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TABLE Poème
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Articles et préfaces : 1. Mystérieux Objets Célestes - Introduction et conclusion (1958-1977) 2. Oui,...
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TABLE Poème
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Articles et préfaces : 1. Mystérieux Objets Célestes - Introduction et conclusion (1958-1977) 2. Oui, il y a un problème soucoupes volantes (Planète n° 10, 1963) 3. Les tribulations d’un chercheur parallèle (Planète n° 20, 1965) 4. L'idée d'une intelligence extraterrestre (Planète n° 23, 1965) 5. L’étrange cas du Professeur « X », une enquête d’A. Michel (1968) 6. Le problème de non-contact (The Humanoids, 1967, traduit 1974) 7. Les OVNIS et l'irrationnel (France Catholique, septembre 1972) 8. Préface à la BD de Lob & Gigi, Les Apparitions OVNI (1973) 9. Le principe de banalité (Mystérieuses soucoupes volantes, 1974) 10. Les OVNI renouvelleront la science (in J.-C. Bourret, La nouvelle vague des soucoupes volantes, 1974) 11. Soucoupes Volantes (France Catholique, janvier 1974) 12. Le Grand Dessein (Question De n° 7, 1975) 13. Vers une méta-logique (préface à Jacques Vallée, Le collège invisible, 1975) 14. On the true nature of the close proximity UFO sighting (Flying Saucer Review, 1975) 15. Mystérieux objets célestes (France Catholique, décembre 1977) 16. Les probabilités d'une vie universelle (Question De n° 22, 1978) 17. Métamorphose 18. OVNI : bizarre, j'ai dit bizarre (France Catholique, juillet 1978) 19. Requiem pour des chimères très anciennes (préface à Bertrand Méheust, Science-Fiction et Soucoupes Volantes, 1978) 20. L'espace silencieux (Question De n° 33, 1979)
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Interviews : 21. Interview d’Aimé Michel par François Toulet (juillet 1978) 22. Interview d’Aimé Michel (OVNI Présence n° 50, 1993)
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Articles sur Aimé Michel : 23. Bertrand Méheust sur Aimé Michel 24. Thibaud Canuti sur Aimé Michel 25. Redécouvrir Aimé Michel (France Catholique, mars 2009)
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POÈME Cette terre est belle où tu as vieilli. Elle fut pour toi comme le jardin où germe la fleur. La graine n’éclôt qu’en pourrissant dans le jardin. Tu te croyais perdu. Tu l’as traversé sans le savoir. Là où tu vas, tu ne cesseras de devenir plus que toimême, éternellement. Déjà, tu es plus que tu ne fus. Aime donc la vague qui te porte. Aime le rocher qui la brise. Aime les ténèbres où tu voyages et qui déjà t’ont conduit où tu es. Ces ténèbres t’aiment, puisqu’elles t’ont tiré des étoiles. Elles savent ce que tu ignores. Là où tu vas, depuis toujours elles t’attendent. Avant que tu ne fusses, elles sont. Et si c’est par la mort qu’elles te font, c’est que la mort est le chemin de la vie. Aimé Michel
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MYSTERIEUX OBJETS CELESTES (1958, 1966 et 1977, Robert Laffont)
Naissance d’un livre (pages 9-19) Ce livre, publié d’abord en 1958, est le premier récit détaillé d’une «vague » d’observations de ce qu’on appelait alors les Soucoupes volantes. On l’a souligné à propos d’autre chose, rien n’est obscur comme les commencements. Les premiers écrits chrétiens, d’abord répandus chez les esclaves, ont dû être feuilletés avec perplexité et bâillement par des Romains nourris de Platon, de Cicéron et d’Epicure, et qui, dans ces récits dont la portée leur échappait, ne purent reconnaître que lubies d’ignorants. La Soucoupe Volante a commencé avec plus d’éclat, mais seulement en apparence. Il est vrai que les trompettes des mass media en ont fait grand bruit dès le début de l’été 1947. Mais ce bruit était discordant et les histoires rapportées, en soi invraisemblables, avaient même origine que les miracles chrétiens diffusés parmi les classes incultes de l’Empire romain du ler siècle. C’étaient des témoignages. Il était question d’engins non humains, extraterrestres. On consulta les astronomes, qui haussèrent les épaules: venus d’autres étoiles, vraiment? Alors que le soleil (c’était ce qu’on croyait encore) est probablement la seule étoile entourée de planètes? Et venus comment? En usant de quelle énergie? Un simple calcul montrait l’inanité de l’hypothèse. Et même en passant sur ces fondamentales absurdités, comment imaginer sans rire qu’une race cosmique en avance sur la nôtre eût fait l’effort gigantesque de venir jusqu’à nous pour se borner à quelques furtives apparitions sous le nez d’un paysan ahuri, à quelques brèves manoeuvres dénuées de toute signification raisonnable, et disparaître ? Cela ne tenait pas debout. Les psychiatres confirmèrent qu’il était plus prometteur de chercher quelque nouvelle araignée au plafond d’un public arriéré en mal de superstitions de rechange. Jusqu’en 1954, aucun homme de science ne prit sur lui d’accorder une heure d’attention sérieuse à une rumeur si dérisoire, d’y appliquer l’effort d’une réflexion quelque peu approfondie.. Je crois que, de la même façon, les écrits chrétiens furent cent fois lus et rejetés avec mépris par les sages du premier
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siècle. Ce n’est pas sans motif que je reviens sur cette comparaison. Relisez quelques pages du Phédon, du De Divinatione, des Pensées de Marc Aurèle, puis, vous en étant imprégné, ayant de votre mieux effacé les quinze siècles suivants de votre mémoire, plongez-vous dans l’Apocalypse, dans une Epître de saint Paul. Vous tomberez des nues. Vous reconnaîtrez que rien dans votre culture (supposée gréco-romaine) ne vous prépare à prendre ces folies au sérieux. Vous n’irez pas jusqu’à vingt lignes. Bien avant, avec impatience, vous aurez repéré plusieurs indices sûrs, selon des critères ayant fait leurs preuves, que les pauvres auteurs de ces textes sont ignares et inconséquents. Et cependant ces pauvres textes annonçaient une révolution spirituelle. * Mais je dois expliquer dans quelles dispositions je me trouvais moi-même au moment où les semaines folles de l’automne 54 allaient lâcher leurs phantasmes sur l’Europe ahurie. Car si les événements de cette époque se trouvent, je peux le dire, avoir joué un rôle décisif sur la suite de l’Histoire avec un H, c’est, en partie au moins, parce qu’une combinaison de circonstances avait, au cours des quelques années précédentes, placé là où il fallait quelqu’unqui, sans le savoir, s’était depuis longtemps préparé à faire face à une telle situation. Cela a souvent été dit 1, et il n’ya pas de quoi en tirer vanité, car tout fut l’effet du hasard. En 1954, j’avais 35 ans. J’avais depuis onze ans quitté la Faculté avec une licence de philosophie, le cerveau littéralement lavé de toute philosophie par l’étude approfondie du maître sceptique grec Sextus Empiricus, dont un moment, encouragé par Mario Meunier, j’avais envisagé de traduire l’oeuvre. Sextus m’avait si bien écoeuré de toute philosophade que, mes yeux étant tombés par hasard, vers la fin de 1943, sur le programme d’un concours d’ingénieurs publié par la Radiodiffusion Française (alors dite Nationale), et remarquant que ce programme me convenait parfaitement (en vue de l’agrégation de philosophie, j’avais étudié quelques mathématiques et, pour mon plaisir, la théorie musicale et quelques instruments), je présentai le concours et me trouvai tout inopinément reçu, engagé, et presque aussitôt obligé de prendre le large (le maquis, mais ceci est une autre histoire). Réintégré à la Libération, mon travail, d’une technicité monotone, m’ennuya vite, et, sans quitter la Radiodiffusion, je me fis journaliste. Autre école de scepticisme, cette fois sur le tas. J’avais énormément lu pendant mon enfance et mes études. Soudain, je cessai. Albert Camus, que j’ai 1
The whole thing would have been lost to history if it hadn’t been for the painstaking and pioneering work of Aime Michel. (l’astronome américain J.A. Hynek, dans The Edge of Reality, Chicago 1975, p. 205).
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connu dès décembre 43, disait que le journalisme est une école de style : Et certes il apprend à savoir incontinent faire à volonté, avec la mort du Pape, trois lignes ou trois pages sous les diverses formes requises par la mise en pages. Mais il apprend surtout à se défier. De 1944 à 1953 ou 56, sauf des textes techniques et scientifiques, je ne lus rien. Mais vivant seul, je réfléchis beaucoup, notant tout, m’efforçant surtout de comprendre les structures de la science, si leur diversité formait encore un édifice, comme l’avait cru Auguste Comte, et si oui, à quoi il ressemblait. Je fréquentais beaucoup le Service de Documentation de la R.D.F., le meilleur de France pour le travail qui m’attendait. La presse française et étrangère y était quotidiennement analysée, découpée, collée, classée, fichée, sous un grand nombre d’entrées. C’est là qu’à partir de 1946 je commençai à remarquer les rumeurs en provenance de la Baltique sur de mystérieux « engins secrets» observés (selon les témoins) en Suède, Norvège, Allemagne du Nord, Danemark. On se souvenait de Peenemunde, des savants allemands disparus chez les Russes ou ailleurs. Il y avait du reste un très gros dossier Peenemunde au Service. Je remarquai, mais ne m’intéressai guère. Peut-être les Russes poursuivaient-ils les essais allemands. Plus probablement, Peenemunde suscitait-il chez les riverains des rêves à retardement. 1947. Incident du Mont Ramier et naissance officielle de la rumeur: les soucoupes volantes en Amérique. Je continue de suivre la presse, mais sans attacher à ce sujet une importance particulière. Je remarque la mauvaise qualité des témoignages et des déclarations, explications, allégations, réfutations. Rien de concret ne venant jamais, c’est Einstein qui me paraît le plus sensé: «Ces gens disent avoir vu quelque chose. Quoi. je n’en sais rien, et cela ne m’intéresse pas.» Toujours notant au jour le jour mes réflexions, je ne trouve pas trace de ces premiers faits dans mes carnets. Pas trace non plus de deux faits pourtant décisifs sur mon orientation ultérieure et donc sur les effets de celle-ci. En 1950 paraît le premier livre de Keyhoe, plaidoyer pour l’existence des O.V.N.I. et pour leur origine extraterrestre. Je le lus pour une raison oubliée, peut-être à la demande d’un ami éditeur, et ne notai rien. Mais je me rappelle l’effet qu’il me fit : je le trouvai mauvais comme peut l’être un plaidoyer raté, c’est-à-dire pire qu’un réquisitoire. Je me rappelle même avoir douté si sa forme de reportage n’était pas en réalité une manière particulière de fiction, et si Keyhoe n’inventait pas les personnages de I’U.S. Air Force qu’il nommait.
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Je ne notai pas davantage l’autre épisode où pourtant se joua la suite de ma vie: quelque temps après ma lecture de Keyhoe, la direction du Journal parlé me confia la réalisation d’un documentaire sur la Météorologie nationale. En quelle année? Je ne sais plus. Peut-être 1950. Pendant des semaines je me familiarisai avec les techniques de la Météo. Je me liai d’amitié avec plusieurs ingénieurs, spécialement avec Roger Clausse, alors sous-directeur. Je le retrouvais chaque matin avec ses cartes du temps et ses gradients. Nous bavardions. Un jour le livre de Keyhoe et les Soucoupes volantes vinrent sur le tapis. — Cela vous intéresse ? me dit-il, moitié ironique, moitié mystérieux. Alors que pensez-vous de ceci ? Et il me sortit un petit dossier intitulé Phénomènes inhabituels signalés par les stations. Je m’assis dans un coin, commençai à lire, et reçus l’un des chocs de ma vie. Cette fois, il ne s’agissait plus d’articles de presse, ni de livres douteux. Un peu partout, en Afrique Equatoriale, au Sahara, en Amérique du Nord, en France, et même sur une base militaire proche de Paris, des techniciens de l’observation atmosphérique décrivaient exactement ce que j’avais lu dans Keyhoe. Et non plus sur le ton mélodramatique des mauvais reportages, mais avec une froide indifférence : heure T.U., durée, variations de couleur, d’éclat, de diamètre angulaire, relevés de théodolite, état du ciel, hauteur du plafond, évolutions, noms et qualités des témoins. Je lus, je relus. Je ne m’écriai certes pas: «C’était donc vrai ! », car qu’est-ce qui était vrai? Ces gens, des techniciens, avaient indubitablement vu, comme disait Einstein, «quelque chose». Quoi ? Ils n’en savaient rien, mais pour moi l’affaire prenait un aspect nouveau. Il y avait bien une énigme des Soucoupes volantes, ce dont jusqu’alors j’avais douté. Compte tenu de ce que je voyais décrit là 2, l’énigme était de taille. Elle méritait une enquête approfondie. *
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Par exemple, l’affaire de Bocaranga, en Afrique Équatoriale, rapportée dans mon premier livre.
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Dans les jours qui suivirent, je ne pus détacher mon esprit de ce dossier, qui s’était gravé dans ma mémoire. Si pareilles choses se produisaient réellement dans le ciel, pensais-je, il n’était pas possible qu’elles ne fussent étudiées par quelqu’un: il devait exister à Paris quelqu’un, militaire ou homme de science, qui savait. Moi aussi, je voulais savoir. Je devais trouver ce quelqu’un. Ce ne fut pas très facile, et j’ai oublié combien de temps je cherchai cet homme « qui savait ». Bien que ma curiosité fût éveillée, j’étais loin encore de me douter que je venais de m’engager dans le travail de ma vie (en tout cas l’un d’entre eux). C’est pourquoi je suis incapable de rapporter ici l’exacte chronologie de mes premières recherches. De plus, j’étais encore bien plus éloigné d’imaginer les dimensions réelles du problème. Mes hypothèses n’avaient rien de révolutionnaires : il ne pouvait s’agir, pour moi, que d’engins secrets américains, ou russes, ou les deux, ou bien de phénomènes atmosphériques inconnus. (J’avais lu quelques articles scientifiques sur la foudre en boule, l’effet Corona, certains mirages bizarres, etc.). Cependant, en cherchant l’« homme qui savait », je trouvai d’autres rapports d’observation. Et frappant de porte en porte, je finis par découvrir, à la revue de l’Armée de l’Air Forces aériennes françaises, deux articles signés par des officiers d’aviation qui m’avaient précédé sur la piste. Le premier article, d’un capitaine Clérouin, était une étude de cas. L’autre, d’un lieutenant Plantier, proposait une explication spéculative de la soucoupevolante supposée être un engin. Des cas analysés, une spéculation : donc ces deux officiers qui se posaient des questions semblaient ne pas savoir ! Je ne pus le croire, surtout quand un autre officier aviateur m’eut dit que Clérouin commandait un Service de Renseignements de (‘Armée de l‘Air. Celui-là ne pouvait pas ne pas savoir ! C’est lui que je devais rencontrer et faire parler. J’avais une monnaie d’échange: mon propre dossier, déjà volumineux, de cas excellents et complètement inédits. J’ai raconté ailleurs ma première rencontre avec Clérouin dans le fond obscur d’un café, près de (‘Ecole Militaire. Rencontre à la fois décevante et infiniment excitante. Décevante : Clérouin ne savait réellement rien, Il était accompagné d’un civil du nom de Jean Latappy, porteur d’une grosse serviette. Après quelques vaines malices de part et d’autre, nous décidâmes de mettre cartes sur table. Il s’avéra alors que le premier chercheur historique en matière de
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Soucoupe volante n’était ni moi, ni Clérouin, ni Plantier, mais Latappy. II avait même une observation personnelle datant d’avant la guerre ! Son dossier était bien plus épais que le mien. Et surtout, il était truffé de réflexions sur le caractère fantastique du phénomène, caractère qui m’avait jusqu’alors complètement échappé, tant mes explications simplistes me paraissaient évidentes. Latappy, lui, savait bien, ayant trouvé Clérouin longtemps avant moi, que personne ne savait. II en avait tiré les conséquences avec une audace prophétique. J’espère qu’il aura gardé son gros dossier noir, qui doit rester comme le premier jalon de l’histoire des O.V.N.I. et reposer un jour dans les archives d’un Institut. Latappy, dessinateur de métier, est l’auteur des cartes qui illustrent ce livre. On remarquera que sa carte du 24 septembre est accompagnée d’une représentation symbolique des principaux types d’observation : il s’agit en réalité de la première tentative de classement des divers types de cas jamais faite par un chercheur, j’entends la première au monde. Tous les classements proposés depuis sortent de celui-là, y compris celui de Hynek. Rencontre excitante, ai-je écrit aussi, car, précisément, si même le responsable d’un Service de Renseignements de l’Armée de l’Air spéculait depuis longtemps avec son ami Latappy sur la nature des O.V.N.I., c’est que personne au monde ne savait de quoi il s’agissait. Clérouin balayait d’un geste et d’un éclat de rire l’hypothèse de l’arme secrète: «Secrète ! mais c’est du roman ! Je suis bien placé pour savoir qu’il n’y a plus de secret. C’est fini, le secret militaire, pour des affaires de cette envergure. Oubliez cette idée, vous dis-je. Je ne sais pas ce que c’est, et personne ne le sait. Voilà ce que vous devez bien comprendre.» * Désormais, nous étions trois à spéculer, chacun à sa façon. Clérouin avec un scepticisme à toute épreuve. Il avait lu mon dossier avec des hochements de tête désabusés : «Tout est possible, et tout le monde a raison », répétait-il, citant Fontenelle. «Non seulement nous ne savons rien, mais personne n’aura jamais rien de raisonnable à nous dire, il faut mettre tout cela au fond d’un placard et n’y plus penser.» Latappy, au contraire, avait dès cette époque pensé à peu près à tout, prévu même les développements les plus fantastiques, survenus depuis 3, fait les premières enquêtes approfondies sur les témoins rapprochés (cas du douanier Gachignard), et, retournant celles-ci dans tous les sens, soupçonné qu’il fallait se méfier de tout, même des témoins sincères, même des hasards
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Voir la Conclusion
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apparents, même de soi-même (de l’enquêteur). Je le suivais en renâclant, mais contraint par les faits. * En 1953, l’idée me vint tout à coup que, quoique ne sachant rien sur le fond, nous en savions cependant plus que ce que l’on en pouvait lire en français et en anglais. J’écrivis donc mon premier livre, qui parut au printemps 1954, et ne fut guère remarqué du public 4. Ce livre maintenant périmé (sauf pour quelques cas encore intéressants) eut cependant une conséquence extraordinaire sur la suite des événements. En effet, pendant le printemps et l’été 1954, tous ceux qui en France s’intéressaient sérieusement aux O.V.N.I. me lurent et m’écrivirent. Ils n’étaient pas nombreux, mais il s’en trouvait dans toute la France, Après coup, les circonstances semblent avoir été tramées, et ce, jusque dans le moindre détail. En particulier, me lurent et m’écrivirent exactement les hommes de science dont la compétence me manquait un astronome (Pierre Guérin, de l’institut d’astrophysique, avec qui depuis je n’ai plus cessé de collaborer), le plus éminent spécialiste français de l’étude du comportement (le professeur Rémy Chauvin, qui dirigeait alors un institut de la Recherche agronomique, par qui je connus aussi d’autres biologistes et des psychologues), un physicien non moins éminent, d’autres savants encore. Bref, finalement, tous les précédents épisodes de ma vie depuis mes études universitaires et même avant (s’il était question ici de raconter ma vie) aboutirent à ceci, qu’à la fin de l'été 1954 : 1. J’avais répandu sur toute la France, un réseau de correspondant sachant à qui communiquer tout incident venant à leur connaissance ; 2. J’étais intégré à un petit noyau d’amis aussi polyvalents qu’on pût le désirer ; 3. Je me trouvais, professionnellement, exactement là fallait pour savoir sur-le-champ ce qui s’imprimait dans la presse française et étrangère, pour connaître toute information écrite; outre l’Argus du Service de Documentation de la R.D.F., j’avais à ma disposition les services de toutes les grandes agences de presse (A.F.P., Reuter, U.P.I., A.P., etc.) ; 4. Ma curiosité était aiguisée au plus haut point, à la fois par le courrier de 4
.A. Michel, Lueurs sur les Soucoupes volantes (Marne, Paris 1954).
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mes correspondants, par les discussions quotidiennes que j’avais avec mes amis, et surtout par la nature même de l’énigme et des problèmes qu’elle posait : j'y retrouvais, sous une forme concrète, les questions que j'avais naguère tournées et retournées en méditant l’universelle réfutation de Sextus Empiricus, maître de scepticisrne, habile à montrer que l’on est toujours porté à croire plus qu’il ne faut, y compris sur la validité des explications et des réfutations dont la raison se sert en guise de tranquillisants. * Cependant, alors que s’écoulaient ces semaines de l’été 1954, à aucun moment je ne songeai que rien de particulier dût se produire bientôt. Nous savions déjà alors que la Soucoupe volante était une rumeur ancienne, qu’on en trouvait des traces dans de très vieux textes. Nous agitions parfois l'idée qu’il s’agissait d’une manifestation extra-terrestre, que peut-être les Autres, dont avait parlé Charles Fort, prendraient un jour contact avec l’humanité. Mais de tout cela nous doutions beaucoup et nous ne nous attendions à rien d’imminent. Nous nous y attendions si peu que quand, en septembre, le tonnerre éclata, nous ne le reconnûmes pas. Je pensai d’abord, et tous mes amis aussi, je crois, que les récits se multipliant soudain dans la presse ne correspondaient à rien, qu’ils sortaient de l’imagination des journalistes locaux. Mais je fis mes premières enquêtes directes, et alors tout changea je ne savais pas ce qu’avaient vu tous ces témoins, mais ils n’étaient ni fous, ni mythomanes, ni menteurs. * Ce livre est donc le récit de la vague de 1954. Il est aussi le premier récit détaillé d’une vague suivie jour après jour et souvent heure par heure. Après deux dizaines d’années, il reste même la description la plus typique et la plus compiète (le ce phénomène, qui depuis s’est reproduit bien souvent dans le monde, et qui (mais à l’époque nous l’ignorions) s’était déjà produit un nombre indéterminé de fois, à peu près identique. Nous connaissions le mot «vague » (wave), proposé par Ruppelt pour la série dense des observations américaines de 1952. Mais personne au monde ne soupçonnait la variété, le nombre, la diversité des faits allégués par les témoins d’une vague. On peut dire qu’après avoir lu ce livre, on connaît presque tout de cette diversité. Toutes les vagues se ressemblent, à quelques détails près, probablement dus aux petites variations de l’échantillonnage opéré par le hasard parmi les témoins, selon qu’ils parlent ou non. Il est vrai que les témoins actuels parlent plus volontiers, et que le soulagement de l’inhibition à parler se fait naturellement sentir du côté des cas les plus extraordinaires. En d’autres termes,
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ces cas, presque toujours tenus secrets en 1954, apparaissent plus facilement maintenant que l’opinion publique est plus habituée et plus tolérante. Selon l’expression consacrée, les hauts coefficients d’étrangeté ont moins tendance à rester cachés. Mais nous verrons que même en 1954, ces hauts coefficients apparurent parfois (voir les affaires de Prémanon et de Poncey, par exemple). * La vague passée, il me fallut plus de deux ans de réflexion et de travail pour oser en rendre compte. Le système d’enquête mis en place par le hasard et au centre duquel, par hasard aussi, je me trouvais, avait très bien marché. Mais ce que j’avais rassemblé dans mes dossiers présentait toutes les apparences, comme je l’écrivis alors, d’un « festival d’absurdités ». Comment publier cela sans passer pour fou ? Jean Cocteau m’y poussait avec chaleur, car quelqu’un dans son entourage immédiat avait été témoin d’un atterrissage marqué de toutes ces apparences d’absurdité qui m’effrayaient un peu. De même le général Chassin, commandant la Défense aérienne de l’O.T.A.N. dans le secteur Centre Europe. Lui aussi connaissait intimement un témoin qui avait vu de près l’impossible. Cependant, ce qui finalement me décida à franchir le pas, ce fut le sentiment que j’avais peut-être trouvé une méthode scientifique pour aborder même les cas les plus effarants. Cette méthode permettait pour la première fois une étude objective. Elle permettait le contrôle total de mes assertions. Je me jetai à l’eau en 1956-57. Le livre parut en 1958, d’abord en version américaine à New York, puis à Paris, à peu de mois d’intervalle. C’est lui que le lecteur retrouve ici pour la première fois dans son texte original, avec les cartes de Latappy et la préface du général Chassin. Ce lecteur, je l’invite donc à pénétrer dans le diabolique festival de ces semaines folles. Qu’il ne se retienne pas de s’arrêter parfois pour réfléchir et douter. Quelle que soit l’ultime vérité, elle reste à découvrir. Et tout nous avertit que le mystère de l’homme s’y trouve engagé.
[... suit la description, pp 29 à 265, jour après jour, de la vague de 1954 ...]
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Ombre et silence (pages 301-321) POMPONIUS MELA ET LE VENUSIEN. Certains chapiteaux romans, certains porches de cathédrales des Xll et XIlle siècles nous montrent d’étranges personnages : hommes sans tête et dont le torse nu porte deux yeux en guise de seins et une bouche en place de nombril, hommes à tête de chien évoquant des dieux égyptiens, hommes à grandes oreilles que l’on croit prêts à s’envoler comme le bébé éléphant de Walt Disney, hommes à une seule jambe, et d’autres encore : l’imagination, pour reprendre un mot de Pascal, se lassera plus tôt de concevoir que la sculpture médiévale de fournir. Et les guides, souvent ignares, de préciser devant les touristes que ces monstres étaient probablement des diables ou des pécheurs punis, tels que les concevaient les naïfs et ignorants sculpteurs de l’époque. Etaient-ils si ignorants, ces sculpteurs ? Non, Ils étaient même étonnamment érudits, Ils avaient tout lu. Et Dieu sait si l’on écrivait au Moyen Age, et si l’on avait le goût des oeuvres grandioses, comme ces sommes immenses d’Alexandre de Hales, d’Albert le Grand, de Guillaume d’Ockham, de Thomas d’Aquin. Mais alors, ces monstres, d’où venaient-ils ? Tout simplement de la géographie antique. Ils n’étaient ni des diables ni des damnés, mais bien des hommes : c’est en effet ainsi que les derniers géographes romains, comme le compilateur Pomponius Mela, avaient décrit les hommes des contrées lointaines: Afrique au sud du Sahara, Inde au-delà du Gange. etc. Mais ces géographes, de qui tenaient-ils le portrait d’êtres aussi baroques? Des voyageurs. De ceux qui étaient allés voir les contrées lointaines, ou qui du moins, disaient y être allés. Et comment reprocher aux géographes de les avoir crus ? A qui se fier, sinon aux seuls témoins supposés ? Les sculpteurs des cathédrales avaient donc lu Pomponius Mela et quelques autres. Et voulant représenter l’immense foule des hommes qui attendaient encore la prédication de l’Evangile, c’est chez ces géographes qu’ils en avaient pris la représentation. Et puis, aux XVe et XVle siècles, l’usage de la boussole s’étant répandu, on fit le tour de l’Afrique, on alla aux Indes, en Chine, au Japon. On découvrit un autre monde. Et les ragots de Pomponius Mela s’écroulèrent dans le ridicule. La même histoire s’est reproduite depuis 1947. Après la rencontre historique de Kenneth Arnold près du mont Rainier, on se mit une fois de plus à parler des autres mondes.
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Et une fois de plus, des gens qui se croyaient malins se targuèrent de décrire leurs habitants : ils étaient beaux, de type nordique, blonds, grands, avec des yeux bleus, et de surcroît «vénusiens ». Et aussitôt vint la surenchère. On était allé chez ces beaux étrangers. On avait visité et même conduit leurs engins. Et même, finit par dire quelqu’un : «Tenez, moi qui vous parle, confidentiellement, j’en suis un ! Peut-être m’aviez-vous pris pour un quelconque terrestre ? Pas du tout. Je viens de Vénus. » Ils se multiplièrent alors, vendirent des brochures, se firent héberger «sous le sceau du secret » donner de l'argent. Et cela finit comme on pouvait le prévoir : la prison pour escroquerie pour quelques-uns, la débandade et la fuite au Mexique ou ailleurs pour les autres. C’est une histoire à la fois triste et comique, et à laquelle il serait bon de mettre un point final et définitif. Certes, il est impossible de prouver qu’il n’y a jamais eu contact entre des hommes et des êtres d’un autre monde, pour la raison très simple qu’on ne peut jamais prouver l’inexistence de quoi que ce soit. L’inexistence de Jupiter et de Croquemitaine n’a jamais été et ne sera jamais démontrée. En revanche, il est facile de prouver que tous les contacts affirmés et pubilés jusqu’ici ne sont que monumentale et stupide escroquerie. Cette démonstration tient en une seule phrase : si quelqu’un avait eu un contact intellectuel avec des êtres supérieurs aux hommes, la preuve de ce contact serait pour lui un jeu d’enfant; or, tous ces prétendus contact-men ont essayé de prouver leurs dires, et leurs preuves ne prouvent rien ; leur prétention est donc mensongère. Supposez que quelqu’un vienne vous dire : «J’ai trouvé une montagne de diamants, j’en ai dans toutes mes poches, voici mes preuves », à quelles preuves vous attendriez-vous ? Sans doute qu’il sorte de sa poche une poignée de diamants. Et, en effet, c’est ce qu’il ferait sur-le-champ si sa montagne était réelle et s’il voulait le montrer sans contestation. Mais notre homme sort de sa poche des photos, des attestations d’autres témoins aussi incertains que lui, et un discours sur la vanité des richesses de ce monde. Vous lui faites remarquer que n’importe qui peut faire de telles photos avec quelques cartons peints ou des ustensiles de cuisine; que ces autres témoins devraient eux aussi avoir des diamants plein les poches, et qu’en ce qui concerne la vanité des richesses de ce monde et les bons conseils qu’il vous donne, vous êtes bien d’accord avec lui, mais qu’enfin vous ne lui demandiez rien, que c’est lui qui vous parle de cette montagne de diamants, et que vous êtes tout disposé à le croire pour peu qu’il vous montre un ou deux petits de ces merveilleux joyaux dont il a les poches bourrées. Notre homme alors s’échauffe, fouille dans sa poche et en sort d’autres photos, d’autres attestations, d’autres discours, conclut que si vous n’êtes pas disposé à lui faire crédit sur d’aussi bonnes preuves c’est que vous n’êtes qu’un
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pas grand-chose, et pour finir lâche sur vous la meute des fanatiques qui croient à sa montagne sans l’avoir jamais vue 5 . Mais trêve d’apologue. Vous êtes, monsieur, en relations avec les pilotes des Soucoupes Volantes ? Fort bien. Nul donc mieux que vous ne sait combien de science représente leur venue jusqu’ici. Puisque vous les connaissez si bien, dites-nous quelque chose de cette science. Apprenez- nous quelque chose que nous ne sachions pas : le remède du cancer, la démonstration du théorème de Fermat, la solution des dernières équations d’Einstein, n’importe quoi. Non seulement vous ne nous avez jamais rien appris, non seulement vos élucubrations trahissent une ignorance crasse de la vulgaire «petite science » humaine (et pourtant qui peut le plus, peut le moins), mais, pour comble, elles sont en contradiction avec le peu que l’on sait des Soucoupes Volantes. Vous êtes monté dans ces engins sans y remarquer ce que tout le monde a vu, même de loin: les tigelles multicolores, le dédoublement vertical, les modes de propagation, etc. Vos adeptes disent que tout cela ne vous intéresse pas, que vous voulez le bien des hommes, que vous êtes un esprit religieux. Mais on ne ment pas pour le bien des hommes; et si vous voulez fonder une religion, il existe un moyen bien plus simple que la rencontre des Vénusiens : c’est de vous faire clouer en croix et de ressusciter le troisième jour. LE MIEUX PASSE PAR LE MAL. Le moindre contact intellectuel avec des êtres nous dominant assez pour parcourir déjà les espaces sidéraux ou seulement planétaires aurait immédiatement fait exploser les fondements de notre culture, de notre morale, de nos religions, de même que l’arrivée des hommes dans une île peuplée uniquement d’animaux et de végétaux détruit en quelques années l’équilibre vital enfanté par les millénaires d’évolution concurrentielle des espèces. Si une telle explosion s’était produite, l’humanité et la Terre entière seraient dans un état de chaos dont aucune catastrophe historique ne donne une idée. Et cela, je pense, ne serait pas passé inaperçu. Sur Terre même le contact de deux cultures humaines de niveaux différents aboutit régulièrement au même résultat: l’écroulement et la mort rapide de la culture moins évoluée, Et cela, même en l’absence de toute hostilité. C’est une loi constante de la sociologie, et les exemples qui le montrent se rencontrent dès que l’on ouvre les yeux à ce qui se passe jusque dans nos pays civilisés. En Amérique comme en Angleterre et en France, la radio et la télévision ont détruit le folklore: comment un authentique berger du Nevada ou du Queyras aurait-il encore l’idée de composer des chansons, quand il est chaque jour abruti par celles que les professionnels instruits de tous les artifices 5
Tous ceux qui s’occupent de Soucoupes Volantes en s’en tenant aux faits prouvés ont leurs dossiers remplis des lettres d’injures de cette secte. Dieu merci, l’orthographe et le style en égaient la lecture.
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de fabrication lui serinent dans les oreilles par l’intermédiaire d’une technique supérieure à la sienne? Il n’ose plus avoir ne fût-ce que l’idée d’opposer ses nawes créations à de tels moyens. Et il est vrai que la radio ou la télévision nous montrent parfois des bergers compositeurs: mais leur accoutrement de circonstance ne trompe personne. De même, les guérisseurs de village disparaissent peu à peu devant la médecine, les vieilles voitures devant les neuves, les vieilles idées devant les idées nouvelles. C’est le progrès concurrentiel, caractère constant de la vie, qu’elle soit végétale, animale, ou spirituelle. Quand l’isthme de Panama est sorti de la mer, jetant un pont entre les deux Amériques, les espèces vivantes du Nord et du Sud sont entrées en concurrence. Les espèces du Nord étaient plus évoluées. Ce fut la catastrophe dans le Sud, où une foule d’espèces disparurent dans l’écroulement d’un équilibre vital pourtant établi sur des dizaines de millions d’années d’évolution. Supposons que l’humanité soit entrée en contact avec des êtres d’une culture correspondant à une avance de milliers d’années (et l’on n’a aucune raison de parler de milliers plutôt que de millions) sur notre culture et notre degré d’évolution, et que ces êtres hypothétiques, guidés par une moralité sublime, se soient abstenus à notre égard de tout ce que nous n’aurions pas manqué de faire à leur place. Que se serait-il passé ? Il est facile de voir que tous les mobiles d’action, toutes les impulsions du progrès humain auraient disparu d’un coup sans espoir de résurrection, en science, en morale, en religion. 1° En science, quel est le mobile premier ? La curiosité. Et il est vrai qu’une « conversation » avec un être immensément plus instruit que nous des secrets de la nature (si tant est qu’une telle conversation puisse s’établir, ce qui n’est pas sûr) serait d’abord passionnante. Il répondrait à nos questions comme un père à celles d’un enfant. Mais à quoi aboutirait une telle «conversation»? En science, on sait que chaque réponse à une question révèle vingt, cent questions plus embarrassantes que la première. Le plus infatigable des savants, après avoir posé pour la millionième fois la question : «Et après? » trouverait toujours un moment où il perdrait pied, et où le vertige et le désarroi succéderaient à l’enthousiasme. Car il n’y a pas un seul savant au monde qui ne sache maintenant qu’il n’existe pas de dernier secret de la nature : on peut toujours aller plus loin, et tout mystère résolu découvre un mystère plus grand. Toute la vie de la science est dans la recherche. Mais que devient la recherche le jour où l’on sait qu’il suffit d’interroger pour savoir ? La science humaine, tout admirable qu’elle est, serait brisée sans son élan, vidée de sa sève, et réduite à une touchante curiosité folklorique, comme les spéculations d’Archimède sur le nombre des grains de sable et des gouttes de la mer, comme les calculs d’Hipparque ou de Ptolémée sur les sphères planétaires. Tout cela était admirable en son temps, et digne encore d’admiration comme effort de
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l’esprit et du point de vue de l’histoire, mais tout cela est mort et ne sera jamais ressuscité. Et qu’on l’entende bien: il ne s’agit nullement de dire qu’une science supérieure puisse prouver la «fausseté» de la nôtre. Cette croyance, caressée comme une espèce de revanche par beaucoup de soucoupistes ou d’amateurs de faux miracles, est une pure illusion : la science ne fait jamais que se prolonger elle-même. Mais elle peut se prolonger indéfiniment, et cette certitude, exaltante quand on imagine un avenir purement planétaire de l’humanité, devient terrifiante quand on imagine des confrontations intersidérales, car elle nous oblige à prévoir des prolongements excédant de très loin les possibilités d’assimilation d’une vie humaine, et qui plongeraient nos génies les plus profonds et les plus encyclopédiques dans le même désarroi que celui d’un enfant de huit ans devant le tableau noir d’Einstein. On peut, avec un peu d’optimisme, supposer que l’humanité arriverait à rattraper ce retard au prix de quelques siècles d’efforts. Mais le progrès est en constante accélération, c’est une loi universellement constatée dans l’évolution de la vie depuis trois milliards d’années, et aussi dans l’histoire humaine, qui couronne provisoirement cette évolution. Cette hypothétique science supérieure aurait donc évolué plus vite encore pendant les siècles d’apprentissage humain, de sorte que sa supériorité sur nous aurait encore augmenté au bout de ce laps de temps. On peut le constater dans les rapports actuels des grandes nations entre elles : le décalage de leur évolution technique respective, loin de s’amenuiser avec le temps, augmente chaque année. L’Amérique et l’Union Soviétique sont de plus en plus en pointe, et les nations les plus arriérées, malgré leurs progrès constants, sont de plus en plus distancées. 2° En morale, le contact avec une morale supérieure serait encore plus catastrophique, et ceci n’est pas un vain paradoxe. Il ne s’agit pas ici de discuter les fondements métaphysiques de la morale, mais simplement de prendre conscience de réalités biologiques et historiques indiscutables. Biologiques : la paléontologie, science des êtres qui nous ont précédés sur la terre depuis l’origine de la vie, montre: — que ces êtres sont de plus en plus perfectionnés et d’un psychisme de plus en plus élevé à mesure que s’écoulent les trente millions de siècles d’histoire de la vie terrestre, — que ce progrès constant s’est accompli par une sélection systématique assurant le remplacement du faible par le fort et du moins doué par le plus doué. L’homo sapiens (c’est-à-dire nous) ne s’est établi d’un bout à l’autre de la planète qu’en supplantant les espèces humaines antérieures moins douées. Nous réprouvons cette extermination de fait, mais nous ne sommes au monde, et notre
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morale n’existe que par suite de l’extermination ininterrompue du moins doué depuis les origines de la vie. Si nos ancêtres n’avaient pas supplanté ces humanités inférieures dont les manuels de préhistoire nous montrent le faciès animal, jamais la morale qui inspire notre pitié pour leur défaite n’aurait pu voir le jour. Nous serions encore cannibales, et loups parmi les loups. 6 C’est là l’un des tragiques mystères de la vie qui semble n’aller vers le mieux qu’à travers le mal 7. Il semble malheureusement que cette loi de la paléontologie se prolonge dans l’histoire humaine. Tous les progrès matériels, culturels et techniques de l’Antiquité ont été acquis au prix de l’esclavage, pourtant condamné par des esprits comme Platon. Tous les progrès modernes de a démocratie et de la liberté sont jalonnés de guerres et de révolutions que la démocratie réprouve, mais qu’elle est obligée de mener, au prix de combien de sang et de larmes, contre les survivances du passé. Il a fallu à la France deux mille ans de guerres pour conquérir son actuelle douceur de vivre. Tous les peuples doués de vitalité ont une obscure conscience de cette loi, qu’ils traduisent par des lieux communs tels que: «La vie est un combat », Audaces fortuna juvat, Struggle for life, etc. Comment une morale supérieure pourrait-elle intervenir dans ce processus, qui semble évident, de la vie terrestre? Il suffit de jeter un coup d’oeil sur quelques aspects de notre présent combat pour le soupçonner. C’est un fait impossi- ble à nier que l’une des formes essentielles du progrès est actuellement une mainmise de plus en plus extensive de l’humanité sur les autres êtres vivants, animaux et végétaux. Sommes-nous certains qu’une morale supérieure approuverait la transformation quotidienne de millions d’animaux en boîtes de conserves, de forêts entières en papier et en produits divers, et en général le mépris total montré par les hommes à l’égard de tout psychisme non humain sous prétexte qu’il est infra-humain? Quel homme pense à la somme de souffrances quotidiennes que représente un abattoir? Cette question peut sembler burlesque. Comment voulez-vous, dira-t-on, que l’homme subsiste s’il ne mange pas, s’il ne se vêt pas ? Eh oui, et c’est bien là le drame! Au point actuel de sa technologie, l’homme est encore totalement et sans recours tributaire des lois antiques de la vie, qui sacrifient le faible au progrès du fort. Nous devons tuer ou mourir. Dans mille ou dix mille ans, peut-être serons-nous libérés de cette servitude. Mais pour arriver à ce mieux, nous devons survivre, et faire ce qu’il faut pour cela. Quand ils auront franchi ce fossé de sang, sans doute nos descendants penseront-ils aux abattoirs de La Villette et de Chicago 6
. Le racisme n’est donc pas seulement abject devant la morale, mais aussi, c’est bien connu, absurde devant la science, car tous les hommes actuels appartiennent à la même espèce Le lecteur qui voudrait approfondir ces réflexions peut lire Trois Milliards d’années de vie, par André de Cayeux (éditions Présence Planète). A. de Cayeux est professeur à la Sorbonne. 7
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avec la même horreur que nous inspire l’esclavage antique, qui nous a faits ce que nous sommes. Une masse infinie de souffrances sépare encore la vie terrestre de son plein épanouissement physique, spirituel et moral, et parce que nous voulons cet épanouissement, nous provoquerons cette souffrance. Là aussi le mieux passera par le mal. Et si quelque chose interrompait brusquement notre lutte au nom d’une morale dont les conditions n’existent pas encore sur notre planète, ce serait la fin de l’humanité. 3° Enfin, la même explosion totale devrait être prévue sur le plan religieux. Il suffit de voir combien les religions ont évolué depuis trois mille ans pour mesurer les conséquences d’un contact avec un psychisme en avance sur nous de seulement quelques millénaires. Que subsisterait-il de nos religions actuelles? Dieu seul le sait, c’est le cas de le dire. Nous entrevoyons ainsi le chaos qui naîtrait d’un contact extra-terrestre. Si tout cela s’était produit, on le saurait. Encore n’avons-nous envisagé que l’hypothèse d’un contact avec des êtres en avance sur nous sur une ligne d’évolution semblable. Cette hypothèse, la plus simple de toutes, est aussi la plus improbable. On peut même prévoir qu’elle est d’une impossible simplicité, et que la réalité est bien plus inconcevable encore. Nous arrivons ici au seuil d’idées déroutantes, et que nous devons pourtant examiner. OMBRE ET SILENCE. Les plus récentes acquisitions de l’astronomie donnent à penser que, contrairement aux opinions antérieures, c’est par milliards, et même par milliard de milliards que des planètes plus ou moins semblables à la Terre sont semées en poussière dans l’immensité de l’espace sidéral. D’autre part, les plus récentes théories sur l’origine et l’évolution de la vie nous suggèrent que celle-ci apparaît et évolue vers l’esprit pour ainsi dire automatiquement quand les conditions de son apparition existent. Pour reprendre une expression de Teilhard de Chardin la vie est une «dérive» aussi essentielle à l’«étoffe cosmique» que toutes les autres propriétés de la matière décelées de façon uniforme dans les laboratoires terrestres et dans les plus lointaines galaxies. La vie et la pensée, son aboutissement, seraient ainsi semées à travers l’infini de l’espace avec la même profusion que la matière elle-même. Ce fourmillement des étoiles sur nos têtes, ce serait donc en chaque point du ciel autant de luttes, autant de rêves, autant de joies que la terre en contient. Or, cinq cent mille ans à peine après son apparition, l’homme déjà s’apprête à envahir l’espace interplanétaire. Il faut donc en déduire, si la pensée (représentée à son sommet sur terre par l’homme) est l’aboutissement automatique de la vie, que tous les systèmes évolutifs plus avancés que l’homme
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ont déjà réalisé cette invasion en une infinité de points du ciel. Quels mondes nouveaux aurons-nous conquis ou visités à travers l’espace dans mille, dans cent mille ans ? Mais un nombre immense de civilisations ont déjà atteint et dépassé en d’autres mondes ce point inimaginable où nous en serons alors. C’est pourquoi la question essentielle à propos des Soucoupes Volantes n’est pas de savoir si elles existent, puisqu’il semble certain que l’esprit créateur de procédés de communication spatiale n’est pas un privilège terrestre, mais de savoir si elles ont visité notre planète, et si on les a vues. Et pour mieux dire, le mystère est, si on les a vues, qu’on les ait si peu vues. L’espace devrait grouiller d’engins comme la mer grouille de navires. La solitude (au moins apparente) de l’espèce humaine dans l’espace, qui épouvantait Pascal -— "le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie" - est peut-être la plus inquiétante de toutes les énigmes posées à notre esprit. Si l’on essaie d’envisager toutes les explications possibles à cette énigme, on n’a guère le choix qu’entre les hypothèses suivantes, que je donne dans l’ordre : 1° La vie terrestre est réellement la seule vie de l’univers. 2° De toutes les vies sidérales, la vie terrestre est la seule qui ait évolué jusqu’à l’esprit. 3° De toutes les vies ayant évolué jusqu’à l’esprit, il n’en existe aucune qui soit assez en avance sur l’humanité pour avoir envahi avant elle l’espace sidéral. 4° L’invasion de l’espace sidéral est limitée à un rayon d’action inférieur à la distance qui nous sépare du plus proche système biologique extra-terrestre. 5° Au cours des voyages sidéraux, le contact entre espèces d’origine différente est impossible. 6° Ce contact, quoique possible, est systématiquement ou provisoirement évité. 7° lI est secret. 8° Il est invisible, ce qui, nous le verrons, est tout à fait différent. - La première hypothèse (solitude absolue de la vie terrestre, qui serait un phénomène sans autre exemple d’un bout du ciel à l’autre) semble déjà démentie par les faits, puisque tous les astronomes sont actuellement d’accord pour reconnaître sur Mars la présence hautement probable d’une forme au moins élémentaire de la vie. C’est ainsi que l’astronome français Audoin Dollfus a
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montré que les plages sombres visibles à la surface de la planète sont recouvertes de petits granules opaques d’origine très vraisemblablement organique et possédant les mêmes propriétés optiques que certaines algues microscopiques terrestres. Plus récemment (1956), l’astronome américain William Sinton, de l’université de Harvard, a décelé dans le spectre infrarouge de Mars, vers la longueur d’onde 3,45 microns, la bande de la liaison chimique CH, caractéristique exclusive de toutes les molécules organiques terrestres, et en particulier de celles des végétaux. 8 Il existe donc une vie élémentaire sur Mars. Mais la vie subsiste-t-elle sans évoluer ? Sur terre, les espèces qui n’évoluent pas (dites panchroniques) sont l’exception... - La deuxième hypothèse (solitude absolue, non plus de la vie, mais de l’esprit) est incontrôlable. Tout ce qu’on peut dire, c’est que son allure anthropocentrique n’est guère satisfaisante. Jusqu’à présent, tous les progrès de la science ont marqué un recul des conceptions anthropocentriques. Personne d’ailleurs ne se risque plus à les soutenir. - La troisième hypothèse (aucune vie sidérale n’a dépassé le stade actuel de l’humanité) peut s’entendre de deux façons, soit que l’on suppose que l’humanité terrestre est à la pointe extrême de l’évolution sidérale, tous les autres systèmes biologiques étant en retard par rapport à nous (incontrôlable, et, comme ci-dessus, anthropocentrique) soit que, terrifiante supposition, la vie ne puisse jamais et d’aucune façon aller plus loin que l’homme, et que l’homme du XXe siècle. Cela revient à affirmer que l’aboutissement automatique de toute évolution est l’apocalypse et l’écroulement total trois mille ans après l’apparition de la science. La montée de la vie, puis de l’esprit, puis de la science, serait ainsi limitée vers le haut par un seuil infranchissable, et le fait que nous préparions actuellement les premières tentatives astronautiques avertirait que nous sommes précisément sur ce seuil de l’apocalypse, puisque tout dans cette hypothèse devrait s’écrouler avant la réussite de l’aventure astronautique. On voit où conduit une telle pensée : à l’idée que le progrès porterait en luimême sa propre destruction. La vie ne monterait si haut que pour se suicider. C’est là un rêve d’un grandiose pessimisme, et pour l’appréciation duquel nous ne disposons que de vagues idées morales. 8
Sky and Telescope, vol. XVI, n° 6, avril 1957, p. 275. Les expériences Mariner, contrairement à ce qu’en ont dit les journaux,ont bien confirmés l’existence sur Mars de plages sombres recouvrant de façon continue des surfaces hétérogènes du pointde vue physique, cequi est conforme à l’hypothèse d’un tapis végétal.
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- Sur la quatrième hypothèse (impossibilité ou limitation de l’aventure astronautique), la science actuelle ne jette encore aucune lumière. Pour beaucoup de savants, la conquête de l’espace par des êtres organisés serait éternellement bornée aux limites de chaque système solaire, car, disent-ils, les étoiles sont trop éloignées les unes des autres pour permettre à quelque technologie que ce soit d’aller d’une étoile à l’autre. Et il est vrai : a) que la théorie de la Relativité prouve qu’il faudrait une énergie infinie, donc irréalisable, pour communiquer à un corps quelconque une vitesse de 300 000 kilomètres à la seconde; b) qu’à raison de l00.000 kilomètres à la seconde "seulement", l’aller et retour du Soleil à l’étoile la plus proche prendrait un quart de siècle; c) et que par conséquent de telles entreprises excèdent la durée d’une vie humaine9. Ce qui frappe dans cette manière de voir, c’est l’énormité des problèmes qu’elle suppose résolus. Certes, la Relativité est une acquisition définitive de la science. Mais au nom de quoi peut-on affirmer qu’elle en est le dernier mot? De même que, sans les battre en brêche, la Relativité a réduit les théories newtoniennes à un cas particulier, ne doit-on pas prévoir que des systèmes plus généraux engloberont un jour la Relativité en un ensemble plus vaste, rendant possibles des phénomènes aussi inconcevables dans le cadre de la Relativité que les phénomènes relativistes sont inconcevables dans le cadre newtonien ? Un jour — c’est la foi de tout savant — les phénomènes de la vie et ceux de l’esprit par exemple seront rattachés au même système d’explication que ceux de la physique. Et comme le montrait Langevin dans son admirable préface à I’Evolution humaine10, cette suprême conquête de la science ne se fera pas sans bouleversement. D’autre part, que sait-on sur les limites temporelles de la vie ? Pour l’éphémère, qui vit quelques jours au plus, vingt-cinq ans, c’est l’éternité. Pour le séquoia, qui vit des dizaines de siècles, c’est peu. Que sait-on des limites tem porelles des autres systèmes organisés ? Rien. Et nous arrivons aux quatre dernières hypothèses, les plus intéressantes. LE CONTACT EST-IL IMPOSSIBLE ? Il s’agit ici, bien entendu, du contact intellectuel. Si un objet est supposé exister physiquement, cela signifie,
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Notons toutefois que, d’après la relativité restreinte, l’équipaged’un engin effectuant un semblable aller et retour à 100 000 kilomètres à la seconde,vieillirait de vingt-trois ans et sept mois environ, alors que sur Terre vingt-cinq ans se seraient écoulés. A 270 000 kilomètre à la seconde, il ne vieillirait plus que de dix ans et onze mois à peine, ce qui ouvre, peut-être, des perspectives.. (C’est l’exemple célèbre du "voyageur de Langevin". 10
Quillet, éditeur.
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par définition, qu’il peut être perçu de quelque manière par nos sens ou par nos instruments. Autrement, c’est qu’il n’existe pas physiquement. A première vue, l’impossibilité d’un contact intellectuel entre êtres doués d’intelligence paraît un paradoxe. « Qu’ils descendent jusqu’ici, ces extra-terrestres, qu’ils se montrent seulement, ai-je cent fois entendu dire. Nous apprendrons leur langage, ou eux le nôtre. S’ils ne parlent pas, nous nous écrirons. Hélène Adams Keller était aveugle, sourde, muette à l’âge de dix-neuf mois. Cela n’empêcha pas Anna Sullivan d’entrer en rapports avec sa conscience intérieure pourtant emprisonnée dans les ténè bres et le silence. Et Hélène Keller devint un être humain ouvert à toutes les subtilités de ce monde dont elle était coupée. Pourquoi serait-ce différent avec un être extra-terrestre ? » Pourquoi? Tout simplement parce qu’Hélène Keller était un être humain, d’un niveau psychique humain. Il existe ou il a existé sur la terre une infinité de niveaux psychiques depuis la bactérie (ou même, selon Teilhard de Chardin, depuis la particule) jusqu’à l’homme. Il y a un niveau humain, un niveau du chimpanzé, un niveau du rossignol, un niveau de la truite, et ainsi de suite jusqu’au néant ou à l’infime. Dans la jungle ou dans la forêt, où tous les animaux vivent en liberté selon les lois de l’équilibre vital, les chasseurs et les naturalistes savent bien qu’il existe un continuel échange d’informations entre animaux de même espèce et aussi entre espèces. Combien de fois, en montagne, ai-je entendu le coup de sifflet strident de la marmotte avertissant ses commères de mon arrivée, c’est-àdire du danger! Et souvent, une harde de chamois était elle aussi avertie par le même coup de sifflet, et détalait aussitôt. Ou bien c’était l’inverse. Ou encore, c’est un oiseau qui donnait le signal, repris par la marmotte, et compris par le chamois. Mais voici la première intervention d’un «niveau» : j’imite le cri de la marmotte, elle s’y trompe, me répond et, si elle ne me voit pas, engage une sorte de «conversation ». Mais que puis-je dire à une marmotte ? Evidemment, uniquement des «idées » de marmotte : «danger», ou bien : «je suis un mâle », etc. J’aurai beau affiner tant que je voudrai ma pratique du langage marmotte, jamais je n’arriverai à le charger, pour ma gentille interlocutrice, d’autres messages que ceux de son niveau. On ne peut expliquer en marmotte le théorème de Pythagore. En revanche, je pourrais, à la limite, connaître intégralement les «idées» de son niveau. C’est d’ailleurs ce que font les naturalistes.
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« Pourquoi ces Martiens ne nous parlent-ils pas ? me dit un jour l’entomologiste Jacques Lecomte 11. - Pourquoi n’êtes-vous jamais entré en contact intellectuel avec les vaches ? répliquai-je, croyant bien l’embarrasser. - Apprenez, me dit-il, que c’est chose faite : à condition de se donner la peine d’apprendre, un homme peut dire à une vache exactement tout ce qu’une vache peut dire à une autre vache. Le naturaliste autrichien Konrad Lorenz parle si bien oie sauvage qu’il peut faire manoeuvrer un vol d’oies aussi docilement qu’un adjudant ses recrues: les faire courir, s’envoler, se poser, etc. - Un vol d’oies non dressées, qu’il n’a jamais vues ? - Qu’il n’a jamais vues. - Mais, insistai-je, les oies sont des vertébrés, nos cousines en quelque sorte. Lorenz joue sur la parenté. - Erreur: il s’agit d’une loi générale. Un autre naturaliste est capable de faire la cour à un escargot, de lui conter fleurette. - E t ça réussit ? - Parfaitement, dit Jacques Lecomte. Nous pouvons entrer en rapports avec tous les êtres vivants à leur niveau, à condition que ce niveau soit inférieur au nôtre, ou plutôt que le nôtre les cumule. - Alors, si ces messieurs des Soucoupes, à supposer qu’ils existent, se mêlaient de nous «parler», ils devraient pouvoir ? - Je n’ai pas dit cela. Qui prouve qu’ils cumulent notre niveau humain ? L’aspect «cumulatif» du psychisme terrestre, qui fait que le niveau humain cumule le niveau du singe, celui du poisson, celui du batracien, etc., s’explique peut-être par le fait que nous procédons tous d’une même évolution, que pour être des hommes nous avons dû être des anthropoïdes, pour être des anthropoïdes quelque chose comme des lémuriens, et ainsi de suite depuis la bactérie. Le corps de l’homme résume tout le passé de la vie terrestre, et l’esprit de l’homme résume une bonne partie du passé psychique de cette vie. Mais l’un et l’autre ont ajouté au passé quelque chose qui fait que nous sommes plus que la somme de tout cela. Nous pouvons nous mettre au niveau de tout ce par quoi notre lignée est passée depuis l’origine de la vie terrestre. Mais un être procédant d’une autre lignée évolutive, que serait son psychisme ? Nous n’en savons rien. Cependant, personnellement, je serais porté à croire à une espèce d’universalité des niveaux psychiques. Dans tous les mondes, on passe peut-être par le niveau humain. - Et après ce niveau? Au-delà ? 11
Maître de recherche à Institut national de la recherche agronomique. Auteur de nombreux travaux sur les abeilles et l’apprentissage chez les insectes.
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- Après... Peut-on savoir ?» De cette conversation et de beaucoup d’autres, comme de la lecture des ouvrages les plus récents sur le psychisme animal et humain 12, on peut donc tirer avec vraisemblance l’opinion analogique qu’un psychisme supérieur au nôtre devrait pouvoir entrer en contact avec nous à notre niveau. Mais que penser du mouvement inverse ? L’homme peut-il espérer pénétrer un psychisme supérieur au sien, si l’occasion lui en est donnée ? Ici le raisonnement par analogie invite à répondre par la négative. L’abeille ne discerne pas qu’elle fait son miel pour l’homme parce que la ruche est le produit d’une industrie indiscernable aux yeux de l’abeille, et qu’elle ne distingue pas une ruche faite par l’homme de celle qu’elle fait elle-même. Elle ignore même l’existence de l’apiculteur. De même un chien ne discerne pas un pilier de cathédrale de n’importe quelle pierre, et la cathédrale de n’importe quelle caverne, car la différence entre ces choses s’établit à un niveau psychique qui lui est inaccessible. Et si l’on réserve peut-être le mystère de l’amour, le chien ne «comprend» en nous que ce qui en nous est chien. S’il en était ainsi de nos rapports avec des êtres d’un psychisme supérieur au nôtre, nous ne discernerions, dans leur comportement, que les réalités de notre niveau. Par exemple des lignes géométriques. Mais l’incompréhensible en eux aurait ceci de particulier qu’il serait indéfinissable en langage humain. Nous sommes ici au seuil du vertige. Arrêtons-nous-y pour l’instant. LE CONTACT EST-IL EVITE ? C’est la sixième hypothèse. Du point de vue de la morale humaine, on peut imaginer un mobile à cette abstention hypothétique: c’est la connaissance qu’auraient ces êtres des catastrophes engendrées par un contact, et que nous avons entrevues plus haut. LE CONTACT EST-IL SECRET ? Par définition, on n’en peut rien savoir. LE CONTACT EST-IL REEL, MAIS INVISIBLE ? Dernière hypothèse, la plus fascinante de toutes. Car à cette question on est obligé de répondre un tel contact n’est pas impossible. Si, en effet, le contact entre eux et nous s’établit à leur niveau, et non au nôtre, il est et demeurera, quoi que nous fassions, indiscernable à nos yeux. Ici encore, le raisonnement analogique nous permet de nous faire une idée de cette chose inconcevable. La plupart de nos rapports avec les bêtes sont rigoureusement et définitivement indiscernables 12
Voir par exemple Vie et moeurs des insectes, par le professeur Rémy Chauvin, Payot, édit., Paris. De l’animal à l’homme, par Jacques Lecornte, Mame, édit., Paris.
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pour elles. Les moutons ne sauront jamais qu’on les élève pour leur prendre leur laine et les manger. Un troupeau de moutons pourra vivre et se reproduire pendant des siècles auprès d’un abattoir, voir chaque jour le boucher, assister au prélèvement quotidien des victimes et entendre leurs cris d’agonie sans jamais soupçonner le sens de tout cela. Les chiens ne savent pas et ne peuvent pas savoir qu’on les piquera quand ils seront vieux, car ils ne peuvent savoir ce que c’est que d’être d’un autre âge, ou même concevoir l’idée d’âge. Toutes les «connaissances» portées par le jappement et le bêlement s’arrêtent à des millions de lieues de telles conceptions, ou plutôt, puisqu’il s’agit d’évolution, des millions d’années avant. Nous manoeuvrons les bêtes notamment par notre sens du temps, qu’elles n’ont pas. Elles pourront cohabiter avec nous jusqu’à la fin des âges sans soupçonner jamais que leur destin s’est constamment joué dans des régions indiscernables pour elles, quoique leurs yeux n’aient jamais cessé de les voir. Et disons-nous bien ceci : il y a quelques millions d’années, notre propre lignée à nous hommes, les propres ancêtres de Platon, de Newton, d’Einstein, en était exactement au même point que les chiens et les moutons. Où en sera-t-elle, cette lignée pour le moment humaine, dans quelques millions d’années ? Y a-t-il une limite supérieure à la montée du psychisme? Pourquoi le croirions-nous, et pourquoi croirions-nous, si ce sommet existe, que nous l’avons atteint ? Dès lors, la réponse à la question : «Pourquoi n’y a-t-il pas de visiteurs de l’espace? » est peut-être celle-ci, tout simplement: il n’y en a pas parce que nos yeux seuls les voient, et pas notre esprit, qui ne peut pas. Leur absence pourrait n’être qu’apparente. La souris qui ronge nos vieux bouquins voit physiquement, avec ses yeux, tout ce que nous voyons. Elle le voit, mais ne peut le discerner. La forme des lettres se projette au fond de sa rétine, mais elle ne saura jamais les lire. Du spectacle humain, elle ne voit que ce qui est souris et peut-être trouverat-elle ce livre meilleur que ceux de mon adversaire et ami Jacques Bergier. A la vérité, si les souris ont vu et rongé la plupart des livres de la littérature universelle, elles n’en ont jamais dis- cerné un seul, car ce qui fait qu’un livre est un livre est à jamais caché à leur vue. Quelque jour, un savant écrira un mémoire prouvant qu’il faut exterminer toutes les souris et indiquant un moyen de le faire en appuyant sur un bouton. Puis il ira se coucher. Une souris alors viendra trotter sur le bureau du savant, goûtera le mémoire, le trouvera mauvais et s’en ira grignoter autre chose. Trois jours après, il n’y aura plus de souris. Ainsi en est-il de notre vision de l’univers : nous discernons tout ce qui, dans le spectacle quotidien des choses, est accessible à notre pensée. Et si quelque être sidéral d’un psychisme supra-humain hante notre ciel, nous sommes aussi impuissants à discerner son activité et à analyser ses mobiles qu’une souris à lire les mémoires scientifiques. Repérer les alignements, c’est-à-dire des apparences conformes à la nourriture habituelle de notre esprit et à son niveau
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d’assimilation, c’est peut-être faire comme la souris, qui ne reconnaît dans un livre que ce qui est à son niveau, c’est-à-dire s’il est ou non agréable à ronger... Est-il possible de pousser plus loin encore ces raisonnements analogiques? Oui, sans doute, à condition de se rappeler les limites de ce genre de raisonnement, qui ne peut en aucun cas fonder une certitude. L’extrapolation analogique est la plus aventureuse de toutes, et jusqu’à nouvel ordre Des souris et des hommes n’est qu’un roman. Mais enfin, s’il est vrai que la science de demain ne transformera en certitude qu’une sur mille de nos hypothèses d’aujourd’hui, inversement, toutes nos certitudes actuelles ont commencé par être des hypothèses. Les réalités les plus sûres furent d’abord rêvées : ne refusons donc pas de rêver, sans oublier que nous rêvons. Et voici, en questions et réponses, un rêve que nos connaissances actuelles rendent tout à fait vraisemblable : — La biologie nous permet-elle de croire qu’à tout phénomène dit «psychique » correspond un phénomène physique bien déterminé ? Autrement dit, qu’à toute pensée humaine, si fugitive, si subtile et si abstraite soit-elle, correspond une modification de l’encéphale (influx nerveux, mise en série ou en parallèle des neurones, infimes phénomènes chimiques ou électriques, etc.)? Oui, la biologie permet de croire cela. Et même il n’existe plus aucun savant pour supposer le contraire. C’est là, peut-on dire, une certitude de la science. — Notre technologie actuelle nous permet-elle d’espérer que tout phénomène physique pourra un jour ou l’autre être étudié et analysé expérimentalement ? Oui encore. C’est même là l’article de foi numéro un de tous les savants du monde. De ces deux questions, et de leurs réponses, on doit donc déduire qu’il sera possible un jour ou l’autre, grâce au progrès de la science, d’enregistrer expérimentalement toutes les variations concomitantes de la pensée, aussi abstraite, subtile et fugitive soit-elle. Ce n’est pas là une certitude, mais enfin c’est une foi très raisonnable. En tout cas, si jamais on y parvient, il suffira d’un peu de patience pour déchiffrer dans des enregistrements expérimentaux toute espèce de pensée et recueillir toute l’information contenue dans cette pensée. Supposons alors qu’une technologie disposant de telles possibilités se promène dans l’espace sidéral: comment prendrait-elle contact avec la pensée d’une planète nouvelle ? La science-fiction l’imagine fort bien : une armada d’« enregistreurs de pensée » arrive sur cette planète, parcourt en long et en large un périmètre choisi, et ratisse en un clin d’oeil, ou en quelques mois, toute la pensée répartie dans ce périmètre ! Pourquoi les animateurs de cette fantastique moisson prendraient-ils un contact personnel avec les hommes, par exemple ? A
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quoi bon? Nous serions aussi nus dans leurs machines qu’un croyant devant son Dieu. Ils nous connaîtraient mieux que nous-mêmes, puisque nous poursuivons en vain, notre vie durant, le rêve de savoir qui nous sommes, ou ce qui s’agite au fond de l’être le plus aimé, le mieux connu. Tandis que j’écris ces lignes, le soir tombe sur Paris. Peut-être rien de tout cela n’est-il vrai, mais de tels rêves ne sont pas frivoles : ciel aux secrets innombrables où l’avenir peut-être accueillera notre espèce, premières étoiles pointant sur les toits de la ville, je les regarde avec respect. Quelques points scintillants qu’un nuage parfois efface, qu’est-ce pour nos yeux ? Mais, pour notre solitude, peut-être un regard. MAI 1966 : CONCLUSION PROVISOIRE. Nos yeux seuls les voient, et pas notre esprit, qui ne peut pas... Quand ces lignes, il y a neuf ans, le sens que je leur trouve maintenant n’avait jamais encore traversé ma pensée. C’est qu’une foule de raisonnements qui nous sont devenus familiers n’avaient pas encore été formulés clairement, qu’une longue route était devant nous et que nous en avons franchi une partie. Comme ils étaient simples, pourtant, certains de ces raisonnements que nous n’avions pas encore faits ! Celui-ci, par exemple : Puisque une foule d’étoiles sont immensément plus vieilles que le Soleil; puisque, selon les estimations acceptées par la plupart des astronomes (voir les chiffres donnés par Hoyle dans son Astronomie parue aux éditions du PontRoyal), quatre-vingt-dix-huit pour cent des étoiles ont des planètes ; puisque donc, il existe dans l’espace galactique des nuées de planètes où la vie évolue depuis plus longtemps que sur la Terre; pour toutes ces raisons (et ici les conséquences découlent les unes des autres) : 1° le contact doit exister entre toutes les «civilisations» sidérales ayant dépassé un certain niveau, si ce contact est possible — et qu’est-ce qui est impossible? 2° à moins que l’univers soit un jour sorti du néant comme l’enseignèrent les anciennes théologies, il évolue depuis toujours et, par conséquent, le contact existe lui aussi depuis toujours; 3° il existe donc un milieu psychique cosmique aussi ancien que l’univers matériel, survivant à toutes les métamorphoses de celui-ci si c’est possible — et là encore, qu’est-ce qui est impossible?
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4° mais un milieu aussi ancien que l’univers évoluant depuis un temps infini, qu’est-ce donc exactement ? Que peut-on dire, supputer ou spéculer de son action sur ce monde que nos yeux voient et sur ce que pense notre esprit? Poursuivra qui voudra. Ces quelques idées à peine esquissées montrent, me semble-t-il, que les questions posées par l’observation d’une activité intelligente inconnue dans l’espace aérien et sur le sol terrestre aboutissent à reposer par le biais de la science d’une façon inattendue, objective, matérielle, certains problèmes aussi anciens que l’homme. Il serait présomptueux d’aller plus loin. Mais quand on pense à tout cela et à ce qui s’ouvre devant nous au début de l’ère spatiale, on se prend à dire qu’après tout il n’était peut-être pas si fou, le rêve de Renan et des scientistes du siècle dernier en préparant les conditions techniques du contact avec la pensée cosmique, peut-être est-il vrai, comme ils l’avaient annoncé, que la science aboutira un jour à la solution totale que nous cherchons depuis le temps des cavernes.
Vingt ans après (pages 323-344) L’histoire des O.V.N.I. a déjà fait, en Amérique, l’objet de thèses de doctorat d’Etat13. Malgré les vastes dimensions de son travail, Jacobs, qui est de mes amis et en sait bien davantage que n’en annonce son titre (in America), est conscient que seule l’histoire extérieure, accessible au public, se prête pour l’instant à une étude historique sérieuse. L’histoire vraie, intérieure, telle que l’ont vécue et la vivent encore les principaux protagonistes, ne pourra être écrite que quand les archives de ces derniers tomberont dans le domaine public. Ce n’est pas demain. Le public doit savoir que l’essentiel de cette histoire se trouve dans des documents personnels qui ne sont pas prêts d’être divulgués. Pourquoi ? Pour deux raisons principales parce qu’ils concernent de nombreuses personnalités des sciences, de la politique et des armées dont les noms n’ont jamais été prononcés et resteront secrets (pour employer un mot galvaudé, mais pertinent) pendant longtemps encore ; et parce que les idées les plus importantes ne peuvent être publiées : elles font l’objet de débats en tête à tête et de lettres où l’on ne dit ce que l’on a derrière la tête que parce que l’on sait que cela restera confidentiel. Bref, parce qu’il existe ce que Vallée a appelé un Collège Invisible, et même plusieurs, qui ne peuvent progresser dans leur réflexion difficile, la plus difficile de l’histoire de la pensée philosophique et 13
Jacobs, David R. The U.F.O. Controversy in America (Indiana University Press, 1975).
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scientifique, qu’à la condition de rester soustraits aux divagations de la presse. Il faut à tout prix conserver la liberté d’envisager et de discuter les possibilités les plus extravagantes sans que ces hypothèses se mettent à circu1er comme paroles d’évangile, ou seulement comme opinions de tel ou tel. Certains d’entre nous ont tenu un journal quotidien de ces échanges. Ces documents ne pourront voir le jour que quand quelques certitudes fondamentales commenceront de trouver leur place dans la philosophie diffuse de notre temps, ou plus probablement d’un temps encore à venir. Une révolution psychologique aussi profonde que celle de la Renaissance ou celle du ve siècle avant J.-C. doit d’abord se produire chez ceux qui font profession de penser. Cela non plus n’est pas pour les années qui viennent. Le lecteur pourra en avoir une idée en lisant le livre si profond (mais si discret) du philosophe Raymond Ruyer consacré à ce qu’il a appelé La Gnose de Princeton. La Gnose de Princeton n’a rien à voir directement avec l’ufologie, à laquelle ne s’intéresse pas le professeur Ruyer 14. Elle se cantonne, si l’on peut dire, dans une réinterprétation globale de la science, et principalement de la cosmologie, de la biologie et de l’histoire, réinterprétation qui a pris naissance dans certains milieux scientifiques américains, anglais, français et russes, et qui est en contradiction complète avec un certain scientisme actuellement régnant. Les idées confidentiellement débattues par les ufologues, étrangères et même inacceptables pour ce scientisme-là, se sentent au contraire très à l’aise chez les gnostiques scientifiques, qui, comme les ufologues, tiennent provisoirement à la discrétion. Cependant, on peut déjà indiquer les traits généraux de l’histoire interne, secrète si l’on veut, de l’ufologie, en partant du livre que l’on vient de lire. Comme je le signale quelque part dans ce livre, mon idée, en l’écrivant, était simple : je croyais avoir découvert le fait à la fois général et contrôlable permettant pour la première fois une approche scientifique du phénomène « Soucoupe volante» ; ce fait, c’était la constatation des alignements. D’où deux questions auxquelles, selon moi, cette nouvelle approche devrait permettre de répondre: 1) les alignements étaient-ils significatifs ? et 2) si oui, que prouvaient-ils ? L’importance de l’enjeu fut tout de suite perçue en Amérique par l’astronome Donald Menzel, de Harvard, qui s’était fait une spécialité de la réfutation systématique de tous les cas connus d’observation. Jusque-là ses réfutations s’étaient faites au coup pour coup: il prenait séparément chaque cas remarquable et lui trouvait une «explication» 14
Ruyer, R. La Gnose de Princeton (Fayard, Paris, 1975).
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académique, mirage, parhélie, ballon-sonde, etc. Evidemment, il n’existait aucune explication académique des cas d’atterrissage avec apparition de personnages humanoïdes : aussi les rejetait-il sans examen comme «non-sense», absurde invention. Il faut souligner ici que même les ufologues «sérieux», comme Keyhoe et Ruppelt (ce dernier toutefois plus indécis) rejetaient ces cas extrêmes et s’abstenaient d’en par1er, car ils ne disposaient d’aucun moyen pour les introduire dans une discussion scientifique ou simplement sérieuse. La nouveauté de mon livre était qu’ayant trouvé de nombreux cas d’atterrissage dûment alignés, on était désormais obligé de les prendre en compte. Si l’on acceptait cela, alors tout était vrai. Il fallait donc réfuter les alignements, et Menzel écrivait dans la Flying Saucer Review de Londres deux articles pour la première fois bourrés d’équations, ce qui était pour nous un encouragement sans précédent : enfin s’instaurait une discussion scientifique. Notre satisfaction était d’autant plus grande qu’à l’examen, les équations de Menzel se fondaient sur une supposition intenable : il fallait, dans les cas d’alignements les plus évidents (comme celui du 24 septembre) que j’aie inventé ou découvert après coup les observations les plus probantes. Or tout les cas (dont l’alignement m’était apparu en 1956) étaient cités dans la presse de 1954. Je répondis facilement à Menzel dans la FSR, et la polémique cessa. Elle en resta là, et du coup, tous ceux qui s’intéressaient au problème comprirent que les cas d’atterrissage, jusque-là négligés, s’avéraient les plus importants. Leur étude vint pour la première fois, et définitivement, au premier plan de l’ufologie. * Une autre personnalité centrale de l’histoire de l’ufologie fit la même remarque que Menzel : J.A. Hynek, alors professeur d’astrophysique à l’université de Chicago, et seul astronome consultant de l’US. Air Force au sein du Projet Bluebook, chargé d’étudier les O.V.N.I. Je n’avais eu jusqu’alors aucune relation avec lui. En 1959, il vint me voir à Paris, accompagné d’un astronome français émigré aux Etats-Unis, Gérard de Vaucouleurs. Leur but: contrôler directement la réalité de ces cas, je veux dire leur existence dans des documents publiés à l’époque (1954) où je disais qu’ils l’avaient été. Hynek a souvent raconté cette visite, et l’impression que lui fit notre
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énorme documentation. Nous discutâmes deux jours, lui, Guérin, de Vaucouleurs et moi, tandis que l’assistant de Vaucouleurs photocopiait les documents les plus décisifs. C’est là, pendant ces deux jours, que Hynek découvrit l’importance des atterrissages. C’est là que se noua sa future collaboration avec Jacques Vallée, que nous ne connaissions pas encore, mais dont il me fit en quelque sorte le portrait robot en décrivant le type de collègue qui lui manquait au Projet Bluebook pour rationaliser le chaos des dossiers de l’U.S. Air Force et pour découvrir, dérivés vers Dieu sait quelle paperassière oubliette militaire, ce type de cas dont il n’avait jamais entendu parler en Amérique15 ! Peu de temps après, je fis la connaissance de Vallée, qui achevait ses études d’astronomie à l’université de Lille et à l’observatoire de Meudon. Et une fois de plus, tout sembla se dérouler comme un scénario préétabli. Vallée partit en Amérique, travailla pour la N.A.S.A., prit ses degrés américains de mathématiques et d’informatique, et fit exactement ce que Hynek avait espéré, et même beaucoup plus. Quand toutes les archives privées (et d’abord celles de Vallée et Hynek) deviendront accessibles aux historiens, on verra que le formidable labeur de Vallée déclencha en quelques années l’avalanche d’où, après maints épisodes, sortit finalement le Comité Condon luimême, avec la mise hors circuit de l’US. Air Force qui en résulta et l’établissement simultané d’un «collège invisible». * Entre autres choses, Vallée introduisit les méthodes de l’informatique dans l’étude des O.V.N.I. Son ordinateur de l’université de Chicago fit ce que Menzel n’avait pu faire: il simula une vague et montra que le hasard expliquait presque tout (mais pas tout) dans les structures que j’avais découvertes 16 . Alors se passa quelque chose de très fréquent, et même de régulier en science. Une théorie (ici l’orthoténie) produisit des résultats nouveaux que son auteur n’avait pas prévus (l’étude approfondie des atterrissages et des observations rapprochées, jusque-là inexistante), tout en perdant elle-même presque toute sa consistance. Il existe encore actuellement en Amérique quelques chercheurs qui étudient les configurations des lieux d’observations sur la carte (notamment le professeur Saunders, un des «anciens » du Comité 15 16
Cf. The Edge of Reality (Regnery, Chicago, 1975).
François Toulet et d’autres auteurs (Caudron, etc.) parvinrent plus tard aux mêmes résultat par d’autres méthodes.
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Condon). Mais l’intérêt s’est porté ailleurs : sur les observations rapprochées et leurs effets, qui sont le vrai mystère des O.V.N.I. En général, les lecteurs de Mystérieux Objets Célestes sont fascinés par la répétition quotidienne des structures rectilignes et surtout par leur réalisation progressive sur la carte, heure par heure, à mesure que se déroulent les observations. Ils revivent ma propre fascination quand je les découvris, en 195657. Vingt ans plus tard, on ne sait toujours pas dans quelle mesure ces structures doivent être retenues (sauf dans quelques cas, surtout celui du 24 septembre où apparut la fameuse ligne Bayonne-Vichy, connue depuis Vallée sous le nom de Bavic). Mais l’expérience montre qu’aléatoires ou non, ces structures ne servent à rien, qu’on n’a jamais pu en tirer aucune méthode prédictive, aucune clé, aucun moyen de déchiffrage. De Vaucouleurs avait dès 1950 indiqué que Bavic est encore plus remarquable et inexplicable par le hasard lorsqu’on prend en compte toutes les observations de la vague. Saunders le confirma plus tard. La signification de ce fait demeure inconnue, et, je le répète, inutilisable jusqu’ici 17 . * Mais sans doute le lecteur attend-il de moi. plutôt que ces grands traits d’une histoire encore impossible à écrire, qu’après tant d’années de réflexion, de familiarité avec le phénomène et de discussions avec tous les grands protagonistes de son étude, connus et inconnus du public, je dise ce que je pense vraiment, que j’explique enfin, autant que je le peux, mes idées de derrière la tête. C’est ce que je vais faire en conclusion, partiellement toutefois, tentant en somme de dresser un bilan de ce que, selon moi, l’on sait maintenant sur les O.V.N.I., et de ce que l’on ignore: un bien petit bilan, comme on va voir. 1. Tout d’abord, l’observation d’un O.V.N.I. — quelle que soit la nature de cette observation — est un événement très fréquent, surtout lors des vagues. Je n’ai pu procéder à des sondages scientifiques sur le nombre des témoins (allégués par eux) de la vague de 1954. Mais il existe quelques méthodes d’évaluation indirecte. Par exemple, parlant devant des auditoires réunis pour des raisons sans rapport avec les O.V.N.I., des auditoires professionnels que les 17
La vague de 1954, considérée depuis Mystérieux Objets Célestes comme typique, a fait l’objet de recherches ultérieures approfondies. On a retrouvé environ 300 observations supplémentaires, qui n’étaient pas venues à ma connaissance. Elles ne se différenciaient en rien des autres, et un nombre immense restent inconnues.
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O.V.NJ. n’intéressaient pas, j’ai plusieurs fois, après mon exposé, fait une digression sur ce sujet et demandé aux témoins, s’il y en avait, de se faire connaître. Je remarquai dès 1955-56 qu’il était à peu près impossible dans les pays d’Europe Occidentale de rassembler une centaine de personnes sans que parmi el’es se trouvent un ou deux témoins de 1954. On doit, me semble-t-il, évaluer entre 500 000 et 1 000 000 le nombre des témoins de ces quelques semaines en France seulement. De vrais sondages, utilisant tous les moyens et méthodes les plus sophistiqués, ont été faits à plusieurs reprises aux Etats-Unis. Le nombre des témoins, qui semble augmenter, est passé au cours de la dernière dizaine d’années de 7 % à 11 et 14% de la population totale. L’analyse fine de ces sondages (notamment par le sociologue Ron Westrum et ses élèves, East Michigan University) montre que les «témoins» constituent un échantillonnage absolument fidèle de la population, dans la limite des erreurs. C’est-à-dire qu’il est absolument impossible d’établir la moindre corrélation entre le fait d’ «avoir vu un O.V.N.I. » et quelque particularité sociale, économique, psychologique, raciale, religieuse, professionnelle que ce soit: on trouve dans l’ensemble des témoins exactement la même proportion de riches, de pauvres, d’illettrés, d’éduqués de tous niveaux y compris les plus hauts, de protestants, de juifs, de catholiques, de Noirs, de Blancs, de fous, de sains d’esprit, d’hommes, de femmes, d’enfants, que dans la population générale. Le seul indice possible d’une corrélation, à la limite de l’erreur, suggère que peut-être les vieillards en voient moins. Si c’est vrai, cela s’explique-t-il par une baisse de la vision? Il faudrait d’abord savoir si c’est vrai. Le physicien américain Sturrock (Stanford University) a procédé à des sondages très habiles parmi les savants, et en particulier chez ceux dont la qualification consiste précisément à reconnaître ce que l’on voit dans le ciel (les membres de l’Institut Américain de l’Aéronautique et de l’Espace, les astronomes). Comme il est naturel, ces scientifiques éliminent sans peine les erreurs d’interprétation, ballons-sondes, bolides ; et donc le pourcentage des témoins d’ «objets », que cette fois on peut en toute sûreté appeler «non identifiés», est plus faible que dans la population générale. Il est cependant très élevé, sensiblement équivalent à celui que j’avais évalué en France après la vague de 1954: environ 2 %. Ce qui fait un million de témoins réels dans un pays comme la France, et c’est ce point capital que je me propose de souligner d’abord en parlant des sondages. En effet, si impressionnants que soient les faits rapportés dans le livre qu’on vient de lire, ils ne sont que quelques centaines, c’est-à-dire rien au regard de la réalité.
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Tout ce que l’on sait sur les O.V.N.l. ne représente donc qu’une partie insignifiante du phénomène réel, qui reste à peu près totalement inconnu, même à l’état de rumeur. Seuls parviennent à notre connaissance les récits des très rares témoins qui parlent. 2. Dès lors, la question qui vient à l’esprit est la suivante le peu que nous savons est-il au moins une image fidèle de ce qui reste caché parce que les témoins ne parlent pas ? La réponse est non, ainsi que l’a montré Vallée par une discussion très ingénieuse18, et ainsi que le confirment plusieurs récits recueillis par Sturrock des membres de l’Institut Américain de l’Aéronautique et de l’Espace: il est certain, au contraire, que plus le témoignage est extraordinaire et plus il tend à rester caché. Parmi les cas recueillis par Sturrock, il en est un par exemple où le témoin (un savant, je le rappelle), dit avoir vu un objet de très près après avoir reçu intérieurement l’avertissement télépathique et prémonitoire qu’il pourrait le voir en se rendant à telle heure, à tel endroit dans la campagne. Le plus extraordinaire reste caché et inconnu. Une autre preuve en est que les cas les plus fantastiques connus par les chercheurs se sont toujours produits dans leur entourage : les témoins n’auraient jamais parlé si l’enquêteur n’avait été l’un de leurs proches. 3. Ici l’on doit affronter la contradiction la plus incompréhensible du phénomène, celle qui peut-être un jour nous conduira vers la vérité. Nous avons vu que le nombre des témoins réels (qui ne parlent pas) est très élevé. Les pourcentages les plus prudents (dont les sondages de Sturrock nous donnent une idée) suggèrent des nombres de l’ordre du million pour un pays comme la France, quatre à cinq millions pour les Etats-Unis, etc. Nous avons vu aussi que rien ne distingue le témoin de n’importe quel autre membre de la population. En particulier, il se retrouve statistiquement réparti dans les mêmes professions. Parmi les dizaines de millions de témoins des pays à technicité avancée, il y a donc le nombre requis de photographes professionnels, de cameramen professionnels, de truqueurs professionnels, d’amateurs de l’image. 18
Vallée, J. Le Collège Invisible (Paris, Plon, 1975).
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Si l’on évalue, même grossièrement les fourchettes des probabilités, on aboutit à ceci : qu’il devrait donc exister des dizaines, peut-être des centaines de milliers de documents, photos ou films, montrant en gros plan, avec tous leurs détails, des O.V.N.I. posés au sol, leurs manoeuvres vues de près, toute la fantasmagorie rapportée dans ce livre et ailleurs, et surtout les personnages tant de fois décrits par les témoins, eux aussi en gros plan, de dos, de face, en plein jour, la nuit au flash. Or, on n’a rien de tout cela. Il existe bien quelques centaines de photos, mais aucune (sauf quelques truquages avérés) ne montre le détail de ce que j’appellerai la « scène primordiale» : objet se posant au sol, personnages en sortant et se livrant à leurs mysté cen rieuses activités, scène dont chaque détail, depuis trente ans, devrait avoir été photographié et filmé un grand nombre de fois 19, puisqu’elle a été vue en des centaines de millier d’occasions. Le premier sentiment, devant une lacune si énorme et si inexplicable, est que décidément, comme dit Bergier, «il n’y a rien », que l’histoire des O.V.N.I. est celle d’un mythe peu à peu élaboré par des menteurs : les menteurs, eux aussi, doivent former un échantillonnage correct de la population. Seulement, cette explication est en elle-même contradictoire. Elle est incohérente, car si les témoins mentaient, alors aussi mentiraient tous ces cinéastes, photographes, techniciens d’« effets spéciaux » que les résultats des son dages nous signalent parmi eux: on devrait donc avoir des dizaines ou centaines de milliers, non de photos et de films authentiques, mais de truquages J On a bien quelques truquages, mais mauvais, maladroits. Ce sont de grossiers travaux d’amateurs. Il y a certainement des menteurs parmi les «témoins ». L’absence totale de truquages bons ou seulement passables montre qu’ils sont très peu nombreux, pas assez pour représenter le «témoignage» des bons truqueurs professionnels. L’absence de ces truquages que la statistique nous conduirait à prévoir est aussi inexplicable que l’absence de documents authentiques. 4. lI faut un temps de réflexion pour prendre conscience de ce qu’implique cette double lacune, aussi inexplicable dans un sens que dans l’autre. Pour moi ce temps a duré deux ans, vers 1974-76.
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Dans ses Premières Enquéte ssur les Humanoïdes ( Laffont, Paris, 1977), Henry Durrant montre le maximum de ce qui existe. On peut mesurer la distance avec ce qui devrait exister en fait de documents.
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De toute façon, la première question à examiner était de savoir ce que disent ceux qui auraient dû être en position de prendre de tels films ou photos et ne l’ont pas fait. D’avance on pouvait prévoir que leurs explications seraient invraisemblables, puisque l’absence de documents ne peut pas s’expliquer. Il se trouve (que l’on parcoure les nombreux recueils de témoignages publiés ces dernières années) que les explications, prises séparément, sont au contraire toutes parfaitement vraisemblables et attribuables à la conjugaison de deux ou trois circonstances contraires : le témoin n’avait pas d’appareil sous la main; il en avait un, mais celui-ci n’était pas chargé; il était chargé, mais la scène se passait de nuit et il n’avait pas de flash ; le témoin avait tout ce qu’il fallait, mais il est resté stupéfié, ne pensant à rien d’autre qu’à regarder sans en croire ses yeux; il n’a eu qu’une idée s’enfuir, tremblant de peur; il a pris des photos, toutes ratées, la pellicule était surexposée ou sous-exposée, ce que l’affolement explique assez, et l’on ne voyait rien; le développement de la pellicule s’est trouvé accidentellement destructeur ; l’appareil a été perdu ou volé; la bande envoyée en développement a été égarée par la poste, etc. On peut croire à quelques-unes de ces malchances. Il est impossible de croire à toutes (que le lecteur garde toujours présents à sa pensée les résultats des sondages). Leur monotone répétition est contraire à toutes les lois du hasard alors que, précisément, on n’aperçoit ici aucune autre cause possible que le hasard. Un hasard perpétuellement défavorable ? pendant trente ans, alors que la « scène primordiale» — les sondages le prouvent — est contemplée en moyenne chaque jour un nombre de fois de l’ordre de la dizaine dans l’ensemble des pays à haute technicité, où les appareils et caméras existent par dizaines de millions? Allons donc! C’est impossible. Nous ne sommes plus ici dans le monde incertain du témoignage humain, que la science ne manie qu’avec des pincettes et dans un esprit de conjecture. C’est aux lois des grands nombres que nous avons affaire, celles-là même qui font de la physique la plus fiable des sciences. Nous sommes affrontés à une alternative totalement inacceptable dans les deux cas. a) Si ce que racontent ces gens s’est passé comme ils le disent (et, manifestement, comme ils le croient, les enquêteurs le savent bien), alors il devrait exister des dizaines, voire des centaines de milliers de documents authentiques clairs et détaillés. b) S’ils mentent, pourquoi ceux d’entre eux dont le métier est de faire des truquages (pour le cinéma, les arts, la presse, etc.) racontent-ils comme les autres une histoire fantastique en se bornant à la raconter, souvent tout émus et tremblants, sachant que presque personne ne les croira, alors que rien ne leur
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serait professionnellement plus facile que de ne raconter aucune histoire et de se borner à montrer des photos, des films, etc.? Où sont ces milliers de photos et de films truqués (je parle, qu’on ne l’oublie pas, de films et de photos montrant la «scène primordiale »)? Que l’on ne dise pas « C’est difficile ». Non. Tout professionnel vous le dira. J’ai travaillé pendant deux dizaines d’années au Service de la Recherche de l’Office de Radio-Télévision Française ce n’est pas difficile. Le truquage sur pellicule ne résiste guère à l’examen, c’est vrai. Mais il est très facile de photographier et filmer réellement une scène truquée. Et il est excessivement facile de monter une scène soucoupique. Si aucun «document » ne nous montre cela20 c’est, selon moi, que les témoins disent vrai, aussi fantastique que cela paraisse. L’étude scientifique des dizaines de milliers de cas enregistrés le confirme par ailleurs. Je ne connais ni n’ai jamais entendu parler d’aucun homme de science qui, ayant étudié directement un nombre raisonnable de témoignages, disons quelques centaines, ait conclu à leur irréalité. On a des sondages effectués chez les savants avant et après étude des dossiers. Avant, la majorité pense comme Bergier qu’« il n’y a rien ». Après, ceux qui admettent les témoignages forment presque 100%, et les quelques-uns qui se réservent n’ont de doutes que sur la nature de ce que ces gens ont vu.
5. On est donc conduit à admettre cette énormité sans précédent que l’observation rapprochée des O.V.N.I. met en défaut les lois les plus sûres de la science, celles des grands nombres. Mais comment ? Faisons une fois de plus cette remarque capitale, à mon sens si l’on choisit, pour tenter de sauver ces lois, de croire que tous les témoins mententdélibérément, on ne sauve rien du tout, puisque cela n’explique pas l’absence de faux documents. Mais, de plus, cette hypothèse ferme la voie à toute possibilité d’explication. Je ne vois pas comment échapper à ces difficultés inextricables (et, soulignons-le, posées en terme de science, non de spéculation ni de témoignage) autrement qu’en admettant dans la nature même de l’observation rapprochée une composante, disons, irrationnelle. Les témoins ne mentent pas. Mais ils se trompent. Et plus justement (car tout le monde ne peut se tromper toujours), ils sont trompés. Ce qu’ils disent (et croient) avoir fait ou vu, ou les deux, lors de l’observation rapprochée, ne correspond pas à la réalité. Et ici, attention ! Les sondages nous avertissent qu’il faut écarter l’hypothèse d’une 20
Je veux dire ne nous le montre comme étant authentique. Je ne parle pas des films commerciaux sur les OVNI., où précisément, on a fort bien reconstitué des témoignages (par exemple, Close Encounter, etc.).
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erreur pathologique ordinaire : le témoin ne se distingue en rien du commun des mortels du point de vue psychopathologique. Il ne peut s’agir que d’une erreur à laquelle tous les témoins rapprochés seraient induits. Et cette erreur ne peut pas davantage être une petite erreur, léger glissement d’un souvenir réel à un léger embellissement. Aucun spectacle au monde ne peut, au prix d’un coup de pouce, se transformer en l’histoire que racontent les enfants de Prémanon, ou plus récemment Maurice Masse, les Hill et les Kelly aux Etats-Unis, que des millions d’autres témoins dans le monde ne racontent qu’à leur ami le plus sûr, ou à personne 21. 6. Quelle est la nature de l’erreur où Sont induits presque tous sûrement, et probablement tous les témoins rapprochés? Pour tenter d’approcher ce problème, il faut enfin s’interroger sur la nature réelle des O.V.N.I. On ne peut rendre compte de ce qu’on sait sûrement (observations et enregistrements radar, réception sur les appareils militaires de contremesure, traces au sol, effets d’apparence électromagnétique divers, etc.) qu’en attribuant aux O.V.N.I. les principales caractéristiques d’un engin aérien. Mais aucun engin connu n’est capable des performances observées, et tous les engins « secrets » sont connus. La compétition spatiale des Russes et des Américains a étalé sous le regard du monde la limite de ce dont ils sont capables; les O.V.N.I., c’est infiniment différent. Entre la fusée la plus sophistiquée et l’O.V.N.l. tournant à angle aigu à 10 Mach sans faire de bruit, il n’y a rien de commun. Nous voilà donc rejetés sur ce que l’on a appelé l’Hypothèse ExtraTerrestre, ou HET. Nombreux sont ceux, même parmi les ufologues, qui rejettent l’HET parce qu’ils s’en font une idée contradictoire. Il est impossible, disent-ils, de voyager d’une étoile à l’autre, et la lenteur du voyage même supposé techniquement maîtrisé est telle que la probabilité pour que la Terre soit visitée par d’autres humanités est à peu près nulle. D’ailleurs, comment un tour de force de toute façon si prodigieux peut-il s’achever sur de furtives apparitions sans prise de contact avec l’humanité terrestre? Enfin, les manoeuvres des O.V.N.I. sont impossibles. Ces questions et objections sont d’une rigueur sans réplique. Mais cette 21
Cf. Les réflexions de Vallée sur ce dernier point dans le Collège Invisible.
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rigueur logique s’arrête à mi-course. Il ne faut pas la mettre en route pour ensuite refuser de voir où elle nous conduit. Il est exact que tout ce que nous savons nous montre l’impossibilité du voyage dans l’ordre des distances interstellaires. Qu’est-ce que cela prouve ? Que si, maIgré tout, quelqu’un dans le vaste univers est capable de franchir ces distances, il est certain qu’il ne se sert d’aucun moyen actuellement imaginable par l’homme. Ce quelqu’un, s’il existe, ne se sert ni de la technologie ni de la science que nous connaissons. Ici l’on réplique: mais il n’y a pas d’autre science ! C’est vrai ! Il n’y en a aucune autre jusqu’à nous, entre Galilée et le dernier Nobel de Physique. Mais après ? Faut-il donc croire que toute science et tout cadre de science se bornent à ce que nous savons en 1977 ? La science existe depuis 400 ans. N’est-ce pas folie de décider quelles en seront les infranchissables bornes dans un milliard d’années ? Les distances moyennes entre étoiles nous avertissent d’une chose : à savoir que si quelqu’un les a franchies, il ne peut s’agir que d’un être formidablement perdu dans le futur, je veux dire, en avance sur nos capacités actuelles d’un temps incalculable. Mais l’astrophysique nous apprend que ces temps futurs existent depuis longtemps ailleurs. D’innombrables étoiles de type solaire en étaient là où nous en sommes quand les premiers gastéropodes commençaient à se traîner dans la boue de la Terre. Où en est-on maintenant dans les systèmes planétaires de ces étoiles? et dans l’espace que par des moyens inconnus ils ont envahi depuis si longtemps ? On ne peut répondre à ces questions. Mais remarquons (et soulignons fortement) que ceux qui rejettent l’HET leur donnent, eux, une réponse, et que cette réponse est absurde : ils supposent que l’univers, d’un bout du ciel à l’autre, cesse d’évoluer après ce qui correspond dans notre propre histoire au xxe siècle. Et ensuite, il ne nous est pas interdit de scruter un peu notre futur immédiat. Or que voyons-nous en science? Que le point où notre science en est dès à présent la conduit avec une force de plus en plus contraignante à poser dans tous les domaines le problème des interactions entre le monde des phénomènes et
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celui de la conscience. C’est le cas en physique 22, en informatique, en physiologie, en biologie moléculaire, en paléontologie, etc. Une physique inattendue — ou plutôt au contraire très attendue, mais infiniment surprenante — est en train d’apparaître dans les laboratoires : la psychophysique 23 qui met en évidence des interactions entre la conscience et la matière dont les mécanismes restent complètement étrangers aux cadres physiques stricts (lesquels excluent par méthode les interférences de toute subjectivité consciente). Mais si l’on en est là sur Terre après quatre siècles de science, cette même logique qui nous interdit le voyage interstellaire nous avertit qu’obligatoirement la maîtrise des interactions entre la conscience et la physique fait partie des acquisitions ultérieures, lointaines ou proches, de notre science, et des premières acquisitions de toute espèce intelligente. En un nombre de points indéterminé de l’espace, on possède cette maîtrise depuis des millions et des milliards d’années. Dès lors, est-il surprenant que des objets hantent notre ciel qui, à la fois, aient des caractéristiques d’engin, et produisent dans leur environnement des phénomènes de caractère psychique ? Non seulement ce n’est pas surprenant, mais c’est ce que prévoit l’HET. II serait inexplicable qu’il n’en fût pas ainsi. Des O.V.N.I. qui ne seraient que des engins suppose-raient cette admission contradictoire et impossible que l’on eût pu venir des étoiles avec les moyens actuellement connus. Ce qui est absurde, bien sûr, car dans ce cas, nous- mêmes aurions déjà envahi les étoiles. En tout cas nous saurions le faire. 7. Le tableau de ce que l’on sait déjà en sciences nous conduit donc aux prévisions les plus probables suivantes toute espèce intelligente acquiert très peu de temps après ses premières découvertes scientifiques une maîtrise croissante de la physique puis de la psycho-physique, qui intègre les phénomènes psychiques dans la science. A-ton quelque raison théorique de prévoir que ces acquisitions comportent la maîtrise du voyage spatial ? Je n’en vois à la vérité aucune. En revanche, si cette maîtrise est acquise, on est conduit à prévoir ses manifestations éventuelles dans notre environnement sous des formes à la fois physiques et psychiques. C’est précisément ce que nous voyons. Je ne sais ce 22
Quantum Physics and Beyond (comptes rendus dun récent congrès de physique, Cambridge University Press). Cette question évolue très rapidement, et les publications se multiplient chaque jour dans les Revues de Physique. 23
Voir par exemple: Targ, R. et Puthoff, H: Mind Reach (Stanford Research Institute, 1977).
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que sont réellement les O.V.N.l. Mais je sais que l’HET prédit que nous devrions voir précisément ce que nous appelons des OVNI. 8. Le grand problème, dès lors, est l’absence ou plutôt le refus du contact de ces O.V.N.I. avec l’espèce humaine. Mais comme je l’ai maintes fois souligné depuis 1958, cette question est absurde en soi et intrinsèquement incohérente. Je suis toujours étonné du refus désespéré que l’on s’obstine à opposer à cette regrettable évidence. Si des êtres venus d’ailleurs sont là, sur nos têtes et sur notre sol, quotidiennement, se dérobant à tous nos pièges, c’est qu’ils font avec une totale aisance ce qu’il nous est impos-sible de faire (ils sont chez nous, et nous ne sommes pas chez eux, n’est-ce pas ?). Mais s’il en est ainsi, je ne vois pas comment nous pourrions être en état de les comprendre. Au mieux, ils ne différeraient pas plus de nous que nos primitifs d’Indonésie, qui pour tout système d’expli-cation de nos bizarres comportements quand nous les visitons, ne disposent que du mythe du cargo. Le sauvage d’Indonésie ne peut nous comprendre que s’il vient étudier chez nous, s’il cesse d’être ce qu’il est. Jusque-là, tout ce qu’il imaginera sur nous ne pourra que s’intégrer dans son système de pensée, à l’exclusion de nos vraies motivations. D’où le mythe du cargo. S’interroger sur ce que des êtres venus d’ailleurs viennent faire chez nous, c’est refuser de voir que nous ne savons pas aller chez «eux». Vraiment étrange et obstiné refus ! Remarquons toutefois que nos ethnologues ont longuement étudié le mythe du cargo. Qui sait ? Peut-être existe-t-il une cosmo-ethnologie? Sur cette question trop d’idées me viennent en tête. Passons24. 9. Si le sauvage d’Indonésie ne peut rien soupçonner de nos motivations, du moins peut-il observer sur lui-même l’effet de nos incompréhensibles incursions dans son espace. 24
Non sans souligner que la probabilité que nous soyons psychiquement aussi proches d’ « eux » que du sauvage d’Indonésie est pratiquement nulle. En effet, quelques milliers d’années seulement séparent notre système psychique de celui du sauvage, instant infime au regard des durées cosmologiques. Et surtout, le sauvage et nous sommes de même espèce. Qui peut imaginer les voies suivies ailleurs par l’évolution de la pensée ? Cette pensée même, au-delà du niveau humain, reste-t-elle localisee dans l’espace ? On ne peut que se pencher sur ces abîmes d’ignorance.
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C’est là un immense chapitre de l’ufologie, sujet de mainte discussion, quoiqu’on n’en ait presque rien publié. Les grands mouvements historiques ont peut-être été déclenchés et orientés par «eux », si l’on songe à tous les moments de l’histoire où les hommes ont été littéralement obsédés par des êtres supérieurs descendus du ciel (lire Vallée, Misraki, mais aussi, tout simplement, la Bible, l’Odyssée, et tant de légendes, notamment sur les « héros civilisateurs »).On peut même dire que l’obsession d’êtres célestes inspirant furtivement, et parfois, selon les légendes, ouvertement la destinée humaine, est une constante de l’histoire, présente en tous temps et chez tous les peuples. Et quand on s’est avisé de dire que c’était une superstition, l’idée (ou la réalité) en a réapparu par un biais conforme à la science même, destructrice de toutes autres superstitions. Ce ne sont pas les visionnaires qui maintenant parlent d’êtres plus évolués et plus puissants habitant « ton eurun ouranon », « le vaste ciel » comme dit Homère, ce sont les astronomes : «Attention, écrivait le 4 novembre 1966 l’Astronome Royal d’Angleterre, Sir Martin Ryle, prix Nobel de Physique, « Attention ! Si vous vous livrez à certaines expériences décelables depuis les autres étoiles, vous risquez de signaler la présence d’une Terre habitable à des êtres plus avancés que nous dans la technologie du voyage spatial, mais aussi prédateurs et dénués d’altruisme que les hommes ». C’est l’exacte traduction en idées modernes des avertissements lancés par les sages de l’lliade quand «l’inspiration divine» les visitait. Les Grecs avaient même un mot pour désigner l’attitude provocatrice de l’homme qui veut s’égaler à « ceux qui habitent le vaste ciel », le mot hubris. Crainte que je crois d’ailleurs vaine (je parle de l’avertissement de Ryle), car si de tels êtres prédateurs parcouraient l’espace, ils seraient là depuis toujours, depuis leur première apparition quelque part dans le ciel, il ya un nombre indéfini de milliards d’années (puisque finalement on ne sait plus trop quel âge donner à l’Univers). S’ils ne sont pas là, c’est sans doute que le voyage interstellaire est encore plus difficile que nous ne le pensons, qu’il constitue une performance seulement réalisable par des êtres chez qui la prédation et la violence ont disparu depuis longtemps. Et puisque je dis ici, sinon le fond de ma pensée, du moins certaines des idées auxquelles je crois pour ainsi dire par anticipation, en espérant qu’elles seront un jour démontrées, parce qu’elles me paraissent conformes au tableau que la science nous fait de la nature, il me semble qu’il existe dans l’architecture de l’Univers une finalité de fait, explicable par le hasard tant qu’on voudra, qui interdit le voyage interstellaire, galactique, au-dessous d’un certain niveau d’évolution psychique, et qui parque le mode d’évolution par compétition sanglante que nous observons sur Terre précisément dans les limites de chaque
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système solaire. N’est-il pas singulier que «ceux qui habitent le vaste ciel »25 soient représentés dans les légendes comme bienveillants, sévères, cruels, débonnaires, débauchés, sanguinaires, mais jamais à ma connaissance comme prédateurs? Je n’ai jamais entendu parler d’une mythologie dont les dieux auraient voulu exterminer les hommes pour prendre leur place. Peu importe d’ailleurs; si une telle mythologie existe, elle se trompe, car, comme le disait un témoin très rapproché (Maurice Masse), «j’ai senti en eux une puissance telle que s’ils voulaient, ils détruiraient la Terre en un clin d’oeil». Ce qui est certain si les O.V.N.l. sont ce qu’ils semblent être, puisque déjà nous, qui n’avons pas la maîtrise du voyage interstellaire, nous pouvons la détruire. Le seul fait de notre existence montre que nul être venu d’ailleurs n’a jamais voulu notre mort, et que quelque chose dans l’immensité des distances interstellaires sélectionne la non-violence. S’il en était autrement, nous ne serions pas là26. Peut-être faut-il, pour franchir le «vaste ciel », la maîtrise avancée de la psychophysique, ou physique des interactions entre la conscience et la matière. L’O.V.N.I. est peut-être un fantastique poltergeist 27. Et c’est un fait toujours allégué par les «sujets» capables, dit-on, de produire ce genre de phénomènes, qu’ils ne peuvent le faire «pour eux» dans leur intérêt. lis doivent d’abord, disent-ils, dépouiller leur égoïsme. C’est en particulier la raison pour laquelle les voyantes ne sont pas toutes milliardaires et se font souvent rouler par leurs clients C’est ce qu’elles disent, et certes l’on en rit, mais d’un rire plus attentif depuis que Dirac, David Bohm, Josephson, Wheeler et tant d’autres physiciens illustres font de la psychophysique dans leurs laboratoires ou s’intéressent à celle que font leurs collègues physiciens expérimentaux. Qui sait ? Lecteur, estu plus malin qu’eux ? 10. Mais qu’est-ce enfin qu’un O.V.N.I., tel qu’on levoit en 1977, tel en réalité qu’on le voit depuis tant d’années ? J’ai écrit plus haut que ce que l’on en sait tiendrait sur un timbre poste, puis les pages se sont allongées. Mais l’O.V.N.l. est d’abord un sujet de réflexion. Selon une expression souvent répétée, si nous n’avons pas appris 25
L’expression revient sans cesse dans les poèmes homériques: Hoi en tô ouranô.
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Un de mes amis s’amuse à l’idée que c’est au contraire ce qui s’est passé : le prédateur venu d’ailleurs, c’est nous, les hommes, descendants d’un Caïn cosmique installés ici après avoir exterminé le pacifique Abel autochtone... 27
Le poltergeist est en parapsychologie un objet qui se déplace « spontanément » , en réalité, croit-on, sous l’action psychique, à distance, de quelqu’un. Voir Tizané, E. L’Hôte inconnu dans le crime sans cause (Tchou, Paris, 1977).
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grand-chose sur les O.V.N.I., en revanche les O.V.N.I. nous ont beaucoup appris. A tous ceux qui y réfléchissent ils ont appris ce que maintenant ils savent de plus profond, à la limite de la science, de la philosophie, de l’histoire 28. Ils ont beaucoup appris même à ceux qui se sont efforcés de les réfuter 29. Certains s’en effraient, croyant reconnaître dans les réflexions qu’ils inspirent une renaissance masquée de l’antiscience, des ténèbres, de la superstition. il est vrai que les O.V.N.I. nous obligent à envisager à nouveau une situation que l’Age des Lumières croyait avoir à jamais bannie de notre route: celle de la Rencontre avec l’Ange. Mais qui ne voit la différence ? Devant l’Ange, on tombait à genoux. Devant l’O.V.N.I., on sort sa calculette. S’«ils» sont vraiment là, ils nous sont très supérieurs, c’est certain. Eh bien, nous mesurerons cette supériorité, nous engrangerons toutes ses manifestations dans nos ordinateurs, et l’on verra bien. Venons-en donc enfin à l’O.V.N.l. lui-même. Pendant une douzaine d’années (à partir de mon livre), ayant reconnu que le phénomène capital est l’observation rapprochée, on a accumulé les détails relevés lors de chacune de ces observations 30. Mais maintenant il faut reconnaître qu’aucun de ces détails, même dûment observé, n’est en soi fiable. Il faut les réexaminer tous au second degré comme un produit possible de l’action de l’O.V.N.l. sur le psychisme du témoin, c’est-àdire comme un effet hallucinatoire de l’objet auquel le témoin s’est trouvé exposé. Peut-être a-t-il vu cela, mais peut-être était-ce autre chose. Sous hypnose, on constate que le récit régulièrement se complique, révèle des épisodes ignorés à l’état de veille, souvent plus importants et intéressants que ce que le témoin raconte. Peut- être l’O.V.N.l. rapproché détraque-t-il le système pensant de l’homme comme un moteur chaud rayonne de l’infrarouge. Mais peut-être aussi l’hallucination répond-elle à un dessein le faisceau du projecteur cinématographique projette bien de l’infrarouge sur l’écran, mais ce qui est signifiant, c’est l’image. On commence à soupçonner de fantastiques camouflages impliquant la mise en place de vrais scénarios (Vallée), voire l’induction 28
Voir, dans le livre collectif Mystérieuses Soucoupes Volantes (Albatros, Paris, 1974), le chapitre sur le « Principe de Banalité », p. 195. 29 Par exemple l’astronome CarI Sagan (Cosmic Connection, le Seuil, Paris, 1975). 30
18. Le plus «naïf » et le plus intéressant de ces répertoires est le livre du physicien James Mc. Campbell Ufology (Jaymac, 12 Bryce Court, Belmont, Ca 94002, 1973).
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d’erreurs et d’inventions (Giraud). Certains vont jusqu’à se demander d’où viennent certaines idées à certains auteurs de science-fiction (Méheust). Avec ce type de recherches, on entre dans une forêt vierge où seuls d’énormes moyens d’investigation statistique (sondages et ordinateurs) trouveront peut- être à la longue une voie. C’est un peu effrayant, mais toute grande nouveau-té est effrayante. L’essentiel est de « raison garder ». Plus immédiatement sûres sont les recherches statistiques sur les O.V.N.l. à moyenne et grande distance, où l’on sait (grâce aux instruments et aux documents objectifs, qui là existent) que l’on peut les étudier comme des objets ordinaires (Poher et de nombreuses recherches américaines). Sûres aussi, et combien nécessaires ! les réflexions épistémologique sur les difficultés et les pièges du sujet (Guérin) Prometteuses enfin les recherches de physique suggérées par la «physique des OVNI.» (J.P. Petit). L’image qui sort de toutes ces recherches est celle d’un objet physique reproduisant dans ses manoeuvres rapides et silencieuses certains effets de la magnéto-hydrodynamique, capable d’apparaître et de disparaître instantanément (semble-t-il), comme de rester immobile, de planer, de projeter toutes sortes de faisceaux lumineux, dont certains inexplicables (faisceaux tronqués ou coudés). L’O.V.N.I. peut faire caler les moteurs, même diesel dans certains cas, provoquer des incidents électromagnétiques (T.V. et radio coupées, pannes de réseau), perturber la combustion des armes à feu, etc. 11. Et si l’on me demande enfin mon avis sur l’avenir de l’ufologie, je dirai que, malgré le déjà grand nombre de recherches sérieuses, on est encore infiniment loin de pouvoir prendre une vue un peu globale des problèmes qu’elle pose, problèmes d’ailleurs intriqués avec la fine pointe des sciences les plus difficiles, mathématiques, physique, psychophysique. Il n’est pas impossible que, la seule motivation des chercheurs étant la pure curiorité (ils n’ont à faire face à aucune demande), celle-ci connaisse dans l’avenir des épisodes d’extinction presque complète. On a déjà connu de tels épisodes. Ils ont toujours pris fin sur une vague: le phénomène, lui ne disparaît jamais. Il est toujours là pour se rappeler à nous. Mais pour qu’une science se fonde, il faut qu’elle invente ses méthodes, c’est-à-dire ses moyens propres de devenir cumulative. A l’heure actuelle, il semble que presque tout ce qui pouvait être fait par des réseaux d’investigation comme ceux de L.D.L.N. et du G.E.P.A. en France et par des individus isolés disposant au maximum d’un ordinateur a été fait.
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Pour aller plus loin, il faudra mettre en oeuvre d’autres moyens. Ces moyens sont les stations d’observation automatisées, connectées en réseau, et les sondages réguliers. Ce sont des moyens très chers. Mais avec eux on pourrait peut-être surmonter la grande difficulté préalable : celle de la nonfiabilité de l’observation rapprochée. Peut-être alors saura-t-on enfin à quoi ressemble objectivement, réellement, un O.V.N.I. vu de près. « Subjectivement », il ressemble à ce que voit le témoin. On ne peut pas ne pas être frappé par la ressemblance entre ces réflexions et celles où se trouvent engagés les théoriciens de la physique quantique 31. On ne peut se dissimuler que tout cela sera difficile. Non seulement parce qu’il n’existe aucun précédent à une étude dont l’objet serait intellectuellement mieux armé que l’homme et décidé à se dérober, mais parce que l’idée même d’une telle perspective rebute notre esprit. L’humanité est depuis toujours animée de l’inébranlable conviction qu’elle est « la mesure de toute chose », qu’en dehors d’elle il n’existe que le monde des bêtes et des choses. Il faudra une douloureuse révolution psychologique pour qu’elle admette au-dessus d’elle la possibilité d’un univers pensant de nature non religieuse, bien que la réflexion cosmologique nous y conduise tout droit, en dehors de toute ufologie, par la seule considération de ce qu’on sait en astrophysique, en biologie, etc. Logiquement, il en est de cette idée comme de celle des antipodes jadis: elle est démontrée indirectement de façon convaincante, mais elle bouleverse notre sens commun. Et pratiquement, rien ne nous motive à essayer de la démontrer scientifiquement : elle peut attendre indéfiniment sans que rien de pressant nous sollicite à l’explorer (c’est ce que Clérouin appelait il y a trente ans le caractère insaisissable, élusif, de l’O.V.N.I. Les antipodes ont été finalement atteints parce que le poivre et la cannelle étaient payants. Ici rien ne vient pimenter un effort gigantesque et sans utilité pratique. Rien que le désir de savoir. Cet effort sera-t-il fait quand même? Divers prophètes (Jaurès, Malraux) ont annoncé l’avènement prochain d’une humanité métaphysique, ayant atteint les objectifs matériels de sécurité et de bien-être pour lesquels elle se bat depuis 31
J’ai expliqué plus haut les raisons statistiques, générales, qui nous obligent à admettre que le témoin rapproché rapporte le plus souvent une sorte d’hallucination. On retrouve autrement, par l’investigation directe de chaque cas particulier, de très forts indices de cette irréalité. Par exemple le mimétisme de l’objet décrit, souvent saugrenu (locomotive volante, etc.) ; le trou de mémoire, bien connu, où le témoin a perdu une certaine durée de son passé au moment de l’observation; les faits contradictoires observés simultanément par plusieurs témoins, etc.
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toujours, depuis son émergence de l’animalité et avant, et levant enfin les yeux vers l’inscrutable où son âme la porte. Je crois à cette humanité nouvelle, et divers signes me montrent son rapide et secret mûrissement. Mais ceci nous éloignerait des O.V.N.I. Si les commencements sont obscurs, ce n’est pas seulement qu’il est difficile de les voir. C’est qu’ils ne peuvent croître et porter leurs fruits qu’à la condition de rester longtemps cachés. Sinon ils ne commencent rien, meurent, sombrent dans l’abîme du temps. Printemps 1977
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Oui, il y a un problème soucoupes volantes! (Planète n° 10, mai-juin 1963).
On a vite fait de dire: c'est puéril. Ce qui est puéril, c'est de se figurer qu'en se bandant les yeux devant l’Inconnu, on supprime l’Inconnu. VICTOR HUGO. Contemplation Suprême.
DES COMMISSIONS INTERNATIONALES AU TRAVAIL Pour l’immense majorité du public, le problème des soucoupes volantes se présente actuellement, en 1963, de la façon la plus simple du monde: les soucoupes volantes sont une fumisterie, ceux qui en voient sont des farceurs ou des illuminés, et le problème n'existe pas. Je prendrai donc ici le problème en cet état, m'adressant par hypothèse au lecteur dont le siège est fait et qui ne consentira à parcourir cet article que par indulgence. Je lui demanderai seulement l’effort d'un peu d'attention et un esprit critique en éveil. Le problème des soucoupes volantes vient en tête du bataillon des damnés, des exclus de la science, dont parlait Charles Fort. En notre pays du moins; car aux Etats-Unis et en U.R.S.S., pour ne citer que ces deux pionniers de la science moderne, des organismes officiels ont reçu la mission d’établir des fiches, de dresser des statistiques, de tracer des courbes pour tenter de trouver une explication, quelle qu'elle soit, aux rumeurs persistantes concernant l'apparition de mystérieux objets dans le ciel. La clameur qui montait de toute part a paru suffisamment forte pour que des gens sérieux s'efforcent d’en saisir le sens. En ouvrant ce dossier en France, j'ai seulement le sentiment de me substituer à d'autres chercheurs disposant de moyens d'investigation plus puissants que les miens et qui peut-être auraient dû, à l'instar de leurs collègues étrangers, aller jeter un coup d’œil de ce côté. Cette revue est celle des ouvertures de la science; elle s'efforce de comprendre la connaissance lorsqu'elle
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est en marche et non simplement lorsqu'elle est arrêtée. Pour la raison même qu’elle a choisi délibérément cette position marginale pleine d'inconfort, elle est plus qu'aucune autre férocement opposée aux fausses sciences. Je m'en tiendrai dans cette étude à la règle qu'elle s'est donnée pour explorer le domaine immense de l’inconnu: l'utilisation rigoureuse de la méthode scientifique. Celleci donne à celui qui y recourt un premier droit: le droit de poser des questions, toutes les questions.
1. LE PROBLEME DES MONDES HABITES Et d'abord, la soucoupe volante est-elle possible ? Poser cette question, c'est se demander si compte tenu des connaissances actuelles de l’astronomie, de la biologie et de la physique, et de cela seul, il est contradictoire, possible ou vraisemblable que des engins artificiels, produits d'une technologie non humaine, soient aperçus dans les parages de notre planète. a) Les enseignements de l’Astronomie Sur le point qui nous intéresse, cette science nous donne les précisions suivantes: La Terre, où est apparue la seule vie que nous connaissions directement, est une des neuf planètes du Soleil. Nous ne savons pas si la vie existe sur les huit autres, sauf en ce qui concerne Mars, où les analyses spectrophotométriques de l’Américain William Sinton au Mont-Palomar ont prouvé, en 1958 et 1960, la nature organique des taches sombres variant au sol avec les saisons martiennes; conjuguées avec les résultats polarimétriques du Français Audoin Dollfus sur les mêmes taches sombres, les analyses de Sinton ont pour la première fois dans l’histoire donné la preuve d'une vie extra-terrestre. En effet, les plages sombres de Mars présentent un ensemble de caractères appartenant à la vie et à elle seule: leur nature chimique est organique, elles se régénèrent au printemps, elles poussent audessus du sol, et leur évolution saisonnière est en rapport avec la présence de l’eau. Le système solaire comporte donc au moins deux planètes vivantes: la Terre et Mars. D'autre part, le Soleil n'est qu'une étoile parmi les deux cents milliards d'étoiles environ que compte notre galaxie. II appartient à la classe spectrale G, relativement nombreuse (au moins plusieurs milliards dans notre seule galaxie). C'est une étoile à rotation lente, et nous savons maintenant que toutes les étoiles à rotation lente (une sur dix certainement, et peut-être une sur quatre) ont des planètes. Il y a donc dans notre système galactique au moins vingt milliards et
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peut-être cinquante milliards d'étoiles dotées d'un système planétaire. Ceci est une évaluation statistique, mais les spécialistes de l’astrométrie (Hölmberg, Schlesinger, et surtout Van De Kamp) ont mis en évidence par des méthodes directes la présence de corps planétaires autour d'une sur six environ des étoiles les plus rapprochées de nous, astres tout à fait quelconques par ailleurs. Enfin (et nous verrons tout à l’heure l'importance de cette donnée astronomique), les étoiles ont des âges. Certaines sont en voie de formation. D'autres, comme le Soleil, ont un âge moyen (environ huit ou dix milliards d'années). D'autres enfin, surtout dans les amas globulaires, sont très vieilles: jusqu’à vingt et même trente-cinq milliards d'années. Les étoiles jeunes sont à rotation rapide, les autres généralement à rotation lente, ce qui montre que la formation d'un système planétaire autour des étoiles est un événement normal de leur longue vie. L’étude de l’âge de la Terre et des météorites confirme d'ailleurs que les planètes de notre système solaire se sont formées peu après le Soleil luimême. b) Les enseignements de la Biologie La vie terrestre est omniprésente: au fond des océans, à la surface du sol, dans l’air, dans le froid des pôles aussi bien que sur l'équateur, dans les sources sulfureuses, dans les cavernes. dans l'eau presque bouillante des geysers, dans le pétrole, et jusque dans l’eau lourde des piles atomiques. Elle s'adapte a tous les milieux, pourvu que la température n'y excède pas cent degrés. Elle vole, elle rampe, elle nage, elle s'enracine, elle se parasite elle-même, elle organise les plus extravagantes symbioses. Cette effarante diversité est une première présomption en faveur de son universelle adaptabilité et, par conséquent, de sa présence partout où les conditions ambiantes le permettent. Mais la découverte de la vie sur Mars transforme la présomption en certitude. Frank Salisbury, professeur de botanique à l’Université de Colorado, a étudié pendant des années les organismes terrestres supposés pouvoir subsister dans le milieu martien: ni les mousses ni les lichens, chers à la vulgarisation de naguère et même à certains astronomes actuels peu informés de biologie, n'ont résisté à ses observations et à ses expériences. Seules certaines algues s’accommoderaient peut-être des conditions de la planète rouge: mais, d'un autre côté, des algues ne rendent pas compte des faits observés sur Mars. La vie martienne, dit Salisbury, est donc autre chose, ce qui est bien confirmé par l’identification des acétaldéhydes dans les régions sombres par Sinton. Non seulement, donc, la vie terrestre s'accommode de toutes les conditions terrestres, mais la première vie extra-terrestre avec laquelle la science ait établi un contact expérimental apparaît d'emblée comme très différente de tout ce que nous
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connaissons et capable de subsister dans des milieux délibérément aberrants à nos yeux. SUR MARS, UNE VIE HAUTEMENT ADAPTEE L’observation des variations saisonnières sur Mars montre de plus que la vie y est hautement adaptée. Elle évolue en effet au printemps avec une foudroyante rapidité (de Vaucouleurs), envahit les déserts (Antoniadi, Phocas), change d'année en année (Antoniadi, Slipher), efface en quelques jours l’effet des grandes tempêtes de poussière jaunâtre (Öpik). Tout cela, pour le biologiste, traduit une organisation complexe, fortement adaptée et différenciée, et par conséquent une évolution ancienne ayant abouti à un vaste système en équilibre, comparable, par ses effets globaux, à celui au milieu duquel nous vivons. Certes, nous n'en voyons, à soixante millions de kilomètres de distance, que l’aspect végétal, et il ne peut en être autrement: transportés sur Mars, les instruments des astronomes que je viens de citer ne verraient, eux aussi, que les forêts et les campagnes terrestres. Mais l’écologiste, qui est le spécialiste des milieux vivants, sait par expérience qu'un cycle biologique ne peut persister qu'en se bouclant, et que là où il y a un chou, il y a une chèvre pour manger le chou, un loup pour manger la chèvre, des parasites sur le chou, la chèvre et le loup, des bactéries pour rendre leurs cadavres au " terreau " de la biosphère. Le peu que nous savons de la vie martienne nous la montre donc globalement semblable à la vie terrestre par les grands processus de son évolution, même si le détail est destiné à nous échapper pendant quelques années encore, et, précision d'une importance capitale, même si son infrastructure biologique, climatologique, géophysique, est presque totalement différente de celle de la vie terrestre. Ce dernier fait nous contraint à la généralisation suivante: puisque la vie existe avec tous ses caractères essentiels dans des milieux aussi différents que le milieu terrestre et le milieu martien, c’est qu'elle n'est nullement tributaire du milieu terrestre, et qu'il faut s'attendre à la voir proliférer sur des myriades de planètes, même très différentes de la Terre et de Mars. UNE PENSEE TECHNOLOGIQUE ET SCIENTIFIQUE? Mais ce n'est pas tout. Sur Terre, la vie est entrée en évolution dès ses origines. La paléontologie en suit le progrès constant et accéléré à travers les âges géologiques depuis le précambrien jusqu'à l’homme. La haute adaptation de la vie martienne, qui se traduit par l’aisance et la rapidité de ses variations saisonnières, nous montre qu'il en a été de même sur la planète Mars. On peut, certes, en attendant la preuve formelle, décider de croire que la Terre et Mars sont des exceptions, qu'elles sont les deux seules planètes à biologie évolutive de l’univers, mais il est évident que les motifs d'une telle croyance ne sauraient être que d'ordre théologique et que les connaissances acquises à ce jour nous inclinent toutes à penser le contraire. Le même raisonnement s'impose à nous sur
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la question de savoir si le niveau humain atteint par l’évolution terrestre à l’ère quaternaire est une exception ou une généralité. II s'impose même avec encore plus de force, car toute la paléontologie terrestre nous montre avec une invincible évidence le processus d'hominisation en marche dans le règne animal depuis les âges les plus reculés, depuis l’apparition des premiers mammifères, et même depuis les premiers êtres à système nerveux central. Les millions d'espèces qui ont précédé les animaux actuels témoignent que l’homme n'est nullement le produit d'un hasard miraculeux, mais bien l’aboutissement d'une longue recherche de toute la vie animale terrestre, un aboutissement inévitable et fatal. La meilleure preuve en est le nombre extravagant d'ébauches humaines variées qui ont précédé notre réussite, si c'en est une, et dont les paléontologistes retrouvent un peu partout les fossiles: si nous n'étions pas là, nous, les Homo Sapiens, quelqu'un d'autre y serait. La pensée technologique et scientifique a donc toutes les chances d’être presque aussi répandue dans l’univers que la vie elle-même. Là encore, certes, on peut arguer de raisons théologiques pour croire le contraire. Mais toutes les évidences scientifiques vont dans ce sens. SONGEZ AU TEMPS... Et c'est ici qu'il faut rappeler les précisions données tout à l' heure sur l’âge des étoiles. La pensée rationnelle est apparue dans le système solaire (sur Terre) vers le huitième ou le dixième milliard d'années de son âge. D'autre part, l’histoire humaine montre que le stade historique de la conquête de l’espace par cette pensée a été atteint après quelques siècles à peine du développement de la recherche technologique. Trois cent cinquante ans après Galilée, les premiers engins humains croisent au large de Vénus (MarinerII) et de Mars (Mars I). Où en seront les hommes dans un millénaire? Mais surtout, où en seront-ils dans un million, dans un milliard d’années? Or, nous l’avons vu, il existe une foule innombrable d'étoiles qui ont commencé à évoluer des milliards, et peut-être des dizaines de milliards d'années avant le Soleil. Quels niveaux inimaginables ont pu atteindre et franchir les sociétés intelligentes apparues dans ces systèmes planétaires? N'est-il pas conforme à toutes les vraisemblances de prévoir que ces sociétés ont depuis des temps fabuleux pleinement domestiqué la technique de la communication et du voyage intersidéraux? c) Les enseignements de la Physique La théorie de la relativité nous avertit qu'aucune masse physique ne saurait atteindre la vitesse de la lumière, et à plus forte raison la dépasser. Si cette théorie était le dernier mot de la science, les voyages intersidéraux seraient difficiles à cause de leur durée, quoique possibles cependant. L’aller et retour
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vers la plus proche étoile prendrait huit ans. Mais nous savons que la relativité n'est pas le dernier mot de la science, et ceci pour une raison fort simple: c'est que toutes les tentatives pour établir une théorie unitaire ont jusqu'ici échoué. L’Univers physique échappe donc encore à notre intelligence, au moins par un de ses aspects fondamentaux. Nous ne connaissons pas les limites du possible en science et en technique, et aucun homme de science ne saurait se risquer à fixer d'avance ces limites qui n'existent probablement pas. Les présomptions les plus raisonnables et les plus assurées de la science nous conduisent par conséquent à admettre qu'en un nombre immense de points de l’espace, la technique du voyage intersidéral est depuis longtemps maîtrisée, et que des engins conduits par une pensée voyagent constamment dans la Galaxie. Pour avoir le droit de refuser cette idée (familière depuis longtemps à la science-fiction), il faut préalablement récuser l’une ou l’autre des certitudes suivantes: l’âge commun des planètes et du Soleil, l’apparition de l’homme sur la terre à l’ère quaternaire, la vie sur Mars, l’existence de systèmes planétaires autour d'une forte proportion des étoiles, et enfin la formidable antiquité d'un nombre énorme d'entre elles. Accepter cela, c'est reconnaître l’existence des soucoupes volantes, que nous les ayons vues ou non. Et pour le refuser, il faut se mettre en contradiction avec l’une ou l’autre des principales sciences actuelles.
2. L’AFFLUX DES TEMOIGNAGES Ce raisonnement n'est pas nouveau. Un homme de génie, l’Américain Charles Fort, l’avait déjà fait très clairement il y a une quarantaine d'années. La seule différence, c'est que Charles Fort ne pouvait appuyer sa pensée que sur des présomptions, et que ces présomptions sont devenues par la suite des certitudes. II supposait que les étoiles avaient des planètes comme le Soleil, que certaines étaient plus âgées que lui, et que la vie pouvait apparaître presque n'importe où. Mais rien de cela n'était encore prouvé. Sa conclusion n'en était pas moins limpide: "S'il y a tant d'astronefs dans l’espace sidéral, se demandait-il, pourquoi ne les voyons-nous pas?" Actuellement, la même question doit être posée différemment. Un nombre considérable de personnes affirment en effet les avoir vus, et une nouvelle discipline est née, celle de l’étude des témoignages. Des commissions d'enquête ont été créées, les unes officielles comme l’Air technical Intelligence Center aux Etats-Unis, d'autres privées. Des chercheurs se sont peu à peu spécialisés dans cette recherche depuis une quinzaine d'années. Ils sont une cinquantaine dans le monde, et je les connais tous. La plupart d'entre eux poursuivent leur travail clandestinement en raison du discrédit jeté sur ce genre de recherche, réputé "pas sérieux". Ce sont des astronomes professionnels, des techniciens de l’aéronautique, des ingénieurs, des physiciens. Les extravagances et les
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impostures d'un nombre considérable de charlatans les incitent d'ailleurs autant à la prudence que la suspicion de leurs collègues. Mais les résultats acquis ne sont pas moins intéressants. Ce sont ces résultats que nous allons maintenant examiner. LE NOMBRE DES TEMOINS Il existe deux méthodes susceptibles d'opérer une évaluation grossière du nombre de personnes qui, dans le monde entier, disent avoir vu des objets dont la description ne peut être expliquée ni par des bolides, ni par des météores, ni par des ballons sondes, ni par quelque phénomène connu que ce soit. La première consiste à faire la somme des dossiers répandus dans les fichiers existants. Mon propre fichier comporte près de deux mille cas, dont les quatre cinquièmes environ en provenance du territoire français. Diverses supputations aboutissent à un nombre de l’ordre de trente à quarante mille dans le monde entier. Dans une bonne partie des cas, disons la moitié, il y a eu plusieurs témoins. Mais cette évaluation ne vaut pas grand-chose, car la plupart des observations ne sont pas communiquées aux chercheurs: les témoins répugnent en effet à passer pour fous. Nous éprouvons ici l’effet des campagnes de presse orchestrées par ceux que Louis Pauwels appelle les "Messieurs en noir", et qui sont, non pas précisément les savants en place, mais ceux d'entre eux dont ils dépendent administrativement, augures qui tranchent du haut de leur position officielle sans avoir le moins du monde étudié ce dont ils parlent, et qui ont d'ailleurs, pour les honneurs, abandonné depuis longtemps toute recherche. LES SONDAGES D'où l’intérêt de la seconde méthode, qui est le sondage. Dès 1958, l’expérience de mes enquêtes m'avait conduit à la conclusion suivante: en France, on peut dire qu'une personne prise au hasard, ou bien a vu, ou bien connaît quelqu'un qui a vu. La difficulté est de chiffrer le nombre moyen d'individus que connaît personnellement chaque Français. Si l’on admet le chiffre de 200, cela donne pour la France entière plus de 200 000 témoins. Voici un deuxième type de sondage, réalisé aux Etats-Unis par le capitaine Ruppelt du temps qu'il dirigeait la commission d'enquête de l’A T I C, vers les années 1952-53 . Une enquête confidentielle effectuée auprès des astronomes américains observateurs (les théoriciens, qui ne regardent jamais le ciel, étant évidemment laissés de côté) aboutit à fixer le pourcentage des témoins à 11% dans cette corporation supérieurement entraînée à l’étude du ciel. A noter qu'en public tous ces témoins proclament hautement que les soucoupes volantes sont une fumisterie, et que jamais quelqu'un de sérieux n'a aperçu l’ombre d'une. Troisième type de sondage: un de mes amis américains, professeur dans une
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université et spécialiste très connu de Mars, a fait aux Etats-Unis en 1962 une série de conférences sur cette planète; le public était essentiellement constitué d'hommes de science; ayant eu la malice de terminer chacun de ses exposés par cette phrase: "... mais évidemment, la meilleure preuve de l’existence d'une vie extra-terrestre serait l’observation d’un engin venu d'une autre planète", il obtint presque régulièrement le témoignage d'un ou de plusieurs de ses auditeurs. Pourcentage des témoins: 1,5 pour cent, soit nettement plus que ma propre évaluation de 1958. Détail du plus haut intérêt: aucun de ces cas n'avait été rapporté à la Commission d'enquête de l’Armée de l’Air ni aux journaux. Il est donc bien certain que nous ne possédons dans nos fichiers qu'une infime proportion des observations. LE TEMOIGNAGE DES RADARS A côté du témoignage humain, il y a celui des appareils. Ecartons tout d'abord un certain type de cas, bien étudiés en France par le professeur Vassy, ou l’apparition de taches mobiles sur l’écran radar est imputable à des inversions de température et à un effet de mirage dans le spectre des ondes utilisées. Il s'agit là d'un phénomène bien connu des spécialistes et sans aucun rapport avec l’objet de cette étude. La tache de l’écran radar ne peut jamais, dans ce cas, être observée visuellement, et pour cause: elle n'existe que sur l’écran. Voici en revanche un cas français que j'ai bien étudié à l’époque. L’AFFAIRE D'ORLY Dans la nuit du 17 au 18 février 1956 à 23 heures, apparaissait sur le radar d'Orly une tache correspondant à un objet d'une taille deux fois supérieure à celle des plus grands appareils alors en service. Aucun avion n'étant signalé dans la région, les techniciens se bornèrent d'abord à suivre les évolutions de l’objet supposé, évolutions fantastiques, puisque les vitesses variaient du sur-place le plus rigoureux à 2'500 kilomètres/heure (notons, au passage, que, d'après une étude américaine que je citerai tout à l’heure et qui fait autorité, cette vitesse exclut déjà l’hypothèse de l’inversion de température). Mais voici qu'un DC 3 de la ligne de Londres apparaît dans le champ de l’appareil. L’objet inconnu, qui à ce moment était stationnaire, est vu sur l’écran démarrant à une vitesse foudroyante et fonçant vers le DC 3. La tour d'Orly appelle alors ce dernier pour lui demander s'il ne voit rien. - Je vois une lumière rouge clignotante qui se dirige vers moi apparemment à très grande vitesse, répond le pilote. - Quelle position attribuez-vous à cette lumière?
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- La verticale des Mureaux. C'était la position repérée au radar. Le pilote du DC 3 dut changer de cap pour éviter une collision qui lui semblait imminente, puis l’objet disparut à ses yeux. - Je ne vois plus rien. Avez-vous perdu le contact? - Non, répond la tour de contrôle. L’objet semble être du côté du Bourget. En effet, le pilote, en se tournant de ce côté, aperçoit de nouveau non seulement la mystérieuse lumière clignotante, mais bien l’objet lui-même, énorme et noir sur le fond du ciel. Ce manège dura trois heures consécutives. Au dire des enquêteurs de l’aviation civile, les pilotes des divers appareils qui atterrirent cette nuit-là à Orly après avoir vu la lumière clignotante, et parfois l’objet, manœuvrer autour d'eux à des vitesses folles, étaient blêmes de peur. Mais ce n'est pas tout : a) l’objet "connaissait " l’existence et la position des radio-balises. II se déplaçait fréquemment de l’une à l’autre à des vitesses atteignant 3600 kilomètres-heure. b) Il "connaissait" l’existence et les limites du radar. Quand aucun avion n'était en vue, il sortait du champ du radar par la verticale, et n'y rentrait que pour foncer vers l’avion en train d'approcher. c) Et voici le plus fantastique. A un moment, pour en avoir le cœur net, les opérateurs appelèrent le radar du Bourget : - Avez-vous la même réception que nous? Aussitôt, le radar d'Orly fut brouillé par une puissante interférence. Pour échapper au brouillage, les opérateurs d'Orly changèrent de fréquence. Plus de brouillage pendant quelques secondes, au cours desquelles l’objet redevint parfaitement visible sur l’écran. Après quoi le brouillage reprit sur la nouvelle fréquence: tout se passait comme si l’objet, ayant intercepté et compris la conversation entre Orly et Le Bourget, avait jugé importun le repérage radar et l’avait brouillé, et ceci de fréquence en fréquence, car radar et brouillage ne cessèrent à partir de ce moment de se poursuivre! Cette interprétation, il faut le souligner, je la tiens des techniciens de l’aéronautique qui enquêtèrent ensuite sur l’incident. Détail: le radar du Bourget, en dérangement, ne fonctionnait pas cette nuit-là.
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LA COMMISSION MILITAIRE AMERICAINE Ainsi, dans ce cas particulier, l’observation radar fut doublée non seulement de l’observation optique, visuelle, par les pilotes qui aperçurent l’objet en vol, mais par tout un manège chat et souris évoquant irrésistiblement une activité intelligente. Quelques années plus tard, je reçus à Paris la visite d'un des membres les plus éminents de la Commission d'Enquête de l’U.S. Air Force venu consulter mes dossiers et échanger avec moi ses impressions. Interrogé sur ce qu'il pensait du cas d'Orly, il poussa un soupir désabusé: - Des cas de cette sorte, nous en avons tous les mois aux Etats-Unis. - Et vous les expliquez ? - Les expliquer ? Comment les expliquerions-nous? C'est parfaitement inexplicable. - Mais alors, pourquoi diable publiez-vous périodiquement des communiqués affirmant que 99,5 % des cas qui vous ont été soumis ont reçu une explication satisfaisante, et que les autres n'ont aucune importance? Nouveau soupir désabusé: - Pourquoi? Pour avoir la paix. N'oubliez pas que la commission américaine est une commission militaire. Ah! si l’U.S. Air Force confiait cette tâche à des hommes de science... "Tous les mois", disait cet honnête homme. Certes, les cas que l’U.S. Air Force a laissé publier ne sont ni les plus nombreux ni les meilleurs. Mais nous disposons quand même de quelques sources américaines suffisamment édifiantes. LE RAPPORT DU CAPITAINE RUPPELT D'abord, le rapport du capitaine Ruppelt, déjà cité. Nous y voyons que le cas type, maintes fois répété avec quelques variantes, est le suivant: un radar repère, en plein jour, un objet volant à des vitesses nettement aberrantes, par exemple, le sur-place, ou des milliers de kilomètres-heure. Les opérateurs du radar mettent le nez dehors et voient l’objet, rond, en forme de soucoupe renversée, argenté, brillant au soleil. Ils appellent un autre radar, qui le repère aussi. Ils alertent une base militaire, qui fait prendre l’air à un chasseur. Le chasseur approche, voit l’objet, le décrit par radio, et le prend en chasse. L’objet le laisse approcher, puis s'éloigne plus vite qu'aucun avion de chasse. Le pilote décrit la manœuvre, laquelle est suivie par les autres radars. Objet et chasseur s'éloignent rapidement, arrivent dans le champ d'un troisième radar qui se met à observer la scène à son tour. Le chasseur épuise son carburant, vire et rentre à sa
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base. L’objet s’arrête et revient là où il était, jusqu’à l’arrivée d'un autre chasseur, et le petit jeu recommence. - Quoi! tout cela se serait réellement passé et l’on n'en saurait rien? Non seulement tout cela s'est réellement passé une fois, mais c'est justement la le type d'observation dont mon interlocuteur disait que l’U.S. Air Force en avait tous les mois de semblables sur les bras. Voyez le rapport de Ruppelt, édité en livre de poche par Ace Books, à New York. Il y a, je l’ai dit, des variantes. Parfois, c'est un simple citoyen qui déclenche tout en appelant une base militaire au téléphone. Parfois, c'est un pilote qui appelle une tour de contrôle. Mais c'est là, peut-on dire, du tout-venant. Chaque fois que j'expose ce que l’on vient de lire, la réaction est la même: - Mais enfin, vous rêvez! C'est impossible! Cela se saurait! AUTRES RAPPORTS OFFICIELS Cela se sait, précisément. Mais il faut, pour en acquérir la preuve, avoir envie de se renseigner, c'est-à-dire, d'abord, de déverrouiller le blocage mental provoqué de façon quasi automatique dans l’esprit de tout contemporain par l’expression "soucoupe volante". J'ai cité Ruppelt. Mais il y a mieux encore en fait de source. Et l’on n'a que le choix. Voici un rapport officiel publié en mai 1953 par l’administration de l’Aéronautique civile américaine. C'est une étude consacrée aux observations-radar enregistrées sur la seule base de Washington pendant une brève période de douze semaines, du 23 mai au 16 août 1952, période d'ailleurs quelconque. Le tableau des pages 2 et 3 de ce rapport relève 19 contacts radar. Quatre de ces contacts sont doubles, c’est-à-dire que, dans quatre cas, l’objet a été repéré simultanément par deux radars différents. Dans 16 cas, l’objet a été vu. Dans trois cas, il était bleuâtre. Dans un autre cas, il était rouge. Le 20 juillet, c'était un objet orange. Le 27, à 19 heures 30, c'est un objet sombre, sans luminosité, qui fut aperçu. Le 29 juillet, à 15 heures, un objet blanc. Et ainsi de suite. Les altitudes varient de 300 mètres, le 14 juillet, à 17 000 mètres, le 27 du même mois. Les vitesses repérées varient du surplace le 14 août à 1800 kilomètres à l’heure le 14 juillet. Un autre jour, la vitesse, non indiquée, est qualifiée de fantastique (tremendous). Veut-on d'autres détails? Le 30 juillet, l’objet était de forme oblongue. Le 27 juillet, c'était un petit objet circulaire, sombre, à la tranche parfois visible. Aucun bruit. Il se déplaçait vers le nord-est à faible vitesse en oscillant et en ondulant. Les nuages allaient en sens inverse. Il a disparu en entrant dans un nuage. Si maintenant on étudie le tableau d'un peu plus près, on se rend compte
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que plusieurs de ces "contacts" concernent le même objet, qui a été vu et cueilli au radar en plusieurs endroits successivement dans des évolutions variées. Le 27 juillet, par exemple, les observations se succèdent de 19 heures 30 (vitesse faible, disparition dans un nuage) jusqu'à minuit trente (contact radar et visuel). A deux reprises, il y eut deux objets volant de conserve et sept observations se succèdent ce jour-là en quelques heures. C'est au cours de l’une d'elles que fut notée la vitesse "fantastique". Cette question de vitesse est très importante. La seconde partie du rapport est en effet une étude des échos radar provoqués par les inversions de température, et la conclusion de nos deux auteurs est que la vitesse attribuée à l’objet fictif résultant de tels échos ne peut être en aucun cas supérieure au double de la vitesse du vent à l’altitude de l’inversion. De ce fait, l’explication par le mirage, la seule possible, se trouve exclue, sauf dans une observation du 13 août n’ayant d’ailleurs reçu aucune confirmation visuelle. LA VAGUE SUR l’EUROPE La "rumeur" des soucoupes volantes, comme dit Jung, est née, on s'en souvient, aux Etats-Unis au début de l’été 1947. Pendant plusieurs années la lecture des journaux put donner à croire qu'il s'agissait d'un phénomène strictement américain. Détail curieux et bien oublié maintenant, la première interprétation du public et de quelques techniciens qui s’y intéressaient ne fut nullement celle d'engins d'origine extra-terrestre: l’opinion unanime fut d'abord qu'il s'agissait d'une arme secrète américaine ou russe. L’hypothèse extraterrestre ne commença à prendre corps qu'à la suite des démentis de Washington et de Moscou, fréquemment réitérés en 1948 et 1949. Il est encore question de la théorie de l’arme secrète dans mon premier livre, paru en 1954. Je l’écartais d'ailleurs, car les conversations que j'avais eues en 1953 avec des officiers de la Sécurité de l’armée de l’air avaient fini par me convaincre de l’inexistence du secret militaire, fût-ce dans la Russie stalinienne. Mais dès l’instant que l’origine extra-terrestre était envisagée, une question s'imposait qui était aussi une objection: si des êtres intelligents originaires d'une planète lointaine se donnaient la peine de venir jusqu'ici, pourquoi n'atterrissaient-ils pas? Il me parut toutefois que cette façon de poser le problème ressortissait à la pure spéculation et qu'une recherche objective n'avait pas à en tenir compte. La véritable question était une question de fait: ces engins existent-ils, oui ou non, tout le reste relevant de la psychologie intersidérale, je veux dire de la science-fiction.
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TOUT AVAIT ETE VU EN AUTOMNE 54 Sur ces entrefaites, survint la fameuse vague d'observations de l’automne 1954. Pendant cinq semaines environ, de la mi-septembre au 20 octobre, les journaux européens jusque-là pratiquement muets sur la question se mirent à publier chaque jour des dizaines et des dizaines de récits de témoins. En Italie, en Angleterre, en Suisse, en Belgique, dans la péninsule Ibérique et naturellement en France, il ne fut pendant cette brève période question que de cela. Quelques flatteurs affirmèrent alors que la source de cette vague devait être cherchée dans mon livre, paru le printemps précédent. Hélas! mon livre était un four. On ne commença à le lire (peu) qu’après la fin de la vague. Et les innombrables témoins que j’interrogerai ignoraient jusqu'à mon existence, je dis en France, et à plus forte raison, à l’étranger. La vague passée, quelques amis et moi travaillâmes des mois durant à réunir tous les documents et à faire remplir des questionnaires. Vers 1956, je me trouvai ainsi à la tête d'une documentation énorme, chaotique et parfaitement délirante, dont il était impossible de tirer la moindre conclusion. Tout avait été "vu" en septembre-octobre 1954. Des objets en l’air, des échos radar, des objets en formation, des objets au sol, et même leurs pilotes! En cent endroits, des moteurs d'auto ou de camions avaient été stoppés "lors du passage en rase-mottes d'une soucoupe", des phénomènes électriques d'induction observés, de la terre arrachée au sol par un engin "prenant l’air brutalement". II y avait des traces au sol, des rémanences magnétiques faisant dévier la boussole, des témoignages concordants d'observateurs éloignés les uns des autres et ne se connaissant pas. On pouvait même souvent, par exemple le 3 octobre, suivre un "engin" à la trace à travers la France, de témoignage en témoignage. Mais, d'un autre côté, le tout présentait un aspect si délibérément démentiel que même les chercheurs les plus blasés penchaient à donner raison au professeur Heuyer, auteur d'une retentissante communication à l’Académie de Médecine sur l’origine psychopathologique de la psychose soucoupique. Je fis moi-même plusieurs conférences dans ce sens. Une question pourtant nous intriguait, le petit groupe d'amis et moi qui, ayant tué père et mère, nous obstinions à chercher un fil dans ce labyrinthe: où diable se cachaient les victimes de cette psychose supposée? Car le public, je ne dis pas dans sa majorité, mais bien dans son unanimité, y compris la presque totalité des témoins, refusaient de croire aux soucoupes volantes. - Je ne sais pas ce que vous racontent vos cinglés, me disait par exemple un mécanicien dont la voiture avait été stoppée, moteur bloqué et phares éteints,
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sur une petite route près de Dammartin-en-Goële, et, pour moi, je ne marche pas dans ces histoires à dormir debout. En pleine période de vague, c'est-à-dire au moment où la psychose aurait du être à son comble, je fus invité à prendre la parole dans le plus grand théâtre de Lille. Cette conférence avait été préparée de main de maître par ses organisateurs: affiches énormes sur les murs de la ville, interviews à la radio, articles de presse. Je suppose que mes hôtes escomptaient de somptueux bénéfices de leur opération. L’avouerai-je? quand le rideau se leva devant moi et que trente ou trentecinq personnes au plus se laissèrent apercevoir dans le désert de l’immense salle, je poussais un soupir de soulagement. Mais la vague n'en était pas moins réelle en tant que rumeur, et il fallait en trouver l’explication.
3. LA DECOUVERTE DES ALIGNEMENTS -Si ce que racontent ces gens est vrai, me dit un jour Jean Cocteau, si ces engins existent et si on les a vus, il est inconcevable qu'un ordre quelconque ne se cache pas sous ce désordre. C'est cela qu'il faut chercher: l’ordre caché sous le désordre. Et, en effet, le désordre d'une bataille cache les plans d'un état-major. Le tas de pierres peut être la ruine d'un temple. Il y avait bien quelque chose derrière le chaos de 1954, et ce quelque chose commença à m'apparaître en 1957. LA LIGNE BAYONNE-VICHY Si l’on porte sur une carte de l’Europe tous les points où des soucoupes volantes ont été observées pendant l’automne 1954, on obtient ce que les mathématiciens appellent une répartition aléatoire. L’impact des plombs d'une cartouche sur une cible, celui des gouttes de pluie sur un trottoir, la position des arbres dans une forêt sont des répartitions aléatoires: c'est le désordre du hasard. Mais au lieu de porter sur la carte toutes les observations de la vague, bornonsnous aux observations d'un seul jour, le 3 octobre, ou le 14 du même mois, ou le 15 ou n'importe quel autre. Alors, dès le premier coup d’œil, quelque chose se laisse reconnaître. Le 15 octobre par exemple, il y eut 8 observations: à Southend en Angleterre, une à Calais, une à Aire-sur-la-Lys, une sur la Nationale 68 entre Niffer et Kembs (frontière franco-allemande), une à l’embouchure du Pô, une à l’est de Paris, une sur la Nationale 7 au sud de Montargis, une enfin à Fouesnant, près de Quimper.
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Si l’on joint l’observation italienne à celle de la Nationale 68, cette ligne droite embroche très exactement, à 400 kilomètres de là, l’observation d'Airesur-la-Lys, puis celle de Calais, puis celle de Southend. Longueur de la ligne: 1'100 kilomètres. Cinq observations se trouvent rigoureusement alignées sur cette longue distance. De plus, la droite Nationale 68 - Montargis aboutit à Fouesnant, et la droite Montargis-Calais passe par Paris. Hasard? Soit. Prenons un autre jour, le 24 septembre. Neuf observations ce jour-là. Sur les neuf, six se trouvent sur une même droite allant de Bayonne à Vichy. Deux des trois autres sont alignées avec une observation du précédent alignement. La dernière est en dehors de tout alignement. Ne retenons que ]a première de ces lignes, la droite Bayonne-Vichy à laquelle nous avons donné le nom de code de Bavic, car elle a fait couler beaucoup d'encre dans le monde entier depuis 1954 et constitue probablement une des clés du problème Soucoupe. Compte tenu de la précision des points d'observation, l’Américain Lex Mebane a pu établir que la probabilité pour que, sur neuf points donnés au hasard sur une surface, six se trouvent sur une même droite, cette probabilité devrait être chiffrée à 1 contre 500.000 au moins, et peut-être à 1 contre 40.000.000. Autrement dit il y a certainement 500.000 à parier contre 1, et probablement 40.000.000 contre 1, que la disposition des observations du 24 septembre 1954 n'est pas aléatoire, qu'elle correspond à un ordre. TOUJOURS SUR LE "BAVIC"... Ce n'est pas tout. Un an environ après la parution du livre où j'exposais ces faits étranges, Jacques Bergier me signala une observation de ce même 24 septembre 1954 et qui m'avait échappé. Elle était signalée dans un numéro du Parisien Libéré de la fin du mois et reprise de la presse portugaise. Ce même 24 septembre, donc, il y avait eu au Portugal une dixième observation: une "soucoupe" vue par un paysan près d'un petit village de la sierra de Gardunha, non loin de la frontière espagnole. Quand je pointai ce lieu d'observation sur la carte, j'eus la stupeur de constater qu'il se situait très exactement sur le prolongement de "Bavic", vers le sud-ouest. J'aurais pu, avec plus de confiance, retrouver l’observation du paysan portugais en me contentant de prolonger ma ligne droite de quelques 600 kilomètres vers l’Atlantique! "Bavic" ne comptait donc pas six observations sur neuf, mais bien sept sur dix, et la probabilité pour que le hasard seul en fût cause devenait pratiquement nulle. A peu près vers la même époque, et à force de comparer les cartes d'alignements de l’automne 1954, une remarque s'imposa à moi avec une force croissante: tous ces alignements ne semblaient pas de même nature. Le 7 octobre
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1954, par exemple, ils formaient sur la France une sorte de réseau géométrique. Le 24 septembre et le 15 octobre, par contre, le réseau se réduisait à une ou deux lignes, mais très longues, franchissant les frontières, invitant invinciblement l’imagination à sortir des limites de l’épure. Or, tandis que je réfléchissais à la signification possible de cette différence, une nuit, coup sur coup, deux observations me furent signalées à Tulle et à Brive. Ces observations se situaient encore sur "BAVIC". Mais cette fois, plus de deux ans s'étaient écoulés depuis la vague de 1954. Coïncidence? Ou indice d'une piste nouvelle? UN GRAND CERCLE TERRESTRE Je repris mes dossiers et constatai que pendant la seule vague de 1954, un bon nombre d'autres observations se situaient également sur "Bavic". Parfois même - par exemple à Dôle, dans le Jura - on notait sur cette ligne plusieurs retours à des dates différentes. D'où la question: certaines lignes ne seraient-elles pas permanentes? N'ordonneraient-elles pas de façon chronique le phénomène soucoupe dans son ensemble? Pour obtenir une réponse significative à cette question, il fallait d'abord amasser une documentation suffisante sur le phénomène à l’échelle mondiale. Je disposais d'un certain nombre de revues spécialisées anglaises et américaines, ainsi que d'un réseau non négligeable de correspondants étrangers. Depuis les événements de 1954, cinq autres vagues d'observations s'étaient succédé dans le monde, toutes plus ou moins semblables à la vague européenne: une aux Etats-Unis, une dans les provinces septentrionales du Brésil et au Venezuela, une en République Argentine, une en Nouvelle-Zélande et une en NouvelleGuinée orientale. Les surfaces où ces vagues s'étaient développées présentaient généralement une extension assez restreinte. La plus vaste, aux Etats-Unis, semblait concentrée sur les Etats du nord-est, dans la région des Grands Lacs. Sur une mappemonde, elles se présentaient sous la forme de taches assez bien délimitées. Je pris donc la ligne européenne la plus suggestive et la plus riche, qui était précisément "Bavic", et, en faisant l’hypothèse que cette ligne apparemment droite était un grand cercle terrestre, je demandai à un ami disposant du matériel nécessaire à l’opération de calculer ce grand cercle avec la plus grande précision possible (on peut le calculer "à la main" , mais c'est une opération longue et laborieuse). Le résultat, je dois le dire, nous stupéfia. Qu'on en juge: le grand cercle déterminé par l’alignement Bayonne-Vichy survole successivement le Portugal, les Provinces septentrionales du Brésil, la République Argentine, la NouvelleZélande, la Nouvelle-Guinée orientale, Formose et le continent Eurasiatique. Sur six des vagues survenues depuis 1954, inclusivement, cinq sont donc embrochées par cet énigmatique grand cercle découvert à la seule lumière des observations françaises de 1954! Au moment où nous faisions cette découverte,
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nous avions parmi nous à Paris M. Christian Vogt, le très compétent animateur de la Commission d'Enquête CODOVNI, de Buenos Aires. II partagea notre étonnement et notre enthousiasme. Pour la première fois. un début d'ordre se laissait deviner à l’échelle planétaire dans ce phénomène condamné. II y avait donc un espoir d'en venir à bout avec les moyens traditionnels de la recherche scientifique. La vague américaine de l’automne 1957 restait seule en dehors de la ligne: mais elle coïncidait dans le temps avec le lancement du premier Spoutnik, et pouvait s'interpréter autrement. LA SIGNIFICATION DES ALIGNEMENTS Le fait expérimental des alignements, que chacun peut contrôler à partir des sources données dans mon livre et à l’aide de cartes, comporte un ensemble d'enseignements qu'il faut maintenant souligner: 1) Dans le fatras des récits plus ou moins certains pris un à un, ce fait émerge comme une constatation objective, libérée de toute appréciation personnelle: pour savoir si l’alignement existe, il suffit de refaire le calcul. Les sources utilisées sont des textes publiés par la presse avant la découverte des alignements eux-mêmes. On ne peut donc supposer que les observations ont été inventées après coup pour justifier les alignements. 2) Que l’immense multitude des observations s'organisant suivant un ordre déterminé suppose que ces observations concernent un phénomène unique, de même nature dans chaque cas, obéissant à une structure homogène. 3) Ce phénomène unique, quel est-il? Une psychose, une hallucination, une imposture? Dans ce cas, iI faut admettre que les impostures, les hallucinations et les psychoses se propagent de façon orthodromique sur les grands cercles terrestres. On peut, si l’on veut, appeler cela le "bon sens". 4) On peut aussi, avant de se faire une opinion, s’enquérir auprès des témoins de ce qu'ils disent avoir vu. Et alors on découvre que ce phénomène apparemment si aberrant est en fait toujours le même ou, plutôt, que l’objet décrit se trouve être dans 99 % des cas l’un des objets suivants: a) un objet d'aspect nébuleux et de vastes dimensions, de forme allongée, lumineux la nuit, vertical à l’arrêt, s'inclinant au départ, restant incliné en cours de mouvement, émettant ou "absorbant" parfois par son extrémité inférieure un ou plusieurs objets de dimensions plus restreintes. Cet objet, que j'ai appelé le "grand cigare des nuées" en raison des nuées tourbillonnantes qui l’entourent constamment, a été observé partout dans le monde, par des paysans de la Seine-et-Marne et par des Tasmaniens, au-dessus de Los Angeles et au
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Venezuela. On sait que Paul Thomas en a donné une intéressante interprétation historique dans son livre "Les Extra-terrestres ". b) un objet de petites dimensions que les témoins se disant les plus rapprochés décrivent comme circulaire, hémisphérique par-dessus, changeant d'aspect par-dessous. La nuit et en vol, l’objet est généralement lumineux, le dessus rougeâtre, orangé ou doré, le dessous susceptible d'émettre des couleurs vertes, blanches, rouges, violettes, soit séparément, soit simultanément; les témoins se disant rapprochés déclarent que, dans ce dernier cas (émission simultanée de plusieurs couleurs), les sources lumineuses sont des sortes de tigelles verticales pendant sous l’objet et qui ont été vues apparaissant, disparaissant, échangeant entre elles leurs couleurs et donnant ainsi une impression de tournoiement (par exemple, le 3 octobre 1954, à Armentières, à Château-Chinon, à Montbéliard, et à d'autres dates un peu partout dans le monde). A la place des tigelles, sous l’objet principal, apparaît parfois un objet plus petit, très lumineux, solidaire du premier mais susceptible de descendre verticalement au-dessous de lui (par exemple, ce même 3 octobre, à Marcoing, à Liévin, Ablain-St-Nazaire, Milly, Champigny). c) un objet de mêmes dimensions que le précédent et de même forme par-dessus, mais ne présentant par-dessous aucun des phénomènes décrits plus haut. Cet objet est souvent aperçu au sol. Il est alors soit lumineux et de couleur rougeâtre, orange ou dorée, soit obscur, et fréquemment associé à l’objet décrit au paragraphe suivant. d) un être ayant les apparences de la vie, haut d'environ un mètre dix, décrit comme vêtu d'un scaphandre de couleur claire, peut-être translucide, large de corps, de "démarche" balancée et sautillante. Les témoins disant avoir aperçu l’être lui-même à travers le scaphandre parlent d'un teint sombre, peut-être pileux, d'une "tête" basse et large. Dans certains cas, les témoins disent avoir vu, associé à cet être, ou à l'objet décrit au paragraphe précédent, ou aux deux, un autre être de taille et d'aspect franchement humain. Les témoignages sont uniformes en France et en Nouvelle-Guinée, aux Etats-Unis et au Venezuela, au Brésil, et partout dans le monde, y compris en Union Soviétique (voir là aussi l’interprétation de Paul Thomas). Les témoins ont-ils réellement vu tout cela? L’ont-ils rêvé ou inventé? J'abandonne cette question aux historiens, me bornant à constater que leurs témoignages se portent sur des lignes droites que le hasard n'explique pas. Mais ce n'est pas tout. e) les témoins associent souvent, et dans toutes les parties du monde, l’observation rapprochée des objets ci-dessus à un certain nombre de phénomènes, eux aussi toujours les mêmes : arrêts de moteurs, extinctions de
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phares, interruptions de circuits électriques, électrisation et paralysie du corps humain, échauffement d'objets pouvant aller jusqu'à la dessiccation de corps mouillés et à la calcination de matières organiques: bois, feuilles, herbe, etc., agitation bruyante et magnétisation d'objets métalliques. f) les témoins attribuent aux objets en l’air un certain nombre de comportements caractéristiques et toujours les mêmes: mouvement en ligne droite, basculement au départ et à l’arrêt, changement de direction accompagné d'une manœuvre uniformément décrite dans le monde entier de la façon suivante: ralentissement subit, arrêt, descente en zig-zag ou feuille morte, puissant souffle vertical, accélération subite avec basculement et essor dans une nouvelle direction. Ce comportement complexe correspond toujours, sur la carte, à l’intersection de deux lignes.
4. UN BILAN PROVISOIRE Un bilan élémentaire du "problème soucoupe" tel qu'il se présente en 1963 devrait encore mentionner les études statistiques de fréquence faites en France, au Brésil, en Espagne et aux Etats-Unis, ainsi que l’analyse fine de l’alignement "Bavic", à la suite de la saisissante série d'observations enregistrées pendant l’été 1962 dans le centre de la France. Je n'en dirai que quelques mots, car il faudrait un livre pour en parler convenablement. TOUS LES VINGT-SIX MOIS Sur le premier point (rythme des fréquences), les faits sont les suivants: en se fondant sur quatre catalogues différents n'ayant de commun entre eux qu'un stock minoritaire d'observations, quatre chercheurs travaillant séparément et sans s'être concertés ont abouti au résultat identique d'une maximum très net tous les 26 mois. On voit ce qu'évoque ce cycle: c’est celui des oppositions de la planète Mars. "Elles" viendraient donc de Mars? Conclusion simpliste. D'abord, les maximums ne coïncident nullement avec les rapprochements de la planète, mais avec le troisième mois suivant l’opposition. Ensuite, le Dr Olavo Fontès, un chercheur brésilien, croit avoir décelé, se superposant au cycle de 26 mois, un second cycle, plus long, de cinq ans. Mars joue indiscutablement un rôle dans l’organisation chronologique du phénomène. Lequel? On en discute. Sur le second point (structure fine des alignements), les recherches actuelles sont beaucoup plus prometteuses. L’HISTOIRE DU VAURIAT Il n'est pas déraisonnable en effet, compte tenu de ce que l’on sait déjà, d'espérer que l’on pourra un jour prévoir certaines observations et dire, par
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exemple, à l’issue d'un calcul, que tel jour, à telle heure et à tel endroit, il se passera ceci ou cela. Cet espoir se fonde sur quelques très encourageantes réussites dont voici la plus remarquable. Le 29 août dernier, un peu avant 14 heures (c’est-à-dire en plein jour), quatre objets étaient observés coup sur coup à faible distance au-dessus d'un hameau du Puy-de-Dôme appelé Le Vauriat. Il y avait plusieurs témoins, dont un pilote expérimenté, membre de l’Aéro-Club d'Auvergne. Le journal de Clermont-Ferrand “la Montagne”, par qui nous fûmes alertés, donnait dans son numéro du 30 août de nombreuses et intéressantes précisions, car les objets, descendus à basse altitude, avaient manoeuvré pendant plusieurs minutes sous les yeux des témoins. Mais la précision la plus précieuse pour nous manquait : on ne disait pas où se trouvait Le Vauriat. Un de mes amis (que je ne nommerai pas parce qu'il appartient au Centre national de la Recherche scientifique) entreprit de repérer ce lieudit sur la carte du Puy-deDôme au 200.000ème, tâche fastidieuse et sans espoir: cette carte mesure un mètre dix de long sur cinquante centimètres de large et comporte des milliers de noms (c'est la Michelin n° 73). Après avoir vainement cherché pendant une heure ou deux, il eut soudain une idée : l’alignement "Bavic" ne traverserait-il pas le Puy-de-Dôme? Si, précisément, si donc l’observation était authentique, il y avait une bonne chance pour que Le Vauriat se trouvât sur cet alignement, car la manœuvre décrite était celle d'une intersection de lignes. II porta donc sur la carte les coordonnées de "Bavic" qu'il traça avec beaucoup de soin, et se reporta au récit des témoins. "Les quatre objets, pouvaiton lire dans la Montagne, se mirent alors à décrire une sorte de ballet au-dessus de la gare..." La gare! Il y avait donc une voie de chemin de fer ! Notre ami mit le doigt sur une extrémité de la ligne et la suivit jusqu'à ce qu'elle coupât une voie. A ce point précis, "Bavic" traversait un tout petit village. Notre ami se pencha et lut : le Vauriat. Il m'appela aussitôt au téléphone et, je dois le dire, sa voix tremblait. L’ABJURATION EST PRETE... On comprendra que le jour où nous en saurons autant sur les chronologies du phénomène que nous en savons déjà sur ses lois spatiales, ou, si l’on préfère, topographiques, la prévision deviendra possible. Mais ce résultat, s'il peut être atteint, ne le sera qu'au prix d'une étude minutieuse et de beaucoup de travail. C'est dans ce but qu'un certain nombre de chercheurs français - astronomes professionnels, techniciens de l’aéronautique, physiciens, ingénieurs - ont décidé vers la fin de 1962 de se constituer en groupe d'étude (1). Forts d'une expérience classique dans l’histoire des sciences et qui veut que les recherches nouvelles ne soient poursuivies qu'au prix des plus graves risques professionnels, ces
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chercheurs garderont l’anonymat. Ils savent trop ce que seraient les réactions des maîtres administratifs de l’astronomie et de la recherche spatiale française à leur égard pour risquer l’avenir de leurs travaux en les divulguant sous leur nom. De quoi s'agit-il en effet ? De proclamer urbi et orbi que tel ou tel savant français travaille sur les soucoupes volantes, ou de faire progresser la connaissance ? Tous les travaux effectués en France sur ce sujet condamné seront donc publiés sans nom d'auteur(2), et, s'il le faut, hautement récusés et abjurés. La formule d'abjuration est toute prête. Planète l'a publiée dans son numéro 8 : c'est l’abjuration de Galilée. Moyennant quoi, et étant bien entendu qu'elles n’existent pas, on finira peut-être par savoir ce que sont les soucoupes volantes. AIME MICHEL. 1. Le Groupe d'Etude des Phénomènes Aériens et des Objets Spatiaux Insolites, 74, rue Etienne-Dollet, Cachan (Seine). 2. Dans le bulletin du G.E.P.A.
Bibliographie: - Charles Fort: "Le Livre des Damnés", traduction française parue aux Editions des Deux-Rives, Paris. - Jacques Bergier et Louis Pauwels: "Le Matin des Magiciens", Gallimard. - Edward J. Ruppelt: "Report on Unidentified Flying Objects", Ace Books, New York 1956. - Richard C. Borden, Electronics Division, and Tirey R. Vickers, Navigation Aid Evaluation Division (Civil Aeronautics Administration Technical Development and Evaluation Center), Indianapolis, Ind., Technical Development Report n° 180, May 1953: "A Preliminary Study of Unidentified Targets Observed on Air Trafic Control Radars". *- Aimé Michel: "Lueurs sur les Soucoupes Volantes", Mame 1954. - Aimé Michel: "Mystérieux Objets Célestes", Arthaud 1958. - Lex Mebane: "Flying Saucers and the Straight Line Mystery", Criterion Books, New-York. (Supplément à l'édition américaine de Mystérieux Objets Célestes, p. 261). - Paul Thomas: "Les Extraterrestres", Plon 1962.
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"Les tribulations d'un chercheur parallèle" (Planète n° 20, janvier-février 1965)
Photo d'Aimé Michel (J. L. Seigner)
"Je sais : des découvertes seront faites que mon imagination est incapable de concevoir. Je les attends avec curiosité et enthousiasme." Linaus Pauling, prix Nobel.
OU L'ON DÉCOUVRE LES FAITS MAUDITS
Je vais dire comment on se damne et quel sentiment pousse certains hommes vers les ténèbres extérieures. Ce sentiment, c'est la curiosité. Je sais un généticien français qui, comme la plupart des généticiens curieux des mécanismes de l'évolution biologique, fait de la génétique des populations en étudiant (là encore comme la plupart de ses collègues) la mouche du vinaigre, la fameuse drosophile. La génétique des populations consiste essentiellement à étudier par la statistique l'évolution d'un groupe d'êtres vivants sujets à des mutations. Dans la théorie néodarwinienne, qui est le dogme actuel de
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l'évolution biologique, tout se fait par mutation, sélection et hasard. Si l'on ne croit pas cela, on est damné. - Seulement, voilà, confie sous le sceau du secret ce biologiste à quelques amis fidèles qui viennent aussitôt me le répéter, ces damnées mouches refusent obstinément de forniquer au hasard. La règle voudrait que leurs gènes se mélangent en vertu de la loi des grands nombres, et d'elle seule, comme des billes blanches, rouges et vertes qu'on mettrait dans un même sac et qu'on secouerait vigoureusement. Mais le peuple des drosophiles montre un mépris outrageant pour cette loi sacrée. Loin de faire ses enfants au hasard des rencontres, il est sensible aux formes du partenaire, à sa façon de voler, de faire ou de se laisser faire la cour, bref, il est, comme nous, fidèle d'abord à son choix et par là rebelle aux beaux théorèmes de la génétique mathématique chère à nos docteurs. - Mais c'est sensationnel ! s'exclame l'ami fidèle, qui ajoute, un peu perfidement: quand allez-vous publier cela? - Publier ? Juste ciel ! Vous n'y pensez pas ! Non seulement je ne publierai jamais une trouvaille aussi scandaleuse, mais c'est à peine si j'ose me la dire à moi-même. - Alors ? Vous laissez tomber ? Ici se situe ce que les dramaturges anciens appelaient la péripétie: La réponse sera-t-elle oui? Sera-t-elle non? C'est le destin d'une vie qui se joue. Ce peut être celui de la science. Je dois dire que, dans le cas présent, la réponse fut non, pour l'honneur de qui la fit. Elle ne pouvait d'ailleurs être différente, car si le généticien avait été affligé d'une cervelle capable de résister à l'attrait sulfureux du phénomène impossible, il se fût trouvé du même coup et d'abord incapable de voir que ce phénomène existait. Il l'aurait regardé sans le voir. L'ayant vu, il ne pouvait plus reculer. Quand Ève vit le serpent, elle avait déjà croqué la pomme. OU LE SAVANT MÈNE UNE DOUBLE VIE
Notre généticien croqua donc la pomme. Depuis sa découverte, une partie de ses recherches, et celle sans doute qui lui tient le plus à cœur, se poursuit dans une jalouse clandestinité. Qu'est-ce exactement qu'un chercheur parallèle? Un chercheur professionnel qui affiche des opinions non orthodoxes? Non. Tout chercheur digne de ce nom se trouve forcément en désaccord sur quelque point avec
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l'ensemble de ses collègues. Il n'existe qu'une sorte de chercheur rigoureusement orthodoxe: celui qui ne cherche rien et ne publie rien. Le chercheur parallèle est celui qui mène de front deux programmes de recherches, dont l'un donne lieu à des publications et entre par conséquent dans le jeu des réfutations et confirmations, et l'autre pas. C'est celui qui garde secret une partie de ce qu'il sait, ou qui ne le divulgue qu'à quelques initiés. La partie publiée peut être remarquablement orthodoxe. Ce fut le cas du professeur Rocard pendant tout le temps qui précéda l'orage déclenché par son livre sur le Signal du Soucier'. Rocard était alors, pour tout le monde, un éminent physicien expérimental, un spécialiste respecté des phénomènes périodiques, et cela seul. Quelques personnes seulement savaient qu'il poursuivait en secret d'étranges expériences sur la détection des gradients magnétiques par le corps humain. Mais le programme publié peut tout aussi bien défier déjà l'orthodoxie. C'est le cas par exemple du professeur Baranger, qui n'a jamais caché ses travaux sur les transmutations, biologiques au laboratoire de chimie de l'Ecole polytechnique. Dans un domaine tout différent, c'est aussi le cas de notre ami Michel Gauquelin, qui applique à l'étude des influences planétaires les méthodes statistiques les plus classiques et publie ses résultats'. C'est également, hélas, mon cas personnel. Depuis une bonne quinzaine d'années que j'étudie divers sujets mal famés, j'ai quelque peu publié. Mais pas tout. Je pense qu'il en va de même pour Gauquelin, Baranger, Pierre Duval' et tous les chercheurs perdus qui ont choisi d'explorer les zones interdites de l'inconnu. Pourquoi tout n'est-il pas toujours publié? Pourquoi l'essentiel peut-il parfois, et en dépit de tout, demeurer clandestin? Si l'on m'avait posé ces questions il y a douze ans, quand je commençais à m'intéresser aux soucoupes volantes, j'en aurais été indigné. Les premières observations publiées par la presse dataient alors de quelques années à peine, puisque c'est le 24 juin 1947 que l'américain Kenneth Arnold parla pour la première fois des fameux disques volants. Keyhoe venait de publier son premier livre'. A l'époque, l'énigme des soucoupes volantes, si elle existait, paraissait simple. Il s'agissait soit d'une affabulation journalistique, soit d'une arme secrète américaine ou russe, soit d'engins extraterrestres. Pour départager des hypothèses aussi différentes, je pensais qu'il suffirait d'une brève enquête ou même simplement d'attendre quelques mois. Si les mystérieux engins étaient un " canard ", une étude un peu poussée des témoignages lui couperait rapidement les ailes. Une arme secrète ne saurait le rester longtemps. Et si des extraterrestres étaient arrivés à proximité de la Terre, il me paraissait évident qu'après nous avoir un peu observés de loin, ils ne manqueraient pas d'atterrir devant le palais des Nations Unies, ou sur les pelouses de la Maison Blanche, ou dans la grande cour du Kremlin, ou partout à la fois, en vue d'échanger des ambassadeurs, à moins que l'on n'assiste à une agression en règle où à n'importe laquelle des innombrables calamités prévues par la science-fiction quand elle
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rêve du contact extra-terrestre. De toute façon, l'idée ne me vint même pas que l'investigation de ce problème pouvait, à partir d'un certain moment, se perdre dans le secret. Je n'avais qu'une foi: la science. Et je pensais que ce que la science sait, elle le dit, et que ce qu'elle ne dit pas, elle l'ignore. J'ai gardé cette foi. Mais, après quinze ans de travail et de réflexion, la science réelle me paraît un peu moins simple que celle des livres de M. Marcel Boli. 1. Édition Dunod.Voir sur les affaires Rocard et Baranger, Planète n, 12, page 47. 2. Le prochain volume de l'Encyclopédie Planète, l'astrologie devant la science, est l'oeuvre de Michel Gauquelin et fait le bilan de ses recherches. A paraître en février. 3. Auteur de Nos pouvoirs inconnus. dans l'Encyclopédie Planète. 4. The flying Saucers are real (Facett, New York).
Le hasard voulut à ce moment que je fusse chargé par la R.T.F. de faire une émission sur la météorologie. Pendant plusieurs semaines, je fréquentai les bureaux et les laboratoires de la Météorologie nationale où je me liai d'amitié avec M. Roger Clausse, son porte-parole habituel. Et un jour, poussé sans doute par le malin génie qui veille sur ma destinée, Roger Clausse exhuma d'un tiroir un dossier de couleur jaune qu'il me tendit avec un sourire mi-figue mi-raisin. Tenez, me dit-il, si vous voulez vous distraire, voici ce que je peux vous offrir de plus palpitant. Palpitant, le dossier l'était en effet. A côté de diverses observations de phénomènes atmosphériques rares, parhélies, faux soleils, halos, etc., je tombai sur deux rapports rigoureusement inexplicables'. Le premier, en provenance d'Afrique équatoriale, décrivait quatre disques lumineux observés pendant vingt minutes à Bocaranga, dans l'Oubangui-Chari. Mouvements rapides, changements de couleur, basculements, longs " surplace ", c'était un véritable festival. Le second, encore plus surprenant, provenait de la station météo de l'Aérodrome militaire de Villacoublay. Là encore, mais cette fois pendant des heures, des objets lumineux capables des plus aberrantes performances avaient été observés et suivis au théodolite par le personnel de la station. Détail extraordinaire: l'un de ces objets finit par se fixer sur le fond du ciel " où il se mit à suivre le mouvement apparent des étoiles ". Cette fois, s'il s'agissait d'engins, la preuve semblait faite de leurs possibilités spatiales. Aucun appareil connu n'était en effet capable de rester immobile en un point fixe du ciel pendant des heures: c'était en 1952, cinq ans avant le premier Spoutnik, et douze ans avant le premier satellite stationnaire (lancé par les Américains, et d'ailleurs invisible à l'oeil nu). OU L'ON ME PARLE DU SECRET MILITAIRE
Ce fut là ma "péripétie". Je tenais la preuve que les récits de Keyhoe n'étaient pas une invention pure et simple. Des témoins qui ignoraient jusqu'à l'existence de l'auteur américain décrivaient les mêmes phénomènes que lui. De
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ce moment, ma résolution fut prise. Tout ce qu'il faudrait faire pour savoir, je le ferais. Mon enquête fut d'abord inspirée par une illusion dont la candeur, avec le recul des années, me paraît tout simplement navrante: je croyais que quelqu'un savait. Cette illusion, à vrai dire, je la tenais de Keyhoe lui-même, dont le livre était conçu de façon à faire croire que l'armée américaine cachait la vérité au public. Si donc l'armée américaine savait, l'armée française, son alliée, savait peut-être aussi. Mais comment savoir si l'armée savait ? De longs mois se passèrent en vaines démarches auprès de personnalités diverses, en manœuvres pour me faire introduire ici ou là. Passons. Un jour, enfin, par une série de ruses complexes et probablement éventées, je parvins à faire porter indirectement à la connaissance d'un officier de renseignements de l'armée de l'Air (que je savais chargé d'un travail sur le sujet), qu'un certain Aimé Michel était au courant de certaines choses et que peut-être, en le manoeuvrant correctement... Bref, un rendez-vous avec cet officier fut organisé dans l'arrière-salle d'un café voisin de l'Ecole militaire. Je me félicitais de mon habileté en me dirigeant vers ce rendez-vous, une épaisse serviette noire sous le bras. Je me disais que le temps des fastidieuses enquêtes policières allait peut-être prendre fin, que, si je savais inspirer confiance, les cartes seraient sans doute abattues devant moi, et qu'enfin je saurais! Je n'arrivais d'ailleurs pas les mains vides. J'avais déjà rassemblé de nombreuses observations, dont certaines antérieures à tout ce qui avait été publié jusqu'alors, et par conséquent plus énigmatiques. L'une en particulier datait de 1942, et avait été faite au Sahara. Si mon interlocuteur essayait de me servir un bobard trop facile, il lui faudrait aussi m'expliquer cette soucoupe contemplée pendant des heures, en plein jour, par tout un détachement de l'armée française, ses officiers, ses deux radios, son météo. 1. Voir Lueurs sur les soucoupes volantes, par Aimé Michel (Maure, éditeur).
Je ne me rappelle ni qui arriva le premier ni comment furent faites les présentations. Ils étaient deux, en civil l'un et l'autre, le capitaine C... et M. Latappy, " un ami". L'un hilare, décontracté, le verbe agile et truffé de calembours. L'autre sombre, émacié, l'oeil ardent, la moustache énigmatique, un authentique agent de film d'espionnage. Mais le capitaine, c'était le premier. Et en moins de cinq minutes, je compris que tout le scénario dramatique imaginé par Keyhoe n'était qu'un rêve puéril. - Le secret militaire? Laissez-moi rire! dit le capitaine en faisant ce qu'il disait. Des secrets sur de petites choses, tant que vous voulez'. Ceux-là, on se les cache, on se les vole, on se les vend tant bien que mal un peu partout dans le monde. Mais une chose aussi énorme que les soucoupes volantes, vous n'y pensez pas! Pour qu'un engin, un seul, à l'état de prototype, vole comme les soucoupes sont censées le faire, il faudrait, vous le
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savez aussi bien que moi, une révolution de la physique. C'est déjà énorme. Toutes les révolutions scientifiques se font simultanément dans tous les pays avancés, et ce que les Américains savent, les Russes le savent aussi à très peu d'écart près, et inversement. Ne m'objectez pas la bombe atomique: la bombe ne correspondait à aucune révolution scientifique. Mais surtout, pour permettre à une seule soucoupe de s'envoler, il faudrait une révolution industrielle, l'effort de tout un pays, une véritable mobilisation des richesses, des moyens et des esprits. Sacrebleu! C'est comme si vous parliez de monter une locomotive dans ma chambre à coucher à mon insu. - Fort bien, dis-je. La soucoupe russe ou américaine est absurde. Mais alors? Mes deux interlocuteurs échangèrent un regard. - Euh, fit le Capitaine. Oui, et alors? Nous avions tous trois des serviettes assez volumineuses. Nous étions seuls au fond d'un bistrot. J'ouvris la mienne et étalai tout sur la table. - Alors, dis-je, voilà. Faites-vous une enquête, oui ou non? Tout est devant vous. L' " ami " aux moustaches énigmatiques posa sur les feuillets un oeil allumé, un peu fébrile, extirpa de sa propre serviette un énorme cahier plein d'une écriture fine, serrée et qui semblait illustré çà et là de dessins extraordinairement prometteurs et semé de coupures de presse. - Oui, commenta le capitaine. Comme vous, je fais une enquête. Mais je vous présente un précurseur: M. Latappy qui, lui, recueille tout depuis le début, depuis l'affaire Arnold, en 1947. Personne en France n'en sait plus que lui. Il n'est pas militaire. Il est le dessinateur de Forces aériennes.françaises, notre revue de l'armée de l'Air. Mais tout ce que j'ai, il l'a. Une heure plus tard, j'avais définitivement compris plusieurs choses. D'abord, que, dans cette étrange histoire, personne ne savait. Ni l'armée française, ni aucune armée au monde. Ensuite, qu'une partie non négligeable des observations (et précisément les meilleures, les mieux attestées, les mieux rapportées, les plus riches en détails) étaient rigoureusement inexplicables. Et enfin, révélation à mes yeux la plus bouleversante, que l'on peut savoir une chose sans avoir les moyens de la dire. - Cela existe, dis-je, et ce n'est ni russe ni américain. Disons le mot: s'il s'agit d'engins (et comment expliquer les meilleures observations autrement?), ils ne sont pas d'origine terrestre. Eh bien, il faut le dire! - Parfaitement, dit le capitaine: dites-le.
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- Moi ? Il faudrait que j'aie des preuves autres que le témoignage. Mais vous, vous avez l'autorité. Vous pouvez vous passer de la preuve - le témoignage de l'armée est assez convaincant. - Dites-moi, mon petit ami, dois-je comprendre que vous êtes en train d'inciter un officier de l'armée française à faire publier un communiqué proclamant que ladite armée croit aux soucoupes volantes, bien qu'elle n'en ait aucune preuve? Seriez-vous un saboteur, par hasard ? Garçon! un rhum pour Monsieur! - Mais alors, que faire? 1. Voir dans le même numéro de Planète l'article de XXX sur le dossier de l'espionnage moderne.
- Cherchez la preuve. Et apportez-la-nous. Si elle est sans réplique, vous l'aurez, votre communiqué. Mais voulez-vous mon avis? Si cette preuve était possible, on l'aurait déjà trouvée. Une photo' Un film? Il y en a déjà. Comment savoir s'ils ne sont pas truqués? On retombe dans le témoignage. La seule preuve, c'est une soucoupe sur un plat d'argent, ou au moins un morceau. Et je crois que c'est là une revendication déraisonnable. Tout a été observé, absolument tout, sauf une preuve. J'ai eu par la suite d'excellents rapports avec le capitaine C... C'est lui qui, le premier, suggéra, toujours sous la forme de boutade, que les soucoupes volantes n'étaient peut-être rien d'autre que l'humanité future visitant son passé, idée qui enchanta Cocteau. C'est lui qui me fit comprendre la raison profonde de la fascination qu'exerçait sur moi ce problème: les soucoupes volantes, si elles existaient, n'étaient pas qu'une technologie en avance sur la nôtre, elles témoignaient surtout d'une pensée non humaine, transhumaine. Elles représentaient peut-être dans notre ciel quelque chose d'aussi extraordinaire et d'aussi précieux que l'eût été la présence d'un Einstein ou d'un Gandhi parmi les grands reptiles de l'ère secondaire. C... avait des images saisissantes pour illustrer l'impuissance de notre esprit en présence d'un psychisme surhumain: "Le poisson qui fait le tour de son bocal croit avoir fait le tour du monde, disaitil, et les images entrevues à travers sa prison de verre seront tenues par lui pour d'absurdes hallucinations s'il est un rationaliste, ou pour des divinités s'il est un mystique. " Donc, à qui demandait: " Que sont-elles? ", on répondait: " Prouvez d'abord qu'elles existent. " La position était logique.
80 OU UN MONSIEUR EN NOIR ME FAIT LA MORALE
L'engin découlait des témoignages, et non de leur absence. Or, il n'existe pas de science fondée sur le témoignage; donc la preuve scientifique était impossible. Et comme on exigeait (légitimement, en apparence) la preuve préalable, le problème des soucoupes volantes se trouvait condamné à n'être jamais étudié et à ne recevoir jamais de solution. Le lecteur non scientifique ne mesurera jamais la tyrannie de ce genre de raisonnement. L'idée qu'un ensemble de faits découlant du simple témoignage humain puisse être proposé comme un problème scientifique provoque presque automatiquement chez le savant moyen un authentique mouvement de rage aveugle. C'est que toute son éducation, fortifiée par un passé de labeur d'autant plus pesant que son âge est plus avancé, lui a inculqué le caractère sacré du fait reproductible ou tout au moins observable à loisir, du document. Plus il aura publié, et plus lui sera devenue familière l'expérience du scepticisme destructeur appliqué à ses travaux, de l'analyse impitoyable qui désagrège l'apport personnel, le démolit, le dissout et le rejette, ne laissant subsister que le fait reproductible et contrôlable. Et c'est à lui, à lui que nul n'a jamais cru sans preuve, à lui qui ne compte plus les nuits blanches passées à arracher de sa peau les épines toujours renaissantes de la critique, c'est à lui que l'on vient demander de perdre son temps à écouter le récit d'un paysan illettré qui croit avoir vu des choses dans le ciel? - Apportez-moi des preuves, ou cessez de m'échauffer les oreilles avec des absurdités. - Mais, monsieur le Professeur, si vous en voyez passer une devant votre fenêtre, que ferez-vous? - Je regarderai le mur. Cette réponse authentique, faite il y a douze ans par le plus célèbre des physiciens français, résume une morale. C'était en 1953. Au mois de juillet de l'année suivante, je publiai mon premier livre. Non seulement il ne prétendait pas apporter la preuve manquante, mais je me bornais à y présenter les diverses conclusions possibles sans me prononcer. Mon mobile était, à mes yeux du moins, limpide. Puisqu'on ne pouvait rien prouver, que du moins les faits allégués soient connus. Cette modeste ambition me semblait d'une logique aussi saine que celle de la preuve préalable. Car, me disais-je, au nom de quoi exigerait-on de la nature qu'elle s'interdise de produire aucun phénomène rebelle aux méthodes admises par les officiels? Et supposons que de tels phénomènes existent. Faudra-t-il, pour rester un véritable homme de science, affecter de ne pas les voir? La parfaite éducation veut, certes, qu'on n'adresse pas la parole à qui ne vous a pas été présenté. Mais si un inconnu vient vous botter le derrière, faut-il passer outre et poursuivre son chemin avec un détachement sublime, les yeux levés au ciel, offrant ce désagrément passager à la déesse Méthode ? Et si le rustre prend goût à cet
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exercice, n'a-t-on rien de mieux à faire que de l'ignorer dans l'honneur et la dignité? OU JE DEVIENS TOUT A FAIT ABOMINABLE
Or, c'était bien de cela qu'il s'agissait. Quelques mois après la parution de mon livre, une fantastique vague d'observations déferlait sur l'Europe. Pendant quatre ou cinq semaines, des centaines de milliers de gens, peutêtre un million ou plus, crurent voir l'agaçante soucoupe. Ces gens écrivaient aux journaux. " Voici ce que j'ai vu, disaient-ils. Qu'est-ce que c'est? " Et les journalistes, pendus chaque jour à la sonnette des temples de la science, n'en obtenaient qu'une réponse: - Ces soucoupes, comme vous dites, ne nous ont pas été présentées. Il s'agit donc d'une absurdité. Quelques-uns cependant proposaient une explication convaincante -. ces gens avaient été intoxiqués par mon livre, ils voyaient dans le ciel ce que j'avais mis dans leur inconscient, flatterie d'autant plus douce à ma vanité d'auteur que mon livre était un four et que les témoins que j'allai voir n'avaient jamais entendu parler de moi, si j'en excepte un seul qui me dit un jour d'un ton goguenard: " Ah, c'est vous qui croyez aux soucoupes volantes? " L'accumulation des témoignages ne fit que rendre plus abominable, plus ridicule et plus honteux le mot soucoupe et tout ce qui s'y rattache de près ou de loin, en logique ou en association d'idées. Si la publication de mon livre m'apportait une cuisante déception en me révélant le mépris du public pour le problème qui, moi, me passionnait, elle me donna en revanche la clé d'un univers nouveau et fascinant: celui de la recherche clandestine. En moins d'un an, je me trouvai en relations épistolaires avec une foule d'hommes de science de France et de l'étranger (surtout des pays anglosaxons), astronomes, physiciens, biologistes, psychologues. botanistes, géologues, que sais-je? Leur première lettre débutait régulièrement par la même clause de style: il ne fallait pas que l'on sache qu'ils avaient des rapports avec moi. Je découvrais donc avec l'étonnement du néophyte les petites joies de la clandestinité. Mais j'étais loin de me douter jusqu'où cela pouvait aller. Les lettres échangées, les visites estivales (l'été est la saison des congrès scientifiques, et chacun sait que ces congrès sont surtout l'occasion de contacts sans rapports avec la manifestation elle-même), tout cela, je mis plusieurs années à en mesurer la portée, et même la signification. Je m'imaginais être le centre d'un petit réseau mondial d'esprits de toutes disciplines et de tous pays intéressés à la solution du problème Soucoupe. J'écrivais ici et là, je mettais en
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rapport un Anglais avec un Argentin, ou bien c'est moi qu'un Danois mettait en rapport avec un Suisse. C'était en somme (pensais-je) la petite internationale de la soucoupe, comme il y a celle du timbre-poste et celle des radioamateurs. Il est vrai que cette internationale groupait surtout des hommes de science et que, dans cette mesure, elle était clandestine. A plusieurs reprises, je fus même frappé par l'étrangeté de situations me rappelant certaines lectures sur les sociétés secrètes. C'est ainsi qu'au cours d'un cocktail, un ami journaliste vint me dire discrètement que les deux professeurs X. et Y.., debout là-bas dans un coin de fenêtre, étaient en train de me démolir sauvagement. Le lendemain, je recevais successivement deux coups de téléphone de X. et de Y. me disant: " Cet X. (ou cet Y.), quel esprit obtus! Savez-vous que hier soir... Et j'ai été obligé de faire chorus, naturellement. " Maintenant, X. et Y. sont d'excellents amis. Et le souvenir de cette soirée les fait bien rire: ils savent qu'ils appartiennent à la même clandestinité. OU JE NAVIGUE DANS LA CLANDESTINITÉ
Et cette clandestinité n'est pas seulement celle de la soucoupe. Je me rappelle le scepticisme et l'étonnement que j'éprouvai en 1953, lors de mes premières rencontres avec Jacques Bergier, lorsqu'il m'exposa son idée, que le monde des savants était voué par ses lois internes à s'organiser en cryptocratie, idée devenue depuis familière (à nos lecteurs). - Où sera de plus en plus la puissance ? me disait-il. Dans la connaissance. Or, la connaissance est la seule richesse qui ne puisse changer de main. On peut tuer les savants, on ne peut pas leur prendre leurs connaissances, donc leur puissance. On ne peut livrer la science à des ignorants par un coup d’état ou par une réforme de la constitution. Donc le pouvoir de l'avenir appartiendra inévitablement aux savants. - Eh bien, ils gouverneront! - Ceux qui gouverneront ne chercheront plus. Au bout d'un an, ils ne seront plus capables de comprendre leurs collègues chercheurs et perdront donc leur pouvoir réel, même s'ils gardent le pouvoir légal. De sorte que la force des choses conduit à une cryptocratie de savants ignorés du public, mais tenant tous les leviers. Bien. que ce ne soit pas exactement le mécanisme que j'ai vu en action, je crois en avoir assez observé pour être convaincu que l'analyse de Bergier est correcte, et ses conséquences inévitables. Mais pour permettre au lecteur de suivre lui-même la voie que j'ai parcourue, je dois ici faire un retour en arrière.
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Les lecteurs de Planète ont surtout lu sous ma signature des articles de parapsychologie. Et sans doute un bon nombre d'entre eux auront-ils été agacés par cette apparente prétention à l'ambivalence. Quelle est donc sa spécialité, à celui-là? Quel est le domaine, s'il existe, où l'on peut faire foi à sa compétence? Il me faut donc faire un aveu. J'ai également publié des études sur la psychologie animale. Quoi! Après la soucoupe volante et la parapsychologie, encore la psychologie animale? Eh oui! Mais est-ce ma faute si ces diverses rechercher, portent des noms différents? Pour moi, je n'ai jamais eu, depuis mon enfance, qu'une seule et unique passion, une seule curiosité, qui est la pensée non humaine. Toutes mes recherches et toutes mes réflexions depuis l'âge de quinze ans ont ce seul objet: que peut être une pensée autre que la mienne? Et que l'on cherche bien. La pensée non humaine, selon le beau titre de Jacques Gravent, ce peut être la pensée infrahumaine, c'est-à-dire animale, ou la pensée surhumaine étudiée par les parapsychologues, ou la pensée extra-terrestre. Les bêtes, la parapsychologie, les soucoupes volantes, tous ces niveaux de pensée n'étant probablement (mais ceci est une autre histoire) que des moments d'une évolution unique et multiforme que nous parcourons en un éternel cheminement. Passons. Trois ou quatre ans avant que l'on parle de soucoupes volantes, dès mes années de faculté, j'étudiais la parapsychologie. Le hasard seul fut cause que mes premières publications n'eurent point pour objet cette recherche, mais le fait est là: mes premiers contacts clandestins s'établirent à la suite de deux livres sur les soucoupes volantes. 1. La pensée non humaine, par Jacques Graven, dans l'Encyclopédie Planète. OÙ JE FAIS PARTIE D'UNE SOCIÉTÉ SECRÈTE
On comprendra donc quelle fut ma surprise quand, ayant publié les résultats de mes observations sur le calculateur prodige Lidoreau, je commençai à recevoir des lettres d'hommes de science: eux aussi, comme ceux dont j'avais fait précédemment la connaissance, commencèrent par me demander le secret! Les précautions oratoires étaient les mêmes, et dans leurs propos je reconnaissais la marque de la même curiosité brûlante et anxieuse, celle de notre mère Ève dévorant la pomme des yeux, celle du père Gaucher se délectant d'avance de la vingt et unième goutte défendue par le règlement. Ah! comme je les connaissais d'avance sans les connaître, ces nouveaux mal-pensants, mes semblables, mes frères! Allais-je donc, avec eux, m'introduire dans un deuxième réseau? C'est ce que je crus d'abord. Mais je fis bientôt une étrange découverte: la très grande majorité de ces mal-pensants se connaissaient déjà entre eux par l'intermédiaire de quelque autre réseau d'initiés. Par exemple, je trouvai plusieurs biologistes curieux de parapsychologie qui échangeaient depuis fort longtemps des résultats d'expériences non publiées et aberrantes avec un autre biologiste qui, lui, s'intéressait aux soucoupes volantes. Ils avaient fait
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connaissance entre eux sur les frontières de leur discipline commune et y avaient sympathisé dans l'insubordination et le mauvais esprit, sans savoir que d'autres secrets non échangés auraient pu les rapprocher davantage encore. Ce qui, d'ailleurs, arrivait inévitablement un jour ou l'autre, et parfois par mon intermédiaire. Combien je pourrais en raconter, de ces rencontres où chacun serrait la main de l'autre avec, sur le visage une expression de sympathie amusée qui semblait dire: " Comment! vous aussi? " D'un bout à l'autre, je ne dirai pas de Paris ni même de la France, mais bien du monde, une sorte de divination guide en effet les uns vers les autres les atomes crochus d'un certain type de pensée qu'en un autre article j'ai appelé la pensée non asservie'. Que ceux à qui cela déplaît en prennent leur parti: plus un conformisme est pesant et plus est virulent l'anticorps qu'il sécrète. C'est la curiosité scientifique dans les domaines les plus systématiquement discrédités qui crée les réseaux les plus sûrs et les plus efficaces de la recherche clandestine. On a eu beau vaticiner une fois pour toutes que s'occuper de soucoupes volantes est une affreuse trahison, le désir de savoir est plus fort que toutes les malédictions. Voilà pourquoi je crois à l'analyse de Bergier: la logique interne de la recherche veut, d'une part, qu'elle soit de plus en plus organisée, et aussi que les découvertes révolutionnaires (forcément les plus importantes) proviennent de travaux échappant à toute organisation; car comment organiserait-on l'imprévisible'? Le chercheur-né sera donc de plus en plus porté à assouvir dans la clandestinité ses passions favorites, ce qui aura pour conséquences de rendre la recherche clandestine de plus en plus productive et les réseaux parallèles de plus en plus puissants. Un jour viendra où une bonne part de la recherche de pointe sera ainsi devenue objet d'échange par des voies non publiques et où les résultats définitifs seuls viendront à divulgation, comme Minerve sortant casquée du cerveau de Jupiter. Alors on pourra parler de cryptocratie, car, derrière la bruyante agitation des politiciens et des financiers, ce sont bien les savants et les techniciens, et eux seuls, qui créent les conditions matérielles et psychologiques de l'évolution sociale, politique, économique. On voit déjà un embryon de cette cryptocratie à l’œuvre au plus haut niveau en ce moment: c'est elle en effet qui, en marge des politiciens complètement dépassés, impose progressivement la collaboration russoaméricaine. 1 . Voir, dans Planète n° 11, Nous allons vers la pensée non asservie. OU L'ON ME VOIT ENGAGÉ PARMI LES FRANCS-TIREURS
Les réseaux clandestins qui s'organisent en vue des recherches les plus mal famées donnent une image vivante de ce que sera cette cryptocratie spontanée, non délibérée, découlant de la force des choses. Ils assurent la circulation de ce que l'on pourrait appeler les informations non ' prouvées, qui guident et stimulent la réflexion et les travaux de tous les membres du réseau. Avec ces informations non prouvées, nous revenons au problème évoqué au
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début du présent article: comment intégrer dans la science des faits dont la démonstration n'existe pas encore et qui pourtant, s'ils sont vrais, doivent être tenus pour plus importants qu'aucun autre? C'est le cas des soucoupes volantes. Tous ceux qui veulent s'en donner la peine peuvent contrôler l'authenticité historique des observations les plus extraordinaires. Le problème existe donc, bien que sa preuve historique seule, et non pas scientifique, existe. C'est aussi le cas des faits les plus étonnants de la parapsychologie: non seulement on peut vérifier leur authenticité historique, mais avec un peu de patience on peut facilement les observer soi-même. De ce qu'on les a vérifiés et observés, a-t-on le droit d'exiger que la science les admette comme s'ils étaient prouvés? Non, certes! Où la science irait-elle si elle renonçait à ses méthodes 1 ? Mais s'il est exclu que l'on tienne pour prouve ce qui ne l'est pas, il n'est pas moins nécessaire et vital que ces faits circulent, soient connus, étudiés, discutés sans autre garantie que le témoignage. C'est une nécessité vitale, car ils orientent de façon irremplaçable la recherche classique, celle dont les résultats sont publiés et ouvertement discutés. Rien qu'en France je connais au moins six physiciens dont les travaux ont été influencés - par le dessein conscient de rendre compte de certains faits de parapsychologie. J'en sais au moins trois à qui un examen minutieux des cas rapportés de soucoupes volantes a donné des idées. Je pourrais également citer des biologistes, des chimistes et d'autres chercheurs que la réflexion sur des faits non prouvés circulant clandestinement a guidés et inspirés. Ces phénomènes impossibles à publier sont innombrables. Qui les publierait serait un malfaiteur. Il agirait comme l'imprimeur de l'Etat qui livrerait au public les secrets des vrais billets de banque et permettrait ainsi toutes les imitations. Ce n'est que par le biais d'une circulation personnelle que des faits de cet ordre peuvent être reçus avec utilité. Cette circulation existe et n'a nul besoin d'être perfectionnée. Elle est un des moteurs de la science actuelle. Elle prépare dans un secret nécessaire le monde de demain.
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L'idée d'une intelligence extraterrestre (Planète n° 23, 1965. Extraits)
(...) Le miracle a changé de camp. Il faut la foi d'un fanatique aveugle à toutes les évidences pour persister à croire que l'homme est le nombril du monde et que les extraterrestres n'existent pas. Laissons les fanatiques à leur paresse mentale et voyons ce qu'implique l'existence de la vie extraterrestre. Si nous écrivions une histoire de la vie terrestre en convenant de consacrer un tiers de page à chaque million d'années écoulé, notre livre aurait entre mille et douze cents pages. Disons mille. La vie terrestre, donc, naîtrait à la première ligne de la page 1, et le moment où j'écris ces lignes correspondrait au point final de la page 1000. Entre ces deux extrêmes se situerait tout le déroulement de l'évolution biologique. Et l'Homme, nombril du monde, où se situerait-il? Il n'en serait pas encore question à la fin de la page 999. Au début du dernier tiers de la page 1000, le pithécanthrope ne serait pas encore là. n apparaîtrait seulement vers les dernières lignes. Toute la période historique tiendrait dans le dernier mot, et l'histoire de la science terrestre jusqu'au Ill° millénaire devrait se contenter de la dernière lettre. J'ai parlé, tout à l'heure, d'un point final correspondant au moment où j'écris ces lignes. Mais quelle raison aurais-je de croire que l'évolution s'arrête au moment de mon apparition dans ce monde ? Aucune, bien sûr, et, précisément, l'astrophysique nous apprend que, moyen par ses autres caractéristiques, le Soleil l'est également par son âge : taille moyenne (plutôt petite), âge moyen, tout est moyen sur sa fiche signalétique. Les astronomes connaissent des classes entières d'étoiles qui sont des soleils plus âgés que le nôtre et qui se comptent par milliards et milliards. Eux aussi sont entourés de planètes qui, nous l'avons vu, ont dans une bonne proportion toutes les chances de porter la vie. Seulement, à raison de trois millions d'années par page, leur histoire compte déjà plusieurs volumes ! Autour de ces soleils, la vie était déjà aussi ancienne que la nôtre alors que la Terre déserte dormait encore de son sommeil primitif. Des êtres ayant atteint ou dépassé ce que nous sommes y spéculaient déjà sur la pluralité des mondes, ou peut-être avaient cessé de penser à cette question depuis longtemps résolue. Ces êtres, à quels niveaux de puissance et d'intelligence ont-ils accédé pendant les milliards d'années où la vie terrestre s'est arrachée aux formes primitives nées dans les mers, pour se lancer, enfin, dans l'hominisation?
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Dans son Dictionnaire philosophique, il y a deux cents ans, Voltaire avait prévu les idées effarantes auxquelles nous confrontent les découvertes de l'astrophysique moderne. Il affirmait déjà que l'Univers sidéral était semé d'êtres tellement supérieurs à nous que, compte tenu de l'idée que notre imagination se fait de la divinité, nous pourrions les appeler des dieux. Ces êtres qui ont poussé pendant des millions de siècles l'effort que la science terrestre poursuit depuis une quinzaine de générations humaines à peine, quels moyens pouvons-nous imaginer pour en détecter la présence dans le ciel des astronomes? Comment pourrait se manifester leur action? Ici se situe la réflexion d'hommes comme Schlovsky et Kardachev, en Russie, Sagan, Morrisson, Salisbury, Vallée en Amérique, comme aussi celle que Planète et quelques chercheurs clandestins et pourtant officiels s'efforcent de promouvoir en France contre une opposition sournoise. Tous ces hommes ont pris conscience que la réflexion sur les extraterrestres est la plus importante que puisse proposer la science actuelle, car aucune n'engage aussi totalement notre avenir. Voici, sommairement exposées, quelques-unes des idées auxquelles ils sont parvenus. 1- Sur l'aspect physique possible des extraterrestres
On a pu lire dans les journaux, à l'occasion de l'affaire Kardachev, que « des hommes de l'espace » étaient l'auteur des signaux détectés. Cette expression « hommes de l'espace » est un monument d'absurdité. Quoi, dira-t-on, des êtres intelligents, même apparus par évolution autonome sur des astres autres que la Terre, pourraient donc n'être que des hommes? Poser cette question est aussi ridicule que se demander si leur langue est l'anglais ou s'ils sont inscrits au parti radical-socialiste. L'homme est le produit d'une infinité de hasards en rapport avec l'histoire terrestre ]à nuancer, bien entendu, aujourd'hui]. Il n'est pas le même sur les bords de la Baltique et sur ceux de la Méditerranée; blond ici, brun là, et, pour de telles variations, il a suffi d'infimes différences dans le milieu physique. De plus, l'homme n'est plus maintenant ce qu'il était il y a 50 000 ans. Alors, à quelles différences doit-on s'attendre quand il ne s'agit plus de comparer la Baltique à la Méditerranée, mais un astre à l'autre, sans parler des intervalles de temps pouvant porter sur des millions ou des milliards d'années? Et pourtant, la Terre est un milieu homogène, une planète unique où tous les êtres vivants, en remontant assez loin, sont quelque peu cousins. Nous ne pouvons donc absolument pas savoir d'avance à quoi ressemblera le premier extraterrestre avec lequel l'Humanité entrera en contact. Nous ne sommes assurés que d'une chose : de notre surprise.
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2- Sur ce que pourrait être une pensée non humaine « Mais, dira-t-on, quelque forme qu'ils aient, s'ils sont intelligents, ils nous ressembleront par la pensée. Le théorème de Pythagore est une vérité universelle. Toutes nos découvertes scientifiques sont des vérités universelles. La valeur de la raison est universelle ». Ce propos si souvent répété confond en réalité deux idées sans rapport aucun entre elles : de l'évidente vocation de la raison à l'universalité, et l'affirmation qu'il n'existe pas d'autre accès que la raison à la connaissance universelle. Nul ne niera, bien sûr, que le théorème de Pythagore soit une vérité universelle. Mais ce théorème est une équation. Il affirme l'égalité de deux expressions. Or, les physiciens savent bien qu'il n'existe pas dans l'Univers deux êtres, deux objets réels qui soient absolument égaux, comme A2 peut l'être à B2 + C2. Que signifierait l'universalité de ce théorème pour une pensée plus proche que la nôtre du réel et où le concept même d'égalité serait légitimement impossible et absurde? Pour une pensée où l'égalité (inexistante dans le monde physique) serait informulable? On dira qu'imaginer une telle pensée, c'est pure rêverie. Mais qu'appelle-t-on pensée? Si l'on ne veut pas sombrer dans la métaphysique, le mot Pensée doit être remplacé par son correspondant objectif, le mot comportement. Seuls les comportements, parce que matériels, sont objet de contrôle expérimental. Mais alors, il devient évident que les comportements techniques des animaux, qui peuvent, on le sait, atteindre d'incroyables raffinements, ne sont rien d'autre qu'une « pensée » non formulée en équation. En réalité, l'univers animal nous donne quotidiennement mille exemples d'une pensée non humaine qui est bien, cependant, elle aussi, à sa façon, universelle, puisqu'elle utilise les mêmes propriétés de l'Univers que notre propre technique, et que l'ingénieur avec sa règle à calcul aboutit aux mêmes résultats que l'abeille, quand il calcule au mieux les données de l'alvéole. Les fourmis, les termites, tous les insectes récolteurs « savent » traiter les graines pour les empêcher de germer comme s'ils disposaient de nos antibiotiques.
Toute la zoopsychologie est un immense répertoire de comportements hautement techniques et cependant non humains. La seule différence expérimentale et objectivement définissable entre l'infinie variété des pensées non humaines et notre propre pensée semble être le tempo de l'invention : l'homme peut inventer en quelques secondes, alors que l'animal n'invente qu'à l'échelle temporelle de l'espèce. Mais le tempo de l'invention animale, lui-même,
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est infiniment variable selon les espèces. Chez les insectes, par exemple, il semble passer, avant la fixation dans l'immuable, par des époques d'invention accélérée. Sur quoi nous assurons-nous que l'accès aux plus hauts niveaux de la maîtrise technique passe obligatoirement par la raison humaine? Ce n'est là qu'un voeu. Avant d'admettre que cette raison (qui, nous l'espérons, ouvre toute les portes) est la forme unique de toutes les formes de pensée supérieure; avant de croire que la rencontre ou le contact avec des civilisations sidérales d'une haute technicité nous seront plus aisés que la compréhension de la ruche, il nous faudra de bonnes preuves. 3- Sur ce que pourrait être une pensée ultra-humaine (...) Il est bien dommage que les hommes de science soient si peu enclins à rapprocher leurs résultats. Car l'épouvante d'un noble coeur comme Jean Rostand prend sa source unique dans la solitude de l'homme au sein de l'Univers, et cette solitude, l'astrophysique, on l'a vu, nous apprend qu'elle est une illusion. Le livre que la Terre a écrit jusqu'à la page 1000, d'autres en connaissent la suite : combien de fois notre aventure terrestre a-t-elle été déjà vécue dans l'espace aux deux cent milliards d'étoiles, embrassé par la blanche traînée que nous appelons Voie Lactée? Cette aventure n'est très vraisemblablement qu'un épisode éternellement recommencé dans l'immensité de l'espace-temps. Et, s'il est vrai que, par définition, nous ne pouvons ni penser, ni prévoir, ni concevoir en aucune façon l'ultra-humain où d'innombrables civilisations déjà s'épanouirent, s'il est vrai que le vieux principe des philosophes (on ne pense que sa pensée) trouve là son application rigoureuse, du moins savons-nous que notre devoir d'êtres intelligents terrestres est d'accéder à l'ère de la civilisation sidérale où d'autres, sans doute, nous attendent [c'est moi qui souligne]. Je sais que ces idées paraîtront prématurées à certains qui refuseront d'y penser avant qu'on les leur ait prouvé. Mais si l'on refuse de chercher la preuve, on ne l'aura jamais (...) On continuera d'avancer vers l'avenir à reculons, au risque d'y sombrer comme le redoute Jean Rostand. Pour la première fois dans l'histoire de la science, le mobile de la recherche n'est plus la seule curiosité : un autre mobile apparaît peu à peu, d'ordre moral, qui est l'urgente nécessité de sauver l'homme de sa solitude. 4- Sur la civilisation sidérale Cette expression peut paraître confuse. Elle désigne cependant quelque chose de bien précis. Des savants, nous l'avons vu, réfléchissent en nombre croissant, au moyen d'entrer en contact avec d'autres intelligences. Quelque chose en nous, un obscur bouillonnement de notre coeur et de notre esprit nous avertit que c'est là que nous attend notre accomplissement, et que l'ère de la solitude planétaire n'est que le commencement de notre destinée, son purgatoire
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: les titres des journaux les plus populaires pendant l'affaire Kardachev témoignent assez de ce sentiment. Mais, si la science terrestre cherche le contact quatre ou cinq siècles après sa naissance et si l'on croit à la science, comment ne pas croire aussi que ce contact est la règle pour toutes les civilisations plus avancées que la nôtre? « La plus grande erreur, dit Louis de Broglie (...), est de croire que la science s'arrêtera... » Aussi croyons-nous que le contact recherché sera obtenu et qu'il est donc la règle dans l'histoire du monde à partir de la page 1001. Nous reconnaissons, certes, que cette conviction est en partie, mais en partie seulement, un acte de foi. Mais nous pensons aussi que la science est en train d'alcquérir un mobile nouveau, qui est l'espoir. Et que ce mobile nouveau incitera de plus en plus à rechercher, dans le ciel des astronomes, des phénomènes échappant à l'explication causale, ce que Schlovsky appelle des « miracles »Al s'agit d'une révolution de la pensée scientifique et il est normal que d'aucuns y résistent : on résista aussi à Copernic et à Galilée. Si Kardachev s'est trompé, ce qui est fort possible, son erreur est une erreur de fait et non point de méthode.. Et, puisque révolution il y a, Sire, nous avons choisi.
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L’étrange cas du Professeur " X " Une enquête d'Aimé Michel (2 novembre 1968) Le cas qui est relaté ci-dessous est l’un des plus compliqués et des mieux observés de tous ceux qui ont été portés à la connaissance des enquêteurs français au cours des vingt dernières années. Naturellement, mon analyse ne traitera que de l’aspect physique – probablement les moins importants – du phénomène. Certains autres aspects, plus difficiles à appréhender, sont en train de prendre corps et pourront être publiés plus tard – du moins si les enquêteurs obtiennent des résultats significatifs. De même, j’omettrai les contextes historiques et géographiques : il est frappant de constater que des objets similaires à ceux décrits par le professeur X ont été vus le même jour en Espagne et le soir du jour précédent, et encore au Maroc le 7 décembre 1968, puis au Pérou le 9 décembre. Il est frappant aussi d’apprendre que tous ces incidents se seraient produits au même moment de la nuit. Mais ces similitudes ne seront pas examinées dans le présent article.
I – LES TEMOINS a. – Le professeur X Il tient une importante position officielle dans une ville du sud-est de la France et insiste, pour cette raison, à garder l’anonymat. Il est né en 1930. Education universitaire (doctorat), il est extrêmement qualifié en biologie. Musicien de talent (nous verrons plus loin que ceci n’est pas sans importance). Aucune connaissance spéciale en mathématiques. J’ai fait la connaissance du Pr. X il y a déjà longtemps, dans un club fréquenté par des amis d’enfance. C’est un individu sensible, discret, intellectuellement très actif, du type introverti. Vue : 10/10 aux deux yeux. Pendant la guerre d’Algérie, il fut blessé par une mine, le 13 mai 1958. Dans le coma durant 24 heures, diagnostic radio : hématome sous-dural de la région occipitale gauche, avec possibilité de fracture. Hémiparésie de la totalité du côté droit avec paresthésie, changement dans le tonus musculaire et crises intermittentes avec contractures thoraciques. Il est envoyé d’hôpital en hôpital jusqu’en octobre 58. Il a perdu 20 Kg sur 70. Après avoir quitté l’hôpital, il reprend lentement son poids normal mais conserve une hémiparésie droite et un haut degré de fatigabilité du côté droit (jambe et bras) ; la position debout lui est difficile et il lui est impossible de se tenir en équilibre sur le pied droit. De même, le tonus des muscles de la main droite est altéré, lui causant, à son grand regret des difficultés pour jouer du piano. Marié, père d’un bébé né le 27 juin 1967, de sexe masculin.
94 Le 29 octobre 68, vers 14 heures, le Pr. X était en train d’essayer de couper une bûche avec une hache, quand un faux mouvement de sa part fit dévier l’instrument qui lui-même projeta violemment la pièce de bois contre son tibia gauche. Blessure superficielle, à 13 cm au-dessus de la cheville, mais avec une veine écrasée et formation rapide d’un gros hématome et d’une enflure. Sous l’effet de la douleur, il s’évanouit. Il est important de suivre le développement de cette blessure jusqu’à la nuit de l’incident. Traitée immédiatement avec des anti-inflammatoires, des antibiotiques et des analgésiques, l’enflure disparaît, ou plutôt, pour être plus précis, descend vers le pied. Prescription médicale : immobilité pendant quatre jours, extension de la jambe. Mercredi 30 octobre 68 : pied gonflé, lourdeurs, sensations de picotements, fatigue générale. Jeudi 31 octobre : pied " comme du plomb ", impossibilité de rester debout, picotements, douleur lancinante. Vendredi 1er novembre : l’enflure commence à disparaître, mais la douleur persiste, crampes dans le mollet. Nuit du 1 au 2 novembre : aucun changement. b. – l’enfant C’est le second témoin, ce qui est intéressant étant donné son âge : 14 mois au moment de l’incident. C’est un enfant curieusement précoce : il marchait à 9 mois et une semaine ; premières dents à 3 mois et demi au lieu de 6 mois en moyenne ; en avance de 6 dents sur la normale. Vitalité débordante, dort peu, se réveille souvent pour demander à être alimenté.
II L’INCIDENT a. – Pendant la seconde moitié de la nuit du 1 er au 2 novembre, le Pr. X, dormant dans la chambre 1 (voir plan ci-annexé), est réveillé par les appels de son fils (les appels et non des cris) et il reconnaît l’onomatopée par laquelle le bébé désigne tout ce qui est brillant, une sorte de " rho !rho ! " que j’ai moi-même entendu quelques jours plus tard quand le bébé me montrait le feu dans la cheminée. Sa femme continuant de dormir, le Pr. X se lève avec difficulté, sans allumer, et traverse le corridor entre les chambres 1 et 2. A ce moment là, bien que n’y attachant pas grande attention, il voit qu’un orage est sur le point d’éclater. Il trouve son fils dressé dans son berceau et disant " rho !rho ! ", en pointant son doigt avec excitation vers la fenêtre. Les volets sont clos et de facture solide, mais des fentes sur les côtés et audessus permettent de voir la lumière intermittente de ce que le Pr. X croit tout
95 d’abord être des éclairs. Plus tard, il se rappellera que les éclairs étaient plus fréquents que les coups de tonnerre et étaient périodiques ; mais sur le moment il n’y attache aucune attention, son esprit étant occupé par sa jambe, qui lui fait mal, et le désir de calmer son fils aussi vite que possible afin de regagner son lit. Tandis qu’il allume l’électricité, il pense qu’il y a un vent violent car il entend la pluie frapper les murs, les tuiles et les persiennes. b. – Il prend le biberon vide dans le berceau et se rend dans la salle de bains (voir plan, figure 1, chambre 3), le remplit de 40 g d’eau et revient dans la chambre 2. Il le donne à son fils qui se calme puis il éteint la lumière, il sort et referme la porte, se disant qu’il ferait bien d’aller voir quel volet mal arrimé est en train d’être secoué par le vent. Il décide d’y aller, allume et traverse le couloir en direction de la salle de séjour (pièce 4), là où tous les bruits de la maison peuvent être perçus ; il donne de la lumière, lève le rideau de la cheminée, supposant que c’est peut-être une tuile perdue et il trouve que le bruit vient de l’étage supérieur, au-dessus de la cuisine (pièce 5). Du living-room, un escalier conduit directement à une galerie terminée par la chambre 6 qui est directement au-dessus de la cuisine. Il monte péniblement les escaliers, atteint la chambre 6 et, pour la première fois, voit le paysage alentour, car ici, bien que les fenêtres soient fermées, les volets sont ouverts et rabattus contre la façade de la maison. Il découvre maintenant que la partie de campagne vue depuis sa maison est illuminée à intervalles réguliers – avec une périodicité d’environ une seconde – par des éclairs lumineux très puissants qui illuminent la vallée et les montagnes au-delà de la rivière, sur une distance de 3 ou 4 km La couleur et l’intensité de la lumière sont celles de la pleine lune. En même temps, il réalise que ce ne sont pas des éclairs d’orage, car il n’y a plus du tout de tonnerre. Mais la source de lumière reste invisible. Ces flashes lui donnent l’impression de ne pas être instantanés, mais de durer une fraction de seconde. Entre deux flashes, l’obscurité est totale. La pluie continue de ruisseler. Le Pr. X ouvre la fenêtre en grand et se penche pour assujettir les volets et, par la même occasion, il essaye de déterminer d’où viennent ces éclairs. Il ne trouve pas la source mais l’ombre projetée par les flashes lui indique que cette lumière se trouve derrière la maison (c’est-à-dire vers l’ouest), ni très haute, ni très basse. Il ferme les volets et redescend dans la salle de séjour, souffrant toujours de sa jambe. Puis, de là, il se rend dans la cuisine (5). Son attention et sa curiosité sont à ce moment quelque peu aiguisées. Il voudrait bien savoir ce que signifie cette lumière mais, par-dessus tout, il voudrait retourner au lit e se rendormir. Toutefois, il va dans la cuisine dont la fenêtre (7) sans volets donne sur le sud-sud est, dans la direction de la vallée et, pense-t-il, pourra-t-il, de là, voir la source des éclairs.
96 Lorsqu’il entre dans la cuisine, son premier regard tombe sur la pendulette électrique qui montre 3h55 (jusque là, il ignorait quelle heure il pouvait être). Sa curiosité était faible car son premier mouvement fut d’ouvrir le réfrigérateur, de remplir un verre d’eau fraîche et de la boire, avant d’aller à la fenêtre. La scène qui se présente depuis la fenêtre (pièce 7) montre que la source de lumière est encore plus loin sur la droite, car le coin de la maison le masque. Cette source lumineuse doit être localisée et pas très éloignée vers l’ouest, car bien que le paysage soit violemment éclairé sur plusieurs kms, le décor lointain à 10 kms reste plongé dans l’ombre. Il est vrai qu’à ce moment là, la pluie commence à faire rage. Aussi retourne-t-il dans la salle de séjour (4), en marchant toujours péniblement. Dans cette pièce se trouvent deux fenêtres à la française, à double battant (9 et 10), qui donnent sur la terrasse et en direction du S-SE. Elles sont fermées, ainsi que les solides volets en bois qui les protègent. Le Pr. X s’approche d’une des fenêtres et l’ouvre en grand, ainsi que les volets. Il est important de noter que tous ces mouvements, du moment où il quitte la chambre de son fils, ont été exécutés en pleine lumière. Lorsqu’il ouvre la portefenêtre donnant sur la terrasse, cette dernière est donc visible de loin comme un grand rectangle illuminé. Maintenant, laissez-moi préciser la position de la maison car, pour des raisons compréhensibles, la carte de la région ne peut être publiée. Le Pr. X habite sur le versant d’une colline qui, vers le sud, d’une hauteur de plusieurs dizaines de mètres, domine une petite plaine de plusieurs kilomètres carrés où, parmi les anciennes fermes dispersées ça et là, commencent à s’implanter les constructions récentes de la ville proche. Au nord, la plaine est dominée par la petite rangée de collines sur l’une desquelles la maison est construite et, au sud, elle est dominée par toute une série de collines de plus en plus hautes en direction du S-SO. A l’ouest, la colline sur laquelle la maison est construite descend doucement jusqu’à la rivière et ainsi délimite la plaine de ce côté-ci. Les photographies vous permettront de mieux comprendre la situation des lieux. III. Commencement de l’observation Les photos permettront également de comprendre l’ordre dans lequel se sont produits les évènements. Elles ont été prises six jours plus tard, du point exact où se trouvait le Pr. X, à 3h55, au cours de la nuit du 1 er au 2 novembre 1968. Nous allons suivre maintenant l’ordre précis dans lequel ces évènements se sont succédés. Donc, le Pr. X ouvre la porte-fenêtre. La pluie qui tombait à seaux quand il était dans la cuisine s’est maintenant arrêtée à l’exception de quelques gouttes. Le Pr. X porte un pyjama et un tee-shirt sous la veste du pyjama. La veste du pyjama et le tee-shirt s’arrêtent légèrement au-dessus du nombril ; il est nu-tête. Il regarde tout de suite vers la droite et saisit alors la scène montrée sur la photo n°1 : deux objets lumineux, identiques, dont l’un, à droite, semble un petit peu plus réduit et légèrement au-dessus et en retrait.
97 a. Description des objets dans la position montrée sur la photo n°1 : Ces objets donnent au témoin l’impression d’être soit deux cigares, soit deux objets circulaires vus de profil (à ce moment, il est incapable de préciser quelle est la bonne hypothèse) Chaque objet consiste en deux parties superposées et symétriques de chaque côté d’une ligne horizontale, bien que la portion supérieure semble un peu plus épaisse. La couleur de la partie supérieure : un blanc argent très lumineux mais peutêtre un peu moins que la pleine lune. La couleur de la partie inférieure est rouge foncé, un peu comme un coucher de soleil, un peu plus brillant audessus qu’en bas. Aucune structure ne peut être distinguée, que ce soit dans la partie brillante ou dans la partie rouge sombre. Aucune variation. b. Les " Antennes "
Au moment de la photo n°1, le témoin peut distinguer quatre antennes, deux sur chaque objet. Chacun des objets porte une antenne verticale, de la même couleur et de la même luminosité que la partie supérieure. Leur longueur est apparemment égale à l’épaisseur totale de l’objet. Les bases de ces antennes sont plus épaisses. Les deux autres antennes, de même couleur et brillance et, semble-t-il, de même longueur, sont plus minces et ne paraissent pas élargies à leur base. Elles sont vues en silhouettes, sur la partie rouge sombre de chaque objet et font légèrement saillie de chaque côté. Leurs bases sont à la jonction des
98 parties supérieurs et inférieures. Elles sont parallèles et pointées légèrement à gauche du témoin. A ce moment de l’observation, une antenne horizontale est visible sur chacun des objets, toute autre antenne possible étant cachée par ceux-ci. c. Le faisceau de lumière La partie centrale inférieure de chacun des objets est un faisceau cylindrique et vertical de lumière, très brillant sur la totalité de son parcours, beaucoup plus que ce que le témoin pouvait penser d’un faisceau lumineux ordinaire. Un faisceau illumine la brume orageuse qui stagne dans la vallée. La source de chaque faisceau n’est pas discernable. Le pied de chaque faisceau plonge derrière la crête de la colline et par conséquent, l’effet lumineux sur le sol n’est pas visible. d. Activité Les deux objets répètent à l’unisson un cycle lumineux avec une période estimée par le témoin à une seconde. Il commence par un flash blanc qui donne au témoin l’impression qu’il rentre dans l’objet par les antennes externes, c’est-à-dire par les deux verticales, les antennes horizontales visibles de l’objet situé à gauche, et un point invisible situé derrière l’objet se trouvant à sa droite. Ces flashes, quoique brefs, ne sont pas instantanés. Presque au même moment, mais pas tout à fait en même temps que les éclats précédents, un autre flash éclate entre les deux objets, joignant le bord de l’antenne horizontale de l’objet situé à droite, avec un point invisible situé à l’arrière de l’objet de gauche et légèrement à la droite de la base de l’antenne verticale de ce dernier et, par conséquent, correspondant précisément au point, également invisible, d’où jaillissaient les flashes précédents sur l’objet situé à sa droite. Le témoin dit qu’il a eu la forte impression que le flash qui jaillissait entre les deux objets était la conséquence des flashes externes, comme s’il était une répercussion de ceux-ci. Il eut aussi l’impression que l’illumination des flashes externes n’était pas simultanée sur toute la longueur des antennes, amis se propageait d’une manière centripète. Il dit : " il m’a semblé que les deux objets ‘suçaient’ l’électricité atmosphérique et que je pouvais la voir entrer par les antennes puis exploser entre les deux objets, l’ensemble de ces phénomènes produisait une seule impression lumineuse. " Les flashes, externes aussi bien qu’intermédiaires, sont blancs, non éblouissants et sont silencieux. La forme qu’ils prennent est une légère prolongation des antennes en ligne droite, sans étalement, et avec un léger mouvement vibratoire. Leur intensité est la même que celle des faisceaux lumineux verticaux. IV. DE LA PHOTO N°1 A LA PHOTO N°2 Les deux objets continuent leur mouvement dans la même direction et à la même vitesse apparente. Leur position respective sous-entend une modification : l’objet situé à droite émerge de plus en plus derrière son compagnon. Ce mouvement, qui est peut-être seulement un changement dans la perspective, combiné avec le déplacement vers la gauche, permet au Pr. X de voir une deuxième antenne
99 horizontale identique à la première, apparaissant sur chaque objet. Puis les deux objets font une rotation sur leur axe, les deux antennes horizontales se projetant de chaque côté. Le témoin découvre maintenant que les antennes externes horizontales jouent, dans leur activité lumineuse, le même rôle d’absorption que les antennes intérieures, échangeant le second flash de chaque cycle sans qu’il soit possible de déterminer quelle est la direction de propagation, et que les quatre antennes horizontales semblent se trouver sur une même ligne droite, qui est apparemment parallèle à la trajectoire des deux objets. V. DE LA PHOTO N°2 A LA PHOTO N°3 Les objets continuent de se déplacer vers la gauche dans la même position relative, mais leur taille apparente s’est accrue. Le spot au sol du faisceau de l’objet de gauche est maintenant bien visible et le témoin suit facilement son passage à travers le paysage, chaque flash fixant, pour ainsi dire, une photo dans sa mémoire. Lorsque les deux objets arrivent à la position légèrement avant la position indiquée sur la photo n°3, les spots des deux faisceaux lumineux deviennent visibles simultanément. A ce moment, les deux objets commencent une nouvelle manœuvre qui consiste à se rapprocher l’un de l’autre. Tandis que tout à l’heure s’accroissait leur éloignement angulaire en même temps qu’augmentait leur dimension apparente, les deux spots, maintenant visibles, commencent à se rapprocher l’un de l’autre. ce rapprochement s’effectue sans que cesse le mouvement des deux objets vers la gauche et leur grossissement angulaire. Malgré cela, le Prof. X ne perçoit encore aucune structure sur les objets. VI. DE LA PHOTO N°3 A LA PHOTO N°4 Le mouvement vers la gauche continue en même temps que croît la dimension angulaire. En suivant des yeux les spots dessinés au sol par les faisceaux lumineux, le Pr. X réalise que cet accroissement en taille apparente correspond en fait à une approche dans sa direction. Les flashes continuent de jaillir, tandis que l’éclair intermédiaire devient de plus en plus court. Dans la position montrée sur la photo n°4, les deux antennes intérieures sont sur le point de se toucher. A ce moment, le témoin observe un fait nouveau : les spots au sol des deux objets se rejoignent, ne formant plus qu’une seule tache lumineuse. Un court instant après, ou en même temps, les deux antennes des bords internes se touchent et, instantanément, toute activité lumineuse cesse sur toutes les antennes qui restent cependant lumineuses ; l’obscurité retombe sur la campagne.
VII. DE LA PHOTO N°4 A LA PHOTO N°5 Les antennes internes s’interpénètrent et disparaissent complètement quand les deux objets viennent en contact. Ce contact se transforme sans discontinuité, en une interpénétration progressive ou unification, tandis que le mouvement général vers la
100 gauche se poursuit. Les faisceaux lumineux, maintenant réunis en un seul, glissent de plus en plus vers la gauche, en direction du témoin. Les objets lui apparaissent comme énormes. VIII. PHOTO N°6 Il n’y a maintenant qu’un seul objet, absolument identique aux deux précédents, excepté pour un détail. Au moment précis de leur entière " unification ", le Pr. X voit pour la première fois " quelque chose qui bouge " dans la portion rouge (partie inférieure) de l’objet. En même temps, le mouvement de translation vers la gauche s’arrête et l’objet commence à venir droit vers le témoin, grandissant rapidement, tandis que le faisceau lumineux trace un chemin dans la campagne en direction de la maison, et les structures mouvantes de la partie inférieure deviennent de mieux en mieux visibles. L’objet croit de telle sorte qu’il devient énorme. IX. PHOTO N°7 L’objet et le faisceau s’arrêtent. Le faisceau éclaire une aire circulaire bordée sur la gauche par le bord du toit de la seconde maison à gauche et, sur la droite, par le bord du toit d’une autre maison voisine. Le croquis de l’objet (ci-joint) a été fait par le témoin qui, toutefois, pense qu’il l’a placé trop à gauche et trop bas (n’oublions pas qu’après la position n°4, le paysage a été plongé dans l’obscurité) X. L’OBJET Lorsque l’objet s’arrête, les antennes latérales sont vues comme des prolongations de la jonction des deux portions, inférieure et supérieure, " comme un poulet sur son perchoir ", dit le Pr. X. Bien entendu, le témoin a l’impression que, juste en face de lui, la portion inférieure de couleur rouge sombre est protubérante, la parie supérieure blanchâtre ne présente rien de particulier que ce soit du point de vue couleur ou brillance. L’antenne supérieure en est, sans aucun doute, une extension. Le système d’où émane le faisceau lumineux a l’apparence d’une couronne rayée, sur laquelle le Pr. X peut compter six sections sur la partie visible, limitées par des rayures noires. Ces sections lui apparaissent avec la distorsion due à la perspective, larges au centre et s’amenuisant vers les bords. Mais c’est la partie inférieure rouge qui présente les particularités les plus intéressantes. Cette partie était, elle aussi, divisée en " sections " mais, semble-t-il, en parfaite violation des lois de la perspective. Sur les onze sections visibles, cinq (les sections paires) étaient traversées de haut en bas toutes les quatre secondes par une ligne horizontale noire " comme des lignes qui se déplacent sur un écran de télévision lorsqu’on le règle " Ces lignes mouvantes qui descendent apparaissent plutôt comme un trait de couleur plus foncé. Le témoin ne trouve aucune coordination entre les mouvements respectifs de ces lignes. Il lui semble, mais ce n’est qu’une impression, que lorsqu’une ligne disparaît en bas, une autre apparaît en haut sur une autre portion. Toute la partie rouge sombre de l’engin donne l’impression d’être en métal incandescent ou d’une illumination interne.
101 Bien que toutes ces animations de la partie rouge de l’objet semblent se faire en violation des lois de la perspective, les bandes verticales étaient plus larges au centre. XI. LE PROJECTEUR Le témoin ne se rappelle pas combien de temps a duré cette activité de la portion inférieure, car il a été obsédé par ces lignes qui défilent. Après une période qui lui semble longue et durant laquelle l’objet resta absolument immobile, il voit le projecteur se déplacer dans sa direction, lentement au début, sur une distance de quelques mètres, éclairant un à un les poteaux téléphoniques. Ce mouvement du projecteur n’était pas le résultat de l’approche de l’objet, mais de sa rotation sur son axe ainsi que l’axe formé par les deux antennes horizontales, ce qui a pour effet de faire basculer la partie inférieure et de montrer ainsi toute sa surface. Tout à coup, ce basculement se fait rapidement et le Pr. X reçoit le faisceau lumineux qui l’éclaire tout entier ainsi que, probablement, le reste de la maison. La durée totale de la rotation a été brève, de l’ordre d’une seconde. Toutefois, le Pr. X a eu le temps d’observer cette partie inférieure qui était circulaire et divisée en sections radiales. Il ne se rappelle plus si on voyait également des lignes se mouvoir dans ces sections. Il a eu l’impression que la couronne d’où émergeait le faisceau lumineux avait sa périphérie qui grossissait alors que l’objet s’inclinait. Au moment où le faisceau l’atteint, le témoin, très effrayé, couvre instinctivement sa figure avec ses bras. XII. LA DISPARITION Au moment où l’objet présente sa partie inférieure verticalement, on entend le seul bruit de cette observation, c’est-à-dire une sorte de " bang ", suivant le témoin, tandis que l’objet se dématérialisait ", ne laissant derrière lui que sa forme vaporeuse, blanchâtre, en train de se déformer, emportée par le vent. En même temps, que le " bang " et que l’apparente dématérialisation, vint, du centre occupé jusqu’alors par l’objet, une sorte de fil très lumineux, fin, blanc, qui monta verticalement en une fraction de seconde vers le ciel, formant apparemment à une altitude de plusieurs centaines de mètres une petite tache lumineuse qui disparut elle-même avec le bruit d’un feu d’artifice. XIII. LE CHOC L’obscurité retombe maintenant sur la vallée et le témoin est en état de choc nerveux. Il rentre tout de suite et regarde la pendule déjà mentionnée : il est 4h05. Dix minutes se sont écoulées depuis sa première visite à la cuisine. Il prend un carnet et note quelques détails de son observation, avec des croquis. Puis il va réveiller sa femme pour lui dire ce qu’il a vu. Tout à coup, Madame X s’écrit : " ta jambe ! " Et en fait, le Pr. X, qui marche de long en large avec excitation tout en racontant son histoire, a complètement oublié sa blessure. Sidéré, il retrousse sa jambe de pyjama : la blessure est guérie et l’enflure a disparu ainsi que la douleur. Et elles ne reviendront pas. A l’occasion de sa première visite, cinq jours plus tard, j’ai, comme Saint Thomas, mis ma main sur la blessure et senti le périoste cicatrisé (le cal de l’os) : tout ceci était aussi insensible qu’une très ancienne blessure, bien que le
102 certificat médical atteste que la présence de l’épanchement et de la blessure jusqu’au moment de l’incident. XIV. AU SOMMEIL DU 2 NOVEMBRE Le Pr. X et sa femme parlent de l’incident durant plus d’une demi-heure, puis ils retournent se coucher. Dix minutes plus tard, le Pr. X s’est endormi et commence à parler dans son sommeil – quelque chose qui ne lui est jamais arrivé jusqu’à présent. Sa femme écoute un moment, puis, trouvant que ce qu’il dit a un rapport avec l’incident, elle donne de la lumière, prend un carnet et un crayon et prend des notes. En particulier, elle note cette phrase : " le contact sera établi de nouveau en tombant en bas de l’escalier le 2 novembre " Vers 7h10, le Pr. X s’arrête de parler. Madame X éteint et se rendort. Elle se réveille à dix heures et, voyant que son mari est encore en train de dormir, elle prend garde de ne pas le réveiller. Il dort ainsi jusqu’à 14 heures. Quand il finit par sortir de sa léthargie, Madame X. lui demande s’il se sent bien. " Très bien ", répond-il. " Tu devrais écrire à Michel et lui demander de venir te voir " dit-elle. La réponse du Pr. X est telle que sa femme réalise qu’il ne pense pas à Aimé Michel, mais à un autre Michel. Il ne voit pas de quoi elle veut parler : il ne se souvient de rien. Alors sa femme lui montre ses notes et les croquis faits de sa propre main. Il les regarde avec effroi, se demandant comment il ne peut se rappeler quelque chose d’aussi extraordinaire. Sa femme n’insiste pas car elle est également effrayée et elle ne lui dit pas ce qu’il a raconté durant son sommeil. Dans le courant de l’après-midi, le Pr. X fait une chute inexplicable dans l’escalier de la salle de séjour. " J’ai eu l’impression d’un croc-en-jambe ", dira-t-il plus tard. Au cours de sa chute, il reçoit un coup sur la tête et d’un seul coup, la mémoire lui revient. XV. LE TRIANGLE Dans les jours qui suivent, le Pr. X a l’impression –en laquelle il ne veut pas encore croire – que toutes ses séquelles de la guerre d’Algérie – qui sont restées inchangée au cours des années – ont complètement disparu. Le choc nerveux qui a suivi les évènements du 2 novembre est si pénible qu’il tombe malade et ne peut être sûr de leur disparition qui, toutefois, semble être un fait bien établi. Lorsque je lui rends visite, le 8 novembre, je trouve qu’il a perdu du poids et qu’il a les traits tirés. Ce même jour, des crampes et une douleur apparaissent dans la région ombilicale. Elles persistent, plus ou moins vives, pendant toute la semaine. Le matin du 17 novembre, il commence à sentir une démangeaison autour du nombril et une pigmentation cutanée rouge, à l’apparence striée, se développe dans cette région.
103 Le 18 novembre, dans la mi-journée, la pigmentation a pris sa forme définitive, celle d’un triangle isocèle parfait avec des contours bien définis, mesurant 17 cm de base et 14/15 cm de côté. En même temps, la sensation de démangeaison cesse complètement. De plus en plus alarmé par ce phénomène, lui et sa femme me téléphonent. Ce triangle n’a certainement aucun précédent connu dans les annales de l’Ufologie, mais je me rappelle les cas d’irradiation rapportés à plusieurs occasions. Je lui demande de se soumettre à un examen médical approfondi. Ce qui est fait le jour même et c’est ce jour-là que seront prises les photographies ci-contre. L’examen médical est négatif : le dermatologue ne peut trouver aucune explication à ce phénomène qu’il considère si intéressant et si inhabituel qu’il veut faire une communication à l’Académie de Médecine ! Le Pr. X, qui ne désire pas une telle publicité, arrive à l’en dissuader. Il m’informe par téléphone du résultat de l’examen médical. Je fais de mon mieux pour le rassurer et je tente ma chance en lui proposant une explication psychosomatique. Il avait eu, en fait, un rêve étrange durant la nuit du 13 au 14 novembre, rêve dans lequel le triangle jouait un certain rôle en association avec l’objet du 2 novembre. Je lui dis : " pas de doute, c’est votre propre anxiété qui a pris cette forme et s’est fixé sur une partie de votre corps qui se trouvait momentanément souffrante. Ces pseudo stigmates surviennent parfois et ont été étudiés " Avec difficulté, il accepte cette explication qui peut lui être d’un grand soutien dans la période de fatigue nerveuse qu’il traverse. Mais je ne crois pas à ce que je lui dis, pas le moins du monde. Le jour suivant, il me téléphone et dit : " je crois que vous devriez abandonner toute explication psychosomatique, le même triangle est apparu la nuit dernière sur l’estomac de mon fils. Il est du même aspect que le mien et est situé exactement au même endroit. Il ne semble pas douloureux car il n’y fait pas attention " Je vais cesser mon récit à cet endroit, bien que ce ne soit pas la fin. J’en ai assez dit au lecteur pour qu’il réalise que la divulgation de l’histoire en sa totalité est impossible, étant donné la personnalité de la victime et la nature des phénomènes observés. Si je n’avais pas été un ami du Pr. X, ce cas serait passé inaperçu et n’aurait pas été rapporté.
D’autres évènements se sont produits depuis dans la maison du Pr. X :
A de nombreuses reprises, le courant électrique s’arrêtait dans la maison, alors qu’il y avait du courant au compteur et aux fusibles. Ce fait a été vérifié par le technicien de l’EDF et ses employés : " nous n’y pouvons rien, c’est de la magie ; tout ce que vous pouvez faire c’est de changer de maison " ! Inversement, il y a une panne générale d’électricité et la maison est seule a être alimentée, alors qu’il n’y a plus de courant au compteur… Un soir, toute la famille d’Aimé Michel se rend chez le Prof. X et sa femme. Tout à coup, le Pr. X se lève, blême, et dit : " ils sont là, dehors " Mais personne ne bouge pour aller voir. Puis, tout à coup, cette sorte d’inhibition cesse. Ils se précipitent tous à l’extérieur pour voir, devant la maison, un cercle d’herbe en train de fumer. Le soir même, en rentrant, Aimé Michel dira
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à sa femme : " il faut que j’y retourne, il faut que je sache " Et malgré des avis contraires, il reviendra sur les lieux. Mais le lendemain matin, il ne se rappellera plus ce qu’il a fait. Des faits télépathiques se produisent : pendant une semaine, Aimé Michel, tout en écrivant, siffle une valse de Chopin, à tel point que sa femme lui demande de " changer de disque " En se rendant chez le Pr. X, Aimé Michel le trouve à son piano, en train de jouer exactement la même valse : " cela fait une semaine que j’étudie ce morceau ", lui dit le Pr. X… De temps en temps, le triangle disparaît, à la fois sur le père et sur le fils, même s’ils sont séparés. Ainsi, pendant les vacances, le fils était gardé par les beaux parents qui vivent à 60 km de là. Coup de fil affolé de la belle-mère : " que se passe-t-il, votre fils a une grosse marque rouge sur le ventre. J’ai peur qu’il n’ait attrapé une maladie " On la rassure. Le père regarde et se trouve une marque beaucoup plus vive que la veille.
" C’est qu’ils ne sont pas loin ", dit-il " lorsque la marque s’avive ". Il n’y a pas de conclusion puisque des faits similaires continuent de se produire au moment même où je fais ce récit. Aimé Michel
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LE PROBLÈME DE NON-CONTACT (In Charles Bowen En Quête des humanoïdes, J’ai Lu, 1974, traduction de The Humanoids, Neville Spearman, 1967).
Dans ce chapitre de conclusion, je prendrai le mot contact non au sens restreint utilisé par Gordon Creighton — un échange intellectuel bref et limité à quelques individus —, mais au sens premier d'échange complet et continu entre communautés, à tous les niveaux et dans tous les domaines imaginables. Le contact auquel je me réfère est, par exemple, celui qui existe entre deux peuples dont les pays sont membres de l'Organisation des Nations unies. 1. Le premier fait évident est qu'un tel contact n'existe pas entre l'humanité et le ou les systèmes « X » responsables du ou des phénomènes O.V.N.I. 2. Un second fait évident est que cette absence de contact est elle-même le problème N° 1 présenté par le phénomène. «Le plus grand des mystères c'est : pourquoi ne se montrent-ils pas? » (Charles Fort.) 3. Un troisième fait évident est qu'ils sont ici, dans notre monde, et que nous ne sommes pas dans le leur. 4. Un quatrième fait évident est que, si le système « X » est multiple, s'il a plusieurs sources responsables, alors elles obéissent toutes également, pour autant que nos observations nous permettent d'en juger, à une loi unique sur un point précis, à savoir le refus du contact. 5. Un cinquième fait évident (démontré par l'existence du problème luimême) est que le contact physique est possible. En effet, nous les voyons assez souvent, nous les entendons parfois, quelques-uns d'entre nous les ont touchés. 6. Toutes nos spéculations sur « le plus grand des mystères », selon Charles Fort, naissent de la confrontation de ces évidences, considérées en soi ou confrontées aux faits connus, probables ou possibles. En conséquence... 7. De (3) nous devons déduire qu' « ils » nous sont supérieurs sur un point au moins : la technologie. 8. Pouvons-nous ajouter : Et la science? Cela semble probable, bien que non évident. Le poisson Gymnarchus Niloticus « sait » comment se frayer un chemin à travers les eaux boueuses du Nil en utilisant les tensions électriques entre son propre corps et les obstacles. Nous ne savons pas comment il s'y prend, bien que nous connaissions les lois de l'électricité et pas lui. Les fourmis engrangeuses « savent » comment conserver des graines dans une atmosphère chaude et humide sans qu'elles germent, et pourtant c'est Fleming qui a
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découvert les mécanismes des antibiotiques, et non les fourmis. On ne compte pas les exemples de ce genre dans la Nature. La bionique est la technique qui cherche à comprendre ces processus non humains utilisés par la Nature, bien avant leur découverte par l'homme. Le champ de la bionique est immense. 9a. Il y a donc peut-être ici une première explication de l'absence de contact : nous n'avons pas plus de contact avec « eux » que nous n'en avons avec le Gymnarchus Niloticus, parce que, pas plus que le poisson, ils ne disposent de notre type discursif de pensée. Ils ne nous dominent que comme fait le microbe quand nous sommes malades. 9b. Je m'abstiendrai de développer plus avant cette hypothèse aux possibilités indéfinies. Pour jeter un peu d'huile sur le feu, je me bornerai à signaler que, si comme certains le croient, les religions de la Bible sont des inter-prétations religieuses de contacts extra-terrestres (voir les livres de Brinsley Le Poer Trench et Paul Thomas), les Égyptiens, pour leur part, avaient déifié le Gymnarchus Niloticus, et pour la même raison : la nature apparemment surnaturelle de son comportement. 10. Une forme plus raffinée de (9) est la suivante : les entités réellement responsables du phénomène O.V.N.I. ne sont jamais là, et personne ne les a vues, jamais. Tout ce que nous voyons, ce sont des robots (biologiques ou non : voir en particulier, en se rappelant cette hypothèse, le cas N° 23 du chapitre de Jacques Vallée, rapporté en détail dans mon livre Mystérieux objets célestes, de même que le cas de Cisco Grove, dans le chapitre de Coral Lorenzen). Ces robots sont faits pour remplir une certaine tâche, tout comme nous avons créé des vaches à lait, des chiens de garde, des chevaux de course, des chevaux de traits, etc. La tâche (inconnue) pour laquelle ils ont été conçus ne prévoirait aucun contact avec l'humanité. 11. Parmi les arguments en faveur d'une telle hypothèse, on pourrait rappeler que dans les Livres mosaïques de la Bible, Yahweh est celui qu'on ne peut regarder en face sans mourir (quoique par faveur Moïse l'ait regardé et n'en soit pas mort); qu'il n'y eut jamais de contact avec les hommes, si ce n'est par des intermédiaires; que ces intermédiaires sont soit des hommes (Lot, etc.) soit des humanoïdes (vision d'Ézéchiel); qu'ils sont capables de se croiser avec l'humanité (origine des Géants); et qu'en conséquence, selon les normes admises de la biologie, ils appartiennent soit à l'humanité, soit à une espèce très proche de l'humanité et de même origine qu'elle. 12. On pourrait aussi indiquer que dans la plupart des cas les opérateurs semblent être ou bien humains (voir la table donnée par Gordon Creighton dans son Introduction), ou bien humanoïdes (cas très nombreux, mais voyez en particulier, chez Lorenzen, le cas de Globe, Arizona, le 9 juin 1960, si extraordinairement semblable à la description donnée le 1er juillet 1965 par le témoin de Valensole que tous deux parlent d'une courge, cougourdo en provençal, terme employé à Valensole) que ces petits humanoïdes, disais je, s'accordent avec l'idée d'une extrapolation dans l'avenir de l'évolution passée de
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l'humanité (hypercéphalisation, ou gigantisme du crâne, accompagnée d'une régression de la partie végétative de la tête : mâchoire, bouche, nez, etc.). En d'autres termes, on pourrait croire qu'une technique biologique et génétique a « travaillé » la nature humaine de la façon la plus simple en se bornant à accélérer artificiellement la vitesse normale de son évolution. 13. Saluons en passant notre vieille connaissance, l'homme de l'avenir qui visite son passé. Cet intéressant personnage s'accorde à la perfection avec la description du petit humanoïde à grosse tête. Pour toutes les variations sur ce thème, voir les innombrables histoires de science-fiction et notamment les livres de Paul Anderson. 14. Mais il n'y a pas que les petits humanoïdes à grosse tête. Il y a toute une faune aberrante, de taille et de forme variées, et à laquelle les deux hypothèses (10) et (13) semblent être applicables également. Si en effet nous avons affaire à un invisible « Système X » opérant par l'intermédiaire de robots biologiques, ce Système peut avoir pris modèle sur l'espèce intelligente découverte sur la Terre, mais aussi n'importe où d'ailleurs, dans n'importe quel autre monde. Et nous ne voyons pas ce qui empêcherait notre brave homme de l'avenir d'agir éventuellement de la même façon. Pourquoi l'en priver? 15. Dans l'un et l'autre cas, il est vain de spéculer sur la «raison» du noncontact, puisque les motifs de ce comportement se trouvent par hypothèse au delà de la raison, qui est l'outil psychologique de l'homme contemporain. Le poids du cerveau humain est environ le double du poids du cerveau du primate vivant le plus évolué. Est-il sémantiquement possible d'exprimer, au niveau de ce primate, les motifs qui me poussent à écrire ces lignes? Non, bien sûr. Or, la loi du carré-cube appliquée aux dimensions relatives de l'« encéphale » vu à Valensole, à Globe et ailleurs, et à celles du cerveau humain, suggère que nous devrions attribuer au cerveau du petit homme de Valensole une masse de plus de 8 ou 10 livres, c'est-à-dire au moins trois fois plus grosse que la nôtre. Et puisque nous en sommes à conjecturer, supposons que cet encéphale soit composé, comme le nôtre, de neurones et de névroglies. Nous en possédons au moins 2 X 101°. L'humanoïde à tête de ci-trouille en aurait, disons 6 X1010. Voici donc une question à poser aux cybernéticiens : combien d'interconnexions peut-on escompter de 6 X 1010 neurones? Infiniment plus de trois fois que nous n'en usons, évidemment. 16. Notons que si les spéculations sont valables, elles le sont en toute hypothèse, et non pas seulement dans les cas (10) et (13). Même s'il n'est ni le produit d'un croisement ou élevage spécial ni un homme de l'avenir, notre humanoïde à tête de citrouille dispose d'un « encéphale » au moins trois fois plus massif que le nôtre. 17. Dans le passé préhistorique de l'homme, nous trouvons une évolution parallèle des techniques et du poids de l'encéphale, la seule exception étant l'homme de Néanderthal avec son crâne souvent plus volumineux que le nôtre (mais l'exception disparaît si nous ne considérons que le néocortex). La
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technologie des O.V.N.I : et les dimensions de la «tête» des humanoïdes à tête de citrouille sont d'accord avec cette loi. Ceci est un argument en faveur de la nature surhumaine de la pensée qui anime quelques-uns au moins des O.V.N.I. 18. J'ai supposé depuis (10) que le contact n'existait pas, parce que l'agent ou les agents réellement responsables sont invisibles ou absents. Une variation effrayante de cette hypothèse serait que ce « Système X » ne fût pas un être vivant, mais bien une machine. Un robot colossal doué de pouvoirs et de connaissances formidablement supérieures à ceux de l'humanité pourrait se trouver depuis bien long-temps, peut-être depuis le commencement de la vie terrestre, garé sur une orbite ou sur quelque planète inhabitée de notre système solaire. Il aurait observé, agi, et manipulé les événements et les êtres de la Terre depuis un temps indéfini, par l'intermédiaire des O.V.N.I. et de créatures vivantes fabriquées et éduquées à cet effet. Les processus de l'évolution biologique, si rebelles à toute explication, seraient son oeuvre, et par conséquent l'homme lui-même aussi. Ceci est bien entendu une hypothèse sans fondement, mais en ufologie la règle est de penser à tout et de ne croire à rien. On doit penser à tout, y compris à la petite planète fantôme vue si souvent au cours du XIXe siècle au-delà de Mercure que Le Verrier en calcula l'orbite. Après quoi on cessa de la voir, et Asapha Hall découvrit autour de Mars, jamais vus jusqu' alors, Phobos et Deimos, dont les orbites, paraît-il, ne peuvent pas s'expliquer par la mécanique céleste, et que l'astrophysicien Shklovsky tient pour des satellites artificiels. 19. Envisageons à présent l'autre hypothèse : que les opérateurs vus au sol sont bien eux-mêmes les agents responsables du phénomène O.V.N.I. : ils sont le Système X. 20. C'est à ce point que nous devrions examiner les allégations des «contactés », Adamski, Menger, Kraspedon, Angelucci et d'autres, qui affirment justement que les pilotes des soucoupes volantes sont aussi leurs constructeurs. Ils sont (disent les « contactés »1. les moteurs et auteurs de cette civilisation inconnue qui nous rend visite; et de plus, ils ont contacté et continuent de contacter certains hommes (les témoins prétendus). 21. Une première difficulté est que les assertions de ces témoins » ne concordent pas entre elles, ce qui suggère que plusieurs sûrement et toutes peutêtre sont fausses. On doit donc tout particulièrement avec elles avoir recours à la méthode et à l'analyse pour discerner celles qui sont authentiques, s'il y en a. 22. Sans même se prononcer sur la valeur des analyses et des critiques qui ont déjà été proposées (y compris la mienne), on ne peut que constater qu'elles but conduit les chercheurs en ce domaine à des conclusions presque unanimement sceptiques. Ceux qui croient en un (ou plusieurs) de ces récits de contactés sont une très petite minorité des ufologues, lesquels sont à leur tour une très petite minorité de l'humanité. Nous sommes donc dans tous les cas ramenés à notre première hypothèse, à savoir le non-contact. Même si le contact existe, l'espèce humaine dans son ensemble en est exclure. Les contactés
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peuvent bien parler tant qu'ils veulent de leur prétendu contact personnel avec les extra-terrestres, mais pour ce qui est de l'humanité dans son ensemble, ce contact est évité. 23. Je dis qu'il est évité par eux, et non par nous, car si l'on peut atterrir à Valensole pourquoi pas aussi devant le Palais des Nations unies? 24. Plusieurs ufologues européens de très grande compétence prenant acte de ce refus de contact, l'interprètent comme un défi à la dignité et à la conscience de l'humanité. Ils soutiennent que l'assertion répétée de l'Armée de l'Air américaine selon laquelle « les O.V.N.I. ne constituent pas une menace contre notre sécurité» est fausse et dangereuse, et qu'il faut réexaminer la question de -savoir si notre attitude envers eux doit être amicale ou non. 25. Une allégation souvent répétée, même par des savants, est que « ces êtres, puisqu'ils possèdent une technologie si avancée, sont forcément rationnels comme nous, et qu'en conséquence, si nous en avions l'occasion, nous pourrions facilement établir le contact ». 26. Notons toutefois qu'il n'existe aucune définition scientifique du mot «raison ». L'histoire des techniques, de l'Age de la Pierre à la fusée, ne montre aucune discontinuité révélant l'apparition de la «raison ». Il est difficile de voir pourquoi la progression continue qui, depuis l'Australopithèque, est arrivée jusqu'à nous, devrait s'arrêter à nous, puisqu'elle ne s'est jamais arrêtée jusqu'à maintenant et n'a fait en réalité que s'accélérer. Et si elle doit continuer dans l'avenir comme par le passé, on ne voit pas pourquoi elle n'en viendrait pas à produire des différences psychiques plus grandes même que celles qui nous séparent de 1'Australopithèque et des primates de l'ère tertiaire. L'idée mentionnée en (25) est donc une pseudo-idée, une phrase vide de signification. 27. Bien que nous admettions tous volontiers que l'activité ufologique puisse relever d'un niveau de pensée surhumain, il semble que la majorité d'entre nous persiste à ne pas voir l'implication inévitable d'une telle surhumanité, celle d'une part irrémédiablement incompréhensible se manifestant par des contradictions et des absurdités. 28. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le matériel ufologique réuni au long des vingt-sept dernières années ressemble à un rêve du fou que les psychiatres sont toujours tentés d'interpréter en termes de psychiatrie : le rêve est bien en fait le seul spécimen accessible d'une pensée plus vaste que la pensée consciente de l'homme. Le rêve a été le seul exemple accessible d'une telle pensée jusqu'à l'apparition des O. V.N.I. 29. Reconnaître le caractère surhumain de la pensée qui anime les O.V.N.I. n'est pas une attitude défaitiste, mais bien plutôt réaliste. Il vaut mieux reconnaître ce à quoi on a affaire que refuser de regarder. 30. Depuis les premiers âges de l'humanité, il existe une attitude mentale particulière de l'homme à l'égard d'une pensée supposée supérieure à la sienne : c'est l'attitude religieuse. Jusqu'à maintenant, la pensée humaine ne s'est jamais
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exercée à aucune catégorie de pensée supposée surhumaine dans un contexte autre que religieux. 31. Peut-être ce fait explique-t-il à la fois les déviations religieuses de 1'« ufolâtrie de contacté » et le blocage psychologique du rationaliste a-religieux. Ces deux catégories d'esprits reconnaissent également dans le phénomène O.V.N.I. l'opération d'une pensée surhumaine, mais considérée comme religieuse avec délices par la première catégorie et avec horreur par la seconde. 32. Il existe donc une difficulté particulière à la recherche ufologique : celle d'appliquer à une phénoménologie surhumaine les seules méthodes de la science en excluant toute attitude mystique. 33. La première conséquence de (27) est que ni l'absurde ni le contradictoire ne doivent être exclus en tant que tels. Quand ils apparaissent, nous devons les enregistrer tout comme le reste. Les exemples d'absurdité apparente sont très nombreux, et nous découvrons presque toujours un ou deux détails absurdes dans tout cas bien rapporté, spécialement dans la catégorie de Type 1. Quelques cas, comme l'affaire de la ferme Kelly-Hopkinsville, sont de véritables festivals d'absurdité. On ne devrait jamais oublier que dans toute manifestation présumée surhumaine, l'absurde apparent est précisément ce à quoi l'on doit s'attendre. « Pour-quoi te donnes-tu tant de peine pour ta nourriture et ta maison, me demandait mon chat, et pourquoi tant d'agitation alors qu'on trouve tout ce qu'il faut dans une bonne poubelle et qu'on est si bien abrité sous la première auto venue? » 34. Peut-être les contactés eux-mêmes devraient-ils être étudiés à nouveau sous cet angle. Si le contact est évité (et il l'est), la meilleure méthode pour déconcerter les chercheurs ne serait-elle pas d'opérer des contacts absurdes? 35. Le mimétisme des cas de Type 1 devrait peut-être aussi être étudié dans cette perspective. Pendant la vague de 1896-1897, les objets vus au sol ressemblent à une hybridation entre les ballons dirigeables de Krebs et de Renard (1884) et les petites locomotives du Far-Ouest (voir la Flying Saucer Review, vol. 12, N° 4, juillet-août 1966, illustration de couverture). Après 1847, les O.V.N.I. sont aérodynamiques, comme les engins terrestres. Depuis 1964, c'est une nouvelle fois le baroque. Parfois aussi, ils portent des signes et marques terrestres. Certains cas de cette sorte ont pu être contrôlés et démontrés parfaitement authentiques. Mais ils sont tellement absurdes (parce que mimétiques) que l'on n'ose pas en parler. Aucune recherche utile ne pourra être entreprise, tant que l'absurdité nous donnera des complexes. 36. On voit alors avec quelle prudence il faut aborder la question de savoir quel est finalement le sens de tout cela. En fait, rien n'indique que le fond du phénomène ne soit pas inaccessible à la pensée humaine. Toutefois, il n'est peutêtre pas nécessaire d'atteindre à ce fond ultime pour répondre à toutes les questions que les hommes peuvent se poser sur le phénomène O.V.N.I. Le moustique qui se pose sur moi ne sait absolument rien de ma structure et de mes
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pensées. Mais il sait tout ce qui peut intéresser un moustique, puisqu'il peut me piquer en toute impunité. 37. En définitive, toute spéculation sur le phénomène O.V.N.I. ne peut avoir qu'un seul objet utile : nous apprendre à nous débarrasser de toute idée, préconçue, consciente ou inconsciente, et à ne regarder que les faits, et les faits seuls. Le reste n'est qu'inutile jeu d'enfant.
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LES OVNIS ET L’IRRATIONNEL Réflexions philosophiques à propos d’une énigme persistante in France Catholique n° 1345 – 22 septembre 1972
Nous sommes en train d’assister à une révolution scientifique, et la plus grande peutêtre depuis Galilée. Cet événement exceptionnel mérite donc qu’on y soit attentif et qu’on y réfléchisse. Il consiste en ceci : qu’après vingt-cinq ans d’incertitudes et de polémiques, les savants conviennent qu’il existe un problème des soucoupes volantes et qu’il est honnête de l’admettre, même si l’on ne voit pas encore comment il doit être étudié. Je n’essaierai pas de raconter dans cette brève chronique comment s’est fait ce changement. Le lecteur qui veut en avoir une idée pourra se reporter aux articles publiés dans le dernier numéro de Sciences et Avenir (a) par MM. Pierre Guérin, de l’Institut d’astrophysique, et Jacques Lévy, astronome titulaire de l’Observatoire de Paris. Des phénomènes « hors-la-loi » Ces deux articles sont une exemplaire leçon de méthode et de mœurs scientifiques : leurs auteurs, qui s’accordent sur l’essentiel, comme tous ceux qui ont étudié le problème, à savoir que ce problème existe et qu’aucune explication avancée jusqu’ici ne résiste à l’examen, divergent sur d’autres points ; ils ont décidé de le dire publiquement, mais en dépassionnant complètement le débat. Désormais, disent-ils, le problème des objets volants non identifiés (OVNIs, ou, selon M. Lévy, pré-OVNIs) fera l’objet de discussions strictement scientifiques, à l’exclusion de toute polémique subjective et de tout effet d’éloquence ; on s’en tiendra aux faits bien prouvés ; et quiconque voudra ramener le débat au niveau polémique où il a stagné depuis un quart de siècle s’exclura par là même de la démarche à laquelle tout chercheur est tenu s’il veut être écouté. Qu’il s’agisse d’une révolution, et d’une immense portée, cela découle de la nature même du problème : les OVNIs, tels qu’ils sont observés, semblent, en effet, ne pas obéir aux lois physiques que nous connaissons. Par exemple, d’un côté, ils ont toutes les apparences d’un objet matériel : leur masse posée au sol laisse des traces ; les balles des armes à feu rebondissent sur ce qui semble (à nos yeux) être une « coque » ; quand ils se posent dans un pré, l’herbe est écrasée ou brûlée ; s’il y a des arbres, les branches sont cassées ou desséchées ; leur déplacement peut produire des effets divers de proximité : courants d’air, variations de températures, effets électromagnétiques, etc. Donc, examinés de ce point de vue, les OVNIs offrent une apparence qui nous semble absolument évidente, celle d’un engin d’une haute technicité.
114 Mais, d’un autre côté, ils peuvent se déplacer en silence à des vitesses (enregistrées au radar) très largement transsoniques ; ils changent parfois de forme ; ils peuvent être animés d’un mouvement giratoire tout en gardant une asymétrie inchangée par rapport au sens de leur mouvement ; et surtout, comble du fantasmagorique, ils peuvent apparaître et disparaître sur place, se dédoubler ou au contraire se compénétrer, courber les radiations lumineuses, produire sur les témoins, hommes ou animaux, des effets psychiques, hallucinatoires ou autres ! À quoi ressemble tout cela ? Non seulement cela ne ressemble à rien de connu – à part les fantômes ! mais c’est contraire à tout ce que nous croyons savoir des propriétés fondamentales des corps physiques. Prenons, par exemple, les apparitions et disparitions sur place, qui comptent parmi les faits les mieux attestés (voir les photos du lac Chauvet présentées par M. Guérin dans son article de Science et Avenir). Il s’agit là de quelque chose qui ne se borne pas à défier une simple loi physique. C’est un défi à la physique elle-même, qui étudie les phénomènes spatiotemporels, et eux seuls. Un objet qui sort de l’espace-temps ne relève pas de la physique, et la « philosophie naturelle » sous-tendue par l’édifice tout entier de la science implique même qu’un tel objet n’a pas d’existence réelle, et qu’il est illusoire, qu’il ne saurait exister [1]. Voilà entre autres raisons pourquoi, pendant vingt-cinq ans, on a essayé de toutes les façons de ramener les observations d’OVNIs à des origines différentes, en dissociant les détails manifestement physiques (masse, impénétrabilité, effets de proximité, etc.), des détails « impossibles », les premiers étant expliqués par des interprétations erronées d’objets ordinaires non reconnus par les témoins (avion, hélicoptère, ballon-sonde, bolide, etc.), les deuxièmes par des illusions d’optique (mirages, parhélies) et des aberrations psychologiques (hallucinations, psychoses, mythomanie, supercherie). Malheureusement, il est impossible de dissocier les effets possibles et impossibles pour les expliquer séparément : les faits bien avérés refusent de se laisser ainsi traiter. Les photos de Mac Minnville, par exemple, dont l’authenticité est démontrée [2], attestent qu’un objet solide de dix mètres de diamètre au moins, situé à plus d’un kilomètre de l’objectif, tournait sur lui-même en gardant l’orientation de son asymétrie, ce qui est physiquement impossible [3]. C’est la première fois dans l’histoire que notre pensée se trouve confrontée avec quelque chose qui semble contredire ou dépasser ses propres structures. L’OVNI, c’est l’irrationnel matérialisé, observé tous les jours dans l’environnement de l’homme (car on en observe tous les jours). Avec quelle méthode peut-on étudier l’irrationnel ? Une approche rationnelle de l’irrationnel est-elle possible ? Et que sont au juste le rationnel et l’irrationnel ? « Les apparences de la magie » Ces questions n’ont pas de précédent en science : la science a toujours postulé l’intelligibilité de son objet. L’étrange est que l’inintelligibilité de phénomènes supposés, produits par une pensée non humaine, était rationnellement prévisible, et avait été effectivement prévue : « Une technologie plus avancée que la nôtre aurait toutes les apparences de la magie », écrivait déjà Arthur C. Clarke, il y a plus de vingt ans [4].
115 Pierre Guérin avait, lui aussi, développé cette idée dans le passionnant dernier chapitre de son livre sur les mondes planétaires. Ceux qui lisent mes publications en langue anglaise savent que, de mon côté, j’essaie depuis longtemps de susciter une réflexion sur les phénomènes apparemment (ou peut-être réellement) irrationnels. Il est encourageant de voir que, même désagréables à notre paresse intellectuelle, même difficiles, mêmes déplaisantes à notre orgueil, les idées mûrissent (b). Aimé MICHEL (a) N° 307, septembre 1972. (b) Pierre Guérin : Planètes et Satellites (Larousse, 1967 et éditions ultérieures). Mes principaux articles sur cette question ont paru dans la Flying Saucer Review de Londres [5] (21 Cecil Court, Charing Cross Road, London WC 2 N4HB). Voir aussi : The Humanoids, ouvrage collectif sous la direction de Charles Bowen (Neville Spearman éditeur, Londres 1969), et les Atterrissages d’Extraterrestres, de Jacques Vallée (Denoël, Planète, Paris 1972). [6] Notes de Jean-Pierre ROSPARS (*) Chronique n° 110 parue dans F.C. N° 1345 – 22 septembre 1972. Reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe (http://www.aldane.com/), chap. 20 « OVNI », pp. 505-508.
Notes [1] Une autre interprétation possible d’une apparente disparition « sur place » est celle d’une très forte accélération (qui pose également des problèmes, bien entendu). Les photos du lac Chauvet (Puy-de-Dôme) sont au nombre de quatre. Selon le témoin, l’ingénieur André Frégnale, elles furent prises le 18 juillet 1952. Pierre Guérin s’est livré à une étude géométrique du négatif original et a conclu à l’authenticité des clichés. Voir Guérin, P., A scientific analysis of four photographs of a flying disk near Lac Chauvet, J. Sci. Exploration, 8, 447-469, 1994 (http://www.scientificexploration.or...), et l’appendice de Guérin, P., OVNI. Les mécanismes d’une désinformation, Albin Michel, Paris, 2000). [2] L’analyse des photographies de McMinnville à laquelle se réfère Aimé Michel a été réalisée par William K. Hartmann, professeur assistant au Laboratoire Planétaire et Lunaire à l’Université d’Arizona. Elle se trouve dans un gros rapport de 965 pages intitulé Étude scientifique des objets volants non identifiés, et plus couramment rapport Condon. En effet, l’équipe qui le réalisa était dirigée par le Pr. Edward U. Condon, un physicien nucléaire respecté qui fut, entre autres, président de l’Association Américaine pour l’Avancement des Sciences et de la Société Américaine de Physique. En 1966, l’insatisfaction du Congrès et du public en général vis-à-vis de la manière dont l’Armée de l’Air (USAF) gérait la question des ovnis, conduisit celle-ci à rechercher une évaluation indépendante auprès des milieux académiques. Elle lança un appel d’offre d’un demi-million de dollars que toutes les universités rejetèrent, à l’exception de l’Université du Colorado à Boulder, qui fut donc retenue en octobre 1966. L’étude dura un peu plus de deux ans et son rapport final fut soumis à l’Académie Nationale des Sciences le 15 novembre 1968 puis publié peu après par Bantam Books à New York, en janvier 1969. La première des sept sections du rapport, signée E.U.
116 Condon, déclarait sans ambages : « Notre conclusion est que rien n’est venu de l’étude des ovnis au cours des 21 dernières années qui aient ajouté quoi que ce soit aux connaissances scientifiques. Un examen soigneux du dossier tel qu’il nous est disponible nous conduit à conclure qu’une étude ultérieure approfondie des ovnis ne peut probablement pas être justifié par l’espoir que la science pourra progresser grâce à elle. » (p. 1). La science avait donné son verdict et c’est ce que tout le monde retint du fameux rapport tant à l’USAF (qui ferma dans la foulée le service qui collectait les rapports) que dans les milieux scientifiques et dans le public. Peu nombreux furent ceux qui se hasardèrent au cœur de l’épais rapport. Pourtant, de bien curieuses observations se cachaient dans la section IV intitulées « Étude de cas ». Les enquêteurs y analysaient 59 cas dont l’un des plus remarquables était le n° 46 (pp. 396-407), celui des photographies de McMinnville. Ce cas est exemplaire car il illustre la réelle difficulté qu’il y a à progresser sur le sujet des ovnis et à obtenir des conclusions sûres. Mieux que d’autres il permet de comprendre pourquoi la controverse se poursuit sans espoir d’une solution proche dans un sens ou dans l’autre. Qu’on en juge… Cette observation alléguée eut lieu le 11 mai 1950, dans une ferme de l’Oregon située à une quinzaine de km de McMinnville. Evelyn Trent était en train de nourrir ses lapins quand, ditelle, elle vit un objet d’apparence métallique. Elle prévint son mari, Paul Trent, qui était dans la maison. Ils eurent le temps de chercher leur appareil photo et Paul put prendre deux photos de l’objet qui, selon leurs dires, était de couleur argent ou aluminium, silencieux, sans flamme ni fumée. Les témoins montrèrent les images à quelques amis mais sans chercher de publicité. En effet, ils pensaient avoir observé un prototype secret de l’armée et craignaient d’avoir des ennuis avec le gouvernement. L’affaire vient à la connaissance d’un journaliste local qui se rendit à la ferme et trouva les négatifs sous un petit bureau où les enfants avaient joué avec. Les photos furent publiées en première page du journal local le 8 juin 1950 avant de faire le tour du monde. L’enquêteur W.K. Hartmann fait son enquête en 1967. Il ne découvre aucune motivation pouvant justifier la fabrication d’une telle histoire, d’autant que plusieurs résidents de McMinnville certifièrent la réputation et la véracité des témoins. En outre, il tient pour improbable un trucage complexe dans ce contexte rural. Il réussit à retrouver les négatifs (conservés par une agence de presse) et commence leur étude approfondie. L’analyse montre que l’objet n’avait pas tourné entre les deux prises de vue, ce qui écartait l’hypothèse d’un objet du genre frisbee lancé en l’air. La présence de fils suggérait la possibilité d’une maquette suspendue à ceux-ci mais l’analyse photométrique de l’objet montra que l’objet devait avoir une surface brillante non spéculaire et être situé à une distance considérable (de l’ordre de 900 à 1700 m). En effet, si les parties inférieures (à l’ombre) et supérieures de l’objet étaient faites du même matériau, il fallait cette distance pour que l’extinction et la diffusion de la lumière par l’atmosphère (mesurable grâce aux objets à distance connue visibles sur les photos) puissent expliquer la différence d’aspect des deux parties. Hartmann conclue ainsi son analyse : « C’est un des rares rapports d’ovni dans lequel tous les facteurs examinés, géométriques, psychologiques et physiques apparaissent cohérents avec l’affirmation qu’un objet volant extraordinaire, argenté, métallique, en forme de disque, de quelques dizaines de mètres de diamètre, et évidemment artificiel, vola en vue de deux témoins. On ne peut pas dire que les données disponibles excluent positivement une fabrication, bien qu’il y ait quelques facteurs physiques, tels que la précision de certaines mesures photométriques sur les négatifs originaux, qui militent contre une fabrication. »
117 En 1974, Philip Klass dans son livre UFOs explained (Random House, New York, 1974) présente les critiques de Bob Sheaffer, un expert en analyse photographique. Il attribue l’effet mesuré par Hartmann, non à l’atmosphère, mais à une diffusion de la lumière par des saletés présentes sur l’objectif et déduit de l’ombre projetée par l’avancée d’un toit que l’heure de la prise de vue n’était pas 19h45 mais 7h30. Hartmann, impressionné par ces résultats retire alors sa conclusion première. En 1976, Bruce Maccabee, un physicien de la Marine américaine, publie les résultats de son analyse approfondie des négatifs originaux (Proceedings of the 1976 CUFOS Conference, Evanston, pp. 152-163). Ses mesures lui permettent d’exclure l’explication de Sheaffer par un objectif sale. Il ne retint pas non plus l’hypothèse d’une maquette réalisée dans une matière translucide, qui pouvait expliquer les mesures de Hartmann, car les bords de l’objet sont dentelés de façon irrégulière ce qui peut s’interpréter par une distorsion atmosphérique de l’image et « une indication que l’objet était situé à plusieurs centaines de mètres au moins ». Malgré tout, en 1977, Claude Poher, ingénieur du Centre National d’Études Spatiales à Toulouse, reprend l’hypothèse de la maquette translucide suspendue par un fil aux fils en surplomb. Il montre par une étude géométrique se fondant sur les mesures angulaires de Maccabee que « la maquette présumée de la photo 2 était située exactement au même endroit que celle de la photo 1 ». La conclusion qui s’impose est que « les témoins ont photographié une maquette translucide pendue sous les fils » (voir l’Annexe 4 dans http://wwwtogeipan02.cnes.fr/index...[showUid]=1565). En 1981, Maccabee présente une seconde étude plus détaillée, la plus complète à ce jour avec des mises-à-jour jusqu’en 2000 (disponible sur http://brumac.8k.com/trent2c.html). Il y écarte, mesures à l’appui, les objections de Sheaffer et de Poher. Contre Sheaffer, il montre que le bord de l’ombre sous le toit ne peut pas s’expliquer par une illumination matinale directe du soleil mais qu’il est compatible avec l’éclairage par un nuage réfléchissant la lumière du soleil couchant. Contre Poher, il montre que les lignes de visées des deux photos ne se croisent pas sous les fils. Cependant, l’auteur reste fort prudent : « ces résultats, écrit-il, même s’ils étaient parfaitement précis, ne prouverait pas que l’observation n’est pas mensongère. D’autre part, ces résultats, s’ils sont raisonnablement précis, ne prouvent pas que l’observation soit mensongère. » Autrement dit, aucune conclusion claire et nette fondée sur la seule analyse des négatifs n’a été obtenue en 50 ans d’analyses et de discussions. Cet échec est dû en grande partie à la négligence. En effet, il aura fallu attendre 17 ans pour qu’un scientifique visite les témoins et encore son enquête sur place resta-t-elle superficielle : il ne fit-il aucun plan détaillé des lieux (qui aurait été si utile aux analyses des négatifs, les bâtiments ayant ensuite disparu) et ne rechercha pas d’autres témoins (il y en aurait eu : au moins le père de Paul et peut-être une voisine). Que l’interprétation des photos dépende finalement de la confiance à accorder aux témoins est un signe patent d’échec. C’est ce qu’il s’agissait d’éviter car l’analyse scientifique vise précisément à faire abstraction de la confiance à apporter aux témoins. L’obligation d’y avoir recours explique l’absence de consensus sur la nature des observations, au moins des plus curieuses (par contre, il existe un large accord sur le fait que les observations sont, dans leur grande majorité, dues à des méprises). On peut retenir contre les Trent qu’ils ont cru voir d’autres ovnis, mais c’est à peu près tout. Ils n’ont jamais cherché à tirer de l’argent de leurs photos et seule l’agence UPI, qui mit la main sur les négatifs, en tira un bénéfice financier. Aucun indice ni mobile en faveur d’une
118 fabrication n’ont pu être apportés. Lors de leur dernière interview en 1995, les témoins ont simplement répété leur histoire en disant que c’était la vérité. Evelyn est décédée en 1997 et Paul en 1998. [3] Cette rotation de l’objet n’est pas confirmée par l’analyse photographique. [4] C’est la Troisième Loi de Clarke, la plus souvent citée. Elle se trouve dans l’édition 1973 de Profiles of the Future avec ce commentaire : « Puisque trois lois ont suffi à Newton, j’ai modestement décidé de m’en tenir là ». Mais dans l’édition de 1999, il en ajoute une quatrième : « A chaque expert correspond un expert égal et opposé ». [5] Aimé Michel a écrit plusieurs articles pour la F.S.R. de 1961 à 1980. Ils traitent d’observations d’ovnis récentes (photographies de Namur, 7:1, 1966 ; cas de Valensole, 11:6, 1965 et 14:1, 1968 ; cas du Dr X, special n° 3, août 1969 et 17:6, 1971), de leur interprétation (On the true nature of the close proximity UFO sightings, 21:5, 1975), de leur passé (Palaeolithic UFO-shapes, 15:6, 1969 ; The UFOs and History, 18:3, 1972 ; Of Gods, genii, heroes and entities, 19:2, 1973 ; On two passages of the Iliad, 21:6, 1976 ; voir aussi la chronique n° 160, La science et le mystère, à propos de la jeunesse de saint Vincent de Paul, parue ici le 18.07.2011) et de leur signification épistémologique (Of men, cats and Magonia, 16:5, 1970 ; Project Dick, 18:1, 1972 ; The mouse in the maze, 20:3, 1974 ; The Grisonne paradox, 22:1, 1976, The ‘cat-flap’ effect, 25:5, 1980). Aimé Michel cesse d’écrire sur ce sujet à partir de 1980 environ. « Si je n’en parle plus, m’écrit-il le 20 juin 1986, c’est par désintérêt, ayant acquis la “conviction intime” que c’est inétudiable ». Il rejoignait ainsi après un long détour la thèse d’Edward U. Condon. [6] The Humanoids a paru en traduction française (par A. Bruelle) sous le titre En quête des humanoïdes, J’ai Lu A315, 1974. Le sujet traité par Aimé Michel, dans le dernier chapitre intitulé Le problème du non contact, est devenu célèbre depuis sous le nom de Paradoxe de Fermi. Ce chapitre comporte 37 courts paragraphes numérotés dont voici le dernier « 37. En définitive, toute spéculation sur le phénomène OVNI ne peut avoir qu’un seul but utile : apprendre à nous débarrasser de toute idée, consciente ou inconsciente, et à ne regarder que les faits, et les faits seuls. Le reste n’est qu’inutile jeu d’enfant. » Le livre de Jacques Vallée a paru finalement sous le titre Chroniques des apparitions extraterrestres. Du folklore aux soucoupes volantes (Denoël, 1972), traduction (souvent fautive) de Passport to Magonia. From folklore to flying saucers (Regnery, Chicago, 1968). L’idée du livre est que les ovnis sont la forme moderne prise par un phénomène beaucoup plus ancien. En effet, dans toutes les parties du monde, les traditions populaires font état au cours des âges de visiteurs venus d’Autres Mondes nommés ciel, enfer, pays des fées, Magonie, ou autres…
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Préface à Les Apparitions OVNI par Jacques Lob et Robert Gigi (Dargaud 1973)
Mais enfin, me dit-on souvent, vous qui étudiez les soucoupes volantes depuis 1951, réellement, est-ce que vous y croyez ? Question simple, n'est-ce pas, et à laquelle, après tant de temps, on devrait être capable de répondre par oui ou par non. Et il est vrai qu'en plus de vingt ans de réflexion, de discussions et d'enquêtes, on ne peut pas ne pas avoir acquis une certaine somme de connaissances, et, soudée par ces connaissances, une opinion. Mais comment la faire comprendre en deux mots ? Plus j'ai réfléchi à ce mystérieux sujet et plus je me suis senti m'éloigner de mes contemporains. Plus j'en ai appris sur les soucoupes volantes, et plus j'ai vu que ce que j'en savais devenait incompréhensible au non initié. Voila pourquoi, depuis quinze ans, je n'ai à peu près rien écrit sur ce sujet. Prenons la question de savoir si j'y crois. Comment y répondre ? Dites-moi d'abord ce que vous entendez par "soucoupe volante", et peut-être alors pourraije vous répondre. Et je ne suis pas sûr que ma réponse vous satisfera. Définissez vous la soucoupe volante comme "un engin spatial d'origine extraterrestre piloté par des habitants d'une autre planète" ? Alors je vous répondrai que non, je n'y crois pas. Je n'y crois pas parce que je sais que les soucoupes volantes sont autre chose : elles sont des engins, plus quelque chose de formidablement supérieur à tout engin imaginable par l'homme. Elles ne sont pas qu'un engin au sens où nous l'entendons. Un engin, c'est une machine construite d'après un plan, ayant une structure définie. Mais l'idée de plan est une idée humaine. Et la preuve qu'"elles" ne correspondent à rien que nous ayons le droit d'appeler un "plan", c'est qu'elles peuvent, en un clin d'oeil, changer de structure ; une autre preuve est que deux témoins contemplant en même temps et du même endroit la "même" soucoupe peuvent la voir différente ; j'entends la voir vraiment différente et non pas seulement l'interpréter différemment, comme deux témoins du même accident le décrivent
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parfois de façon contradictoire. On a en effet des cas bien avérés où des témoins compétents et exercés ont vu deux spectacles apparemment inconciliables. Impossible ? Oui. Impossible à l'homme. Inconcevable à son imagination et à son intellect. Et cependant, vrai. On ne peut donc pas parler d'"engins". J'ai proposé, en anglais, de les appeler des whatizits. En français, l'astronome Guérin propose le mot de "zinzins". Disons que ce sont des zinzins. Les zinzins sont-ils "spatiaux" ? Réponse : non, ou plutôt : pas seulement spatiaux. Peut-être savent-ils sortir de l'espace, ou quelque chose comme ça, que nous n'arrivons pas à imaginer. On ne les voit qu'exceptionnellement dans l'espace - aussi exceptionnellement que les hommes. Leur zone d'élection, leur "niche écologique", c'est la "noosphère", c'est partout où l'homme lui-même se manifeste, près du sol ou de l'eau ou de la proche atmosphère. Mais pour être là, s'ils ne sont pas d'origine humaine, il faut quand-même bien qu'ils traversent l'espace extérieur ? Réponse : non, hélas. Je dis hélas parce que ce constat est aberrant, qu'il est un défi à notre raison, et que nous en sommes bien conscient. Qu'y faire ? Les zinzins sont là, mais ils n'ont pas besoin, pour nous atteindre, de "traverser" l'espace. Voila le fait. On a des milliers de tracés radar démontrant leur présence dans l'atmosphère. Certains de ces tracés ont de quoi faire dresser les cheveux sur la tête : par exemple l'histoire du ménage Hill (qui est contée dans cet album) est corroborée par l'enregistrement d'un radar militaire américain, qui a suivi jusqu'au sol le "zinzin" où Barney Hill et sa femme affirment avoir subi d'étranges manipulations. Mais suivi dans la basse atmosphère, non dans l'espace extérieur. Les radars de télémétrie spatiale, ceux qui surveillent les engins spatiaux humains, n'ont qu'exceptionnellement enregistré des objets pouvant être des "zinzins". D'où viennent-ils alors ? Nul ne le sait. Nul ne sait même s'ils viennent de quelque part. Selon la boutade de Gordon Creighton, ils viennent de la troisième planète du système solaire (c'est à dire la Terre). Leur origine n'est peut-être pas un lieu. Que sont l'espace et le temps ? Des idées humaines. Rien ne nous dit que la part surhumaine de l'Univers soit quelque part dans l'espace et dans le temps. En revanche, de nombreux témoins nous affirment avoir vu apparaître un zinzin sur place, exactement comme un fantôme. Peut-on croire ces témoins ? Je
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répondrai que, dès qu'on enquête sérieusement, on ne peut pas ne pas les croire. Il faut, ou s'enfuir à toutes jambes dès qu'il est question de soucoupes, ou admettre l'inadmissible. Un de mes plus proches amis a vu une fois un de ces whatizits apparaître subitement là où une fraction de seconde plus tôt il n'y avait rien. C'est une aventure qui ne s'oublie pas. Tout cela est fantastique, nous le savons. Voilà pouquoi ceux qui connaissent vraiment le sujet (autant qu'on peut le connaître) sont si peu enclins à en parler. Voilà pourquoi, entre parenthèses, il n'existe justement pour en parler que trois ou quatre livres à peu près convenables. Pour ma part, je n'admets plus maintenant qu'un type de livre sur les soucoupes volantes : ceux qui rapportent des témoignages, modestement, sans tenter de donner de vaines et impossibles explications. Celui-ci en est un, précisément parce qu'il est un livre d'images. L'image ne cherche pas à faire comprendre. Elle nous fait participer à un mystère, à une aventure. Je souhaite qu'il soit lu et médité (oui, médité) par beaucoup de jeunes, espérant qu'ils y découvriront comme un signe de cet univers incompréhensible où notre science raisonnable est destinée à s'enfoncer de plus en plus. Il faut se cramponer à la raison. Elle seule nous épargne de choir dans la peur et la superstition. Mais n'oublions jamais de prendre garde à ce qu'elle nous cache. Ce que nous savons n'est rien au regard de ce que nous ignorons. Et c'est de là qu'"elles" viennent : de l'inconnu.
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LE PRINCIPE DE BANALITE (Mystérieuses soucoupes volantes, Albatros, Paris 1974)
Que vingt-cinq ans après les premières rumeurs, les soucoupes volantes soient encore un sujet de discorde entre les savants, ce seul fait donne déjà à réfléchir. Quand un problème nouveau se pose à la science, et même si sa solution se fait attendre, un accord ne tarde pas à se faire au moins sur sa nature et sur les façons possibles de le poser. Et si aucun accord ne se fait sur ces points, tout le monde reconnaît bientôt que le problème n'était pas de nature à être résolu par la méthode scientifique. On l'abandonne alors jusqu'à ce qu'il change de nature ou que de nouvelles méthodes soient découvertes. Rien de tel ne s'est produit avec les soucoupes volantes. Bien qu'aucun accord ne se soit fait ni sur leur nature ni sur la façon de les étudier, les chercheurs sont de plus en plus nombreux à passer outre au discrédit qui s'y attache, et à y consacrer une part de leur activité et de leurs réflexions. Cette situation ne semble pas avoir de précédent. Tout se passe comme si ce qui au départ n'était qu'une rumeur annonçait maintenant un changement de mentalité en train de se développer, non seulement en Occident, mais dans les pays socialistes, et même, nous dit-on, en Chine, depuis l'automne 1970. Pour comprendre en quoi consiste ce changement (et peut-être à quoi il aboutira), il faut d'abord se rappeler les diverses hypothèses avancées dès 1947 pour expliquer les récits relatifs aux soucoupes volantes, et l'impasse qui en résulta. Ces hypothèses étaient au nombre de quatre:
1. Engin secret américain ou russe;
2. Interprétation fautive d'engins connus ou de phénomènes naturels;
3. Psychose collective génératrice de mythes;
4. Engin de provenance extraterrestre.
C'est sur ces hypothèses que les savants furent sommés de se prononcer. Et parce qu'ils se prononcèrent en effet dans le cadre de ces hypothèses, celles-ci s'installèrent dans l'esprit du public, qui, plus d'un quart de siècle plus tard, reste leur prisonnier. Et en même temps que ces hypothèses, s'installaient dans l'esprit du public un certain nombre de raisonnements simples et apparemment évidents qui ont conduit le problème à l'impasse où il se trouve maintenant. Résumonsles brièvement:
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D'abord (et ceci répond à l'hypothèse no 1), il est maintenant bien certain que les soucoupes volantes ne sont pas des engins secrets terrestres. Et au premier chef parce qu'on sait, grâce à l'astronautique, de quoi sont capables les grandes nations. Rien, dans leur arsenal, ne ressemble même de loin à ce que décrivent (à tort ou à raison) les témoins prétendus. Il est bien évident que si les Russes ou les Américains disposaient d'engins capables des performances décrites par le policier de Socorro ou le paysan de Valensole, ils ne se ruineraient pas à lancer des fusées coûtant des millions de dollars, et qui, de surcroît, peuvent rater leur but ou exploser. Les Américains auraient bien aimé avoir au Vietnam des engins capables de voler silencieusement à 10 mach et de se poser verticalement, toujours en silence. Une raison encore plus probante est ensuite que l'on a retrouvé des témoignages très circonstanciés datant d'un siècle ou plus. Il faut donc renoncer à la première hypothèse. Les hypothèses 2 et 3 sont certes satisfaisantes pour l'esprit. Elles n'exigent aucune acrobatie scientifique, aucune révolution psychologique. Elles rendent très bien compte de ce qu'on peut lire dans les journaux, à qui il est raisonnable de ne pas se fier dès qu'ils racontent des extravagances. Mais d'un autre côté, ces hypothèses n'ont jamais donné satisfaction ni aux témoins ni aux savants ayant enquêté directement auprès des témoins. Quelle que soit la raison pour laquelle ni ces savants ni ces témoins ne trouvent pas satisfaisantes les deux hypothèses de la psychose et de l'interprétation fautive, leur scepticisme est un fait auquel se heurtent de façon irritante les chercheurs sincèrement désireux d'éclairer les esprits. L'illustration la plus connue de ce malaise est le rapport Condon (1). Condon, lui-même physicien éminent, juge sur documents, sans interroger personnellement un seul témoin, sans aller lui-même une seule fois sur, les lieux d'observation. Il conclut à l'inexistence de tout phénomène étrange, et tout esprit qui le suit dans sa démarche (c'est-à-dire qui croit pouvoir se prononcer sans étude directe) le suit presque infailliblement dans sa conclusion: il n'y a rien. Mais Condon avait une équipe d'enquêteurs composée de savants aussi qualifiés que lui-même. A la tête de cette équipe, il y avait Saunders (désigné dans le "Rapport Condon", p. 941, comme "principal investigator"). Saunders était, et est toujours à l'heure présente, professeur de psychologie dans la même université du Colorado où Condon est professeur de physique. Il a une pratique approfondie des enquêtes. Il enquête donc. Et il aboutit à une conclusion exactement opposée à celle de Condon, avec qui il se brouille avec éclat. Incident à la suite duquel il publie un livre réfutant le "Rapport Condon".
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On avait assisté précédemment plusieurs fois à la même divergence entre le "juge" rendant sa sentence sur documents et l'enquêteur étudiant le phénomène directement: en 1952, le major Ruppelt, responsable du projet Blue Book, avait rendu un verdict positif tandis que Robertson, président du jury, étudiant le rapport de Ruppelt, rendait un verdict négatif. Même contradiction entre les instances supérieures de l’Air Force et l'astronome Hynek en 1968, devant la Commission sénatoriale ad hoc. Force nous est donc d'enregistrer ces contradictions. Ce qu'on appelle certitude scientifique, c'est l'assentiment collectif des spécialistes sur un point de leur spécialité. Le moins que l'on puisse dire est qu'il existe un dissentiment complet entre les savants ayant étudié les soucoupes volantes. Remarquons à ce propos que l'opinion des autres, c'est à dire de ceux qui se prononcent sans avoir jamais étudié le problème ni directement ni indirectement, a autant de valeur, mais pas plus de valeur que l'opinion d'un historien sur une question de physique: une valeur non négligeable sur la question des méthodes (qui sont communes à toutes les sciences), mais faible ou nulle sur les questions de faits relevant de la spécialité en discussion, et pour laquelle les savants non spécialistes font partie du public et n'en savent pas plus que lui. C'est en examinant la quatrième hypothèse, celle de l'origine extraterrestre, que l'on va comprendre pourquoi l'immense majorité des gens sensés se sont ralliés à l'explication par les hypothèses 2 et 3. En effet, si l'on récuse l'explication par l'interprétation fautive et la psychose, l'hypothèse extraterrestre reste seule disponible. Or, elle se heurte à des objections insurmontables, comme on va le voir. Il est à peu près certain que l'intelligence humaine est la seule qui soit apparue dans notre système solaire. Donc, des engins extraterrestres supposés présents sur nos têtes devraient venir d'autres systèmes. Mais, dans ce cas, il s'agirait d'engins ayant parcouru d'immenses distances et pour lesquels l'arrivée dans nos parages constituerait la réussite d'une prouesse technique véritablement prodigieuse. Tous les calculs de rapports de masses, de temps nécessaire et d'énergie requise aboutissent en effet à la presque impossibilité, ou même à l'impossibilité absolue, si ces êtres supposés ne viennent pas des deux ou trois étoiles les plus proches (2). Dès lors, si des êtres venus d'ailleurs avaient réalisé un tel prodige, est-il vraisemblable d'imaginer qu'ils l'aient fait dans le seul but de se livrer à quelques vagues manoeuvres sur le nez d'un paysan de la Lozère ou d'un Indien de l'Orénoque, et de disparaître aussitôt? Une telle hypothèse est insoutenable. Quand on franchit des abîmes d'années-lumière au prix
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d'une fantastique dépense d'énergie et qu'on découvre une civilisation inconnue, on prend évidemment contact avec elle. Or, aucune civilisation extraterrestre n'a pris contact avec l'humanité, c'est un fait. Donc, les soucoupes volantes sont une absurdité, et quelles que soient les difficultés pour les expliquer de façon satisfaisante par la psychose, la sottise ou l'ignorance, il faut bien admettre quand même cette explication, puisqu'il n'en existe pas d'autre possible. Certes, on ne démontrera jamais l'inexistence du Père Noël et il y aura toujours des faibles d'esprit pour préférer croire en lui plutôt que d'entendre raison. Mais ici nous avons un argument négatif parfaitement convaincant: du Père Noël, nous savons qu'il veut se cacher pour faire plaisir aux enfants sages; au lieu que si les extraterrestres étaient venus, ce serait forcément pour nous connaître, puisqu'il aurait fallu qu'ils nous cherchent pour se lancer dans une si lointaine aventure; ils se montreraient donc forcément à nous s'ils étaient là; ils ne se montrent pas; ils ne sont donc pas là. En revanche, la sottise et la crédulité humaines, elles, sont un fait bien avéré. Et comme elles peuvent suffire à tout expliquer, la question est réglée. Les savants qui croient à la réalité des soucoupes volantes contestent justement que la sottise et la crédulité suffisent à tout expliquer. Mais existe-t-il une raison suffisante d'entrer dans leurs obscures recherches, au risque d'y perdre un temps que requièrent des tâches plus utiles? Ne voulant pas détourner le lecteur d'occupations plus sérieuses que la chasse aux soucoupes, nous nous bornerons à lui demander s'il ne va jamais au cinéma, s'il ne lit jamais de romans, s'il ne regarde jamais la télévision, s'il ne médite jamais sur certaines énigmes auxquelles il sait bien qu'il n'apportera jamais de réponse, bref, s'il ne perd jamais un peu de son temps à chevaucher quelque chimère. Un éminent savant allemand, prix Nobel, à qui nous parlions un jour de la chose, nous dit qu'il était trop occupé pour y perdre son temps. Dans la suite de la conversation, il nous apprenait que, pour se distraire, il jouait aux échecs et lisait des romans policiers. Que le lecteur considère donc ceci comme un roman policier, un délassement de l'esprit. Il verra bien ensuite, ayant lu, s'il y a lieu d'y accorder plus d'attention. Le problème que nous lui proposons est le suivant: Si une activité extraterrestre se manifestait à nous, comment la science nous inviterait-elle à l'imaginer?
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A défaut de mieux, ce problème vaut bien une énigme policière: la preuve en est qu'il a déjà inspiré des milliers d'oeuvres de science fiction dans toutes les langues. Faisons d'abord l'inventaire des connaissances pouvant servir à notre réflexion. Elles relèvent de l'astronomie, de la physique et de la biologie.
1. Astronomie: on sait maintenant que le Soleil est une très banale étoile que rien ne distingue de nombreuses autres étoiles de la Galaxie, laquelle en compte entre 100 et 200 milliards. On sait également que très probablement le cortège de planètes qui accompagnent notre étoile n'est pas un privilège, mais une règle: toutes les étoiles acquièrent un système planétaire pendant les premiers millions d'années de leur vie. On sait aussi que la structure des planètes du système solaire, loin d'être un cadeau de la chance, découle banalement des conditions physiques régnant dans l'environnement des étoiles: les planètes très proches de l'étoile sont plutôt petites, telluriques, solides, privées d'atmosphère; les planètes éloignées sont plutôt grosses, fluides, froides, entourées d'une atmosphère épaisse; enfin, la zone intermédiaire produit des planètes du type terrestre, c'est-à-dire solides et entourées d'une atmosphère faite d'eau, de gaz carbonique et d'azote. De même, donc, que le Soleil est une étoile banale, la Terre est, elle aussi, une planète banale au point de vue physique, c'est-à-dire abstraction faite de la vie. On sait de même que (sauf dans les amas) les étoiles sont très éloignées les unes des autres, leur distance moyenne étant de l'ordre de plusieurs années-lumière au sein des galaxies; les galaxies ont elles-mêmes des dimensions s'évaluant en centaines de milliers d'années-lumière et sont en moyenne distantes les unes des autres de plusieurs millions d'annéeslumière. On sait enfin que l'espace est peuplé d'astres de tous âges. Certaines étoiles meurent sous nos yeux. D'autres sont nées il y a dix ou peut-être vingt milliards d'années. Si l'univers est en expansion, il a peut-être commencé (sous sa forme actuelle) il y a une dizaine ou une vingtaine de milliards d'années. Le Soleil, étant âgé d'environ cinq milliards d'années, se range donc parmi les étoiles récentes. Il en est par conséquent de même de la Terre parmi l'ensemble des planètes de l'univers.
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2. Physique: les données de la physique qui nous intéressent ici sont des lois relativistes. Elles nous apprennent que pour imprimer à une masse quelconque, même très faible, même réduite à celle d'une seule particule, une vitesse égale à celle de la lumière, il faudrait une énergie infinie. Aucun corps physique ne peut donc atteindre la vitesse de la lumière. Cela signifie que l'exploration de l'univers par des engins est impossible, car la seule traversée de l'univers connu prendrait un temps plus long que la vie des étoiles. Le trajet maximum concevable ne saurait donc nous permettre d'atteindre que les quelques étoiles les plus proches.
3. Biologie: les plus précieuses données de la biologie sont celles de la paléontologie et de la géologie. Elles montrent d'abord que la vie est apparue sur la Terre dès l'origine de la planète, au cours du premier milliard d'années. Bien que l'on ne sache pas encore comment se formèrent les premiers êtres vivants, les documents géologiques attestent que tout s'est passé sur la Terre comme si l'apparition de la vie, là où elle peut se développer, était un phénomène normal et automatique ne supposant aucun miracle. La plupart des biologistes pensent qu'il en est ainsi. Ils donnent surtout comme argument la présence apparemment universelle des acides aminés que l'on a décelés aussi bien dans l'espace que dans les modèles d'atmosphères primitives artificiellement réalisés en laboratoire. Quelques rares biologistes (Monod) croient cependant que l'apparition de la vie est un miracle statistique qui ne s'est produit qu'une fois dans l'univers, précisément sur la Terre. La paléontologie nous apprend aussi:
a) que la vie s'est mise à évoluer de plus en plus vite vers des formes de plus en plus complexes, et ce, jusqu'à l'homme;
b) que l'apparition de l'homme n'est marquée par aucune discontinuité, le passage de ce que nous appelons l'animalité à ce que nous appelons l'humanité s'opérant de façon imperceptible, et, autant qu'on sache, par le jeu des mêmes lois que n'importe quel autre changement;
c) que l'homme lui-même n'a apparemment jamais cessé d'évoluer; les lois de la génétique des populations semblent toujours à l'oeuvre au sein de l'humanité actuelle, quoique tempérées par le ralentissement de la sélection.
Réexaminons maintenant le problème des voyages interstellaires lointains. Nous avons vu que la science en démontre l'impossibilité. Cette démonstration est-elle définitive? Pour l'affirmer, il faudrait avoir la certitude
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que le cadre relativiste d'où elle découle détermine les limites ultimes de toute réalité. Tout se passe comme s'il en était réellement ainsi. Mais on doit observer qu'il en a toujours été ainsi des cadres de la science, à n'importe quel moment de son histoire. Il en a été notamment ainsi au XIXe siècle, après que Maxwell eût fait la synthèse de tout ce que l'on connaissait alors. Aucun fait imaginable ne pouvait, à ce moment-là, démontrer le caractère limité de cette synthèse, comme en témoigne le fameux propos de Lord Kelvin déclarant que "la physique était désormais un ensemble parfaitement harmonieux, et, pour l'essentiel, achevé", et que le travail des physiciens de l'avenir se réduirait "à ajouter des décimales aux résultats déjà connus". Il est aussi impossible de démontrer actuellement le caractère limité du cadre relativiste qu'il le fut jusqu'en 1900 d'imaginer une faille à la synthèse de Maxwell. C'est ainsi que, par exemple, il est impossible dans la physique de Maxwell et de Kelvin d'attribuer une masse au rayonnement électromagnétique, et à plus forte raison d'imaginer une équivalence entre la masse et l'énergie. Il appartient bien entendu aux physiciens, et à eux seuls, de parler de physique. Mais l'histoire de la physique invite à la réflexion historique et philosophique. Si le philosophe et l'historien n'ont rien à dire de valable sur l'avenir de la physique actuelle, ils ne peuvent pas ne pas remarquer que, même si le cadre relativiste n'embrassait pas toutes les virtualités de l'univers, il nous donnerait l'illusion de le faire, exactement comme le faisait la physique de Maxwell à Kelvin. L'affirmation qu'aucune découverte nouvelle ne permettra jamais de tourner les limites de la physique relativiste implique donc une pétition de principe. Elle suppose acquis ce qui est à démontrer, car il est bien évident que si des phénomènes non relativistes ou ultra-relativistes restent à découvrir, ils sont exclus par nature du cadre relativiste, exactement comme il était exclu du cadre de Maxwell que l'on pût transformer une masse matérielle en ondes électromagnétiques. Cela n'a pas empêché la bombe d'exploser. Mais il a fallu pour cela découvrir que Maxwell n'avait embrassé qu'une partie des phénomènes. L'exemple de Maxwell nous avertit que si des faits ne relevant pas de la physique relativiste venaient à se dérouler sous nos yeux, ils nous apparaîtraient au moins aussi fantasmagoriques et absurdes qu'à Lord Kelvin le spectacle d'Hiroshima, et probablement beaucoup plus. Si, de surcroît, ces faits se présentaient à nous de façon fugitive et difficile à observer, la physique nous servirait, non à les étudier, mais à les réfuter. ]Le bon sens même nous inviterait à un tel rejet: pour mettre en doute le corps entier de nos connaissances, il faut des faits bien avérés. Dans le cas de Maxwell par exemple, il a fallu que le rayonnement du corps noir et les mesures du mouvement absolu de la Terre dans
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l'espace contredisent toutes les pré, visions. Rien, donc, n'est plus normal que le recul manifesté par tant de savants devant des récits dont aucun, pris séparément, n'apporte sa propre preuve de façon suffisamment convaincante, alors que pour en accepter un seul, il faut renoncer à la physique actuelle. Si les extraterrestres étaient là, dit-on, ils auraient pris contact avec nous. Nous ne constatons rien de tel. Donc, ils ne sont pas là. Nous ne pensons jamais à ce qu'il y a d'étrange et même d'incompréhensible dans cette absence. Nous n'y pensons pas pour la même raison que les Romains ne se sont jamais inquiétés de l'Amérique: par provincialisme et myopie intellectuelle. Parce que nous bornons nos réflexions aux apparences et que toutes les apparences sont déformées par la perspective. Pour Rémus et Romulus, l'univers s'arrêtait aux Samnites et aux Albains, et le seul souci des dieux qu'ils adoraient était de savoir auquel de ces peuples ils allaient donner l'empire du monde, c'est-à-dire d'un petit coin de la botte italienne. Pendant ce temps, la Chine et l'Inde, tout aussi myopes et provinciales, ignoraient qu'elles seraient un jour conquises par une civilisation dont l'existence même leur était inconnue. Or, nous l'avons vu, des étoiles aussi évoluées que notre Soleil existaient déjà il y a des milliards d'années; ces étoiles (que nous voyons) avaient déjà des planètes (dont les mesures astrométriques démontrent la présence), alors que notre propre Terre n'existait pas encore. Si des civilisations aussi avancées que celle de notre vingtième siècle existaient déjà sur ces planètes il y a des milliards d'années, que sont-elles devenues depuis? Pourquoi ne se sont-elles pas répandues dans l'espace? Pourquoi ne nous ont-elles pas découverts? Pourquoi ne les voyons-nous pas? La science-fiction a déjà produit des milliers de livres décrivant l'arrivée des extraterrestres sur la Terre. Leurs auteurs ont pensé à tout. Ils ont imaginé toutes les possibilités. Aucun cependant n'a proposé d'explication satisfaisante à ce fait très bête et malheureusement bien avéré: on n'a jamais vu arriver aucun extraterrestre. J'avais, en 1957, essayé d'envisager toutes les explications possibles de cette extraordinaire absence. Les voici dans leur ordre logique:
1. la vie terrestre est la seule de l'univers;
2. de toutes les vies de l'espace, la vie terrestre est la seule qui ait évolué jusqu'au niveau humain;
3. de toutes les vies ayant évolué jusqu'à notre niveau, il n'en est aucune qui ait assez d'avance pour avoir entrepris la conquête de l'espace;
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4. la conquête de l'espace est limitée à une distance inférieure à celle qui nous sépare de la plus proche civilisation surhumaine;
5. le contact entre espèces pensantes différentes est impossible;
6. le contact quoique possible est évité;
7. il est secret;
8. il est invisible.
De ces huit suppositions, il n'existe bien entendu aucun moyen de savoir laquelle est la bonne. Ce que l'on peut faire toutefois, c'est de suivre la logique des choses telles que nous les montre la science, de voir où cette logique nous mène, et de confronter ensuite le résultat de cette spéculation avec ce que l'on constate réellement. La logique des choses telle que nous les montre la science s'exprime dans ce que Sebastian von Hoener a appelé "le principe de banalité" (3): l'homme n'est pas un être miraculeux, mais seulement le roi très banal d'une planète banale tournant autour d'un soleil banal, dans un coin banal de notre galaxie, laquelle n'est qu'une très banale galaxie. De plus, le moment que nous vivons actuellement, s'il est exceptionnellement important dans notre histoire particulière, n'est qu'un moment banal de l'histoire de l'univers: de tels moments sont, furent et seront vécus par une foule d'autres histoires particulières aussi banales que la nôtre. Le "principe de banalité" n'est pas universellement démontré: par exemple, nous n'avons aucune preuve factuelle que le niveau humain est banal dans l'univers, puisque nous ne connaissons pas pour l'instant d'autre homme que l'homme. Mais s'il n'est pas démontré universellement, les faits enseignent en revanche que, chaque fois qu'on peut le tester, il est régulièrement confirmé. Et il a été testé un très grand nombre de fois. On a d'abord cru, par exemple, que notre Terre était le centre du monde; puis on a découvert qu'elle n'était qu'une planète; on a dit alors que le centre du monde c'était notre Soleil; mais le Soleil s'est révélé n'être qu'une banale étoile de classe G; on a alors déclaré que notre Soleil était le seul à avoir des planètes, mais bientôt on découvrait que presque toutes les étoiles en ont; on est alors revenu à la Terre, exceptionnelle par sa constitution, disait-on ; mais l'observation des étoiles en formation a montré que cette constitution était inévitable à une certaine distance de toute étoile. Le principe de banalité a été vérifié aussi pour la constitution de notre Soleil, pour son âge, pour sa situation dans la galaxie, pour toutes ses
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caractéristiques au sein de sa classe, dans le diagramme de HerzsprungRussel, etc. Il en va de même de notre galaxie. Il en va de même de tout ce qui peut être actuellement observé et testé. L'homme peut évidemment continuer de revendiquer une hypothétique singularité dans tous les paramètres de sa condition qui n'ont pas encore été testés. Il en est de cette foi comme de la foi au Père Noël, dont la nonexistence est improuvable. Tout ce que l'on peut dire, c'est que chaque fois que l'on a voulu tester la réalité du Père Noël ou la singularité de l'homme, on n'a trouvé ni Père-Noël ni singularité. Nous admettrons toutefois que le principe de banalité n'est prouvé que là où il est prouvé, et que, par conséquent, il peut être démenti dès sa prochaine mise à l'épreuve par ce fameux coup de dés qui abolit le hasard. Nous nous bornerons, comme il est dit plus haut, à suivre hypothétiquement sa logique pour voir où elle nous conduit, de façon à pouvoir éventuellement la tester une fois de plus. Notons tout d'abord que si Sebastian von Hoener avait formulé son principe il y a un siècle, il aurait pu épargner à Lord Kelvin la bévue d'annoncer, quelques années avant Planck et Einstein, l'achèvement de la physique. Le sens du principe de banalité est que toute singularité est illusoire et imputable à notre seule ignorance, ou, si l'on préfère, à la relativité de nos connaissances. Affirmer l'achèvement de la physique (par définition aussi vaste dans son ambition que l'univers lui-même), c'est revendiquer la singularité la plus exorbitante, celle qui situerait l'auteur de l'affirmation au sommet de toute connaissance possible. La logique du principe de banalité suppose que toute connaissance, aussi haute soit-elle, se situe à un niveau banal de la connaissance totale, si une telle connaissance existe. En d'autres termes, la physique, ni aucune science ayant l'univers entier pour objet, ne sera jamais achevée; il y a peut-être des limites absolues aux possibilités d'action de la science et de la technique sur les phénomènes, mais à supposer que ces limites existent, nous ne pourrons jamais savoir si telle limite particulière à laquelle nous nous heurtons est réellement absolue ou si elle ne fait que traduire notre ignorance. Par conséquent, dire que les voyages interstellaires ou intergalactiques (ou même le passage dans je ne sais quel sub-espace de science-fiction) sont impossibles, c'est, et ce n'est rien d'autre, qu'énoncer qu'ils sont impossibles pour nous, mais que, pour toute autre pensée Plus avancée que la nôtre, nous ne savons pas s'ils sont possibles ou pas. Cependant, ces voyages sont impossibles et même inconcevables pour nous. Donc, s'ils se font quand même, ceux qui les accomplissent ne sont
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pas des hommes. Ils nous dépassent d'autant plus que ce qu'ils font nous parait plus inconcevable. L'exploration du Principe de banalité nous engage ici sur un chemin qui nous rappelle désagréablement quelque chose. Si nous essayons de prévoir comment se manifesteraient à notre observations des êtres supposés par principe supérieurs à nous, n'allons nous pas trébucher dans les mêmes pièges et courir aux mêmes aberrations que les rêveurs de Byzance disputant sur le sexe des anges? Va-t-il falloir, au nom de la science, récupérer tous les traités d'angélologie et de démonologie qui fleurissaient au Moyen Age? Le danger a été senti par un porte-parole du rationalisme militant (3). A admettre l'existence d'êtres dont les capacités psychiques, les mobiles et les techniques seraient en partie incompréhensibles à l'homme, écrit-il, permettrait de réhabiliter Dieu lui-même. Cet auteur veut sans doute dénoncer, non la réhabilitation de Dieu qui, en toute hypothèse, s'en passe fort bien, mais celle des spéculations théologiques dont Valéry disait "qu'elles nous feraient croire que Dieu est bête". En réalité, il semble que ce soit très exactement le contraire. Le principe de banalité nous ramène bien devant la tentation à laquelle cédaient les rêveurs médiévaux, mais c'est pour nous en détourner et nous en montrer la vanité. Il nous avertit en effet que si des êtres supérieurs à l'homme existent, nous n'avons strictement et irrémédiablement rien à dire de ce qui en eux est supposé nous dépasser. Si l'homme n'était pas un être banal, s'il était au sommet indépassable de la connaissance et de l'intelligence, même l'auteur rationaliste cité plus haut ne pourrait lui refuser le droit de spéculer légitimement sur Dieu et les anges. Ce n'est pas le principe de banalité qui réhabilite le sexe des anges, c'est le principe de Kelvin. D'Alembert donnait une excellente illustration anticipée du principe de banalité quand il disait que, si les hommes étaient des triangles, Dieu aurait sûrement trois côtés. Alors que Kelvin, lui, comme les réfutateurs modernes des soucoupes volantes, n'a pas su résister à la tentation de croire que l'univers pouvait être enfermé à jamais dans les trois côtés qui limitaient ses connaissances. Admettre la banalité de la connaissance humaine, c'est reconnaître sa relativité, et par conséquent la réintroduire dans la même problématique que la connaissance animale. Certes, il y a un abîme entre l'homme et l'animal le plus intelligent. Mais cet abîme, rappelons-nous qu'il a été franchi sans discontinuité par l'effet d'un progrès imperceptible en rapport avec les mutations génétiques
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lentement accumulées depuis le commencement de la vie jusqu'à l'Homosapiens. Si l'évolution biologique, est un phénomène banal, l'abîme qui nous sépare du singe (comme celui qui sépare le singe du chien) est de même nature que celui qui nous sépare d'être supposés supérieurs. Supposer le contraire, c'est retrancher l'homme dans des définitions théologiques. Nous ne disputons pas la légitimité de ces définitions. Nous disons que la science développe une autre démarche. Et nous remarquons que certains auteurs rationalistes sont très désireux d'évacuer Dieu de leur cosmogonie, à condition toutefois que l'homme reste créé à son image. De ce qui nous sépare d'être supposés supérieurs à nous, nous ne pouvons rien dire. Mais il existe une science qui étudie ce qui sépare l'homme de l'animal: c'est l'éthologie. Si abîme il y a, cette science le franchit dans le sens qui précisément nous intéresse ici: quand il étudie l'animal, l'éthologiste est dans la même situation que, par rapport à nous, un extraterrestre supposé présent sur nos têtes. Sa science n'ayant d'autre objet que les relations entre psychismes de diverses complexités, examinons quelques-unes des expériences où apparaît cette diversité. Voici par exemple un insecte attiré par la lumière (il est dit alors "photopositif"). Quand il s'égare dans un récipient dont le fond transparent est orienté vers une source lumineuse, que va-t-il faire? S'il obéit aveuglément à son phototropisme, il s'obstinera à vouloir fuir en direction de la lumière. Et comme cette voie est fermée par la paroi transparente, il mourra sans jamais penser à faire un détour de quelques centimètres, qui lui rendrait pourtant sa liberté. C'est là une aventure dans laquelle nous voyons succomber tous les jours: les insectes volant stupidement contre la vitre d'une fenêtre éclairée par le soleil, quand il leur suffirait de lui tourner provisoirement le dos pour se sauver par le couloir non éclairé et retrouver ainsi là lumière au prix d'un bref détour. L'araignée, qui est capable de comportements beaucoup plus complexes et variés que la mouche, non seulement ne commet pas cette erreur, non seulement est capable d'échapper à ses tropismes les Plus simples (car, bien entendu, elle en a aussi), mais encore utilise sa supériorité pour créer avec art les conditions selon lesquelles la mouche se jettera infailliblement dans sa toile (4). Le fait intéressant pour nous est que l'araignée poursuit en paix son manège depuis des millions d'années sans que jamais les insectes phototropiques aient eu l'idée d'un détour. L'observateur superficiel dit que la mouche est "bête". Il ne se demande pas en quoi consiste sa "bêtise". Le physiologiste connaît la réponse: c'est que mouche ne dispose pas d'un système nerveux central suffisamment complexe pour "concevoir" un détour. Pour concevoir ce
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plan, elle aurait besoin d'un réseau de stockage et de traitement des informations plus complexe que le sien et qui, malheureusement pour elle, existe dans le système nerveux de l'araignée (5). Les mouches dont l'araignée fait son ordinaire sont à jamais enfermées dans un cadre comportemental qui les livre sans défense aux ruses de leur ennemie. Mais l'araignée, qui vit de son habileté à fabriquer des pièges imparables à la mouche, subit elle-même les limitations de son propre psychisme et sert de proie à maint sphégidé dont l'extraordinaire talent à reconnaître la carte d'un territoire stupéfie les naturalistes. La nature vivante terrestre tout entière est ainsi un champ clos où des psychismes différents s'affrontent sans jamais pouvoir sortir de leurs limites, lesquelles sont irrémédiablement tracées par la complexité physiologique que détermine l'anatomie de chaque espèce particulière. C'est aux limites supérieures de l'animalité, chez les singes et les dauphins, que les observations les plus instructives ont été faites ces dernières années (6). Quand on met un de ces animaux aux prises avec un problème qui n'excède qu'un peu ses capacités, il réalise ses plus extraordinaires. performances intellectuelles pour tenter de le résoudre; si au contraire le problème dépasse trop ses capacités, il n'est plus perçu comme un problème, mais seulement comme une menace, et le comportement de l'animal se développe tout à fait au hasard. Les singes étudiés par Cole (6) ont bien conscience que la situation dans laquelle ils sont mis par la malice de l'expérimentateur est désagréable ou menaçante, mais ils s'obstinent "stupidement" (comme la mouche), dans leurs tentatives d'en sortir, à supposer que les causes de cette situation ne dépassent pas un certain degré de complexité, celui précisément qu'un cerveau de singe peut concevoir. Ils font désespérément le tour de leurs capacités de singe et se réfugient dans des réactions d'autant plus primitives et sommaires (fuite, combat) qu'ils sentent plus vivement la nécessité de faire quelque chose, alors que, de notre point de vue, un peu de réflexion suffirait pour abolir la difficulté. Pour le singe, le degré de complexité où se situe la solution est comme s'il n'existait pas. Il lui est irrémédiablement inaccessible. Nous savons pourquoi: c'est que les centres d'intégration cérébraux du singe (le réseau neuronique de ses lobes frontaux) ne sont pas plus capables d'élaborer les modèles d'activités requis par le problème que la machine additionneuse d'un self-service ne peut calculer une dérivée. Il ne s'agit pas de "sottise», mais bien d'impossibilité.
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Nous disions plus haut que cette limitation psychique d'espèce est un fait universel dans la vie terrestre: c'est ainsi, par l'inlassable affrontement de tous ces psychismes limités, que là vie s'est développée sur notre planète jusqu'à l'homme inclusivement. Cela, les savants le savent. Ils le tiennent, et toute leur science le leur montre, pour un fait d'une évidence tout à fait grossière. La relation de cette limitation psychique d'espèce à la complexité du système nerveux est parfaitement démontrée elle aussi, même si elle n'est que partiellement explorée. Martin Wells a pu, par exemple, réduire progressivement les performances psychiques des céphalopodes qu'il étudie dans son laboratoire du Churchill College de Cambridge en paralysant électivement leurs centres intégrateurs, l'un après l'autre, en commençant par les plus complexes, c'est-àdire en remontant leur ordre d'apparition paléontologique depuis les plus récents jusqu'aux plus primitifs. La pathologie du cerveau humain montre la même régression de notre psychisme, suivant que les lésions détruisent telle ou telle partie plus ou moins ancienne du cerveau. Il s'agit d'un fait universellement attesté dans la vie terrestre. Rien certes ne nous interdit, au nom du principe de Kelvin, d'affirmer que cette limitation psychique d'espèce, universellement attestée jusqu'à l'homme, cesse miraculeusement de s'appliquer à l'homme lui-même' Du fait que l'homme est l'être le plus évolué de cette planète, aucun être connu ne peut le mettre dans la situation que connaît le singe de laboratoire par rapport à l'expérimentateur Cole. Il peut donc impunément déclarer qu'aucune pensée ne saurait lui poser des problèmes irrémédiablement insolubles par le jeu de sa propre pensée. Non seulement il le peut, mais son expérience terrestre tout entière vient confirmer cette opinion, et pour cause, puisqu'il ne saurait, étant le plus évolué, rencontrer jamais sur Terre un être qui le dépasse. Remarquons que le primate tertiaire d'où est sortie la lignée de l'Homo sapiens pouvait en dire autant. Lui qui ne savait ni maîtriser le feu, ni fabriquer un outil, ni compter les jours de sa vie, ni comprendre que, quand il couvrait sa femelle, celle-ci s'en trouvait fécondée, lui aussi disposait d'une pensée qui pouvait, sans craindre un démenti, se déclarer l'achèvement de toute pensée, puisqu'elle était la plus évoluée de toute la planète. Deux petits millions d'années ont passé, et si Cole rencontrait ce roi de la création, il se hâterait de lui installer une cage dans son laboratoire pour lui poser des problèmes insolubles. Insolubles pour ce roi dépassé. Pas pour nous qui nous croyons indépassables.
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Qu'est-ce qui autorise le primate quaternaire, réfutateur des soucoupes volantes, à revendiquer la définitive suprématie intellectuelle, que le primate tertiaire pouvait revendiquer déjà, mais à tort, quoiqu'aussi persuadé que nous d'avoir raison, et pour des raisons identiques? Je ne sais. Mais enfin, nos sages quaternaires proclament que l'hypothèse même d'une pensée aussi impénétrable à la leur que la leur l'est à celle du singe est absurde et aberrante. Je défère à leur démonstration: vous dites qu'il est "irrationnel" d'admettre la possibilité d'êtres dont les capacités psychiques, les mobiles et les techniques seraient incompréhensibles à l'homme. Comme la présence de tels êtres dans l'environnement terrestre supposerait précisément la réalité de ces techniques incompréhensibles (puisque vous avez de la même façon démontré l'impossibilité d'une telle présence), il s'ensuit que si, malgré votre démonstration, la Terre était visitée par une pensée extraterrestre, ce ne pourrait être que celle d'un être avec qui nos seuls rapports seraient ceux que le singe entretient avec Cole. Je ne dis pas que la Terre est visitée par une telle pensée. Je dis seulement, en me fondant sur votre démonstration, que si cette visite était prouvée par l'observation (qui seule peut pourvoir une connaissance positive), la pensée de notre visiteur ne pourrait pas plus se réduire à la nôtre que sa technique à nos fusées. Tant plus sa présence sur nos têtes contredirait notre science, tant plus sa pensée dominerait la nôtre. Certes, le contact est possible entre Cole et son singe. Il est possible moyennant une cage. Il est bilatéral au niveau du singe, c'est à dire que l'homme, moyennant une étude pleine de pièges et de difficultés, peut à la limite échanger avec le singe toutes les "idées" de singe (7). Mais cet échange est unilatéral au niveau de l'homme qui ne peut expliquer au singe ni ce que lui, l'homme, fait, ni pourquoi ni comment il le fait. Les expériences de Jane Van Lawick Goodall en particulier montrent que le contact ne s'établit que par un apprivoisement débouchant sur la domestication s'il ne respecte pas les limites psychiques de l'animal. Appliqué à l'homme, un dispositif de ce genre aboutirait promptement à le déshumaniser, puisque notre espèce tient toute sa dignité de son histoire non domestiquée, et que l'histoire est née de notre effort en face de l'inconnu et de l'adversité. A quoi servirait notre pensée, si une communication avec une source inépuisable de connaissance venait à lui épargner soudain tout effort et toute recherche? La condition humaine adulte est-elle compatible avec une régression à la dépendance infantile? La pensée adulte n'est elle pas, au contraire, par définition, une pensée non dépendante?
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Si nous suivons jusqu'au bout le principe de banalité, la condition humaine doit être considérée comme un simple moment particulier de toute pensée, d'un bout à l'autre de l'univers, à savoir le moment où chaque pensée planétaire découvre l'immensité de l'espace sans avoir encore acquis la possibilité d'y accéder. Une foule, peut-être une infinité d'espèces, doivent en être là dans l'univers infini. Et les espèces (si elles existent) qui ont dépassé ce stade doivent avoir une éthique à leur égard. Nous ne savons rien d'elles, mais nous en savons assez de nous pour définir, de notre point de vue, la première exigence de cette Ethique c'est le respect de notre raison et de notre liberté, et par conséquent le refus du contact. Si une pensée supérieure à la nôtre connaît notre existence et nous observe, nous ne pourrons jamais savoir ce qu'elle est. Et si elle nous respecte, elle doit nous laisser à notre solitude jusqu'à ce que notre propre métamorphose nous rende capables d'en sortir nous-mêmes, sans l'épreuve de la dépendance. Toujours en considérant la chose de notre point de vue, le plus que peut faire cette pensée est de stimuler la nôtre en lui posant des problèmes "un peu supérieurs à nos possibilités", comme Cole en pose à son singe. Après vingt ans d'études et de discussions, nous croyons que c'est précisément ce qu'elle fait. Et nous sommes frappés de constater que ce qui, au départ, nous apparaissait comme un défi à la raison, se révèle, à l'examen, conforme à la raison. Si personne n'avait observé de soucoupes volantes, nous devrions maintenant nous demander pourquoi. Nous serions obligés d'imaginer un univers très différent de celui que la science nous découvre peu à peu, un univers au sein duquel l'homme serait un incompréhensible miracle, une "insondable facétie", selon les mots de l'astrophysicien Schkovski. L'homme est-il cette insondable facétie? Ou bien occupe-t-il sa petite place, à la fois banale et sans prix, dans un coin de l'ordre des choses? Peut-être saurons-nous répondre à cette question quand nous saurons ce que sont les soucoupes volantes.
(1) Voir ici même le rapport CONDON, p. 285.
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(2) A.G.W. Cameron, Interstellar Communication, New York, W.A. BeniaEdit., 1966, et l'étude de Sebastian Von Hoerner: The General limt'ts space travel ("Nature", vol. 137, 6 juillet 1962, pp. 18-23).
(3) La pensée, juillet-aout 1961.
(3) "Assumption of mediocrity", que l'on pourrait aussi traduire par <> (I.S. SCIEIOVski et Sagan, Intelligent Life in the universe, Holden-day, Londres 1966, p. 356 et suiv.).
(4) Voir dans W.H. Torpe, Learning and instincts in animals (Methuen, LOndres 1%3) et dans R. Chauvin, Psychophysiologie (Paris, 1969, Masson), Vol. Il. les chapitres consacrés au Labyrinthe, au détour et à l'apprentissage.
(5) Joseph Altman, Organic fondation of animal behaviour (Halt, RinOhart and Winston, Londres, 1966), notamment le chapitre IV.
(6) R.F. Ewer, Ethology of Mammals (Logos Press, Londres, 1968); M. Chance et C. Jolly, Social Groups of Monkeys, Apes and Men (J. Cape, Londres, 1970); J. Cole, A Study of discrimination reversai leà@ng iW monkeys (J. Compar, "Physiolog. Psychol.", 1951, vol. 44, pp. 467-472).
(7) Voir surtout les remarquables études de J. Van Lawick, qui a réussi à vivre dans la compagnie de plusieurs espèces de singes, en pleine nature ("Primate Ethology", Weidenfeld and Nicholson, Londres, 1967).
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LES OVNI RENOUVELLERONT LA SCIENCE (in Jean-Claude Bourret, dir., La nouvelle vague des soucoupes volantes, 1974, pp. 280-293). Aimé Michel c'est le spécialiste français des OVNI. Né en 1919, Licencié en philosophie, il entre en 1944 à l'O.R.T.F. en passant le concours des ingénieurs du son du studio d'essai. Maintenant, Aimé Michel travaille au service de la recherche, ce qui lui va fort bien étant donné la spécialité qu'il a choisie. Il a déjà publié deux ouvrages qui font autorité : Lueurs sur les soucoupes volantes (Mame, éditeur. Paris 1954) et Mystérieux objets céIestes (Arthaud. Paris 1958). Deux ouvrages malheureusement épuisés. L'interview qu'il m'avait accordée a elle aussi disparue. Mais, Aimé Michel a eu l'obligeance de m'accorder un second entretien que voici. - Aimé Michel, depuis combien de temps étudiez-vous les OVNI? - Oh! depuis le déluge... Vous savez que, pour l'histoire, les OVNI, cela commence avec l'observation de Kenneth Arnold, en juin 1947, dans l'Etat de Washington. En fait, j'avais déjà alors dans mes dossiers toutes, je dis bien toutes les coupures de presse françaises sur la vague d'observations scandinaves de 1946. Je croyais alors, comme tout le monde, qu'il s'agissait d'engins allemands récupérés, que les Russes essayaient sur la Baltique. Quand le livre de Keyhoe parut en 1950 (il s'agit de The Flying Saucers are Real, premier livre sur les soucoupes volantes) , il était tellement mal présenté que je changeai d'idée : je pensai que tout cela était probablement faux, inventé de A à Z par de mauvais journalistes. Mais peu après, en préparant pour la radio une émission sur la météorologie (vous voyez bien qu'il s'agit du déluge!) un ingénieur de la météo nationale, Roger Clausse, me montra un dossier d'observations transmises par les stations. Je fus très étonné de retrouver dans ce dossier des cas exactement identiques à ceux du livre de Keyhoe. Il y avait donc quelque chose! Mais quoi? « J'approfondis mon enquête, je fis la connaissance du capitaine Clérouin qui dirigeait alors les services de renseignements de l'armée de l'air sous les ordres du général Chassin. Clérouin m'aida beaucoup. Et finalernent, en 1953, je me trouvai à la tête d'une documentation assez substantielle pour écrire un livre. Quelle aventure! Je ne me doutais pas, quand il parut, en 1954, que ma vie était jouée... - Jouée et gagnée? - Gagnée dans un sens, car ces vingt dernières années, j'ai l'impression, j'ai même la certitude, de les avoir vécues au coeur d'une révolution philosophique comme il n'y en a peut-être pas une par millénaire, qui sait? Peut-être même est-elle la révolution la plus importante de l'histoire... Mais ma vie fut, en parde perdue, aussi, quand je pense à la solitude, à la frustration que nous avons connues pendant tout ce temps-là. - Nous? - Oui. Dans les semaines qui suivirent la parution de mon livre, je reçus deux lettres. L'une de Jean Cocteau qui me disait : « Quand on y réfléchit, ce qui serait vraiment étonnant, ce serait
142 qu'elles n'existent pas. » Elles, c'étaient évidemment les soucoupes. L'autre lettre que je reçus était signée par un astronome dont le nom vous est familier... - Pierre Guérin? - Pierre Guérin. Et lui me disait à peu près : « Ni vous ni moi ne savons si c'est vrai, mais rien n'est plus important que de le savoir. » Il me disait aussi : « Naturellement, cette lettre est confidentielle. Je suis obligé de vous faire confiance. » La lettre de Pierre Guérin ouvrait une longue amitié. Je découvrais que pour étudier ce problème, il fallait d'abord du courage. Il ne fallait craindre ni l'inquisition, ni la mauvaise réputation. Depuis lors, j'ai aussi établi des liens d'amitié avec je crois, tous les hommes de science du monde qui s'inréressent à la question. Ils sont bien divers, vous vous en doutez, mais ils ont quelque chose en commun : le courage et la curiosité, le désir de savoir. - Le désir de savoir, chez le savant, cela va de soi! - Sans doute! sans doute! mais il y a plusieurs voies vers la vérité, et toures ne sont pas scientifiques! Celle du policier n'est pas celle du savant, cela a été dit souvent au cours de votre émission. Relisez le début du rapport Condon. Condon y explique, dès la première page, que faire de la recherche scientifique, c'esr d'abord choisir une spécialisation, l'étudier à fond, puis voir sur quoi faire porrer son effort. cela implique que toute recherche doit se faire dans un cadre pré-existant, en progressant du connu à l'inconnu. Le connu, en matière d'OVNI, où est-il? - Le fait que le rapport d'observation existe, c'est du connu! Le rapport existant, il faut l'étudier! - D'accord! Mais dans quel cadre pré-existant allez-vous le caser? Or, pas de cadre, pas de méthode. Et pas de méthode, pas de science! C'est pourquoi Condon en arrive, à peine quelques pages plus loin (c'est-à-dire dès le début d'un rapport de presque mille pages!) à déclarer que le problème des OVNI ne présente aucun intérêt scientifique. Je crois que le fond de sa pensée était : « même si c'est vrai, c'est rigoureusement sans intérêt ». D'ailleurs, cela m'a souvent été dit, et d'un ton sec et sans réplique. - Et que répondez-uous dans ce cas-là? - Cela dépend du temps que l'on m'accorde! Combien m'accordez-vous? - Allez toujours! Si c'est trop long, je coupe! - Bon! Raisonnons sur des faits. En 1953, au moment où j'essayais de trouver un fil conducteur parmi les cas déjà conflus, un fait intéressant m'était apparu en classant les cas où les témoins signalaient des changements de couleurs, je parle de changements de couleurs de l'OVNI lors de ses évolutions. si vous permettez, je vais lire le passage consacré à cette question dans mon premier livre Lueurs sur les soucoupes volantes, page 159 : « les couleurs signalées semblent en rapport avec la vitesse, ou mieux avec l'accélération. Le gris argenté nimbé de rouge sombre correspond aux mouvements très lents ou à l'immobilité. Puis, vient le rouge vif ... Aux fortes accélérations apparaissent le blanc, le vert, puis le bleu et le violet. ll est remarquable qu'il y ait concordance entre l'accélération et l'énergie du rayonnernent... Certains mouvements rapides mais uniformes offrent des couleurs peu « énergiques » ce qui
143 semble bien confimer l'hypothèse d'une concordance entre la couleur émise par l'objet et la force développée à chaque instant par son moteur ». Soit dit en passant, maintenant, j'écrirais le mot « moteur » entre guillemets. « Vous voyez, j'émettais l'hypothèse d'une relation entre l'énergie développée par le « moteur» et l'énergie du rayonnement émis. Cela fut publié en 1954 : or, cette même année, en automne, la plus formidable vague d'observations de l'histoire de l'ufologie déferla sur le monde. En octobre-novembre 1954, il y eut parfois jusqu'à soixante observations rapportées par jour! Je mis près de trois ans à rassembler et analyser les seuls cas survenus en France ou non loin des frontières françaises. L'énorme dossier de l'automne 1954 me donnait l'occasion de vérifier mon hypothèse, et, je I'espérais, de la préciser, peut-être d'en tirer des enseignements sur la physique des OVNI. « Hélas, je dus déchanter, et je crois bien que c'est à l'occasion de nos discussions sur ce sujet que Guérin énonça pour la première fois sa fameuse « loi de Guérin » (une boutade, mais qui exprime bien les embêtemenrs familiers de l'ufologue) : « En ufologie, toute loi une fois découverte et démontrée est aussitôt réfutée par les observations suivantes! » « En effet, si les OVNI de 1954, comme leurs devanciers, dispensaient bien leurs feux d'artifice colorés, si, en gros, l'énergie des couleurs semblait peut-être corrélée avec celle des accélérations et décélérations, en revanche, dans beaucoup de cas, pour une couleur ou plusieurs, cela ne « collait » pas. Par exemple, lors d'une accélération, le bleu apparaissait d'abord, puis l'orange, puis le blanc. Ayant, du moins je le croyais, tout examiné à la loupe, je crus devoir admettre que décidément trop de paramètres du phénomène m'échappaient, et je renonçai à trouver une corrélation quelconque jusqu'à l'apparition d'une nouvelle piste. Je finis par n'y plus penser. « Maintenant, regardez ce livre (Aimé Michel me montre Ufology de James Mac Campbell, éd. Jaymac, 12, Bryce Court, Belmont, 94002 Californie). Je viens de le recevoir des EtatsUnis. Son auteur est un physicien de Californie, spécialiste des réacteurs nucléaires. L'Amérique est un pays étonnant. Toutes les idées finissent par y tomber sur le spécialiste idoine. Ce physicien, qui s'appelle Mac Campbell, lit mon livre, se dit : « Il y a peut-être quelque chose à quoi ce Français n'a pas pensé. » Il accumule, grâce à Jacques Vallée, une épaisse documentation sur les OVNI multicolores, et sort bel et bien du cul-de-sac où je m'étais fourvoyé! - C'est-à-dire? - C'est-à-dire qu'au lieu de classer les énergies croissantes ou décroissantes du rayonnement, il classe les potentiels d'ionisation des gaz de l'atmosphère. Il trouve alors que c'est le xénon qui a les plus bas potentiels d'ionisation, donc qu'il est le premier gaz à devenir lumineux quand l'énergie d'excitation s'accroît. Et la lumière émise par le xénon est un bleu intense et pur! Il n'est donc pas étonnant que la première couleur signalée soit souvent le bleu. Je ne sais pas s'il a raison! Mais, premièrement, son hypothèse est claire, solide. Elle s'exprime dans le langage éprouvé de la physique quantique. Deuxièmement, on peut la tester : il suffit de récolter les témoignages par milliers et les classer. Vous pensez si les Papous, et même les Français moyens dans leur ensemble (et la statistique c'est ça) sont capables de décrire les évolutions d'un engin imaginaire en conformant leurs visions aux exigences de la physique quantique et des potentiels d'ionisation des gaz atmosphériques! Car, troisièmement, il semble bien que Mac Campbell ait raison. Quand on a pu tester cette ionisation, par exemple sur un
144 lieu d'atterrissage, comme cela s'est produit récemment en France, on trouve bel et bien qu'elle a été modifiée. Dans le cas dont je vous parle, l'ingénieur qui arrivait sur les lieux a retrouvé l'emplacement exact de l'atterrissage, qu'il ignorait, simplement en surveillant les réactions de son ionomètre. - Mais, attendez, ce que vous expliquez là, c'est plutôt une preuve par la physique qu'une élucidation de la physique des OVNI? Une simple preuve de plus? - Mais c'est très important. Dans ce cas particulier, Mac Campbell fait la preuve que, contrairement à ce que dit Condon, l'étude des OVNI peut progresser dans le cadre des méthodes pré-existantes. « Bien sûr, au départ, il y a les témoignages. Bon! Et alors? C'est regrettable, mais i'ai la faiblesse de croire que l'esprit scientifique consiste à étudier les phénomènes tels qu'ils sont, plutôt que d'attendre, pour les étudier, qu'ils se conforment à nos exigences. Le phénomène, ici, c'est : il existe des millions de gens qui disent avoir vu des OVNI (voir le sondage Gallup de novembre 1973). Et le problème est de savoir si c'est vrai, et si oui qu'est-ce qu'ils ont vu, de le savoir avec ce qu'on a. Eh bien, Pour commencer, soit, doutons de tous ces témoignages, puisque témoignages il y a. Classons-les sans nous prononcer. Il se trouve qu'ils respectent les lois de la physique quantique. Ce sont, si vous le voulez, des inventions de cinglés, mais qui obéissent à la physique quantique. « Et d'ailleurs j'exagère, il n'y a pas que les témoignages, il y a les enregistrements et les mesures. Smith a montré le complet parallélisme des statistiques des pannes électriques publiées par le Bureau américain de l'énergie avec les statistiques de passage d'OVNI publiés par l'U.S. Air Force. Poher a montré de même que la composante verticale du géomagnétisme est perturbée par les OVNI. - Oui, mais n'empêche, tout cela, ce ne sont que des preuves supplémentaires, des «évidences» comme disent les Anglais. Qu'est-ce que cela nous apprend. ou juste sur les OVNI eux-mêmes? - C'est une autre question. Il y a deux questions sur la physique des OVNI : qu'est-ce que la physique nous apprend sur les OVNI? Et qu'est-ce que les OVNI nous apprennent sur la physique? Et encore une troisième question, plus fondamentale : qu'est-ce que la physique des OVNI nous apprend sur la philosophie de la science, je dirai même sur la raison humaine, instrument de sa réflexion scientifique, et finalement de sa destinée? - Donc, première question : qu'est-ce que la physique nous apprend sur les OVNI? - prenons l'exemple d'un fait rapporté par d'innombrables témoins et qui à première vue semble dénué de toute signification : la descente en feuille morte, ou en pendule. Dans certaines circonstances, toujours les mêmes, l'objet, en perdant de l'altitude, se balance comme une feuille morte. Puisque nous avons mon premier livre sous la main, prenons un cas ancien, rapporté par deux officiers et trois hommes de la Royal Air Force le 19 septembre 1952. Ce cas fut observé au-dessus de la base aérienne de Dishforth au cours des manoeuvres « Grande Vergue » des forces navales et aériennes de I'OTAN. Voici un passage du rapport rédigépar le lieutenant John W. Kilburn : «Tandis que nous suivions du regard le disque qui poursuivait sa course, nous le vîmes réduire sa vitesse pendant quelques secondes, puis commencer à descendre. Quand il commença à perdre de l'altitude, il se mit à osciller en feuille morte, ou,
145 si l'on veut, à la manière d'un pendule. Le « Météor , (il s'agit d'un chasseur à réaction de la R.A.F. dont les cinq hommes suivaient l'atterrissage) obliqua pour faire le tour du terrain avant de se poser, L'objet commença à le suivre, mais, aprèsquelques secondes, s'arrêta. Il semba rester en suspension dans le ciel en tournant sur lui-même comme une toupie. Soudain il, accéléra et fonça à une vitesse foudroyante vers l'Ouest où il disparut. » Je le répète, cette description est typique d'un très grand nombre d'autres, faites à d'autres dates et dans tous les pays, je pourrais vous en citer pendant des heures. « Et maintenant, réfléchissons. Dans un engin qui se soutient en altitude, qu'est-ce qui détermine les mouvements verticaux (descente, montée, éventuellement sur place) ? C'est le rapport du poids de l'engin à la force verticale qu'il développe pour monter, descendre, ou maintenir une altitude constante. Si la force verticale est égale au poids, il maintient son altitude, si elle est supérieure, il monte, et si elle est inférieure, il tombe. Supposons que le dispositif de l'engin exerce cette force dans l'axe, c'est-à-dire perpendiculairement à son plan, on comprendra que pour perdre de l'altirude, il est bien plus simple de garder cette force constante, de ne pas la modifier, et de se borner à incliner alternativement l'engin à droite et à gauche. Car alors la force se dédoublera alternativement en deux composantes, une verticale et une horizontale, cette dernière changeant de sens à chaque oscillation, et la composante verticale variant avec le cosinus de l'angle d'inclinaison. L'analyse de cette manoeuvre, analyse tout à fait conforme à la mécanique la plus simple et la plus classique, aboutit à prévoir exactement ce que décrivent les témoins! Et attendez! Toujours dans le cadre de cette mécanique élémentaire, quel est le moyen le plus simple de mettre fin à cette oscillation, quand on estime avoir suffisamment approché le sol? C'est de déclencher une rotation rapide, car on provoque ainsi la stabilisation par effet gyroscopique. Eh bien, c'est précisément encore ce que décrivent les témoins. Cette stabilisation verticale sera en particulier nécessaire avant la reprise de la progression. On verra donc stationner en tournant juste avant le départ. Encore une fois, c'est bien ce que les témoins décrivent! « La physique, plus précisément la mécanique, nous apprennent donc (nous le voyons dans ce cas particulier du mouvement pendulaire) que les OVNI se comptent comme des objets matériels se conformant docilement, et jusque dans les conséquences les plus compliquées, à certaines de nos lois. - Certaines? Pas toutes alors? - Eh non! Même dans l'exemple que je viens de décrire, il y a des détails incompréhensibles, et c'est par eux qu'on aborde la deuxième quesdon : Qu'est-ce que les OVNI nous apprennemt sur la physique ? - Des exemples ? - Oh! I1 y en a! Mais même là, il n'y a aucune incohérence, comme vous allez le voir. Cela nous dépasse, mais celase tient. « Premier point : cette force perpendiculaire au plan de l'objet et qui peut n'être pas verticale, quelle est-elle? Notre physique n'en n'a qu'une en magasin : la réaction. Réaction des pales de l'hélice sur l'air dans le cas de l'avion ou de l'hélicoptère. Réaction à l'inertie des gaz éjectés dans le cas de la fusée. Avec les OVNI, on ne voit aucune réaction imaginable. Au premier abord, je dis bien au premier abord, c'est embêtant. Les cas d'observations rapprochés, et souvent les traces (par exemple dans le cas de Poncey sur l'Ignon en 1954), montrent que l'espace entourant l'objet semble pris comme I'OVNI lui-même dans une
146 sorte de champ de force. Contrairement à ce qui se passerait s'il y avait réaction, les objets, y compris l'air, sont entraînés avec I'OVNI, et non pas rejetés en arrière. Si l'on réfléchit à ce que cela suppose, on est entraîné à se poser des questions sur notre physique la plus avancée, sur la nature de la gravitation, sur celle de l'inertie, sur l'hypothèse que la masse inertielle et la masse gravitionnelle sont égales (c'est une hypothèse avancée par Einstein). C'est là une réflexion pleine de périls, on risque très vite de dire des sottises, par exemple d'inventer le mouvement perpétuel! Si ce n'était un peu fastidieux, je vous indiquerais un joli moyen de résoudre définitivement la crise de l'énergie avec les hypothèses avancées par certains théoriciens imprudents et surtout ignorants, qui, sous prétexte de physique soucoupique, en prennent à leur aise avec la bonne vieille physique des physiciens, celle qui marche, celle qui est vérifée par l'expérience. La première règle pour spéculer sur Ia physique des OVNI, c'est, d'abord, de bien connaître la physique des savants! Sinon, on fait ce que les Anglais appellent de la « kitchen physics », disons de la salade! La deuxième règle, c'est de bien connaître les faits observés dans leur détail, de commencer par examiner des milliers de cas à la loupe, par les confronter patiemment en se retenant de faire trop d'hypothèses. « Cependant, nombre de faits intéressants sont déjà bien attestés. Voyez par exemple la rotation en fin de mouvement pendulaire. J'ai dit tout à l'heure que cette rotation était le meilleur moyen de mettre fin à l'oscillation grâce à un effet gyroscopique. L'ennui, c'est que pour se mettre à tourner, l'OVNI devrait prendre appui sur quelque chose qui ne fasse pas partie de sa masse : sinon, pas d'effet gyroscopique. On devrait donc voir les nuages, Par exemple, tournoyer autour de lui, ou en basse altitude, les objets du sol. On devrait les voir tourner en sens inverse de I'OVNI (sauf quand la rotation ralentit par freinage). Eh bien, si les témoins ont bien observé, on ne voit rien de tel. Les traces au sol montrent bien, très souvent, un mouvement de rotation. Mais il semble que ce soit dans le même sens que l'OVNI. Sans entrer dans le détail, il semble, au vu de ce qui a été observé, que la rotation offre des difficultés théoriques de même nature (par rapport à ce que nous savons) que le moyen inconnu de sustentation et le moyen de propulsion, Ia même « étrangeté » : tous ces comportements semblent violer le principe d'égalité de l'action er de la réaction. « Mais ce qui est intéressant, c'est qu'ils semblent le violer de façon identique, cohérente, ce que naturellement les témoins ne peuvent prévoir quand ils racontenr des histoires sans rapport entre elles : si ces faits le violent de façon cohérente qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, il y a là quelque chose de familier à quiconque connaît un peu l'histoire des sciences, c'est la découverte d'un fait nouveau inexplicable, comme la métrique du corps noir juste avant Planck, comme l'expérience de Michelson juste avant Einstein, comme peut-être la découverte des quasars. Quand un tel fait se produit, cela aboutit toujours à une révolution scientifique. Et la masse des faits observés à propos des OVNI commence à être telle que des physiciens, Sturrock, McCampbell d'autres encore en Amérique, croient à un bouleversemenr. Il y en a aussi en France qui pressentent cette révolution et, probablement cette série de révolutions de Ia physique auxquelles obligera l'ufologie. « C'est difficile à faire comprendre devant un micro, mais j'illustrerai cette idée par un exemple tout récent, puisqu'il s'agit d'une observation faite près de Villeneuve-sur-Lot en mars dernier. Le fait crucial, dans cette observation, c'est que, un OVNI s'étant approché d'un moteur diesel, celui-ci toussa et cala. On avait déjà des tas de cas de moteurs calés par l'approche d'un OVNI, mais pour des raisons évidentes on pensait que la panne était due à quelque interférence avec le système d'allumage, au point que l'on a jusqu'en mars publié ces cas sous la rubrique « effets électro-magnétiques ».
147 « On croyait - et moi-même j'ai pas mal écrit là-dessus - qu'il s'agissait d'une interférence électromagnétique. Pas de veine! Il n'y a pas d'allumage électrique dans le moteur diesel, comme vous le savez! « Mais alors, suivez mon raisonnement. Un moteur diesel qui cale, cela suppose que la combustion du fuel ne se fait plus, qu'elle est empêchée par quelque action inconnue. La combustion, c'est une combinaison chimique. Et là on tombe dans une nouvelle contradiction apparente, car si l'OVNI empêche les combinaisons chimiques (on ne voit pas du tout comment, bien entendu!), les témoins rapprochés devraient mourir sur-le-champ, puisque la respiration, l'influx nerveux, l'activité cérébrale, tous les métabolismes, ce sont des réactions chimiques! « Vous me suivez toujours? Je continue : les moteurs calent, mais les êtres vivants ne meurent pas! Quelle différence y a-t-il entre les réactions chimiques d'un être vivant et celles d'un moteur à explosion? Il y en a sans doute beaucoup, mais une est déjà évidente, c'est la température à laquelle elles se font. L'OVNI n'agit généralement pas sur les réactions du vivant, qui se font (on ne sait d'ailleurs absolument pas comment) à basse température. Réfléchissant à ce fait incompréhensible et le retournant de tous les côtés, je me suis dit «supposons que l'OVNI mette en panne toute réaction chimique au-dessus d'une certaine température, que devrait-on s'attendre à observer aussi? » Une conséquence serait la mise en panne des armes à feu! Et plus précisément, le coup devrait partir, mais faire long feu, «foirer», si vous me permettez cette expression des artilleurs. Car la combustion démarrerait à basse température, puis stopperait aussitôt la température critique atteinte. Alors je me rappelai le cas de Hopkinsville, où, en 1955, une famille du Kentucky avait tiré en vain force coups de fusil sur des « petits bonshommes » pendant toute une nuit (ce cas est rapporté en détail dans le livre de Hynek). Je relus ce cas, et jugez de mon excitation quand je lus que les deux Kelly, à un moment, tirèrent ensemble sur un « petit bonhomme » qui n'était distant que d'environ 10 mètres, qu'alors « les coups de feu résonnèrent exactement cornme s'ils avaient été tirés dans un seau », et que les balles ne provoquèrent qu'un « petit sursaut » du mystérieux visiteur! « Inutile de vous dire que personne au monde ne saurait donner un moyen de bloquer de loin toute combustion au-dessus d'une certaine température! Mais les physiciens savent ce qu'est une combustion. C'est un phénomène qui met en jeu les électrons de liaison, c'est un phénomène électronique. Or, des effets apparemment électroniques, il y en a des centaines et des centaines dans nos dossiers. - Donc, dans ce cas, et j'imagine dans une quantité d'autres, les faits enregistrés par l'ufologie sont autant d'expériences de physique, et d'une physique inconnue? - Exactement! Ou plutôt d'une physique où tout ce que nous reconnaissons est conforme à notre physique, mais où des phénomènes nouveaux, inconnus, d'autres phénomènes que nous ne savons pas encore reproduire sont décrits. Tous les physiciens de ma connaissance qui se tiennent au courant disent que c'est passionnant. Imaginez qu'au siècle dernier, Faradey ait pu visiter le laboratoire d'Alfred Kastler : c'est la même chose! Condon est mort, paix à ses cendres, mais avouez que refuser de visiter un laboratoire du futur, c'est une ânerie! C'est bien ce qu'il faisait pourtant quand il disait que l'ufologie ne présentait aucun intérêt scientifique. En réalité, l'ufologie est destinée à devenir la, principale source de connaissances de l'avenir. - Alors là, Aimé Michel, n'y allez-vous pas un peu fort?
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- Je tiens à ce que vous ne coupiez pas cela, parce que j'y ai beaucoup réfléchi depuis plus de vingt ans, et que je suis certain de ce que j'avance: l'ufologie sera avant un siècle notre principale source de connaissances, au moins en physique, et peut-être en psychologie, au sens le plus général de « science de la pensée ». « Mais je voudrais pour terminer - hélas, je suis long, et pourtant je n'ai presque rien dit souligner l'importance de l'ufologie dans une science encore plus importante que la physique et la psychologie, et qui est l'épistémologie, ou critique de la connaissance. L'ufologie va provoquer un véritable tremblement de terre, un cataclysme dans ce domaine, en obligeant notre raison - notre instrument rationnel, source unique de toute certitude - à affronter des phénomènes qui la dépassent par nature, et ainsi à s'accommoder de sa complète relativité. Eh oui! C'est Copernic, mais en pis! Copernic nous a obligés à admettre que notre corps n'est pas au centre de l'univers. Les OVNI nous révèlent que notre pensée n'y est pas davantage. « Notre intelligence tient dans l'ordre des choses intelligibles le même rang que notre corps dans l'étendue de la nature » : signé Pascal. « J'avais déjà mis cette pensée de Pascal en tête de mon deuxième livre, en 1958. J'ai, depuis, appelé cela le « Principe de banalité ». L'homme est bien le sommet de l'évolution biologique terrestre. Mais la Terre n'est qu'une poussière imperceptible dans l'immense univers. Et l'homme y occupe une place aussi banale que la Terre. En un sens, c'est démoralisant. Mais d'un autre côté, discerner, deviner au-dessus de nous une gradation psychique peut-être sans bornes, cela change le tout de tout! C'est personnellement ce que je crois : « Comme l'univers physique, celui de la pensée est peut-être infini. »
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SOUCOUPES VOLANTES ? (in France Catholique n° 1415 - 25 janvier 1974) Depuis environ deux mois, une fois de plus, la presse et la télévision rapportent des cas d'observations (alléguées) de soucoupes volantes. Et une fois de plus on nous sert les mêmes sornettes contradictoires proférées d'un côté par des pseudo-prophètes et de l'autre par des savants le plus souvent bien ennuyés qu'on les interroge sur ce sujet. J'étudie ce problème depuis exactement vingt-trois ans pour une raison que les lecteurs habitués à l'esprit de mes petits articles comprendront : c'est que je crois à la fois à la puissance illimitée de la méthode scientifique dans les domaines qui sont les siens et à l'existence de domaines qui lui échappent par nature. Prenons l'événement le plus familier et le plus trivial : en plantant un clou, je me donne un coup de marteau sur le doigt. La science peut m'apprendre làdessus de quoi remplir un livre, du point de vue mécanique, énergétique, physiologique, psychologique, etc... Elle pourra même essayer de me faire croire (c'est la « loi » de Wundt32) qu'il existe une relation logarithmique entre la stimulation et la sensation. Mais ce qui échappera toujours par nature à la science expérimentale et objective, c'est ce que j'éprouve en m'écriant « aïe » (ou tout autre mot). On pourrait sans doute, en laboratoire, construire un appareil simulant tous les aspects observables de la douleur : le seul manque de cet appareil imaginaire (mais concevable) serait de ne pas souffrir. La sincérité des témoins La soucoupe volante est précisément un de ces je ne sais quoi qui se produisent en partie dans le monde objectif relevant de l'observation scientifique, et en partie à côtés 33. D'où l'échec de toutes les commissions d'enquête qui ont essayé, parfois à grands frais, de donner à cette énigme une réponse définitive. L'échec le plus fameux est celui de la Commission de I'Université du Colorado, qui croqua quelque 300 millions de l'Armée de l'Air américaine pour arriver aux résultats suivants : 1. le « patron » de la Commission publia un rapport concluant que la soucoupe volante était inexistante (1), et 2. le « 32
Habituellement appelée « loi de Weber-Fechner ». Cet argument fondé sur une limite de la science objective mérite d'être relevé car on le retrouve sous sa plume sept ans plus tard dans l'apologue du chasseur de coquecigrues (lettre à Bertrand Méheust du 8.11.1981, in L'Apocalypse molle, op. cit.). « Dans ma jeunesse, écrit-il, entendant toutes ces histoires de coquecigrues, j'en fis un recueil calligraphié avec soin. J'y exposai ma méthode pour recueillir et présenter au mieux la mystérieuse rumeur. Je tentai même de prouver I'existence de ces coquecigrues que je n'avais pas et que je n'ai toujours pas réussi à voir de mes yeux. - Ah, dis le palefienier, tu as essayé de prouver, quoique ne sachant pas ? Tu avoues cela au palefrenier du duc ? - C'est là le point, dit le chasseur, je n'ai pas dit que je ne sais pas, ni d'ailleurs que je sais. Hier soir je suis sorti de ma caverne et j'ai baillé à la lune au coin du cimetière, le temps d'un sablier. Je n'ai rencontré personne. Puis je suis rentré. Vrai ou faux ? ». L'abandon de ses recherches sur les ovnis ne peut donc pas être imputé à ce seul argument puisqu'il l'invoque déjà en 1974 alors qu'il est encore actif sur le sujet. 33
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principal investigator » de la Commission (c'est-à-dire celui qui étudiait directement les faits) publia un livre concluant que la soucoupe volante est bel et bien une réalité (2)34. Prenons d'abord le problème à son niveau le moins risqué : celui de la sincérité des témoins. Il y a, certes, parmi eux, des farceurs et des illuminés : mais les études sociologiques montrent qu'il n'y en a ni plus ni moins que dans n'importe quelle catégorie d'individus pris au hasard (3). Il en est de même si l'on considère la compétence des témoins : le pourcentage des témoins est même un peu plus fort parmi les classes cultivées (ce qui s'explique par le fait que les gens plus cultivés sont plus à même de reconnaître ce qui est insolite). Un exemple classique est celui de la vague d'observations analysée par le P. Gill et Mgr Cruttwell en Papouasie orientale35 : les Papous, se souvenant des engins américains de la guerre du Pacifique, croyaient assister à des manoeuvres de l'armée américaine revenue quinze ans après. Évidemment, les missionnaires savaient qu'il n'en était rien. Montons d'un niveau : le témoin humain, même cultivé, peut se tromper. Dispose-t-on de faits expérimentaux, enregistrés par des appareils, de préférence scientifiques ? La réponse est oui. I1 y a des photos, il y a même des fllms (4), des enregistrements radar, etc. Mais un document isolé est toujours suspect. La photo n'a-t-elle pas été truquée, le film fabriqué ? L'expertise ne peut donner de réponse satisfaisante que dans le cas du truquage démasqué : si le truquage est prouvé, il est prouvé ; si aucun truquage n'est prouvé, cela peut aussi bien signifier que le truqueur est plus habile que les experts. Les seules réponses valables ne peuvent venir que de la statistique. En voici un exemple. David R. Saunders, de l'IJniversité de Colorado (l'ancien « principal investigator » de la Commission dont j'ai parlé) code sur ordinateur depuis 1968 tous les cas qui viennent à sa connaissance. Actuellement, il en a quelque 70 000. Parmi ces cas, un certain pourcentage comporte un détail intéressant : les « témoins » disent que l'approche de la « soucoupe » s'est accompagnée d'incidents électriques ou électromagnétiques, moteur d'auto qui cale, saturation et panne d'un récepteur radio ou télé, etc. Il est évident que les « témoins » peuvent avoir inventé tout cela etqu'on n'a aucune raison de les croire. Mais on peut tourner la difficulté et atteindre la certitude sans avoir à faire foi aux témoins. En effet, si les témoins disent vrai, alors les organismes qui
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L'autre « investigator », Roy Craig critique Saunders et soutient Condon dans son livre UFOs An insider's view of the official quest for evidence, University of North Texas Press (Denton, Texas, 1995). 35 L'observation du père Gill est présentée pp. 175-180 dans J.A. Hynek : Les Objets Volants Non Identifiés : mythe ou réalité ? Belfond (1974), traduit par M. Sissung. La traduction du rapport original du père Gill a paru dans le no 1 (1963) du Bulletin du GEPA, le Groupement d'Étude de Phénomènes Aériens animé par René Fouéré. ll est reproduit dans le premier volume de la réédition de cette revue par Francine Fouéré (Phénomènes Spatiaux, Le Courrier du Livre, Paris, à paraître). Voir aussi E.G. Cruttwell: Flying Saucer Review, n° spécial n° 4 (1971).
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tiennent statistique des incidents électriques et magnétiques devraient permettre la confrontation de ces statistiques avec celles des « observations ». Cela a été fait de nombreuses façons. Aux États-unis par exemple, l'ingénieur Smith a porté sur un graphique le nombre des pannes électriques de plus de 15 minutes enregistrées par la Federal Power Commission (quelque chose comme I'EDF des EU) pendant douze ans, de 1954 à 1966 , puis, sur le même graphique, il a porté le nombre des cas de « soucoupes volantes » enregistrés pendant la même période par l'Armée de l'Air américaine (qui, on le sait, publie périodiquement des communiqués démentant l'existence des soucoupes volantes). Les deux courbes se superposent, leur corrélation saute aux yeux (5). En France, un autre ingénieur, C. Poher, a étudié la chronologie statistique des cas (allégués) de soucoupes avec un phénomène qui, contrairement à la panne électrique, a l'avantage de passer totalement inaperçu du public tout en permettant une vérification a posteriori des cas d'incidents soucoupiques avec moteurs calés, radios mises en panne, etc. Il a porté sur un même graphique les diverses variables du magnétisme local enregistrées dans les observa-toires de géophysique et le nombre des cas de soucoupes recueillis par des organismes différents. Là encore, il y a corrélation avec certaines variables enregistrées par les observatoires.
La curiosité ou le mépris Peut-on aller plus loin et, tenant hypothétiquement pour avéré que les témoins ont bien vu quelque chose, dire ce qu'ils ont vu ? À mon avis (qui est partagé par tous ceux qui étudient prudemment le problème), on peut aller un peu plus loin, mais pas jusqu'à dire ce que sont les soucoupes volantes. L'astronome J. A. Hynek, qui fut pendant vingt ans le conseiller de l'US Air Force pour ces questions (actuellement directeur de l'observatoire Dearborn, North-western university), a mis en évidence un fait à la fois stimulant et décourageant tiré lui aussi de la statistique la plus simple. Si l'on classe sur un diagramme les cas selon leur indice de crédibilité (c'est-à-dire en commençant par les mieux prouvés) puis selon leur indice d'étrangeté (c'est-a-dire en commençant parles plus inexplicables), on constate que les deux classements se recouvrent : autre-ment dit, mieux le phénomène est observé et assuré et plus il est inexplicable. L'interprétation simpliste est naturellemeni celle d'engins venus d'une autre planète et qui étudient la Terre. Ceux qui connaissent bien le phénomène savent que cette explication est aussi irréaliste que la réaction du chien prenant l'auto pour un animal ou que celle du rouge-gorge attaquant sa propre image dans un miroir. Le diagramme de Hynek, dûment établi et confirmé pard'autres chercheurs, est chargé d'une signiflcation philosophique explosive : il nous
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apprend qu'il se produit dans la nature des événements plus intelligents que l'homme. Nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir où est le devoir de la raison humaine devant de tels faits. Doit-elle tenter de les étudier quand même, au risque de s'y perdre, ou bien les traiter par le mépris, comme font beaucoup de savants que je respecte ? L'audace et la curiosité de l'homme étant ce qu'elles sont, la réponse est connue d'avance (6). (1) Scientific Study of Unidentified Flying Objects (Bantam Books, New York 1969). Ce livre est épuisé. (2)D.R. saunders: UFO's ? Yes (Signet Books, The NewAmerican Library,l30l, avenue of the Americas, New york, Ny 10019). (3) Voir dans l'ouvrage cité en note l, les page s 209 et sq. (4) Observational Evidence of Anomalistic phenomena, in: Journal of Astronautical Sciences, vol XV, No l, p. 31 janv. 1968). L'auteur de cette étude, R.M.L. Barker, est un chercheur de l'UCLA. (5) Aerial Phenomena Research Organisation (APRO), bulletin de mars-avril 1070. (6) Voir Mystérieuses Soucoupes Volantes.
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LE GRAND DESSEIN (Question De n° 7, 1975. Extraits) L'avenir est un gouffre. C'est sur ce gouffre que je me penche. Quel est-il? Je dis premièrement que la question n'est pas vaine. car si par une voie quelconque nous arrivions à nous faire une idée du futur, tout le sens du présent s'en trouverait changé. Ce n'est pas rien de savoir pourquoi l'on aime, l'on souffre, l'on vieillit, l'on meurt. Le désenchantement matérialiste naît de son absence d'avenir. Je dis ensuite que cette question n'est pas davantage chimérique, car la science cosmologique et l'ensemble des faits d'évolution que je viens d'évoquer donnent son vrai sens au mot de Valéry : « Nous entrons dans l'avenir à reculons ». A reculons, certes, parce que notre regard ne porte que sur le passé et que nous ne pouvons connaître que lui directement. Et surtout (et ici je me désespère, je l'avoue, de n'avoir jamais su trouver une expression fulgurante à cette fulgurante révélation jetée à notre face par la science récente), mais surtout parce que de voir d'où nous venons nous dit où nous allons. Essayons de comprendre cela. La genèse d'une étoile de type solaire est une chose longue, complexe, pleine de rebondissements, et qui part de très loin. A l'origine, je l'ai dit, tout n'est qu'hydrogène. Or à mesure que les événements se succèdent dans l'espace céleste, et cela dès le début, on voit ces événements évoluer dans un sens, toujours le même, celui qui aboutit, après des milliards d'années, à la formation de l'étoile, comme si elle était le but assigné à la machine cosmique. Un but? Mot énorme! Mot encore naguère hérétique et maudit! Et cependant les substances les plus abondantes dans une telle étoile de type solaire sont dans l'ordre l'hydrogène, l'hélium, le carbone, l'azote et l'oxygène. A l'exception près de l'hélium, qui joue un rôle particulier dans la combustion, l'étoile a donc déjà la formule générale des corps vivants. Moi aussi, je suis fait essentiellement d'hydrogène, de carbone, d'azote et d'oxygène. Autrement dit, encore une fois, tout se passe comme si l'immense alchimie cosmique tendait, inexorablement, à faire apparaître les éléments de la vie. Eh bien, il se trouve que c'est précisément à cet instant-là, quand le tableau chimique de la vie est obtenu dans l'étoile, que celle-ci se met à enfanter un système planétaire. Les datations, notamment obtenues grâce à l'astronautique, montrent que la formation du système solaire avec ses planètes précède tout juste l'apparition
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de la vie sur Terre. Comme je l'indiquais plus haut, la vie n'a pas attendu. Elle est apparue aussitôt, avec la même patiente hâte que tous les événements qui l'avaient préparée. Les planètes datent de quatre milliards d'années, les plus anciennes traces de vie de trois milliards huit cent millions d'années. Et l'on sait aussitôt apparue, la vie s'est mise à évoluer de plus en plus vite dans le sens de la complexité. Quand donc, imitant Galilée, on regarde dans la lunette, c'est bien le passé seulement que l'on voit. Mais un passé limité et obstinément orienté. Si incompréhensible que cela soit, notre inonde a commencé, puis a évolué vers la vie et la pensée comme un oeuf en couveuse. C'est ainsi que les choses apparaissent à l'observation. Cela ne découle d'aucun raisonnement, cela n'implique aucune hypothèse, aucun système. C'est ainsi; tout simplement. C'est à cela qu'il faut adapter ses théories et ses croyances, si l'on tient à en avoir. Toute idéologie qui suppose autre chose est dans l'erreur. Elle se heurte aux faits, elle les nie, elle est donc promise au sort des rêveries sans fondement. Cette analyse, ou plutôt cette description nous montre en particulier que tout système centré sur l'homme est un leurre, une illusion de myope. Etant donné que l'évolution n'a pas cessé, qu'elle se poursuit ici, sur la Terre, sous le nom d'histoire, l'homme ne saurait être au centre de rien. L'homme n'est que le sommet provisoire d'une évolution locale, celle de la Terre. L'aberration de notre temps, monstrueuse à la vérité parce qu'elle est inexcusable, c'est de ne pas voir que le propre de l'humain est de pointer vers le surhumain. L'Univers est bien, comme l'avait dit Bergson, une machine à fabriquer des dieux : voilà pourquoi l'histoire s'accélère. Elle a hâte de franchir l'homme, ce chaînon. Je crois que le vide dont nous souffrons présentement a une signification cosmique, universelle. L'angoisse qui pèse sur nous naît de notre inaptitude à n'être que des hommes. L'homme est une légende. Dans les pays où l'esprit n'est plus asservi aux seules tâches du salut corporel, il ne sait quoi inventer pour échapper à sa destinée surhumaine. C'était si simple d'être le roi des animaux! Trop tard. Le souffle du big-bang continue de résonner dans l'immensité de l'espace-temps. Il nous pousse au-delà de nous-mêmes, vers l'inconcevable. Mais de cet inconcevable, du moins, pouvons-nous dire quelque chose : c'est le signe plus. Notre futur, c'est davantage de conscience, davantage d'intelligence, davantage d'amour. Cela, c'est sûr. Ou alors, c'est un passé de quinze milliards d'années qui se trouverait démenti.
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Quand on a une fois, une seule, pénétré au coeur de ces faits, tout paraît changé. Le présent prend un autre sens. On ne cesse de découvrir en lui les promesses du futur. La vie et la mort personnelles sont rétablies dans ce qu'elles sont réellement : des péripéties. J'ai écrit précédemment que l'angoisse du matérialisme naît de son absence d'avenir. Et en effet, quel sens accorder à la vie fugitive de l'homme dans un monde éternel? Quelle valeur? Nous ne pouvions espérer de la science nulle révélation plus bouleversante que celle-ci : le monde n'est pas éternel, il est un travail qui s'accomplit, qui s'achemine vers un but. Ce travail a commencé et s'est développé jusqu'à nous en laissant des traces que la science décrypte. Tout donne à penser qu'ailleurs, dans l’environnement des étoiles plus anciennes que le Soleil, l'immense et mystérieux projet des choses est plus avancé qu'ici. Nous ne sommes pas seuls. La condition surhumaine où nous courons existe déjà ailleurs. Notre aventure a une signification, elle s'inscrit dans un dessein. Et nous savons que ce dessein est bon, puisque c'est l'homme, dernier produit de cet enfantement, qui a lui-même produit toutes les valeurs morales. Elles étaient donc inscrites dans le Grand Dessein. Elles sont un de ses buts. « Tu ne douterais pas de moi sans l'esprit que patiemment je t'ai créé. C'est Moi, dit la Pensée antérieure à toutes choses, c'est Moi qu'en doutant, tu attestes. »
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VERS UNE META-LOGIQUE (Préface à Jacques Vallée, Le collège invisible, 1975)
Le nouveau livre de Jacques Vallée a le goût de ces cauchemars dans lesquels on voit grandir une menace que rien ne peut arrêter ni détourner : un goût de fatalité et de déjà vu. Ce qu’il nous décrit, c’est en effet le lent basculement d’une civilisation, se développant dans l’indifférence générale. A mesure qu’on le lit, des souvenirs historiques reviennent en mémoire : la fin de la Grèce, la fin de Rome, la fin du Christianisme médiéval. On me permettra d’ajouter quelques arguments à son magistral exposé. 1. Le lecteur sera peut-être tenté de douter que l’obsession grandissante des OVNI présente ce caractère de généralité supposé par Vallée. Voici donc des chiffres irrécusables. En 1966, un sondage Gallup établissait qu’aux EtatsUnis 5,5 % de la population adulte disaient avoir vu des OVNI. En novembre 1973, soit à peine sept ans plus tard, ce chiffre avait doublé, passant à 11 %. Il n’existe pas de sondage aussi bien fait pour les autres pays. Mais on dispose de quelques moyens de comparaisons fiables, qui démontrent la même évolution dans tous les pays technologiquement avancés, y compris les pays de l’Est. 2. Le lecteur sera peut-être aussi tenté de sous-estimer la gravité de cette évolution des esprits. Peut-être pensera-t-il qu’après tout, ces gens qui voient des soucoupes volantes sont une minorité marginale composée de faibles d’esprits sous l’influence d’une psychose collective. Voici donc d’autres chiffres. D’abord, tous les sondages 36 montrent que loin d’être marginaux, les témoins des OVNI représentent un échantillonnage fidèle de la population : ils comptent l’exacte proportion requise, non seulement d’illettrés, mais aussi de bacheliers, d’ingénieurs, d’ecclésiastiques, de professeurs d’ Université, de savants, même du plus haut niveau. Ils comptent la proportion requise de fous et d’exaltés, mais aussi de personnes normales et responsables. Et si peut-être une différence se laisse appréhender, c’est qu’il y aurait plutôt davantage de témoins
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Voir notamment l’étude d’Aldora Lee dans le rapport Condon.
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hautement éduqués et hautement responsables. Le sondage de novembre 1973 compte parmi les témoins 12 % de diplômés des Universités. Quant à l’influence de ces témoins sur la psychologie collective, les sondages nous apprennent que, toujours à la date de novembre 1973, cinquante et un pour cent de la population adulte globale se disait convaincue que les OVNI sont vraiment un phénomène non identifié, rebelle à toute explication. Il y avait donc en 1973 plus de la moitié de la population adulte américaine pour qui la présence réelle dans l’environnement humain d’un phénomène non rationalisé était un fait admis. 3. Enfin, on dira peut-être que ces chiffres traduisent simplement un désarroi historique général, normal et prévisible en toute époque d’incertitude et d’angoisse sur l’avenir, et que la cause ne doit pas en être recherchée dans les OVNI eux-mêmes, mais bien au contraire dans la crise du pétrole, la menace atomique, et autres sources de crainte sans lesquelles les OVNI disparaîtraient bientôt comme par enchantement. Mais pour penser ainsi, il faut ne rien connaître au dossier du phénomène. L’une des vagues d’observations les plus denses de l’histoire des OVNI s’est déroulée en Papouasie orientale, parmi une population qui ignorait jusqu’à l’existence du pétrole, de l’atome et de tous nos motifs supposés d’angoisse, et qui n’avait jamais entendu parler d’OVNI auparavant. Pas plus que Vallée, je ne sous-entends ici quoi que ce soit sur la nature réelle du phénomène. Je m’en tiens à sa sociologie. Mais qui est habilité à nous dire si quelque chose est vrai ou faux ? Tant que nous croirons aux valeurs de la civilisation qui est la nôtre, il n’y a qu’une réponse à cette question : la science seule est habilitée à nous dire cela. Eh bien, force nous est de constater qu’aucune catégorie sociale n’est plus convaincue de l’existence réelle des OVNI que les savants qui ont étudié les témoignages. Un sondage datant du début 1974 montre que, parmi ceux-ci, plus de 95 % pensent qu’il s’agit d’une réalité, les autres refusant simplement de se prononcer. Et qu’on ne croie pas que ces savants soient déjà contaminés d’avance par le fait même qu’ils avaient décidé d’étudier le phénomène, et qu’ils appartenaient donc d’emblée, au départ, à la frange toujours présente des « savants fous » : ces 95 % comptent une forte majorité d’individus qui n’ont étudié les OVNI que parce qu’on les en avait chargés. Il s’agit bien de savants quelconques. 4. Vallée montre fort bien dans ce livre qu’un des camouflages les plus sûrs pour échapper à l’attention de l’élite intellectuelle d’une culture fondée sur la science et la raison, c’est l’absurdité. Là encore, je voudrais répondre à ceux qui seraient tentés de ne voir dans cette thèse qu’une séduisante vue de l’esprit.
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Ce que décrit Vallée s’est déjà produit dans l’Histoire, exactement de la même façon, à la fin de la civilisation antique. Cette civilisation était fondée, entre toutes les autres, sur la science et la raison. Je ne peux, dans ces brèves lignes, que renvoyer au dernier chapitre du livre admirable d’E. R. Dodds, le grand helléniste d’Oxford 37 il y décrit avec une science sans égale la montée accélérée de l’absurde dans les soubassements de la société antique à partir du jie siècle avant notre ère, et surtout pendant les derniers siècles de Rome, face à une intelligentsia toujours éclairée par le génie rationaliste de la Grèce. Oui, le camouflage par l’absurde a déjà une fois triomphé de la raison, et ce fut la plongée des hommes dans plus d’un millénaire de ténèbres, de violence, de folie, avec une éclipse totale de la science. Imaginons un de ces savants alexandrins éduqués et intellectuellement nourris de la lecture d’Archimède, d’Euclide, d’Eratosthène, d’Aristote, par exemple l’astronome Ptolémée. imaginons cette scène : Ptolémée parcourant l’Apocalypse, ou plutôt l’une des nombreuses « Apocalypses » qui circulaient alors. Comment un Ptolémée pouvait-il réagir à pareille confrontation ? Par un haussement d’épaules écoeuré. L’idée d’accorder la moindre attention à un tel tissu d’incompréhensibles billevesées ne pouvait évidemment lui venir. Cette scène a dû se produire des milliers de fois à la fin de l’Antiquité classique. Et l’on sait que chaque fois ce fut le même haussement d’épaules, puisqu’il n’existe de cette époque aucun examen critique des doctrines, idées, et allégations de la « contre-culture » dont l’Apocalypse était une expression. Cette contre-culture était trop absurde pour retenir l’attention d’un lecteur de Platon. Un peu de temps (très peu !) se passa, puis la contre-culture triompha, et Platon fut jeté aux oubliettes pour mille ans. Voilà peut-être à quoi nous assistons une deuxième fois. 5. « Mais cette fois, nous avons la technologie et la science expérimentale. » Cette remarque réconfortante est celle à laquelle, voilà quelques mois, Vallée et moi étions quand même parvenus après avoir discuté des idées de son livre. C’est vrai. Cette fois, nous avons un instrument nouveau, et d’autant plus puissant qu’il se développe selon des lois exponentielles ayant complètement échappé au contrôle humain. Aucune erreur ni sottise humaines ne semblent plus pouvoir détruire la science et la raison, puisque l’essor de la science et de la raison est devenu un phénomène apparemment indépendant de notre volonté. La question est de savoir si la nature même de l’essor scientifique le met vraiment à l’abri de tout risque d’effondrement. Et précisément je vois à la 37
Les Grecs et l’irrationnel, Edition Montaigne 1965. Publié d’abord sous le titre The Greeks and the irrational, Univ. of California Press, Berkeley 1959.
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science un talon d’Achille qui, sauf imprévisible révolution, me semble irrémédiable. Si le « système de contrôle » dont parle Vallée attaque la science par ce défaut, il ne saurait exister aucun moyen de s’en rendre compte, et donc aucune riposte. Ce talon d’Achille, c’est la nature statistique du constat scientifique. On se sert souvent en science de tables de nombres aléatoires. Ces tables sont une collection de nombres entre lesquels n’existe aucune corrélation. Si, dans une telle table, je remplace telle ligne par telle autre, ou telle page par telle autre, il ne se passe rien, il n’en découle rien que nous puissions déceler par des expériences basées sur les chiffres tirés de la table. Et cependant ces chiffres obéissent à des lois qui sont celles du hasard : par exemple je peux prévoir à peu près combien de fois, dans une page, se trouvera le nombre 6, ou la série 4, 2, 1. Cette prévision reste valable même si je change tous les nombres de la page en leur substituant ceux d’une autre page. Nous avons là le modèle d’une connaissance scientifique précise portant sur un ensemble de données (des nombres) pouvant être toutes changées impunément, sans qu’un moyen rationnel de le savoir soit même concevable. Or, il n’existe de connaissance scientifique que statistique. Tous les phénomènes de l’Univers se décomposent en événements aléatoires, donc rigoureusement interchangeables. Si un malin génie (ou un système de contrôle) se mêlait de changer tous les événements singuliers de l’Univers, tout serait modifié sans que nous puissions jamais nous en apercevoir. Voici un exemple particulier d’un tel événement indécelable : si, voilà cent ans, un système de contrôle s’était mis à intervenir dans toutes les rencontres entre ovules et gamètes au moment de la fécondation, aucun des hommes actuellement vivants n’aurait vu le jour, aucun de nous n’existerait. Et les hommes qui existeraient à notre place n’auraient aucun moyen d’être jamais avertis qu’ils ont été mis en place par le système de contrôle. Cette spéculation a certes de quoi démoraliser, mais nous avons une excellente raison de penser qu’elle ne s’applique pas rigoureusement au cas des OVNI et à la montée de l’irrationnel qu’ils représentent. C’est que, précisément, les OVNI sont décelables. Ils apparaissent dans le visible. Ils se manifestent dans le cadre de notre perception. On peut les étudier. Mais contradictoirement, ils se manifestent d’une façon telle que nous savons qu’ils dépassent aussi le cadre de notre perception et de notre entendement. Le présent ouvrage de Vallée marque une étape essentielle dans notre prise de conscience de cette réalité qui pour une part nous dépasse. Quiconque le lira sérieusement reconnaîtra son importance historique. Sans doute n’avonsnous aucune idée, ou qu’une idée bien incertaine, de la façon dont la raison hu-
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maine pourra affronter ce qui la dépasse. Mais peut-être le plus important sera-til acquis quand nous aurons admis la nature du défi qui nous est porté. De ce sang-froid, Vallée nous donne ici un modèle. Sa réflexion introduit la recherche d’une méta-logique capable de manipuler les phénomènes qui la dépassent en écartant une fois pour toutes le piège séculaire de la superstition, ce cauchemar de la raison. Les cauchemars perdent de leur empire et tendent à se dissiper dès que l’on fait l’effort de s’éveiller.
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MYSTÉRIEUX OBJETS CÉLESTES (in France Catholique n° 1620 - 30 décembre 1977) L'écrivain breton Louis Le Cunff me citait l'autre jour, à propos des mécréants repentis, ce proverbe de son pays : « On veut bien qu'ils chantent, mais pas qu'ils portent la bannière ». Voilà qui est sage. Après m'être quelque peu égaré à porter la bannière dans mesprécédentes chroniques, passons-la à des mains plus dignes et compétentes, et revenons à la science 38. Le sujet dont je vais parler appartient-il d'ailleurs à la science ? I1 devrait. Mais à mon avis ce n'est pas encore le cas. I1 présente la situation unique jusqu'ici d'un échec complet et durable de la méthode scientifique, échec qui n'est pas sans susciter quelques réflexions. I1 s'agit des ovnis. C'est un sujet important, puisque des sondages américains montrent que la majorité de la population croit à leur réalité, que de l0 à 14 % pensent en avoir vu si l'on considère la population dans son ensemble (c'est-à-dire en prenant tout le monde en compte, y compris les gens incapables de reconnaître un objet bien connu des spécialistes, par exemple la planète Vénus, des ballons-sondes, des météorites plus grosses que la moyenne, etc.) ; et surtout, que des interrogatoires soigneux menés par le physicien Sturrock, de l'Université Stanford, parmi les gens les plus compétents du monde à reconnaître dans le ciel ce qui est identifiable et ce qui ne l'est pas, à savoir les astronomes et les membres de l'Institut américain pour l'Espace et l'Astronautique, montrent qu'environ 2% d'entre eux ont aussi observé ces choses qu'ils ne peuvent expliquer. Deux pour cent, c'est beaucoup. Cela fait un million de témoins dans un pays comme la France, cinq fois plus en Amérique, sept à huit fois plus en URSS, et si l'on évalue à un milliard environ la population des pays avancés où l'on sait observer le ciel, quelque vingt millions de témoins. Soulignons bien la spécificité des sondages de Sturrock : ils ne mettent pas en évidence des choses mal observées qui pourraient relever d'une explication si on avait mieux vu, mais au contraire des choses assez bien vues pour qu'aucune confusion avec quoi que ce soit de connu ne soit acceptable, même au prix des hypothèses les plus tirée par les cheveux. Rappelons aussi que ces chiffres ne sont pas établis sur les récits de témoins inexpérimentés prêts à prendre des vessies pour des lanternes, mais au contraire qu'on les déduit du pourcentage d'observations faites par les gens les plus compétents du monde. A-t-on le droit d'étendre à la population entière ce pourcentage trouvé chez les seuls astronomes et techniciens de l'astronautique et de l'espace ? 38
Aimé Michel fait notamment allusion ici aux chroniques Le refus d'Adam du 2 décembre (p.321, chapitre ll) et La Bible confrontée aux affirmations de la science du 9 décembre (p. 665, chapitre 26). On voit les scrupules qui peuvent le saisir lorsqu'il doit batailler pour « notre part divine » et « notre aspiration à un Père aimant, non à un Père Système ». Je ne tenterai pas d'en démêler les raisons... (J.P. Rospars).
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D'autres sondages montrent que oui : les « témoins » sont rigoureusement n'importe qui ; ils se recrutent également parmi toutes les catégories de la population. Ils sont une image exactement fidèle d'une population quelconque. Il s'agit donc bien d'un phénomène très important, car la réalité des ovnis (de quelque nature qu'ils soient), acceptée par une majorité de la population, incline la pensée vers des concepts nouveaux, troublants, dangereux peut-être pour les espritsfaibles. Pour la première fois dans son histoire, l'homme se trouve affronté à quelque chose qui semble doué de pensée et qui se joue de lui. Peut-on imaginer situation plus propice à la naissance de la superstition, de toutes formes de superstitions, plus propice au découragement de la raison, notre seul guide en face des réalités de ce monde ? Notre devoir est pourtant de raison garder, et pour cela de regarder froidement en face de quoi il s'agit. Souvent des lecteurs m'écrivent pour me demander les titres de mes livres. Eh bien, il se trouve que je viens d'en republier un qui précisément raconte heure par heure, parfois minute par minute, ce qu'on appelle une « vague d'observations » (1), et qui donne une idée à peu près complète de ce qui se passe lorsque, soudain, pendant quelques semaines, les gens se mettent à « voir » de ces choses-là (quelles qu'elles soient). Les vagues (flaps dans les livres américains) ont de très curieuses propriétés. La plupart passent inaperçues de la presse et des mass media et personne n'en parle. Seuls en France la gendarmerie et le CNES (Centre National d'Études Spatiales, à Toulouse) les décèlent à la multiplication subite des rapports qui leur parviennent. De même, les « flaps », quoique particulièrement intenses sur une région (par exemple, dans le cas rapporté dans mon livre, l'Europe occidentale), sont mondiaux : simultanément, le nombre des rapports augmente aussi bien dans tel département français qu'en Bolivie et dans l'Etat de New York. Il suffit de savoir ce qui se passe sur trois ou quatre départements français pour être averti qu'au même moment, les gens font des déclarations à la police au fond de l'Alabama (et inversement). I1 n'y a que peu de différences, peut-être liées à la météorologie locale comme semble l'avoir montré un chercheur du CNES, M. Claude Poher39. Bien entendu, on aimerait savoir de quoi il s'agit. Les explications, proposées ne peuvent être valables que si elles rendent comptent des caractères les plus frappants, comme la simultanéité mondiale, l'impossibitité d'obtenir des documents objectifs, tels que films de scènes rapprochées, ce dernier caractère montrant jusqu'ici l'impuissance de nos ruses scientifiques les mieux élaborées, et donnant par conséquent l' impression que le phénomène est intelligent, plus intelligent que nous.
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Voir C. poher, « Les rapports d'observation d'ovni correspondent à des observations réelles et non à des phénomènes imaginaires », l6 pp., CNES, GEPAN n"°33,23 juin 1977 , et « Deux questions essentielles » in Bourret, 1976, op. cit., pp.248 et sq.
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A mon avis (que je développe à la fin de mon livre), ce phénomène sans pareil comporte d'une part une réalité subjective, hallucinatoire, d'autant plus complexe que le témoin est plus rapproché (les traces au sol montrent que le témoin s'est souvent trouvé à quelques mètres seulement de la « chose »), et en second lieu une réalité objective, totalement inconnue, sauf indirectement par les effets observés sur les machines (courants électriques « bloqués », effets électriques divers, effets thermiques, déviations des magnétomètres, etc.). Le fait qu'il faille, selon moi, distinguer entre les effets hallucinatoires - ce que décrivent les « témoins » rapprochés - et les effets objectifs, est évidemment déconcertant. Il n'a pas de précédent dans l'histoire des sciences. Pour le comprendre, il faut imaginer un objet physique, disons (mais au hasard) une pierre, un animal, une machine, une plante, qui, de loin, se laisserait voir tel qu'il est, et qui leurrerait nos sens, qui les mystifierait, à mesure qu'on l'approche. Le mirage n'est pas une bonne comparaison, car le processus est inverse : dans le cas du mirage, on voit de loin quelque chose de précis, mais qui disparaît et se révèle illusoire quand on l'approche. L'aspect le plus déroutant du phénomène est le silence des témoins. Les sondages les plus sûrs, je l'ai dit plus haut, montrent que ces témoins sont quelque vingt millions (2). Or on n'en connaît que quelques dizaines de milliers. pourquoi la presque totalité des témoins se taisent-ils ? I1 n'y a pas de réponse à cette question. Ce n'est pas seulement déroutant, c'est, il faut l'avouer, inquiétant. Ces innombrables témoins silencieux qui se trouvent parmi nous contribuent à répandre un certain état d'esprit, une vision du monde complèlement changée. La rencontre, puis la méditation solitaire d'un pseudo-miracle, créent un terrain propice à l'irrationalité et à la superstition. Les ovnis sont certainement l'une des causes principales de l'actuelle montée de l'irrationalisme, cause d'autant plus perfide qu'elle reste cachée. Les revues soucoupistes, très nombreuses, accusent les savants d'aveuglement et d'erreur, puisque, disent-ils, ils se refusent à étudier le phénomène. Mais ils ne refusent rien du tout ! Les savants ont à plusieurs reprises tenté cette étude. Beaucoup continuent. C'est leur méthode qui jusqu'ici s'avère impuissante40. Il faudrait inventer des méthodes nouvelles, mais lesquelles ? Pour les imaginer, on aurait besoin d'abord que les témoins parlent, ou du moins que l'on sache pourquoi la plupart ne parlent pas, en quoi ils diffèrent des autres.
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Cet argument finira par le convaincre d'abandonner l'étude du sujet... Il s'agit d'un point délicat. À mon avis la méthode scientifique n'est pas impuissante, elle est restée surtout inemployée. J'ai défendu cette idée dans un texte intitulé « Un échec de la science ? », écrit en 2001 à la demande de Francine Fouéré (voir note 601), récemment paru dans l'ultime numéro de la revue belge Inforespace (n° 114- 115, octobre 2007). De façon plus générale cet échec illustre la difficulté d'étudier des faits qui n'entrent pas dans les cadres établis, voire les menacent. C'est un thème récurrent, vaste et difficile, de I'histoire et de la philosophie des sciences (voir le livre de G.N. Amzallag, op.cit. note l29 dans À propos d'un cousin éloigné, p. l31, chapitre 4). (JP Rospars).
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Récemment, le président Carter (lui-même témoin) a demandé à la NASA de re-prendre cette étude par des voies nouvelles. Et les savants de la NASA sont très embarrassés : quelles voies nouvelles ? Tout ce que l'on peut faire actuellement, c'est d'abord rapporter ce que racontent les témoins qui parlent, puis réfléchir à l'imbroglio résultant de leurs récits. C'est ce que j'ai tenté de faire dans mon livre, très conscient d'ailleurs de mon ignoran-ce. Seuls des événements nouveaux nous permettront peut-être d'entrevoir la vé-rité. Une vérité qui de toute façon bouleversera bien des idées reçues. (1) Aimé Michel : Mystérieux Objets Célestes, Seghers, Paris 1977. (2) Je rappelle qu'il s'agit des témoins compétents seulement, cevx à qui l'on est obligé de faire foi et qu'a étudiés Sturrock.
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Les probabilités d'une vie universelle (Question De n° 22, 1978. Texte intégral)
Vers la fin de 1962, on pouvait lire un rapport rédigé par l'un des « patrons » de la Rand Corporation pour l'U.S. Air Force sur le problème général de la conquête de l'espace. L'auteur, un physicien et astronome du nom de Stephen H. Dole, refaisait une fois de plus les calculs classiques sur le nombre d'étoiles de type solaire dans la galaxie, le nombre probable des systèmes planétaires, le nombre probable des planètes où l'homme pourrait vivre; il évaluait les possibilités existant actuellement (en 1962) de construire des engins, ou plutôt des villes spatiales, capables de quitter notre système solaire pour rejoindre d'autres étoiles, établissait que la chose riait techniquement faisable, que donc ce serait fait un jour ou l'autre dans un proche avenir et il concluait qu'en s'en tenant, pour chacun de ces calculs, aux suppositions les plus pessimistes, on pouvait prévoir (je le cite) que la galaxie tout entière serait explorée et toutes ses planètes habitables colonisées par l'espèce humaine au cours du prochain million d'années. Mais, ajoutait-il, comme il est inévitable que de nombreux progrès technologiques interviendront avant que ce temps soit écoulé, la diaspora de l'Humanité à travers la galaxie prendra en fait beaucoup moins de temps. Plusieurs de ceux qui lurent alors ces lignes se souviennent de s'être pris la tête dans les mains, pensant que cet homme était fou. Comment! L'Humanité née il y a quelques dizaines de milliers d'années près d'une étoile datant elle-même d'à peine quatre milliards et demi d'années aurait conquis la galaxie avant trente mille générations? Mais si tant de planètes étaient habitables pour l'homme, d'où Stephen Dole saurait-il qu'elles ne fussent pas déjà elles-mêmes habitées? Et s'il suffisait d'un million d'années à la première race intelligente apparue dans la galaxie pour la conquérir tout entière, comment échapper à la conclusion que l'une au moins de ces races ayant apparu autour des étoiles bien plus vieilles que le Soleil avait déjà occupé le ciel entier depuis des centaines de millions de siècles? C'est une loi historique : les grandes révolutions intellectuelles, celles qui mettent fin à une civilisation ou qui en fondent une autre, sont toujours imperceptibles au début, très simples, et cependant longues à s'imposer.
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Leur symbole est l'oeuf de Christophe Colomb. Qui ne comprend au premier coup l'oeuf de Christophe Colomb? Mais combien de temps fallut-il pour admettre son effrayante conséquence : que la Terre n'est qu'une petite boule suspendue dans l'espace infini? J'en sais, j'en lis encore, et des moins sots, qui persistent inconsciemment à raisonner comme si la Terre était plate, comme si elle n'était pas ce grain de poussière perdu dans les effrayantes profondeurs du ciel cosmique, que nous ont montré les photos prises de la Lune ou de plus loin. La vie s'est-elle développée ailleurs que sur la Terre? Évidemment, pour saisir la conséquence universelle de l'oeuf de Christophe Colomb, il faut admettre que la vie s'est développée ailleurs que sur la Terre, et que la Terre n'est qu'un cas particulier semblable à un nombre indéfini d'autres, des millions ou des milliards selon la manière dont on fait le calcul. On se trouve donc engagé à répondre à la question de savoir quelles raisons on peut avoir de supposer que la Terre est le seul astre vivant de l'Univers, ou bien de supposer le contraire. Du temps de Stephen Dole, on ne disposait guère, pour répondre, que de raisons théoriques, de ces raisons « de bon sens » que la nature se plaît souvent à déconcerter en montrant, au moment de la vérification, que l'on s'était trompé, que l'on n'avait pas pensé à tout, et que la réalité était bien plus complexe et déroutante que les spéculations du bon sens. Cela aussi est une loi historique : la nature a toujours plus d'imagination que nous. Mais depuis Dole, un flot de découvertes se sont accumulées qui réduisent à pratiquement rien la part de spéculation. La certitude statistique D'abord, les astrophysiciens ont repéré, dans l'espace interstellaire, galactique, la présence universelle d'à peu près tous les acides aminés, ces briquettes de l'édifice vivant. Comme on l'a souligné depuis, la question : la vie est-elle apparue ici ou là? exclut une réponse par oui ou non, car c'est une réponse statistique jouant sur
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de très grands nombres (vraiment très grands). C'est une question du genre : « les feuilles d'automne tombent-elles des arbres ailleurs que dans mon jardin? » L'apparition de la vie n'est pas un problème de « pile ou face », ce n'est pas le problème d'un « pile ou face », mais celui d'un nombre incalculable de « pile ou face », ce qui change tout, car si un « pile ou face » c'est l'incertitude du hasard, un milliard de « pile ou face », ce sont les certitudes des grands nombres. C'est alors qu'émerge la certitude statistique. Je ne sais pas qui se tuera sur la route le prochain week-end, cela dépend d'un nombre infini, incomptable, de causes particulières : mais à cause de cela même, je peux prédire en toute sécurité, grâce aux lois des grands nombres, que ces cas incalculables séparément seront compris entre 223 et 286 (par exemple). Je retrouve donc une certitude. L'apparition de la vie là où elle peut apparaître dépend en effet d'un nombre si formidable de causes qu'on peut prévoir à coup sûr que seul un miracle semblable à celui du démon de Maxwell pourrait l'empêcher d'apparaître partout où cela est possible. Il faudrait, pour qu'elle n'apparût pas, que la planète concernée tire des millions de fois l'as de carreau dans un jeu indéfiniment battu et distribué. C'est possible! Ce qui est impossible, c'est que cela se produise des milliards de fois, pour chacune des milliards de planètes où les conditions de la vie existent ou ont existé comme sur la Terre. Car la possibilité d'ensemencement de toutes les planètes est un fait cosmique permanent qu'assure l'observation universelle des acides aminés par les radioastronomes, et même peut-être, je l'ai signalé récemment, l'existence de cellules organisées vivantes dans l'espace interstellaire, selon certaines observations de Hoyle et de ses collaborateurs. Les planètes peuvent-elles échapper à la vie? Essayons d'exprimer cette idée abstraite par quelque image simple, mais mathématiquement identique. Il pleut. Les gouttes tombent dru, et au hasard. Il est parfaitement possible (quoique peu probable) que je puisse sortir sans parapluie et passer entre les gouttes, puisqu'elles tombent au hasard. Le hasard peut me favoriser! Mais je n'ai encore rencontré personne à qui ce fût arrivé. De même, il y a dans l'espace des milliards de planètes semblables à la Terre, baignant dans les acides aminés interstellaires. Il est bien possible,
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quoique improbable, que l'une d'entre elles ait échappé à l'ensemencement continu des éléments prébiotiques qui vagabondent partout à travers l'espace. Mais on peut parier à coup sûr que, comme les planètes exposées à l'ensemencement sont des milliards, la règle est qu'elles seront ensemencées. La règle, nous avertissent les grands nombres, c'est la totalité de l'ensemencement, et même de l'ensemencement immédiat et universel dès que les conditions propres à la vie apparaissent quelque part. Passer entre les gouttes, c'est le miracle arithmétique. Il peut se produire une fois, ce miracle, tant est immense l'Univers, si même il n'est pas infini. Il est exclu que ce miracle soit la règle. Rien de plus certain que cela. Je l'entends littéralement : car nulle preuve n'est plus forte que celle des grands nombres. La chance est nulle pour que la Terre soit la seule planète où la vie se soit développée Une preuve expérimentale, unique mais irréfutable, c'est la Terre. Née il y a un peu plus de quatre milliards d'années, nous y trouvons déjà la vie organisée en cellules à peine quelques centaines de millions d'années plus tard. L'apparition de la vie n'étant pas, comme je viens de le dire, le résultat d'un seul coup de « pile ou face », mais une longue préparation résultant d'innombrables « pile ou face », la présence de la vie sur la Terre et finalement notre existence en tant qu'hommes sur cette poussière perdue dans l'un des bras de la galaxie sont le patient aboutissement du jeu inlassablement répété des causes de l'évolution universelle. Nous ne sommes pas le miracle presque infiniment improbable de celui qui a gagné le gros lot, comme croyait pouvoir l'écrire Monod il y a bientôt dix ans (au prix d'ailleurs de quelques trompeuses beautés littéraires). Comme le dit si clairement un autre prix Nobel, parlant, lui, de sa spécialité puisqu'il est physicien, si l'avènement de la vie est si hautement improbable que la chance pour qu'elle se manifeste ailleurs dans l'Univers est nulle, la chance est également nulle pour qu'elle se soit produite sur notre planète. Si donc elle s'y est produite, c'est qu'elle n'est pas,, selon l'expression mathématiquement absurde de Monod, presque infiniment improbable. C'est qu'elle est l'inéluctable produit d'une causalité universellement à l'oeuvre. Presque infiniment improbable, cela veut dire, face aux nombres inimaginablement grands de la cosmologie, infiniment probable. C'est-à-dire exactement le contraire.
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Une conclusion renversante : « ils » sont là depuis toujours ! Je ne perds pas de vue l'oeuf de Christophe Colomb, que le lecteur prenne patience. Nous l'allons voir éclore, que dis je, exploser! Le flux de ces raisonnements, d'une simplicité cristalline, ne pouvait pas ne pas faire son chemin depuis les calculs de Stephen Dole, vieux maintenant de quinze ans. Leur toute simple conclusion s'exprime depuis quelques années, et surtout depuis quelques mois, dans les plus vénérables publications scientifiques, signée des meilleurs noms, assortie de tous les calculs. Cette conclusion, c'est que : 1. Les éléments de la vie révélant leur présence universelle par la radioastronomie, 2. La présence de planètes étant démontrée par l'observation micrométrique d'à peu près toutes les étoiles observables de cette façon, 3. Des milliards d'étoiles pourvues de planètes étant plus âgées que le Soleil de milliards d'années, 4. Le voyage interstellaire étant dès maintenant réalisable par notre technologie, il s'ensuit (et c'est là la conclusion si simple et gigantesque) que toutes les étoiles de la galaxie, y compris bien sûr le Soleil, ont été explorées et sont surveillées depuis des milliards d'années par des races galactiques plus avancées que nous. Bref, « ils » sont là depuis le fond le plus ancien de notre histoire, depuis même la naissance du Soleil et de ses planètes, et naturellement, depuis l'origine même de la Terre, depuis l'origine de la vie terrestre. D'autres considérations, trop longues pour être exposées ici, montrent que même si ces êtres avaient reculé devant les périls et aventures de la diaspora galactique, ils y auraient été forcés par l'inéluctable évolution des étoiles, qui finissent par exploser en supernovae, exterminant toute vie qui ne prendrait pas le large : toute vie intelligente de l'Univers est obligée par la force des choses à abandonner sa planète originelle pour se lancer dans la colonisation galactique. La galaxie est donc depuis des millénaires entièrement explorée, sinon colonisée. Nous pensions être seuls... Maintenant, considérons sans ciller le nouvel oeuf de Christophe Colomb : de quelque façon encore inimaginable (inimaginable à cause de notre jeunesse scientifique, quatre cents ans à peine), des êtres sont là, quelque part dans notre système solaire ou dans ses alentours, nous observant depuis toujours, connaissant tout de nous-mêmes, ayant tout vu, peut-être tout enregistré, la
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naissance de l'homme, Sumer, les Pyramides, l'Exode d'Égypte, le miracle grec, le Golgotha, l'effondrement de l'Antiquité... Nous pensions être seuls, nous nous affrontions dans des guerres, nous adorions nos dieux. Et ils étaient là, dans nos coulisses. Quel tremblement de terre! Quelle totale remise en question! Nous placions l'homme au centre de toute chose, Descartes expliquait son cogito, Kant ses Antinomies, Platon, More, Marx nous enseignaient leurs utopies, Alexandre conquérait l'Asie, Bach construisait ses fugues, et rien de tout cela peut-être ne se perdait dans le temps ! Sont-ils intervenus dans ce courant des siècles que nos historiens jouaient, comme de pauvres enfants aveugles, à rationaliser sans jamais lever leurs yeux vers le ciel? Ne sont-ils pour rien dans ces mystères que sont la naissance du peuple juif, celle du miracle grec, dans l'affolement qui semble présentement s'emparer des hommes? Que de questions que l'on croyait claires doivent être maintenant réexaminées avec l'arrière-pensée du fantastique, du cosmique, du global! Mais pourquoi restent- » ils » silencieux? Car ce ne sont là que des questions, mais qui ont peut-être pris un sens dépassant toute imagination. Pourquoi cette diaspora de l'esprit dans les espaces sidéraux s'est-elle toujours cachée de nous? Que signifie ce silence? Ou bien peut-être ne voyonsnous pas ce qui crève les yeux? Ou encore, comme je l'écrivais il y a tout juste vingt ans [dans Mystérieux Objets Célestes], sommes-nous semblables à la souris qui grignote le livre, condamnée à ne jamais comprendre ce que dit le livre, que pourtant elle voit comme nous? L'Homme, s'éveillant du cauchemar de solitude, retrouve son devenir Les Américains, que rien n'abat, sont en train d'élaborer des programmes d'investigation. Si ces intelligences communiquent entre elles, disent-ils, peutêtre saurons-nous nous glisser dans leur dialogue, écouter aux portes. A mon avis d'Européen sceptique, les Américains ne trouveront rien avec leurs radiotélescopes. Je ne vois pas pourquoi cette pensée installée depuis si longtemps dans le futur communiquerait encore avec elle-même par des émissions
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électromagnétiques, c'est-à dire par un moyen qui doit lui paraître bien primitif et périmé. A moins qu'elle-même, en utilisant ce moyen que nous savons comprendre, décide de nous accueillir. Mais serait-ce un bien pour nous? Est-ce par hasard qu'elle ne s'est jamais manifestée? N'est-ce pas plutôt à nous seuls d'accéder où elle est? Et peut-être, pour en être dignes, devrons-nous d'abord nous transformer, abdiquer la vieille loi terrestre de violence qui fit notre espèce et qui toujours nous guide? Peut-être sont - » ils » ceux qu'Homère appelait les habitants du vaste ciel, les Immortels, « hoi en tô euru ouranô », et dont l'oracle était : « Connais-toi toimême ». Peut-être. Mais le monde chancelle sur un inscrutable avenir. L'homme s'éveille à jamais de son vieux cauchemar, la solitude, pour découvrir qu'il dormait dans un abîme. Il croyait avoir perdu son avenir. Il découvre n'être pas encore né. Il faut tout reprendre à zéro.
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METAMORPHOSE Aimé Michel pense à l'espace silencieux tout en suivant une autre piste : l'absence de prédation. Plus il pense, dit-il, aux espaces infinis, et plus leur éternel silence le remplit d'aise, d'autant que La solitude de l'homme dans l'Univers est impossible.
Pourquoi cette jubilation? « Réfléchissons : la loi première de la vie sur Terre, c'est la prédation. A part certaines algues, tout ce qui vit ne vit qu'en tuant pour manger. Si la vie est aussi ancienne que l'Univers, des êtres aussi intelligents, aussi impitoyables et conquérants que l'homme existaient déjà ailleurs dans l'espace quand la Terre n'était pas encore née. Ils s’essayaient (comme nous maintenant) à la conquête de l'espace, il y a quatre milliards d'années et plus. Quand on lit les spéculations les plus récentes des physiciens, on peut conjecturer avec le moins de risque de se tromper que le voyage dans l'espace existe depuis toujours. Mais alors, pourquoi ne voyons-nous jamais aucun prédateur descendre du ciel pour nous exterminer et prendre notre place, sauf dans les romans de science-Fiction? Voilà ce qui me réjouit le coeur. Car c'est un signe. Oui, si je ne m'abuse, c'est là une formidable, une fondamentale indication sur l'évolution ultérieure de l'homme. Car si l'homme du futur existe depuis toujours ailleurs, capable de franchir les espaces infinis, et s'il respecte notre destinée, qu'est-ce que cela veut dire? Que, pour quelque mystérieuse raison, il est impossible de porter l'instinct prédateur à travers l'espace. Pour quelque mystérieuse raison, la conquête de l'espace interstellaire ne peut être accomplie avant une métamorphose complète de l'être vivant dépouillant toute trace de vie prédatrice. Le fait que nous commencions à regarder vers l'espace a une signification eschatologique démontrée par la cosmologie : c'est que nous approchons du temps où l'homme devra changer son coeur, totalement, ou disparaître ».
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OVNI : BIZARRE, J'AI DIT BIZARRE... (in France Catholique N° 1648 - 14 juillet 1978)
Le Centre National d'Études Spatiales (C.N.E.S.) vient de déposer sa première étude scientifique sur les Objets Volants Non Identifiés (OVNIs). C'est un énorme document en cinq volumes auquel ont collaboré environ quatre-vingts chercheurs (ingénieurs, physiciens, biologistes, météorologistes, psychologues). Une dizaine de cas ont été étudiés en profondeur avec les moyens les plus sophistiqués existant actuellement. Le rapport lui-même est le premier au monde qui ait approfondi ainsi l'étude du mystérieux phénomène, depuis exactement trente et un ans qu'on en parle (l). Les conclusions auxquelles ces savants ont abouti ont été contresignées à l'unanimité et peuvent se résumer en une phrase : pour tous les cas sauf un, ils estiment que « les témoins ont observé une sorte de machine volante de nature inconnue ».41 Ainsi voilà les OVNIs introduits dans la science, sans cependant que leur vraie nature ait pu être définie. Objets ayant certes les apparences et comporte41
Ce document CNES de juin 1978, intitulé Présentation qu Conseil Scientifique du G.E.PA.N. des étudesmenées pendant le premier semestre 1978 n'a jamais été publié, non plus que celui de décembre 1977, Présentation au Conseil Scientifique du G.E.PA.N. des résultats d'études menées sur les rapportsd'observation de phénomènes aériens non identifiés (en 2 volumes demeurés inédits). Voici les cinqpremières conclusions de l'étude de 1978 : « 1/ La grande majorité (environ 80% actuellement) des observations rapportées correspond à de mauvaises interprétations d'observations réelles de phénomènes connus des "experts" mais non identifiés par les obser-vateurs. 2/ Le reliquat des rapports d'observation (soitenviron 20%) correspond à des phénomènes également réellement observés mais non identifiés ni par les observateurs ni par les experts. La moitié environ de ces rapports correspond à des observations relativement proches (moins de 200 mètres de distance). 3/ L'impossibilité d'identification des phénomènes observés n'est pas du tout liée à I'insuffisance d'informations fournies par les observateurs, mais aux caractéristiques originales de ces phénomènes, caractéristiques qui sont statistiquement vérifiées sur I'ensemble des rapports d'observation de ce type. 4/ L'analyse détaillée d'une quinzaine de cas de ce genre nous conduit à penser que les observations rapprochées sont les plus prometteuses pour l'étude ultérieure des phénomènes. 5/ Compte tenu des élérnents que nous avons recueillis auprès des observateurs, sur les lieux mêmes de leur observation, nous avons la conviction qu'un phénomène matériel est à l'origine de la quasi-totalité des observations et constatons que la description de ces phénomènes s'apparente (...) à celles d'une machine volante (...). » Par la suite, de février 1980 à mars 1983, le GEPAN publia dans l'indifference générale quatre Notes d'information et l8 Notes techniques (dont certaines ont confirmé les principales conclusions de 1978). Jeune chercheur à l'époque, je participai à quelques-unes de ces enquêtes. L'analyse des données recueillies me montra la difficulté d'expliquer à bon compte certaines observations, mais aussi de mener sur elles des études scientifiques, en raison surtout d'un climat général peu favorable et non, comme on le croit généralement, en raison de la seule nature des phénomènes. Ce climat finalement l'emporta et on préféra arrêter les travaux, alors qu'en bonne logique scientifique, une évaluation impartiale des résultats obtenus aurait dû inciter à les poursuivre. (En fait cette poursuite n'aurait sans doute rien donné car il n'y eut plus guère par la suite d'observations de phénomènes proches à effets physiques.). Cette expérience de terrain m'a convaincu de l'étendue de notre ignorance, du poids des préjugés, et de la nécessité de rester critique à l'égard de toutes les interprétations proposées. (Le groupe du CNES a été revivifié en 2005 sous le nom de GEIPAN, Groupement pour l'Etude et I'lnformation sur les Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés, voir Yves Sillard, dir. : Phénomènes aérospatiaux non identifiés, Le cherche rnidi, Paris, 2007). (Jean-Pierre Rospars).
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ments d'une machine volante observée de près, dans quelques cas à quelques mètres de distance, mais d'origine inconnue : toutes les identifications possibles avec des machines humaines ont été exarninées avec soin, et écartées. Une découverte capitale Le groupe du CNES auteur de ce document avait choisi d'étudier un nombre li-mité de cas choisis parmi des rapports de gendarmerie en fonction de critères très sévères écartant les canulars, inventions, interprétations erronées de phénomènes ou objets connus. Ces critères permettent d'affirmer, d'une part que beaucoup des récits de soucoupes volantes peuvent s'expliquer naturellement (2), mais d'autre part qu'un nombre considérable correspond à une réalité certaine, et certainement inconnue. Il se trouve qu'à peu près au même moment vient de paraître un livre qui reprend l'ensemble du problème tel qu'il se présentait avant le rapport du CNES à partir des cas les mieux étudiés dans le monde entier (et non plus seulement en France) depuis le début de la Saga des soucoupes volantes, et qui fournit le début de réflexion philosophique au bord duquel les savants français se sont volontaire-ment arrêtés (3). Son auteur, Bertrand Méheust, est un jeune universitaire de grand talent42, ayant uneconnaissance exhaustive de ce qui a été publié avant le rapport du CNES en France, dans les pays de langue anglaise, en Espagne et en Amérique du Sud. Mais son érudition ne se limite pas aux OVNIs. Professionnellement armé pournourrir une réflexion philosophique approfondie, il est aussi un lecteur assidu de ce genre littéraire sous-estimé, la science-fiction, auquel on a souvent rapporté le problème des OVNIs tout entier lui trouvant ainsi une explication facile, et d'ailleurs à première vue vraisemblable. L'érudition de Méheust, si particulière, lui a permis de faire, je crois, une découverte de première grandeur passée jusqu'ici inaperçue, et qui est appelée à provoquer un renouvellement inattendu dans tous les domaines de la réflexion historique, philosophique, mythologique, psychologique. Je ne crains pas de l'écrire, ou plutôt de le répéter (puisque j'ai été son premier lecteur et que je l'ai préfacé) : le livre de Bertrand Méheust est un des plus importants et des plus nouveaux que l'on ait écrits depuis bien des années. Il faut remercier son éditeur, le Mercure de France, d'en
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Certains ont cru comprendre que j'enseignais à l'université, et, de fil en aiguille, j'ai fini par me retrouver parfois dans la littérature soucoupique « professeur en Sorbonne » (avec une variante, Dieu sait pourquoi, à I'Université de Nancy.) En fait je n'étais pas (et ne suis jamais devenu) un « universitaire ». Aimé Michel voulait simplement dire que j'avais des diplômes universitaires - en l'occurrence, à l'époque, une licence de philosophie. Sur la réception (et la surestimation) de ce livre par Aimé Michel et par un certain nombre d'intellectuels comme Jean Guitton, voir l'analyse que j'en donne dans la préface de sa récente réédition (« Le parcours d'un somnambule », in Science fiction et soucoupes volantes, Terre de brume, mai 2007). [Bertrand Méheust].
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avoir perçu sur-le-champ la portée, et d'avoir eu le courage de l'inscrire dans son catalogue à côté de tant de grands noms. Parlons d'abord de la découverte. Elle est très simple. Ceux qui, comme moi, n'avaient qu'une connaissance lointaine de la littérature de science-fiction savaient que la S.F. récente (disons postérieure à la dernière guerre) ne pouvait fournir les descriptions faites par les témoins disant avoir vu de près une soucoupe volante. La S.F. moderne est une littérature savante, logique, qui ne manie l'absurde que par extrapolation de la science. Or les récits soucoupiques sont réellement absurdes, ils ne supportent aucune signification. Ce qu'on n'avait guère remarqué, c'est que les auteurs anciens, ceux du début du siècle, écrivaient réellement des absurdités. Pourquoi ? Sans doute, pensera-t-on, parce qu'ils étaient ignorants et écrivaient pour des ignorants. Mais le champ de l'absurde est en principe infini, dès l'instant qu'aucune référence à la science ne le limite. Est-il réellement infini, indéterminé ? Illustrations à l'appui, nombreuses et précises, Méheust répond qu'il n'en est rien, et que les grands auteurs de SF du début du siècle reviennent inlassablement sur des thèmes qui sont exactement ceux que l'on retrouve, mais quarante ou cinquante ans plus tard, dans les récits des « témoins » soucoupiques. Ici, plusieurs idées viennent à I'esprit. Écartons la plus simple, que les témoins ont lu cette S.F. du début du siècle. C'est impossible, pour la raison très simple que les témoignages les plus précis et les plus semblables à la vieille S.F. pro-viennent souvent d'illettrés : par exemple, une série d'observations fameuses a été recueillie chez les Papous par les missionnaires anglicans43. Alors, deuxième hypothèse : les mêmes rêves absurdes hantent, l'inconscient des ignorants de toutes races et de toutes époques. Mais alors, par quel miracle ces rêves de vieux écrivains illettrés morts depuis longtemps sont-ils devenus réalité ? La réponse du bon sens est qu'ils ne sont pas devenus réalité, et que la SoucoupeVolante est une rêverie. C'est ce que l'on dit depuis 1947. C'est ce que disent ceux qui connaissent mal les résultats d'enquête (4). Car comment une rêverie impressionnerait-elle le radar ? Comment serait-elle perçue séparément 43
Sur cette observation, voir plus haut dans Soucoupes volantes, note 443, p. 509. (BM).
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par plusieurs radars éloignés ? Comment des groupes de témoins éloignés seraient-ils simultanément saisis par des rêveries identiques, ou mieux encore s'emboîtant les unes dans les autres selon les lois de la perspective, de la diffusion atmos-phérique, etc., comme dans les cas étudiés par le CNES (et dans des dizaines de milliers d'autres) ? Comment ces rêveries affecteraient- elles l'allumage des voitures, la distribution électrique, les appareils électroniques ? Des événements absurdes mais réels Nous sommes donc confrontés à une situation bien plus inexplicable que la Sou-coupe Volante elle-même (5) : celle d'événements réels, absurdes, attestant une activité intelligente (mais non humaine), décrits des dizaines d'années avant par des écrivains qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Je ne peux entrer dans le détail des réflexions que cette situation inspire à Méheust. Ce qui est certain, s'il en est bien ainsi (car ce livre en suscitera d'autres), c'est qu'il faut se préparer à admettre des domaines d'une nouveauté radicale dans notre interprétation de l'homme, de son histoire, de son avenir, de sa situation dans l'univers. Soit dit en passant, Méheust est chrétien, et ces idées ne l'effraient ni ne troublent sa foi. C'est le philosophe, non le chrétien, qui peut être effrayé, car il devrait alors tout reprendre à zéro. Arrêtons notre esprit sur cette seule question : si de petits écrivains de romans à un sou ont sans le savoir parlé du futur, et quel futur ! que signifie la littérature universelle ? Jusqu'où faut-il suspecter un sens second, involontairement eschatologique, dans ce que les hommes ont cru écrire pour s'exprimer ?44 Cette seule question suffit à susciter bien des réflexions. Mais le lecteur en trouvera d'autres en lisant lui-même ce livre exceptionnel, même si, comme il se doit, il attend pour se prononcer des études ultérieures. 44
L'hypothèse de la précognition est également envisagée par Bertrand Méheust dans son livre de l97g mais il la rejette : « Nous nous trouverions donc devant des cas de précognition ou de synchronicité en série, devant un phénomène collectif sans aucune mesure avec ce qu'a étudié jusqu'à présent la parapsychologie. Car ce ne sont pas quelques auteurs isolés,. mais toute une époque qui est animée des mêmes fantasmes. un télépathe, passe encore, mais cent, mais rnille ? (...) on ignore ce que sont les SV; mais on peut désigner maintenant avec une quasi-certitude ce qu'elles ne sont pas : très précisément des engins habités se promenant dans notre environnement. L'appartenance profonde et détaillée de cette imagerie à la SF du XXe siècle ruine à peu près totalement cette hypothèse. Dès lors invoquer la précognition à la rescousse de la vieille SV en tôle revient à utiliser des moyens sophistiqués pour replâtrer une bâtisse frappée d'alignement. Superficiellement satisfaisante, la précognition invoqré à la rescousse de la SV "engin piloté" n'est enfait qu'une jonglerie verbale. » (op.cit. pp. 236-237). Ces lignes ont paru en mars l978 alors même que le GEPAN menait ses enquêtes (voir note précédente). Aujourd'hui Bertrand Méheusr se dérourne des aspects les plus spéculatifs et ambigus de son livre de 1978. Il propose de rendre compte des faits qu'il décrit par une coïncidence, une mise en résonance, entre un (ou des) phénomène(s) physique(s), qu'il qualifie de « chose intentionnelle » pour éviter d'en dire trop ou pas assez, et un état de la culture. Le phénomène a peut-être toujours été là mais l'humanité n'est que depuis peu capable de le « voir », d'en prendre collectivement conscience. Il développe cette idée, moins imaginative que la thèse « rnythico-physique » mais sans doute plus féconde scientifiquement, dans la préface de la réédition de Science fiction et soucoupes volantes (Terre de Brume, 2007). (Jean-Pierre Rospars).
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(l) Le rapport n'est pas secret, mais il n'est pas publié. Rappelons qu'une équipe américaine dirigée par le physicien Condon de l'université du Colorado, avait déjà publié un rapport peu probant en 1969. Condon lui-même et plusieurs de ses collaborateurs avaient conclu à l'inexistence des OVNls. D'autres rédacteurs du rapport Condon, dont le Pr. Saunders, directeur des enquêtes, concluaient au contraire à leur existence. Le rapport dans son ensemble admettait l'impossibilité d'expliquer certains cas, mais ne les avait pas étudiés. Le travail du CNES s'inscrit donc dans la suite logique du rapport condon, puisque son objet est l'étude des cas non expliqués. Mais, de cette étude, une conclusion ferme est sortie. (2) Ce qu'avait montré le rapport Condon. (3) Bertrand Méheust : Science Fiction et Soucoupes Volantes (Mercure de France, l978). (4) J'entends des enquêtes comprètes sur des cas suffisamment complexes. (5) Qui s'intègre fort bien dans les connaissances actuelles : voir mon livre Mvstérieux objets Célestes (Seghers, 1978).
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Requiem pour des Chimères Très Anciennes (Préface à Bertrand Méheust, Science-Fiction et Soucoupes volantes, 1978) C’est avec un rire joyeux et secret que j’ai tourné la dernière page de ce livre remarquable. Vraiment, les temps ont changé. Est-il encore possible, en 1978, d’imaginer la solitude de ceux — ils se comptaient alors dans le monde sur les doigts d’une main — qui, réfléchissant il y a trente ans, après leurs premières enquêtes, reportaient leur regard sur le monde intellectuel où ils baignaient et lui trouvaient soudainement l’air d’un très vieux rêve évanoui depuis longtemps ? Beaucoup de lecteurs de Méheust, peut-être même chez les ufologues, vont éprouver ce sentiment unique que nous connûmes alors, de découvrir qu’ils vivent dans un monde périmé. Ils vont sentir le sol se dérober. Méheust montre en effet que l’ovni destructeur est apparu dans l’esprit de l’homme par au moins deux voies contradictoires et indissociables. Par la fiction d’abord, puis par l’anti-fiction. Mes chers contemporains, il faut en prendre votre parti : quand vous créez de la fiction, peut-être n’est-elle pas ce que vous croyez ; peut-être prend-elle sa source dans des réalités qui ne doivent pas l’essentiel à votre pensée, même ensevelie sous les incertaines sophistication de l’inconscient et du symbole. Eh oui ! mes très chers contemporains, il va peut-être falloir (et personnellement je répète depuis une génération qu’il va certainement falloir) tout reprendre à zéro. Tout : d’abord l’interprétation de l’histoire, dont la gigantesque tautologie se mord la queue depuis les Grecs rationalistes, car toute vérité avérée cache peut-être une autre vérité bien plus profonde et contradictoire; la philosophie, qui se croyait morte et qui n’était pas née; la religion, qui va devoir se remettre aux miracles, aux anges, à la relecture enfantine des textes, et ranger à la garderobe les élucubrations de ses sages ou crus tels ; la morale, la politique, car dites-moi, si quelque chose de plus grand se cache derrière tout acte humain ? la science enfin, mais il faut dire que la science a depuis longtemps commencé son aggiornamento, grâce, comme le note Méheust, à son effort louable mais toujours raté d’en finir avec les ovnis. Laissons pour cette fois les philosophes, les idéologues et les théologiens, qui, n’étant jamais confrontés aux faits, vont continuer pendant un temps encore
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indéterminé à s’agiter comme des fantômes dans leurs cathédrales englouties. Voyons plutôt ce que disent les savants. « L’opinion qui prévaut au sein de la communauté scientfique est celle d’une vie largement répandue dans l’univers 45 » Et : « Curieusement, si l’on examine le phénomène ovni avec l’idée dy chercher des preuves (« evidences ») de visites extra-terrestres, ce sont les rapports de plus ‘haute étrangeté’ (rencontres rapprochées de deuxième et de troisième type), qui sont le plus aisément compris .46 » Je recommande au lecteur incrédule (il faut toujours être incrédule) de lire les discussions qui se développent depuis un an ou deux dans les publications astronomiques américaines et anglaises telles que Icarus ou le Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society, puis de remonter, par la bibliographie, aux sources de ces discussions. La deuxième citation (celle de Kuipe) résume les conclusions admises au début de l’année 1978 : la vie est partout, et depuis un temps indéfini, répandue dans l’univers, et la perception que nous pouvons nous attendre à en avoir dans le contexte humain est à rechercher aux plus hauts niveaux d’étrangeté. Peu importe que l’argumentation se poursuive et que seule la majorité de la communauté scientflque (et non sa totalité) accepte ces idées. L’important est que ces idées sans précédent philosophique existent dans l’esprit d’une communauté de réflexion : comme je l’ai dès longtemps remarqué et écrit, les idées vraiment révolutionnaires se propagent d’abord par leur réfutation. Elles commencent par venir (d’où ?) à l’esprit de quelqu’un qui se dit : « Non, vraiment, il serait trop fantastique de supposer que... », qui en parle à quelques amis sûrs, qui le répercutent de proche en proche, jusqu’à ce qu’un téméraire commence à écrire et à publier. Ce que nous dit Méheust — ce qu’il démontre, je crois bien — est évidemment absurde et fantastique. Mais si l’on suit le raisonnement des astronomes, rien n’est plus plausible que ce fantastique-là. C’est ce genre d’absurdité qu’il faut s’attendre à déceler dans la croissance et l’être de la pensée terrestre si l’on y cherche la possible présence d’une autre pensée. Peut-on négliger de la chercher ?
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Schwartzman, D. W. in Icarus, 32, l977,p. 473. Icarus est la revue de physique planétaire la plus renommée chez les astronomes (américaine, dirigée par Carl Sagan). 46 Kuiper, T. B. FI. Interstellar Contact in Evolving Universe, étude préparée pour le Symposium de l’Institut américain pour l’aéronautique et l’astronautique, 28 janvier 1978. T. B. H. Kuiper appartient au Jet Propulsion Laboratory, responsable notamment des expériences Viking.
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Sur ce point les astronomes sont divisés. Il y a ceux qu’on peut appeler la « tendance Sagan 47, qui estiment l’étrangeté probable trop supérieure à nos moyens de recherche utile et préconisent de s’en tenir à la seule voie radio-astronomique, prometteuse, pensent-ils, d’un modeste contact avec d’autres êtres peu supérieurs à l’homme; puis il y a ceux de la « tendance Kuiper-Guérin48 » qui, tout en applaudissant aux recherches classiques de leurs collègues, et pour certains y collaborant, pensent qu’il ne faut reculer devant aucune voie. Il y a même une troisième tendance : ceux qui, comme le physicien théoricien JeanPierre Petit, pensent que la communication interstellaire passe par la résolution préalable de problèmes de physique fondamentale et l’établissement d’une théorie plus générale des possibilités de la nature. On voit que la tendance Kuper-Guérin (K.-G.) prévoit et même exige des recherches du genre de celles de Méheust. Puis-je, à ce point, émettre ma seule sérieuse réserve à l’égard de notre auteur ? C’est que, tout saisi par l’immensité du vide ouvert sous ses pas, et qui certes est réel, il ne pense peut-être pas assez au formidable effort de prédiction accompli par les astrophysiciens, qui, somme toute, seraient bien embarrassés si ce vide effrayant n’existait pas. L’astrophysique prévoit et explique ce vide. Elle serait incapable d’expliquer qu’il n’existât pas. Son absence contredirait tout ce que l’on sait 49 . Et sa présence, nous l’avons vu, est à chercher du côté du plus étrange. Ily a donc convergence entre l’absurde ici démontré et la prévision. Mais s’il en est ainsi, on ne peut pas partager pleinement l’idée de Méheust qu’il faut désormais favoriser plutôt le côté humain de l’investigation. C’est de ce côté que les bouleversemnents maintenant inévitables nous transformeront le plus profondément, c’est vrai. Mais l’ébranlement peut venir de n’importe où, et de la science plus probablement que d’ailleurs. Nous en ressentons d’ailleurs les premières secousses, et précisément du côté des savants. C’est chez eux que naît ce « nouveau paradigme » dont Edgar Morin et d’autres voient l’urgente nécessité. Le mot paradigme ne parle qu’aux 47
Sagan, Carl : Cosmic Connection (Le Seuil, Paris). Sagan appartient lui aussi au Jet Propulsion Laboratory, lequel se trouve donc être à la fois le promoteur des expériences les plus audacieuses de la NASA et l’un des endroits du monde où les étrangetés qui nous occupent sont le plus méditées. 48
Pierre Guérin, maître de recherche à l’Institut d’astrophysique de Paris, le premier astronome à s’être intéressé aux ovnis. 49
C’est à quoi ne pensent pas ceux qui continuent de prouver l’inexistence des ovnis. La pensée extraterrestre existe à coup sûr, universelle. Si elle était indiscernable aux hommes, ce serait un bien grand mystère, qu’il faudrait expliquer.
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philosophes. Un jour les fantômes et les cathédrales englouties se trouveront avoir complètement disparu. L’évolution spontanée de la science nous conduira à comprendre de nouvelles choses simples, qui auront remplacé les vieilles choses incertaines où nous sommes perdus. Tiens, remarquera un philosophe, nous avons changé de paradigme. Lisez ce livre. Vous comprendrez ce qui se passe quand les vieilles choses incertaines commencent à se dissiper.
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L’ESPACE SILENCIEUX (Question De n° 33, 1979. Texte intégral)
Les astronomes utilisent beaucoup un petit graphique très simple appelé le diagramme de Hertzsprung-Russel (DHR) qui est certainement le dessin le plus chargé de sens jusqu'ici tracé par la main de l'homme. Le DHR permet de voir d'un coup d'oeil comment les étoiles se classent les unes par rapport aux autres quand on considère leurs deux caractéristiques principales. Supposez que vous portiez sur un graphique le poids et la taille de tous les enfants d'une école : en gros, vous y verriez d'un coup d'oeil la vie d'un enfant. Il est d'abord petit et léger, en bas à gauche du graphique, puis il grandit et prend du poids à mesure qu'il avance en âge, vers le haut, à droite. De même, le DHR permet d'embrasser d'un coup d'oeil toute la vie d'une étoile, de toutes les étoiles. Et voici où ce petit dessin assez ingrat acquiert sa formidable signification : c'est que le Soleil est une étoile comme les autres et qu'on sait très exactement où le placer sur le petit dessin. L'une des caractéristiques portées sur le graphique est le type spectral. Dans la continuité des types spectraux, les astronomes ont établi arbitrairement 9 divisions. Chaque étoile parcourt ces 9 divisions, plus ou moins vite selon sa masse, mais toutes dans le même ordre. (L'astronome professionnel voudra bien me pardonner de réduire son DHR à la séquence principale. Mon but n'est pas d'expliquer, même sommairement, l'ensemble du DHR, mais de faire saisir l'une de ses implications philosophiques). Quand on connaît sa masse, on connaît aussi la vitesse du parcours. La masse du Soleil est très exactement connue. Celle des autres étoiles l'est assez pour que l'on puisse comparer les vitesses d'évolution. Si l'on reprend la comparaison avec la vie humaine, il existe une différence entre l'évolution d'une étoile et celle d'un homme : tous les hommes vieillissent à peu près à la même vitesse, au lieu que chez les étoiles, le processus est d'autant plus rapide que l'étoile est plus massive. Mais comme on connaît les masses, on peut lire sur le DHR, en temps vrai, la destinée entière d'une étoile de masse solaire. Autrement
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dit, le DHR nous permet de lire notre avenir au cours des prochains milliards d'années, peut-être au cours des prochaines dizaines de milliards d'années. Le DHR est ainsi le seul document prophétique de notre méga-histoire. C'est une prophétie chiffrée, chiffrée en milliards d'années. Et l'on n'y voit pas que notre. méga-histoire. Il nous montre aussi, par un détour, notre proche avenir. Nous n'avons pas encore parcouru la moitié de notre vie stellaire J'ai dit que les astronomes ont établi arbitrairement des âges dans la vie des étoiles, de même que nous appelons enfance, jeunesse, maturité, vieillesse et mort les âges de notre vie. Nous reconnaissons ces âges humains au premier coup d'oeil. Les astronomes font de même : l'âge est reconnaissable au type spectral. Ils en ont (pour la commodité) distingué 9, désignés par les lettres O, B, A, F, G, K, M, R, N, S. Nous en sommes à G. Cela ne veut pas dire que nous avons parcouru la moitié de notre vie stellaire en temps réel, car ces âges ont des durées très différentes. En fait, O, B, A et F sont vécus très rapidement : quelques millions d'années. Ils correspondent aux phénomènes accélérés de la naissance. Toute la durée de la vie terrestre (la vraie vie, celle de l'évolution biologique d'où nous sommes sortis) s'est déroulée au cours de ce stade G, qui dure depuis quatre milliards et demi d'années. Le DHR n'est donc pas seulement prophétique : il nous montre notre passé lointain, nos origines. Dans sa simplicité, il englobe la totalité de notre destinée cosmique. Mais là commence notre frustration. Car la série O, B, A, etc., ce que les astronomes appellent la « séquence principale » - représente une statistique : elle offre à notre regard la destinée entière, non pas seulement de notre soleil mais de dizaines de milliards d'étoiles de notre Galaxie. Cet avenir que nous voyons après G sur notre petit graphique, et qui sera le nôtre, il existe déjà dans l'espace, répandu dans l'écrasante profusion de la Voie Lactée parsemée de myriades d'astres plus âgés que notre système solaire. Ces myriades d'astres en étaient où nous en sommes il y a des milliards d'années, alors que la poussière dont nous sommes faits flottait encore dans le vide interstellaire. Supposons donc que, comme nous le voyons sur cette Terre, l'évolution biologique se soit déroulée partout (ou même seulement en quelques points) parallèlement à l'évolution des étoiles, qu'est devenue cette vie qui aurait ainsi atteint le niveau humain dans un passé qui se chiffre en milliards d'années?
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« Ce qui est a été, ce qui fut sera », dit l'Ecclésiaste. Si ce que je viens de supposer est vrai, qu'est devenue cette pensée qui était déjà humaine alors que le Soleil n'avait pas encore jeté dans l'espace ses premiers rayons? Toutes les étoiles s'accompagnent-elles de planètes ? Ce « si » nous pose la plus colossale question que puisse agiter notre philosophie. Mais c'est un « si ». Vers une telle question, on ne peut oser élever son esprit qu'après avoir bien examiné tous les faits d'observation actuellement connus. Il faut d'abord savoir si l'évolution de toutes les étoiles s'accompagne normalement d'un système planétaire. Notre étoile à nous, le Soleil, est née en même temps que son cortège de planètes dont la Terre. En est-il de même des autres? Les astronomes ont bien entendu cherché à le savoir. Les étoiles les plus proches sont trop lointaines pour laisser voir directement leurs planètes. Heureusement, on peut, sous certaines conditions, déceler l'action de ces planètes invisibles sur leur étoile. L'on a trouvé que, là où ces conditions d'observation existent, il y a effectivement des corps obscurs, invisibles, de faible masse, bref, des planètes gravitant autour des étoiles. La preuve n'est faite que pour quelques-unes. Mais ce sont précisément celles où les conditions de mesure existaient, ce qui revient à dire que quand on peut déceler la présence de planètes, s'il y en a, eh bien, il y en a. Un autre fait qui, lui, est directement observable, est que, presque tous les corps célestes rapprochés, dépassant une certaine masse, sont entourés d'un cortège de petites planètes (appelées satellites) : autour de la Terre gravite la Lune, autour de Mars deux lunes, autour de Jupiter, de Saturne, d'Uranus, de Neptune de nombreuses lunes dont certaines, que nous avons pu contempler de près récemment grâce aux images envoyées par les Pioneers américains, sont aussi grosses que de vraies planètes. Là où notre regard atteint, tout se passe donc bien comme si tout corps un peu massif était régulièrement entouré d'une procession d'autres corps plus petits. En fait, donc, la présence de planètes autour des étoiles est une quasi certitude. Pour un certain nombre des plus proches, c'est une certitude.
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L'apparition généralisée de la vie est infiniment probable Une autre question préalable est celle de la vie. Là, nous ne possédons qu'une indication, mais très forte : autour du Soleil, une planète offrait la condition nécessaire à l'apparition de la vie, à savoir une température où l'eau pouvait exister à l'état liquide, c'est la Terre. Or, la vie est apparue aussitôt que se furent formés les océans. Les plus récentes découvertes, publiées en septembre dernier par un chercheur d'Oxford, Stephen Moorbath, attestent des traces de vie remontant à plus de 3 milliards 800 millions d'années. D'autre part, le Dr Ponnemperuma, de l'Université de Maryland, a trouvé des aminoacides (précurseurs immédiats de la vie) dans deux météorites recueillies dans l'Antarctique et datées de 4 milliards 600 millions d'années, c'est-à-dire de la formation du système solaire lui-même. Si la vie était un phénomène « infiniment improbable » comme le croyait encore Monod il y a dix ans, il serait « infiniment improbable » qu'elle se fût manifestée aussitôt que les conditions de son existence ont été réunies. C'est pourtant ce que l'on voit dans ces vestiges des premiers temps. Si bien que c'est l'apparition généralisée de la vie qui, par les lois des grands nombres, devient infiniment probable. L'esprit existait-il avant la naissance du système solaire? Dernière question préalable : la vie une fois apparue évolue-t-elle forcément vers l'intelligence? Là encore, on ne dispose que d'un cas particulier, mais lui aussi très fort : c'est qu'il y a eu sur la Terre, à plusieurs reprises, plusieurs lignées contemporaines montant vers l'intelligence de type humain. C'est ainsi, par exemple, que l'Homme de Neandertal, étranger pourtant à notre lignée, n'en est pas moins un Homo Sapiens. L'Homo Sapiens est apparu au moins deux fois. Ainsi, tout donne à penser que l'esprit, la conscience, l'intelligence conquérante existaient dans l'Univers bien avant la naissance du système solaire, il y a des milliards d'années. Nous sommes donc bien fondés à nous demander : cette intelligence, cette conscience, que sont-elles devenues? La question est d'autant plus troublante, sinon même angoissante, que nous autres hommes de la Terre serons bientôt capables de signaler notre présence dans l'espace : nous le pourrons et donc nous le ferons dès que nous aurons trouvé l'argent nécessaire, c'est-à-dire au cours des prochaines dizaines d'années. Or, comme le remarquait récemment l'astrophysicien Pierre Connes,
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ces signaux que nous enverrons dans l'espace avant la fin du XXI° siècle, nous serions déjà capables de les déceler si d'autres les émettaient. Mais nous ne décelons rien de tel : l'espace, dans nos instruments, apparaît comme un désert silencieux. Pourquoi nous ne lancerons pas de signaux dans l'espace Arrêtons-nous un instant sur cette profonde remarque. D'un côté, il est certain que, sauf suicide collectif, nous enverrons bientôt dans l'espace des signaux décelables et reconnaissables par toute vie ayant atteint ailleurs nos possibilités technologiques actuelles (radioastronomie, interférométrie, etc.). D'autre part, on ne voit pas comment la vie intelligente ne serait pas présente ailleurs en une infinité de points depuis des temps très anciens (donc vivant déjà notre futur!). Dès lors, il est incompréhensible que cette vie intelligente ne fasse pas ce que nous ferons certainement dans un avenir peu éloigné. Il n'existe qu'une explication - mais incompréhensible- à ce mystère : c'est que, pour une raison actuellement inconcevable, ces signaux que nous nous apprêtons à lancer pour manifester notre existence, en réalité, nous ne les lancerons pas. C'est une certitude écrite dans les astres. Comme le dit Pierre Connes, pour la première fois dans leur histoire, les hommes lisent dans le ciel une part de leur avenir, et ce qu'ils y lisent est absolument incompréhensible. Que le lecteur me pardonne d'insister, de vouloir avec tant d'ardeur que l'on comprenne bien ce qu'il y a de fantastique dans ce paradoxe. Supposons un prisonnier dans sa cellule. Il a été emprisonné de nuit, mais il sait que la prison est très vaste et comporte de nombreuses autres cellules. Par de nombreux indices sûrs, il arrive à conclure que ces cellules sont, depuis très longtemps, occupées. Voulant signaler sa présence aux autres prisonniers, il cherche un moyen et finit par le mettre au point : c'est, disons, un marteau qu'il fabrique lentement, mais avec la plus grande facilité (peu importe comment). Avec ce marteau, il va frapper sur le tuyau de chauffage, et tous les prisonniers seront avertis qu'un nouveau est là. Mais au moment où, ayant presque achevé son marteau, il va déclencher le vacarme, il découvre ce fait incompréhensible : le silence. Si un seul des autres prisonniers frappait, il l'entendrait. Or, il n'entend rien. Telle est exactement la situation actuelle de l'Humanité emprisonnée sur sa petite planète. Pour être capables de nous manifester dans l'espace et crier « nous sommes là », il suffirait de très peu de chose...
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Est-il vraisemblable que pas une autre des planètes habitées qui existent par milliards (peut-être dizaines de milliards) dans la Voie Lactée n'ait jamais dépassé le stade de sa division en deux blocs hostiles? Evidemment non. Les lois des grands nombres bannissent cette hypothèse. Est-il vraisemblable que la règle universelle, excluant toute exception, soit le suicide de toute vie parvenue à l'âge technologique? Terrifiante supposition! Alors pourrait-on dire que l'Univers n'est qu'une immense et éternellement cruelle catastrophe. Quelles sont alors les autres hypothèses? Le prisonnier se serait-il trompé en supposant qu'il n'est pas seul dans la prison? Mais notre prison galactique n'est pas une vraie prison. Le 28 juin dernier s'est réuni à Las Vegas, aux Etats-Unis, le premier congrès d'ingénieurs et de physiciens réfléchissant à la propulsion interstellaire. Les comptes rendus n'en sont pas encore publiés mais les organisateurs s'attendaient à environ 600 communications. Si, en 1979, on a déjà tant d'idées pour aller d'étoile en étoile, c'est que le problème tôt ou tard sera résolu. Et quand nous disons « tôt ou tard », n'oublions jamais que le temps devant nous se chiffre en milliards d'années, bien plus qu'il n'en a fallu pour que la vie terrestre évolue jusqu'à l'homme. Or (le calcul a été fait de diverses façons à plusieurs reprises), dès que l'on admet une distance interstellaire franchie, la Voie Lactée tout entière se trouve visitée et occupée d'étoile en étoile en moins de 10 millions d'années, ce qui n'est rien dans les durées stellaires. Il suffit donc qu'une espèce intelligente, une seule, soit née 10 millions d'années avant nous pour que toute la Galaxie se trouve déjà occupée. Et dès lors, on se retrouve affronté à la question : pourquoi ce silence? Un événement fantastique nous attend De ces réflexions résulte une certitude : pour une raison inconnue et bien que nous sachions déjà comment nous y prendre et que les moyens soient à portée de notre main, l'Humanité ne lancera jamais cet appel dans la nuit de l'espace. Pour la première fois dans l'histoire apparaît une certitude sur notre futur pas très lointain, et cette certitude est incompréhensible. Il y a certainement une explication. Mais elle échappe à notre entendement. Elle est donc, à la lettre, fantastique. Précisons : il est certain qu'un événement fantastique, incompréhensible à notre connaissance actuelle, nous attend dans un futur pas très éloigné. Quel événement? S'il y avait encore de vrais philosophes, ce devrait être là leur grand sujet de méditation : nous courons à toute allure vers une inéluctable métamorphose, ou vers la mort, ce que je ne crois pas.
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Ils devraient d'abord s'assurer que les savants ne se trompent pas. Nous avons vu que c'est là un contrôle facile, portant sur des connaissances élémentaires d'astrophysique, de biologie, de paléontologie, sur la valeur démonstrative des lois des grands nombres. Tout tient en quelques livres. Presque tout tient dans le petit diagramme de Hertzsprung/Russel qui, jusqu'ici, n'a intéressé que les astronomes. Les indices pour une réponse plausible ne manquent pas non plus. Mais il faudrait, pour oser les affronter, le même courage que montrait Kant écrivant à vingt cinq ans sa Théorie des cieux, presque entièrement prophétique et vérifiée deux siècles plus tard. Il leur faudrait surtout admettre que l'homme n'est pas seulement cette mécanique creuse enseignée par les idéologies déclinantes, qu'il recèle des pouvoirs encore endormis, lourds de renouvellements obstinément refusés. Lesquels? C'est une autre histoire.
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Interview d'Aimé Michel. par François Toulet (Juillet 1978) L'écrivain bien connu des recherches parallèles et notamment des soucoupes volantes a bien voulu m'accorder chez lui une longue interview de trois heures dont voici quelques extraits. Je rappelle les titres de ses trois principaux livres : - "Lueurs sur les soucoupes volantes" paru en 1954 - "Mystérieux objets célestes" paru en 1958 - "Pour/contre les soucoupes volantes", collection verse et controverse. Le second livre a été réédité en 1977 avec quelques pages de supplément : il est en vente dans tous les supermarchés. L'écrivain me reçoit dans son chalet, un peu à l'écart du village. Le chalet surplombe une petite vallée modeste et humaine. La lumière de l'été est merveilleuse et l'air vibre de vie. - Pourquoi n'atterrissent-ils pas dans un endroit pareil ? s'exclame Michel en plaisantant. - C'est ce que j'étais en train de me demander. Nous entrons dans l'antre et nous nous asseyons dans une petite salle. Une grosse pile de papier est sur la table : revues françaises et américaines. Mais je m'étonne : FT - J'avais peur en arrivant de tomber sur des chiens, comment se fait-il que vous, qui aimiez les bêtes, n'en avez pas ? AM - Parce que je voyage souvent, et souvent loin. Il est difficile d'avoir des chiens, car il faudrait les faire garder pendant mes absences. Tandis que ma chatte se débrouille fort bien toute seule et quand je reviens à la maison son poil est luisant. Quant à ma défense, j'ai des moyens plus sûrs que des chiens. J'entre dans le vif du sujet : FT - Vous avez dû, j'imagine, essuyer des moqueries pour avoir parlé des soucoupes volantes ? AM - Oh, ça ! Je les emmerde ! Et puis c'est vieux ! (après un silence) …c'est quand même embêtant… J'insiste :
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FT - Mais vous avez eu des ennuis, voire des persécutions ? AM - Non. Il faut dire que j'ai toujours eu des amis compréhensifs comme supérieurs. J'ai passé mes concours professionnels en 43 et ceux qui me les faisaient passer étaient dans la Résistance comme moi. Plus tard, c'est autour de quelques militaires que s'est formé à ma connaissance le premier groupe qui étudiait la question. L'un d'entre nous avait vu un objet près du sol en 1938 mais il l'avait attribué à l'armée. Toujours le mythe de la technique humaine toute puissante… Je demande : FT - Aujourd'hui vous vivez de votre plume ? AM - En aucune façon : je suis à la retraite depuis le chambardement à l'ORTF où j'étais attaché au service de la Recherche. La retraite à 55 ans, voilà qui me donne quelques loisirs. FT - Loisirs que vous passez à étudier les soucoupes volantes ? AM - Oh, non, absolument pas ! Mon dada c'est le grec ancien, je lis et relis Homère, Herodote, d'autres encore, dans le texte. Certes les présomptions et les pistes sont purement philologiques mais il y a des choses très curieuses et qui semblent être un lointain écho d'expériences soucoupiques. Mais hors la soucoupe, dont je ne m'occupe pratiquement plus. Il y a chez les Grecs, surtout archaïques (pré-Socratiques) une explosion intellectuelle qu'on ne se lasse pas de méditer. Il continue : AM - Ne me parlez pas d'ufologie. Qu'est-ce que l'ufologie? Je ne la connais pas… Une science suppose un langage commun permettant aux connaissances de produire un effet cumulatif. Elle suppose une méthode. Vous la connaissez, vous, la méthode pour étudier les ovnis ? Pour l'instant, les ovnis, c'est une curiosité, une espèce de dada. Pas une science ! FT - Pourtant on l'enseigne dans certaines universités américaines… AM - Oui, c'est Saunders et quelques autres qui initient leurs étudiants à la sociologie du problème. La sociologie est une petite science mais évidemment elle n'atteint pas directement l'objet de ce qui devrait être l'ufologie… C'est une bonne approche.
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J'interroge : FT - Y a-t-il un meilleur accueil de la question aux U.S.A. ? AM - En France, c'est plutôt mal vu. " Quoi ? vous vous occupez de ces machins ? " Tandis qu'aux U.S.A., quand Vallée prit rendez-vous avec le patron du S.R.I. (Standford Research Institute), celui-ci l'embaucha en disant : " Ah ! C'est vous qui avez écrit sur les ovnis, vous devez avoir de l'intelligence et du courage… " Mais il ne faut pas comparer la France et les U.S.A. La France a été unifiée par l'histoire, tandis que les U.S.A. restent une mosaïque où personne ne s'étonne de rien. Tous les cultes, toutes les philosophies, toutes les opinions se côtoient. Et c'est ce qui fait leur force… FT - Peut-être qu'aux U.S.A. l'homme de la rue est mieux informé des ovnis ? AM - Les américains ne sont pas mieux informés que les Français. Ils n'ont pas de revues comme " Lumières dans la Nuit " ou comme " Phénomènes Spatiaux ". L'association NICAP est surtout un centre d'interdistribution honorifique. FT - Pourtant ils ont publié " Ufo's Evidence ", un maître livre… AM - Derrière ce beau livre, il n'y avait d'active qu'une seule personne… FT - Vous dites cela par patriotisme, vous êtes chauvin… AM - Non, non, ne croyez pas, j'ai toujours aimé les Américains. J'ai des cousins aux States et depuis mon enfance j'ai toujours été en contact avec eux. Mais revenons aux soucoupes volantes. Il me dit : AM - Le problème ne se renouvelle guère. Il n'a pas beaucoup changé depuis 54, date de mon premier livre. Certes les enquêtes sont mieux faites. Surtout on a aujourd'hui l'idée de suivre le témoin dans le temps, mais le fond ne change pas… FT - Est-ce un problème éternel ? AM - Aujourd'hui on ose s'intéresser à la frange du phénomène qui était rejetée à l'époque. Je n'osais en parler dans mon livre de 58… Je ne dis pas que cette frange est vraie… FT - Pourquoi n'écrivez-vous plus de livres ? J'avoue être déçu…
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AM - Parce que ça fait suer… Parce que je crois que je n'ai pour l'instant plus rien à dire d'intéressant. Ce que je voulais à l'époque, c'était avoir le contact avec les gens qui s'y intéressaient. C'est fait. Voilà. Et en dehors du tout petit groupe dont je vous parlais tout à l'heure nous nous sentions bien seuls. Cette solitude est finie. D'autant plus qu'il n'est peut-être pas bon de répandre le peu qu'on sait dans le public. Cela donne des idées aux faussaires. Aujourd'hui, il est plus facile de fabriquer de fausses soucoupes… Fouéré ne pense pas comme moi, mais, pour ma part, je n'apparais jamais à la radio ni à la télévision, ou très rarement… Le public, je m'en fous… FT -Mais enfin n'a-t-il pas droit à l'information ? AM - Le droit ? Mais qu'est-ce qui l'empêche de s'informer? Il y a de nombreux livres, il y a des revues. S'il veut, il peut. Donc pas de propagande. FT - C'est donc que le public est paresseux, il ne se donne guère la peine… AM - Ce n'est pas de la paresse. Plutôt peut-être de l'angoisse. L'homme est un animal dont certaines connaissances implicites semblent inscrites dans le code génétique : par exemple que la Terre est plate ! Un vers de Virgile, je crois, affirme qu'il a " le visage tourné vers le ci-el “ mais c'est faux… Le ciel, connais pas. Il existe une espèce de blocage contre toute grandeur qui écrase. En tant que journaliste, deux thèmes me reviennent souvent sous la plume. Dans l'évolution universelle il n'y a pas de temps privilégié. L'Univers contient une infinité d'humanités, de surhumanités comme de sous-humanités (les bêtes). C'est ce que les Anglo-axons appellent le " Principe Cosmologique ". Que savons-nous des bêtes ? Nous n'avons avec elles que des relations de domesticité. En fait, les bêtes sont indifférentes à l'homme et la plupart vivent comme s'il n'existait pas, sauf pour l'éviter comme une calamité naturelle. J'ai beaucoup écrit sur les bêtes pour essayer d'analyser ce que peuvent être des niveaux psychologiques différents. FT - Pensez-vous que les extraterrestres soient bons ? AM - Admettons qu'on puisse dire " les extraterrestres ", formule peut-être simpliste. La question que vous posez est de toute façon bien plus compliquée que vous ne le pensez. C'est quoi " être bon " ? Etes-vous sûr que votre idée du bien subsiste au-dessus de vous ? Qu'elle est applicable ? Mon dernier fils a été très malade alors qu'il avait deux ans. Je l'ai conduit à l'hôpital pour le remettre à quelqu'un qui devait le faire souffrir, son médecin… Il tenait le médecin pour un bourreau, il n'était pas armé intellectuellement pour voir au-delà, pour reconnaître le bien au-delà du mal apparent.
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Nous passons au problème des relations entre la Religion et les soucoupes volantes. Il continue : AM - Je n'ai pas beaucoup réfléchi à cette question, mais j'ai été intrigué par l'aspect soucoupique de certains épisodes de l'Exode. La sœur d'Aaron qui s'approche trop de la colonne de nuées et est frappé d'une lèpre, ça ne s'invente pas… Et on l'a revu depuis. Il y a l'épisode de la vision d'Ezéchiel. Je n'ai point d'avis, tout cela est vague. D'un point de vue parfaitement orthodoxe et catholique, s'il n'est pas précisé que les Anges appartiennent à quelque catégorie d'extraterrestre, cela n'est pas exclu non plus. FT - Je suis très sceptique sur cette question. AM - Moi aussi, mais dans les deux sens. Que sur le Sinaï il n'y ait pas eu intervention extraterrestre, je n'en mettrai pas ma main au feu… FT - Quand bien même il y aurait pléthore de martiens dans la Bibile, la religion c'est autre chose… C'est l'adoration de Dieu et tout le reste est secondaire… Nous communions, Aimé Michel et moi, dans la même foi. Il continue : AM - Voyez-vous, les philosophes et les théologiens ce sont des idiots. La meilleure des théologies, c'est la science. FT - Admettez-vous qu'il existe quelque chose de réel ? AM - Qu'est-ce que le réel ? J'appelle réel ce que la science étudie. Pourtant je me montre fort méfiant envers la science. FT - Mais pourquoi donc ? AM - A cause de la paresse intellectuelle des savants. La Terre est ronde, répètet-on. Mais peu sont capable de démontrer sa rotondité. Simplement, c'est ridicule de penser qu'elle n'est pas ronde. Aujourd'hui nous avons des photos… mais sinon ? Le pendule de Foucault, qui est la vraie preuve expérimentale, peu l'étudient. Il y avait une " association de la Terre plate " du côté d'Orange. Je sais que la Terre est ronde mais ce gars qui fonde une telle association, il m'est sympathique. Aimé Michel ne dit plus rien mais je sens qu'il a de la sympathie pour cet hérétique. Il conclut enfin :
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AM - Le peuple devrait faire beaucoup moins confiance aux savants et beaucoup plus à la science. Nous revenons aux extraterrestres : AM - Le contact ouvert viendra. Affirme-t-il. FT - Vous croyez ? Ils viendront ? Mais la date ? AM - Nous pourrons un jour la conjecturer d'après ce qui se passe sur la planète Terre. Mais je suis incapable de vous en dire davantage pour le moment… Vient ensuite la question de nos rapports avec eux. Je propose : FT - J'ai été colon à Madagascar. Il me semble que la relation de colonisateur à colonisé peut éclairer certains aspects de nos relations actuelles avec les extraterrestres. Désirez-vous que je développe ce point par écrit ? Suit une discussion assez confuse mais il n'est pas enthousiaste. Il me demande des nouvelles de Jacques Rabemananjara, le poète malgache. A la fin, il me dit : AM - Oui, écrivez cela, cela pourrait être intéressant. Je n'en ferai rien car je ne l'aurais fait que pour lui. Après cette longue discussion qui m'a révélé l'homme sous l'écrivain, nous nous quittons et je le remercie chaleureusement de l'honneur qu'il m'a fait.
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Interview d'Aimé Michel (décembre 1990) (OVNI Présence, n° 50, mars-avril 1993)
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Entretien avec Bertrand Méheust, au sujet de l’ouvrage d’Aimé Michel, «L’apocalypse molle» Rédigé par Basile le 30 septembre 2008 — Publié dans OVNI, Paranormal Merci beaucoup à Basile pour cette interview:
La soucoupe volante, le psi, toutes ces lanternes, sont en fait des sous-produits et des prétextes faciles. Mon vrai sujet de réflexion, depuis l’âge de 14-15 ans, c’est le devenir, je ne dis pas de l’homme, mais de la pensée, brièvement et localement incarnée sous une forme plus ou moins arbitraire dans la bête verticale et quaternaire de la troisième planète de Sol. J’ai beaucoup plus réfléchi à la paléontologie du Genus homo et aux limites de la raison qu’à n’importe quoi d’autre.» - Aimé Michel (lettre du 14 mai 1980 adressée à Bertrand Méheust)
Bertrand Méheust est un philosophe et docteur en sociologie, membre du Comité Directeur de l’Institut Métapsychique International. Il a commencé par s’intéresser à l’ufologie avec une approche originale, puis il a fait l’histoire de la métapsychique dans sa thèse sur le somnambulisme lucide et la médiumnité (1999).
Dans un livre récent basé sur sa correspondance avec Aimé Michel (L’apocalypse molle), Bertrand Méheust revient sur ce que lui a apporté ce philosophe inclassable. Ce dernier, décédé en 1992, a laissé de nombreux écrits dispersés ouvrant à une compréhension profonde de l’être humain, à la lumière de toutes les données scientifiques de son temps, et même les plus marginales.
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(Photo: Bertrand Méheust (à gauche) et Aimé Michel (à droite) photographiés en 1981.) L’apocalypse molle est enfin l’ouvrage qui permettra à la fois de saisir la synthèse de quelques unes des intuitions profondes d’Aimé Michel, et de découvrir un penseur au style détonnant. Avec des contributions de Jacques Vallée, Bertrand Méheust, Marie-Thérèse de Brosses et Geneviève Beduneau, L’apocalypse molle est définitivement un ouvrage destiné aux nouvelles générations. (Dans l’entretien qui suit, les questions de BlogParanormal.com sont en caractères gras.) Qui fut pour vous Aimé Michel? Bertrand Méheust: Je lui ai écrit pour la première fois en janvier 1972, puis je suis allé le visiter peu après à Saint Vincent. Il était à l’époque un des seuls ufologues capables de replacer la question des ovnis dans son contexte scientifique et philosophique. Puis, quand je l’ai mieux connu, j’ai découvert un homme et un penseur qui débordaient l’idée que l’on s’en faisait dans les milieux ufologiques. Pour répondre à votre question, il a été pour moi un des rares philosophes que j’aie rencontrés. Il y a en France des milliers de professeurs de philosophie, qui exercent une profession respectable, mais il y a très peu de philosophes. Être un philosophe, c’est développer une manière de vivre et de questionner le monde qui est immédiatement perceptible par tous ceux qui y sont réceptifs. Cela se sent, c’est presque physique. Quand on en rencontre un, et que l’on a la capacité de s’en apercevoir (ce qui n’est pas forcément donné à tout le monde, mais tout le monde n’est pas doué pour les maths et la musique), on ne s’en remet jamais complètement. Je tiens à profiter de l’occasion pour rappeler un point qui me paraît important, quitte à déplaire à beaucoup de gens: l’ufologie que j’ai connue dans les années soixante-dix n’avait pas grand chose à voir avec celle d’aujourd’hui, qui a été ravagée par Internet. Elle était tendue vers les grandes questions, elle ne se perdait pas dans l’anecdote et les mythologies dégradées, ou dans la pure description empirique. Aimé Michel était un de nos phares. Il est difficile aujourd’hui de restituer l’excitation que ses articles produisaient à l’époque sur certains jeunes ufologues, dont j’étais. Nous achetions Planète, ou la Flying Saucer Review rien que pour le lire.
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Ce livre semble être un projet que vous poursuivez depuis 1979. Michel en parle comme la «vraie révolution philosophique», le «Cogito revisited», la «Charte du Nouveau paradigme». Il y a même une lettre touchante (du 28 mars 1981) où il assimile ce projet à un «quelque chose de grand» dont quelqu’un lui a dit qu’il serait porteur, et que vous incarneriez vous aussi. Pourriez-vous nous éclairer sur ce projet? Quel fut son destin? Bertrand Méheust: Ce livre ne prétend évidemment pas être le «Cogito revisited»! Dans la formule que vous citez, Aimé Michel indique, avec son humour au deuxième degré, la voie que selon lui la pensée devrait suivre, compte tenu du développement des sciences. Il pratiquait sans cesse l’ironie, et tout ce qu’il écrivait et disait pouvait s’apprécier à plusieurs niveaux. Ainsi, dans la lettre que vous citez, il me propose à brûle pourpoint de réécrire avec lui le Discours de la méthode, comme cela, entre la poire et le fromage, comme si c’était simple et évident, et tout à fait à notre portée. Pris au premier degré, c’est évidemment exorbitant. Mais cela doit se lire à deux niveaux. Au premier niveau, cela veut dire: «je préfère discuter de ces questions avec un étudiant, avec un maître auxiliaire de philo comme vous, plutôt qu’avec certains de vos collègues agrégés qui vous regardent de haut, parce que vous n’êtes pas encore formaté. On les considère comme des philosophes, et pourtant il y a un ordre de questions qui leur échappe totalement.» Et au deuxième niveau, cela veut dire: «Voilà la tâche pour la pensée, voilà ce qu’il faudrait faire». En fait cette sortie est une charge contre la pensée dominante de l’époque, qui avait totalement perdu de vue la nature et le cosmos au profit de la politique. Il faut apprendre à lire Aimé Michel, il dit rarement ce qu’il semble dire. Pour ce qui concerne l’allusion au «quelque chose de grand», je dois préciser que j’ai hésité à publier ce texte, et que finalement j’ai décidé de ne rien censurer. Aimé Michel me rapporte une remarque faite par un prêtre à une personne de sa connaissance. Le prêtre en question avait une réputation de visionnaire. Il aurait eu en rêve la révélation qu’Aimé Michel (qu’il n’avait jamais rencontré) était porteur de «quelque chose de grand». Alors, évidemment, quand il apprend cela, Aimé Michel s’étonne, il cherche à échapper à la sentence de l’oracle. Et il essaie de me refiler le bébé. Il aimait bien (comme Socrate) affirmer qu’il ne savait rien ou pas grand chose, et il oscillait parfois entre une mégalomanie au deuxième degré et une humilité qui pouvait confiner à la dépression. Cela tient, je crois, à ce qu’il percevait nettement la différence entre le questionnement auquel il était accroché, et ce qu’il pouvait en faire, lui, Aimé Michel, compte tenu de son passé, de sa santé défaillante, du temps qu’il lui restait à vivre, etc. Et je crois bien, puisque je suis aussi en cause, qu’il m’a refilé cette attitude: concernant le questionnement auquel je suis attaché, je suis relativement immodeste. Mais s’agissant de ce que je peux en faire, moi, Bertrand Méheust, je connais mes limites, et je ne me raconte pas d’histoires. Je dois ajouter qu’Aimé Michel avait tendance à surestimer mes capacités philosophiques (qui étaient fort maigres à l’époque) tout simplement parce que j’étais le seul de ma confrérie à l’avoir contacté. Sa réputation de «pape de la soucoupe» faisait immanquablement fuir les philosophes «sérieux» et il en souffrait sans vouloir l’avouer. Si je n’ai pas fui, c’est parce que j’étais encore un étudiant immature et que j’avais eu (si l’on peut dire) la chance de mal engager mes études, ce qui m’avait permis d’échapper au formatage de l’époque.
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Quant à l’étrange destin de ce livre, je le raconte dans Le veilleur d’Ar Men [NDLR: l’essai de Bertrand Méheust occupe les 100 premières pages du livre]. À l’origine, c’est Simone Gallimard qui m’avait suggéré d’écrire un livre sur Aimé Michel, parce qu’elle était fascinée par l’homme et l’écrivain. Il avait décliné la proposition mais proposé que nous fassions un livre ensemble. La vraie raison de cette décision est triviale mais touchante et je peux la dévoiler car il a prescription: il s’agissait de me procurer un peu d’argent et une raison sociale, car à l’époque j’étais chômeur. Ensuite, il s’est pris au jeu et m’a envoyé ses lettres. Nous avons alors conçu l’idée d’un livre en trois volets: ses lettres, mes réactions à ses lettres, et sa réponse à mes réactions. Mais le projet s’est envasé, en grande partie à cause de la dégradation de sa santé, et de mon départ pour la coopération en Algérie. Je me suis donc retrouvé après sa disparition avec un livre avorté, et j’ai finalement compris que je ne pouvais garder ces textes pour moi. Quelle place prend le paranormal et l’ufologie dans la pensée d’Aimé Michel, lui qui fut surnommé «le pape de la soucoupe»? Bertrand Méheust: Elle est bien moins grande que l’on ne le croit. C’est un thème qui revient souvent dans nos échanges épistolaires: il en a marre d’être le pape de la soucoupe, de traîner ces casseroles; la soucoupe, la parapsychologie, étaient pour lui des exemples, certes pertinents, des ouvertures de la pensée de demain. Mais il s’intéressait bien davantage à d’autres sujets: à la physique quantique, à la paléontologie, sa vraie spécialité, à l’éthologie, à l’histoire antique, etc. Entre nous, il y avait un accord implicite: ne jamais parler des soucoupes, sauf brièvement et de manière allusive. Je crois qu’il me savait gré de ne pas le tanner avec ces questions. Il m’a toujours affirmé n’avoir jamais consacré plus de 10% de son temps aux ovnis, et je crois qu’il disait vrai. Lisez le livre présenté, édité et annoté par Jean-Pierre Rospars (La clarté au coeur du labyrinthe), qui compile les articles publiés deux fois par mois par Aimé Michel dans France catholique entre 1970 et sa mort en 1992: vous serez frappé de la variété des sujets abordés, de l’énorme travail de lecture et de réflexion que cela représentait, et de la rareté des articles consacrés aux ovnis et à la parapsychologie. Mais il n’en demeure pas moins que le thème des ovnis a diffusé dans toute sa pensée. Comment Aimé Michel a-t-il compris votre parallèle entre la science-fiction et les ovnis? Bertrand Méheust: Au début il en faisait grand cas, y voyait même une «bombe», il lui donnait une importance exagérée, et il s’efforçait de me faire de la pub auprès des plus grands, comme Jean Guitton. Et pourtant, je crois qu’il ne l’a pas compris, ou du moins qu’il ne l’a pas compris comme moi. Je me suis efforcé de montrer dans Science-fiction et soucoupes volantes qu’il ne fallait pas interpréter cette coïncidence comme un acte prophétique de la science-fiction, et pourtant, finalement, je crois que c’est ce qu’il a retenu: relisez sa préface à mon livre de 1978, vous verrez que c’est ce qu’il comprend. C’est ce qu’il avait envie de comprendre. À la fin de notre correspondance, vers 1990, quand le courant sceptique se développe en s’alimentant en partie à mon livre (malgré moi, je le précise) il prend même ses distances avec ma thèse et dans certaines lettres on le voit se demander à son tour si je n’ai pas
215 forcé ou construit la coïncidence. Finalement ce livre n’a guère été compris à l’époque, même par celui que j’admirais le plus. (Pour savoir ce que j’en pense aujourd’hui, voir la préface que j’ai donnée pour la réédition de Science-fiction et soucoupes volantes aux éditions Terre de brume en 2007.) Dans votre livre, vous cherchez à établir le profil philosophique d’Aimé Michel, en le situant la famille des «néopascaliens», et en le faisant dialoguer avec d’autres philosophes comme Raymond Ruyer. Mais n’est-ce pas trop tirer Aimé Michel du côté des philosophes? Bertrand Méheust: Cela dépend ce que signifie le «le tirer du côté des philosophes». Si par là vous voulez dire «l’assimiler aux philosophes universitaires», et lui prêter la capacité de jouer dans leur cour, comme on dit, ce serait effectivement trop lui prêter. Il ne connaissait pas ou mal la philosophie contemporaine, avouait ne pas pouvoir lire Husserl et Heidegger, et, de façon plus générale ce qu’il nommait sans précautions excessives la «vérole allemande». Il ne savait pas utiliser le langage philosophique moderne, il était étranger au questionnement des années soixante-dix sur le pouvoir, bref, vu sous cet angle, il ne pouvait, vers 1980, être pris au sérieux par les gens qui, à l’époque, étaient considérés comme les philosophes en titre. Mais si par «le tirer du côté des philosophes» vous voulez dire qu’il était porteur d’un questionnement nouveau et qu’il avait inventé une manière, aphoristique et dispersée, de le mettre en œuvre, alors je crois qu’on peut lui faire cet hommage. Un exemple. La condition historique de l’homme était un des thèmes favoris et incontournables de la pensée de l’époque. Mais un accord implicite cantonnait cette réflexion dans une perspective dérisoire de quelques siècles ou de quelques millénaires. Aimé Michel, lui, posait obstinément une question brutale, qui devrait donner le frisson à tous ceux qui ont le sens philosophique: que sera devenu dans un million d’années l’être qui, sous sa forme actuelle, se nomme «l’homme?» Dans les cénacles philosophiques, cela ne se fait pas, on ne pose pas ce genre de question qui, soudain, déroute tous nos repères. Eh bien je tiens, moi, que le simple fait de la poser, même si ce n’est pas dans le langage et les catégories accréditées, et étant donné que par ailleurs, de toute évidence on ne peut pas y répondre, je tiens, dis-je, que c’est là un acte philosophique, un acte de rupture. La pensée d’Aimé Michel était un acte de rupture, et c’est pourquoi elle n’avait cure des outils et du langage philosophique classique. Vous parliez de Blaise Pascal (NDRL: sur l’image ci-contre). C’était, de toute évidence, la référence centrale d’Aimé Michel, qui connaissait Les Pensées par cœur. Comme Pascal, il tenait que la plus haute idée de la raison était de poser qu’il y a de l’inconnaissable, du transrationnel. Toute l’oeuvre d’Aimé Michel peut être interprétée comme un effort pour repenser les grands thèmes pascaliens à la lumière de la science contemporaine. C’est pourquoi je parle à son propos d’un «néopascalisme», de façon un peu ironique, parce qu’à ma connaissance un tel courant n’existe pas dans la pensée contemporaine. Quant à Ruyer, il l’appréciait (encore qu’il se soit fait rouler par sa Gnose de Princeton, qui fut, vous le savez sans doute, un canular sophistiqué). Il y avait des convergences dans leurs pensées, notamment sur ce que Ruyer appelait «la technique en circuit externe», et Aimé Michel les «extériorisations de fonctions», un thème auquel il donnait une importance philosophique immense. L’être humain extériorise peu à peu ses fonctions dans des artefacts: le vêtement, le feu, les outils, le langage, la raison… Si l’on extrapole la tendance, à la fin il s’évanouit, se dématérialise, il évacue l’espace-temps.
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En lisant votre correspondance avec Aimé Michel, on est surpris par le style de l’homme, les calembours s’accouplant avec de profondes réflexions, les données scientifiques liées aux aphorismes, les histoires de la chatte Grisonne pour faire comprendre les paradoxes les plus difficiles. Et il y a aussi la dispersion de ses écrits. Comment faut-il aborder son œuvre? Bertrand Méheust: La réponse à votre question est évidente: il faut le lire comme un auteur aphoristique. De ce point de vue, Aimé Michel n’est pas un auteur égaré, une sorte de fou littéraire, il s’inscrit dans la tradition tout à fait classique des auteurs fragmentaires et aphoristiques: Tchouang-Tseu, Pascal, Montaigne, Nietzsche, Artaud, etc. Si nous éprouvons du mal à le lire et à nous y retrouver, c’est parce que nous sommes en train de nous éloigner de cette tradition. Quant aux calembours auxquels vous faites allusions, il faut savoir que l’homme était pudique, secret, et qu’il ne pouvait aborder les choses sérieuses sans le masque de l’ironie et de la dérision. Cela tenait en partie à son origine paysanne. Aimé Michel venait d’un milieu où l’on méprisait la chose écrite, il m’a avoué n’avoir jamais pu écrire tant que son père était encore vivant. Il lui fallait se faire pardonner de s’adonner à cette activité, à laquelle il avait été contraint par sa maladie. ___________________________________ Note importante: le livre L’Apocalypse molle n’est actuellement pas vendu dans les librairies réelles ou virtuelles. Le seul moyen pour l’acquérir est de passer commande directement chez l’éditeur. Rien de plus simple: rendez-vous sur http://www.aldane.com/commande.html et remplissez le bulletin de commande. Calculez vous-même les frais de port selon votre lieu de résidence, et envoyez un chèque d’une valeur correspondante à: Éditions Aldane, Case postale 100 CH - 1216 Cointrin - Suisse Aimé Michel en savait-il plus sur les ovnis qu’il ne le disait? « Répondre #10 le: 17 Octobre 2008 à 22:54:32 » Bertrand Méheust répond à Odin: Aimé Michel en savait-il plus sur les ovnis qu’il ne le disait? Rédigé par JC le 14 octobre 2008 — Publié dans OVNI Il y a un peu plus d’une semaine, un lecteur du blog a posé une question fort pertinente dans les commentaires de l’Entretien avec Bertrand Méheust, au sujet de l’ouvrage d’Aimé Michel, «L’apocalypse molle». Cette question d’Odin57, qui concernait un point précis de la pensée du «pape de la soucoupe», a été transmise à Bertrand Méheust, à qui elle s’adressait, et celuici y a répondu promptement (je suis entièrement responsable du délai, trop occupé ces derniers jours). Comme la réponse de Bertrand Méheust soulève des interrogations fondamentales sur le dossier des ovnis et la communauté ufologique, il m’a semblé que la suggestion de Basile d’en faire un nouveau billet était pleinement justifiée.
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Par la même occasion, les commentaires de ce billet pourraient devenir le lieu d’un débat fondamental sur le dossier des ovnis, la valeur des témoignages, la notion de preuve en ufologie, l’hypothèse voulant qu’il y ait une pensée ou une intention derrière le phénomène ovni, etc. Et pour ceux et celles qui le voudraient, on pourrait également y discuter l’impact négatif que peut avoir le channeling et autres soi-disant contacts avec d’hypothétiques extraterrestres. La journée est particulièrement bien choisie pour cela car, dans quelques heures, même les croyants les plus enthousiastes devront se rendre à l’évidence que l’ovni du 14 octobre 2008 de Blossom Goodchild et d’autres prétendus médiums n’était en réalité qu’un canular de plus, une autre supercherie extrêmement nuisible pour l’ufologie sérieuse. Mais commençons par le commencement. Voici donc la question d’Odin57 et la réponse de Bertrand Méheust. Question d’Odin57: (Extrait de L’Apocalypse molle, d’Aimé Michel) «Mais il y a plus grave. Depuis longtemps, il incitait les ufologues à se méfier d’une recherche qui pourrait bien se révéler «la plus dangereuse de toute». Vers 1980, cette intuition se précise et se confirme. Il ne se prend pas à douter de la réalité des ovnis et de leur origine supra humaine, comme le font à l’époque certains ufologues, il s’inquiète plutôt de l’aspect labyrinthique et indécidable de la question (…) Pour caractériser la nature du problème auquel nous sommes confrontés, il reprend souvent une formule de Pascal: à ses yeux, les ovnis sont des «vérités déguisées en mensonges». Et il me répète : «je hais les vérités déguisées en mensonges». Que cachait, sous cet énoncé apparemment énigmatique, la pensée d’Aimé Michel à propos «d’une recherche qui pourrait se révéler la plus dangereuse de toute» et «d’une vérité déguisée en mensonge»? Réponse de Bertrand Méheust: Je crois qu’il faut laisser à Aimé Michel sa zone d’ombre, et ne pas scruter chacun de ses propos comme une vérité révélée. Il a poursuivi plus loin que la plupart la réflexion sur un sujet encore vierge, et il s’est retrouvé dans un labyrinthe de questions sans réponse. Quand il parlait de la recherche «la plus dangereuse de toutes», il pensait sans doute à tous ces gens qui se sont perdus dans l’ufologie (s’il revenait aujourd’hui, il pourrait méditer sur la pertinence de sa formule!) Il pensait sans doute aussi à son aventure personnelle, à son orthoténie par exemple, qui s’est révélée une illusion. La question des ovnis est suffisamment étayée pour que l’on ne puisse pas rejeter le dossier. Mais elle ne l’est pas assez pour que l’on puisse déboucher sur une certitude quelconque. On ne peut plus se débarrasser de la question, mais il est très difficile de la penser sans tomber dans des illusions projectives, voire dans une forme ou une autre de paranoïa. Toute connaissance humaine est déjà, à des degrés divers, une interprétation, on apprend cela aux élèves de terminale. Mais quand l’esprit humain se porte sur «les bords du réel» (selon l’expression de Jacques Vallée) l’interprétation devient parfois délire, la raison engendre des monstres.
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Aimé Michel savait cela et il en avait peur. Il proposait donc comme contre-mesure son «tout envisager et ne rien croire». C’est un beau principe, mais que l’on ne peut jamais mettre totalement en pratique. Les textes que j’ai publiés montrent qu’Aimé Michel lui-même croyait, et voulait croire, en un certain nombre de choses. Ainsi, quand il parlait de «vérités déguisées en mensonges», en reprenant la formule de Pascal, il s’avançait trop, à mon avis, sur la nature du phénomène ovni; il allait au-delà de ce que l’état réel du dossier nous permet de tenir pour assuré. Il voulait dire, je pense, qu’il y a bien une pensée derrière le phénomène. Que cette pensée nous transcende. Mais qu’elle se manifeste à nous munie de sa propre réfutation, de manière à ce que l’on ne puisse jamais tenir sa réalité pour assurée. (Les inventeurs d’Ummo avaient repris cette idée, puisque les Ummites, à plusieurs reprises, écrivent à leurs correspondants: «Ne nous croyez pas»!) Au fond, il pensait que l’histoire était hantée, que quelque chose nous poussait, c’était son côté «gothique». Fin de la réponse de Bertrand Méheust.
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AIME MICHEL le libre penseur et les OVNIS par Thibaut Canuti « Pour moi, je n'ai jamais eu, depuis mon enfance, qu'une seule et unique passion, une seule curiosité, qui est la pensée non humaine. Toutes mes recherches et toutes mes réflexions depuis l'âge de quinze ans ont ce seul objet : que peut être une pensée autre que la mienne? Et que l'on cherche bien. La pensée non humaine, selon le beau titre de Jacques Gravent, ce peut être la pensée infrahumaine, c'est-à-dire animale, ou la pensée surhumaine étudiée par les parapsychologues, ou la pensée extraterrestre. Les bêtes, la parapsychologie, les soucoupes volantes, tous ces niveaux de pensée n'étant probablement (mais ceci est une autre histoire) que des moments d'une évolution unique et multiforme que nous parcourons en un éternel cheminement ». Aimé Michel – Les tribulations d’un chercheur parallèle Aimé Michel est assurément une des figures tutélaires de l'ufologie française. D'abord parce que sa pensée féconde et « hors-norme » va l'amener à s'intéresser à un ensemble de connaissances aussi hétéroclites que les M.O.C. (Mystérieux objets célestes), les phénomènes paranormaux, l'intelligence animale, de façon générale et continue, tous les ressorts de la pensée non-humaine et ce qu’il considérait comme son aboutissement, l’approche du surhumain pour paraphraser Michel Picard[2], auteur d’une remarquable hagiographie sur Michel qui recense également de nombreux articles de l’auteur publiés dans la revue « Planète » de Louis Pauwels.
Sur les ovnis, le travail de Michel sera déterminant. L'homme a tout saisi, avant tout le monde ou presque, du caractère profondément exotique de la réalité et de l'apparente incohérence du phénomène. La vague de 1954 lui donnera l'occasion de compiler un ensemble de cas qu'il inventorie, cherchant y compris dans les mathématiques et la géographie, une intelligence globale à ces manifestations. Ses longues correspondances où il donne libre cours à sa plume, comme ses innombrables articles ou ses livres, lui feront édifier un réseau d'amitié considérable qui constituera pour une part le fameux « Collège invisible » que nous évoquerons plus avant. Né en 1919 dans un petit village des Alpes provençales, le destin d’Aimé Michel est marqué par la poliomyélite qu’il contracte en 1925. Immobile et perclus de douleurs durant ses jeunes années, il découvre déjà par la force des choses, le refuge que représente la pensée, l’imaginaire et le rêve[3].
Cette terrible expérience sera néanmoins fondatrice de ses passions intellectuelles. Sa maladie l’ayant rendu inapte à l’activité manuelle, il poursuit des études de philosophie puis obtient en 1944 le concours d’ingénieur du son. Il rejoint alors le secteur de la recherche de l’ORTF.
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Son intérêt pour les ovnis date de la vague scandinave de 1946 [4]. Comme l’essentiel de l’opinion à cette époque, il est alors persuadé qu’il s’agit là de prototypes d’avions ou de fusées militaires. Plus que sceptique sur tous ces faits, y compris après la parution du livre du major Keyhoe[5], l’un des tout premiers ufologues américains, il continue de s’intéresser à tout ce qui touche à la parapsychologie, aux phénomènes ignorés ou mystérieux de la science, accumulant une documentation considérable.
Sa présence sur un reportage radiophonique consacré à la météorologie lui fait rencontrer Roger Clausse, ingénieur de la Météorologie Nationale, lequel lui transmet un dossier entier constitué de phénomènes inexplicables enregistrés par les stations météo. Les faits qui y sont mentionnés, suggèrent en tous points ceux évoqués par Keyhoe dans son livre et Aimé Michel se persuade définitivement de la réalité des ovnis. Les cas lui sont ici rapportés par des scientifiques professionnels, spécialistes en outre de l’observation des cieux et rejoignent pareillement ceux relevés par Keyhoe impliquant aussi des scientifiques.
« Je m'assois dans un coin, commençait à lire et reçus l'un des chocs de ma vie. Cette fois, il ne s'agissait plus d'articles de presse ni de livre douteux. Un peu partout, en Afrique Equatoriale, au Sahara en Amérique, en France, et même sur une base militaire proche de Paris, des techniciens de l'observation atmosphériques décrivaient exactement ce que j'avais lu dans Keyhoe… [6]». Affecté au service Recherche de l’ORTF, il a tout loisir de rassembler tous les articles de presse parus sur le sujet et d’approfondir ses sources. A la lecture de Keyhoe, convaincu du
221 double-langage de l’US Air Force, il tâche d’établir des contacts avec l’Armée qu’il conservera tout le long de son existence.
« [7]Mon enquête fut d'abord inspirée par une illusion dont la candeur, avec le recul des années, me paraît tout simplement navrante: je croyais que quelqu'un savait. Cette illusion, à vrai dire, je la tenais de Keyhoe lui-même, dont le livre était conçu de façon à faire croire que l'armée américaine cachait la vérité au public. Si donc l'armée américaine savait, l'armée française, son alliée, savait peut-être aussi». C’est sur cette base qu’il agite ses réseaux et parvient à obtenir un rendez-vous avec le capitaine Clérouin, alors en charge des services de renseignement de l’Armée de l’Air sous les ordres du général Chassin et Jean Latappy, un civil, dessinateur pour la revue « Forces aériennes françaises », féru de soucoupes volantes et qui comme Michel accumule et conserve toutes les pièces du dossier ovni – Latappy contribuant notamment à l’iconographie cartographique du « Mystérieux objets célestes » de Michel-.
« [8]Je ne me rappelle ni qui arriva le premier ni comment furent faites les présentations. Ils étaient deux, en civil l'un et l'autre, le capitaine C... et M. Latappy, " un ami". L'un hilare, décontracté, le verbe agile et truffé de calembours. L'autre sombre, émacié, l'œil ardent, la moustache énigmatique, un authentique agent de film d'espionnage. Mais le capitaine, c'était le premier. Et en moins de cinq minutes, je compris que tout le scénario dramatique imaginé par Keyhoe n'était qu'un rêve puéril.
- Le secret militaire ? Laissez-moi rire ! dit le capitaine en faisant ce qu'il disait. Des secrets sur de petites choses, tant que vous voulez. Ceux-là, on se les cache, on se les vole, on se les vend tant bien que mal un peu partout dans le monde. Mais une chose aussi énorme que les soucoupes volantes, vous n'y pensez pas ! Pour qu'un engin, un seul, à l'état de prototype, vole comme les soucoupes sont censées le faire, il faudrait, vous le savez aussi bien que moi, une révolution de la physique. C'est déjà énorme. Toutes les révolutions scientifiques se font simultanément dans tous les pays avancés, et ce que les Américains savent, les Russes le savent aussi à très peu d'écart près, et inversement. Ne m'objectez pas la bombe atomique : la bombe ne correspondait à aucune révolution scientifique. Mais surtout, pour permettre à une seule soucoupe de s'envoler, il faudrait une révolution industrielle, l'effort de tout un pays, une véritable mobilisation des richesses, des moyens et des esprits. Sacrebleu ! C'est comme si vous parliez de monter une locomotive dans ma chambre à coucher à mon insu ». Aimé Michel est alors persuadé que l’Armée et les autorités publiques dans leur ensemble ne dissimulent rien sur les ovnis. Cette tournure d’esprit le séparera d’ailleurs définitivement des ufologues français qui reprendront à leur compte les idées conspirationnistes importées de l’ufologie américaine. La rencontre avec Latappy ayant encore accru ses sources, il est à la tête d’une documentation impressionnante lorsque parait en juillet 1953 son premier livre, « Lueurs sur les soucoupes volantes »[9].
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Michel reste alors très ouvert sur la question et son but est de porter à la connaissance du plus large public les éléments du dossier ovni.
Evoquant ce premier livre il déclare : « Non seulement il ne prétendait pas apporter la preuve manquante, mais je me bornais à y présenter les diverses conclusions possibles sans me prononcer. Mon mobile était, à mes yeux du moins, limpide. Puisqu'on ne pouvait rien prouver, que du moins les faits allégués soient connus. Cette modeste ambition me semblait d'une logique aussi saine que celle de la preuve préalable ». Il évoque ainsi la controverse naissante aux Etats-Unis et les cas mondiaux les plus probants, en particulier pour l’année 1952 où il dresse des comptes-rendus de cas désormais célèbres, tels que l’œuf de Draguignan, les observations d’Oloron, de Gaillac, la soucoupe du Bourget ou le cigare de Marignane. Il y promeut également la théorie du capitaine Plantier sur la propulsion « électro gravitationnelle ». L’ambiance est alors à un certain optimisme et l’ovni semble à Michel, comme à beaucoup d’autres, intelligible à court terme puisqu’il ne faut y voir aucun secret militaire et que des scientifiques de bonne volonté se saisissent du sujet, malgré les protestations offensées de l’Union rationaliste et ses partisans. Ce premier livre est un succès et lui ouvre de nouveaux contacts comme Pierre Guérin, avec qui il se lie d’amitié. Il fait également la rencontre de Jean Cocteau, fasciné par le sujet, qui préfacera une édition ultérieure de l’ouvrage. Cocteau décrit ainsi Michel dans son journal : « [10]Je viens de recevoir la visite d'Aimé Michel (auteur du livre : Lueurs sur les soucoupes volantes). C'est un petit homme très jeune, presque rabougri, chauve et d'une intelligence rayonnante. Il va toujours plus loin que le plus loin et cela sans la moindre vague. Nous avons longuement parlé de cette aptitude nouvelle de la science à ne plus craindre ce qui la dérange ». Cette volonté d’entreprendre enfin la recherche et de diffuser l’information sur les soucoupes dans le grand-public va être largement aidée par la vague de 1954 en France, qui va à la fois donner une matière dense et immédiate au chercheur infatigable qu’est Michel, mais susciter encore de nouvelles interrogations qu’il ne cessera plus, dès lors, d’investiguer dans tous ses aspects. L’un des problèmes que soulève la vague d’ovni de 1954, et qui n’a jamais été résolu depuis, réside selon Michel dans l’administration de la preuve scientifique dans un contexte aussi prolifique en observations singulières, diversement vérifiées et investiguées. C’est Jean Cocteau qui lui suggère alors de « chercher l’ordre dans le désordre ». C’est ce souhait de distinguer une structure unique dans les observations d’ovnis qui va le conduire à formuler la théorie de l’Orthoténie.
En 1953, Jimmy Guieu et Michel sont déjà conjointement frappés par le fait que la fréquence des observations d’ovnis est plus soutenue lors des périodes où la terre se trouve être en grande proximité avec la planète Mars. Ce constat rejoint celui de l’ingénieur canadien Wilbert Smith, sur le même point.
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Cela permet à Aimé Michel d’annoncer dans un entretien à Paris-Match au printemps 1954, une vague pour la fin de l’année[11]. Sa théorie se trouve validée avec éclat par les événements en cascade de septembre et octobre. Deux années plus tard, sur la foi des mêmes arguments, Michel annonçait une vague pour l’année 1956 dans un article au « Saucerian Bulletin »[12], arguant de la proximité avec Mars et d’un déplacement progressif des vagues vers l’ouest. Il estimait donc qu’à la fin de l’année 1956, pouvait se dérouler une vague d’ovnis quelque part entre l’Europe orientale et le Moyen-Orient, sans que le fait ait été attesté aux latitudes indiquées. Michel croit voir dans les traitements statistiques par informatique de Jacques et Janine Vallée publiés dans « Les phénomènes insolites de l’espace » une validation de sa théorie des « cycles martiens »[13]. La vague de 1954 va donc offrir à Michel une matière brute de témoignages d’observations d’ovnis sans précédents en France, matière dont il est le contemporain et qu’il peut investiguer directement. Michel l’évoque en ces termes : « [14]Sur ces entrefaites, survint la fameuse vague d'observations de l’automne 1954. Pendant cinq semaines environ, de la mi-septembre au 20 octobre, les journaux européens jusque-là pratiquement muets sur la question se mirent à publier chaque jour des dizaines et des dizaines de récits de témoins.
En Italie, en Angleterre, en Suisse, en Belgique, dans la péninsule Ibérique et naturellement en France, il ne fut pendant cette brève période question que de cela. Quelques flatteurs affirmèrent alors que la source de cette vague devait être cherchée dans mon livre, paru le printemps précédent. Hélas ! Mon livre était un four. On ne commença à le lire (peu) qu’après la fin de la vague. Et les innombrables témoins que j’interrogerai ignoraient jusqu'à mon existence, je dis en France, et à plus forte raison, à l’étranger. La vague passée, quelques amis et moi travaillâmes des mois durant à réunir tous les documents et à faire remplir des questionnaires. Vers 1956, je me trouvai ainsi à la tête d'une documentation énorme, chaotique et parfaitement délirante, dont il était impossible de tirer la moindre conclusion. Tout avait été "vu" en septembre-octobre 1954. Des objets en l’air, des échos radar, des objets en formation, des objets au sol, et même leurs pilotes ! En cent endroits, des moteurs d'auto ou de camions avaient été stoppés lors du passage en rase-mottes d'une soucoupe, des phénomènes électriques d'induction observés, de la terre arrachée au sol par un engin prenant l’air brutalement. II y avait des traces au sol, des rémanences magnétiques faisant dévier la boussole, des témoignages concordants d'observateurs éloignés les uns des autres et ne se connaissant pas. On pouvait même souvent, par exemple le 3 octobre, suivre un engin à la trace à travers la France, de témoignage en témoignage. Mais, d'un autre côté, le tout présentait un aspect si délibérément démentiel que même les chercheurs les plus blasés penchaient à donner raison au professeur Heuyer, auteur d'une retentissante communication à l’Académie de Médecine sur l’origine psychopathologique de la psychose soucoupique ».
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Livres d'Aimé Michel 1954 / 1958
Dès 1956, Michel reproduit sur une carte de France les observations de la vague de 1954, en quête de cohérences topographiques. « [15] Et c’est alors, en effet, que l’effet conjugué d’un classement des observations par date et de leur localisation sur la carte fit apparaitre les premiers alignements ». Michel va alors discerner de nombreuses lignes droites dans les observations de 1954. L’une d’entre elles est constituée de six observations entre Bayonne et Vichy, pour la seule journée du 24 septembre.
Cette « concordance » entrera dans la petite légende ufologique sous le nom de « BaVic » (pour Bayonne-Vichy). Plus troublant encore, aux intersections de ces nombreuses « lignes droites », Michel note toujours la présence d’une observation mettant en cause un grand cigare vertical et une descente d’ovni dite « en feuille morte », selon les descriptions des témoins, coïncide pareillement avec les intersections de lignes.
La théorie des lignes et l’orthoténie se trouve rassemblée dans l’enquête fouillée sur la vague de 1954 qu’il publie en 1958, « Mystérieux objets célestes » et qui structure le livre. Cette publication le rend intime de Jacques Vallée qui lui écrit. Cette théorie de l’orthoténie va connaitre une grande prospérité dans le monde entier. Le premier à reprendre ces travaux est l’ufologue américain Alexander D. Mebane, enquêteur de terrain très actif dans les années 50 et 60, co-fondateur en 1954 et avec Isabel L. Davis, et Ted Bloecher du « Civilian Saucer Intelligence » groupe d'amateurs new-yorkais. Mebane et le CSI vont préparer et éditer la version américaine du « Mystérieux Objets Célestes » de Michel. Il y signe une longue contribution[16] où se croisent une analyse de la vague américaine de 1957 et les conclusions de Michel.
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Il établira une formule mathématique établissant le nombre d’alignements de points prévisibles du seul fait du hasard dans un groupe n de points d’observations répartis au hasard. En adoptant arbitrairement une définition plus large de la ligne droite que celle initialement énoncée par Michel, il en conclut que si les alignements de trois points et une bonne part de ceux de quatre pouvaient s’expliquer par le hasard, les alignements de cinq ou six points demeurent des « anomalies » statistiques et mathématiques. Ce sont donc les observations isolées et spectaculaires, comme la fameuse ligne « BaVic » qui restent indéterminées. Il croit discerner dans les réseaux orthoténiques une « régularité » qu’il ne retrouve pas dans les alignements fortuits.
Dans les années qui suivent, de nombreux ufologues vont discerner à leur tour des réseaux orthoténiques dans les observations d’ovnis relevées sur le terrain.
Le docteur brésilien Olavo Teixeira Fontès, Christian Vogt, animateur de la Commission d'Enquête CODOVNI, de Buenos Aires (Argentine) ou l’espagnol Antonio Ribera vont alors publier des cartes qui montrent des réseaux très similaires à ceux relevés par Michel pour la vague française de 1954.
Jacques Vallée évoque cette controverse autour des probabilités que de tels réseaux soient exclusivement hasardeux :
« [17]Commentant nos résultats, un universitaire britannique, le Dr. Michaël Davis, écrivait : « Une question évidente que de nombreux lecteurs ont du se poser est celle-ci : Quelle est la probabilité de trouver des alignements semblables à ceux présentés, en partant d’une distribution de points complètement au hasard ? »
Afin de répondre à cette question, le Dr Davis a proposé un ensemble de formules qui expriment le nombre de lignes de trois ou quatre points auxquelles on doit s’attendre du fait du hasard seul, en fonction du nombre total de points dans la distribution et de la précision demandée. Appliquées au réseau d’Afrique du Nord, ces formules donnent un résultat qui renforce l’idée que les alignements ne pourraient pas être expliqués par le hasard seul. L’idée de la valeur des alignements gagna rapidement du terrain ». Au mois de mars et d’avril 1964, la polémique se poursuit alimentée par l’astronome Donald Menzel, reprenant les arguments de Mebane pour les alignements de 3 ou 4 points et mettant tout bonnement en doute le sérieux de Michel quant au recueil des faits. Personne n’accorde alors la moindre attention au propos malveillant de Menzel qui s’est toujours signalé par des prises de position « rationalistes » depuis 1947 et l’observation d’Arnold. Or il s’avère qu’il a raison et que Michel, en reproduisant des observations rapportées dans la presse parisienne sans les vérifier, ou en extrapolant certains éléments comme la datation, s’est lourdement trompé, rendant ainsi caduque le fleuron de son orthoténie, la fameuse ligne BaVic.
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Que les admirateurs d’Aimé Michel ne voient rien d’autre, dans ces quelques lignes, qu’un portrait objectif d’un homme qui fut un penseur tous azimuts. Ces imprécisions dans la matière qui donna lieu à une théorie qui fut un temps présenté comme la preuve de la réalité des ovnis et de leur présence « coordonnée » sur Terre ne nous le rendent finalement que plus humain. Il faut bien dire que les catalogues sur lesquels travaillent les ufologues, Michel puis Vallée et Poher plus tard, sont constitués de documents personnels, articles, coupures de presse, compte-rendu et enquêtes mais ils sont aussi le fait d’échanges généralisés entre ufologues qui se communiquent leurs fichiers. La plupart de ces cas n’ont donné lieu à aucune enquête poussée ce qui met en question le résultat de tout travail scientifique s’y référant. Comment dans ces conditions, si l’on reconnait qu’une part non-négligeable des données peut très bien être erronée, que la réalité même de l’observation ou les détails de celle-ci sont sujets à caution, entreprendre un travail statistique infaillible ? C’est une réalité que peu d’ufologues mesurent aux premières années de l’ufologie, -pas même Michel qui élude cet aspect-, ces derniers s’efforçant d’appliquer la méthode et les outils scientifiques à un sujet qui reste encore très contesté. En 1966, Vallée réédite l’expérience en effectuant une simulation informatique. Il découvrira un alignement de 5 points, 5 de 4 points et 20 de 3 points. Il explique plus mal les alignements de six points, les comportements des ovnis aux points d’intersection et les présences de « grands cigares » au centre de réseaux en toile d’araignées. C’est en replongeant aux sources mêmes des observations que l’énigme va être résolue. On doit donc à l’ufologue Michel Jeantheau une contre-enquête particulièrement fouillée sur la journée du vendredi 24 septembre 1954[18]. Recherchant trace des six observations dans la presse régionale de l’époque, il détermine que les faits rapportés par « Le parisien Libéré » ou « Paris-Presse » ont eu lieu à une autre date que celle du 24 septembre, à l’exception d’une seule observation, incertaine. La théorie orthoténique s’effondre, mais contrairement à ce qui fut longtemps avancé, pas du fait des travaux et des doutes formulés par Vallée qui n’expliquait pas l’alignement de BaVic, mais bien par Jeantheau et Sider. Cette recherche d’un ordre dans le chaos des observations d’ovnis se poursuivra. L’orthoténie continuera longtemps d’être soutenue, sur la foi de savants calculs avant que ne lui soit substituéel’isocélie, théorie qui postulait que les observations d’ovnis se répartissaient dans des configurations en forme de triangles isocèles et qui fut à son tour rapidement invalidée. Le 20 aout 1961, après un échange de correspondances, Michel rencontre Jacques Vallée. Ce dernier fait un fidèle compte-rendu de cette première entrevue. « [19]Cet après-midi, j’ai rencontré Aimé Michel dans son appartement au second étage d’un immeuble qui domine le parc de Vanves, juste au sud de Paris. J’ai à peine aperçu sa femme qui m’a ouvert la porte et s’est timidement enfuie dans l’obscurité du couloir, sans
227 m’adresser la parole. Il me salua et me fit entrer dans son bureau, une chaude petite pièce avec une table surchargée de papier, des piles de livres, des articles en différentes langues et de nombreuses lettres. Des notes étaient épinglées au tissu qui couvrait les murs. Au milieu de cette masse d’informations, était un diable de bonhomme, petit et déformé, qui m’arrivait à peine à la poitrine. Pourtant il rayonnait d’une sorte de beauté inoubliable, une beauté qui venait de l’esprit et de la noblesse de ses yeux perçants ». C’est assurément, à l’image de ce témoignage, une forte impression qu’i laissait à ses interlocuteurs, celle d’un brillant esprit, intellectuellement suractif, mais qui avait su rester accessible et qui demeurait définitivement un homme de débats, d’échanges et de doutes. Plus loin dans son journal, Vallée le décrit encore ainsi : « Aimé est un homme remarquable et dangereux. Son imagination, associée à un sens de l’humour très fin et à un cerveau puissant, l’entraîne en avant un peu trop vite ». Son sens des réseaux et la grande respectabilité dont il jouit vont l’amener à fréquenter des scientifiques importants et proches du pouvoir, comme le physicien Yves Rocard, mais également les responsables du suivi du dossier OVNI, tels que le capitaine Clérouin et certains barbouzes qui lui confirment l’existence de cas extrêmement déroutants dans leurs archives. Il plaidera auprès d’eux pour la création d’un comité scientifique officiel. Le refus de l’Armée lui fait alors penser que les militaires, sans dissimuler pour autant quelque obscur secret, calquent leur politique sur celle de leurs homologues américains avec qui ils débattent dans les années 60, silence et désintérêt apparent. Durant les années 60 et 70, Michel va être l’infatigable rédacteur de très nombreux articles dans des domaines aussi variés que la physique, les rêves, la parapsychologie, le mysticisme, le monde animal et les phénomènes physiques liés aux extases religieuses. Il publie dans un très grand nombre de revues parmi lesquelles, Arts, Sciences et Vie, Tout Savoir, Monde et Vie, Question de, France Catholique, Ecclésia, Archeologia (avec un article sur son village natal, Saint-Vincent les Forts), La vie des bêtes, etc. Dans le domaine de l’ufologie, il publiera notamment dans la Flying Saucer Review, Phénomènes Spatiaux, Recherches ufologiques, et appartient dès 1969 au comité rédactionnel de L.D.L.N.
Mais la rencontre avec Jacques Bergier et avec Louis Pauwels sera déterminante et Michel livrera dès lors ses textes parmi les plus importants à la revue Planète, véritable antichambre du « réalisme fantastique »[20] où publient Rémy Chauvin, Bernard Heuvelmans, Charles Noël Martin, Jean E. Charon, George Langelaan, Raymond de Becker, Gabriel Véraldi, François de Closets, Marc Gilbert, Jacques Mousseau (concepteur de l'émission télévisée Temps X), René Alleau, Henri Laborit, Jacques Lecomte et Guy Breton. Cette revue, créée en 1961 répondait au besoin unanime suscité par le succès phénoménal et inattendu du Matin des Magiciens de Bergier et Pauwels qui défrichait alors « des domaines de la connaissance à peine explorés (…) aux frontières de la science et de la tradition [21]». Ce livre devait être à l’origine d’une vague sans précédents d’engouement pour l'imaginaire, l'irrationnel, la parapsychologie, les extraterrestres et les civilisations disparues. Aimé Michel appartient assurément à cet âge d’or de l’esprit, aujourd’hui défunt.
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En 1992, date de sa disparition, Michel déclarait modestement que tout ce dont il était certain à propos des ovnis tenait aisément sur un timbre poste. Plus de quinze années plus tard, il semble que nous en soyons toujours au même point.