systématique de la protéinurie par bandelette urinaire avant chaque administration d’anti-angiogénique et calcul du débit de filtration glomérulaire (de préférence par la formule du MDRD) une fois par mois si stable, une fois par semaine si aggravation de la fonction rénale. La conduite à tenir est ensuite la même qu’avant la première administration de bevacizumab. – Il ne faut pas méconnaître trois complications rares mais sévères (tableau VI).
250 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 3 – Évaluation de la fonction rénale et de la protéinurie avant l’administration de bevacizumab d’après Halimi (10). Tableau VI – Complications à l’administration du bevacizumab. 3 complications sévères rares
Définition
Microangiopathie thrombotique
Altération de la fonction rénale, HTA sévère, hémolyse et thrombopénie
Insuffisance Altération progressive rénale rapidement de la fonction rénale progressive sur quelques semaines Syndrome néphrotique
Protéinurie * 3 g/g (ou * 3 g/24h) et hypoalbuminémie < 30 g/L
Conduite à tenir
• Arrêt du traitement par bevacizumab • Avis néphrologique dans les 48 heures • Reprise du traitement ultérieur selon balance bénéfice/risque
Risque thromboembolique L’administration de bevacizumab est associée à une augmentation du risque de thrombose essentiellement artérielle. L’analyse des données de 1 745 patients inclus dans cinq essais randomisés comparant bevacizumab plus ou moins chimiothérapie montre un risque accru de thrombose artérielle pour les patients qui reçoivent du bevacizumab (3,7 % versus 1,7 %, soit une augmentation de l’incidence de 2 %) mais pas de thrombose
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique… 251 veineuse. Les facteurs de risque étaient l’existence d’un antécédent de thrombose artérielle ou un âge supérieur à 65 ans (17).
Mécanisme L’inhibition du VEGF empêche le renouvellement des cellules endothéliales en réponse à un traumatisme. Cela entraîne le relargage de facteurs tissulaires qui activent la cascade le la coagulation. De plus, comme nous l’avons vu pour le déclenchement de l’HTA, cette inhibition du VEGF provoque aussi la diminution de production de monoxyde d’azote NO qui lui a pour rôle d’empêcher l’agrégation et l’adhésion des plaquettes (18).
Prise en charge (11) Conduite à tenir avant l’administration du bevacizumab Il faut rechercher l’existence : – d’antécédents d’événements artériels : accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire, infarctus du myocarde, etc. ; – de facteurs de risque : antécédents familiaux, tabagisme, hypercholestérolémie, diabète, HTA, faible activité physique, obésité abdominale, cardiopathie connue ; – de signes fonctionnels : douleur thoracique à l’effort, dyspnée, claudication intermittente. Puis il faut réaliser un ECG à la recherche d’éventuelles ondes Q de nécrose ou troubles de la repolarisation (ondes T négatives, sous-décalage de ST). Un antécédent de thrombose artérielle dans les 6 mois précédent contre-indique l’administration de bevacizumab, s’il est plus ancien le traitement est possible mais avec une surveillance très attentive. Un antécédent de thrombose veineuse n’empêche pas un traitement par bevacizumab, de même qu’une anticoagulation en cours mais avec un suivi clinique et biologique accru.
Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab (3, 11) En cas d’accident artériel : arrêt définitif du bevacizumab. En cas d’accident veineux (grades : cf. tableau III) : – grade < 4 : • suspendre le bevacizumab pendant au moins 2 semaines ; • le reprendre quand : - l’anticoagulation est équilibrée ; - si pas d’antécédent hémorragique ayant imposé une transfusion ; - si pas d’envahissement des gros vaisseaux par la tumeur ; – grade 4 (= menaçant le pronostic vital dont embolie pulmonaire symptomatique) : arrêt définitif du bevacizumab.
252 Cancer du sein en situation métastatique
Insuffisance cardiaque C’est un effet secondaire rare qui a cependant été retrouvé avec une fréquence de 1 à 2 % dans les traitements du cancer du sein (19, 20), alors que c’est un effet quasiment inconnu dans les autres indications du bevacizumab. Il y a vraisemblablement une relation entre la survenue de cet effet secondaire et un antécédent de chimiothérapie par anthracyclines ou de radiothérapie de la paroi thoracique gauche (20).
Mécanisme Il a été supposé qu’un des mécanismes de survenue de cette insuffisance cardiaques est qu’en l’absence de plasticité vasculaire bloquée par les anti-angiogéniques, l’hypertrophie cardiaque, réponse normale et réponse adaptée à une HTA, ne peut se produire et qu’alors l’évolution se fait vers une insuffisance cardiaque (21).
Prise en charge Il faut systématiquement faire une évaluation cardiologique avant traitement : – échographie cardiaque souhaitable ; – ECG systématique. Il n’est pas nécessaire de répéter les échographies cardiaques de manière systématique, mais en cas d’apparition de signes cliniques mêmes mineurs comme une fatigue inexpliquée il faut redemander un bilan cardiologique.
Retard à la cicatrisation L’angiogenèse joue un rôle majeur dans le processus de cicatrisation, les anti-angiogéniques vont donc le perturber. La fréquence de ce retard à la cicatrisation est fonction du délai après une chirurgie. Dans le cancer du côlon, des problèmes de cicatrisation sont observés dans 2 à 3 % des cas si le bevacizumab est débuté plus de 28 jours après la chirurgie et dans 7 à 10 % des cas si le traitement est plus précoce (22).
Conduite à tenir avant l’administration du bevacizumab Ne débuter le traitement qu’après un délai de : – 28 jours après une chirurgie majeure ; – 24 heures au minimum après la mise en place d’une CIP, voire 7 jours pour certains (23). Et dans tous les cas de chirurgie même mineure (extraction dentaire, etc.), attendre la cicatrisation complète avant de débuter le traitement.
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique… 253
Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab (24) Patient avec un problème de cicatrisation : – interruption du traitement jusqu’à cicatrisation complète. Patient devant subir une chirurgie : – interruption du traitement : • si possible pendant 6 semaines = 2 demi-vies du bevacizumab ; • et au moins pendant 4 semaines ; • en cas de chirurgie hépatique ou digestive : 6 à 8 semaines ; – même règle de précaution en cas de polypectomie colique ou d’extraction dentaire.
Risque hémorragique L’inhibition du VEGF entraîne une diminution de la capacité de multiplication des cellules endothéliales après un traumatisme et provoque leur dysfonction avec des anomalies de la paroi interne des vaisseaux. Cela a pour conséquence de favoriser les saignements qui sont très fréquents pour les grades 1 et 2 (20 à 40 %) et exceptionnels pour les grades * 3 (0,4 à 2 %) (tableau II).
Conduite à tenir avant l’administration du bevacizumab (11) Informer la patiente et son médecin Risque d’hémorragie le plus souvent mineure en particulier nasale, gingivale, ou vaginale. Pas d’aspirine > 325 mg/jour. Surveillance étroite en cas de traitement anticoagulant. Prévention des épistaxis rencontrées surtout en association avec les taxanes : 1) humidification lavage des fosses nasales au sérum physiologique ; 2) traitement de la rhinite chimio-induite par dérivés soufrés. Préventions des gingivorragies et stomatites : 1) soins dentaires et parodontaux avant traitement ; 2) hygiène buccale +++, brossage des dents avec brosse à dents souple ; 3) bains de bouche systématiques au bicarbonate.
254 Cancer du sein en situation métastatique
Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab (3, 11) Traitement des épistaxis (tableau VII) 1) En cas de croûtes, mettre à l’entrée du conduit nasal de la pommade antibiotique type Fucidine® ou Mupiderm® ou de la pommade apaisante type Homéoplasmine®. 2) Traitement de l’épistaxis mineure par pommade HEC et/ou Coalgan®. 3) Si épistaxis plus importante, faire appel à un ORL. Risque exceptionnel de perforation de la cloison nasale.
Tableau VII – Conduite à tenir pendant l’administration de bevacizumab. Sévérité de l’hémorragie
Conduite à tenir
Grade 1 : légère, intervention non nécessaire
Pas de modification de la prescription de bevacizumab
Grade 2 : symptomatique, intervention médicale ou cautérisation mineure indiquée
Pas de modification de la prescription de bevacizumab
Grade 3 : imposant transfusion, radiologie interventionnelle, endoscopie, intervention chirurgicale ou radiothérapie
Arrêt définitif du bevacizumab
Grade 4 : pronostic vital en jeu, intervention chirurgicale majeure indiquée en urgence
Arrêt définitif du bevacizumab
Perforation digestive C’est un effet rare mais potentiellement grave : < 1 % pour le cancer du sein (19, 20), 1 à 2 % pour le cancer du côlon. Les facteurs de risque sont (5) : – antécédent de diverticulite ou d’ulcère ; – occlusion ; – carcinose péritonéale ; – tumeur digestive en place ; – ATCD d’irradiation abdominale (dont radiothérapie antalgique osseuse).
Traitement anti-angiogénique du cancer du sein métastatique… 255
Conduite à tenir pendant l’administration du bevacizumab Un diagnostic précoce est essentiel, il faut donc rechercher systématiquement les signes évocateurs (24), comme une douleur abdominale soudaine associée à : – constipation et/ou vomissements ; – et à une hyperthermie. Si une perforation survient : arrêt définitif du bevacizumab.
Conclusion Le bevacizumab a prouvé son efficacité dans la prise en charge du cancer du sein métastatique. Son absence de toxicité croisée majeure avec les cytotoxiques permet une bithérapie bien tolérée. Les effets secondaires graves de cette molécule sont rares, les effets secondaires fréquents sont facilement gérables si on les évalue régulièrement. Le dialogue avec la patiente et son médecin traitant est primordial pour une bonne prise en charge et le maintien de la meilleure qualité de vie possible des patientes.
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Les consultations d’annonce : faut-il une approche particulière pour la situation métastatique ? Approche du psycho-oncologue P. Saltel
L’importance des moments d’annonce de « mauvaises nouvelles » est pleinement reconnue dans le soin en cancérologie mais la spécificité de la situation métastatique reste moins étudiée et « standardisée » qu’aux étapes initiales de la maladie. Si l’on s’attache à envisager le cas d’une récidive locale ou métastatique dans les cancers du sein, il s’inscrit le plus souvent dans une relation soignante déjà établie et ainsi participe surtout de la « singularité » de chacun des acteurs impliqués, soignants et soignée. Enfin, dans un contexte où les protocoles de traitements peuvent être plus difficilement argumentés par les résultats d’essais cliniques, les enjeux de l’engagement confiant du patient et de la conviction du soignant occupent bien vite une place décisive ! Les cliniciens s’accordent volontiers à faire de la récidive une épreuve particulièrement déstabilisante pour chacun, tant elle vient décevoir les espoirs souvent légitimes de guérison et sembler mettre en cause tous les efforts précédents ! La littérature rapporte à ce propos des données un peu contradictoires. De nombreux auteurs partagent un tel point de vue et soulignent combien la prise de conscience d’une dimension fréquente d’incurabilité est cruelle mais une étude prospective récente (1), qui compare les réactions d’une cohorte de patientes traitées pour cancer du sein, au temps initial de la découverte de leur maladie et à celui de l’annonce ultérieure d’une récidive, nuance ce constat. On observerait peu de différence de l’intensité des réactions émotionnelles dans ces deux situations, mais plutôt un changement de la nature des préoccupations qui s’orientent alors sur les enjeux propres à la maladie cancer. Le bouleversement émotionnel lié aux répercussions familiales possibles, aux perturbations dans le quotidien est moindre. Les manifestations dépressives ou d’anxiété généralisée sont aussi plus discrètes. Tout se passe comme si l’expérience vécue au cours des premières étapes du traitement constituait une aide pour s’adapter à ce nouvel état. Dans une autre enquête (2) concernant plusieurs types de cancers à un stade assez avancé, les personnes interrogées sur leurs attentes et insatisfactions, à propos de la communication et l’information dans ces circonstances, hiérarchisent leurs
258 Cancer du sein en situation métastatique besoins de manière quelque peu contradictoire avec ce qui est habituellement décrit dans la littérature et même enseigné aux soignants. C’est la question de « comment mieux contrôler eux-mêmes et prévenir les effets secondaires de la chimiothérapie » qui est proportionnellement la plus citée par ces personnes (37 %), c’est ensuite la rapidité de l’information à propos des résultats des nombreux examens et bilans qui vont se succéder (35 %). On comprend que, en particulier, la réponse tumorale à la chimiothérapie soit une préoccupation majeure comme le montre notre activité clinique quotidienne ! Les divers bilans vont désormais rythmer la vie… les discussions liées aux doutes, à la frustration qu’une régression tumorale au début souvent nette devienne ensuite moins significative, feront le contenu et la difficulté de bien des consultations. L’importance de la communication de ces résultats entre les différents cliniciens dans un contexte de soin pluridisciplinaire est le troisième thème considéré comme important (28 %). La qualité de leur collaboration (« travaillent en équipe ») en est le quatrième et le cinquième (22 % avec l’ensemble des soignants et 19 % au sein de l’équipe de cancérologie). Les patients sont donc très attentifs à ce que leurs médecins, en particulier le médecin généraliste ou d’autres spécialistes, soient eux aussi informés en temps réel de ces bilans et impliqués dans la conduite du traitement. Cette étude proposait 44 thèmes, seuls 8 d’entre eux seront le prétexte d’une attention ou d’une exigence d’amélioration chez plus de 15 % des personnes interrogées. Parmi ceux-ci, 5 concernent les modalités d’organisation du soin au quotidien ! Les questions explorant plutôt la dimension empathique, la compréhension des enjeux, la discussion du pronostic ne sont chacune citées que par 5 à 10 % de cette population. On peut considérer que ces résultats tiennent à ce que l’alliance thérapeutique est déjà créée mais aussi à ce qu’une meilleure connaissance de l’environnement médical rend moins traumatique, plus serein ce nouvel engagement dans le soin. La compétence, l’organisation de l’équipe deviennent légitimement les priorités. Le risque d’une discordance entre les soignants et les patientes dans les critères de choix pour l’engagement ou la poursuite d’un traitement, dans ce contexte de maladie métastatique évolutive, est fréquemment évoqué. On sait combien, malgré une efficacité annoncée bien relative ou une toxicité importante, la malade pourra rester motivée à prolonger ou renouveler le traitement. La prise en charge va ainsi mettre à l’épreuve les « limites » que le savoir ou l’expérience des soignants attribuaient à tel projet de soin, telle thérapeutique et parfois elles pourront paraître, quelque peu se dérober. Le clinicien, les proches, la patiente se sentent ainsi entraînés dans une démarche dont l’échéance s’estompe et qui doit sans cesse être réélaborée ! Comment l’enjeu de l’annonce peut-il s’inscrire dans une telle temporalité qui ne parvient pas plus à conforter les expériences d’un passé qu’à légitimer l’audace d’un futur… Comment éviter que la patiente devienne alors son propre cobaye et en vienne à revendiquer implicitement qu’on la suive avec une certaine confiance. Plutôt que d’utiliser la notion de collusion soignant/soigné pour une certaine dénégation du réel, comme le fait la littérature psycho-oncologique, ne faut-il pas se préparer à répondre au cours d’une consultation, à la question biblique : « homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté… ? »
Les consultations d’annonce : faut-il une approche particulière… 259 L’étude de Grunfeld (3) témoigne du risque de solitude pour la patiente dans ces circonstances du choix des thérapeutiques d’une nouvelle « ligne de chimiothérapie ». Pour la décision d’une « première ligne » et alors que les patientes se disent à presque 90 % satisfaites des informations fournies, l’implication dans la décision est un peu moins active qu’ensuite pour la deuxième ligne (la proportion passe de 34 à 44 %) et elle se fait à partir d’arguments échangés pendant la consultation, assez différents : l’« activité sur le cancer » était discutée à la première étape dans 83 % des cas et seulement dans 64 % pour la seconde ligne, l’effet sur les symptômes est moins argumenté de même que les effets secondaires. En revanche, c’est « donner de l’espoir » qui devient à 43 % un argument décisif. Mais surtout, on note une influence plus faible de l’entourage dans ces choix successifs, son importance passe de 47 à 28 % des cas. Heureusement, plusieurs études témoignent d’une bonne conservation des relations sociales et familiales avec même des améliorations. Il sera toujours utile d’interroger la patiente sur les « messages » qu’ellemême doit donner à ses proches pour justifier ses choix, leur expliquer la situation. C’est une opportunité pour l’aider à envisager la manière de les informer selon les différentes possibilités de résultats obtenus et à venir... Une patiente plus aguerrie, un soignant peut-être moins affirmatif, les probabilités statistiques ne sont pas si commodément utilisables pour une éventuelle « décision partagée ». C’est plutôt les convictions plus ou moins partagées par le soignant et la patiente qui seront déterminantes avec alors le risque d’une interprétation fort subjective, des intentions respectives… Le recours à des données pronostics constitue une dimension plus objective, néanmoins elle est fort délicate. Robinson (4) souligne l’impact d’évoquer le « futur » pour faciliter une certaine concordance des représentations entre le médecin et le patient sur la gravité de la situation. À la suite de l’enregistrement de consultations médicales en phases évoluées de maladie, et alors que l’espérance de vie est réduite, l’interrogatoire du patient révèle qu’un accord « correct » existe seulement dans 38 % des cas (22 % accord relatif) et pour presque tous les désaccords (sauf 1 sur 73), le patient a un point de vue plus optimiste que le médecin ! Le seul facteur corrélé à un bon accord sera le nombre de propos pessimistes sur l’avenir du patient tenus par le médecin dans la consultation et donc pas uniquement sur l’état actuel. Au cours des 181 enregistrements, cela n’avait été le cas que dans 42 % des cas. Si l’évocation de données pronostiques est souhaitable et possible, il convient d’en respecter les conditions comme celles proposées par Hack (5) (tableau I). Dans des circonstances aussi complexes, ce sera l’abord de la dimension corporelle par la discussion des symptômes souvent intriqués, la toxicité des chimiothérapies ainsi que l’attention manifestée aux perturbations de la qualité de vie, qui autoriseront une présentation anticipée de la diversité d’options possibles pour la prise en charge de la maladie et en particulier une explicitation des enjeux et objectifs des soins dits « palliatifs » ! Ceci ne doit pas apparaître comme l’attente d’un échec des tentatives thérapeutiques en cours mais du constat fait avec la patiente qu’elle peut parfois négliger certaines manifestations, que ses plaintes sont trop souvent prudentes, sa souffrance banalisée par elle-même… qu’on s’étonne du peu
260 Cancer du sein en situation métastatique Tableau I – Conditions recommandées pour la révélation d’un pronostic sévère (selon Hack). 1. Une relation soignante confortée par une rencontre précédente établissant connaissance et confiance réciproque 2. Discussion préalable approfondie avec le patient sur ses attentes et préférences à ce sujet 3. S’assurer de la bonne compréhension des enjeux et de la juste proportionnalité et relativité des valeurs indiquées 4. Toujours associée à une attitude empathique et à des perspectives pouvant encourager un « espoir » 5. Révélation cohérente avec l’attitude et les informations apportées par les autres acteurs du soin qui doivent dès lors être aussi informés de cette annonce 6. Prendre en compte l’attitude des proches et évoquer avec le patient les conditions du partage de l’information avec eux
de revendications à cet égard ! En rappelant que les décisions quant au traitement dépendront désormais surtout des priorités que la patiente indique aux soignants, qu’elle pourra exprimer ses hésitations, doutes mais aussi espoirs sans se voir opposer son ambivalence, il est souvent possible de construire un projet de soin qui n’expose pas la patiente aux vertiges de l’abandon et les soignants aux mises en causes liées à une apparente « futilité » du traitement.
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Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses D. Ammar
Position du problème Les métastases osseuses sont une cause fréquente de douleurs. Elles sont douloureuses dans 90 % des cas (1), et ne sont asymptomatiques que dans 10 % des cas (2). La douleur des métastases osseuses aggrave le handicap qui aggrave la douleur, constituant un véritable cercle vicieux. De plus la douleur entraîne des complications physiques, psychologiques, diminuant l’élan vital et la qualité de vie (3-5). Ainsi 60 à 90 % des patientes titrées souffrent d’accès douloureux paroxystiques qui entraînent un déconditionnement à l’effort et une kinésiophobie, responsables à leur tour de douleurs musculaires mécaniques qui majorent le déconditionnement. Les complications de décubitus (escarres, phlébite…) sont alors plus fréquentes. L’asthénie est majorée ainsi que le sentiment de vulnérabilité. Le handicap fonctionnel et les troubles posturaux fréquents dans les fractures vertébrales majorent les douleurs musculaires et modifient l’estime de soi. Les douleurs surtout lorsqu’elles se majorent sont fréquemment interprétées comme la preuve de l’aggravation inéluctable de la maladie ce qui provoque bien souvent détresse, anxiété et majoration d’un état dépressif. De plus la douleur du patient augmente la souffrance de la famille, des proches et des soignants et favorisent certains pièges relationnels (3). Le projet algologique, dans ce contexte, loin de se résumer uniquement à la diminution de l’intensité de la douleur, a pour objet d’améliorer la qualité de vie et de favoriser la reprise d’élan vital. Il se doit d’être précoce pour prévenir les cercles vicieux en cascades, et pluridisciplinaire d’emblé comme le propose les RCP dédiées. Si la douleur est fréquente dans ce contexte, 75 à 90 % (3, 14, 15) des patientes sont soulagées lorsque l’on applique les recommandations d’experts (3, 5, 9-12). Cependant, ces recommandations sont trop souvent méconnues et insuffisamment appliquées (8). Nous proposons dans ce chapitre d’en rappeler les points essentiels.
262 Cancer du sein en situation métastatique Dans 10 % à 25 % (15) l’application de ces recommandations ne permettent pas de soulager suffisamment les patientes. Nous proposons d’exposer les principes de prévention de ces situations d’échecs, et de présenter quelques actualités concernant les traitements antalgiques non spécifiques de ces douleurs dites « rebelles ».
Évaluation et sémiologie douleur : une étape essentielle Dans une étude multicentrique réalisée auprès de 605 patients en 1991 puis en 2002, Brasseur et ses collaborateurs montrent que la différence d’appréciation de l’intensité moyenne de la douleur entre le médecin et le patient est un facteur de risque significatif (en analyse univariée et multivariée) d’une prise en charge antalgique inadaptée (16).
L’évaluation de la douleur prévient certains « échecs thérapeutiques » L’évaluation de la douleur permet de prévenir certains échecs thérapeutiques, de définir des objectifs thérapeutiques réalistes pour renforcer l’alliance thérapeutique, de prévenir certains conflits soignants-soignants et familles-soignants, de dépister les douleurs non exprimées et de répondre aux obligations légales. Elle oriente le diagnostic et le traitement étiologique, et permet de choisir les traitements symptomatiques adaptés. Voilà pourquoi nons proposons de rappeler les temps incontournables de cette évaluation.
Seule la patiente sait La douleur est un symptôme subjectif comme la dyspnée, l’anxiété. Seul celui qui a mal sait : « où, comment, depuis quand, avec quelle intensité… ». L’enjeu pour le soignant est de savoir ce que le malade sait, car ces caractéristiques de la douleur fondent le diagnostic sémiologique indispensable au choix du traitement antalgique adapté et à l’orientation des diagnostics étiologiques. Cependant la douleur est souvent difficile, car elle entretient un rapport structurel au langage différent des perceptions sensorielles telles que la vue ou l’odorat (18). En changeant de posture (« le patient sait et je ne sais pas »), le soignant amical, consciencieux et compétent crée l’espace nécessaire à l’élaboration de la plainte qui lui permet de découvrir où la patient a mal, depuis quand, comment, avec quelle intensité, qu’est-ce qui l’aggrave, qu’est ce qui le soulage. La qualité de la relation soignant-soigné est en ce sens le « premier outil » de l’évaluation de la douleur. Il appartient au soignant d’apprendre à construire cette relation pour favoriser l’alliance thérapeutique qui détermine l’observance et la compliance aux traitements.
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 263 Juger de la plainte, juger le patient sur son comportement, tester sa douleur par un médicament placebo empêche de connaitre la réalité du symptôme et revient à se disqualifier dans la relation thérapeutique. En effet on ne peut pas ressentir la douleur d’autrui car s’il existe une empathie à la souffrance, il n’existe pas d’empathie à la douleur (17, 18). On ne peut donc savoir mieux que le patient s’il a vraiment mal ou non, s’il surévalue sa douleur ou pas. De plus, le comportement douloureux n’est pas un bon indicateur car il dépend du conditionnement familial et culturel de la patiente dont le soignant a rarement le code. Enfin, le « test placebo », sensé distinguer dans les situations d’échec thérapeutique les vraies et les fausses douleurs ou les douleurs psychogènes et somatique, est à proscrire. En effet il n’existe pas de vraies et de fausses douleurs pour l’International Association of Study of Pain. Toute douleur est une « vraie douleur » que sa cause soit une lésion tissulaire réelle, qu’elle soit potentielle, comme par exemple dans la douleur ressentie avant un soin douloureux répété, ou qu’elle soit psychogène ou fonctionnelle. De plus, l’effet placebo (qui peut être recruté par un médicament placebo inactif, actif, un geste ou une relation soignantsoigné de qualité) peut soulager la douleur une fois sur trois quelle que soit son étiologie et quel que soit le profil psychologique du patient (22). Il résulte de l’activation par le contrôle inhibiteur descendant neuronal à chaque étage médullaire d’un inter-neurone enképhalinergique qui inhibe par libération d’endorphine la première synapse des voies de la douleur (34, 35). Si le test placebo introduit un mensonge propice au conflit qui peut nuire à l’accompagnement du patient, tenter de recruter l’effet placebo par une relation thérapeutique de qualité est toujours bénéfique. Quelques questions essentielles pour définir la sémiologie douloureuse :
Où avez-vous mal ? Avez-vous d’autres douleurs ? 81 % des patients présentent deux localisations douloureuses en cancérologie et 34 % trois localisations (3). Connaître toutes les douleurs du patient et leurs irradiations diminue le risque d’échec thérapeutique et oriente le diagnostic étiologique. Certains tableaux cliniques sont trompeurs, car il existe une discordance anatomoclinique dans la douleur et les douleurs référées ou rapportées sont fréquentes. Par exemple : 1. les douleurs occipitales, souvent intenses et s’aggravant lors de tout mouvement de flexion et d’extension du rachis cervical, associées à des troubles neurologiques dissociés des membres supérieurs et inférieurs, sont typiques des fractures ou des subluxations C1-C2 ; 2. les douleurs interscapulaires évoquent une atteinte C7-D1; 3. les douleurs uni- ou bilatérales siégeant au niveau de la crête iliaque ou de la sacro-iliaque doivent faire rechercher une atteinte D10-D11 ; 4. les douleurs céphaliques et les atteintes des nerfs crâniens sont fréquemment retrouvées dans les atteintes de la base du crâne ;
264 Cancer du sein en situation métastatique 5. dans les épidurites, on constate régulièrement un décalage du niveau algique de 1 à 3 métamères au-dessus ou en dessous de la lésion radiologique. Les atteintes radiculaires doivent systématiquement faire rechercher une atteinte centrale associée (compression, épidurite).
Depuis quand avez-vous mal ? Cette question permet de distinguer les douleurs aiguës, des douleurs chroniques et du syndrome douloureux chronique, dont l’évolution, la physiopathologie et la prise en charge diffèrent. Les douleurs chroniques et les syndromes douloureux chroniques préexistants au cancer sont un facteur de risque de douleurs plus intenses et plus difficiles à soulager. Le syndrome douloureux chronique est défini (19) comme une douleur présentant plusieurs des caractéristiques suivantes : 1. douleur persistante ou récurrente ; 2. dure au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée notamment si la douleur évolue depuis plus de 3 mois ; 3. réponse insuffisante au traitement ; 4. détérioration significative et progressive du fait de la douleur, des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient dans ses activités de la vie journalière, au domicile comme à l’école et au travail. Les patients souffrant d’un syndrome douloureux chronique justifient d’une prise en charge spécialisée en consultation douleur.
Comment avez-vous mal ? Cette question a pour objet de distinguer les douleurs neuropathiques, des douleurs nociceptives (mécaniques, inflammatoires et viscérales), fonctionnelles et idiopathiques dont l’évolution, la physiopathologie et la prise en charge diffèrent. Les douleurs métastatiques osseuses sont généralement inflammatoires, mais peuvent être accompagnées de douleurs mécaniques de déconditionnement à l’effort, d’une composante neuropathique radiculaire ou centrale. L’échelle DN4 (tableau I), échelle diagnostique validée (20), facilite l’identification des douleurs neuropathiques ou de la composante neuropathiques du syndrome algique. Sa passation est simple et rapide (7 mm). Cette échelle diagnostique peut être utilisée par des soignants formés pour optimiser le dépistage systématique des douleurs neuropathique. Le diagnostic positif de douleur neuropathique est très probable quand le score est supérieur à 4/10 (tableau I). La recherche d’un territoire neurologique systématisé complète la démarche du clinicien et oriente son diagnostic étiologique. Dans les tableaux de douleur mixte, qui sont les plus fréquentes en situation métastatique, il convient de distinguer chaque composante pour orienter précocement le diagnostic étiologique et définir les stratégies antalgiques combinées.
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 265 Tableau I – Échelle DN4. Coter 1 si l’item est présent et 0 s’il est absent
oui
non
Brûlures
1
0
Sensation de froid douloureuse
1
0
1) La douleur présente-t-elle les caractéristiques suivantes ?
Décharges électriques 1 0 2) La douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ? Fourmillements 1 0 Picotements
1
0
Engourdissements
1
0
Démangeaisons
1
0
3) La douleur est-elle localisée dans un territoire ou l’examen met en évidence ? Hypoesthésie au tact
1
0
Hypoesthésie à la piqûre
1
0
1
0
4) La douleur est-elle provoquée ou augmentée par ? Le frottement Sensibilité et spécificité de l’échelle DN4. Score
Sensibilité (%)
Spécificité (%)
0
100
0
1
98,8
37,7
2
95,1
59,4
3
90,3
76,8
4
82,9
89,9
5
69,5
92,7
6
56,1
98,5
7
35,4
98,6
8
15,8
100
9
8,5
100
10
2,4
100
266 Cancer du sein en situation métastatique
Quelle est l’intensité de vos douleurs? On distingue deux situations.
Le patient comprend et peut communiquer On utilise des échelle d’autoévaluation unidimensionnelles (EVA, EN, EVS) ou multidimensionnelles (QDSA, HAD, BPI, etc.). L’échelle d’autoévaluation unidimensionnelle utilisée dépend de la compréhension du patient (tableau II). L’évaluation de l’intensité de la douleur est quotidienne, au mieux pluriquotidienne. Les résultats de l’évaluation sont tracés pour visualiser la cinétique de l’intensité douleur et pour assurer une continuité de prise en charge avec les autres soignants et les médecins. Il convient de préciser sur ce document le type d’échelle utilisée car si l’EVA et l’EN sont cotés de 0 à 10 (ou 0 à 100), l’EVS est cotée de 0 à 4, ce qui expose à un risque d’erreurs thérapeutiques. Les termes utilisés pour l’EVS doivent être standards et identiques d’un soignant à l’autre, ainsi que leur conversion numérique. Tableau II – Échelle d’autoévaluation de la douleur. Échelle visuelle analogique (EVA)
Échelle numérique (EN) « Quelle est l’intensité de votre douleur entre 0 et 10, 10 étant la douleur la plus forte que vous connaissez » Échelle verbale simple (EVS) Pas de douleur = 0 Douleur faible = 1 Douleur modérée = 2 Douleur intense = 3 Douleur très intense = 4
Le patient ne comprend pas les ordres simples On utilise des échelles d’hétéroévaluation validées et adaptées à la population concernée. Par exemple, pour les personnes âgées ayant des troubles majeurs de la compréhension, on peut utiliser l’échelle DOLOPLUS simplifiée (cotation en équipe pour les longs séjours) ou l’ECPA (soignants uniques, plus adaptés aux douleurs aiguës) (21) ou l’échelle Algoplus, comme l’échelle BPS intubés qui est utile chez les patients intubés en réanimation. Ces échelles permettent de dépister le tableau de l’urgence douloureuse chez les non communicants, « l’atonie psychomotrice » qui, non dépistée et non traitée, peut engager le pronostic vital.
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 267
Vos douleurs sont soulagées et aggravées par… ? Cette question permet de distinguer les douleurs mécaniques, inflammatoires, les douleurs post-prandiales du syndrome solaire, etc. Elle oriente vers certaines mesures thérapeutiques (aménagement de la douche, des fauteuils, literie, chaleur, etc.).
Quelles ont été l’efficacité et la tolérance des traitements antérieurement proposés ? Le soulagement obtenu par un traitement doit être évalué par une échelle d’autoévaluation globale de type échelle visuelle analogique, échelle numérique (0 à 100 %) ou échelle verbale simple (22) ou l’échelle CGI patient : énormément améliorée, beaucoup améliorée, un peu améliorée, aucun changement, un peu aggravée, beaucoup aggravée, énormément aggravée (23). Cette évaluation régulière du soulagement permet d’adapter les traitements antalgiques et de fixer des objectifs réalistes pour renforcer l’alliance thérapeutique avec la patiente.
Contexte et répercussions La douleur est multidimensionnelle. Elle résulte de l’intégration de plusieurs composantes : 1. sensori-discriminative : qui détermine la durée, la localisation, le type, l’intensité ; 2. émotionnelle : anxiété, dépression, etc. ; 3. cognitive : attention, diversion d’attention ; interprétation et signification ; anticipation ; référence à des expériences antérieures ; décisions sur le comportement à adopter ; 4. comportementale : elle peut améliorer ou aggraver la douleur. elle dépend en partie de la croyance concernant la cause et la signification de la douleur. Elle dépend de l’environnement, de la culture, des apprentissages antérieurs, des facteurs de renforcement psycho-environnementaux. L’évaluation de chaque composante est essentielle à l’élaboration d’une stratégie thérapeutique. Par exemple, la composante émotionnelle, qui confère à la douleur son caractère désagréable et attire l’attention de l’individu sur le danger qui le menace, peut varier d’une simple anxiété à une angoisse de castration ou à une angoisse de mort. Les traitements médicamenteux, l’accompagnement, la relation d’aide ou la psychothérapie peuvent en modifiant cette composante émotionnelle modifier le vécu douloureux. De même, il est conseillé de rechercher à quoi la patiente attribue ses douleurs (composante cognitive). Car, dans ce contexte métastatique, les douleurs liées aux traitements (10 à 25 %) (3) ou à d’autres causes non tumorales (10 %) (3) peuvent être interprétées par la patiente comme un signe de l’aggravation inéluctable de la maladie. De même, les douleurs intenses seront perçues comme relevant de causes graves y compris si elle sont musculaires bénignes. Repérer ces distorsions cognitives, c’est pouvoir proposer des explications
268 Cancer du sein en situation métastatique adaptées qui modifient le comportement de la patiente et favorisent le succès des approches thérapeutiques. L’évaluation du contexte et des répercussions de la douleur est nécessaire quand le projet thérapeutique vise l’amélioration de la qualité de vie. Cette approche est conduite lors des entretiens, et peut être complétée par des échelles d’évaluation pour les spécialistes. On évalue ainsi les répercussions de la douleur : – sur les activités, l’autonomie ; – sur l’humeur (HAD), la qualité de vie (EORTC, SF36), les relations interpersonnelles, les cognitions, le comportement. On apprécie aussi : – les antécédents somatiques et psychiatriques du patient et de sa famille ; – les comportements inadaptés du patient qui tendent à aggraver le syndrome douloureux (kinésiophobie) ; – la composition et le soutien de la famille et des proches : on précisera les ressources et l’écologie du patient, on évaluera le niveau d’épuisement familial ; – les conditions de vie de la patiente (logement, étage sans ascenseur, moyens de transport, etc.) et de repérer les difficultés financières, professionnelles, administratives. Il est essentiel d’entendre le vécu de la patiente concernant sa maladie, le sens qu’elle attribue à sa douleur, les modalités de l’annonce diagnostique et ou pronostique, et de repérer les éventuels pièges relationnels (conspiration du silence, collusions famille soignant contre patient, deuils anticipés, syndrome de Lazarre).
Prise en charge thérapeutique Le traitement antalgique médicament n’est que des éléments de la prise en charge de la douleur des métastases osseuses. Il doit s’intégrer dans une stratégie pluridisciplinaire précoce, au mieux conduite dans des RCP dédiées, notamment dans les situations de douleurs rebelles. Y sont abordées les questions suivantes : – Quel projet global pertinent proposer au vu des attentes de la patiente et des possibilités thérapeutiques ? – Des traitements oncologiques sont-ils indiqués ? Si oui lesquels, quand, comment et dans quel ordre ? – Existe-t-il un risque de fracture ou de complication neurologique ? Si oui, quelle prévention (chirurgie, radiothérapie, biphosphonates, vertébroplastie, cimentoplastie des os longs) et dans quel ordre (radiofréquence puis vertébroplastie puis radiothérapie combinée à la chimiothérapie et aux biphosphonates) ? – Est-il indiqué d’améliorer le contrôle local tumoral ? Si oui, quels traitements (radiothérapie conventionnelle ou métabolique, chirurgie, radiofréquence, cryoablation, micro-onde, chimioembolisation, alcoolisation), avec quelle association et dans quel ordre ?
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 269 – Quels traitements médicamenteux antalgiques symptomatiques prescrire : La patiente est-elle titrée de sa composante nociceptive ? Quels co-antalgiques peuton lui proposer (anti-NMDA, biphosponates, écoute, rééducation, etc.) ? Peut-on associer un AINS ? Existe-t-il des accès douloureux et si oui de quel type sémiologique, quelle étiologie, quels traitements médicamenteux et non médicamenteux sont indiquées ? Existe-t-il une composante neuropathique et quels traitements symptomatiques prescrire ? Existe-t-il des douleurs chroniques préexistantes associées et quels traitements spécifiques proposer ? – Quelles méthodes physiques associer (neurostimulation transcutanée, topiquess locaux, physiothérapie, reconditionnement à l’effort, corset, attelle, appareillage, etc.) ? – Y a-t-il une indication, pour le patient ou sa famille, d’une écoute, d’un soutien, d’une prise en charge psychologique et ou d’un traitement médicamenteux ? – Quelles techniques complémentaires associer (hypnose, sophrologie, etc.) ? – Y a-t-il une indication de soutien social, professionnel, financier ? Doit-on renforcer les ressources relationnelles du patient ou de la famille ? Y a-t-il une nécessité de médiation culturelle ? – La communication entre les soignants doit-elle être améliorée ?
À propos des opioïdes forts dans la prise en charge des méatastases osseuses Quand ? Quand le traitement de palier II à posologie maximale, associé aux coantalgiques adaptées (AINS, corticoïdes, biphosphonates, immobilisation des fractures par corset ou orthèse, balnéothérapie, kinésithérapie, écoute empathique, etc.), n’est pas suffisant ou d’emblée quand la douleur est très intense (3, 8). Il est à noter que, depuis 2002, les traitements contenant moins de 30 mg de codéine (Codoliprane®) ou équivalent (Lamaline®…) sont considérés comme des traitements de palier I pour accélérer l’obtention du soulagement et ainsi limiter l’aggravation des répercussions somatiques et psychosociales.
270 Cancer du sein en situation métastatique
Lequel choisir en fonction du statut du patient et de la phase de prescription ? Cf. figure 1.
Fig. 1 – Quel opioïde fort et quelle voie d’admisnistration choisir en première intention en fonction du statut du patient.
Comment adapter le traitement ? Étape 1 : Phase de titration.
Fig. 2 – Phase de titration.
Lorsque le patient déclare avoir une douleur de fond au repos < 4/10 à l’échelle visuelle analogique (EVA) ou à l’échelle numérique (EN), < 2/4 à l’échelle verbale simple (EVS), sa douleur est titrée. Tous les opioïdes forts sont indiqués en phase de titration excepté (AMM) le fentanyl transdermique et les citrates de fentanyl d’action rapide (Actiq®, Abstral®, Effentora®, Instanyl®…). En cas de traitements de palier II préexistants, ne pas débuter à dose équianalgésique l’opioïde fort de relai à une posologie équiantalgique inférieure (tableau III).
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 271 Tableau III – Table d’équianalgésie théorique Palier II - Palier III. Équianalgésie palier II – opioïdes forts – 30 mg codéine (1 cp d’Efferalgan codéine®, de Dafalgan codéine®) & 5 mg – 30 mg dextropropoxyphène (1 Diantalvic®, Propofan®) & 5 mg – 10 mg poudre d’opium (1 gel Lamaline®) & 1 mg – 50 mg tramadol & 10 mg de morphine
Étape 2 : Prévention et traitement des accès douloureux paroxystiques (ADP). Quand la douleur est titrée tout reste à faire. En effet, 60 à 85 % des patientes titrées souffrent d’accès douloureux paroxystiques (4, 5, 24-28, 37). Or les patients souffrant d’accès douloureux ont des scores d’anxiété et de dépression significativement plus élevés, une diminution de l’activité globale, de la marche et de la capacité au travail, des insomnies et des difficultés relationnelles (4, 5, 26). Ces accès douloureux diminuent la qualité de vie, sont un facteur de mauvais contrôle de la douleur et sont corrélés à une diminution de la réponse aux opioïdes (37). Les accès douloureux (ADP) sont définis par Portenoy (25, 27) comme étant une : « exacerbation transitoire de la douleur à un niveau intense ou très intense chez un patient qui a une douleur de fond adéquatement contrôlée par un traitement antalgique à un niveau d’intensité légère ou modérée ». Récemment, un groupe de travail propose dans ses recommandations d’ajouter à cette définition que la douleur de fond doit durer de plus de 12 heures et qu’elle doit être faible (5). On distingue classiquement (fig. 3) : 1. les accès douloureux prévisibles (50 à 60 % des cas (4, 25, 26, 28)) : on y distingue les ADP provoqués par les soins et les investigations, et ceux déclenchés par les mouvements dans le cas des métastases osseuses ; 2. Les accès imprévisibles (20 à 50 % des cas (4, 25, 26, 28)) : inflammatoires, neuropathiques, mixtes, qui peuvent être insomniant.
Fig. 3 – Les accès douloureux paroxystiques prévisibles et imprévisibles.
272 Cancer du sein en situation métastatique Les douleurs de fin de dose ne sont plus considérées par plusieurs auteurs comme des ADP, car leur mécanisme physiopathologique et leur prise en charge thérapeutique diffèrent. Ce sont des douleurs fréquemment intenses qui apparaissent quelques heures avant la prochaine administration du traitement antalgique de fond, chez un patient souffrant de douleurs chroniques. Elles s’installent, dans la majorité des cas, de manière plus progressive et leur durée est plus longue. Elles sont retrouvées dans 17 % à 29 % des cas (4, 25, 28). Elles peuvent être liées à la variabilité interindividuelle et individuelle de la pharmacocinétique des traitements. Les douleurs de fin de doses doivent faire rechercher : une modification sémiologique de la douleur, une complication ou une progression tumorale, une interaction médicamenteuse. À l’exclusion d’une étiologie curable, l’augmentation de la posologie du traitement de fond, et/ou la modification de l’intervalle de prise, sont indiqués. Les ADP sont souvent mal identifiées et insuffisamment pris en charge (7, 37). Ce défaut de dépistage et d’évaluation des ADP est un facteur fréquent d’échec thérapeutique dans ce contexte métastatique osseux. Lorsqu’il sont dépistés et traités, un patient sur trois se dit insuffisamment soulagé (37) et un patient sur trois se dit insatisfait de leur prise en charge (28, 37). L’inadéquation de la prise en charge des accès douloureux rapportée par les patientes peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Dans 43 % des cas le délai d’apparition des ADP est inférieur à 3 minutes et la durée est inférieure à 30 minutes (4, 25, 28, 37). Les citrates de fentanyl (Actiq® comprimé transmuqueux, Abstral®, Effentora®, Instanyl® intranasal) sont mieux adaptés à ce profil, car leur délai d’action est de 10 à 30 minutes et leur durée d’action de 1 à 2 heures. Il est nécessaire (AMM, AFSAPS, HAS) pour les prescrire que la patiente soit traitée depuis au moins une semaine par au moins 60 mg de morphine, 25 μg de fentanyl, 30 mg oxycodone, 8 mg d’hydromorphone. Il n’existe pas, comme pour les autres opioïdes forts, de calcul permettant d’en définir la posologie en fonction du traitement de fond. Il faut titrer chaque citrate de fentanyl suivant ses recommandations et ses dosages. Cette étape peut être délicate pour les praticiens peu expérimentés, ou chez les patientes asthéniques ou présentant des troubles cognitifs. La présence de proches lors de la consultation, la communication avec les équipes soignantes, la remise d’un mode d’emploi (donné par les labos, ou rédigé par l’équipe) sont quelques unes des mesures d’accompagnement de la prescription des citrates de fentanyl indispensables. En cas de changement de citrate de fentanyl pour un autre il convient de retitrer, car il n’existe pas de ratio d’équianalgésie. Le délai d’action de la morphine et de l’oxycodone par voie intraveineuse (3 à 15 minutes) est adapté à ces ADP mais leur durée d’action est plus long (4 h). Les opioïdes forts LI per os ont un délai d’action moins adapté pour nombre d’ADP (délai d’action 45 minutes : sulfate de morphine per os et oxycodone orodispersible LI ; morphine buvable telle que l’Oramorph® environ 30 minutes) et une durée d’action de 4 h.
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 273 Il faut savoir anticiper les accès douloureux prévisibles (5, 29). En ce domaine, il convient de s’assurer de la compréhension de la patiente et de son entourage sur les enjeux de cette prise en charge anticipée. Une fois son adhésion obtenue, s’assurer de sa pratique et du respect par la patiente, son entourage et ses soignants, du délai d’action. Les accès douloureux provoqués par les soins et les investigations relèvent de stratégies spécifiques multimodales anticipées. L’association de techniques multimodales est plus souvent efficace : mélange équimolaire de protoxyde d’azote, anesthésie locorégionale, pommade prilocaïne/xylocaine sur le site de la piqure 90 minutes avant le geste, technique de détournement d’attention (hypnose, sophrologie), analgésie locorégionale ou anesthésies générales pour certains gestes… (5, 29). Nombres d’accès douloureux ne sont pas uniquement nociceptifs : par exemple 9 à 27 % sont neuropathiques, 17 à 20 % mixtes et 20 à 29 % viscérales (4, 5, 24-26, 28). Leurs mécanismes physiopathologiques et leurs causes sont souvent différents (71-76 % cancer, 11 à 20 % traitements, 10 % autres causes que le cancer) (4, 5, 24, 26, 28). Si la morphine et l’oxycodone ont fait la preuve de leur efficacité sur les douleurs neuropathiques de certaines étiologies (zona, amputés, polynévrite…), le fentanyl est en cours d’évaluation avec pour l’instant essentiellement des essais de faible puissance. Il convient de toujours préciser le type sémiologique et les mécanismes physiopathologiques de chaque composante de chaque accès douloureux, pour en adapter la prise en charge (5). Il faut parfois associer des traitements des douleurs neuropathiques aux opioïdes lorsque la composante neuropathique est insuffisamment soulagée, une rééducation et des explications sur la mécanisme de la douleur pour des douleurs musculaires mécaniques sont indiquée, une contention des fractures avant immobilisation, des anesthésiques locaux topics (association prilocaïne-lidocaïne) et/ou mélange équimolaire de protoxyde d’azote et/ou des techniques locorégionales avant les gestes invasifs, une écoute et un soutien psychologique pour la composante anxieuse et psychologique, des techniques de détournement d’attention et de relaxation, etc. (5, 29). Les patientes souffrent parfois de plusieurs types d’ADP dont la sémiologie et le mécanisme diffèrent : 5 % présentent 3 types d’ADP, 20 % deux types d’ADP, et 75 % un type d’ADP. Il convient de toujours préciser le type sémiologique et les mécanismes physiopathologiques de chaque composante de chaque accès douloureux, pour en adapter la prise en charge (5). La fréquence des accès douloureux, dans les études, est en moyenne de 4/jour mais peut varier de 1 à 17 (4, 5, 24, 25, 28). Dans les situations de résistance au traitement bien conduit et a fortiori quand les accès douloureux sont fréquents, Mercadante (30) propose d’augmenter le traitement opioïde de fond en fonction des effets secondaires présentés. C’est probablement une des raisons qui a conduit le groupe anglais et irlandais (5) dans leurs recommandations à proposer de définir les accès douloureux quand la douleur est inférieure ou égale à faible. De même, les mêmes auteurs proposent d’utiliser des anti-NMDA (kétamine) pour optimiser l’efficacité des traitements antalgiques (5, 31).
274 Cancer du sein en situation métastatique
Comment prévenir, expliquer et traiter les effets secondaires des opioïdes forts ? Cause d’arrêt des traitements antalgiques et d’altération de la qualité de vie, les effets secondaires des opioïdes doivent être systématiquement prévenus, dépistés et traités (29). L’information du patient et de ses proches en ce domaine est un temps essentiel de la consultation qui améliore l’observance des traitements encore bien souvent anxiogènes pour la famille et ses proches (mort fine).
Constipation Le seul effet secondaire prévisible (90 % des patients) est la constipation. Elle est dose-dépendante, et plus importante pour les traitements administrés per os. D’autres étiologies doivent être systématiquement recherchées (médicamenteuse : antiacide, psychotrope à action anticholinergique ; anatomique : progression tumorale, bride intestinale ; troubles métaboliques : hypercalcémie, hypokaliémie ; autre affection : diabète, hypothyroïdie, fissure anale, hémorroïdes). Il convient de rechercher les symptômes associés (météorisme, douleurs abdominales, pyrosis, difficultés d’émission). Il convient de proposer, notamment chez les patients à risque, une prévention systématique : règles hygiénodiététiques et prescription de laxatifs titrés suivant le transit. La prise en charge de la constipation bénéficie de l’arrivée sur le marché d’antagonistes des récepteurs mu intestinaux tel que le Relistor® pour les constimations rebelles en phase palliative. D’autres traitements seront bientôt disponibles (association oxycodone/naloxone : Targinact®).
Nausées/vomissements 40 % des cas en début de traitement disparaissent au bout de quelques jours. La fréquence des nausées/vomissements dépend de facteurs individuels pharmacogénétiques. Ils peuvent être périphériques (rythmés par les repas) et ou centrales (non rythmées par les repas). Le traitement symptomatique des nausées/vomissements périphériques fait appel au : Motilium®, Péridys®, Primpéran®, Anausin®, Vogalène®, Plitican®, corticoïdes, l’hyoscine ou la scopolamine. La voie intraveineuse et les suppositoires sont à privilégier en cas de nausées/vomissements intenses. Le traitement des nausées/vomissements centraux fait appel aux sétrons (Zophren®, Kytril®, Navoban®) ou à l’Emend®, ou aux neuroleptiques (Haldol® faible et Largactil® à dose filée).
Si les nausées/vomissements apparaissent plusieurs jours après le début du traitement d’opioïdes, il convient de rechercher systématiquement une autre étiologie (métabolique, tumorale, iatrogène, etc.).
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 275
Troubles neuropsychiques Il faut toujours éliminer une autre étiologie (métabolique, tumorale, iatrogène, etc.). Si le patient est titré, diminuer la posologie d’opioïde de 30 %. Dans les autres cas ou si la diminution de dose est inefficace : rotation d’opioïde. En cas de somnolence, il convient de savoir distinguer : 1. une dette de sommeil, qui survient en début de traitement, sans signes de surdosage, sans autre étiologie, chez un patient très algique auparavant. Elle est prévisible en début de traitement chez les patients hyperalgiques depuis plusieurs semaines. Elle doit être expliquée au patient et à sa famille avant la prescription, car « rien ne ressemble plus à quelqu’un qui dort que quelqu’un qui est mort » (risque d’arrêt et de procès d’intention) ; 2. un surdosage, qui survient lors d’une augmentation de dose, ou d’une insuffisance rénale à posologie stable. Elle est associée à des myoclonies, un myosis serré, une bradypnée (inférieur à 10/min). Le myosis isolé n’est plus considéré comme un signe de surdosage, mais comme un signe d’imprégnation morphinique lorsqu’il est isolé ; 3. une mauvaise tolérance de l’opioïde prescrit : dans ce cas, si le symptôme persiste malgré une diminution de 30 % de la posologie de l’opioïde ou que la douleur réapparaît, il est indiqué de proposer une rotation opioïde. Tolérance ou accoutumance : Elle est définie par la nécessité d’augmenter les doses d’un produit pour maintenir la stabilité d’un effet donné. Elle est peu gênante en pratique du fait des principes de titration. Il existe en revanche une tolérance bénéfique pour certains effets indisérables : somnolence, dépression respiratoire, nausées, vomissement, etc. Hyperalgésie : Elle est surtout constatée en chirurgie (opioïdes puissants d’action courte). Elle justifie les techniques d’analgésie balancée ou multimodale et l’utilisation d’anti-NMDA.
Autres effets secondaires Dysurie et rétention urinaire : Y penser systématiquement chez les patients inconscients en phase terminale. Traitements correcteurs : Prostigmine®, Néostigmine®, Spasfon®. Si échec sondage urinaire. Sueurs : Très gênantes et perçues en cancérologie comme un signe d’aggravation par le patient et sa famille. Les traitements symptomatiques proposés sont peu efficaces (AINS, corticoïdes, etc.). Augmentation de la pression intracrânienne et des voies biliaires. Bradycardie, vertiges, hypotension orthostatique : Traitements symptomatiques. Prurit : Surtout rencontré lors des administrations intrathécales ou péridurales. On peut proposer un traitement antihistaminique, sétrons ou Narcan®. Dépendance physique : Elle justifie un arrêt progressif par palier de 30 % en cas d’arrêt après utilisation prolongée.
276 Cancer du sein en situation métastatique Dépendance psychique ou assuétude ou addiction : Elle est exceptionnelle chez les patientes traitées par opioïdes (OMS 1997).
Quand et comment proposer une rotation opioïde ou un changement de voie d’administration ? La variabilité interindividuelle du ratio effets indésirables/antalgie liée aux différences pharmacogénétique entre les individus nécessite de s’adapter à chaque patient. Pour s’adapter individuellement l’on peut proposer, lorsque cela est indiqué, une rotation opioïde ou un changement de voie d’administration (fig. 4).
Fig. 4 – Quand et comment proposer une rotation opioïde ou un chagement de voie d’administration.
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 277 Les ratios équianalgésiques sont extrapolés d’expérimentations animales. Il convient en pratique de choisir la posologie équianalgésique la plus faible et de retitrer la patiente sous étroite surveillance dans ces situations. Récemment l’Afsaps (36) à éditer des recommandations exposant la possibilité d’utiliser la méthadone en hospitalisation et en ambulatoire. La méthadone peut être utile aprés échec des autres opioïdes, et présente une efficacité sur les douleurs neuropathique associé à un effet antiNMDA.Le ratio équianalgasique est de 2 par rapport la morphine orale (morphine orale divisée par 2= poslogie journalière de métahdone initiale). Sa titration nécéssite une hospitalisation d’environ une semaine, du fait d’une grande varaibilité interindividuelle. Une fois titrée par des équipes spécialisées elle peut être poursuivie à domicile si un réseau douleur ou soin palliatif suit le patient, qu’un protocole est proposé et que le médecin et les infirmière du domicile sont formés.De même le fentanyl et le sufentanyl peuvent être proposé en parentérale à l’hôpital et à domicile dans les même conditions (36).
Traitement de la composante neuropathique En tenant compte des recommandations publiées (10-12, 32), des preuves d’efficacité dans le traitement des douleurs neuropathiques, des données concernant l’AMM française, de la sémiologie douleur, du statut de la patiente et de ses comorbidités, on peut proposer la stratégie suivante (fig. 5). Si douleur mixte avec composante neuropathique au second plan : Tramadol® si douleur justifiant un palier II, ou opioïdes forts (Oxycodone® ou morphine) si douleur nociceptive nécessitant un palier III. Si douleurs neuropathiques au premier plan : 1. si dépression, migraine, céphalée de tension, douleur centrale : clomiprmaine ou amitriptyline ou imipramine ou tofranil ; 2. si patiente épileptique, âgée, glaucome à angle fermé, insuffisance cardiaque ou bloc auriculoventriculaire de haut grade ou autre pathologie cardiaque : prégabaline ou gabapentine ; 3. si troubles anxieux : prégabaline. Si efficacité insuffisante du traitement de première ligne : associer un autre traitement de deuxième ligne en évitant l’association tramadol-tricycliques et tramadolantidépresseurs tricycliques et IRS ou IRS-NA (risque de syndrome sérotinergique). Si inefficacité, contre-indication ou mauvaise tolérance du traitement de première ligne : arrêt du traitement et proposer un autre traitement de première intention. Si deuxième traitement prescrit inefficace ou effets indésirables, ou contre-indications : adresser le patient à une consultation spécialisée.
278 Cancer du sein en situation métastatique
Fig. 5 – Traitement médicamenteux de première ligne des douleurs neuropathiques (d’après les recommandations de Saint-Paul-de-Vence (32)).
Les topiques locaux sont parfois d’une aide précieuse dans les douleurs localisées radiculaires ou tronculaires. Ces topiques locaux permettent de proposer aux patientes une reprise de maîtrise dans certains actes quotidiens jusqu’alors difficiles. Leur efficacité est testée rapidement. Lorsqu’ils sont efficaces, ils permettent de renforcer l’alliance thérapeutique, le temps de trouver les traitements médicamenteux bien tolérés et d’en adapter la posologie. On peut proposer un à trois emplâtre de lidocaïne 5 % (Versatis®) loco-dolenti 12 heures sur 24 (AMM : douleurs neuropathiques post-zoostériennes, etc.) surtout si la douleur est superficielle et associée à une allodynie. La capsaïcine à 0,025 % (baume Saint-Bernard®, baume Kamol®, prépartion magistrale) ou 0,075 % permet parfois (nnt = 4) de soulager pendant une heure la patiente et apparaît efficace sur l’allodynie qui aggrave nettement les répercussions de la douleur neuropathique (12). Enfin, l’association prilocaïnelidocaïne (pommade EMLA®) peut être proposée hors AMM, elle permet un soulagement d’une heure quand elle est efficace loco-dolenti. D’autre préparations et emplâtres sont utilisés par les consultations douleur ou sont en cours de validation par les agences. Dans les douleurs neuropathiques tronculaires ou radiculaires, il est indiqué de proposer une neurostimulation transcutanée électrique ambulatoire. Elle est prescrite et expliquée par des professionnels formés (arrêté du 2 août 2000, Journal Officiel n° 213 du 14 septembre 2000). Lorsqu’elle est efficace, elle permet un soulagement appréciable de la composante neuropathique pendant tout le temps où l’appareil est utilisé. Il n’existe de post-effect le plus souvent dans les douleurs neuropathiques. La chaleur ou le froid, bien que non validés par des études, peuvent être
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 279 efficaces et compléter le traitement notamment dans les douleurs mixtes. Plusieurs systèmes existent : pack, spray, patch autocollant. Les douleurs neuropathiques sont fréquemment plus intenses en cas d’angoisse ou de stress. L’écoute et la prise en compte de la souffrance du patient sont des éléments importants de la prise en charge. Il en est de même pour la rééducation. Bien que non validées par des essais, les techniques de relaxation conduites par des praticiens formés peuvent être utilisées en complément (hypnose, sophrologie, etc.). L’efficacité d’un traitement est définie par : une douleur habituelle d’intensité faible (inférieure à 30/100 (3/10) par EVA, EN, ou 1 sur 4 par EVS) ; et/ou crises douloureuses rares (moins de deux à trois par jour) ; et douleur non insomniante ; et/ou un soulagement de plus de 50 % par EN, 50/100 à l’EVA de soulagement et/ou supérieur à « un peu amélioré » au CGI patient ; et un sentiment de soulagement et d’amélioration par la patiente ; et activités quotidiennes ou professionnelles non limitées par la douleur. L’inefficacité d’un traitement est définie à posologie maximale bien tolérée par : absence de diminution de l’EVA ou EN de plus de 20/100 patientes (2 sur 10 patientes) ; ou diminution de 1 point sur 4 à l’EVS ; ou absence de soulagement à l’EVA, l’EN ou l’EVS de soulagement, ou inférieure ou égale à « absence de soulagement » au CGI ; ou douleur insomniante ; ou gênante pour les activités quotidiennes. L’efficacité partielle est définie par un résultat intermédiaire entre l’efficacité et l’inefficacité du traitement. Si un syndrome douloureux chronique préexistant et/ou indication de neurostimulation, et/ou indication de gestes interventionnels antalgiques, et/ou contre-indication ou mauvaise tolérance, ou efficacité insuffisante des traitements de première intention, et/ou comorbidités psychiatriques sévères, et/ou abus médicamenteux, et/ou insuffisance rénale ou hépatique existent, il est recommandé d’adresser la patiente à une consultation spécialisée dans l’évaluation et le traitement de la douleur. Peuvent y être proposés d’autres antalgiques médicamenteux après évaluation multidimensionnelle : duloxétine, venlafaxine, fluoxétine, paroxétine, citalopram, oxacarbamazépine, lamotrigine, topiramate, valproate de sodium, carbamazépine, phénytoïne, mexiletine. Peuvent y être associés des antagonistes NMDA, tel que la kétamine (36) à titre d’épargne morphinique, de prévention de la chronicité ou de soulagement de certaines douleurs rebelles (5, 30, 36), des perfusions d’anesthésiques locaux (36). Certains patients pourront bénficié d’une rotation par la méthadone (36). La mise en œuvre de stratégies algologiques spécifiques développées pour les patients douloureux chroniques non atteints d’un cancer (lombalgique chronique, céphalalgique chronique, lombalgique chronique, etc.) permettent de prévenir et de prendre en charge des douleurs souvent méconnues qui, aggravant considérablement la souffrance des patientes, diminuent bien souvent leur autonomie et leur qualité de vie. Il s’agit des stratégies de prévention et de traitement des douleurs
280 Cancer du sein en situation métastatique chroniques dorsolombaires mécaniques invalidantes fréquemment rencontrées chez les patientes immobilisées par leur accès douloureux osseux tumoraux. Il est notable en ce domaine qu’il existe un réel besoin de développer les réseaux et la mise à disposition de kinésithérapeutes et d’ergothérapeutes. Les indications de traitements complémentaires : relaxation, hypnose, auriculothérapie sont discutées suivant les centres. Dans tous les cas, la prise en compte de la souffrance morale, psychologique, familiale, spirituelle du patient de la famille et des proches fait partie intégrante de cette dynamique. L’intégration et l’investissement des médecins de la douleur aux prises en charge oncologique de soins de support, de psycho-oncologie, de soins palliatifs et leur collaboration avec les radiologues interventionnels et les équipes chirurgicales paraissent incontournables en ce domaine.
Conduite du traitement Il est recommandé : – d’expliquer le mécanisme des douleurs neuropathiques (fil électrique dénudé, qui parasite) pour pouvoir expliquer pourquoi les antidépresseurs et les antiépileptiques peuvent être proposés à titre antalgique ; – d’expliquer et de valider avec la patiente (et/ou sa famille) des objectifs thérapeutiques réalistes concernant l’intensité de la douleur, l’état thymique, l’activité physique. En priorité, il convient de tenter de soulager la composante nocturne insomniante ; – d’expliquer que l’intensité des crises n’est pas forcément un signe d’aggravation de la maladie ; – d’expliquer la nature des traitements et leur indication pour les douleurs neuropathiques, notamment pour les antidépresseurs et les antiépileptiques ; – d’expliquer la conduite du traitement et le délai d’efficacité ; – d’expliquer les effets secondaires les plus fréquents et de préciser la conduite à tenir en cas de mauvaise tolérance : modalités d’arrêt, coordonnées des personnes ressources ; – d’évaluer régulièrement les effets secondaires, notamment lors d’association à d’autres traitement de la composante nociceptive ; – de commencer chaque traitement à faibles doses et d’augmenter la posologie par paliers, en fonction de l’efficacité et des effets secondaires, notamment chez les personnes âgées, grabataires, cachectiques, les patients dénutris, insuffisants rénaux et hépatiques ; – de contrôler l’efficacité du traitement antalgique prescrit au bout de 7 jours et à 15 jours et une fois par mois ;
Évaluation et traitement des douleurs des métastases osseuses 281 – en cas de disparition totale de la douleur et de disparition des troubles de la sensibilité d’interrompre le traitement en le diminuant par palier progressif de 50 % et en surveillant l’apparition d’un rebond algique ou de syndrome de sevrage pour le Tramadol® et les opioïdes forts.
Pour ne pas conclure Si l’application des recommandations d’experts permettent de soulager une grande majorité de patientes, leur diffusion et leur utilisation reste à améliorer. Une approche précoce et pluridisciplinaire des douleurs de métastases osseuse est nécessaire si l’on veut diminuer les cercles vicieux en cascade qui altèrent la qualité de vie des patientes, majore leur handicap et favorise l’apparition de certaines douleurs « rebelles ». L’intégration aux cotés des oncologues, des médecins de la douleur, de soins de support et de soins palliatifs, en collaboration étroite avec les équipes de psycho-oncologie, de radiologie interventionnelle, de chirurgie, de rééducation, optimise la prise en charge antalgique des patientes en phase métastatique. Les RCP métastases osseuses dédiées nous apparaissent comme un exemple d’organisation qui favorise cette dynamique et encourage le développement, sur l’ensemble du territoire, de savoir-faire indispensable à la prise en charge moderne des douleurs rebelles (radiologie interventionnelle, rééducation spécialisée, etc.). Peut-on assurer à nos patientes, où qu’elles soient traitées, un accès aux stratégies de base de l’antalgie moderne en oncologie ? Peut-on leur garantir, de même, un accès à des équipes pluridisciplinaires spécialisées, maîtrisant les techniques modernes de prise en charge des douleurs rebelles ? Un défi reste à relever, pour améliorer la qualité de vie des patientes en phase métastatique, à l’heure où de nouvelles stratégies thérapeutiques émergent.
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Poursuite des traitements spécifiques et prise en charge des symptômes en situation métastatique : quelle prise de risque en cas de neutropénie ? D. Mayeur
Introduction L’insuffisance médullaire est assez fréquente dans le cancer du sein métastatique, soit par envahissement de la moelle par des cellules métastatiques, soit par épuisement après traitements antérieurs par diverses lignes de chimiothérapie et par radiothérapie, que ce soit de la tumeur primitive ou de métastases osseuses. Cette insuffisance médullaire doit être prise en compte dans les décisions thérapeutiques et le rapport risque/bénéfice des chimiothérapies et de leurs traitements de support doit être consciencieusement pesé.
Cancer du sein métastatique et G-CSF La neutropénie fébrile (NF) est définie par une fièvre > 38,2°C ou plus de 38°C pendant plus d’une heure associée à un taux de neutrophiles < 500/mm3 ou < 1 000/mm3 et devant a priori descendre à moins de 500/mm3 dans les 48 heures qui suivent (1). La NF est encore une menace majeure chez les patients sous chimiothérapie entraînant non seulement une perte de qualité de vie mais surtout étant grevée d’une mortalité globale hospitalière de 9,5 % . Cette mortalité varie selon les facteurs de risque allant de 2,6 % pour les patients sans comorbidité majeure à 10,3 % s’il existe un facteur de comorbidité majeure et 21,4 % s’il en existe plus d’une (2). Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés afin de prévoir le risque individuel de NF. Ces facteurs de risque sont liés au patient : âge (> 65 ans), antécédent de radiothérapie ou de chimiothérapie, neutropénie préexistante ou envahissement médullaire par la tumeur, infection, plaie ouverte, chirurgie récente, performans status altéré, insuffisance rénale, dysfonction hépatique en particulier si la bilirubine est élevée (1). Le protocole de chimiothérapie utilisé est aussi un facteur prédictif de NF (1) (tableaux I à IV).
286 Cancer du sein en situation métastatique Neutropénie et NF peuvent entraîner un retard d’administration et/ou une réduction de dose de la chimiothérapie et donc avoir éventuellement une influence néfaste sur l’évolution de la maladie. Tableau I – Protocoles de chimiothérapie couramment utilisés en Europe en première ligne dans le cancer du sein métastatique associés à un risque de NF > 20 %, d’après Zielinski et al. (3). APac
32
AT
33-48
Doc ➞ AC
40
A ➞ Doc
9
TTrast
23
A : adriblastine ; C : cyclophosphamide; Pac : paclitaxel ; T : docetaxel ; Trast : trastuzumab
Tableau II – Protocoles de chimiothérapie couramment utilisés en Europe première ligne dans le cancer du sein métastatique associés à un risque de NF > 10 % et < 20 %, d’après Zielinski et al. (3). GAT
18
DocCarbTrast
16
DocCisTrast
13
GEPac
12
AC
9-10
G : gemcitabine ; Carb : carboplatine ; Cis : cisplatine ; E : farmorubicine
Tableau III – Protocoles de chimiothérapie couramment utilisés en Europe à partir de la deuxième ligne dans le cancer du sein métastatique associés à un risque de NF > 20 %, d’après Zielinski et al. (3). VinF
22
Vin : vinorelbine ; F : fluorouracile
Tableau IV – Protocoles de chimiothérapie couramment utilisés en Europe à partir de la deuxième ligne dans le cancer du sein métastatique associés à un risque de NF > 10 % et < 20 %, d’après Zielinski et al. (3). Doc
13-17
GVin
0-2 (données uniquement sur NF à l’origine d’hospitalisation)
DocX
12-13
A
10
Vin
10
GCarb
10
X : capécitabine
Poursuite des traitements spécifiques… 287 Le coût pour la société est élevé (2) avec une durée moyenne de séjour de 11,5 jours et un coût moyen de 19,110 $ par épisode de NF, les 35 % de patients hospitalisés plus de 10 jours représentant 78 % du coût total. Munis de ces données vis-à-vis du risque de NF, nous pouvons alors plus facilement décider lors de la prescription de la chimiothérapie de : diminuer les doses, administrer le traitement à pleines doses ou encore administrer le traitement à pleines doses sous couvert d’un traitement par G-CSF. Pour nous faciliter le travail, les sociétés savantes ont établi des recommandations utilisables en routine. Ces recommandations sont très comparables d’une société à l’autre. L’ASCO (4) recommande l’utilisation systématique de G-CSF en prophylaxie primaire, c'est-à-dire dès la première cure de chimiothérapie, lorsque le risque de NF est > 20 %. Si ce risque est < 20 %, le clinicien doit prendre sa décision en fonction des facteurs de risque du patient mais aussi de l’intention du traitement : curatif, prolongation de la vie ou contrôle des symptômes et palliation. Dans le domaine du cancer du sein métastatique, nous sommes malheureusement quasiment jamais en curatif… En prophylaxie secondaire, c'est-à-dire chez des patients qui ont subi une neutropénie avec complication clinique lors de du cycle précédent de chimiothérapie, les recommandations de l’ASCO sont d’utiliser le G-CSF si la réduction de dose peut compromettre la survie globale ou la survie sans rechute. Dans la plupart des cas de cancer du sein métastatique, l’impact de cette réduction de dose n’est pas démontré et l’on peut donc envisager l’autre option décrite par l’ASCO : la réduction de dose ou l’allongement du délai intercure, qui apparaissent comme des « alternatives raisonnables ». Enfin, en cas de NF, l’utilisation thérapeutique de G-CSF n’est pas recommandée en routine mais peut être envisagée chez les malades ayant des facteurs de mauvais pronostic : neutropénie d’une durée probable > 10 jours et profonde (< 100 neutrophiles/mm3), âge > 65 ans, maladie primitive non contrôlée, pneumopathie, hypotension et syndrome septique, infection fongique systémique, patient déjà hospitalisé au moment de l’apparition de la fièvre. Les recommandations de l’EORTC (5) ajoutent aux facteurs de risque liés au patient les antécédents personnels de NF et l’absence d’antibioprophylaxie (tout en stipulant que celle-ci n’est pas recommandée sans discernement). Quant aux recommandations de la NCCN (1), elles sont similaires à celles de l’ASCO et de l’EORTC et sont les plus récemment actualisées. D’après ces diverses recommandations, les G-CSF doivent être débutés 24 à 72 heures après l’administration de la chimiothérapie et poursuivis jusqu’à ce que le taux de polynucléaires neutrophiles redevienne normal ou presque (1) ou compris entre 2 000 et 3 000/mm3 (4). Chez l’adulte, les doses de G-CSF sont de 5 μg/kg/jour (filgrastim, lénograstim et leurs biosimilaires) et de 6 mg en 1 seule injection SC pour le pegfilgrastim. Le pegfilgrastim a été particulièrement étudié dans le cancer du sein. Ainsi, une étude de phase III multicentrique randomisée en double aveugle contre placebo (6) a permis de recruter 928 patientes traitées pour cancer du sein (stades II à IV, donc incluant des malades métastatiques) par docetaxel 100 mg/m2 tous les 21 jours. Elles recevaient du pegfilgrastim ou un placebo. Les patientes sous placebo qui
288 Cancer du sein en situation métastatique développaient une NF recevaient ensuite du pegfilgrastim, en ouvert. Cette étude montre l’avantage significatif en faveur de l’utilisation du pegfilgrastim avec respectivement : moins de NF (1 % versus 17 %, p < 0,001), moins d’hospitalisation pour NF (1 % versus 14 %, p < 0,001), et moins d’utilisation d’antibiotiques injectables (2 % versus 10 %, p < 0,001). Ces résultats sont retrouvés dans une analyse intégrée (7) reprenant les résultats de 19 études éligibles, avec des chimiothérapies au risque de NF associée * 15 %, comparant dans le cancer du sein prophylaxie primaire par pegfilgrastim et prise en charge de la neutropénie en pratique courante : 2 282 patientes sont intégrées dans cette analyse ; 75 % des malades du groupe « pratique courante » ne reçoivent aucun G-CSF au premier cycle et encore aucun G-CSF au quatrième cycle. Mais la moitié des patientes encore dans les études au sixième cycle est traitée par G-CSF. La durée moyenne d’administration des G-CSF à injection quotidienne est de 5 à 7 jours. Cette étude montre que le stade métastatique du cancer du sein ainsi que l’âge de la patiente sont des facteurs pronostiques de NF. Elle confirme aussi que la prophylaxie primaire par pegfilgrastim est significativement plus efficace que la prise en charge de la neutropénie en pratique courante en ce qui concerne la prévention de la NF, de la neutropénie grade 3-4, la diminution des hospitalisations pour NF. Elle permet aussi une moindre diminution des doses de chimiothérapie (tableau V). Tableau V – Comparaison des recommandations. Recommandations
EORTC ASCO NCCN
Facteurs de risque de NF
V
V
V
Risque de NF * 20 % : prévention primaire par G-CSF
V
V
V
10 % < Risque de NF < 20 % : prévention primaire par G-CSF C
C
C
Prévention secondaire avec G-CSF
C
C
C
G-CSF thérapeutique en cas de NF
C
C
C
G-CSF présentation et dosage
V
V
V
V : validé ; C : à considérer
Les effets secondaires des facteurs de croissance sont assez limités. Les douleurs osseuses sont fréquentes après administration de G-CSF. Elles sont le plus souvent correctement soulagées par la prise de paracétamol voire d’antalgiques de niveau 2. Rarement, il est nécessaire de diminuer les doses de G-CSF, ainsi que suggéré dans une étude non randomisée (8) ou d’en suspendre l’utilisation. Des céphalées sont signalées chez 8 % des malades traitées pour cancer du sein métastatique par du GCSF lors d’une association chimiothérapique de docetaxel et de doxorubicine (9). L’utilisation de G-CSF en complément des chimiothérapies pour cancer du sein pourrait faiblement accroître le risque de myélodysplasie ou de leucémie secondaire (10). Cette étude ne concerne cependant que des femmes traitées en adjuvant pour leur cancer du sein. L’anomalie hématologique apparaît dans cette étude avant toute récidive tumorale éventuelle.
Poursuite des traitements spécifiques… 289 Le marqueur CA 15-3, épitope de la mucine MUC 1, est un marqueur tumoral souvent utilisé dans l’évaluation de l’efficacité des traitements de cancer du sein, en particulier en phase métastatique. L’utilisation de G-CSF peut être à l’origine d’une augmentation, supérieure à 100 %, du taux de CA 15-3 lors de traitements adjuvants. Ces taux se normalisent dans les deux mois suivant la fin de la chimiothérapie (11). Cette augmentation du CA 15-3 lors d’un traitement par G-CSF est liée à une augmentation de l’expression de MUC1 par les neutrophiles (12). Ces études concernent des patientes en situation adjuvante mais elles incitent à la prudence chez une patiente traitée avec du G-CSF en phase métastatique : une augmentation isolée du taux de CA 15-3 n’est peut-être pas systématiquement le reflet d’un échec de la chimiothérapie en cours. En conclusion, chez la patiente présentant un cancer du sein métastatique, l’insuffisance médullaire et les facteurs de risque de NF doivent être évalués avant la mise en route de la chimiothérapie. Si le risque de NF est > 20 %, une prophylaxie primaire est recommandée, tandis qu’elle doit être discutée si ce risque est compris entre 10 et 20 %, l’autre alternative pouvant être une diminution des doses. Cette appréciation se base sur les recommandations des sociétés savantes ASCO, EORTC et NCCN, recommandations qui devraient être utilisées en routine.
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Cardiotoxicité des traitements anticancéreux dans le contexte du cancer du sein métastasé E. Ferrari et T. Facchini
La problématique de la cardiotoxicité des anthracyclines dans le contexte du cancer du sein métastasé est différente de la situation adjuvante. Le traitement adjuvant concerne plus de patientes, avec un meilleur pronostic, mais dans ce contexte les complications potentielles des traitements auront un « poids » plus lourd. En situation métastatique, la toxicité cardiaque risque d’être beaucoup plus fréquente, mais dans cette situation, le mauvais pronostic des patientes et l’efficacité espérée des chimiothérapies peuvent et doivent parfois justifier cette « prise de risque ». Au lieu de faire une énième litanie de la toxicité cardiaque des traitements anticancéreux, nous aimerions donner les clefs pour que dans chaque situation l’oncologue puisse faire et argumenter son choix. Il est clair en effet que des effets indésirables cardiaques existent avec nombre de traitements utilisables. Ces effets indésirables sont parfois très graves puisqu’ils peuvent aboutir à une insuffisance cardiaque obérant le pronostic fonctionnel et vital. Mais la règle qui devrait gérer chaque choix dans une médecine factuelle s’applique a fortiori ici. Un risque cardiaque même grave et/ou fréquent induit par un traitement peut valoir la peine d’être pris aux conditions que : – le bénéfice attendue (documenté) de la chimiothérapie dépasse le risque cardiaque ; – il n’existe pas d’alternative équivalente ; – ou que la diminution, en valeur absolue, des complications cardiaques de l’alternative thérapeutique ne soit pas obérée par une baisse plus importante, en valeur absolue, sur le bénéfice anticancéreux. Les risques cardiaques ayant été assez souvent individuellement documentés (anthracyclines/trastuzumab/hormonothérapie, inhibiteurs des tyrosine-kinases, etc.), il est dès lors possible d’approcher dans différentes situations le niveau de risque cardiaque.
292 Cancer du sein en situation métastatique Si cette approche du risque cardiaque est possible globalement pour la plupart des chimiothérapies qui peuvent induire une toxicité cardiaque, il devient plus difficile compte tenu du peu de données scientifiques de personnaliser le risque en intégrant des facteurs individuels, obésité, comorbidités, antécédent d’HTA, etc. Mais en général, ces cofacteurs modifient peu le risque cardiaque. En revanche, les traitements oncologiques préalables et leurs doses (qui doivent être colligées) peuvent représenter un facteur qui modifie de façon importante le risque cardiaque, mais à ces situations de troisième, quatrième ligne correspondent des pronostics carcinologiques péjoratifs qui autorisent, lorsque la preuve de l’efficacité du traitement anticancéreux existe, une prise de risque de plus en plus importante. Le tableau I reprend dans les principales situations, le niveau de risque cardiaque moyen attendu.
Comment l’oncologue peut-il utiliser ces données ? On pourrait résumer en disant que le risque cardiaque étant ainsi approché, il suffirait de mettre en face le bénéfice oncologique attendu et faire une soustraction bénéfice–risque : si le résultat est positif le risque en vaut la chandelle, lorsque le résultat est négatif une abstention devait être la règle. Dans la réalité, cela n’est pas aussi simple puisque : – du côté carcinologique, le bénéfice attendu peut se décliner en survie, en survie sans rechute, en taux de réponse et il est parfois difficile de « traduire » ces résultats et de les mettre en balance avec les complications ; – du côté cardiologique, une HTA n’a pas la même valeur pronostique péjorative qu’une insuffisance cardiaque sévère… et une insuffisance cardiaque sévère n’a pas la même valeur pronostique selon qu’elle est induite par une anthracycline ou par le trastuzumab. Dans beaucoup de situations, l’absence de données claires rendra le choix difficile, mais cela a le mérite de montrer le travail qui reste à accomplir. Ce dilemme, dans le cancer du sein métastasé, entre le choix du meilleur traitement anticancéreux et celui qui s’accompagne du moindre risque cardiaque, met l’accent sur la préservation du myocarde et doit faire réfléchir sur les possibilités d’éviter les drogues les plus cardiotoxiques, autant que faire se peut, en situation adjuvante.
Cardiotoxicité des traitements anticancéreux… 293 Tableau I – Quantification du risque cardiaque des chimiothérapies potentiellement cardiotoxiques utilisées dans le cancer du sein métastasé. Drogues
Nature du risque cardiaque
Anthracyclines (1-3)
Risque absolu d’insuffisance cardiaque clinique
400 mg/m2 550 mg/m2 700 mg/m2
1-2 % à 5 % 7 % à 26 % 18 % à 48 %
Avec Cardioxane® (5-7)
Possible RRR de 80 %
Note
L’insuffisance cardiaque est contrôlable dans > 50 % des cas Le taux de décès de l’insuf. cardiaque sur anthra. le plus péjoratif = 60 % à 30 mois (4) AMM Doute sur baisse efficacité oncologique Effet indésirable propres
Risque d’insuffisance cardiaque clinique Anthra. liposomales Myocet®/Caelyx® (8-9) Épirubicine vs doxo (10)
Trastuzumab
Incidence possiblement divisée par 2 La diminution de la cardiotoxicité à dose anticancéreuse équivalente (100 mg de doxo équivalent à 150 mg d’épiurbicine) n’est pas bien démontrée Risque d’insuffisance cardiaque clinique
Si anthra. préalables (11)
27 %
Pas d’anthra. préalables
0-2 % ?
Hormonothérapie
Tamoxifène (12)
Inh. des aromatases (13) Inhibiteur des TK (14)
AMM Peu de comparatif par rapport à de fortes doses d’anthracyclines
Insuffisance cardiaque réversible dans 75 à 80 % des cas (lorsque l’insuf. cardiaque est due au trastuzumab) Insuffisance cardiaque réversible dans 75 à 80 % des cas
Risque vasculaire thrombotique (artère et veines) Protection possible des coronaires mais non quantifiée *Risque relatif par rapport Augmentation modérée à une population du risque d’AVC sans hormonothérapie Augmentation de > 30 %* du risque Thromboembolique veineux Augmentation du risque Mais diminution de 47 % cardiovasculaire de 31 % du risque de TVP/EP Risque absolu d’HTA 25 % Contrôlable par un traitement Risque d’insuffisance cardiaque encore insuffisamment quantifié
294 Cancer du sein en situation métastatique
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Les bisphosphonates pour les cancers métastatiques du sein : utiles ou futiles ? Pour quelles localisations et avec quelle surveillance ? M.H. Vieillard
Introduction Les bisphosphonates (BPs), analogues structuraux des pyrophosphates inorganiques, ont pour principale fonction de ralentir le remodelage osseux, en inhibant l'activité ostéoclastique. Ils ont été initialement utilisés dans la maladie osseuse de Paget en 1970, mais leurs principales indications dans la pathologie maligne métastatique sont l’hypercalcémie et la prévention des complications des lésions secondaires osseuses. Les BPs se présentent sous deux formes chimiques différentes : sans ou avec groupement amine (amino-BPs). Le cancer du sein métastatique est l’une des pathologies dans laquelle les BPs ont été les plus étudiés.
Bisphosphonates Les BPs ont été créés en 1865 en Allemagne mais l’on doit leur utilisation en médecine à Fleisch et al. (1) dans les années 1960. Ces auteurs ont mis en évidence, dans le sérum et les urines, un pyrophosphate inorganique, capable de prévenir les calcifications et réguler la minéralisation osseuse en se fixant sur les cristaux d’hydroxyapatite de calcium. Ce pyrophosphate inorganique résulte d’une liaison anhydre entre deux molécules d’acide phosphorique et forme une structure centrale phosphore-oxygène-phosphore (P-O-P). Les pyrophosphates ont été largement employés dans l’industrie en raison de leur capacité à dissoudre le carbonate de calcium. En médecine, administrés per os, les pyrophosphates étaient cependant rapidement hydrolysés par une enzyme, la pyrophosphatase, largement présente dans les différents tissus de l’organisme.
296 Cancer du sein en situation métastatique Il fallait donc élaborer des composés analogues aux pyrophosphates ayant des propriétés physicochimiques similaires mais résistants à l’hydrolyse et à la dégradation métabolique. Ainsi furent synthétisés les bisphosphonates. Dans ces composés, l’atome d’oxygène central a été remplacé par un atome de carbone (liaison P-C-P) sur lequel se substituent deux chaînes latérales R1 et R2. Le noyau P-C-P confère une forte affinité du BP à l’os par chélation du calcium, la chaîne latérale R1 participe à la liaison à l’hydroxyapatite de la matrice osseuse. La chaîne latérale R2 est responsable des propriétés pharmacologiques; elle détermine le pouvoir antirésorptif osseux du BP. Les BPs ont deux effets biologiques principaux initialement décrits : inhibition des calcifications lorsqu’ils sont administrés à forte dose et inhibition de la résorption osseuse (2). Au cours des trente dernières années, des BPs plus puissants ont été développés et largement utilisés en médecine, notamment en oncologie. Ce sont des médicaments antiostéolytiques spécifiques de l’atteinte secondaire osseuse. Plus récemment, de nouvelles propriétés des BPs ont été mises en évidence (3): activité antitumorale (4-6), antiangiogénique (7-11) , immunomodulatrices et anti-infectieuse (12-17).
Mode d’action Les non amino-BPs se substituent au groupement phosphate de l’ATP et forment des analogues non hydrolysables. Ces analogues toxiques interfèrent avec le métabolisme normal de l’ATP et entraînent la mort cellulaire par apoptose. Les aminoBPs (N-BPs) inhibent la farnésyl pyrophosphate synthétase (FPP synthétase), enzyme responsable de réactions catalytiques de la voie des mévalonates. La voie des mévalonates participe à la prénylation de petites protéines G (Rho, Ras, Rac, Rab). La prénylation de ces protéines est indispensable pour qu’elles remplissent leur fonction de régulation de nombreux processus intracellulaires. Le blocage de la prénylation de ces petites protéines par les N-BPs va affecter leur fonction et par ce biais, l’activité de l’ostéoclaste.
Indications des BPs dans le cancer du sein métastatique Dans le cancer du sein métastatique, les BPs sont indiqués dans le traitement de l’hypercalcémie et dans la prévention des événements osseux.
BPs et hypercalcémie Les BPs ont été étudiés, en association à l’hyperhydratation, dans le traitement des hypercalcémies tumorales. Dès 1995, Purohit et al. (18) ont étudié chez 41 patients (dont 15 cancers du sein) présentant une hypercalcémie persistante après 48 heures d’hyperhydratation, l’efficacité d’une perfusion de pamidronate 90 mg/4 h versus le
Les bisphosphonates pour les cancers métastatiques du sein… 297 clodronate 1 500 mg IV. 100 % des patients traités par pamidronate (19/19) ont normalisé leur calcémie versus 80 % (16/20) avec le clodronate. Les deux patients n’ayant répondu au clodronate ont répondu à une injection de pamidronate. La durée de maintien de la normocalcémie était de 28 jours dans le groupe pamidronate vs 14 jours dans le groupe clodronate. Ces deux BPs sont donc actifs sur l’hypercalcémie mais l’efficacité du pamidronate semble plus durable. Dans l’étude de Gucalp et al., le pamidronate 60 mg en une injection normalisait la calcémie chez 90 % des patients contre 40 % des patients traités par étidronate 7,5 mg/kg/2 h, 3 jours de suite (19). En 2002, Major et al. (20) ont poolé les résultats de deux études regroupant ainsi 287 patients dont 51 cancers du sein présentant une hypercalcémie. Dans cette étude, le zoledronate administré en une injection de 4 ou 8 mg permettait d’obtenir une normocalcémie chez un plus grand nombre de patients à j4 et un nombre plus élevé de patients en réponse complète (définie par une normocalcémie à j10) qu’une injection de pamidronate 90 mg. La durée de la réponse complète était supérieure dans le groupe zolédronate (32 js) vs 18 js avec le pamidronate. Le zolédronate est dans cette étude défini comme le traitement de choix de l’hypercalcémie.
Bisphophonates et prévention des événements osseux Les BPs ont été étudiés dans le cancer du sein métastatique en tant que traitement antalgique mais également afin de réduire le nombre d’événements osseux et retarder leur apparition au cours de la maladie métastatique osseuse. Ils réduisent de façon importante (de 20 à 60 % selon les auteurs) la fréquence des manifestations liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les douleurs, les fractures pathologiques, les compressions radiculaires ou médullaires, le recours à la radiothérapie, le recours à la chirurgie et les épisodes d’hypercalcémie maligne. Ces événements osseux sont le plus souvent regroupés sous le terme SRE pour « skeletal-related event ». Cependant, les études sont difficilement comparables entre elles en raison de critères d’efficacité différents (index composite « SRE » ne regroupant pas toujours les mêmes complications ou portant sur une période donnée), mais également en raison de l’hétérogénéité des populations intéressées et de la durée des études.
Les BPs sont-ils efficaces dans la maladie métastatique osseuse du cancer du sein ? Avant l’ère des BPs, plus de 50 % des patientes présentant un cancer du sein métastatique développaient un événement osseux. Parmi celles-ci, 51 % présentaient plus d’une complication osseuse au cours de l’évolution de la maladie. Chez les patientes métastatiques uniquement à l’os, au moins une complication osseuse était observée chez 73 % d’entre elles. Les patientes ayant le plus haut risque de complications osseuses sont celles présentant des métastases osseuses pures mais ce sont aussi ces patientes qui ont la durée de vie la plus longue (36 mois en moyenne) (21).
298 Cancer du sein en situation métastatique De même, près de 70 % des patients dans les groupes placebo des études portant sur les BPs présentent plus d’un événement osseux et 50 % environ une fracture pathologique à 2 ans (22). Les BPs ont donc permis une réduction importante des complications osseuses dans le cancer du sein métastatique. Les molécules ayant l’indication dans la maladie osseuse métastatique en France sont le clodronate, le pamidronate, le zoledronate et l’ibandronate. Toutes ces molécules ont été testées contre placebo avec une réduction du risque de SRE variant de 17 à 41 % selon les molécules et les études (23-31). Ces données ont été regroupées dans une revue de la Cochrane (32). Dans ces différentes études, les données ne sont cependant pas homogènes lorsqu’on s’intéresse à un type d’événement osseux. Par exemple, très peu d’études mettent en évidence une réduction significative du nombre de fracture vertébrale vs placebo. Enfin, aucune de ces études n’a mis en évidence de bénéfice sur la survie.
Quels BPs utiliser ? Quelle voie d’administration ? Pour quelle localisation métastatique ? Il n’existe que très peu d’études comparatives disponibles. L’étude de Diel et al. présentée à l’ASCO en 1999 (abstract 488) a comparé le clodronate per os (2 400 mg/j) vs clodronate IV (900 mg/ 3 sem) vs pamidronate IV (60 mg/3 sem). De cette étude, les auteurs concluent à une meilleure prévention des fractures avec le clodronate per os en administration quotidienne par rapport aux traitements IV. Cependant, les doses de clodronate per os administrées sont supérieures à celles utilisées habituellement alors que les doses IV sont inférieures à celles recommandées. Rosen et al., en 2004, ont comparé, chez 1 130 patientes porteuses d’un cancer du sein avec lésions secondaires osseuses, l’efficacité du pamidronate 90 mg IV/2H et du zoledronate 4 ou 8 mg IV/15 min toutes les 3 à 4 semaines pendant 12 mois. Le bras zoledronate 8 mg a été amendé en raison d’effet secondaire rénal et les patientes de ce bras ont alors reçu le zoledronate à la dose de 4 mg. L’objectif de cette étude était de montrer la non-infériorité du zoledronate comparé au pamidronate dans la prévention des SRE dans le cancer du sein avec lésions secondaires osseuses. Les SRE étaient définis par : le recours à la chirurgie osseuse, le recours à la radiothérapie, les fractures pathologiques, la compression médullaire. Dans cette étude, la réduction du nombre de SRE était identique pour les deux molécules. Dans le sous-groupe des patientes présentant au moins une lésion ostéolytique (« groupe ostéolytique »), le nombre de SRE était moins important dans le bras zoledonate (48 %) que dans le bras pamidronate (58 %) mais la différence n’était pas statistiquement significative (p = 0,058). Dans ce même sous-groupe « ostéolytique », le zoledronate allongeait significativement le temps jusqu’au premier SRE par rapport au pamidronate (médiane 310 j vs 174 j, p = 0,013) et réduisait le nombre annuel total de SRE (moyenne 1,2 vs 2,4 ; p = 0,008).
Les bisphosphonates pour les cancers métastatiques du sein… 299 La voie d’administration a également été testée pour l’ibandronate. La prise de 50 mg/j per os d’ibandronate est pharmacologiquement équivalente à l’injection de 6 mg IV/3 semaines et l’efficacité clinique sur la réduction des SRE est comparable (33, 34). Tous les BPs étudiés ont donc une efficacité sur la maladie métastatique.
Existe-t-il des facteurs prédictifs de la réponse aux BPs ? L’efficacité d’un traitement par BP s’apprécie d’abord sur des critères cliniques (absence de douleur, absence de nouvel événement osseux). Lipton et al., en 2008 (35), ont étudié sur trois études de phase III la corrélation entre un marqueur biologique urinaire de la résorption osseuse (NTXu) et le devenir de 578 patientes porteuses d’un cancer du sein métastatique à l’os en termes de survie et d’événements osseux après 3 mois de traitement par zoledronate ou pamidronate. Les auteurs ont défini trois profils évolutifs en fonction de l’évolution du taux de NTXu : soit un taux de NTXu élevé à l’état initial et restant élevé à 3 mois (E-E), soit un taux de NTXu élevé à l’état initial et se normalisant à 3 mois (E-N), soit enfin, un taux de NTXu normal à l’état initial et à 3 mois (N-N). À 3 mois, le nombre de patients maintenant un taux de NTXu normal ou normalisant ce taux est plus élevé dans le groupe zoledronate que dans le groupe pamidronate. La normalisation du taux de NTXu est associée à une réduction du nombre d’événements osseux et à une survie prolongée. Cependant, le dosage des marqueurs du remodelage osseux est soumis à des règles strictes de prélèvement, à des méthodes de dosage et des normes variables selon les laboratoires. Ces marqueurs ne sont pas spécifiques de la maladie osseuse métastatique et il existe de grande variabilité interindividuelle. Par conséquent, l’utilisation des marqueurs du remodelage osseux en pratique n’est pas validée à l’heure actuelle. Des données intéressantes devraient découler de l’essai BisMARK en cours et évaluant sur 24 mois le nombre de SRE chez des patientes traités par différents schémas d’administration du zoledronate : zoledronate 4 mg IV en systématique/3-4 sem vs zoledronate administré en fonction du rapport NTX/créatinine sérique, toutes les 4, 8 ou 16 semaines avec un suivi de 3 ans.
Quelle durée de traitement ? À l’heure actuelle, la durée optimale d’un traitement par BPs n’est pas déterminée. La plupart des études concernant les BPs en situation métastatique dans le cancer du sein sont réalisées sur 24 mois. Par ailleurs, la description d’ostéonécroses des maxillaires chez les patients traités au long cours par BPs invite à réévaluer l’indication et les modalités du traitement par BPs au plus tard après un cycle de traitement de 2 ans. Il n’y a pas de donnée actuellement disponible permettant de proposer une attitude précise au terme de cette réévaluation. La poursuite du traitement selon les mêmes modalités, le changement de molécule, l’augmentation de l’intervalle de traitement se discute au cas par cas en fonction de la tolérance, de l’efficacité et de l’habitude du prescripteur, ainsi que du choix du patient.
300 Cancer du sein en situation métastatique En l’absence d’études frontales entre les différentes molécules, il est difficile d’affirmer la supériorité d’un BP par rapport aux autres. Le choix de la voie d’administration est également guidé par le choix du patient, la tolérance et les modalités d’administration des autres thérapeutiques.
BPs et coût du traitement Plusieurs études ont été menées afin de déterminer le coût engendré par le traitement par BP. Ces molécules sont coûteuses alors qu’elles n’ont pas fait la preuve d’un bénéfice sur la survie (36) mais elles préviennent presque complètement les épisodes d’hypercalcémie, diminuent la survenue et allongent le délai d’apparition des événements osseux et donc réduisent le coût engendré par les séances de radiothérapie, les interventions nécessaires en cas de fracture, etc. Ce bénéfice sur la qualité de vie justifie donc le coût de ces traitements au même titre que les autres traitements de supports. De Cock et al. ont publié, en 2005, deux études comparant le rapport coût/efficacité de l’ibandronate oral vs le pamidronate IV ou le zoledronate IV chez des patientes recevant un traitement hormonal dans le cadre d’un cancer du sein (37), ainsi que chez des patientes recevant une chimiothérapie (38). L’ibandronate per os a, dans cette étude réalisée en Angleterre, un rapport coût/efficacité meilleur compte tenu de l’absence de dépenses engendrées par les injections. Paterson et al. ont mené une étude en Angleterre et en Allemagne comparant le rapport coût/efficacité du clodronate oral vs l’ibandronate oral vs des injections de pamidronate ou de zoledronate (39). Les auteurs concluent en un coût moins important dans ces pays du clodronate per os.
Recommandations Ces recommandations peuvent varier d’un pays à l’autre selon les molécules disponibles. Les recommandations de l’ASCO mises à jour en 2003 (40) proposent l’administration, en complément du traitement antitumoral, d’un amino-BPs par voie intraveineuse (pamidronate 90 mg IV/ 2 h ou zoledronate 4 mg/15 min) dès l’apparition à la radiographie standard, à l’IRM ou au scanner, d’une lésion osseuse, qu’elle soit symptomatique ou non. Le clodronate n’étant pas commercialisé aux États-Unis dans cette indication, il n’est donc pas retenu. Ces recommandations n’apportent pas d’éléments nouveaux concernant la durée de traitement, l’adaptation des doses ou le changement de molécule en fonction de l’ostéolyse. Le panel d’experts réunis autour d’Aapro en 2008 (41) propose également un amino-BP IV en première intention. La voie per os (ibandronate ou clodronate) est possible chez les patients ne pouvant ou ne souhaitant pas de surveillance hospitalière. Récemment, le troisième consensus sur le traitement médical du cancer du sein métastatique (42) s’est prononcé en faveur de l’utilisation du clodronate oral (1 600 mg/j), de l’ibandronate IV (6 mg/21-28j), de l’ibandronate oral (50 mg/j), du pamidronate IV (90 mg/21-28 j) ou du zoledronate 4 mg IV/21-28j). La durée opti-
Les bisphosphonates pour les cancers métastatiques du sein… 301 male de traitement n’étant pas connue, les experts s’alignent avec les recommandations de l’ASCO qui recommandent une administration jusqu’à ce qu’il y est une altération substantielle de l’état général. D’autres propositions prenant en compte l’ensemble des données disponibles, les différentes phases d’évolution et de traitement de la maladie ainsi que les données de tolérance ont également été rapportées (43).
Quelles précautions faut-il prendre avant d’instaurer un BP et au cours du traitement ? Comme avant tout traitement quelle que soit son indication, il faudra évaluer le rapport bénéfice risque ainsi que les comorbidités associées. Il faudra également évaluer la compliance du patient au traitement, le terrain veineux et évoquer les effets secondaires potentiels du traitement proposé et les moyens de les prévenir. Ceci permet d’orienter le choix de la voie d’administration ou de la molécule. Le choix du patient doit également être pris en compte. En dehors des situations d’urgence telle que l’hypercalcémie, l’évaluation de l’état bucco-dentaire et la mise en état de celle-ci est recommandée, en particulier avant l’administration des amino-BP selon les recommandations de l’Afssaps (44). Un bilan biologique comprenant calcémie, calciurie des 24 heures, dosage de la 25 OH vitamine D, devra être réalisé et les éventuelles carences corrigées avant de débuter le traitement. L’appréciation de la fonction rénale par le dosage de l’urée, de la créatinine et de la clairance de la créatinine permet une adaptation de doses si besoin. Les BPs sont en général contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère. Les BPs de façon générale s’administrent chez des patients correctement hydratés. Les modalités d’administration devront être précisées au patient en particulier pour les BPs oraux dont l’administration doit se faire au mieux à jeun ou, en tout cas, à distance des repas. Les BPs oraux sont à avaler avec un grand verre de liquide à faible teneur en calcium et en aucun cas avec du lait, des aliments ou des médicaments contenant des cations divalents (calcium, magnésium, etc.), car ces produits diminuent l’absorption des BPs. Au cours du traitement, il faudra évaluer précocement la tolérance et le respect des modalités de prise du traitement. Il est conseillé de surveiller la fonction rénale, la calcémie, la phosphorémie et la magnésémie ainsi que l’état bucco-dentaire au cours du traitement.
Conclusion Les BPs sont des molécules ayant prouvé leur efficacité dans la maladie métastatique osseuse du cancer du sein. Les recommandations les plus récentes dans les pays où le clodronate est disponible retiennent l’ensemble des molécules pour le traitement de la maladie osseuse métastatique du cancer du sein. La durée de traitement n’est
302 Cancer du sein en situation métastatique pas définie, une réévaluation du traitement après 2 ans peut cependant être proposée. La toxicité des BPs est faible mais une surveillance étroite est nécessaire. La découverte plus récente d’autres propriétés des BPs permettra peut-être d’élargir leur prescription à un stade plus précoce de la maladie néoplasique mammaire.
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Les bisphosphonates pour les cancers métastatiques du sein… 305 42. Beslija S, Bonneterre J, Burstein HJ et al. (2009) Third consensus on medical treatment of metastatic breast cancer. Ann Oncol 20: 1771-85 43. Tubiana-Hulin M (2004) Métastases osseuses des cancers du sein : du bon usage des bisphosphonates. Oncologie 6: 129-35 44. Afssaps (2007) Recommandations sur la prise en charge bucco-dentaire des patients traités par bisphosphonates. http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Lettres-aux-professionnels-de-sante/Recommandations-sur-la-prise-encharge-bucco-dentaire-des-patients-traites-par-bisphosphonates/(language)/fre-FR
Limites de la prise en charge des patientes métastatiques : Limites objectives : jusqu’à quelle ligne thérapeutique doit-on aller ? Influence de l’âge de la patiente et des lignes de traitement proposées ? E. Luporsi
Introduction Un constat s’impose : il n’y a pas de standard en première ligne métastatique et il faut recourir à des accords d’experts. En deuxième et troisième lignes métastatiques, il n’est pas possible de faire des accords d’experts. Nos choix thérapeutiques sont le plus souvent empiriques. Les résultats des essais existent mais sont souvent mal connus ou mal utilisés. L’objectif recherché en situation métastatique est la définition d’un rapport bénéfice/risque avec maintien d’une qualité de vie correcte mais ce bénéfice est variable selon le profil de la patiente et de la maladie. Le cancer du sein métastatique est une question d’actualité car les nombreux traitements en adjuvant rendent la situation métastatique complexe.
La question à se poser dans un premier temps : « Qui fixe la limite de la prise en charge ? » Est-ce le médecin ? Le médecin se doit de proposer des options ! Il se pose les questions : Quelles sont les lignes dont je dispose et comment les utiliser ? Quels sont les critères objectifs (patients et traitements) qui permettent de choisir une thérapeutique ?
Est-ce le patient ? En particulier la question utile : jusqu’à quand le patient sera-t-il compliant ?
308 Cancer du sein en situation métastatique
Données de la littérature Selon l’étude de Dufresne (1), une première ligne donne dans 69 % des cas une durée de réponse supérieure ou égale à 6 mois et en 5e ligne 23 % (tableau I). Tableau I – Distribution de la durée de TDC pour chaque ligne de chimiothérapie (n = 934). TDC (mois, %)
n
0
<6
*6
Ligne 1
772
14
17
69
Ligne 2
505
23
26
50
Ligne 3
283
36
23
40
Ligne 4
127
36
29
35
Ligne 5
55
45
31
23
Facteur prédictif de réponse = durée de réponse à la ligne de chimiothérapie précédente
Les critères objectifs en clinique du choix d’un traitement dépendent : – des caractéristiques des patientes : âge, PS ; – des traitements adjuvants reçus (médicaments mais aussi schémas) ; – du délai d’apparition de la ou des métastases ; – des métastases (types, nombre) ; – des lignes métastatiques déjà reçues ; – des toxicités des traitements déjà reçus ; – des séquences de traitement en métastatique : monothérapie ou association/ séquentiel ou concomitant. Cependant, l’évaluation du risque est liée à des facteurs affectant le pronostic. Il s’agit de facteurs prédictifs de métastases tels que les récepteurs d’œstrogène, les récepteurs de progestérone, le statut HER2, l’intervalle libre entre le traitement adjuvant et la métastase, le nombre de métastases, le type de métastases, le performance status et la notion d’urgence vitale. Le choix du traitement sera lié au bas risque et on privilégiera l’hormonothérapie, pour le haut risque c’est la chimiothérapie qui sera le traitement de choix. Le bon pronostic se définit par des récepteurs hormonaux positifs, un intervalle libre supérieur à 2 ans, des métastases peu nombreuses situées dans les tissus mous ou au niveau osseux. Le mauvais pronostic se définit par des récepteurs hormonaux négatifs, un intervalle libre inférieur à 2 ans, plusieurs sites métastatiques viscéraux. Les critères évalués dans les essais en situation métastatique montrent que des problèmes méthodologiques existent de façon spécifique pour les essais en situation métastatique : – si on étudie la survie globale il faut tenir compte des traitements donnés en deuxième et troisième ligne ; – le TTP (time to progression) : il faut fixer le temps a priori et le TTP est plus pertinent que la PFS (progression free survival) ;
Limites de la prise en charge des patientes métastatiques… 309 – pour le pourcentage de réponse, les critères Recist ne sont plus adaptés en particulier pour les thérapeutiques ciblées, et l’imagerie fonctionnelle apportera dans l’avenir une information importante ; – en termes de toxicité, on étudie toujours grade 3-4 versus 1-2 et la durée de la toxicité n’est pas prise en compte ; – la qualité de vie nécessite une interprétation, les données manquantes sont à gérer ; – des décès toxiques peuvent être reliés au traitement.
Comment évaluer le bénéfice pour arriver à une recommandation (2) Il s’agit de l’ensemble des éléments objectifs intervenant dans la décision : – il faut se poser la question de l’objectif à atteindre : choisir le traitement le plus adapté en fonction des caractéristiques du patient et de la métastase ; – en palliatif l’objectif sera de maintenir la qualité de vie ; – dans d’autres situations, l’objectif peut être d’allonger la survie ou d’obtenir un taux de réponse ; – pour la survie globale, il est important d’avoir des biomarqueurs prédictifs. Il est essentiel d’adapter l’objectif aux différentes situations cliniques. Les probabilités de succès d’un traitement dépendent de certains éléments préétablis (3, 4) : – l’hormonothérapie est efficace lorsque les récepteurs hormonaux sont positifs ; – lorsqu’un patient a répondu à une hormonothérapie, il répondra à une deuxième hormonothérapie ; – lorsqu’un patient a répondu à une chimiothérapie, il répondra à une deuxième chimiothérapie.
Quelques exemples – Patiente symptomatique, PS péjoratif, objectif palliatif, option thérapeutique : traitement hebdomadaire ou drogues orales, contrôle du risque++. – Patientes âgées, maladie indolente, PS péjoratif, objectif qualité de vie et TTP, option thérapeutique : traitement hebdomadaire ou drogues orales ou métronomique. Contrôle du risque ++. – Maintenir le contrôle de la métastase, objectif ORR, option thérapeutique : combinaison de traitements, recherche du bénéfice ++. – Patiente jeune, PS bon, métastases viscérales, objectif survie, option thérapeutique : combinaison de traitements, recherche du bénéfice ++. – Her2+/ objectif : survie, option thérapeutique : antiHER2 ou HER1. Recherche du bénéfice ++.
310 Cancer du sein en situation métastatique
Conclusion Les objectifs des futurs essais en situation métastatique doivent être adaptés à des situations cliniques précises et homogènes afin de pouvoir établir des recommandations en fonction d’un tableau clinique plutôt que des lignes de traitement.
Références 1. Dufresne A, Pivot X, Tournigand C et al. (2008) Impact of chemotherapy beyond the first line in patients with metastatic breast cancer. Breast Cancer Res Treat 107: 275-9 2. Beslija S, Bonneterre J, Burstein HJ et al. Central European Cooperative Oncology Group (CECOG) (2009) Third consensus on medical treatment of metastatic breast cancer. Ann Oncol 20: 1771-85 3. Jackisch C, Untch M, Chatsiproios D et al. (2006) Breast cancer: analysis of treatment quality in Germany 2004: retrospective survey by Arbeitsgemeinschaft Gynäkologische Onkologie (AGO). Zentralbl Gynakol 128: 352-61 4. von Minckwitz G; for The Breast Commission of the German Gynaecological Oncology Working Group (AGO) (2006) Evidence-based treatment of metastatic breast cancer - 2006 recommendations by the AGO Breast Commission. Eur J Cancer 42: 2897-908
Limites subjectives de la prise en charge des patientes métastatiques. Quand les traitements oncostatiques laissent la place aux traitements palliatifs C. Bouleuc
Introduction Le cancer du sein métastatique est une des maladies les plus chimio-sensibles, pour laquelle les traitements spécifiques permettent d’obtenir une longue survie. En pratique clinique, les lignes de chimiothérapie se succèdent régulièrement au-delà de la troisième ligne mais avec une efficacité qui s’épuise dans le temps. La poursuite d’une chimiothérapie qui n’est plus efficace entraîne plusieurs conséquences négatives. Le patient peut subir inutilement des effets secondaires, ce qui va à l’encontre du principe éthique de non-malfaisance. Le désir de protection bienveillante invoquée pour épargner le stress de l’annonce de l’échec des chimiothérapies peut avoir pour corollaire l’isolement relationnel du patient, qui constate que la situation médicale s’aggrave sans explication médicale. Cela peut engendrer un sentiment d’angoisse et d’oppression non verbalisé. Pour les soignants, l’administration de traitements inefficaces et toxiques est source de sentiments d’échec et de culpabilité. L’absence de communication autour de la gravité du pronostic empêche de mettre en place un projet de soins palliatifs de qualité. Pour la société, ces traitements inutiles engendrent un surcoût, et il est montré que l’absence d’intégration du pronostic sombre est l’élément qui détermine le plus la demande de soins intensifs pour les patients suivis en cancérologie (1).
Fréquence de la chimiothérapie en fin de vie Plusieurs études récentes montrent des disparités importantes dans la fréquence du recours à la chimiothérapie en fin de vie en fonction des pays plus que des pathologies. Aux États-Unis, un taux de prescription de chimiothérapie est de 43 % au cours du dernier mois de vie et de 20 % au cours des 15 derniers jours chez des patients atteints de cancer du poumon (2). Dans une étude réalisée au Portugal et portant sur tous types de cancers, on retrouve 37 % de patients recevant une chimiothérapie
312 Cancer du sein en situation métastatique au cours du dernier mois de vie et 21 % dans les 15 derniers jours (3). Dans une étude finlandaise, on retrouve une prescription de chimiothérapie chez 20 % des patientes atteintes de cancer du sein métastatique au cours de leur dernier mois de vie (4). À l’opposé, dans l’étude coréenne seulement 5,7 % des patients ont été traités dans les 15 jours précédents leur décès (5), tout comme 4,6 % de patients atteints de cancer du poumon dans une étude canadienne (6). Toutes ces études concernent des cohortes de patients décédés, chez lesquelles on analyse les traitements spécifiques reçus dans les mois qui ont précédé le décès. En dehors des décès toxiques, les patients décèdent de l’évolution tumorale, signifiant rétrospectivement l’inefficacité de la chimiothérapie dont l’indication devient alors questionnable, alors que les patients chez lesquels elle a pu être efficace ont peut-être vécu plus longtemps. La question qui se pose alors est celle du caractère prévisible de la chimiorésistance. Les patients qui présentent un cancer métastatique avancé, chimiorésistant et d’évolution lente pourraient bénéficier d’un arrêt plus précoce de la chimiothérapie palliative. Certains patients d’ailleurs se disent améliorés cliniquement dans les mois qui suivent l’arrêt. La question centrale est donc l’identification d’une part des patients peu nombreux qui tireront encore bénéfice d’une chimiothérapie, et d’autre part de ceux plus nombreux chez lesquels la chimiothérapie n’est plus indiquée en raison d’une chimiorésistance globale, pour ne pas sous-traiter les premiers et sur-traiter les derniers. L’avènement des traitements ciblés viendra compliquer cette analyse.
Facteurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie, facteurs pronostiques palliatifs Malgré les progrès très importants, la résistance globale aux traitements spécifique s’installe inéluctablement, responsable d’une évolution fatale. La chimiorésistance globale à tout traitement spécifique est un critère imposant l’arrêt de ceux-ci, selon le principe éthique de non-malfaisance. Parmi les facteurs prédictifs classiques de réponse à la chimiothérapie dans le cancer du sein, on retrouve l’état général, la cachexie, des anomalies sanguines biologiques, la masse tumorale, la réponse à la ligne précédente (7), mais ils ne sont que peu étudiés au-delà de la première ligne. Les facteurs pronostiques palliatifs retrouvés dans une méta-analyse sur des patients en soins palliatifs (en majorité atteints de cancer avancés) sont les suivants : l’estimation par le clinicien de l’espérance de vie, des symptômes cliniques à type de syndrome anorexie-cachexie, dyspnée et troubles cognitifs et des facteurs biologiques à type de polynucléose, lymphopénie et augmentation de la CRP (8). Antérieurement, Maltoni a établi un score pronostic palliatif sur 34 points en fonction de l’estimation clinique de la survie, l’indice de Karnofsky, le taux de globules blancs et de lymphocytes (9). L’application de ce score sur une cohorte de 100 patients atteints de cancers d’origine multiple dont la survie médiane est de 12 semaines, permet de définir une probabilité de survie à 1 mois de 97 %, 59 et 25 % respectivement pour les patients ayant un score A, B et C (10). Plus récemment, une équipe française a permis de construire un score pronostique encore plus
Limites subjectives de la prise en charge des patientes métastatiques 313 simplifié reposant sur l’indice de Karnofsky, le nombre de site métastatique, le taux sérique d’albumine et de LDH. Sur 177 patients atteints de cancers métastatiques avec une espérance de vie < à 6 mois mais non agoniques (médiane de survie de 58 jours), le score permet de différentier trois groupes ; un groupe avec une survie toujours < à 2 mois, un groupe avec un taux de survie de 25 % à 4 mois, et un groupe avec un taux de survie de 80 % à 4 mois (11). Si l’on demande aux oncologues d’estimer la survie des patients, on observe d’une manière générale que ces derniers surestiment le pronostic des patients en phase avancée, de l’ordre de 50 % dans l’étude de Christakis (12) portant sur 343 médecins estimant le pronostic de 468 patients en phase avancée, plutôt de l’ordre de 30 % dans une revue systématique de Glare (13). Dans cette étude, la surestimation est d’autant plus grande que la survie réelle est supérieure à 1 mois.
Problèmes posés par l’information sur le pronostic grave et la chimiothérapie palliative Difficultés de communication des cancérologues Parler de fin de vie et de soins palliatifs n’est pas aisé pour les cancérologues, en particulier lorsque les patients souhaitent continuer les traitements même agressifs de chimiothérapie (14). La poursuite de la chimiothérapie inefficace s’explique par les difficultés ressenties par les médecins pour l’annonce de son arrêt, mais aussi pour la mise en place de projets de soins palliatifs. Sur 895 médecins membre de l’ESMO, 88,4 % pensent que les cancérologues doivent coordonner le projet de soins en fin de vie de leurs patients mais seulement 42 % se sentent formés pour le faire (15) et moins de 35 % collaborent avec une équipe de soins palliatifs ou de psychologues. En grande partie liée à un manque de formation, cette difficulté de communication peut aussi avoir une origine culturelle. Dans une étude interrogeant 228 oncologues, plus de 60 % des oncologues canadiens pensent que leurs patients veulent être informés du stade terminal pour seulement 26 % des Européens et 18 % des SudAméricains (16).
Contenu de l’information lors des consultations en phase palliative Bien que les oncologues énoncent fréquemment le pronostic en termes de maladie non curable, ils évitent d’utiliser des délais ou des statistiques, et préfèrent s’exprimer par des métaphores décrivant l’impact émotionnel sur le patient, comme celle du « coup sur la tête » (17). Dans une étude néerlandaise, les informations médicales données lors de 95 consultations ayant pour but de discuter une chimiothérapie palliative sont les suivantes : l’évolution de la maladie dans 53 %, les symptômes dans 35 %, l’incurabilité de la maladie dans 84 %, le pronostic en une phrase (23 %) ou plus détaillé (27 %) ; l’arrêt possible de la chimiothérapie est évoqué dans
314 Cancer du sein en situation métastatique seulement 51 % des entretiens (18). Dans une étude similaire australienne sur 118 consultations, les patients sont au courant de leur espérance de vie dans 58 % des cas mais 44 % seulement reçoivent une information sur une alternative à la chimiothérapie (19). Les discussions sur le pronostic ne sont pas très fréquentes au cours des consultations médicales sur la chimiothérapie palliative. Dans une étude sur 35 patients atteints de cancer bronchique, on constate que les patients découvrent leur pronostic palliatif devant leur altération de l’état général ou en discutant avec d’autres patients (20). Dans une étude sur 37 patients atteints de cancer métastatique, ils découvrent que l’information médicale donnée en consultation consiste en une information pronostique vague ou absente pour 26 patients (21). Peu d’études analysent les déterminants de la prise de décision de l’oncologue. Dans une étude, 16 vignettes cliniques de patients en différentes situations palliatives sont présentés à 697 oncologues, devant se déterminer sur le choix d’un traitement spécifique ou non (22). L’âge du patient, son désir de poursuivre la chimiothérapie et l’espérance de survie sont les principaux paramètres déterminant le choix thérapeutique.
Besoins d’information des patients en phase métastatique Dans une étude australienne sur 126 patients atteints de cancer métastatique divers dont le diagnostic a été porté dans les 6 mois, on constate que les patients souhaitent être informés sur la maladie et ses effets secondaires pour plus de 98 %. Concernant le pronostic, alors que 80 % des patients souhaitent une information sur la survie à 5 ans, seulement 60 % la souhaitent sur la survie à un an. Cette différence est tout à fait représentative de l’ambivalence des patients, qui souhaitent vraiment connaître leur situation pronostique, mais tout autant recevoir des bonnes nouvelles de façon bien légitime. Dans cette même étude, les patients envisagent parler du risque de décès et de soins palliatifs au moment du diagnostic dans 35 %, à leur demande et par négociation (c'est-à-dire en vérifiant au préalable que le patient souhaite en parler) dans 25 % et jamais dans 10 % des cas (23). Cette grande variabilité des demandes d’information souligne les compétences à acquérir et les efforts à fournir pour que les oncologues communiquent de manière adaptée à chaque patient. Les mêmes auteurs australiens montrent que l’attitude souhaitée par plus de 90 % des patients de l’oncologue lors de l’annonce du pronostic est une attitude réaliste, qui laisse poser des questions, qui reconnaît le patient comme individu, qui explique la situation médicale et vérifie la compréhension du patient, qui clarifie ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l’être, qui résume ce qu’il dit, qui annonce au patient en premier les informations pronostiques qui le concerne (24).
Besoins d’information pronostique en phase palliative avancée Les besoins d’information pronostique en phase palliative avancée sont peu étudiés (25).
Limites subjectives de la prise en charge des patientes métastatiques 315 De nombreuses études montrent que les patients, plus que le public général ou les soignants, souhaitent recevoir une chimiothérapie palliative, même si celle-ci s’avère très toxique et qu’elle permet d’obtenir une probabilité mince de bénéfice clinique, y compris s’il s’agit de la seule amélioration de la qualité de vie sans augmentation de la survie (26). La demande d’espoir très forte des patients transparaît fortement à travers ces résultats. Cette constatation nourrit la crainte que l’annonce de l’arrêt de la chimiothérapie crée un traumatisme psychique qui altère sérieusement la qualité de vie du patient. En pratique quotidienne, on constate souvent qu’alors que l’état général et clinique du patient s’altère et que la phase terminale commence, une inquiétude intérieure grandit liée à l’angoisse de mort, que peu d’entre eux verbaliseront directement par un questionnement pronostique aux soignants. L’absence d’information sur la gravité du pronostic rend difficile une information claire sur la chimiothérapie palliative, et en particulier sur son but essentiellement symptomatique sans effet sur l’allongement de la survie, alors que les patients supposeront bien souvent que la chimiothérapie leur permet de vivre plus longtemps. Si elle répond très souvent à une demande d’espoir du patient, la prescription d’une chimiothérapie palliative sans discussion préalable crée un décalage éthiquement questionnable entre ce que le cancérologue et le patient en attendront. Mais, en revanche, si les patients ne sont pas informés préalablement et progressivement du caractère non curable de la maladie, des objectifs palliatifs de la chimiothérapie, de l’épuisement progressif de l’efficacité des traitements et de l’installation d’une chimiorésistance globale, l’annonce de l’arrêt des traitements sera incohérente sur un plan rationnel et sidérante sur le plan émotionnel. La sidération psychique est un écueil grave d’une annonce brutale mal préparée, ayant des conséquences très délétères jusqu’à un état de mort psychique du patient (27).
Proposition de guide sur l’information pronostic, la chimiothérapie palliative et les soins palliatifs Recommandations pour l’information pronostique L’information pas à pas, progressive et adaptée aux capacités d’intégration psychique du patient, doit être la base de toute stratégie de communication entre le médecin et son patient. Une stratégie de communication par connivence de ce type a été décrite par Helft (28) et les principes en sont résumés dans le tableau I.
316 Cancer du sein en situation métastatique Tableau I – Stratégie de connivence selon Helft (28). Chronologie Au fil du temps dans un climat de confiance Au rythme du patient Les symptômes émergent, le pronostic se précise Accompagnement jusqu’au bout Contenu Place à l’incertitude honnête au service du sens de l’espoir du patient Éviter les informations statistiques Touches successives, sous-entendus et communication non verbale Anticipation d’événements négatifs probables, prévisions d’événements positifs peu probables
Recommandations sur les modalités de la prise de décision de l’arrêt de la chimiothérapie Dans une première étape, le staff médical réuni le plus souvent en réunions de concertations pluridisciplinaires (RCP) d’organe analysera les possibilités de poursuite de traitements de chimiothérapies selon la situation médicale. L’analyse du besoin et du désir de poursuivre la chimiothérapie du patient comprend l’évaluation de l’intégration par le patient de sa situation médicale (compréhension de la maladie, des symptômes actuels, des risques évolutifs, du pronostic incurable et de l’espérance de vie), ainsi que de sa situation psychologique (état émotionnel, troubles anxiodépressifs, communication avec les proches), socio-familiale (rôle familial, profession) et spirituelle (croyance religieuse, priorités de vie). L’intervention de différents intervenants soignants auprès du patient (équipe de soins palliatives, infirmières, psychologues, assistantes sociales, etc.) et la restitution narrative de chacun en réunion de synthèse est souhaitable, enrichissante pour tous par les éclairages multiples du patient qu’elles apportent. La décision finale de poursuite ou d’arrêt de la chimiothérapie sera prise en consultation dans le colloque singulier entre le cancérologue et son patient. La décision médicale partagée implique que le médecin informe le patient sur les bénéfices possibles ou attendus et les effets secondaires du traitement proposé, ainsi que l’alternative de prise charge palliative exclusive, et aide le patient à se prononcer en faveur de l’option choisie. Rien que de demander aux patients leur préférence entre plusieurs choix de chimiothérapies sous-entend l’absence de certitude sur la conduite à tenir, ce qui peut être déstabilisant. Une plus grande participation à la décision médicale est parfois associée à plus d’anxiété (29). Des recherches cliniques sur les facteurs discriminants du choix et sur la place de la décision médicale partagée dans la décision d’arrêt de la chimiothérapie doivent se poursuivre.
Limites subjectives de la prise en charge des patientes métastatiques 317
Recommandations pour l’information sur la décision d’arrêt ou de poursuite de la chimiothérapie palliative Les différentes alternatives sont les suivantes. 1/ Arrêt de la chimiothérapie : cela suppose l’explication de la chimiorésistance et des risque d’effets secondaires en fonction de l’état général. Il peut être utile de préciser que l’arrêt d’une chimiothérapie inefficace ne peut provoquer l’accélération de l’évolution de la maladie, ce que craignent souvent les patients et que l’arrêt d’un traitement toxique ne peut qu’améliorer la qualité de vie. L’arrêt des traitements spécifiques doit faire place à un véritable projet de soins palliatifs, incluant la prise en charge optimale des symptômes, le soutien psychosocial et la prise en compte des besoins spirituels 2/ Nouvelle chimiothérapie palliative : le besoin d’espoir doit être absolument respecté et, pour certains patients qui ne peuvent envisager de rester sans combattre la maladie, une chimiothérapie probablement peu efficace pourra être poursuivie en adaptant la posologie afin d’éviter un risque de toxicité. 3/ La pause de la chimiothérapie : elle représente parfois un compromis satisfaisant, mais pour certains patients qui restent dans une attitude de combat face à leur maladie, l’attente de la récupération physique permettant la reprise du traitement sera parfois source de grande détresse psychique. Pour d’autres patients, la possibilité d’une stabilité spontanée ou d’une évolution lentement progressive d’une durée indéterminée constituera une réalité acceptable. 4/ Le maintien de l’espoir de la recherche médicale effectuée dans leur centre de traitement est souvent protecteur, qui permettra un jour de leur proposer un nouveau traitement efficace. 5/ Information palliative complète sur les buts du traitement de chimiothérapie, les risques, les modalités d’évaluation s’ils existent, les complications évolutives possibles, l’organisation de la prise en charge médicale en urgence, les possibilités d’hospitalisations éventuelles, la surveillance médicale, le lien avec les soignants du domicile. 6/ Tout doit être fait pour expliquer au patient sa situation médicale selon sa demande et de façon claire, et pour qu’il accepte une décision médicale apparemment cohérente.
Conclusion La chimiothérapie palliative dans le cancer du sein métastatique reste trop souvent prescrite, pour près de 20 à 50 % selon les études américaines ou européennes, plus pour éviter d’évoquer son arrêt que dans le but d’obtenir de réels bénéfices cliniques. L’évaluation clinique de la chimiothérapie au-delà de la 3e ligne dans le cancer du sein métastatique est pauvre dans la littérature médicale. Les facteurs pronostiques palliatifs les plus significatifs sont l’état général, la dénutrition, et certains paramètres biologiques (principalement le taux de leucocytes, de lymphocytes, de LDH, de PAL et d’albumine).
318 Cancer du sein en situation métastatique Les cancérologues qui se disent concernés par le projet de soin en fin de vie de leurs patients ne se sentent pas assez formés sur l’annonce de mauvaises nouvelles et sur les soins palliatifs. Les besoins d’information des patients sont hétérogènes, en particulier pour les patients en phase avancée, ce qui renforce le besoin de compétence en communication des médecins qui doivent s’adapter à chacun de leur patient. Au fil du temps, une information honnête, laissant place à l’espoir demandé par le patient, en sachant utiliser la communication implicite et non verbale dans une relation de soins impliquée et maintenue jusqu’à la fin paraît un objectif à tenter d’atteindre avec tous les patients. Les modalités de la prise de décision d’arrêt de chimiothérapie par le médecin sont à définir. La décision de chimiothérapie palliative (au-delà de la 2e ligne) nécessite de dialoguer avec le patient sur la situation médicale, le pronostic, les objectifs de la chimiothérapie et l’alternative thérapeutique de soins palliatifs isolés. Même si la décision reste médicale et est prise en consultation, sa nature subjective importante implique qu’elle soit partagée préalablement, en particulier avec les soignants qui prennent en charge le patient et les équipes de soins palliatifs. Et ce sont plus les modalités de concertation entre les différents soignants et la qualité des échanges d’informations avec le patient et ses proches qui comptent que la décision prise, quelle qu’elle soit.
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Épidémiologie des cancers du sein des personnes âgées en situation métastatique et non métastatique P. Grosclaude
Bien que les cancers soient pour la plupart des maladies du sujet âgé, il est paradoxalement plus difficile de disposer d’information chez les sujets âgés que chez les plus jeunes. En effet, d’une part les essais thérapeutiques n’incluent que peu, voire pas de sujets de plus de 75 ans, d’autre part, les structures de soins spécialisées en oncologie, qui sont généralement les seules à compiler leurs observations pour constituer des séries hospitalières, recrutent plus spécifiquement des patients jeunes ; enfin, c’est chez les sujets âgés que les statistiques issues des demandes d’exonération du ticket modérateur pour affection de longue durée sont les moins exhaustives du fait de la fréquence des comorbidités. Les seules données fiables en matière d’épidémiologie descriptive émanent donc des registres de cancers qui recensent de façon exhaustive tous les cas de cancers, mais hélas ceux-ci ne collectent que peu d’information clinique sur les cas. Les estimations montrent que 31,6 % des cas de cancers sont diagnostiqués chez les femmes de plus 75 ans, soit environ pour l’année 2008, 45 000 cas. Mais l’âge de survenue varie beaucoup selon les localisations cancéreuses et pour le cancer du sein, seuls 20 % des cas sont diagnostiqués après 74 ans. Ces 20 % représentent cependant environ 10 000 patientes, soit un cinquième, soit presqu’un quart des cancers diagnostiqué chez les femmes entre 75 et 84 ans ; en revanche, ils ne représentent plus que 16 % des cas diagnostiqués après 85 ans. Il est classique de dire que les cas diagnostiqués chez les femmes âgées sont plus évolués que ceux diagnostiqués chez les femmes jeunes et d’expliquer ainsi le plus mauvais pronostic des femmes âgées. C’est le constat que l’on peut faire à partir des informations fournies par les registres. Les résultats d’une étude portant sur 1 816 cas diagnostiqués en 2003 montrent que la proportion de cas sans atteinte ganglionnaire ou métastatique diminue avec l’âge. Mais le constat le plus évident est l’augmentation du nombre de cas dont le bilan est incomplet et pour lesquels il n’est pas possible d’avoir un stade fiable (tableau I). Un phénomène analogue est observé dans les données du SEER program qui décrivent la situation aux États-Unis.
322 Cancer du sein en situation métastatique Ce constat doit faire nuancer les résultats de l’étude de l’évolution des stades au diagnostic réalisée dans deux départements Français, qui montre une augmentation régulière de la proportion des tumeurs métastatiques chez les femmes de plus de 75 ans. Il est probable que cette augmentation soit en grande partie due à de meilleurs bilans d’extension. Tableau I – Cancer du sein : échantillon de 1 816 de cancers du sein invasif cas diagnostiqués en 2003 (source Francim). < 64 ans
65-74 ans
75-79 ans
80-84 ans
* 85 ans
TI 2 N0 M0
53 %
60 %
41 %
34 %
16 %
T 3 4 N0 M0
1%
1%
4%
5%
2%
N+ ou M+
33 %
29 %
37 %
33 %
25 %
Stade inconnu
13 %
11 %
18 %
28 %
57 %
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée : de l’évaluation gériatrique à la décision thérapeutique G. Freyer
Introduction Le propos de chapitre est d’exposer comment l’évaluation gériatrique peut aider l’oncologue à mieux discerner, parmi les patientes atteintes de cancer du sein métastatique, celles qui pourront a priori bénéficier d’un traitement standard et celles pour lesquelles l’indication thérapeutique devra être adaptée. Cette évaluation permet également de dépister certains états de fragilité potentielle ou bien encore des syndromes gériatriques qui devront faire l’objet d’une prise en charge spécifique par un gériatre et, surtout, lorsque par exemple une indication de chimiothérapie est posée, rendront nécessaire l’organisation de soins de suite gériatriques afin d’éviter de graves décompensations liées aux toxicités chimio-induites (1). Il convient de dissiper d’abord tout malentendu sur la nature de l’évaluation gériatrique à réaliser. – L’évaluation gériatrique de l’oncologue doit être, autant que faire se peut, simple et peu consommatrice de temps. Elle doit pouvoir être réalisée à la consultation sous réserve de disposer d’une aide spécifique, par exemple par une infirmière spécialisée, ce que permettent de plus en plus les Centres de coordination en cancérologie (3C) et les Unités pilotes d’oncogériatrie (UPCOG). L’évaluation gériatrique de l’oncologue est actuellement bien standardisée (cf. infra) mais elle requiert au minimum 30 à 40 minutes pour être réalisée de façon optimale (2-5). Cet inventaire de l’état de santé globale et de la vulnérabilité de la personne âgée ne doit pas simplement rester consigné dans le dossier médical et demeurer lettre morte. Il sert au contraire de base à l’ensemble de la réflexion qui sera conduite dans le cadre de la prise en charge multidisciplinaire. Nous n’insisterons jamais assez sur le fait que ces minutes supplémentaires consacrées à une malade âgée à la phase initiale sont susceptibles de faire gagner à l’équipe médicale de nombreuses heures passées à gérer les conséquences de traitements mal maîtrisés et d’indications insuffisamment réfléchies.
324 Cancer du sein en situation métastatique – L’évaluation gériatrique du gériatre ou évaluation gériatrique approfondie s’impose lorsqu’une ou plusieurs problématiques spécifiques ont été identifiées, mettant en péril le devenir de la personne âgée au cours de son traitement. Elle est réalisée à la consultation de gériatrie voire à l’occasion d’une courte hospitalisation et surtout les problèmes de santé ainsi pris en charge feront l’objet d’un suivi spécifique. – Les mini-évaluations qui se présentent sous la forme d’inventaires extrêmement réduits en quelques items (comme par exemple le VES 13) s’intègrent également au cadre du dépistage mais aucune d’entre elles n’a à ce jour fait l’objet d’une validation spécifique en cancérologie et, à moins d’une habitude particulière avec ce type d’instrument, les oncologues ne peuvent encore les intégrer à leur pratique quotidienne. Enfin, il est évident que chez certaines personnes âgées de moins de 80 ans parfaitement autonomes, en excellente forme et sans comorbidité identifiée, une évaluation gériatrique très réduite sera suffisante dans de telles situations de vieillissement réussi. Ces patientes peuvent être assimilées à des patientes jeunes et traitées comme telles. Rappelons-nous aussi qu’elles constituent une minorité, celle qui est incluse dans les essais cliniques… De façon générale, en cas d’hormonosensibilité potentielle, le traitement de référence du cancer du sein métastatique a fortiori chez la femme âgée reste l’hormonothérapie (6), qui pose dans l’ensemble assez peu de problèmes de tolérance. Nous discuterons ici principalement des indications de chimiothérapie et de thérapie ciblée, dans les situations de maladie agressive et/ou d’hormonorésistance pour lesquelles les principales questions à se poser sont : – le caractère licite de l’indication thérapeutique compte tenu des données scientifiques disponibles ; – la fragilité potentielle de la personne âgée donc sa capacité à tolérer les traitements ; – le bénéfice thérapeutique espéré au regard de l’espérance de vie de la patiente. Ce questionnement nous paraît indispensable et ne peut se limiter à l’empirisme du « coup d’œil clinique » ou à des constatations lapidaires telles que « il faut de toute façon traiter cette patiente, sans quoi elle décédera de sa maladie métastatique » ou bien « Il n’y a pas d’intérêt à faire une chimiothérapie après 80 ans ». En 2006, nous avons publié une étude portant sur plus de 1 000 patientes atteintes de cancer du sein métastatique (7), montrant que, si la biologie de cette maladie est volontiers un peu moins « agressive » après 70 ans (RH plus fréquemment exprimés, prolifération moindre, Her2 plus rarement surexprimée), données déjà connues (8, 9), il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de patientes relevant d’une chimiothérapie sont sous-traitées : hormonothérapie même en cas de RH négatifs, absence de traitement par trastuzumab malgré l’indication potentielle, chimiothérapie plus rarement prescrite et à des doses systématiquement réduites. De façon intéressante, le cut-off pour l’âge, si l’on considère la modification des pratiques la plus significative, se situe dans cette étude à 75,4 ans. Cela pourrait signifier, du point de vue des oncologues prescripteurs, qu’une patiente est âgée audelà de 75 ans, plutôt que de 70 ans, seuil classiquement et historiquement admis.
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée… 325
Évaluation gériatrique de l’oncologue et utilisation pour l’indication thérapeutique Pour de nombreux auteurs, l’évaluation gériatrique multidimensionnelle permet d’identifier trois catégories de patientes âgées : celles qui ne posent aucun problème de santé ou d’autonomie particulier (« fit » ou vieillissement réussi) et qui peuvent en principe bénéficier de prises en charge « standards », c’est-à-dire comparables à celles des patientes jeunes ; celles qui à l’opposé apparaissent particulièrement fragiles, dépendantes, atteintes de comorbidités multiples, qui le plus souvent vivent en institution et qui seraient en théorie candidates à une prise en charge purement palliative ; enfin, la catégorie intermédiaire, celle qui pose le plus de problèmes, correspond aux patientes pour lesquelles certains problèmes sont identifiés et nécessitent des interventions spécifiques, sans cependant contre-indiquer formellement un traitement carcinologique qui devra par conséquent être adapté (10).
Différentes dimensions à explorer Comorbidités L’augmentation de l’espérance de vie médiane de la population s’accompagne d’une prévalence plus importante de certaines maladies liées à l’âge telles que les maladies cardio-vasculaires, l’arthrose, l’ostéoporose et les maladies neuro-dégénératives. Audelà de 75 ans, le nombre moyen de comorbidités par patiente est supérieur à 4 et seulement 4 % de ces patientes peuvent être considérés comme étant en parfaite santé. L’existence de comorbidités est un facteur pronostique péjoratif reconnu, indépendamment du stade tumoral et par ailleurs limite l’inclusion dans les essais thérapeutiques tout en accroissant le risque de toxicité (11). Un certain nombre d’échelles (CIRS-G, Charlson…) ont été développées pour évaluer les comorbidités mais il n’y a pas pour le moment de données spécifiques reliant tel ou tel score à une probabilité de survie ou à une nécessité d’adaptation thérapeutique dans le cancer du sein métastatique. Il est probablement plus simple de faire pour chaque patiente un inventaire des comorbidités susceptibles d’interférer avec la prise en charge cancérologique ainsi que des comédications qui sont à l’origine d’interactions pharmacologiques et pharmacocinétiques potentielles.
Autonomie fonctionnelle Si les scores habituellement utilisés en cancérologie (Karnofsky ou ECOG) conservent leur utilité chez la personne âgée, il convient de mieux cerner la problématique de la dépendance en utilisant notamment l’échelle des activités de base de la vie quotidienne (ADL 6 items) (12) ainsi que l’échelle des activités instrumentales (IADL 8 items) (13), aujourd’hui universellement admises, et dont la capacité à dépister des limitations fonctionnelles chez la personne âgée a été montrée nettement supérieure à l’utilisation du seul PS de l’ECOG (14). On exprime les résultats obtenus en
326 Cancer du sein en situation métastatique « nombre de dépendances ADL » et « nombre de dépendances IADL », ces dernières concernant plus particulièrement la capacité de la personne âgée à utiliser certains matériels comme le téléphone, à faire ses courses, à gérer son argent, etc.
Statut cognitif Les troubles de la mémoire liés à l’âge, s’intégrant ou non dans le cadre d’une démence débutante, mais aussi bien les déficits visuels et auditifs, la réduction du lien social et l’absence de toute activité professionnelle, sont les principaux facteurs qui expliquent le déclin progressif quoique extrêmement hétérogène des capacités des patientes âgées à gérer leur santé de manière efficace et à recourir au système de soins, ce qui probablement contribue à affecter leur survie aussi bien que l’âge luimême. Parmi les différents instruments publiés pour l’évaluation cognitive, le plus populaire reste le Mini Mental State Examination (MMSE) de Folstein (15). Ce questionnaire est partiellement influencé par le niveau d’éducation et le niveau socio-économique, il est généralement admis qu’un score de 24/30 représente le seuil en dessous duquel il existe vraisemblablement un trouble cognitif, qui doit conduire à une évaluation spécifique afin de dépister une démence débutante. On peut utiliser de façon plus simple le test des 5 mots qui consiste à proposer à la personne âgée 5 mots différents et à demander une répétition immédiate, puis différée de quelques minutes. En cas de difficultés, un indiçage peut être proposé (« il y avait une couleur »…). Les troubles les plus sévères sont ceux qui concernent la répétition immédiate et l’absence d’amélioration après indiçage. Le simple dessin d’une horloge peut également être proposé et il s’agit d’un test assez sensible (5).
Troubles psycho-affectifs S’il n’est pas démontré que le cancer de la personne âgée s’accompagne d’une incidence plus élevée de troubles psychologiques comparativement aux plus jeunes, le dépistage de troubles notamment anxio-dépressifs est nécessaire chez la patiente âgée du fait de risque d’interaction majeure avec la prise en charge (opposition, négativisme, non observance) et surtout dans la mesure ou certains troubles dépressifs peuvent être révélateurs d’une démence débutante (16). L’utilisation de la Geriatric Depression Scale (GDS) soit dans sa version complète, soit dans sa version réduite en quatre items est un instrument de dépistage particulièrement sensible (17, 18). De façon encore plus simple, le fait de demander à une patiente âgée si elle se sent triste ou déprimée, ou encore anxieuse, est reconnu comme un excellent moyen de dépistage.
État nutritionnel La dénutrition est fréquente chez la personne âgée atteinte de cancer. Elle constitue un facteur pronostique particulièrement péjoratif et augmente le risque de toxicité des chimiothérapies, probablement du fait de l’hypoprotidémie qui majore les
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée… 327 concentrations plasmatiques en fraction libre des médicaments cytotoxiques. La perte de poids est le premier paramètre à évaluer et, si le seuil de 10 % est considéré comme classique, on peut suspecter une dénutrition à partir de 3 % de déficit pondéral en un mois. L’estimation de l’indice de masse corporelle est nécessaire et celuici doit en règle générale être supérieur à 20. Certaines échelles comme le MNA (Mini Nutritional Assessment) sont plus sophistiquées et de maniement plus difficile. Cependant, la version dite « de screening » du MNA peut être utilisée, un score inférieur à 12/14 faisant suspecter un état de dénutrition (19). On n’oubliera pas bien entendu des paramètres aussi simples que l’albuminémie dont la valeur normale est supérieure ou égale à 35 g/L. Toute suspicion de dénutrition doit entraîner une consultation spécialisée et si nécessaire une prise en charge spécifique, car l’impact de telles interventions est actuellement reconnu (20).
Évaluation socio-économique et environnementale Il n’est ni possible ni recommandé d’envisager un traitement de la maladie métastatique par chimiothérapie et ou thérapie ciblée sans se poser préalablement la question de la prise en charge ultérieure de la personne âgée. Vit-elle seule ou peutelle bénéficier d’aides efficaces ? Faut-il prévoir un séjour en soins de suite gériatriques ? Ou bien en maison de repos ? Qui seront les aidants naturels et comment les informer sur la conduite à tenir en cas de toxicité ? etc. Dans certains cas, du fait de la maladie métastatique mais également de la lourdeur des traitements, le maintien d’une patiente âgée à son domicile ne sera plus possible et c’est l’ensemble du projet de vie qui devra être reconstruit. Cet aspect est au moins aussi important que le traitement lui-même, car il permet de prévenir et par conséquent d’éviter les décompensations physiques et psychologiques qui quelquefois conduisent au décès prématuré (21, 22).
Estimation de l’espérance de vie En situation de maladie métastatique hormonorésistante, l’espérance de vie attendue chez une patiente âgée est de l’ordre de 12 mois et l’amélioration de la survie globale induite par le traitement spécifique reste modeste, c’est pourquoi elle doit être mise en balance avec l’espérance de vie telle que peut l’appréhender par exemple le score de Walter (23). Ce score a été construit puis validé dans une population de personnes âgées hospitalisées dont certaines étaient atteintes de cancer (mais non uniquement de cancer du sein). Il s’agit donc d’un indicateur très général mais malgré tout utile. Un score supérieur à 6 par exemple, correspondant à une probabilité de décès à un an supérieure à 60 %, doit en général conduire l’oncologue à s’abstenir de tout traitement à visée carcinologique, à moins d’une tolérance parfaite (hormonothérapie).
328 Cancer du sein en situation métastatique
Évaluation de la fragilité Le concept de fragilité se distingue de l’évaluation gériatrique classique par son aspect dynamique. En effet, la fragilité se rapporte davantage à l’idée d’une réserve organique et biologique altérée qu’à l’inventaire de l’état de santé à un moment donné (24). Ainsi, la réserve hématopoïétique se réduit avec l’âge, augmentant le risque de neutropénie fébrile chimio-induite. De la même manière, le myocarde est plus sensible à l’effet cardiotoxique des anthracyclines, le rein plus sensible à la néphrotoxicité des sels de platine. La survenue d’un événement tel qu’une neutropénie fébrile peut, chez la personne âgée, se compliquer d’une altération progressive de l’ensemble des fonctions organiques, de surinfections multiples, de dénutrition et perturbations de l’autonomie s’intégrant à un « syndrome de glissement », d’où un risque de mortalité élevé. Il en va de même pour une insuffisance cardiaque survenant sous traitement par anthracyclines. Différents critères tels ceux de Fried et al. (évaluation de la force musculaire, échelle visuelle-analogique pour la vitalité) ont été proposés pour l’évaluation de la fragilité (25), mais ils s’intègrent principalement à des travaux de recherche et ne nous paraissent pas d’utilisation pratique en oncologie actuellement.
Algorithmes pour la décision thérapeutique Lodovico Balducci (26) a été le premier auteur à proposer un algorithme de décision prenant en compte les trois groupes (vieillissement réussi ou « Fit », groupe intermédiaire, groupe des patientes fragiles ou « Unfit »). Dans le groupe 1, on n’observe aucune dépendance fonctionnelle (ADL ou IADL), aucune co-morbidité pouvant interférer avec la prise en charge et/ou avec l’espérance de vie et pas de syndrome gériatrique. Le taux de mortalité à 2 ans est estimé autour de 8 à 12 % et il n’y a pas de raison que l’indication thérapeutique diffère de celle qui serait posée chez une patiente plus jeune. Dans le groupe 2 ou intermédiaire, il n’y a pas de dépendance ADL mais on peut observer une ou plusieurs dépendances IADL, des comorbidités peuvent être présentes mais ne constituent pas une menace vitale à court terme ; il peut y avoir des troubles modérés des fonctions cognitives, un état dépressif éventuellement et, là encore, pas de syndrome gériatrique. Le taux de mortalité à 2 ans est de l’ordre de 16 à 25 % et dans ce groupe le traitement doit être adapté. Nous verrons plus loin comment il faut comprendre ce concept « d’adaptation ». Le groupe 3 concerne d’une part les patientes de plus de 85 ans car, même si l’âge en soi n’est pas une contre indication à un traitement, le risque toxique audelà de 85 ans est particulièrement élevé. Il concerne également toute patiente de plus de 70 ans pour qui on peut observer une ou plusieurs dépendances ADL, un ou plusieurs syndromes gériatriques et 3 comorbidités sévères ou davantage ; le taux de mortalité à 2 ans est supérieur à 40 % et il paraît difficile ici de proposer un traitement anticancéreux spécifique (2).
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée… 329 La notion de syndrome gériatrique est une entité particulière reliée à une grande fragilité et à une limitation intrinsèque de l’espérance de vie (5). Parmi les syndromes gériatriques, on retient : – la démence, les états confusionnels récurrents et la dépression sévère ; – les états de négligence corporelle ou d’addiction médicamenteuse ; – la dénutrition chronique ; – les chutes à répétition (au moins 3/mois, y compris dans l’environnement familier de la personne âgée) ; – l’incontinence irréversible et non attribuable à la maladie cancéreuse elle-même ou au traitement ; – l’ostéoporose sévère, c’est-à-dire invalidante, compliquée de fractures spontanées. De façon complémentaire à l’approche développée par Balducci et al., nous proposons un algorithme conceptuel intégrant à la fois la personne âgée, sa fragilité et son espérance de vie, la maladie cancéreuse dans ces différents aspects pronostiques, enfin le médicament et sa variabilité à la fois pharmacocinétique et pharmacodynamique. Bien évidemment, aucun de ces algorithmes ne doit constituer un dogme ou un absolu et aucune étude prospective n’a pour le moment démontré la supériorité de cette modalité de réflexion sur l’empirisme clinique usuel. Cependant, ils ont le mérite de mettre en perspective l’évaluation gériatrique, l’espérance de vie des patientes et le ratio efficacité/tolérance des traitements.
Comment adapter la thérapeutique ? Doses et schémas thérapeutiques Il n’est pas souhaitable de modifier d’emblée de façon systématique les schémas thérapeutiques « standards » pour les patientes âgées en particulier si elles appartiennent au groupe 1 de Balducci. Cependant, il existe des limitations intrinsèques liées à l’âge : – La capécitabine ne doit pas être prescrite à des doses supérieures à 2 000 mg/m2/jour au-delà de 70 ans car il existe un risque de décès toxique (diarrhée, déshydratation, cardio-toxicité), tel que cela a été rapporté dans l’étude de phase II de Bajetta et al., ainsi que dans l’étude adjuvante du CALGB (27). – Une étude de phase I suisse a montré que la dose maximale tolérée de l’association gemcitabine-vinorelbine est très inférieure à ce qui est classiquement attendu chez les patientes jeunes. – L’étude DOGMES (Doxorubicine liposomale en Oncologie Gériatrique : traitement des MEtastases du cancer du Sein) du Groupe d’Investigateurs Nationaux pour l’Etude des Cancers dont Ovariens (GINECO) a utilisé la doxorubicine liposomale pegylée à la dose de 40 mg/m2 chez des patientes de plus de 70 ans atteintes d’un cancer du sein métastatique sans surexpression d’HER2. Cette étude vient de se terminer avec 60 patientes incluses et évaluables. La médiane
330 Cancer du sein en situation métastatique d’âge est de 79 ans (72-87), ce qui est bien au-delà de toutes les analyses de sousgroupes d’essais cliniques rapportés à ce jour (28). Par ailleurs, l’un des principaux intérêts de cette étude est d’avoir proposé des critères d’inclusions très peu restrictifs, reflétant la réalité clinique quotidienne. Les données de sécurité disponibles à ce jour pour cet essai non encore publié, font état de huit décès en cours d’étude, quatre liés à une progression néoplasique, deux à une infection sévère, un décès correspondant à un suicide et un autre à une mort subite survenue à domicile. Il faut signaler de façon très intéressante la survenue de quatre cas de fractures dont trois au niveau du col fémoral, de deux cas de syndrome mains-pieds grade 3 et d’un cas de grade 2. Bien que la dose de chimiothérapie ait été inférieure à celle de l’AMM et même si dans l’ensemble le traitement est bien toléré, on remarque incontestablement la particulière fragilité de ces personnes âgées, rendant nécessaire la connaissance de l’évaluation gériatrique (29). L’analyse de l’essai DOGMES comportera une partie prédictive et pronostique visant à déterminer les variables onco-gériatriques les plus discriminantes. Pour les patientes du groupe 2 de Balducci, on peut réfléchir d’emblée à une réduction de doses de la chimiothérapie notamment à l’aide de certains paramètres : – L’hypo-albuminémie, en cas de dénutrition, va entraîner une majoration de la fraction libre donc active de la majorité des agents cytotoxiques, d’où un risque accru de toxicité notamment hématologique. – La connaissance de certaines données pharmacocinétiques : par exemple la clairance d’élimination du Taxotère® diminue de près d’un quart au-delà de 70 ans, il est donc parfaitement licite d’administrer ce médicament en monothérapie à la dose de 75 mg/m2 (30). – L’évaluation de la fonction rénale permet l’ajustement des doses des agents cytotoxiques qui sont éliminés par cette voie (sels de platine, méthotrexate, étoposide, etc.) mais ces médicaments sont d’utilisation marginale en cancérologie mammaire. En revanche, l’altération de la fonction rénale est un paramètre significatif à prendre en compte pour la prescription de capécitabine. Il faut rappeler qu’audelà de 70 ans, il n’existe pas de moyen idéal d’estimation de la fonction rénale par un modèle mathématique. Cependant, la formule dite MDRD (31, 32) est plus précise et globalement plus fiable que la formule de Gault et Cockroft (33) qui sous-estime systématiquement la filtration glomérulaire.
Prévention de la toxicité hématologique Tous les travaux réalisés à ce jour concordent pour affirmer que la réserve hématologique est réduite au-delà de 70 ans, d’où un risque accru de neutropénie fébrile (34). Cet événement constitue non seulement un risque vital lié à sa morbidité infectieuse, mais il peut également être le prélude à de multiples décompensations somatiques rendant impossible la poursuite du traitement anticancéreux (35). L’étude randomisée de Balducci et al. a démontré qu’une prophylaxie primaire systématique par GCSF, et ce quelle que soit la chimiothérapie utilisée, s’avère supérieure à une attitude plus attentiste (prescription de GCSF en prophylaxie secondaire par exemple)
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée… 331 (36). Par conséquent, il semble approprié de proposer une telle prophylaxie dès lors qu’une chimiothérapie intraveineuse est administrée, comportant notamment un taxane ou une anthracycline non liposomale, ou encore de la vinorelbine.
Prévention de la cardiotoxicité Le risque cardiaque lié à l’utilisation d’une anthracycline au-delà de 70 ans est considérable. Dans l’étude de Pinder et al., on dénombre 38 % d’insuffisances cardiaques congestives avec un suivi médian de 10 ans après administration d’une chimiothérapie (adjuvante) à base d’anthracycline, ce qui est supérieur d’environ 10 % à la prévalence spontanée de l’insuffisance cardiaque dans cette population (37). La probabilité de survenue d’insuffisance cardiaque clinique en fonction de la dose cumulée d’anthracycline administrée est également plus élevée et il ne faut probablement pas dépasser une dose de 350 à 400 mg/m2 d’adriamycine. Enfin, lorsque le trastuzumab est utilisé après une anthracycline, le risque cardiotoxique est augmenté d’autant plus que la patiente est âgé (38).
Observances des thérapeutiques orales On présente parfois les chimiothérapies orales (capécitabine, vinorelbine) comme particulièrement adaptées aux patientes âgées car ambulatoires et ne requérant pas la pose d’une voie veineuse centrale. En réalité, ces traitements ne sont pas indemnes de toxicités parfois sévères (notamment digestives et hématologiques) et surtout aucune donnée n’est à ce jour disponible concernant l’observance, qui peut être altérée notamment en cas de perturbation cognitive (39). Avant toute prescription de capécitabine ou de vinorelbine par voie orale, il est indispensable d’évaluer soigneusement les fonctions cognitives de toute patiente âgée et au moindre doute de s’assurer de la dispensation effective du traitement par une infirmière à domicile ou dans le cadre d’une institution gériatrique.
Thérapeutiques ciblées Le rapport efficacité/tolérance des principales thérapeutiques ciblées utilisées à ce jour dans le cancer du sein métastatique, à savoir le trastuzumab et bevacizumab, est inconnu essentiellement en raison du très faible nombre d’inclusions de patientes âgées dans les essais thérapeutiques : dans l’essai HERA (40) utilisant le trastuzumab en situation adjuvante, tout comme dans l’essai de Miller et al. utilisant le bevacizumab en situation métastatique (41), à peine 15 % des patientes incluses étaient âgées de plus de 65 ans et cette proportion est pratiquement nulle après 70 ans. Une analyse de sous-groupe de l’essai pivotal associant trastuzumab et paclitaxel dans le cancer du sein métastatique a été rapportée de façon exploratoire et suggère un bénéfice équivalent chez les patientes âgées par rapport aux plus jeunes (42). Par ailleurs, il n’existe aucun argument biologique ou physiopathologique qui puisse faire évoquer un impact thérapeutique modifié en fonction de l’âge. Dans une étude alle-
332 Cancer du sein en situation métastatique mande rétrospective présentée au SABCS en 2008, il n’existe pas de différence de taux de réponse, survie sans progression et survie globale entre patientes de plus ou moins de 65 ans, traitées par chimiothérapie + trastuzumab. En revanche, on retrouve 4 % de toxicité cardiaque de grade 3-4 contre seulement 1 % avant 65 ans. Là encore, malheureusement, les patientes de plus de 70 ans ne représentent que 15 % de l’effectif total. S’agissant du bevacizumab, il faut prendre en compte les toxicités potentielles, clairement accrues dans l’étude de Scapaticci et al., qui a regroupé les données de plus 1 800 patients inclus dans différents essais thérapeutiques (cancer du sein, cancer colorectal, cancer bronchique). Il existe un quasi doublement du risque d’événements thrombo-emboliques artériels (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, angor, accident ischémique transitoire) chez les patients âgés et ce risque est d’autant plus élevé qu’il existe un ou plusieurs antécédents d’événements de ce type. En présence d’au moins un antécédent et au-delà de 65 ans, le risque d’événement thrombo-embolique artériel est de l’ordre de 18 % en cas d’utilisation de bevacizumab.
Conclusion La prise en charge du cancer du sein métastatique chez la femme âgée ne doit pas conduire au défaitisme thérapeutique (43), ou encore à l’empirisme incontrôlé, fruit d’une créativité débridée liée au manque de « standards », ni enfin à une forme de condescendance à l’égard d’une population de patientes considérées comme peu dignes d’intérêt ou se prêtant mal à une évaluation thérapeutique rigoureuse. Au contraire, l’oncogériatrie implique des niveaux de complexité supplémentaires, rendant plus délicates et plus subtiles encore non seulement l’approche carcinologique mais aussi la globalité des problèmes médicaux et sociaux. Par conséquent, une approche scientifique à la fois biologique et clinique est nécessaire pour la pratique quotidienne. La synthèse des différentes données peut s’effectuer au mieux dans les RCOG (Réunions de Concertation Oncogériatriques) actuellement mises en place dans de nombreux établissements de soins. Cependant, quelques recommandations de bons sens générales peuvent être données ici (3) : – toujours réaliser une évaluation gériatrique même minimaliste ; – confier au gériatre les problèmes éventuellement dépistés et tenter de les résoudre si possible avant la mise en route du traitement anticancéreux ; – toujours réfléchir aux soins de suite : que deviendra la patiente une fois la chimiothérapie réalisée ? – prescrire une hormonothérapie chaque fois que cela paraît médicalement justifié ; – si la chimiothérapie est inévitable, réfléchir en premier lieu à la nécessité ou non d’adapter les doses, notamment chez les patientes appartenant au groupe 2 de Balducci ;
Cancer du sein métastatique chez la femme âgée… 333 – prendre en compte, lorsqu’ils sont disponibles, des éléments physiopathologiques et ou pharmacologiques : fonction rénale, bilan hépatique, hématopoïèse, état nutritionnel… – anticiper et prévenir les toxicités chimio-induites, en recourant de façon large au GCSF, mais en demeurant en revanche prudent vis-à-vis des ASE dont le caractère thrombogène est bien connu et sans doute potentiellement majoré dans une population de patientes à mobilité plus réduite ; – faire attention aux traitements ciblés pour lesquels le recul est encore insuffisant et s’assurer tout particulièrement de l’absence d’antécédent vasculaire en cas de prescription de bevacizumab ; – plus que jamais, faire preuve de rigueur dans l’évaluation de la thérapeutique, en particulier la chimiothérapie, dont on se rappellera qu’elle n’est jamais curative, que son bénéfice est probablement modeste voire inconnu dans cette population et qu’elle doit avant tout ne pas être nuisible à défaut d’être efficace.
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Modifications de la prise en charge des traitements systémiques (hormonothérapie, chimiothérapie, traitements ciblés) dus à l’âge J.-P. Spano
Près de 50 % des cancers du sein surviennent chez des femmes âgées de plus de 65 ans, et l’incidence comme la prévalence du cancer du sein chez les femmes âgées sont supposées augmenter dans le futur. Il est clair que plus l’âge est avancé plus l’espérance de vie diminue et plus le risque d’effets secondaires liés aux traitements cytotoxiques est important, et ses effets secondaires potentiels devront être particulièrement considérés chez les patientes âgées atteintes de cancer du sein. Cependant, les différentes options thérapeutiques sont responsables d’effets secondaires à court terme principalement et devront donc être tempérés par l’augmentation du gain en survie. Quoi qu’il en soit, en première considération le choix d’un traitement, et tout particulièrement le choix en situation palliative, chez une patiente âgée atteinte d’un cancer du sein, doit être fondé sur les mêmes critères habituellement validés chez la femme jeune. Toutefois, certains facteurs sont nécessairement pris en compte pour optimiser la décision thérapeutique : l’espérance de vie, bénéfices attendus et toxicité potentielle des traitements, statut fonctionnel, statut nutritionnel, les comorbidités, les fonctions cognitives, le support social, les conditions familiales, et le point de vue non seulement du praticien mais aussi de la patiente. Ces paramètres ne sont d’ailleurs pas toujours directement associés à l’âge chronologique de la patiente, et c’est la raison pour laquelle ils sont souvent évalués grâce aux différentes échelles d’évaluation gériatrique (1, 2). À ce titre, si les femmes âgées atteintes d’un cancer du sein constituent un large groupe, dans l’ensemble des cas, après leur évaluation gériatrique, seulement une minorité d’entre elles se retrouvent en parfaite santé (patientes appartenant au groupe « fit »), alors que le reste des patientes présente des limites physiques ou fonctionnelles ou des problèmes familiaux ou sociaux (patientes appartenant au groupe « unfit »). La toxicité des traitements est potentiellement plus importante chez les sujets âgés du fait de nombreuses modifications physiologiques (diminution de la filtration glomérulaire, de la réserve médullaire, risque plus important de mucites, de toxicité cardiaque et de neurotoxicité). La conséquence directe de ces modifications
338 Cancer du sein en situation métastatique spécifiques aux sujets âgés, est souvent une réduction des doses thérapeutiques et donc une diminution de la dose intensité. De plus, les praticiens ont souvent peur du risque de ces effets secondaires accrus et ainsi plusieurs études ont démontré une diminution des indications de chimiothérapie avec l’âge, et ce quel que soit le régime de chimiothérapie préconisé. Par ailleurs, les patientes âgées ont pendant longtemps été exclues des principaux essais thérapeutiques, en particulier les patientes de plus de 70 ans, et nous ne disposons pas aujourd’hui de recommandations spécifiques quant à leur prise en charge. Des recommandations de la SIOG ont cependant été écrites en 2007, aidant à la décision thérapeutique, mais peuvent parfois paraître à l’ère des thérapies ciblées quelque peu insuffisantes et c’est la raison pour laquelle une réactualisation est en cours (3).
Des paramètres essentiels à la prise de décision existent-ils ? Au stade métastatique, le risque de rechute et de décès dû au cancer du sein, la toxicité des traitements cytotoxiques et l’espérance de vie dépendante du statut fonctionnel et des comorbidités restent les éléments clefs à prendre en compte pour le choix de la stratégie thérapeutique chez les patients âgés. À ce jour, la complexité et les interactions mutuelles entre ces différents paramètres ne permettent pas de dresser des algorithmes spécifiques de prise en charge et seulement l’expérience clinique et les résultats extrapolés des quelques essais thérapeutiques peuvent nous aider dans ce choix en sachant que d’autres paramètres d’ordre social, familial, psychologique peuvent venir perturber nos décisions initiales et interagir avec nos réflexions (4). On en revient à la mise en exergue et la nécessité clairement démontrée de l’évaluation gériatrique qui nous amène finalement à des prises de décision individuelle, totalement adaptées à chaque individu. Des essais thérapeutiques sont en cours chez les sujets âgés atteints de cancer du sein considérés comme fragiles, prenant en compte l’ensemble de ces différents paramètres, et ils pourront ainsi constituer une base de données majeures pour notre pratique quotidienne.
Chimiothérapie Comme pour la femme jeune, les patientes âgées atteintes de cancer du sein métastatique, de manière générale, doivent bénéficier d’une chimiothérapie dans un objectif de réponse et de délai de progression mais dès que la toxicité des traitements augmente, leur qualité de vie est alors vite altérée et très souvent le traitement en cours finit par être arrêté. Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement de chimiothérapie de référence au stade métastatique ; cependant, un schéma d’administration hebdomadaire et une monothérapie restent des options thérapeutiques raisonnables, engendrant un risque d’effets secondaires limité, gérables et permettant une compliance optimale. Le choix de la molécule, guidé bien entendu des référentiels déjà existants chez la femme jeune, doit avant tout tenir compte de paramètres pharmacocinétiques liés à l’âge lorsque ceux-ci sont disponibles, du type de comor-
Modifications de la prise en charge des traitements systémiques… 339 bidités (cardiovasculaire par exemple), des interactions médicamenteuses, et aussi du choix du patient. Difficile ainsi du fait de l’hétérogénéité de la population de définir des recommandations générales et spécifiques ; cependant, quelques données existent pour nous aider. À titre d’exemple, il n’est généralement pas recommandé de proposer en première intention du paclitaxel ou de la vinorelbine en cas de diabète ou de neuropathie périphérique, la capécitabine (5) et le méthotrexate doivent être adaptés à la fonction rénale, les anthracyclines sont bien entendu clairement contre-indiquées en cas de risque cardiovasculaire, etc. L’option d’une chimiothérapie orale (capécitabine (5), vinorelbine, (6) cyclophosphamide métronomique, etc.) est souvent aussi proposée pour permettre un maintien à domicile, préserver l’autonomie des patients, mais attention d’autres problèmes peuvent survenir comme des effets secondaires inhabituels, surtout digestifs, le non-respect de la dose prescrite et les interactions avec l’alimentation ou les autres médicaments (ex. : capecitabine et warfarine), une conservation du médicament dans des conditions non adaptée, etc. Au total, une série de problèmes parfois non négligeables qui finissent par impacter sur l’efficacité du traitement : la chimiothérapie orale apparaît ainsi attractive mais nécessite autant de prudence et de précaution que la chimiothérapie intraveineuse (7). En termes de tolérance, la toxicité hématologique, d’origine multifactorielle, reste la plus fréquente. Il est clairement admis que l’utilisation large de facteurs de croissance, type GCSF, reste un moyen efficace pour respecter de manière optimale la dose-intensité de nos protocoles de chimiothérapie, comme démontré récemment dans l’étude de Balducci et al., ayant utilisé en prévention primaire du pegfilgrastim (8). Il n’est pas rare aussi de débuter avec une dose à 75 % de la dose standard recommandée, un délai entre chaque cycle légèrement supérieur et d’adapter au fur et à mesure du traitement en fonction de la tolérance. Cette option est particulièrement proposée pour les patientes âgées présentant un état général et fonctionnel fragiles (« unfit patients »). Au total, parmi les molécules ayant un profil de tolérance acceptable pour des patientes âgées atteintes de cancer du sein métastatique, on peut retenir les taxanes, en particulier dans leur schéma hebdomadaire, les anthracyclines liposomales moins cardiotoxiques, la capécitabine, la gemcitabine, la vinorelbine. De manière intéressante, une étude récente (9) ayant comparé le type de traitement reçu et la survie chez des patientes atteintes de cancer du sein métastatique, tout âge confondu, traitées entre deux périodes (1990-1997 vs 1998-2006) vient conforter les résultats déjà publiés par Fabrice André (10), à savoir que l’utilisation de nouveaux agents cytotoxiques a permis d’améliorer la survie de nos patientes, mais surtout cette étude met en exergue le fait que ces résultats peuvent aussi s’appliquer chez les sujets âgés et confirme la faisabilité de conduire des protocoles de chimiothérapie chez des sujets âgés de plus de 70 ans comme chez des sujets plus jeunes.
340 Cancer du sein en situation métastatique
Thérapies ciblées La prévalence de l’hyperexpression de HER2 chez les patientes âgées de plus de 70 ans varient entre 7 % et 20 % (4, 11). L’efficacité de l’association trastuzumab plus chimiothérapie (taxanes, vinorelbine, capécitabine) a largement été démontrée en situation métastatique, en particulier en première ou en deuxième ligne. Tout récemment, le lapatinib, l’inhibiteur de tyrosine kinase anti-HER2, en association avec la capécitabine, a obtenu une AMM chez les patientes progressant après anthracyclines, taxanes et trastuzumab. Toutefois, les données chez les patientes âgées issues de ces études restent limitées et nous disposons par ailleurs de peu de séries rétrospectives. Quoi qu’il en soit à ce jour, l’ensemble de ces données permet de conclure que les patientes âgées de plus de 70 ans conservent le même bénéfice que les patientes plus jeunes du trastuzumab, que ce soit en termes de réponse objective ou de survie sans progression (association avec taxanes et vinorelbine). Il est clair que l’incidence d’événements cardiaques augmentant avec l’âge, ces patientes nécessitent une surveillance cardiaque plus rapprochée et régulière que les patientes plus jeunes (12, 13). Au total, les patientes HER2 positives en bon état général et sans maladie cardiovasculaire sont éligibles à un traitement par traztuzumab sous surveillance cardiaque. Pour le lapatinib, il n’existe pas de données spécifiques disponibles : on peut considérer les mêmes recommandations que les sujets jeunes relevant d’un traitement anti-HER2. Quant au bevacizumab, les données actuelles restent faibles car sont liées au faible nombre de patientes de plus de 65 ans incluses dans les essais. À ce jour, les contre-indications au bevacizumab sont les mêmes que pour les sujets jeunes en gardant une précaution particulière en cas d’antécédents cardiovasculaires. Le bevacizumab est actuellement approuvé en 1re ligne métastatique en association avec le paclitaxel ou le docetaxel, mais un âge supérieur à 65 ans exposant à un risque majoré d’événements cardiovasculaires, en particulier d’événements thrombo-emboliques artériels, nécessitent les plus hautes précautions et se doit donc d’être administré chez des patientes très sélectionnées (14, 15).
Hormonothérapie Du fait de son profil de tolérance favorable comparé aux agents cytotoxiques, l’hormonothérapie a longtemps été considérée comme le traitement de choix pour les patientes ayant un cancer du sein métastatique et hormonosensible. Plus de 80 % des cancers du sein survenant chez la femme âgée expriment des récepteurs hormonaux. Le tamoxifène est resté longtemps le traitement standard efficace, dont le bénéfice en situation adjuvante et métastatique a été largement démontré. Il se caractérise par certaines toxicités spécifiques telles que le cancer de l’endomètre et la survenue d’accidents thrombo-emboliques, pour environ 1 % des cas, à considérer de manière importante pour les patientes âgées. Quant aux inhibiteurs de l’aromatase de troisième génération, dont le bénéfice clinique est signi-
Modifications de la prise en charge des traitements systémiques… 341 ficativement supérieur à celui du tamoxifène en termes de taux de réponse objective et de survie sans progression, ils gardent une tolérance globale meilleure (16). Cependant, leur risque d’ostéopénie et fractures osseuses, voire de trouble lipidique ou cognitif, plus élevé, impose aussi à reconsidérer chaque cas avant toute prescription. On peut cependant noter les résultats d’une étude de phase II récemment conduite chez des patientes âgées atteintes de cancer du sein hormonosensibles, ayant comparé létrozole plus cyclophosphamide métronomique vs létrozole seul : les taux de réponse se sont montrés supérieurs pour la forme combinée pour une tolérance acceptable : 87,7 % vs 71, 9 % (17). L’autre option thérapeutique actuellement disponible est le fulvestrant, antagoniste pur les récepteurs aux estrogènes. Utilisé par voie intramusculaire, il a montré une équivalence en termes d’efficacité comparé au tamoxifène et aux inhibiteurs de l’aromatase. En effet, les essais de phase III ont démontré que le fulvestrant apportait un réel bénéfice clinique avec un taux de réponse objective de 54 % en première ligne (18) et de 32 à 45 % pour les lignes suivantes (19). Aujourd’hui, la dose recommandée est de 500 mg par mois et même s’il existe très peu de données disponibles spécifiques au sujet âgé, son profil de tolérance favorable associé à son efficacité fait de cette nouvelle hormonothérapie une option tout à fait recommandée chez des patientes âgées atteintes de cancer du sein métastatique et hormonosensibles.
Conclusion Un bilan gériatrique apparaît comme nécessaire avant d’envisager un traitement cytotoxique, en particulier en termes de chimiothérapie, chez les patientes de plus de 70 ans. Il est clairement démontré que l’individualisation des traitements semble actuellement l’option thérapeutique la plus raisonnable. Pour les patients de plus de 65 ans, il est aussi recommandé d’ajuster la première dose de chimiothérapie à la fonction rénale et que pour les patientes de plus de 70 ans, les facteurs de croissance de type GCSF, sont également préconisés en prophylaxie primaire, lors de traitement de chimiothérapies neutropéniants (EORTC). Il manque actuellement des essais spécifiques aux sujets âgés, tout particulièrement pour les patientes ayant un état général fragile. Ces études sont nécessaires non seulement pour dresser des recommandations thérapeutiques mais aussi pour identifier des facteurs pronostiques voire prédictifs sur la tolérance aux différents traitements cytotoxiques par exemple. Il nous manque manifestement des outils à ce jour pour optimiser l’évaluation gériatrique des patientes âgées, indispensable à une meilleure prise en charge thérapeutique, qui doit aussi être le compromis entre un contrôle de la maladie métastatique et un maintien de la qualité de vie et de l’autonomie fonctionnelle de nos patientes.
342 Cancer du sein en situation métastatique
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Critères d’efficacité des traitements de première ligne métastatique du cancer du sein M. Buyse et M. Cucherat
Introduction Le critère d’efficacité dans un essai clinique permet de mettre en évidence l’effet du traitement évalué en comparant les deux groupes de l’essai thérapeutique (le groupe traité et le groupe contrôle), par exemple la réponse tumorale ou le temps jusqu’à la progression tumorale. L’effet du traitement testé sera mis en évidence en comparant les groupes randomisés au moyen d’un test statistique (test du χ2 pour la réponse tumorale ou test du logrank pour le temps jusqu’à la progression tumorale). Si l’essai montre une différence entre les groupes, on s’intéressera à savoir, d’une part, si cet effet est statistiquement significatif (p < 0,5) et, d’autre part, s’il est cliniquement pertinent.
Considérations générales dans le choix d’un critère d’efficacité Critères simples ou composites Le critère de jugement peut être « simple » comme dans les exemples cités ci-dessus, ou considérer simultanément plusieurs événements cliniques et donner ainsi lieu à un critère composite (comme la survie sans progression). D’une manière générale, l’événement clinique utilisé a valeur d’échec du traitement et on cherche à montrer que le traitement réduit le nombre d’échecs thérapeutiques, ou retarde la survenue de ces échecs.
346 Cancer du sein en situation métastatique
Critères primaires et secondaires Plusieurs critères de jugement peuvent être envisagés pour rechercher les effets d’un traitement dans le cancer du sein métastatique : décès, survenue d’une progression de la maladie, disparition des métastases, évolution de la masse métastatique, marqueur tumoral biologique. Si le traitement possède un effet, certains de ces critères, voire tous, permettront de mettre en évidence une différence numérique entre les deux groupes de l’essai. Cependant, pour limiter le risque de conclure à tort à l’effet du traitement si l’on effectue de multiples comparaisons, un critère doit être privilégié comme étant le critère unique sur lequel se basera la conclusion d’efficacité du traitement : c’est le critère « primaire » ou principal. Les autres critères sont des critères secondaires ayant comme objectif de documenter et d’expliquer l’effet obtenu sur le critère principal. Ils ne démontrent pas à eux seuls l’efficacité du traitement, mais pris ensemble ils la confirment. Comme un seul critère conditionne le résultat d’un essai, il convient de choisir celui qui est le plus cliniquement pertinent (comme la survie globale). Malheureusement, ce choix implique fréquemment des nombres de sujets élevés et des durées de suivi importantes. Il est donc souvent nécessaire de choisir un critère de pertinence clinique moindre, mais de sensibilité statistique plus élevée.
Critères intermédiaires et de substitution Afin de réduire la taille d’un essai ou sa durée, on tente fréquemment d’utiliser des « critères intermédiaires » qui se trouvent en amont dans la chaine de causalité conduisant au bénéfice recherché. De tels critères constituent davantage des marqueurs d’activité du traitement que la preuve que ce dernier atteint le bénéfice clinique recherché. Les critères intermédiaires idéaux sont ceux qui peuvent, sous certaines conditions, remplacer les critères cliniques : ce sont alors des critères de substitution (« surrogate endpoint »). La validation d’un critère de substitution nécessite de démontrer qu’il est possible de prédire de façon fiable l’effet qu’a le traitement sur les critères cliniques pertinents à partir de l’effet observé sur le critère de substitution candidat (1). En cancérologie, il paraît naturel d’envisager l’utilisation de la réponse tumorale ou du temps jusqu’à la progression tumorale comme critères de substitution pour la survie globale. Ces questions ont été testées sur base de données provenant de méta-analyses, notamment dans les cancers du côlon (2, 3), du sein (4) et de la tête et du cou (5). Les résultats de ces investigations sont mitigés. – La réponse tumorale ne semble pas être un critère de substitution acceptable pour les tumeurs solides étudiées (2, 4). – Le temps jusqu’à la récidive (en situation adjuvante) ou jusqu’à la progression tumorale (en situation métastatique) est un critère de substitution acceptable dans le cancer colorectal (2, 3) mais pas dans le cancer du sein (4).
Critères d’efficacité des traitements de première ligne métastatique… 347 – Le temps jusqu’à la récidive locale est un critère de substitution dans les tumeurs de la tête et du cou (5).
Qualités métrologiques d’un critère D’autres considérations entrent en ligne de compte pour le choix d’un critère d’efficacité, notamment les qualités métrologiques du critère. Ces qualités métrologiques incluent les aspects suivants : – Le critère peut-il être mesuré avec précision ? – La mesure exacte du critère chez chaque sujet participant à l’essai est-elle garantie ? – La mesure est-elle partiellement ou complètement objective ? – La mesure a-t-elle été effectuée pour tous les sujets au même moment ?
Pertinence clinique La pertinence clinique d’un critère d’efficacité est en relation avec le bénéfice que le médecin cherche à apporter aux patients. Plus le critère est proche de ce bénéfice plus sa pertinence est grande. Lors de l’interprétation pour la pratique médicale des résultats d’un essai donné, la pertinence du critère doit être soigneusement discutée à coté de la taille de l’effet espéré ou obtenu. La taille de l’effet est appréciée à l’aide d’indices de quantification de la taille de l’effet comme l’odds ratio, le risque relatif, le hazard ratio, la différence de risque et le nombre de sujets nécessaires de traiter (NNT).
Sensibilité statistique La sensibilité statistique d’un critère d’efficacité est en relation avec la puissance que l’on tente d’obtenir dans un essai testant l’hypothèse nulle d’absence d’effet du traitement expérimental. Plus le critère permet aisément de rejeter cette hypothèse nulle, plus sa sensibilité statistique est grande.
Survie sans progression La survie sans progression (« progression free survival » ou PFS) désigne le temps entre la randomisation et la survenue d’une progression de la maladie cancéreuse ou du décès. Ce critère débouche sur une analyse type « survie » où l’événement est la progression ou le décès, soit un critère composite. Le suivi est censuré par la dernière visite de la malade. La pertinence de ce critère dépend de la définition de la progression, qui peut elle-même varier d’un essai à l’autre. Le plus souvent, la progression se définit à partir de l’imagerie mais parfois la progression peut être établie sur base clinique
348 Cancer du sein en situation métastatique ou sur des critères « moins durs » tels que la décision de recourir à un traitement de seconde ligne, l’évolution d’un biomarqueur, etc. Un certain degré de subjectivité peut entacher la mesure de la PFS et peut conduire à des biais dans l’estimation de l’effet du traitement, en particulier si ce dernier n’est pas administré en double aveugle. Le premier biais (biais d’évaluation) peut survenir lors de la lecture des clichés. L’évaluation d’une progression ou la détermination de la date de progression peuvent être influencés par la connaissance de la nature du traitement reçu par le patient. Ce biais peut être évité par le recours à un comité centralisé de validation des événements travaillant « en aveugle ». L’autre biais (biais d’anticipation) est introduit par la réalisation de scanner (ou de tout autre examen demandé par le protocole pour la documentation objective de la progression) de façon anticipée par rapport à ce qui est programmé dans le protocole. Le recours anticipé au scanner devant une suspicion clinique pourra être plus fréquent dans le groupe recevant le traitement considéré comme le moins efficace. En effet, dans l’autre groupe, la même symptomatologie n’alertera pas immédiatement car les patients seront considérés comme bénéficiant d’un traitement « efficace » sur les progressions. Ainsi, même si, en réalité, les deux traitements ont exactement la même efficacité, la réalisation plus fréquente de scanners anticipés dans un groupe que dans l’autre va faire apparaître artificiellement une différence entre les deux courbes de survie (fig. 1). Ce biais peut être évité en prenant en compte les progressions détectées par ces scanners anticipés non pas à la date de leur découverte mais à la date théorique à laquelle aurait dû avoir lieu le scanner suivant le protocole. Le tableau I résume les avantages et inconvénients de la PFS. Celle-ci est de plus en plus souvent choisie comme critère primaire d’efficacité. Si un nouveau traitement de première ligne métastatique a un impact majeur sur la PFS, il est hautement probable qu’il aura également un impact (quoique moindre) sur la survie (6). Les traitements de seconde ligne, et en particulier les « cross-over » (patients du bras de contrôle qui reçoivent le traitement expérimental lors de la première progression tumorale), peuvent avoir un impact majeur sur la survie, et obérer par conséquent la détection d’un bénéfice du traitement expérimental sur la survie globale. Il n’en reste pas moins que la survie globale est améliorée, selon une revue de la littérature des 10 dernières années, dans environ un essai sur cinq, même lorsqu’elle était considérée comme critère secondaire de l’essai (7). Une complication importante (et souvent gérée de manière incorrecte dans les essais cliniques) survient lorsqu’une malade change de traitement avant qu’une progression tumorale n’ait été documentée. Ce changement peut être dû à une intolérance, à une détérioration de l’état clinique de la malade sans preuve de progression à l’imagerie, ou à toute autre cause. Dans tous les cas, il est indispensable de continuer à suivre cette malade jusqu’à la documentation d’une progression, sinon la PFS sera (à tort) censurée au moment de l’instauration d’un traitement non protocolaire (8). Or, dans bien des cas, les malades recevant de tels traitements sont sortis de l’étude sans documentation ultérieure de la date de progression. Dans le
Critères d’efficacité des traitements de première ligne métastatique… 349 pire des cas, ces patientes retirent même leur consentement et sont dès lors censurées pour toutes les analyses.
Fig. 1 – Illustration du biais d’anticipation. La figure 1A représente les deux courbes telles qu’elles devraient être pour deux traitements ayant la même efficacité. La figure 2B montre l’effet de la réalisation de scanners anticipés de manière plus systémique dans un groupe que dans l’autre devant une suspicion clinique. Tableau I – Avantages et inconvénients de la survie sans progression. Avantages de la PFS
Inconvénients de la PFS
Pertinence clinique : c’est le temps durant lequel il n’y a aucune évidence clinique d’une progression tumorale
La mesure de la survie sans progression peut être biaisée par la connaissance du traitement
Ce temps, plus court que la survie globale, amène une évaluation plus précoce des effets du traitement
Le moment de la progression n’est pas mesuré précisément
L’effet d’un traitement efficace est généralement plus important sur la survie sans progression, qui reflète plus directement l’action antitumorale que la survie
Un effet mineur d’un nouveau traitement sur la survie sans progression (par exemple, quelques semaines gagnées en médiane) est probablement sans intérêt clinique
Survie globale La survie globale (« overall survival » ou OS) désigne le temps entre la randomisation et la survenue du décès quelle qu’en soit la cause. Les patients toujours vivant à la fin de l’étude sont considérés comme des observations censurées. La survie globale est en général considérée comme un critère d’efficacité et de sécurité important en cancérologie et comme un « gold standard » pour l’enregistrement des traitements (9). En effet, le bénéfice que l’on aimerait apporter au patient est la guérison, même si dans beaucoup de circonstances les traitements actuels permettent encore trop rarement de l’envisager en situation métastatique.
350 Cancer du sein en situation métastatique La survie globale présente toutefois certaines limites lorsqu’elle est utilisée pour évaluer l’efficacité de nouveaux traitements dans des essais randomisés (10, 11). L’effet réel du traitement sur la survie est altéré par le recours aux traitements de seconde ligne en cas d’échappement thérapeutique (progression ou toxicité) et éventuellement par les cross-over. Ainsi, même si le traitement contrôle est moins efficace sur la survie que le traitement étudié, les patients du groupe contrôle auront également une réduction de mortalité, non pas en liaison avec le traitement contrôle mais en raison des traitements concomitants qu’ils recevront. De ce fait, les deux groupes recevront globalement des traitements limitant la mortalité de la même façon, faisant dès lors disparaitre l’avantage apporté par le nouveau traitement. Si les « cross-over » sont autorisés, voire prévus dans le protocole, plus le nouveau traitement est efficace et moins ce type d’essai utilisant la survie globale permettra de montrer son efficacité. En effet, les insuffisances du traitement contrôle seront rattrapées par le nouveau traitement utilisé en cross-over. En l’absence de cross-over, la survie globale est le meilleur critère, non pour évaluer l’efficacité intrinsèque d’un nouveau traitement, mais son apport au devenir des patients dans la stratégie globale de leur prise en charge. L’objectif n’est plus de démontrer qu’un traitement est efficace dans l’absolu mais de prouver que son intégration dans la stratégie actuelle permet de faire mieux, au final, pour le patient en prenant en compte toutes les ressources thérapeutiques utilisées. Dans cette optique, le recours aux traitements de deuxième ligne (autre que le traitement testé administré en cross-over) ne doit plus être considéré comme un facteur de confusion mais comme un des éléments de la « vraie vie » à prendre en compte dans l’évaluation du nouveau traitement. Si ces traitements ultérieurs sont d’une telle efficacité qu’ils « rattrapent » en totalité les échecs de la première ligne, on peut alors douter de l’intérêt réel du traitement testé. La survie globale permet aussi une appréciation de la balance bénéfice/risque. Quel que soit le profil de sécurité du traitement, une réduction de mortalité globale donne l’assurance d’une balance bénéfice risque favorable. Enfin, la survie globale est un critère non ambigu qui n’est pas soumis à interprétation ou aux biais liés aux investigateurs. De plus, il est très facile avec ce critère d’éviter les perdus de vue (source potentielle de biais d’attrition). En effet, le statut vital du patient à une date donnée peut être facilement obtenu, dans certains pays, par l’interrogation des fichiers de registre de l’état civil. Le tableau II résume les avantages et les inconvénients de la survie globale. Si dans un essai la survie globale n’est pas utilisée comme critère de jugement principal, elle doit l’être comme critère secondaire. On s’assure ainsi de l’absence d’effets délétères notoires remettant en cause le bon résultat obtenu sur la PFS utilisé comme critère principal. En effet, il s’agirait dans ce cas-là d’un traitement qui ralentit la progression mais qui entraîne en fin de compte un surcroît de décès par toxicité.
Critères d’efficacité des traitements de première ligne métastatique… 351 Tableau II – Avantages et inconvénients de la survie globale. Avantages de la survie globale Pertinence clinique maximale : correspond directement au premier bénéfice que l’on souhaite apportée au patient : éviter le décès Mesure sans biais
Inconvénients de la survie globale Nécessite un nombre de patients et/ou un suivi importants quand les décès sont rares ou l’effet du traitement du traitement sur la mortalité faible Pas d’estimation de la qualité de vie mais uniquement da la « quantité »
Limite le biais d’attrition car mesurable même en présence de perdus de vue (grâce aux enquêtes administratives)
Dilution de l’effet d’un traitement de première ligne par les traitements de lignes ultérieures et par les cross-over
Réponse tumorale Les critères de jugement de réponse tumorale (ORR) s’intéressent à l’évolution sous traitement de la masse tumorale. Le plus souvent, ces critères sont mesurés par l’imagerie et reflètent donc l’évolution de la masse tumorale indépendamment de l’état clinique des patients. La réponse tumorale est mesurée sous la forme d’une variable qualitative comportant quatre principales catégories. – La réponse complète ou « complete response » (CR) correspond à la disparition de toute tumeur détectable. – La réponse partielle ou « partial response » (PR) correspond la plupart du temps à une réduction de 50 % de la masse tumorale. La réponse minime ou « minor response » (MR) est parfois définie comme une réduction d’au moins 25 % mais de moins de 50 % de la masse tumorale. Cependant, les réponses minimes ne sont généralement pas considérées comme reflétant un véritable effet thérapeutique ; il est donc recommandé de les combiner avec les maladies stables. – La maladie stable ou « stable disease » (SD) correspond à l’observation d’une réduction insignifiante (souvent définie comme étant inférieure à 25 %). – La progression de la maladie ou « progressive disease » (PD) reflète une augmentation significative de la taille tumorale ou l’apparition d’une nouvelle localisation. À partir de ces catégories de base, la réponse tumorale est aussi exprimée à l’aide de catégories résumées regroupant une ou plusieurs catégories de base. – La réponse objective ou « objective response » (OR) regroupe les réponses complètes et partielles (CR + PR). L’inconvénient de ce regroupement est de donner la même « valeur médicale » à ces deux types différents de réponse. Une réponse complète peut correspondre à une guérison (même si ce n’est pas obligatoirement le cas), tandis qu’une réponse partielle ne peut pas prétendre avoir cette valeur. Ainsi, un même taux de réponse objective peut être obtenu soit avec une majorité de réponses complètes, soit à l’opposé avec une majorité de réponses partielles et
352 Cancer du sein en situation métastatique peu ou pas de réponses complètes. Ces deux situations ne correspondent pas exactement au même pronostic. – La réponse clinique globale ou « bénéfice clinique» (« clinical benefit ») regroupe la réponse complète, la réponse partielle et la maladie stable. À noter que cette terminologie est ambiguë, le bénéfice clinique pouvant aussi désigner l’amélioration symptomatique des malades. La réponse tumorale peut poser plusieurs problèmes de mesure. Elle dépend notamment du moment de sa mesure : plus cette mesure est tardive et moins il est probable d’observer des réponses complètes. Les taux de réponse sont mesurés à un temps donné (par exemple 3 mois après la randomisation). À un temps ultérieur, les valeurs peuvent être différentes avec une certaine réduction de la fréquence des réponses complètes. Une solution est de ne considérer que les réponses complètes se maintenant durant un certain temps (par exemple au moins 6 mois). La survenue d’un décès empêche de mesurer la réponse tumorale et pose le problème d’une valeur manquante. On considère donc par convention les malades décédées qui n’avaient pas encore eu de réponse tumorale comme des non-répondeurs. Ce problème ne se présente pas pour la survie sans progression, puisque les décès sont également pris en compte pour ce critère de jugement. La mesure de la masse tumorale à partir des clichés des scanner est basée le plus souvent sur les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors) (12, 13). Ces critères définissent la réduction tumorale comme étant la diminution du plus grand diamètre observé sur l’ensemble des clichés. Il s’agit donc d’une mesure unidimensionnelle. La seconde version des critères RECIST s’impose aujourd’hui comme un standard d’utilisation simple, bien documenté et validé (13). La réponse tumorale est un critère intermédiaire et est, de ce fait, principalement utilisés dans les essais de phase II. Il s’agit en effet de critères non directement liés à l’état du patient et leur relation avec le devenir du patient est incertaine. La réponse n’est pas un critère de substitution acceptable pour les tumeurs solides (elle peut l’être pour certaines tumeurs hématologiques). Un patient peut avoir une réponse complète mais cependant ne pas être « guéri », s’il subsiste une masse tumorale résiduelle non détectée qui conduira à la progression de la maladie ultérieurement. À l’opposé, une réponse complète a pu être obtenue au prix d’un traitement très agressif qui entraînera un décès toxique après le temps de mesure de la réponse. Ces raisons limitent d’autant la pertinence clinique de ce critère. Le tableau III résume ses avantages et ses inconvénients. La réponse est généralement accompagnée d’un autre critère, la durée de la réponse (« duration of response »). Il s’agit du temps entre le début de la réponse et la progression tumorale. Ce temps est censuré par le décès ou la fin de l’étude.
Critères d’efficacité des traitements de première ligne métastatique… 353 Tableau III – Avantages et inconvénients de la réponse tumorale. Avantages de la réponse tumorale Critère explicatif documentant l’action directe des traitements sur la masse tumorale
Inconvénients de la réponse tumorale Ne correspond pas directement à un objectif thérapeutique
Peu exigeant en général en termes de nombre de patients ou de durée de suivi
Mesure potentiellement sujette au biais
Utilisable comme biomarqueur dans les phases initiales du développement d’un nouveau traitement
N’est pas un bon critère de substitution pour des critères cliniques à long terme (survie, TTP)
Temps jusqu'à la progression Le temps jusqu’à la progression (« time to tumour progression » ou TTP) correspond au temps entre la randomisation et l’observation d’une progression de la tumeur, les décès survenant sans progression étant censurés. La logique de ces censures est de considérer les décès pour lesquels aucune progression n’a été détectée préalablement comme des décès intercurrents, de cause non carcinologique. Ces décès empêchent de suivre suffisamment le patient pour détecter l’événement d’intérêt (événement non informatif) et constituent ainsi une censure au même titre que la fin de l’étude. Le critère de temps jusqu’à la progression reflète bien l’action antitumorale mais possède une moins bonne pertinence clinique que la survie sans progression. En pratique, il est parfois difficile de distinguer un décès complètement indépendant de la maladie et un décès pour lequel la relation avec la maladie n’a pas été identifiée ou documentée. Ainsi, les décès survenant en dehors de l’hôpital seront parfois interprétés à tort comme intercurrents. De plus, un décès non lié à la tumeur peut cependant être en relation avec le traitement (décès toxique par exemple). Pour éviter ces réserves liées au caractère censurant des décès, il est également préférable de recourir à la PFS qui considère les décès (quelle que soit la cause) comme un échec du traitement au même titre que la progression. Cette attitude est conservatrice mais elle évite de considérer les décès intercurrents comme non informatifs.
Temps jusqu'à l’échec du traitement Le temps jusqu’à l’échec du traitement (« time to treatment failure » ou TTF) est défini comme le temps entre la randomisation et l’arrêt du traitement ou la mise en œuvre d’un traitement supplémentaire, quelle qu’en soit la raison (effet toxique du premier traitement, intolérance, progression tumorale, etc). C’est un critère potentiellement intéressant car il regroupe toutes les causes d’échec et reflète dès lors le
354 Cancer du sein en situation métastatique bénéfice « net » d’un traitement par rapport à un autre ; cependant, il est plus classique d’analyser séparément l’efficacité et la tolérance des nouveaux traitements en utilisant des critères plus spécifiques des effets attendus.
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Analyse des recommandations du National Comprehensive Cancer Network portant sur les cancers du sein métastatiques V.1.2009 J.-M. Nabholtz
Les recommandations du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) reposent sur des niveaux d’évidence de catégories 2A ou autrement spécifiés. Le NCCN pense que la prise en charge optimale des patientes atteintes de cancer du sein est représentée par la participation dans des essais cliniques, ce qui est spécifiquement encouragé. Les bases des recommandations du NCCN pour la prise en charge des patientes atteintes de cancers du sein métastatiques reposent sur deux axes fondamentaux. 1. La prédictivité de l’efficacité thérapeutique liée : a. d’une part soit à la positivité des récepteurs hormonaux (RH) : récepteurs aux estrogènes (R0+) et/ou récepteurs à la progestérone (RP+), soit à une résistance observée aux thérapeutiques hormonales ; b. d’autre part à la positivité du statut HER2. Cela conduit donc à considérer quatre groupes distincts : – RH positifs et HER2 négatif ; – RH positifs et HER2 positif ; – RH négatifs ou RH positifs résistants à l’hormonothérapie et HER2 négatif ; – RH négatifs ou RH positifs résistants à l’hormonothérapie et HER2 positif. 2. Le profil de l’évolution métastatique lié : – au type de métastases opposant métastases osseuses, tissus mous ou viscérales asymptomatiques aux métastases viscérales symptomatiques.
Maladie métastatique RH positifs et HER2 négatif ou positif Les recommandations du NCCN regroupent ces deux entités et considèrent deux situations cliniques liées à l’existence d’une exposition à une thérapeutique hormonale ou non dans l’année précédant le diagnostic de métastases.
356 Cancer du sein en situation métastatique
En cas de traitement hormonal durant l’année précédente Métastases osseuses, tissus mous ou viscérales asymptomatiques : – patientes ménopausées : traitement hormonal séquentiel : inhibiteurs de l’aromatase non stéroïdien ou stéroïdien, fulvestrant, tamoxifène ou torémifène, acétate de mégestrol, fluoxymestérone, ethinylestradiol. Le traitement hormonal sera continué jusqu’à progression ou jusqu’à l’apparition de toxicités limitantes. Pas de bénéfice clinique après trois lignes d’hormonothérapie successives ou l’apparition d’une évolution métastatique viscérale symptomatique doivent conduire à une indication de chimiothérapie associée à du trastuzumab en cas de positivité de HER2. En cas de persistance d’hormonosensibilité, considérer l’inclusion dans des essais thérapeutiques testant de nouveaux traitements endocriniens ; – patientes non ménopausées : ovariectomie ou suppression ovarienne associée à un traitement hormonal séquentiel identique à celui des femmes ménopausées. En cas d’évolution métastatique viscérale symptomatique : considérer une chimiothérapie d’entrée (tableau I).
En cas d’absence de traitement hormonal durant l’année précédente Métastases osseuses, tissus mous ou viscérales asymptomatiques : – patientes ménopausées : traitement hormonal séquentiel débutant soit par un inhibiteur de l’aromatase, soit par un traitement antiestrogène ; – patientes non ménopausées : soit ovariectomie ou suppression ovarienne associée à un traitement hormonal séquentiel identique à celui des femmes ménopausées, soit traitement antiestrogène. Évolution métastatique viscérale symptomatique : considérer une chimiothérapie d’entrée (tableau I).
RH négatifs ou RH positifs résistants à l’hormonothérapie et HER2 négatif Métastases osseuses, tissus mous ou viscérales asymptomatiques : – inclusion dans une étude endocrinienne si patiente considérée comme non réfractaire à l’hormonothérapie ; – ou chimiothérapie d’entrée (tableau I). Évolution métastatique viscérale symptomatique : considérer une chimiothérapie d’entrée (tableau I). Pas de réponse à trois protocoles de chimiothérapie successifs ou l’apparition de limitations liées à l’état général de la patiente (ECOG PS > 2) doivent conduire à l’arrêt de la chimiothérapie et une approche palliative.
Analyse des recommandations du National Comprehensive Cancer… 357 Tableau I – Protocoles de chimiothérapie pour cancer du sein métastatique. Monochimiothérapie*
Polychimiothérapie*
Anthracyclines Doxorubicine Épidoxorubicine Doxorubicine liposomiale pégylée
CAF/FAC CEF AC EC AT (paclitaxel et docetaxel) CMF Docetaxel/capécitabine GT (Gemcitabine/paclitaxel)
Taxanes Paclitaxel Docetaxel
Autres Ixabepilone/capécitabine (Niveau 2B)
Antimétabolites Capécitabine Gemcitabine Autres inhibiteurs microtubulaires Vinorelbine Autres Cyclophosphamide Mitoxantrone Cisplatine Étoposide (oral) (Niveau 2B) Vinblastine 5 fluoro uracile Ixabepilone Monochimiothérapie de choix avec bevecizumab Paclitaxel** A = doxorubicine ; E = épidoxorubicine ; C = cyclophosphamide ; F = 5 fluoro uracile. * Il n’existe pas de preuve définitive que la polychimiothérapie soit supérieure à la monochimiothérapie utilisée en séquence. **Une seule étude randomisée comparant paclitaxel à paclitaxel + bevecizumab en 1re ligne métastatique.
RH négatifs ou RH positifs résistants à l’hormonothérapie et HER2 positif Métastases osseuses, tissus mous ou viscérales asymptomatiques : – inclusion dans une étude endocrinienne si patiente considérée comme non réfractaire à l’hormonothérapie – ou combinaison trastuzumab + chimiothérapie d’entrée (tableau II). Évolution métastatique viscérale symptomatique : combinaison trastuzumab + chimiothérapie d’entrée (tableau II).
358 Cancer du sein en situation métastatique L’intérêt de continuer le trastuzumab après progression suivant une première ligne de trastuzumab + chimiothérapie n’est pas considéré comme validé. En cas d’utilisation préalable d’anthracyclines, taxanes et trastuzumab, préférer une combinaison lapatinib et capécitabine. Pas de réponse à trois protocoles successives ou l’apparition de limitations liées à l’état général de la patiente (ECOG PS > 2) doivent conduire à une approche palliative. Tableau II – Protocoles de traitement pour cancer du sein métastatique HER2 positif. Agents de choix en 1re ligne métastatique Trastuzumab avec : Paclitaxel avec ou sans carboplatine Docetaxel Vinorelbine Capécitabine Agents de choix après échec de trastuzumab en situation métastatique Lapatinib/capécitabine Trastuzumab/autres agents de 1re ligne Trastuzumab/capécitabine Trastuzumab/lapatinib (sans chimiothérapie)
Cas particuliers Métastases osseuses : Indication d’ajouter à la chimiothérapie ou à l’hormonothérapie un traitement par biphosphonates, sous réserve d’une survie espérée de plus de 3 mois et un taux de créatinine sérique < 3,0 mg/dL. Suggestion de pamidronate ou acide zolédronique sous couvert de calcium (1 200-1 500 mg) et vitamine D (400-800 UI) en doses quotidiennes. Les patientes doivent subir un examen dentaire avec soins préventifs avant l’initiation du traitement par biphosphonates.
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Cancer du sein métastatique J.-P. Guastalla, M. Campone, L. Zelek, J.M. Guinebretière, S. Giard, G. Ganem, B. Coudert et J. Chiras
Conduite à tenir face à la tumeur mammaire primitive dans les cancers métastatiques d’emblée Chirurgie de la tumeur mammaire primitive dans les cancers métastatiques Sept études sont actuellement publiées, évaluant le rôle potentiel de la chirurgie d’exérèse de la tumeur primitive sur la survie des patientes avec un cancer métastatique. L’étude de Khan (136) reprend les données de 16 023 cancers du sein diagnostiqués d’emblée au stade IV dans le National Cancer Data Base : 6 861 (42,8 %) n’ont pas eu de chirurgie locale, 9 162 (57,2 %) ont eu une chirurgie locale, 3 513 (38,3 %) par mastectomie partielle (MP), 5 649 (61,7 %) par mastectomie totale (tableau I). Tableau I – Taux de survie du National Cancer Data Base (136).
Pas de chirurgie Berges saines MP MT (p = 0,0137) Berges non saines MP MT (p = 0,1035)
Survie à 5 ans (%)
Survie médiane (mois)
Survie moyenne (mois)
6,7
11,9
19,3
16,6 18,4
22,9 25,3
11,3 11,5
17,6 20,0
364 Cancer du sein en situation métastatique En analyse multivariée, quatre variables indépendantes sont identifiées comme ayant un impact sur la survie : la chirurgie en berges saines (HR : 0,6) ou envahies (0,75), le nombre de sites métastatiques (> 1 HR = 1,25), le type de métastases (tissus mous vs viscérales et osseuses ; HR = 0,74), la réalisation d’un traitement systémique (HR = 0,61 à 0,72). N’apparaissent pas comme covariables significatives, le type de chirurgie (MP ou MT), la taille tumorale, l’étendue du prélèvement ganglionnaire, le nombre de ganglions envahis. La série du MD Anderson (10) reprend 224 patientes au stade IV avec un suivi médian de 32,1 mois : 82 (37 %) ont eu une chirurgie mammaire (48 % par MP, 43 par MT), 142 (63 %) n’ont pas été opérées. En analyse multivariée, la chirurgie locale n’apparaît pas comme facteur significatif sur la survie globale (facteurs significatifs identifiés : plusieurs sites vs un site métastatique HR = 2,43, HER2 positif vs négatif HR = 2,52). La chirurgie locale apparaît comme variable significativement associée à la survie sans progression métastatique (HR = 0,54). L’étude de Rapiti (218) reprend 300 stades IV : 173,5 (58 %) n’ont pas eu de chirurgie mammaire, 127 (42 %) ont été opérées, 87 par MT, 40 (48 %) par MP, 61 avaient des berges négatives, 33 des berges envahies et 33 des berges non précisées. La survie spécifique à 5 ans est de 12 % pour le groupe sans chirurgie et le groupe chirurgie avec berges inconnues, de 27 % dans le groupe chirurgie en berges saines, de 16 % dans le groupe berges envahies. Le bénéfice du groupe chirurgie en berges saines était d’autant plus important que le site métastatique se limitait à des métastases osseuses. Il n’y avait en revanche pas d’impact significatif de la réalisation ou non d’un curage ganglionnaire. Gnerlich (104) reprend les données de 9 734 stades IV du SEER 1988-2003 : 5 156 (53 %) n’ont pas eu de geste chirurgical, 4 578 (48 %) ont eu une chirurgie locale, 1 844 (40 %) par MP, 2 485 par MT. La survie globale à la fin de l’étude est de 16 % dans le groupe non chirurgical, de 24 % dans le groupe chirurgie. La survie médiane est, pour les patientes vivantes à la fin de l’étude de 36 mois pour les opérées, de 21 mois pour les non opérées, elle est respectivement de 18 et 7 mois pour les patientes décédées. En analyse multivariée tenant compte des possibles biais de sélection entre les deux groupes, la chirurgie reste significativement associée à une réduction de 37 % du risque de décès. Compte tenu du registre de données utilisé, l’étude n’a pu prendre en compte le type de site métastatique, l’état des berges d’exérèse, l’utilisation ou non d’un traitement systémique. Dans l’étude de Fields (82), 409 stades IV d’emblée ont été retenus avec un suivi médian de 142 mois : 187 (46 %) ont été opérées, 33 % par MP, 66 % par MT, 49 % avaient des berges négatives, 77 % ont eu une évaluation ganglionnaire chirurgicale. La survie médiane est de 26,8 mois dans le groupe chirurgical, de 12,6 mois dans le groupe non-chirurgie. Il n’existe en revanche pas de différence significative pour le temps avant progression métastatique entre les deux groupes. Blanchard (24) reprend 395 stades IV dont 242 (61,3 %) ont été opérés, 77,7 % par MT, 22,3 % par MP. La survie médiane est de 27,1 mois dans le groupe chirurgical, de 16,8 mois dans le bras non chirurgical. En analyse multivariée, les facteurs associés à une meilleure survie globale sont le geste chirurgical (HR = 0,71), la posi-
Cancer du sein métastatique 365 tivité des récepteurs hormonaux (HR = 0,6), le nombre de sites métastatiques (> 1 : HR = 1,27). Enfin, Bafford (11), dans une série de 147 stades IV dont 41 % ont eu une chirurgie mammaire, trouve une différence significative de survie médiane (après ajustement sur l’âge, le nombre de sites métastatiques, l’usage de traitement systémique, le statut RH et HER2 : 4,13 ans dans le groupe chirurgie vs 2,36 ans dans le groupe non chirurgie locale. Reprenant l’hypothèse d’un biais possible de sélection des patientes ayant un meilleur pronostic dans le groupe chirurgical, les auteurs différencient les patientes dont l’état métastatique est connu avant la chirurgie, de celles où le stade IV n’a été diagnostiqué qu’après le geste local : la survie médiane n’est pas différente entre le groupe chirurgie chez les patientes connues porteuses de métastases et le groupe non-chirurgie (2,4 ans vs 2,4 ans), alors qu’elle est significativement allongée pour le groupe chirurgie avant le diagnostic de métastases (4,0 ans vs 2,4 ans). Cette étude suggère que la surstadification par un bilan d’extension postopératoire permet d’isoler un groupe de bon pronostic sans que l’on puisse évaluer le rôle de la chirurgie locale sur la survie dans ce groupe. À l’inverse, la survie est comparable dans le groupe reconnu métastatique d’emblée, qu’il y ait ou non une chirurgie mammaire. Au total, dans 6 de ces 7 études, on constate une amélioration significative de la survie de 30 à 50 % dans les stade IV d’emblée ayant eu un geste chirurgical mammaire. Le caractère rétrospectif de ces études ne permet pas de dire si cette amélioration constatée est le fait du geste chirurgical ou si elle ne témoigne que d’une sélection des patientes de meilleur pronostic (comorbidité, état général, masse métastatique, évolutivité, etc.) à qui l’on a proposé cette chirurgie. Tout au plus peut-on conclure que le geste chirurgical local dans un stade IV ne semble pas délétère sur la progression métastatique comme cela avait pu être évoqué dans certaines théories physiopathologiques (19, 51). S’il est par définition impossible de repérer tous les biais de recrutement dans ces études rétrospectives, certaines caractéristiques des patientes amenées à la chirurgie ont été identifiées par les auteurs : – l’âge jeune (10, 82, 104, 218) ; – la petite taille tumorale (24, 82, 104, 218) ; – un moindre envahissement ganglionnaire (10, 218) ; – le faible nombre de sites métastatiques (un vs plusieurs) (10, 11, 24, 218) ; – les métastases osseuses et tissus mous plutôt que viscérales (24, 82, 136, 218) ; – moins de métastases hépatiques (10) ; – le haut grade (104) ; – la présence de récepteurs aux œstrogènes (24, 104) ; – la surexpression de HER2 (10), – la chimiothérapie comme traitement de première ligne (10, 218). En conclusion, les études rétrospectives ont constaté de façon récurrente une association entre la chirurgie d’exérèse de la tumeur mammaire primitive et une meilleure survie ou un plus long intervalle sans progression des métastases pour les patientes qui se présentent avec des métastases d’emblée (tableau II). Malgré les ajustements généralement réalisés sur les facteurs pronostiques classiques, des biais
366 Cancer du sein en situation métastatique de recrutement amenant à la chirurgie les patientes qui ont un pronostic favorable sont très probables. La relation de causalité entre la chirurgie mammaire et l’évolution métastatique reste donc pour le moment incertaine, mais une interaction entre la tumeur mammaire primitive et les métastases est cliniquement possible et biologiquement plausible.
Tableau II – Récapitulatif des études publiées sur la chirurgie mammaire de la tumeur primitive dans les cancers du sein métastatiques.
Auteurs
n=
% de chirurgie mammaire
Khan (136)
16 023
57
Babiera (10)
224
37
Rapiti (218)
300
42
Gnerlich (104)
9 734
47
Fields (82)
409
46
Blanchart (24)
395
61
Bafford (11)
147
41
HR ajusté dans le groupe chirurgical (IC 95 %) 0,61a (0,58–0,65) 0,64b (0,38–0,77) 0,6 (0,4–1,0) 0,63 (0,6–0,66) 0,53 (0,42–0,67) 0,71 (0,55–0,90) 0,47c
achirurgie
en berges saines ; bHR pour la survie avant progression métastatique ; cchirurgie avant ou après le diagnostic de stade IV vs pas de chirurgie. HR : hasard ratio.
L’augmentation de la survie des patientes métastatiques liée aux traitements systémiques et l’augmentation de la sensibilité des examens complémentaires s’allient pour augmenter le nombre des patientes métastatiques suivies et allonger l’intervalle entre le diagnostic de métastase(s) et le décès. Ceci conduit naturellement à rencontrer de plus en plus fréquemment des évolutions locales ou une absence de régression tumorale mammaire chez des femmes qui n’ont pas été opérées initialement du fait de la connaissance d’une extension à distance et dont les métastases sont stabilisées. La prise en charge de ces patientes est particulièrement difficile du fait du manque d’information sur les conséquences des options envisageables. Seul un essai randomisé pourra permettre d’évaluer la réalité ou non du bénéfice en survie d’une chirurgie mammaire dans les stades IV d’emblée.
Cancer du sein métastatique 367
On peut actuellement considérer que la chirurgie de la tumeur mammaire primitive n’est pas contre-indiquée du fait de la découverte de métastases à distance asymptomatiques lors du diagnostic initial, non seulement à titre de propreté (symptômes) mais aussi à titre de diminution de la masse tumorale, en exposant la balance bénéfice-risque : – geste à faible morbidité chirurgicale en l’absence de risque (évaluation du risque de morbi-mortalité du fait de comorbidités et/ou du retentissement général de l’état métastatique) ; – doute sur l’impact en termes de gain de survie. Et en sélectionnant les patientes : – patientes à faible masse métastatique ou présentant des métastases osseuses ; – répondant à un traitement systémique d’induction (217) ; – exérèse possible en berges saines. Le geste peut être une MT ou une MP sous réserve de berges saines. L’intérêt d’un geste ganglionnaire associé ou d’une irradiation complémentaire ne peut actuellement être précisé.
Faut-il prélever les métastases et déterminer systématiquement les RH et HER2, et si oui à quel moment ? Que nous apprend la littérature ? Les comparaisons publiées entre tumeur primitive initiale et métastases à distance concernent principalement les récepteurs hormonaux (RH) et HER2. Elles mettent à jour des différences de l’ordre de 5 à 45 % pour les RH et de 0 (245) à 28,5 % (231) pour HER2. Ces études publiées sont peu nombreuses (moins d’une cinquantaine) et concernent un nombre limité de patients, ce qui explique l’amplitude des variations observées. Ceci tient à ce que les prélèvements histologiques des métastases ne sont que rarement réalisés, soit au moment du diagnostic de cancer du sein (métastatique d’emblée), soit durant le suivi s’il existe un doute diagnostique ou bien à des fins thérapeutiques (plèvre, ascite) ce qui correspond à des situations particulières et n’est aucunement représentatif de la population de patientes métastatiques. Les périodes d’inclusion sont donc importantes avec une hétérogénéité de prise en charge thérapeutique. Ces études sont également hétérogènes par les techniques utilisées, immunohistochimie, FISH, CISH, radioligand immunoassay, tissu micro-array, qui n’ont parfois pas été réévaluées. Pour certaines même, les techniques réalisées pour la tumeur initiale et la métastase diffèrent. Elles ne répondent souvent plus aux standards actuels de qualité, que ce soit le type de sonde (HER2 seule ou avec le centromère) ou d’anticorps dont la sensibilité et la spécificité se sont améliorées ou de
368 Cancer du sein en situation métastatique seuil (ASCO). Ces variations de techniques induisent à elles seules une variation non négligeable.
Quels sont les résultats pour HER2 et les RH ? Dans l’ensemble, les discordances pour HER2 rapportent des taux autour de 10 %. Une étude (264) a évalué qu’une moitié des discordances tenait à l’hétérogénéité de la tumeur, c’est-à-dire la présence de populations dont l’expression est différente, non décelée initialementhétérogénéité dont l’incidence est probablement sousestimée (201). L’autre moitié tient à des problèmes de seuil du test considéré, ce qui renforce les modifications des critères de positivité proposées par le groupe expert de l’ASCO pour HER2. Lorsqu’on les prend en compte, le taux de discordance ne dépassait pas 5 % (264). Les discordances sont plus importantes pour les RH, de l’ordre de 15 % pour les RE et de 35 % pour les PR dont l’expression disparaît progressivement. Ces études n’ont évalué généralement qu’un seul site métastatique, souvent le plus accessible (locorégional, cutané ou ganglionnaire). L’analyse de la concordance de différents sites chez une même patiente concerne moins d’une cinquantaine de patients issus principalement de séries autopsiques et dont seulement une douzaine avait une tumeur primitive HER2+. Il semble exister une homogénéité de l’expression (187, 290) pour les RH et HER2 (moins de données) sauf lorsque la tumeur est elle-même hétérogène. On rappelle que sur le plan biologique, la localisation à un site métastatique donné serait liée à une expression différentielle de cytokines (CXCR4, CCR7, CXCL12, CCL21, SDF1) et leur croissance s’effectuerait par des voies biologiques différentes (TGFβ, NFαB, PARs), ce qui traduit une hétérogénéité que peut parfois constater l’oncologue lors de réponse thérapeutique différentielle d’un site à l’autre pour une même patiente. Seule une comparaison systématique entre tumeur initiale et tous les sites métastatiques de patientes, difficile à proposer en dehors d’études autopsiques, pourrait permettre de répondre à cette question.
Existe-t-il une stabilité de l’expression en cours de traitement ? Pour les récepteurs, on sait qu’il existe une diminution voire une disparition des RP, puis une diminution des RE. Pour HER2, il n’existe pas de modifications liées à la chimiothérapie mais évaluées seulement en néo-adjuvant (266) et pour un nombre limité de patients. Pour le trastuzumab, une seule étude (199) a analysé les lésions survenues en cas de progression sous trastuzumab (16 patientes). Elle montre une stabilité globale mais pour une petite catégorie de patientes (6/16) une disparition de l’expression qui serait associée à un TTP statistiquement plus court. Les auteurs privilégient comme hypothèse la possibilité d’une hétérogénéité tumorale plus que de l’émergence de clones secondairement résistants.
Cancer du sein métastatique 369
Faut-il prélever une métastase pour évaluer les différents marqueurs ? Le cas du trastuzumab Il est admis que le trastuzumab doit être proposé uniquement quand la tumeur surexprime HER2, c’est-à-dire HER2-3+ en immunohistochimie (protéine) ou bien positive en FISH/CISH (gènes). Seules 15 % environ des tumeurs mammaires surexpriment HER2. Généralement, le statut immunohistochimique HER2 est réalisé sur la tumeur primitive et semble stable (37, 90, 171, 187). Néanmoins, progression tumorale, présence de micrométastases et acquisition d’un statut HER2 positif peuvent aller de pair (176, 277) aboutissant à des différences de statut HER2 entre tumeur primitive et sites métastatiques (231). Faut-il déterminer systématiquement le statut HER2 des sites métastatiques ? Cela semble difficile en cas de métastases multiples et possiblement hétérogènes. Le bon sens voudrait que la détermination du statut HER2 d’un site métastatique ne soit proposée qu’en cas de maladie agressive et de tumeur primitive HER2 négatif. Il faut remarquer que la recherche de l’expression d’HER2 sur les métastases osseuses est parfois impossible.
Que peut-on attendre ? Un élément important est de préciser dans le compte rendu anatomopathologique la notion d’homogénéité ou d’hétérogénéité : – Homogènes = quels que soient les foyers tumoraux expertisés, le marquage est identique de type positif, négatif ou mixte, intrication étroite entre cellules positives et négatives. – Hétérogènes = des plages entières ont un marquage dissocié par rapport à d’autres plages positives/négatives ou mixtes associées aux plages positives. Des études plus systématiques et représentatives de comparaisons entre tumeurs primitives et métastases, entre différents sites métastatiques et durant les traitements pour mieux comprendre la progression tumorale. Le développement et l’analyse de nouveaux marqueurs prédictifs de réponse. Un exemple, les marqueurs associés au turnover osseux qui pourraient être des marqueurs de réponse thérapeutique pour les patientes avec des localisations osseuses. On peut citer uNTx, uDPD, sBSAP, s-1CTP, ICTP, NTX, etc.
370 Cancer du sein en situation métastatique
Techniques alternatives Cellules tumorales circulantes Il s’agit d’un sujet d’actualité car de nombreux abstracts leurs sont consacrés, par exemple à l’ASCO 2008. La présence de cellules circulantes a été évaluée à différents titres, comme marqueur pronostique d’agressivité de la maladie métastatique, comme marqueur de réponse au traitement et enfin comme marqueur utilisé pour la détection et le phénotypage de cellules tumorales provenant de site métastatique. Plusieurs constats : 1) Les méthodes de détection utilisées sont nombreuses et très différentes, à savoir : – par examen direct et immunohistochimie sur culot cellulaire ; – par analyse après extraction de l’ADN permettant après transformation du DNAc une amplification et analyse par QPCR ; – par isolation par billes magnétiques et anticorps reconnaissant les épitopes de surface ; – par filtration ; – par protéine array. 2) Le nombre de cellules détectées est généralement faible. 3) Certaines techniques permettent après la détection des cellules circulantes, leur analyse moléculaire. Différents marqueurs ont été évalués, non seulement la cytokératine Ki19, marqueur de cellules embryonnaires, mais également des marqueurs tumoraux tels mucine 1, CEACAM7 (molécule d’adhésion des cellules reliés au CEA) ou marqueurs spécifiques épithélium mammaire tumoral tel secretoglobuline, famille 2A membre 1, SCGB2A1, survivine, inhibiteur de l’apoptose. Les autres marqueurs sont BMI1, epCAM. Cependant, une avancée majeure utilisable et utilisée est la détermination du statut ERB dans les cellules circulantes. Cependant, plusieurs étapes et problèmes sont soulevés dans le choix des marqueurs, doit permettre de signer l’origine des cellules circulantes. La viabilité des cellules, expression du marquage apoptotique associés quiescentes, faiblement prolifératives ou prolifératives. Le statut de cibles thérapeutiques tels HER2 permettrait de mieux cibler les indications mais n’apporte rien en termes de suivi. Certains marqueurs CD44/CD24/VEGFR2 permet de signer ou non à l’origine du type stemcell. Certaines tumeurs circulantes ont des marquages faits d’interactions avec le stroma. L’ensemble de la bibliographie analysée montre qu’aucune méthode n’est à ce jour validée bien qu’intéressante.
Taux circulant de ECD HER2 On trouve tout et son contraire concernant la non signification à la réponse thérapeutique. La méthode est possible mais les dernières publications ne modifient pas les recommandations de 2005.
Cancer du sein métastatique 371
En conclusion, on peut conseiller : 1- la relecture systématique des tumeurs primitives pour : – rechercher une hétérogénéité tumorale (qui devrait être aujourd’hui systématiquement décrite) ; – réévaluer les marqueurs lorsque l’analyse initiale a été effectuée avant 2002 en raison de l’amélioration des techniques. 2- un prélèvement d’un site métastatique (accord d’experts) lorsque : – la tumeur primitive est hétérogène afin de déterminer le clone impliqué ; – l’évolution métastatique (délai de survenue, siège) est inhabituelle au regard des caractéristiques de la tumeur initiale ; – en cas de nouvelle perspective thérapeutique ; – lorsque les données de la tumeur initiale ne sont pas accessibles. 3- un site à prélever : – le plus accessible (accord d’experts) ; – l’étude d’HER2 sur les métastases osseuses est aléatoire. 4- il n’existe pas d’alternative reconnue à la biopsie.
Bilan d’imagerie d’une métastase unique accessible à une thérapeutique locorégionale Moyens d’imagerie Imagerie cérébrale L’IRM cérébrale avec injection de gadolinium est actuellement reconnue comme le moyen le plus approprié pour affirmer ou infirmer l’existence de métastases cérébrales. Les métastases de grande taille s’associent fréquemment à un effet de masse et à un œdème vasogénique importants et, dans ces cas, le scanner ou l’IRM permettent d’arriver facilement au diagnostic de métastase encéphalique. Les lésions précoces et de petite taille ont une localisation préférentielle à la jonction corticosous-corticale et peuvent ne pas s’associer à un œdème périphérique. Leur diagnostic est donc moins évident. Les scanners cérébraux faits à la recherche de lésions secondaires doivent être des scanners injectés en double dose retardée, ceux-ci étant nettement supérieurs aux examens tomographiques réalisés immédiatement après injection d’une dose inférieure de produit iodé (64). Toutefois, la sensibilité de l’IRM avec injection de gadolinium est nettement supérieure à celle du scanner pour la détection, la localisation anatomique des lésions et leur différenciation entre métastases uniques ou multiples (64, 294). Des études déjà anciennes ont montré que l’IRM permettait, en cas de métastase cérébrale unique visible au scanner, de retrouver une deuxième localisation dans environ 10 % des cas.
372 Cancer du sein en situation métastatique La réalisation d’une injection de gadolinium retardée ou d’une double ou triple dose est conseillée (262) puisque ceci permet de démontrer l’existence de métastases additionnelles. Bien que le FDG-PET s’avère de nos jours une pièce fondamentale de la stadification oncologique, son rôle dans l’imagerie cérébrale est discutable et mis en question. Sa sensibilité est de 75 % et sa spécificité est de 83 % (225). Comparativement à l’IRM, on identifie seulement 61 % de lésions secondaires au FDG-PET (225). L’IRM avec injection de gadolinium est donc l’examen de référence pour éliminer l’existence d’une métastase cérébrale ou affirmer son caractère unique.
Métastases osseuses, hépatiques, pulmonaires et ganglionnaires Jusqu’à pas très longtemps, la scintigraphie osseuse, l’échographie et le scanner étaient les pièces clés de la stadification du cancer du sein. Cependant, la scintigraphie osseuse présente des difficultés pour diagnostiquer des lésions ostéolytiques de petite taille et l’IRM et le scanner mettent fréquemment en évidence des lésions morphologiques douteuses ou non concluantes. Le TEP-scan présente l’avantage de fusionner les images morphologiques du scanner aux images métaboliques du TEP. Il a aussi la capacité de réaliser des images du corps entier. Tout ceci lui a valu d’être, à l’heure actuelle, l’examen le plus approprié pour la stadification des métastases à distance. On sait, depuis plus d’une décennie, que la sensibilité et la spécificité du PET-Scan sont supérieures à celles de l’imagerie conventionnelle (117, 119). Sa sensibilité est de 95 % et sa spécificité est de 91 % (79, 123). Pour l’étude des métastases ganglionnaires, il est nettement supérieur au scanner (21) et il modifie la prise en charge du patient dans un pourcentage proche du 50 % des cas (211). Cependant, l’information est contradictoire en ce qui concerne les métastases osseuses. Il semblerait que le PET-scan est supérieur à la scintigraphie en cas de métastases ostéolytiques mais c’est cette dernière qui est plus performante pour les métastases ostéoblastiques (56). Le TEP-scan peut néanmoins être faussement positif avec des taux qui oscillent entre 0 et 21 %, selon différents articles de la littérature (17, 146, 272). D’autre part, son coût non négligeable et son accès difficile en urgence limitent son utilisation. L’IRM corps entier est une autre méthode qui est actuellement en train de se développer. Elle est désormais une technique alternative aux autres examens d’imagerie corps entier. Les derniers progrès techniques tels que le mouvement de la table d’examen, l’utilisation simultané de multiples antennes de surface, la diminution du temps d’examen et l’avènement de séquences plus performantes, ont fait de l’IRM corps entier un outil potentiel de stadification tumorale. Multiples articles de la littérature lui accordent une bonne corrélation avec les méthodes d’imagerie conventionnelle (148, 149) et même une meilleure sensibilité dans la détéction de métastases osseuses et hépatiques (148). Pour la stadification du cancer du sein, les résultats semblent eux aussi prometteurs (121, 282). Tout comme le PET-scan, l’IRM corps entier donne des renseignements morphologiques et fonctionnels. C’est l’IRM de diffusion corps entier qui, grâce à sa capacité d’apprécier les mouvements browniens de l’eau, nous permet de parler d’IRM fonctionnelle.
Cancer du sein métastatique 373 D’introduction récente, elle est jusqu’à présent peu évaluée mais des études initiales lui accordent la même exactitude qu’au PET-scan pour la détéction de lésions secondaires (189). Il semblerait néanmoins que le PET-scan est supérieur dans le diagnostic de métastase ganglionnaire (233). L’IRM a l’avantage de l’absence d’irradiation mais, tout comme le PET-scan, elle présente de nos jours un coût élevé et une disponibilité pas toujours évidente. Une technique nouvelle en phase expérimentale est celle de l’imagerie hybride PET et IRM (39). L’examen local du sein doit faire appel à la mammographie, à l’échographie, voire dans certains cas particuliers à l’IRM du sein. Quant au rôle du PET-scan dans la détection du cancer primitif, il y a, pour le moment, peu de publications. Son utilité reste donc à définir. Dans le cadre de patientes suivies pour cancer du sein métastatique connu, l’association d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien et d’une IRM cérébrale permet d’une manière simple de disposer d’un contrôle efficace et facilement disponible. D’autre part, la possibilité de réaliser des PET-scans intra-traitement semble intéressante puisque ceci permettrait de prédire la réponse thérapeutique. On pourrait ainsi modifier rapidement le traitement instauré en cas d’évolution défavorable. Plusieurs articles ont été publiés à ce sujet (59, 73). Il serait utile de disposer d’un examen PET-scan pré-traitement. Mais ceci n’est pas envisageable actuellement en pratique clinique courante.
Bilan d’imagerie initial d’un cancer du sein métastatique 1- BILAN D’EXTENSION (accord d’experts) Scanner TAP (+ crâne si HER2 surexprimé ou tumeur triple négative) Scintigraphie osseuse Si métastases multiples, pas d’autre examen systématique Si lésion métastatique unique, PET-scan ou IRM de diffusion en évaluation IRM cérébrale 2- BILAN avant traitement local (accord d’experts) Os : IRM + SCANNER + radiologie standard Foie : échographie Une concertation pluridisciplinaire est recommandée pour le traitement locorégional des métastases osseuses (accord d’experts).
Avertissement Il n’est pas démontré que le traitement radical d’une métastase unique de cancer du sein puisse améliorer la survie. Les résultats de la littérature présentés ci-dessous qui portent sur des séries rétrospectives de malades sélectionnées ont essentiellement une valeur de faisabilité. Le traitement radical d’une métastase unique reste une indication au cas par cas qui doit être soigneusement pesée en concertation pluridisciplinaire avec l’accord d’un malade parfaitement éclairé.
374 Cancer du sein en situation métastatique
Acte thérapeutique spécifique sur une localisation métastatique isolée Radiologie interventionnelle Les métastases viscérales sont fréquentes dans l’histoire naturelle du cancer du sein, et grèvent le pronostic, en termes de survie, à court terme (32). Elles touchent principalement le foie et le poumon ; plus rarement, les surrénales et les tissus mous (108). Les patientes porteuses de métastases ont un mauvais pronostic et sont considérées comme ayant une atteinte disséminée, même si la ou les lésions ne touchent qu’un seul organe (150). Le traitement de référence de ces lésions secondaires reste l’exérèse chirurgicale radicale (237). Cependant, certaines patientes, du fait de la topographie des lésions et/ou d’un état général compromis, ne sont pas éligibles pour ce type de traitement. Ainsi, la radiologie interventionnelle, à travers des techniques per-cutanées (radiofréquence, cryo-ablation, photocoagulation au laser) et endovasculaires (dévascularisation artérielle, chimio-embolisation), a-t-elle pris, de part l’approche mini-invasive qu’elle propose, une part importante dans la prise en charge thérapeutique des lésions secondaires, notamment dans le cancer du sein (52). Après une description brève des différentes techniques de radiologie interventionnelle disponibles, nous présenterons la place de chaque technique et leurs résultats, pour les différents sites métastatiques.
Techniques de radiologie interventionnelle des métastases Techniques percutanées Radiofréquence La radiofréquence est un procédé ancien dont le principe est déjà appliqué depuis de nombreuses années pour les bistouris électriques et les neurolyses en vue d’une thermolyse très localisée sans risque de lésion de structures adjacentes. Elle consiste en l’introduction d’une aiguille de radiofréquence par voie percutanée au sein de la lésion à traiter. Par induction d’un courant alternatif RF (haute fréquence de 400 kHz) à la pointe de l’aiguille, un échauffement tissulaire est provoqué par agitation ohmique. Lorsque la température tissulaire à proximité de l’aiguille dépasse 50-60°C, apparaît une lésion thermique de forme ovoïde dont on peut contrôler la taille de différentes façons : électrodes à baleines conductrices déployables (Rita, Boston Scientific), à circulation interne (Radionics, Celon) et électrodes à perfusion externes (Berchtold). Utilisée dans un premier temps pour le traitement des lésions néoplasiques hépatiques avec une efficacité démontrée (243, 253), la radiofréquence percutanée a été étendue à d’autres organes comme le rein (178, 221), la surrénale (172), le sein (112, 127) et l’os (105).
Cancer du sein métastatique 375 Des études récentes ont montré son efficacité dans le traitement des métastases hépatiques (85, 219). Cette technique est réalisée sous guidage de l’imagerie : l’échographie ou la TDM pour les lésions hépatiques ; la TDM pour les lésions pulmonaires et surrénaliennes. Il est à noter que cette technique est théoriquement réservée aux lésions de moins de 3 cm de diamètre (67). Les principaux effets secondaires rencontrés après traitement par radiofréquence sont des douleurs locales (75 % des complications), et, très rarement, des brûlures cutanées (219). La radiofréquence est par ailleurs contre-indiquée pour les lésions trop proches de la paroi ou des structures vasculaires (67).
Cryothérapie La cryothérapie, à l’inverse de la radiofréquence, vise à détruire la tumeur par congélation des tissus (57). La congélation est obtenue par l’introduction d’une sonde de 5 à 12 mm placée au centre de la tumeur, sous contrôle échographique. Le gros calibre des sondes de cryothérapie explique que cette technique est peu utilisée en percutané. La morbidité de cette technique est faible et la survie moyenne semble bonne (63, 132, 174, 236, 258, 284). Steele et al. (258) ont confirmé, par étude histologique, la destruction tissulaire tumorale après cryothérapie. Dans cette étude, elle était de l’ordre de 20 mois pour 18 malades, dont 40 % sans récidive (258). Cette technique est proposée en cas de découverte peropératoire de métastases hépatiques non résécables. Elle peut être utilisée pour des lésions secondaires allant jusqu’à 5 cm de diamètre (67).
Photocoagulation au LASER Le laser permet une destruction thermique du tissu tumoral, par conversion de l’énergie en chaleur. Son utilisation dans le traitement des lésions tumorales hépatiques a été décrite pour la première fois en 1989 (259). Le laser Nd-YAG (longueur d’onde = 1 064 μm) est le plus utilisé. L’application d’une fibre nue produit une zone de destruction de 1,5 à 2 cm de diamètre. Plusieurs fibres (jusqu’à 4) peuvent être insérées en même temps au sein de la lésion tumorale, sous contrôle échographique, à travers des aiguilles de 18G. Comme pour la radiofréquence, la taille maximale des lésions à traiter par le laser est de 3 cm.
Alcoolisation percutanée L’alcoolisation tumorale par injection percutanée d’alcool à 96 % permet d’obtenir une nécrose tumorale. Elle est utilisée principalement pour le traitement des carcinomes hépatocellulaires, mais également pour les métastases hépatiques, surtout si les lésions secondaires sont peu nombreuses et de diamètre inférieur à 3 cm (244). Les séances sont répétées jusqu’à la nécrose complète de la tumeur et s’accompagnent souvent d’une réaction douloureuse passagère.
376 Cancer du sein en situation métastatique
Technique endovasculaire Dévascularisation artérielle Cette technique, réalisée en cas de métastases unilatérales volumineuses non résécables d’emblée, consiste à occlure sélectivement une branche de l’artère hépatique, en vue d’une résection chirurgicale. L’ischémie du lobe hépatique embolisé entraîne son atrophie, et une hypertrophie compensatrice du lobe contro-latéral. Ceci rend la résection hépatique chirurgicale possible 3 à 4 semaines après l’embolisation.
Chimio-embolisation Le principe de la chimio-embolisation artérielle consiste à injecter in situ, après cathétérisme sélectif de l’artère alimentant la tumeur, une ou plusieurs chimiothérapies en association avec une solution de Lipiodol, puis de réduire le flux artériel de 80 à 100 % dans la branche embolisée au moyen de microparticules, afin de favoriser l’imprégnation de la chimiothérapie (48). Plusieurs types de chimiothérapies peuvent être employés : doxorubicine, mitomycine, adryamycine, 5-FU, etc.
Traitement des métastases osseuses et cérébrales uniques Ces deux situations sont traitées dans un même chapitre en raison du rôle clé de la radiothérapie complémentaire. Cette mise au point s’intègre dans les recommandations de pratique clinique (RPC) de Saint-Paul pour l’année 2009. Les stratégies thérapeutiques évoquées n’intéressent que les métastases cérébrales et osseuses uniques. Les procédés de traitement local sont la radiothérapie, la chirurgie et les techniques de radiologie interventionnelle : cimentoplastie, destruction par radiofréquence, chimio-embolisation.
Traitements locaux dans le cancer du sein métastatique Métastase osseuse unique Le diagnostic de métastase osseuse unique de cancer du sein suppose que : – le diagnostic histologique de la métastase est considéré comme formel ; – celle-ci est unique après un bilan adapté. Dans cette situation, connue des cliniciens mais dont il est difficile de préciser la fréquence, la prise en charge thérapeutique a une visée « curative », d’autant que ce type de rechute est souvent tardive après le cancer primitif et s’observe plus souvent pour les formes avec récepteurs hormonaux positifs. Trois « sous-situations » peuvent être envisagées : – risque fracturaire majeur ou probable ; – pas de risque fracturaire ; – compression médullaire. Dans tous ces cas, l’approche pluridisciplinaire est indispensable pour juger au mieux des traitements possibles et de leurs séquences.
Cancer du sein métastatique 377 L’évaluation clinique et imagerique adaptée à chaque situation est aussi incontournable, de même que les avis spécialisés souhaités (orthopédiste, neurologue, neurochirurgien, radiologue interventionnel, etc.). L’idéal est d’avoir accès à une réunion de concertation pluridisciplinaire pour les métastases osseuses.
Radiothérapie Dans ce cadre, la radiothérapie ne recherche pas seulement un effet antalgique mais un réel objectif antitumoral. Ses modalités et son association aux autres traitements mis en place, systémiques ou localisés, se veulent donc optimales. Il existe très probablement une relation dose-effet pour la radiothérapie (RT) dans le cancer du sein (13) ; la dose totale équivalente admise en situation « adjuvante » pour un effet anti-tumoral optimal est de 45-50 Gy, avec un complément éventuel jusqu’à 60-66 Gy en cas de zone à risque laissée en place. Pour les métastases osseuses, cette relation n’est pas aussi bien documentée ; cependant, dans le cadre de la RT antalgique des métastases osseuses, une reprise de la RT est plus souvent indiquée après une séance unique de 8 Gy qu’après la dose de 30 Gy en 10 fractions de 3 Gy : 11 à 42 % contre 0 à 24 % respectivement dans les métastases osseuses en général (45, 46), notamment dans le cancer du sein (4). Ainsi, dans le cadre d’un traitement à visée curative, la dose totale délivrée doit être supérieure, ou au moins égale, à 45 Gy pour obtenir l’effet anti-tumoral recherché. Par contre, à ces doses relativement élevées, le risque de fracture après RT semble plus élevé que pour des doses plus faibles (18 % et 4 % respectivement après la dose de 40 Gy et 20 Gy) (26).
Chirurgie La chirurgie d’exérèse carcinologique de la métastase peut être envisagée lorsqu’elle est raisonnablement possible, sans risque fonctionnel important pour le patient ; elle s’accompagnera selon les cas d’une reconstruction osseuse par cimentation ou d’un remplacement prothétique. La chirurgie non carcinologique est surtout indiquée au niveau du rachis lorsqu’il existe une atteinte médullaire, radiculaire douloureuse ou déficitaire, ou en cas d’épidurite majeure menaçante. Elle est souvent associée à une stabilisation rachidienne. Elle peut être le traitement de première intention d’une métastase de l’arc postérieur. La chirurgie est le traitement de première intention avec reconstruction osseuse des métastases des os longs et des métastases des ceintures facilement accessibles.
Cimentoplastie La cimentoplastie a été développée dans les années 1990. Il s’agit de l’injection de ciment chirurgical sous contrôle radioguidé. Elle permet d’obtenir une stabilisation osseuse dans 90 % des cas et a également probablement un effet carcinolytique dont il a été montré qu’il ne s’étendrait pas au-delà de 5 mm autour de la zone cimentée (215).
378 Cancer du sein en situation métastatique Cette technique permet de consolider la lésion osseuse et d’obtenir ainsi un effet antalgique dans 90 % des cas (43, 58, 286). L’effet carcinolytique de cette méthode est discuté dans différentes publications ; il n’est pas démontré en dehors du travail de Radin.
Destruction percutanée par radiofréquence Ce procédé a supplanté les destructions à l’alcool réalisées antérieurement du fait du meilleur contrôle de la zone de destruction. Cette méthode d’introduction récente au niveau des métastases osseuses permet d’obtenir des destructions tumorales (140) ovalaires pouvant aller jusqu’à 10 cm de diamètre. Ses possibilités d’utilisation dans les métastases osseuses dépendent de la localisation, de la forme de la métastase. Les auteurs rapportent 80 % de réduction douloureuse significative après destruction par radiofréquence. Actuellement, aucune évaluation n’est faite sur les résultats à long terme. La cryo-ablation fait intervenir la destruction par l’azote liquide ; elle revendique les mêmes indications que le traitement par radiofréquence ; ses résultats sont également en cours d’évaluation.
Chimio-embolisation La chimio-embolisation est une technique endo-vasculaire qui permet d’augmenter de manière importante les doses locales d’antimitotiques (42) dans les métastases de cancer du sein, le taux de réponse tumorale est de 70 % dont la moitié de réponse complète (Chiras, publication en cours).
Traitements de support Les traitements symptomatiques ont aussi un rôle essentiel : – antalgiques adaptés : analgésiques « purs » et anti-inflammatoires ; – corticothérapie dans les compressions médullaires : 16-32 mg/j de dexaméthasone sont recommandés (4) ; – bisphosphonates : les bisphosphonates ont très probablement un effet majorant celui de la RT. in vitro, un effet synergique a même été mis en évidence sur des lignées de cancer du sein (131) ; in vivo chez l’animal, les bisphosphonates semblent améliorer la reminéralisation et la stabilisation des lésions ostéolytiques osseuse de cancer du sein (271).
Situations cliniques Risque fracturaire majeur ou probable Ces situations peuvent surtout correspondre à des atteintes des os longs, du bassin et du rachis. Aucune étude prospective n’est disponible ; au moins une série rétrospective a montré l’intérêt de la RT après chirurgie (268) par rapport à la RT seule.
Cancer du sein métastatique 379 Métastase du corps vertébral (sans signe neurologique) : la vertébroplastie est le moyen le plus approprié et le plus simple pour obtenir une stabilisation vertébrale prolongée. Les techniques chirurgicales d’ablation tumorale associées à une reconstruction par cage sont actuellement abandonnées par la plupart des équipes. Actuellement, certains proposent l’association à la vertébroplastie d’une destruction par radiofréquence, mais cette attitude n’est actuellement pas validée. Métastase du bassin : la stabilisation par cimentoplastie est considérée par la majorité des auteurs comme le geste le plus adapté pour les métastases du bassin, du fait du caractère souvent très délabrant des interventions chirurgicales. La chimio-embolisation (42) peut être discutée dans certaines situations très sélectionnées. Métastase des os longs : les résultats de la cimentoplastie sont actuellement en cours d’évaluation, mais controversés. La chirurgie préventive par enclouage reste la méthode thérapeutique de référence (accord d’experts).
Au total, en cas de risque fracturaire : La radiothérapie est indiquée si elle est possible (niveau 3, grade B). Le plus approprié est de délivrer la RT après réduction tumorale optimale et stabilisation osseuse (accord d’experts). La dose totale recommandée est de 45-50 Gy (accord d’experts) à raison de 4-5 séances de 1,8-2 Gy/semaine. Les modalités du traitement de stabilisation dépendent de la localisation osseuse (accord d’experts).
Absence de risque fracturaire Selon la topographie de la localisation et sa forme, la radiothérapie et/ou la destruction par radiofréquence peuvent être recommandées (accord d’experts). La radiofréquence s’adresse à des lésions de moins de 3 centimètres situées à distance (> 1 cm) d’organes sensibles ou de structures nerveuses (accord d’experts). La dose totale de radiothérapie recommandée est d’au moins 45 Gy (accord d’experts) à raison de 4-5 séances de 1,8-2 Gy/semaine. Une dose supérieure peut être délivrée si les organes critiques avoisinants l’autorisent.
Compression médullaire Une compression médullaire strictement localisée à un étage vertébral est rare, environ 10 % des cas (113). Elle peut être liée à un tassement vertébral et/ou une épidurite. L’évaluation clinique et en imagerie aussi précise que possible est indispensable pour juger au mieux du mécanisme de la compression neurologique. D’une manière générale, il semble que le contrôle local après RT (défini par l’absence de récidive des signes neurologiques en territoire irradié) soit meilleur après des schémas dits « longs » (30 Gy en 10 fractions ou 40 Gy en 20 fractions) que les schémas dits « courts » (8 Gy en une séance ou 20 Gy en 5 séances de 4 Gy) ; en analyse rétrospective, le taux de rechute locale est de 18 % après schéma « court » contre 5 % après schéma « long » (165, 213). Dans le cancer du sein, le contrôle local à un
380 Cancer du sein en situation métastatique an est de 94 % contre 77 % selon le schéma utilisé (p < 0,001). Dans une autre étude rétrospective plus récente portant sur 149 malades atteintes de cancer du sein métastatique avec au plus trois vertèbres atteintes, le contrôle local est meilleur avec les protocoles de RT dits « longs » (30 Gy en 10 fractions ou 40 Gy en 20 fractions) que les schémas dits « courts » (8 Gy en une séance ou 20 Gy en 5 séances de 4 Gy) (212). La décompression chirurgicale a été évaluée dans un essai prospectif concernant les situations cliniques avec épidurite (194), mais seulement 12 patientes atteintes de cancer du sein avaient été incluses ; sur l’ensemble des malades (n = 123), un avantage significatif a été observé en termes de récupération neurologique par rapport à la RT exclusive.
Au total (niveau 3, grade B) : – Si l’atteinte osseuse est jugée responsable, une intervention chirurgicale de décompression-stabilisation ou une vertébroplastie sont toujours à discuter avant RT. – Si une épidurite est jugée responsable, la RT peut être envisagée de manière exclusive mais la décompression chirurgicale doit toujours être discutée au préalable. – Dans les deux cas, la dose de RT doit aussi être de 45-50 Gy en fractionnementétalement classique (accord d’experts).
Métastase cérébrale unique Le diagnostic de métastase cérébrale unique de cancer du sein suppose que : – le diagnostic histologique de la métastase est considéré comme formel ; – celle-ci est unique après un bilan adapté. La fréquence de cette situation est également difficile à évaluer mais est encore plus exceptionnelle que pour les métastases osseuses uniques. Dans l’étude de Pestalozzi et al. (202), 1,4 % des malades présentent une rechute cérébrale comme premier site de rechute. Le diagnostic implique presque toujours une confirmation histologique. La concertation pluridisciplinaire est fondamentale. Lors de la découverte de métastase(s) cérébrale(s), en situation métastatique déjà connue ou non, celle-ci est unique dans 10 à 40 % des cas selon les séries (30, 129, 151, 188). Le caractère unique a un impact pronostique favorable (162, 288). La médiane de survie est d’environ 15 mois. En situation métastatique, le contrôle de la maladie systémique a également une influence essentielle ; les décès de cause neurologique après exérèse chirurgicale d’une métastase cérébrale unique représentent environ 50 % des causes de décès (288). Dans cet article, l’approche thérapeutique concerne seulement les situations avec métastase cérébrale unique sans maladie systémique ou maladie systémique contrôlée.
Cancer du sein métastatique 381 La stratégie thérapeutique est fonction du siège et de la taille de la métastase et du terrain qui conditionnent notamment l’indication chirurgicale éventuelle. L’exérèse chirurgicale, quand elle est possible, est indiquée (niveau 2, grade B) mais aucune preuve formelle ne peut être apportée spécifiquement dans le cancer du sein (196). Les avantages de la chirurgie sont : 1) l’élimination directe de la lésion ; 2) la décompression immédiate ; 3) la suppression rapide de la cause de l’œdème cérébral ; 4) la taille n’est pas un facteur limitant ; 5) la preuve diagnostique ; 6) les progrès majeurs de la neurochirurgie qui limitent les risques postopératoires. Les limites sont essentiellement liées au terrain et au siège éventuel de la métastase dans un territoire fonctionnel. La médiane de survie après exérèse satisfaisante excède le plus souvent 14 mois (159). La stéréo-radiothérapie (« stereotactic surgery » ou SRS) est l’autre option ; elle s’est particulièrement développée ces 15 dernières années et a supplanté le « Gamma Knife » basé sur le même principe : délivrer une dose élevée de RT, à visée « curatrice », en épargnant le plus possible les tissus sains voisins de la zone traitée. La stéréo RT est délivrée en dose unique ou, de plus en plus souvent, en hypofractionnement (3-6 séances). Dans les métastases cérébrales en général, le taux de contrôle local est d’environ à 80-90 %. La réponse imagerique est difficile d’interprétation compte-tenu des réactions aiguës à la SRS. Le caractère unique a encore un impact significatif en survie et en contrôle local pour l’efficacité de la stéréo RT (106). La dose délivrée varie selon la taille de la lésion (le plus souvent <3 cm ; plus la lésion est volumineuse, plus la dose totale prescrite doit être réduite pour limiter le risque de complications), l’association ou non à la RT cérébrale en totalité et le nombre de séances. La dose de 20 à 28 Gy dans l’ensemble de la lésion est le plus souvent délivrée (241).
Métastase cérébrale opérée et radiothérapie La RT cérébrale en totalité après exérèse complète d’une métastase cérébrale (MC) unique (de primitif non forcément mammaire) a été évaluée dans un essai phase III (195) ayant inclus 95 malades ; la RT délivrait 50,4 Gy par fractions de 1,8 Gy ; les rechutes intracérébrales étaient significativement réduites : 18 % contre 70 % (p < 0,001). La survie n’était en revanche pas modifiée mais les décès sans détérioration neurologique étaient réduits dans le groupe RT. – Pour la RT cérébrale en totalité : les schémas les plus couramment admis sont celui de 30 Gy en 10 fractions de 3 Gy et 12 jours ou 37,5 Gy en 15 fractions de 2,5 Gy et 3,5 semaines (159). Il convient de garder une dose par fraction inférieure à 3 Gy pour limiter le risque de toxicité neurologique (285). – La RT cérébrale en totalité suivie d’un complément localisé a été évaluée dans un essai prospectif ayant inclus 201 malades dont 43 atteintes de cancer du sein ; il a été retrouvé un avantage significatif pour la survie à 1 an en cas de complément à la dose de 10-15 Gy (212) : 66 % contre 41 %.
382 Cancer du sein en situation métastatique – La stéréo-RT seule postopératoire n’a que très peu été évaluée (255), mais peut être une option. La question à laquelle il faudrait pouvoir répondre pour choisir cette option serait celle du risque de récidive cérébrale en dehors du territoire traité. La réponse n’est pas précisément rapportée dans la littérature, en raison en grande partie des biais apportés par l’évolution potentielle de la maladie extracérébrale.
Dans tous les cas, la RT postopératoire cérébrale est considérée comme indiquée. Les modalités possibles de RT sont (accord d’experts) : – soit la RT cérébrale en totalité (niveau 2, grade B ; – soit la RT cérébrale en totalité suivie d’un complément localisé (niveau 3 grade C) ; – soit la stéréo-RT seule postopératoire (accord d’experts).
Métastase cérébrale non opérée et radiothérapie Les essais thérapeutiques sont peu nombreux et concernent aussi les métastases cérébrales en général, incluant une proportion limitée de malades atteintes de cancer du sein. Ils ont essentiellement comparé RT cérébrale en totalité +/- SRS et SRS +/- RT cérébrale en totalité et SRS. La RT cérébrale en totalité était considérée jusqu’à présent comme le traitement de référence. La stéréo-RT peut être envisagée en complément à une irradiation cérébrale en totalité mais peut aussi être exclusive (139). La stéréo-RT exclusive présente l’avantage théorique de pouvoir traiter plusieurs métastases (1 à 4) à doses optimales, notamment dans certains territoires contre-indiqués pour la neurochirurgie, si la taille des lésions n’excède pas 3,5 cm (en général jusqu’à 2-3 cm). L’objectif de la SRS seule est de limiter le risque de séquelles liées à la RT et d’optimiser le traitement des lésions détectables par l’imagerie. La stéréo-RT ne coupe cependant pas forcément la possibilité de RT cérébrale en totalité de rattrapage. Quelles données sur la stéréo-RT exclusive vs stéréo-RT plus RT cérébrale en totalité ? Aucune ne concerne spécifiquement le cancer du sein avec métastase cérébrale unique (9, 44, 241, 252, 257). Dans une étude rétrospective (252), 569 malades sont évaluables (MC ) 3 dans 90 % des cas) : 268 ont été par stéréo-RT exclusive d’emblée et 301 ont reçu stéréo-RT plus RT cérébrale en totalité. Les malades ont pu être classées selon le score pronostique RPA (92). Aucune différence de survie n’a été observée entre les deux modalités quel que soit le groupe RPA. Dans cette étude, 50 malades étaient atteintes de cancer du sein, mais la répartition était déséquilibrée entre les deux bras : 15 traitées par stéréo seule et 35 par traitement combiné. Deux essais prospectifs randomisés ont été rapportés dont un sous forme d’abstract datant de 2000. Dans l’essai rapporté par Chougule et al. (44), portant sur 73 malades dont 12 atteintes de cancer du sein, aucune différence de survie n’a été observée quel que soit le nombre de métastases cérébrales (1 à 4). Dans l’étude d’Ayoama et al. (9), portant sur 132 malades (<10 % de cancers du sein), aucune
Cancer du sein métastatique 383 différence de survie n’a été observée mais le taux d’échec de contrôle cérébral à 12 mois est de 47 % dans le bras combiné contre 76 % dans le bras stéréo-RT exclusive (p < 0,001). Dans le suivi radiologique, 7 leuco-encéphalopathies ont été observées dans le bras combiné contre 2 dans l’autre bras (p = 0,09) sans différence clinique entre les deux groupes. En ce qui concerne la RT cérébrale en totalité seule par rapport à RT cérébrale en totalité + SRS (au moins deux essais randomisés), l’essai principal est celui du RTOG (8). Il a inclus 331 patients (<20 % de cancers du sein), ayant trois métastases cérébrales au plus, dont la taille ne devait pas excéder 3 cm. Une amélioration significative de la survie n’a été observée que pour les patients ayant une MC unique (6 mois contre 4,9), surtout si > 2 cm. Dans une étude randomisée portant sur seulement 27 malades, des résultats très en faveur de la combinaison ont été rapportés (141) : médiane de contrôle local de six mois après RT cérébrale en totalité seule contre 36 mois dans le bras combiné. Une attitude « agressive » paraît d’autant plus justifiée que le nombre de métastases est très limité, en particulier unique, et de taille > 2 cm. Aucune donnée précise sur la toxicité n’est rapportée jusqu’à présent (175). Aucune conclusion formelle n’est possible et le sujet reste très controversé (111, 138, 139, 175, 192, 216, 257). Une attitude thérapeutique agressive est préconisée par l’ensemble : exérèse chirurgicale ou SRS. L’addition de la RT cérébrale en totalité ne soulèverait probablement pas de contradiction si elle n’avait pas de toxicité potentielle, car elle apporte indiscutablement un meilleur contrôle local ; cette amélioration ne se traduit pas par une augmentation de la survie globale et les décès de cause neurologique ne sont pas toujours réduits. Aucune recommandation formelle ne peut donc être faite d’autant que de nombreux biais peuvent interférer avec les résultats rapportés : – manque de données fiables suffisantes dans cette situation : fréquence rare et évaluation prospective insuffisante ; – toxicité de la RT cérébrale en totalité mal documentée, notamment à long terme, et difficile à évaluer car de nombreux facteurs peuvent influencer les séquelles éventuelles : paramètres de la RT (dose totale et dose par fraction notamment), autres traitements associés (chimiothérapie concomitante) et facteurs liés au terrain (âge, risque vasculaire) (9, 138, 157, 285). La qualité de vie et les fonctions neurocognitives paraissent avant tout liées au contrôle de la maladie cérébrale. Une dose par fraction > 3 Gy n’est pas recommandée par l’ensemble des auteurs.
Au total, plusieurs options sont envisageables pour la radiothérapie en cas de métastase cérébrale unique non opérée (accord d’experts) : – stéréo-RT seule ; – stéréo-RT et RT cérébrale totale ; RT cérébrale totale seule.
384 Cancer du sein en situation métastatique – Si la SRS seule est retenue, la RT cérébrale en totalité pourrait être délivrée en rattrapage en cas de récidive. – Si la RT cérébrale en totalité est retenue, les schémas utilisés doivent réduire le risque de complications potentielles (37,5 Gy en 15 fractions de 2,5 Gy et 3,5 semaines, voire schéma plus étalé à la dose totale de 40-45 Gy avec 5 séances de 1,8-2 Gy/semaine). L’indication de la RT cérébrale en totalité peut surtout être remise en question chez les sujets agés et/ou ayant des antécédents vasculaires et/ou une maladie neurologique préexistante. Un complément localisé par SRS ou par RT conformationnelle classique pourrait aussi être indiqué (dose de 1520 Gy) (14).
Traitement des métastases hépatiques isolées Les résultats du traitement des métastases hépatiques isolées (radiologie interventionnelle et chirurgie) ont beaucoup bénéficié de l’expérience dans les cancers colorectaux. Il paraît cependant risqué d’en faire une extrapolation pour les indications dans le cancer du sein où les données sont beaucoup plus limitées et dont l’évolution naturelle de la maladie est très différente.
Chirurgie et radiologie interventionnelle Les métastases hépatiques ne sont pas rares dans l’évolution du cancer du sein (5 à 20 %) (118, 296). Elles représentent en fréquence plus de 50 % des lésions secondaires dans le cancer du sein. Seules 5 % des métastases hépatiques sont isolées. Moins de 15 % des malades ayant des métastases hépatiques de cancer du sein sont candidates à une résection hépatique (210, 260) car ces métastases sont multiples dans 41 à 66 % des cas (75, 210) et associées à une extension extrahépatique dans 66 à 98 % des cas (234, 237, 260, 275). Le traitement local de référence pour les métastases hépatiques est la résection chirurgicale (205, 237, 238). Cependant, le nombre des lésions et/ou leur topographie peuvent contre-indiquer un geste chirurgical. D’autre part, l’état général de la patiente peut être un frein au traitement chirurgical. Aussi, le traitement par radiologie interventionnelle de ces lésions a-t-il pris une place croissante, ces dernières années, dans la prise en charge du cancer du sein métastatique. Le traitement par radiologie interventionnelle aussi bien per-cutanée qu’endovasculaire reste réservé aux patients porteurs de métastases hépatiques non résécables en totalité, ou qui ne sont pas candidats à une chirurgie de résection pour d’autres raisons, notamment un état général médiocre ou des risques opératoires élevés contre-indiquant une résection hépatique majeure (67). Sous chimiothérapie, la médiane de survie de patientes porteuses de lésions hépatiques isolées varie de 19 à 26 mois en fonction du type de chimiothérapie administrée. L’utilisation de l’hormonothérapie est limitée dans cette indication, car les tumeurs mammaires métastasant au foie expriment plus rarement des récepteurs hormonaux. Dans ce contexte, la médiane de survie de 27 à 57 mois rapportée dans certaines séries après résection chirurgicale des métastases hépatiques chez des
Cancer du sein métastatique 385 malades sélectionnées apparaît intéressante et engage une réflexion pour des études randomisées éventuelles.
Radiofréquence Un nombre croissant d’articles relatifs à l’efficacité de la radiofréquence dans le traitement des lésions hépatiques primitives et secondaires a été publié ces dix dernières années. Les malades de ces études sont sélectionnées sur des critères de faisabilité technique ce qui ne permet pas d’évaluer convenablement la survie des séries publiées. Chen et al. (41) sur 803 patients traités par radiofréquence pour des lésions hépatiques primitives (672) ou secondaires (131) ont présenté un taux de succès de 92,5 % en termes de résection tumorale. Lermite et al. (155) sur une série de 82 lésions hépatiques consécutives (dont 37 métastases) montraient un taux de survie pour les lésions métastatiques à 1 et 3 ans de 90 et 54 %. La morbidité et la mortalité relevées étaient de 11,5 et 2 %. Une série prospective présentée par Abitabile et al. (2) de 70 radiofréquences pour des lésions secondaires montrait des taux de survie à 1 et 3 ans à 88 et 57 %. À noter que les métastases dans cette série étaient non résecables en totalité dans 80 % des cas. Machi et al. (167) ont montré, sur une étude portant sur 100 malades (146 procédures), une survie après radiofréquence de 90 % et 30,5 % à 1 et 5 ans, pour une médiane de survie de 21 mois. Chow et al. (45, 46), en comparant 240 cas de radiofréquence de CHC et 44 cas de métastases, ont montré une efficacité similaire de la radiofréquence pour les deux types de lésions. Rath et al. (219) ont montré dans leur étude portant sur 40 patients une résection complète dans 100 % des cas. Gilliams et al. (96, 97) ont rapporté récemment leur expérience de cinq ans dans le traitement des métastases solitaires de moins de 4 cm du cancer du côlon. La médiane de survie était de 51 mois. Le taux de survie à 1, 3 et 5 ans de la procédure étaient respectivement de 97 %, 84 %, 40 %. Peu d’études ont spécifiquement étudié le pronostic en termes de survie après radiofréquence des lésions hépatiques secondaires du cancer du sein (22, 150). Lawes et al. (150) ont présenté une série de 19 patients dont 8 porteurs de lésions hépatiques secondaires isolées. La morbi-mortalité était nulle. Le taux d’échec de 3/19 (16 %), et la survie à 30 mois de 42 %. Berber et al. (22) sur une série comportant 10 patients porteurs de métastases hépatiques d’origine mammaire montrait une médiane de survie supérieure à 51 mois et un taux de morbidité nul. On soulignera également que la radiofréquence percutanée est déconseillée dans les cas de figure suivants (67) : – lésion(s) à moins de 1 cm du hile hépatique ; – lésion(s) à moins de 1 cm du tube digestif (notamment du côlon) ; – patients porteurs d’anastomoses bilio-digestives. Aloia et al. (6) ont présenté une étude comparative résection chirugicale/radiofréquence. Sur 180 patients traités (150 résections chirurgicales ; 30 radiofréquences), la survie était plus importante pour la chirurgie à 5 ans (92 % vs 60 %), de même que la survie sans récidive (50 % vs 0 %). Ceci était également valable
386 Cancer du sein en situation métastatique pour les lésions de moins de 3 cm (récidive 10 fois plus fréquente pour la radiofréquence). Une étude récente (222) a également montré les meilleurs résultats, en termes de récidive, de la chirurgie comparativement à la radiofréquence. De même, Lee et al. (152) ont montré, en comparant résection chirurgicale et radiofréquence des métastases solitaires de cancers colo-rectaux, un meilleur taux de survie sans récidive à 3 et 5 ans pour la résection chirurgicale (88 et 84 % vs 53 et 42 %). Ainsi, la chirurgie reste-t-elle à ce jour le traitement de première intention dans cette indication. On soulignera enfin qu’aucune étude randomisée n’a comparé l’efficacité de la résection chirurgicale et de la radiofréquence dans les métastases hépatiques (61). En résumé, la radiofréquence est une technique sûre et efficace de destruction in situ des métastases hépatiques avec des taux de survie rapportés à 1 et 3 ans de respectivement 90 % et entre 54 et 84 %. Des études récentes ont montré un taux de récidives plus important avec la radiofréquence que pour la chirurgie, qui reste donc à ce jour le traitement ablatif de première intention dans les lésions secondaires hépatiques.
Complications des radiofréquences hépatiques Les complications de la radiofréquence hépatique sont rares. La morbidité liée à ce type de procédure est évaluée entre 2 % et 10 %, et la mortalité est proche de 0 (98). Les principales complications décrites sont par ordre décroissant : les hémorragies, la surinfection de la zone de nécrose et des lésions d’organes de voisinage. Des cas de gangrène gazeuse sur la zone de nécrose ont été décrits, mais sont exceptionnels (144). La dissémination tumorale le long du trajet de la sonde est également exceptionnelle. La comparaison entre radiofréquence et cryothérapie en matière de complications montre un taux de complications plus élevé pour la cryothérapie (études non randomisées) (23, 198), avec notamment un relargage de produits toxiques lors de la phase de réchauffement pour la cryothérapie (cryoshock) (198).
Chimio-embolisation Décrite pour la première fois au milieu des années 1960, la chimio-embolisation artérielle a fait de nombreux progrès techniques ces dernières années, notamment du fait de l’amélioration du matériel. Sa place dans le traitement des carcinomes hépato-cellulaires est maintenant établie. De multiples études plus récentes ont également montré son intérêt pour le traitement des métastases hépatiques. Roche et al. (224) ont montré, sur une série de 64 malades porteurs de métastases de cancers neuro-endocrines traités par chimio-embolisation, des taux de réponse cliniques, morphologiques et biologiques globaux de respectivement 93 %, 74 % et 52 %. La survie moyenne était de 79 mois par rapport au diagnostic et 33 mois par rapport à la chimio-embolisation. Fromigué et al. (87) ont présenté une série de chimioembolisation de métastases neuro-endocrines. Dix-huit procédures de chimio-
Cancer du sein métastatique 387 embolisations étaient pratiquées chez 12 malades. Une réponse partielle était obtenue dans 42 % des cas ; une stabilité dans 42 %. Sharma et al. (239) ont mis en évidence sur une série de 20 patients porteurs de métastases hépatiques de mélanomes (46 procédures) une médiane de survie à 271 jours, et une absence de progression tumorale dans 35 % des cas. Ho et al. (116) ont également relevé, sur une population de 46 patients porteurs de métastases neuro-endocrines ayant bénéficié d’un total de 93 chimio-embolisations, une survie globale moyenne de 42 mois, et une survie sans progression de 18 mois. Giroux et al. (102) ont publié une série pilote focalisée sur le résultat des chimio-embolisations des métastases hépatiques du cancer du sein. Huit chimioembolisations étaient pratiquées. Une régression était notée dans 62 % (5/8) des cas. La médiane de survie était de 6 mois. Li et al. (158) ont présenté leur expérience sur 48 chimio-embolisations pour des métastases hépatiques de cancer mammaire. La survie à 1 et 3 ans était de 63 et 13 % (contre 34 et 0 % pour la chimiothérapie intraveineuse). Le taux de réponse était de 36 %, contre 7 % pour la chimiothérapie.
Complications des chimio-embolisations intra-artérielles hépatiques Les principales complications rencontrées à l’issue de ce type de procédures sont : l’hépatite chimique, la cholangite sclérosante, l’ulcère gastroduodénal et la thrombose de l’artère hépatique. De rares cas d’insuffisance rénale aiguë en post-procédure sont également décrits. Une étude montre qu’une insuffisance hépato-cellulaire survient dans 12 % des chimio-embolisations hépatiques (128). Du fait de la cytotoxicité possible sur le parenchyme hépatique, la chimiothérapie intra-artérielle ne sera proposée que lorsque l’atteinte hépatique respecte au moins 50 % du parenchyme (228). Enfin, il est à noter que certaines études plaident enfin en faveur d’une association chimio-embolisation/radiofréquence (293). En résumé, la chimio-embolisation des lésions hépatiques secondaires d’origine mammaire entraîne une régression tumorale dans 36 à 62 % des cas, et s’accompagne d’un taux de survie à 1 an et 3 ans dans les séries publiées sur des malades sélectionnées.
Cryoablation Peu d’études se sont focalisées sur l’apport de la cryoablation des lésions hépatiques secondaires (60, 133, 240, 284). La cryoablation présente l’avantage (par rapport à la radiofréquence, par exemple) d’offrir une exérèse plus large et plus précise (114). On rappellera que du fait de la taille des sondes utilisées, la cryothérapie est souvent utilisée de façon couplée avec la chirurgie. Jungraithmayr et al. (133), sur une série de 19 patients relèvent un taux de récidives de 59 % et une médiane de survie 21 mois. Watanabe et al. (284) rapportent, quant à eux, sur une série de 12 patients, une médiane de survie à 25 mois. Sheen et al. (240) ont présenté une série de
388 Cancer du sein en situation métastatique 57 patients traités par cryothérapie, dont 16 porteurs de métastases non colo-rectales. La médiane de survie relevée était de 37 mois. Neuf complications étaient décrites, dont un décès. Enfin, Crews et al. (60), sur 40 patients traités (dont 27 porteurs de métastases colo-rectales) obtenaient un taux de survie à 18 mois de 30 %. À la lumière de ces résultats contrastés quant au taux de survie à moyen terme, ainsi que les complications potentiellement graves rencontrées, il semble que la cryothérapie doive faire l’objet d’un usage parcimonieux.
Alcoolisation percutanée L’alcoolisation percutanée n’est pas d’emploi courant dans les métastases hépatiques. Seules de faibles séries sont disponibles dans la littérature sur cette technique dans cette indication (101). Ce traitement institué à titre palliatif ne semble, de plus, pas influencer la survie des malades (125).
Photocoagulation par laser La photocoagulation par laser est une technique encore peu utilisée dans cette indication (99, 100, 191, 265). Seules deux études font état des résultats en termes de destruction tumorale. Pacella et al. (191), sur une série de 20 métastases (dont 5 d’origine mammaire) ; 9 étant < 3 cm, 11 > 3 cm, ont montré une destruction complète pour 100 % des lésions de moins de 3 cm et de 44 % pour celles de plus de 3 cm. Giorgio et al. (100), sur 104 lésions secondaires et primitives traitées, ont obtenu une résection complète dans 84 % des cas pour les lésions secondaires (31/37). Trois cas d’insuffisance hépatique sévère étaient également rapportés, de même qu’un cas d’iléus paralytique.
Traitement des métastases pulmonaires isolées Radiologie interventionnelle Les métastases pulmonaires sont retrouvées dans 20 à 35 % des cancers du sein ; incidence pouvant s’élever à 60 à 75 % dans des études autopsiques (142, 183). Généralement, une diffusion métastatique extrathoracique (osseuse ou hépatique) est associée. Ainsi, l’atteinte intrathoracique n’est-elle isolée que dans 10 à 20 % (183). La majorité des métastases survient dans les cinq ans suivant le diagnostic, mais elles peuvent survenir au-delà de 20 ans. L’atteinte parenchymateuse (principalement sous forme de lymphangite carcinomateuse, localisée ou diffuse) représente plus de 65 % des atteintes métastatiques intrathoraciques, suivie par les pleurésies (60 à 65 %) puis par les adénopathies (45 %). Ces différents modes de dissémination sont le plus souvent associés. Les opacités rondes multiples représentent 40 % des atteintes parenchymateuses, alors qu’un nodule unique n’est retrouvé que dans 10 % (153).
Cancer du sein métastatique 389
Radiofréquence percutanée La radiofréquence percutanée est une technique émergente dans cette indication, principalement quand la résection chirurgicale n’est pas réalisable. Depuis cinq ans, un grand nombre de publications font état de l’efficacité de la radiofréquence dans la destruction des lésions pulmonaires non-résécables, primitives ou secondaires. Là encore, l’expérience propre aux métastases de cancer du sein reste limitée. Gadaleta et al. (89) ont montré une efficacité de 92 % (58/63) du traitement par radiofréquence dans le traitement de nodules pulmonaires malins (cancers bronchiques primitifs et lésions secondaires), pour un taux de complications évalué à 14 % (majoritairement des pneumothorax). VanSonnenberg et al. (274), sur une série de 30 patients, ont obtenu une résection complète dans plus de 90 % des cas (26/30) des lésions pulmonaires. Huit complications à type de pneumothorax étaient relevées dans cette série. Ambrogi et al. (7) sur 88 procédures, ont obtenu une destruction tumorale dans 97 % des cas (86/88). 12, 7 % de pneumothorax venaient compliquer ces procédures. De Baere et al. (66) ont montré, sur une série consécutive de 100 lésions pulmonaires traitées par radiofréquence, un taux de réussite supérieur à 90 % (suivi supérieur à un an). Le geste était compliqué d’un pneumothorax dans 54 % des cas, nécessitant une intubation dans seulement 9 % des cas. Sur une série de 18 lésions pulmonaires (incluant la moitié de métastases) Laganà et al. (145) ont obtenu une ablation complète dans environ 89 % des cas (16/18) et partielle dans 2/12 cas. Simon et al. (246) ont montré sur une population de 153 patients consécutifs (189 procédures) incluant des lésions pulmonaires primitives et secondaires, un taux de survie de 87 % à 1 an et de 57 % à 5 ans pour le groupe de patients porteurs de métastases pulmonaires. Une taille lésionnelle inférieure à 3 cm était statistiquement associée à un taux de survie plus élevé. Yamakado et al. (292) ont réalisé 155 procédures chez 71 malades porteurs de métastases pulmonaires de cancer colique. Trente-trois patients (47 %) présentaient une récurrence de l’atteinte pulmonaire, nécessitant une nouvelle procédure. Le taux de survie à 3 ans était de 46 %. Pour les lésions de moins de 3 cm, le taux de survie était de 78 %. Un pneumothorax survenait dans 37 % des procédures. Gadaleta et al. (88), dans une étude portant sur 54 patients (10 cancers primitifs, 83 métastases de cancers solides) ont montré une nécrose tumorale dans 93 % des cas. Une récente étude de Lencioni et al. (154) porte sur 106 patients consécutifs, soit 186 lésions pulmonaires, dont 53 métastases. La destruction tumorale était obtenue dans 88 % à 1 an ; sans différence significative entre le groupe métastases et le groupe tumeurs primitives. La survie à 1 an était de 92 % pour le groupe métastases et de 64 % à 2 ans. Un pneumothorax compliquait la procédure dans 14 % des cas. Enfin, Gillams et al. (97) ont montré que les facteurs qui influençaient la réussite d’une radiofréquence pulmonaire, c’est-à-dire un faible taux de récidives, étaient une taille inférieure ou égale à 3,5 cm et une situation à distance des gros vaisseaux.
390 Cancer du sein en situation métastatique Dans ces travaux, il apparaît que les lésions éligibles pour ce type de traitement doivent préférentiellement être situées à distance des gros vaisseaux du médiastin (109) et mesurer idéalement moins de 3 cm de diamètre (226), bien que des lésions de plus de 5 cm aient pu être traitées par cette technique (91). L’efficacité en termes de destruction tumorale est d’environ 90 %. Le taux de survie après radiofréquence à 3 ans varie entre les séries de 46 à 78 % (246, 292). La principale complication est le pneumothorax qui survient dans 12,7 à 54 % des procédures (7, 66).
Complications des radiofréquences pulmonaires La principale complication rencontrée dans la radiofréquence pulmonaire est le pneumothorax qui peut survenir jusque dans 50 % des cas. Plus rarement des épanchements pleuraux sont décrits (jusqu’à 20 %) (115). Ces complications peuvent nécessiter une intubation jusque dans 20 % des cas. Des hémorragies intra-alvéolaires peuvent également survenir (environ 6 %), avec la même fréquence que ce qui est observé dans les biopsies pulmonaires (261). On notera enfin que la mortalité imputable à la procédure est quasi nulle.
Chimio-embolisation L’utilisation de la chimio-embolisation dans le cadre des métastases pulmonaires reste anecdotique et ne fait l’objet que de publications sur l’animal (206, 207, 235).
Injection d’éthanol Citons enfin une série publiée par Gu et al. (107) sur l’injection d’éthanol sous contrôle TDM dans des lésions tumorales pulmonaires. Une destruction tumorale a été obtenue dans 84 % des cas (31/37).
Traitement des métastases des parties molles Les métastases des parties molles (peau, tissu sous-cutané, muscles) sont souvent de survenue tardive, signant une affection lentement évolutive. L’intervalle libre entre le traitement de la tumeur primitive et la rechute métastatique est de 65 mois pour les métastases cutanées (contre 49 mois pour les métastases osseuses, et 37 mois pour les métastases hépatiques) (186). Elles sont retrouvées chez environ 30 % des malades. On distingue deux présentations cliniques différentes (pouvant être simultanément associées) : les nodules de perméation cutanée, et la lymphangite carcinomateuse cutanée. Seuls quelques articles font état de l’usage de la radiofréquence percutanée pour le traitement de ces lésions (1, 20).
Cancer du sein métastatique 391 Il faut par ailleurs préciser que les lésions cutanées ne sont pas éligibles pour ce type de traitement, du fait du risque de brûlure grave. D’autre part, les lésions souscutanées ou musculaires doivent être suffisamment à distance du plan cutané (> 1 cm) pour également éviter les brûlures.
Traitement des métastases surrénaliennes Les métastases surrénaliennes sont rares dans le cancer du sein (20, 64). Elles peuvent, rarement, se manifester sous forme d’une insuffisance surrénalienne aiguë lorsqu’elles sont bilatérales. Plus fréquemment, elles sont de découverte fortuite lors du bilan d’imagerie. Plusieurs articles récents font état de l’intérêt de la radiofréquence percutanée dans le traitement des lésions tumorales surrénaliennes en général, et notamment des métastases (38, 164, 172, 287). Ces études ont montré que la radiofréquence des lésions tumorales surrénaliennes était une technique sûre et efficace. Elle reste cependant réservée aux lésions de moins de 5 cm de diamètre. Carrafiello et al. (38) présentent des résultats encourageants avec 86 % (6/7) de procédures réussies. Wood et al. (287) ont montré des taux de réussite moins importants (53 %) sur une série de 8 patients porteurs de 15 lésions surrénaliennes tumorales (primitives et secondaires). Enfin, Mayo-Smith et al. (172) obtenaient un taux de réussite des procédures de 84 % (11/13). Les récidives ou exérèses incomplètes (2/13) concernaient des lésions de grande taille (> 4 cm). Enfin, citons une étude récente sur l’ablation chimique per-cutanée des lésions tumorales surrénaliennes (291) montrant à 2 ans une réponse complète dans 30 % des cas (6/20) et complète dans 70 % (14/20).
Complications de la radiologie interventionnelle Suivi en imagerie des traitements par radiologie interventionnelle Échographie Au cours des 6 premiers mois suivant le traitement par radiologie interventionnelle, l’échographie en niveau de gris a peu d’intérêt pour le suivi de ces métastases traitées. En effet, l’échographie permet seulement de déceler une augmentation de taille de la tumeur traitée ; critère souvent très tardif, pouvant seul conclure à un échec du traitement (67). L’utilisation de produits de contraste échographique est actuellement à l’étude dans cette indication.
TDM et IRM La TDM et IRM représentent les méthodes de référence pour le suivi des lésions traitées par radiofréquence (29). Elles doivent impérativement comporter des acquisitions sans puis après injection dynamique de produit de contraste pour le suivi des lésions hépatiques. En TDM, les acquisitions après injection devront être faites à un temps artériel (20 s) et portal (60 s). Les acquisitions IRM devront comprendre au minimum des séquences pondérées en T2 et des séquences dynamiques
392 Cancer du sein en situation métastatique pondérées en T1 après injection de gadolinium. L’IRM semble plus sensible que la TDM pour détecter précocement les récidives ou les exérèses incomplètes. Cependant, les performances en termes de sensibilité sont identiques à 4 mois (74). Pour des raisons de coût et de disponibilité, la TDM sera recommandée pour le suivi post-thérapeutique de ces lésions. Elle devra si possible être réalisée plus d’un mois après le traitement, sous peine de confondre les remaniements inflammatoires posttraitement avec une éventuelle récidive (67).
TEP/TDM au FDG-(18F) La tomographie par émission de positon couplée à la tomodensitométrie (TEP/TDM) au FDG-(18F) est un outil intéressant pour le suivi des métastases traitées par radiofréquence ; elle permettrait de faire le diagnostic précoce des récidives (12). Donckier et al. (72), sur une série de 28 patients porteurs de métastases hépatiques (adénocarcinomes colo-rectaux, mammaires) ont montré que toutes les récidives ou exérèses incomplètes (4/28) présentaient une hyperfixation du traceur à une semaine et un mois.
Conclusion Les traitements par radiologie interventionnelle occupent une place grandissante dans la prise en charge des lésions métastatiques isolées du cancer du sein. Ils viennent en deuxième ligne derrière la résection chirurgicale radicale, qui reste le traitement local de référence. La modalité proposée dépend de l’organe atteint, du nombre, de la taille, et de la localisation des métastases, ainsi que de l’expérience de l’opérateur dans telle ou telle technique.
Chirurgie des métastases pulmonaires isolées Toutes les séries publiées sont rétrospectives et concernent les métastases pulmonaires isolées (sans autre site métastatique apparent), en faible nombre (car sélectionnées comme pouvant avoir une résection chirurgicale complète), voire uniques (2/3 des cas dans la plus importante série publiée (86). Ces situations sont rares, ne représentant que 3 % des cancers du sein (248). – La chirurgie comme moyen diagnostique des nodules pulmonaires isolés après cancer du sein : 20 à 40 % des nodules pulmonaires isolés, unique ou peu nombreux, découverts après traitement d’un cancer du sein ne sont pas des métastases de celui-ci, la moitié de ces nodules non métastatiques étant des lésions bénignes, l’autre moitié des cancers primitifs (40, 203, 220, 248, 263). Lorsque les ponctionsbiopsies transthoraciques ou transbronchiques n’ont pas permis le diagnostic (nodules inaccessibles ou matériel prélevé insuffisant), l’abord chirurgical doit maintenant se faire par chirurgie thoracoscopique video-assistée en sachant que 20 % de ces nodules seraient inaccessibles à cette chirurgie « mini-invasive » (263). – La chirurgie comme traitement des métastases pulmonaires isolées.
Cancer du sein métastatique 393
Données de la littérature Les séries rétrospectives publiées de métastases pulmonaires opérées montrent que ces patientes ont une survie prolongée (tableau III) sans que l’on puisse dire si ce bénéfice est le seul fait de la sélection des patientes (tumeur primitive traitée, pas d’autre localisation que le site pulmonaire, resection complète envisageable laissant une fonction pulmonaire correcte (203)) ou si la chirurgie apporte effectivement un bénéfice par rapport aux mêmes patientes non opérées. Dans ces séries, apparaissent comme facteurs pronostiques d’une survie plus longue : – l’intervalle libre entre le traitement de la tumeur primitive et l’apparition des métastases pulmonaires (> 3 ans) (86, 203) ; – la taille de la plus grosse métastase (< 2 cm) (203) ; – le caractère complet de la résection (86). Alors que ne « sortent » pas comme facteurs pronostiques : – le caractère unique ou multiple des métastases (86, 263) mais la majorité des métastases sont uniques ou en en petit nombre (66 % de métastases uniques dans la série de Friedel (86) ; – le caractère uni- ou bilatéral (263) mais les lésions bilatérales opérées sont rares ; – le type de geste chirurgical réalisé (resection localisée-wedge vs resection anatomique, lobectomie ou pneumonectomie), la majorité des gestes étant de type wedge (73 % dans la série de Friedel (86). Dans la réflexion balance bénéfice/risque, la morbi-mortalité des gestes chirugicaux apparaît faible dans les rares séries qui l’ont évaluée (tableau IV), en soulignant qu’il s’agit le plus souvent dans ces séries de chirurgie par thoracotomie classique et non par voie thoracoscopique (4 % dans la série de Friedel (86)). Tableau III – Survie des cancers du sein avec métastases pulmonaires isolées traitées par chirurgie (± chimiothérapie).
Lanza (147)
Nbre de patientes 37
Médiane de survie (mois) 47
Survie à 5 ans (%) 50
Survie à 10 ans (%) NR
McDonald (173)
60
42
38
8
Auteurs
Simpson (247)
17
NR
62
NR
Livartowski (163)
40
70
54
NR
Murabito (184)
86
79 (moyenne si résection complète)
80
60
Friedel (86)
467
50 (IL > 36)
45
26
Planchard (203)
125
50
45
30
Tanaka (263)
52
32
30
NR
Rena (220)*
25
NR
38
18
* métastases pulmonaires uniques ; NR : non renseigné.
394 Cancer du sein en situation métastatique Tableau IV – Morbi-mortalité après résection chirurgicale de métastases pulmonaires de cancer du sein. Auteurs
Morbidité
Mortalité
Lanza (147)
3/37 (8 %)
0/37
McDonald (173)
8/60 (13 %)
1/60 (2 %)
Friedel (86)
NR
6/467 (1 %)
Planchard (203)
16/125
1%
NR : non renseigné.
Conclusion Les données actuelles disponibles sur la prise en charge chirurgicale des métastases pulmonaires des cancers du sein montrent que ces patientes opérées ont une survie médiane de 32 à 79 mois, sans que l’on puisse dire si la chirurgie a apporté ou non un bénéfice à des patientes déjà sélectionnées sur un meilleur pronostic que celles non opérées. Ce doute et la rareté des situations relevant d’une chirurgie ne permettent pas de justifier la réalisation d’un bilan d’imagerie pulmonaire systématique chez les patientes asymptomatiques. Il n’est pas actuellement possible de conclure sur la place respective de la chirurgie et des traitements systémiques (avant ou après la chirurgie ? chirurgie en l’absence de réponse aux traitements systémiques ? place de la chirurgie dans les lésions résiduelles après réponse incomplète aux traitements systémiques ? jusqu’où paraît-il raisonnable de « pousser » les gestes chirurgicaux pour obtenir une résection complète ?).
Au total Il n’est pas justifié de faire une recherche systématique de métastases pulmonaires chez les patientes asymptomatiques traitées pour un cancer du sein. Lorsqu’un nodule pulmonaire isolé et unique est découvert chez une patiente traitée pour un cancer du sein, une exérèse chirurgicale peut être envisagée si celle-ci est réalisable en laissant une fonction pulmonaire correcte et si possible par abord thoracoscopique. Cette indication peut être étendue à des cas très sélectionnés de métastases multiples isolées, apparaissant après un intervalle libre suffisant (> 3 ans) et non sensibles à un traitement systémique (sur les critères tumoraux ou évaluation de la réponse).
Cancer du sein métastatique 395
Chirurgie des métastases hépatiques isolées Toutes les séries publiées sont rétrospectives et concernent, en principe, les métastases hépatiques isolées (sans autre site métastatique apparent). Ces situations sont rares, représentant 2 à 12 % des séries autopsiques (18), 1 % des cancers du sein dont la moitié serait jugé résécable (238).
Données de la littérature Les séries publiées regroupent des patientes sélectionnées sur : – l’absence d’autre site métastatique ; – un bon état général ; – l’absence de progression après traitement systémique initial ; – la possibilité, a priori, d’une résection complète sans risque anatomique majeur (pas d’atteinte du hile, de la veine cave inférieure, des veines hépatiques) (35, 76). Les résultats en termes de suivi et de « contrôle » de la maladie sont présentés dans le tableau V (la survie médiane des métastases hépatiques isolées traitées par chimiothérapie seule varie de 19 à 26 mois selon les protocoles de chimiothérapie, hors trastuzumab (248), la morbi-mortalité opératoire dans le tableau VI. Tableau V – Survie après résection chirurgicale des métastatases hépatiques isolées de cancer du sein (ne sont retenues que les séries comportant plus de dix patientes).
Auteurs
Période d’étude
Nbre de patientes
Survie médiane (mois)
Survie à 5 ans (%)
Récidive hépatique (%)
Raab (210)
83-93
34
27
18
Seifert (237)
85-97
15
57
18
Selzner (238) Yoshimoto (295) Pocard (204)
87-99
17
25
22
66
85-98
25
34
27
48
88-99
65
47
46 (à 4 ans)
NR
Elias (76)
86-00
54
34
34
46
Carlini (36)
90-99
17
53
46
Vlastos (278) Sakamoto (230) D’Annibale (62) Ercolani (78)
91-02
31
63
61
13
85-03
34
36
21
56
84-99
18
32
30
90-03
21
42
25
Adam (3)
84-04
85
32
37
33
Caralt (35)
88-06
12
36
33
58
396 Cancer du sein en situation métastatique Tableau VI – Morbi-mortalité postopératoire après résection chirurgicale des métastases hépatiques isolées de cancer du sein (séries comportant plus de dix patientes).
Auteurs
Période d’étude
Nbre de patientes
Morbidité (%)
Raab (210)
83–93
34
31
Durée médiane Mortalité d’hospitalisation (%) (jours) (extrêmes) 3
Seifert (237)
85–97
15
0
Selzner (238)
87–99
17
6
Pocard (204)
88–99
65
0 13
0
7 (4–10)
Elias (76)
86–01
54
Vlastos (278)
91–02
31
0
11,2 ± 2,7 (moy)
Sakamoto (230)
85–03
34
0
Adam (3)
84–04
85
22 (locales) 24 (générales)
0
9 (5–22)
Caralt (35)
88–06
12
17
0
8 (6–24)
Ces séries ne permettent pas d’évaluer le bénéfice oncologique du geste chirurgical et ne peuvent faire conclure actuellement qu’à la faisabilité de tels gestes chez des patientes très sélectionnées. Aucun facteur pronostique de l’évolution oncologique ne peut être dégagé de manière consensuelle à partir de ces différentes séries (intervalle libre depuis le diagnostic de cancer, réponse à la chimiothérapie, taille et nombre de métastases, étendue du geste chirurgical, caractère complet ou non de l’exérèse, expression des RH, etc.).
Conclusion Il est actuellement impossible de conclure sur l’intérêt de la chirurgie d’exérèse dans les métastases hépatiques isolées des cancers du sein. Il est possible de la discuter dans de (rares) cas très selectionnés : – état général compatible avec un geste chirurgical lourd ; – bilan topographique hépatique (y compris cœlioscopie en début d’intervention) permettant d’envisager une résection complète sans risque anatomique majeur ; – absence de progression après traitement systémique premier.
Cancer du sein métastatique 397
Au total : Le traitement local des métastases isolées hépatiques ou pulmonaires est une option (niveau 4, grade C) dans des cas très sélectionnés : – État général et bilan fonctionnel (hépatique ou respiratoire) compatible avec le geste envisagé – Bilan topographique permettant d’envisager une résection complète – Absence de progression après traitement systémique premier – Absence d’autre site métastatique, – Absence éventuelle de progression après traitement systémique initial – Si une résection complète peut être envisagée sans risque anatomique majeur. La chirurgie est considérée comme le moyen le plus radical (accord d’experts). Cas particulier du nodule pulmonaire unique : la chirurgie permet le diagnostic et le traitement en un temps, si possible par abord thoracoscopique (accord d’experts). Alternatives possibles à la chirurgie (ou en association) : – radiofréquence pour les lésions < 4 cm ; – cryo-ablation pour les métastases hépatiques (lésions jusqu’à 5 cm) ; – chimioembolisation avec adriamycine pour les lésions plus volumineuses (accord d’experts) ; – le suivi des lésions traitées repose sur la TDM (niveau 2, grade A).
Traitement des sites métastatiques osseux isolés L’os est le site métastatique le plus fréquent dans le cancer du sein. Chez 587 malades décédées de cancer du sein des métastases osseuses sont retrouvées radiologiquement dans 69 % des cas, contre 27 % pour les métastases pulmonaires et 27 % pour les métastases hépatiques (53). Sur 2 240 malades opérées d’une tumeur mammaire dans les années 1970, le premier site métastatique observé à distance a été le tissu osseux chez 8 % des malades (47 % des métastatiques), contre 2 % pour le poumon, 1 % le foie et 0,3 % le cerveau (53). Sherry a attiré le premier l’attention sur la relative indolence du site métastatique osseux exclusif (242) : rétrospectivement 86 malades avec seulement des métastases osseuses ont une survie meilleure (48 mois) que les malades présentant des métastases dans des tissus autres qu’osseux (17 mois), p < 0,01 ; les cancers métastatiques d’emblée uniquement osseux ont la même évolution « indolente » ; le statut ménopausique n’est pas un facteur pronostique dans cette série. En même temps que ce bon pronostic on observe une excellente réponse des métastases osseuses aux traitements systémiques, proche de 90 % aussi bien avec l’hormonothérapie que la chimiothérapie, et une réponse est souvent observée à plusieurs lignes de traitement notamment d’hormonothérapie. En contrepartie, les complications orthopédiques sont fréquentes : 20 % de fractures pathologiques et 15 % de compressions médullaires, survenues avec une médiane de 24 mois. L’apparition de métastases dans d’autres tissus vient grever définitivement le pronostic, la médiane de survie étant alors de 9 mois.
398 Cancer du sein en situation métastatique Coleman a confirmé cette différence pronostique dans une série de 2 240 malades : la médiane de survie des seules métastases osseuses est de 20 mois contre 3 mois pour les métastases hépatiques (p < 0,00001) et 20 % des malades sont vivantes à 5 ans contre zéro (53). Toutes les études rétrospectives publiées par la suite confirment le meilleur pronostic des métastases osseuses par rapport aux sites métastatiques viscéraux et la bonne réponse aux traitements. Perez a identifié chez 510 malades ayant présenté entre 1978 et 1987 avec un intervalle libre de plus de six mois une évolution métastatique, 77 cas avec localisations osseuses seules et 73 avec métastases viscérales seules (poumon 40, plèvre 26, foie 19, cerveau 7, péritoine 5, péricarde 1); les traitements systémiques ont été similaires dans les deux groupes (respectivement chimiothérapie 73 % et 75 %, en majorité avec anthracyclines, hormonothérapie 22 % et 18 %, chimiothérapie plus hormonothérapie 5 % et 7 %), il n’a pas été observé de différence de réponse au traitement entre les deux groupes, ni en première ligne (45 % et 41 %) ni en deuxième ligne (21 % et 17 %). La médiane de survie est significativement meilleure pour les métastases osseuses (28 mois) que les métastases viscérales (13 mois), p < 0,001). Coleman (54) a comparé chez 367 malades ayant présenté entre 1975 et 1990 des métastases osseuses comme premier site métastatique, celles où les métastases sont restées confinées aux os tout au long de l’évolution (139 cas) et celles où sont survenues des métastases dans des sites non osseux (228 cas) : les malades du premier groupe sont plus âgées (59 vs 54 ans, p < 0,001), sont plus souvent ménopausées (63 % vs 43 %, p = 0,0002), sont plus souvent initialement N- (29 % vs 18 %, p = 0,02) ont plus souvent un carcinome lobulaire (21 % vs 12 %, p = 0,04) et plus rarement une tumeur de grade III (19 % vs 32 %, p = 0,001). Il n’y a pas de différence entre les deux groupes pour la positivité des récepteurs d’estradiol (69 % vs 62 %) ou de progestérone (47 % vs 42 %). Le taux de complications osseuses ne diffère pas dans les deux groupes ; hypercalcémie 19 %, fracture pathologique (surtout fémurs et humérus) 19 %, compression médullaire 10 %, insuffisance médullaire osseuse 9 %. Les facteurs de bon pronostic pour la survie métastatique sont : les métastases osseuses d’emblée (40 malades), le grade histologique I/II, le type lobulaire, la présence de récepteurs d’estradiol, l’intervalle libre supérieur à trois ans (p = 0,002) et le confinement des métastases au tissu osseux (médiane de survie 2,1 ans contre 1,6 ans, p = 0,001). Les malades en pré-ménopause ont une survie métastatique légèrement meilleure qu’en post-ménopause (p = 0,002). La série de Solomayer (2000) exclut les malades métastatiques d’emblée : sur 648 malades initialement traitées entre 1977 et 1985 et devenues métastatiques le premier site a été osseux chez 296 (46 %), viscéral (foie, poumon, cerveau ou ovaires) chez 268 (41 %) et à la fois osseux et viscéral chez 84 (13 %). Au cours de l’évolution, les malades avec métastases viscérales développent moins souvent des métastases osseuses (80/268, 30 %) que l’inverse (116/296, 40 %), p = 0,020. Le premier site métastatique osseux est significativement plus fréquent quand les récepteurs d’estradiol ou de progestérone sont supérieurs à 20 fmol/mg de protéine cytosolique (p < 0,001), ou le grade I/II (p < 0,003), ou la phase-S inférieure à 5 % ;
Cancer du sein métastatique 399 il n’y a pas de différence de fréquence en fonction de la taille de la tumeur, du statut ganglionnaire ni du statut ménopausique. Les malades présentant seulement des métastases osseuses ont une médiane de survie meilleure que celle avec métastases viscérales (24 vs 12 mois, p < 0,001), un intervalle libre entre cancer du sein et métastases plus long (33 vs 26 mois, p < 0,001) et une meilleure survie depuis le diagnostic initial (71 vs 48 mois, p < 0,001). Les malades présentant simultanément des métastases osseuses et viscérales ont une survie similaire à celle des métastases viscérales (survie métastatique 2 = 5,5 mois, intervalle libre = 11,5 mois et survie depuis le diagnostic = 40 mois). La survie la plus longue est celle des métastases osseuse seules avec récepteurs hormonaux positifs (22 mois), la plus courte celle des métastases viscérales avec récepteurs hormonaux négatifs (8 mois) ; les métastases osseuses avec récepteurs hormonaux négatifs ont une survie (13 mois) similaire à celle des métastases viscérales avec récepteurs hormonaux positifs (14 mois). L’apparition de métastases osseuses est associée à une survie meilleure que celle des métastases qui restent confinées aux viscères (20 mois vs 9 mois, p = 0,019) ; en revanche, l’apparition de métastases viscérales ne modifie pas la survie par rapport à une maladie qui reste confinée au tissu osseux (24 mois vs 23 mois, p = 0,94). La fréquence des sites osseux envahis chez les 460 malades avec métastases osseuses a été : rachis dorsal (53 %), pelvis (50 %), rachis lombaire (49 %), côtes (39 %), fémur (31 %), crâne (24 %), rachis cervical (22 %), sternum (18 %), humérus (18 %), omoplate (10 %), clavicule (8 %), tibia (8 %). Les complications osseuses ont été la douleur chez 80 % des malades, des fractures pathologiques chez 25 %, une hypercalcémie chez 9 %, et une compression médullaire chez 8 %. Le traitement des malades avec localisations osseuses seules a été une hormonothérapie dans 76 % des cas, une chimiothérapie 9 % et les deux 15 % (tableau VII). Les métastases viscérales répondent mieux au traitement que les métastases osseuses (19 % vs 13 %, p = 0,049) mais progressent aussi plus souvent (62 % vs 46 %). Tableau VII – Réponse au traitement des métastases osseuses seules comme premier site métastatique (254). Total n=
Réponse complète ou partielle (%)
Stable (%)
Progression (%)
Hormonothérapie
224
26 (12)
100 (45)
98 (43)
Chimiothérapie Hormono + chimio
26
2 (8)
9 (35)
15 (57)
46
11 (24)
12 (26)
23 (56)
Dans une série rétrospective portant sur 2 514 malades traitées entre 1986 et 2000, Briasoulis (2004) a retenu 104 malades ayant comme seul site métastatique le tissu osseux (4,1 %) dont 44 (42 %) métastatique d’emblée et 60 (58 %) au cours de l’évolution avec une médiane de 38 mois (6 à 160 mois). Les récepteurs hormonaux sont positifs chez deux tiers des malades environ. Une métastase osseuse unique est
400 Cancer du sein en situation métastatique présente chez 25 % des malades, les métastases sont multiples chez 75 %. Une compression médullaire est survenue dans 7 % des cas, une fracture pathologique dans 6 % et une hypercalcémie dans 5 %. Toutes les malades ont reçu une radiothérapie à un moment de l’évolution, parfois à titre de prévention de complication. Le traitement systémique a débuté par une hormonothérapie chez 53 malades (tamoxifène = 9, létrozole = 4) avec une réponse objective dans 80 % des cas, une deuxième ligne a été administrée chez 29 malades (réponse = 44 %) et plusieurs lignes à 6 malades (réponse = 2 cas). Le premier traitement a été une chimiothérapie chez 51 malades avec une réponse objective dans 77 % des cas (anthracyclines = 34, cmF = 27). L’évolution n’est pas significativement différente entre métastases osseuses d’emblée et métastases secondaires : durée médiane d’évolution métastatique osseuse seule : 54 mois et 50 mois (p = 0,3) et survie médiane après diagnostic des métastases osseuse : 66 mois et 78 mois (p = 0,7). La survie n’est pas influencée par le type histologique, le grade, le nombre et la distribution des métastases. Blanco et al. (25) ont observé chez 613 malades traitées pour cancer du sein entre 1976 et 1981 une évolution métastatique chez 313 ; un traitement adjuvant a rarement été administré (CMF = 73 cas et hormonothérapie 20 cas) ; le premier site métastatique a été la peau dans 29 % des cas, l’os dans 24 %, les poumons dans 19 %, les ganglions dans 17 %, le foie dans 8 % et le cerveau dans 2 %. La meilleure survie est celle des métastases cutanées (médiane 32 mois), puis des métastases osseuses (19 mois) et enfin viscérales (10 mois), p = 0,001. Il est intéressant de noter la corrélation du taux des récepteurs hormonaux avec le site métastatique : plus le taux est élevé, plus la probabilité de métastases osseuses est élevé et inversement plus le taux est faible, plus élevé est le taux de métastases viscérales (tableau VIII). L’analyse multivariée (de portée limitée en raison de valeurs manquantes) montre que le site de récidive a la plus forte valeur pronostique (p = 0,0000) puis l’intervalle libre p = 0,0029 et le grade histologique p = 0,0039. Tableau VIII – Concentration des récepteurs hormonaux en fonction du site métastatique (% de malades) (25). R. estradiol (fmol/mg) M. osseuses
68
<3 (%) 20
3 – 100 (%) 18
> 100 (%) 42
Moyenne (fmol/mg) 127 43
n=
M. viscérales R progestérone (fmol/mg) M. osseuses
91
39
32
26
n=
<10
10 - 100
> 100
68
21
20
32
109
M. viscérales
91
38
28
22
94
p < 0,0001 p < 0,04
L’intérêt des récepteurs hormonaux est confirmé dans la série de Clark et al. (49) portant sur 4 271 malades mastectomisées entre 1971 et 1980 dont 1 015 ont récidivé. Les récepteurs d’estradiol sont positifs (* 3 fmol/mg) chez 67 % des malades, négatifs chez 33 %. Traitement adjuvant systémique : aucun 51 %, hormo-
Cancer du sein métastatique 401 nothérapie 19 %, chimiothérapie (dont cmF 62 %, adriamycine 8 %) 24 %, chimiothérapie et hormonothérapie 6 %. Les tumeurs RE+ récidivent initialement plus souvent au niveau osseux, les tumeurs RE- au niveau des viscères ou des tissus mous. Le premier site métastatique a été osseux dans 27 % des cas, viscéral dans 38 % des cas (la moitié avec aussi des métastases osseuses), les tissus mous 28 %. Au total des métastases osseuses ont été observées dans 44 % des cas RE+ et 33 % des cas RE-. L’intérêt de cette étude est l’analyse multivariée sur un nombre important de variables recueillies chez 901 malades et qui confirme la valeur pronostique des métastases osseuses initiales relativement meilleure que les sites métastatiques viscéraux (tableaux IX et X). Tableau IX – Survie en mois selon le site de récidive et la positivité des récepteurs d’estradiol (49).
Tissus mous
RE+ (* 3 fmol/mg) 47 mois
Os
24 mois
Viscères
16 mois
RE(<3 fmol/mg) 25 mois
p 0,001 0,006
16 mois
p 0,007 0,02
10 mois
Tableau X – Analyse multivariée modèle de Cox : variation de la survie selon le facteur pronostique (49). Coefficient
DS
p
Métastase cerveau
+ 1,1745
0,1565
< 0,0001
Métastase foie
+ 0,8228
0,1181
< 0,0001
RE+
- 0,6238
0,0906
< 0,0001
Nombre N+ initial
+ 0,3208
0,0503
< 0,0001
Métastase poumon
+ 0,4131
0,1015
< 0,0001
Long intervalle libre
- 0,0093
0,0025
0,0002
Métastase os
+ 0,2997
0,0871
0,0006
survie diminuée : + améliorée : -
La série de Fey (1981) portant sur 405 malades métastatiques traitées dans des essais de chimiothérapie et hormonothérapie confirme une différence de survie un peu meilleure pour les métastases osseuses seules, médiane de 27 mois contre 23 pour les viscérales (et depuis le diagnostic de tumeur mammaire 56 mois contre 46). Dans la série du MD Anderson (entre 1973 et 1979), Scheid (232) a rapporté chez 180 malades avec métastases osseuses seules (48 % ostéolytiques, 13 % ostéoblastiques et 38 % mixtes) la réponse à une première ligne de chimiothérapie avec anthracyclines ; 44 % avaient reçu une hormonothérapie (estrogènes 17 %, antiestrogènes 16 %, androgènes 10 %, progestérone 1 %). Treize réponses complètes (7 %) ont été observées (normalisation des radiographises osseuses), 94 réponses partielles (52 % de régression radiologique incomplète et/ou ostéocondensation),
402 Cancer du sein en situation métastatique 32 % de stabilisation et 8 % de progression. Une fracture pathologique a été observée chez 102 malades avant ou après chimiothérapie : rachis cervical 4 %, dorsal 8 %, lombaire 4 %, bassin 10 %, cotes 52 %, os longs 16 %, et une compression médullaire chez 18 malades. La médiane de survie métastatique a été de 28 mois (35 mois depuis le diagnostic initial) meilleure que les 21 mois de survie de la population entière des malades métastatiques de cette période. La série de François Baclesse (Thierry Delozier communication personnelle) confirme ces données sur 9 259 malades (1 269 avec métastases osseuses isolées) : la médiane de survie des malades avec métastases osseuses exclusives est de 24 mois contre 12 mois quand il y a des métastases viscérales. Dans le groupe métastases osseuses exclusives la survie médiane est significativement meilleure pour les Ninitiaux comparée aux N+ (32 mois contre 22 mois, p = 0,002), pour les tumeurs de grade I contre grades II et III (p < 0,0001) et pour les tumeurs RH+ contre RH(30 contre 18 mois, p < 0,0001). Les cancers métastatiques d’emblée exclusivement au site osseux ont la même survie que celle des métastases osseuses rechutant 12 mois ou plus après traitement initial, survie qui est meilleure que celle des rechutes osseuses survenant moins de 12 mois après traitement initial (24 contre 14 mois, p = 0,003). Sur le plan thérapeutique, on observe que les malades ayant été initialement traitées par hormonothérapie ont une survie identique à celle des malades initialement traitées par hormonothérapie et chimiothérapie. Sur le plan chronologique, la survie des métastases osseuses exclusives lors de la rechute est significativement meilleure pour la période où étaient disponibles les inhibiteurs de l’aromatase que celle de la période tamoxifène et que celle de la période avant le tamoxifène (médiane respectivement > 32 mois, 26 mois et 14 mois).
En résumé La revue de la littérature confirme sur des séries rétrospectives un meilleur pronostic des métastases osseuses exclusives au moment de la récidive. Parler de maladie indolente paraît excessif sinon à propos de cas clinique particulier. Certains facteurs pronostiques ont été mis en évidence dans ce sous groupe de malades, mais sur le plan thérapeutique systémique il n’y a pas d’attitude particulière pouvant être dégagée, les métastases osseuses répondent à l’hormonothérapie et aussi bien à la chimiothérapie. Les recommandations de Saint Paul de Vence s’appliquent à ce sous-groupe de la même façon qu’aux autres types de métastases. L’administration de bisphosphonates est recommandée (cf. chapitre Bisphosphonates).
Métastases osseuses (accord d’experts) La présence de métastases osseuses est corrélée à un pronostic relativement favorable et à un risque élevé de complications mécaniques. Un effort particulier doit porter sur la prévention de ces complications. La création d’un groupe de concertation multidisciplinaire spécifique aux métastases osseuses est recommandée, comportant oncologues médicaux, radiologues diagnosticiens, radiologues interventionnels, chirurgiens orthopédistes,
Cancer du sein métastatique 403
spécialistes de la douleur. Le groupe recommande par ailleurs le rattachement à l’unité de soins d’une part d’un radiologue dédié au diagnostic du risque fracturaire et aux traitements préventifs percutanés et, d’autre part, d’un chirurgien orthopédique. L’administration de bisphosphonates est un élément acquis et bien ancré dans la pratique quotidienne.
Traitement médical des sites métastatiques uniques L’étude de la littérature disponible ne permet pas de dégager des recommandations spécifiques concernant le traitement médical en cas de site métastatique unique. Il n’est notamment pas démontré qu’un site métastatique particulier doive faire l’objet d’une chimiothérapie spécifique, y compris pour les métastases cérébrales. D’une façon générale, la prise en charge médicale obéit donc aux mêmes recommandations que pour les métastases multiples. Dans le cas particulier d’une atteinte métastatique pouvant relever d’un traitement ablatif d’emblée, l’administration préalable d’une chimiothérapie avant le geste chirurgical ne fait l’objet d’aucun consensus. De surcroît, cette dernière ne paraît pas logique en cas de métastase présentant un risque immédiat de complication (localisation osseuse ou cérébrale, épidurite) et ne saurait donc être recommandée dans la mesure où elle est susceptible de retarder voire de compromettre le traitement local. Dans le cas de métastases ayant fait l’objet d’un traitement ablatif, un traitement médical complémentaire peut être proposé au décours du geste, en tenant compte des facteurs prédictifs de réponse au traitement sur la métastase (RH, HER2). Si les métastases ont été opérées à l’issue d’un traitement médical, la poursuite de celui-ci doit tenir compte de la réponse histologique observée : – la chimiothérapie peut être poursuivie selon les modalités en cas de bonne réponse histologique, en tenant compte du rapport risque/bénéfice ; – en cas de mauvaise réponse histologique, un traitement de deuxième ligne peut éventuellement être proposé ; – s’il s’agit d’une tumeur surexprimant HER2, la poursuite d’un traitement antiHER2 paraît légitime (soit en association à une chimiothérapie ou une hormonothérapie, soit trastuzumab seul en cas de bonne réponse au traitement préopératoire) ; – dans le cas d’une tumeur RH+, la poursuite d’une hormonothérapie d’entretien est possible ; – enfin dans le cas particulier de métastases osseuses uniques, les biphosphonates doivent être maintenus selon les modalités habituelles.
404 Cancer du sein en situation métastatique
Métastase isolée quel que soit le site – La prise en charge médicale obéit aux mêmes recommandations que pour les métastases multiples (accord d’experts) – Peu de données sur l’administration d’un traitement systémique avant traitement ablatif : – en cas de bonne réponse le même traitement sera poursuivi en tenant compte des effets secondaires (accord d’experts) ; – en cas de mauvaise réponse, un traitement de deuxième ligne peut éventuellement être proposé (accord d’experts).
Traitement des métastases osseuses par bisphosphonates Les bisphosphonates (BP) sont des molécules analogues du pyrophosphate capables d’inhiber l’activité ostéoclastique. Il est actuellement décrit deux grandes familles de BP : les non amino-bisphosphonates qui induisent la formation de métabolites cytotoxiques responsables de l’apoptose des ostéoclastes, et les amino-bisphosphonates qui inhibent la voie du névalonate, familles possèdent des caractéristiques chimiques communes (tableaux XI et XII). Elles sont constituées d’un noyau P-C-P et de deux chaînes latérales R1 et R2 qui se fixent soit sur le carbone, soit sur le groupement phosphate par estérification. Les chaînes latérales confèrent la spécificité de chaque BP : R1 capacité de fixation sur la matrice osseuse et R2 propriété biologique (activité anti-ostéoclastique). Les données pré-cliniques montrent que les aminoBP, tout particulièrement l’acide zolédronique, ont une activité ostéoclastique plus puissante que les amino-BP. Tableau XI. – Les non amino-bisphosphonates. DCI
Structure moléculaire
Activité biologique
Clodronate
OH CI OH I I I O = P—C—P = O I I I OH CI OH
X10
Étidronate
OH CH3 OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH
X10
CI
Tiludronate
OH S OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH
X10
Cancer du sein métastatique 405 Tableau XII – Les amino-bisphosphonates. DCI
Structure moléculaire
Activité biologique
Alendronate
NH2 I OH (CH2)3 OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH
X> 100-<1000
CH3 CH3
Ibandronate
Pamidronate
(CH2)4
N I OH (CH2)3 OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH NH2 I OH (CH2)2 OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH
X> 100<10 000
X100
N
Risédronate
I OH CH2 OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH
X> 100-<10000
N
Zolédronate
N I OH CH2 OH I I I O = P—C—P = O I I I OH OH OH
X> 10000
406 Cancer du sein en situation métastatique En clinique, dans la prise en charge du cancer du sein, les BP ont démontré leur efficacité dans le traitement et la prévention des événements osseux. Mais de nombreuses questions restent en suspens. À travers cette revue de la littérature nous allons tenter de définir les indications, les modalités de prescription reconnues des BP.
Sélection des situations cliniques Nous avons défini trois situations cliniques : – patientes présentant un cancer du sein métastatique en évolution osseuse et/ou viscérale ; – patientes présentant un cancer du sein localement avancé et/ou métastatique sans atteinte osseuse ; – patientes en situation adjuvante en prévention des événements osseux.
Sélection des questions Nous avons pu, ainsi définir un certain nombre de questions : – les BP ont-il un impact sur la survie globale en situation métastatique et adjuvante ? – quand faut-il instaurer un traitement par BP en situation métastatique ? – quelle est la durée optimale de prescription d’un BP ? – quelles sont les meilleures modalités d’administration d’un BP IV ou orale ? – existe-t-il un BP supérieur aux autres ? – chez des patientes ne présentant pas d’évolution osseuse les BP peuvent-ils prévenir l’apparition de métastases osseuses ?
Résultats Patientes présentant une maladie métastatique osseuse et/ou viscérale Les BP évalués dans cette situation ont été le clodronate, le pamidronate, l’ibandronate et le zolédronate.
Études avec le clodronate Clodronate oral (1 600 mg/j) vs placebo Nous disposons de résultats de trois études de phase III dont l’objectif primaire était la réduction des événements osseux regroupant l’apparition de nouvelle lésion osseuse, des fractures vertébrales (compression médullaire) et non vertébrale, un épisode d’hypercalcémie, le recours à la radiothérapie ou le recours à la chirurgie. La première étude conduite par Tubiana-Hulin a inclus 144 patientes présentant un cancer du sein métastatique (métastases viscérales et osseuses) (270).
Cancer du sein métastatique 407 Dans cette étude en double aveugle randomisée, les patientes recevaient le clodronate ou le placebo jusqu’à progression et pour une durée de 12 mois maximum. La deuxième étude, double aveugle randomisée, conduite par Paterson et al., a inclus 173 patientes (métastases viscérales et osseuses) (197). Le Clodronate était administré jusqu’à progression et pour une durée de 18 mois maximum. La troisième étude, randomisée rapportée par Elomaa et al., n’a inclus que 34 patientes (77). Le clodronate était délivré jusqu’à progression et pour une durée de 12 mois maximum. Les résultats de ces trois études sont concordants. Le clodronate réduit le nombre d’événements osseux, améliore la qualité de vie mais ne diminue pas l’incidence des fractures vertébrales, et n’a aucun impact sur la survie globale.
Clodronate orale vs rien Kristensen et al. rapportent les résultats d’une étude de phase III randomisée (100 patientes incluses) (143). Le clodronate était délivré jusqu’à progression et pour une durée maximale de 24 mois. L’objectif primaire était la réduction des événements osseux définis par le nombre d’épisodes d’hypercalcémie, de fractures, et de recours à la radiothérapie. Les résultats montrent que le clodronate par rapport au bras contrôle retarde le délai d’apparition d’événement osseux, réduit le risque de fracture et améliore la qualité de vie. Il semblerait cependant qu’après 15 mois de traitement le bénéfice disparaît.
Clodronate voie parentérale vs placebo Une étude randomisée rapportée par Martoni et al. n’a inclus que 38 patientes (169). Cette étude dont l’objectif primaire était l’amélioration de la symptomatologie douloureuse montre que le clodronate administré par voie IV et IM (300 mg/IVL/7 j puis 100 mg/ j/IM 3 semaines puis 100 mg/IM 1 jour sur 2) réduit la consommation d’antalgique ainsi que le nombre d’épisodes d’hypercalcémie et de fractures (statistiquement non significative).
Études avec le pamidronate Pamidronate IV vs placebo Les résultats de deux études prospectives ont été rapportés. L’étude P18 (267) et l’étude P19 (120) ont randomisé, chez des patientes présentant un cancer du sein avec des lésions ostéolytiques le pamidronate (90 mg IV en 90 minutes toutes les 3 ou 4 semaines) à un placebo (90 minutes IV toutes les 3 ou 4 semaines). Le pamidronate ou le placebo étaient délivrés jusqu’à progression et pour une durée maximale de 24 mois (un peu plus de 20 % dans chaque groupe). Toutes les patientes bénéficiaient d’un traitement systémique spécifique, hormonal dans l’étude P18 ou chimiothérapie dans P19. L’objectif primaire était la prévention des complications
408 Cancer du sein en situation métastatique osseuses, définis par l’apparition de nouvelle lésion, de fractures vertébrales ou non vertébrales, d’épisodes d’hypercalcémie, de recours à la radiothérapie ou à la chirurgie. À 12 et 24 mois, ces études montrent que la pamidronate par rapport au placebo réduit le risque d’événement osseux, à l’exception des fractures vertébrales, augmente le délai d’apparition d’un événement osseux, améliore la qualité de vie et un meilleur contrôle des douleurs. Il n’y a pas d’amélioration de la survie globale. Le regroupement des deux études confirme les résultats et permet de montrer une diminution significative des fractures vertébrales (161). Le pamidronate a été utilisé avec des doses différentes dans deux études. Dans l’étude rapportée par Conte et al. (55) (295 patientes incluses), le pamidronate était administré à la dose de 45 mg en IVL en 60 minutes toutes les trois semaines jusqu’à progression : le pamidronate augmente le temps jusqu’à l’apparition d’un événement osseux. Dans l’étude de Hultborn et al., le pamidronate a été administré à la dose de 60 mg en IVL en 60 minutes toutes les 3 à 4 semaines chez 404 patientes jusqu’à progression et pour une durée de 24 mois (122). Le pamidronate par rapport au placebo diminue le nombre d’épisodes d’hypercalcémie et l’incidence des événements osseux. Il n’existe pas de différence en termes de recours à la radiothérapie, à la chirurgie, ni de l’incidence des fractures vertébrales entre pamidronate et placebo.
Pamidronate per os vs placebo Cette étude conduite par van Holten-Verzantvoort et al. (273) (161 patientes), a randomisé pamidronate par voie orale à la dose 600 mg/j puis 300 mg/j à placebo, jusqu’à progression. Le pamidronate diminue l’incidence des épisodes d’hypercalcémie, de fractures, de recours aux antalgiques et à la radiothérapie. Une toxicité digestive importante a été observée responsable de l’arrêt du traitement chez 25 % des patientes. Cette galénique a été abandonnée.
Études avec l’ibandronate Ibandodrante IVL vs placebo Body et al. rapportent les résultats d’une étude de phase III en double aveugle, conduite chez 466 patientes (27). Les patientes étaient randomisées entre trois bras : ibandronate 2 mg (bolus) ou 6 mg (IVL de 60 à 120 minutes) ou placebo. L’ibandronate ou le placebo était délivré jusqu’à progression et une durée maximum de 24 mois (environ 40 % des patients dans chaque groupe). L’objectif primaire était le taux de morbidité osseuse rapportée au temps. Une évaluation était réalisée toutes les 12 semaines. Les événements osseux étaient définis par fracture vertébrale et non vertébrale, recours à la radiothérapie et recours à la chirurgie. L’ibandronate administré par voie IV, par rapport au placebo, réduit le taux de morbidité osseuse/temps, le délai d’apparition d’un événement osseux, améliore la qualité de vie, permet un meilleur contrôle des douleurs mais
Cancer du sein métastatique 409 n’a pas d’impact sur la survie globale. La dose de 6 mg semble plus efficace que la dose de 2 mg.
Ibandronate oral vs placebo Tripathy et al. rapportent les résultats d’une étude randomisée en double aveugle comparant un bras placebo à un bras comprenant l’ibandronate per os à la dose de 20 mg ou 50 mg (269). Le placebo et l’ibandronate étaient délivrés jusqu’à progression et pour une durée de 24 mois maximun. L’objectif primaire de cette étude était le taux de morbidité osseuse/temps. L’évaluation était réalisée toutes les 12 semaines. Cette étude montre que l’ibandronate par rapport au placebo réduit le taux de morbidité osseuse/temps, améliore la qualité de vie, permet un meilleur contrôle des douleurs, réduit le recours à la radiothérapie, augmente le délai d’apparition d’un événement osseux (non significatif statistiquement). Cependant l’ibandronate ne diminue pas le risque de fracture vertébrale, ni le recours à la chirurgie et n’améliore pas la survie globale. En regroupant les deux études, Body et al. (28) montrent que l’ibandronate administré par voie orale à la dose de 50 mg par rapport au placebo, réduit le taux de morbidité osseuse/temps, le délai d’apparition d’un événement osseux, le recours à la chirurgie et à la radiothérapie, mais n’a pas d’impact sur la survie globale et ne diminue pas le risque de fractures vertébrales et non vertébrales.
Études avec l’acide zolédronique Une seule étude a été rapportée par Khono et al. (137). Cette étude conduite chez 228 patientes en double aveugle, a comparé l’administration IV de l’acide zolédronique (à la dose de 4 mg en 15 minutes toutes les 4 semaines) au placebo, délivré jusqu’à progression et pour une durée maximale de 12 mois. L’objectif primaire de cette étude était la survenue d’un événement osseux défini par de nouvelles lésions osseuses, des fractures vertébrales et non vertébrales, un épisode d’hypercalcémie, le recours à la radiothérapie ou à la chirurgie. Cette étude montre que l’acide zolédronique réduit le risque d’événement osseux et augmente le délai d’apparition d’un événement osseux mais n’améliore pas la survie globale.
Étude comparative entres deux bisphosphonates Pamidronate vs acide zolédronique Cette étude en double aveugle, rapportée par Rosen et al. (227) a randomisé 1 130 patientes entre pamidronate 90 mg IVL en 120 minutes et acide zolédronique 4 ou 8 mg en IVL de 15 minutes, toutes les 3-4 semaines jusqu’à progression et pour une durée maximale de 12 mois. L’objectif principal de cette étude était l’incidence des événements osseux. Pour l’ensemble de la population, il n’existe pas de différence en termes d’incidence d’événement osseux entre le pamidronate et l’acide zolédronique. La dose de zolédronate n’influe pas la réponse. Dans une analyse en sous-groupe, un avantage est noté en faveur de l’acide zolédronique pour les patientes présentant des lésions
410 Cancer du sein en situation métastatique ostéolytiques (nombre de malades avec lésions ostéolytiques selon le traitement, zolédronate 4 mg : n = 190 (50 %), zolédronate 8 mg : n = 176 (48 %), pamidronate : n = 162 (42 %)).
Pamidronate vs clodronate Jagdev et al. rapportent les résultats d’une étude qui inclus 51 patientes (126). Les patientes étaient randomisées entre trois bras : clodronate oral (1 600mg/j, 18 patientes) vs clodronate IV (1 500mg) + oral (1 600 mg/j, 18 patientes) vs pamidronate IVL (90 mg en 90 minutes, 15 patientes). Compte tenu du faible nombre de patientes incluses, il est difficile de tirer des conclusions.
Pamidronate IV vs clodronate per os vs clodronate IV Il s’agit d’une étude randomisée, rapportée par Diel et al., sous la forme d’un abstract à l’ASCO 1999 (71). Les patientes incluses dans cette étude présentaient un cancer du sein métastatique en évolution osseuse. Les patientes bénéficiaient soit d’un traitement par clodronate délivré par voie orale (2 400mg/j), soit par clodronate IV (900 mj/3 semaines) ou par pamidronate IV (60 mj/ 3 semaines) pour une durée maximum de 24 mois ou jusqu’à progression. L’analyse préliminaire avec un recul médian de 18 mois sur 318 patientes (361 incluses) suggère que la voie IV aurait une meilleure efficacité que la voie orale sur la symptomatologie douloureuse alors que la voie orale réduirait l’incidence des fractures vertébrales par rapport à la voie IV.
Prévention des événements osseux chez des patientes présentant un cancer du sein en évolution locorégionale ou métastatique Nous rapportons les résultats de trois études. La première étude est rapportée par Kanis et al. Cette étude randomisée, multicentrique, en double aveugle, a inclus 133 patientes présentant un cancer du sein en évolution locorégionale ou métastatique sans évolution osseuse (134). Les patientes étaient randomisées entre clodronate per os 1 600 mg/j et placebo pour une durée maximum de 3 ans. L’objectif principal était la prévention et la réduction des événements osseux. Cette étude montre que le clodronate par rapport au placebo réduit le nombre d’événements osseux mais ne les prévient pas, ni n’améliore la survie globale. La deuxième étude a été rapportée par van Holten-Verzantvoot et al. (273). Cette étude a inclus 124 patientes randomisées entre bras contrôle et pamidronate per os 600 mg/j, diminué en cours d’étude à 300 mg/j compte tenu des toxicités gastro-intestinales. L’objectif principal était la prévention et la réduction des événements osseux. Les résultats montrent que le pamidronate ne prévient, ni ne réduit le nombre d’événement osseux, ni n’améliore la survie globale. Il est à noter que 19 patientes dans le bras pamidronate ont arrêté le traitement pour toxicité et que
Cancer du sein métastatique 411 l’analyse n’a porté que sur 36 patientes. L’administration orale du pamidronate n’est actuellement plus recommandée. La troisième étude rapporté par Mardiak et al. a été randomisée en double aveugle chez 73 patientes (168). Les patientes recevaient soit du clodronate par voie orale, 1 600 mg/j soit du placebo. L’objectif principal était la prévention des événements osseux. La conclusion des auteurs est qu’il n’existe pas de différence en termes de prévention des événements osseux entre le clodronate et un placebo.
Prévention des événements osseux chez des patientes présentant un cancer du sein en situation adjuvante Quatre études ont été rapportées avec clodronate par voie orale à la dose de 1 600 mg/j. La première étude rapportée par Diel et al., a inclus 302 patientes présentant un cancer du sein T1-4, N1-3, M0 avec présence de cellules métastatiques au myélogramme (70). Le traitement était délivré pour une durée de 24 mois. L’objectif principal était la prévention des métastases osseuses. Cette étude montre que le clodronate réduit l’incidence des métastases osseuses et viscérales par rapport au groupe placebo de manière significative (p < 0,001). La deuxième étude randomisée rapportée par Powles et al. a inclus 1 069 patientes présentant un cancer du sein T1-4, N 0-3, M0 et comportait pendant 24 mois un bras clodronate et un bras placebo (208). L’objectif principal était la prévention et la réduction des métastases osseuses et viscérales. Le clodronate durant les deux premières années réduit l’incidence des métastases osseuses (p = 0,016) et améliore la survie globale (p = 0,047) mais ces effets disparaissent à 3 et 5 ans de suivi. Le clodronate ne réduit par le risque de survenue de métastases viscérales. La troisième étude est rapportée par Saarto et al. Cette étude randomisée a inclus 299 patientes présentant un cancer du sein N+/M0 entre un bras clodronate (durée de 36 mois) et un bras placebo (229). L’objectif principal était la prévention des métastases osseuses. Les patientes étaient stratifiées selon leur traitement adjuvant. Le clodronate non seulement ne réduit pas l’incidence des métastases osseuses mais aurait un effet délétère sur la survie sans récidive et la survie globale. Pour expliquer la discordance de ces résultats avec ceux des études de Diel et Powels, il faut tenir compte d’un certain nombre de paramètres. Il était prévu d’inclure initialement 300 patientes, seulement 282 patientes finalement ont été incluses. Dans le bras clodronate par rapport au bras placebo, il existe une majorité de patientes PR négatif qui est considéré comme un facteur de mauvais pronostic. L’étude ABCSG dont les premiers résultats ont été rapportés à l’ASCO 2008 a randomisé 1 803 malades non ménopausées présentant un cancer du sein stade I ou II, ER+ et/ou PgR+ < 10 N+ entre quatre bras : une première randomisation compare agoniste de LH-RH pls tamoxifène à agoniste de LH-RH plus anastrozole pendant 3 ans et une deuxième randomisation compare zolédronate 4 mg tous les 6 mois à un contrôle sans zolédronate. Avec un recul de 5 ans, on observe en faveur du zolédronate 10 cas de récidive locorégionale contre 20 cas et 29 cas de récidive
412 Cancer du sein en situation métastatique à distance contre 41 cas. Cette étude relance l’intérêt des bisphosphonates en situation adjuvante (103). Aucune conclusion définitive ne peut être tirée pour l’instant. Sont en attente les résultats de l’étude du NSABP et une étude confirmative de l’ABCSG.
Recommandations Patiente présentant un cancer du sein avec localisation osseuse. Indications Les bisphosphonates n’ont pas d’impact sur la survie globale. Les bisphosphonates doivent être instaurés d’emblée chez toutes patientes présentant des métastases osseuses. Ils améliorent la qualité de vie (niveau 1, grade A) car ils réduisent : – le délai d’apparition d’un événement osseux ; – les fractures non vertébrales ; – le recours à la radiothérapie ; – le recours à la chirurgie ; – la consommation d’antalgique. Durée de prescription – La durée optimale n’a jamais été étudiée. – Se baser sur la durée de prescription des études. – Durée entre 12 et 24 mois.
(Accord d’experts) Choix du biphosphonate Études comparatives : Pamidronate vs clodronate : aucune conclusion possible. Pamidronate vs Acide zolédronique : avantage de l’acide zolédromique pour les patientes présentant une ou des lésions lytiques. Clodronate, ibandronate, acide zolédronique : Option pamidronate si lésion non lytique/acide zolédronique (Niveau 1, grade A) Posologie (Niveau 1, grade A) : Clodronate : 1 600 mg/j en une seule prise. Pamidronate : 90 mg toutes les 3 ou 4 semaines en IVL sur 2 heures. Ibandronate : 6 mg toutes les 3 ou 4 semaines en IVL sur 2 heures ou 50 mg/j par voie orale. Acide zolédronique : 4 mg toutes les 3 ou 4 semaines en IVL sur 15 minutes.
Patientes présentant un cancer du sein localement avancé ou métastatique mais ne présentant pas d’évolution osseuse Pas d’indication de bisphosphonate chez les patientes présentant un cancer du sein localement avancé ou métastatique (extra-osseux) en prévention des événements osseux (Niveau 1, grade A)
Cancer du sein métastatique 413
Prévention des événements osseux en situation adjuvante À ce jour, nous ne pouvons recommander l’utilisation des bisphosphonates en adjuvant (tableaux XI et XII).
Actualisation 2009 des RCP 2007 Chimiothérapie – Dans le chapitre « Recommandations pour la prise en charge par chimiotherapie initiale des cancers du sein métastatique ayant reçu des anthracyclines en situation adjuvante et HER2 non surexprimé » L’étude de Sparano porte sur 751 malades, récidivant plus d’un an après chimiothérapie adjuvante avec anthracyclines, randomisées en première ligne entre docétaxel 75 mg/m2 (n = 373) ou l’association liposomiale pégylée 30 mg/m2 - docétaxel 60 mg/m2 (n = 378) (J 1 tous les 21 jours). La médiane de survie sans progression est augmentée de 7,0 mois pour D à 9,8 mois pour PLD+D (HR = 0,65; 95 % CI 1,41–2,35; p = 0,000001), le taux de réponse est augmenté de 26 % à. 35 % p = 0,0085). La survie globale n’est pas significativement différente dans cette analyse intermédiaire après 374 décès, HR = 1,06 ; 95 % CI 0,86 ; 1,30. Cette étude montre l’intérêt d’une reprise d’anthracycline dans cette situation. La modification des recommandations est donnée selon le tableau XIII (256). Tableau XIII – Chimiothérapie de première ligne métastatique après anthracyclines en adjuvant. Si choix d’association Docétaxel-gemcitabine Docétaxel-capécitabine Paclitaxel-gemcitabine Doxorubicine liposomiale pégylée - Docétaxel
(niveau 2, grade B)
– Alba et al. (5) ont communiqué à l’ASCO 2008 chez 136 malades en réponse ou stables les résultats d’une étude randomisée de maintenance avec doxorubicine liposomiale pégylée comparée à une simple observation après 6 cycles d’une association adriamycine docétaxel. La médiane de survie sans progression est meilleure avec le traitement de maintenance, 16,04 mois (14,06–18,02) contre 9,96 mois (8,87–11,05) ; p = 0,0001. Les données de survie ne sont pas communiquées. Sur le même sujet, Gennari et al. (94) ont repris les études de prolongation de la chimiothérapie dans une méta-analyse chez 1 942 malades : le risque de décès est réduit de 8 % HR = 0,92, CI 0,84–1,00 ; p = 0,07. Cette étude souffre des mêmes critiques que celles adressées à la précédente méta-analyse de Coates.
414 Cancer du sein en situation métastatique
Au total, ces études ne viennent pas modifier les recommandations de 2007 sur la durée de la chimiothérapie : Patientes HER2(-) durée de la chimiothérapie : – pas de standard ; – option : accord d’experts : – chimiothérapie continue jusqu’à progression ; – arrêt de la chimiothérapie après obtention d’un bénéfice clinique optimal (4 à 6 mois minimum).
Thérapies ciblées dans le cancer du sein métastatique Trastuzumab L’efficacité du trastuzumab, pour les tumeurs HER2-3+ et/ou FISH/CISH positif, vient bouleverser les choix des chimiothérapies et des hormonothérapies et impose de distinguer des groupes de traitement selon les récepteurs hormonaux et HER2 (31). Une nouvelle détermination du statut HER2 au niveau d’un site métastatique pourrait être proposée en cas de maladie agressive et de tumeur primitive HER2 négatif (37, 90, 171, 187, 231). Un chapitre spécifique sur les nouvelles déterminations tissulaires des métastases est développé ailleurs dans les RPC 2009. Le schéma d’administration du trastuzumab a évolué au cours du temps, tout d’abord hebdomadaire (16, 50, 249, 251, 279), le schéma toutes les trois semaines est de plus en plus utilisé (15, 156, 200). La principale complication du Trastuzumab est l’insuffisance cardiaque observée en absence d’anthracycline associée, dans 1 % à 2 % des cas (251). En cas de récepteurs hormonaux positifs et de surexpression d’HER2, les critères habituels de choix entre une hormonothérapie et une chimiothérapie, associées au trastuzumab, n’ont pas été réabordés par une étude randomisée qui pourrait répondre à la question. Dans une phase III, l’association trastuzumab et anastrozole est supérieure à l’anastrozole seul (135). D’autres associations trastuzumab/hormonothérapie sont en cours d’étude. Le bénéfice du trastuzumab associé à une chimiothérapie en termes de taux de réponse, survie sans progression et survie globale a été démontré (93, 170, 251). La précocité de l’introduction du trastuzumab semble jouer un rôle dans la qualité du résultat (110, 170). Les schémas publiés d’association chimiothérapie/trastuzumab sont nombreux permettant de multiples choix. La séquence et le nombre idéal des associations à utiliser avec le trastuzumab ne sont pas connus. Le maintien continu du trastuzumab est une attitude courante et salutaire (étude Hermine) (34, 81, 124, 177, 185, 281). Il n’est pas certain que l’adjonction d’une troisième drogue à une bithérapie à base de trastuzumab soit utile (83, 223). Hormis les toxicités propres au trastuzumab, les toxicités rencontrées correspondent à celles des chimiothérapies associées. Il y a peu de cardiotoxicité pour les patientes naïves de chimiothé-
Cancer du sein métastatique 415 rapie à base d’anthracyclines. La nature des toxicités cardiaques liées aux anthracyclines et celles liées au trastuzumab est différente (80). L’association concomitante trastuzumab/anthracyclines (même liposomale) est toujours contre-indiquée par les données de l’AMM. L’utilité même du concept d’une telle association est très discutée (250). L’expression du récepteur HER2 est un facteur de survenue de métastases cérébrales (182, 192). Le trastuzumab, dont la pénétration cérébrale est faible, ne joue pas de rôle spécifique dans la survenue des métastases cérébrales (166). Même s’il est encore débattu, la survenue de métastases cérébrales ne semble pas être un argument pour arrêter la thérapeutique anti-HER2 dont le rôle principal est de contrôler la maladie systémique et de prolonger la survie (47, 65, 84, 177). En cas de progression sous trastuzumab, l’intérêt du maintien du trastuzumab associe´ à une autre chimiothérapie a éte´ exploré par des études observationnelles et par une étude comparative de phase III, impliquant 150 patientes environ et qui a montréun bénéfice dans ce maintien. Cette attitude a obtenu un PTT dans le dernier RBU consacré aux cancers du sein.
Lapatinib Parmi les autres thérapeutiques anti-HER2, le lapatinib, inhibiteur de tyrosine kinase de HER1 et HER2, est le plus avancé cliniquement. Seules les patientes HER2 FISH+ et/ou IHC3+ bénéficient du lapatinib (SSP, TR, bénéfice clinique) (209). En cas de progression sous trastuzumab, l’adjonction de lapatinib (1 250 mg/j en continu) à une nouvelle ligne de capecitabine (2 000 mg/m2 de J1 à J14) est supérieure à la capecitabine seule (passage de la survie sans récidive de 4,4 mois à 8,4 mois) (33, 95). L’association lapatinib/capecitabine a maintenant son AMM dans les cancers du sein métastatiques HER2 positifs après échec du trastuzumab. Les effets secondaires sont essentiellement de la diarrhée, des nausées, des vomissements, des rashs, un prurit et une fatigue. Une deuxième étude de phase III (EGF30001) a évalué, en première ligne de traitement, l’association lapatinib/paclitaxel, permettant de démontrer, chez les seules patientes HER2 positives, que la survie sans progression était améliorée par l’adjonction du lapatinib (8,7 mois vs 5,5 mois, p = 0,04). Le taux de réponse était également amélioré (63 % vs 37 %, p = 0,023) (69). L’efficacité du lapatinib seul est modeste sur les métastases cérébrales (160). Dans une phase III, l’association lapatinib et letrozole est supérieure au letrozole seul (130). L’association trastuzumab/lapatinib sera peut-être une voie de développement des thérapeutiques anti HER2 (190) mais son rôle devra être démontré avec ou sans chimiothérapie lors de phases III randomisées. Au total, en cas d’échappement au trastuzumab, deux attitudes s’offrent à nous : – maintien du trastuzumab et changement de la chimiothérapie. Cette attitude a éte´ démontrer par une étude de niveau 3 grade B ;
416 Cancer du sein en situation métastatique – changement de l’antiHER2 et de la chimiothérapie : lapatinib + capécitabine. Cette attitude a été démontrée par une étude de niveau 2 grade B. L’impact de ces deux études pour la pratique clinique est similaire, même si le niveau de preuve scientifique des deux études est différent du fait de l’arrêt précoce de l’étude von Minckwitz. Des études comparatives de ces deux attitudes sont en cours de réalisation.
Bevacizumab Le bevacizumab est un anticorps monoclonal humanisé qui bloque la liaison de toutes les iso-formes du VEGF humain sur les récepteurs du VEGF. Il n’y a pas de facteurs prédictifs de bénéfice lié au bevacizumab. L’association du bevacizumab à la capecitabine permet d’améliorer les taux de réponse mais pas la survie sans récidive (181). Le bevacizumab (10 mg/kg toutes les 2 semaines) associé au paclitaxel hebdomadaire a son AMM en première ligne métastatique. Cette association permet de doubler les taux de réponse (36,9 % vs 21,2 %) et la durée de survie sans progression (11,8 mois vs 5,9 mois) par rapport au paclitaxel seul (180). Les résultats de l’adjonction du bevacizumab au docétaxel (étude AVADO), paclitaxel liposomal, capacitabine et anthracyclines (RIBBON I) vont dans le même sens (179). L’utilité de l’emploi du bevacizumab au-delà de la première ligne métastatique doit être confirmée par des études randomisées. Les effets secondaires liés au bevacizumab sont de l’hypertension, une protéinurie, des hémorragies, des thromboses veineuses ou artérielles, des complications de cicatrisations, des perforations gastrointestinales et des insuffisances cardiaques.
Thérapies ciblées dans le cancer du sein métastatique : trastuzumab Le trastuzumab s’utilise seulement pour les cancers HER2 positifs (niveau 1, grade A) – Le schéma toutes les 3 semaines (8 mg/kg puis 6 mg/kg) est équivalent au schéma hebdomadaire (4 mg/kg puis 2 mg/kg) (niveau 3, grade C) – En cas d’indication de chimiothérapie le trastuzumab peut être associé en première ligne au docétaxel ou paclitaxel (niveau 1, grade A) En deuxième ligne à capécitabine (niveau 2, grade B) D’autres associations sont possibles (vinorelbine, gemcitabine, sels de platine) (niveau 3, grade C) Il est recommandé de ne pas associer le trastuzumab avec une anthracycline en dehors d’un essai thérapeutique (niveau 1, grade A) En cas d’indication d’hormonothérapie, le trastuzumab peut être associé à un inhibiteur de l’aromatase chez la femme ménopausée (anastrozole) (niveau 2, grade B) En cas de progression sous trastuzumab, la poursuite du trastuzumab est une pratique courante (niveau 3, grade B). (PTT)
Cancer du sein métastatique 417
Thérapies ciblées dans le cancer du sein métastatique : lapatinib HER2+ Le lapatinib, inhibiteur oral de tyrosine kinase anti-HER1 et anti-HER2, s’utilise seulement pour les cancers HER2 positifs (niveau 2, grade B) Après progression sous trastuzumab en association avec capecitabine (niveau 2, grade B). (AMM) En cas d’indication d’hormonothérapie le lapatinib peut être associé à un inhibiteur d’aromatase chez la femme ménopausée (létrozole) (niveau 2, grade B) Thérapies ciblées dans le cancer du sein métastatique : bevacizumab HER2Il n’y a pas de facteur prédictif connu pour l’utilisation du bevacizumab (accord d’experts) Le bevacizumab doit être associé à un taxane en première ligne métastatique : paclitaxel ou docétaxel (AMM) (niveau 1, grade A) Il peut être associé à une autre CT (capecitabine/anthracycline) en première ligne (niveau 3, grade B) Le bevacizumab peut être poursuivi en monothérapie d’entretien après un traitement de première ligne (niveau 4, grade C) L’utilité de l’emploi du bevacizumab au-delà de la première ligne n’est pas connue (accord d’experts) Thérapies ciblées dans le cancer du sein métastatique HER2 positif En cas d’indication d’hormonothérapie chez la femme ménopausée HER2+ un inhibiteur d’aromatase peut être associé à un anti-HER2 (niveau 1, grade A)
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Que faire après l’apparition d’un échappement clinique au trastuzumab prescrit en première ligne métastatique ? Place du lapatinib et des nouveaux anti-HER2 Avec quelles associations ? J.-M. Ferrero et J. Barrière
Introduction Facteur de mauvais pronostic lorsqu’il est surexprimé, HER2 est aussi un facteur majeur de prédiction de réponse au trastuzumab (Herceptin®), anticorps monoclonal (ACm) de sous-type IgG1 dirigé spécifiquement contre HER2. Lorsque le trastuzumab est associé à la chimiothérapie, et en particulier aux taxanes, trois études randomisées (1-3) ont montré un bénéfice en taux de réponse mais également en temps jusqu’à progression et en survie globale dans l’étude princeps de phase III avec une réduction de 20 % du risque de décès (1). Plusieurs essais de phase II non randomisés ont également montré que le trastuzumab pouvait être associé de manière efficace et bénéfique à d’autres cytotoxiques comme la vinorelbine, la capécitabine, les sels de platine, la gemcitabine et plus récemment aux antiaromatases (4, 5). Malgré tout, avec des taux de réponse d’environ 30 % en monothérapie et allant de 50 % à 75 % en association avec une chimiothérapie en 1re ligne métastatique, la durée médiane de réponse reste relativement courte allant de 7 à 12 mois, avec donc plus de la moitié des patientes récidivant dans l’année (4). Une meilleure connaissance des mécanismes d’action et de résistance au trastuzumab est donc primordiale, afin de comprendre les nouvelles approches visant à contourner cet échappement. C’est pourquoi nous débuterons cette revue par une synthèse des connaissances sur le sujet. Ensuite, nous envisagerons les diverses options qui se présentent actuellement au prescripteur après progression sous trastuzumab et une première ligne de chimiothérapie. La première option est de poursuivre le trastuzumab et de changer la molécule de chimiothérapie qui lui est associée. Cette attitude est discutée dans un autre chapitre et peut s’envisager dans les cas de progression tardive, ou dissociée par exemple. En revanche, en cas de progression précoce ou encore devant l’apparition de métastases cérébrales avec progression des autres sites métastatiques,
440 Cancer du sein en situation métastatique l’utilisation d’une autre molécule ciblant HER2 et HER1 (EGFR), le lapatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), en association à la capécitabine, est la seconde option qui s’inscrit dans le cadre de l’AMM. Enfin, afin de mieux aborder la troisième option qui consiste à proposer une participation à un essai clinique visant à préciser la tolérance et l’efficacité de nouvelles molécules ciblant diverses voies concourant à l’oncogénécité de HER2, nous dresserons un état des lieux des principales molécules dont le développement clinique est le plus avancé. Ce tour d’horizon sera utile, nous l’espérons, afin d’envisager les futurs enjeux et nombreuses stratégies, qui s’offriront bientôt à nous dans la prise en charge des cancers surexprimant HER2.
Mécanismes d’action et de résistance au trastuzumab : de nouvelles cibles et de nouvelles molécules… Généralités HER2 appartient à la famille des récepteurs de facteurs de croissance à activité tyrosine kinase intrinsèque de type I. Ces protéines transmembranaires se composent d’un domaine extramembranaire qui permet la liaison des ligands (sauf HER2), d’un domaine transmembranaire et d’un domaine intracellulaire à activité tyrosine kinase. Pour être activés, ces récepteurs doivent se dimériser entre eux (homo- ou hétérodimères tels que HER2/EGFR ou HER2/HER3). L’autophosphorylation, au niveau de sites spécifiques des domaines à activité tyrosine kinase de la partie intracytoplasmique du récepteur, provoque à son tour l’activation des voies de signalisation intracellulaires et notamment pour HER2 la voie PI3K/Akt/mTOR et la voie RAS/MAP kinase. De plus, la surexpression de HER2 dans la cellule tumorale est souvent associée à une augmentation de l’angiogenèse, probablement liée à la capacité de HER2 de moduler l’équilibre entre les facteurs pro et antiangiogéniques (6).
Mécanismes d’action du trastuzumab Les mécanismes d’action du trastuzumab ne sont pas complètement élucidés. Plusieurs modes d’action ont été proposés à partir d’études précliniques (7-10) mais leur part respective dans l’activité clinique du trastuzumab n’est pas élucidée : – la régulation négative de la synthèse du récepteur HER2 ; – l’inhibition du clivage de la partie extracellulaire du récepteur HER2 sous l’action de métalloprotéases, empêchant ainsi la formation d’un variant du récepteur HER2, la protéine p95 HER2, dépourvue de domaine extracellulaire, et qui possède une activité tyrosine kinase constitutionnellement active ;
Que faire après l’apparition d’un échappement clinique… 441 – l’inhibition de la dimérisation du récepteur et l’inhibition secondaire de la signalisation intracellulaire, par l’augmentation de la concentration cytosolique près de la membrane cellulaire de PTEN, protéine inhibitrice de la voie PI3K/Akt/mTOR, et l’induction de la formation de la protéine kinase cycline-dépendante inhibitrice p27Kip1 qui favorise ainsi l’entrée en apoptose et l’arrêt du cycle cellulaire ; – l’inhibition de l’angiogenèse ; – l’inhibition de la réparation de lésions induites par la chimiothérapie au niveau de l’ADN, qui explique en partie les synergies observées avec certaines molécules de chimiothérapie ; – l’induction de mécanismes immuns de type ADCC (antibody dependant-cellular cytotoxicity) ou cytotoxicité dépendante des anticorps médiée par le fragment Fc de l’anticorps qui se lie à des récepteurs activateurs (FcγR) situés à la surface de certaines cellules de l’immunité.
Mécanismes de résistance au trastuzumab Les mécanismes de résistance primaire ou secondaire au trastuzumab restent eux aussi mal connus même si plusieurs ont été proposés (7-10). – La formation d’hétérodimères avec d’autres récepteurs de la famille HER ou avec le récepteur à activité tyrosine kinase IGF-1R (insulin-like growth factor-1 receptor). Sur des modèles de lignées devenues résistantes au trastuzumab, il a été montré une surexpression de l’EGFR et de HER3 (11). D’autres travaux ont montré que, sur des lignées exprimant HER2 et IGF-1R, l’interaction HER2/IGF-1R aboutissait à la phosphorylation et donc à l’activation de l’oncogène, accompagnée d’une insensibilité au trastuzumab (12). Ces constatations ont abouti à l’utilisation sur ces lignées résistantes d’ITK ciblant HER2 et l’EGFR (le lapatinib, le canertinib ou CI-1033, le neratinib ou HKI-272, le BIBW2992) mais aussi d’ACm anti-HER2 tel que le pertuzumab. Celui-ci se fixe sur un site de liaison du domaine extracellulaire de HER2 différent de celui du trastuzumab et inhibe la formation des hétérodimères HER2/EGFR et HER2/HER3. De même, l’ertumaxomab, ACm bispécifique anti-HER2 et CD3 permet une stimulation du système immunitaire en plus d’un effet inhibiteur direct (4). Des inhibiteurs ciblant l’IGF-1R sont également en cours d’étude, soit sous forme d’ITK (NVP-AEW541), soit sous forme d’ACm (CP-751871). De manière intéressante, l’inhibition de cette voie aboutit dans les modèles précliniques à la restauration de l’efficacité du trastuzumab (13, 14). Ainsi, ce type de « résistance » réversible devra peut-être bientôt être différencié d’une résistance de novo, et sert de rationnel au maintien du trastuzumab après progression en association avec une autre molécule ciblant une voie oncogénique accessoire. – La perte de l’interaction entre le trastuzumab et son épitope. Le premier mécanisme est l’apparition de variants de HER2, dépourvus de la totalité ou d’une grande partie du domaine extracellulaire pour aboutir à une molécule constitutivement active nommée p95HER2. Il existerait quatre formes de ce variant de HER2 (15, 16), même si très peu de données sont actuellement disponibles sur les méca-
442 Cancer du sein en situation métastatique nismes d’échappement qui sont à leur origine. L’équipe de Scaltriti et al. a rapporté une perte d’efficacité du trastuzumab sur un échantillon de 46 patientes métastatiques avec une seule réponse parmi les neuf exprimant la protéine p95HER2 (17). Ces données n’ont jamais été confirmées, probablement en partie par la complexité de mise en évidence de la protéine tronquée. Notons que le lapatinib présente une efficacité antitumorale sur une lignée exprimant p95HER2 dans un modèle de xénogreffe (17). Le second mécanisme empêchant le trastuzumab d’accéder à son épitope est l’interaction entre HER2 et la protéine de membrane MUC4, de la famille des mucines (18). MUC4 possèderait également un domaine activateur qui, au contact de HER2, activerait le récepteur et jouerait donc un rôle dans l’oncogenèse d’HER2. À notre connaissance, aucune thérapie ciblant MUC4 n’est en cours de développement. Signalons enfin qu’aucune mutation somatique au niveau du domaine extracellulaire de HER2, pouvant altérer la fixation du trastuzumab à son épitope, n’a jusqu’ici été identifiée. – L’activation des voies de signalisation de signalisation en aval de HER2 : la principale voie de transduction du signal impliquée dans l’oncogenèse de HER2 semble être la voie PI3K/Akt/mTOR, dont certaines altérations peuvent être source de résistance au trastuzumab, en rendant la voie de signalisation indépendante de tout contrôle en amont de l’anomalie. – Mutations au niveau du domaine intracellulaire de HER2. De très rares mutations somatiques (<5 %) au niveau de la région du gène HER2 codant pour le domaine à activité tyrosine kinase ont été rapportées (19, 20) sans qu’aucun lien avec la réponse avec le trastuzumab n’ait pu être encore établi. – Mutations ou perte de la protéine PTEN. La protéine PTEN (phosphatase and tensin homolog) joue un rôle inhibiteur de la phosphorylation de la protéine PIP3, à la différence de la protéine PI3K qui phosphoryle sa forme inactive PIP2. La protéine PTEN possède donc un rôle de suppresseur d’oncogénécité de la cascade d’activation protumorale de la voie PI3K/Akt/mTOR. La perte d’expression de cette protéine (mutations du gène PTEN, perte d’hétérozygotie ou modulation négative épigénétique), dans des modèles in vivo de lignées tumorales surexprimant HER2, conduit à une inefficacité du trastuzumab (21). L’expression de PTEN par immunohistochimie (IHC) dans un groupe de 47 tumeurs HER2+ fut retrouvée dans environ 40 % des cas, avec un taux de réponse significativement plus faible au traitement par trastuzumab associé à un taxane (35,7 vs 66,7 %, p < 0,05). L’utilisation d’inhibiteurs de PI3K (21), ou d’inhibiteurs de mTOR (22), permet de rétablir une efficacité antitumorale sur ces lignées tumorales déficientes en PTEN. Le lapatinib a montré quant à lui une activité antitumorale sur des lignées PTEN négatives, probablement via l’inhibition de la voie oncogénique accessoire Kras/MAPK. Ceci permettrait d’envisager une personnalisation du traitement ciblé en fonction du profil d’expression de PTEN en IHC (23). La perte d’expression de PTEN comme facteur prédictif de mauvaise réponse au trastuzumab n’a cependant pas été confirmé par une autre équipe dont les résultats rétrospectifs sur 45 patientes ont récemment été publiés (24). Ainsi, la standardisation des techniques et la validation dans des essais prospectifs sont nécessaires avant que le statut d’expression de PTEN puisse guider la prescription des thérapeutiques anti-HER2.
Que faire après l’apparition d’un échappement clinique… 443 – Mutations de la protéine PI3K. Présentes dans environ 30 % des tumeurs du sein, les mutations de la protéine PI3K peuvent aboutir à une activation en aval de HER2 de la voie oncogénique Akt/mTOR (25). La réponse au trastuzumab serait alors diminuée (26). Des confirmations supplémentaires du rôle des ces mutations dans la résistance au trastuzumab sont encore nécessaires. Malgré les nombreuses voies de résistance décrites au trastuzumab, et à la différence des mutations de Kras qui régissent désormais la prescription du cetuximab dans la prise en charge des cancers colo-rectaux métastatiques, aucune d’entre elles ne s’intègre pour l’instant dans la personnalisation du traitement anti-HER2 et la surexpression de HER2 reste le seul facteur prédictif de réponse majeur au trastuzumab, qui reste la thérapie anti-HER2 de première ligne. Malgré tout, la compréhension de ces mécanismes de résistance a abouti au développement de nouvelles molécules qui possèdent une activité clinique manifeste et qui doivent désormais s’intégrer dans la prise en charge des patientes échappant à une première ligne de traitement par trastuzumab.
Place du lapatinib en 2e ligne métastatique Généralités Le lapatinib (Tykerb®) est une petite molécule appartenant au groupe des ITK. Elle a pour cible à la fois le récepteur à l’EGF (HER1) et HER2, en se liant de manière réversible au niveau d’un site de fixation de l’ATP au niveau du domaine à activité tyrosine kinase intracellulaire des récepteurs. Nous avons déjà abordé le rationnel préclinique de l’utilisation du lapatinib dans les tumeurs HER2 surexprimé avec une efficacité sur les lignées résistantes au trastuzumab, exprimant p95HER2 (17), mais aussi PTEN négatives (23). Son efficacité en monothérapie a été évaluée chez des patientes prétraitées avec des taux de réponse disparates allant de 1,4 % à 50 % (4), suggérant possiblement une perte d’efficacité en cas d’utilisation tardive dans l’histoire de la maladie. Généralement bien tolérées, les principales toxicités rapportées sont la diarrhée, les éruptions cutanées, la fatigue et les nausées. L’analyse de la toxicité cardiaque chez plus de 3 500 patients a montré que 1,7 % de ces patients avaient une diminution de la FEVG dont seulement 0,2 % était symptomatique (27). La dose généralement retenue est de 1 250 mg, en une prise à distance d’une heure des repas. Il convient de ne pas utiliser d’inducteurs ou d’inhibiteurs du CYP3A4, cytochrome essentiel impliqué dans le métabolisme du lapatinib.
Études randomisées de phase III en association avec une chimiothérapie L’étude pivot de phase III a comparé, de mars 2004 à novembre 2005, l’association lapatinib + capécitabine à la capécitabine seule chez des patientes porteuses d’un cancer du sein métastatique après échec d’une première ligne associant trastuzumab
444 Cancer du sein en situation métastatique et taxanes (28). Les données de l’analyse intermédiaire, après randomisation de 324 patientes sur 528 initialement prévues, ont été publiées en 2006 sur les conseils du comité de surveillance en raison d’une différence significative en termes de nombre d’événements attendus plus rapidement obtenue qu’initialement prévue. Les résultats préliminaires rapportèrent en effet une augmentation significative du temps jusqu’à progression (TP) médian, qui passait de 4,4 mois pour la chimiothérapie à 8,4 mois pour l’association (RR : 0,49; IC : 0,34-0,71 ; p < 0,001), sans différence cependant de survie globale (critère secondaire). Un cross-over avait cependant été proposé au décours de l’analyse intermédiaire aux patientes traitées par capécitabine seule pour des raisons éthiques. Les données actualisées avec 75 patientes de plus, publiées en 2008, ont confirmé une augmentation significative du TP médian, cependant moins marqué, qui passait de 4,3 mois pour la chimiothérapie à 6,2 mois pour l’association (RR : 0,57; IC : 0,43-0,77 ; p < 0,001), avec toujours une absence de différence de survie globale (RR : 0,78 ; IC : 0,55-1,12 ; p = 0,117) (29). Malgré cette absence de bénéfice, cette étude a permis à la molécule d’obtenir son AMM en 2e ligne métastatique et de devenir une nouvelle option chez les patientes réfractaires au trastuzumab. Des données d’une seconde étude de phase III ayant comparé en première ligne le paclitaxel en monothérapie à une association avec le lapatinib, indépendamment du statut HER2, n’ont retrouvé de différences significatives en termes de TP médian et de survie sans événement que dans le sous-groupe de patientes HER2+ (n = 86, 15 %), confirmant en partie l’efficacité clinique du lapatinib (30).
Stratégies d’utilisation Actuellement, cette stratégie de double changement de ligne après progression (thérapie anti-HER2 et chimiothérapie d’association) rentre directement en concurrence avec l’autre stratégie abordée dans un autre chapitre de poursuite du trastuzumab avec le changement uniquement de la molécule de chimiothérapie, sans qu’aucun essai actuel ne puisse répondre quant à la supériorité d’une stratégie par rapport à l’autre. Il semble cependant licite de privilégier l’utilisation du lapatinib précocement, tout au moins en cas de progression rapide sous trastuzumab signant une résistance primaire, sur la base des données cliniques actuellement publiées et sur l’argument supplémentaire, abordé plus haut, qu’une utilisation tardive du lapatinib réduirait les chances de réponse à la molécule (4). De plus, d’un point de vue beaucoup plus terre à terre, sa prescription à partir de la 3e ligne ne peut s’effectuer dans le cadre de l’AMM, privant ainsi les patientes d’une molécule potentiellement efficace.
Cas particulier des métastases cérébrales apparaissant sous trastuzumab Le lapatinib peut également s’envisager en cas d’apparition de métastases cérébrales sous trastuzumab, avec une propriété théorique inhérente à son faible poids moléculaire de pénétrer plus facilement la barrière hémato-encéphalique, et donc d’être
Que faire après l’apparition d’un échappement clinique… 445 potentiellement plus efficace que le trastuzumab. Ceci est malgré tout à nuancer en tenant compte de résultats précliniques qui suggèrent que le lapatinib pénètre peu à travers une barrière hémato-encéphalique intacte (31, 32) et d’une première étude pilote (NCI-6969) négative qui évalua son efficacité en monothérapie chez 39 patientes prétraitées par le trastuzumab avec seulement une réponse partielle (33). L’étude d’extension semble malgré tout plus encourageante, avec une partie des patientes traitées en association avec la capécitabine (34). Un essai de phase II évaluant l’efficacité de l’association est actuellement en cours (essai LANDSCAPE). Notons que la capécitabine a montré également une efficacité dans le traitement des métastases cérébrales de cancers du sein, prétraitées ou non (35), ce qui peut rendre compte en partie de l’efficacité clinique observée, en l’absence de bras contrôle.
Associations en cours d’étude Le lapatinib est en pleine phase de développement avec de nombreux essais d’association déjà publiés ou en cours de recrutement. – Association avec le trastuzumab. On dénombre actuellement un essai de phase I (36) et un essai de phase III (37) non encore publiés ayant testé l’efficacité et la tolérance de l’association du lapatinib et du trastuzumab. Ce dernier a randomisé 296 patientes lourdement prétraitées pour recevoir soit le lapatinib en monothérapie (1 500 mg par jour), soit en association avec le trastuzumab (dose de charge à 4 mg/kg puis 2 mg/kg hebdomadaires et lapatinib à 1 000 mg/j). La survie sans progression (SSP) médiane passa de 8,4 mois à 12 mois (RR : 0,77 ; IC 95 % : 0,61, n = 0,029) dans le bras de combinaison avec cependant aucune différence significative en termes de taux de réponse ou de survie globale. Un essai de phase III est actuellement en cours afin de déterminer l’impact de l’ajout du lapatinib à une chimiothérapie associant paclitaxel et trastuzumab (NCT00667251). Rappelons que les essais ALTTO et CHERLOB étudient cette association respectivement en situation adjuvante et néoadjuvante. – Association avec un antiangiogénique. Le lapatinib a été étudié en association avec le bevacizumab dans un essai de phase II dont les premiers résultats avaient porté sur 31 patientes, avec 3 réponses partielles et 10 stabilisations (38). La seconde analyse sur 52 patientes a rapporté une survie sans progression à 12 semaines de 69 % (39). Le pazopanib, une petite molécule inhibitrice du domaine tyrosine kinase du récepteurs au 1, 2 et 3 du VEGF, mais aussi de c-kit et de du récepteur au PDGF, a été testé chez des patientes métastatiques HER2+ avec le lapatinib versus lapatinib seul dans un essai randomisé de phase II en première ligne métastatique (40). Les résultats d’analyse intermédiaire chez 62 patientes montraient un taux de réponse objective encourageant de 44 % dans le bras de combinaison comparé à 30 % dans le bras lapatinib seul. Plus de diarrhée (63 vs 57 %), de nausée (22 vs 17 %) et d’élévations des transaminases (63 vs 33 %) et de la bilirubine (39 vs 21 %) ont été objectivées dans le bras d’association. Une diminution asymptomatique de la fraction d’éjection systolique a amené à l’arrêt du traite-
446 Cancer du sein en situation métastatique ment chez une patiente sous lapatinib seul, suggérant la bonne tolérance cardiaque de l’association.
Nouvelles molécules en cours d’étude Diverses stratégies d’association sont en cours : soit ces nouvelles molécules sont testées en monothérapie, soit en association avec une chimiothérapie, soit combinées au trastuzumab, réalisant alors ce que certains appellent une « thérapie totale » anti-HER2.
Pertuzumab Aussi appelé 2C4 ou Omnitarg®, il s’agit d’un ACm anti-HER2 dont l’épitope est différent de celui du trastuzumab, rendant possible leur association, sans encombrement stérique apparent (7). Le pertuzumab se fixe au niveau du site extracellulaire de dimérisation et empêcherait ainsi la formation d’hétérodimères HER2/EGFR et HER2/HER3 ou encore HER2/IGF-1R (41). Déjà étudié dans plusieurs phases II dans le traitement de cancers métastatiques de localisations diverses (cancers du sein HER2 négatifs, cancers pulmonaires, prostatiques et ovariens) avec des résultats intéressants, il a été utilisé dans deux phases II en monothérapie ou en association avec le trastuzumab chez des patientes métastatiques surexprimant HER2 ayant progressé sous trastuzumab. La première étude, dont les résultats ont été initialement présentés à l’ASCO 2007 puis publiés en 2008 (42), portait sur 11 patientes avec un taux de réponse objective de 18 % (deux réponses partielles) et un TP médian de 6 semaines. La seconde phase II était composée de trois cohortes successives : les deux premières étudièrent l’efficacité et la tolérance du pertuzumab en association avec le trastuzumab (43) sur 66 patientes, la troisième évalua ensuite l’efficacité du pertuzumab en monothérapie chez 29 patientes supplémentaires (44). Administré à une dose de charge de 840 mg puis de 420 mg toutes les 3 semaines avec des doses de trastuzumab habituelles, le taux de réponse a été de 24 % (16/66) avec 5 réponses complètes et 11 réponses partielles. L’étude d’extension avec le pertuzumab en monothérapie a rapporté uniquement 2 réponses partielles (7 %) tendant à privilégier la combinaison anti-HER2 (44). Le profil de tolérance est bon avec des toxicités habituelles des thérapies ciblant HER2 et EGFR (rash, diarrhée, asthénie) avec, toutefois, quelques cas de diminution de la fraction d’éjection systolique (1 grade 3) dans la première phase II non retrouvés dans la seconde étude.
Trastuzumab-DM1 Le trastuzumab-DM1 (T-DM1) associe une molécule de trastuzumab à un agent cytotoxique (la maytansine) qui, après fixation de l’anticorps sur la surface de la cellule tumorale surexprimant HER2, est délivré à l’intérieure de la cellule avec une
Que faire après l’apparition d’un échappement clinique… 447 action anti-microtubule. L’analyse finale de la phase II fut présentée au congrès de l’ASCO 2009 et portait sur 112 patientes lourdement prétraitées, avec un PS * 2 dans 80 % des cas (45). Le temps médian de suivi était de 4,4 mois. À la dose de 3,6 mg/kg toutes les 3 semaines, le taux de réponse objective confirmé par imagerie de suivi a été de 28 % avec une SSP médiane de 4,9 mois avec 26 patientes qui n’avaient pas encore progressé lors de l’analyse des résultats. Le profil de toxicité est bon avec comme effets secondaires de grade 4, trois épisodes de thrombopénie, deux états confusionnels, un épisode de dyspnée et une élévation des transaminases. Chez les patientes ayant progressé après une première ligne de chimiothérapie ayant comporté le trastuzumab, la molécule est cours d’étude dans une phase Ib/II en association avec le pertuzumab et dans une phase III en comparaison du lapatinib associé à la capécitabine (essai EMILIA).
Neratinib Aussi appelé HKI-272, le neratinib est un inhibiteur irréversible de tyrosine kinase ciblant l’EGFR, HER2 et HER4. Dans une étude de phase II, le neratinib a été administré à la dose de 240 mg per os quotidiennement en continu chez 66 patientes ayant progressé sous trastuzumab en phase métastatique (46). La SSP à 16 semaines (objectif principal de l’étude) était de 60 % avec un taux de réponse de 26 % et SSP médiane de 23 semaines. À noter qu’un groupe de patientes (n = 70) a été traité sans avoir reçu préalablement de trastuzumab. La SSP à 16 semaines était de 77 % avec un taux de réponse de 56 % et SSP médiane de 40 semaines. La principale toxicité observée a été une diarrhée dans plus de 90 % des cas ayant entrainé une réduction de dose chez 24 % des patientes. L’étude la plus récente a été présentée à l’ASCO 2009 chez 45 patientes métastatique en progression sous trastuzumab, la majorité ayant reçu plus de deux lignes de traitement (47). Il s’agissait d’une étude de phase I/II d’association avec le trastuzumab. Parmi les 33 patientes évaluables pour l’efficacité, la SSP à 16 semaines a été de 47 % avec SSP médiane de 19 semaines et un taux de réponse de 27 %. La diarrhée a été l’effet secondaire le plus fréquent chez plus de 90 % des patientes et de grade 3/4 de 13 %. Aucune toxicité cardiaque n’a été rapportée. Des résultats de tolérance et d’efficacité ont été également rapportés en association avec la vinorelbine et avec le paclitaxel.
Autres molécules anti-HER2 D’autres molécules ciblant des voies qui participent à l’oncogénicité de HER2, utilisées soit en monothérapie, soit en association avec le trastuzumab, soit avec une molécule de chimiothérapie, sont en cours d’étude. Nous avons déjà abordé les molécules ciblant l’IGF-1R et les inhibiteurs de mTOR. Ajoutons une nouvelle classe d’agents inhibant la protéine Hsp90 (heat shock protein-90), qui est une molécule dite « chaperonne », qui joue un rôle central dans la stabilité de la conformation tertiaire de HER2 et dans son turnover membranaire de en l’amenant jusqu’à la surface de la cellule. Son inhibition aboutit à l’internalisation et à la perte d’ex-
448 Cancer du sein en situation métastatique pression membranaire de HER2. Les inhibiteurs de Hsp90 favoriseraient l’internalisation des récepteurs HER2 membranaires par ubiquitinisation. L’un d’eux, la tanespimycine (17-AAG), a montré un taux de réponse de 24 % en association avec le trastuzumab et poursuit son développement (48).
Conclusion L’apparition du trastuzumab dans l’arsenal thérapeutique du cancer du sein métastatique a bouleversé la prise en charge des patients surexprimant HER2. Tous les thérapeutes suivent actuellement des patientes peut-être « guéries » par cette molécule ou du moins en très longue rémission. Néanmoins, grand nombre de patientes échappent encore à cette première ligne. La meilleure connaissance des mécanismes de résistance ou d’échappement au trastuzumab a permis et permettra la découverte de nouvelles molécules. Nul doute que ces nouvelles thérapies ciblées viendront très vite prendre leur place, à côté du trastuzumab, pour encore et toujours améliorer le pronostic de ces patientes.
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Que décider après apparition d’un échappement aux chimiothérapies actuelles de cancer du sein métastatique ? Nouvelles molécules ? Nouvelles associations ? Place et intérêt de la chimiothérapie métronomique* N. Dohollou
Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins, avec une incidence mondiale de 1 050 000 cas responsables de 400 000 décès. En France, en 2008, 54 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués, et 11 200 décès rapportés, ce taux de mortalité s’est stabilisé à partir des années 1990 et a diminué à partir des années 2000. Actuellement, vivent en France par an environ 45 000 femmes porteuses d’un cancer du sein métastatiques, la survie médiane s’est améliorée ces dix dernières années pour être actuellement de 30 à 36 mois, avec une survie à 5 ans de 5 à 10 % (1). Autant l’impact de la publication des guidelines en situation adjuvante a été démontré, à la fois en termes de prise en charge médicale et en termes d’économie de santé, autant nous manquons cruellement de recommandations en situation métastatique et encore plus après la 2e ligne de traitement (2, 3). Une série historique portant sur 250 patientes ayant eu un cancer du sein métastatique entre 1805 et 1933 montre qu’il y avait encore 4 % des patientes vivantes à 10 ans, alors que seule la radiothérapie existait, ceci doit nous faire nous interroger sur l’interprétation de certaines fins de courbe de survie présentées et souligne la difficulté à identifier un critère performant pour évaluer l’impact des traitements en phase métastatique (4). En première ligne métastatique, les taux de réponses aux anthracyclines et aux taxanes sont compris entre 30 et 70 % avec une durée de réponse comprise entre 6 et 10 mois (5). Après progression de la première ligne, les taux de réponse en monothérapie ou en association chutent entre 20 et 30 % avec une durée médiane de réponse inférieure à 6 mois. Dans cette population qui est devenue anthracyclines- et taxanes-résistante, seule la capécitabine est approuvée outre atlantique par la Food and Drug Administration (FDA) comme monochimiothérapie (6). * Le cancer HER2+ ne sera pas abordé, sujet traité par le Dr Ferrero dans la présentation précédente.
454 Cancer du sein en situation métastatique Une fois que la résistance aux anthracyclines, taxanes et capécitabine a été observée, il reste peu d’options, dans la littérature, il y a quelques études dans cette population avec l’irinotécan et le pemetrexed. Dans la phase II avec l’irinotécan, précisément réalisée dans cette population anthracycline, taxane et capécitabine résistante, il est rapporté un taux de réponse objective de 22 % et une maladie stable pour 41 % (7). Dans la même population, le taux de réponse objective avec le pemetrexed est de 8 % (8). En France, nous n’avons même pas à avoir ces interrogations car le référentiel de bon usage (RBU) ne permet pas l’utilisation des deux molécules : situation non acceptable (SNA), quoique nous pourrions utiliser la forme orale de l’irinotécan qui est d’ailleurs la forme utilisée dans l’étude publiée. La vinorelbine a aussi été testée dans des maladies résistantes mais moins réfractaires que dans les deux études précédentes. Une petite étude après échec des anthracyclines rapporte un taux de réponse objective de 16 %, mais aucune série sur des populations anthracyclines, taxanes et capécitabine résistantes n’a été publiée (9). Quatre petites séries évaluent la gemcitabine en monothérapie chez des patientes anthracyclines et taxanes résistantes, les taux de réponses varient entre 17 et 20 %, et une ne retrouve aucune réponse (10). En France, dans cette situation aussi, pas de possibilité de traitement car le RBU précise en association au paclitaxel chez des patientes ayant reçu une anthracycline. Il semble donc primordial d’envisager soit de nouveaux agents, soit d’utiliser des drogues dont nous disposons de façon différente, d’où le concept de chimiothérapie métronomique. La chimiothérapie conventionnelle traite le cancer soit en tuant directement les cellules, soit en inhibant la croissance des cellules en cycle. Le concept métronomique est comme une forme de chimiothérapie « dose-dense », mais pas dose intense, le résultat de cette stratégie est donc d’avoir une formulation moins toxique, et qui permet des associations avec des thérapeutiques ciblées et de pouvoir maintenir un traitement s’il est efficace sans être limité par la toxicité. Les débuts de cette chimiothérapie métronomique remontent au début des années 1990, basés sur l’hypothèse que l’effet anti-angiogénique de cette modalité thérapeutique pourrait vaincre la chimiorésistance (11). L’effet anti-angiogénique se faisant en diminuant les possibilités de réparation des cellules endothéliales, un autre mode d’action de cette chimiothérapie passerait aussi par les voies de l’apoptose. C’est Browder qui a mis en évidence que de petites doses de chimiothérapie (un tiers de dose maximale tolérée, chez la souris) avaient un effet sur l’angiogenèse et aussi une action antitumorale (12). Dans le cancer du sein, c’est Engelsman qui a publié la première étude évaluant le CMF selon deux modalités : – classique (oral) : - cyclophosphamide 100 mg/m2 oral j1-j14 : - méthotrexate 40 mg/m2 IV j1 et j8 ; - 5-FU 600 mg/m2 j1 et j8 ;
Que décider après apparition d’un échappement… 455 – IV : - cyclophosphamide 600 mg/m2 j1 et j8 ; - 5-FU et méthotrexate idem. Le schéma classique (oral) étant supérieur en taux de réponse et en survie (13). Le paclitaxel est une drogue active dans le cancer du sein que ce soit en première ligne mais aussi en rechute. Son efficacité et sa toxicité sont très liées au temps d’exposition à la drogue, dans les premières études publiées selon le schéma hebdomadaire Seidman rapporte un taux de réponse objective de 53 % avec 10 % de RC et 43 % de RP, et une médiane de réponse de 7,5 mois (14). Cette action sur l’angiogenèse a également été décrite pour les vinca-alcaloïdes (15) et le 5-FU. Ce sont les Italiens, et notamment l’équipe de Colleoni, qui ont le plus publié sur l’impact de la chimiothérapie métronomique dans le cancer du sein avancé et prétraité. Sur 153 patientes, taux de réponse objective de 19 % ; 15,7 % ont une maladie stable à 12 mois, 6 patientes ont une maladie contrôlée à 24 mois et une patiente est en vie à 63 mois après le diagnostique de métastases pulmonaires ; la chimiothérapie métronomique dans leur étude comportait : méthotrexate 2,5 mg par jour 2 fois/jour j1 et j2 et du cyclophosphamide à 50 mg/jour (16). Sur le plan biologique, les taux de VEGF sérique, chez les patientes répondeuses diminuaient de façon rapide, dès deux mois de traitement. Devant l’observation de ce phénomène, la même équipe a étudié l’adjonction du thalidomide à ce même protocole de chimiothérapie métronomique, ce qui n’a pas apporté de bénéfice mais de la toxicité (neurologique) (17). Des données précliniques montrent que la combinaison de chimiothérapie métronomique avec un anticorps anti-VEGFR2 augmente la réponse tumorale sans augmenter la toxicité (18). C’est l’équipe espagnole de Garcia-Säenz qui a publié récemment les résultats d’une phase II chez des patientes métastatiques prétraitées par anthracyclines et taxanes, recevant une chimiothérapie métronomique classique (cyclophosphamide po 50 mg/j, méthotrexate 1 mg/kg IV tous les 14 jours et bevacizumab 10 mg/kg IV tous les 14 jours). Le trastuzumab était associé pour les tumeurs HER2+ (10/24). Sur 22 patientes évaluables : – RP : 31,8 % ; – maladie stable plus de 24 semaines : 31,8 % ; – bénéfice clinique : 63 % ; – temps médian jusqu’à progression : 7,5 mois ; – survie globale : 13,6 mois. Cette association semble donc être efficace et peu toxique. Colleoni a, lui, modifié le schéma classique méthotrexate-cyclophosphamide pour le remplacer par l’association cyclophosphamide (50 mg/j)-capécitabine (500 mg × 3 /j) associé au bevacizumab (10 mg/kg/2 sem). Seulement 8 patientes sur 47 avaient reçu plus de deux lignes en phase métastatique, ceci peut donc expliquer les taux de réponse rapportés de plus de 48 %, avec un temps médian jusqu’à progression de 42 semaines. Une étude biologique associée a montré que plus les
456 Cancer du sein en situation métastatique patientes avaient un taux de cellules endothéliales circulantes important meilleure était la réponse. La chimiothérapie métronomique revient donc au goût du jour, certainement pour plusieurs raisons : en premier la facilité pour l’associer aux thérapeutiques ciblées et la seconde en raison de son coût très faible, et ce second argument en période d’économie de santé n’est pas des moindres. Il ne faudrait pas, néanmoins, que ce second argument prenne le pas sur notre réflexion médicale. Le manque d’études publiées sur les traitements après la seconde ligne en phase métastatique rend difficile la rédaction d’un thésaurus dans cette situation. La parution du RBU n’a pas non plus, à mon sens, facilité la prise en charge au quotidien des patientes qui ont toutes en moyenne plus de 4 ou 5 lignes de traitement, donc bien au-delà des première ou deuxième lignes qui représentent la majorité des AMM des anticancéreux, et nous avons vu précédemment que la participation à des essais thérapeutiques reste un vœu pieux car quelques essais de phase II existent après la seconde ligne, mais quasiment aucun de phase III (dans notre structure sur les dix années passées, nous avons participé à un seul essai de phase III dans cette indication : essai avec l’halichondrin-entre 2e et 5e ligne, dont nous attendons les résultats).
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Que décider après l’apparition d’un échappement aux anti-angiogéniques actuels prescrits aux cancers du sein métastatiques ? Nouveaux anti-angiogéniques ? Nouvelles associations : avec d’autres traitements ciblés ? Avec d’autres chimiothérapies ? I. Ray-Coquard, J.-P. Guastalla, T. Bachelot, O. Tredan, I. Labidi Gady et A. Duret
Dans le cancer du sein, l’apparition de métastases est signe d’incurabilité et relève d’un traitement médical dont deux modalités, l’hormonothérapie et la chimiothérapie, sont utilisées depuis des décennies et une, l’anti-angiogenèse, d’utilisation récente annonce les thérapies ciblées. L’efficacité des traitements disponibles constatée quotidiennement est temporaire, modeste individuellement mais somme toute bénéfique par leur diversité. Le choix du type de traitement est une décision complexe qui prend en compte l’état des malades (symptômes plus ou moins graves), les caractéristiques de la maladie (plus ou moins rapidement évolutive), les caractéristique biologiques tumorales (présence de récepteurs hormonaux, d’une surexpression d’HER-2, des traitements préalablement administrés…), la psychologie du médecin (plus ou moins sensible à l’efficacité présumée des traitements), les désirs des malades (vie socio-familiale plus ou moins prégnante), enfin les séquelles éventuelles des traitements préalables (fonction cardiaque, neuropathie, thromboses vasculaires, etc.) Les oncologues ont établi, à partir de leur expérience, des principes généraux : le meilleur traitement connu doit être proposé en premier, à efficacité égale le choix doit porter sur le traitement le moins toxique, les doses de chimiothérapie tiennent compte de l’état général des malades... Ils ont également établi à partir d’essais thérapeutiques des règles simples : pas d’indication d’hormonothérapie si les RH sont négatifs, pas d’intérêt à associer hormonothérapie et chimiothérapie, pas de trastuzumab en l’absence de surexpression d’HER-2, pas d’anthracyclines ni trastuzumab si mauvaise fonction cardiaque… Lorsque la maladie est hormonorésistante, le traitement repose sur la chimiothérapie. La chimiothérapie des phases avancées de cancer du sein se caractérise donc par la diversité des protocoles employés et l’utilisation de nouvelles molécules coûteuses posant le double problème du bénéfice pour les patients, et des conséquences financières pour les établissements de santé. Aussi, établir des règles de prise en charge en deuxième ligne métastatique est encore plus difficile du fait de l’hétérogénéité des traitements antérieurement reçu.
460 Cancer du sein en situation métastatique
Angiogenèse et famille VEGFR Pour se développer, tout cancer nécessite des processus de néovascularisation. Ces processus d’angiogenèse sont étudiés depuis les années 1960. Il a été démontré que l’activation de l’angiogenèse, processus qui s’apparente à l’angiogenèse des phénomènes inflammatoires chroniques, est indispensable à la progression tumorale et au développement des métastases. Les facteurs pro- et anti-angiogéniques sont nombreux mais le facteur proangiogénique le plus important est le VEGF-A. Les facteurs VEGF sont impliqués dans les mécanismes d’angiogenèse via les récepteurs VEGFR-1 et 2 mais aussi dans la formation des capillaires lymphatiques via les récepteurs VEGF-3, processus également important pour la dissémination métastatique. VEGF est souvent surexprimé dans les cellules tumorales et est associé à un pronostic défavorable, ce qui a été confirmé par de nombreuses études cliniques dans le cancer du sein que ce soit avec ganglions positifs ou négatifs. Des stratégies thérapeutiques anti-angiogenèse ont été développées. Des thérapies ciblées ont été développées comme par exemple le bévacizumab (Avastin®), anticorps monoclonal humanisé anti-VEGF-A. Son mécanisme d’action est lié à une inhibition de la cellule tumorale plutôt qu’à une activité antitumorale. En revanche, on ne connaît pas encore de facteur prédictif de réponse au bévacizumab permettant de mieux sélectionner la population ciblée.
Études en phase métastatique En phase métastatique avancée, le traitement en monothérapie a donné des taux de réponse de 10 % et des stabilisations dans 16 % des cas. On a défini un schéma posologique de 5 à 10 mg/kg tous les 15 jours. Deux études randomisées de phase III ont démontré une augmentation significative du taux de réponse et de la survie sans progression, en associant le bévacizumab à un taxane : dans l’étude E2100 (22), l’utilisation du bévacizumab (10 mg/kg à j1 et j15) en association avec le paclitaxel (90 mg/kg aux J 1, 8 et 15 tous les 28 jours) augmente la médiane de survie sans progression de 6 mois. Cette étude a permis l’approbation du bévacizumab dans le cancer du sein par la Food and Drug Administration (FDA) et la European Medicines Agency (EMEA). Ces résultats ont été confirmés par l’étude AVADO, associant le bévacizumab à un autre taxane, le docetaxel. Aujourd’hui, avec les résultats publiés en phase III, le traitement de référence en première ligne métastatique comporte pour les patientes HER2- une association de paclitaxel hebdomadaire ou de docetaxel plus bévacizumab en dehors de contre indications. Dans l’étude E 2100, seule la survie globale n’a pas été significativement meilleure pour le bras avec anti-angiogénique comparé au bras chimiothérapie seule alors que le taux de réponse et la survie sans rechute étaient clairement meilleurs, en faveur de l’association. Une des hypothèses pour expliquer ces résultats pourrait venir de l’utilisation d’anti-angiogénique en deuxième voire troisième ligne métastatique pour les patients du bras contrôle,
Que décider après l’apparition d’un échappement… 461 permettant d’améliorer le pronostic de ces patientes avec l’utilisation d’anti-angiogénique au-delà de la première ligne. Cette hypothèse non confirmée actuellement pose donc le problème de l’intérêt des anti-angiogénique au-delà de la première ligne et donc de leur maintien dans le traitement des patientes après échec de la première ligne. Aucune réponse claire ne peut être proposée aujourd’hui en l’absence d’études cliniques bien faites prouvant l’intérêt de poursuivre cet anti-angiogénique au-delà de la première ligne. En revanche, des éléments de réponse seront développés. Les arguments en faveur de la poursuite des anti-angiogéniques après échec de ceux-ci sont essentiellement précliniques (G. Klement, 2000 & 2002). Les mécanismes d’action du bévacizumab sont complexes et nombreux. En plus de l’activité anti-angiogénique propre, la vasoconstriction des vaisseaux, la normalisation des vaisseaux, des effets directs sur la cellule cancéreuse, l’augmentation possible des effets de la chimiothérapie et l’inhibition de la répression du VEGF des cellules dendritiques sont décrites. Cette liste d’effets collatéraux permet d’envisager le bévacizumab comme un sensibilisateur à la chimiothérapie au fur et à mesure des différentes lignes de traitements. La réponse complète ou partielle à la première ligne de chimiothérapie pourrait être un indicateur de cet effet. Ainsi, en normalisant les vaisseaux, le bévacizumab conduit à une redistribution du flux sanguin et une augmentation de la « livraison » de la chimiothérapie vers la tumeur ou les métastases. De même, Klement et al. ont montré que le blocage du VEGF peut sensibiliser à la chimiothérapie les cellules endothéliales aussi bien que les cellules tumorales. Ainsi, il est donc possible que changer le protocole de chimiothérapie permet d’exposer les cellules endothéliales à des stress génotypiques différents et donc que l’addition d’un anti VEGF à toutes chimiothérapies peut servir l’efficacité de la chimiothérapie tout au long des différentes lignes de chimiothérapie. Les arguments ne démontrant pas ces hypothèses sont essentiellement l’absence d’essais thérapeutiques bien faits permettant de le démontrer à l’échelle des patientes (et non des souris), en tenant compte cette fois-ci du bénéfice et de la toxicité des médicaments, ce qui n’est pas possible en situation préclinique. Il est important de noter que, pour l’instant, aucun essai dans aucune tumeur cancéreuse n’a encore prouvé ce concept, seule l’étude observationnelle BRITE dans le cancer du côlon montre un bénéfice en survie globale en faveur de cette poursuite de l’anti-angiogénique (mais essai non contrôlé). Dans le même esprit à échelle beaucoup plus modeste, l’étude de l’université d’Alabama rapportée à l’ASCO 2009 ne montrait aucun bénéfice à la poursuite du bevacizumab après une première ligne en association avec de la chimiothérapie dans le cancer de l’ovaire. D’autre part, aucun bénéfice n’a pu être mis en évidence dans le cancer du sein métastatique à l’utilisation du bévacizumab en association avec la capécitabine versus capécitabine seule. Les explications potentielles concernent le choix de la chimiothérapie mais aussi l’arrivée tardive de l’anti-angiogénique dans cette prise en charge des patientes (deux ou trois lignes de chimiothérapie antérieures). Ainsi, seul un essai randomisé bien conduit, qui prendra en compte le choix de la chimiothérapie première, la réponse au traitement initial, sa toxicité, la durée de la chimiothérapie et de la combinaison première, l’intervalle libre sans traitement
462 Cancer du sein en situation métastatique et l’intervalle libre sans anti-angiogénique, le sous-type histologique (triple négatif, ou non), le choix de la chimiothérapie à la rechute, etc. pourra nous aider à modifier nos standards actuels. Cette étude est actuellement en cours de négociation pour être réalisée en France. Ainsi, il existe peu de données pour répondre à cette question fondamentale, dont la réponse viendra encore une fois de l’inclusion de patients dans le cadre d’essais thérapeutiques bien conduits, dans lesquels les données cliniques pourront être corrélées aux données biologiques (pharmaco-génomique), permettant aussi de définir quel sous-groupe de patientes peut en bénéficier si cela n’est pas vrai pour toute la cohorte.
RBU et cancers du sein métastatiques P. Fumoleau
Pour retrouver les RBU, publiés sur le site de l’INCa : http://www.e-cancer.fr/soins/les-medicaments/ referentiels-de-bon-usage/cancers-du-sein