L'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad Bilan etperspectives
Sous la direction de Djamshid Assadi Groupe Ecole Supérieure de Commerce Dijon- Bourgogne
Collection l'Iran en transition Dirigée par Ata Ayati
La collection « l'Iran en transition» a pour but de développer le pluralisme dans la culture iranienne et d'apporter un regard objectif sur les aspects économiques, politiques, sociaux et culturels d'un pays en gestation. Cette ambition est devenue, aujourd'hui une nécessité tant du point de vue des faits que du point de vue de la recherche.
L'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad Bilan etperspectives Sous la direction de Diamshid
Assadi
Sommaire Présentation
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Djamshid Assadi. 5 Les conséquences des sanctions économiques contre l'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad Michel Makinsky.. Les entreprises
françaises
35 et les sanctions
contre l'Iran
Kamal Bayramzadeh ... ... La politique de l'Union européenne à l'égard de l'Iran
...
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Paul Sanders Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit rosso-géorgien d'aollt 2008
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Anahita Grisoni .113 La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad : Entre contrôleet clientélisme,parmi public etprivé
Rasoul Namazi Mahmoud Ahmadinejad face aux trois vagues du cyber-politique Une réflexion sur le rôlepolitique d'Internet en Iran
129 iranien:
Djamshid Assadi et Rasoul Namazi Présentation générale des pays islamiques
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Annexe Présenté par ata Ayati
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1- Votes du 1er tour et 2ème tour des élections présidentielles de 2005 2- Discours de Mahmoud Ahmadinejad 61 ème assemblée générale de l'ONU: 19 septembre 2006. Questions Critiques
@ L'Harmattan, 2009 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion. harmattan @wanadoo.fr harmattanl @wanadoo.fr ISBN: 978-2-296-09778-0 EAN : 9782296097780
Présentation 'ouvrage que vous avez entre les mains s'intéresse au bilan de la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, entre le moment où ce quasi inconnu, maire ultraconservateur de Téhéran, devient le président de la république islamique d'Iran en août 20 jusqu'au scrutin de juin 2009, qui peut mettre un terme ou renouveler son mandat. Aujourd'hui, Mahmoud Ahmadinejad n'est plus l'inconnu qu'il fut lors de son élection. Ses provocations l'ont rendu célèbre dans le monde entier: le défi contre l'ONU sur le front nucléaire, la négation de l'Holocauste, le souhait de voir Israël «rayé de la carte», l'envoi des pays occidentaux au rang de «lions dont la crinière et la toison ont pelb>, les projets inspirés de son islam pour gouverner le monde, etc, etc. . . Mais qu'est-ce qu'il a fait pendant cette période de présidence, liant l'anonymat à la célébrité? Le moins qu'on puisse dire c'est que son bilan est bien mitigé. Certes, la flambée des cours de l'or noir a permis à ce «serviteur du peuple» de tenir un discours populiste et même d'injecter massivement le revenu pétrolier dans la société. Mais pendant ce temps, l'inflation s'est envolée et la production a chuté faute de capitaux nationaux qui ont préféré la fuite et des investisseurs internationaux qui se sont repliés. Le chômage a fait des ravages. Le pays s'est isolé sur la scène internationale et s'est vu surtout visé non seulement par les sanctions, mais également par les menaces d'attaque contre ses installations nucléaires. Les différents aspects du bilan de la présidence de Mahmoud Ahmadinejad sont abordés et analysés par les auteurs de cet ouvrage. Djamshid Assadi, professeur et chercheur au groupe «école supérieure de commerce de Dijon », analyse les impacts des sanctions économiques sur l'économie et la société iraniennes. Dans son article, «Les conséquences des sanctions économiques contre l'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad », il montre comment, à la suite des politiques anti-productives et des prises de position provocatrices de Mahmoud Ahmadinejad, les sanctions, d'abord américaines, ensuite internationales, ont affecté l'économie iranienne: abandon des projets industriels à cause du retrait des investisseurs, pénurie de certains
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Présentation
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produits comme médicaments et pièces détachées, explosion de l'inflation, augmentation des coûts d'importations, détérioration de l'emploi et élargissement de la pauvreté. Michel Makinsky, Chargé d'enseignement à l'Ecole Supérieure de Commerce et de Management de Poitiers (ESCEM) et Conseiller Scientifique à l'Université de Liège, propose une analyse complémentaire qui étudie l'impact des sanctions non pas sur l'Iran, mais sur les entreprises françaises. A travers sa contribution « Les entreprises françaises et les sanctions contre l'Iran », il étudie en fait le champ libre que l'Amérique, en s'interdisant l'accès au marché iranien, laisse aux entreprises des autres pays, et notamment les entreprises françaises. Djamshid Assadi et J\vlichel Makinsky analysent en fait les deux faces d'un paradoxe bien inquiétant: s'il est vrai que les sanctions coûtent bien cher à l'économie iranienne, elles ne sont pas sans dommages pour l'économie des pays qui les infligent. Les entreprises de ces derniers ne souhaitent par ailleurs pas que leur pays prolongent les sanctions notamment pendant cette période de crise. La République islamique en connaissance de cause, va-t-elle en profiter pour casser le dynamisme ou au moins l'étendue des sanctions internationales et par de même persister dans son défi à l'encontre du monde? C'est une question fondamentale à laquelle la communauté internationale ne peut pas être indifférente, surtout si l'élection présidentielle de juin 2009 en Iran accorde un deuxième mandat à Mahmoud Ahmadinejad. La détérioration de la place de l'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad ne se limite pas aux relations économiques. Les relations politiques et diplomatiques n'ont pas été moins affectées. Kamal Bayramzadeh, chargé d'enseignement en relations internationales à Paris, présente une analyse détaillée des relations entre l'Europe et l'Iran notamment depuis 1992, marquées à la fois par des tentatives et des difficultés de normalisations: « La politique de l'Union européenne à l'égard de l'Iran ». Selon l'auteur, dans le cadre du « dialogue critique », auquel les États-Unis opposaient celui du « dialogue global », rUE avait demandé à l'Iran, lors de l'arrivée au pouvoir du président réformateur Mohammad Khatamie ou même lors des négociations relatives au dossier nucléaire, de réformer son système économique et politique afin d'avoir des relations stables, voire institutionnalisées. Les négociations n'avaient pas abouti, mais elles continuaient. Toutefois, depuis l'arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad, les relations se sont considérablement dégradées, notamment à la suite de la reprise de l'activité nucléaire.
L'Iran sous la présidance
de M. Ahmadinejad
La république islamique avait longtemps capitalisé sur l'Europe pour faire face aux États-Unis; puis sur la Chine et la Russie, a6n de résister aux sanctions américano-européennes notamment à la suite des tensions relatives à l'enrichissement de l'uranium en Iran. Or, ce pari n'a pas empêché la Chine et la Russie de voter les sanctions au Conseil de sécurité. Paul Sanders, professeur et chercheur au groupe ESC Dijon, étudie justement la place que la République islamique occupe au sein de la politique étrangère de la Russie dans son article « Les relations Russie, Occident et Iran au miroir du conflit rosso-géorgien ». Pour Paul Sanders la gestion diplomatique de ce conflit, survenu en août 2008, alla à l'encontre des craintes occidentales et des espoirs iraniens: en dépit de leur rivalité géopolitique, l'entente Occident-Russie sur le dossier iranien n'est pas sujette à une potentialité de scission. Anahita Grisoni, et Rassoul Namazi, tous les deux doctorants à l'École des hautes études en sciences sociales, s'intéressent à la vie sociale en Iran et à ses évolutions pendant les dernières années. La contribution d'Anahita Grisoni, « La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura sous la présidence de Mahmoud l\hmadinejad: entre contrôle et clientélisme, parmi public et privé », étudie la célébration d'Ashura, évènement fortement symbolique dans la tradition chiite. Cette manifestation religieuse, participant aussi à la mise en place d'une cohésion sociale autour de la 6gure de l'Imam martyr, avait toujours joué un rôle de contestation politique sous le Shah et de combat symbolique contre les armées de Saddam Hussein pendant la guerre Iran/Irak. Or, Anahita Grisoni constate que le gouvernement tend aujourd'hui à limiter la visibilité des manifestations, représentant le mythe fondateur de l'Islam chiite, sur l'espace public. En fait, même si les festivités sont toujours organisées et menées par les membres des confréries religieuses des réseaux professionnels ou de quartiers, elles ne sont pas moins le lieu de rencontre entre différents types de population et surtout jeune. Le style des jeunes gens est loin de ressembler aux membres déftlant des confréries: alors que ces derniers font montre d'une virilité survalorisée, la mise des jeunes garçons tend à se féminiser. Ce contraste d'un couple de contraires, ne révèle-t-il pas la société en gestation de l'Iran? Dans sa contribution, intitulée « Mahmoud Ahmadinejad face aux trois vagues du cyber-politique iranien: Une réflexion sur le rôle politique d'Internet en Iran », Rassoul Namazi, l'autre auteur doctorant de cet ouvrage, étudie la vie politique sur Internet, de même que le dynamisme de l'espace politique iranien sur Internet. A cet égard, il évalue les trois vagues politiques du cyber espace en Iran, le cyber-
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Présentation
politique iranien, les blogs individuels et les communautés virtuelles, afm de mesurer la réaction du régime islamique à l'essor d'Internet politique en Iran. La dernière contribution de l'ouvrage, proposée par Djamshid J\ssadi et Rassoul Namazi, « Présentation générale des pays islamiques », englobe plusieurs tableaux statistiques sur l'état de la performance des pays islamiques en ce qui concerne la richesse, l'inflation, le chômage, l'attractivité pour les investissements étrangers, l'état de la corruption, la démocratie, les niveaux de liberté, l'égalité des sexes, etc. Djamshid Assadi Paris, mai 2009
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Les conséquences des sanctions économiques contre l'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad1 Djamshid Assadi Professeur au Groupe ESC - Bourgogne, Chercheur au CEREN
Résumé productif/es
Dès le lendemain de son élection, les décisions bien populistes, mais fort antidu Président Président Mahmoud Ahmadinejad ont si gravement atteint
l'économie du pays qu'e!!es ont provoqué une levée de bouclier de fa part même des hauts digmfaireJ religieux et de ses alfiés. Les politiqllCs et les prises de positions provocatrices ont en plus causé des Janctions économiques de la part de plusieur.f payJ et instances internationales contre !7ran.
Cet ar.ticle vise à évaluer leJ conséquenceJ de ces sanctions sur l'économie et la
société iraniennes. Mots clés: 5 anctionJ économique, Mahmoud
Ahmadinejad,
résolutions, Conseil de sécurité
Summary The day after his election, the populist, Mahmoud
Ahmadinejad
but anti-productive decisions of President have so badly damaged tbe country'J economy that they cauJed even a
hardening of attitudes on the part of the senior cleric.r and its allin Provocative policies and bave also caused economic sanctionJ from JelJeral countrieJ and international
pOJitions
organizations against I ran. This article aimJ to asseJS the consequenceJ of such Janctions on the economy and society in Iran. Key words: Economic sanctionJ, Mahmoud Ahmadinejad, reJolutiom, 5 erurity council
J Dans la rédaction du présent article, l'auteur a bénéficié des remarques de plusieurs amis experts. Pour des raisons évidentes, je ne peux pas les remercier nominalement. Qu'ils soient ainsi congratulés parce que cet article doit beaucoup à chacun d'entre eux. Je suis toutefois le seul responsable des opinions exprimées.
Dj. Assadi
e 6 août 2005, Mahmoud Ahmadinejad a été élu Président de la République d'Iran. Dès le lendemain de son élection, ses décisions bien populistes, mais fort anti-productives, ont si gravement atteint l'économie du pays qu'elles ont provoqué une levée de bouclier de la part même des hauts dignitaires religieux de Qom, de ses alliés au sein du parlement et d'autres institutions de l'État. Malgré la gravité de leurs retombées néfastes sur le plan national, cet article ne cherche pas à examiner les politiques économiques du président Mahmoud Ahmadinejad pendant son premier mandat allant de 2005 à 2009. Cela sera fait à une autre occasion. Cette étude vise en revanche à évaluer les conséquences des sanctions économiques internationales à l'égard de l'Iran, à la suite de la montée en puissance d'un courant radical et partisan au retour aux valeurs initiales de la révolution islamique, qui a, d'abord, porté au pouvoir Mahmoud J\hmadinejad, et déclenché par la suite une politique de provocation à l'égard du monde entier. Ceci a porté des coups sévères à l'économie nationale iranienne. La politique révolutionnaire de la République islamique qui, aux yeux de plusieurs pays dans la région mais aussi dans le monde était jugée comme radicale et source de tension, a très rapidement provoqué des sanctions contre le pays. J\U début, elles étaient surtout politiques et' visaient à restreindre ou pratiquement mettre fin aux relations diplomatiques avec l'Iran. Les États-Unis ont été le premier et, pendant longtemps, le seul pays qui a étendu les sanctions du domaine politique à l'économique. Cependant, à la suite de l'avènement de Mahmoud Ahmadinejad qui, contrairement à son prédécesseur, a mis en œuvre une politique de provocation dans les relations internationales, le Conseil de Sécurité des Nations unies a voté, pour la première fois dans l'histoire, trois résolutions comportant des sanctions contre l'Iran. De même, la politique inconciliable du Président d'« équité et de bonté» a fmalement conduit l'Union européenne à décider de manière indépendante des sanctions contre l'Iran. A travers ce qui suit, nous recherchons à analyser les retombées des sanctions décidées par, tour à tour, les États-Unis, le Conseil de sécurité des Nations Unis, l'Union européenne et les autres pays sur la situation économique et sociale de l'Iran.
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Les conséquences
Les sanctions
économiques
des sanctions économiques
des États-Unis
contre
contre l'Iran
l'Iran.
Longtemps avant les Nations unies, les États-Unis avaient décidé des sanctions économiques contre la République islamique. Cependant, contrairement à l'opinion répandue, ces sanctions n'avaient pas été motivées par la victoire de la révolution et la substitution du système monarchique «ami» par un ordre révolutionnaire «ennemi ». Car, même après le transfert du pouvoir en Iran, l'ambassade des EtatsUnis existait toujours dans ce pays. La prise d'otage des employés de l'ambassade américaine à Téhéran en novembre 1979 n'a pas été non plus à même d'arrêter les relations diplomatiques entre les deux pays. Ce n'est que sept mois après cet événement, en avril 1980, que les EtatsUnis ont suspendu leurs relations diplomatiques avec l'Iran, sans qu'il soit encore sérieusement question de sanctions économiques. On peut même afftrmer que l'animosité, du moins dans les slogans et les prises de positions, a commencé de la part du régime révolutionnaire islamique. Par exemple, lorsque la question de nombreux contrats, grands ou petits, signé avant la révolution, n'avait pas encore trouvé de réponse, la République islamique a annoncé son intention de vouloir rapatrier les fonds détenus par l'Iran aux Etats-Unis. Jimmy Carter, Président américain de l'époque, a réagi en ordonnant le gel de tous les avoirs de l'Iran dans les banques américaines et leurs succursales dans des pays tiers. Il semble que la recherche d'une solution relative à cette décision aurait joué un rôle déterminant dans la libération des otages de l'ambassade américaine2. Après la libération des otages, bien que les avoirs iraniens ont été libérés, un milliard de dollars a été placé dans un compte de garanti auprès de la banque centrale de la Grande-Bretagne. Cette somme était considérée comme un fond de garanti de dédommagement, au cas où le tribunal spécial destiné à examiner les plaintes des citoyens et des sociétés américains, ordonnerait la condamnation de la République islamique. Sept ans après la prise d'otage, alors que l'ayatollah Khaménéi, actuellement guide de la République islamique, était président de l'Iran entre 1981 et 1988, Ronald Reagan, Président des Etats-Unis, a ordonné le 29 octobre 1987, suite à l'accusation portée à la République islamique
2. Hachémi Mohsen (2006), Bilan d'action et mémoires de Hachémi Rafsandjani, année 1984, vers le destin, bureau de diffusion des connaissances de la révolution, p. 387, cité par la Radio de l'Amérique.
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concernant son soutien au terrorisme international, le blocus de certains produits importés d'Iran. Pendant huit ans, le niveau des sanctions est resté insignifiant. Bill Clinton, alors Président des Etats-Unis, au nom de la défense de la sécurité nationale, a relevé le 6 mai 1995, le niveau des sanctions empêchant les sociétés américaines de toute transaction ou participation dans les contrats fmanciers concernant les industries du pétrole et du gaz en Iran. En vertu de cette loi, la société américaine Conoco fut obligée d'annuler son contrat de 550 millions de dollars pour la prospection du champ pétrolifère de Siri et laissa la place à la société française Total. Hachémi Rafsandjani, actuellement le président du collectif du discernement du pays, était alors le président de la République (1989-1997). En 1996, le congrès américain, approuvant un projet de loi présenté par le sénateur D'Amato, appelé par la suite « loi D'Amato », interdit tout investissement de plus de 40 millions de dollars dans les industries de pétrole de gaz de l'Iran et de la Libye. Un an plus tard, ce montant fut ramené à 20 millions de dollars. Selon cette loi, les ÉtatsUnis pouvaient sanctionner même les sociétés non américaines ayant des transactions supérieures à 20 millions de dollars avec l'Iran. Cependant, en dépit de ces prescriptions, de nombreuses sociétés européennes et asiatiques ont poursuivi leurs investissements en Iran. Selon un rapport du centre des recherches du congrès américain, de 1999 à 2007, plus de cent milliards de dollars d'investissements étrangers ont été effectués dans le secteur énergétique de l'Iran par des sociétés tel que Total de France, Royal Dutch Shell, Ani d'Italie et Inpex de Japon. A la suite de l'avènement du gouvernement réformateur de Mohammad Khatami (1997-2004), Bill Clinton, toujours Président en Amérique, diminua l'intensité du blocus économique et autorisa le 17 mars 2000 l'importation aux Etats-Unis des tapis, des produits agricoles, des fruits secs et du caviar iranien. L'arrivée à la présidence des États-Unis du jeune George Bush et, en particulier, de Mahmoud Ahmadinejad en Iran, les relations entre les deux pays se sont caractérisées par l'affrontement de deux approches extrêmes et le blocus économique américain contre l'Iran s'est renforcé de nouveau. Les prises de positions belliqueuses à l'égard d'Israël et contraires aux intérêts nationaux par le Président iranien ont conduit le comité des affaires publiques des États-Unis et d'Israël, un lobby extrêmement puissant aux Etats-Unis, de faire pression sur les fonds de
Les conséquences
des sancÙons économiques
contre l'Iran
pension américains, détenteurs d'importants fonds d'invesùssements, de ne pas invesùr dans les sociétés actives en lran3. Yers la ftn de l'année 2005, le ministère de la jusùce américain entreprit des invesùgaùons importantes relaùves aux invesùssements de certaines banques internaùonales en Iran en infracùon des disposiùons légales américaines. C'est dans ce cadre, que la banque hollandaise ABN 1\mro, fut condamnée à 80 millions de dollars d'amende en raison de certaines transacùons incompaùbles avec l'Iran à travers son succursale de Dubaï. Il est à noter que la supervision des sancùons économiques américaines contre l'Iran s'effectue principalement par le bureau de contrôle des biens des étrangers (Office of Foreign Assets) dépendant du ministère du Département de trésor des États-Unis. Le Département du trésor américain a entrepris par la suite des sancùons multilatérales4 contre les insÙtuÙons ftnancières iraniennes et déclara illégale toute transacÙon avec elles: la Bank Saderat d'Iran en septembre 2006 et la Banque Sépah, cinquième établissement ftnancier public de la République islamique en janvier 2007. et sa succursale londonienne 5. Le premier établissement était d'accuser de souùen ftnancier et de transfert de fonds au proftt du Hezbollah du Liban et de Hamas dans les territoires palestiniens. Le second était coupable de collaboraùon avec les industries militaires et de fabricaùon de missiles, de même que de transacÙons ftnancières pour le compte de l'Organisaùon des industries aéronautiques et aérospaùales de l'Iran et de collaboration avec deux groupes industrielles, Chahid Hemmat et Chahid Bakeri, tous deux liés à l'Organisaùon menùonnée et actifs dans le programme iranien de fabricaùon de missiles. Le Département de Trésorerie des États-Unis, sous prétexte que la République islamique d'Iran souùent ftnancièrement les groupes armés islamiques tels que le Hamas et le Hezbollah, a fait remarqué aux banques internaùonales et aux grandes compagnies que toute coopéraùon économique avec la République Islamique et tout invesùssement en Iran équivaudraient à des infracùons contraires aux résoluùons des Naùons unies et mettraient en grand danger leurs auteurs.
3. Sallier Pierre-Alexandre
(2007), le « prix de la peur}} lié à l'Iran pousse
63 dollars. La Tribune, mardi 29 mars. 4. Selon le rapport de la BBC du 15.01.2007, d'Iran. 5. Les Etats-Unis 2007.
ont boycotté
la Banque
le sponsor
le brut à plus de
français a boycotté
Sépah. Le site Internet
le Pars Sud
de BBC, mardi 9 janvier
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Cependant, les contacts entre les autorités iraniennes et américaines pour résoudre la question des sanctions et les relations économiques bilatérales n'ont jamais été totalement rompus. En guise d'exemple, au mois de janvier 2008, une semaine avant la réunion du Groupe d'Action Financière (FA TF), des autorités officielles américaines, parmi lesquelles le vice-ministre du Département de Trésor se sont entretenus, à Paris, avec certaines autorités publiques iraniennes et des représentants de la Banque Centrale de la République islamique, au sujet des transactions ftnancières à caractère terroriste et des sanctions ftnancières. Le Groupe d'Action Financière composé de 34 membres et dont le siège se trouve à Paris, a pour mission de lutter contre la circulation de fonds terroristes, la corruption ftnancière et le blanchiment. Au cours de ladite réunion, les autorités iraniennes ont tenté d'empêcher toutes actions punitives à l'égard des banques iraniennes. Cependant, dans la déclaration d'octobre 2007 du Groupe d'Action Financière, les actions de l'Iran en matière de blanchissement et d'aide fmancière aux organisations terroristes ont été considérées comme un danger sérieux à l'égard du système ftnancier des autres pays et c'est la raison pour laquelle il fut demandé à tous les pays du monde de mettre un terme à leurs relations fmancières avec les organismes iraniens. En même temps, l'Iran a été mis en garde qu'il sera placé sur la liste noire en cas de non collaboration dans la lutte contre le blanchiment d'argent et de la circulation fmancière des organisations terroristes. La déclaration du Groupe d'Action Financière a présenté l'Iran comme un pays peu sûr dans la circulation d'argent et conduisit ce dernier vers de sérieuses difficultés fmancières dans ses échanges6. En plus des institutions fmancières, le Département de Trésor américain a boycotté quatre sociétés iraniennes au mois de juillet 2008 : les industries Chahid Sattari, Haft Tir, le groupe industriel Mohemmat et Métallurgie et les industries chimiques Partchin pour leur collaboration avec le programme atomique et de fabrication de missiles de l'Iran et interdit aux sociétés américaines toutes transactions avec lesdites sociétés iraniennes. Cette décision a rendu possible le blocage des avoirs éventuels des sociétés iraniennes aux États-Unis. Outre les sociétés, Messieurs Davoud Agha Djafari, Mohsen Hodjdjati, Mehrdad Akhlaghi, Kétabtchi et Nasser Maléki, les autorités en relation avec les sociétés
6. Les autorités iraniennes et américaines se sont rencontrées à Paris. Radio Farda, diffusé le 16.02.2008. http://www.radiofarda.com/Article /2008/02/16/ f4_Iran_ US_meet.html.
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
intervenant dans les secteurs atomique et de fabrication de missiles d'Iran, ont été considérés comme objets de boycottl. Les effets du blocus économique américain n'ont pas marqués uniquement les relations bancaires et d'assurance entre la République islamique et les autres pays du monde mais ont également eu des répercussions profondes dans les secteurs du pétrole et du gaz en Iran. Par exemple, le gouvernement américain a établi le mardi 31 juillet 2007 le projet de boycott contre les sociétés étrangères investissant dans le secteur énergétique de l'Iran. Établissant une liste des sociétés étrangères avec des investissements dépassant 20 millions de dollars dans les industries du pétrole et du gaz iraniennes, il a annulé touts les participations de la part des sociétés privées et des fonds de pensions dans les sociétés en infraction8. Ce projet a rendu plus difficile l'attrait de l'investissement étranger dans le secteur du pétrole et du gaz pour la République islamique9. Les sanctions économiques américaines ont entraîné d'autres conséquences néfastes pour l'Iran. Par exemple, il fut décidé, dans le cadre de transfert du pétrole et du gaz de l'Asie centrale avec le marché mondial de l'énergie, de ne pas faire passer les oléoducs par l'Iran, pourtant le chemin le plus sûr, le plus court et le plus économique, mais de préférer le circuit Bakou-Géorgie-Djeyhan. La perte de cette opportunité a non seulement mis en danger la situation stratégique de l'Iran, par le contournement des oléoducs mais également provoqué une perte d'au moins un milliard de dollars de droits de transit par an. Au début, bien que les sanctions prises par un pays riche et puissant comme les États-Unis, ont été lourdes de conséquences pour l'Iran, elles n'étaient mises en place que par un seul pays et n'avaient donc pas encore un caractère international. Cedi permettait souvent à la république islamique de trouver des voies de les contourner. Selon le rapport du centre des recherches du congrès américain, plus d'un milliard de dollars d'investissements étrangers ont été effectuées de 1999 jusqu'en 2007 par des sociétés tel que Total de France, Royal Dutch Shell, 7. Le site Internet
de BBC en langue persane
(2008), Quatre
sociétés
iraniennes
visées par
les nouveaux boycotts américains, mardi 8 juillet 2008. 8. Le site web de Radio Farda (USA) en langue persane, projet du congrès des représentants des Etats-Unis pour renforcer la pression économique sur l'Iran, diffusé le le< août 2007. www.radiofarda.com. 9. Il est à noter que le sénateur Barak Obama, candidat du parti démocrate lors des élections présidentielles américaines qui, en 2008 était parmi les signataires de ce projet, l'a qualifié, dans une déclaration, comme un pas en avant pour empêcher l'Iran à accéder aux armes nucléaires.
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Dj. Assadi
1\ni d'Italie et Inpex de ]aponl0. Or, à partir du moment où l'Agence Internationale de l'Energie Atomique annonça en 2003 que la République islamique essaie clandestinement de fabriquer un combustible qui pourrait être utilisé dans la fabrication d'armement nucléaire, la situation se modifia. Les États-Unis ont réussi progressivement à entraîner la société internationale dans sa gironde pour la mise en œuvre de sanctions contre l'Iran. Parallèlement, le comportement révolutionnaire et provocateur du président Mahmoud .Ahmadinejad a semé l'inquiétude et la méfiance au sein de la société internationale à l'égard des politiques de la République islamique. Les sanctions économiques unies contre l'Iran.
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du Conseil
de Sécurité
des Nations
Avant que le conseil de sécurité des Nations unies, en tant que représentant de la société internationale, promulgue des sanctions économiques, de nombreuses occasions furent données à la République islamique d'Iran pour résoudre la crise de l'enrichissement de l'uranium dans le sens de ses intérêts nationaux ou du moins de celui de l'atténuement de la crise répandue à l'échelle internationale. Sous le gouvernement réformateur de Mohammad Khatami, la probabilité de régler le dossier nucléaire iranien dans le cadre de la préservation des intérêts des deux partis, a été grande. Or, l'avènement de la tendance fondamentaliste avec comme Président de la République Mahmoud Ahmadinejad, relança la crise. Après l'arrivée de Mahmoud Ahmadinejad au pouvoir, la réunion de la dernière chance pour trouver une solution diplomatique, fut celle, extraordinaire, des chefs d'État, le samedi 4 février 2006, qui laissa un délai d'un mois à la République islamique pour répondre aux inquiétudes du monde quant à ses activités nucléaires; ou accepter en cas du non-alignement l'alternative sans équivoque: la soumission du dossier nucléaire iranien au conseil de sécurité des Nations unies. Le gouvernement de Ahmadinejad perdit cette occasion sans état d'âme. Elle n'était toutefois pas la seule. Dès la décision de la réunion des chefs d'État, la Russie, conseiller et principal intervenant dans les activités atomiques d'Iran, proposa que l'Iran poursuive de
10. Le site web
de Radio
Farda
(USA)
représentants des Etats-Unis pour renforcer 1" août 2007. www.radiofarda.com.
en langue la pression
persane,
projet
économique
du congrès
des
sur l'Iran, diffusé le
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
manière indépendante l'enrichissement de l'uranium sur le sol russe. Cette proposition fut également rejetée par la République Islamique qui rejeta, par de même, le pack des propositions européennes en juillet 2006 et a en plus fait fi du délai accordé par les Nations unies en vue de suspension de l'enrichissement, dont la date buttoir était fixée au mois d'août 2006. Dès cette date et en particulier après le rapport fourni par Mohamed El Baradei, Directeur de l'Agence, le Conseil de sécurité vota au moins d'une résolution par an contre la République islamique. Les sanctions du conseil de sécurité contre la République islamique ont été gtaduelles, chaque fois une occasion était laissée aux dirigeants de la République islamique de faire baisser les tensions avec la communauté internationale. Au début, le président du conseil de sécurité, dans une déclaration datée du 29 mars 2006, demanda à la République islamique d'accepter les décisions de l'Agence internationale. Face à l'indifférence de la République islamique, la première résolution du conseil de sécurité fut votée: la déclaration nunméro 1696 datée du 31 juillet 2006. Elle n'était toutefois pas une sanction, mais un avertissement. L'intransigeance résolue des dirigeants iraniens sous la présidence d'Ahmadinejad a fait de sorte que toute résolution décidée contre l'Iran à partir de cette date-là, comportait des sanctions. Il est à noter qu'en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies, le conseil de sécurité a averti l'Iran et prévu des sanctions. Cet article fait référence à des actions qui mettent en danger la paix mondiale. Pour faire face à ces menaces, l'article 40 du chapitre VII demande aux intéressés de changer de comportement. L'article 41 prévoit des sanctions non militaires et dans le cas où ces sanctions s'avéreraient inefficaces, l'article 42 prévoit une action militaire. Finalement, sur la base de l'article 41 du chapitre VII, le conseil de sécurité s'est amené à voter trois résolutions, 1737 (23 décembre 2006), 1747 (24 mars 2007) et 1803 (3 mars 2008) contre l'agissement de la République islamique sur la scène internationale et à prévoir des sanctions économiques à son égard. Pour mieux comprendre les sanctions prévues par le conseil de sécurité, il convient de distinguer les sanctions commerciales des sanctions économiques. La raison des sanctions commerciales est économique, tandis que les sanctions économiques, bien qu'elles englobent également les relations commerciales, sont principalement d'ordre politique et peuvent même viser les transactions bancaires et financières de quelques citoyens ou des sociétés particulières ou
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Dj. Assadi
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l'ensemble des citoyens d'un pays et la totalité de ses entreprises!!. Les sanctions du conseil de sécurité prises à trois reprises contre la République islamique sont toutes d'ordre économique et peuvent théoriquement englober différents domaines tels que la limitation des exportations et des importations d'une ou de plusieurs marchandises ou interdire toute relation commerciale avec l'Iran. Ces sanctions sont également appelées des sanctions intelligentes parce qu'elles cherchent à mettre sous pression les responsables du pays fautif sans priver la population des moyens de satisfaction de ses besoins vitaux. Du point de vue historique, le principe des sanctions intelligentes remontent aux réunions qui ont eu lieu en 2001 en Suisse avec la participation des représentants des secteurs privés, publics et des délégués des Nations unies. Les conclusions de cette réunion consistaient à faire en sorte que les sanctions économiques ne visent pas l'ensemble d'une nation mais uniquement certaines personnes ou entreprises. La réunion connue sous l'appellation de Bonn-Berlin tenue après celle de Suisse, a ajouté la restriction des visas accordés et du voyage des personnes et des sociétés mises en accusation à la liste des sanctions intelligentes. Les échanges se poursuivirent en 2003 en Suisse pour ajouter des restrictions de déplacements des responsables civils ou militaires du gouvernement fautif de même que celle des équipes sportives et culturelles dans certains cas aux sanctions intelligentes. Revenons à la question des sanctions économiques contre l'Iran. La résolution 1737, première résolution punitive du Conseil de sécurité contre la République islamique, approuvée le 23 décembre 2006, n'a pas décidé de blocus contre les matières alimentaires et les nécessités quotidiennes de la population. Elle a uniquement demandé aux pays du monde de ne pas de ne pas livrer à l'Iran des matériaux et des techniques pouvant contribuer au programme nucléaire et de fabrication de missiles à l'Iran. Elle a frappé de restrictions et de manière précise certains établissements et des personnes en lien avec le programme nucléaire tranlen.
11. Cole, Pearle M. (2008), United States Unilateral
SancÜons: A soft Approach
with Hard
Consequences, Thesis in partial fulfillment of requirements toward a Master of Arts degree in InternaÜonal Relations and Diplomacy to the Graduate School of Sscruller International University.
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
Tableau n° 1 - Les sociétés et autorités de la République islamique frappées de sanctions par la résolution 1737 du Conseil de sécurité des Nations unies Sociétés du nucléaire
faisant partie programme
1. Organisation de l'énergie atomique d'Iran 2. Société énergétique Mesbah 3. Cala Electric 4. Société Pars Tarash 5. Technic Farayand 6. Organisation des industries de défense 7. Société Haft Tir appartenant à l'Organisation des industries de défense Sociétés faisant partie 1. Organisation des industries aéronautiques et du programme de aérospatiales missiles balistiques 2. Groupe industriel Chahid Hemmat 3. Groupe industriel Chahid Bagheri 4. Groupe industriel Fadjr Personnes impliquées 1. Mohammad Ghannadi, adjoint des affaires dans le programme de recherches et de développement de nucléaire l'Organisation de l'Energie ~Atomique d'Iran 2. Bahman Asghari, directeur opérationnel 3. Davoud Aghadjani, directeur du projet PFEP à Natanz 4. Ehsan Monadjdjemi, directeur du projet de fabrication à Natanz 5. Djafar Mohammadi, conseiller technique de l'Organisation de l'Energie Atomique d'Iran 6. Ali Hadji Nia Leylabadi, directeur général de la société énergétique Mesbah 7. Mohammad Mehdi Néjadnouri, recteur de l'université de la technologie de défense Malék Ashtar 8. Yahia Rahim Safavi, commandant en chef de l'armée des Pasdarans Personnes impliquées 1. Hassan Salimi, commandant des forces dans le projet de aériennes fabrication des 2. Ahmad Vahid Dastdjerdi, directeur de missiles balistiques l'organisation des industries aéronautiques et aérospatiales 3. Rézagholi Esmaili, directeur du service
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Dj. Assadi
commercial et des affaires internationales de l'Organisation des industries aéronautiques et aérospatiales 4. Mortéza Bahmaniar, directeur du service fInancier et budgétaire de l'Organisation des industries aéronautiques et aérospatiales 5. Yahya Rahim Safavi, à l'époque commandant en chef de l'armée des Pasdarans
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Suite à la résolution 1737 votée par le conseil de sécurité des Nations unies, certaines banques européennes ont mis en place des restrictions pour des transactions en dollar avec l'Iran. La République islamique essaya de contourner cette diffIculté en remplaçant le dollar par l'euro. Cette politique aggrava les diffIcultés pour les commerçants iraniens qui devaient dès lors, pour le transfert des fonds, dans le cadre de leurs transactions avec les sociétés européennes, d'utiliser les services d'une tierce banque située dans un autre pays. Cela exigeait des frais supplémentaires. D'autres commerçants ont tenté de contourner les restrictions en passant par Dubaï et d'y trouver un associé. Mais, comme il sera indiqué plus loin, cela ne fut pas possible. Suite à l'aggravation du blocus économique contre l'Iran, les sociétés iraniennes furent privées de la possibilité de s'enregistrer dans les Emirats et leurs activités se réduisirent 12. Par ailleurs, face à ces restrictions, de nombreux commerçants européens de mettre un terme au commerce avec les Iraniens ou seulement sous forme de cash. L'indifférence afflchée par la République islamique à l'égard de cette première résolution conduisit le conseil de sécurité à adopter au mois de mars 2007 une seconde (1747) qui comprenait une liste plus longue que la précédente: une seconde série d'entreprises et de responsables en liaison avec les programmes nucléaires et de fabrication de missiles, de même que plusieurs membres de haut rang de l'armée des gardiens.
12.Le site web de Deutsche
Welle en langue persane
avec les Etats-Unis dans le blocus de l'Iran, Interview Bavandpour, 6 septembre.
(2007), La coopération avec Djamchid
des Emirats
Assadi par Behnam
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
Tableau n 2: Sociétés et personnalités frappées de restriction résolution 1747 du conseil de sécurité des Nations unies
par la
Sociétés relevant du 1. Groupe industriel Metallurgie va programme nucléaire Mohémmat (Organisation des industries de défense, AMI C) 2. Centre de production et de recherche du combustible nucléaire d'Ispahan 3. Centre de technologie nucléaire d'Ispahan (Organisation de l'Energie Atomique) 4. Société Kavoshyar (Organisation de l'Energie Atomique) 5. Centre des recherches nucléaires de Karadj (Organisation de l'Energie Atomique) 6. Société énergétique Novine (Organisation de l'Ener .e Atomi ue Sociétés relevant du 1. Industries chimiques Partchine programme de (Organisation des industries de défense) 2. Groupe industriel Moushak Krouz fabrication de missiles balistiques 3. Groupe industriel Sanam (Organisation des industries aériennes Sociétés appartenant à 1. Industries aéronautiques Ghods 2. Société des services aériens Pars l'armée des Gardiens 3. Industries aéronauti ues Choa Institutions bancaires 1. La Banque Sépah et la banque et financières internationale Sé ah Personnes intervenant 1. Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi, savant de dans le programme haut rang au ministère de la Défense nucléaire 2. Fereydoun Abbassi-Davani, savant de haut rang au ministère de la Défense 3. Seyyed Djabbar Safdari, directeur des installations d'enrichissement de Natanz 4. Amir Rahirni, directeur du centre de recherches et de fabrication de combustible nucléaire d'Ispahan 5. Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi, ancien directeur du centre de recherches physiques dont Téhéran a empêché son interview avec .e Atomi ue l'A ence internationale de l'Ener
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Dj_ Assadi
Personnes intervenant dans le programme de fabrication de missiles balistiques
Autorités de des Gardiens
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l'armée
Autorités bancaires financières
1_ Mohsen
Hodjati,
industriel Fadjr 2_ Mehrdad Kétabtchi,
directeur
du
directeur
groupe
du groupe
industriel Chahid Bagheri 3_ Nasser Maléki, directeur du groupe industriel Chahid Hemmat (missiles Chahab 3) 1_ Mortéza Rézaï, vice-commandant de l'armée 2_ Ali Ahmadian,
commandant
de l'état-major
unifié 3. Mohammad Zahédi, commandant des forces terrestres 4. Mortéza Saffari, commandant de la marine 5. Mohammad Hedjazi, commandant des forces de résistance Bassidj 6. Ghassem Soleymani, commandant de l'armée Ghods 7. Bagher Zolghadr, général de l'armée et adjoint de sécurité du ministère de l'Intérieur et 1. Ahmad Derakhshandeh, directeur de la banque Sépah
La résolution 1803 du conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies aggrava les sanctions commerciales contre la République islamique, demandant aux États d'être plus vigilants dans l'octroi de crédits et de facilités commerciales de leur secteur privé dans le cadre des relations commerciales avec l'Iran en particulier concernant les produits, marchandises, équipements et technologies pouvant avoir un double emploi et utilisables dans le programme nucléaire et de fabrication de missiles. Quant à la coopération entre les établissements ftnanciers de ces pays avec les banques iraniennes, plus particulièrement avec les banques Saderat et Melli et leurs succursales à l'étranger, ces États étaient appelés à une plus grande vigilance et de mettre en place des restrictions quant aux déplacements et des transactions avec l'étranger d'autres citoyens iraniens ainsi que les entreprises de ce pays. En outre, la résolution 1803 a, pour la première fois, permis aux États, dans leurs ports et aéroports, de procéder à la perquisition de navires ou d'avions iraniens soupçonnés de transporter des produits et équipements prohibés. Elle a également missionné le directeur général de l'Agence Internationale de l'Énergie
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
Atomique de préparer et de remettre au Conseil de sécurité, dans un délai de quatre-vingt dix jours, un rapport sur les mesures prises par l'Iran pour suspendre le processus d'enrichissement de l'uranium. Comme les deux précédentes, la résolution 1803 était basée sur le chapitre VII de la charte de l'Organisation des Nations unies en liaison avec la menace contre la paix et la sécurité mondiale. Par conséquent, son application était et reste obligatoire pour les pays membres des Nations unies. Ainsi, dans le cas où la République islamique ignore les exigences formulées par la résolution du Conseil de sécurité, ses membres se réservent le droit de prendre d'autres mesures à l'encontre de ce pays. Tableau n 3: Les sociétés et autorités de la République islamique faisant objets des sanctions en vertu de la résolution 1803 du conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies Etablissements soumis 1. La société Kaveh, active dans le domaine aux sanctions de fabrication des pièces utilisées dans les centrifugeuses. Les sociétés commerciales Tavanmand et System SakaI 2. Société Electrosanam 3. Groupes techniques Ettehad, actif dans le domaine de fabrication des missiles balistiques 4. Usine industrielle de machines-outils Daghigh 5. Laboratoir Djaber ebn Hayyan 6. Société industrielle Djoza 7. Industries métallurgiques Khorassan 8. Société de production Batterie Nirou 9. Les industries énergétiques Pishgam 10. Société d'équipements Imen Il. Société Tamas Personnalités soumises 1. Amir Moayed Alaï, spécialiste en montage à des restrictions de et ingénieur en matière de centrifugeuses déplacements et à des 2. Mohammad Fadaï Achiani, un des responsables de production de carbonate sanctions financières d'ammonium et d'uranyl au sem du complexe d'enrichissement de Natanz 3. Abbas Rézaï Ashtiani, haut fonctionnaire du service des affaires des mmes et des
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recherches d'extraction au sein de l'Organisation de l'Energie Atomique d'Iran 4. Haleh Bakhtiar, spécialiste intervenant dans la production de magnésium de densité 99,9% 5. Mohammad Eslami, directeur de l'institut de recherches et de formation des industries de défense; Hossein Hosseini, fonctionnaire de l'Organisation de l'Energie atomique intervenant dans le projet de réacteur de recherche d'eau lourde d'Arak. 6. Djavad Karimi Sabet, directeur de la société énergétique Novine 7. Hamid Réza Mohadjérani, spécialiste lié à la direction de production dans le complexe de conversion d'uranium d'Ispahan 8. Général de brigade Mohammad Réza Naghdi, ancien adjoint du commandant de l'état major des forces armées en matière de logistique 9. Houchang Nobari, un des directeurs du complexe d'enrichissement de Natanz 10. Abbas Rachidi, spécialiste dans le complexe d'enrichissement de Natanz 11. Ghassem Soleymani, directeur des opérations d'extraction aux gisements d'uranium de Saghand Les trois résolutions punitives du Conseil de sécurité des Nations unies n'imposent pas de blocus direct sur les exportations de pétrole et du gaz iraniens et ne privent donc pas la République islamique de ses sources de revenus. Cependant, les incertitudes concernant le dossier de la République islamique et les tensions grandissantes avec la communauté internationale, ont été des effets néfastes sur le processus d'investissement en particulier dans les industries énergétiques d'Iran, de sorte que même les pays qui désapprouvent les sanctions dures contre l'Iran, hésitent à coopérer ou à poursuivre leurs coopérations avec l'Iran, provoquant des retards importants dans la réalisation des projets. Au moment même où la communauté internationale, en particulier les pays industrialisés occidentaux, ont reconnu le droit de l'Iran à bénéficier de
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
l'énergie nucléaire et formulé également différentes propositions dans ce sens à celui-ci, l'aventurisme nucléaire obstiné de la République islamique, a malheureusement fait subir de nombreux dommages au peuple iranien, comme il sera décrit dans les lignes suivantes. Les sanctions économiques République islamique
de
l'Union
européenne
contre
la
Pour contourner les sanctions des institutions ftnancières américaines, les banques iraniennes privilégiaient d'effectuer leurs transactions par l'intermédiaire de leurs homologues européennes. Mais, les tensions provoquées par le président Mahmoud Ahmadinejad, ont non seulement refroidi les relations politiques entre l'Iran et l'Union européenne, mais ont également conduit à la participation des européens aux sanctions économiques contre l'Iran. Aussi, l'Union européenne le plus important partenaire commercial de la République islamique avec un volume de transactions d'environ 25 milliards de dollars en 2006, oblige ses banques européennes, sous la pression des sanctions internationales et en particulier celles des Etats-Unis, de baisser le niveau de leurs transactions avec les banques iraniennes. En juin 2006, la banque suisse UBS a interrompu ses relations avec l'Iran. Une autre banque suisse, le Crédit Suisse a déclaré à son tour, ne pas effectuer de nouvelles transactions avec l'Iran. Sur le même registre, deux autres institutions européennes de renommé mondiale, l'une anglaise, HSBC et l'autre néerlandaises, ABN AMRO, ont revu à la baisse leur niveau de transactions avec l'Iran en particulier en dollar. Deutsche Bank, la plus importante banque allemande a mis un terme à ses transaction avec la République islamique en 2007 sous le prétexte que « les frais des opérations bancaires ne correspondent guère aux revenus générés en Iran»l3. Le 5 décembre 2006, Commerz Bank, douzième banque mondiale et deuxième banque allemande qui avait en charge la réalisation et la gestion de toutes les transactions internationales des banques publiques iraniennes en dollar et en euro a annoncé ne plus effectuer aucune transaction en dollar entre la République islamique et ses partenaires commerciaux 14. L'importance de cette institution était 13.Le site web de Deutsche
Welle en langue persane
(2007), La coopération
des Emirats
avec les Etats-Unis dans le blocus de l'Iran, Interview avec Djamchid Assadi par Behnam Bavandpour, 6 septembre. 14.ll1e Wall Street Journal (2007), Bank pares ties to Iran, Wednesday, January 10.
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considérable pour la République islamique parce qu'il avait été prévu en 2003 qu'un consortium bancaire sous l'égide de cette même Commerz Bank, réunisse un emprunt de 1/75 million de dollars en vue de la réalisation des phases 9 et 10 du projet Pars Sudl5. La troisième banque privée allemande, Dresdner Bank a, à son tour, annoncé le mardi 21 mai, sa volonté de mettre un terme à ses principales relations bancaires avec l'IranI6. La principale banque d'Italie, Intesa Anpaolo SPA, a annoncé vers la ftn de l'année 2006 que le volume de ses transactions avec l'Iran avait baissé. L'Italie, avec environ 6 milliards de dollars, était un des plus importants partenaires commerciaux de la République islamique aussi bien en Europe qu'à l'échelle mondiale. D'autres banques européennes telles que les françaises Crédi t Lyonnais et la Société Générale et les anglaises Barclays .LC et HSBC Holding PLC, compte tenu de leurs intégrations majeures dans le réseau ftnancier et monétaire américain et vu les perspectives des sanctions internationales plus drastiques contre l'Iran, avaient progressivement diminué les volumes de leurs transactions avec ce dernier paysl? Le refus des banques et établissements ftnanciers internationaux à collaborer avec le régime islamique à la suite des sanctions du Conseil de sécurité a porté de graves préjudices au commerce extérieur du pays et en particulier aux investissements nécessaires dans les projets de gaz et du pétrole de l'Iran. Il était, par exemple, prévu que la banque française Société Générale assure ftnancièrement la réalisation des phases 17 et 18 du projet du champ pétrolifère Pars Sud dont le montant de l'accord était évalué à environ 5 milliards et 200 millions de dollars. Dans cet accord, le remboursement du projet de ftnancement devait être effectué par le biais de la vente des produits issus du projet. De même, la banque française devait se faire rembourser par la vente du gaz et des produits gaziers des phases 17 et 18. Or, le refus d'investissements de la banque a suspendu la réalisation des phases 17 et 18 du champ Pars Sudl8. Les phases 15 et 16 du Pars Sud n'ont pas eu un destin plus favorable. Il était prévu que deux grandes banques européennes, en tant que conseillères ftnancières de la Société Nationale du Pétrole Iranien, participent à la recherche de fonds et la création d'un consortium 15.International Oil Daily, Dee. 2, 2004. 16.Keyhan de Londres, 24< année, na 1171,30 aoput 2007, p. 1. lÎ. The Wall Street Journal (2007), Bank Pares ties to Iran, Wednesday,January 10. 18.Le sponsor français du Pars Sud a sanctionné l'Iran, selon le rapport de la BBC, 15 janvier 2007.
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
6nancier sur le marché de crédit européen. Le montant de ce crédit, unique dans l'histoire des relations économiques de l'Iran, devait non seulement rapprocher économiquement l'Iran et l'Europe, mais également produire quotidiennement 2 milliards de foot cube de gaz pour la consommation intérieure de même que 80 000 barils de gaz liquide pour exportation. La société nationale du pétrole de la République islamique s'était engagée à rembourser ces crédits par le biais de l'exportation des produits gaziers et pétroliersl9. Suite aux sanctions internationales, ce projet est également resté en suspension. Sur la même lignée que Shell et Respol, la société pétrolière française Total a également annoncé, au mois de juillet 2008, son retrait du projet d'investissement concernant la onzième phase du champ gazier de Pars sud en raison « des dangers politiques grandissants dans le Golfe Persique >~o.Auparavant des sociétés pétrolières européennes telles que Conoco Philips et British Petroleum avaient mis un terme à leurs transactions avec l'Iran. Outre le refus des banques et établissements internationaux de l'Europe à mener des transactions avec l'Iran, les banques iraniennes perdaient également et progressivement leurs possibilités de commerce avec l'Europe. Au mois de juin 2008, les pays membres de l'Union européenne ont approuvé de nouvelles sanctions contre l'Iran, en particulier contre les transactions effectuées par les trois succursales de la Banque Melli d'Iran à Londres, Francfort et Paris. En outre, les noms de 20 personnes et 15 établissements furent inscrits sur la liste des persona non grata dans l'Union européenne et privés de visa de d'entrée sur le territoire européen. Les autorités de l'Union européenne n'ont pas publié des détails sur ces personnes et établissements actifs dans le programme nucléaire de la République islamique. L'interdiction des activités de la banque Melli en Europe porte sans doute un nouveau coup à l'économie iranienne. Cette banque, fondée en 1923, emploie 4 500 personnes dans 3 100 succursales dont 16 situées à l'étranger. Avec un capital de 32 milliards de dollar en 2008, elle est la plus importante banque iranienne du point de vue capital. En 2005, cette banque avait ouvert environ 32 milliards de dollars de lettres crédit pour les importations en Iran.
[9. Petrolieum Intelligence Weekly, Décembre 6, 2004. 20, Lopez Marie-Caroline (2008), Total redouble de prudence Tribune, p. 7.
sur les projets
iraniens,
La
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Dj. Assadi
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Les autorités de l'Union européenne ont également annoncé que si les sanctions contre la Banque Melli d'Iran n'empêcheraient pas l'Iran de poursuivre son programme d'enrichissement d'uranium, elles envisageraient des sanctions contre les secteurs du gaz et du pétrole iraniens21. Déjà avant ces sanctions, en septembre 2007, 130 députés européens ainsi que certains députés des parlements des pays membres de l'Union, avaient demandé, dans une déclaration, le boycott économique de l'Iran22. En plus du blocus direct décidé par les institutions économiques de l'Europe contre l'Iran, les représentants de 27 pays membres de l'Union européenne ont décidé le 8 août 2008 de nouvelles restrictions ftnancières et commerciales contre l'Iran. Ces sanctions avaient la forme de recommandations claires à des institutions ftnancières des pays membres de l'Union européenne à une plus grande « précaution» dans le domaine du soutien ftnancier, d'ouverture de crédits, de garanties et d'assurance d'exportation dans les transactions commerciales avec l'Iran, plus particulièrement en ce qui concerne la Banque Saderat. Simultanément, l'ordre a été donné aux forces militaires et de sécurité de ces pays, en particulier leurs marines, de contrôler les marchandises destinées à l'Iran par les voies terrestres, aériennes et maritimes, avec une insistance particulière concernant les conteneurs transportés par Iran Air (Iran Air Cargo) et la société de navigation de la République islarnique23. La contribution d'autres pays République islamique d'Iran
dans
les
sanctions
contre
la
Pendant longtemps, la République d'islamique d'Iran avait essayé d'attirer les investisseurs d'autres pays au prix bien plus élevé pour contourner les sanctions américaines. Le surcoût des approvisionnements iraniens pour une période de six ans, de 1997 à 2003, a été, selon les estimations les plus conservatrices, plus de cinq milliards de dollars. Progressivement, le Conseil de sécurité des Nations Unies et l'Union Européenne ont également ajouté des sanctions, entraînant ainsi 21. L'Union européenne a décidé le blocus contre la Banque Melli d'Iran, Radio Farda, 24 juin 2008. 22. Le site web de Deutsche Welle en langue persane (2007), La coopération des Emirats avec les Etats-Unis dans le blocus de l'Iran, Interview avec Djamchid Assadi par Behnam Bavandpour, 6 septembre. 23 Le site web de la BBC en langue persane (2008), l'application des nouvelles sanctions européennes
contre l'Iran, vendredi
8 août.
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
d'autres pays du monde dans ce mouvement punitif contre la République islamique d'Iran24. Trois mois après la publication de la première résolution du Conseil de sécurité contre l'Iran, en mars 2006, la compagnie pétrolière Nippon Oil a décidé de réduire ses approvisionnements en provenance de l'Iran. Au même moment, le premier importateur japonais du pétrole iranien, Showa Shell, a fait de même et a augmenté ses achats à l'Arabie Saoudite. En plus, le premier groupe japonais de l'exploration des hydrocarbures, Inpex, a révisé son engagement pour l'exploitation du champs pétrolier Azadegan, un des plus grands au Moyen-Orient, découvert en 1999 dans le Sud-ouest de l'Iran, côtoyant l'Irak. Inpex, s'était engagé auprès de la République islamique en 2004, d'investir à la hauteur de 70% du projet de développement du champ Azadegan et de produire dès 2007, 50000 et à partir de 2010, 260000 barils par jour. Toutefois, vers la fIn de 2006, l'année de la première résolution du Conseil de sécurité contre l'Iran, Inpex, sous prétexte des mines délaissées depuis la guerre Iran-Irak sur le champ, a baissé son engagement à 20 et puis à 10% du projet. Il convient de rappeler que entre 2004, l'année de la conclusion du contrat, jusqu'en 2006, le moment de la révision de celui-ci, il n'y avait ni nouvelle guerre ni plus de mines implantées sur ce champ. Cette décision pourrait bien surprendre dans les conditions normales parce que le champ Azadegan aurait pu, avec à terme une production de 400000 barils par jour, être une source fIable d'énergies pour un pays, le japon, qui importe tout son besoin en hydrocarbures. D'autant plus que les approvisionnements pétroliers du japon doivent provenir, selon la décision de l'Etat Nippon, des champs dont la gestion et l'exploitation sont rassurées par les compagnies japonaises 25. La résolution punitive du Conseil de sécurité contre la République islamique en mars 2006 ne doit pas être étrangère à la décision des japonais. Le japon n'est pas le seul pays non occidental qui a rejoint le blocus économique contre l'Iran. La Russie et la Chine sur lesquelles la République islamique comptait considérablement pour éviter de nouvelles contraintes et trouver de nouvelles issues sur le plan international, n'ont pas moins participé au blocus. 24 Behwuzifar
M., Kokabi Samieh (2006), Les sanctions américaines: réessayer ce qui a été déjà essayé, Political & Economic Ettela't, numéro 231-232, année XXI, Hiver (Azar, Day). Article en Iranien 25 Le quotidien économique « Les Echos », L'exploitation du champ Azadegan aurait augment de 5% la part des japonais, 19 octobre 2006.
25
Dj. Assadi
26
En 1995, la République islamique d'Iran et la Russie signèrent un contrat pour compléter la centrale nucléaire de Buchehr dans le sudouest du pays et sur la côte du golfe Persique. La Russie a pris l'engagement de terminer la construction de la centrale, en chantier en 1974 sous le régime monarchique, pour l'année 2000 et d'assurer la première livraison de combustibles pour l'année 2007. Le projet a connu de multiples retards. A titre d'exemple, en septembre 2007, sous prétexte du manquement au paiement de la part des Iraniens et à la livraison des équipements, le partenaire russe, Atom Stroy Export CASE), a de nouveau ajourné l'accomplissement du projet. Le 5 février 2009, Rosatom, Agence fédérale de l'énergie atomique russe, a annoncé le lancement technique du réacteur, avant la fIn de l'année. Le fait est que la centrale en question reste incomplète et donc non opérationnelle 35 ans après le démarrage de sa construction et surtout 14 ans après l'engagement des russes. Ces derniers, bien sensibles aux sanctions économiques internationales malgré les escamotages diplomatiques à l'égard de l'Iran, avaient demandé à plusieurs reprises aux autorités du régime islamique d'apporter des explications claires en ce qui concerne les activités du développement nucléaire, jugées comme clandestines par la communauté internationales. Yladimir Poutine, l'ancien président russe, avait signé le 5 mai 2008, à la suite de la troisième résolution du Conseil de sécurité contre l'Iran, les décrets sur l'activité des f1rmes de son pays avec la république islamique d'Iran. En vertu de ceux-ci, la Russie peut légalement bloquer des comptes bancaires des sociétés de l'Iran et contrôler les exportations vers ce pays26. Non seulement la Russie, mais la Chine, l'autre présumé partenaire de la République islamique sur le plan international, participe également aux sanctions économiques. Le gouvernement islamique a l'confIrmé en février 2008 et le site web de la Chambre de commerce Irano-chinoise, en citant son président, l'influent Asadollah Askarabadi, a déclaré que les banques chinoises n'ouvrent pas de line de crédit pour les sociétés iraniennes27. D'après les autorités du régime islamique, le volume des accords commerciaux entre la Chine et l'Iran s'était élevé à plus de 100 milliards de dollar avant la nouvelle politique des banques chinoises en conformité
26Jonoubi P. (2008), La Russie a également rejoint quotidien Mardom Salan 2ï Latest news from Radio Zamaneh Radio Zamaneh
aux sanctions
-
contre
l'Iran,
Monday July 14th 2008
10 mai,
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
avec les résolutions du Conseil de sécurité28. De nouveau, la suspension d'un projet de construction fournit l'exemple illustratif à cet égard: l'installation d'une rafftnerie à Bandar I\bbas, ville portuaire située au bord du golfe Persique, a été confiée à une firme chinoise pour un montant total de deux milliards de dollar. La partie chinoise s'est retirée par la suite de ce projet. Le régime islamique a alors soumis le même projet à la société italienne Snamprogetti, une société d'ingénierie du groupe ENI. Mais les banques internationales ont de nouveau refusé de financer ce projet. La compagnie nationale d'assurance des exportations italiennes, le groupe COFACE du pays, ne s'est pas moins gardée d'assurer le projet. La partie iranienne s'est déclarée prête à prendre en charge les frais à la place des italiens29. Un autre projet sino-iranien, cette fois dans le secteur automobile, n'a pas pu aboutir non plus. Le montant de 370 millions de dollar de ce projet se répartissait entre le constructeur automobile iranien, Iran Khodro (49%), la firme chinoise (30%) et les équipementiers pour le reste. Le retrait des banques chinoises à cause des sanctions a mis finalement un terme à ce plan30. Même les Émirats arabes unis qui avaient considérablement profité des échanges avec l'Iran, pays isolé sur le plan international, ont finalement rejoint le blocus économique contre l'Iran sous la pression internationale et américaine. Au moins 9% des importations iraniennes passent par les Émirats à cause des sanctions3J.Les firmes qui ne peuvent pas exporter vers l'Iran passent par le transit des Émirats (réexportations). En plus, il existe des flux clandestins de produits en provenance des Émirats vers l'Iran32. Les américains avaient progressivement compris que les réexportations et les flux clandestins entre les deux pays permettaient au régime islamique d'échapper aux sanctions. Ils ont donc insisté surtout à partir 2007 pour que les Émirats révisent leur politique d'indulgence à l'égard de l'Iran. Le gain de cause en septembre 2007 lorsque les Émirats 28 Le site web de Deutsche Welle en langue persane (2008), La découverte de nouvelles réserves en Iran et la difficulté d'exploitation, par Javad Taleii, 31 juiJJet. 29 Le site web de Deutsche WeJJe en langue persane (2007), Les sanctions économiques, les plus grands obstacles contre la réalisation des grands projets en Iran, 31 juiJJet. 3{)Latest news from Radio Zamaneh Radio Zamaneh - Monday July 14th 2008 31 Economic structure of Iran, country profile, Economist.com 32 Le site web de Deutsche WeJJe en langue persane (2007), Interview avec Djamchid Assadi: Les Emirats accompagnent les Etats-Unis dans les sanctions contre l'Iran, 6 septembre.
27
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ont accepté de contrôler les échanges en destination de l'Iran. Ainsi, à partir de janvier 2008, les banques émiraties n'ouvrent plus de ligne de crédit pour le commerce avec l'Iran. En fait, pour contourner les sanctions, les hommes d'affaire iraniens avaient pris l'habitude de créer des sociétés aux Émirats. Le nombre avait augmenté de 2300 en 2003 à 9000 en 2007. Or, depuis le début de l'année 2008, les autorités émiraties ont interdit la création d'entreprise par les iraniens sur leur soP3. Depuis octobre 2008, plusieurs banques aux Émirats ont bloqué les comptes de leurs clients iraniens. Il semblerait que des douze banques autochtones du pays, seulement deux ou trois acceptent de travailler avec les iraniens34. Bien difficilement. L'effet
28
des sanctions
sur l'économie
et la société
iraniennes
Dans ce qui précède, nous avons essayé de montrer comment la révélation des activités nucléaires clandestines de la République islamique par l'Agence internationale d'énergie atomique, et surtout les politiques provocatrices du président Ahmadinejad ont non seulement fait réagir la société internationale, mais par de même, ont fait rajouter des sanctions internationales à celles des États-Unis. Celles-ci ont indubitablement eu les effets néfastes sur l'économie iranienne: l'annulation des projets d'investissements étrangers dans les industries lourdes et mêmes pétrolières et gazières, l'accès difficile, sinon impossible, aux technologies avancées, les restrictions bancaires considérables relatives aux transactions monétaires et f111ancières et l'augmentation des coûts des importations. L'avenir incertain, la possibilité d'autres sanctions et même celle de frappes contre les installations nucléaires iraniennes, ont complètement détérioré le climat d'affaire et diminué la propension à entreprendre dans le pays. Dans cet état des choses, les projets d'investissements étrangers dans les industries pétrolières et gazières iraniennes ont baissé en premier. Selon le troisième plan de développement du pays, la capacité de production pétrolière devrait augmenter à 5,9 millions de barils en 2004. Toutefois, elle n'en était, en 2005, qu'au moins de 1,5 millions de barils inférieure prévisions, à la suite du prolongement des sanctions et de
33 Middle East Monitor (1008), Changing Trade Winds, UAE, V o\. 18, Issue 3, March. 34 oice of Amerca in Persian, Certains comptes bancaires iraniens sont fermés aux \' Emirats arabes unis, 27 octobre 2008, citant le quotidien économique iranien Saymayeh
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
l'absence d'investissements ftnanciers et technologiques étrangers. Le résultat en était que l'Iran ne produit aujourd'hui qu'environ 4,2 millions de barils par jour et en importe le reste. Si la production baisse, la consommation monte! La consommation d'essence en Iran a atteint le niveau historique de 71,5 millions de litre en été 2008. Avec un tel niveau de consommation et en prenant en compte de la capacité de 46 millions de litre par jour des rafftneries du pays, il faudrait bientôt importer entre 25 à 30 millions de litre d'essence par jour. Dans l'hypothèse de nouvelles sanctions visant l'essence, même les analystes du régime mettent en doute la capacité du pays à parvenir de satisfaire ses besoins dans la matière. Les ftIs d'attente pour l'approvisionnement de l'essence perduraient parfois en été 2008 jusqu'au minuit. Il faudrait un investissement total de 395 milliards de dollars jusqu'en 2012 pour que le Moyen-Orient puisse préserver sa part de 37% de la production mondiale pétrolière et celle de 15% de la production gazière. Respectivement, l'Iran a besoin de 50 milliards de dollar afm de garder sa place. Il va de soi que de tels investissements ne peuvent pas se réaliser en absence des partenaires étrangers. Selon les rapports «Doing Business », sur le climat d'affaire des pays du monde et réalisé tous ans par la Banque mondiale, le rang de l'Iran pendant la présidence de Mahmoud Ahmadinejad a continuellement diminué: 108ème en 2005, 113ème en 2006, 119ème en 2007 et 135ème en 200835. Pendant cette période, le rang de l'Iran selon l'indice de «risque pays», s'est également dégradé: 36ème en 2006 et 57èmeen 2007 sur le plan mondial. A l'échelle régionale au Moyen-Orient, l'Iran occupe la dixième place, bien après Israël occupant la première place, et puis du deuxième jusqu'au huitième rang, respectivement: les Emirats arabes unis, le Koweït, le Bahreïn, le Qatar, la Jordanie, l'Oman et le Liban occupent les places cinquième à huitième36. L'image négative du climat d'affaire de l'Iran est telle que le pays n'a réussi à exploiter que cinq sur vingt-quatre phases du champ gazier de Pars jounobi (pars du sud) et à en produire 125 millions de mètres, faute d'investissements étrangers en dépit de la demande mondiale, alors que le Qatar en produit de 8 milliards de mètres par jour du même champ. En plus, le Qatar a pour l'ambition d'exploiter quatre cents puits
35 Doing Business in Iran, Doingbusiness.org, The World Bank, 2008 36 Agence de presse ISNA (2006), l'Iran au dixième rang parmi treize pays du MoyenOrient, citant le journal Business langue persane.
Monitor,
14 Mois d'Azar (calendrier
persan),
la brève en
29
Dj. Assadi
30
de plus jusqu'à 2010 et 201137. Le montant total d'investissements directs étrangers en Iran a baissé de 30% en 2006, atteignant 800 millions de dollar, alors qu'il a été plus de 4 milliards de dollar en 2004. En 2006, sur un investissement direct étranger de 44 milliards de dollar au MoyenOrient, la part de l'Iran n'était que moins de 2°/? L'incapacité du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad à faire fonctionner pleinement les industries pétrolières et gazières au mois de décembre 2008 s'est manifestée par la baisse de la pression dans les gazoducs traversant le nord et l'ouest du pays. Le gouvernement fut par conséquent obligé d'arrêter le flux de gaz vers la Turquie et l'aciérie de Mobarakeh dans le pays pendant plusieurs jours pour pouvoir répondre aux besoins des régions situées dans le nord et l'ouest du pays. En plus des difficultés du régime islamique d'attirer des investissements et des technologies nécessaires pour l'exploitation du gaz et du pétrole, le fait est qu'il ne peut pas rassurer le rafflnage de tout ce qu'il produit non plus. En fait, sous la présidence de Mahmoud I\hmadinejad, l'Iran n'a pas pu profiter du survol du prix du pétrole pendant les année 2006-07 pour construire des raffIneries modernes, à la différence de ce que ont pu faire l'Arabie Saoudite, le Koweït et les émirats arabes unis. I\ussi, si la situation continue de cette manière, l'Iran, quatrième producteurs du pétrole dans le monde, sera obligé d'importer la moitié de l'essence qu'il consomme. Ceci coûte au moins cinq milliards de dollar par an au pays. Pis, faute de la baisse de la productivité des puits et de l'obsolescence des technologies d'exploitation et surtout de l'absence de nouveaux investissements, la République islamique sera obligée d'importer non seulement l'essence, mais également le pétrole à partir de 2015. A la velléité des investisseurs étrangers de s'impliquer en Iran, il convient d'ajouter que les principales banques internationales refusent de procéder aux transactions en dollar avec le République islamique. La décision du régime de remplacer le dollar par l'Euro cherchait en fait de contourner ces obstacles bancaires.
37 Tavana
M. (2007), Pars jonoubi et les promesses qui devenues rêves: nous et les Qataris !, Je quotidien Etemad Meh, page 6, 24 Daye (caledrier iranien), article en mangue persane. 38 Le site web de Deutsche Welle en langue persane (2007), les impacts des sanctions occidentales sur l'économie iranienne, par M. Malekan, citant le président du groupement des équipementiers automobiles, Monsieur M-B Rajal, interviewé par Je quotidien économique du parys, Sarmayeh, 16 décembre.
Les conséquences
des sanctions économiques
contre l'Iran
Le blocus bancaire a ainsi augmenté considérablement le coût de transactions transfrontalières pour les iraniens. D'autant plus que la baisse du rang du pays dans le classement de l'OCDE en mai 2006, a rendu encore plus difficile pour les entreprises iraniennes d'obtenir du ftnancement ou de procéder aux opérations ftnancières auprès des banques internationales. Dans cet état des choses, les sanctions ont augmenté au minimum de 20%. Le coût des importations en Iran, équivalent de presque 10 milliards de dollars par en 2007, si investi dans le pays, créer autour d'un million postes de travail. Mais comment les sanctions peuvent-elles augmenter les coûts des importations pour les iraniens? De plusieurs manières: Comme les banques occidentales n'accordent plus automatiquement de crédit aux entrepreneurs des secteurs privés ou publiques du régime islamique, les iraniens doivent souvent payer la totalité de leurs achats en liquide dans les transactions avec les entreprises des pays européens qui ont participé aux sanctions à l'encontre de l'Iran. L'autre solution n'est pas moins coûteuse: les iraniens peuvent aussi faire recours aux banques-tires pour leurs transactions internationales et subir par de même un double coût: un coût qui est relatif au rallongement du temps de transfert des fonds passant d'une à trois semaines, et un surcoût extraordinaire de 3 à 5% facturé par les banques-tires3? Les hommes d'affaire iraniens utilisent également le système de «havaleh» ou le transfert transfrontalier de fonds en dehors du circuit bancaire conventionnel, pris en charge souvent par les intermédiaires au Pakistan et aux Emirats. Mais ce type de circuit n'augmente pas moins les coûts des transactions. Le blocus économique à l'encontre de la République islamique n'a pas seulement influencé négativement les projets d'investissements et les rapports bancaires et ftnanciers entre l'Iran et le reste du monde, mais elles ont en plus perturbé l'importation des produits qui ne figurent pas sur la liste des sanctions. La raison en est simple: comme les transactions monétaires et ftnancières avec l'Iran sont considérablement conditionnées par les instances politiques nationales et internationales, les banques majeures ne peuvent plus soutenir les achats que la République islamique souhaite effectuer sur le marché mondial même en ce qui concerne les produits non sanctionnés. Les instituions officielles
39 Le site web de la BBC en langue persane difficiles ?, mercredi 28 mars.
(2007), les conditions
commerciales
plus
31
Dj. Assadi
32
s'en plaignent ouvertement dans les médias autorisés du pays 40. Les exemples abondent. L'industrie pharmaceutique iranienne s'est aussi confrontée aux problèmes d'approvisionnement sous l'effet indirect des sanctions. La santé publique en a été dangereusement affectée. Certes, les sanctions de l'ONU ne visent pas, selon les lois en vigueur, des médicaments et des produits alimentaires. Toutefois, à la suite des sanctions internationales, les institutions ftnancières iraniennes, comme la banque Sepah, la banque Saderat et la banque Melli, ne peuvent plus procéder à l'établissement des lettres de crédit pour le compte des industries pharmaceutiques du pays. La conséquence en que certains médicaments vitaux comme l'insuline, les médicaments de diabète, la vitamine B6, l'antiémétique, le Piracetam, le Respridon, et les médicaments neurologiques font défaut dans le pays. "-\ftn de diminuer la consommation, la vente des antibiotiques et de certains calmants est devenue interdite sans l'ordonnance du médecin. Même la vente de certains médicaments sensibles n'est autorisée que pour une consommation de 24 à 48 heures -pour une quantité plus importante, l'ordonnance est requise41. Il faut souligner que la banque Melli qui est responsable pour 60 à 70 % des activités bancaires des compagnies pharmaceutiques, est sous les sanctions économiques internationales42. Les effets indirects des sanctions touchent en fait plusieurs catégories d'outils industriels ordinaires 43 La difftculté d'approvisionnement de certaines matières premières a causé la pénurie, l'augmentation considérable des prix sur le marché iranien national, et corollairement, la fermeture de plusieurs usines et le licenciement des ouvriers et employés. Enfm, la crise des secteurs de production a obligé
40 Le site web de Deutsche
Wel1e en langue
persane
(2007), les impacts
des sanctions
occidentales sur l'économie iranienne, par M. Malekan, citant le président du groupement des équipementiers automobiles, Monsieur M-B Rajal, interviewé par le quotidien économique du parys, Sarmayeh, 16 décembre. 41 Le site web AftabNews en langue persane (2007), La sanction des banques a troublé le marché des médicaments, citant le Docteur S. Vaghefi, le président de l'association des entreprises pharmaceutiques, code de la brève 66361, 13 le mois Aban (calendrier persan), www.aftabnews.ir/vdcipzat1qaqq.html 42 Agence de presse des étudiants d'Iran, I sna (2007), la grogne des membres de la commission « industries)} de la Chambre de commerce et d'industrie des pressions iniligées à la production, 19 décembre. 43 Le site web AftabNews en langue persane (2007), Indisutrie, victime silencieuse des sanctions, citant l'article d'A. Sadat Shieibani dans le quotidien Mardam Salari, 19 décembre.
Les conséquences
des sancÙons économiques
contre l'Iran
certains dirigeants des industries à fermer les usines et virer des ouvriers44. Même les compagnies publiques ne sont pas à l'abri des conséquences négaùves des sancÙons. Citons l'exemple du métro de Téhéran: l'États et la Mairie de Téhéran doivent fournir 1000 milliards de tomans (1€ vaut presque 1300 tomans) par an pour les tunnels et trains de métro, c'est-à-dire 6 milliards de tomans par kilomètre. Or, un tel fmancement est praùquement impossible dans le cadre naùonal, et nécessite par conséquent le recours au fmancement internaùonal sous la garanùe du gouvernement d'Iran et de la mairie de Téhéran pour une durée de 10 à 15 ans. Or, toujours faute de sancùons contre la République Islamique, les pays du monde n'acceptent pas la garanùe des instances publiques iraniennes pour les fmancements à longe terme, de même que les compagnies d'assurances internaùonales refusent de cauùonner de tels fmancement avec l'Iran. Ainsi, la construcùon du métro de Téhéran qui n'est guère visée par les sancÙons économiques internationales, en est toutefois affectée par les conséquences indirectes de ces dernières45. Iran Khodro, le plus grand producteur d'automobile du pays, et une des filiales de l'Organisation du développement et de la rénovation des industries iraniennes, fabrique des voitures avec des pièces fournies par la compagnie française Peugeot. Or, Iran Khodro ne payait que 5 à 10% de ses approvisionnements avant les sancùons, alors que maintenant, il ne peut plus faire des achats à crédit. Après les sanctions, Iran Khodro doit avancer 50 à 60% et même parfois la totalité du prix de ses achats46. L'isolement poliùque et économique de l'Iran sur la scène internaùonale a conduit le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad de puiser régulièrement des réserves de devises du pays. Le président Ahmadinehad a praùquement dépensé la totalité des revenus du pays, 41 Le site web de Deutsche
Welle en langue persane
(2007), les impacts
des sanctions
occidentales sur l'économie iranienne, par M. Malekan, citant le président du groupement des équipementiers automobiles, Monsieur M-B Rajal, interviewé par le quotidien économique du parys, Sarmayeh, 16 décembre. 45 Le quotidien Iran en langue persane (2007), l'aide sans précédent du gouvernement au métro de Téhéran, interview de M. Jaberi avec M. Hashemi Rafsanjani, le directeur général du métro de Téhéran et M. K. Ha; Nasrolahi, secrétaire général du haut conseil du trafic, premier décembre, www.iran-newspaper.com. 46 Le site web de la BBC en langue persane (2007), citant Monsieur A. Ghalehbani, Je président de l'organisation du développement et de la rénovation des indmtries iraniennes, interviewé par l'agence de presse d'état, Irna, dimanche 7 septembre
33
Dj. Assadi
lorque du prix du pétrole fut au sommet, non seulement au-delà de ses engagements dans le cadre des budgets présentés au parlement, composé de ses amis qui souvent devenus progressivement très critiques, mais également à l'insu de son dernier7. Mahmoud Ahmadinejad est assurément plus préoccupé par ses convictions idéologiques que les intérêts objectifs du pays. S'y ajoutent ses provocations persistantes sur la scène internationale. Avec lui à la présidence, l'Iran ne sortira pas de son insolemment dévastateur. Il disposera toutefois assez de revenus pétroliers pour persister dans sa politique idéologique. Le peuple, par contre, souffrira encore plus du chômage et de l'inflation. Jusqu'où?
34
47 Le site web de news Rooz en langue persane (2007), Qu'est-ce que le gouvernement a fait avec les 100 uùlliards de dollar? L'inquiétude des experts économiques à propos des fonds du compte des réserves en devise, 5 septembre.
Les entreprises françaises et les sanctions contre l'Iran Michel Makinsky Chargé d'enseignement à l'Ecole SuPérieure de Commerce et de Management de Poitiers (ESCEM) et Conseiller Scientifique à IUniversité de liège.
Résumé La commerciaux
France avait enregistré une progression spectaculaire de ses échanges et investissements
avec !'Iran depuis 2002,
comme la plupart
des pays européens.
Dans le secteur énergétique, elle a prrljité du vide laissé par le retrait américain imposé par la fameuse
Loi
d'Amato.
En
s'associant
vigoureusement
à
multilatérales,mais
aussi aux pressions
risque de pénaliser
banques et entreprises françaiseso En 2007,
vers !'Iran ont fortement
chuté, avant de reprendre et1 2008,
de par/s de marché que ses par/enaires. Téhéran
et Washington,
l'Europe
la politique
économiques unilatérales
d'en faire
sanctions
si les exportations
européennes
la France semble avoir perdu plus
Si une normalisation
risquerait
de
américaines, Paris a pris le
économique devait advenir entre
les frais,
mais la France serait le
principal perdant.
Abstract France had seen a dramatic rise in its trade and investments with Iran as from 2002,
like most european countries. With
vacuum generated
by the american
regardr to et1er;gy,it has draJvn benefits from the
withdrawal
imposed by the well-known
Through a vigorous contribution to multilateral sanctions, pressures,Paris has chosen to run a risk of weakeningfrench
and
d'Amato
(to) unilateral
banks
and firms.
Act.
american By 2007,
while european exports to Iran have strong!y decreased, bifore a recovery ill 2008, France jOeemshaving lost more market shares than its partnerso If a normalization may occur between Tehran and Washington, would be the main loser.
Europe
may be exposed to bear negative consequences, but France
M. Makinsky
36
T'implantation économique de la France en Iran a connu un ..1...Jvéritable virage stratégique lorsque l'Amérique a choisi l'option de l'isolement économique de la République Islamique comme de la Libye en promulguant en 1996 l'Iran-Libya Sanctions Act ( ILSA),plus connu sous le vocable «Loi d'Amato », qui porte le nom du sénateur Alfonse d'Amato qui en fut l'artisan. En 2006, ce texte subit deux transformations importantes, à savoir le retrait de la Libye de ce dispositif, l'autre, la prorogation jusqu'en 2011 de ce qui s'appelle désormais l'ISA (Iran Sanctions Act). Il instaure un régime de sanctions graduées à l'encontre d'entreprises qui réaliseraient des investissements en Iran dans des secteurs majeurs comme l'énergie, à partir d'un montant de $ 20 millions. Ces sanctions peuvent aller jusqu'à l'interdiction de pouvoir réaliser de nouvelles opérations commerciales aux Etats-Unis. A cette occasion, un durcissement des exemptions (country waivers ou national interest waivers) est introduit, limitant les pouvoirs du Président d'accorder les dites exemptions. Ce raidissement tire la leçon de l'expérience acquise depuis la mise en application de l'ILSA (ISA). Il faut dire que l'ILSA a emporté des conséquences que ses promoteurs n'ont pas prévues; il s'agissait officiellement de priver Téhéran des moyens de développer les outils de production et de transformation de sa principale ressource, les hydrocarbures. Par là, Washington escomptait soit réduire ce qui est perçu comme une menace, soit plus généralement affaiblir le régime, avec le secret espoir de sa chute. Force est de reconnaître que les résultats n'ont pas été à la hauteur des espérances, à en juger par l'ampleur de la crise actuelle, où les textes juridiques introduits dans la législation américaine ( Executive Orders), les résolutions successives du Conseil de Sécurité des Nations-Unies pas plus que les sanctions prononcées par l'Union Européenne 1 ne parviennent pas à convaincre Téhéran de respecter pleinement les exigences de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique. S'interdisant par là l'accès au marché iranien, en particulier dans le secteur énergétique, l'Amérique laisse en quelque sorte le champ libre aux entreprises des autres pays bien que le législateur estime que ces dispositions s'appliquent indistinctement aux acteurs de toute nationalité, 1 Pour une analyse des textes sanctionnant l'Iran, voir: Michel Makinsky, » Les sanctions économiques contre l'Iran, origine et portée », in «I ,es investissements européens et l'économie iranienne à l'heure des sanctions internationales », Paris, Institut Européen de Recherches Stratégiques sur l'Iran (!ERSI), mai 2007. La nouvelle résolution 1803 du Conseil de Sécurité en date du 3 mars 2008 a été suivie le 12 mars par le Règlement 219/2008 de l'Union Européenne.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
ce qui constitue une extension territoriale éminemment contestable du droit américain2.Aussi, le groupe français ELF (devenu Total par la suite), passe outre et décide de participer au projet South Pars. Un accord est signé en 1997 pour un montant de $ 2 milliards. La réaction américaine est extrêmement vive, ELF est menacé de représailles; ceci déclenche une crise diplomatique sérieuse entre l'Union Européenne et les EtatsUnis. Elle ne se résout qu'à l'issue d'une partie de bras de fer, ELF bénéficiant de l'appui de son partenaire et de la diplomatie russes. Washington, qui fait face à une plainte de l'Union Européenne devant l'OMC, finit par consentir une exemption (national interest waiver) en mai 1998.Ceci donne une véritable impulsion aux investissements et aux échanges commerciaux européens en Iran, favorisés en outre par la volonté politique européenne de développer un partenariat commercial inscrit dans la durée (le Grand accord commercial) à la faveur de la détente introduite progressivement par la présidence Khatami. Malheureusement, ce grand accord-cadre n'a jamais pu être signé, car son adoption avait été conditionnée par les négociations menées par la «troïka « européenne sur le nucléaire ,qui ont connu un échec retentissant, l'Europe ayant réalisé trop tard qu'elle s'était engagée dans un jeu (obtenir la suspension définitive par l'Iran de l'enrichissement de l'uranium) sans avoir en mains les cartes nécessaires détenues par Washington: engagement de non-agression, suspension des sanctions économiques3. La France et l'Union Européenne à la conquête du marché iranien L'essor des exportations et investissements français vers l'Iran, perceptible depuis 1989, avait été marqué par l'implantation progressive des grands groupes à la faveur de contrats d'équipement liés à la reconstruction ainsi que par le développement de la demande en biens de consommation durables: Gec-Alsthom, la Lyonnaise des Eaux, Renault, Peugeot, Elf- Total, etc, la France se situant vers 1991 au rang de 4emeou Seme partenaire, après l'Allemagne et l'Italie. Les années 1992 à 1995 2 La nouvelle législation proposée par le Congrès s'expose à des critiques identiques .Voir: Philip Gordon, »S970: The Counter-Proliferation Act of 2007 », Déposition à la commission des Finances du Sénat, Washington, Brookings Institution, 8 avril 2008. 3 Michel Makinsky, »La république islamique après les présidentielles de juin 2005 : un Iran sûr de lui et dominateur », Géoéconomie, n036, hiver 2005-2006.
37
M. Makinsky
enregistrent un sévère tassement, mais une forte reprise est observée en 1996 où «les exportations françaises ont atteint 3,4 milliards de francs, m
augmmtationde21,9% par rapportà l'annéeprécédmte»~. Les points forts des
38
exportations françaises depuis cette période sont: les biens industriels, qui représentaient en 1999 85% du total; on avait assisté à une forte augmentation des biens d'équipement professionnels (30%du total) et du secteur automobile (20% du total) à ce moment.s En 2004 Renault se lance dans un projet de joint-venture et crée Renault-Pars dont il détient 51 %, avec des partenaires iraniens (la société Idro et les constructeurs Iran-Khodro et Saïpa) en vue de produire la Logan, dénommée Tongar en Iran (objectif 300.000véhicules par an), ce qui représente un investissement de € 30Omillions ; l'accord est conclu après de nombreuses péripéties et au prix de constantes renégociations exigées (obligation de consacrer une part de la production à l'exportation, changements des conditions financières, etc) par la partie iranienne depuis que M.Ahmadinejad a accédé à la présidence. En accordant une part importante de fabrications de pièces détachées aux sous-traitants locaux iraniens, le constructeur français obtient un appui décisif. En même temps s'observe déjà la faiblesse de la part des biens de consommation; faiblesse relative car la réalité est dissimulée par les flux de produits réexportés vers l'Iran depuis Dubaï. Le secteur bancaire français semble largement engagé, puisque au vu des données de la Banque des Règlements internationaux, »Ies banquesfrançaires représententun quart de tous les crédits c011Smtirau gouvememmt de Téhéranjusqu'en mars 2006 : soit 6 milliards de dollars sur un total de 25,4 milliards »6 Les mêmes sources rappellent que « la BNP aurait financé l'achat de 17 tankers pétroliers, dont 13 supertankers, chacunpour 2 milliards de dollars mviron». Parmi les chiffres cités par cette analyse, un montant de 5,9 milliards de dollars est évoqué pour représenter les divers prêts consentis directement ou indirectement à l'Iran par la BNP, un montant de 2,7 milliards de dollars est indiqué pour les concours apportés par la Société Générale dans le cadre des phases 17&18 du projet South Pars, mais de telles évaluations sont malaisément vérifiables.
4 Christian Graeff, "Les relations Iran-Europe de 1988 à 1998: une diplomatie de l'ambivalence» Revue Géopolitjgue, n064, cité par Kamal Bayramzadeh, »Les enjeux principaux des relations entre l'Iran et l'Europe de 1979 à 2003 « Paris, L'Harmattan, 2004, p.152 et s. 5 « Exporter en Iran » sous la direction de Yves Cadilhon, Paris, CJiCE ,2001 p.111 et s. 6 Les bonnes affaires de la rrance en Iran, LEMONDE.FR, 2 novembre 2006.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
D'un point de vue global, depuis que des sanctions américaines (1987 restrictions d'importations en provenance d'Iran, 1995 restrictions aux exportations américaines vers l'Iran) se mettent en place, le commerce extérieur de la République Islamique ne cesse de progresser: entre 1987 et 2006, les exportations iraniennes ont cm à une moyenne annuelle de 8,6%, tandis que les importations iraniennes ont progressé à un rythme annuel de 7% sur la même période 7. De façon générale, l'Union Européenne tire un avantage de cette situation8 : depuis 2002, la croissance des exportations comme des exportations connaît un rythme soutenu, comme on le voit dans le tableaul.
T a bl eau 1 : Ehc anges commerciaux Année
Import en millions €
Variation annuelle en %
UEII ran Export en millions€
Variation annuelle 0/0
5.615 2002 8.237 6.317 23,8% 2003 11.144 18,9% 2004 7.511 13.159 39,6% 2005 10.487 14.347 13.041 23,4% 12.372 2006 2007 12618 -3,2% 11.152 Source Eurostat DG Trade, from EU bilateral trade with the Trade, mise àjour septembre2008.
21,5% 18,6% 9% -13,8% -9,9% world, EU DG
T abl eau 2 :2006 E c h anJ2 es DEll ran I mportaUonsenprovenance Produit Yaleur en Millions€ % du total Combustibles minéraux, lubrifiants et produits. connexes Produits manufacturés (selon les matériaux) Produits alimentaires et animaux vivants Total
7 Source:«
Iran Sanctions:
12.476
88,3%
885
6,3%
253
1,8%
14.126
100%
Impact in Furthering
U.S. Objectives
d'I ran
is Unclear and Shou]d be
Reviewed », Washington, Government Accounting Office,GAO -08-58, décembre 2007. 8 Les entreprises européennes implantées en Iran confirment sans ambigüité que l'absence de concurrent américain est un avantage comparatif spectaculaire; Frederick Dahl, « European firm thrives in Iran despite sanctions », Reuters, 28 février 2008.
39
M. Makinsky
T a hl eau 3 2006 E xportatlons
europeennes vers l'I ran Valeur en Millions € Produit % du total Machines et 6.355 56,8% équipements de transport Produits manufacturés 1.997 17,8% Produits chimiques et 11,3% 1.267 connexes Combustibles minéraux, 497 4,4% lubrifiants et prod.connexes Produits manufacturés 167 1,5% div Total 11.191 100% Source Eurostat DG Trade,from EU bilateral trade with the word, EU DG Trade, mise àjour .reptembre2008. 40
Une rupture
chargée
de sens?
En 2006, selon les données de la Commission Européenne, »/Union Européenne est leprincipal partenaire commercialde !1ran, représentant 27,8% de ses échangesen 2006.88% des importations euroPéennesen provenance d'Iran sont des produits liés à l'énergie. Les e.-portations de IUnion Européenne vers !1ran en 2006 ont cru de 8% en mqynme alors que les importations iraniennes ont progresJ-éà hauteur de 25,9%.» 9. On remarque immédiatement que les chiffres du tableau 1 et de l'analyse précitée ne sont pas identiques alors qu'ils sont supposés provenir des mêmes sources. Selon le tableau 1 ci-dessus, on observe, après une période de croissance soutenue des exportations de l'Union, un décrochage au cours de l'année 2006: les importations européennes poursuivent une progression marquée (,234%), en revanche, les exportations communautaires fléchissent significativement (-13,8%). Si l'on exclut les erreurs matérielles, il est permis de penser que ces écarts sont attribuables à plusieurs causes: il peut s'agir de références calendaires
EU Commission, Bilateral Trade Relations, Iran, 07.http://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/countries/iran/index_en.htm, 21 février 2008.
updated 10consulté le
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
différentes liées à l'origine des données, selon que l'on se réfère à l'année civile occidentale (1er janvier/31 décembre) ou à l'année civile iranienne (21 mars-21 mars) ou de l'effet des réajustements statistiques liés à l'accroissement des Etats Membres comme le suggère la légende de ce tableau. Si on ne s'attarde pas sur cette discordance, l'observation d'une divergence tendancielle du rythme des exportations de l'Union vers l'Iran et de celui des importations européennes en provenance de la République Islamique se vérifie. L'année iranienne 2006 /2007 (21mars/2Omars) est marquée par une forte croissance (+45,5%) des exportations non pétrolières iraniennes ($16, mions), bien que les hydrocarbures représentent au moins 76% des exportations, mais les importations croissent elles aussi. S'agissant des importations, les Emirats Arabes-Urus sont « le premier fturniSJeur de !1ran avec 22,4% de part de marché })10Il faut noter que, selon les mêmes sources, «la part de IVE recule, avec 37% en 2006-2007. L'Allemagne occupetoujours la deuxième place, avec 12,1% du marché. La France est deJCenduede la troisièmeà la cinquièmeplace avec5,4%, la Chine gagnant chaque année des parts de marché et se trouvant en 2006-2007 à la troisièmeplace avec 7,1%. La Corée du Sud avec 4,7% se trouve à la sixième place, devançant !1talie (4,1%), la Grande-Bretagne (3,4%) et les Pqys-Bas (2,3%). ) L'examen des exportations iraniennes, toujours selon les mêmes sources, d'après les données tirées d'Eurostat, montre que « le premier client de !1ran reste leJapon, qui a acheté en 2006/2007 pour près de 12 milliardr USD dePétrole à !1ran, 99% de ses importations enprovenance de !1ran étant des hydrocarbures.) Mais si on exclut le pétrole, on trouve comme premier client les Emirats Arabes Unis, suivis de la Chine qui achètent des minerais et des produits chimiques de base. L'Europe semble plus mal placée, l'Italie et les Pays-Bas arrivant respectivement à la 7ème et Sème place. L'augmentation des importations de l'Union en provenance de l'Iran est en partie attribuable à l'envolée des cours du baril, et un accroissement de la demande. La chute des exportations européennes reflète plusieurs phénomènes. On serait tenté d'y voir d'abord les problèmes économiques iraruens: les surplus pétroliers sont massivement injectés dans les dépenses de fonctionnement d'un budget chaque année en augmentation, et dont le pouvoir ne peut ou ne veut
tOLes données
reprises
dans ces développements
sont tirées de : »Le commerce
de l'Iran en 2006 «Fiche de synthèse, Minefi-DGTPE, Téhéran,
12 juin 2007.
extérieur
Mission EconollÙque française,
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M. Makinsky
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maîtriser les dépenses. La politique de saupoudrage est extrêmement coûteuse, y compris du fait des subventions dont le financement s'opère en ponctionnant les réserves du Fonds de Stabilisation qui est supposé au contraire financer des investissements. Les coûts croissants des importations de produits pétroliers raffinés, ainsi que les subventions publiques aux biens de consommation de première nécessité, plombent les recettes. Le pouvoir essaie de décourager les importations de biens manufacturés qui sont pourtant nécessaires, en particulier pour moderniser un appareil de production peu performant. En rester là ne rend pas compte de l'ensemble des causes en présence. Au fur et à mesure que l'année (iranienne )mars 2007/ mars 2008 approchait de son terme, l'évolution précédemment observée s'est amplifiée: »En 2007,selon les statistiques douanières chinoises, la Chine s'est affirmée ,après les Emirats Arabes -Unis, comme deuxième exportateur vers I1ran, avec des ventn deprès de 7,3 mds USD(soit + 62,7% de croissancepar rapport à 2006) Selon les observateursiraniens, alors qu'au moins 20% des réexportations des EAU proviendraient en fait de Chine, celle-à serait en fait devenue le premier fOurnisseur de I1ran Avec 11% depart du marché iranien, l'Allemagne exportait à la Jin novembre 2007 14% de moins que l'annéeprécédente. Avec 3,243 MUSD d'exportations, l'Allemagne est désormais le Jim' fOurnisseur de I1ran ))11 . La position de la France poursuit son déclin, passant au 6èmerang avec 1,513 MUSD, en recul de 20,32% comme on le voit dans le tableau 4 cidessous. Tableau 4 : Princi]aux exportateurs vers l'Iran en 2007(année iranienne)/l Pays Rang Exportations ($mds) Evolution (vs année précédente) 8,041 +7,4% 1 EAU* 7,288 Chine +62,72% 2 3,243(€3,750mds(aJ) .Allemagne** 3 -14% Corée du Sud 3,265 +27,6% 4 2,001 (€1,335mds@) +5,95% 5 Italie*** France 6 1,513(€1 ,400mds@) -20,32% Japon 1,332 7 + 13,59% 1,189 +1,5% Inde 8 Royaume 0,716 9 -1,62% Uni*** Ii Objectif 2008.
Iran, Bulletin
de liaison de la Mission
Economique
de Téhéran,
n04, février
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
*10 premiers mois de l'année iranienne 2007/2008 **11 premiers mois tk l'année 2007 ***10 premiers mois de l'année 2007 Sources:
GTA,
douanes nationales, douanes iraniennes pour les EAU.
Jl Tableau repris de ObjectifIran,ftvrier 2008, op.cit. @Source :en euros, douanes iraniennes,cyusté année iranienne compltte (mars 2008) communiqué par le site tk l'Ambassade 2008(
Iranian
Year 1386),juillet
suisse à Téhéran :Economic Report on Iran 2007-
2008.http://www.osec.ch.consulté
Ie 10 octobre 2008.
A l'issue de l'année 2007, les tendances que nous venons de signaler se confIrment12 : -les échanges commerciaux entre les 27 membres de l'Union Européenne et l'Iran totalisent €24 milliards, soit un recul de 7% par rapport à 2006 ; les données publiées tardivement par Eurostat le 28 juillet 2008 indiquent plus précisément que les exportations européennes vers l'Iran sur l'année 2007 complète ( au 31 décembre 2007) se sont élevées à € 10,087 milliards, soit un recul de 10,6%, et que les importations européennes en provenance d'Iran ont atteint €13,8 milliards, soit un recul de 3,5%. -les échanges avec l'Italie atteignent € 6,048 milliards, soit un progrès de 5% par rapport à 2006, ce qui en fait le principal partenaire européen de Téhéran, avec € 4,186 milliards d'importations (premier importateur européen, surtout de pétrole) et € 1,862 milliards d'exportations vers l'Iran. L'Allemagne 13, pour sa part, a enregistré un montant total d'échanges de € 4,096 milliards, soit une diminution de 9% par rapport à l'année précédente, mais demeure le premier exportateur européen avec € 3,6 milliards en 2007 et second partenaire européen. La France, de son côté, avec € 3,938 milliards, est le troisième partenaire européen, en recul de 8%. Le Tableau 5 ci-dessous qui tire le bilan de l'année 2007 selon le calendrier international illustre bien les tendances déjà identifIées au vu des données partielles déjà connues: la Chine est le principal partenaire commercial de l'Iran tant pour ses exportations que ses importations. La Chine a gonflé le montant de ses importations en provenance d'Iran du fait du boom du prix des hydrocarbures et de son positionnement
12Source: Eurostat 13 Sur l'évolution EU, »German-Iranian
citée par Fars News Agency, 16 avril 2008. des échanges et investissements allemands, voir: Economic Relations », Backgrounders, 13 mars 2008.
REALITE
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comme un des principaux clients de la République Islamique. L'importance des exportations chinoises saute également aux yeux, mais leur ampleur est certainement plus élevée que ce que révèlent les exportations directes, car une part non négligeable des exportations chinoises (Mais la Chine n'est pas la seule dans ce cas) passe par Dubaï. }\ cet égard, le fait que les Emirats Arabes Unis soient le 3èmeexportateur de marchandises vers l'Iran dissimule mal qu'il s'agit largement de réexportations. S'agissant de l'Allemagne, sa position de leader européen des exportations apparaît clairement, l'Italie parvenant à la moitié du niveau allemand, tout en affichant un montant fort significatif d'importations en provenance d'Iran, probablement des hydrocarbures. La position de la France (7ème exportateur direct, hors réexportations) est, comme on le pressentait, dégradée (mais comme ses concurrents, elle profite aussi des circuits mis en place aux Emirats Arabes Unis). Tableau 5: international) Pays
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Principaux
partenaires
de
l'Iran
en
2007(calendrier
Exportations Importations vers l'Iran d'Iran ($mds) ($mds) 12,188 Chine 1 8,017 5,445 0,621 Allemagne 2 UAE 5,168 0,747 3 3,282 5,139 Corée du Sud 4 2,990 0,282 Russie 5 2,824 5,215 Italie 6 France 2,265 3,069 7 Source: IMF, Direction of Trade StatÙtics,cité dans :Sh'!Yera IIias,)i lran's Economy )i,CRf Reportfor Congress,updatedJanuary 15 ,2009, Washington DC, Congressional
Research
Rang
SenJice.
Derrière les chiffres, la politique? La dégradation de la position française sur le marché iranien est donc spectaculaire. Elle participe, certes, du mouvement général de baisse des exportations européennes, mais s'en distingue au premier coup d'œil par son ampleur. Selon les statistiques des douanes iraniennes pour la période 21mars/22 août 2007, citées par Objectif Iran (Mission Economique Française à Téhéran) ». La France est devenuele lim,foumÙseur de 17ran. Avec 180 millions d'USD, elle détient seulement 4,3% de parts de
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
marché, en reculpar rapport à la mêmePériode de l'annéeprécédente,puisqu'elle était !e 4èm'.fOurnisseur et détmait 5 ,9% de part de marché. Les importations m provmance de France ont chuté de 21,3%. »14Le même Bulletin de la Mission Economique Française relève que «Selon les statistiques des douanesfrançaises, nos échanges commerciaux avec !1ran sont toujours largement déficitaires en raison d'achats importants d'lrydrocarburesà !1ran. Pour !es 7 premiers mois de l'année 2007, nos exportations s'élevaientà 818,8 millions € (en baisse de 22,4%) .Seuls les produits agricoleset lesproduits chimiques ont connu unefOrte croissance(+ 100% et + 65%), mais les véhiculeset les équipements automobiles restent lepremier poste à l'exportation, en diminution de 28% par rapport aux septpremiers mois de 2006» . Bien entendu, s'agissant de l'Iran, la plus grande prudence s'impose dans le maniement des chiffres, l'appareil statistique iranien n'étant pas exempt ( en dépit de progrès très substantiels) d'approximations dont les causes ne sont pas que techniques, comme on le voit en Iran-même où de violentes polémiques s'élèvent quand les pouvoirs publics brandissent des chiffres en matière d'inflation, de chômage, ete. Il n'est cependant pas interdit de commenter cette évolution. Selon Thierry Coville, «il est difficile de savoir si ce recul est surtout motivépar les sanctionsfinancièreJ ou une stratégieplus attentiste dufait d'un niveau plus élevé de risques» 15. Il poursuit: »...on sait que les entreprisesfrançaises utilisent deplus enplus les EAU comme base intermédiairepour atteindre le marché iranien .Dans tous !es cas la France a perdu desparts de marchépar rapport à ses conCUfTents».Il cite l'automobile et l'énergie comme secteurs menacés. La régression de la pénétration française peut refléter les difficultés que connaissent les entreprises françaises sur certains marchés, insuffisamment prospectés ou entretenus. La diminution des exportations automobiles peut éventuellement être considérée à la lumière de l'option retenue de construire des véhicules sur place en association avec des constructeurs étrangers. Il ne faut pas oublier que les importations d'automobiles sont lourdement taxées; s'ajoute à cela le problème des importations au marché noir de véhicules parfois volés, un commerce auquel seraient associées certaines composantes du régime qui contrôlent l'accès de plusieurs zones portuaires. Si l'on est tenté d'incriminer la hausse de l'euro par rapport au dollar, la différence de situation entre la France et l'Allemagne montre que l'explication est courte, même si l'Allemagne, comme nous le verrons plus loin, se plaint
t4 Objectif Iran, n02, septembre 2007. IS T.Coville, »De l'efficacité des sanctions 2008.
économiques
contre l'han
», EurOrient,
n026,
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amèrement des conséquences des restrictions ftnancières qui lui sont imposées dans le cadre des pressions économiques contre l'Iran. Le Royaume-Uni, beaucoup plus modestement présent, est lui aussi affecté mais dans une moindre mesure. La progression considérable de la Chine doit retenir notre attention, elle est un des indicateurs qui nous permettent de parfaire notre diagnostic. En effet, il est permis de rapprocher l'augmentation spectaculaire de l'implantation économique de la Chinel6 du contexte politico-stratégique. L'Iran a clairement fait le choix d'un appui chinois, et russe aussi dans son positionnement face à l'Amérique et aux européens dans le dossier nucléaire. La Chine est devenu le partenaire politique principal sur lequel compte la République islamique pour éviter ou, plutôt limiter les sanctions, qu'elles soient prononcées par le Conseil de Sécurité ou qu'il s'agisse des restrictions unilatérales bancaires aux entreprises ou établissements ftnanciers iraniens. Les chinois ont progressivement pris la place des occidentaux l7et exportent en Iran une impressionnante quantité de marchandises, dont des produits manufacturés qui provoquent un effet dévastateur sur le tissu des PME iraniennes laminées par le dumping chinois. Pékin a voté les sanctions du Conseil de Sécurité pour infliger un avertissement à Téhéran mais ne veut en aucun cas que ce soit au détriment de ses propres intérêts économiques et ftnanciers. La Chine fait payer à l'Iran son statut de fournisseur privilégié en hydrocarbures. La signature du «méga-contrat «avec la CNOOC (China National Offshore Oil Corporation) d'un montant évalué à 16 milliards de dollars pour le développement du champ gazier de North Pars est un indice qui ne trompe pasl8. La Chine a conftrmé qu'elle ne soutient pas des actions contre l'Iran qui « vulnérabihJ';le commercenormal et la coopérationéconomique»19.Il y a donc une
16China - Iran Trade Surge Vexes US", The 17 "China 's Trade with Iran under Western Insights, February 2008;et China Hand,"US Times Online, Il avril 2008. 18« China National Petroleum Corp.signed
Wall Street Journal, 27 juillet 2007. Scrutiny as Beijing Considers Move », WMD sanctions send Iran into Asia's arms", Asia
a $ 1.76 billion deal with Iran 's NIOC on January 14,2009, to develop the North Azadegan oil field". Associated Press, 14 janvier 2009. 19 Liu Jianchao, porte parole du ministère chinois des affaires étrangères, )a confu:mé l'existence d'un accord de principe ;Payvand's Iran News,28 février 2008 . Mais ceci n'exclut pas que ce contrat soit fragilisé par les pressions que les chinois exercent sur l'Iran en réduisant leurs concours bancaires.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
corrélation entre la percée chinoise et le repli européen, français en particulier. Cela étant, ne perdons pas de vue le maintien de la position éminente des Emirats Arabes-Unis comme importateur et exportateur ; nous y reviendrons plus loin. Retenons dès à présent qu'une partie des échanges qui ont disparu du commerce bilatéral franco-iranien (et européen) se retrouve dans les échanges Iran-Emirats. La proportion est extrêmement difficile à chiffrer car les transactions perdues par la France et les européens ne se reportent pas, tant s'en faut, intégralement dans le commerce irano-émirati, car les Emirats réexportent en Iran des biens manufacturés importés de Chine20, y compris des contrefaçons chinoises de produits européens écoulées dans les circuits des bazars iraniens. La mise en œuvre du dispositif
d'étranglement
financier
Il est permis d'identifier un calendrier politique derrière les chiffres. En effet c'est au début de l'année 2006 que progressivement l'administration américaine décide d'ouvrir un nouveau front contre l'Iran, un front financier. Et, ce par deux voies conjointes. D'une part au moyen de décisions (sanctions) unilatérales via les Executive Orders Acts (que nous ne détaillerons pas ici 21) qui prononcent l'interdiction de relations commerciales et financières avec des entités liées, selon le Trésor Américain, aux opérations de prolifération nucléaire. La liste de ces cibles s'allonge régulièrement. En visant les banques, Sepah, Mellat, Melli et Saderat22, les auteurs de ces législations touchent les principaux établissements iraniens habilités à financer les importations de la République islamique. Seuls certains d'entre eux seront visés dans les résolutions du Conseil de Sécurité et les Règlements de l'Union Européenne qui les transposent. Conscients des limites de ce dispositif, les dirigeants de Washington empruntent une voie autrement plus efficace, les restrictions unilatérales des volontaires « coalition of the willings ». Le maître d'œuvre de cette stratégie est Stuart Levey, sous20 Sur les flux chinois utilisant Dubaï,voir :» China Hand,» Euro Mantra undernlines sanctions », Asia Times Online,12 avril2008 . 21 Voir notre étude citée dans la note 1 ci-dessus. 22La première est directement visée par les mesures adoptées par la Résolution 1747 du Conseil de Sécurité, qui prescrit par ailleurs aux Etats et aux institutions financières internationales de s'abstenir de nouveaux prêts et concours financiers au gouvernement iranien, les deux dernières sont citées dans la troisième Résolution 1803 adoptée le 3 mars 2008 , qui invite les Etats à faire preuve de « vigilance» à l'égard de toutes les banques domiciliées en Iran et leurs succursales et filiales à l'étranger.
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secrétaire d'Etat au Trésor. Elle consiste à persuader les établissements ftnanciers à cesser tout concours (prêt, crédit) à l'Iran, et surtout d'interrompre la production de lettres de crédit pour le ftnancement des opérations commerciales avec la République Islamique. Les exportations iraniennes (en particulier les hydrocarbures) en 2006 étant effectuées en dollars, il s'agit aussi d'empêcher Téhéran d'avoir accès à cette devise. (Du coup l'Iran s'emploie à remplacer cette dernière par l'euro). Les entreprises sont, pour leur part, « conviées» à ne plus investir, importer, exporter ou coopérer avec l'Iran. Ces démarches visent aussi les organismes de garantie et d'assurance aux exportations qui sont fermement priés par les représentants du Trésor (S.Levey et ses collaborateurs) de ne plus couvrir ces opérations. Pour tenter de persuader les dirigeants des établissements ftnanciers, des banques, et des entreprises de se joindre à ce mouvement, le Trésor américain semble avoir utilisé des moyens aussi efftcaces qu'hétérodoxes. Selon des échos convergents, les responsables ainsi contactés auraient été informés que s'ils refusent de participer à ce qui ressemble à un boycott, la banque ou l'entreprise rétive se verrait couper l'accès au marché américain, voire serait publiquement dénoncée dans les medias d'Outre-Atlantique comme complice des « terroristes iraniens» aftn de susciter des mouvements de « désinvestissements» chez les opérateurs économiques comme les fonds de pension. Plusieurs tentatives de législations imposant de se délester des investissements 23 dans des entités commerçant avec l'Iran ont été lancées dans plusieurs Etats mais n'ont pas abouti au niveau du Congrès ou de la Chambre des Représentants. D'abord accueillie fraîchement et avec réticence en Europe et surtout en France et en Allemagne, cette démarche rencontre une vive résistance. Russie et Chine y sont vigoureusement opposées dès le départ
23 « Calpers
pressed
to drop
Iran'
terrorist'investments",
Iran
focus
19 mars
2007.
RKouchner, lors de sa visite à Washington en septembre 2007, a déclaré à propos d'un projet de texte du Sénateur Lantos, que la France s'oppose aux législations qui frapperaient des entreprises européennes opérant en Iran car ceci affecterait la coopération sur le dossier iranien: »Congress Denounces Iranian President» Fox News,25 septembre 2007. Si des mesures législatives devaient imposer un mouvement significatif de désinvestissement sur des entreprises françaises, ceci pourrait avoir un impact aussi important que difficile à évaluer, dans un contexte boursier déjà perturbé par la crise financière qui croît en 2008.1] pourrait y avoir aussi des risques de déstabilisation de j'actionnariat de ces groupes. Les Fonds de pension américains sont très hostiles à ces « consignes» perçues comme nocives pour les intérêts de leurs membres.\' oir : Friends of PERA : » FoP Concerns », 23 janvier 2008, http://www.friendsofpera.com/consulté le 13 mars 2008.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
et ignorent superbement ce dispositif, à la grande satisfaction des iraniens qui redéploient progressivement leurs concours bancaires. Du coup, S.Levey et ses équipes multiplient les tournées. En septembre 2006, le secrétaire d'Etat au Trésor,H. Paulson, à la réunion du G7, invite ses collègues des pays industrialisés à empêcher les banques et entreprises à s'abstenir de servir d'appui involontaire aux activités nucléaires répréhensibles de T éhéran24 ;trois banques japonaises, puis des banques suisses,(Crédit Suisse, UBS)et d'autres pays ( ABN Arnro, HSBC, Commerzbank, etc) vont progressivement céder aux pressions. Du côté français, BNP PariBas aurait réduit significativement ses engagements, Calyon, la Société Générale aussi. A fin 2007, quelque 40 banques2S couvrant pratiquement tous les grands pays, ont ainsi gelé leurs opérations avec l'Iran, du moins officiellement. La France:
du suivisme
au leadership
L'attitude française sur le dossier des pressions fInancières unilatérales est plus complexe qu'il n'y paraît. Les apparences sont trompeuses et obligent à percevoir que la radicalisation du discours de la présidence de la République depuis l'élection de Nicolas Sarkozy cache des éléments de continuité qui étaient inscrits dans les faits sous Jacques Chirac; en effet, ce n'est pas l'accession au pouvoir du nouveau locataire de l'Elysée qui marque un désengagement de la France dans ses exportations et ses investissements en Iran. Une note « Steep Decli1leitl French Economic Ties to Iran, Fact Sheet comPiled lry the French Embasry (JulY 10 ,2001)>> attribuée à Emmanuel Lenain, conseiller de presse à l'ambassade de France à Washington, adressée à un journaliste de U.S.News and World Report, donne un éclairage signifIcatif à cette tendance 26. Ce document, après avoir constaté que les relations économiques franco-iraniennes sont d'un niveau qualifIé de « modeste », considère que celles-ci enregistrent un déclin aigu. Plus intéressant, la note estime que ({ceci est le résultat des effirts entrepris par la France et la communauté internationalepour traiter la crisenucléaireIranienne. »
2. Voir l'excellente analyse de Abbas Bakhtiar, »The Plan for Economie Strangulation of Iran »,Payvand's Iran News,11 janvier 2007 . 2; ME ES, « As Financing Difficulties Mount Iran Attempts To Circumvent US Pressure", Zawya, 20 avril 2008. 26 Ce document,qui n'a ,à notre connaissance, reçu aucun démenti, est reproduit dans :Michael Barone, ,>Divesting from Iran »,U.S. News & World Report,30
août 2007.
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A titre d'illustration, la note précitée aborde successivement les échanges commerciaux bilatéraux et les investissements français en Iran: »Les exportations françaises vers I1ran ont culminé en 2004 ;à présent elles décroissent.Les importations enprovenance d1ran consistent exclusivement enPétrole et produits alimentaires )).
Mds€
2004
2005
2006
06/2006 OS/2007 1,7
à
2,3 1,9 1,9 Export. vers Iran 1,4 2,1 2,4 2,3 Import. vers Iran Source Michael Barone, US News & World Report, 30 août 2001.
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Si le rapprochement des chiffres ci-dessus, tirés de la note précitée, avec ceux des statistiques européennes, s'avère problématique,( et si l'on exclut que la note en question soit fictive ou une manipulation), il semble néanmoins se dégager que la décrue des exportations françaises n'est pas attribuable ni ne coïncide vraiment ni seulement avec les changements de discours politique français à l'égard de l'Iran. La même source signale pareille décrue en matière d'investissements: « Selon !es derniers chiffres dijponiblespubliés par la Banque de France, le stock d'investissements internationaux français en Iran en 2004 s'élevait à 391 millions d'euros (0,1% du montant des investissementsfrançais à l'étrangery.La France a désinvesti 186 millions d'euros d1ran en 2004 et 168 millions en 2005 )). La même note constate que « selon les derniers chiffres disponiblespubliés par la Banque de France, le niveau cOnJolidéd'exposition des banquesfrançaises à l'égard des emprunteurs iraniens a décru de 4 milliards d'euros en décembre2005 à 2,1 milliards d'euros en décembre2006 (risque ultime).Cette tendancesera certainementconfirméeen 2001 », poursuit la même source. Après avoir rappelé les diverses mesures adoptées par l'Union Européenne, en complément de celles résultant des sanctions prononcées par le Conseil de Sécurité, ce document identifie des dispositions purement nationales: »Le 8 flvrier 2001, la France a changé sa politique de crédits à l'exportation à l'égard de !1ran dans une orientation restrictive:nous avons décidéde réduire en 2001 notre pltifOnd d'exposition sur ce pqys et de renforcer considérablementles conditions d'octroi de ces crédits.Et il est clair que cettepolitique demeurera sous surveillance étroite, enJOnction des évolutions de la crise nucléaire )).
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
Quelque soit la validité des chiffres cités, et les appréciations ou réserves que l'on peut exprimer à leur sujet, il convient à ce stade de la réflexion de retenir une première série d'enseignements: Comme indiqué plus haut, la décrue française en Iran a précédé le changement présidentiel à l'Elysée, et il ne faut pas attribuer à la nouvelle présidence l'entièreté de la paternité de cette tendance. Il faudra chercher ailleurs la nature et la portée des inflexions françaises. Une question se pose immédiatement, qu'on ne peut éluder, sans espérer toutefois apporter une réponse pleinement valide. Les restrictions apportées aux exportations et investissements français en Iran sont-elles uniquement dues à la politique volontariste de Paris à cet égard ?Ce n'est pas certain ;on pourrait se demander si cette note, rédigée après l'accession de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, ne donne pas a posteriori une couleur de solidarité «atlantique» à ce qui pourrait être au départ le résultat des vigoureuses pressions du Trésor américain. N'ayant guère de possibilité de s'opposer à ce train de mesures, quand bien même ceci ne correspondrait pas vraiment à la vision du président Jacques Chirac, la France ne dispose pas véritablement de politique de rechange, surtout au moment où la présidence Ahmadinejad ne cesse de faire preuve de raidissement dans le dossier nucléaire. Quand bien même J .Chirac ne serait pas convaincu par une telle orientation, la diplomatie française est pleinement engagée et partie prenante dans les sanctions édictées tant par l'Onu que par l'Union Européenne, tout en constatant douloureusement qu'elles ne parviennent pas aux résultats escomptés et simultanément en espérant néanmoins que les investigations de l'AIK-\ parviendront à acculer la République Islamique à plus de transparence. On se souvient aussi de ce que Jacques Chirac avait «off the records» relativisé le péril que représentait l'option nucléaire iranienne, au grand dam de l'administration Bush. S'agissant des «restrictions volontaires» hors ONU, on ne saurait exclure qu'elles contrarient à cette époque le gouvernement français, mais que ce dernier ne dispose pas de quelconque ressource pour s'y opposer. Donc, en se gardant de soutenir publiquement ces « actions volontaires» Paris ne peut y mettre de frein, d'autant que les menaces de représailles contre les récalcitrants ne cessent de croître outre-Atlantique. En second lieu, on peut tout autant supputer que le retrait apparent de la France est aussi pour partie causé par des raisons prudentielles : la fiabilité des opérations avec l'Iran (toute sanction mise à part) s'effrite, des incidents de paiement se rencontrent, et surtout les
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entreprises et les banques françaises de plus en plus menacées de représailles outre -}..tlantique, se voient contraintes de réduire le volant de leurs engagements à l'égard de la République Islamique. En sus, au fur et à mesure que se développe le dispositif d'isolement fInancier américain, les iraniens essaient de redéployer échanges et partenariats avec la Chine, la Russie et d'autres pays »amis »,de travailler avec de petites banques asiatiques, créer toutes sortes de circuits «parallèles ». L'autre voie principale de contournement est le passage par les Emirats Arabes Unis, clé de voûte de ce dispositif, dont les statistiques d'import-export avec l'Iran attestent de longue date que ces relations ne sont pas destinées à satisfaire les seuls besoins émiratis27. Alors que le Trésor américain a considérablement accentué ses pressions sur les établissements fmanciers, les iraniens, pour maintenir les échanges bilatéraux,28 utilisent des canaux détournés (paiements en liquide, transferts informels29, petites banques non contrôlées, par exemple au Pakistan, mais au prix de surcoûts signifIcatifs). Les entreprises ont eu aussi recours à la création de filiales dans les Emirats ou à des sociétés-écrans. Les quelque 48 banques européennes présentes à Dubaï ont été obligées -officiellement d'affIcher des restrictions sur les opérations qu'elles ftnancent sur l'Iran, notamment sur les transferts interbancaires, après la visite de S.Levey qui a enjoint à l'ensemble des banquiers arabes et internationaux de la place de geler leurs transactions avec Téhéran.3D. Il n'est pas surprenant, dès lors, que « les Emirats représententnotrepremier débouchéau Mqyen-O,Ùnt : -1/4 des exportationsfrançaises au Mqyen-O,Ùnt
2Ï Selon l'ambassade d'Iran à Dubaï, les échanges commerciaux bilatéraux se seraient élevés à $ 11, mds pour l'année qui a pris finIe 21 mars 2007 et devraient atteindre $ 14 mds l'année suivante (fin mars 2008). La Chambre de Commerce et d'Industrie de Dubaï évalue à $ 9,8 mds le montant des exportations non pétrolières vers l'Iran, soit une augmentation de 33,4% par rapport à l'année précédente; »UAE open for Iran Business as US seeks to choke Tehran », http://middle-east-online.com /english/ ?id==24287==24287&format==0 ,12 février 2008. 28 Selon des sources iraniennes, les échanges bilatéraux auraient atteint $ II,7 mds au cours de l'année qui a pris fin le 20 mars 2007, 0es importations iraniennes en provenance des Emirats représentant 9,2 mds) et devraient culminer à $ 14 mds à fin mars 2008, »Iran-UAE business still strong, as sanctions tighten », AFP & BI-ME ,14 février 2008 . 29Pour une description des circuits iraniens de contoumement des sanctions financières américaines, voir :Famaz Fassihi & Chip Cummins, »Iranians Scheme to Elude Sanctions »,The Wall Street] oumal, 13 février 2008 . 30« Sanctions hurt Iranian's Dubai Business »,AP 29 décembre 2007 .
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
)) -1/3 des exportationsfrançaises dans lespqys du Golfè avec € 3,6 mds d'exportations en 200731, soit une augmentation de 6,8% par rapport à l'année précédente, conftrmant la hausse très signiftcative déjà enregistrée l'année précédente, ce qui place la France, selon les mêmes sources, à la 7èmeplace des fournisseurs des Emirats ( le 3èmeeuropéen). Une solidarité
réaffirmée
A peine élu, le nouveau président de la République a entendu affmner un rapprochement marqué avec les Etats-Unis, ce qui a conduit à faire passer la France d'un rôle de « suiveur» à celui de moteur dans la promotion des sanctions prononcées tant par le Conseil de Sécurité que par l'Union Européenne, mais aussi, de façon plus surprenante, à l'égard des pressions fmancières «volontaires ». Le 16 septembre 2007, le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, déclare:» Nous avons décidé,pendaltt que la négociationsepoursuit, et elle doit s'amplifier, de nous préparer à du sanctions éventuelles, m dehors des sanctions de l'ONU, qui seraient des .fanctions europémnes.» 32 Mais c'est à cette occasion que le ministre va plus loin dans le même entretien en conftrmant que le gouvernement a demandé à un certain nombre de grandes entreprises de s'abstenir de répondre à des appels d'offres, à titre de signal adressé aux iraniens; il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'interdire aux entreprises françaises de postuler mais que ceci leur avait été conseillé, s'agissant de compagnies privées; il ajoute qu'il a le sentiment d'avoir été entendu et que la France ne serait pas la seule dans ce cas.33 Comme le note Clément Therme,)) l'activité des entreprisesfrançaise.f semble compliquée par la volonté présidmtielle affichéede sacrifier!es intérêts économiquesnationaux à desfins de lutte contre la prolifération» et, ce, « sans faire appel à un cadre juridique contraignant»34. Il apparaît que ceci marque une étape décisive dans l'attitude de la France qui dès lors, s'inscrit dans le sillage de la politique américaine. Prenant acte du caractère peu persuasif de l'ONU(tout en évitant soigneusement de le dire, et au contraire en militant avec 31 «Dubaï,
Emirats
Arabes
Unis,
Dossier
Pays, », UBI
France/Mission
Economique
francaise à Dubaï. 32 Entretien avec «Le Grand Jury-RTL-Le Figaro-LCI »,16 septembre 2007, cité dans: » Dossier nucléaire iranien: position de la France (24 septembre 2007) « ,site du Ministère des Affaires Etrangères et européennes, http://dip]omatie.gouv.fr/fr/articleimprim.php3 ?id_article=S3976. 33 One News (Nouvelle Zélande), http://tvnz.co.nz/view/page/1352746 ,d'après Reuters,17 34 Clément
septembre Thelme,»
2007. L'Iran exportateur
de gaz? », Note de l'Jfri, mars 2008.
53
M. Makinsky
54
acharnement pour des sanctions par le Conseil de Sécurité des NationsUnies), le Gouvernement français estime que la seule alternative crédible pour éviter le double spectre de la guerre ou d'un Iran doté de la bombe 35, est de susciter autour de Washington une coalition de « volontaires» pour contraindre la République islamique par voie d'asphyxie ftnancière à renoncer à l'enrichissement de l'uranium et à toute composante militaire de son programme nucléaire. Nous n'aborderons pas ici l'analyse de l'efficacité de cette démarche au regard des objectifs annoncés. Nous voulons plus modestement attirer l'attention sur l'impact de cette approche sur les entreprises françaises, ce que nous avons déjà tenté d'esquisser à travers le maquis des chiffres contradictoires ou approximatifs, si ce n'est opaques, à notre disposition. Au fù des mois, la doctrine française d'alignement ne cesse de se confmner: en octobre 2007, à l'issue d'une réunion du G7 Finances à Washington, la Ministre de l'Economie, Christine Lagarde, déclare sans détours:» Clairement, en ce qui concerneles sanctions économiques,nous sommes sur la même ligne», tout en précisant qu'elles « devaient sefaire en accordavecles Nations-Unies »36 . Devant le Council of Foreign Relations elle aurait, selon les mêmes sources, affmné : »La politique françaÙe s'est clairementdurcie et nous avons demandé à toutes /es sociétésfrançaÙes de nepas investirplus» en Iran, ajoutant que « nous avonspris des mesures en ce qui concernele secteurde lafinance afin d'augmenter la pression )).
Devant la commission des affaires étrangères du Sénat, le II décembre 2007, Bernard Kouchner non seulement précise que c'est « à l'initiative de la France, et en concer1ationavec les autres membres permanents du Conseil de Sécurité» que le Conseil de Sécurité des Nations-Unies pourrait adopter une nouvelle résolution. 37Ainsi force est de constater que la France fait preuve d'un zèle qui précède même les désirs de Washington. La promptitude avec laquelle Paris avait affiché une distance, voire une déftance à l'égard des conclusions du Rapport NIE (National Intelligence Estimate 2007) n'avait pas manqué de surprendre. Ceci se retrouve de façon identique dans l'approche des pressions économiques. On
35 Comme
l'avait proclamé
Je président
de la République
dans son discours
du 27 août
2007.Le 20 septembre, il déclare, pour atténuer les propos de B.Kouchner (il faut se préparer au pire), qu'il ne veut pas la guerre mais que l'Iran prépare la bombe.AFP, 20 septembre 2007. 36 Iran/Sanctions: la France « sur la même ligne» que les Etats-Unis »,lranPressNews, 22 octobre 2007. 37 Audition de M.Bemard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, site Bienvenue au Sénat)1 décembre 2007 .
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
remarquera aussi que le dispositif de pressions unilatérales, dans les faits, a totalement ignoré les Nations-Unies. Il y aurait d'ailleurs matière à s'interroger sur la licéité de mesures qui ne s'inscrivent pas dans un cadre juridique précis, mais pourraient se rapprocher d'un boycott. La nouvelle résolution 1803 du Conseil de Sécurité, adoptée le 3 mars 2008 , »invite» ( « Calls upon ») tous les Etats à exercer leur vigilance s'ils entreprennent de nouveaux engagements consistant en soutien fInancier public aux opérations commerciales avec l'Iran, y compris ceux consistant en crédits à l'exportation ,garanties, couverture d'assurance consentis aux particuliers ou entités concernés, afIn d'éviter par là de contribuer à la prolifération d'activités nucléaires sensibles ou au développement de systèmes de lancement. La résolution invite aussi à faire preuve de vigilance à l'égard des activités des institutions fmancières avec toutes les banques iraniennes, en particulier les banques Melli et Saderat, afm d'éviter les mêmes dérives .Ce texte interdit le commerce de biens à usage «dual» civil-militaire avec l'Iran. Le libellé de la résolution, à l'exception de cette dernière disposition, consiste en «invitations» à caractère non-contraignant38, et dépendant du caractère potentiellement « proliférant» des opérations visées. Elles peuvent cependant servir d' »ombrelle « à des textes plus précis ou impératifs s'ils prennent soin de tracer un lien avec les dites activités que l'on veut prévenir. Mais pour l'heure, retenons qu'offIciellement le gouvernement français joint ses propres pressions sur les entreprises françaises: »Ia France a découragétout nouvel investissement de Total ell Iran, et s'est ainsi montrée exemplaire,. d'autres pqys se montrent plus réticentsdufait de leurs intérêts économiquesdans la région}}39 L'Allemagne a longtemps fait preuve de fortes réticences, d'une part à cause de l'importance de sa présence économique, mais aussi parce que la diplomatie allemande est plutôt convaincue de ce que les sanctions
38 Selon
John
McGlynn,c'est
dans
le cadre
de
cet
«appel
à la vigilance»
qu'un
département du Trésor américain, le FinCen (Financial Crimes Enforcement Network) a publié le 20 mars 2008 un avis à toutes les institutions financières du monde, »Guidance to Financial Institutions on the Continuing Money Laundering Threat Involving Iranian Activity» par lequel il met en garde contre toutes les banques iraniennes du fait des risques qu'elles présentent pour le système international. Ce document tire son libellé des avertissements de la FA TF (Financial Action Task Force) ,organisme de 32 pays chargé par le G7 de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale et du terrorisme. Ce dernier avait pour sa part répété ses critiques contre l'Iran Je 28 février peu après que Téhéran ait adopté une législation anti-blanchiment. Ce nouvel arsenal du FinCen pourrait servir de base à parfaire l'isolement financier de !'Iran.V oir : »The March 20,2008 US Declaration of\Var on Iran »,Japan Focus, 24 mars 2008. 39 Ibidem.
55
M. Makinsky
56
alimentent les tensions, confortent le pouvoir iranien dans son inttansigeance dans ses options, bref, sont contte-productives.4o De fait, S .Levey a exercé de vigoureuses pressions en juillet 2007 sur les dirigeants politiques, industtiels, fInanciers allemands, pour qu'ils coupent drastiquement leurs relations commerciales et fInancières avec la République Islamique ;ces derniers n'ont pas manqué de soulever le fait que ceci pénaliserait l'économie et l'emploi outte-Rhin, et qu'au surplus, les marchés perdus seraient récupérés par les chinois et les russes. Le représentant du Trésor se montta inflexible, tandis que la Deutsche Bank, Siemens, Basf, constataient que la Securities & Exchanges Commission (SEC) les avait inscrites sur la liste d'entités commerçant avec l'Iran, sachant que Christopher Cox, président de la SEC avait déclaré le mois précédent qu'un investisseur» ne devrait mêmepas seposer la question de savoir si ses investissements soutiennent un abri de teTTonstesou un Etat génocidaire))41. L'Allemagne voyait avec une contrariété croissante la France promouvoir des sanctions contte l'Iran, et refusait de se laisser entraîner dans un mouvement qui porte atteinte à ses intérêts. Le ministte allemand des Affaires Ettangères Frank-Walter Steinmeier a clairement manifesté sa mauvaise humeur en accusant la France et l'Amérique d'hypocrisie, soutenant que les entreprises des deux pays avaient en réalité accru leurs échanges avec l'Iran, alors que les exportations allemandes, selon le ministte, avaient chuté. Il a accusé avec indignation Washington de contourner l'embargo en créant à Dubaï des sociétés-écrans, estimant ainsi que ces traitements inégaux des sanctions avaient écarté des entreprises allemandes du marché iranien. Les appels du président français à ajouter des sanctions européennes au dispositif de l'Onu ont été alors fort mal reçus42, en particulier chez les industriels.43 Cela étant, les autorités de Berlin constatent la confIrmation d'une baisse des exportations allemandes vers l'Iran de 7% en 2006, puis 40 Pour
une analyse des différentes attitudes des pays européens d'un point de vue américain, voir Philip Gordon, »Iran Sanctions and Regional Security »,audition devant la Chambre des Représentants, Brookings,23 octobre 2007 . 41 Ralf Beste, Christoph Pauly and Chritian Reiermann,» US Pressures Germany to Cut Iran Business Ties", Der Spiegel,30 juillet 2007.V oir aussi,"German firms feel US heat on trade with lran",DPA,30 octobre 2007. 42 "Berlin Says US and France Guilty of Hypocrisy »,SPIEGEL ON LINE ,24 septembre 2007.Voir aussi,"Franco-German split on Iran,"Fars ,15 septembre 2007. 43 « German-Iranian Trade and German Industry's 'Resistance' to Sanctions »,WorldPolitics Review,lO janvier 2008. hrrp:/ /www.worldpoliticsreview.com/blg/blog.aspx 2008.
?id=1493,
consulté
le
17
février
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
de 15% sur les 9 premiers mois de 2007 .De 2004 à 2006, le volume des garanties à l'exportation avaient enregistré une diminution qualifiée de « considérable» par le ministère allemand des affaires étrangères, tendance poursuivie en 2007 selon cette administration.44 Ces garanties auraient atteint € 503 ,4 millions en 2007, soit une chute de 50% par rapport au chiffre de € 1,16 mds en 2006.Walter Otremba, vice-lV1inistre des Affaires Etrangères, reconnaît qu'une politique plus « prudente» est désormais appliquée45,ce qui signifie que la République Fédérale est obligée de «suivre le mouvement». On assiste donc à une inflexion du discours de Berlin sur ce dossier, un rapprochement des points de vue avec la France, qui semble se retrouver dans les chiffres. D'aucuns font remarquer que la Chancelière Angela Merkel a en effet écrit dans Handelsblatt du 27 décembre 2007 qu'il faut si besoin intensifier les sanctions; les mêmes observateurs laissent cependant entendre que l'Allemagne aurait atténué sensiblement la diminution réelle de ses exportations en les faisant transiter par les zones franches de Dubaï.46 La nouvelle convergence de vues entre francais et allemands avait été officialisée le 6 décembre 2007 lors d'une conférence de presse commune où les deux dirigeants ont affmné leur foi dans le poids des sanctions face à la menace iranienne.47 Les entreprises françaises prises Beaucoup de bruit pour rien?
en
otage
de
la
politique:
Les pouvoirs publics se veulent rassurants quant à l'impact des sanctions économiques sur les entreprises françaises en soulignant d'une part leur faible implantation (une quinzaine de sociétés) dans ce pays et le fait que le marché iranien ne représente qu'une faible part de leur chiffre d'affaire.48 Les investissements de Renault sont déjà faits pour la production de la Logan, dont 100.000 exemplaires auraient été prévendus. Peugeot se contente de livrer des pièces à Iran -Khodro pour le montage de véhicules. Peugeot, en réalité, voit progressivement 4->Austwartiges Amt, »République Islamique d'Iran, situation au mois de janvier 2008 », http://auswaertiges-amt.de/diplo/fr/Laenderinformationen/Ol-Laender/Iran.html, consulté le 5 février 2008 . 45 Bertrand Benoit, »Berlin hardens trade stance with Iran », Financial Times, 11 février 2008. 46 ({Stop Fueling Iran, » The Jerusalem Post, 6 février 2008. 47 ({Sarkozy et Merkel d'accord sur l'Iran, »france2 .fr., 6 décembre 2007 . 48« Iran: des sanctions affecteraient peu les entreprises françaises », AFP ,5 octobre 2007 .Les medias français attribuent
à une note d'UBI France ce diagnostic
rassurant.
57
M. Makinsky
décroître véhicules baisse de 50entend
58
sa part de marché en Iran. Au premier trimestre 2007 ,31.000 de sa marque seraient sortis des chaînes iraniennes, soit une 35%par rapport au même trimestre de 200649 .Mais Peugeot poursuivre ses opérations (en prenant des précautions pour sécuriser le paiement de ses livraisons) tout en s'abstenant d'investir. 51 Cela étant, des difficultés sont signalées dans les relations des deux constructeurs avec leurs partenaires iraniens. Peugeot a fait l'objet le 20 novembre 2007 de menaces de poursuites de la part de son partenaire Iran- Khodro qui accuse le fournisseur français de lui avoir livré des pièces défectueuses; en 2006, une série de 405 avait spontanément pris feu pour des raisons inconnues. L'affaire avait fait grand bruit. Peugeot a démenti toute responsabilité dans ces sinistres, précisément parce que la quasi- totalité des pièces sont fabriquées par les sous-traitants iraniens. Il s'avère qu'elles n'étaient pas conformes au cahier des charges du fait de modifications inopinées par les fabricants locaux. 52Les mêmes sources relèvent que les livraisons de Logan ont connu des retards 53 du fait des difficultés rencontrées par les soustraitants pour financer les achats de matières premières et de machines. En octobre 2008, Manouchehr Mantegui, président de Iran Khodro, s'est plaint des difficultés que les mesures «politiques» de Paris créent dans ses relations avec les constructeurs francais54. IKCO commercialise quelque 7 modèles de véhicules Peugeot qui ont représenté 64% des 542.000 véhicules vendus en 2007. En janvier 2009, Iran-Khodro a 49 Peugeot
laisse le champ
libre à Renault
en han, Le Quotidien
de l'Expansion,
25 mai
2007 ;www.lexpansion.com/art/4571.158343.0.html. SOLe constructeur affiche une grande sérénité guant aux volumes de ventes et au paiement des fournisseurs, et au pragmatisme des iraniens: « Les sanctions tombent sur Téhéran mais les Peugeot y roulent toujours », Le Figaro,6 mai 2008 ;de son côté, Renault vient d'inaugurer sa ligne de fabrication de la Mégane. 51 Le Figaro, 22 septembre 2007. 52« Les constructeurs français en butte à des difficultés en Iran, »Le Monde,22 septembre 2007. 53 AFP:« Iran: Retards de livraison de la Logan (constructeur) », 12 mars 2008 ;Voir aussi: »En Iran, Renault risgue gros» , Challenge,8 mai 2008.Les difficultés ne sont pas gue technigues : il y a aussi des divergences financières et politigues : voir »Iran car maker says French politics hampering ventures », AFP 9 octobre 2008 ; et « Iran-France: on a perdu le contrat avec Renault» Iran-Resist,16 octobre 2008.1ran-Khodro fait face à des difficultés financières:» Iran's largest automaker seeks Central Bank's loan» ;The National,16 octobre 2008. 54 En dépit du climat défavorable, une délégation française, conduite par Mr Poletti, l'ambassadeur de France, a rencontré Iran-Khodro le 15 février 2009, afin de développer la coopération avec les constructeurs automobiles français. Voir: Iran Khodro Company News,21 février 2009.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
conf1rtné que les importations de composants destinés à la fabrication des véhicules Peugeot avaient lourdement chuté et que la société « s'emploie à couper sa dépendance à l'égard des fabricants étrangers, français en particulier» tout en négociant une éventuelle coopération avec des entreprises japonaises55. Profitant des incertitudes qui pèsent sur les entreprises françaises, le constructeur chinois Chery a pris pied en Iran dans le cadre d'un projet d'une co entreprise qui représente un investissement de $370 millions, et qui devrait produire 200.000 véhicules par an lorsque l'usine sera achevée.56Ceci est un symptôme de la captation du marché iranien par la Chine 57 sur les décombres des retraits européens. Cependant, dans ce cas particulier, il semble que Chery ait subi un échec pour avoir refusé d'apporter des technologies suffisamment avancées dans ce partenariat, ce qui a profondément déplu à la partie iranienne, et de ce fait mis ce projet en péril. Mais il est clair qu'une des cibles principales si ce n'est la cible majeure, est constituée par le Groupe Total. Même si certains ne retiennent seulement que la part de pétrole produite en Iran ne constitue qu'une fraction modeste de sa production globale, l'investissement et la présence du groupe sont un enjeu stratégique et emblématique à maints égards et un enjeu de convoitise pour plusieurs acteurs différents. Comme nous l'avons rappelé plus haut, ELF (devenu Total) a bravé l'embargo américain et les prétentions d'extra- territorialité de l'ISA ( ex ILSA /Iran-Libya Sanctions Act), en réalisant le premier investissement majeur énergétique majeur depuis la révolution, ce qui ne lui a jamais été pardonné par les pouvoirs publics américains ni par les majors
55« Iran Carmaker
to raise Output
Despite
Global Auto Woes »,Reuters,
20 janvier 2009.
A la suite de difficultés à la fois politiques et financières,Jran Khodro a fait part de son intention de réduire sa dépendance à l'égard de Peugeot.Yoir:« Iran Khodro Aims to Boost Output and Exports »,Reuters,3 février 2009. 56« Chery: Encore une nouvelle Joint venture,avec Iran-Khodro », ChinaAutonews, Il août 2007.voir aussi :« Iran :Chery lance sa première ligne de production », Autoindustry World,13 février 2008 . 5ï De façon inopinée, plusieurs banques chinoises ont réduit la signature de lettres de crédit et leur concours financier à plusieurs projets en Iran, dont celui de Chery. Après d'âpres négociations, certains de ces établissements financiers auraient rétabli leur coopération, mais pas tous. Les autorités iraniennes attribuent ceci aux pressions américaines; il semblerait toutefois que ceci corresponde tout autant à un signal de mécontentement adressé à Téhéran par Pékin qui a voté la Résolution du 3 mars 2008 .V oir « Iran car maker criticizes China Bank moves: report» Reuters, cité par Iran Focus, 23 février 2008.
59
M.Makinsky
60
pétrolières d'Outre-Atlantique58. Les défis technologiques et surtout de management de projet d'une rare complexité que l'entreprise française est parvenue à résoudre dans le cadre du projet South Pars, lui confèrent un statut particulier d'acteur incontournable, et de référence mondiale dans le secteur. Or Total fait face à une étrange coalition visant à l'éloigner de ce marché. I\.U premier rang, l'Amérique. Evincer le groupe du marché iranien est une priorité pour Washington. Les raisons en sont simples: d'une part une revanche à prendre sur un concurrent ;en second lieu, écarter un des symboles de l'industrie française. Mais il y a une troisième raison, stratégique, et dont l'enjeu dépasse le seul cas de Total, qu'il faut prendre en compte. Pendant la présidence de G.Bush jour, le niveau de divergences entre américains et la République Islamique est resté à un niveau conflictuel élevé .Barack Obama manifeste une claire volonté de rétablir un dialogue. Il reste que plusieurs scénarios d'évolution de ces relations sont possibles. A une extrémité figure l'éventualité d'un affrontement armé. Cette hypothèse, souvent considérée comme peu plausible, doit malgré tout être prise en considération. Elle peut se manifester à la suite d'une provocation, d'un incident (naval par exemple) qui dégénérerait, ou d'une action préemptive suscitée par Israël59. On peut envisager aussi des crises ponctuelles situées sur divers théâtres, voire un état de tension larvé. Et encore de multiples autres combinaisons. A l'autre extrémité se situe la perspective d'une négociation globale (<< grand bargain ») où en échange d'une renonciation à l'enrichissement de l'uranium et aux programmes nucléaires militaires, l'Iran se verrait conférer une garantie de « sécurité« ou de «non-agression» (qui pour la première fois dans l'offre communiquée par X.Solana à Téhéran en juin 2008, est assortie d'une référence à la Charte des Nations-Unies), ainsi que la levée des sanctions économiques. En dépit de son caractère hypothétique, ce scénario n'est pas totalement à écarter, même chez les « durs» du régime iranien, en dépit des rhétoriques antisémites, antioccidentales, etc. On a remarqué les «ballons d'essai « lancés par le Guide, le président 58« Menaces
contre les entreprises
européennes
investissant
la rivalité franco-américaine», Le Monde, 27 avril 2007. 59 Les perspectives de rapprochement entre Washington
en Iran, Total est au cœur de
et Téhéran contrarient beaucoup I sraël qui multiplie les appels à la fermeté et à privilégier Jes sanctions: « I srael to present Clinton with 'red lines' on talks with Iran »,Haaretz,3 mars 2009, puis B.Netanyahu a brandi, dans une interview à The Atlantic du 31 mars suivant ,la menace de frappes préemptives uniJatérales si B.Obama ne parvient pas à bloquer le programme nucléaire iranien. S.Peres a été contraint de démentir l'imminence d'un tel projet qui traduit une nervosité croissante de l'Etat hébreu.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
Ahmadinejad, le ministre des Affaires Etrangères,(sans oublier CRice et l'ambassadeur Khalizad), notamment avant, pendant et après le Forum de Davos de janvier 2008. Au cours de l'été 2008, les Etats-Unis ont laissé entendre que l'ouverture d'une représentation diplomatique en Iran était envisagée; d'autres signaux (diversement perçus en Iran),comme l'autorisation donnée à l'American- Iranian Council (},IC) d'installer un bureau à Téhéran, vont dans le même sens. Les décideurs iraniens ,de leur côté, misent sur le successeur de G.Bush Le nouveau président Obama s'était initialement déclaré de façon contradictoire en faveur de conversations avec l'Iran mais n'excluait pas un durcissement des sanctions si Téhéran ne gèle pas son programme d'enrichissement: )}big stick, big carrot )}),Mais à la f111du premier trimestre 2009,il imprime une inflexion majeure en envoyant des signaux forts à Téhéran :le 20 mars, il adresse ses vœux de bonne année iranienne (Norouz) à la «République Islamique d'Iran )},son peuple et ses dirigeants, à qui il offre de choisir la voie de la diplomatie dans «le respect mutuel )}.L'importance de cette ouverture sans précédent ( les mots comptent) a été clairement comprise à Téhéran Tout en réaffmnant que les américains seraient jugés sur des actes et non de simples paroles, les dirigeants iraniens se trouvent placés au pied du mur et obligés de constater un changement de ton. Ils ne peuvent fermer la porte a priori mais tous les responsables politiques sont focalisés sur les élections présidentielles du 12 juin et ne peuvent prendre de positions de nature à compromettre leur carrière. D'où leur embarras, leurs contradictions et atermoiements. Dans le même temps, Washington multiplie les contacts publics et officieux (track II), appelle l'Iran à coopérer à la stabilisation de l'Afghanistan et de l'Irak. Sur le difficile débat de l'enrichissement, la Maison-Blanche semble ouverte à des concessions inédites60. Donc, la perspective d'une «normalisation « n'est plus du domaine du rêve même si les nombreux obstacles qui subsistent la rendent encore hautement problématique, les risques d'échecs demeurent élevés. La conséquence stratégique capitale d'une telle levée de sanctions est évidente: les investisseurs européens, français en particulier, seraient balayés par les groupes américains qui n'attendent qu'une chose: prendre leur place. Or il faut reconnaître que des symptômes de ce scénario sont reconnaissables. Les pressions américaines visant à imposer aux groupes étrangers à ne plus investir ni 60
Il serait question d'admettre la poursuite « encadrée» de l'enrichissement de l'uranium
par Téhéran; voir:» US may cede to Iran's nuclear ambition », Financial Times,3 avril 2009 ; »han supports US-backed nuclear fuel bank idea »,Reuters, 6 avril 2009; »Obama may cede Iran's nuclear rights »,Asia Times Online, 10 avril 2009.
61
M. Makinsky
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exporter en Iran peuvent s'analyser aussi comme une opération de « nettoyage» de ce marché pour permettre à l'Amérique de retrouver des avantages concurrentiels dont elle s'est elle-même privée. Les pressions unilatérales prépareraient ce grand retour des opérateurs américains, le terrain une fois libéré. Le mot «retour» n'est d'ailleurs pas totalement pertinent, au vu de la présence commerciale américaine en Iran via divers biais, écrans, intermédiaires... Dans ces conditions, il est permis de se demander si s'associer volontairement aux restrictions économiques contre l'Iran apporte un quelconque bénéfice à la France. Dans tous les cas de figure, la France, et l'Union Européenne, ont peu à gagner à participer à ces sanctions. Et seront les grands perdants de l'opération indépendamment de son issue. Mais le gouvernement français avait-il quelque moyen pour résister aux pressions exercées sous la menace de représailles économiques sur les banques et entreprises? La lucidité impose de répondre par la négative. En revanche, il n'est pas interdit de penser que la France aurait pu chiffrer le manque à gagner résultant du retrait français du marché iranien consenti au nom d'une «solidarité politique» en tenant aussi compte du potentiel considérable que représente le marché iranien. Un tel abandon ne pourrait-il être chiffré pour faire l'objet d'une compensation financière? Ne serait-il pas concevable qu'une contrepartie d'un égal montant soit demandée à l'Amérique dans le cadre multilatéral du G7 ? Le contrat remporté par EADS face à Boeing pour la fourniture d'avions militaires Airbus à l'armée américaine peut-il être interprété comme un «geste» de cette nature ou relève-t-il de choix purement techniques? Il n'existe pas de réponse évidente à cette question, d'autant que ce contrat a été annulé le 10 septembre par le Pentagone à la suite d'un recours déposé par Boeing, la décision hautement politique sur ce dossier étant renvoyée au successeur de G.Bush. Airbus a laissé entendre que le groupe était disposé à postuler à nouveau. Le président de Total, Christophe de Margerie, a fait état de pressions «très fortes» de Washington pour quitter l'Iran61. Et on a vu
61 «Washington
exerce des pressions »très fortes» pOUf que Total quitte l'Iran »,AFP, citée par Iran Focus,S octobre 2007 .Ces pressions sont aussi exercées via des projets de loi comme celui visant à sanctionner les compagnies fournissant de l'essence à l'Iran. Outre Total, des entreprises suisses, indiennes, et BP seraient visées. Voir:« Iran: Total menacé de sanctions aux Etats-Unis »,Le Blog du Nouvel Obs, 23 avril 2009 ,http://globe.blogs.nouvelobs.com/ archive 12009/04/231 iran-total-menace-desanctions-aux.. .
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
simultanément le gouvernement français s'employer à dissuader62 le groupe de poursuivre ou renouveler ses investissements en Iran. Mais, outre ces pressions, Total a connu des difficultés pour ftnancer sa participation à une nouvelle tranche (bloc 11) du champ gazier de South Pars. La société a été confrontée de ce fait à une augmentation considérable des coûts 63 de nature à remettre en cause son engagement dans le projet Pars LNG. Avec un investissement de 3 milliards de dollars,(représentant 30% du montant global)cette opération ftgurait parmi les 7 grands projets de l'entreprise entre 2010 et 2030 ;or, selon les dirigeants de la ftrme, »Ces coûts de développement ont plus que doublé» 64 Les discussions avec le gouvernement iranien se sont singulièrement compliquées, ce dernier ayant proposé à d'autres concurrents la moitié de la part ( qui représente 40% de l'ensemble du projet) de Total. 65 Finalement, dans une interview dans le Financial 62 Dans
le quotidien Libération, le président de Total a démenti avoir cédé « aux pressions de l'Elysée » tout en confirmant qu'en période de tension, les projets, sans être gelés, sont « maintenus au chaud, en attendant que J'Iran revienne au sein de la communauté internationale» ; Libération, 10 avril 2008. 63 Total réaffirme son intérêt pour le projet de South Pars mais doit faire face non seulement à des problèmes de coûts mais aussi à des difficultés contractuelles et de revenus. Les autorités iraniennes font pression sur les groupes Shell et Total pour conclure au plus vite des accords que le contexte actuel rend plus complexes. Elles menacent de recourir à des compagnies asiatiques qui n'ont pas toutes les capacités technologiques requises .V oir: IRNA, « Total to enter LNG deal with Iran »,23 avril 2008. C.de Margerie confirme que la poursuite de ces projets dépend d'une réduction des coûts énergétiques, alors que les conditions offertes par la partie iranienne ne sont pas « attractives ».L'Usine Nouvelle,2 avril 2009. 64« Le durcissement de Paris vis-à vis de Téhéran menace les projets gaziers de Total en Iran »,Le Monde,IS septembre 2007 .Voir aussi: « L'Iran veut revoir le contrat de Total sur Pars South »,Le Blog Finance,18 septembre 2007 .Voir aussi »Total says « huge cost issues »on Iran LNG project »Reuters,22 janvier 2008.L'impact des surcoûts liés aux sanctions amène l'Iran à réorienter l'exportation du gaz liquéfié par pipeline plutôt que par tankers.V oir : » Iran favours gas pipeline due to costs ,sanctions, »Reuters,S octobre 2008. 65« Iran to offer SO% of Total's stake in Pars LNG to others », Platts, IranOilGas.com,26 janvier 2008. Les autorités iraniennes ont émis des déclarations successives contradictoires, en annonçant d'abord que Total allait signer un accord de $ S milliards pour le développement de la phase II de South Pars avant la fin mars 2009 ( ce qui a été démenti par C.de Margerie),puis, que du fait des sanctions, la part de Total avait été transférée à une autre entreprise sachant que par ailleurs, »Total continuerait à participer au développement de South Pars »( ou au contraire, n'y jouerait pas de rÔle actif).V oir : AFP,19 février 2009; Iran-Daily,l" mars 2009 ;lranl\Iania News,19 mars 2009.Le 14 mars 2009,1a compagnie iranienne LNG signait un contrat de $ 3,39 mds avec un consortium chinois en vue de construire des lignes de production de gaz liquéfié dans le cadre de la phase 12 ainsi qu'>>un autre bloc».Voir AFP,14 mars 2009. Certaines
63
M. Makinsky
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Times du 9 juillet 2008, Cde Margerie annonce que son groupe renonce à investir dans ce bloc Il, en raison des risques politiques excessifs qu'il rencontre. Au-delà de ce facteur politique, la conjonction d'un fardeau ftnancier croissant, de la rugosité et de la fIabilité relative rencontrées chez les interlocuteurs iraniens de la compagnie, ont joué un rôle dissuasif non négligeable. Malgré ces diffIcultés, il a réaff1rmé sa volonté de rester en Iran et d'y conserver une présence sur le long terme, indépendamment des aléas politiques 66Il faut se demander également si l'exemption (waiver) qui avait été consentie à Total par le Président des Etats-Unis pour son premier investissement aurait pu subsister ou serait renouvelée aftn d'échapper aux sanctions de l'ISA.67 La signature d'un contrat de développement du champ gazier de Yadavaran avec la société chinoise Sinopec le 9 décembre 2007 ,qui s'ajoute à l'accord de principe avec la China Offshore Oil Company cité plus haut, était déjà une façon de signifIer aux occidentaux que d'autres peuvent prendre leur place68 ;autre signal, la participation annoncée de Gazprom dans le projet South Pars.En annonçant le 3 juin 2009 la conclusion d'un accord attribuant à la China National Petroleum Corporation (CNPC) l'attribution de la phase Il de South Pars,l'Iran renouvelle ce message6? Bien que conscient des conséquences économiques du retrait français du marché iranien pour les entreprises concernées, le Président
entreprises européennes (Repsol,Shell) ont sérieusement envisagé de se placer comme sous-traitants des Chinois pour tirer parti des marchés que ces derniers obtiennent: « Les majors pétrolières préparent leur retour en Iran »,Les Echos,19 février 2009 .Mais en adressant des ultimatums à ces deux groupes pour finaliser les négociations en cours, les autorités iraniennes affichent une certaine nervosité. 66 «France's Total to stay in Venezuela, Iran,» Reuters,14 février 2008.Total figure parmi les sponsors de la 2ém, Conférence Iramenne sur le gaz organisée les 4&5 octobre 2008 par la National Iranian Gas Export Corporation (NfGEC). 67 «L'étau financier se resserre sur l'Iran, », Le Monde,17 avril 2007 . 68 L'Iran joue la Chine contre les majors occidentales» Monde, 13 décembre 2007 ;voir aussi:» Iran-China oil deal »,Alexander's Gas & Oil Connection, voL12,no23,21 décembre 2007 ;et »China Signs Oil Deal with Iranian Company »,V oice of America,28 février 2008 www.payvand.com/news/08/feb/1263.htmL 69« Iran Says Signs Gas Deal with China, Replaces Total », Reuters, 3 juin 2009.Cette annonce survient le jour où M.Mottaki, ministre iranien des affaires étrangères ,est reçu à sa demande à Paris sur le dossier nucléaire.Cette visite n'a pas rapproché les points de vue,et le président de la République a renouvelé ses uùses en garde à l'Iran tout en condamnant les propos négationnistes de M.Ahmadinejad sur la Shoah.AFP , 3 juin 2009. Toutefois Total a démenti avoir été remplacé par la compagnie chinoise CNPC .Le Figaro,5 juin 2009 .
Les entreprises
françaises
et les sanctions
contre
l'Iran
de la République a tenu confumer qu'il n'était pas acceptable de commercer avec T éhéranJo Si la BNP Paribas a réduit fortement son encours sur l'Iran, ce serait, selon certains analystes, pour préserver son implantation aux USA, mais aussi en Israë1. Renoncer à l'Iran est certainement moins pénalisant pour la Banque que de mettre en péril son marché américain.BNP Paribas et Calyon auraient cessé d'émettre des lettres de crédit nécessaires 71au paiement par l'Iran de produits pétroliers raffinés achetés auprès du raffineur indien Reliance72, le groupe Vitol ayant lui aussi cessé ses livraisons à la République Islamique pour la même raison. Conclusion 1. Un bilan mitigé,
des options
à valider
S'il est à l'évidence impossible d'avoir une vision chiffrée précise de l'impact des sanctions et surtout pressions économiques sur les entreprises françaises, la situation devant être analysée au cas par cas, selon qu'il s'agisse d'exportations ou d'investissements, il nous semble cependant réaliste de diagnostiquer un risque pour l'essor de la présence économique de la France en Iran. Pour l'heure, les sociétés essaient de s'adapter, notamment grâce aux facilités que peuvent offrir des voisins comme les Emirats, en utilisant des intermédiaires, et en faisant preuve de créativité fInancière. En sus, pour certains projets, où la France dispose d'une avance technologique, l'Iran pourrait avoir de sérieuses diffIcultés à trouver facilement des partenaires de rechange, ce qui ne veut pas dire que ce soit impossible .Les opérateurs français et européens ont aussi intérêt à conserver une présence et des contacts avec leurs partenaires habituels, un capital de confIance se gérant sur le long terme: en période de tempête, il faut savoir patienter. Cette situation laissera cependant des traces quelque soit l'issue de la crise nucléaire avec les occidentaux, et du contentieux irano70 Déclaration
faite au Crif le 13 février 2008, >>Gazprom entre dans South Pars,immense projet gazier en Iran >>,http://www.iranmanif.org/ content/view /3730/42 ,20 février 2008. 71« French Banks stop credit for Iran fuel imports », Iran Focus, 10 janvier 2008 . Les iraniens se tourneraient vers de « petites « banques asiatiques, notamment à Singapour. 72 Reliance aurait repris ses livraisons de carburant à l'Iran depuis juillet 2008, mais on ignore selon quels mécanismes financiers; voir:» India's Reliance resumes supply to Iran-Trade », Reuters, 28 juillet 2008, et: »Reliance ships spot .Ian fuel to Iran », Reuters, 3 février 2009_
65
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66
américain. Même un changement de régime ne permettrait pas aux européens, français en particulier, de retrouver la place perdue en cas de restauration des relations entre Téhéran et Washington. A cet égard, le précédent irakien devrait être médité73. La politique consistant à militer pour des sanctions dans et hors cadre ONU, a sans surprise suscité l'ire de Téhéran qui menace de représailles les intérêts économiques français.74 Dans le même sens, le Parlement iranien a confié à une de ses commissions le soin d'étudier une réduction des relations économiques avec la France, en particulier dans le domaine économique.75 A dire vrai l'influence d'un tel mouvement d'humeur ne changera pas fondamentalement la situation. Le vote de la résolution 1803 du Conseil de Sécurité, le 3 mars 2008, sous l'impulsion de Paris, était susceptible d' encourager un tel mouvement qui ne peut que se poursuivre après le vote, le 27 septembre suivant, de la résolution 1835 ,consécutive à l'absence de réponse positive de l'Iran aux propositions des 5+1 ( 5 membres du Conseil de Sécurité plus l'Allemagne),et qui se borne à exiger de l'Iran l'exécution des résolutions précédentes et des demandes de l'AlEA. Cette absence de sanctions nouvelles (prix à payer pour le vote favorable des russes et des chinois) est un reflet de l'impuissance de la communauté internationale .Mais le fait que ce texte ait été adopté à l'unanimité est un signal fort adressé par elle à Téhéran. Dès lors, ceci ne peut qu'encourager l'adoption de nouvelles sanctions économiques unilatérales par les autorités américaines (comme la décision du Trésor, le 22 octobre, de geler les avoirs de l'Export Development Bank of Iran aux Etats-Unis et d'interdire à tout citoyen américain de contracter avec elle).De même, la France, aux côtés de Washington, milite pour des sanctions financières accrues hors ONU, au niveau européen. Assurément, l'étranglement fmancier de Téhéran produit des effets sensibles sur l'économie iranienne, et l'Iran à travers les votes des résolutions successives révèle son isolement diplomatique. L'issue espérée, c'est-à-dire obtenir la certitude que la République Islamique a renoncé à tout programme nucléaire militaire, se conforme aux exigences de l'AlEA, et surtout rétablisse la confiance perdue avec les occidentaux,
73 On remarque
sur la période
récente
des efforts
substantiels
des entreprises
françaises
pour reprendre pied en Irak, mais de nombreux obstacles demeurent, qui ne se limitent pas à l'insécurité ambiante. 74 « Ali Ahani met en garde contre le suivisme français face à la politique de Washington », !RNA, 26 février 2008. 75« Iran's parliament studies reduction janvier 2008.
of economic
transactions
with France », ISNA, 28
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
peut conduire les pouvoirs publics occidentaux à demander des sacrifices aux opérateurs économiques. Mais un tel choix suppose non seulement que la pertinence de cette option soit très soigneusement validée mais aussi qu'une mesure rigoureuse de son impact sur les entreprises concernées ait été réalisée.
2. Un tournant en 2008 ? Si le bilan des échanges commerciaux entre l'Iran et l'Union Européenne à la 611 2007, montre, comme on l'a vu plus haut, que les européens ,et singulièrement la France, ont subi une lourde diminution de ces derniers, la publication par Eurostat (tableau daté du 10 septembre 2008)de chiffres partiels couvrant le premier semestre 2008, mérite notre attention, et révèle peut-être une inflexion de cette situation qui appelle maintes interrogations. Ainsi lit-on qu'à 6n juin 2008, les exportations européennes vers l'Iran pour ce semestre se sont élevées à € 5,351 milliards, soit une augmentation de 14,5 % par rapport à la même période de l'année précédente, et les importations européennes en provenance d'Iran ont atteint € 6 ,864 milliards, soit une augmentation de 2% par rapport à la même période de l'année précédente. L'augmentation des exportations européennes porte principalement sur les véhicules, les machines-outils, et divers biens manufacturés et semble avoir profité à l'Allemagne, l'Italie et la France. Cette tendance semble con6rmer au long de l'année 2008 la tendance qui avait été observée pour les 5 premiers mois où les exportations européennes auraient culminé à €4,47 milliards, soit une augmentation de 17,8% 76.De son côté, l'Iran avait initialement enregistré une progression marginale de ses exportations de € 150 .000 qui aurait porté ces dernières à € 5,5 milliards.77 .Selon les mêmes sources, les exportations françaises auraient cru de €160.000 par rapport à la même période de l'année précédente, pour atteindre € 716.000, tandis que l'Allemagne aurait augmenté ses exportations de € 223 .000 pour atteindre €1,6 milliards, et l'Italie aurait béné6cié d'une progression de € 230.000 (toujours par rapport à la même période) pour culminer à € 871.000. De leur côté, des sources iraniennes se référant à Eurostat, déclarent que les échanges entre l'Europe et l'Iran auraient atteint en 2008 $25,6 mds, soit une augmentation de 6% par rapport à 2007. Les exportations européennes
76 « EU export to Iran rising: Eurostat>" Reuters,10 octObre 2008. 77 « Sanctions hit EU rather than Iran », Irna,se référant à Eurostat,19
août
2008.
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se seraient chiffrées à $11,4 mds par rapport à $ 1O,lmds en 2007, soit une augmentation de 12%. D'après les mêmes sources, l'Europe aurait importé d'Iran pour $14,2mds de produits en 2008.Sur ce montant, $12,4 mds seraient des importations de pétrole brut.ï8 Bien que la plus grande prudence soit requise dans l'interprétation de ces chiffres, il est permis cependant permis d'opérer quelques observations. En premier lieu, la République Islamique d'Iran a bénéficié au moins pendant le premier semestre 2008 des cours particulièrement élevés du baril qui ont dépassé par moments $140; ceci, cumulé avec une demande en énergie soutenue, a permis le maintien des exportations iraniennes en hydrocarbures, qui à leur tour, ont financé et stimulé les importations iraniennes, donc les exportations européennes vers l'Iran. Il est vrai que la chute des cours que l'on observe avec un baril qui est même descendu en dessous de $50 ,obligera l'Iran à réviser ses prévisions budgétaires, donc ses recettes pétrolières, et par voie de conséquence ses possibilités de fmancer ses investissements et ses importations (qui supportent déjà un surcoût de l'ordre de 20% du fait des sanctions financières).Bien plus, la crise économique mondiale 79qui a pris de l'ampleur au cours de l'automne 2008 est de nature à affecter directement les recettes tirées des exportations iraniennes d'hydrocarbures vers l'Union Européenne concurremment avec la chute des cours. La fm du second semestre 2008, qui pour l 'hémisphère nord, devait constituer un pic de demande en énergie, pourrait en réalité connaître une demande moindre de la part de cette zone du fait de la récession. La croissance (modeste) des exportations iraniennes vers l'Union Européenne pourrait refléter les fruits d'une progression des 78 "Europe
Trade Above $ 25 b", Iran Daily, 8 avril 2009; ces chiffres, à traiter avec réserve, sont attribués à Eurostat par cette source ;mais ils ne sont pas totalement cohérents avec les données publiées par l'Union Européenne en septembre 2008. La hausse des exportations européennes vers l'Iran en 2008 semble cependant avérée. Mahdi Ghazandari, responsable de la Trade Promotion Organization, a déclaré que les échanges commerciaux entre l'Iran et ses 10 principaux partenaires ont dépassé $ 46 milliards en 2008, et que l'Europe représente 33% de ces échanges; parmi eux, l'Allemagne serait à la 3ém, place, selon lui. Il précise que le niveau du commerce bilatéral avec l'Allemagne s'était chiffré à $ 5,551 mds, avec la Suisse $ 3,534 mds, avec l'Angleterre $ 2 ,251mds, et avec la France, $ 2,15 mds. Selon les mêmes sources, la France serait passé au 10ème rang .Iran Daily, 29 avril 2009; même si certains chiffres sont contradictoires ou approximatifs, la tendance de la régression de la place de la France par rapport à ses concurrents semble se confirmer. 79 Voir l'étude de Thierry Coville," L'Iran face à la crise financière", Paris, IFRI, Perspectives
Moyen-Orient
Maghreb,
(publication
en ligne) mai 2009.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
livraisons de produits non pétroliers, Téhéran s'employant à diversifier ses exportations. L'essor des exportations européennes reflète sans doute aussi une capacité et une résolution des entreprises européennes à contourner les sanctions et contraintes économiques. D'aucuns évoquent un recours accru aux transactions en cash, au recours à des banques « peu regardantes» .Ceci n'est pas pleinement convaincant. Une hypothèse envisagée serait que les grands groupes étrangers auraient cédé la place à des entreprises de taille plus modeste 8°,plus adaptables et souples, sans doute ayant moins d'intérêts sur le marché américain (donc moins vulnérables aux pressions de Washington) et aussi moins visibles. Mais cette explication n'épuise pas l'interrogation. La comparaison des progressions citées plus haute indique des disparités qui peuvent être significatives. Ce qui frappe, c'est que l'augmentation des exportations françaises est moins forte que celle de L\llemagne et de 1'1talie en valeur absolue même si, selon les mêmes sources, les exportations italiennes auraient cru de 33% sur les 4 premiers mois de l'année 2008, celles de la France, de 30%, et celles de L-\llemagne de 17% ..La France n'est donc pas parvenue à rattraper le retard qu'elle a enregistré par rapport aux pays précités, même si elle connaît de nouveau une tendance haussière de ses exportations. Ces dernières ont donc subi plus que les autres les conséquences des pressions et sanctions financières contre Téhéran. Il faut se demander aussi si les dirigeants européens, sans le dire publiquement, et tout en proclamant haut et fort leur volonté d'appliquer à l'Iran des pressions financières vigoureuses, n'ont finalement pas été plus sensibles qu'il n'y paraît aux requêtes de leurs entreprises se plaignant du préjudice que leur causent les sanctions et surtout les restrictions financières unilatérales promues par Washington. Au-delà de l'impérieuse nécessité économique de développer les exportations dans un contexte de ralentissement de l'économie apparu avant même la grande crise de l'été 2008, il est possible que les responsables politiques européens aient tiré les conclusions d'un phénomène assez paradoxal qui a [mi par retenir l'attention des analystes. La présidence Bush, qui a initié les sanctions économiques collectives et unilatérales afin de restreindre les échanges commerciaux de la communauté internationale avec la République Islamique, a été marquée par un boom du commerce entre
80 Najmeh août 2008.
Bozorgmehr,
"Smaller
companies
enter
Iran Market », Financial
Times,
28
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70
l'Amérique et l'Iran. Selon le US Census Bureau, les exportations américaines vers l'Iran se seraient élevées à $ 683,2 millions en 2008 alors qu'elles atteignaient $ 144,7 millions en 2007 .En revanche les importations en provenance d'Iran ne se sont chiffrées qu'à $ 102,2 millions en 2008 par rapport à $ 173,1 millions pour l'année dit, les Etats-Unis limitent sensiblement leurs 2007 81 .Autrement importations depuis l'Iran, mais augmentent très fortement leurs exportations vers ce pays 82 tout en exhortant leurs partenaires internationaux à s'abstenir de commercer avec Téhéran. Curieusement, janvier 2009 est marqué par une décrue de ces exportations ($ 6,3 millions, comparés à $32,1 millions en janvier 2008) mais février 2009 est assez proche du niveau de l'année précédente ( $ 7,7 millions par rapport à $ 6,9 millions en 2008) et mars 2009 montre une très vigoureuse reprise de ces exportations ( $45, 7 millions par rapport à $6,3 millions en mars 2008). Parmi les biens classiquement importés d'Iran, si on laisse de côté les hydrocarbures, fIgurent en bonne place les tapis. Quant aux pistaches, une guerre commerciale oppose les deux pays, les USA en étant le second producteur mondial, et l'Iran le premier. Les exportations américaines comprennent aussi bien des céréales (Téhéran a démenti sans convaincre avoir importé du blé américain), substances chimiques, du soja, de l'équipement médical, des vitamines, des semences végétales, des cosmétiques, brassières, vêtements en fourrure, cigarettes, statues, instruments de musique, mais aussi... des armes légères. Selon l'administration, ces catégories de biens sont autorisées, comme les médicaments, pour des raisons « humanitaires ».83 En bref, il n'est pas interdit de penser que ces tendances aient inspiré quelques révisions chez les européens qui se demandent peut-être s'ils n'ont pas été sacrifIés sur l'autel des intérêts commerciaux de Washington. L'Allemagne a, plus que d'autres, montré sa volonté de conserver un courant d'échanges et d'investissements avec l'Iran, comme le montre le contrat de € 100 millions signé avec la société allemande Steiner pour des sites de liquéfaction de gaz, qui a déclenché des
81 US
Census Bureau,Trade in Goods with Iran,Washington DC,consuJté en mai 2009.
82 Cependant,
quand
ces exportations
deviennent
trop
"visibles",
eUes génèrent
des
réactions de "mauvaise conscience" chez les autorités: Hewlett-Packard a ainsi été sommé par le département du Trésor américain de faire en sorte que son distributeur cesse de vendre ses produits en Iran : Associated Press: »HP says it wiU stop distributor's sales in Iran »,8 janvier 2009. 83« Iran buys American despite tough talk from both nations", The Economic Times, 9 juiUet 2008.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
protestations du gouvernement israélien et du Centre Simon Wiesenthal. Les autorités allemandes, tout en rappelant que ce contrat ne rentre pas dans le champ des sanctions internationales, ont appelé les entreprises allemandes à faire preuve de « tact» dans leurs opérations avec l'Iran, en fait, de discrétion.84 Des média israéliens soulignent que l'Allemagne joue un rôle irremplaçable en matière de technologie pour l'Iran 85; selon les mêmes sources, l'année 2008 pourrait connaître des montants record: à fIn juillet, 1926 accords commerciaux auraient été conclus entre les deux pays, soit une augmentation de 63% par rapport à l'année précédente, et il serait question que le groupe RWE spécialisé dans l'énergie se joigne au suisse EGL et à l'autrichien OMV pour un projet gazier en Iran. Cette « visibilité» a suscité des démarches de la part de la présidence française de l'Union Européenne, qui appelle par ailleurs à la constitution d'un groupe d'Etats communément soucieux de décourager leurs entreprises de contracter avec l'Iran; du coup, Berlin aurait laissé entendre que le gouvernement allemand s'y emploiera.86 Malgré tout il s'avère qu'en réalité, Berlin n'a pas véritablement freiné les exportations allemandes vers l'Iran ;selon le Financial Times, »au cours de la première moitié de 2008, le gouvernement allemand a approuvé des garanties à l'exportation pour seulement € 73 ,4 millions,($ 95,3 millions) par rapport à € 387 millions pour la première moitié de 2007 .Sur la totalité de 2007, le gouvernement a accordé €503 millions de garanties à l'export, en comparaison des € 1,16 mds en 2006 ». Mais d'un autre côté, « pendant les Il premiers mois de l'année dernière, les entreprises allemandes ont exporté pour quelque € 3,6 milliards de marchandises en Iran, une augmentation de 10,5% par rapport à la même période en 2007» 87. L'année complète 2008 aurait culminé à € 3,92 milliards
84
AFP, 6 août 2008.Sur la position de l'Al1emagne entre volonté de préserver ses
marchés iraniens et les pressions israéliennes, voir: »Remember the submarînes, don't mention the war », forecasthighs.com,2 octobre 2008. Les pouvoirs publics iraniens courtisent les PME allemandes en leur assurant la discrétion nécessaire: »Iran Courts German Firms,Offer 'Guarantees',» Deutsche Welle,18 août 2008.La percée des exportations allemandes au cours du premier semestre 2008 n'a pas manqué d'attirer l'attention, supérieure à l'augmentation de 21 % dont la France est créditée par certaines sources sur cette période: »Germany joins Iran's Down with Israel' ral1y»,Wall Street Journal Europe,17 octobre 2008. 85Jonathan Weckerle, »Germany's special relationship with Iran », The Jerusalem Post,19 août 2008;voir aussi:"Sanctions Toothless For Iran-Germany Biz Ties" lran-Daily,27 août 2008. 86« Berlin Plans To Deter Trade With Iran », Spiegel OnLine,20 octobre 2008. 87<'Germany
cracks down on exports
to lran",Financîal
Times,26
janvier 2009.
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d'exportations, soit une augmentation de 8,89% et des importations de l'ordre de € 577,8 millions, en décrue de 0,86% selon des sources officielles allemandes88. Un séminaire intitulé« »Iran Sanctions :Practical conséquences for german fums» a été organisé à Hambourg le 28 novembre 2008 par la Chambre de commerce germano-iranienne aftn d'aider les hommes d'affaires allemands à poursuivre leurs activités commerciales vers l'Iran. Les entreprises allemandes s'opposent vigoureusement à la politique du gouvernement qui tend à accroître les sanctions, qu'elles considèrent à la fois comme inutiles et dommageables pour les intérêts allemands. 89 De même des forums comme celui organisé le 5 mai 2009 par NUMOV (German Near and Middle East Association, une ONG présidée par l'ancien chancelier Gerhard Schroder), sert de cadre commode aux négociations commerciales 90 Ces relations fructueuses suscitant un germano-iraniennes. mécontentement croissant à Washington et Tel-Aviv9!, Madame Merkel a demandé au .Ministre de l'Economie, Michael Glos, de suspendre l'émission de garanties pour les transactions avec l'Iran92 ; cependant, les autorités ont par la suite démenti l'arrêt total de ces garanties.
72
88 Les autorités allemandes expliquent (officiellement) l'essor des exportations par le caractère tardif des sanctions prononcées par l'Europe.Voir :Austwartiges Amt,lslamic Republic of Iran, ~ Economic relations,updated March 2009 ;http://www.auswaertigesamt.del diplo/ en/Laenderinformationen/01-Laender/iran.html,consulté le 17 mars 2009. 89 "German Firms:Sanctions Unnecessary",Iran-Daily,28 janvier 2009;afin de préserver les échanges germano-iraniens, l'Office Fédéral de Contrôle économique et des exportations (Bafa)refuse de rendre publics les accords commerciaux avec l'Iran; de ce fait, Siemens, Mercedes-Benz, Munich-Ré, Aerzen, Linde, BASF, Lurgi, Krupp, ZF Friedrichshaffen,V olkswagen et Man développent de fructueux accords avec l'Iran,autant d'exempJcs de la « politique duale» allemande. ;Iran-Daily,8 février 2009. Environ 50 entreprises aJlemandes ont une succursale en Iran, et plus de 12.000 ont leur propre agent commercial sur place. On ne s'étonnera pas des vigoureuses mises en garde adressées par plusieurs secteurs économiques contre toute sanction qui les pénaliserait: Irna:» German-Iranian trade relations flourishing despite sanctions: report »,26 janvier 2009. 90« Germany's Schroder promoting trade with Iran », Jerusalem Post, 29 avril 2009. Voir aussi: "Germans keen on CloserTrade",lran Daily, 28 avril2009. 91 "Israeli envoy:Germany increasing exports to Iran despite sanctions",Haaretz,9 décembre 2008. 92 "Germany Cuts Export Guarantees Over Iran's Nuclear Program", AFP, 26 janvier 2009.Les entreprises allemandes ont été priées de « limiter volontairement» leurs échanges commerciaux et de « soutenir les efforts diplomatiques de la communauté internationale », a déclaré Thomas Steg, un porte-parole du gouvernement.V oir : « Berlin will deutschen Handel mit Iran Kappen », Handelsblatt,26 janvier 2009. L'embarras des autorités est perceptible,comme on l'a vu lorsque l'accord entre le groupe gazier Bayerngas et l'Iran a été rendu public sans que le gouvernement y ait donné son aval au regard de sa politique de « découragement» : « German officiai questions company's Iran
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
Au surplus, le fait que la croissance des échanges avec Dubaï ne cesse de s'affIrmer est hautement signifIcatif. L'activité de réexportation entre Dubaï et l'Iran a connu une hausse de 25 ,9% au cours du premier semestre 2008, mais l'Inde a surpassé l'Iran pendant la même période. 93.Ceci reflète d'un côté que les Emirats sont l'indispensable plate-forme pour contourner les obstacles aux exportations directes vers l'Iran 94; il est intéressant de noter que le }èmepartenaire commercial de Dubaï au cours de ce même semestre n'est autre que les USA; or les enquêtes de terrain révèlent l'ampleur considérable des opérations de réexportation de marchandises américaines vers l'Iran aussi bien déclarées que clandestines95. Il est vrai que les exportations des pays du Golfe vers l'Iran ont atteint $ 7,33 Mds en 2007 ; ceci reflète autant une « reconversion« des échanges iraniens vers les pays du Golfe, mais aussi l'activité de réexportation de ces derniers qui, en devenant plus apparents, font l'objet de pressions de l'administration américaine 96;les entreprises françaises, comme leurs concurrentes, sont donc également actives à Dubaï. Selon le département des statistiques de Dubaï, les échanges non pétroliers avec la France auraient cru de 26,7% au cours du premier semestre 2008, culminant à environ $ 2 milliards. La question qui se pose en 2009 est de savoir si la crise fInancière qui se répercute sur Dubaï affectera la structure de ces échanges. Au total, même s'il reste difftcile de mesurer précisément l'impact des sanctions fmancières97 contre l'Iran sur les entreprises
deaJ », Jerusalem Post ,édition en ligne, 19 avril 2009.V oir aussi: »Energy Ventures With Germany »,Iran-Daily, 18 avril 2009. 93« Dubai non-oil Trade in 1st Half of 2008 soars by 54.3%"Mena Report, 13 septembre 2008. 94Voir:
Elena McGovern,
»Export
Controls
in the United
Arab Emirates:
A practical
Manifestation of a Strategic Dilemma", WMD Insights, Février 2009. 9S Voir l'enquéte de Christophe S. Stewart,» The Axis of Commerce », CondéNast portfolio.com, septembre 2008. 96Voir: Nader Habibi, »Can Iran-Gcc Economic Ties Survive US pressures? »MiddleEast Times, 23 juillet 2008; et " Iran-Dubai Trade Unstoppable",lran-Daily,2 septembre 2008;"Crackdown Squeezes Iranians in Dubai",The Boston Globe, 15 septembre 2008. 97 Voir: Thierry Coville, »De l'efficacité de la politique des sanctions contre l'Iran,» Eurorient,Paris,no26, 2008. Pour un essai d'évaluation pour l'Allemagne, les USA et l'lran,voir les réflexions succinctes de Hamid Shahrestani et Nahid KaJbasi Anaraki, »How Would the UN Sanctions Affect the Western World Versus Iran's Economy?» Proceedings of 2008 EABR & TLC Conferences,Rothenburg; plus spécialement sur les USA ,voir :Hadi Salehi Esfahani , »The Economic Consequences of Iran-US Relations",Policy Brief n02,Center For Global Studies,University of Illinois,septembre 2008.
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M. Makinsky
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françaises, au-delà de la mesure des pertes de parts de marché, tout comme de porter un diagnostic fm sur les conséquences de ces contraintes sur l'économie iranienne, une double constatation s'impose: les complications et surcoûts liés à cet ensemble de mesures ont pénalisé les entreprises françaises de façon plus tangible dans la mesure où elles s'accompagnent d'une volonté politique d'user d'un tel levier. Il semble que la compagnie Air France ait observé une diminution sensible du remplissage de sa classe affaires à destination de Téhéran, signe d'une baisse de fréquentation des professionnels sur cette destination, tandis que le groupe Accor pourrait avoir renoncé à acquérir des hôtels iraniens pour éviter des retombées négatives sur son marché américain98. En second lieu, les reculs français ont facilité la pénétration de concurrents asiatiques dotés de plus grandes libertés de manœuvre. S'il s'avère conflffilé qu'il demeure difficile pour les entreprises françaises d'obtenir des lettres de crédit de la part de grands établissements fInanciers en vue, on ne saurait exclure des solutions au cas par cas et le recours à des circuits plus complexes 99 ; les groupes français présents en Iran s'emploient à continuer d'entretenir des relations avec leurs interlocuteurs iraniens et à persuader ceux-ci du caractère durable de la présence françaiseloo . Dans les secteurs agroalimentaire (Danone, Bel) et de la distribution (Carrefour), on observe une volonté d'opérateurs français de poursuivre leur implantation sur le marché iranienl0! . Mais le contexte politique intérieur de l'Iran, s'ajoutant à l'accroissement des complexités bureaucratiques iraniennes (notamment changements de décideurs, alourdissement de la fIscalité des expatriés), ne favorise pas l'éclosion de contrats porteurs. Il existe donc un contraste entre la volonté des entreprises françaises de maintenir et développer leurs
98 Delphine
Minoui, »Iran : les entreprises
2008. 99 Certaines
sociétés
du secteur
françaises
de l'équipement
plus prudentes
automobile,
», Le Figaro, 12 août
qui tablent
sur l'expansion
de la demande de véhicules en Iran, s'emploient à y conserver un courant d'affaires via Dubaï, et la Turquie, et ont recours à de petites banques, voire des règlements en argent liquide, et divers réseaux discrets.Voir G.Malbrunot, Le Figaro,11 mars 2009. J()() « Political Issues no hindrance to trade with Iran: Sagem OfficiahTehran Times, 8 octobre 2008.Voir aussi: "Sagem to Expand Trade"Iran-Daily, 10 octobre 2008. 101{{Carrefour tip-toes into Iran », Food International, 14 août 2008.Le groupe s'installe avec précaution sous couvert de son franchisé de Dubaï pour éviter des représailles américaines ;si son implantation réussit, ce sera le premier d'une série de 20 ({ hypermarchés en Iran; voir aussi: Retail Revolution Brews in Understored {{ Iran »,Shopping Center Today,septembre 2007; et Carrefour aims to shake up Iran's food industry », Financial Times, 11 août 2008.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
affaires avec l'Iran (comme en témoigne l'annonce de la signature, le 24 avril 2009, d'un accord d'un montant d'environ $ 32miIlions avec Total pour le développement de trois rafftneries de Doroud 102)et la position offtcielle de la France qui continue à plaiderl03 pour des sanctions (dont elle reconnaît qu'elles ne sont pas parvenues à persuader Téhéran à renoncer à l'enrichissement de l'uranium) si la République Islamique n'accepte pas les offres que la communauté internationale lui a faitesl04. Paris semble vouloir dissuader B.Obama de se lancer dans des ouvertures sans conditions. N .Sarkozy a déclaré le 12 février au cours de sa visite au Koweït qu'il espérait que RObama négocierait avec fermeté 105. On peut se demander si ceci ne reflète pas une crainte implicite de voir le nouveau président conclure rapidement une négociation globale qui ouvrirait à l'Amérique les portes du marché iranien. La volonté de dialogue (qui inquiète Israël) du nouveau locataire de la Maison -Blanche ne fait guère de doute mais on ne peut préjuger des conditions qui seront posées par Washington. En décidant de nommer ambassadeur à Paris M. Mir-Aboutelbi, qui dirige le département du Commerce Extérieur du Ministère des Affaires Etrangères, Téhéran laisse percer que le volet commercial des relations franco-iraniennes est une de ses priorités, qui ne doit rien au hasard. Au terme de cette étude, au moment où B.Obama poursuit sa volonté de dialogue avec l'Iran, dont l'issue demeure incertaine, l'échec n'étant pas exclu, une interrogation demeure: au cas où l'Amérique parviendrait à trouver un compromis avec l'Iran ( grand bargain), en particulier après les présidentielles iraniennes de juin 2009, l'Union
102"lran Oil Company signs oil agreement with French Total", Kuwait News Agency,25 avril 2009;voir aussi: "Energy Deal with Total", Iran Daily,26 avril 2009. A l'occasion de l'exposition sur le pétrole à Téhéran au même moment, les responsables iraniens et de Total ont réaffirmé leur volonté de poursuivre leur collaboration; FNA ,23 avril 2009 . 103B.Kouchner,» US-Europe relations: Toolbox for a New Era",Brookings Institution, Washington DC, 12 novembre 2008. J04 La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, selon le Financial Times du 26 février 2009, aunuent proposé une liste de sanctions supplémentaires visant un certain nombre d'entités iraniennes. B.Kouchner a par la suite démenti qu'i! y ait un accord sur le contenu de cette liste. 10511 a toutefois nommé
Gérard
Araud,
ancien ambassadeur
en Israël, émissaire
spécial
chargé de ce dossier. Voir Guysen News, 22 février 2009. Paris a réaffirmé que l'Iran devait suspendre l'enrichissement de l'uranium pendant les négociations avec la communauté internationale: AFP, 15 avril 2009; mais B.Obama pourrait pousser les 5+1 à négocier même en l'absence d'une véritable suspension.
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Européenne ne risque-t-elle pas de payer au prix fortl06 la reconquête économique de ce marché par une Amérique qui en a été écartée par ses propres embargos et restrictions en sus des sanctions internationales ?107 Or des signaux concordants indiquent que Washington entend clairement récupérer le terrain perdu, et que Téhéran est demandeur d'investissements et de capitaux américains. Le quotidien iranien Jam e Jam a évoqué le 16 avril 2009 un projet de coopération bancaire entre l'Iran et 4 grandes banques américainesl08, notamment Goldman Sachs et Citibank, tandis que Hossein Noqrekar Shirazi, vice-ministre du pétrole en charge des affaires internationales, déclarait ce même mois que l'Iran est ouvert aux investissements américains dans le secteur de l'énergie.109 Des déclarations américaines, à propos du projet Nabucco, ont laissé entendre que l'Iran pourrait s'inscrire dans les nouveaux schémas d'approvisionnement gaziers. Ceci aurait pour conséquence implicite de fait la fm des blocages à la coopération pour le développement énergétique de l'Iran. Ce «ballon d'essai» est à tout le moins un symptôme d'un changement possible d'orientation 110. Une seconde interrogation, découlant de la première, s'impose à nous: en accompagnant les vœux les plus chers de ceux qui, en particulier en Amérique, pensent que non seulement des sanction sévères, mais plus encore un étranglement économique passant par un gel des investissements et échanges commerciaux, sont de nature à contraindre les iraniens à renoncer à leur programme nucléaire militaire, les dirigeants français n'ont-ils pas commis un contresens lourd de conséquences?
106En essayant de persuader RObama de ne pas abandonner la menace de sanctions en vue de mieux contraindre les iraniens à l'abandon de l'enrichissement, certains dirigeants européens ,dont G.Brown,risquaient fort d'exposer J'Union à «rester sur le quai» d'une négociation où RObama ne veut pas être lié par des préalables ;voir K.Afrasiabi,» Europe out of step with US over Iran », AsiaTimes Online, 26 mars 2009.lIeureusement, la Maison-Blanche a réaffirmé son attachement aux démarches collectives des 5+1 (les 5 membres du Conseil de Sécurité + l'Allemagne) . 107Cette question, véritable tabou, identifiée par de trop rares experts, devra être posée tôt ou tard: Rory Miller,» If the US makes peace with Iran,Europe will pay the price »,The National,Abu Dhabi, 7 avril 2009. 108Il est vrai que nombre d'établissements financiers non américains, en particulier dans la banque islamique, espèrent bénéficier aussi d'une ouverture du marché iranien si une détente devait intervenir entre Washington et Téhéran: «Islamic banks see Iran opportunities », Iran Focus,16 avril 2009 . Ceci va de pair avec les mesures récemment adoptées en Iran pour faciliter J'accès des banques étrangères; »Iran Opens Doors to Foreign Banks », Payvand Iran News, 19 avril 2009. 109Iran-Daily, 11 avril 2009. 110« US Promotes Iranian Energy », Iran Daily, 29 avril 2009.
Les entreprises
françaises et les sanctions contre l'Iran
L'échec de cette tactique est désonnais patent. En poussant les entreprises françaises à une « abstention» volontaire, alors que d'une part plusieurs Etats européens (Allemagne, Italie...) ont maintenu leurs courants d'affaires, et que surtout les Etats-Unis ont développé les leurs, la France ne s'est-elle pas placée dans une situation plus défavorable que ses voisins? En déférant avec zèle aux pressions du Trésor américain (sous la houlette de S .Levey), en vue de suspendre lettres de crédit et contrats sans même demander de contreparties commerciales, Paris n'at-il pas placé les entreprises nationales en position de vulnérabilité au moment même où leurs concurrents d'Outre-Atlantique rêvent de récupérer des parts de marché iranien et s'y préparent?
77
La politique de l'Union européenne à l'égard de l'Iran
Kamal Bayramzadeh1 Chargé d'enseignement en relations internationales à Paris
Résumé L'objectif principal de cette étude est d'e~"
de l'Europe
à l'égard de 11 ran est un test pour la politique
étrangère
commune européenne méme si les pays qui la composent ne par/mt pas encore de la même voix. Depuis 1992, l'Europe a mis m œuvre tout d'abord le dialogue critique, et ensUIte depuis 1998, le dialogue global avec l'Iran à condition que celui-ci respecte !es conditions proposées par l'Europe notamment le respect des droits de l'Homme et l'amt du projet nucléaire. Mais Rfpublique islamique insiste sur son droit légitime dons le cadre du droit international obtenir la technologie nucléaire. Par ailleurs, la Rfpublique de l'homme des citoyens iraniens. Ainsi, des difficultés importantes
en paniculier
islamique
ne respecte pas les droits
les négociations mtre l'Europe depuis l'élection d'Ahmadinejad
la à
et l'Iran connaissent en 2005.
De ceJàit,
nous constatons que le projet nucléaire iranien est entré dans un processus irréversible dans un contexte régional marqué par la montée en puissance mro-iraniennes
de l'Iran.
C'est pourquoi,
les relations
sont loin des normalisations prévues.
Abstract The objectives of this study is to explain and analyze the European Union policy towards Iran since 1992 to the present day panicularly during the presidency of Ahmadinejad; Indeed, the policy of Europe with regard to Iran is a test for the commun European foreign policy even if the countries that compose it do not yet have the same voice. Since 1992, Europe has implemented the first critical dialogue, and thm since 1998, the comprehmsive dialogue with Iran on condition that it complies with the conditions proposed by Europe including respect for the human legitimate
rights and stopping right under
nuclear project.
intemationallaw
1 L'auteur de : "Les enjeux principaux 2003", L'Harmattan, 2004.
to obtain
But
nuclear
des relations
the Islamic
R£public
insists
on its
technology.
entre L'Iran
et l'Europe
de 1979 à
K. Bayramzadeh
es relations entre l'Europe et l'Iran sont liées au deuxième pilier de l'Union européenne qui prévoit une politique étrangère commune depuis 1992. La politique de l'EU envers l'Iran en est un test même si les pays qui la composent ne parlent pas encore de la même voix. Pendant la guerre froide, l'Europe n'avait pas de véritable dimension politique et il n'y avait pas de politique étrangère commune. A la suite de l'effondrement de l'Union soviétique, elle s'est trouvée dans une situation propice à son élargissement et à la création d'une Europe politique: «Le point de départ de rUE est un message commun de François Mitterrand et de Helmut Kohl qui insiste sur la nécessité d'accélérer la construction politique des Douze >l-. Depuis 1992 les rapports entre rUE et l'Iran sont marqués à la fois par des difficultés et par des normalisations relatives dans le cadre du « dialogue critique », du « dialogue global », et dans la situation actuelle il s'agit essentiellement du projet nucléaire iranien. Ces relations s'expliquent de plusieurs façons: tout d'abord un intérêt réciproque qui existait entre ces deux protagonistes. Ensuite, un contexte international marqué par l'hostilité entre l'Iran et les Etats- Unis qui a favorisé la place de l'Europe dans la politique iranienne. Dans le cadre d'un dialogue critique et global, rUE a demandé à l'Iran de réformer son système économique et politique aftn d'avoir des relations stables, voire institutionnalisées, mais l'Iran ne lui a pas donné de réponse satisfaisante, en particulier depuis l'arrivée au pouvoir d'Ahmadinejad, en 2005. Rappelons aussi que l'activité nucléaire iranienne a contribué à la dégradation des rapports entre l'Iran et l'Europe; l'Iran affirme la légitimité de son projet dans le cadre du droit international, alors que l'Europe comme les Etats-Unis lui demandent de mettre fm à l'enrichissement de l'uranium. On peut se demander alors pourquoi la politique de l'Europe à l'égard de l'Iran se distingue de celle des Etats-Unis. Quelle est la stratégie de l'Europe en Iran? Comment la structure du système politique en Iran caractérisé par le rôle prépondérant de vélaya-téfaqih empêche-t-il la possibilité des réformes? Et fmalement, pourquoi l'Europe s'oppose-telle au projet nucléaire iranien? Pour répondre à ces questions, dans un premier temps, nous allons voir le dialogue critique et l'opposition des Etats-Unis sur ce sujet. Dans un second temps, nous mettrons en lumière le dialogue global à partir de l'arrivée au pouvoir de Khatamie et nous cernerons notamment
L
80
2 Bertrand
Gallet, La politique étrangère commune, 2000, Economica,
p. 74.
La politique de l'Union européenne
à l'égard de l'Iran
l'importance des négociations pour un accord de commerce et de coopération entre l'Europe et l'Iran. Et enfIn, nous expliquerons le dialogue euro-iranien pendant la présidence d'Ahmadinedjad en montrant les effets de la crise nucléaire sur l'avenir de cette relation. Les relations entre l'Europe le dialogue critique
et l'Iran de 1992 à 1997 :
En 1991, la société internationale est entrée dans une nouvelle période caractérisée par l'hégémonie sans rivale des Etats-Unis et la domination de la « pensée unique ». Avec la fm du monde bipolaire, les dirigeants européens, sous l'égide de François Mitterrand et Helmut Kohl, ont relancé le projet de construction de l'Europe politique. L'un des objectifs de ce projet a été de contribuer à l'émergence d'un monde multipolaire dans lequel l'Europe devait jouer un rôle important, un monde fondé sur l'équilibre des forces afm de limiter le pouvoir des Etats-Unis. Dans ce cadre, le Moyen-Orient est l'une des zones stratégiques où se joue la rivalité politique et économique entre l'UE et les Etats-Unis. La politique de l'Europe à l'égard de l'Iran s'inscrit dans le cadre de sa politique moyen-orientale. Ses objectifs peuvent être décrits ainsi: accroître l'intérêt de l'Europe à travers des relations commerciales et économiques, contribuer à la sécurité de cette région possédant de grandes réserves de pétrole, contribuer à la paix régionale et la promotion du respect des droits de l'homme. Depuis 1992, la politique de l'Europe envers l'Iran s'est poursuivie dans le cadre d'un « dialogue critique» et ensuite d'un « dialogue global}) (constructif), et il y avait dans ce cadre une réunion semestrielle entre une troïka européenne et les responsables iraniens. A l'origine, en 1992 les douze chefs des Etats membres de l'Europe se sont réunis en Conseil à Edimbourg pour déterminer la politique à suivre à l'égard du gouvernement iranien qui voulait développer ses relations avec l'Europe: «Les douze adoptent, au Conseil d'Edimbourg en décembre 1992, une stratégie de dialogue qui pose le principe d'une concertation continue et cohérente avec l'Iran en vue d'inviter ce dernier à un comportement constructif sur des questions fondamentales pour l'Europe »3.
3 Julie Scandella, « L'Union européenne et l'Iran: entre institutionnalisation des relations », Les Cahiers de l'Orient, N°79, troisième trimestre 2005, p.105.
et suspension
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K. Bayramzadeh
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La demande de l'Iran était liée à deux faits. D'abord, après la fm de la guerre avec l'Irak, sa situation socio-économique et politique était très critique et face aux revendications populaires, le gouvernement de Rafsandjani, président d'alors, n'avait pas d'autre choix que de changer sa politique étrangère. C'est pourquoi il a mis en œuvre une politique pragmatique. Ensuite, en raison de l'hostilité entre Téhéran et Washington, l'Europe était la seule voie disponible pour sortir de l'isolement. Rappelons qu'il y avait un intérêt réciproque aux relations entre l'Europe et l'Iran. Celui- ci est entouré de quinze pays dont une partie possède de grandes réserves de pétrole. Il est le chemin le plus court pour l'acheminement vers l'Europe du pétrole de pays comme l'Azerbaïdjan. L'Iran a de grandes réserves de pétrole et les deuxièmes réserves de gaz dans le monde. De plus, avec ses 70 millions d'habitants, il présente un grand marché avec ses débouchés régionaux pour l'économie européenne. A tous ces éléments s'ajoute l'influence culturelle de l'Iran à l'échelle régionale. Selon une déclaration de la commission européenne: «Des raisons politiques et économiques se trouvent à la base de l'intérêt de rUE pour l'Iran. Avec une position géographique stratégique et une importante réserve de gaz et de pétrole, ce pays pourrait jouer un rôle clé dans l'avenir de la région du Golfe. Selon la Commission, une démocratisation accrue et un plus grand respect des droits de l'homme en Iran contribueraient à promouvoir la stabilité et la paix dans cette zone »4. L'Europe a établi ses relations avec l'Iran dans le cadre du « dialogue critique ». A travers ce dialogue, elle lui demandait de respecter les conditions suivantes: « 1 : Respecter les droits de l'homme en Iran. 2 : Renoncer au terrorisme et au soutien des mouvements intégristes. 3: Non-prolifération des armes de destruction massive. 4: Abolir la fatwa contre Salman Rushdie, l'écrivain britannique auteurs des Versets sataniques. 5: Cesser de s'opposer au processus de paix au ProcheOrient »5. Cette politique de l'Europe était liée à un jugement selon lequel des réformes étaient possibles en Iran. Yves Bonnet l'a expliqué ainsi: «Le «dialogue critique» est fondé sur deux postulats: A:
4 Relations EU-République Islamique de I1ran : Communication et au Parlement européen, 7 février 2001. 5 Le Monde, le Vendredi 11.04.1997.
de la Commission
au Conseil
La politique de l'Union européenne
à l'égard de l'Iran
L'existence d'un potentiel de réforme économique. B : L'existence d'un courant réformateur et moderniste parmi les dirigeants de l'Iran »6. A partir de ces deux postulats, la théorie de « dialogue critique» a été élaborée pour répondre aux besoins réciproques de l'Iran et de l'Europe. Cependant, le processus du « dialogue critique» de 1992 à 1997 a montré qu'en raison du rôle prépondérant du chef suprême de la Révolution (véfqyat-èfaqih) et de la mainmise totale des conservateurs sur l'ensemble des institutions politiques et économiques, il était difficile de procéder à des réformes. L'un des objectifs de l'UE à travers le dialogue critique a été d'influencer la politique de l'Iran sur deux plans. D'abord, l'Europe voulait que l'Iran réduise l'influence des critères idéologiques sur sa politique étrangère. Ensuite, elle souhaitait une amélioration en ce qui concerne le respect des droits de l'homme. La réaction de l'Iran aux conditions de l'Europe a révélé deux approches différentes. L'Iran mettait en question l'universalité des droits de l'homme, comme l'explique A.V Engeland-Nourai: « Le droit international des droits de l'homme n'a plus été la référence iranienne. Les Iraniens s'en sont remis au droit musulman pour déftnir la norme de référence des droits de l'homme. Toute dénonciation venue de l'Occident concernant la situation des droits fondamentaux était considérée comme une ingérence dans les affaires iraniennes »7. Pendant le dialogue critique, l'Europe et l'ONU ont fait pression sur l'Iran pour qu'il respecte les droits de l'homme. Dans un rapport sur la violation de ces droits daté de mars de 1995, le gouvernement iranien est mis en cause: « La commission des droits de l'homme de l'ONU a prolongé le mandat de son représentant pour une autre année. Au mois d'août de la même année, la sous-commission des droits de l'homme a condamné le gouvernement iranien pour la discrimination à l'égard des minorités ethniques en Iran, et les exécutions sommaires »8. En dépit des condamnations régulières de l'Iran durant ce dialogue, la situation ne s'est pas améliorée, alors que la normalisation des relations en dépendait.
6 Yves Bonnet, La trahison des ayatollahs, Paris,Jean Picollec, 1995, p. 103. 7 Anisseh Van Engeland-Nourai, "Le rôle des droits de l'homme dans les relations
entre
l'Union européenne et l'Iran », Les Cahiers de l'Orimt, N°79, troisième trimestre 2005, p.11S. 8 Antony Cordesman, Iran: Dilemmas of dual containemmt, New York, Westview Presse, 1997, p.72.
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K. Bayramzadeh
84
Dans le cadre du « dialogue critique », l'Europe demandait aussi à l'Iran de mettre ftn à son soutien aux mouvements islamistes accusés de terrorisme par l'Europe et les Etats-Unis. L'Iran soutenait que ces organisations n'étaient pas des mouvements terroristes, mais des mouvements de résistance à IsraëL Ajoutons à ce propos que l'Iran, sous la présidence de Rafsandjan4 s'est opposé au processus de paix alors que le principal mouvement palestinien (AI-Fath) avait accepté la paix avec IsraëL Cette posture de l'Iran a provoqué la colère de l'Europe, des Etats-Unis ainsi que des pays arabes. La troisième condition de dialogue critique était la nonprolifération des armes de destruction massive. L'Europe faisait pression sur l'Iran pour qu'il ne développe pas ces armes. L'objectif de l'Iran était d'être en mesure d'affronter les menaces qui pouvaient surgir dans l'avenir. Dans un contexte marqué par l'hostilité des Etats-Unis, l'Iran, pour équiper son armée, n'avait pas d'autre choix que d'acheter des avions, des chars et des missiles à des pays comme la Russie, la Chine et la Corée du Nord. Un autre problème qui a empêché l'amélioration des relations entre l'Europe et l'Iran a été la fatwa de Khomeyni contre Salman Rushdie. Celui-ci a été condamné à mort pour blasphème contre le prophète de l'Islam. L'affaire de Rushdie a été suscitée par le gouvernement iranien pour détourner l'attention de l'opinion publique iranienne des difficultés socio-économiques et pour affirmer au monde musulman une ambition hégémonique. L'UE a condamné l'attitude de Khomeyni et lui a demandé d'annuler sa fatwa. L'Iran, à son tour, a fait pression sur l'Europe pour qu'elle interdise la publication des Versets sataniques, refusant de prendre en considération l'importance pour l'Europe de la liberté d'expression. En réalité, sous le mandat de Rafsandjani, en dépit d'une propagande sur cette affaire, la fatwa n'a pas été exécutée. Mais il a fallu attendre l'arrivée au pouvoir de Khatami pour que l'Iran renonce à son application. Le dialogue critique n'a pas véritablement abouti et à la suite du verdict du tribunal de Berlin en 1997, l'Europe a suspendu ses relations avec l'Iran. Comme l'a souligné un article du monde: « l'UE s'est montrée soucieuse de réitérer sa réprobation à l'égard des actions terroristes dont l'une, le meurtre de quatre opposants kurdes à Berlin, en 1992, a été commandité, selon la justice allemande, par le haut sommet de l'Etat iranien. A cette fm, elle a confIrmé solennellement la suspension du dialogue critique qu'elle entretenait depuis 1992 avec le régime des
La politique de l'Union européenne
à l'égard de l'Iran
mollahs »9. Cette affaire de MykolloS (où les dirigeants du parti démocrate ont été assassinés par les envoyés du régime islamique selon les autorités du tribunal allemand) a entraîné une crise profonde entre l'Europe et l'Iran. Ainsi, les gouvernements européens ont décidé de convoquer leur ambassadeur en Iran pour faire le point sur ce sujet. Cela a été le début de la crise des ambassades, qui a duré sept mois. Ains~ nous avons constaté que pendant cette période, l'Europe a tenté de mettre en œuvre une politique commune à l'égard de l'Iran. L'objectif principal de l'Europe était la normalisation et le développement des ses relations économiques et politiques avec l'Iran. Un examen des cinq conditions montre que celui-ci ne les a pas respectées, car elles étaient en contradiction avec ses intérêts et sa conception des relations internationales. Deux approches différentes entre l'Europe et les Etats-Unis sur l'Iran pendant le dialogue critique Au contraire des Européens qui ont opté pour un dialogue politique et une coopération économique avec l'Iran, les Etats-Unis ont choisi une attitude d'isolement et de boycott dans le cadre d'une politique de « double endiguement» qui visait à la fois les gouvernements de l'Iran et de l'Irak. Cela correspond à une différence de visions entre l'Europe et les Etats-Unis. L'Europe à une vision libérale des relations internationales, basée sur le respect du droit international, le respect des droits de l'homme, la négociation, la coopération économique et commerciale. Les Etats-Unis ont une conception néo-réaliste fondée sur la maximisation de l'intérêt national, leur sécurité et leur puissance au détriment des autres: «Il est temps de cesser de faire comme si Européens et Américains partageaient la même vision du monde, ou même comme s'ils vivaient sur la même planète. L'Europe est en train de renoncer à la puissance ou, pour dire la chose autrement, elle s'en détourne au bénéfice d'un monde clos fait de lois et de règles, de négociation et de coopération transnationale. Elle pénètre dans un paradis posthistorique de paix et de relative prospérité, concrétisation de ce que Emmanuel Kant nomme la «paix éternelle ». De leur côté, les Etats-Unis restent
"
Le Monde,
2 mai
1997.
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K Bayramzadeh
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prisonniers de l'histoire, exerçant leur pmssance dans le monde anarchique décrit par Hobbes »10. L'objectif principal du « double endiguement» était en ce qui concerne l'Iran, de faire pression sur lui pour qu'il renonce à l'hostilité à l'égard d'Israël, au terrorisme et à l'opposition au processus de paix : « La politique de l'administration de Clinton au sujet de l'Iran entre 19931995 peut se résumer dans la poursuite d'une politique de double endiguement destinée à affaiblir les Etats iranien et irakien» 11. Cette politique fut complétée par un autre embargo économique et, en 1996, par la « Loi d'Amato» qui prévoyait des sanctions contre toutes les compagnies pétrolières, même non-américaines, qui investiraient au-delà de 40 millions de dollars par an dans les deux pays qui ont été qualifiés d'Etats voyous par l'Amérique: l'Iran et la Libye. La portée extraterritoriale de la loi d'Amato a provoqué l'opposition unanime des pays de l'UE : « L'Europe reste fermement opposée à la législation des EtatsUnis qui a des effets extraterritoriaux, notamment à la loi d'Amato. Une telle législation est contraire au droit international »12. Pendant le dialogue critique, les Européens se sont démarqués des Etats-Unis en résistant à leur politique hégémonique. Malgré la pression de l'Amérique qui accusait l'Europe de montrer des faiblesses envers l'Iran, l'UE n'a pas cessé d'adopter une politique indépendante. L'Europe
et l'Iran
pendant
la présidence
de Khatami
La victoire de Khatami à l'élection présidentielle de 1997 a contribué à une amélioration relative des rapports irano-européens, car Khatami s'est démarqué des conservateurs du régime en appliquant une politique d'ouverture dans les relations extérieures notamment envers l'Europe. Depuis son arrivée au pouvoir, une page de la diplomatie iranienne à l'égard de l'UE a été tournée. La volonté de sortir de la crise dans laquelle se trouvait l'Iran et l'UE était réciproque, mais l'Iran n'avait pas d'autre choix que de mettre fm à ses contentieux avec l'Europe pour régler des problèmes importants du pays, qui étaient insolubles sans une ouverture de la politique étrangère. 1<)Robert Kagan, La puissance et la faiblesse: Les Etats-Unis et l'Europe dans le nouvel ordre mondial, Pluriel, 2004, p.9. 11Geoffrey Kemp, «The United States, Iran and Irak: Containement or Engagement i», US Poli')' and Iran, Paris, Edition Ifri, 1998, p.32. 12 La déclaration de Sir Leon Berittan, le 30 Septembre 31494.
1997, BruxelIe, Source d'Europe,
La politique de l'Union européenne
à l'égard de l'Iran
Quelques mois après l'arrivée au pouvoir de Khatami, l'UE a révisé sa position au sujet de l'Iran, en adoptant une attitude positive à l'égard du nouveau gouvernement. Ce changement était lié à la déclaration du président iranien qui voulait donner de lui une autre image que celle de ses prédécesseurs, à travers son discours sur le respect de la liberté, la restauration de la société civile ainsi qu'une politique étrangère fondée sur la détente et le « dialogue des civilisations ». Un ministre européen, Robin Cook, déclara ainsi sur ce sujet: Nous sommes prêts à aider les premiers pas de la glasnost en Iran. Nous nous félicitons des signes émis par le président iranien qui vont dans le sens d'une modernisation de l'économie et de la société. Après la reprise du processus de normalisation entre l'Europe et l'Iran en 1998, le dialogue critique céda sa place au dialogue global (constructif) qui abordait aussi bien les thèmes politiques que stratégiques. Il prenait la forme de réunions semestrielles, entre la troïka européenne et son homologue iranien. Ce dialogue engageait des négociations avec l'Iran dans trois domaines: 1)Des questions régionales (Irak, Golfe persique, Asie centrale, processus de paix au proche-Orient. 2)Des domaines de coopération (drogue, réfugiés, énergie, commerce et investissement). 3)Des questions générales (terrorisme, droits de l'homme et prolifération des armes de destruction massive). La stratégie
de l'Europe
à l'égard
les mandats
de Khatami
:
de l'Iran durant
La stratégie de UE s'est concentrée sur le développement des rapports économiques et politiques, notamment, à partir de 2001-2002, coïncidant avec le deuxième mandat de KhatanU. Cette stratégie prenait en compte l'importance de l'Iran sur le plan géopolitique, énergétique et économique dans un contexte politique marqué par la victoire des <
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développement de la coopération régionale. C) Considérant qu'avec un volume annuel d'exportation de plus de 4 milliards d'euros, rUE présente le principal partenaire commercial de l'Iran, »13. En décembre 2002, à la suite de quelques progrès, des négociations entre l'Europe et l'Iran ont commencé en vue de la conclusion d'un accord de commerce et de coopération. La Commission européenne a lancé ces discussions en parallèle avec les négociations sur le dialogue politique et la lutte contre le terrorisme, et normalement elles auraient dû aboutir à un accord contractuel. Mais, l'Europe en a conditionné la conclusion au respect des droits de l'homme et aux autres conditions dont nous avons parlé. Au sein de l'UE, il y a eu division sur cette question. Certains considéraient qu'il fallait séparer le volet économique du volet politique, alors que d'autres pensaient que ces deux volets étaient indissociables. Ces négociations se sont déroulées respectivement en décembre 2002 à Bruxelles, en février 2003 à Téhéran et juin 2003 à Bruxelles. En 2003, à la suite de la crise nucléaire, ces négociations se sont arrêtées provisoirement. En 2005, les négociations sur l'ACC (accord de commerce et de coopération) ont repris, mais une fois encore, pour la même raison, elles ont été suspendues à l'automne de la même année. Les objectifs de l'ACC peuvent être décrits ainsi: l'établissement d'un régime contractuel pour gérer le commerce UE-Iran, suivant les règles de l'organisation mondiale du commerce; le soutien de l'Iran dans son adaptation aux règles de l'OMC ; le développement d'une coopération plus étroite dans ses domaines comme l'énergie, le transport, l'environnement, la culture, l'immigration et les réfugiés; l'encouragement et le soutien des réformes, le renforcement de l'état de droit et la progression du respect des droits de l'homme. Durant le dialogue global, notamment après l'attentat du 11 septembre 2001, la divergence entre l'Europe et les Etats-Unis s'est accentuée. Si l'Amérique a opté pour le durcissement de sa politique à l'égard de l'Iran en le plaçant dans la liste des pays de « l'axe du mal », l'Europe a choisi de dialoguer avec lui en donnant la priorité au respect du droit international et à la négociation afIn de trouver une solution diplomatique aux problèmes. Cette attitude de l'Europe est assimilée à la stratégie de la carotte par rapport à la politique du bâton. Mais pour une partie des observateurs, la politique de l'Europe à l'égard de Téhéran
I3 Micael Gahler, le rapport du parlement européen sur les relations entre lUE Ùlamique, Bruxelles, 26.11.2001, p.6.7.8.
et la Ripublique
La politique de l'Union européenne
à l'égard de l'Iran
s'est avérée inefficace car selon eux, à travers ces négociations, l'Iran a essayé de gagner du temps pour obtenir la technologie nucléaire. Néanmoins, il faut rappeler que, par le biais de la troïka européenne et notamment par le rôle important joué par Javier Solana, l'Europe a réussi à faire signer à l'Iran le protocole additionnel de l'AlEA (agence internationale de l'énergie atomique) le 29 novembre 2004. Mais la reprise de l'activité nucléaire de l'Iran en 2005 a de nouveau entraîné une crise importante qui dure encore aujourd'hui dans les rapports euro1tamens. Ainsi pendant les mandats de Khatami, malgré les progrès relatifs dans les relations entre l'Europe et l'Iran en matière de politique étrangère et de coopération commerciale, la crise nucléaire a empêché la conclusion d'un accord de commerce et de coopération entre eux. Durant cette période, le président iranien s'est rendu dans plusieurs pays importants de l'Europe, notamment en France et en Allemagne, moteurs au sein de l'Europe. Il a ainsi obtenu une certaine reconnaissance. Les rapports la présidence
entre l'Europe d'Ahmadinejad
et l'Iran pendant 89
Depuis l'arrivée au pouvoir d'Ahmadinejad en juin 2005, la politique étrangère de l'Iran a subi des changements importants qui ont aussi des conséquences sur les rapports euro-iraniens. La nouvelle politique étrangère de l'Iran se caractérise ainsi: 1) L'hostilité croissante à l'égard d'IsraëL 2) l'anti-américanisme. 3) La volonté d'accroître son hégémonie sur le monde musulman au Moyen-Orient. 4) La volonté d'obtenir la technologie nucléaire en résistant à la pression des EtatsUnis et de l'Europe. Cette politique s'est accélérée en fonction du contexte régional qui a contribué à la monté en puissance de l'Iran. Depuis juin 2005, les rapports euro-iraniens ont continué dans le cadre des conditions précédentes, mais deux problèmes ont marqué ces relations. D'abord, la reprise des activités nucléaires iraniennes au début d'août 2005: « Les européens ont cherché à obtenir de l'Iran une renonciation à toute maîtrise du cycle du combustible nucléaire et une ratification du protocole additionnel du TNP (traité de non-prolifération) en échange d'offre de coopération dans les domaines du nucléaire civil, de l'énergie et d'un engagement de l'UE à soutenir la candidature iranienne à l'OMC (organisation mondial du commerce). La négociation a toutefois été compromise par la décision du nouveau président
K. Bayramzadeh
I\hmadinejad de relancer l'enrichissement d'uranium en août 2005»14. Ensuite, la déclaration d'Ahmadinejad contre l'Etat hébreu qui, selon le président iranien, doit être rayé de la carte. Cette attitude provocatrice a engendré la protestation de l'UE à l'égard de l'Iran. Le comportement de l'Iran peut être expliqué par des raisons à la fois internes et externes. Premièrement, c'est un discours qui voulait détourner l'attention de l'opinion publique iranienne des difficultés du pays. Deuxièmement, il voulait obtenir la sympathie du monde musulman. M.DjaIiIi montre les causes de l'attitude iranienne: « On peut trouver à ce comportement plusieurs explications: la vision d'Israël comme principale source de l'oppression du monde musulman, enfm la volonté de projeter, au cœur du monde arabe, l'influence d'un régime chiite et non arabe» 15. La politique de provocation d"Ahmadinejad a atteint son apogée lorsqu'il a organisé à Téhéran une conférence sur l'Holocauste les 11 et 12 décembre 2006. Dans cette conférence, il a mis en cause la réalité du génocide des juifs.
Les effets de la crise nucléaire sur J'avenir des relations entre J'Europe et J'Iran: 90 La reprise des activités nucléaires iraniennes a entraîné une crise importante avec l'Europe. Pour trouver une solution diplomatique à ce problème, en août 2005 les Européens ont proposé à l'Iran leur offre globale sur les questions nucléaires, commerciales et de sécurité régionale, mais l'Iran l'a rejetée en la qualifiant d'inacceptable et d'insultante. Dès lors, l'Iran a remis en marche le processus de conversion dans l'usine d'Ispahan. En 2006, après l'échec des négociations prévues par le « package» du groupe 5+ 1, la visite de Kofi Annan, secrétaire général des ONU à l'époque, à Téhéran (5 septembre 2006) et les rencontres de Javier Solana durant le mois de septembre avec son homologue Ali Laridjani, le numéro 2 du programme nucléaire iranien a fait une contre-proposition afm de créer un consortium mené par l'entreprise française Areva pour accompagner d'enrichissement d'uranium. Mais les Européens ne l'ont pas acceptée. Le 23 décembre 2006, la résolution 1737 a été adoptée par le Conseil de sécurité qui a donné un délai de deux mois à l'Iran. Malgré cet
14 Franck Petiteville, 15 Mohammad-Reza étrangère
La politique internationale de l'union européenne, Sciences Po, 2006, p.57. DjaIili, « L'Iran d'Ahmadinejad: évolution internes et politique », La politique étrangère, 2007, p.33.
La politique de l'Union européenne
à l'égard de l'Iran
ultimatum, l'Iran n'a pas suspendu l'enrichissement de l'uranium. Depuis le début de 2007, l'UE a adopté les sanctions décrétées par la résolution 1737 des Nations unies contre l'Iran. Ces sanctions concernent essentiellement l'interdiction de transfert de technologie nucléaire et balistique, la restriction de déplacement de personnes liées au programme nucléaire et le gel des avoirs de ces dernières. En effet, l'objectif principal de la politique de sanction consiste à affaiblir le gouvernement iranien aftn qu'il renonce à son projet nucléaire. A ceci s'ajoute ces derniers mois une baisse considérable du prix du pétrole qui peut entraîner des crises graves dans la société iranienne. En dépit des sanctions par le Conseil de sécurité et l'Union européenne, l'Iran continue à progresser dans la voie d'enrichissement et M. Ahmadinejad insiste sur le droit légitime de l'Iran à produire l'énergie nucléaire. Les pourparlers entre le négociateur iranien (M. Djalili qui a remplacé A. Laridjani) et J. Solana en 2008 n'ont pas abouti à des solutions acceptables pour les deux parties. Selon le gouvernement iranien, l'Europe est influencée par les Etats-Unis et Israël dans sa démarche. Dans cette situation, nous constatons que d'une part, les négociations entre l'Europe et l'Iran et d'autre part, entre l'Iran et l'AlEA sont dans l'impasse, car l'Iran n'accepte pas de renoncer à son projet. En plus, le directeur de centre de l'énergie atomique de l'Iran: «M. Agazadeh a confmné en novembre 2008 que l'Iran avait installé cinq mille centrifugeuses à Natanze »16. Ainsi, l'Iran envoie des signes de fermeté aux Européens et aux Américains dans un contexte politique marqué par l'arrivée au pouvoir d'Obama qui a réitéré son opposition au projet nucléaire de l'Iran. Malgré l'échec des négociations, l'Europe n'admet pas de solution militaire pour régler le problème iranien, car elle sait qu'un tel recours contre l'Iran embraserait la région et entraînerait une crise internationale majeure. C'est pourquoi, en dépit de l'intensiftcation de la politique de sanction à l'égard de l'Iran par l'Europe, celle-ci insiste toujours sur le dialogue et la solution diplomatique. En ce qui concerne les raisons de l'opposition de l'Europe aux activités nucléaires de l'Iran, elles sont multiples: D'abord, une inquiétude croissante quant à la possibilité de fabrication de la bombe atomique par l'Iran, tandis que celui-ci nie complètement cette option. Ensuite selon l'Europe, la possession de la bombe atomique par l'Iran peut encourager la nucléarisation de la Turquie et de 1'1\rabie saoudite. 16Mehr NewJ (le cite iranien), www.mehrnews.com/Ja/.26.11.2008.
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K. Bayramzadeh
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Enfm, la possession de cette arme accroîtrait la puissance de l'Iran et changerait les rapports de force dans une zone stratégique du monde. Ainsi, malgré le fait que l'Europe ait des difficultés à mettre en œuvre une politique étrangère commune à l'échelle internationale, elle a cependant essayé une politique commune à l'égard de l'Iran depuis 1992 dans le cadre du « dialogue critique », puis du « dialogue global» et en particulier au sujet du projet nucléaire iranien. Pendant ces 16 ans, les relations euro-iraniennes ont connu à la fois des difficultés et des normalisations relatives en fonction des acteurs iraniens et européens et du contexte international qui a contribué à la montée en puissance de l'Iran à l'échelle régionale. La réalisation des conditions du dialogue exigées par l'Europe s'est heurtée à la résistance du pouvoir politique en Iran, caractérisé par le rôle prépondérant du Guide de la Révolution (vélaya-té faqih). Par ailleurs, la reprise des activités nucléaires et la violation des droits de l'homme en Iran ont empêché la conclusion d'un J\ccord de Commerce et de Coopération (ACC) entre l'Europe et l'Iran. Depuis l'arrivée au pouvoir d'Ahmadinejad en 2005, les relations entre l'Union européennes et l'Iran sont entrées dans une période de crise et les négociations sont actuellement dans l'impasse. Les conditions de l'Europe concernant l'arrêt de l'enrichissement d'uranium sont jugées inacceptables par le gouvernement iranien qui met en avant le principe de non-négociabilité sur ce sujet. C'est pourquoi nous pensons que le projet nucléaire iranien est entré dans une phase irréversible dans un contexte international marqué par les difficultés des Etats-Unis au Moyen-Orient. L'avenir des relations entre l'Europe et l'Iran dépend de la résolution du problème nucléaire et tant que cette crise ne sera pas résolue, il n'y aura pas de stabilité dans les rapports entre ces deux protagonistes.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit russo-géorgien d'aoGt 2008 Paul Sanders Proftsseur pmnanent,
GlYJupe ESe
Bourgogne Dijon
Résumé L'article tMmatise les retombées du conflit msso-géor:gien d'aout 2008 sur la gestion du dossier nucléaire iranien par la Russie et IOccident. Malgré une rhétorique pmfois musclée, craintes occidentales et espoirs iraniens vis-à-vis un éventuel "retour de fEmpire"
restèrent sans
fondation, puisque basées sur des mésinterprétations des intérêts russes. Ainsi, la "nouvelle guerre froide" n'a pas eu lieu. Et suivant des ouvertures européenms et américaines les relations
Russie-Occident
furent
rapidement
remises
sur
les
rails.
Si
les
retombées
internationales de la crise furent donc réduites, la redistributiol1 des cartes géopolitiques dans le Caucase est par contre retentissante: renforcement des liens Moscou-états postsoviétiques (Géor:gie exceptée),
ret!ynamisation
des négociations pour
I amorcement
du contentieux
du
Haut Korabakh, dégel et politique de normalisation des relations Turquie-Arménie. L'Iran, pour sa part, a été incapable de tirer bénéfice de la triple opportunité hist01ique qui était la redistribution des cartes géopolitiques dans son voisinage, lintérêt européen renouvelé de sortir de son dilemme éner:gétique ainsi que I arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration américaine plus ouverte au dialogue. La faute en revient au retranchement
rigide iranien sur le
dossier nucléaire, lequel élimine d'avance toute souplesse en matière de jeu diplomatique. La politique étrangère iranienne fait ainsi preuve d'incapacité. Entre-temps, la Russie continue son double jeu : d'une part continuation
des échanges commerciaux
sanctions plus fortes - sur fond de banalisation participation rapprochement
aux
négociations
entre Occident
du programme
internationales,
et Iran
et, finalement,
afin
et protection de fI ran contre des nucléaire iranien; d'autre part
d'empêcher de préserver
toute
possibilité
de
le statu quo, seul issu
favorable aux intérêts russes. Face à autant d'immobilisme coté iranien et autant d'intérêts opaques coté russe, le seul paramètre vétitablement dynamique de ces derniers temps demmre le changement d'administration
à Washington.
Abstract The article discusses the fallout of the August 2008 South Ossetia conJlict regarding mutual cooperation between Russia and the West on the Iranian nuclear standoff. Contrary to the sharp rhetoric, this conflict did not mark the beginning of a "New Cold War':. neither did it herald a scission on the Iranian
dossier. In fact, relations between Russia and West were
P. Sanders
soon back on track, a direction reinforced by US overtures following Barack
Obama's
taking
were based on a flawed of office. It rapidly emer;ged that Westem misinterpretations understanding of Russian interests - in the current situation the country seeks everything but an open confrontation with the West - and a naive, skewered and complacent Western view of Geor;gian president Mikhei/ Saakashvi/i. Western fears and Iranian hopes tif a breakdown tif the international effort revealed themselves as unfounded. This is not equivalent to saying that the conflict did not lead to a substantial geopolitical shift in the Caucasus. Firstly, the conflict has re-ener;gized the search for a solution to the longstanding between Azerbaijan
Nagorno-Karabakh
dispute
and Armenia,
the other 'Jrozen" conflict in the area. The normalization and Armenia is just one example of the fundamental change in
of relations betlveen Turkey music since 0808. Secondly, the outcome tif the South Ossetia war has reinforced Moscow's let/erage in the Caucasus, resulting in strengthened ties between Russia and the post-Soviet
successor states, except Geor;gia. Contrary to most tif its neighbors to the North, Iran has failed to draw any ad1Jantage from the geopolitical turmoil Thus, at a moment when the diplomatic parquet abounds with new bar;gaining opportunities, Iranian foreign policy has proven itself lar;gely immutable. The reason is to be sought in its leadership's principled positioning on the nuclear agenda, which leaves no mar;gin. Finally, the article draws attention to Russia's status as an "honest broker"
in the nuclear standoff
In fact RiJSsia derives most benefit from
the
current status quo: Russia can ill afford a thaw in relations and an Iran friendly to the West, as this would entailloss of an important diplomatic pawn as well as tif an important trading partner. At the same time Russia is a stumbling block to any initiative to inmase pressure on
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Iran for its continued non-compliance.
To the Rilssians whether Iran will accede to the bomb is
almost secondary to other considerations.
a Russie est un maillon important dans la recherche d'une solution du différend nucléaire opposant la République islamique à la communauté internationale. Or, théoriquement, le conflit rosso-géorgien d'aout 2008 aurait pu avoir un impact négatif quant à sa capacité de continuer dans ce rôle d'arbitre, en raison de l'enrayement des relations Russie-Occident. Certaines réactions confIrment que l'éventualité était loin d'avoir été systématiquement écarté: bruits de 'nouvelle guerre froide' et même comparaisons entre 'aout 1914' et 'aout 2008', ne couraient-ils pas au plus haut de la crise en mi-aout ?1 Si toutefois les cris de Cassandre ne se sont pas matérialisés, cet heureux résultat ne doit pas nous empêcher de tirer des enseignements de cette sortie de crise. En effet, deux logiques se dégagent qui peuvent intéresser
L
I Pour la comparaison entre 1914 et 2008 voir l'article du prix Nobel en économie 2008, Paul Krugman, 'The Great Illusion', New York Times, www.nytimes.com/2008/08/15/opinion/15krugman.html? r=l&oref=slogin 14 aout 2008
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit rosso-géorgien
le dossier iranien: premièrement le conflit rosso-géorgien n'était pas le coup d'éclat d'une quelconque 'nouvelle guerre froide'. Et ceux qui ont cro dans la possibilité d'un retournement rosse sur le dossier iranien se sont alors trompés. Craintes occidentales et espoirs iraniens - là où ils devaient se manifester - découlaient de la mécompréhension des motivations d'une Russie qui n'a pas d'intérêt de mettre en péril son partenariat commercial avec l'Occident. En d'autres mots: en dépit de leur rivalité géopolitique, l'entente Occident-Russie sur le dossier iranien n'est pas sujette à une potentialité de scission. Deuxièmement, l'Iran n'a tiré aucun bénéfice diplomatique de la crise, contrairement à certains autres pays de la région. En partant de ces idées de base nous nous interrogerons sur la nature réelle de ce conflit ainsi que sur les relais de la sortie de crise. Ensuite nous détaillerons le manque d'initiative diplomatique de la part de l'Iran en réaction à la crise rosso-géorgienne, pour le juxtaposer à la logique de dynamisme qui se dégage de l'activité de ses voisins caucasiens. Une sortie de crise miraculeuse? La guerre rosso-géorgienne d'aout 2008 a démontré - pour la première fois depuis 1991 - la volonté et la capacité de la Russie d'employer la force hors de ses frontières internationales. Toutefois elle ne marquait ni le début d'une "nouvelle guerre froide" entre Russie et Occident, ni l'entrée dans une nouvelle ère de multipolarité (un prétendu "post-post guerre froide") digne d'être sacrée en "08/08".2 Le contraire fut prouvé par un retour rapide au business as usual dans les mois qui suivirent. Au moment même de la rédaction de cet article (mars 2009) les relations entre Occident et Russie sont rétablies: l'UE et la Russie ont déjà entériné la normalisation au sommet de Nice de novembre. Et le dialogue au Conseil OTAN-Russie - suspendu au mois d'aout - fut remis sur les rails en mars 2009. Ceci fut précédé par des mesures destinées à rétablir la confiance (trust building measures), tel que le remplacement du
2 En analogie avec 09/11, voir Immanuel Wallerstein, Order: End of Act l', IlIstitut de Relatiolls Internationales france.org/docs/pdf/forum/2008 09 16 order.pdf, 16 'The first post-080808 diagnose - Speech at the annual hup:/ /www.alexstubb.com/en/publication/18/?item=390.
'The New World Geopolitical et Stratégiques, http://www.irissept. 2008; Alexander Stubb, meeting of heads of missions', 26 aout 2008.
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P. Sanders
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corridor pakistanais d'approvisionnement de l'OTAN en Afghanistan, devenu trop périlleux, par un corridor russe.3 Les relations russo-occidentales revenaient de leur point le plus bas depuis la ftn de la guerre froide. Une partie du mérite pour un dénouement aussi rapide revient sans doute à la nouvelle administration américaine. Barack Obama compte reprendre le paradigme clintonien du partenariat avec la Russie ainsi que d'ailleurs la politique de dialogue avec l'Iran, terminée depuis l'arrivée de l'administration Bush en 2000.4 On peut se demander combien les historiens futurs débâteront dans quelle mesure le dépérissement des relations Occident-Russie entre 2003 et 2008 reposait sur une politique US maladroite - ne manquant pas une occasion de mettre au pied du mur l'ours russe - et dans quel mesure ceci fut le résultat exclusif des choix opérés par Vladimir Poutine. La réflexion est d'autant plus justiftée puisque cette dégradation était accompagnée d'une autre, celle des relations entre États-Unis et "vieille Europe". Mais le changement de régime aux États-Unis n'est pas la seule et unique raison pour ce dénouement presque miraculeux. Tout d'abord il convient de rappeler que la Russie n'a aucun intérêt dans une confrontation avec l'Occident. Acteur à part entière de la mondialisation, le niveau d'interpénétration entre économie russe et économie globale est très élevé et la rend ainsi vulnérable. 5 Si l'escapade géorgienne a pu se solder par un retour sur la scène géopolitique, la Russie reste dans une position de faiblesse économique. Or, durement frappée par la crise elle a surtout besoin de ses partenaires occidentaux. Comme le soutient Hans-Henning Schroder, directeur au plus important think-tank (groupe de réflexion) de la capitale allemande, les élites russes sont bien conscients que leur pays est une puissance économique de moyenne taille et que leurs allures de grande puissance les font apparaitre comme des 6 Un scenario de confrontation est d'autant plus "imposteurs". 3 En effet l'approvisionnement, par ce même corridor russe, des contingents allemands et français de l'OTAN en Afghanistan n'avait jamais été arrêté, voir entretien avec HansHenning Schroder, 'Eliten wissen, Moskau ist kein grosser Spieler', Berliner Zezfung, 6 mars 2009. http://www.berlinonline.de/berlinerzeitung/ archiv / .bin/ dump.fcgi/2009 /0306/tagesth ema/0047/index.html 4 see Bruce Riedel, 'America and Iran: flawed analysis, missed opportunities and looming dangers', The Brown Journal ofWorld Affairs, fall/winter 2008, XV (1), 101-11. 5 Voir l'article de Celeste A. Wallander, 'La Russie face à la mondialisation: la voie du trans-impérialisme', Poltfique étrangère (hors série), août 2007, 25-38. 6 Schroder, 'Eliten wissen, Moskau ist kein grosser Spieler', op. cit.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit russo-géorgien
incommode que la crise ftnancière exige des restrictions du budget militaire russe (comme partout ailleurs dans le monde). De même la prouesse militaire russe est plus illusoire que la victoire contre l'armée géorgienne laisserait penser. Dans l'édition 2009 de son rapport annuel Military Balance le très réputé International Imtitute)Or Strategic Studies (lISS) émet beaucoup de réserves quant aux capacités militaires de la Russie, plus particulièrement sa capacité de projeter la force. .Ainsi les grands gestes militaires de la Russie de l'année 2008 tels les déploiements de navires de guerre russes en .Méditerranée et au Venezuela, auraient été avant tout 'symboliques', avec le gros de la ftère marine russe immobilisée au port faute de moyensJ Un autre élément ayant contribué au dénouement est le caractère erroné de l'interprétation occidentale des motivations russes, interprétation sur laquelle beaucoup de responsables occidentaux ont dû revenir par la suite. Même si la Russie est loin de jouer un rôle brillant dans le Caucase du Sud (on abordera ce point), et même si la chaine d'événements dans les semaines procédant le conflit russo-géorgien ne sera jamais connu en toute exactitude, la Géorgie porte une lourde part de responsabilité dans l'escalade du 8 aout. Ainsi la version géorgienne de la genèse du conflit - reposant sur la thèse de l'agression unilatérale russe et de la riposte préventive géorgienne - est accablée par des preuves incontestables. Elle a du être soumise à d'importantes révisions. En conséquence les appréciations présentées dans les medias et soutenues par une partie de la classe politique occidentale au début de la crise apparaissent aujourd'hui comme hâtives et dépassées. D'après HansHenning Schroder, l'OTAN par exemple avait réalisé, dès le mois de septembre, que la fustigation unilatérale de la Russie avait été maladroite et que le président géorgien, Mikheil Saakashvili s'était rendu coupable de "beaucoup de bêtises".8 En effet, c'est au cours de ce même mois de septembre que l'heure du bilan avait sonné; avec un grand nombre d'experts et de centres de recherches reconnues pour le sérieux de leur travail prenant la relève du cortège de ces premières voix - partisanes et subjectives - ayant inondé les écrans le mois précédant.9 Et leur version
7 Michael Evans, 'Russian militarj' a 'paper tiger' despite symbolic comeback, says IISS', The Times, 27 janv. 2009, article disponible sur le site du IISS, http://www.iiss.org/ whats-new / iiss-in-the-press/ january- 2009 / russian-military -a -papertiger -despite-symbolic -com eback -says- iiss / 8 Schroder, 'Eliten wissen, Moskau ist kein grosser Spieler', op.cit. 9 Un exemple saisissant du genre fut le voyage de Bernard-Henri Lévy en Géorgie, relaté dans un article publié dans Le Monde du 19 aout. Dans cet article le philosophe
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du conflit était différente. Ainsi l'IISS qualifiait l'action militaire géorgienne d"'irresponsable", conseillant aux Européens de résister à la pression américaine de vouloir accélérer l'adhésion de la Géorgie à rOTAN.lo Au même moment Anatol Lieven, professeur de War Studies au King's College de Londres et membre du Yaldai Club, s'attaquait à une autre vache sacrée, voire que la propagande s'employait de tous les cotés en temps de guerre. Certains médias occidentaux avaient utilisé ce lieu commun comme une sorte de licence les détaxant de leur souci d'objectivité. Indirectement cette ligne - d'ailleurs plus présente aux États-Unis qu'en Europe - avait servi la cause du président Saakashvili dont l'accès aux médias du monde fut plus aisé, pour plusieurs raisons. l\yant reconnu le stratagème, Lieven délivrait un coup dur à cette partie des medias américains qu'il accusait d'avoir "raconté de loin le plus grand mensonge - voire la suggestion outrancière [...] que la Russie et non la Géorgie avait commencé cette dernière guerre."11 Presque simultanément une réflexion critique sur les origines de la guerre - et allant dans le même sens - fut engagée au Congrès des États-Unis, appelé par l'administration Bush à voter de nouveaux fonds pour la reconstruction de la Géorgie.12 Le flot d'informations défavorables à la version officielle géorgienne ne s'arrêta plus, avec une note du Chatham House (Londres) titrée "Culpabilités et conséquences" 13, ainsi qu'un reportage critique diffusé par la BBC invalidant la thèse de l'opération préventive menée avait soutenu la thèse préventive d'après laqueIJe la Géorgie avait réagi à une agression russe, survenue dans le cours de la journée du 7 aout. D'après son article BHL veut aussi avoir assisté à la destruction de la ville de Gori ; assertion réfutée quelque temps pJus tard comme une invention de J'auteur, qui n'a jamais mis un pied dans Gori, voir 'BHL n'a pas vu toutes ses' choses vues' en Géorgie', La Rue, http://rue89.com/2008/08/22/bhJ-napas-vu-toutes-ses-choses-vues-en-georgie 22 aout 2008. 10 "Georgia's apparent decision openly to reject the demands of its US patron not to seek to recover South Ossetia by force was clearly irresponsible. It raises the legitimate question as to whether as a prospective aspirant member of a Western military aIJiance system it would be a responsible member of that grouping if it were to fail to act in multilateral consultation with its supporters", John Chipman, 'Strategic Survey 2008 Press Statement', International Institute for Strategic Studies,. http://www.iiss.org/publications/strategic-survey I strategic-survey-20081 strate!?icsurvey-2008-press-statement/, 18 sept. 2008. 11Anatol Lieven, 'Lunch with Putin', National Inter est online. http://www.nationalinterest.org/ Article.aspx?id= 19894, 17 sept. 2008. Traduction par J'auteur. 12 Daniel Dombey, 'Congress attacks stance on Georgia', FinancialTimes, 11 sept. 2008 13 James Sherr, 'Russia and Georgia: Culpabilities and Consequences', briefing note, Chatham House, http://www.chathamhouse.org.uk/publications/papers/view I-lid 1659/, September 2008.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit russo-géorgien
par les forces géorgiennes dans la nuit du 7 au 8 aout 2008, au mois d'octobre.!4 Parfois la controverse montait jusque dans les plus hautes sphères de la politique européenne.!S Combien les doutes subsistent est visible dans la décision de rUE, au mois de novembre, de mettre en place une commission d'enquête sur les origines de la guerre.16 D'autres interprétations s'essouffleront presque dans la même mesure que la thèse de la guerre préventive géorgienne. Premièrement le motif d'une tentative de déstabilisation russe du seul corridor énergétique de l'ex-URSS contournant la Russie. Comme le démontre Mikko Palonkorpi, chercheur à l'Aleksanteri Institute (Helsinki), les pipelines traversant la Géorgie n'étaient pas une cible russe.17 Il faut savoir que les Russes disposent de méthodes beaucoup plus efficaces dans leur arsenal pour contrer le désenclavement énergétique européen et que le grignotage russe des positions occidentales dans la région perdure depuis quelques années déjà. Il se manifeste notamment dans la stratégie russe de devancer les Occidentaux sur le terrain, en concluant des contrats de longue durée avec les grands producteurs de ressources énergétiques de la Caspienne telle Kazakhstan et le Turkménistan, amenant ces derniers de livrer aux marchés occidentaux en transitant par le réseau de pipelines russe.!8 Dessins néo-impérialistes? Tentative de délimitation d'une sphère d'influence? Il convient de se mettre dans la peau du Kremlin : qu'est-ce qui s'était produit si la Russie n'avait pas réagi à l'attaque géorgienne sur l'Ossétie du Sud? Le résultat aurait été une perte de face -
14 Tim Whewell, 'What realJy happened in South Ossetia?', BBC Newsnight, http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/newsnight/review/7695956.stm, 28 octobre 2008. IS Voir la position de Silvio Berlusconi, 'Berlusconi épingle Tbilissi sur l'Ossétie du Sud: l'ambassade géorgienne s'émeut', RL4 Novosti,. hup:! / fr.rian.ru/world/20081009 /117638328.btml, 9 oct. 2008. 16 'Déclaration de la présidence du Conseil de l'Union européenne au sujet de la nomination de Madame Heidi Tagliavini à la tête de la mission d'enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie', Présidence fi'ançaise de !Union européenne, bttp:! /www.eu2008.fr!PFUE/lang/fr!accueiI/PFUE-11 2008/PFUE21.11.2008/PESC HT Georgie, 21 novo 2008. 17 Mikko Palonkorpi, The role of energy in the Caucasus conflict', Aleksanteri Institute, http://www.belsinki.fi/aleksanteri/ english/news/ events/2008/20081029 seminar palo nkorpi.pdf, 29 oct. 2008. 18 Roland GÔtz, 'The Southern gas corridor and Europe's gas supply', Caucasus analytical digest, http://georgien.boelJ-net.de/ download ru/CaucasusAnalyticaIDigest03.pdf, 19 fév. 2009, 2-5; Tracey German, 'Corridor of power: tbe Caucasus and energy security', Caucasian rel'iew ojintmzational affair,., vol. 2 (2), spring 2008,1-9.
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et de crédibilité - probablement suivi par l'élimination de l'influence russe du Caucase du Sud. Une réaction russe était donc inévitable. La situation pouvait aussi être appréhendée de la manière suivante: après presque deux décennies de grignotage occidental et concessions de la part d'une Russie faible - concessions restées souvent sans contrepartie - le pays s'était donné les moyens de se réafftrmer comme n'importe quel autre état-nation. Et des voix occidentales ayant mis en garde contre l'éventualité d'une "Russie qui se fâche" n'avaient pas manqué dans les mois précédant le conflit.19 Malgré la nécessité de serrer les rangs par une rhétorique commune et critique de la Russie, la dynamique géopolitique inévitable de la situation était comprise par une majorité des gouvernements occidentaux, "nouveaux Européens" exceptés. L'impression n'est pas fausse qu'on aurait presque pardonné à la Russie, si seulement elle n'avait pas débordé le territoire de l'Ossétie du Sud. J\insi l'essentiel de la critique occidentale se concentrait sur la disproportionnalité des moyens employés pour contrer l'action militaire géorgienne. Et la véritable crise dans les relations ne fut pas déclenché par l'occupation russe de territoire géorgien, même si le retrait des troupes russes sur les lignes d'avant le 8 aout fut une importante revendication occidentale, mais par la reconnaissance russe des indépendances sud-ossètes et abkhazes, le 26 aout 2008.20 Les nouvelles
réalités
Si l'effet du conflit à l'échelle de la planète fut limité, il représentait par contre un réel séisme sur l'échelle de Richter géopolitique. Il a contribué à renouveler le "jeu" autour de la Caspienne
- avec son sous-sol riche en ressources énergétiques
-
et autour de la
principale voie d'acheminement contournant la Russie, l'étroit isthme caucasien. Deux interrogations priment: lequel des acteurs régionaux a tiré le plus de bénéfice de la crise géorgienne? Et quel est l'impact de la 19 Sergio Romano, 'OTAN - Le jour où la Russie s'énervera', Lu Echos, 9 avri12008. 2(1Le président Bush se déclarait" extrêmement concerné" au début de la guerre russogéorgienne. Seulement la reconnaissance russe des indépendances abkhaze et sud-os sète l'incitait de délivrer une condamnation. Le gouvernement allemand de son coté parlait d'une décision 'inacceptable' plutôt que de condamner - position partagée par plusieurs autres pays tel la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce, la Belgique le Luxembourg et l'Hongrie, l'vlichacl Brzoska (et aL), 'Der Kaukasuskrieg 2008 - Ein regionaler Konflikt mit internationalen Folgen (Hamburger Informationen zur Friedensforschung und Sicherheitspolitîk)', Institut jùr Friedensforschung und SliherheitJpo/itik an der Uniz'erJitdt Hamburg, déc 2008, 13.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit russo-géorgien
crise sur les efforts diplomatigues dédiés à une solution du différend nucléaire iranien? La Russie a sans aucun doute pu élargir son dispositif, tandis gue l'Occident a perdu des positions importantes suite au conflit. Le soutien faible de l'Occident à son client géorgien a provogué un certain réalignement des pays du bassin caspien sur Moscou. Ce constat vaut particulièrement pour l'Azerbaïdjan, maillon crucial de la stratégie occidentale dans la région, mais aussi pour les pays de l'Asie Centrale. Néanmoins il ne faut pas aller trop loin non plus, car la guerre russogéorgienne avait surtout un effet catalyseur d'un mouvement de rapprochement ou de coordination engagé entre Moscou et les exRépubligues soviétigues depuis déjà un certain temps. Tout comme la Russie les divers régimes de la région n'avaient franchement pas appréciés les révolutions colorées. Confronté au double ordre du jour occidental de "changement de régime" (regimechange)et" promotion de la démocratie" (democrarypromotion), ces adeptes de la démocratie illibérale et plébiscitaire réagissaient en se tournant vers MOSCOU.21 Face aux réserves occidentales sur les responsabilités géorgiennes, la candidature à l'OTAN géorgienne (mais aussi ukrainienne) reste plus gu'incertaine. De même gue l'avenir du grand projet gazier Nabucco devant relier la Caspienne à l'Europe en contournant la Russie. Pièce essentielle de sa stratégie de diversification, ce guatrième corridor énergétigue de rUE était censé accroitre l'indépendance de l'Europe visà-vis de la Russie. Toutefois le rapprochement entre producteurs du bassin caspien et Moscou ne joue pas en faveur de rUE. Le conflit a démontré le caractère précaire et exposé des routes d'évacuation de pétrole et gaz caspien vers les marchés occidentaux à travers le corridor géorgien. La perspective n'est pas nouvelle, mais jamais le dilemme des Européens a été dessiné avec d'avantage de clarté. Pendant le conflit les blindés russes se sont approchés des pipelines transcaucasiens et même si une interruption ou perturbation des flots énergétigues n'était pas dans les intentions russes, la perception du risgue politigue n'est plus la même gu'avant le conflit.22 En fin de compte ce conflit - mais aussi le conflit
gazier du mois de janvier rUE;
c'est-à-dire
21Voir à ce sujet Thierry
-
a exhibé une fois de plus le talon d'Achille de
son très haut degré de vulnérabilité Kellner, 'La Chine, l'Organisation
énergétigue
de coopération
ainsi
de Shanghai et
les 'révolutions colorées", Hérodote - rez'Uedegéographie et degéopolitique, 129, 167-82. 22 Shamil Yenikeyeff, 'The Georgia-Russia standoff and the future of Caspian and Central Asian energy supplies', OxfOrd institute for Energy Studies. http://www.oxfordenergy.org/pdfs/comment 0808-1.pdf, aout 2008.
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que la marge de manœuvre dont disposent certains acteurs russes pour utiliser cette dépendance comme une arme. Le pouvoir énergétique de la Russie - avec ses potentialités de chantage - inquiète les Européens d'autant plus qu'un accroissement du rôle de la Russie en tant que fournisseur de rUE est prévu d'ici les décennies à venir. Dans le débat sur les relations Russie-UE il est souvent question d'un écart de valeurs (valuegap) se dressant en obstacle à une intégration politique et économique plus profonde entre les deux espaces. Même si la Russie ne peux pas pour l'instant se passer de sa clientèle européenne, la dépendance énergétique européenne réduit sensiblement les possibilités de promouvoir les valeurs démocratiques en Russie et dans les états postsoviétiques. Comme déjà évoqué les élites russes ainsi que les régimes de la région craignent des changements démocratiques dans le style des révolutions colorées. Dernièrement les conséquences de la sur-dépendance énergétique à la Russie et du manque de diversification énergétique one donné lieu à un nouveau débat publique européen lequel revendique aussi un renforcement du dispositif d'énergie renouvelable.23 Car le dossier énergétique risque de Die Europaische Union und das Neue Russland renforcent la disposition européenne. Car à coté d'une grande ouverture à la mondialisation on constate également un fond d'isolationnisme russe, basé sur le désenchantement avec un Occident perçu comme coresponsable de la débâcle de la transition des années 1990 et bénéficiaire de la faiblesse russe de ces temps-là; motif d'ailleurs réactivé dans le contexte de la crise actuelle dont Poutine et Medvedev ne cessent de donner la faute aux États-Unis. Qui sait d'ailleurs quels seront les successeurs d'un Poutine et 1\IIedvedev encore relativement conciliants? Si l'image de la Russie était loin d'être positif auparavant24, cette guerre - à laquelle s'ajoutent maintenant les retombées médiatiques du différend gazier russo-ukrainien de janvier 2009 - marque un point de non-retour aux yeux d'une opinion publique occidentale considérablement endurcie. Aujourd'hui la volonté des Européens de faire crédit aux dires russes est quasi nulle. La belle victoire de propagande du pouvoir géorgien a joué un rôle essentiel dans la formation de cette opinion publique. Ayant réussi à monopoliser les hauteurs médiatiques pendant les quelques jours critiques où les caméras 23 Ainsi par exemple Je diplomate allemand Hans-Georg Wieck, dans une communication intitulée 'Die Europaische Union und das Neue Russland', oct. 2008, 2. 24 Anna Smolchenko, 'When suceess and image don't mesh', The l\1.oscowTime,-, 3932, 27 juin 2008.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit rosso-géorgien
du monde entier étaient braqués sur le conflit, l'opinion publique occidental a appris presque exclusivement la version géorgienne, apprentissage que même des rectifications ultérieures ne peuvent plus défaire. Le coup de génie des Georgiens était de reconditionner leur défaite militaire en combat de David contre Goliath. Dans les yeux d'une grande majorité de l'opinion mondiale la Russie se retrouve désormais dans le rôle de l'agresseur, tout comme son prédécesseur soviétique auquel les médias de masse ne cessent de faire référence. En même temps les élites politique et économique occidentales se sont montrées plutôt conciliantes. Ayant d'abord sur-réagi, la masse critique de gouvernements européens réalisait au moment même que les blindés russes ne s'engageaient pas sur "la route de Tbilissi" que l'ambition rosse n'était pas à un changement de régime "à la sauce iraquienne" et, en conséquence, que ce conflit ne valait pas la mise en péril des relations EU-Russie. Malgré broits et gestes symboliques des "nouveaux européens", épaulés par Britanniques et Suédois, la question de sanctions qui circulait pendant quelques jours au mois d'aout se heurtait à un consensus qui faisait front commun contre les russosceptiques. Les adhérents de ce consensus estimaient que d'éventuelles sanctions frapperaient rUE aussi fortement - sinon plus - que la Russie25 Les sommets de Bruxelles (1 septembre) et de Nice (14 novembre), mais aussi les propos de Nicolas Sarkozy sur la mise en place d'un espace économique commun EU-Russie à la tribune de l'ONU (23 septembre) n'auraient pas pu avoir message plus clair. Pour clore il convient de se rappeler que deux analyses doivent être menées indépendamment: une sur les motivations russes; une autre sur la question de la poursuite des intérêts politiques ou purement commerciaux à travers le levier énergétique. On ne comprendra pas la Russie actuelle en mélangeant ces deux questions. Dans un premier temps il convient de relativiser l'idée très courante de prise d'influence politique à travers le levier énergétique. A quels buts pourraient servir ces prises d'influence politique? Contrairement à l'Union soviétique la Russie n'exporte aucun programme idéologique ou modèle de société, au moins pas en direction Est-Ouest! Loin de cultiver des visées néoimpérialistes, la Russie d'aujourd'hui est motivée avant tout par des 25 Voir les propos du ministre des affaires étrangères finlandais, Alexander Stubb, à l'issu du sommet de l'UE, cité par James G. Neuger, 'EU, dependent on Russian Energy, balks at Georgia war sanctions', Bloomberg. www.bloomberg.com/apps / news?pid= 20601 085&sid= aO EcOFqqXxHg&refer= europe. 2. sept. 2008.
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opportunités commerciales. Dimitri Trenine, chercheur au centre Carnegie de J'vloscou s'est prononcé sur cette question, en attestant que "le business de la Russie était le business".26 La primauté du business sur la politique est le fu rouge des différends gaziers russo-ukrainiens, de la coopération russe avec d'autres grands producteurs de gaz tel l'Iran et le Qatar ainsi que des efforts russes contrant les projets de diversification énergétique de rUE en Asie Centrale. Le but: établir une position de quasi monopoliste envers l'Europe, ce qui permet la maitrise des prix énergétiques ainsi que la maximisation du potentiel commercial. Immobilisme
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iranien...
Si les opinions restent fortement divisées sur la question du principal bénéficiaire de la crise (et y répondent chacune de sa manière), un acteur du jeu diplomatique caucasien n'y figure pratiquement pas: l'Iran. On cherche en vain un dynamisme comparable à celui caractérisant des changements aussi dramatiques tel le début d'un rapprochement historique entre Turcs et Arméniens. Ceci a de quoi étonner: au moment où l'Europe cherche à se dégager de la dépendance énergétique russe et devrait être plus disponible à des avances, la porte est ouverte à l'initiative diplomatique iranienne. Or, cette option n'a aucun moyen de se développer, vu un contexte figé par l'impasse du dossier nucléaire iranien. Même constat d'immobilisme pour la politique américaine de l'Iran. Ainsi la réaction des responsables iraniens à l'avance diplomatique du président Obama du 27 janvier 200927 démontre que celle-ci les déstabilisait. Le président Ahmadinejad a répondu dans des termes très généraux, se cachant derrière une position qui exigeait des États-Unis d'abord des excuses pour ses 'Jàutesdu passl.28 Malgré sa main tendue, Washington se gardera d'accroître les chances de réélection d'Ahmadinejad, en lui livrant un succès diplomatique de dernière minute. 29 Et la suite des événements - avec une scission des conservateurs au parlement iranien au mois de mars - semble confirmer 26 Dmitri
Trerun, 'Le busine~s russe entre l'Europe et l'Amérique', Politiqueétrangère(hor~-
série), août 2007, 39-50. 27 Leonard Doyle, 'Obama reaches out to Iran with message to Muslims', The Independent, 28janv.2009 28 Ali Akbar Dareini, 'Iran leader demands US apology for Bush', The Independent, 28 janv. 2009. 29 Karim Sadjadpour, 'Iran: is productive engagement possible?', Carnegie Endowment rif International PeacepoliC)' brief no. 65. http://www.carneg:ieendowment.org/files/us iran policy.pdf, oct. 2008, 7.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit rosso-géorgien
le bien-fondé de l'approche américaine.30 Ce contexte fait apparaitre 4-\hmadinejad comme un handicap, un président immobilisé par l'échéance électorale du mois de juin 2009. Incapable de profiter des opportunités d'ouverture avec les Occidentaux, certains milieux proches d'Ahmadinejad voulez bien voir des opportunités dans le bouleversement de l'échiquier caucasien par la Russie et étaient tentés par la chimère d'un rapprochement.31 Or l'idée selon laquelle l'action rosse pourrait se solder par un avantage iranien est naïve. Le rôle historique de la Russie (ou de l'URSS) en Iran est loin d'être louable du point de vue iranien et les relations actuelles entre les deux pays sont un 'mariage de convenance' dans le meilleur des cas. Une quelconque 'alliance rosso-iranienne' - d'ailleurs minoritaire dans la classe politique iranienne - peut être rangée dans la même catégorie des espoirs déçus que les aspirations iraniennes de voir le pays passer du statut actuel d'observateur au statut de membre de l'Organisation de coopération de Shanghai. Ce genre de faux calcul, basé sur l'idée d'une Russie potentiellement intéressée par un rapprochement et empêchée par la politique d'isolement de la communauté internationale, réduit encore plus la marge de manœuvre iranienne. Que la Russie ne mérite pas des espoirs iraniens doit être suffisamment clair après la participation rosse au vote du 27 septembre 2008 d'une nouvelle résolution du conseil de sécurité de l'ONU, avertissant l'Iran de suspendre ses activités d'enrichissement nucléaire, ainsi que par les marchandages rosses autour de la livraison du système de missiles anti-aérien S-300 à l'Iran (février 2009).32 En toute vraisemblance la Russie s'emploie à un double jeu classique: d'une part elle est intéressée de maintenir le statu quo d'instabilité au Moyen Orient; car dans une région stratégique déjà fortement inf1ltrée par les Occidentaux un Iran ami de l'Occident est aussi peu désirable qu'un Iran allié de la Russie, démarche qui aurait pour conséquence d'effrayer un Occident sur lequel la Russie dépend pour ses 30 Farideh Farhi, 'Ahmadinejad splits Iran's conservatives', Jane's countT)' risk news, hur:! /www.janes.com/news/security/countryrisk/jiaa/)iaa090227 1 n.shtml, 27 fev. 2009. 31 Mark Katz, 'Implications of the Georgian crisis for Israel, Iran and the West', Middle East review of international affairs, 12 (4), déCo 2008, 5-7 ; l'idée d'une alliance Russie-Iran n'est pas totalement absent du discours publique russe, voir Radzhab Safarov, 'lranskij zalivom', Vre~ya Novostry, kozyr' - Rossija mozhet poluchit' kontrol' nad Persidskim hur:! /www.vremya.ru/2008/157/5/211444.html. .\2 Lauren Gelfand, Vladimir Petrov, 'Iran lobbies defence unit', Jane'J' Defence News. httr:/ /www.ianes.com/news/defence/air/jdw/jdw090218
28 aout 2008. Moscow for missiles 1 n.shtml,
to arm new air 18 fév. 2009.
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relations économiques. En même temps les opportunités commerciales sont trop bonnes pour effrayer durablement le partenaire iranien ou de soutenir des sanctions plus dures à l'ONU. L'Iran sert de monnaie d'échange à la Russie, parmi son portfolio de leviers internationaux, à activer quand et comme bon lui semble. Ceci fait apparaitre l'offre du président Obama (faite au président rosse dans une lettre sécrète au mois de février) suggérant que les États-Unis pourraient être amenés à abandonner le projet de bouclier missile, en échange d'un soutien ferme russe sur le dossier nucléaire iranien 33 - dans une différente lumière. Finalement, le seul levier objectif œuvrant en faveur d'un soutien russe plus important est le fait que la Russie n'est pas partisane d'un Iran accédant au nucléaire militaire. Ces observations imposent d'innombrables interrogations: quelle négociation est possible avec un régime qui se montre immobile au point de rater des opportunités diplomatiques de tout premier ordre? Quel est la marge de manœuvre réelle du parti iranien aux négociations si l'idéologie d'un Iran nucléaire peut surcouper l'intérêt national à un tel point? Quels intérêts cachés œuvrent dans le sens de l'obstination? Et ftnalement, combien un régime déniant les opportunités qui se présentent, est-il crédible et - surtout - durable?
.. .Et dynamisme
des relations diplomatiques
régionales
L'immobilisme iranien contraste avec le tourbillon d'activité diplomatique qui s'est déployé partout ailleurs dans la région. Bien que ses chances de rejoindre l'alliance atlantique se soient considérablement réduites, l'administration Bush sortante a pris la Géorgie sous son aile en renforçant le rapport US-Géorgie par la signature d'une charte de partenariat stratégique, accompagné d'un vote de fonds importants.34 Le sort du président Saakashvili, dont certains prévoyaient déjà la mort politique, s'est résolu dans le même sens: si l'opposition géorgienne a monté le ton en automne 2009 et de nouveau au printemps 2009 et si le président a du faire face à des questions
33Peter
Baker,
'Obama
offered
deal to Russia
in secret
letter',
http://www.nytimes.com/2009/03/03/washington/03prexy.html? arch%202009+0bama+ Russia+ Iran&st=cse, 2 mars 2009. 34Vladimir Socor, 'U.S. and Georgia sign Strategic Partnership Monitor)',Jamestown Foundation,. http://www.jamestown.org/ programsl edm 1single/?tx &tx ttnews%5BbackPid%5D=27&cIlash=cd8fba3ced,
New
York
Times,
r= 1&scp=4&sq= Charter'
ttnews%5Btt 12 jan. 2009.
(Eurasia
news%5D=
M Daily
34339
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit russo-géorgien
gênantes depuis l'étranger, il maitrise néanmoins l'opinion publique intérieure, grâce à une politique de communication habile. Ainsi malgré son "irresponsabilité" constatée par l'IISS (voir en haut), la Géorgie n'a nullement été sanctionné. 35 Dans les pays voisins de la Géorgie les retombées de la guerre de Cinq Jours ont été encore plus importantes. Avec deux des trois conflits latents caucasiens effectivement "dégelés", l'attention s'est concentrée sur le dernier, celui du Haut-Karabagh. Témoignant de son nouveau statut d'arbitre régional, la Russie a pris le devant de la scène, multipliant les manœuvres diplomatique dès le mois de septembre et conviant présidents azerbaidjanais et arménien dans la capitale russe pour la signature d'une déclaration commune, au début novembre. S'il fait bonne mine au nouveau jeu russe, le "groupe de Minsk" de l'OSCE chargé de la recherche d'une solution au conflit, semble avoir été supplanté par l'initiative russe. Combien l'initiative russe est sincère et combien la Russie est digne de l'image d'arbitre neutre se montrera par la suite. Néanmoins la question mérite d'être posée si la Russie peut être intéressé par une solution du conflit ou si son jeu est avant tout motivé par le souci d'asseoir ses positions. L'exemple géorgien ne démontre-t-il pas aux Russes qu'une certaine stabilité pousse les états de la région dans les bras de l'Occident? Trop de stabilité dans le Caucase, ne serait-elle donc pas au détriment des intérêts russes? Des dépêches sur de livraisons d'armes russes à l'Arménie au mois de janvier 2009, en pleine période de dégel de ses relations avec l'Azerbaidjan, n'ont pas pu rassurer quant aux intentions russes.36 L'Arménie apparaissait au début de la crise comme l'un des perdants de la crise. Le pays est le principal allié russe dans la région. Il maintient en même temps des relations de bon voisinage avec la Géorgie. Le conflit soumettra Erevan à une rude épreuve en raison de la coupure 35 Le soutien ferme et inébranlable des États-Unis est mis en perspective par les mots de ce diplomate occidental en poste à Bakou, et cité dans le Daily Telegraph du 2 septembre. Selon ce dernier un réalignement de l'Azerbaïdjan sur Moscou équivaudrait à la perte de quinze ans d'efforts diplomatiques américains dans la région. Ses considérations valent égaJement pour Ja Géorgie, voir Damien McElroy, 'Dick Cheney to take fight against Russia's oil dominance to Azerbaijan', The Daily Telegraph, httr: / / www.telegraph.co.uk/news/worldncws/northamerica/usa/ 2669248 /DickCheney- to-take- fight -against -Russias-oil-dominancc-toAzerbaijan.html, 2 sept. 2008. 36 rariz Ismailzade, 'Russian arms to Armenia could change Azerbaijan's foreign policy orientation', Centra/Asia CaucaJus Institute Analyst. http://www.cacianalyst.org/?q=node/S021, 28 janv. 2009.
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P. Sanders
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des liens terrestres avec la Russie ainsi que de ses voies maritimes, le pays dépendant de l'accès aux ports géorgiens pour son désenclavement. Néanmoins la crise a aussi eu des retombées positives: l'exemple russe ne pouvait-il inspirer l'Arménie d'imiter l'action de son allié militaire et de reconnaitre l'indépendance du Haut-Karabagh ? Cette nouvelle pression lui donna un avantage psychologique ponctuel, créant ainsi du mouvement dans le camp de ses opposants. Face à une Russie sûre d'elle-même, la Turquie avait besoin d'élargir son éventail d'options, avec comme principal moyen la recherche d'un rapprochement avec l'Arménie. La visite historique du président turque dans la capitale arménienne, le 6 septembre 2008, témoigne de cette nouvelle urgence. Toujours dans la même perspective, les relations entre dirigeants arméniens et américains se sont également améliorées depuis aout 2008. Ainsi le vice président des États-Unis, Dick Cheney, avait reçu le premier ministre arménien à la Maison Blanche au mois d'octobre - une première dans les relations entre les deux pays. Officiellement le but de la rencontre était de discuter la sémantique de la résolution du conflit territorial arméno-azerbaidjanais, après le ferme repositionnement des États-Unis en faveur du principe de la seule intégrité territoriale suite au conflit russo-géorgien. Néanmoins les circonstances laissent penser que
d'autres aspects
-
telle la situation géorgienne et la question énergétique -
auraient pu être abordésY L'avenir du corridor géorgien est fragilisé par la nouvelle situation, ce qui est dans l'intérêt ni de l'Azerbaïdjan, ni de la Turquie, ni de l'UE, ni des États-Unis. En fait, si la diplomatie occidentale réussissait de résoudre le conflit du Haut-Karabagh, d'écarter l'influence russe et de faire sortir le pays de son marasme économique, l'Arménie pourrait servir comme alternative à la Géorgie pour l'évacuation des ressources caspiennes.38 Aout 2008 a fragilisé la position de l'Azerbaïdjan, autre relai régional important de Washington (hormis la Géorgie) de deux manières: d'un coté monnayer l'option militaire pour une récupération du HautKarabagh est désormais écarté du dispositif géopolitique azéri. En effet,
37 Selon
le directeur
de l'Institut
turque
de relations
internationales
et d'analyse
stratégique (TÜRKSAM), Dick Cheney aurait mis sur la table la question de possible de l'Arménie dans le futur tracé de Nabucco, lors de sa visite dans début septembre, voir Sinan Ogan, 'Gül's visit to Yerevan, Baku harbingers of TÜRKS AM, http://www.turksam.com/en/a220.html. 12 sept. 2008. 38Voir aussi l'article de Julien Zarifian, 'La politique étrangère américaine en naviguer
à vue dans les eaux russes et s'affirmer
ret'Hedegéographie et degéopolitique, 129, 109.22.
dans une région
stratégique',
l'inclusion la région, new era?', Arménie: Hérodote.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit rosso-géorgien
les 1\zéris sont sous pression
internationale
de ne pas suivre la voie
géorgienne - la restitution de l'ordre constitutionnel par la force - dans la résolution de ce conflit gelé, en raison du danger d'embrasement de la région. D'autre coté 1'1\zerbaïdjan est isolée par l'absence de réaction forte de l'Occident, les manœuvres de son allié turc vis-à-vis l'Arménie et la Russie ainsi que la nécessité de chercher un terrain d'entente avec la Russie, nouvel arbitre du jeu. Relié aux marchés occidentaux par la seule connexion géorgienne - à l'opposé du Kazakhstan qui a œuvré pour un
réseau oriental connectant aux pipelines chinois - l'Azerbaïdjan paie pour la non-diversification de ses voies d'exportation. En cas de bouchage du trou d'aiguille géorgien - comme survenu en aout 2008 - les exportations azéries doivent passer soit par l'Iran soit par la Russie. Ainsi ayant perdu plusieurs leviers importants les négociations animées par Moscou sur le futur statut du Haut-Karabagh n'évolueront plus sur les mêmes bases d'avant aout 2008, quand Bakou était encore en position de force. La mise en échec de la Géorgie ainsi que le rapprochement Moscou-Bakou a joué un mauvais tour à la stratégie d'une Turquie soucieuse de s'imposer comme principale puissance régionale et plaque tournante du commerce de l'énergie caspienne. Sa recherche d'une politique d'équilibre - déjà difficile avant la crise - est devenue un exercice de haute voltige, démontrant le nouveau dilemme de la position turque.39 De surcroit très dépendante de la Russie sur le plan énergétique et commercial, la Turquie a pris la fuite en avant, dès la sortie de crise. D'abord en proposant un espace de coopération régionale dénommé "Pacte caucasien" (Caucasus Paci) lequel rallierait aussi Russie et Iran, mais exclurait des pouvoirs extérieurs. Ensuite en répondant positivement à l'ouverture arménienne. Pourtant l'issue de cette affaire n'est pas encore certaine, même si les deux pays ont redoublé leurs efforts par la signature d'un accord de normalisation des relations au mois d'avril 2009.40
39 Igor Torbakov, 'The Georgia crisis and Russia-Turkey relations', Jamestown Foundation. www.jamestown.org/uploads/media/GeorgjaCrisisTorbakov.pdf, 26 novo 2008. 40 'Joint statement of the Swiss Federal Department of Foreign Affairs and of the ministries of Foreign Affairs of the Republic of Armenia and of the Republic ofTurkey', Confédération suÙse: Département fédéral des affaires étrangères. http://www.eda.admin.ch/eda/fr/homelrecent/media/single.html?id=26540. 22 avril 2009.
109
P. Sanders
Conclusion Pour résumer: craintes occidentales et espoirs iraniens vis-à-vis la Russie dans le contexte de l'après-guerre de Cinq Jours restent sans grande fondation. Alors qu'un 'retour de l'Empire' est improbable, la Russie continue son double jeu iranien: d'une part continuation des échanges commerciaux et protection de l'Iran contre des sanctions plus
fortes
110
-
sur fond de banalisation du programme nucléaire iranien dont
l'orientation militaire est pourtant prouvée41; d'autre part participation aux négociations pour une solution internationale de la crise nucléaire iranienne. Si cette attitude cavalière a du mal à convaincre du sérieux de la position russe, il ne faut pas perdre de vue le rôle positif que la Russie a joué dans les négociations avec la Corée du Nord. Elle pourrait jouer un rôle similaire dans le dénouement du dossier iranien, en exécutant les activités d'enrichissement pour le compte de l'Iran et rendant possible l'accès de l'Iran à la centrale d'Angarsk.42 Cette solution de la crise équivaudrait à un contrôle russe du programme nucléaire iranien. Du point de vue russe elle aurait l'avantage supplémentaire d'écarter le danger d'un rapprochement entre l'Iran et l'Occident. Toutefois, pour en arriver là il faudrait d'abord surmonter un autre
problème, celui de la confiance entre l'Iran et la Russie - laquelle est loin d'être acquise.43 L'Iran, pour sa part, a été incapable de tirer bénéfice de la triple opportunité historique qui était la redistribution des cartes géopolitiques dans son voisinage, l'intérêt européen renouvelé de sortir de son dilemme énergétique ainsi que l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration américaine plus ouverte au dialogue. La faute en revient au retranchement rigide iranien sur le dossier nucléaire, lequel neutralise toute souplesse en matière de diplomatie. La politique étrangère iranienne fait ainsi preuve d'incapacité. Face à autant d'immobilisme coté iranien et autant d'intérêts opaques du coté russe le seul paramètre véritablement dynamique est le changement d'administration à 41 Mark Fitzpatrick, 'The Iranian nuclear crisis: avoiding worst-case outcomes', IISS Adelphi Paper 398, executive summary, http://www.iiss.org/publications/adelphipapers / adelphi-papers-2008/ the-iranian-nuclear -crisis/, nov. 2008. 42 Rose GottemoelIer, 'US-Russia Cooperation on Iran: aftermath of the summer war in Georgia', Camegie Endowment for Intemational Peace, Pro et Contra, July-August 2008, http:// www.camelSeendowment.org/publications/index.cfm?fa=view&id = 22449&prog =zru, 43 RIChard Dalton (éd), 'Iran: Breaking the Nuclear Deadlock', Chatham House, hup:! /www.chathamhouse.org.uk/publications/papers/view/
-lid/ 687 /, Déc. 2008, 31.
Les relations Russie, Occident et Iran après le conflit rosso-géorgien
\Vashington. Les prochains mois nous renseigneront ce nouvel élan pourra aller sans s'essouffler.
jusqu'à quel point
111
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad : Entre
contrôle et clientélisme, parmi public
et privé
Anahita Grisoni Urbaniste et doctorante en sociologie de l'espace public à l'EHESSl
Résumé Photographie Téhéran m janvier
anthropologique
2007,
catégories de population
du ritllel chiite d'Ashura
tel qu'il s'est déroulé à
cet al1ic/e propose une étude des inte1pénétrations
sur l'espace public,
mtre différmtes
dans le contexte d'une limitation paradoxale
.(estilntés intposée par le gouvernement. Mots clés: Iran, corps, espace public, chiisme, Rfpublique
des
islamique
Summary This al1icle is an anthropological photography of the Shiite Ashuras' ritual (Tehran, January 2007). It sugp,ests an analysis of the interpenetrations between different populations' group in the public space, in the circumstance of a paradoxital limitations of this events imposed by the government Key words: Iran, bo4J, public space, S hiisme, Islamic Republic.
I Elle a précédemment effectué un mémoire sur l'évolution travers la protection de l'environnement par les femmes.
de l'espace
téhéranais
à
A Grisoni
et article trouve sa source dans un travail d'enquête mené à Téhéran en janvier 20072, dans le cadre des festivités liées à la célébration du mois de Moharram, et plus particulièrement aux rituels d'Ashura et du Tazieh. Le premier consiste à revivre collectivement le martyre de l'imam Hussein, mort à Karbala, lors de la guerre qu'il menait contre le calife de Bagdad, Yazid. Le jour d'Ashura est consacré aux processions des fidèles chantant et pleurant le trépas de l'un des personnages clé de l'Islam chiite duodécimain3, la décimation de son armée, composée de soixante douze fidèles, et l'assassinat de la sœur de l'Imam, Zeinab, et de ses ftls, Ali Akbar et Ali Asgar. Le rituel du Tazieh est en une mise en scène théâtralisée dans laquelle les acteurs revêtent le rôle des principaux protagonistes du mythe, rejouant la guerre contre Yazid. La célébration du mois de Moharram, et le pèlerinage à Karbala constituent l'une des spécificités revendiquées par l'Islam chiite, et se déroule dans tous les pays musulmans, qu'ils soient majoritairement ou minoritairement chiites. Cet évènement occupe une place toute particulière dans l'histoire de la République islamique. Dans les années 60 et 70, cette manifestation religieuse a joué un rôle d'instrument de la contestation politique s'opposant au règne du Shah4. De la même façon, les premières années de la Révolution et de la guerre Iran/Irak lui ont donné une dimension symbolique d'envergure alimentant la légitimité pour le nouvel Etat, et son combat contre les armées de Saddam Hussein, participant aussi à la mise en place d'une cohésion sociale autour de la figure de l'Imam martyr. Aujourd'hui, les relations entre la célébration d'Ashura et le pouvoir politique sont marquées par une bipolarité: d'un côté, les principaux acteurs, réunis dans le cadre de ces festivités sont traditionnellement issus des milieux proche du bazar, et bénéficient d'un soutien de l'Etat diffusé dans la société sous forme de réseaux clientélistes; de l'autre, le gouvernement tend à limiter la visibilité des manifestations sur l'espace public, par l'application d'une législation de plus en plus restrictive. Ce ré-encadrement souligne un paradoxe: en effet, dans le cadre d'un Etat revendiquant des assises d'ordre religieux, la pratique de rituels représentant le mythe fondateur de l'Islam chiite, devrait à priori constituer l'un des piliers de sa politique. Toutefois, l'Etat
C
114
2 Ce travail a été présenté lors de la journée d'étude du séminaire Privé et public l'islam contemporain, le 3 juin 2007 à l'EHESS 3 Corbin, Ilenri, En Islam iranien, Gallimard, Paris, 1991 (première édition 1971) 4 Richard, Yann. 1'!J-tamChi'ite, Croyances et Idéologies, Fayard, 1991
dans
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura
semble tâcher de contrôler ces festivités de bien près. Aussi, l'évolution d'"\shura est à l'origine d'une modification des catégories public/privé sur l'espace public téhéranais. La célébration du martyre de Karbala nous invite donc à répondre à la problématique suivante: dans le contexte du gouvernement de Mahmoud Ahmadino/ad, dans quelle mesure la manifestation de la procession d'Ashura révèle elle des modijicatio1Jsdes catégoriesprivé/public? En première partie, nous analyserons les évolutions des catégories publici privé dans un quartier de classes moyennes, dans le contexte d'Ashura dans un second temps, nous expliquerons les raisons de l'intervention de l'Etat dans cette manifestation. Pour ce, vous optons pour une enquête basée sur l'observation participante, dans la lignée de l'anthropologie visuelleS, mais aussi dans celle de l'anthropologie des sens6, et+, en donnant toute leur importance aux dimensions visuelles et sonores de l'évènement. Les catégories public/privé des festivités d'Ashura
dans la mise en scène
La mise en scène de l'évènement chorégraphique du rikue: d'Ashura contribue à créer une atmosphère accentuant la prépondérance du corps et des rapports entre les genres, comme le soulignent les détails Sillvants : - l'image d'Hussein, interdite par les autorités a fait l'objet de longs débats sur la sphère publique téhéranaise ; le cliché servant à la représentation de l'imam aurait été réalisé à partir de la photographie d'un jeune prostitué tunisien, prise au début du siècle; le montage a été fait à partir de la photographie, peinte de manière à être virilisée; mais Hussein garde néanmoins les yeux maquillés. Son interdiction est officiellement due à la lutte contre l'iconographie religieuse, prohibée en Islam, mais peut également être expliquée par l'ambiguïté du personnage qui en est à l'origine. - la chair sacrifiée: le sacrifice d'animaux (moutons et bœufs) dont on tranche la gorge sur le lieu des processions, et qui sont ensuite consommés dans le cadre des repas nazri (repas votif), a été également interdit par la municipalité. Ces sacrifices publics sont à l'origine
5 Warmer,
Jean Pierre,
Construire fa ctllttlre matérielle: l'homme qtli pensait avec ses doigts, PUF,
Paris, 1999 6 Le Breton, David, La sat'etly dtl monde, tine anthropologie des sens, Métailié, 2004
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A. Grisoni
116
d'écoulements de sang, qui renforcent l'impression de violence et la prédominance de la chair exacerbée lors d'Ashura sous toutes ses formes. - la nourriture consommée: l'ensemble des rituels de célébration de Moharram sont clôturés par la consommation en groupe de repas na:vi. Cela constitue l'une des principales différences avec le culte du martyre dans le contexte de la guerre Iran/Irak décrit par Farhad Khosrokhavar7, dans lequel les jeunes garçons infligeaient l'ascèse à leurs corps; dans le cas d'Ashura, cette consommation survenant après la ritualisation du deuil peut être interprétée d'une part comme la consommation symbolique d'un acte sexuel implicite, et d'autre part comme la renaissance d'une cohésion sociale établie autour de l'instinct de vie. - l'environnement sonore: bien qu'en dehors de la musique traditionnelle, toute forme de musique soit officielle ment interdite, les rythmes saccadés des percussions d'Ashura, mais aussi les enregistrements des chants et des orchestres sur fond sonore techno, font l'objet d'une grande tolérance; hurlés par les hauts parleurs dans toute la ville de Téhéran, ils renforcent le caractère lascif de la chorégraphie du rite. Ces festivités, rappelant le carnaval de Georges Balandier8, sont organisées par des confréries, fondées sur des solidarités familiales ou de quartier, qui recoupent le plus souvent les corporations professionnelles. Les plus représentées sont les commerçants (allant du petit commerce aux grands bazari, suivant les quartiers). Or, dans le cadre d'une économie de structure clientéliste9, ces associations sont affiliées à la trame des réseaux politico-religieux locaux, qui sont à l'origine de toutes sortes de rétributions: la manifestation d'un sentiment religieux dans le cadre de la participation, voire, de l'organisation d'une confrérie, la rémunération d'un pish namaz (conducteur de la prière), font partie des distinctions indispensables à l'acquisition d'une légitimité, ayant pour conséquences l'accès à un certain nombre des prérogatives, et viennent se greffer sur le sens religieux que les acteurs donnent à leur action. Cet
7 Khosrokhavar,
Farhad, /'Islamisme et la mort, le marfJ're révolutionnaire en Iran, Comprendre le Moyen Orient, l'Harmattan, 1995 8 BaJandier, Georges, Le déJordre, élogedu mouvement, Fayard, Paris, 1988 9 Coville, Thierry, L'économie de l'Iran Islami'Jue: entre ordre et désordres, Points sur l'Asie. L'Harmattan.
2002.
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura
aspect est d'autant plus évident dans les quartiers relativement aisés10 que j'ai pu observer où, lors d'Ashura, une nouvelle population, jusqu'alors peu visible, mais pourtant constitutive de la trame du quartier, se rend visible sur l'espace public. Paradoxalement, on observe, dans la foule, des tenues vestimentaires extrêmement osées du côté des filles, mais aussi des garçons. Dans un pays où le vêtement et la mise renseignent très précisément sur la provenance géographique et socio-économique d'un acteur social, sur ses opinions politiques et sur ses croyances religieuses, les lieux de processions sont le théâtre d'une liberté vestimentaire difficilement concevable en temps normal. La revendication, en temps de carnaval, se fait donc par le corps, champ de bataille privé que l'on surexpose en public. Tous ces aspects, relatifs à la culturejeune 11des classes moyennes téhéranaises dans le contexte d'1\shura, contribuent à donner un tout autre sens aux processions: l'évènement prend une dimension exclusivement festive, en dehors d'un contexte religieux auquel les jeunes participants n'attachent pas d'importance. Le fond sonore techno, les battements du tambour, l'exaltation d'une nuit qui normalement leur est interdite, la promiscuité des corps, les tenues colorées et osées, l'absence, aussi, de contrôles de police, sont autant d'éléments carnavalesques, qui semblent singer les défilés urbains occidentaux et post modernes, tels que les Gay Pride ou Techno parades des capitales européennes. La superposition de ces deux manifestations, d'un côté la procession, menée par les confréries, de l'autre la performance groupée des jeunes, crée un contraste visuel et symbolique entre les deux populations. Alors que les premiers renforcent leur fonction sociale traditionnelle, les seconds façonnent une image, et des rapports entre les genres à la limite des comportements tolérés en temps normal. Ces deux types de performativité cohabitent dans une relative tolérance. Le style des jeunes gens, surtout, est emblématique de ce fait: loin de tenter de ressembler aux membres défilant des confréries, qui font montre d'une virilité survalorisée, la mise des jeunes garçons tend à se féminiser: ainsi, les sourcils sont soigneusement épilés, et les barbes précisément taillées; l'habillement, coloré, est travaillé, s'écartant du principe de sobriété. Les 10 L'étude a essentiellement porté sur le quartier de Gisha, à l'ouest de la capitale. Les quartiers de Naziabad, au sud, et de T ajrish, au nord, ont également été observés. JI SH! RAL!, Mahnaz, la jeunesse iranienne, une génération en crise, étude de cas, les jeunes du quartier GÙha à Téhéran, thèse soutenue à l'EHESS, Septembre 2000
117
A. Grisoni
118
coiffures sont sculptées, les cheveux sont longs. Ces deux types de populations, qui forment le noyau dur de la foule agissent donc ensemble selon une logique de miroir. Chacun des aspects relatifs au corps et aux relations entre les unes et les autres relatent l'existence d'un couple de contraires, qui se manifeste sur l'espace public par un contraste visuel étonnant. Loin d'être seulement un moment de conflit social, opposant les pratiquants (momen) et les autres, le rituel d'Ashura constitue un évènement créateur de rencontre et d'interpénétration entre des populations que généralement ne se côtoient pas. Bien sûr, les frontières des deux groupes que nous avons mis en évidence restent rigides. Pourtant, on observe une volonté, du moins de la part des organisateurs, d'attirer les jeunes, notamment en développant des supports musicaux au goût du jour. Le travail de terrain m'a permis de constater que cet objectif de réintégration était plus ou moins bien atteint en fonction des quartiers: ainsi, à Nazi Abad, où la quasi-totalité d'une population fortement religieuse participe aux rites, et où le quartier s'est constitué autour d'une trame de réseaux néo-communautaire comme partout ailleurs dans le sud de Téhéran, le partage du repas vient parfaire la dimension de réjouissance collective: l'évènement est vécu dans toute sa dimension festive, comme l'un des moments cruciaux venant organiser la division annuelle du temps. Ashura : espace
de réalisation
du processus
d'individuation
S'il est vrai que les processions liées à la célébration de Moharram sont l'occasion pour les confréries et autres groupes bâtis sur des fondement socio-économique et religieux de se rendre visibles sur l'espace public, revendiquant ainsi une légitimité à laquelle ils imposent en partie leurs normes, il n'en demeure pas moins qu'elles représentent également, pour les jeunes téhéranais des quartiers de classes moyennes, la possibilité de créer des espaces semi-publics, qui sont réservés à ceux qu'ils considèrent comme leurs pairs. En effet, comme le souligne Mahnaz Shira1il2, seuls les jeunes de ces catégories urbaines moyennes sont concernés. Ceux des bas quartiers ne bénéficient pas encore, pour la plupart, de la possibilité de s'affranchir
12
SHlRAL!,
quartier
Mahnaz,
GÙha à Téhéran.
la jeunesse iranienne, une génération en crise, étude de cas, les jeunes du thèse
soutenue
à l'EHESS,
Septembre
2000
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura
des cercles familiaux et de voisinage, et ceux du nord de la ville peuvent le faire en dehors de ces prétextes. La création d'un espace semi-public, où se développent des relations d'ordre privé, serait significative du processus d'individuation que connaissent les classes moyennes urbaines. A.zadeh Kianl3 explique cette dynamique par l'articulation des facteurs suivants: l'urbanisation croissante de la société iranienne, l'expansion de la classe moyenne, la sécularisation du sacré, la consommation, et l'accession des classes moyennes à l'éducation. La ville tendrait à faire disparaître les identités ethniques et communautaires. S'il est vrai que, sur l'espace téhéranais, en raison de facteurs liés à la fois au mode de vie urbain (exiguïté des appartements, prix du loyers), et au changement des mœurs (économie basée sur le couple, volonté d'indépendance), la famille élargie perd son impact, au profit de la famille nucléaire, il n'en demeure pas moins que, dans les classes moyennes, cette structure de parenté reste relativement coercitive, aussi bien dans les activités qu'elle impose, que dans le droit de regard qu'elle s'accorde sur les jeunes qui la compose, concernant les décisions importantes (choix de l'université, du conjoint, de la profession), comme les actions de la vie courante (sorties, camarades, dépenses quotidiennes). Parallèlement, le comportement social de cette classe d'âge souligne la volonté de se ménager un espace individuel, en dehors de l'autorité parentale, notamment à travers le choix de l'université, espace de cohabitation des filles et des garçons. Le contexte de la République islamique est à l'origine d'un renversement des catégories privé/public: le contrôle permanent de tous les aspects de la vie, s'inftltrant jusque dans les pensées et les postures les plus intimes des individus, contraint les jeunes à l'exploitation d'autres espaces transversaux, pour réaliser leurs activités. Dans le cas de la célébration d'Ashura, la manifestation de la double autorité parentale et policière semble difficile à réaliser, dans la mesure où les jeunes se rendent sur les lieux d'un évènement en théorie soutenu par la municipalité: l'excuse de la répression par les forces de l'ordre n'est pas envisageable pour les parents, puisque ces dernières ne peuvent intervenir face à une participation trop zélée de la population à la manifestation de leurs mythes fondateurs. Ashura peut donc être analysé comme l'un des lieux d'émergence d'une eu/turejeune14 fondée en premier lieu sur la nécessaire 13 Kian-Thiébaut, Azadeh, L'individu dans le monde, paradoxe de !'Iran islamique, CEMOTI, N°26,juillet Décembre 1998, Paris 14 SHIRALI, Mahnaz, la jeuneSJ"e iranienne, une génération en crise, étude de cas, les jeunes du quartier Gisha à Téhéran, thèse soutenue
à l'EJ JESS, Septembre
2000
119
A. Grisoni
120
incohérence affichée entre l'action apparente (participer aux processions), l'action non revendiquée, mais néanmoins visible par tous (s'afficher en tant que jeune, avec les jeunes, pour les jeunes, mais aussi pour les autres, contribuant ainsi à la création d'une culturejeune), et l'action cachée (entretenir des relations existantes entre les genres, ou se donner les moyens d'en établir de nouvelles). L'observation permet donc d'assister à la réalisation de deux types d'espaces, celui du groupe de pairs, d'ordre semi-public, puisque ouvert à tout individu du même âge s'y reconnaissant, porteur de codes vestimentaires et comportementaux, et celui de la relation d'ordre privé, intime, entre garçons et filles, ou entre individus du même sexe. Dans le premier cas, le rôle de l'amitié semble prépondérant: qu'il s'agisse d'un membre de la parenté élargie, ou d'une connaissance liée au réseau scolaire ou de voisinage, la possibilité de déambuler en dehors du cercle de l'autorité familiale avec des compagnons que l'on aurait choisi est constitutive du processus d'individuation. Au sein de ce binôme, ou plus largement du groupe, on retrouve majoritairement une homogénéité dans le type de tenues et d'attitudes sur l'espace public, permettant aux autres entités d'une part de les reconnaître en tant que pairs, et d'autre part d'évaluer leur position dans l'éternelle hiérarchie performative que nous avons abordé au premier chapitre; l'objectif semble être avant tout le contact, et éventuellement l'interpénétration avec les autres groupes, généralement de sexe différent, et c'est en cela qu'il s'agit d'un espace semi-public, ouvert aux pairs, que l'on reconnaît comme tels à travers leur mise et leurs postures corporelles. Encore une fois, on peut analyser les rapports entre les deux catégories de population dominant la cérémonie d'Ashura à partir de la notion de miroir: à l'instar des organisateurs, les jeunes présents à Ashura semblent mus par la volonté d'affIrmer leur visibilité en tant que jeunes, sur un espace qu'ils ont choisi, dans des conditions qui sont les leurs. Ashura comme nationales
instrument
des revendications
politiques
L'étude de l'espace public, interface entre différents groupes, implique de relever l'absence d'un acteur certes peu visible lors des processions d'Ashura, mais qui joue néanmoins un rôle clé dans l'organisation de ces manifestations: il s'agit du gouvernement. La législation relative à la réglementation des célébrations du mois de Moharram est l'objet d'une évolution qui va dans le sens d'une
La survie paradoxale
des festivités chiites d'Ashura
restriction du déploiement de celles-ci sur l'espace public, révélant ainsi un changement tangible de la position de l'Etat. Le premier fléau contre lequel semble vouloir lutter le gouvernement serait celui du paganisme: ainsi, l'objectif est avant tout de faire disparaître de la scène publique l'image de l'imam Hussein, personnage central d'un rite exclusivement chiite, faisant de l'ombre, dans le cas de sa commémoration en tant que martyr, à un dieu unique dont la fIguration est strictement interdite par l'islam. Dans le contexte de l'imâmisme duodécimain iranien!" le culte des imams pose éternellement le problème de la concurrence avec la fIgure centrale de cette religion monothéiste. L'interdiction du sacrifIce animal, de l'épandage du sang sur la voie publique, des flagellations rythmées et des coups sur la tête conduisant souvent à un état de transe chez les protagonistes, entrent également dans le cadre de cette volonté d'éliminer de l'espace public des attitudes contrastant avec la ligne droite et imposée d'un islam excessivement folklorisé, dans lequel le corps, idéalement marqué par la retenue et la pudeur, entre en scène sous ses aspects les plus charnels. Le second danger narguant l'austérité de cet islam d'Etat est celui de l'incontestable visibilité des manifestations parallèles à Ashura, qui viennent se greffer sur les processions encadrées par leurs organisation: la cohabitation de la musique et du chant, l'ambiance festive de la nuit, l'incontrôlable promiscuité qui les caractérisent, rendent, en l'absence d'une autolimitation engendrée par les participants eux même, l'espace diffIcile à gérer. C'est pour cela que les nouvelles lois viennent limiter dans l'espace et dans le temps cette atmosphère festive qu'elles ne peuvent entièrement abolir. La symbolique d'Ashura développe notamment la problématique de l'opposition des justes à un Etat que l'on considère comme étant illégitime, car corrompu. Cette caractéristique est accentuée par la narration codifIée de la bataille de Karbala, dans laquelle Hussein, s'aventure contre Yazid, dans un combat dont il connaît d'avance l'issue fatale, et qui pourtant assurera sa victoire intramondaine, puisque par la suite, le trépas du calife libérera les Justes, et extramondaine, car il lui permettra d'accéder au rang d'imam auquel il était destiné. L'imam est investi d'une mission par le peuple, et pour le peuple, qui lui en reste éternellement reconnaissant. L'héritage d'Hussein est assuré par la survie de son fIls, et s'insère dans la longue tradition qui se perpétue encore aujourd'hui, par l'intermédiaire du mythe de l'Imam caché. Cette
15 Corbin,
Henri,
En hlam iranien, Gallimard,
Paris, 1991 (première
édition 1971)
121
A. Grisoni
interpénétration donne à Ashura une place toute particulière dans la vie sociopolitique de l'Iran, en posant le problème des rapports du peuple avec l'Etat, mais aussi, dans un contexte globalisé, des relations de l'Etat à l'espace-monde, segmenté en différentes factions. Depuis ses prémices, on peut considérer que la célébration du mythe d'Ashura vient consacrer ce que Amir Nikpey!6 désigne comme l'iranité de l'Etat Nation iranien, soit, une identité transcendant les différences ethnico-linguistique, et venant unifier la vie politique d'un territoire et d'un peuple dans son ensemble par le biais de la religion chiite, hissée au rang de religion d'Etat au 16ème siècle. Le premier aspect de ces revendications nationalistes concerne la volonté affichée de se détacher d'une arabité que les Iraniens considèrent comme hégémonique : ainsi, certains auteurs veulent voir dans Ashura la résurgence du mythe préislamique de Syavash, décrite dans le Shahnameh, soit, l'ouvrage symbolisant la résistance de la Perse face à la langue arabe. De la même façon, c'est au 19ème siècle, lors du règne des Qajars, que le Tazieh prend de
122
l'importance sur l'espace public, dans le contexte du resserrement des frontières dû aux influences anglaises et russes. Aujourd'hui encore, dans le contexte de la fermeture des frontières avec l'Irak, qui fait suite à la guerre avec ce pays, le concept d'iranité donne à Ashura un sens visant à accentuer le sentiment nationaliste: le trépas d'Hussein est également celui des soldats morts pour la protection des territoires nationaux; la guerre est perçue comme une violation de l'espace iranien par les armées de Saddam. La métaphore est évidente, pourtant, le sentiment domine, Ashura, lutte nationale et nationaliste, cristallise le ressentiment contre les oppresseurs extérieurs. Le premier temps de l'islam politique!? le contre-pouvoir des mollahs consacré
: par la Révolution
Le mouvement de revendications politico-religieuses à l'origine de la République islamique s'inspire très clairement du mythe du martyre de Karbala, dont il réutilise les diverses symboliques à la fois comme nutriment de la mouvance, et à la fois comme structure de déploiement sur l'espace public. Dans les années 60, et jusque les premières années suivant la Révolution, les réseaux formés par les mollahs font office de
16 Nikpey,
Amir,
Politique
et religion en Iran
contemporain, naISSance d'une institution,
Comprendre le Moyen Orient, l'Harmattan, 2001. lï Roy, Olivier, L'Échec de lislam politique, Paris, Seuil, 1992
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura
contre-pouvoir engagé dans la lutte d'un islam politique: ainsi, l'année 1963, caractérisée par les premières processions assimilant le Shah à la figure de Yazid, sont fortement réprimées, et marquent l'entrée officielle de l'Imam Khomeiny dans l'histoire du pays. L'histoire de la Révolution est menée par ce personnage, qui assoie sa légitimité en empruntant les attributs de différents imams, et notamment d'Hussein. En 1978, les bannières appellent pour de façon inédite à la mort du Shah (marg bar shah), slogan qui sera repris jusqu'au départ du souverain. En 1981, la destruction du siège du Parti de la République islamique, assimilé à un attentat fomenté, s'illustre par la célébration des 72 morts en martyre, reprenant ainsi le nombre de l'armée décimée à Karbala18. Au niveau local, les sermons chantés par les rowzekhan 19 de Téhéran enjoignent la population à se révolter, donnant ainsi au mouvement politique d'assimilation d'j\shura comme moyen de revendication des bases solides, fondée sur l'espace semi-public des quartiers. La hiérarchie chi'ite, structure institutionnellement et ftnancièrement autonome de l'Etat, qui a perdu au début du siècle sa mainmise sur l'enseignement et la justice, est, avant la Révolution, uniquement investit de la fonction de ruhaniyat, soit, d'éducation religieuse, et demeure le pilier du contre-pouvoir local jusqu'à la rupture, lors de laquelle les mosquées, où les religieux règnent en maîtres, deviennent les lieux de la relève du gouvernement. De la même façon, les premières années de la guerre Iran/Irak représentent la réalisation différée du mythe de Karbala, en valorisant intensément la ftgure du martyr, en référence au chiisme mortifère décrit par Farhad Khosrokhavar20. Suite à l'euphorie de la Révolution, le mouvement islamique s'organise en République, prenant les commandes du pays et passant ainsi d'un statut de contre-pouvoir, évoluant dans la sphère semipublique, à l'état de pouvoir légitime, occupant l'ensemble de l'espace public, et d'infùtrant massivement dans les brèches laissées par la sphère privée. Pendant les années qui suivent la Révolution, la célébration ostentatoire d'Ashura fait partie d'une religiosité offtcielle défendue par le gouvernement, à l'instar d'autres attributs du chiisme politique, comme le culte du martyre ou la glorification de la mort, par exemple. Le culte de l'imam parti en guerre à Karbala est soutenu par le pouvoir, à la fois 18Richard, Yann, /'Islam Chi'ite, Croyances et Idéologies, Fayard, 1991 19Chanteurs traditionnels 20 Khosrokhavar, Farhad, /'IslamÙme et la mort, le marl)n ré,'olutionnaire en Iran, Comprendre le Moyen Orient,
l'Harmattan,
1995
123
A. Grisoni
en termes de visibilité sur l'espace public (non seulement pendant le mois de IVloharram, mais aussi en empruntant tous les canaux de communication imaginables: télévision, prière du vendredi, radio, graphisme mural dans les rues de Téhéran, etc.), et à la fois ftnancièrement (l'Etat se fait le sponsor offtciel des processions par l'intermédiaire du Vezarat e Farhang va Ershad Es/ami (Ministère de la culture iranien), dont le relais est pris au niveau local par les associations religieuses de quartier et les confréries).
Le second temps de l'islam: de l'islam politique à l'islam globalisé21
124
Aujourd'hui, s'il est vrai que l'Etat iranien maintient cette dernière forme de soutien auprès des réseaux locaux de célébration d'Ashura selon une logique clientéliste, il n'en demeure pas moins qu'il tend à limiter considérablement l'ensemble des manifestations martyropathes sur l'espace public téhéranais. Ce resserrement des pratiques révèle un changement de position par rapport au rite en luimême, mais aussi par rapport à la perception de l'islam iranien en dehors des frontières, dans le monde musulman. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, la célébration du mois de Moharram est fortement liée à une certaine idée de /'iranité, concept uniftcateur d'un peuple marqué par un désir de détachement par rapport aux autres musulmans, et a joué, à toutes les époques, le rôle de catalyseur des oppositions populaires et des revendications politico-religieuses. Le maintien de ces coutumes renvoyant à un traditionalisme qui semble outrepassé, leur visibilité évidente, et surtout l'absorption de catégories de la population apparemment étrangères au mouvement, donnant lieu à une manifestation inédite sur l'espace public téhéranais, constituent-ils, aujourd'hui encore, le ciment de la célébration annuelle d'une certaine forme de cohésion sociale distincte du pouvoir de l'Etat? La forme actuelle d'Ashura à Téhéran conftrmerait la survivance de l'une des fonctions de cette célébration: celle de jouer le rôle d'une interface entre l'Etat et le peuple, sur laquelle cette dernière exprimerait ses revendications. Les différents gouvernements, depuis la dynastie Pahlavi se sont efforcés de développer, sur la scène publique internationale, la version 21 Roy, Olivier, L'Islam mondialisé, Seuil, Paris, 2002.
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura
folklorisée d'Ashura, que représente le Tazieh: déjà, en 1967, Mohammed Reza Shah en avait fait le clou du festival international de Chiraz. Dans tous les cas, il s'est agit de soutenir parallèlement la multiplication des Tazjeh, destinés dans un premier temps au public occidental de passage à Téhéran, et dans un second temps aux Téhéranais des beaux quartiers, mais aussi aux amateurs d'art iranien vivant en dehors des frontières nationales; ainsi, Abbas Kiarostami, ambassadeur officiel de l'art iranien de la République islamique en Occident, a présenté dernièrement a Paris une mise en scène inspirée de ces traditions. La limitation recherchée de l'impact d'~Ashura aux domaines artistique et patrimonial, la réduction de son espace d'expression à des périmètres ceint par des frontières visibles ou invisibles, conduit à considérer cette stratégie des pouvoirs publics quels qu'ils soient et des classes dirigeantes, comme une volonté de minimiser la portée réelle du phénomène. Le Tazieh, à l'instar du cinéma iranien, fait office, sur la scène artistique occidentale à vocation culturaliste, de l'image d'un Iran riche de manifestations folkloriques, dans lesquelles les questions mondialement conflictuelles telles que la violence en terre d'Islam, ou les conflits entre les différents types de population ne joue aucun rôle. A cela s'oppose les processions d'Ashura, dont le déroulement comporte des éléments à caractère choquant pour le public le plus éclairé, ne serait-ce qu'à cause de l'effusion de sang. La limitation des célébrations de Moharram sur l'espace public téhéranais, marque davantage la continuité que la rupture de la République islamique d'aujourd'hui avec la posture du Shah: il s'agit d'éviter qu'un public élargi ait accès à des manifestations qui, prises en dehors de leur contexte, pourraient être perçues comme étant en désaccord avec une modernité basée sur une rationalité, dont le gouvernement du Shah, mais aussi l'islam politique iranien, se sont prévalus. Conclusion Si l'on se place du côté de la population, le rituel d'Ashura continue aujourd'hui à représenter un moment où différentes catégories de population entrent en interaction sur un espace public apaisé, dans un esprit de carnaval, cristallisé autour de la mise en scène du corps. Les catégories traditionnelles organisent les festivités et de nouvelles catégories et relations se créent, autour d'une culture jeune, selon une logique de miroir. Bien qu'il n'exclue pas les conflits latents entre des groupes de population absents de la scène publique à cet instant, le
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moment d'Ashura symbolise la cohésion sociale d'un peuple autour de son iranité sur l'espace urbain. Par ailleurs, la limitation des débordements du rituel d'Ashura indique le passage d'un islam politique à un islam globalisé. Si les processions ont été, dans les années 70 et 80, le lieu de manifestations d'un contre-pouvoir religieux, mais national, aujourd'hui, face à une opinion publique mondiale et aux nouveaux enjeux qui découlent de la visibilité de l'Iran, l'objectif est de laisser transparaitre une image sobre, contribuant à l'effacement des frontières religieuses entre pays chiites et sunnites. Le rapprochement opéré par le président américain auprès du gouvernement iranien à l'occasion de Nowrouz, la participation de l'Iran au sommet Durban II, sont autant d'évènements récents qui confu:ment le rôle diplomatique croissant de cette nation à échelle régionale, mais aussi internationale. Limitant les aspects les moins consensuels du rituel d'Ashura dans les rues de la capitale, le gouvernement iranien semble vouloir jouer un rôle d'envergure dans un islam transnational et homogène, faisant le poids face à l'Occident. On peut supposer que les évolutions de l'islam globalisé, pourrait reprendre une dimension politique de taille, et que, dans cette perspective, le Président iranien s'astreigne à limiter les désaccords confessionnels entre sunnites et chiites, et à refondre un nouvel islamisme politique dirigé par l'Iran. Dans le cadre d'une telle homogénéisation, il n'y aurait pas de place pour le plérôme immaculé, évoqué par Henri Corbin22, composé des quatorze plus-que-parfaits, que vénère le chiisme iranien, pas plus que pour la représentation imagée de l'Imam Hussein, ou pour les sacrifices d'animaux. La réduction de la visibilité des particularismes nationaux pourrait être envisagée comme un facteur aidant à l'uniformisation d'un islamisme érigé en doctrine à vocation internationale. L'iranité serait balayée, au profit de la cohésion politico-religieuse transnationale, justifiant la légitimité des revendications du président iranien.
22
CORBIN,
Henri, En Is/am iranien, Gallimard,
Paris, 1991 (première
édition 1971)
La survie paradoxale des festivités chiites d'Ashura
Bibliographie - BALANDIER, Georges, Le désordre,élogedu mouvement, Fayard, Paris, 1988 - CORBIN, Henri, En Islam iranien, Gallimard, Paris, 1991 (première édition 1971). Thierry, L'économie de l'Iran Islamique: entre ordre et - COLVIUE, désordres, Points sur l'Asie, L'Harmattan, 2002. - KlAN-THIEBAUT, AZf1deh, L'individu dans le monde, paradoxe de l'Iran islamique, CEMOTI, N°26, juillet Décembre 1998, Paris. -KHOSROKHAVAR, Farhad, l'Islamisme et la mort, le martyre révolutionnaire en Iran, Comprendre le Moyen Orient, l'Harmattan, 1995. Le nouvel individu en Iran, CEMOTI N°26, Juillet Décembre 1998, Paris - LE BRETON, David, La saveur du monde, une anthropologie des sens, Métailié, 2004. - SHIRALI Mahnaz, la jeunesse iranienne, une génération en crise, étude de cas, lesjeunes du quartier Cisha à Téhéran, thèse soutenue à l'EHESS, Septembre 2000 -NIKPEY, Amir, Politique et religion en Iran contemporain, naissance d'une institution, Comprendre le Moyen Orient, l'Harmattan, 2001. - RICHARD, Yann, l'Islam Chi'ite, Croyanceset Idéologies,Fcryard, 1991 - ROY, Olivier, L'Échec de fislam politique, Paris, Seuil, 1992 L'Islam mondialisé, Seuil, Paris, 2002. - SCOT AGHAIE, Karnran, The Martyrs of Karbala, Shi'i Symbols and Rituals in Modern Iran, University of Washington Press, 2004. - W ARNIER, Jean Pierre, Constmire la culture matérielle: l'homme qui pensait avec ses doigts, PUF, Paris, 1999.
127
Mahmoud Ahmadinejad face aux trois vagues du cyber-poIitique iranien Une rijlexion sur le rôlepolitique d1nternet en Iran
Rasoul Namazi Doctorant à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Résumé Dans le cadre général tk l'omniprésence
dInternet
dans la m-epolitique,
cet article
vise à analyser le cas du ryber-politique en Iran afin tk mesurer ses impacts sur la société civile. Mots-dés:
Cyber-politique,
Iran, Blogosphère, Internet, Média,
Philosophie Politique,
Et
démocratie.
Abstract The political is controversiaL provide Key
a theoretical words:
democrary.
role of the Internet, as one of the ubiquitous of?jects of our everyday life tries to present the case of the Iranian ryber-politics in order to framework for untkrstanding the comlection between Internet and politics.
This
article
Cyber-politics,
Iran,
Blogosphere,
Internet,
Media,
Political
Philosophy,
Et
R. N amazi
'outil Internet a permis une évolution considérable des rapports intersubjectifs à tel point que l'on peut parler d'une véritable révolution sociale: à un contrôle centralisé et à un système hiérarchique s'est substitué un réseau d'interaction et une horizontalisation des rapports entre les individus. Internet représente une organisation décentralisée d'un genre nouveau; sous forme de peerto-peer ou de réseaux à caractère social, elle crée un espace qui ne se trouve pas délimité par l'exercice d'une autorité unique. Il s'agit d'un lieu dépourvu de centre, où les individus connectés entre eux depuis leurs ordinateurs donnent à voir une sorte de société anarchique que ne fédère aucun pouvoir central de contrôle. A l'exception de certaines institutions régulatrices comme ICAAN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) qui défmissent des protocoles de communication, Internet ne connaît pas de fonctionnement centralisé. Est-ce à dire qu'Internet s'apparente à /'état de nature, défmi de Thomas Hobbes à John Locke comme un état instable marqué par l'absence d'un pouvoir souverain? Certes, d'autres technologies de communication tels que la télévision, la radio et le téléphone ont considérablement influé sur la vie politique, mais nous n'avons pas pour autant assistés à l'apparition de nouveaux paradigmes de l'action politique qui marqueraient une rupture totale avec les modalités traditionnelles. Internet s'inscrit-il dans cette même logique ou y a-t-il au contraire des raisons de penser que ce cyberespace anarchique fait apparaître de nouveaux paradigmes nécessitant de nouveaux concepts et raisonnements politiques? Pour y répondre, nous nous intéressons à l'expérience iranienne. Tout d'abord nous analysons la littérature émergente relative à la vie politique sur Internet, puis nous essayons de comprendre le dynamisme de l'espace politique iranien sur Internet.
L
130
Un nouveau
paradigme
théorique
pour la politique
sur Internet?
Pour analyser l'influence d'Internet, il faut garder à l'esprit deux points très importants: I. Christopher Kedzie présente la spécificité d'Internet par le tableau ci-dessous! :
I Christopher
Kedzie,
"The
Case
of the
Soviet
Union:
The
Dictator's
Dilemma",
Communication and Demoeracy: Coincident Revolutions and the Emergent Dictators, (Washington D.C: RAND Corporation, 1997). Disponible à:
M. Ahmadinejad
face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
Tableau 1 Dans ce tableau, l'axe horizontal représente le nombre de destinateurs de messages, et l'axe vertical représente le nombre d'expéditeurs de messages. Ainsi, l'axe horizontal (le nombre de destinateurs) figure l'influence d'une technologie de communication et l'axe vertical (le nombre d'expéditeurs) permet d'évaluer la liberté individuelle. En France, il existe 54 millions de téléspectateurs, soit 84% de la population 2, tandis que le nombre d'individus participant à l'élaboration des programmes est assez restreint. Autrement dit, la télévision est potentiellement destinée à un grand nombre de destinateurs, tandis qu'elle est commandée en amont par un nombre limité d'individus. En outre, il existe 56 millions de téléphones mobiles en France, touchant donc 87.5% de la population3 (il existe aussi 35 millions de téléphones fixes), toutefois chacun se trouve relié à un nombre limité de personnes. Ainsi, le téléphone couvre un petit nombre de destinateurs pour un grand nombre d'expéditeurs. Internet présente
http://www.rand.org/pubs/ rgs_dissertations/RGSDl27 Avril 2008. Le tableau est révisé par moi. 2 CIA: The World Factbook [en ligne], CIA: 2007, Disponible sur: https:/ / www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/ 3 Ibid.
/ sec2.html. [consulté
Consulté
le 30 Octobre geos/ fr.html
le
26
2008].
131
R. N amazi
132
ici une réelle singularité. En France, il existe 31 millions d'internautes soit 48% de la population, et ces 31 millions d'internautes sont aussi bien les destinateurs que les expéditeurs de message. Dès lors, on peut dire que la télévision a une grande influence avec peu de liberté individuelle, que le téléphone représente une grande liberté individuelle mais avec peu d'influence, tandis qu'Internet apparaît à la fois comme très libre et très influent. Les médias traditionnels peuvent donc représenter un puissant outil en vue du contrôle de la population, par où se comprend son intérêt politique voire, à l'extrême, la façon dont les régimes autoritaires y ont recouru à titre d'instrument de propagande. Dans ce cas, il faut bien voir qu'en raison de leurs caractéristiques, de leur nature hiérarchisée et centralisée, ces médias ne peuvent pas servir d'instrument d'opposition; ils sont entièrement placés sous le contrôle du pouvoir autoritaire du régime. Par conséquent et par opposition, Internet apparaît comme le média le plus favorable à l'expression d'une opposition à ces régimes. 2. Internet, à la différence des médias conventionnels, tels que la radio et la télévisons, qui avaient remplacé, voir détruit l'espace publique Oes Town-Hall meetings d'Alexis de Tocqueville4 et les Coffeehouses de Jürgen Habermas'), a créé un nouvel espace publique. À l'âge de la télévision et de la radio, sous l'effet du processus qui peut être qualifié d'« atomisation de l'individu par les médias », les individus sont moins les acteurs du débat public, que les récepteurs inactifs de l'information. En revanche, les forums de discussion, les sites de réseautage social, les associations en ligne et les blogs sur Internet réinventent l'ancien espace publique et donnent lieu à un nouveau type de l'E-démocratie.6 88% des internautes en France (27,28 millions d'internautes) estiment qu'ils utiliseront davantage Internet à l'avenir pour rester en contact avec son entourage et partager des informations? Nous avons tous des amis «sur Internet» que nous n'avons parfois jamais rencontrés; nous ne savons pas même leurs vrais noms. 67% des internautes déclarent être en contact avec quelqu'un sur 4 Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Aménque - Tome I [1835], (paris: GFFlammarion, 1981), Chapitre V ; voir Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, (paris: Hachette, 1987), p.229; Pierre Manent, Tocqueville et la démocratie en Amérique [1982], (paris: Fayard, 1993), p. 5 Jürgen Habermas, L'espace public: archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise[1962], Tr. M. B. de Launay, (Paris: Payot, 1988). 6 Voir sur ce sujet Matt Leighninger, The Next form ofDemocrac)', (New York: Vanderbilt
University Press, 2006). 7 TNSofres [en ligne], le 8 Octobre
2001 [consulté
http://www.tns-sofres.com/etudes/interactive/311001_info.htm
le 5 Novembre
2008], Disponible
sur:
M. Ahmadinejad
face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
Internet qu'ils n'ont jamais rencontré en personne8. L'espace public informatique est constitué essentiellement par la blogosphère, un ensemble de blogs, connectés ou indépendants. Tandis qu'Internet a commencé d'être accessible au public vers les années 80, le premier blog est né en 1994, et il est devenu populaire à partir de 2001. Gratuit et accessible à tous, le blog permet à tout un chacun de mettre son opinion sur ligne et de la propager dans l'espace publique, sans être obligé de solliciter le visa d'une autorité de censure et de contrôle. Relevant de la technologie de Web 2.0, il est bidirectionnel voire multidirectionnel, et permet au lecteur la possibilité de discuter avec l'écrivain (le bloggeur) ou avec un autre lecteur9. On comptait, en Août 2008, 188,9 millions de blogs sur Internet et 175000 de blogs apparaissaient chaque jourlO. Autrement dit, 188,9 millions individus écrivent et partagent régulièrement leurs avis sur Internet. Soit, si chaque blog est visité, disons, par 5 personnes par jour (estimation très conservatrice), ces 188,9 millions de blogs sont lus par presque un milliard de personnes chaque jour: c'est-à-dire 15% de la population mondiale. Il existe des bloggeurs (utilisateur d'un blog) à travers toutes les catégories d'âge, de genre, de salaire, de géographie et d'éducation (voir le tableau ci-dessous)!I.
8 Technorati.com (en ligne], "State of Blogsphere - 2008", [consulté le 6 Novembre 2008], Disponible sur: http://www.technorati.com/blogging/ state.of.the.blogosphere/ 9 Pour une analyse détaillée voir David Kline et Dan Burstein, Blog!: How the Newest Media &uolution is Changing Politics, Business, and Culture, (New York :Squibnocket Partners, 2005). 10TechnoratÛom (en ligne], "State of Blogsphere - 2008", [consulté le 6 Novembre 2008], disponible sur: http://www.technorati.com/blogging/ 11 Les chiffres sont d'lbid.
state.of.the.blogosphere/
133
R. N amazi
134
Il ne faut pas négliger le rapport direct existant entre le niveau d'éducation et le blog. Aux Etats-Unis, 74% des bloggeurs ont un diplôme de College. Aussi, ceux qui lisent ces blogs présentent un niveau d'éducation supérieure: ils sont l'élite de la société. Le rapport entre telle strate de la société et Internet n'est donc pas négligeable. Dès lors, on peut dire qu'Internet crée un espace d'actions indépendantes qui n'existait pas jusque-là: un cyber-mondeI2. Internet:
la diminution
du pouvoir
étatique?
L'aspect politique le plus important d'Internet et qui mérite une attention particulière est la diminution du pouvoir étatique. Selon Max Weber, l'Etat constitue un groupement politique dont la direction administrative « revendique avec succès, dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime» 13 . Autrement dit, l'Etat est une entité dont l'existence dépend directement du monopole de la contrainte dans un espace géographique. Carl Schmitt, héritier de cette idée wébérienne, fait du monopole du pouvoir, le caractère principal de l'Etat; l'identité qui peut prendre des décisions ultimes et subordonner tous les aspects de la vie sociale à son pouvoir
12 Zizi Papacharissi, «The virtual sphere: the internet as a public sphere », New Media & SoaefJ', Vol. 4, No.1, pp. 9-27 (2002). 13Max Weber, Economie et Société - Tome I [1921J, TL Julien Freund (paris: Plon, 1995), 24.
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face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
ultime. L'Etat et par conséquent la vie sociale ne peuvent exister qu'avec cette suprématie de pouvoir souverainl4. Or, Internet met-il en question de la suprématie du pouvoir étatique? Pour éviter de nous perdre en déf111itions théoriques, nous proposons un exemple qui peut nous aider à comprendre la mise en question de la suprématie du pouvoir étatique. La censure est un des instruments par lesquels le pouvoir étatique exerce son monopole au niveau d'information. La mise en question de ce pouvoir est un assaut direct à l'encontre de l'existence et de la souveraineté de l'Etat. 96% des internautes français considèrent Internet comme une source d'information excellente, très importante ou au moins égale aux autres sources d'information. 75% l'utilise quotidiennement ou entre 1 et 3 fois par semaine. Au fur et à mesure qu'Internet devient la source principale d'information, la censure d'Internet se transforme d'un type d'exercice du pouvoir étatique dans le domaine de l'information, au type d'exercice du pouvoir étatique dans ce domaine. Autrement dit, avec l'émergence d'Internet comme la première source d'information des citoyens, la censure d'Internet n'apparaît plus seulement souhaitable, mais nécessaire pour le maintient du monopole de la contrainte par l'Etat. Pourtant, l'Etat peut-il contrôler et censurer Internet? Selon Vint Cerf - qui est considéré comme l'un des pères fondateurs d'Internet - la réponse est « non »15. Plusieurs raisons expliquent cette incapacité, notamment la structure strictement privée d'Internet. Internet est privé à presque 99% par le fait qu'il est issu de l'interconnexion des ordinateurs. Une autre raison tient à la structure décentralisée d'Internet. Les sites et les stockages d'informations que nous consultons ne résident pas dans un seul pays, sous une autorité publique ou une juridiction unique. A la limite, la censure d'Internet semble impossible sans une mesure radicale interdisant totalement d'Internet - ce qui existe seulement dans la Corée du Nord. Autrement dit, dès qu'Internet est disponible, la censure devient inefficace et impossible. La censure n'est pas le seul cas où la mise en question du pouvoir étatique devient claire: la propriété inteIlectueIle16, l'anonymat
14Carl Schmitt,
« La notion
de politique}} in La notion depolitique! Théorie du partisan (1963],
(paris: Champs-Flammarion, 1992). IS Pedro Fonseca, "Cerf sees government control of Internet failing", R£uters.com [en ligne], le 14 Novembre 2007 lconsulté le 5 Novembre 2008], Disponible sur: http://www.reuters.com/article/reutersEdge/idUSN1420689320071114 16Vois Charles Oppenheim, "Does copyright have any future on the internet?", Journal
ut
documentation,
vol. 56, n. 3, May
2000,
pp. 279-298.
135
R. N amazi
des interactions et des transactions ftnancières et économiques peuvent aussi révéler ce phénomène tacite mais indéniable, qui transforme la portée et la nature du pouvoir étatique. A cet égard, le commerce sur Internet mérite une attention particulière. Si, comme le disait Montesquieu, «le commerce est la profession des gens égaux» 17, Internet est le meilleur moyen de faire du commerce et il est donc le média le plus égalitaire possible. En 2008 aux Etats-Unis, le commerce sur Internet représente 208 milliards de dollars 18. On y assiste à un glissement du pouvoir des monopoles vers de nouveaux concurrents et surtout des clients. Ces derniers, par le fait de la multiplication du nombre des concurrents, la propagation du nombre des moteurs comparateurs d'offres et surtout la diffusion des opinions des clients sur les produits et services, ont augmenté le pouvoir d'information et de marchandage des consommateurs. Le cyber-politique
136
iranien:
la première
vague
L'histoire d'Internet en Iran commence en 1992 lorsque certaines universités se connectent à Internet. En 1994, le premier site web d'information iranien est né : le journal de Hamshahri. Ceci n'ouvre pas seulement la voie à un nombre abondant de titres de presse mettant leurs contenus sur Internet, mais engage également une nouvelle dynamique: l'ère du cyber-politique en Iran. La libéralisation du journalisme sous la présidence du président réformateur, Mohammad Khatami en 1997, accélère le processus. À la mise en ligne des journaux conventionnels, succède celle des premiers sites politiques indépendants, nés directement sur Internet. Goqya.com, fondé en 1998 par Farshad Bayan en Belgique, est un site pionnier, et il demeure encore aujourd'hui l'un des plus visités par des cybernautes iraniens. Gooya a commencé par diffuser en ligne tout simplement la copie scannée d'un journal publié en Iran, Iran Emrooz. La véritable innovation de Farshad Bayan consiste en fait à fournir les hyperliens à tous les titres de presse de la langue persane sur son site. Cette Ji Montesquieu, De l'Esprit des lois 11748] 1993), Livre V, - Tome I, (paris: Flammarion, Chapitre VIII. 18 Fomster &seareh Ine. [en ligne), "The State of Retailing Online 2008", Ie 8 Avril 2008 [consulté le 6 Novembre 2008], disporuble sur: http:// www.shop.org/c/journaLarticles/view_article_content?groupld= 1&articlel d= 70 2
M. Ahmadinejad
face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
innovation intéresse beaucoup les expatriés iraniens. Au fur et mesure, Gooya publie les articles et les contributions originales surtout dans le domaine politique. L'opposition iranienne en exil, écartée du pays par la politique de censure du régime islamique, trouve ainsi un moyen efficace pour participer à la politique du pays. Gooya, site à dominante politique, élargit ainsi le débat politique entre iraniens. Le trait distinctif de la première vague de cyber-politique iranienne est sa nature hiérarchique: de la même manière que les journaux traditionnels, publier ses articles sur les sites politiques était réservé à certains individus. Les fondateurs des sites fonctionnaient comme les éditeurs du contenu des sites. Ainsi, bien que les sites aient fourni de nouvelles possibilités de débat politique, ils ont reproduit sur Internet, la hiérarchie en vigueur dans les médias traditionnels. Ces sites n'étaient pas différents des journaux ou des chaînes du satellite: ils étaient unidirectionnels. En Avril 2000, toujours sous la présidence de Khatami, les conservateurs ont fermé pratiquement tous les journaux indépendants. Une sorte de migration des journalistes vers les sites politiques avait déjà été engagée. Avec la victoire de Mahmoud Ahmadinejad à l'élection présidentielle de 2005 et sa politique plus radicale envers les journaux indépendants, cette migration s'est accélérée. Aujourd'hui, certains sites politiques comme Roozonline.com sont en réalité des journaux traditionnels publiés par les anciens journalistes - beaucoup d'entre eux immigrés à l'étranger pour fuir la prison - exclusivement sur Internet. Autrement dit, ces sites, en majorité, ne pouvaient pas exister dans une société libre; ils existent car le cybermonde offre la possibilité d'une liberté de la presse introuvable dans le monde réel. De 2001 à 2005, Internet connaît en Iran un développement exceptionnel. En 2001, on comptait 1 million d'utilisateurs d'Internet, tandis qu'ils sont, en 2005, plus de 5 millions. Selon les statistiques, en 2009, il y aura 25 millions d'utilisateurs d'Internet en Iranl9. Ce développement rapide d'Internet a fourni la base de la deuxième vague de cyber-politique iranienne.
19 Economist
Intelligence Unit, Count')' Profile: Iran 2004 Main Report (July 1, 2004); CIA, The World Fac/bookIran, disponible sur: http://www.cia.gov/cia/publications/factbook/geos/ir.html(Jan. 27, 2005) (4.3 millions d'internautes en 2003); Telecommunication Company ofIran, TCl a/ a Glance, disponible sur : http://www.tci.ir/eng.asp?sm=0&page=18&code=1; Nazila Fathi, Iran Jails More ~uma&ffandBmœsWebS~~ The New York Times, Nov. 8, 2004
137
R. N amazi
La deuxième
138
vague:
les blogs individuels
Le 25 Septembre 2001, un journaliste iranien immigré au Canada, Hossein Derakhshan, fonde le premier blog iranien: Hoeler.com. Son blog et son guide pour créer des blogs dans le journal de Hqyat-e-No sont à l'origine de la deuxième vague de cyber-politique iranienne. Dans un laps de temps assez court, les blogs iraniens se sont multipliés. Les journalistes, les personnalités politiques et les activistes ont commencé à créer leurs propres blogs. Selon les estimations, il y a aujourd'hui 400000 blogs iraniens sur Internet, mis en jour régulièrement2o. Les journalistes qui ne peuvent pas écrire librement dans les journaux mettent leurs articles controversés sur leurs blogs. Ainsi, la politique de censure des journaux perdait-elle de son efficacité. Pourtant, à la différence des sites politiques, les blogs ne sont pas réservés aux journalistes et aux personnalités politiques. Tout individu, à condition qu'il ait une connaissance basique de l'informatique, peut mettre en place son propre blog. Dès lors, ceux qui n'avaient pas la possibilité de travailler dans les journaux ont commencé à diffuser leurs écrits sur blog. Avec la politique sévère d'Ahmadinejad vis-à-vis de la presse, les blogs sont devenus les premières sources d'information pour les gens. Selon les sondages, les Iraniens ont davantage confIance dans les sources d'information en ligne qu'en celles des journaux, TV et Radi021. Il devient possible à chaque individu de mettre en ligne des photos ou des clips de manifestations d'ouvriers et d'étudiants, de montrer la violence de la police envers les femmes ne portant pas le voile, etc. Même ceux qui n'utilisaient pas Internet partagent les photos et les clips que d'autres ont trouvé sur Internet grâce à leurs téléphones portables. Les bloggeurs sont devenus aussi célèbres que les journalistes traditionnels. Certains blogs iraniens ont plus que 10000 visiteurs par jour. Dans un régime où tous les aspects de la vie humaine sont devenus affaire de politique, où beaucoup de discours politiques, religieux, culturels, littéraires et philosophique sont persécutés, tous les blogs, même lorsqu'ils ne portent pas directement sur les sujets politiques, portent atteinte à la souveraineté de l'Etat. L'univers des blogs en Iran représente un fabuleux instrument pour étudier la société iranienne. John Kelly et Bruce Etling qui ont étudié la blogosphère 200penNet Initiatit'e &port 011Iran. [en ligne], [consulté le 5 Novembre 2008], Disponible sur : http://operu1et.net/ research/ profilesjiran 21 ISNA News Agency. len ligne] [consulté le 5 Novembre 2008], Disponible sur: http://www.isna.co.ir/news/NewsCont.asp?id=427
457 &lang= P.
M. Ahmadinejad
face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
iranienne ont découvert que les blogs iraniens sont d'une variété extraordinaire22. Ils ne sont pas tous créés par les jeunes démocrates, critiques du régime islamique. Kelly et Etling ont distingué quatre ensemble de blogs : 1. Séculaire/Réformiste 2. Conservateur/Religieux 3. Poésie Persane 4. Mixe. Ces ensembles, notamment celui des Séculaires/Réformistes et des Conservateurs/Religieux, sont en débat permanent sur les actualités politiques. Cela montre la caractéristique principale qui distingue les blogs des sites: les blogs sont multidirectionnels et créent donc d'authentiques forums de discussion. Non seulement chaque individu peut créer un blog et présenter ses points de vue, mais il peut aussi commenter les écrits des autres. Cette caractéristique confère à la blogosphère une pluralité incroyable: d'un côté, les femmes revendiquent leurs droits, elles critiquent le voile islamique, et mettent en question les dogmes religieux concernant les rapports sexuels; les jeunes critiques le gouvernement et sa politique envers l'Occident, les Etats-Unis, Israël et mettent en question les programmes économiques, culturels; de l'autre côté les conservateurs glorifient le leader suprême (Ayatollah Khameneyi), nient l'Holocauste, défendent la Révolution Islamique, le Hezbollah et Ahmadinejad. Ces fractions sont en conflit permanent. Pourtant, la blogosphère iranienne n'est pas nécessairement centrée sur les questions politiques. Un grand nombre de bloggeurs parlent de littérature, d'histoire, de religion, de poésie, de sport et de cinéma.
22John
Kelly and Bruce Etling, "Mapping Iran's Online Public: Politics and Culture in the Persian Blogosphere", [en ligne], le 6 Avril 2008 [consulté le 5 Novembre 2008], Disponible sur: http://cyber.law.harvard.edu/publications
139
R. N amazi
Tableau 140
La troisième
3-l'univers
vague:
des blogs en Iran23
les communautés
virtuelles
Le développement naturel d'Internet à l'époque d'Ahmadinejad et la migration massive des sources d'informations due à la politique radicale de censure, a multiplié les sites et les blogs, les produits de la première et la deuxième vagues de cyber-politique iranien, de manière révolutionnaire. Tandis que durant le mandat de Khatami, les sites et les blogs politiques étaient assez limités et par conséquent bien connus, à l'époque d'Abmadinejad, les blogs et les sites sont devenus tellement nombreux qu'il est pratiquement impossible de suivre les informations: c'est le dilemme classique de l'ovetjlow d'informations. La réponse traditionnelle à ce problème est celle de la data selection.Les internautes choisissent certains sites ou blogs qu'ils considèrent les plus importants et ignorent les autres. Pourtant, la situation particulière du cyberpolitique en Iran a rendu cette solution peu pratique, car les sources d'informations sont très fragmentées: à l'instar des médias internationaux comme Reuters ou BBC, les sites et les blogs iraniens ne sont pas les entreprises avec des profits qui peuvent payer les salaires des journalistes professionnels. Chaque site ou blog est contrôlé par quelques 23Ibid.
M. Ahmadinejad
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iranien
individus qui n'ont aucun intérêt économique pour y consacrer une partie considérable de leur temps; autrement dit, ces sources d'informations sont contrôlées par des amateurs/bénévoles. Par conséquent, ces sources d'information ne peuvent pas couvrir toutes les actualités. AfIn de pouvoir suivre les actualités il faudrait pouvoir consulter des milliers de blogs et de sites politiques. La solution devra donc être nécessairement différente. La troisième vague de cyber-politique en Iran a trouvé une solution à ce problème, qui avait des conséquences très importantes pour le cyberpolitique iranien. Le 16 août 2006, Mehdi Yahyanejad et Aziz Ashofteh ont fondé le site de Balatarin.com, qui est aujourd'hui le site central dans la troisième vague de cyber-politique iranienne. Le concept principal de Balatarin.com n'est pas nouveau. Hossein Derakhshan, le premier bloggeur iranien, avait déjà construit un site, Sobhaneh.com, qui était le modèle élémentaire de Balatarin.com. Sobhaneh.com était, comme Balatarin.com, un site de partage des liens (Unk ShariniJ. Derakhshan mettait les liens vers les sites et les blogs intéressants dans ce site. Ce concept est toujours utilisé par Gooya.com. Pourtant, ces sites présentaient deux défauts majeurs. Premièrement, ils dépendaient de leurs éditeurs. C'était eux qui choisissaient les liens et les mettaient sur le site. La structure hiérarchique des sites de la première vague s'imposait donc encore. Deuxièmement, le nombre de liens était très limité: les liens pouvaient seulement être catégorisés selon les dates ou les auteurs des textes. Balatarin.com a résolu non seulement ces problèmes, mais il a aussi ajouté des possibilités très importantes. Les créateurs de Balatarin.com ont synthétisé la structure des sites de partage de liens américains, surtout Reddit, Digg, Newsvine et deLicio.us dans leur site. Les internautes peuvent ouvrir un compte sur Balatarin.com. Ensuite, ils peuvent ajouter des liens eux-mêmes. Ainsi, les éditeurs de site ont une influence très limitée sur le contenu des liens (ils suppriment seulement les liens pornographiques ou insultants). Les liens peuvent être catégorisés selon le choix des internautes; chaque personne peut ajouter une nouvelle catégorie dans la partie de Hot ToPic. Ces catégories changent en fonction des actualités. Par exemple, quand il y a la guerre à Gaza, où une nouvelle résolution de l'ONU contre l'Iran, elles deviennent des catégories du jour. De surcroît, les liens sont classés en fonction de leur popularité. Chaque internaute peut voter pour les liens que les autres ajoutent. Des liens montent en fonction de ces votes dans le classement. On peut aussi ajouter des commentaires sous les liens, et
141
R. N amazi
142
les autres peuvent répondre aux commentaires. Ainsi, chaque lien ou nouvel événement est discuté par les membres de sites. L'influence de Balatarin.com sur le cyber-politique iranien a été considérable. Il est devenu aujourd'hui une des sources principales d'information dans le cyber-politique iranien. Tous les jours, des milliers de liens vers les sources d'informations sont mis sur le site par les membres. Ils sont discutés, votés et classés. Les bloggeurs et les sites les plus inconnus profitent de Balatarin.com pour sortir de l'ombre. Ainsi, les bloggeurs célèbres n'ont plus le monopole dans le cyber-politique iranien. C'est la qualité du lien et sa capacité à attirer des internautes qui compte dans le classement des liens. Balatarin.com a cette caractéristique très importante de fournir la possibilité de classer les liens selon le nombre des commentaires. Ainsi, les liens les plus discutés apparaissent sur la première page du site, et plus d'internautes sont attirés vers ces liens. Ce fait crée une situation idéale pour la discussion sur les liens vers les sujets controversés. Les liens vers les textes antireligieux et sur le conflit israélo-palestinien sont les exemples des liens les plus discutés sur Balatarin.com. Les blogs, à la différence des sites, fournissaient la possibilité d'une communication multidirectionnelle. Pourtant, après la multiplication des blogs, cette possibilité a disparue, les internautes étant divisés à cause du trop grand nombre de blogs. Pourtant, dans Balatarin.com tous peuvent trouver les liens qui les intéressent et participer au débat. Le régime islamique
et l'essor d'Internet
politique
en Iran
Si Internet a bien pour effet la diminution du pouvoir étatique, ce processus n'est nulle part plus évident qu'en Iran. Il est vrai que le Ecommerce est quasiment absent en Iran, à cause des problèmes bancaires, mais dans le champ politique, Internet est venu véritablement saper la domination de l'Etat sur la culture et l'information. Un étudiant iranien a accès aux derniers ftlms, musiques et modes occidentaux; il peut facilement accéder aux actualités les plus récentes et aux points de vue qu'en donnent les Occidentaux, point de vue que l'Etat se garde bien de rendre public. Désormais, toutes les actions de l'Etat, même en l'absence des médias traditionnels indépendants, se trouvent exposées à la vue du public. Cela ne prend que quelques heures pour que l'arrestation d'un activiste politique, le harcèlement dont est victime une femme dévoilée par la police religieuse, les nouveautés au sujet d'une manifestation d'ouvriers, le texte et la traduction de la dernière résolution de l'ONU
M. Ahmadinejad
face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
contre l'Iran, apparaissent sur tous les sites et les blogs politiques. Les livres et les ftlms qui ne répondent pas aux critères de la censure sont parfaitement disponibles sur Internet. Telles possibilités créent, sans doute, un désir considérable chez les hommes politiques de gouverner Internet. Le ftltrage d'Internet serait le moyen principal par lequel le gouvernement pourrait exercer son pouvoir. Il n'est pas étonnant que même le gouvernement le plus libéral de l'Iran post-révolutionnaire - celui de Khatami - ait déjà, aux débuts de l'histoire d'Internet en Iran engagé une politique de ftitrage, en 2001. Pourtant, la politique de censure d'Internet comme d'autres politiques étatiques s'avère inefficace. Il suffit de juger l'effet des mesures de ce gouvernement pour éradiquer un autre média, le satellite. Le résultat: dans les villes les plus petites et les plus éloignées, qui ne bénéficient pas même des services les plus élémentaires, les satellites poussent sur les toits comme des champignons. Selon Open Net Initiative (ONI), seulement 6.28% des blogs sont ftitrés en Iran (voir tableau 4).
143
Tableau
4
-
Les blogs ftltrés
/
Les blogs visibles24
L'effort du gouvernement pour censurer Internet en Iran est mis en échec par les internautes qui arrivent à le contourner. Toutes sortes de logiciels et de sites d'anti-fùtrage sont apparues. Les adresses vers ces sites circulent dans les forums de discussion et par E-mail. Tous les jours, les internautes sont au courant, via leur boîte mail, des nouvelles astuces pour pénétrer le ftltrage et partagent en ligne ces logiciels. Les sites 24
Ibid.
R. N amazi
politiques offrent également la possibilité aux internautes de s'inscrire pour recevoir leurs articles par E-Mail. Il semble donc que la seule solution pour censurer effective Internet en Iran soit de rendre illégal l'usage d'Internet. Cette solution a été essayée en Corée du Nord et le résultat est satisfaisant: nous ne savons presque rien de ce qui se passe dans ce pays, et apparemment ses citoyens ne savent rien de ce que se passe au-dehors. Pourtant, cette solution rencontre le problème que George Shultz, l'ancien ministre des I\ffaires étrangères américain, appelle « le dilemme de dictature» 25: « les
144
sociétés totalitaires rencontre un dilemme: soit elles essaient de réprimer ces technologies [d'information et communication] et ainsi restent encore en arrière dans la nouvelle révolution industrielle, soit elles autorisent ces technologies et voient leur contrôle totalitaire disparaître. » Il faut garder à l'esprit que comme George Orwell le décrit bien à travers le personnage d'O'Brien dans 1984, le contrôle totalitaire de la population n'est pas possible avec le contrôle relatif des sources d'information, mais seulement avec leur contrôle total. Au départ, dans le roman, le héro dissident d'Orwell (Winston Smith) ne comprend pas pourquoi tout le gouvernement totalitaire du Big Brother fait un effort considérable pour endoctriner le pauvre Winston qui n'a qu'un cahier (une source minuscule de dissidence). Il comprend après le traitement qu'un seul dissident est aussi dangereux pour le Big Brother qu'un groupe organisé de résistance. Hannah Arendt aussi dans son analyse, signale cette caractéristique spécifique des régimes totalitaires 26. C'est pour cela que le régime iranien ne peut pas être considéré comme totalitaire: la population iranienne est parfaitement consciente de ce qui se passe dans le pays. Les hommes politiques du régime iranien savent bien que l'avenir de leur pouvoir de leur capacité à développer l'économie et par là à s'acheter une popularité. Ce but n'est réalisable qu'avec le commerce international, le progrès des sciences et l'usage des dernières technologies. Par conséquent, la censure complète d'Internet est une politique à la fois coûteuse et suicidaire.
25 George
Shultz,
"New
Realities
and New Ways of Thinking,"
1985, pp. 705-721. 26 Ilannah Arendt, Ls origines du totalitarÙme [1948], (Paris:
Gallimard,
Foreign Affairs,
Spring
2002), pp. 657-660.
M. Ahmadinejad
face aux trois vagues du cyber-politique
iranien
Conclusion Ceux qui réfléchissent sur le cyber-politique iranien ne se rendent pas bien compte de la force et des enjeux de ce phénomène. Ce qui se passe sur les sites et les blogs n'est pas seulement l'écho de la gronde des opposants au gouvernement; l'écho ici est davantage qu'une condamnation théorique et relative sans conséquence pratique sur la vie politique. Pour comprendre la portée d'Internet en Iran, un exemple peut être éclairant. Une des émissions de télévision les plus populaires est 90: c'est une émission hebdomadaire de débat et critique du football. Adel Ferdosipour, le présentateur de l'émission, est une célébrité nationale. Il critique régulièrement les responsables de la fédération nationale de football qui se trouvent dans le gouvernement d'Ahmadinejad. Il organise des conférences téléphoniques dans son émission pour qu'ils répondent aux critiques. Dans une émission, le représentant de la fédération, choisi par Ahmadinjead, furieux de ses critiques, lui a dit que ses critiques mettent en question le gouvernement révolutionnaire de l'Iran. Ainsi, une émission purement sportive s'est transformée en une plateforme politique décisive. Pendant une semaine, des rumeurs ont circulé sur Internet, annonçant que le retrait de Ferdosipour était dû à des pressions du gouvernement. Le 19 Janvier 2009, la date de la prochaine émission, les sites politiques, les bloggeurs et les internautes ont organisé une campagne pour envoyer des SMS de soutien à l'émission et à Ferdosipour, contre la fédération de Football. Le résultat fut extraordinaire: la télévision nationale a reçu plus de cinq millions de SMS. Sous la pression du public et contre la pression politique, Ferdosipour reste le présentateur de l'émission. Une analyse attentive du cyber-politique iranien montre son extraordinaire pouvoir de mobilisation. La possibilité d'une mobilisation en Iran est plus que jamais facile. Ceux qui manquent sont des leaders politiques pour exploiter cette possibilité. Il est significatif que le régime soit plus conscient des capacités révolutionnaires d'Internet en Iran que l'opposition. La censure d'Internet en Iran a commencé à l'époque de Khatami et avec le progrès d'Internet, la censure est aussi devenue plus radicale. Pourtant, nous avons vu que la censure n'était pas efficace. Le régime était le premier à constater l'inefficacité de la censure, et il a pris d'autres mesures radicales. Il a commencé à emprisonner les bloggeurs. Ensuite, le gouvernement d'Ahmadinejad a essayé d'arrêter le développement de structure d'Internet, en limitant les lignes d'accès disponibles pour les internautes. Quand ces politiques ont échoué, ils ont
145
R. N amazi
146
essayé d'influencer Internet en créant des sites d'information qui fournissent la version officielle des actualités. Des milliers des blogs ont été créé par les membres de la garde révolutionnaire. Ils ont même commencé à hacker les sites populaires comme Balatarin.com. Ces mesures n'avaient pas l'effet désiré. La communauté des bloggeurs est très vaste: le régime ne peut pas tous les emprisonner; certains ne sont pas en Iran, et d'autres sont anonymes. De surcroît, le développement d'Internet est central à la stratégie de développement de l'Iran. En effet, en limitant le développement d'Internet, le régime serait obligé d'arrêter le développement de ses projets stratégiques. La création des blogs par les gardes révolutionnaires revient à donner l'ordre aux agents du gouvernement de créer des oeuvres d'art, au sens où ce qui doit être le résultat d'effort spontané des individus ne peut être atteint par l'ordre des hommes politiques. Le hack des sites n'est pas non plus efficace: ces sites reprennent leurs services dans quelques jours. Tocqueville disait qu'en Amérique, «les nouveaux Etats de l'Ouest ont déjà des habitants; la société n'y existe point encore »27. Nous pouvons dire qu'Internet a déjà ses habitants; l'Etat n'y existe pas, et il y a des bonnes raisons de croire qu'il n'y aura jamais d'autorité publique sur Internet. Ainsi, nous pouvons appeler Internet une tnTa nova construite artificiellement: une nouvelle Amérique, où l'on peut vivre sans aucune autorité publique. Un rêve anarchique? Quoi qu'il en soit, cette terra nova offre de nouveaux horizons à la libération individuelle, politique, économique et culturelle, et à ceux qui luttent pour ces idéaux. Privés de leurs espaces conventionnels d'expression, ils trouvent en Internet un partenaire stratégique.
2ï Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique Flammarion, 1981), Chapitre III.
- Tome
J [1835], (paris:
GF-
M. Ahmadinejad
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147 to stop it, (London:
Yale
Présentation
générale des pays islamiques Djamchid
Assadi et Rasoul Namazi
es tableaux qui suivent rapportent l'état de la perfonnance des pays islamiques en ce qui concerne la richesse, l'inflation, le chômage, l'attractivité pour les investissements étrangers, l'état de la corruption, la démocratie, les niveaux de liberté, l'égalité des sexes, etc. L'analyse de ces tableaux fait découvrir que le monde musulman n'existe pas. Les pays musulmans semblent fort différents les uns des autres, et loin de constituer un bloc homogène. L'autre intérêt de ces tableaux réside dans la comparaison qu'ils proposent entre différents pays islamiques en ce qui concerne de leur l'intégration dans la mondialisation en cours. Ceci révèle également la forte disparité qui existe entre les différents pays musulmans. La position de l'Iran sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad s'est dégradée au point de se laisser dépasser par d'autres pays islamiques.
L
Dj. Assadi et R. Namazi
1969 1992 1969 1969
150
1969 1969 1976 1969
Azerbaïdjan
1992
Maroc
Bahreïn
1972
Mauritanie
1969
Ban ladesh Bénin Brunei Burkina Faso Cameroun Comores, Iles Côte-d'I voire Djibouti Egypte Emirats A. Unis Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Guyana Indonésie Iran Irak
1974 1983 1984 1974 1974 1976 2001 1978 1969 1972 1974 1974 1969 1974 1998 1969 1969 1975
Soudan Suriname S,rie Tchad Tadïkistan Togo
1994 1969 1986 1972 1974 1996 1969 1969 1972 1969 1969 1972 1969 1996 1972 1969 1992 1997
ordanie Kazakhstan Kir hizistan Kuwait Liban
1969 1995 1992 1969 1969
Tunisie Tur uie Turkménistan Yémen
1969 1969 1992 1969
Source: oci.org/
L'organisation de la conférence oicnew / member_states.asp
1969
islamique,
http:/
/www.oic-
Présentation
générale des pays islamiques
Tables 2 : Richesse nationale et croissance (2008)
Afghanistan Albanie Algérie Arabie Saoudite Azerbaïdjan
$ 800 $ 6000 $ 7000 $ 20700 $ 9000
11,60
Bahreïn
$ 37200 $ 1500 $ 1500 $ 53100 $ 1200 $ 2300 $ 1000 $ 1700 $ 3700 $ 5400 $ 40000 $ 14400 $ 1300 $ 1100 $ 600 $ 3900 $ 3900 $ 12800 $ 4000 $ 5000 $ 11500
6,10 4,90 4,80 0,40 4,50 3,90 0,50 2,70 6,00 6,90 7,70 3,60 5,50 2,90 3,20 3,20 6,10 6,50 9,80 5,80 3,00
$2100
6,00
Bangladesh Bénin Brunei Burkina Faso Cameroun Comores, Iles Côte-d'I voire Djibouti E!''Ypte Emirats A. Unis Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Guyana Indonésie Iran Irak Jordanie Kazakhstan Kirghizistan Kuwait Liban
Source:
7,50 6,10 3,00 4,20
Libye Malaisie Maldives Mali Maroc
$ 14400 $ 15300 $ 5000 $ 1200 $ 4000
5,90
Mauritanie
$ 2100 $ 900 $700 $ 2300 $ 20200 $ 1100 $ 2600 $ 2600 $ 2900 $ 103500 $ 1600 $700 $ 600 $ 2200 $ 8900 $ 4800 $ 2100 $ 1600 $ 900 $ 7900 $ 12000
3,50 6,50 5,90 6,10 6,70 6,90 8,90 5,80 0,80 11,20 4,70 6,00 2,60 5,50 6,00 4,80 7,90 1,70 0,80 4,70 1,50
$ 6100
10,00
$ 2400
3,20
Mozambique Niger Nigeria Oman Ouganda Ouzbékistan Pakistan Palestine Qatar Sénégal Siéra Léon Somalie Soudan Suriname Syrie T adiikistan Tchad Togo Tunisie Turquie T urkménista
$ 57400
8,50
n Yémen
$ 11100
7,00
--
CIA - The World Factbook
(2008)
6,30 5,10 5,70 4,20
151
Dj. Assadi et R. Namazi
Tables 3: Richesse relative (2008)
A érie Arabie Saoudite Azerbaïdjan Bahreïn Ban!1;ladesh
Bénin Bt"U1ié Burkina Faso Cameroun
Egypte Emirats A. Unis Gabon Gambie
152
Guinée Guinée Bissau Guyana Indonésie Iran Irak Jordanie Kazakhstan ~an Liban
~21820 235500 582800
Malaisie Maldives Mali
386600 1738 14480
73650
Maroc
137300
26700 224000 12840 20250 17820 42760
Mauritanie
6310 18950 9784 338100 67000 35880 71630 452700 11950 85350 21900 4307 5524 87270 4256 95360 15400 16260 5105 81880 906500 29650 55,90
~741400 34000 1889 442600 184600 21440 2264 10440 857000 3010 915900 842000 112800 30760 176900 11410 149100 44070
Mozambique Niger Nigeria Oman Ouganda Ouzbékistan Pakistan Palestine Qatar ~on Soudan Suriname Syrie Tadiikistan Tchad Togo Tunisie Turquie Turkménistan Yémen --
* Million de dollars Source: CIA, The World Facts Book, www.cia.gov/library
Présentation
générale des pays islamiques
Tables 3 : Inflation et chômage (2008)
AIgéoe Arabie Sa<mdite Azerbaïdjan Bahreïn Bangladesh Bénin Brunei Burkina Faso
Cameroun Comores, Iles Côte-d'Ivoire Djibouti Egypte Emirats A. Unis Gabon Gambie
Guinée Guinée Bissau Guyana Indonésie Iran Irak Jordanie Kazakhstan Kirghizistan Kuwait Liban
Source:
~4,00 3,60 10,30
12,50 12,90 8,80
21,60
0,80
7,00 9,40 5,20 0,30
15,00 2,50 -
7,30 4,40 3,00 6,10 5,00 18,00 14,40 5,00 6,00 30,00 3,80 7,80 11,10 28,00 6,80 14,90 18,00 22,50 11,70 JO,OO
it
Malaisie J\laldives Mali Maroc Maurit;l1Ùe Mozambique Niger
Nigeria Oman
20,00
-
59,00 8,70 2,40 21,00 30,00
Pakistan Palestine Qatar Sénégal Siéra Léon Somalie Soudan Suriname Syrie T adiikistan Tchad Togo
11,00 8,40 12,50 18,20 12,90 6,90 18,00 2,20
TLIDisie Turquie Turkménistan Yémen
9,20
--
CIA, The World Facts Book
5,80 12,80 2,50
, 114,40 130,00
4,60
110,00
7,30 11,20 0,10
30,00 21,00
10,60 12,50 ~10,50 13,50
-
20,80 11,50 15,20 6,60 11,70 16,50 6,40 14,90 11,80 10,00 9,80 5,00 10,20 18,00 18,00
15,00 -
I
, 48,00 -
-
+i= 2,30 14,00 7,90 60,00 35,00
153
Dj. Assadi et R. Namazi
Table 4 : La compétitivité des pays islamiques 2007-2008 "The Global Competitiveness Report"
~Albanie Algérie Arabie Saoudite Azerbaïdjan
109 81 35 66
Balueîn Ba[)gladesh Brnm Brunei Burkina Faso
Cameroun
154
4,55
Malaisie Maldives Mali
21 115
3,37
4,07
Maroc
64
4,08
43 107 108
4,42 3,55 3,49
Mauritanie
125 128 95
3,26 3,02 3,69
112 116
3,43 3,37
Nigeria Oman
95 42 ~120
3,69 4,43
-
Comores, Iles Côte-d'l voire Djibouti Egypte Emirats A. Unis Gabon Gambie
-
Guinée Guinée Bissau Guyana lndonésie Iran Irak
-
Jordanie Kazakhstan Kirghizistan
Kuwait Liban
77 37 102
126 54 49 61
3,% 4,50
-
Mozambique Niger
Pakistan Palestine Qatar
~100 113 80 117 131
* 4,63 3,61
3,59
Si' Somalie
3,25 4,24 -
Soudan Suriname Syrie Tadjikistan Tchad
-
Togo
-
4,32 4,14
Tunisie Turquie
32 53
4,59 4,25
-
-
-
-
T urkménista
119
3,34
30
4,66
n Yémen
-
-
--
Source: "The http://www.gcr.weforum.org/
62 92 31
Global
Competitiveness
3,40 3,91 3,37 2,78
Report" ,
Présentation
générale des pays islamiques
Table 5 : La corruption dans les pays Islamique (2008) Transparency International
j\ fghanistal1 Albarue ~Algérie Arabie Saoudite Azerbaiâjan
176 85 92 80
3,4 3,2 3,5
128
1,9
Malaisie Maldives Mali Maroc
&ahreïn
43
5,4
Mauritanie
Bangladesh Bénin Brunei Burkina Faso Cameroun
147 96
2,1 3,1
-
-
Mozambique Niger Nigeria Oman Ouganda Ouzbékistan Pakistan Palestine Qatar Sénégal Siéra Léon Somalie Soudan Suriname Syrie Tadjikistan Tchad Togo
Comores,
TIes
Côte-d'Ivoire Diibouti Egypte Emirats A. Urus Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Guyana Indonésie Iran Irak
Jorda11Îe Kazakhstan Kirghizistan Kuwait Liban
80 134 134 151 102 105 35 96 128 173 128 126 126 141 178 47 145 166 65
3,5 2,3 2,5 2,0 3,0 2,8 5,9 3,1 1,9 1,6 1,9 2,6 2,6 2,3 1,3 5,1 2.2 1,8 4,3
102
3,0
Source: Transparency
International,
Tunisie Turquie Turkménistan Yémen
,
26 47 117 96
3,1
80
3,5
115 126 115 121 41 126 166 134
2,8
28 85 128 180 173 72 147 151 173 121 52 58 166 141
, 4* 5,5 2,6 1,8 2,5
-
6,5 3,4 1,9 1,0 1,6 3.6 2,1 2,0 1,6 2,7 4,4 4,6 1,8 2,3
-.
hrtp:! h,,~'\v.transparcncy.org
* La note IPC, « Indice de la Perception de la Corruption », est établi tous les ans par l'organisation non gouvernementale « Transparency International» en fonction de la perception des hauts responsables d'affaires et des analystes des pays du monde. Dans cet indice: 10 (probité élevée) 0 (Très corrompu)
155
Dj. Assadi et R. Namazi
Table 6 : L'écart entre les deux sexes dans les pays islamiques en 2007 Global Gender Gap Report 2007, "The Global competitiveness Index"
108 124
156
59
0,6068 0,5675 0,6781
115
0,5931
Ban laclesh Bétlln Brunei Burkina Faso Cameroun Comores, lies Côte-d'I voire Dïbouci E te EmÎrats A. Unis Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Gu 'ana Indonésie Iran Irak
100
0,6314
117
0,5912
orclanie Kazakhstan Kir lcizistan Kuwait Liban
120 105
0,5809 0,6184
92
0,6421
81 118
0,6550 0,5903
104 32
0,6703 0,6983
96
0,6409
92 99 112
0,6444 0,635 0,6019
Maroc
122
0,5676
Mauritanie
111
0,6022
107 119
0,6122 0,5903
41 126
0,6921 0,5509
109
0,6041
103
0,6216
102 121 79 128
0,6783 0,5768 0,6578 0,4510
' mstan
Source: Global Gender Gap Report 2007, "The Global competitiveness Index", published every year by the "World Economic Report", reports on competitive potential of countries of the world in the global economy
Présentation
Table 7 : L'état de la démocratie
~Albanie Algérie Arabie Saoudite Azerbaïdjan
3 6 7 6
Bahreïn
5
Bangladesh
4
Bénin
2
Brunei Burkina Faso Cameroun Comores, IIes Côte-d'Ivoire Djibouti Egypte Emirats A. Unis Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Guvana Indonésie Iran Irak
6 5 6 4 6 5 6 6 6 4 7 4 2 3 6 6
Jordanie Kazakhstan Kirghizistan Kuwait Liban
5 6 6 4 6
3 5 7 5 5
dans les pays islamiques en 2008
. Pas libre Pas libre
Malaisie ~Maldives Mali Maroc
2 5
En partie libre
Mauritanie
Mozambique
.4
4 5 5 5 6 4 4 5 4 3 4 6 6 4 5
+ 5
générale des pays islamiques
libre
En partie libre
En partie Pas libre En partie Pas libre Pas libre En partie En partie Pas libre En partie Ubre Œlibre
libre libre
libre libre libre
Pas libre En partie libre Pas libre Pas libre Rn partie libre Pas libre
2 4
bre Pas libre Libre En partie libre
6
5
Pas libre
3
3
~partie libre
Nigeria Oman Ouganda Ouzbékistan Pakistan Palestine Qatar Sénégal Siéra Léon Somalie Soudan Suriname Syrie Tadjikistan Tchad Togo
4 6 5 7 6 6 2 3 6 7 2 7 6 6 5
4 5 4 6 5 5 3 3 7 7 2 7 5 5 5
En partie libre Pas libre En partie libre Pas libre Pas libre
Tunisie Turquie Turkménistan Yémeu
6 3 7 5
5 3 7 5
Pas libre En partie libre Pas libre En partie libre
Niger 3 3
partie libre
Pas libre Ubre En partie libre Pas libre ~bre Pas libre Pas libre Pas libre En partie libre
n
PR : Political rights (droits politiques), CL : Civilliberties Le score va de 1, le plus libre, à 7, le moins libre Source: Freedomhouse.org
(libertés civiles)
157
Dj. Assadi et R. Namazi
Table 8: Environmental
Performance
Index 2008
.
Albanie
158
-
-
~udite Azerbaïdjan
78
72,8
80
72,2
Bahrefu
125 127
58,0 56,1
144 114
44,3 63,8
-
-
Bangladesh Bénin Brunei Burkina Faso Cameroun Comores, Iles Côte-d'l voire Djibouti Egypte Emirats A. Unis Gabon Gambie
Ma1ai:;ie Maldive:; Mali Maroc
27
84.0
-
-
145
44.3 72,1
Mauritanie
81 146 135 149 126 91 117 107 124 115 147
103 139 71 112 64
65,2 50,5 76,3 64,0 77,3
Mozambique Niger Nigeria Oman Ouganda Ouzbékistan Pakistan Pa1estine Qatar Sénégal Siéra Léon
44,2 53,9 39,1 56,2 70,3 61,6 65,0 58} -
62,8 40,0
-
-
Somalie
-
-
Guinée Guinée Bissau Guyana Indonésie Iran Irak
138 140 108 102 67 134
Soudan Suriname Syrie Tadjikistan Tchad Togo
129 99 79 143 116
55,5
Jordanie Kazakhstan Kirghizistan Kuwait
70 106 94 111
51,3 49,7 64,8 66,2 76,9 53,9 76,5 65,0 69,6 64,5
Tunisie Turquie Turkménistan Yémen
60 72 85 141
Liban
90
70,3
--
SOURCE: Yale University hup: / /www.photius.com/rankings/ 2008.html,
environmental
68,2 72,3 45,9 62,3 78,1 75,9 71,3 49,7
performance
index
Présentation
générale des pays islamiques
Table 9 : World press freedom index 2008
78 83 88 144 121 143 100 102 130 102 71 26,00 89,17 67,00 24,00 17
80 155 150 132 90 78 126 149 133
19,25 66,50 60,75 42,50 23,00 19,00 39,50 59,00 44,00
145 113 109 95
55,00 33,00 30,00 23,75 57,50 25,00 93,50 46,25
147 98 165 136
159
Dj. Assadi et R. Namazi
Tables 10: Communication:
Télévision et Radio
263 257
160
Ban ladesh Bénin Brunei Burkina Faso Cameroun Comores, Iles Côte-d'! voire Djibouti Egypte Emirats A. Dnis Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Gu ana !ndonésie lran Irak ordanie Kazakhstan Kirghizistan Kuwait Liban
446 7 44 637 11 34 4 65 48 170 3D\} 251 3 47 70 143 154 82 83 240
394 52 43 468 155 165 229 271 395
49
113
480
633
355
907
e Tadïkistan Tchad Togo Tunisie Tur oie Turkménista n Yémen
866 41 13 14 173 241 68 328 1 22 190 328
450 141 274 53 480 728 278 143 236 244 158 510
198
289
286
64
* Per 1000 personnes ** Per 1000 personnes Source: The WorldAlamanac 2009, (New York: Reader's Digest, 2009)
Présentation
Tables Il : Communication:
Djibouti Egypte EtIÙiats A. Unis Gabon Gambie Guinée Guinée Bissau Gu 'ana Indonésie Irnn l.rak ordanie Kazakhstan Kirghizistan Kuwait Liban
Téléphone
générale des pays islamiques
et Internet
81200 353600 3100000 4000000
4400000 33200 85000
1300000
2400000
194200 1200000 110300 80200
34900 67000 240000 1600000 268100 162300 1800000 4900000
19100 260900 10800 11200000 1400000 26500 76400 26300 4600 110100 17800000 23800000 1030000 585500 3200000
237400 269100 24000 100000 345200 81500 3500000 280200 13000 82100 1300000 18400000
482100
750000
517000
900000
681400
950000
en
161
398100
70000
968300
320000
Source: The WorldAlamanac 2009, (New York: Reader's Digest, 2009)
I
Annexe
1- Votes du 1er tour et 2ème tour des élections de 2005
I
présidentielles
2- Discours de Mahmoud Ahmadinejad 61ème assemblée générale de l'ONU: 19 septembre 2006. Questions Critiques
Présenté par Ata Ayati
Annexe
Tableau
Rang I 1 3 4 5 6 7 8 9 10 11 11 13 14 15 16 17 18 19 10 11 ?? 13 14 15 16 17 18 29 30
1 : % de vote aux candidats
ville .\zerbaïdjan E .\zerbaïdjan 0 .\rdébil Ispahan ]rlam Booshehr Téhéran Bakh rial; Khorasan du S Khor. Razavie Khor.du N Muzestan Zanjan Semnan Baloutchistan Fars Ghazvin Qom Kurdistan Kelman Kennanshah Boyerahmad Golestan Gilan Larestan I>!azandéran ,Iarkazi Honnozgan Hamadan Yazd Total du pays
de 20051
.\hmadineiad 1~,51 8,93 6,93 ~3,63 10,81 19,59 18,63 11,35 3~,9~
Karobi 8,91 11,81 10,95 10,69 36,18 13,33 7,91 19,84 9,51
Ghalibaf 8,93 16,74 11,59 10,79 13,71 11,16 11,71 16,94 16,86
Main 13,90 17,~1 13,6~ 1068 18,88 16,30 11,37 11,78 13,50
Larijani 1,05 1,83 1,58 3,99 1,16 1,95 4,69 6,11 1,96
Mahralizadeh 17,68 19,33 11,65 16,5 ],06 1,]7 5,37 1,33 1,96
Rafsanjani 19,67 17,95 19,~0 lMO 13,55 13,16 14,31 16,16 19,68
14,58 6,44 14,85 10,06 33,16 5,~6 13,18 31,69 53,38 5,79 10,85 9,16 10,81 7,85 1~,03 8,54 11,58 11,99 13,74 36,95 9,18 19,~3
11,49 15,1-1 34,3~ 13,51 8,76 8,80 19,70 15,63 5,17 28,83 11,81 33,30 30,31 26,77 19,20 53,93 7,50 17,32 28,75 26,5~ 11,25 17,14
33,86 18,09 9,~5 15,3~ 11,53 7,84 14,86 14,83 5,37 11,68 9,~0 15,08 16,42 12,10 16,15 8,60 8,~9 11,90 4,10 8,88 14,10 13,90
11,91 10,~8 9,45 14,76 8,98 54,78 Il,79 13,10 5,80 14,07 ~,~ 13,95 16,01 21,69 17,16 6,58 10,79 10,86 1~,90 10,17 11,76 13,88
3,04 4,74 3,73 4,91 6,83 1,85 3,33 3,~6 1,17 1,01 1,01 1,88 6,38 5,85 4,71 3,81 33,80 2,85 11,67 1,91 1,96 5,85
1,33 1,30 1,18 3,99 1,31 0,83 1,21 ~,71 3,01 1,65 1,65 1,61 0,~9 1,1~ 3,10 0,84 1,34 1,33 1,57 1,50 0,11 ~,39
10,36 1976 10,~0 13,80 13,60 17,7~ 11,90 10,87 21,68 13,99 ~0,31 17,90 17,65 21,51 10,29 1~,84 11,68 13,73 11,15 11,~3 16,43 11,13
I Voir, Atelat siyasi-eghtesadi, n0213-214,
au 1er tour des élections présidentielles
1354, pp.6-14.
« entekhabat
shégaftangiz
va gijkonadeh
», S. Kalantari.
Tableau 20052
tan~
vilies
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Il 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
_,zerbaïdjan E. Azerbaïdjan O. _,rdébil Ispahan Idam Booshehr Téhéran Bakhtiari Khorasan du S Khor. Razavie Khor,du N Khuzestan Zan'an Semnan Baloutchistan Fars Ghazvin Qom Kurdistan Kelman Kelmansh.h Bo)'eralunad Golestan Gilan Lorestan Mazandéran Markazi HOlmozgan Hamadan Yazd Total dn pa 'S
??
23 24 25 26 27 28 29 30 total
2
2: les votes de Mahmoud
1er tour 14,51 8,92 6,92 34,63 10,81 19,58 28,63 22,35 34,94 14,58 6,44 14,84 20,06 33.16 5,46 13,17 22,69 53,38 5,79 10,85 9,16 10,81 7,85 14,03 8.54 11,57 26,79 12,99 23,74 36,94 19,43
Voir, Atelat siyasi-eghtesadi.
Idem.
Ahmadinejad
et Hashami
Candidats Ahmadinejad variation 2éme tour 67,98 +53,47 60,18 +56,01 62,93 +56,01 71,82 +28,19 51,20 +40,39 55,81 +36,23 61,10 +32,47 71,80 +49,45 66,30 +31,36 63,79 +49,22 +53,29 59,73 60,75 +45,91 67,61 +47,55 71,69 +38,55 44,36 +38,9 57,13 +43,96 72,80 +50,11 73,15 +19,77 49,60 +13,99 50,71 +39,86 48,59 +39,43 61,23 +50,42 53,63 +45,78 64,34 +50,31 49,69 +41,15 64,57 +52,99 69,69 +43,17 59,67 +46,68 70,40 +46,66 +29,87 66,81 42,26 61.69
Rafsanjani
1er tour 19,67 19,40 19,14 14,20 13,55 23,16 24,31 16,16 19,68 20,36 19,76 20,39 23,80 23,60 17,74 21,90 20,87 21,67 13,99 40,32 17,90 17,65 21,51 20,29 14,84 22,68 23,72 12,25 21,42 16,43 21,13
au 2ème tour de
Rafsanjani 2éme tour 29,55 34,71 34,71 25,78 45,80 41,81 36,62 26,48 32,31 34,43 38,59 35,69 30,47 26,17 54,38 40,44 25,45 25,04 42,37 47,97 47,02 37,24 44,30 32,98 47,76 33,50 28,32 37,70 27,62 30,77 35,93
variation +9,87 +17,17 +15,31 +11,87 +32,25 +18,65 +12,31 +10,32 +12,63 +14,07 +18,83 +15,3 +6,67 +2,57 + 36,64 +18,54 +4,58 +3,37 +28,38 +7,65 +29,12 +19,59 +22,79 +12,69 + 32,92 +10,82 +4,61 +25,45 +6,20 +14,34 +14,8
Annexe
Discours de Mahmoud Ahmadinejad 61ème assemblée générale de l'ONU: 19 septembre 2006. Questions
Critiquel.
Madame la Présidente, Distingués Chefs d'Etat et de Gouvernement,
166
Excellences, Mesdames et Messieurs, Je remercie Dieu Tout-Puissant, Miséricordieux et ConnaissantTout pour avoir bien voulu me donner une nouvelle occasion de m'adresser à cette Assemblée au nom de la grande nation d'Iran et de porter à l'attention de la communauté internationale un grand nombre de problèmes. Je remercie aussi le Tout-Puissant pour la vigilance croissante des peuples sur Terre, pour leur présence courageuse dans différents cadres internationaux et pour l'expression courageuse de leurs points de vue et de leurs aspirations sur les questions globales. Aujourd'hui, l'humanité a passionnément soif d'un engagement vers la Vérité, la dévotion à Dieu, la quête de la Justice et le respect de la dignité des êtres humains. Le rejet de la domination et de l'agression, la défense des opprimés et l'aspiration à la paix constituent l'exigence légitime des peuples du monde, en particulier des nouvelles générations et de la jeunesse pleine d'entrain, qui aspire à un monde libéré de la décadence, de l'agression et de l'injustice, et qui soit rempli d'amour et de compassion. La jeunesse a le droit de rechercher la justice et la Vérité; et Ues jeunes] ont le droit de construire leur propre futur sur les fondations de l'amour, de la compassion et de la tranquillité. Et je remercie le ToutPuissant de cette immense bénédiction.
3 Version française: JFG-Question Critique: http:// queJtionJm"tiqueJfreefr/ discourJ/ Mahmoud Ahmadin~iad 906.htm
Iran Onu 190
Madame la Présidente, Excellences, Ce qui afflige l'humanité aujourd'hui n'est certainement pas compatible avec la dignité humaine; le Tout-Puissant n'a pas créé les êtres humains pour qu'ils commettent des pêchés contre d'autres et qu'ils les oppressent. En causant la guerre et les conflits, certains étendent rapidement leur domination, accumulant une très grande richesse et usurpant toutes les ressources, tandis que les autres endurent la pauvreté, la souffrance et la misère qui en résultent. Certains cherchent à diriger le monde par les armes et la menace, tandis que d'autres vivent dans l'insécurité et le danger perpétuels. Certains occupent la terre des autres, à des milliers de kilomètres de leurs frontières, interfèrent dans leurs affaires et contrôlent leur pétrole et autres ressources et routes stratégiques, tandis que d'autres sont bombardés quotidiennement dans leurs maisons; leurs enfants sont assassinés dans les rues et les ruelles de leur propre pays et leurs maisons sont réduites à l'état de gravats. Un tel comportement n'est pas digne des êtres humains et va à l'encontre de la Vérité, de la justice et de la dignité humaine. La question fondamentale est: dans de telles conditions où les opprimés doivent-l rechercher la justice? Qui ou quelle organisation défend les droits d( opprimés? Et qui réprime les actes d'agression et d'oppression? Où c trouve le siège de la justice mondiale? Un rapide coup d'oeil à quelques exemples sur les questions mondiales les plus pressantes est nécessaire pour mieux illustrer ce problème. A. L'expansion effrénée des armes nucléaires, chimiques et biologiques. Certaines puissances annoncent la production d'armes nucléaires de deuxième ou troisième génération. Pour quelle raison ontelles besoin de ces armes? Est-ce que le développement et le stockage de ces armes de mort sont destinés à promouvoir la paix et la démocratie? Ou ces armes sont-elles, en fait, des instruments de coercition et de menace contre les autres peuples et gouvernements? Combien de temps les habitants du monde doivent-ils vivre dans le cauchemar des armes nucléaires, biologiques et chimiques? Qu'est-ce qui limite les puissances à produire et à posséder ces armes? Comment peuvent-ils rendre des comptes à la communauté internationale? Et les habitants de ces pays sont-ils satisfaits du gaspillage de leur richesse et de leurs ressources pour la production de tels arsenaux destructeurs? N'est-il pas possible de compter sur la justice, la morale et la sagesse plutôt que sur ces
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Annexe
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instruments de mort? La sagesse et la justice ne sont-elles pas plus compatibles avec la paix et la tranquillité que les armes nucléaires, chimiques et biologiques? Si la sagesse, la morale et la justice prévalent, alors l'oppression et l'agression seront déracinées, les menaces s'évanouiront et il ne restera aucune raison pour [qu'il y ait] des conflits. Ceci est une proposition forte parce que la plupart des conflits globaux émanent de l'injustice et des puissants qui, ne se contentant pas de leurs propres droits, cherchent à dévorer les droits des autres. Les gens sur toute la planète embrassent la justice et sont prêts à se sacrifier pour elle. Afin d'assurer leur longévité et de gagner les cours et les esprits, ne serait-il pas plus facile pour les puissances mondiales de prendre fait et cause pour la véritable promotion de la justice, de la compassion et de la paix, plutôt que de rechercher la prolifération continuelle des armes nucléaires et chimiques et de menacer de les utiliser? L'expérience de la menace et de l'utilisation des armes nucléaires est devant nous. Est-ce que cela a permis à leurs auteurs d'accomplir autre chose que l'exacerbation des tensions, de la haine et de l'animosité entre les nations? B. L'occupation de pays et l'exacerbation des hostilités L'occupation de pays, y compris l'Irak, s'est poursuivie pendant ces trois dernières années. Pas un seul jour ne passe sans que des centaines de personnes ne soient tuées de sang-froid. Les occupants sont incapables d'établir la sécurité en Irak. Malgré l'établissement du Gouvernement et de l'Assemblée Nationale légaux de l'Irak, il y a des efforts secrets et manifestes pour intensifier l'insécurité, exagérer et aggraver les différences au sein de la société irakienne et conduire au conflit civil. Il n'y a aucune indication que les occupants aient la volonté politique nécessaire pour éliminer les sources de l'instabilité. De nombreux terroristes ont été appréhendés par le Gouvernement irakien, seulement pour être lâchés en liberté sous divers prétextes par les occupants. Il semble que l'intensification des hostilités et du terrorisme serve de prétexte à la présence continue des forces étrangères en Irak. Où les Irakiens peuvent-ils chercher refuge? Et de qui le Gouvernement de l'Irak devrait-il chercher la justice ? Qui peut assurer la sécurité de l'Irak? L'insécurité en Irak affecte toute la région. Est-ce que le Conseil de Sécurité peut jouer un rôle pour restaurer la paix et la sécurité en Irak, tandis que les occupants sont eux-
mêmes des membres permanents de ce Conseil? Le Conseil de Sécurité peut-il adopter une décision juste à cet effet? Considérez la situation en Palestine: Les racines du problème palestinien remontent à la Deuxième Guerre Mondiale. Au prétexte de protéger quelques survivants de cette Guerre, la terre de Palestine a été occupée par la guerre, l'agression et le déplacement de millions de ses habitants; cela s'est fait sous le contrôle de certains survivants de la Guerre, amenant même d'ailleurs dans le monde des groupes plus grands de population, qui n'avaient pas été affectés par la Deuxième Guerre Mondiale; et un gouvernement a été établi sur le territoire des autres avec une population rassemblée de partout dans le monde aux dépends de millions d'habitants légitimes de cette terre qui ont été dispersés et se sont retrouvés sans abri. Ceci est une très grande tragédie avec peu de précédent dans l'Histoire. Les réfugiés continuent de vivre dans des camps temporaires de réfugiés et beaucoup d'entre eux sont morts en espérant encore un jour retourner sur leur terre. Peut-il y avoir une logique, une loi ou un raisonnement légal qui justifie cette tragédie? N'importe quel membre des NationsUnies pourrait-il accepter qu'une telle tragédie se produise dans sa propre patrie? Les prétextes qui ont prévalu à la création du régime occupant Al-Qods AI-Sharif sont si faibles que ses partisans veulent faire taire toute voix qui essaye seulement d'en parler, puisqu'ils s'inquiètent qu'en faisant la lumière sur ces faits, cela saperait la raison d'être de ce régime, ce qu'il a fait. Cette tragédie ne s'arrête pas avec l'établissement d'un régime sur le territoire des autres. Il est regrettable que ce régime, depuis ses débuts, ait été une source constante de menace et d'insécurité dans la région du Proche-Orient, livrant des guerres et répandant le sang et empêchant le progrès des pays de la région. Et il a aussi été utilisé par certaines puissances comme instrument de division, de coercition et de pression sur les habitants de cette région. La référence à ces réalités historiques pourraient causer l'inquiétude parmi les supporters de ce régime. Mais ce sont des faits véritables et pas un mythe. L'Histoire s'est déroulée sous nos yeux. Encore pire est le soutien sans condition et injustifié donné à ce régime. Regardez seulement ce qui arrive à la terre palestinienne. Les gens sont bombardés dans leurs propres maisons et leurs enfants assassinés dans leurs propres rues et ruelles. Mais aucune autorité, pas
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Annexe
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même le Conseil de Sécurité, ne peut leur offrir soutien ou protection. Pourquoi? En même temps, un gouvernement est formé démocratiquement et au moyen du libre choix de l'électorat, sur une partie du territoire palestinien. Mais au lieu de recevoir le soutien des soidisant défenseurs de la démocratie, ses ministres et membres du parlement sont arrêtés illégalement et incarcérés à la vue et au su de la communauté internationale. Quel conseil ou organisation internationale se lève pour protéger ce gouvernement assiégé brutalement? Et pourquoi le Conseil de Sécurité ne peut-il prendre aucune mesure? Permettez-moi de parler du Liban: Pendant trente-trois longs jours, les Libanais ont vécu sous un déluge de feu et de bombes et près de 1,5 millions d'entre eux ont été déplacés; Pendant ce temps, certains membres du Conseil de Sécurité ont pratiquement choisi une voie qui a donné une ample occasion à l'agresseur de remplir ses objectifs militaires. Nous avons été témoins que le Conseil de Sécurité des Nations-Unies était pratiquement paralysé par certaines puissances pour ne serait-ce qu'appeler à un cessez-le-feu. Le Conseil de Sécurité est resté les bras croisés pendant tant de jours, assistant aux scènes cruelles d'atrocités contre les Libanais tandis que des tragédies telles que Cana se répétaient continuellement? Pourquoi? Dans tous ces cas, la réponse coule de source. Lorsque la puissance qui se trouve derrière ces hostilités est elle-même un membre permanent du Conseil de Sécurité, alors comment ce Conseil peut-il assumer ses responsabilités? C. Le manque de respect pour les droits des membres de la communauté internationale.
Excellences, Je voudrais à présent parler de quelques-uns des griefs du peuple iranien et parler des injustices qui leur sont faites. La République Islamique d'Iran est membre de l'AlEA et est s'engagée dans le TNP. Toutes nos activités nucléaires sont transparentes, pacifiques et [se déroulent] sous les yeux scrutateurs des inspecteurs de l'AlEA. Alors pourquoi y a-t-il des objections à nos droits légalement reconnus? Quels gouvernements s'opposent à ces droits? Des gouvernements qui bénéficient eux-mêmes de l'énergie nucléaire et du cycle du carburant. Certains d'entre eux ont abusé de la technologie
nucléaire à des fins non-pacifiques, y compris la production de bombes nucléaires, et certains ont même un sombre passé pour les avoir utilisées contre l'humanité. Quelle organisation ou quel Conseil devrait s'occuper de ces injustices? Le Conseil de Sécurité est-il en position de le faire? Peut-il faire cesser les violations des droits inaliénables des pays? Peut-il empêcher certaines puissances d'entraver le progrès scientifique des autres pays? L'abus du Conseil de Sécurité, en tant qu'instrument de menace et de coercition, est certainement une source sérieuse d'inquiétude. Certains membres permanents du Conseil de Sécurité, même lorsqu'ils sont eux-mêmes parties des querelles internationales, menacent de façon commode les autres avec le Conseil de Sécurité et déclarent, même avant toute décision du Conseil, la condamnation de leurs opposants par le Conseil. La question est: qu'est-ce qui peut justifier une telle eXploitation du Conseil de Sécurité et qui n'érode pas la crédibilité et l'efficacité du Conseil? Une telle attitude peut-elle contribuer à la capacité du Conseil à maintenir la sécurité? Excellences, Un passage en revue des réalités historiques précédentes conduirait à la conclusion que, malheureusement, la justice est devenue la victime de la force et de l'agression. De nombreuses dispositions internationales sont devenues injustes, discriminatoires et irresponsables, en tant que conséquence de la pression excessive de la part de certains des puissants; Les menaces d'utiliser les armes nucléairesl et autres instruments de guerre par certaines puissances ont pris la place du respect des droits des nations et du maintien et de la promotion de la paix et de la tranquillité; Pour certaines puissances, les revendications de la promotion des droits de l'homme et de la démocratie ne peut durer que tant qu'ils peuvent être utilisés comme instruments de pression et d'intimidation contre les autres nations. Mais lorsque l'on en arrive aux intérêts des demandeurs, les concepts tels que la démocratie, le droit à l'autodétermination des nations, le respect des droits et de l'intelligence des peuples, de la loi internationale et de la justice ne trouvent aucune place ou valeur. Cela se manifeste ouvertement avec la façon dont le Gouvernement élu du peuple palestinien est traité, de même que dans le soutien étendu au régime sioniste. Peu importe que les gens soient assassinés en Palestine, transformés en réfugiés, capturés, emprisonnés ou assiégés! Les droits de l'homme ne doivent pas être violés.
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Annexe
-
Les nations ne sont pas égales dans l'exercice de leurs droits
reconnus par la loi internationale. de certaines puissances majeures. -
Apparemment,
Jouir de ces droits dépend
des caprices
le Conseil de Sécurité ne peut être utilisé que
pour assurer la sécurité et les droits de quelques grandes puissances. Mais lorsque les opprimés sont décimés sous les bombes, le Conseil de Sécurité doit se tenir à l'écart et ne doit même pas appeler à un cessez-lefeu. N'est-ce pas une tragédie aux proportions historiques pour le Conseil de Sécurité, qui a la charge de maintenir la sécurité des pays? L'ordre qui prévaut dans les interactions mondiales contemporaines est tel que certaines puissances se comparent ellesmêmes à la communauté internationale et considèrent que leurs décisions priment sur 180 pays. Elles se considèrent comme les maîtres et les dirigeants du monde entier et les autres nations comme étant seulement de second ordre dans l'ordre du monde.
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Excellences, La question doit être posée: si les Gouvernements des EtatsUnis et du Royaume-Uni, qui sont des membres permanents du Conseil de Sécurité, commettent des agressions, occupent des pays et violent la loi internationale, quels sont les organes de l'ONU qui peuvent prendre leurs violations en compte? Un Conseil, dans lequel elles sont des membres privilégiés, peut-il traiter de ces violations? Cela est-il jamais arrivé? En fait, nous avons régulièrement assisté à l'inverse. Si elles ont des différents avec une nation ou un Etat, elles le traîne devant le Conseil de Sécurité et, en tant que de mandeurs, elles s'arrogent à elles-même les rôles simultanés de procureur, de juge et d'exécuteur. Est-ce un ordre juste? Peut-il y avoir un cas plus flagrant de discrimination et une preuve plus limpide de l'injustice ? Il est regrettable que la persistance de certaines puissances hégémoniques à imposer leur politique d'exclusion sur les mécanismes internationaux de prise de décision, y compris le Conseil de Sécurité, ait résulté en une défiance grandissante dans l'opinion publique mondiale, sapant la crédibilité et l'efficacité de ce système le plus universel de sécurité collective. Excellences, Combien de temps peut durer une telle situation dans le monde? Il est évident que le comportement de certaines puissances constitue le
plus grand défi pour le Conseil de Sécurité, l'ensemble de l'organisation et de ses agences affiliées. La structure actuelle et les méthodes de travail du Conseil de Sécurité, qui sont les héritages de la Deuxième Guerre Mondiale, ne sont pas les réponses aux espérances de la génération actuelle et aux besoins contemporains de l'humanité. Aujourd'hui, il est indéniable que le Conseil de Sécurité, de la manière la plus cruciale et la plus urgente, a besoin de légitimité et d'efficacité. Il faut reconnaître que tant que le Conseil est incapable d'agir, d'une manière transparente, juste et démocratique, au nom de la communauté internationale dans son ensemble, il ne sera ni légitime, ni efficace. De plus, la relation directe entre l'abus du veto et l'érosion de la légitimité et de l'efficacité du Conseil n'a pas été clairement et incontestablement établi. Nous ne pouvons pas, et nous ne devrions pas, espérer l'éradication, ou même contenir l'injustice, l'exploitation et l'oppression, sans une réforme de la structure et des méthodes de travail du Conseil. Est-il approprié d'espérer que cette génération se soumette aux décisions et aux arrangements établis il y a plus d'un demi-siècle? Cette génération ou les générations futures n'ont-elles pas le droit de décider elles-mêmes du monde dans lequel elles veulent vivre? Aujourd'hui, une reforme sérieuse de la structure et des méthodes de travail du Conseil de Sécurité est, plus que jamais auparavant, nécessaire. La justice et la démocratie imposent que le rôle de l'Assemblée Générale, en tant qu'organe le plus élevé des NationsUnies, doit être respecté. L'Assemblée Générale pourra alors, au moyen de mécanismes appropriés, entreprendre la tâche de réformer l'Organisation et, en particulier, sauver le Conseil de Sécurité de son état actuel. Dans l'intérim, le Mouvement des Non-Alignés, l'Organisation de la Conférence Islamique et le continent africain devraient chacun avoir un représentant comme membre permanent du Conseil de Sécurité, avec le privilège du veto. L'équilibre qui en résulterait empêcherait, avec un peu de chance, de fouler un peu plus les droits des nations. Madame la Présidente, Excellences, Il est essentiel que la spiritualité et la morale trouvent leur place légitime dans les relations internationales. Sans la morale et la spiritualité, atteintes à la lumière des enseignements des prophètes de Dieu, la justice, la liberté et les droits de l'homme ne peuvent être garantis.
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Annexe La résolution des crises humaines contemporaines résident dans l'observation de la morale et de la spiritualité et dans la gouvernance par des gens vertueux de haute compétence et piété. Si le respect des droits de l'homme devenait l'objectif prédominant, alors l'injustice, les mauvaises humeurs, l'agression et la guerre s'estomperaient. Les êtres humains sont tous des créatures de Dieu et ils sont tous dotés de la dignité et du respect. Personne n'est supérieur aux autres. Aucun individu ou Etat ne peut s'arroger de privilèges spéciaux, ils ne peuvent pas non plus rester indifférents aux droits des autres et, par l'influence et la pression, se positionner comme la "communauté internationale". Les citoyens de l'Asie, de l'Afrique, de l'Europe et de l'Amérique sont tous égaux. Plus de six milliards d'habitants de la Terre sont tous égaux et méritent le respect. La justice et la protection de la dignité humaine sont les deux piliers pour maintenir une paix, une sécurité et une tranquillité durables dans le monde.
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C'est pour cette raison que nous déclarons: Une paix et une tranquillité durables dans le monde ne peuvent être atteintes qu'au moyen de la justice, de la spiritualité, de la morale, de la compassion et du respect de la dignité humaine. Toutes les nations et tous les Etats ont droit à la paix, au progrès et à la sécurité. Nous sommes tous membres de la communauté internationale et nous sommes tous habilités à insister sur la création d'un climat de compassion, d'amour et de justice. Tous les membres des Nations-Unies sont affectés par les événements et les développements dans le monde d'aujourd'hui, qu'ils soient cruels ou doux. Nous pouvons adopter des décisions fermes et logiques, pour les améliorant de ce fait les perspectives d'une vie meilleure générations actuelles et futures. Ensemble, nous pouvons éradiquer les racines des maladies et des affections cruelles, et à la place, au moyen de la promotion des valeurs universelles et durables telles que la morale, la spiritualité et la justice, permettre à nos nations de goûter à la douceur d'un avenir meilleur. Les peuples, conduits par leur nature divine, recherchent au fond d'eux Dieu, la Vertu, la Perfection et la Beauté. En nous reposant sur nos peuples, nous pouvons avancer à pas de géant vers la réforme et paver la route pour la perfection humaine. Que nous soyons ou non d'accord, la
justice, la paix et vertu prévaudront tôt ou tard, avec la volonté de Dieu Tout-Puissant. Il est impératif, et aussi souhaitable, que nous contribuions aussi à la promotion de la justice et de la vertu. Le Dieu Tout-Puissant et .Miséricordieux, qui est le Créateur de l'Univers, est aussi son Maître et son Dirigeant. La Justice est Son commandement. Il commande à Ses créatures de se soutenir entre elles dans la Bonté, la vertu et la piété, et non pas dans la décadence et la corruption. Il commande à Ses créatures de s'enjoindre les unes les autres à la droiture et à la vertu et non pas au pêché et à la transgression. Tous les prophètes Divins, du prophète Adam (que la paix soit sur lui) au prophète Moïse (que la paix soit sur lui) au prophète Jésus Christ (que la paix soit sur lui) au prophète Mohammed (que la paix soit sur lui), ont appelé l'humanité au monothéisme, à la justice, à la fraternité, à l'amour et à la compassion. N'est-il pas possible de construire un monde meilleur, basé sur le monothéisme, la justice, l'amour et le respect des droits des êtres humains, et ainsi transformer l'animosité en amitié? Je déclare catégoriquement que le monde d'aujourd'hui, plus que jamais auparavant, se languit de personnes justes et vertueuses avec de l'amour pour toute l'humanité; et, par-dessus tout, tous se languissent de l'être humain vertueux et parfait et du réel sauveur qui a été promis à tous les peuples et qui établira la justice, la paix et la fraternité sur la planète. Dieu Tout-Puissant, tous les hommes et les femmes sont Tes créatures et Tu as décrété qu'ils seraient guidés et secourus. Confère à l'humanité, qui a soif de justice, l'être humain parfait promis à tous par Toi! Et fais de nous ses adeptes et ceux qui recherchent son retour et sa cause!
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Annexe
note:
1
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont déclaré qu'il était possible d'utiliser l'arme atomique contre des Etats "terroristes" qui ne la possède pas. Questions Critiques * Kofi Annan http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfsl sgstatement-f.pdf * Hugo Chavez, République Bolivarienne du Venezuela http://questionscritiques.free.frldiscours/Hugo Chavez ONU Bush Diable 200906.htm * Luiz Inacio Lula da Silva, République Fédérative du Brésil http://questionscritiques.free.frldiscours/Lula da Silva Bresil ONU 190906.htm * Jacques Chirac République Française 176 http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfs I france-f.pdf * Denis Sassou Nguesso, République du Congo http://www.un.org/webcast/ga/61/pdfs/republic congo-f.pdf * Moritz Leuenberger, Confédération Suisse http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfsl swiss confederation-f.pdf * Karel De Gucht, ministre des affaires étrangères de Belgique http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfs/belgium-f.pdf * General Emile Lahoud, République du Liban http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfs/lebanese republic-f.pdf * Pierre Nkurunziza, République du Burundi http://www.un.org/webcast/ga/61/pdfs/republique burundi-f.pdf * Marc Ravalomanana, République de Madagascar http://www.un.org/webcast/ga/61/pdfs/republique madagascarf.pdf * Stephen Harper, Canada http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfsl canada-f.pdf * Sidi Mohamed Ould Boubacar, République Islamique de Mauritanie http://www.un.org/webcast/ gal 61 Ipdfs/islamique mauritanie-f.pdf * Ahmed Abdallah Sambi, Union des Comores http://www.un.org/webcast/ga/61/pdfs/union comoros-f.pdf
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