Marc Rapin Jean-Marc Noël
ÉNERGIE
ÉOLIENNE Principes • Études de cas Préface de Jean-Louis Bal
Énergie solaire photo...
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Marc Rapin Jean-Marc Noël
ÉNERGIE
ÉOLIENNE Principes • Études de cas Préface de Jean-Louis Bal
Énergie solaire photovoltaïque 4e édition ANNE LABOURET, MICHEL VILLOZ 384 pages Dunod, 2009
La géothermie JEAN LEMALE 320 pages Dunod, 2009
Ouvrage publié avec le concours de l’ADEME
© Dunod, Paris, 2010 ISBN 978-2-10-055060-9
PRÉFACE
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
A En France, la contribution des énergies renouvelables (EnR) représente un peu plus de 10 % de la consommation nationale en énergie finale. Le Grenelle de l’Environnement a défini pour le secteur des EnR l’objectif ambitieux d’augmenter à l’horizon 2020 de 20 millions de tonnes équivalent pétrole leur contribution au bilan national. Combiné à un autre objectif du Grenelle, la réduction de la consommation d’énergie, cette augmentation de production d’EnR devrait permettre de dépasser les 23 % d’EnR fixé par la directive européenne et adoptée en 2009. Pour parvenir à cet objectif, il importe de privilégier les filières les plus proches de la compétitivité sans négliger de préparer l’avenir, c’est-à-dire, l’après 2020. La loi Grenelle a donc proposé une feuille de route où l’éolien et la biomasse contribuent à 80 % de l’objectif. Augmenter la part des EnR dans notre consommation n’a de sens que si cette progression est réalisée dans le respect des critères du développement durable, environnementaux, sociaux et économiques. Les objectifs du Grenelle se traduisent pour l’éolien par un total de 19 000 MW sur terre et de 6 000 MW en mer, soit un total de 8 à 10 000 éoliennes, en respectant trois critères : • environnemental : émissions de gaz à effet de serre évitées, impacts sur la santé humaine, la faune, la flore et le paysage ; • économique : le coût par rapport à l’énergie substituée et, partant, le coût de la tonne de CO2 évitées ; • social : acceptabilité par les populations, développement industriel et création d’emplois. Aujourd’hui, toutes les études et évaluations montrent que la technologie éolienne respecte ces trois critères. Cependant, un certain nombre d’oppositions aux projets éoliens émergent régulièrement, constat tempéré par les enquêtes qui montrent la très bonne perception de l’éolien par les populations à proximité directe des parcs. L’acceptabilité sociale sera certainement un des facteurs essentiels pour atteindre les objectifs. Un autre point essentiel, qui d’ailleurs pourrait concourir à améliorer l’acceptabilité, est celui du développement industriel en France. Si de nombreux emplois français sont liés au développement de l’éolien dans l’industrie électromécanique, il n’existe qu’un seul ensemblier français, Vergnet SA, spécialisée dans l’éolien en zone cyclonique ou difficile d’accès. La France dispose des atouts indispensables à III
B
Préface
l’éclosion d’ensembliers fabriquant sur le territoire national tous les types d’éoliennes existants aujourd’hui ainsi que les très grandes éoliennes destinées aux applications marines. Les emplois dans le secteur sont estimés en 2009 à un peu moins de 9 000, mais ce chiffre pourrait monter jusqu’à 60 000 en 2020 si le marché tient ses promesses et que les entreprises françaises saisissent les formidables opportunités offertes par le Grenelle de l’Environnement. Un des grands mérites de ce livre de MM. Marc Rapin et Jean-Marc Noël est de raconter l’évolution industrielle récente de ce secteur et de nous rappeler les enjeux qui sont liés à l’essor attendu du marché éolien français. Il nous détaille également avec beaucoup de clarté le fonctionnement de ces aérogénérateurs modernes ainsi que la complexe procédure de montage d’un projet dans notre pays. Il s’agit d’une lecture salutaire à un moment où notre société doit amorcer une profonde mutation vers une production d’énergie beaucoup plus propre et une consommation raisonnée. Jean-Louis BAL Directeur des Productions et Énergies Durables ADEME
IV
Table des matières
TABLE DES MATIÈRES
A A Préface
III
Remerciements
VIII
A Les éoliennes modernes : historique et évolution 1 • L’avènement de l’éolien moderne 1.1
Les moulins « américains »
1.2
L’évolution électrique : Poul La Cour, Louis Constantin et autres pionniers
10
1.3
Les premières réalisations
14
2 • Le faux départ de l’après-guerre
3
21
2.1
L’expérience française
21
2.2
Les développements danois et allemand
35
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
3
39
3.1
L’échec des grands prototypes downwind
39
3.2
Les petites machines upwind d’Europe du Nord
42
3.3
L’invasion du marché californien
44
3.4
Et en France… ?
46
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
63
4.1
Le développement des machines de grande puissance
63
4.2
L'évolution du monde éolien
66
4.3
Les développements vers l’offshore
78
V
Table des matières
B L'énergie du vent – Potentiel et conversion 5 • Le potentiel du vent 5.1
La connaissance du vent
5.2
Le gisement éolien
91 91 102
6 • Le potentiel de conversion
111
6.1
La limite de Betz
111
6.2
Caractérisations des éoliennes
114
C L´éolienne – les différents sous-systèmes 7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie 7.1
Structure et dynamique de pale
119
7.2
Aérodynamique de la pale
139
7.3
Aéroélasticité de la pale
146
8 • Le rotor
151
8.1
Fonctionnement du rotor
152
8.2
Comportement dynamique
161
8.3
Conception du rotor
179
9 • Les équipements de la génération électrique
185
9.1
Étapes du développement
186
9.2
Équipements individuels
188
9.3
Équipements couplés aux réseaux
191
9.4
Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
208
Le couplage au réseau
217
9.5
10 • Et pour aller plus loin ? VI
119
221
Table des matières
Annexes A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
227
A.1 Les éoliennes lentes multipales
227
A.2 Les 1res éoliennes rapides
233
A.3 Les développements de l'après-guerre
238
A.4 Après le 1er choc pétrolier
244
B • Montage de projet pour un parc éolien
257
B.1
Aspects techniques et économiques
258
B.2
Aspects environnementaux
263
B.3
Aspects administratifs
270
B.4
Exemple de réalisations
274
B.5
Bibliographie
277
281
Bibliographie
283
Index
293
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
C • Nomenclature
VII
A A
REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Je dédie cet ouvrage à la mémoire de mon grand-oncle, Maurice Marquet, et de mon père, François Rapin, qui m’ont transmis leur passion pour l’aéronautique et son histoire. Je tiens à remercier Jacques Drivière du Laboratoire de Mécanique des Fluides de l’ENSAM Paris pour avoir accompagné mes premiers pas dans l’éolien, Fawaz Massouh et Ivan Dobrev pour les coopérations et échanges actuels et tous mes interlocuteurs. Je tiens plus particulièrement à remercier mes collègues de l’ONERA, anciens et présents, qui ont participé à l’aventure de l’éolien en France et sans qui la matière de cet ouvrage n’aurait pas existé : Edmond Szechenyi qui m’a permis d’entrer à l’Office, Philippe Leconte, Bernard Paluch, Claude Notin, Nicolas Tourjansky et Hervé Vuillemin. MARC RAPIN
VIII
A Les éoliennes modernes : historique et évolution L’objectif de cette partie n’est pas de retracer de façon exhaustive l’avènement des éoliennes actuelles, ce qui a déjà été traité dans d’autres ouvrages, comme l’incontournable «Wind Energy, comes of age » de Paul Gipe. Le but est de replacer certains développements dans leur contexte pour comprendre l’évolution des concepts qui a abouti aux machines actuelles et d’y inscrire les réalisations françaises, parfois citées mais souvent oubliées quoique d’importance.
1 • L’AVÈNEMENT DE L’ÉOLIEN MODERNE
A Les origines de l’éolien moderne se situent à la fin du XIXe siècle avec l’implantation massive partout dans le monde de petites machines de pompage. Pourquoi choisir de les situer à cette époque ? Simplement parce qu’au siècle des Lumières, l’utilisation du vent avait perdu de son aura face aux formidables développements industriels de l’époque. Il restait pourtant encore des milliers de moulins traditionnels dans toutes les campagnes… Et progressivement, de nouvelles petites machines sont apparues pour répondre à un besoin essentiel : la maîtrise de l’utilisation de l’eau. La présence de l’ensemble de ces moulins a sans nul doute marqué de façon importante et durablement l’inconscient collectif en nous familiarisant avec l’idée même de cette forme d’exploitation du vent. La marche vers l’éolien moderne pouvait commencer.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1.1 Les moulins « américains » Ces moulins utilisés pour exploiter l’eau, dit « américains », sont tous similaires dans leur principe : être robuste et pouvoir fonctionner - et donc s’orienter - de façon autonome. Le rotor est multipale pour obtenir un couple de démarrage élevé avec de faibles vitesses de vent. Un système d’effacement du rotor ou des pales ou de parties constituantes des pales garantit la survie de la machine en cas de vents violents. La première évocation connue de ce principe se trouve dans l’ouvrage de Belidor, « architecture hydraulique » de 1737, avec le moulin de M. Parent (figure 1.1), possédant ce qui correspond maintenant à une hélice moderne avec 4 pales entoilées et vrillées de formes elliptiques. Il faudra cependant attendre encore un siècle avant de trouver l’une des premières réalisations connues (classée sous la terminologie « préolienne » par E. Rogier), attribuée au français Amédée Durand en 1836 (figure 1.2). Sa conception est différente puisque le rotor était placé en aval du mât et constitué de 6 pales en bois et toiles (à l’image des voiles de moulin). L’intérêt majeur de cette configuration est que le rotor joue lui-même le rôle de la girouette et s’oriente de lui-même face au vent. Pour les grands vents, un système original chaîne et contrepoids assurait un mouvement automatique des pales autour de leur axe (le calage), la masse du contrepoids étant définie pour résister jusqu’à une certaine valeur des efforts du vent sur ces pales. Plusieurs autres concepts similaires ou évolutions ont suivi comme les machines Mahoudeau ou Dellon (voir aussi l’annexe A). 3
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.1 Les moulins « américains »
Figure 1.1 – Schéma de principe du moulin de M. Parent décrit en 1735
Figure 1.2 – Schéma de principe du moulin proposé par A. Durand en 1836 (collection M. Rapin)
4
1.1 Les moulins « américains »
Mais c’est bien aux États-Unis que furent mises au point et produites à une échelle industrielle les petites éoliennes avec gouvernail, d’où leur surnom de moulins « américains ». Elles sont ainsi très étroitement associées à la représentation du « homesteader » de l’ouest américain qui s’en servait pour alimenter son ranch. En France, elles ont été importées et/ou fabriquées sous licences à partir des années 1870. Parmi les plus importants modèles, on peut citer les machines Aermotor (20 000 unités vendues en 1891, figure 1.3), Euréka, Halladay, Star fabriquées par Wallut, Eclipse par Plissonnier ou Vidal-Beaume (figure 1.4) ou encore Ideal puis Samson, distribuées par la maison Pilter (figure 1.5). Certains fabricants français ont ensuite proposé leurs propres machines, souvent largement inspirées dès le départ par des modèles américains, et présentant de simples évolutions ou de réels perfectionnements tels que Schabaver de Castres (Halladay), Bompard à Nîmes (Steel Star) ou Araou (figure 1.6) à Narbonne (Eureka).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 1.3 – Éolienne Aermotor en Algérie (Sarrazi éditeur, collection M. Rapin)
Figure 1.4 – Éolienne Eclipse à Andelu, de la Maison Vidal-Beaume de Boulogne (L’H. Paris, collection M. Rapin)
5
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.1 Les moulins « américains »
Figure 1.5 – Éolienne Samson : extrait d’une publicité Pilter de 1928 (collection M. Rapin)
Figure 1.6 – Éolienne Araou Frères de 12 m de diamètre à Sergines en 1914 (collection M. Rapin)
6
1.1 Les moulins « américains »
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Leur application principale était le pompage de l’eau, que ce soit pour l’irrigation ou l’approvisionnement en eau des communes, des fermes, des sites isolés, des particuliers etc. Ces éoliennes sont donc à proximité, voire directement au-dessus, d’un réservoir ou château d’eau. Leur diamètre pouvait atteindre les 15 mètres sur certains modèles. Au XIXe siècle, rotors et gouvernails étaient généralement réalisés en bois. C’est pour cette raison qu’il reste peu de traces des centaines de machines installées. Les réalisations métalliques ne sont arrivées que dans un deuxième temps pour améliorer la tenue de l’ensemble. Le rotor est cette fois placé en amont : l’orientation automatique face au vent nécessite donc un système dédié. Celle-ci est la plupart du temps assurée par l’action d’un gouvernail (encore appelé safran), constitué par une surface verticale déportée à l’aval du pylône. Il existait cependant quelques machines disposant de moulinets auxiliaires (encore appelés papillons, roses des vents), qui, en rotation, sont équivalents à des surfaces latérales. Ce principe n’était pas nouveau puisque inventé par Edmund Leigh en 1745 et déjà appliqué sur certains moulins à vent traditionnels (figure 1.7).
Figure 1.7 – Exemple de moulin à orientation par moulinet, tiré de la revue Science et Avenir, n° 30, août 1949 (collection M. Rapin)
La nécessité de protéger la machine, en cas de vent important, a donné lieu à divers mécanismes. Là encore, certains constructeurs utilisaient un système d’effacement 7
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.1 Les moulins « américains »
des pales directement inspiré des techniques développées pour les moulins traditionnels par Andrew Meikle en 1772 puis William Cubbit en 1807 : l’ensemble (ou une partie pour les éoliennes Schabaver) des sections est mobile perpendiculairement à leur axe, comme pour les machines Lykkegaard (figure 1.16) ou le moulin de la figure 1.7. Dans le cas des préoliennes Durand ou des machines Lebert, c’est l’ensemble de la pale qui pivote autour de son axe pour se mettre en drapeau. Dans un souci de simplification des mécanismes et de fiabilité, ces systèmes d’orientation des pales étaient le plus souvent remplacés par un système d’effacement de l’ensemble du rotor. Celui-ci est obtenu par l’adjonction d’un système de rappel, constitué d’un contrepoids (Eclipse) ou d’un ressort (Mistral figure 1.8) lié au gouvernail d’orientation, et par l’utilisation d’une palette disposée perpendiculairement. Dans d’autres cas, le même résultat est obtenu sans palette mais en décentrant l’axe de rotation de l’axe vertical du pylône (Eureka).
Figure 1.8 – Exemple d'effacement sur une petite éolienne Mistral en réduisant l'angle entre le gouvernail/ressort et la palette (crédit photo : Marc Rapin)
D’autres ont su proposer des concepts originaux tels que la famille Bollée du Mans dès 1868. Le mât était constitué dans un premier temps d’une colonne en fonte, tendue par des câbles, autour de laquelle s’enroulait un élégant escalier (figure 1.9). Le rotor était en fait double : le 1er étage était fixe et servait de redresseur pour le 2e étage mobile. L’orientation était assurée par un moulinet qui avait la particularité de pouvoir tourner, en cas de grand vent, autour de son axe vertical 8
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.1 Les moulins « américains »
pour mettre l’éolienne en position de sûreté, perpendiculairement au vent. Bien que de conception plus complexe et de prix supérieur, le design de ces éoliennes leur a permis de connaître un relatif succès (avec plus de 180 machines installées principalement chez des particuliers dès 1880) et le sérieux de leur réalisation de fonctionner parfois assez longtemps (à l’image de l’éolienne Bollée d’Epuisay jusqu’en 1965, voir figure 1.10). Il en existe encore une cinquantaine sur les plus de 300 produites !
A
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LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
Figure 1.9 – St Martin d’Ocre : Bollée modèle n° 2 de 1893 (diamètre 3,5 m) avec le réservoir d’eau à proximité (crédit photo : Marc Rapin)
Certaines d’entre elles ont été fabriquées jusque dans les années 50 (Araou). Il n’est donc pas rare d’apercevoir encore de ces « anciennes » machines ou de plus récentes, basées sur les mêmes principes et proposées à la vente pour le pompage de l’eau, à l’image des Mistral ou des Oasis. Loin de choquer, elles font toutes partie intégrante de nos paysages ruraux ou communaux, à l’image des moulins à vent d’autrefois. 9
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.2 L’évolution électrique : Poul La Cour, Louis Constantin et autres pionniers
Figure 1.10 – Epuisay : Bollée modèle n° 3 de 1911 (diamètre 5 m) fabriquée par Lebert avec une tour de conception classique (crédit photo : Marc Rapin)
1.2 L’évolution électrique : Poul La Cour, Louis Constantin et autres pionniers Dès la fin du XIXe siècle, l’idée de tirer partie du vent pour produire de l’électricité est évoquée. En effet, la plupart des régions, surtout rurales, sont peu électrifiées, d’où l’intérêt d’une source d’alimentation « locale ». Cette application du moulin à vent fut très tôt évoquée dans quelques conférences ou revues scientifiques, comme par exemple Edouard Hospitalier en 1880 (« La Nature ») ou Lord Kelvin en 1881. Des premiers essais sont tentés par le Belge Nollet (1841), le Britannique James Blyth (1891) et surtout par l’américain Charles Brush (1888), grand industriel en électricité, avec un moulin en bois pour alimenter sa résidence de Cleveland dans l’Ohio (figure 1.11). Le rotor fait 17 m de diamètre et est composé de 144 lames en cèdre, le gouvernail servant à l’orientation fait quant à lui 18 m de long. Une dynamo Brush de 12 kW sert à charger 12 batteries de 34 accumulateurs pour alimenter quotidiennement 100 lampes à incandescence, 2 à arc et 3 moteurs électriques. Cette installation fonctionnera pendant 20 ans… 10
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.2 L’évolution électrique : Poul La Cour, Louis Constantin et autres pionniers
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
Figure 1.11 – Représentation de l'installation de C. Brush à la une du magazine « Scientific American » du 20 décembre 1890
11
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.2 L’évolution électrique : Poul La Cour, Louis Constantin et autres pionniers
En France, l’approche du Duc de Feltre est différente puisqu’il choisit d’utiliser d’emblée en 1887 pour charger des accumulateurs un produit « moderne », c’està-dire une grande éolienne américaine de type Halladay Standard (pylône de 18 m avec rotor multipale de 12 m de diamètre). L’ensemble est finalement implanté en 1893 près du Havre pour alimenter électriquement l’un des phares de la Hève. Même si cette première expérience ne semble pas avoir été couronnée de succès, le principe proposé par le Duc de Feltre, baptisé « système de la Hève », fut repris et amélioré pour être ensuite utilisé les années qui suivirent. Avec la combinaison du principe éolien et de la production d’électricité, on entre dans l’ère des aéromoteurs ou aérogénérateurs (appelés windchargers aux ÉtatsUnis). Mais les machines proposées pour produire de l’électricité sont les mêmes que celles utilisées pour le pompage, c’est-à-dire multipales lentes. C’est du Danemark que soufflera le vent du changement. Poul La Cour est d’abord électricien, connu pour ses travaux sur le télégraphe, mais aussi météorologue et physicien. Dès 1891, il propose la construction d’un moulin particulier à seulement 4 pales. Ces travaux ont porté sur l’efficacité aérodynamique du rotor. Il construisit pour cela l’une des toutes premières petites souffleries dans son laboratoire. Ces conclusions furent qu’il était nuisible d’avoir un grand nombre de pales et qu’il était préférable d’avoir une vitesse de rotation rapide. Mais ses préoccupations concernaient aussi le stockage de l’énergie et sa première éolienne possédait ainsi sa propre unité d’électrolyse produisant de l’hydrogène pour la lumière à gaz de son école. En 1897, il construisit une autre éolienne pour la production d’électricité avec une installation capable d’éclairer la bourgade d’Askov (300 lampes à incandescence et 12 lampes à arc). C’est vers 1903 qu’il mit au point un modèle simple et robuste, la Klapsejler à 6 pales, qui sera très populaire dans son pays. Ces machines ne seraient cependant pas entrées dans l’ère moderne sans les importants développements scientifiques et techniques de la première partie du XXe siècle dans des domaines tels que la mécanique, la connaissance du vent ou l’aérodynamique. La conception des éoliennes a ainsi bénéficié du formidable essor de l’aéronautique. En particulier, de nombreuses expérimentations ont eu lieu sur des profils d’ailes ou d’hélices tant en Allemagne pendant la Première Guerre mondiale avec Prandtl (soufflerie de Göttingen) ou en France dès 1910 avec A. Rateau et G. Eiffel (soufflerie du Laboratoire Eiffel à Auteuil, Figure 1.12). C’est d’ailleurs de ce milieu aéronautique français que viendra la première réalisation d’une éolienne moderne avec Louis Constantin. Celui-ci travailla dans la section aéronautique du ministère des Inventions puis chez le fabricant d’hélices Levasseur après la Première Guerre mondiale. Fort de ces connaissances en mécanique des fluides, il eut l’idée, entre autre, d’appliquer les développements faits sur les hélices à l’éolien. Il testa en septembre 1923 un bateau entraîné par hélice aérienne (figure 1.13) et formula dès juin 1924, dans un article de « la Nature », quelques principes des machines modernes (nombre de pales, vitesse périphérique…) et proposa même un schéma d’inter-connexion pour… une ferme éolienne ! Son 1er objectif était de construire une machine d’environ 30 m de diamètre (figure 1.13). 12
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.2 L’évolution électrique : Poul La Cour, Louis Constantin et autres pionniers
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 1.12 – Résultats d'essais sur la performance de différents types de rotor en fonction des vitesses de vent et de rotation obtenus dans le laboratoire Eiffel
a
b
Figure 1.13 – Vue du Bois-Rosé, évoluant sur la Seine le 15 septembre 1923, et schéma de la nacelle de l'éolienne Constantin avec rotor de 30 m, tirée de l’Illustration n°4271 du 10 janvier 1925 (collection M. Rapin)
Manquant de soutien, il commença en 1926 par une éolienne de 8 m de diamètre qu’il testa dans le Massif Central puis en Camargue. La particularité de ce prototype est son rotor à deux pales métalliques et profilées, inspirées des hélices Levasseur. Le système d’orientation est constitué de surfaces métalliques en aval du rotor, comme sur les moulins américains. 13
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.3 Les premières réalisations
C’est un autre français, connaisseur des différents travaux de l’époque dont ceux de Louis Constantin et des développements théoriques d’Albert Betz (du Laboratoire d’aérodynamique de Göttingen), qui posera définitivement les bases de l’éolien moderne. Dans un article de la revue « La Nature » de décembre 1929, intitulé « Les éoliennes électriques Darrieus », on peut lire en conclusion : « Il est permis d’espérer que ces recherches se traduiront bientôt par la création d’aéromoteurs industriels adaptés principalement à la production d’énergie électrique et qui constitueront la meilleure solution au problème de l’électrification des campagnes, grâce à de petites installations individuelles, en attendant que la technique de ces nouveaux moteurs soit suffisamment avancée pour permettre d’envisager la création d’unités plus puissantes, de l’ordre de plusieurs centaines de kilowatts, dont le groupement permettra de disposer d’une puissance assez importante pour en justifier le branchement à un réseau général de distribution d’énergie. »
1.3 Les premières réalisations Georges Darrieus, ingénieur de l’École Centrale Paris, fit sa carrière au service Études et Recherches de la Compagnie Électro-Mécanique située au Bourget. Dès 1925, il dépose un brevet en France concernant les éoliennes à axe vertical auquel on associera son nom par la suite. Mais il débutera ses réalisations sur des prototypes à axe horizontal. C’est sur les terrains attenant à l’usine du Bourget qu’il fit construire par la CEM en 1927 une première éolienne de 8 m de diamètre rompant définitivement avec la conception classique des moulins américains (figure 1.14) : – Vitesse de rotation rapide (80 tr/min) pour une puissance de 1.8 kW avec 5 m/s de vent, – Rotor à 4 pales disposé en aval du mât, – Absence de système additionnel d’orientation, – Positionnement du système de production électrique dans une nacelle profilée en haut du mât. Ce développement s’appuie sur des réflexions importantes sur les rapports entre vitesse de rotation et nombre de pale et possède déjà toutes les caractéristiques d’une éolienne moderne. L’orientation est assurée par l’inclinaison vers l’arrière des pales, qui, formant ainsi un cône en rotation, crée naturellement une surface latérale. Les pales sont de conception biplane sur une grande partie de leur envergure, ceci pour compenser la pression du vent qui tendrait à les fléchir davantage vers l’arrière. Pour compléter ses études, Darrieus réalisera ensuite deux autres prototypes de 10 et 20 m de diamètre à, respectivement, 3 et 2 pales (figure 1.15). 14
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.3 Les premières réalisations
A
a
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 1.14 – 1re Éolienne Darrieus avec rotor de 8 m, tiré de la revue La Nature, n° 2823, décembre 1929 (collection M. Rapin)
Figure 1.15 – 3e Éolienne Darrieus avec rotor de 20 m, tiré de la revue La Nature, n° 2823, décembre 1929 (collection M. Rapin)
15
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.3 Les premières réalisations
D’autres réalisations sont bien sûr apparues ailleurs dans le monde, par exemple aux États-Unis avec des petites unités Jacobs de 1 à 3 kW. Poursuivant les efforts et développements déjà produits et soutenus par son gouvernement, le Danemark possédait quant à lui, à la fin de la Première guerre mondiale, plus d’une centaine d’unités allant jusqu’à 35 kW, comme les Lykkegaard issues des Klapsejler de La Cour (figure 1.16).
Figure 1.16 – Éolienne de conception Lykkegaard (avec éléments de pale mis en drapeau), utilisée pour le pompage de l'eau à Combres, Eure-et-Loir (collection M. Rapin)
Le passage à une puissance unitaire plus importante vient de l’ex-URSS où une éolienne de 30 m de diamètre est installée en 1930 à Balaklava (Crimée). Construite par l’Institut Central de l’Énergie du Vent (Z.A.H.I.) de Moscou, sa 16
1.3 Les premières réalisations
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
puissance nominale est donnée pour 100 kW à une vitesse de vent de 10.5 m/s. L’orientation avait cette particularité d’être opérée par un bras motorisé, reposant sur un rail circulaire placé au sol autour de la machine (figure 1.17). La machine était pourvue d’un rotor tripale, placé en amont et régulé en vitesse par un système d’ailerons et de masselottes, et d’une génératrice asynchrone (voir § 9.4). Connectée au réseau, elle ne fournira finalement que 32 kW en moyenne pendant ses deux premières années d’exploitation et fonctionnera jusqu’en 1942. Le développement de l’utilisation des énergies fossiles ralentira par la suite les réalisations dans l’éolien. Il faudra attendre une période de pénurie, la seconde guerre mondiale et l’après-guerre, pour voir apparaître de nouveaux projets qui seront d’importance pour la suite de l’histoire de l’éolien. Pendant la guerre, pour s’affranchir d’une dépendance énergétique, il y eut ainsi les développements au Danemark de F. L. Smidth avec les machines de 50 et 70 kW, ainsi que les recherches en Allemagne entreprises par Ulrich Hütter pour la compagnie Ventimotor.
Figure 1.17 – Éolienne Z.A.H.I. D-30 de 100 kW à Balaklava
17
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.3 Les premières réalisations
Mais le fait le plus marquant de cette période est sans nul doute le prototype américain de 1250 kW conçu par Palmer Putnam et érigé en 1941. Construit par la Morgan Smith Company, impliquée dans les turbines hydrauliques, il possédait un rotor de 53 m de diamètre placé en aval (figure 1.18). Le rotor était composé de deux pales rectangulaires à calage variable piloté hydrauliquement, réalisées comme une aile d’avion en tôles d’acier soudées autour d’un longeron. Sa particularité (et complexité !) était de posséder des articulations en pied de pale (hinge rotor), avec amortisseurs hydrauliques, permettant de faire varier l’angle de cône et donc de se replier partiellement en cas de grand vent ou de rafales. Elle fonctionna correctement jusqu’en 1943 avant qu’un problème n’apparaisse. Après une longue période de réparation, l’éolienne fut remise en route mais l’une des pales se brisa peu de temps après en mars 1945.
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Figure 1.18 – Éolienne 1250 kW Smith-Putnam de Grandpa’s Knob, Vermont
L’initiative était d’importance pour cette époque, tout comme l’équipe rassemblée autour de ce prototype (von Karman participa à sa conception aérodynamique). 18
1 • L’avènement de l’éolien moderne
1.3 Les premières réalisations
Mais celle-ci n’avait pas d’expérience éolienne et la conception de cette machine (avec des parties complexes) et les matériaux utilisés (pales trop lourdes) n’étaient pas suffisamment adaptés aux contraintes d’un fonctionnement éolien. Ce qui a conduit inévitablement à des problèmes de fiabilité. Pour suivre ces développements faits aux États-Unis, en Russie et en Allemagne, un Comité Technique de l’Énergie du vent est créé en France, dès 1943, dans la Division de l’Électricité du Ministère de la Production Industrielle qui fera plus tard partie d’Électricité de France (EDF).
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LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
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2 • LE FAUX DÉPART DE L’APRÈS-GUERRE
A 2.1 L’expérience française
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Bien que quelquefois cités, les développements français méritent cependant d’être détaillés (voir aussi en Annexe A), car précurseurs, en partie couronnés de succès… et non exploités ! Ils sont aussi révélateurs de certaines problématiques qui se poseront aux développements des 30 années suivantes… En 1957, Louis Vadot, ingénieur-conseil aux Établissements Neyrpic, écrivait en conclusion dans son « étude synoptique des différents types d’éoliennes » (revue Houille Blanche) : « La machine à pales fixes est séduisante par sa simplicité, quoique la réalisation des pales, par suite de la nécessité d’employer des profils fins, soit délicate. Certaines réserves doivent également être faites sur les possibilités de fonctionnement aux grandes puissances. ... / … Les deux machines à pales orientables considérées ne diffèrent que par leur mode de réglage, mais l’essentiel de leur construction est identique. La machine à liaisons élastiques se distingue par son comportement aux rafales. La machine à servomoteur permet de répondre à toutes les exigences de la production d’énergie électrique sur un réseau ; en combinaison avec les liaisons élastiques, elle permet également d’assurer une bonne tenue aux rafales et aux tempêtes. Il est bien entendu que pour toutes ces solutions, les études n’ont de chances d’aboutir aux résultats désirés, en particulier la rentabilité de l’énergie éolienne, que dans la mesure où on conserve toujours le souci d’une fabrication économique, sans se laisser entraîner à de coûteux perfectionnements mécaniques ou aérodynamiques. Le prix de revient du kWh, enfin, ne sera porté à une valeur acceptable que si un nombre suffisant d’appareils permet de réduire les prix de fabrication en adoptant des procédés de construction en série. »
Cette analyse de 1957 montre bien que la problématique du coût éolien était déjà une notion indissociable du développement de l’énergie éolienne, notion qui se rappellera d’ailleurs cruellement quelques années plus tard aux constructeurs français. Elle rappelle aussi les avantages et inconvénients des deux principes de régulation du rotor qui seront développés les décennies suivantes : les pales fixes, à régulation 21
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2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
par décrochage (stall), et les pales orientables, à régulation par calage (pitch comme sur la machine Smith-Putnam) qui ne domineront le marché des grandes éoliennes qu’à partir de la fin des années 1990. En France, dès le début de l’aprèsguerre, ces 2 types de concept verront le jour sous l’impulsion de différents ingénieurs ou scientifiques en collaboration avec des industriels : une éolienne 800 kW du Bureau d’Études Scientifiques et Techniques (BEST) dirigé par Lucien Romani et deux machines de la société Neyrpic de 132 et 1 000 kW conçues par Louis Vadot. Exception faite de l’éolienne américaine Smith-Putnam 1 250 kW de 1942, ces projets français resteront les plus gros prototypes au monde avant les développements des années 1980. 2.1.1
Le rôle d’EDF
Ces 3 machines de grandes puissances (ainsi que d’autres concepts plus petits et plus anecdotiques) n’auraient pu être développées et testées sans le soutien d’EDF. Créé par la loi de nationalisation d’avril 1946, EDF obtient un quasi-monopole sur la production d’électricité et doit ainsi répondre à la pénurie de l’après-guerre, puis à la croissance de la demande d’environ 10 % par an entre 1946 et 1951 (7 % en moyenne par an pendant la période dite des « trente glorieuses »). Avec cette mission pour l’Etat « d’assurer la mise en valeur des grandes sources de l’énergie » (général de Gaulle, mars 1945), on comprend bien l’importance de la politique et des orientations stratégiques menées par EDF. Le premier plan d’orientation, mené conjointement avec la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) et la SNCF (avec ses barrages dans les Pyrénées), privilégie le développement de l’hydroélectricité. De ce fait, la part de l’hydraulique a pu atteindre 56 % de l’électricité produite en 1960, le reste étant assuré principalement par des centrales thermiques. Celles-ci sont alimentées en grande partie par du charbon après-guerre, mais suite à la raréfaction des ressources françaises et à l’augmentation de son prix, d’autres sources d’approvisionnement sont recherchées. Les centrales à fuel prennent alors le dessus, profitant du faible prix du baril. Le deuxième plan, qui débute en 1951, envisage aussi le développement des énergies alternatives. Les deux domaines les plus notables sont l’énergie marémotrice, avec l’usine de la Rance (en collaboration avec Neyrpic), et l’énergie éolienne. Le soutien à l’étude des aérogénérateurs au sein d’EDF était porté par la volonté de 2 hommes : André Argand, directeur de la Division Énergie du vent (19481966) et Pierre Ailleret, directeur des Études et Recherches de l’époque. En 1948, celui-ci devint par ailleurs président de la Société Française des Électriciens à la suite… de G. Darrieus ! P. Ailleret avait dès 1947 lancé une campagne d’évaluation du potentiel éolien en France (figure 2.1), Afrique du Nord et en Outre-Mer à l’aide de 350 anémomètres « CdC-Ailleret » installés jusqu’en 1966 et fabriqués par la Compagnie des Compteurs de Montrouge. Ces anémomètres intégrateurs fournissaient directement une mesure de la quantité d’énergie récupérable par m² sur le site à l’aide d’un petit alternateur entraîné par la partie anémomètre. 22
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
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LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
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Figure 2.1 – Carte d'énergie du vent disponible en fonction de la hauteur pour diverses localités en Europe (extrait des travaux de A. Argand).
L’intelligence des projets soutenus par EDF est d’avoir appuyé la réalisation de ces prototypes par des programmes de recherche préalables et conséquents, qui témoignent du sérieux et du sens physique des acteurs impliqués. Car au-delà des principes généraux (nombre de pale, configuration globale, régulation…) qui étaient 23
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
plutôt la préoccupation de cette époque, ces prototypes ont permis de s’intéresser aux différents domaines qui relèvent de l’efficacité de la chaîne de conversion. 2.1.2
Éoliennes BEST-Romani
Les rapports du BEST pour EDF ont pratiquement tous disparu et l’on n’aurait sans doute plus beaucoup de traces de la richesse de ces réalisations sans les archives d’un des ingénieurs du BEST, Pierre-Jean Cavey (mise en ligne par son fils sur le site eolienne.cavey.org) et sans l’article de R. Bonnefille (Direction des Études et Recherches d’EDF) sur l’exploitation du prototype dans la revue « La Houille Blanche » en 1975. De nouvelles archives de l’ONERA, l’Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales créé en 1946, ont permis de compléter ces informations. Dès 1949, Lucien Romani s’est lancé dans un long programme d’études et de tests avant de réaliser son prototype 6 ans plus tard. La démarche adoptée par L. Romani est assez inédite puisqu’elle mena en parallèle expérimentations sur site et en soufflerie pour valider les options choisies. Il n’y aura pas d’équivalent dans le monde avant la mise en œuvre des gros programmes de recherche américains et danois dans les années 70. Mais, à la différence de ceux-ci, L. Romani, du fait de ses connaissances étendues, réalisa lui-même la conception de sa machine. Seules les installations et les équipes de plusieurs institutions de recherche de l’époque furent ensuite mises à contribution pour épauler le BEST (voir aussi en Annexe A). m Les pré-études
De 1949 à 1953, des études ont porté sur des modèles de très petits diamètres en soufflerie à l’Institut Aérotechnique de St Cyr (IAT). L’objectif n’est pas d’améliorer les performances mais d’essayer de mesurer l’influence d’obstacles et de gradients de vitesse sur le comportement du rotor tripale. A partir de 1950, des études à plus grande échelle ont été conduites dans la soufflerie S1 de l’ONERA à Chalais-Meudon (qui était l’une des plus grandes au monde). La figure 2.2 représente le premier rotor tripale upwind de 3,6 m de diamètre dans la veine elliptique 8 m par 16 m. Il était destiné à étudier, à échelle réduite, la future machine de 800 kW et vérifier les performances calculées par L. Romani. Deux jeux de pale à calage variable, avec des profils de la série NACA 23, ont été essayés : – le premier avec une pale non vrillée à profil constant, – le deuxième avec une pale optimisée à vrillage, corde et profils évolutifs. Pour les deux configurations, avec des vitesses de vent entre 10 et 16 m/s et modification de l’angle de lacet (machine en dérapage), les angles de calage optima ont été mesurés et comparés. Le rendement maximal, obtenu avec la pale vrillée, correspondait à 72,5 % de la limite maximale (dite de Betz, voir chapitre 6). Il est à noter que c’est la même gamme de profils qui sera choisie par les Américains 30 ans plus tard. Des essais complémentaires ont été menés avec simultanément 5 modèles plus petits de diamètres identiques, entre 150 à 500 mm, pour vérifier s’il n’y avait pas un effet d’obstruction de la veine du fait de la présence de l’éolienne. 24
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2.1 L’expérience française
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Figure 2.2 – 1er essai BEST dans la soufflerie S1ch de l'ONERA en 1950 (crédit photo : ONERA)
De 1951 à 1956, les essais se sont poursuivis avec cette machine, équipée d’un troisième jeu de pale et montée sur un mât de 42 m sur le site de l’IAT (figure 2.3). La station expérimentale du BEST à St-Cyr possédait par ailleurs deux mâts de mesure du vent avec anémomètres type Cdc-Ailleret ou Romani (développé pour l’occasion). L’objectif de ces essais est de mesurer les différences entre les résultats obtenus en conditions réelles et en soufflerie, mais aussi de mettre au point les techniques de mesure. Un prototype de 4 m a été testé en parallèle à Fontenay-aux-Roses. Car L. Romani avait anticipé le fait que le vent pouvait poser des problèmes. 25
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
Figure 2.3 – Éolienne BEST de 3.6 m de diamètre sur le site d'essais du BEST à l’IAT de St-Cyr l’École (crédit photo : Pierre-Jean et Jean-Luc Cavey)
Aussi, dès 1953, à la demande d’EDF, L. Romani et le BEST étudièrent une maquette à l’échelle 1/20, très proche de la configuration finale du futur prototype de 30,2 m de diamètre (figure A3.4). Les pales et le pylône ont été réalisés par « La maquette d’Études et d’Exposition » à Aubervilliers et la partie mécanique et pivot par les établissements FABRE de Clamart. Cette maquette de 1,51 m de diamètre (figure 2.4) fut testée en 1954-55 dans la soufflerie « béton » de l’ENSMA à Poitiers sous la direction de R. Goethals. Cette soufflerie dispose d’une veine retour de 5,5 m par 5,25 m, principalement destinée à l’étude de l’action du vent (entre 3 à 12 m/s) sur des maquettes de bâtiments, d’engins etc. L’ensemble était bien instrumenté car les essais effectués avaient plusieurs buts : – mesures avec modification de l’écoulement pour simuler la présence d’obstacles et de gradient de vent (grillage, déflecteur, butte etc.), – mesures avec pales métalliques ou en bois (non effectuées), – influence de la forme du carénage avant et de son absence, – tenue du pivot permettant la rotation de l’ensemble, – influence d’un pylône tripode en treillis. Fort de toutes ces expériences et analyses, le BEST et EDF lancèrent la construction du prototype 800 kW. 26
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
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Figure 2.4 – Dessin de la maquette du BEST de 1954 (archive M. Peter, Laboratoire Eiffel)
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m Le prototype de Nogent-le-Roi
Le site choisi, près de Nogent-le-Roi dans la Beauce, n’offrait pas un potentiel de vent important. Il fut principalement choisi pour sa proximité de Paris et ses caractéristiques de vent peu perturbées (terrain plat dégagé de tout obstacle). Dans l’esprit du BEST et d’EDF, cette installation devait en effet avant tout servir de banc d’essais avant de passer à une phase industrielle. La configuration retenue pour la machine de 800 kW est une éolienne tripale downwind (figure 2.5), à vitesse de rotation constante, couplée à un alternateur synchrone. Comme étudié en soufflerie, l’ensemble était articulé autour d’un pivot et était monté sur un pylône tripode en treillis métallique. Avec cette configuration, le rotor se trouve en aval du pylône où l’écoulement de l’air est forcément perturbé. Pour minimiser ces perturbations sur les pales, le BEST avait déjà pensé à munir le pylône d’un carénage tournant, solidaire de la nacelle, avec fentes aspiratrices (figure A3.4a). Outre le tripode, on ne peut que remarquer l’aspect moderne de cette machine avec son pylône, ses pales et sa nacelle profilée étudiés en soufflerie. 27
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
Son dimensionnement était prévu pour la plage de vent 3 à 25 m/s avec une vitesse de survie (rotor arrêté) de 70 m/s, ce qui correspondait déjà aux normes actuelles. La nacelle (figure A3.3) se trouvait à une hauteur de 32 m et abritait : – l’alternateur synchrone à 6 pôles, – un embrayage pour découpler le rotor de l’alternateur pendant les phases de couplage au réseau, – le multiplicateur composé de deux trains d’engrenages épicycloïdaux distincts, rapports 7.5 et 3, assurant le passage entre les 47 tr/min du rotor et les 1 000 tr/min de l’alternateur, – différents organes de fonctionnement et de sécurité tels que le frein à disque. Les pales étaient réalisées avec des tôles en alliage léger aluminium-zinc pour réaliser un bon compromis entre masse, prix et tenue mécanique. Leur structure était caissonnée avec peau travaillante. Elles étaient encastrées au moyeu et à calage fixe (déterminé suite aux calculs et études en soufflerie). La régulation se faisait donc par décrochage. Le rendement maximal de ce rotor a été estimé à 85 %.
Figure 2.5 – Vue générale de la machine BEST-Romani de Nogent-le-Roi (crédit photo : Pierre-Jean et Jean-Luc Cavey)
La station d’essais de Nogent-le-Roi (figure 2.5) comportait 8 mâts de 31 m équipés d’anémomètres BEST-Romani pour la mesure du vent, répartis autour de la machine, et d’un bâtiment comportant bureaux, centrale de mesures et d’acquisition, le transformateur etc. (voir le site eolienne.cavey.org pour plus de détails et de photos). Une des solutions retenues testée par le BEST, inédite pour une machine de cette taille, était le basculement complet de la machine pour les opérations de montage et de maintenance. La station disposait donc d’un treuil de levage et d’une sorte de 28
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
berceau d’accueil en triangle, visible au milieu de la figure 2.5 et figure 2.6b, permettant de circuler autour de la nacelle et des pales, une fois la machine basculée. L’opération en elle-même durait plus d’une heure pour faire pivoter les 160 tonnes autour des axes de rotation des deux massifs de 150 tonnes chacun.
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Figure 2.6 – Basculement de la machine (a) et mise en place du carénage final (b) (crédit photos : Pierre-Jean et Jean-Luc Cavey)
L’éolienne a fonctionné du 15 mars 1958 au 12 avril 1962, alternant phases de mises au point, d’équipements, de réparations et de couplages au réseau (voir tableau A3.1). Son cumul de production sur cette période n’est que de 220 540 kWh, mais, il faut le rappeler, sur un site peu favorable. Pendant ses deux dernières années de fonctionnement, elle a cependant produit en moyenne pendant 2160 h/an, ce qui est assez proche des standards actuels. Mais plus important, ce prototype s’est très bien comporté, même en conditions de vent fortes : – fonctionnement régulier à des vents supérieurs à 17 m/s, où la puissance dépasse sans problème les 800 kW prévus : 930 à 20 m/s et une pointe à 1025 kW observée pendant la tempête du 27 octobre 1959. La capacité de la machine dépassait ainsi les prévisions et offrit un rendement global maximum de 70 % de la limite de Betz, soit 0,41, – tenue aux rafales avec un passage de 300 à 900 kW en quelques secondes le 30 août 1960 et tenue à des vents de 30 m/s lors de la tempête du 11 janvier 1962, 29
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
Fin 1955, les travaux de génie civil commencèrent. L’éolienne fut ensuite progressivement montée en 1956 avant d’entamer les phases de vérifications et les premiers essais en 1957 : la 1re rotation eut lieu en avril, la 1re connexion au réseau en novembre. L’assemblage s’acheva avec la mise en place du carénage final pendant l’été 1958 après le 4e basculement de la machine (figure 2.6a).
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
– orientation dans le vent dès 3 m/s et un taux de rotation de 2,8°/s jusqu’à 17 m/s. Avec des vitesses inférieures à 12 m/s et des lâchers à des angles de 45° avec la direction du vent, la machine se replace en quelques secondes sans oscillations périodiques ni vibrations, – freinage efficace grâce à l’action du système électrique qui ramène la vitesse de rotation en dessous des 1 tr/min avant utilisation du système mécanique et arrêt complet en moins de 2 tours. m La nouvelle hélice rapide
Le 12 avril 1962, le rotor du prototype a été démonté pour être remplacé par une hélice dite rapide. L’idée était de supprimer un des multiplicateurs planétaires qui avait posé quelques problèmes de maintenance. Pour supprimer un étage, la vitesse du rotor devait être augmentée. Dès 1960, l’étude de cette hélice rapide avait été lancée. La même année, les premiers essais dans la soufflerie S1Ch de l’ONERA firent apparaître un problème de vibration que l’on attribua d’abord à un problème d’interaction entre le rotor et le mât. Quelques modifications de la maquette n’éliminèrent pas le problème. Pour déterminer la source de ces vibrations, de nouveaux essais, rotor isolé, furent entrepris en 1961 (figure 2.7) avec une instrumentation plus conséquente et plusieurs équipes de l’ONERA : – jauges extensométriques pour les contraintes dans les pales, – appareils photographiques couplés à deux stroboscopes, placés dans le plan du rotor au sol, pour mesurer de nuit les déformations simultanées en torsion et flexion de pale, – deux anémomètres à fil chaud, montés sur pylônes et disposés derrière le plan de rotation, pour explorer le sillage et mesurer d’éventuels décollements tournants dans l’écoulement. Le dièdre et le calage des pales ainsi que différentes masselottes en bout de pale ont été étudiés. Après analyse des résultats par le BEST, un deuxième rotor de 4,5 m de diamètre, avec une conception différente de la structure, fut testé de la même façon en juin 1961. Les mêmes problèmes de vibration apparurent. Un phénomène de décollement fut par ailleurs clairement identifié et il est vraisemblable que celui-ci excitait dynamiquement la pale. Ce problème de couplage entre l’aérodynamique et la structure, que l’on regroupe sous le terme d’aéroélasticité, n’était pas simple à prédire à l’époque, surtout pour les machines tournantes. Il faisait alors l’objet de nombreuses recherches théoriques et expérimentales en particulier à l’ONERA. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’une hélice rapide fut tout de même installée en 1962 malgré ce phénomène vibratoire détecté. Elle était en alliage léger plein et tournait à 71 tr/min, ce qui représente une vitesse périphérique de 112 m/s. Elle a fonctionné seulement 307 heures avant qu’une pale ne casse le 5 septembre 1963 mettant fin à l’expérience de Nogent-le-Roi. La machine en elle-même n’était pas endommagée et EDF pensa même à la remonter sur un autre site avec le 1er rotor. Mais le « vent » en faveur de l’éolien commençait déjà à tourner et la machine fut finalement ferraillée en 1966. 30
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
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Figure 2.7 - Vue de l'installation d'essais du rotor rapide BEST de 2,5 m de diamètre dans la soufflerie S1Ch de l'ONERA en 1961. On notera sur la droite l'appareil photo et le stroboscope (crédit photo : ONERA)
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2.1.3
Éoliennes Neyrpic
Après-guerre, Neyrpic cherche à diversifier ses activités, ce qui se traduit par des réalisations dans le domaine des énergies alternatives. Elle utilise les possibilités en R&D de sa filiale, la Sogreah, pour participer à certains projets du deuxième plan d’orientation énergétique français lancé en 1951. C’est ainsi qu’après 25 ans d’études est inaugurée en 1966 par le général de Gaulle l’usine marémotrice de la Rance, entre Dinard et St Malo, équipée de 24 groupes bulbes de 10 MW avec des turbines axiales élaborées avec l’aide de Neyrpic. Parallèlement, à Saint-Rémy-des-Landes, près de Portbail dans la Manche, est installé à partir de 1958 un prototype d’éolienne conçu par Louis Vadot, ingénieurconseil, et développé par Neyrpic et la Sogreah avec le soutien d’EDF. La démarche retenue et la machine obtenue diffèrent à bien des égards de celles du BEST-Romani. Le site d’essais choisi se situe sur les dunes en bord de mer face à l’île de Jersey. Cette région de la Manche possède un très bon potentiel éolien et avait été retenue 31
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
plus récemment pour l’implantation du premier parc éolien offshore français (pour profiter par ailleurs du câble sous-marin alimentant l’île). m Le prototype 132 kW de Saint-Rémy-des-Landes
En tout premier lieu, une machine de petite puissance a été étudiée pendant 4 ans avant de passer au second prototype. Cette démarche a le mérite de permettre la vérification, à moindre coût, d’une architecture globale et de certains composants et de former une équipe d’essais. La configuration retenue pour la machine de 132 kW est là encore une éolienne tripale downwind (figure 2.8) de 21,2 m de diamètre, mais d’un aspect beaucoup moins moderne que l’éolienne BEST-Romani. On ne connaît pas d’archives relatant la genèse de cette machine. L’article de R. Bonnefille précise simplement que son aérodynamique a été étudiée en soufflerie à Toulouse. L’article de L. Vadot, paru dans la Houille Blanche en 1958, montre que l’objectif économique a guidé plusieurs des choix adoptés.
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Figure 2.8 – Vues du montage de l'éolienne Neyrpic 132 kW en 1957 (crédit photos : archives Sogreah)
Même si la position amont du rotor est préférable, pour éviter les problèmes de sillage perturbé, celui-ci fut placé en aval du pylône pour réduire le coût du mécanisme d’orientation assurée dans un premier temps par 2 moulinets auxiliaires, à l’image de certains moulins ou des petites éoliennes d’avant-guerre. Le support constitué intégralement d’un pylône en treillis métallique, assez important à la base de la nacelle, devait perturber fortement l’écoulement arrivant sur les pales. Pour le rotor, on constate que L. Vadot s’était plus focalisé sur les aspects construction et fatigue : « Des méthodes classiques permettent de tracer des hélices dont les rendements sont suffisamment bons pour qu’il n’y ait pas grand-chose à gagner à les perfectionner. »
La forme de la pale était constituée de deux parties discontinues de corde constante (profil épais Göttingen) et réalisée initialement de tôles en aluminium soudé. Le rendement d’un tel rotor devait être assez faible. 32
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
Concernant le choix de la génératrice, les réflexions de L. Vadot ont conduit à une solution différente de celle du BEST : « La génératrice asynchrone paraît bien être la solution la plus économique et la plus rustique. Outre sa simplicité de construction et l’absence de contact tournant, elle présente dans le cas de l’entraînement par éolienne deux avantages considérables : la grande facilité de couplage sur le réseau et l’absence d’oscillation. Il n’y a aucun inconvénient à coupler la machine avec un écart de plusieurs % par rapport à la vitesse de synchronisme, la surpuissance instantanée étant de très courte durée. »
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Suite à ce choix, a été ajoutée une régulation par calage des pales pouvant jouer avec les caractéristiques de glissement de la génératrice et limiter la puissance de la machine. EDF pouvait ainsi obtenir des résultats sur deux types de configuration radicalement différente, possédant chacun avantages et inconvénients (voir Chapitre 9).
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Dès 1959 se sont posés des problèmes de dimensionnement puisqu’il fallut renforcer considérablement le pylône. Puis, suite à une rupture de pale en juin de la même année, un nouveau rotor fut conçu, cette fois avec une forme aérodynamique plus évoluée et en utilisant une structure métallique avec revêtement en matière plastique (figure 2.9a). Suite à ces modifications et à certains réglages, la machine s’est très bien comportée de novembre 1962 à mars 1966, ne cumulant que 59 jours d’arrêt les trois dernières années. Des essais satisfaisants ont été menés pour vérifier l’autoorientation de la machine sans les moulinets auxiliaires. Son rendement maximal se situait entre 50 et 60 % de la limite de Betz pour des vitesses de vent comprises entre 10 et 13,5 m/s.
a b Figure 2.9 – Vues de la station d'essais située à côté de l'éolienne Neyrpic 132 kW modifiée (a) et du prototype 1000 kW (b)
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LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
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2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.1 L’expérience française
m Le prototype 1000 kW
Constatant le bon fonctionnement de la machine de Saint-Rémy-des-Landes, EDF commanda en avril 1961 à Neyrpic la réalisation d’une machine de plus forte puissance. Très logiquement, la configuration et les solutions retenues pour la première machine furent appliquées au nouveau prototype en augmentant la taille. Le pari n’était pas gagné d’avance car l’extrapolation à une taille supérieure n’est en effet pas triviale. Cet exercice ne se résume pas à une simple homothétie géométrique, les efforts appliqués sur les pales variant avec le carré de la vitesse et la puissance avec le cube. La pale était de structure différente en résine synthétique armée. Dès 1959, des essais communs BEST et Sogreah avaient été entrepris sur un longeron de 4 m pour mesurer la tenue de ce matériau à des sollicitations statiques et dynamiques. Le calage des pales, réalisé par un système hydraulique, était fixe jusqu’à 650 kW (14 m/s de vent) et variable au-delà. Le 13 juin 1963, quatre mois après le début du montage sur le même site, la machine de 1 000 kW pour 35 m de diamètre fut connectée au réseau (figure 2.9b). Elle fonctionna de façon satisfaisante que ce soit pour les aspects auto-orientation, régulation, connexion réseau et tenue à l’emballement après découplage. Elle produisit 500 MWh en 7 mois dont 220 en novembre 1963, où des vents de 17-18 m/s en moyenne horaire et de 25 m/s en rafale ont soufflé. La puissance nominale prévue fut atteinte pour une vitesse de 17 m/s. Plusieurs pointes à 1200 kW furent observées. En juin 1964, l’un des paliers du multiplicateur fut détruit. La machine ne fut pas réparée. Suite à l’abandon de la filière éolienne par les pouvoirs publics, la station de St-Rémy-des-Landes fut démantelée en juin 1966. 2.1.4
L'arrêt des développements
Tout en utilisant l’état des connaissances, les procédés de fabrication et les matériaux de leur époque, il faut souligner le niveau des performances alors obtenues ainsi que la relativement bonne tenue de ces prototypes. Les problèmes qui ont conduit à l’arrêt d’exploitation de ces machines (rupture d’un palier de multiplicateur pour Neyrpic et rupture de pale pour BEST-Romani) sont principalement dus à des phénomènes de fatigue. Provoqués par le comportement aéroélastique de l’ensemble, il était difficile de les prévoir et de les modéliser à cette époque. Ces phénomènes seront d’ailleurs la cause majeure de nombreux accidents pendant les 40 années suivantes. L’année 1965 sera marquée par la décision de lier la politique énergétique française au pétrole à bas prix. L’arrêt du développement des aérogénérateurs a ainsi été justifié par un argumentaire économique… sous-tendu par des considérations politiques. Selon les règles en usage à l’époque à EDF, le prix de revient du kW éolien obtenu était 30 % supérieur à celui obtenu à partir du pétrole, sur la base d’une production annuelle de 2150 heures. 34
2.2 Les développements danois et allemand
Quand on considère le prix du pétrole à l’époque, l’estimation du coût du kW éolien était finalement bas dans l’absolu ! Et l’on ne peut que regretter la décision d’EDF de n’avoir pas continué à soutenir ces développements français, qui, rétroactivement, étaient très prometteurs et qui restèrent sans équivalent dans le monde pendant les 10 à 15 années suivantes…
2.2 Les développements danois et allemand
A
D’autres pays, confrontés à des problèmes d’approvisionnement électrique pendant et après la seconde guerre mondiale, se sont intéressés à l’éolien. Mais, bénéficiant d’autres expériences passées, ces développements ont conduit à des réalisations radicalement différentes qui allaient cependant modeler le visage de l’éolien futur.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
2.2.1
A
Les éoliennes de Hütter
L’Allemagne nazie s’est bien sûr intéressée à l’éolien comme source d’approvisionnement électrique auxiliaire. De cette volonté est née la compagnie Ventimotor qui fabriqua des machines de 8 et 18 m de diamètre. Ulrich Hütter provenait du milieu aéronautique : avec son frère, il réalisa par exemple plusieurs planeurs (H-17 en 1934 et H-28 en 1935) et proposa quelques projets pour les programmes d’avions militaires allemands. Pendant la guerre, il travailla jusqu’en 1943 pour Ventimotor qui possédait un site d’essais près de Weimar avec 6 machines dont une Aeromotor 50 kW de la société danoise F.L. Smidth. Il s’intéressa par la suite à l’optimisation des performances et à l’esthétique des éoliennes. En 1956, le résultat de ces travaux fut concrétisé par la réalisation d’un prototype de 100 kW de 34 m de diamètre assez innovant. La configuration downwind à 2 pales se rapprochait de la machine Darrieus (figure 1.15). Mais, 30 ans plus tard, l’évolution des techniques avait permis à Hütter de concevoir des pales encore plus élancées et donc plus souples. Montées sur un rotor en balancier (« teeter rotor »), elles étaient pilotées par variation du calage et opéraient à une grande vitesse de rotation. De plus, elles abandonnaient les structures classiques en acier, jugées trop lourdes, et étaient en fibre de verre pour réduire la masse du rotor. La conception souple et légère était innovante mais la machine fonctionna pendant 12 ans près de Stuttgart. Car, bien que de grand diamètre, elle ne fournissait que 100 kW, ce qui signifie qu’Hütter avait pris soin de ne pas trop « charger » les pales, c’est-à-dire de réduire les efforts s’appliquant sur les sections de pale. Celui-ci poursuivit ses développements (jusqu’à une machine de 300 kW pour 52 m de diamètre en 1980) en gardant toujours la même configuration qui tranchait assez radicalement avec les machines danoises développées à la même époque. 35
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.2.2
2.2 Les développements danois et allemand
L’éolienne de Gedser
Au Danemark, c’était une tout autre vision de l’éolien qui prévalait, le pays étant déjà familier avec l’utilisation de petites unités telles que les Lykkegaard (30 kW). Pendant la seconde guerre mondiale, pour soutenir les besoins nationaux, de nouvelles machines furent installées. Une entreprise du ciment, F.L. Smidth développa aussi des éoliennes à cette époque, les Aeromotors à 2 ou 3 pales en bois (60 et 70 kW) montées sur une tour en béton, et en installa une soixantaine. C’est à partir de l’une de ces machines, sur l’île de Bogø (machine de 45 kW), que Johannes Juul, travaillant pour le compte de la compagnie nationale d’électricité, SEAS, élabora en 1950 la base de ce que l’on appellera plus tard le « concept danois » (§9.3.2). J. Juul n’était pas un néophyte en éolien : il avait suivi, 45 ans plus tôt, la première classe pour électriciens créée par Poul La Cour à Askov ! C’est donc à un âge où l’on est plutôt en retraite qu’il installa en 1959 une éolienne à Gedser. Cette machine fut dès le départ conçue pour être robuste. Le rotor tripale était placé en amont et l’orientation commandée par un système électromécanique. Le design du rotor, avec ses câbles et cette forme particulière de pale, était loin d’être optimal. Les pales étant fixes, la régulation se faisait par décrochage avec, pour innovation, des extrémités pivotantes (« tip brake »). Celles-ci, sous l’effet de la force centrifuge atteinte à partir d’une certaine vitesse de rotation, pivotaient pour se mettre en drapeau et ainsi freiner la rotation du rotor. Sa puissance était de 200 kW pour 24 m de diamètre. Suivant la demande de SEAS, ce fut par ailleurs l’une des premières machines danoises équipée d’une génératrice asynchrone débitant directement du courant alternatif sur le réseau. Capable de résister aux grands vents de la côte sud du Danemark, elle fonctionna parfaitement jusqu’en 1967, prouvant ainsi la viabilité de la conception robuste de J. Juul. Tableau 2.1 – Caractéristiques comparées des gros prototypes pendant et après-guerre
Machine
Z.A.H.I. D-30
Ø (m) 30
Architecture
Tripale upwind
Régulation Génératrice Calage + ailerons
Puissance nominale
Vitesse de rotation
Prod. (MWh)
(kW)
(tr/min)
/ années
100 à 10,5 m/s
30
Asynchrone Smith Putnam
53
F.L. Smidth Bogø
13
Bipale downwind
Calage
1931-42 1250 à 7,5 m/s
29
Asynchrone Tripale upwind
Décrochage + freins extrémités
200 (1933)
200 entre 1941 et 45
45 à 15 m/s
20
80 /an 1953-60
Asynchrone Gedser
24
Tripale upwind
Décrochage + freins extrémités Asynchrone 8 pôles
36
200 à 15 m/s
30,2
450 /an 1957-66
2 • Le faux départ de l’après-guerre
2.2 Les développements danois et allemand
Tableau 2.1 – Caractéristiques comparées des gros prototypes pendant et après-guerre (suite)
Architecture
Hütter
34
Bipale downwind
BEST Romani
30,2
Tripale downwind
Régulation Génératrice
Décrochage
Puissance nominale
Vitesse de rotation
Prod. (MWh)
(kW)
(tr/min)
/ années
100
34
1959-
800 à 16,7 m/s
47,3 / 71
220,5 entre
Synchrone 6 pôles Neyrpic
21,2
Tripale downwind
Calage
1958 et 62 132 à 12,5 m/s
56
Asynchrone Neyrpic
35
Tripale downwind
Calage
1962 et 66 1000 à 17 m/s
36,4
A
700 entre
500 entre 1963 et 64
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Asynchrone
A
37
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
Machine
Ø (m)
3 • LE TOURNANT DU 1er CHOC PÉTROLIER
A En Europe et aux États-Unis, l’intérêt pour l’énergie éolienne avait perdu de sa force dans les années 1960, suite au faible prix du baril de pétrole. Il faudra donc attendre 1973 et le 1er choc pétrolier pour que les politiques énergétiques soient remises à plat. Il n’est pas surprenant que la relance de nouveaux prototypes dans les années 70 soit l’œuvre des pays pionniers en la matière. Mais, comme pour la période de l’après-guerre, les concepts et moyens mis en œuvre ont abouti à des résultats bien différents…
3.1 L’échec des grands prototypes downwind
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Dès 1974, un grand programme de recherche a été lancé aux USA pour assurer le développement de la filière éolienne aux États-Unis. Financé par le DOE (« Department Of Energy », le ministère de l’énergie), il fut confié à la NASA (« National Aeronautical and Space Agency », l’équivalent américain de l’ONERA et du CNES réunis). L’idée était de profiter des connaissances du milieu aéronautique pour concevoir de nouvelles machines. Les partenaires impliqués dans ces développements provenaient des industries aéronautiques pour la fabrication des pales (Lockheed, Boeing et Hamilton) et industries électriques (General Electric et Westing-house). Pour commencer, une équipe de la NASA Lewis Research Center, Ohio, étudia tout d’abord les anciennes réalisations tant américaines qu’européennes en collaborant avec Putnam et Hütter. Elle apporta aussi son soutien pour la remise en route de l’éolienne de Gedser (voir § 2.2.2). À sa station d’essai de Plum Brook, Ohio, elle testa même dès 1974 une éolienne française Aérowatt (voir § 3.4.1) de 9,2 m de diamètre, qualifiée de « plus grande hélice commercialement disponible dans le monde » à cette époque ! Ces réflexions aboutirent à plusieurs réalisations, toutes basées sur une configuration bipale downwind : un prototype MOD 0 de 100 kW en 1975, quatre MOD 0A de 200 kW à partir de 1977 et un MOD 1 de 2 MW en 1979 (figure 3.1). Tous ces prototypes ont eu des problèmes avec leurs rotors construits soit en alliage d’aluminium par Lockheed, soit en acier par Boeing pour la MOD 1. 39
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.1 L’échec des grands prototypes downwind
Pour la MOD 0, des oscillations ont entraîné une fatigue accélérée du premier jeu de pale. Les concepteurs avaient « simplement » oublié que, pour une éolienne downwind, les effets du mât ne sont pas négligeables ! En effet, à chaque fois qu’une pale passe dans le sillage de ce mât, elle reçoit une perturbation et ce phénomène se produit à chaque tour, conduisant inévitablement à des problèmes de fatigue. Pourtant, Putnam et Hütter avaient anticipé ce problème sur leurs machines bipales en utilisant des pales articulées ou un rotor en balancier, mais ces leçons n’avaient pas été prises en compte. La même source de fatigue se produisit sur les autres prototypes. Après analyses et nouveaux financements substantiels, l’ensemble des rotors fut donc modifié. Malgré les problèmes rencontrés, de nouveaux prototypes Boeing, encore plus grands, furent réalisés par la suite, mais cette fois avec une configuration bipale upwind (figure 3.2) : cinq MOD 2 de 2.5 MW (qui connurent aussi des problèmes de fatigue des pales) et un 5B de 3.2 MW.
a
b Figure 3.1 – Vues des prototypes MOD 0 en 1975 et MOD 1 en 1979 (crédit photos : NASA)
En tenant compte de l’ensemble des machines étudiées entre 1974 et 1992, le budget R&D américain alloué aux gros prototypes dépasse les 340 millions de dollars de l’époque (source P. Gipe)… sans avoir abouti à un seul produit commercial ! En Allemagne, la même erreur fut commise à cette période, non seulement en confiant le développement du projet à une grande entreprise aéronautique, MBB (Messerschmidt Bölkow Blohm), associée à MAN (Maschinenfabrik Augsburg Nürnberg), mais aussi en partant d’emblée vers une énorme machine. 40
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.1 L’échec des grands prototypes downwind
A
Figure 3.2 – Résumé des différents concepts développés aux USA (document DOE/NASA)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Pourtant, Ulrich Hütter fut consulté suite au succès de son concept. Mais là encore, les leçons acquises par le passé ne furent pas écoutées et, de plus, MAN voulait réaliser directement le plus gros prototype au monde. En 1982, fut installée sur le site d’essais Kaiser-Wilheim-Koog l’éolienne Growian, machine bipale downwind de 3 MW pour 100 m de diamètre. Avant même son érection, la conception de la machine posa problème puisque la masse de la nacelle et des pales dépassaient la capacité des grues de levage. En 5 ans, elle ne fonctionna que 420 heures en engloutissant 55 millions de dollars (source M. Heymann).
Figure 3.3 – Growian, l'éolienne bipale downwind allemande de 3 MW
41
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.2 Les petites machines upwind d’Europe du Nord
Des expériences similaires sur de gros prototypes ont conduit à des résultats là encore plus ou moins heureux en Grande-Bretagne (WEG LS-1 de 3 MW en 1987) ou en Suède (Näsudden 3 MW en 1983). Malgré ces échecs, le concept bipale est toujours resté attrayant pour les concepteurs, que ce soit pour des petites ou des grandes machines. Jusqu’à la fin des années 1990, plusieurs réalisations (rarement commercialisées) ont vu le jour, mais personne ne pouvait encore vraiment prédire l’hégémonie actuelle du concept tripale.
3.2 Les petites machines upwind d’Europe du Nord Face aux gros programmes de R&D américain et allemand, les danois puis les hollandais ont commencé par développer des petites machines, regroupées sous le terme « concept danois ». Toute l’intelligence et le pragmatisme de leur démarche est d’avoir su partir de modèles de petites puissances et d’en tirer l’expérience nécessaire (la fiabilité !) avant de passer progressivement à des puissances plus importantes. Cette démarche n’aurait sans doute pas abouti au Danemark sans le soutien inconditionnel des pouvoirs publics. En 1973, la quasi-totalité de la demande énergétique du pays était assurée par le pétrole. Fort de son expérience passée, notamment avec le rôle des éoliennes pendant la seconde guerre mondiale, le parlement danois décida d’investir dans ce domaine. Autre aspect déterminant, les industries danoises et hollandaises ont su dès le départ tisser un lien étroit avec le monde de la R&D. À la différence des USA, où la communauté aéronautique fut sollicitée, des équipes dédiées à l’éolien furent créées pour accompagner le développement de cette filière. Ces laboratoires tels que RISØ, fondé en 1978, sont depuis une référence mondiale pour les études et expérimentations qui y sont menées et l’expertise acquise dans les différents domaines liés à l’éolien. Pour redémarrer l’activité danoise, pourquoi ne pas repartir de là où elle avait été laissée ? RISØ, avec le soutien de la NASA/DOE, remit ainsi en ordre de marche et étudia la vénérable éolienne expérimentale de Gedser, meilleur exemple disponible de machine ayant fonctionné à l’époque de façon satisfaisante. Les techniques avaient cependant évolué et, en tirant partie de ces progrès, RISØ construisit en 1979 un prototype de 630 kW, la Nibe A, qui reprenait… le concept du rotor de Gedser, avec son système de haubans et ses extrémités pivotantes pour le freinage aérodynamique, monté cette fois sur une tour en béton. Les pales étaient cependant de structure différente et intégraient de la fibre de verre. Continuant leur exploration des concepts, RISØ construisit peu de temps après une réplique de cette machine, la Nibe B, qui possédait cette fois un rotor plus moderne régulé par calage. Ce n’était pas tant les performances qui étaient recherchées, mais la compréhension pragmatique du fonctionnement d’une éolienne et de sa fiabilité. RISØ joua son rôle d’organisme national pour épauler les projets danois. D’autres initiatives furent aussi menées indépendamment, comme le prototype Twind de 42
3.2 Les petites machines upwind d’Europe du Nord
2 MW, tripale downwind avec électronique de puissance, fabriqué entre 1975 et 1978 avec succès par un groupe d’étudiants et de militants anti-nucléaires, témoignant du dynamisme de ce pays dans ce domaine. Des nombreux fabricants danois issus de cette époque (1975-1985), bien peu ont survécu. Certains commencèrent par simplement reprendre le concept de l’éolienne de Gedser, mais sans grands lendemains : Riisager, Sonebjerg, Erini, Kongsted, Smedemester, etc. Seul Christian Riisager, qui développa des machines de 22 à 45 kW et fournit la 1re machine connectée au réseau en 1976, eut un certain succès en fondant la Windmatic Company en 1979 avec Erik Nielsen, futur fondateur d’Erini (figure 3.4). D’autres proposèrent des concepts plus évolués, toujours basés sur la formule tripale upwind régulée par décrochage : Bonus, Danwin, Kuriant, Micon (figure 3.4), Nordex, Nordtank, Tellus (ex-Windmatic), Vestas, Wincon, Wind World etc.
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Les hollandais proposèrent à la même période des machines tripale upwind d’aspect similaire (Windmaster, Lagerwey), mais en optant dès le départ pour la régulation par calage des pales.
a
b Figure 3.4 – Le charme désuet des éoliennes Windmatic 14S (55 kW) contrastant avec l’allure plus moderne des Micon à Altamont Pass, Californie (crédit photo : Marc Rapin)
Au-delà de tous ces développements, il faut retenir que les danois, ayant misé depuis 5 ans sur la filière éolienne, se trouvèrent en situation de force quand s’ouvrit le marché californien, début de l’ère de l’éolien commercial. 43
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.3 L’invasion du marché californien
3.3 L’invasion du marché californien En 1978, la production indépendante d’électricité a été soutenue par le National Energy Act. En cumulant les aides fédérales et de l’état californien, pratiquement 50 % du coût était pris en charge. Cette incitation, qui dura de 1980 à 1985 avant que ce pourcentage ne soit diminué, ouvrit les portes à une multitude d’investisseurs se ruant vers l’or du marché californien.
Figure 3.5 – Exemple d'alignements à Altamont Pass, Californie (crédit photo : Marc Rapin)
Pendant cette période, 1700 MW (17 000 machines de 20 à 350 kW) furent installés, principalement dans les 3 régions d’Altamont Pass (figures 3.4 à 3.7), Tehachapi et San Gorgiono où les vents sont très favorables. Comme décrit précédemment, les développements américains n’avaient pas réellement profité des millions injectés en R&D par le DOE sur les machines MW. Mais un programme spécifique du DOE concernait les petites éoliennes et un soutien a été apporté aux petites machines downwind en particulier pour la conception des rotors en balancier et la structure des pales comme pour l’Enertech 44 (figure 3.6). La plupart des éoliennes américaines étaient de petites dimensions et ne rencontrèrent pas un grand succès, à l’exception de l’U.S. Windpower 56-100 (figure 3.7), machine tripale downwind. Plus de 3 700 unités furent installées soit, à elles seules, plus de la moitié de la capacité totale des éoliennes américaines en Californie. Le reste des machines installées en Californie, soit environ 7 500 unités, est en quasi-totalité venu du Danemark ! Les constructeurs danois ont ainsi profité d’un énorme marché à l’export qui leur a permis non seulement de développer leur filière industrielle, mais aussi de tester et fiabiliser leurs produits avant de passer à des puissances supérieures. Vestas, par exemple, commença à investir le marché américain en 1983 avec une machine régulée par décrochage de 55 kW, pour 15 m de diamètre, pour aboutir 5 ans plus tard à leur première machine régulée par calage, la V25 de 200 kW (figure A4.9), ancêtre de toute la gamme actuelle. 44
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.3 L’invasion du marché californien
A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 3.6 – Alignements d’Enertech 44 de 25 kW à Altamont Pass, Californie (crédit photo : Marc Rapin)
Figure 3.7 – Alignements d’éoliennes U.S. Windpower 56 de 100 kW à Altamont Pass, Californie (crédit photo : Marc Rapin)
Après 1985 et la fin des incitations, le tissu industriel américain s’est effondré. La société U.S. Windpower fut reprise par Kenetech qui produisit à quelques centaines d’exemplaire deux modèles de 300 et 500 kW avant de faire faillite en 1996. Elle sera ensuite reprise par Zond, puis Enron (actuelle branche éolienne de General Electric). Pour les constructeurs danois, la fin du « rush californien » marqua là aussi une période difficile mais la marche en avant ne devait plus s’arrêter. Le marché domestique prit le relais dès 1986, puis les marchés à l’export vers des pays tels que l’Allemagne, soutenus par des lois nationales favorables au développement de l’éolien. 45
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
3.4 Et en France… ? Le 1er choc pétrolier sonne la fin des « trente glorieuses » en France. En 1973, la production nationale d’électricité est assurée à 43 % par le fuel, 26 % par l’hydroélectricité, 20 % par le charbon et 8 % par le nucléaire. En effet, dès la fin de la seconde guerre mondiale, la France avait aussi créé le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) déjà dans le but de maîtriser le nucléaire civil. Plusieurs filières de recherche étaient en cours à cette époque mais elles faisaient face à des difficultés de mise au point. Les réponses de la France au 1er choc pétrolier furent donc avant tout la conversion des centrales au fuel en augmentant la part du charbon, la modernisation des centrales hydroélectriques et… les économies d’énergie. Mais la course à l’équipement en installation nucléaire a été lancée en 1970, aboutissant au choix de Framatome, possédant une licence PWR Westinghouse de réacteur à eau sous pression. Et, après 1973, les commandes vont se multiplier : 10 tranches 900 MW en 1975, 8 tranches 1 300 MW en 1977, puis 18 tranches supplémentaires en 1979, 8 en 1980 etc. L’énergie éolienne n’entre donc pas dans le plan de développement des pouvoirs publics et d’EDF, très endetté par les colossaux investissements nécessaires au nucléaire. De plus, suite à l’abandon des gros prototypes français, la filière éolienne pour l’alimentation du réseau électrique est inexistante en France. Il n’existe qu’une exception, la société Aerowatt, qui développait des petites machines pour les sites isolés. Il faudra attendre l’année 1982 et la création de l’AFME, Agence Française de Maîtrise de l’Énergie (devenue l’ADEME en 1992) pour voir, grâce à son soutien financier, la reprise d’études importantes sur l’éolien. 3.4.1
Les petites machines Aérowatt
Les origines de cette société sont à chercher une nouvelle fois dans l’effort d’aprèsguerre (voir §2.1). Après les premières études et essais concluants du BEST, la CIAMO, Compagnie Industrielle des AéroMOteurs, est créée en 1955. Chargée de la fabrication et de la commercialisation de petites machines, ces développements, guidés par des impératifs de robustesse et de fonctionnement autonome, conduiront à une gamme de 0,6 à 3,6 kW. Elles reprenaient le principe de l’éolienne du BEST (figure 2.3), upwind tripale régulée par décrochage avec gouvernail pour l’orientation, mais étaient conçues pour faire face à des conditions d’utilisation particulières ou extrêmes : – suite aux expéditions polaires françaises en Terre-Adélie (Antarctique) durant l’Année Géophysique Internationale de 1956, la station Charcot, base avancée située à 300 km des côtes où règnent des températures de – 50°, s’équipe d’une petite éolienne appelée « Adélie » (figure 3.8), – suite aux expéditions dans les îles Australes à la même époque, installation d’une machine appelée « Kerguelen » pour la station de Port-aux-Français de l’archipel éponyme, où peuvent souffler des vents de 80 m/s, 46
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
– équipement du phare des Sept-îles (près de Perros-Guirec) en 1958 par une éolienne de 3,6 kW développée pour le Service de Signalisation Maritime. Cette machine devait faire face à des vents supérieurs à 40 m/s en conditions marines et abrasives (embruns et sable). Elle fonctionna 17 ans avant sa première révision et produisit plus de 100 MWh.
A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 3.8 – Éolienne CIAMO de la base Charcot en Terre Adélie (crédit photo : Pierre-Jean et Jean-Luc Cavey)
Suite à l’arrêt du soutien d’EDF vers 1963, la CIAMO et le BEST, contraints de réduire leurs activités, disparurent en 1966. La société Aérowatt fut créée juste après avec le personnel restant, ce qui se traduit généralement par une confusion entre ces différentes entités et machines. La configuration des premières machines CIAMO fut modifiée par Aérowatt, le but restant toujours d’avoir un produit simple d’entretien et robuste : – utilisation d’un nouveau système de régulation par effet centrifuge à ressort (brevet Seger) qui, à partir de la puissance nominale, modifie automatiquement le calage de la pale pour la faire décrocher progressivement (régulation dite « active stall »), – simplification du rotor qui devient bipale avec pale non vrillée à profil constant, fabriquée en alliage d’aluminium ou bois de hêtre, – alternateurs à aimant permanent en liaison directe pour les plus petites machines, avec multiplicateur de vitesse à trains planétaires pour les plus puissantes, – conception pour fonctionner avec des vents faibles (démarrage à 3 m/s) et pour résister à des vents de 90 m/s, permettant ainsi à ces machines d’être déployées dans des zones cycloniques (Caraïbes, Antilles Françaises…). 47
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
Le véritable essor d’Aérowatt est lancé par le choix du Service Technique des Phares et Balises d’utiliser ces machines pour l’alimentation de leurs sites de signalisation. L. Romani rapporte à ce propos cette anecdote : « L’ingénieur en Chef des Phares et Balises m’ayant commandé dix aérogénérateurs, un fonctionnaire lui dit, tout ému : comment, vous commandez des éoliennes alors que l’on ignore si cette source d’énergie est rentable ! Réponse : justement, c’est pour le savoir ! »
La société développa 2 gammes similaires : la FP5 et la FP7, où la puissance nominale, entre 24 et 5 000 W, est atteinte respectivement à 5 m/s et 7 m/s. La machine CIAMO de Sept-îles fut modifiée et adopta la configuration Aérowatt avec un rotor bipale à calage centrifuge de 9,2 m de diamètre. En 1970, 200 aérogénérateurs sont déjà installés. En 1975, un total d’environ 150 éoliennes, exclusivement de marque Aérowatt, servait à alimenter phares et balises en France et dans les DOM-TOM. Sur les 66 machines encore exploitées par le CETMEF en 2004, 41 Aérowatt, pour la plupart toujours dans leur configuration d’origine depuis 20 à 30 ans, étaient toujours en activités, confirmant ainsi la bonne réputation attribuée à ces machines (disponibilité proche des 99 %). En considérant les réalisations de cette époque, le développement d’Aérowatt est un relatif succès commercial. Cependant le marché de la signalisation maritime nationale n’est pas extensible et ne peut garantir à lui seul l’avenir de la société (Aérowatt arrêtera d’ailleurs cette activité en 1985). Aussi la société chercha-t-elle de nouvelles débouchées. Elle tenta dans un premier temps de monter sa gamme en puissance. En octobre 1979, suite à une commande d’EDF, Aérowatt installa un grand prototype FP13 de 100 kW pour développer l’approvisionnement électrique de l’île d’Ouessant. Sa configuration était directement extrapolée du concept des petites éoliennes du fabricant. Cette machine fut détruite en 1980 après la perte d’une pale : l’accident fut la conséquence directe d’un phénomène de fatigue du matériau constituant ces pales. Ce matériau était un alliage d’aluminium utilisé sans problème particulier par Aérowatt pour construire les pales des machines de 2 à 9,2 m de diamètre. Le passage de 9,2 à 18 m de diamètre a conduit, par un dessin mal adapté de la fixation des pales, à des contraintes inadaptées aux bords de certains passages de boulons. L’analyse ultérieure à l’accident montrait qu’avec ce matériau, la rupture par fatigue devait survenir après 106 cycles, ce qui fut exactement le cas… L’autre alternative fut de continuer avec des éoliennes de petites puissances pour conquérir le marché de l’approvisionnement des sites isolés en conditions difficiles. Le cheval de bataille d’Aerowatt fut l’UM 70, éolienne de 7 m de diamètre produisant 10 kW. Après une mise au point difficile, l’éolienne connut un relatif succès, des machines ayant été installées des îles Shetland à l’île de la Désirade Guadeloupe. Là encore, leur simplicité d’utilisation et leur robustesse furent mises en avant. En 1989, l’entreprise VERGNET prit le contrôle d’Aérowatt. Elle développera par la suite une nouvelle gamme de machines, les GEV MP (figure 3.10), qui lui permettront de devenir l’actuel leader mondial sur ce créneau. 48
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
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Figure 3.9 – Comparaison des courbes de puissance d'éoliennes CIAMO (régulée en décrochage) et Aérowatt (régulée par variation du calage)
Figure 3.10 – sur le Domaine de Lastours, aérogénérateur GEV 26/200 (200 kW pour 26 m de diamètre), monté sur un mât basculant de 50 mètres de hauteur, spécificité de l’industriel VERGNET, permettant à ses machines d’être installées dans des zones cycloniques (crédit photo : Olivier Sébart/ADEME)
49
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4.2
3.4 Et en France… ?
L’appel d'offres de l’AFME
À l’instar d’autres pays déjà cités, la France n’avait pas relancé de programme sur l’éolien pour connexion au réseau après le 1er choc pétrolier. En 1980, Raymond Goethals, directeur du Laboratoire d’Aérodynamique de l’ENSMA à Poitiers et expert en éolien, après analyse de l’importance du programme américain, concluait son article dans « La Recherche » par : « L’énergie éolienne française est possible, les réelles difficultés de sa mise en route tiennent à l’activité des hommes compétents : tant du côté de l’Électricité que du côté de l’Aéronautique .../... On peut craindre que peu de personnes responsables soient aujourd’hui disponibles pour un effort supplémentaire. Et pourtant, il est à peu près certain que faute de faire cet effort, l’EDF n’aura d’autre solution dans quelques années que d’acheter, terminées et prêtes à brancher sur les réseaux, les éoliennes que les sociétés étrangères fabriqueront en grande série. »
Les pouvoirs publics, en s’appuyant sur l’AFME tout juste créée, tentèrent cependant de fournir cet effort… mais avec déjà 10 années de retard sur leurs homologues américains, allemands, suédois, britanniques ou danois. L’objectif de l’appel d’offres de 1982 était de réaliser une éolienne de moyenne puissance, produisant 250 kW à 10 m/s. Aucun programme de R&D n’ayant été entretenu sur le long terme, la crainte de R. Goethals quant aux compétences disponibles se traduisit dans les faits par un nombre très restreint de réponses à l’appel d’offres en 1983. Sur les quatre reçues, seulement deux étaient véritablement crédibles. m Le birotor de GECA-Romani
La première proposition est issue du milieu éolien. Directeur du Laboratoire Eiffel, Lucien Romani n’a en fait jamais cessé de réfléchir au problème de l’éolien, déposant régulièrement des brevets pour le perfectionnement des aérogénérateurs. Cette proposition puise là encore ses origines dans les efforts fournis après-guerre et dans les études du BEST. Dès la fin des années 50, L. Romani réfléchissait déjà à une configuration révolutionnaire qui permettrait de faire chuter le coût du kW éolien. En 1960, des essais sont réalisés dans la grande soufflerie ONERA de Chalais-Meudon (figure 3.11) sur une maquette à échelle réduite d’un prototype birotor… de 4 MW ! En 1963, à la demande d’EDF, le BEST en étudia les détails et proposa la réalisation d’un prototype 2 ¥ 1 MW, avec rotors de 32 m de diamètre (figure A3.6), qui ne fut pas retenu suite à l’arrêt de la filière éolienne. Au-delà, une configuration à 4 rotors de 50-55 m pour une puissance totale de 10 MW était déjà envisagée. Fin 1982, L. Romani proposa de nouveau ce concept. L’avantage du multirotor est de disposer, pour une implantation unitaire, d’une puissance plus importante qu’un monorotor et donc d’abaisser le coût du kW. On utilise en effet des 50
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
éléments de plus petites tailles et de coûts moins élevés tout en réduisant la masse de l’ensemble. Par contre, cette configuration n’est pas sans poser de nouveaux problèmes, notamment du point de vue structure et dynamique de l’ensemble, qui ne sont pas triviaux, même maintenant.
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Figure 3.11 – essais BEST dans la soufflerie S1ch de l'ONERA en 1960 d'un prototype birotor 2 ¥ 2,5 m de diamètre (crédit photo : ONERA)
Fidèle à la démarche du BEST, le nouveau prototype proposé (figure 3.12) était un birotor downwind à régulation par décrochage, cette fois de puissance plus raisonnable (2 ¥ 250 kW). Il devait donc servir de banc d’essais représentatif pour résoudre les problèmes et connaître réellement le prix du kWh obtenu, avant de passer en série à une taille plus importante. 51
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
Figure 3.12 – Schéma du prototype GECA-Romani birotor 500 kW de 1982
m La proposition d’Aérospatiale-SILAT
La deuxième proposition est issue principalement du milieu aéronautique. Elle a été établie conjointement par : – l’Aérospatiale, Division Hélicoptère (futur Eurocopter France) pour les aspects rotor, aérodynamique et stabilité, – la Société Industrielle d’Aviation Latécoère pour les aspects systèmes et architecture générale, – la société Aérowatt pour une aide à la détermination des performances. Cette proposition ayant été retenue, elle a bénéficié du soutien financier de l’AFME pour une étude complète de la machine. Les réflexions et choix technologiques effectués ont abouti à la rédaction d’un dossier assez complet décrivant et justifiant les différents systèmes et la configuration finale choisie (figure 3.13). Celle-ci est beaucoup plus classique avec un rotor bipale de 40 m de diamètre, placé en amont du pylône et régulé par calage de pas, associé à une génératrice asynchrone. 52
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
Les performances estimées étaient de 290 kW à 10 m/s et de 750 kW à 18 m/s, vitesse de vent nominale, avec une vitesse de rotation de 40 tr/min (soit une vitesse périphérique de 84 m/s). La machine devait produire à partir de 5 m/s de vent et, par variation du pas des pales, jusqu’à 35 m/s où le rotor est mis en position de survie, pales en drapeau.
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Figure 3.13 – Dessin du prototype Aérospatiale-SILAT de 1983
Plusieurs innovations prévues provenaient de l’expérience d’Aérospatiale-Silat : – montage du rotor en balancier, pour ne pas transmettre à l’arbre moteur le couple de flexion dû au mouvement d’ensemble du rotor. Il est associé à une liaison dite K pour la commande de pas, utilisée sur les hélicoptères. Cette liaison permet de fournir un amortissement aérodynamique aux mouvements dissymétriques des pales. Le calage des pales est effectué par l’intermédiaire de biellettes commandées par un vérin hydraulique unique, – articulation du balancier par paliers lamifiés composites au lieu des roulements classiques portés par un fléau en acier. Les pales devaient aussi être en composite résine/fibre de verre pour réduire la masse, – orientation de la machine « pas à pas » par vérins hydrauliques, 53
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
– pour réduire la masse et l’encombrement de la nacelle, un principe de multiplication dit « à couple divisé » a été retenu pour répartir en deux endroits la transmission de puissance du premier étage de multiplication (qui reçoit un couple élevé). Pour abaisser le coût de la génératrice, la vitesse de rotation était de 1500 tr/min, ce qui nécessitait un troisième étage. L’ensemble devait peser environ 35 % de moins qu’une machine comparable. Le rendement global de la machine était estimé à 81 %. m L'échec de l’appel d'offres
Le choix de l’AFME et les études réalisées ne se traduisirent dans les faits par aucune réalisation concrète d’une éolienne de moyenne ou grande puissance. Mais l’AFME avait-elle véritablement les moyens de soutenir cet effort ? De plus, sans doute pour des raisons politiques et stratégiques, ce choix se porta vers la proposition issue du milieu aéronautique. Comme dans le cas des démarches américaine et allemande, ce fut une erreur. Car bien qu’ayant des connaissances applicables à l’éolien, cette équipe partait de zéro. Mais surtout, elle avait un mode de fonctionnement et des coûts aéronautiques… bien éloignés de ceux exigés par l’éolien ! Lors de cet appel d’offres, l’erreur de Romani – mais peut-on lui reprocher ? – est d’avoir voulu proposer une nouvelle fois une configuration trop avancée pour l’époque. Avec le recul, on ne doute pas que l’équipe réunie autour de ce visionnaire aurait réussi à construire et tester une telle machine, sans doute au prix d’un certain effort de recherche et de quelques années de développement. Compte tenu de l’expérience acquise avec le prototype de Nogent-le-Roi, on se dit aussi que cette machine de 800 kW, en avance de 20 ans sur son époque, aurait encore eu toute sa place au début des années 80. 3.4.2
Le CNEEL et autres sites d’essais
Une autre action d’accompagnement de l’AFME fut le soutien financier aux centres d’essais éoliens. Au-delà des études, il s’agissait de permettre aux industriels d’expérimenter leurs machines et développer des compétences en essais et en instrumentations qui manquaient alors en France dans ce domaine. Dès 1982, la première initiative fut la création du Centre National d’Essais Éolien de Lannion, le CNEEL, sur le site de Trébeurden. En 1983, des conventions triennales entre l’AFME et les organismes ONERA et CSTB furent signées pour mettre en place le centre et profiter de leurs expériences respectives dans l’aéronautique et la climatologie. Le site d’essais du CSTB qui se situait à Bouin fut lui aussi mis à contribution. Enfin, en 1983, l’entreprise Aérowatt monta un site d’essais privé à Lastours, Portel-les-Corbières, pour la mise au point de ses machines de la gamme UM. Pendant ses 6 années de fonctionnement, moins d’une dizaine d’éoliennes a été étudié et testé sur le site du CNEEL (figure 3.14), de la petite machine de pompage multipale aux prototypes Ratier-Figeac, en passant par une Darrieus tripale à axe vertical (voir aussi en Annexe A). 54
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
Au cours des trois premières années, l’équipe du CNEEL et les industriels durent faire face à de nombreuses difficultés, tous les prototypes d’aérogénérateurs présentant des problèmes parfois importants de vibration. Des solutions furent apportées pour tenter de les résoudre.
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Figure 3.14 – Vues du Centre National d’Essais Éolien de Lannion avec à gauche le prototype tripale Aéroturbine (crédit photos : ONERA)
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m Les prototypes Ratier-Figeac
En mai 1984, à la demande de l’AFME, la société aéronautique Ratier-Figeac a construit et installé sur le site du CNEEL un prototype instrumenté RF0. Pour repartir d’une expérience déjà acquise, elle a remis à plat les plans Aérowatt du prototype d’Ouessant de 100 kW pour 18 m de diamètre. La configuration est la même. Les pales ont cette fois été fabriquées par l’Aérospatiale (Division Hélicoptère). À calage variable, elles sont encastrées sur le moyeu et haubanées (figure 3.15). Conformément à la solution retenue par Aérowatt, la machine est d’abord assemblée au sol avant d’être érigée par l’intermédiaire d’un mât articulé. Avant le montage sur le site de Trébeurden, des essais préliminaires de vibration de l’ensemble de la machine ont été effectués par l’ONERA chez Ratier-Figeac (figure 3.16). La détection d’un mode de vibration en flexion du bras portant le safran, de pulsation deux fois supérieure à la vitesse de rotation et donc possiblement destructeur, ont conduit à réduire celui-ci de moitié. Il était initialement de grande longueur pour placer le safran hors du sillage des pales et donc de perturbations aérodynamiques. 55
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
Figure 3.15 – Levage du prototype RFO lors de l'inauguration au CNEEL en 1984. Le camion laboratoire du Département des Structures de l'ONERA se trouve au pied de la machine (crédit photo : ONERA)
Figure 3.16 – Phase d'identification vibratoire du prototype RF0 par l'ONERA (crédit photo : ONERA)
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3.4 Et en France… ?
Les essais sur site se sont effectués jusqu’en décembre 1985 avec les moyens combinés de l’ONERA (camion laboratoire) et du CNEEL. Les pales avaient été instrumentées en jauges extensométriques par l’Aérospatiale pour obtenir leurs déformations en fonctionnement. Les données expérimentales étaient transmises par une télémesure d’EDF. L’objectif était d’élaborer et mettre au point les techniques de mesure et de les comparer au modèle théorique développé par l’ONERA. Après diverses mises au point (calage des pales, remplacement du frein électromécanique…), des essais d’orientation de la machine sans le safran ont été réalisés avec succès. La machine n’a en outre pas présenté d’instabilités de fonctionnement, mais elle était arrêtée par les systèmes de sécurité pour des vitesses de vent supérieures à 15 m/s. Le rendement global de la machine s’est par contre avéré assez faible, atteignant à 9 m/s seulement 39 % de la limite de Betz en raison d’un rotor peu performant. En 1986, la machine fut détruite accidentellement suite à la rupture d’un câble du haubanage pendant une opération de levage. Le 4 mars de la même année, un nouveau prototype Ratier-Figeac, la RF100 (figure 3.17), fut mis en rotation sur le site du CNEEL. Bénéficiant des enseignements obtenus sur la RF0, cette machine de 155 kW, toujours pour 18 m de diamètre, était dépourvue de safran et s’orientait automatiquement à l’aide des informations fournies par une girouette montée sur la nacelle et un système classique moteur/pignon engrenant sur une couronne dentée. Le rotor bipale était d’une conception nouvelle : les deux pales étaient solidaires, encastrées sur un moyeu rigide, et montées en balancier pour amortir les mouvements d’ensemble du rotor. Fabriquées par Ratier, elles étaient cette fois à calage fixe, vrillées avec corde et profils (étudiés par l’ONERA) évolutifs avec l’envergure. Plus efficaces, la puissance de la machine excédait même la puissance nominale. Cependant, après vérifications du CNEEL, les deux pales se sont avérées différentes, ce qui conduisait à un déséquilibre statique de l’ensemble. Après démontage en mai et modification de la machine, de nouveaux essais ont été entrepris en septembre. Les vents moyens plus importants firent apparaître une nouvelle résonance sur un des satellites du multiplicateur (provoquant un bruit « insupportable ») et de fréquentes surpuissances. Pour éviter ces problèmes, la vitesse de rotation de la machine a été abaissée de 88 à 78 tr/min. La dynamique de la machine restait problématique avec des mouvements de balancier toujours trop importants et qui atteignaient régulièrement les butées de limitation. Des premiers calculs, effectués par la société CR2A, montrèrent que la machine était instable simplement avec la présence du gradient de vent vertical. Les observations sur site montrèrent que d’autres oscillations apparaissaient lors d’une désorientation de la machine et ce, pour toutes les vitesses de vent, vraisemblablement suite à un décrochage anticipé des pales. Le mouvement de balancier se couplait alors avec d’autres degrés de liberté de la machine provoquant des vibrations à une fréquence double de la vitesse de rotation, très dangereuse pour une machine bipale. De ce fait, la puissance fournie présentait aussi des oscillations entre 80 et 220 kW à cette fréquence. 57
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
Figure 3.17 – Dessin du prototype RF100
Suite aux recommandations du CR2A, des amortisseurs hydrauliques ont été montés par Ratier pour réduire les amplitudes des vibrations. La machine fut démontée fin 1986 et transportée sur le site plus turbulent de Lastours. Les enregistrements montrèrent que le problème, apparaissant dès que la puissance dépassait les 100 kW, n’avait pas été résolu mais juste atténué. En 1987, une panne du système hydraulique pilotant ces amortisseurs conduisit à des amplitudes de balancier excessives. Une des pales heurta le pylône, détériorant la RF100 et mettant fin à l’expérience Ratier-Figeac. m L'Aérowatt UM 70
En 1983, Aérowatt installa sur leur site de Lastours 10 machines de type UM 70 (diamètre de 7 m) qui constituèrent la première centrale éolienne française reliée au réseau. Les principes de fonctionnement (régulation centrifuge, orientation par safran…) sont identiques à ceux des précédentes Aérowatt 1100 FP7 ou de la RF0. Confrontée à plusieurs incidents (ruptures par fatigue des bras portant le safran, des barres de régulation centrifuge ou des pales), cette société décida avec le soutien de l’AFME d’utiliser une de leurs machines pour l’étudier plus en détail en collaboration avec le CSTB, l’ONERA et le CNEEL. 58
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Figure 3.18 – Identification modale de l'UM 70 équipée du rotor Aérowatt dans les locaux du Département Dynamique des Structures de l'ONERA Châtillon (crédit photo : ONERA)
Préalablement, l’ONERA avait préconisé d’utiliser un rotor différent de celui d’Aérowatt (figure 3.18), constitué de pales en bois lamellé-collé, non vrillées et composées de deux tronçons de cordes différentes. En avril 1985, la machine est installée sur le site de Bouin et est équipée d’un rotor optimisé Le Jéloux, composé de deux pales composites avec évolution de la corde et des profils (figure 3.19). Suite à des problèmes de réalisations et de fonctionnement de la machine, les essais ONERA ont été retardés. Le CSTB put néanmoins mesurer le gain de puissance apporté par le nouveau rotor. Transportée en décembre sur le site du CNEEL, où les conditions de vent sont plus turbulentes et plus fortes, l’éolienne instrumentée et équipée du rotor Le Jéloux fut testée par l’ONERA toute l’année 1986 et améliorée par Aérowatt. La courbe de puissance fut de nouveau établie et les bons résultats du rotor optimisé confirmés. Cependant, l’UM 70 présentait des problèmes d’instabilités provenant des pales. Celles-ci n’étant pas instrumentées, il n’était pas facile de déterminer exactement l’origine de ces problèmes. Il n’était alors pas non plus possible de modéliser le système utilisé par Aérowatt consistant à modifier le calage pour provoquer le décrochage. Néanmoins, avec ce principe de régulation et les mesures obtenues sur la partie non tournante, indiquant la présence d’un mode de torsion, tout laissait à penser que c’est bien le comportement au décrochage qui était incriminé. Pour assurer rapidement le bon fonctionnement de l’UM 70, le constructeur modifia sa 59
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machine en jouant sur les barres de régulation et le phénomène vibratoire s’arrêta… sans être vraiment résolu.
Figure 3.19 – Instrumentation par l'ONERA de l'UM 70 équipée du rotor Le Jéloux à Bouin (crédit photo : ONERA)
Car deux ans plus tard, pour des vitesses de vent de 10 à 14 m/s, un problème identique apparut sur l’UM 100, machine similaire à l’UM 70 mais avec un rotor de 10 m. Le CNEEL plaça, sur le pylône d’une de ces machines, installée à Lannion en 1988, des accéléromètres dont les mesures confirmèrent les impressions obtenues en 1986. m L’éolienne Le Jéloux
En juillet 1986, une autre éolienne cette fois tripale, la Le Jéloux 312A, de 75 kW pour 12 m de diamètre, fut montée sur le site du CNEEL (figure 3.20). Des calculs prédictifs avaient été effectués par le constructeur pour identifier les modes vibratoires de la machine. Ils correspondaient aux relevés expérimentaux, sauf pour un mode du pylône, dû à un mouvement de rotation de la nacelle. Mais ce degré de liberté n’avait pas été pris en compte. Malheureusement, la fréquence de ce mode coïncidait avec l’harmonique triple de la vitesse de rotation, ce qui est la pire configuration pour une machine tripale. Dès octobre, au régime de fonctionnement nominal, cette machine présentait un problème de vibrations important. La conception de la machine en elle-même n’était pas mise en cause, mais il aurait fallu régler certains défauts de jeunesse, révélés par les essais du CNEEL, pour assurer le futur de la machine (déséquilibrage du rotor, faiblesse du système 60
3 • Le tournant du 1er choc pétrolier
3.4 Et en France… ?
d’orientation…). Concernant le mode de pylône néfaste, il aurait juste fallu modifier le pylône pour supprimer ces vibrations. Mais le soutien financier de l’AFME tardant, le développement de cette machine, résultant d’une initiative et de fonds privés, fut stoppé.
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Figure 3.20 – Éolienne Le Jéloux 312A sur le site du CNEEL en 1986 (crédit photo : ONERA)
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m L’arrêt des études
En 1985, une deuxième convention triennale entre l’ONERA et l’AFME fut établie pour étudier plus en détail ces problèmes d’aéroélasticité et préconiser des améliorations. Cependant, face aux déboires des prototypes, l’effort des industriels ne fut pas poursuivi. Il aurait fallu soutenir un programme de R&D plus amont pour mieux comprendre le fonctionnement dynamique d’une éolienne soumise à la turbulence atmosphérique. La poursuite naturelle des expérimentations faites au CNEEL, élaborée par l’ONERA en 1988, aurait été de disposer d’un banc d’essais dédié et indépendant des contraintes de disponibilité d’un industriel. La machine aurait été constituée du pylône de l’Aéroturbine installée au CNEEL en 1984 (figure 3.14), d’une nacelle Aérowatt et de pales « basiques » instrumentées. Mais les financements de l’AFME pour l’éolien n’étant plus assurés et ceux de la communauté européenne pas obtenus, la mise au point des prototypes fut stoppée et les bénéfices des travaux effectués en partie perdus. Le CNEEL fut définitivement dissous en 1990. Seule l’activité éolienne d’Aérowatt a survécu après son rachat en 1989 par VERGNET, qui reste le seul industriel français de l’éolien. Pour les aspects théoriques et expérimentaux sur les rotors, l’ONERA continua naturellement ses développements dans les domaines hélicoptère et hélice. 61
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Il faudra par la suite attendre encore 10 ans pour voir la concrétisation d’une nouvelle initiative d’ampleur en France avec l’innovante J48 de 750 kW de l’industriel Jeumont Industrie (figure 3.20), soutenue par l’ADEME et la Région Nord-Pas de Calais. Cette initiative s’inscrivait dans la relance de l’éolien au niveau national grâce au programme Éole 2005 lancé par les pouvoirs publics français en 1996. Un nouveau site d’essais, le SEPEN, verra par ailleurs le jour en 2004 près de Narbonne pour tester les performances et la fiabilité des petites machines.
Figure 3.21 – Vue de l'éolienne Jeumont Industrie J48. Utilisant la technologie de « l’attaque directe », le rotor entraîne directement une génératrice multipôle discoïde. La suppression du volumineux multiplicateur donne cette forme particulière et très compacte à la nacelle (crédit photo : Laurent Perquis /ADEME)
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4 • L’ACTUEL ET L’AVENIR : MW ET OFFSHORE
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4.1 Le développement des machines de grande puissance
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Figure 4.1 – Représentation schématique de l’évolution des prototypes, proposés par la suite sur le marché, en fonction de leurs puissance, diamètre et masse de l’ensemble nacelle/rotor
Afin de synthétiser le développement des éoliennes, la partie droite de la figure 4.1 schématise l’évolution du diamètre en fonction de la puissance et de l’année d’arrivée des prototypes. On constate qu’à partir de 1989, la puissance des machines augmente d’environ 50 % tous les 2 à 3 ans. La puissance moyenne unitaire des éoliennes installées était déjà supérieure au MW en Allemagne à partir de 2000 et au niveau mondial en 2003. Cette tendance s’est cependant arrêtée avec les prototypes (tous allemands) de la classe 5 MW : l’E112 d’Enercon (4,5 MW en 2002), les 5M et M5000 de de REpower et Multibrid (5 MW en 2004) et enfin la Bard VM (5 MW) et l’E126 d’Enercon (6 MW) en 2007 qui sont tous testés depuis sur sites terrestres près des côtes d’Allemagne du nord. Pourquoi un tel arrêt dans l’augmentation de la puissance ? Simplement parce qu’avec les dimensions de ces machines géantes, on a atteint, dans beaucoup de domaines, les limites de ce que l’on sait concevoir, fabriquer, transporter et 63
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.1 Le développement des machines de grande puissance
installer actuellement, tant d’un point de vue architecture machine que soussystèmes. Il est à ce titre intéressant par exemple d’analyser, sur la partie gauche de la figure 4.1, l’évolution de la masse placée en haut du mât, c’est-à-dire de l’ensemble des éléments de la nacelle et du rotor : – si l’on avait poursuivi le développement de la puissance avec les technologies du début des années 1990, on aurait atteint les 400 tonnes en tête-rotor avec des machines de l’ordre de 80 m de diamètre (courbe appelée « tendance 1990 »), – si l’on avait poursuivi le développement de la puissance avec les technologies du milieu des années 1990, on aurait atteint les 400 tonnes en tête-rotor avec des machines de l’ordre de 100 m de diamètre (courbe appelée « tendance 1995 »). Si une réduction importante de la masse a progressivement été obtenue depuis 1990, c’est bien sûr par une meilleure compréhension du fonctionnement éolien et une évolution continue des différents sous-systèmes de l’éolienne, que ce soit par l’accumulation des retours d’expérience ou grâce à l’amélioration des méthodes de conception, de fabrication etc. Mais c’est aussi en raison d’innovations majeures provoquant des ruptures technologiques (tableau 4.1) telles que l’emploi de matériaux (fibre de verre, puis carbone) ou de procédés nouveaux (RTM…) pour les pales ainsi que la conception de nouvelles génératrices plus compactes (figures 3.21 et 4.2) permettant de supprimer en totalité ou en partie les lourds étages de multiplication mécanique (§9.4). Tableau 4.1 – Caractéristiques de la gamme Vestas montrant la stabilisation de la masse des nacelles et pales malgré l'augmentation de la puissance et de la taille du rotor (données Vestas) Ø rotor (m)
Masse Nacelle (t)
Masse Rotor (t)
Masse (t) / Tour (m)
39
17,3
6,3
18,5 / 40
44
19
8,6
36 / 40
Pas et vitesse variables OptiSlip®
V52 - 800 kW
52
22
10
71 / 65
Pas et vitesses variables
V82 - 1,65 MW
82
52
43
130 / 80
Active Stall
V80 - 2 MW
80
67
37
190 / 80
Pas variable piloté OptiTip®
Modèle Année de lancement V39 - 500 kW 1991 V44 – 600 kW
Innovations technologiques
Pale composite GFRE de 1,1 t (contre 3,8 auparavant)
1994
Vitesse variable OptiSpeed®
1999 V90 - 2 MW
90
68
38
150 / 80
Pale avec carbone
V90 - 3 MW
90
70
41
160 / 80
Nouveau système alternateur/ multiplicateur compact
112
-
-
-
2002 V112 – 3 MW 2009
64
dédiée offshore alternateur à aimants permanents + convertisseur pleine puissance
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.1 Le développement des machines de grande puissance
A
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Figure 4.2 – Exemple de compacité des éléments de la nacelle, à « taille humaine », pour une machine récente, la Nordex N90 de 2,3 MW (parc de Migny, Indre), comportant un agencement classique génératrice/multiplicateur (crédit photo : Marc Rapin)
Cette valeur symbolique des 400 tonnes est cependant atteinte par les machines de la classe 5 MW. On se heurte maintenant à des problèmes de logistiques et de coûts. Comme pour le géant des airs d’Airbus, l’A380, pour lequel des infrastructures spéciales ont dû être aménagées pour amener les différentes pièces vers l’assemblage final ou dans les aéroports, les chaînes de fabrication, transport et installation sont à la limite des possibilités actuelles pour les éoliennes. Pour les pales par exemple, il a bien sûr été nécessaire de fabriquer des moules de grande taille dédiés et un site d’essais de dimensions appropriées, comme par exemple chez LM Glasfiber, fabricant indépendant et leader mondial. Mais, avec des diamètres pouvant atteindre les 126 mètres, on se heurte rapidement au problème du transport de ces pales qui est pratiquement exclu par voie terrestre. Même si les dirigeables sont parfois évoqués pour l’avenir, la seule solution viable reste la voie maritime (figure 4.3), ce qui impose d’avoir les sites de fabrication ou les centrales éoliennes à proximité d’une voie navigable. Pour faciliter l’installation de son dernier prototype E126 de 6 MW fin 2007, l’allemand Enercon a par ailleurs innové en choisissant de modifier fortement la conception de ses pales puisqu’elles sont constituées de deux parties assemblées l’une après l’autre sur site. Mais la tendance naturelle est bien de continuer à augmenter la puissance unitaire des machines, en particulier pour l’implantation offshore (voir § 4.3). 65
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
Figure 4.3 – Transport des trois pales LM Glasfiber de 61,5 m par barge vers le site d’assemblage d’une éolienne REpower 5M (crédit photo : REpower Systems AG)
Les réflexions sont donc en cours pour concevoir les éoliennes de la génération suivante, c’est-à-dire de la classe 5-10 MW. Mais les sauts technologiques à accomplir sont désormais très importants : on ne peut plus se contenter de faire du upscaling en se basant sur le savoir-faire actuel. Dans cette perspective, 40 partenaires européens, représentatifs de différents domaines et origines (sauf la France…), se sont réunis autour d’Upwind, le plus important projet de recherche en éolien jamais financé par la Communauté Européenne (Programme Cadre FP6) sur la période 2006-2011. Ce projet doit permettre de définir les orientations à prendre et les modèles à développer pour aboutir à une telle machine à l’horizon 2020.
4.2 L'évolution du monde éolien Le début du XXIe siècle a vu le monde de l’éolien subir des changements conséquents. Alors que son développement avait été fluctuant car lié étroitement aux contextes énergétiques et aux volontés politiques des années 60 à 80, cette filière industrielle à part entière est progressivement devenue suffisamment mature pour devenir économiquement intéressante. Après l’an 2000, le contexte fluctuant des énergies fossiles, l’explosion de la demande mondiale et les prises de conscience 66
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
environnementale ont accentué le besoin en énergies propres, indépendantes et durables où l’éolien occupe une place privilégiée. Fort de son potentiel de croissance (à 2 chiffres depuis une quinzaine d’années !), celui-ci a ainsi attiré différents acteurs du monde économique et surtout de l’énergie. Ceci s’est traduit par une profonde réorganisation et mutation du marché et des acteurs de l’éolien. 4.2.1
L'évolution du marché mondial
A
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LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
Figure 4.4 – Représentation de l'évolution des marchés entre 2000 et 2006
Comme on l’aura compris à travers la description historique, l’évolution de l’éolien est étroitement liée au support politique qu’il reçoit au niveau national. Il est à ce titre révélateur d’observer les changements de répartition du potentiel éolien au niveau mondial entre 2000 et 2006 (figure 4.4). 67
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
En regardant le bilan fin 2000 en termes d’implantations, on constate : – qu’au regard de leur potentiel, les États-Unis n’ont pratiquement pas développé l’éolien après l’arrêt des incitations et du développement du marché californien (voir §3.3), – que l’Europe concentre les 3/4 des implantations mondiales, dont la moitié rien que pour l’Allemagne, qui est alors passée devant le Danemark, pionnier historique, – que de nouveaux marchés tels que l’Espagne ou l’Inde émergent assez rapidement. Lorsqu’un marché national obtient des garanties suffisantes à moyen terme (par des mesures d’incitation ou un prix de rachat du kW préférentiel), le nombre de développeurs de projets augmente, chacun cherchant à obtenir une taille critique avant qu’une série de fusion/acquisition ne se produise. Au-delà, c’est tout une filière industrielle qui peut s’organiser avec l’émergence ou le développement de constructeurs nationaux : Mitsubishi Heavy Industries au Japon ou Suzlon en Inde. L’Espagne a fait un choix différent en produisant sous licences des pales de la société néerlandaise Aerpac et des machines danoises Vestas par Gamesa. L’année 2006 a vu l’implantation d’environ 15 GW soit 30 % de plus qu’en 2005. Cependant, la ventilation de ces MW a commencé à se modifier car, même si l’Europe concentre encore environ 65 % des implantations mondiales et maintient une demande soutenue, les marchés se déplacent progressivement vers d’autres parties du globe. En effet : – le potentiel de développement domestique des pays européens, leader en 2000, commence à baisser (Allemagne) ou est bloqué (Danemark, Pays-Bas). D’autres marchés ont continué à se développer fortement, comme celui de l’Espagne qui a fait jeu égal avec les États-Unis, ou sont en pleine ascension depuis que les décisions politiques ont été prises en Grande-Bretagne, au Portugal ou en France, – de nouveaux marchés, à très fort potentiel, se sont développés rapidement en Inde, en Chine et au Canada ou plus difficilement en Australie et en Amérique du Sud, – les États-Unis ont repris leur politique de soutien en faveur de l’éolien. Les années 2007 et 2008, toujours en progression avec 20 et 27 GW installés respectivement, ont confirmé voire accentué ces tendances (voir tableau 4.2), puisque les États-Unis constituaient alors le premier marché mondial et sont ainsi passés devant l’Allemagne fin 2008. La Chine, qui doit faire face à une demande intérieure en pleine augmentation, comme l’Inde, a affiché la plus forte progression en doublant sa capacité chaque année, faisant jeu égal avec l’Espagne. Face à l’explosion des marchés nord-américains et asiatiques, la part européenne n’atteint plus que 61 % en 2007 et 55 % en 2008 et va continuer progressivement à décroître. Mais au-delà, ce sont aussi de nouveaux acteurs qui se créent ou investissent dans la chaîne industrielle de l’éolien et qui vont concurrencer progressivement les acteurs européens actuels. 68
4.2 L'évolution du monde éolien
Les perspectives à moyen terme sont toujours difficiles à établir, car soumises à de nombreux paramètres et constamment revues à la hausse. Le marché français a par exemple la même courbe de progression que celles de l’Espagne ou l’Allemagne, mais avec respectivement 5 et 10 ans de retard. Et qui aurait pu prédire l’incroyable rapidité d’expansion du marché chinois ne serait-ce qu’en 2005 ? Début 2008, où le seuil des 100 GW installés a été franchi au niveau mondial, le GWEC tablait sur le chiffre des 240 GW à l’horizon 2012 : l’éolien contribuerait alors à 3 % de la consommation mondiale. En 2020, la Chine atteindrait les 50 GW et les 27 états membres de l’UE les 180 GW, dont 35 en offshore (selon l’EWEA). Mais, avec la progression affichée en 2008 et malgré le ralentissement dû à la crise économique, ces derniers chiffres ont déjà été revus à la hausse début 2009 avec 230 GW pour l’UE dont 40 en offshore et 100 à 150 GW pour la Chine à l’horizon 2020… Tableau 4.2 – Répartition de la puissance installée en 2007 et 2008 (d'après données GWEC) Capacité installée en 2007 (MW)
Capacité cumulée fin 2007 (MW)
Progression / 2006 (%)
Capacité installée en 2008 (MW)
Capacité cumulée fin 2008 (MW)
Progression / 2007 (%)
U.S.A.
5 244
16 824
+45
8 358
25 170
+50
Espagne
3 522
15 145
+30
1 609
16 754
+11
Chine
3 449
5 910
+133
6 300
12 210
+107
Inde
1 730
7 845
+28
1 800
9 645
+23
Allemagne
1 667
22 247
+8
1 665
23 903
+7
France
888
2 454
+61
950
3 404
+39
Italie
603
2 726
+28
1 010
3 736
+37
Portugal
434
2 150
+25
712
2 862
+33
G.B.
427
2 406
+22
836
3 241
+36
Canada
386
1 846
+26
523
2 369
+28
Autres
1 726
14 270
+2
3293
17497
+23
Total
20 076
93 823
+27
27 056
120 791
+28
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Pays
69
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2.2
4.2 L'évolution du monde éolien
L'évolution du marché français
En France, le marché de l’éolien s’est lancé tardivement grâce à l’initiative d’Éole 2005 en 1996 et aux lois incitatives consécutives. Par ailleurs, en septembre 2001, la France s’est engagée à passer de 15 % de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables en 1997 (principalement en hydroélectricité) à 21 % en 2010 pour se conformer aux objectifs de Kyoto. La Programmation Pluriannuelle des Investissements de production électrique (PPI) prévoit que les trois quarts de ces 6 % supplémentaires, soit environ 13,5 GW, seront d’origine éolienne, seule technologie assez mature à cette échelle. Fin 2009, la puissance installée en France se situait autour des 4,5 GW ce qui paraît faible compte tenu des objectifs affichés. Cependant, en termes de progression de la capacité installée (voir tableau 4.3), la France se positionnait en 2006 et 2007 au 3e rang européen derrière l’Espagne et l’Allemagne. m Le programme Éole 2005
Ce programme a été lancé en 1996 par les pouvoirs publics dans le but d’implanter 250 à 500 MW d’éolien à l’horizon 2005. Plusieurs appels à propositions d’EDF jusqu’en 1999 ont suscité près de 400 projets dont seulement 55 furent retenus pour une puissance totale de 361 MW. Éole 2005 s’est terminé en 2000, la loi de modernisation et de développement du Service public de l’électricité ayant fixé un nouveau cadre juridique. De fait, la France disposait fin 2000 de seulement 68 MW dont 48 suite aux propositions issues de ce programme. Les 300 MW supplémentaires ont été développés pendant les 4 années suivantes portant le total à 390 MW fin 2004 (tableau 4.3). Tableau 4.3 – Évolution de la puissance installée et du parc en France par année (d'après données ADEME, GWEC et WindPower.net) Année
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
54
102
147
367
810
888
950
+ 100
+ 89
+ 47
+ 149
+ 120
+ 10
+ 7
Nombre de parcs installés
11
18
22
51
90*
78*
70*
Nombre de machines installées
78
136
125
331
475*
495*
495*
Puissance unitaire moyenne kW
640
735
1 200
1 100
1 700*
1 795*
1 920*
Puissance cumulée (MW)
131
233
390
757
1 567
2 454
3 404
+ 78
+ 67
+ 94
+ 107
+ 57
+ 39
Puissance installée (MW) Évolution / année précédente (%)
Évolution / année précédente (%) * estimation
70
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4.2 L'évolution du monde éolien
Suite au retard pris par le France par rapport à ses voisins européens, le programme Éole 2005 a indéniablement permis de relancer l’activité éolienne à une plus grande échelle et de : – familiariser à nouveau et progressivement la France à cette forme d’exploitation du vent, représentant un potentiel de 66 TWh/an soit le second d’Europe après la Grande-Bretagne, – développer les compétences nationales dans certains domaines associés à l’éolien, – avoir un retour d’expérience sur les coûts de montage et d’exploitation et ainsi établir un tarif de rachat plus adapté tant pour le développeur que pour le consommateur, – homogénéiser les réponses et les démarches des pouvoirs publics face à l’éolien, – clarifier les conditions et instituer un cadre légal de développement de l’éolien sur le territoire. L’objectif d’Éole 2005 était cependant assez modeste en terme de puissance installée mais le déroulement de ce programme a permis de mettre en avant un certain nombre de difficultés à surmonter : – les problèmes d’ordre technique tels que le raccordement au réseau, la gestion du productible éolien ou les interférences avec les radars météorologiques ou militaires, – les problèmes d’acceptabilité et montées de mouvements anti-éoliens et NIMBY (pour Not In My Back Yard, que l’on pourrait traduire par « pas dans mon jardin »). Car, même si le développement de l’éolien est supporté par une grande majorité de la population française, il est nécessaire de bien prendre en compte tous les aspects liés à l’implantation des machines, sous peine de voir un projet de parc rejeté. Parmi les nombreux griefs attribués à l’éolien, les impacts visuel et sur la faune et la flore sont de loin les plus recevables, – la démultiplication des intervenants aux différentes étapes d’un projet avec une certaine variabilité des interlocuteurs et des réponses obtenues, – les lenteurs et lourdeurs du processus administratif associé qui conduisent à une durée de réalisation aux alentours des 3 ans (voir Annexe B) ! Les développeurs français ont donc dû faire preuve de patience ou trouver des partenaires extérieurs pour continuer d’exister et se développer pendant cette période intermédiaire… et s’organiser pour répondre à la fois aux problèmes techniques, administratifs et d’opinion : cette période a ainsi vu la création de FEE (France Énergie Éolienne) en 1996 ou les actions d’autres associations telles que le CLER (Comité de Liaison Énergie Renouvelable) ou le SER (Syndicats des Énergies Renouvelables). Parallèlement, les développeurs étrangers, qui possédaient déjà une expérience significative et un marché domestique bien établi, se sont donc aussi positionnés pour participer à l’essor français. Le marché national a ainsi vu : – les acteurs historiques s’allier avec des investisseurs étrangers pour développer leur assise financière et leurs parts de marché. On peut citer la Compagnie du Vent en 1998 avec l’espagnol Acciona Energia (anciennement EHN), Éole technologie en 1999 avec le Britannique RES Ltd, 71
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
– l’arrivée d’acteurs étrangers tels que le Canadien Boralex, les Allemands Windkraft Nord AG, Abo Wind ou Juwi et l’espagnol Iberdrola (figure 4.7), – le développement de l’éolien par les grands acteurs de la production d’énergie nationale avec la prise de contrôle par EDF en 2002 de la société SIIF puis d’un des leaders du marché américain, EnXco (qui formeront EDF Énergies Nouvelles en 2004), la prise de participation de GDF dans la société Maïa Eolis en 2002 et de Poweo dans la société Espace Éolien Développement en 2007 et finalement de Suez dans la Compagnie du Vent en rachetant la part d’Acciona Energia. Par ailleurs, pour le compte de l’ADEME début 2006, un bilan assez complet sur la situation de la filière éolienne en France a été réalisé par le Centre Energétique et Procédés d’ARMINES (École Nationale Supérieure des Mines de Paris) sur les actions de Recherche & Développement à entreprendre afin de soutenir la filière industrielle éolienne française. m L'après Éole 2005
La loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, oblige EDF et les distributeurs non nationalisés à acheter à un tarif déterminé, et ce pendant 10 à 15 ans, l’électricité produite par des installations utilisant des énergies renouvelables et notamment les éoliennes. Le dernier arrêté ministériel du 26 juillet 2006 (loi POPE) fixe un tarif de 8,2 c€/kWh pour les 10 premières années d’exploitation. Les 5 années suivantes sont évolutives suivant le potentiel du site comme suit : – tarif maintenu à 8,2 c€/kWh pour les sites produisant 2400 h/an ou moins, – tarif à 6,8 c€/kWh pour les sites produisant moins de 2800 h/an, – tarif à 3,2 c€/kWh pour les sites produisant moins de 3600 h/an. Ces tarifs permettent de favoriser les zones où les vitesses de vent sont plus faibles et, point important, incitent donc à un développement mieux réparti sur le territoire. En particulier (tableau 4.4), la Région Centre a ainsi vu sa capacité éolienne passer de 23 MW en 2005 à 242 en 2006 : elle a alors occupé la première place en 2007, en dépassant la Bretagne et le Languedoc-Roussillon où les vents moyens sont pourtant plus favorables. Tableau 4.4 – Évolution de la puissance cumulée (en MW) par Région et année (source DGEMP d'après données ADEME) Année
2002
2003
2004
2005
2006
2008
63,7
104,6
108,4
143,8
251,4
407
–
–
–
23,0
241,7
377
Bretagne
5,0
21,0
41,3
102,1
184,6
336
Picardie
0,3
4,3
27,3
51,3
118,3
340
Languedoc-Roussillon Centre
72
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
Tableau 4.4 – Évolution de la puissance cumulée (en MW) par Région et année (source DGEMP d'après données ADEME) (suite) 2002
2003
2004
2005
2006
2008
1,5
1,5
1,5
57,2
110,7
198
–
–
9,0
55,0
100,5
432
12,0
23,6
57,1
61,1
70,1
260
Pays de la Loire
–
19,5
19,5
19,5
48,7
158
Auvergne
–
–
–
39,0
39,0
126
23,6
23,6
23,6
23,6
29,7
231
Champagne-Ardenne Lorraine Nord-Pas de Calais
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Midi-Pyrénées
A A
Pour mieux encadrer l’implantation des machines sur le territoire, la loi POPE de juillet 2006 a introduit la notion de ZDE (Zones de Développement Éolien). Celles-ci sont arrêtées, sur proposition de communes, par le préfet qui est également garant de la cohérence départementale. L’objectif est d’impliquer les collectivités et de tenir compte du potentiel éolien et de toutes les contraintes environnementales, paysagères etc. afin de proposer un terrain de développement concerté de l’éolien. A partir de juillet 2007, seules les machines implantées dans ces ZDE peuvent accéder au tarif de rachat préférentiel sur 15 ans. Depuis début 2005, le rythme d’implantation ne cesse de progresser et devrait atteindre environ 2000 MW/an en 2010, ce qui permettra d’atteindre alors une capacité cumulée proche de 7 GW (estimation du Syndicat des Énergies Renouvelables). Le parc sera alors d’environ 4000 machines qui contribueront à hauteur de 5 % à la consommation nationale d’électricité. On est toutefois loin des 13,5 GW en 2010 (dont 1 en offshore) proposées par la PPI en 2003 pour satisfaire aux accords de Kyoto… Selon l’EWEA, la barre des 15 GW sera franchie en 2015 et celle des 25 GW (dont 6 en offshore) en 2020. Dans son bilan prévisionnel sur la période 2006-2016, le gestionnaire public du Réseau de Transport d’Électricité (RTE) a par ailleurs estimé que le réseau français était capable d’absorber 10 GW sans augmentation significative des moyens mis en œuvre. Car, le développement des implantations se faisant maintenant dans diverses zones géographiques réparties sur le territoire, avec des régimes de vent pratiquement décorrélés, les variations régionales se compensent entre elles, assurant une certaine sécurité de la production éolienne. En ayant cette vision macroscopique du réseau, le RTE a précisé que, contrairement aux idées reçues ou aux argumentaires anti-éoliens, il suffisait de prévoir seulement 5 % de moyens de régulation d’origines thermique ou hydraulique en soutien aux variations du productible éolien. À l’horizon 2015, les 15 à 17 GW d’éolien prévus pourront ainsi se substituer à 4 GW de production thermique classique. Malgré cette tendance positive, de nombreux points et améliorations des processus et temps d’instructions des dossiers administratifs doivent encore être clarifiés et 73
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
Année
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
améliorés, en particulier pour le développement en offshore, plusieurs fois repoussé. Le premier parc éolien en mer ne devrait en effet être opérationnel qu’en 2010 avec l’implantation par la société Enertrag de 21 machines de 5 MW sur la côte d’Albâtre, au sud de Fécamp. 4.2.3
L'évolution des constructeurs d'éoliennes
Figure 4.5 – Évolution des parts de marché par constructeur entre 1996 et 2002
Ces bouleversements n’auraient pas pu avoir lieu sans l’arrivée des machines MW modernes du XXIe siècle, leur implantation massive sur des sites terrestres crédibilisant la filière et sa rentabilité. Attirés par ce potentiel de croissance, de grands groupes de l’énergie se sont ainsi positionnés sur le marché des énergies renouvelables pour diversifier leurs sources de production… et se donner une image plus « verte ». 74
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
4.2 L'évolution du monde éolien
Conséquence, le paysage des constructeurs s’est modifié (figure 4.5). Beaucoup de pionniers ont disparu, d’autres ont su tirer avantage d’un soutien national pour se développer : – le seul constructeur américain restant, Kenetech, devint Zond/Tacke qui fut repris par le géant américain Enron, puis, après la mise en faillite de ce dernier en 2004, par General Electric. La bonne santé de GE Wind a longtemps reposé sur l’unique gamme de machines 1,5 MW (figure 4.6) installées à plus de 5000 exemplaires. En plus d’une gamme 2,5 MW, une nouvelle gamme GE 3.6 MW est apparue en 2003. Enfin, General Electric a acquis le constructeur norvégien ScanWind en septembre 2009 pour accéder à la technologie dite à attaque directe (§ 9.4), – les constructeurs néerlandais ont disparu ou se sont restructurés tel Windmaster absorbé par HMZ puis Lagerwey qui, malgré une machine innovante (§ 9.4), ne résistera finalement pas face aux investissements nécessaires pour se positionner sur le marché européen. Sa technologie, reprise par Zephyros, sera rachetée en 2005 par le japonais Harakosan Co. Ldt pour attaquer le marché chinois, – grâce au potentiel de leur marché domestique, de nouveaux acteurs espagnols se sont développés tels Acciona ou Ecotècnia (dont le groupe Alsthom a pris le contrôle en 2007). Gamesa a profité de la technologie Vestas jusqu’en 2002, avec son adaptation de la V80 de 2 MW (figure 4.7), pour se hisser au 4e puis 2e rang mondial en 2005. En échange, le constructeur danois pouvait pénétrer le marché espagnol. Par la suite, Gamesa absorba l’un de ses concurrents, Made, en 2003 et dut investir dans une équipe propre de R&D (située dans un premier temps en partie… au Danemark !) pour pouvoir à l’avenir proposer, avec un certain retard sur ses concurrents, des machines de taille supérieure, – la dynamique du marché allemand a porté plusieurs constructeurs qui ont su développer des machines innovantes comme Enercon avec ses éoliennes sans multiplicateurs (§ 9.4) et forme de pale évoluée (figure 4.8). Celui-ci est maintenant le leader sur le marché allemand et lutte pour la 2e place au niveau mondial en 2006. D’autres constructeurs sont apparus : Fuhrländer, Multibrid avec sa 5 MW ou encore REpower qui progresse rapidement. Cette société fut d’ailleurs à l’origine d’une bataille début 2007 pour sa prise de contrôle entre Areva et l’indien Suzlon qui établira finalement avec un partenaire portugais, Martifer, la surenchère la plus élevée. Pour prendre pied sur le marché éolien, Areva prendra finalement 51 % de Multibrid en septembre 2007. Quant à Bonus, autre acteur allemand important, il fait partie du géant Siemens depuis 2004, – pour conserver son leadership, le danois Vestas racheta en 2004 Neg-Micon, alors n° 3. Focalisée sur l’optimisation des performances et de la fiabilité de ses machines (§ 9.3.3), concrétisée par l’arrivée de la V90 de 3 MW en 2004, l’entreprise reste le numéro 1 mondial du marché, dominé à 90 % par les machines de la gamme 60-90 m. Mais elle subit cependant la concurrence croissante de Gamesa, Enercon et GE Wind et tarde surtout à proposer sur le marché une éolienne de puissance supérieure, la V120 de 4,5 MW seulement prévue pour 2009, 75
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
– l’année 2007 a vu l’arrivée du premier fabricant chinois Golwind au-niveau mondial. Bien que ne possédant que des machines de la classe 1,5 à 2 MW moins abouties que celles de leurs concurrents européens, Golwind et les autres constructeurs chinois (Zhejiang Yuanda, Sinovel et East Turbine) s’approprient une part de plus en plus importante de leur marché domestique en pleine expansion (56 % en 2007 contre 15 % avant 2005). De nouvelles capacités de production et de nouveaux constructeurs ont donc fait leur apparition, ce qui devrait permettre de réduire la tension sur le marché d’approvisionnement en machines… mais aussi faire baisser leur coût unitaire !
Figure 4.6 – Éolienne GE 1.5S (1,5MW pour un diamètre de 70,5 m) au parc du Cotentin à Sortosville-en-Beaumont, Manche (crédit photo : Marc Rapin)
Face à l’évolution actuelle, les constructeurs européens pionniers de l’éolien, en Allemagne ou au Danemark, cherchent à se positionner sur les énormes perspectives qu’offrent les implantations en offshore. De nombreux acteurs de ce domaine (pétroliers ou constructeurs) cherchent aussi à faire partie de l’aventure. Mais pour que l’offshore soit l’avenir de l’éolien, ce sont de nouveaux défis qui se présentent… 76
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.2 L'évolution du monde éolien
A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 4.7 – Éolienne GAMESA G87 (2MW pour un diamètre de 87 m) au parc de Talizat-Rézentières, Cantal (crédit photo : Marc Rapin)
Figure 4.8 – Éoliennes Enercon E70 (2MW pour un diamètre de 70 m) au parc d'Auvers-Méautis, Manche (crédit photo : Marc Rapin)
77
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
4.3 Les développements vers l’offshore 4.3.1
Pourquoi l’offshore ?
Placer des éoliennes en mer permet de s’éloigner des zones d’habitations. L’impact visuel direct de ces machines de très grande taille sur la population est donc a priori réduit. Mais, il reste que, malgré un certain éloignement, cet impact n’est pas forcément nul et peut encore provoquer un certain rejet ou des batailles d’influences… diverses (comme pour le projet de parc offshore à Cape Cod, Massachusetts, composé de 120 éoliennes). A contrario, dans un pays comme le Danemark où l’éolien fait partie du développement culturel et économique, le parc de Middelgrunden par exemple (figure 4.9), implanté dans la baie de Copenhague, est très largement accepté.
Figure 4.9 – Les 20 éoliennes Bonus 2 MW équipées de pales LM Glasfiber de 36,8 m du parc offshore de Middelgrunden, Danemark (avec l’aimable autorisation de LM Glasfiber A/S)
La mer étant aussi une zone d’activités, des oppositions de la part de certains exploitants de la mer, qui craignent de voir le poisson disparaître suite à la 78
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
présence des machines et du « bruit » qu’elles génèrent, sont apparues. Mais dans d’autres régions, on considère l’implantation d’éolienne comme bénéfique avec l’apparition de nouveaux récifs artificiels qui attireraient le poisson… Dans ce nouveau domaine, la part du subjectif est là encore importante et des études d’impact sur la faune aquatique et l’avifaune sont nécessaires et accompagnent naturellement ce développement de l’éolien offshore. Tableau 4.5 – Liste des parcs offshore réalisés ou en phase de construction finale
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Nogersund
1 ¥ 220 kW
Suède
WindWorld W2500
Vindeby
11 ¥ 450 kW
Danemark
Bonus B37
Lely
4 ¥ 500 kW
Pays-Bas
NedWind 40
Tunø Knob
10 ¥ 500 kW
Danemark
Vestas V39
Dronten
28 ¥ 600 kW
Pays-Bas
Nordtank NTK43
Bockstigen-Valor
5 ¥ 500 kW
Suède
WindWorld W3700
Utgrunden
7 ¥ 1,5 MW
Suède
Enron 1.5s
Blyth
2 ¥ 1,75 MW
GB
Vestas V66
Middelgrunden
20 ¥ 2 MW
Danemark
Bonus B76
Yttre Stengrund
5 ¥ 2 MW
Suède
NEG-Micon NM72
Horns Rev
80 ¥ 2 MW
Danemark
Vestas V80
Samsø
10 ¥ 2,3 MW
Danemark
Bonus B82
North Hoyle
30 ¥ 2 MW
Pays de Galles
Vestas V80
A P totale (MW)
Fond marin (m)
Distance côte (km)
0,22
7
0,250
tripode
4,95
2-5
1,5-3
caisson béton
1991
2
5-10
0,75
monopile
1994
5
1-4
6
caisson béton
1995
16,8
1-5
0,03
monopile
1996
2,5
6-8
3
monopile
1998
10,5
7-10
8
monopile
2000
3,5
6-11
1
monopile
2000
40
5-10
2-3
gravité
2001
10
6-12
5
monopile
2002
14-17
monopile
2002
160
6-14 9,7 m/s
Fondation
Mise en service 1990 arrêté
23
11-18
3,5
monopile
2003
60
5-12
7-8
monopile
2003
79
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
Lieu
Nombre et marque de machine
A
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
Tableau 4.5 – Liste des parcs offshore réalisés ou en phase de construction finale (suite)
Lieu
Nombre et marque de machine
Arklow Bank
7 ¥ 3,6 MW
Irlande
GE 3,6sl
Nysted/Rødsand
72 ¥ 2,3 MW
Danemark
Bonus B82
Frederikshavn
4 ¥ 2,3-3 MW
Danemark
Vestas, Bonus, Nordex
Scroby Sands
30 ¥ 2 MW
GB
Vestas V80
Barrow
30 ¥ 3 MW
GB
Vestas V90
Kentish Flats
30 ¥ 3 MW
GB
Vestas V90
Egmond aan Zee
36 ¥ 3 MW
Pays-Bas
Vestas V90
Breitling
1 ¥ 2,5 MW
Allemagne
Nordex N90
Burbo
25 ¥ 3.6 MW
GB
Siemens SWT-3,6
Beatrice Oilfield
2 ¥ 5 MW
GB
REpower 5M
Lillgrund
48 ¥ 2,3 MW
Suède
Siemens SWT-2,3
Kemi Ajos
8 ¥ 3 MW
Finlande
WinWinD WWD-3
Q7, Princess Amalia
60 ¥ 2 MW
Pays-bas
Vestas V80
Lynn/Inner
54 ¥ 3.6 MW
Dowsing, GB
Siemens SWT-3,6
Thornton Bank 1
6 ¥ 5 MW
Belgique
Repower 5M
Hooksiel
1 ¥ 5 MW
Allemagne
Bard VM
80
P totale (MW)
Fond marin (m)
Distance côte (km)
25,2
2-5
7-12
monopile
2003
165,6
5-10
6-14
gravité
2003
10,6
1-3
0-1
monopile
2003
60
2-10
3
monopile
2004
90
15-20
7
monopile
2005
90
5
8-10
monopile
2005
108
17-23
10-18
monopile
2006
2,5
2
1
monopile
2006
90
1-8
5-10
monopile
2007
10
40
25
jacket
2007
110
2-10
7-10
gravité
2007
24
digue
0-1
120
19-24
23
monopile
2008
194
6-13
5
monopile
2008
30
12-27
27-30
gravité
2008
5
2-8
0,4
tripode
2008
Fondation
Mise en service
2008
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
Tableau 4.5 – Liste des parcs offshore réalisés ou en phase de construction finale (suite)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Nombre et marque de machine
Rhyl Flats
25 ¥ 3,6 MW
Pays de Galles
Siemens SWT-3,6
Alpha Ventus
12 ¥ 5 MW
Allemagne
Multibrid, Repower
LFloating Hywind
1 ¥ 3 MW
Karmoy, Norvège
Siemens
Robin Rigg
60 ¥ 3 MW
Ecosse
Vestas V90
Gunfleet Sands
48 ¥ 3,6 MW
Essex, GB
Siemens SWT-3,6
Horns Rev II
91 ¥ 2,3 MW
Danemark
Siemens SWT-2.3
Baltic 1
21 ¥ 2,5 MW
Allemagne
Nordex N90
Thanet
100 ¥ 3 MW
Thames, GB
Vestas V90
Bard Offshore I
80 ¥ 5 MW
Allemagne
Bard VM
Nysted II
90 ¥ 2,3 MW
Danemark
Siemens SWT-2,3
Côte d’Albâtre
21 ¥ 5 MW
France
Multibrid M5000
P totale (MW)
Fond marin (m)
Distance côte (km)
90
4-15
8
60
30
43
3
100
10
flottante
2009
9
monopile
2009
180
Fondation
monopile tripode monopile
Mise en service
A
2009
A
2009
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
Lieu
2009
172
2-15
7
monopile
209
9-17
30
monopile
52,5
15-20
15
monopile
2010
300
20-25
12
monopile
2010
400
40
90
tripode
2010
207
5-10
6-14
gravité
2010
105
23
6-11
tripode
2010
2010 2009 2010
Le principal avantage de l’implantation offshore réside dans l’énorme potentiel inhérent à la surface couverte par les océans et les mers. Mais pour l’instant, pour des raisons techniques et surtout financières, on ne peut exploiter que des sites dont les fonds sont peu profonds pour permettre l’ancrage des machines. C’est pourquoi, les premiers et principaux parcs en offshore se sont développés en mer du Nord dès les années 1990 (voir Tableau 4.5). Le démarrage a été progressif, mais de nombreux projets, parfois de plusieurs centaines de MW, sont maintenant dans leur processus d’approbation et de réalisation. Les pays pionniers, rejoints par la Grande-Bretagne, ont ainsi lancé d’ambitieux plans de développement en offshore.
81
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
Ce qui attire les développeurs de projet, outre l’espace maritime, ce sont les conditions de vent plus favorables et plus régulières que l’on peut observer en mer. En effet, débarrassée de tout obstacle, la vitesse moyenne du vent y est plus élevée et la turbulence atmosphérique moindre, ce qui ne peut être que bénéfique pour le productible et pour le fonctionnement de l’éolienne. Il faut cependant prendre en compte un nouveau phénomène, le mouvement des vagues, qui peut avoir une influence sur les caractéristiques du vent rencontré. Tableau 4.6 – Caractéristiques principales des dernières machines lancées sur le marché
P (MW)
Ø rotor (m)
Masse Nacelle (t)
Masse Rotor+ moyeu (t)
Masse specifique (kg.m–²)
Vestas V80 (DK) – 1999/
2,0
80
67
37
20,7
Nordex N80 (D) – 2000/2002
2,3
80
97
50
29,2
3,0
90
70
41
17,5
Enercon E112 (D) – 2002 (proto)
4,5
112
380*
120*
50,8
WinWind WWD3 (Fi) 2004/2006
3,0
100
–
–
25,0*
Siemens SWT 3.6 (D/ DK) – 2004/2007
3,6
107
120
80
22,2
Repower 5M (D) – 2004/2007
5,0
126
285
115
32,1
5,0
116
199
110
29,2
Modèle Années Prototype/ Série
Vestas V90 (DK) - 2002
Multibrid M5000 (D) – 2004/2007
Technologie Application Pas et vitesse variables Onshore/Offshore Pas et vitesse variables Pas et vitesse variables Onshore/Offshore Pas et vitesse variables Attaque directe Pas et vitesse variables Génératrice à aimants Pas et vitesse variables Dédiée Offshore Pas et vitesse variables Dédiée Offshore Pas et vitesse variables Génératrice à aimants Dédiée Offshore
Bard VM (D) – 2007/ 2009
5,0
122
280
160
37,6
Enercon E126 (D) – 2007 (proto)
6,0
126
–
–
–
Acciona AW-3000 (E) 2008
3,0
100
118
102
28,0
Repower 6M (D) – 2009 (proto)
6,0
126
285
115
32,1
Gamesa G10X (E) – 2009 (proto)
4,5
128
–
–
–
* estimation
82
Pas et vitesse variables Dédiée Offshore Pas et vitesse variables Attaque directe Pas et vitesse variables Pas et vitesse variables Dédiée Offshore Pas et vitesse variables
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les défis de l’offshore
Les problèmes à surmonter sont à la fois d’ordres économiques, le coût du kW éolien offshore étant dans le meilleur des cas double du kW terrestre et techniques. Le premier défi majeur à surmonter pour l’offshore réside dans l’implantation ellemême. Pour la plupart des parcs en mer, il faut tout d’abord résoudre les problèmes de l’acheminement du courant produit vers la côte, ce qui induit le développement d’un système de câbles sous-marins (qui peut représenter jusqu’à 25 % du coût total) et de la connexion à un réseau terrestre capable de l’absorber. Cette contrainte peut limiter la localisation du parc et sa distance de la côte. Lorsque le nombre de machines installées est suffisamment important, il devient économiquement viable d’implanter en mer un transformateur auquel seront reliées les machines (comme pour les parcs de Horns Rev ou Nysted). Pour aider à la mise en place d’une grande capacité de production en mers du Nord et Baltique et apporter un soutien stratégique, un des quatre coordinateurs de projets dans le domaine de l’Énergie, nommés par la Commission Européenne en septembre 2007, s’attache à lever les entraves et harmoniser l’intégration de l’énergie éolienne offshore produite avec le réseau continental. D’autre part, les machines sont pour l’instant soit installées par gravité pour des fonds peu profonds (0 à 5 m), soit ancrées par l’intermédiaire d’un pieu (« monopile ») pour des fonds de moins de 20 m. Celui-ci joue alors le même rôle que les fondations d’une éolienne terrestre. Il faut dans ce cas aussi tenir compte des effets des courants marins et de la houle. Mais pour des profondeurs plus importantes, cette solution n’est techniquement et économiquement plus viable, ce qui limite le développement de l’offshore éolien dans certaines régions du globe comme le sud de la France. D’autres concepts sont donc à l’étude (figure 4.10), ce qui explique l’implication assez récente des professionnels de l’offshore dont les compétences dans ce domaine trouvent une application nouvelle. La société Blue H a été la première fin 2007, à Puglia dans le sud de l’Italie, à tester un prototype composé d’une petite éolienne bipale Lagerwey (L18 de 80kW) et d’une barge flottante semi-immergée avec ancrage tendu. En septembre 2009, la société norvégienne Statoil a inauguré le prototype Hywind (figures 4.11) composé cette fois d’une éolienne offshore Siemens de 2,3 MW montée sur un cylindre immergé de 100 m avec ballast d’eau (fabriqué par le français Technip), ancré par 3 câbles au fond marin d’une profondeur de l’ordre de 120 m. Avant de passer à une implantation plus importante par fonds profonds, il reste à vérifier le comportement de telles installations dans le temps et surmonter les éventuels problèmes techniques qui apparaîtront. Le deuxième défi tient dans l’éolienne. Une très grande majorité des parcs en mer utilisent des machines conçues pour des sites terrestres et non pas des concepts spécifiques à l’offshore. Des développements ont bien sûr été réalisés pour permettre à ces éoliennes de fonctionner dans des conditions marines et salines, en soignant en particulier les problèmes d’étanchéité et de corrosion. Et, malgré ces contraintes supplémentaires, c’est la fiabilité globale de la machine qu’il est vital d’améliorer encore. Ainsi, avant de les installer en pleine mer, les constructeurs 83
A A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
4.3.2
4.3 Les développements vers l’offshore
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
Figure 4.10 – Schéma de principe des différentes sollicitations et fondations possibles
a
b
Figure 4.11 – Schéma de principe et vue de l’éolienne Siemens du concept Hywind de la société Statoil, ancré à 10 kilomètres de l’île de Karmøy, au sud-ouest de la Norvège (avec l’aimable autorisation de Statoil, crédit documents : Solberg Production et Hild Bjelland Vik)
sont amenés à tester leurs machines d’abord sur des sites côtiers (figure 4.12) ou conditions marines et accessibilité sont réunies.
84
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 4.12 – Parc éolien offshore de DRONTEN sur l’Ijsselmeer au Pays-Bas, disposé à proximité d’une digue en eaux peu profondes en 1996, ayant permis le lancement des premières études sur l’interaction entre l’avifaune et les aérogénérateurs (NordTank 600 kW) afin de diminuer leurs impacts sur l’environnement (crédit photo : Olivier Sébart/ADEME)
De plus, la fondation peut représenter à elle seule jusqu’à 35 % du coût de la machine installée (contre 10 à 20 % en terrestre). On a donc tout intérêt à augmenter le potentiel exploitable par installation, d’où le développement des toutes dernières éoliennes de 5 à 6 MW principalement destinées à l’offshore. Mais, on atteint les limites de ce que l’on sait concevoir et installer actuellement. Il est donc encore plus opportun d’instrumenter, de tester longuement et d’avoir un retour d’expérience complet pour fiabiliser ces machines avant de s’aventurer vers l’offshore. Plusieurs prototypes sont donc testés pendant plusieurs mois… ou années sur les côtes, comme par exemple à Cuxhaven sur le site du DEWI, l’organisme de test et de certification allemand. La compagnie allemande BARD Engineering GmbH, constructeur de la BARD VM, a pour sa part choisi d’implanter en 2008 son troisième prototype en eaux peu profondes à Hooksiel (à côté de Wilhelmshaven) pour tester son nouveau type de fondation tripode (figure 4.13) avant de démarrer l’installation d’un premier parc de 80 éoliennes (soit 400 MW) à 100 km des côtes allemandes, au nord de Borkum, en 2009. Pour aller encore au-delà, le Ministère fédéral de l’Environnement allemand (BMU) a confirmé en septembre 2007 le financement d’un site d’essais situé à 45 km au large de Borkum, accentuant encore le rôle moteur de l’Allemagne qui accompagne ses industriels pour le développement de ce nouveau marché. Annoncée en 2006, le DEWI, en coopération avec les producteurs d’électricité EWE, E.ON et Vatenfall, ont démarré en 2008 la mise en place de cette première 85
LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
station d’essais offshore en mer du Nord pour 12 machines de la classe 5 MW (REpower et Multibrid). Ce programme de 50 millions d’euros pour la recherche porte sur l’adaptabilité des machines au milieu marin et l’étude des conditions sur site afin de mieux quantifier les impacts des vagues, des courants et du vent, pour lesquels de nouvelles technologies de mesure seront évaluées.
Figure 4.13 – Troisième prototype de la BARD VM installé à Hooksiel, Allemagne (crédit photo : Marc Rapin)
Il faut par ailleurs mentionner une réalisation de 2007, assez impressionnante : le projet de démonstration Béatrice destiné à mesurer les différents impacts d’une implantation en eaux profondes (économique, faune etc.). Coordonné par Talisman Energy (GB) et le Scottish & Southern Energy au sein du projet européen « DOWNVinD », il a permis l’installation de deux machines REpower 5M qui doivent fournir les 3/4 des besoins de la station pétrolière offshore Beatrice, située à 25 km des côtes au nord-est d’Inverness en Ecosse. Le problème du raccordement réseau est ici contourné puisque les éoliennes sont reliées directement à la station déjà raccordée. Cette implantation est cependant une première à bien des égards : – les machines sont installées sur des fonds de 40 m ce qui exclut l’utilisation d’un système monopile. Un quadripode a été choisi pour supporter les 1 400 tonnes de l’ensemble mât, nacelle et rotor. Transporté en position allongée (figure 4.14), il a ensuite été basculé sur site avant d’être ancré, 86
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
– la nacelle et le rotor tripale ont été érigés sur le mât à terre puis l’éolienne complète a été transportée en position verticale jusqu’au lieu de montage (figure 4.14).
A LES ÉOLIENNES MODERNES : HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a
b Figure 4.14 – Vues du transport et du montage sur jacket quadripode d'une éolienne REpower 5M pour le projet d'alimentation de la station pétrolière offshore Beatrice (crédit photos : REpower Systems AG)
87
4 • L’actuel et l’avenir : MW et offshore
4.3 Les développements vers l’offshore
Connaître le comportement d’une nouvelle machine ou d’une nouvelle fondation est de toute évidence d’importance. Car tout problème peut devenir lourd de conséquence, la maintenance en mer étant beaucoup plus complexe et plus coûteuse. En effet, chaque opération est liée à la possibilité d’accéder à la machine que ce soit pour amener une équipe d’intervention par bateau ou par hélicoptère ou pour utiliser une grue spéciale sur barge. Et cette condition est loin d’être remplie quand le vent souffle ! Il n’est pas non plus anodin que les deux plus grosses installations offshore actuelles aient subi d’importantes déconvenues : – dans le parc de Horns Rev, un problème de criques a été décelé au niveau de la nacelle de certaines machines Vestas et ce, deux années seulement après leur mise en service. Les 80 nacelles et rotors ont donc été démontés et ramenés à terre pour réparation. Des traces de corrosion sans conséquence sont par ailleurs apparues plus tôt que prévu sur les monopiles, – le transformateur du parc de Nysted, qui assure l’interconnexion entre les 72 éoliennes et le réseau terrestre, a subi une avarie importante mi-2007 provoquant l’arrêt de production de l’ensemble des machines. Outre le coût important de ces opérations de maintenance, qui se déroulent nécessairement sur plusieurs semaines, il faut aussi considérer la perte d’exploitation subie par l’exploitant du parc. Loin d’inverser la tendance actuelle, ces problèmes de « jeunesse » montrent bien l’étendue des difficultés à prendre en compte dans ce développement naissant, liées à la fiabilité des composants de toute la chaîne de conversion. Comme ce fut d’ailleurs le cas pour les débuts de l’éolien terrestre… Nous sommes bien loin des petits moulins américains, symbole de la conquête de l’Ouest. Mais on l’aura compris : celui qui pourra proposer l’exploitation d’une éolienne de cette taille viable à long terme s’ouvrira les portes d’un nouvel Eldorado.
88
B L'énergie du vent – Potentiel et conversion Le vent est la source de l’énergie éolienne qu’il convient donc de bien connaître. Il résulte de différentes influences qui sont étudiées par les météorologues et climatologues : son énergie provient des différences de rayonnement solaire et de refroidissement entre l’équateur et les pôles. Les variations de température induites créent des zones de basses et hautes pressions entre lesquelles se déplacent les masses d’air. Pour l’application éolienne, la principale étape consiste à connaître localement la nature des vents de l’endroit où l’on souhaite implanter des machines. On détermine ainsi la valeur moyenne du vent, mais aussi le niveau de turbulence, l’amplitude des rafales rencontrées etc. En premier lieu, ces données permettent de définir le potentiel du site ainsi que la nature des éoliennes à utiliser et leur répartition optimale. Mais ces données sont aussi fondamentales pour le fonctionnement de la machine (prévision à court terme, lois de contrôle etc.) ou les aspects « simulation » et « modélisation ».
5 • LE POTENTIEL DU VENT
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
5.1 La connaissance du vent En France, après la construction de la Tour éponyme, Gustave Eiffel consacra les trente dernières années de sa vie à défricher et développer de nouveaux domaines tels que l’aéronautique (on se reportera pour cela au livre de M. Peter, directeur technique du Laboratoire Eiffel de 1983 à 2001… à la suite de Lucien Romani, voir § 2.1.2). Mais, pour comprendre cette résistance de l’air qui le préoccupait, il entreprit en parallèle d’en étudier la source. Dès 1889, Gustave Eiffel fit installer un observatoire météorologique au sommet de la Tour, à 334 mètres. Il comportait, entre autres, plusieurs anémomètres et des enregistreurs qui communiquaient directement les informations au Bureau Central Météorologique voisin. Mais il ne s’arrêta pas là et équipa aussi les propriétés familiales de Sèvres (Hauts-de-Seine), Beaulieu (Côte d’Azur), Vacquey (bordelais) et Ploumanac’h (Bretagne). Au-delà de l’amélioration des matériels et techniques de mesures, de calibrations et d’enregistrements, Gustave Eiffel rédigea des études comparées entre ces différentes stations et surtout les premiers Atlas Météorologiques de 1906 à 1912 qui comprenaient des données pour 24 régions françaises. Ces travaux lui valurent de devenir le président de la Société Météorologique de France en 1910. Début janvier 1905, Gustave Eiffel résuma très bien ses motivations au cours d’une conférence de presse (source M. Peter, Laboratoire Eiffel) : « [Les résultats obtenus] montrent en tout cas que ce n’est pas une utopie d’imaginer qu’un jour nous serons capables d’annoncer d’une manière certaine le temps des jours suivants. De nombreux travaux ont été faits au cours de ces dernières années pour résoudre ce problème d’une haute portée scientifique dont on peut déjà entrevoir les traits généraux. Sans doute la tâche qu’il reste à faire est ardue et les efforts inlassables seront nécessaires pour l’accomplir entièrement. Mais je suis persuadé qu’elle n’est pas au-dessus de nos forces, à la condition que chacun apporte sa contribution, si modeste soit-elle. C’est ce que j’ai essayé de
91
B L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
Connaître le « temps » qu’il fera, l’anticiper : voilà des préoccupations courantes de toutes civilisations. La volonté d’appréhender puis maîtriser l’action du vent, cette source d’énergie inépuisable et disponible, a bien sûr accompagné le développement des moulins et des éoliennes. Et comme pour celles-ci, le tournant de cette connaissance se situe au début du XXe siècle.
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
faire pour ma part en proposant à l’appréciation des météorologistes diverses méthodes pour simplifier et en même temps compléter, les observations à la surface du sol… et en coopérant à une installation météorologique à 300 mètres au-dessus du sol qui rendra par la suite des services encore insoupçonnés. »
Il faudra encore attendre 40 ans pour que cette initiative soit reprise à grande échelle en France à l’aide des anémomètres CdC-Ailleret d’EDF (voir figure 2.1) pour la finalité éolienne. Mais c’est bien dans les années 1990, grâce à l’avènement de l’éolien moderne, que se développera la connaissance du potentiel. Car le vent n’est pas unique et dépend de l’altitude et de l’endroit où l’on se place. Pour mieux le connaître, différentes données et outils sont disponibles et ce, à différentes échelles. 5.1.1
L’échelle méso
En météorologie ou climatologie, on a l’habitude de découper l’atmosphère en différentes strates que l’on nomme respectivement, en partant de la limite avec l’espace, l’exosphère, l’ionosphère, la mésosphère et la stratosphère. L’organisation des vents à ces échelles est connue dans sa globalité (figure 5.1) mais elle devient de plus en plus complexe à appréhender lorsque l’on affine sa zone d’observation. Or, tous les évènements se produisant dans ces différentes couches influent bien entendu sur la couche limite de surface qui intéresse l’éolien. Ils doivent donc et peuvent être étudiés par différents moyens.
Figure 5.1 – Schématisation de l'organisation des vents à l'échelle de la planète avec combinaison des « jets » et cellules polaires, de Hadley et Ferrel pour chaque hémisphère (crédit document : ESA/AOES Medialab)
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5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
A B
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L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
L’une des sources possible provient des mesures satellites qui fournissent un panel de données pour de nombreux types de prévisions. Le principe est assez simple : on envoie un signal sous forme d’impulsion et l’on mesure le signal retour. En utilisant plusieurs séries et formes d’impulsions et en traitant les différences de signaux obtenues, on peut ainsi suivre dans le temps des variations de données de surface. Avec un système de diffusomètre radar (tel que celui du satellite américain QuickSAT), on peut par exemple obtenir la hauteur des vagues, le niveau des océans ou les vitesses de vent (figure 5.2). Pour l’Europe, ce rôle est assuré par le satellite Envisat, successeur de l’ERS-2, de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Un des 10 instruments embarqués, le « Radar Altimeter » RA-2, fournit en particulier les mesures de vitesses des vents.
Figure 5.2 – Visualisation de l'intensité et de la direction des vents autour de l'île de South Georgia montrant l'importance de sa topographie sur les vents de mer. L'effet de blocage provoqué par les 13 montagnes, culminant à plus de 2 000 m, provoque un déficit de vitesse en aval de cette île de 170 km de long. Image réalisée à partir des mesures de l'instrument SeaWinds du satellite Quikscat (crédit photo : Visible earth / NASA JPL)
L’autre source est constituée par l’ensemble des moyens de Météo France. Outre ses satellites et instruments spatiaux propres, elle dispose bien sûr de stations au sol mais aussi aéroportées. Ces dernières sont essentiellement constituées de radars profileurs de vent : 93
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
– par ondes radio en bande UHF ou VHF : ces ondes émises à partir du sol par 4 sources au voisinage du radar sont réfléchies en altitude sur les fronts d’ondes acoustiques générées (technologie RASS), – par ondes électromagnétiques (telle la gamme Degrewind) : un réseau d’antennes génère de trois à cinq faisceaux (1 vertical, 2 à 4 obliques) qui, réfléchis par les turbulences de l’atmosphère, fournissent des profils verticaux en direction et intensité du vent entre 75 m et de 22 km d’altitude (suivant le modèle). Une autre technologie, le lidar, est aussi de plus en plus utilisée : son principe est similaire à celui du radar, mais la gamme spectrale utilisée est différente. Le lidar utilise de plus une source laser chargée d’émettre le faisceau d’ondes et d’un récepteur qui analyse les ondes rétrodiffusées. Pour Météo-France, on peut citer : – le lidar sol LVT, – le lidar aéroporté franco-allemand Wind, – le futur lidar vent spatial ADM-Aeolus de l’ESA (figure 5.3) en cours d’assemblage pour mise en orbite prévue en 2010. Un prototype aéroporté, utilisant les mêmes technologies, est par ailleurs développé avec l’aide du CNRM de MétéoFrance, du CEPMMT (Centre Européen Pour les Prévisions Météorologiques à Moyens Termes), du KNMI (service météorologique néerlandais), du DLR (agence aérospatiale allemande), de l’IPSL (Institut Pierre-Simon Laplace des sciences de l’environnement) et de l’ONERA.
Figure 5.3 – Schéma du principe de fonctionnement de l'instrument Lidar du futur satellite de mesure de vent ADM-Aeolus (crédit document : ESA)
94
5.1 La connaissance du vent
Les informations fournies par tous ces moyens sont d’importance pour la compréhension globale. Il est par ailleurs possible d’utiliser ces bases de données pour procéder à des évaluations et simulations à des échelles plus petites que ce soit pour la prévision du gisement ou pour le suivi : c’est la problématique du downscaling. Les outils de calcul de mécanique des fluides, tels que MM5 (Mesoscale Modelling system), RAMS (Regional Atmospheric Modelling System) ou ALADIN utilisent alors ces données à plusieurs échelles méso (typiquement des grilles de 25 à 1 km). Les conditions aux limites d’un domaine sont fournies par le domaine de taille supérieure (domaines emboîtés). Cependant, le potentiel éolien reste amplement conditionné à l’état des vents de surface qui sont particulièrement perturbés dans la tranche 0-200 m, appelée Couche Limite de Surface. Malgré ces progrès dans la prévision, il est toujours nécessaire de disposer d’infirmations à l’échelle locale. 5.1.2
L’échelle locale
m Les données moyennées
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En première approche, on peut utiliser toutes les données valables sur une région donnée pour établir une cartographie des vents. Ces informations proviennent de l’acquisition sur le long terme des différentes vitesses de vent (figure 5.4) et de leurs
Figure 5.4 – Représentation des différentes vitesses de vent moyennes à 80 m pour la Région Centre expliquant l'essor récent des implantations dans le triangle Chartres-Orléans-Blois (crédit document : ADEME – EDF – Conseil Régional du Centre)
directions, principalement par les moyens et stations de Météo-France (avec des mesures classiquement à une hauteur de 10 à 12 m). On doit ensuite utiliser une représentation de la topographie de la Région, par exemple à partir des données de l’Institut Géographique National, pour prendre en compte les composantes du relief (figure 5.5). Enfin, il est nécessaire de décrire la nature des terrains en terme de végétation, construction etc., ce qui se traduit par des indices de rugosité. 95
A B L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
5 • Le potentiel du vent
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
Figure 5.5 – Carte de la topographie de la Région Pays de la Loire, réalisée par le CSTB, mentionnant les différentes stations météorologiques utilisées pour établir la carte associée des vents à 60 m (crédit document : ADEME – Conseil Régional des Pays de la Loire)
96
5.1 La connaissance du vent
Une fois les données d’entrée décrites le plus précisément possible, un logiciel permet de calculer la répartition de densité d’énergie sur la zone considérée (voir § 5.2.2). Cette méthodologie a été appliquée sous l’impulsion de l’ADEME à l’ensemble des Régions pour obtenir une vision globale et homogène du potentiel français. Le logiciel choisi (tableau 5.3) était WAsP (Wind Atlas Analysis and Application Program). Le résultat obtenu en utilisant les données météorologiques de Lesquin et Calais est donné en figure 5.6 pour la Région Nord - Pas de Calais. Cependant, les vitesses moyennes sont fournies à une certaine hauteur. Suivant la taille des machines que l’on désire installer, il faudra procéder à une extrapolation verticale de la vitesse moyenne de vent, ce qui dépend de la nature du terrain. Le profil vertical peut être modélisé par une loi empirique en puissance : H a V ( H ) = V 0 ⎛ ------ ⎞ ⎝ H 0⎠
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où V 0 représente la vitesse moyenne mesurée à la hauteur H0 et a, le coefficient de rugosité. a caractérise l’évolution verticale de la vitesse du vent : plus le site contient d’obstacles, plus il est important (entre 0,1 et 0,4). Cette loi n’est applicable que si l’on se trouve au-dessus d’une certaine hauteur Z0 (correspondant à l’épaisseur de la sous-couche turbulente) pour que les effets des irrégularités du sol sur l’écoulement soient perçus sous une forme moyenne.
Figure 5.6 – Carte du potentiel éolien exprimé en densité d'énergie W/m² à 50 m, réalisée par Espace Éolien Développement (crédit document : ADEME – Conseil Régional Nord – Pas-de-Calais)
97
A B L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
5 • Le potentiel du vent
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
Une autre formule sous forme logarithmique, plus physique, tient compte de cette sous-couche en faisant intervenir la vitesse V* dite de « frottement » ou « friction » et la hauteur Z0, appelée longueur de rugosité : V* H H V ( H ) = ----- ln ⎛ ----- ⎞ = 2,5V * ln ⎛ ----- ⎞ ⎝ ⎠ ⎝ k Z0 ⎠ Z0 Le coefficient de von Karman, k, est approximativement égal à 0,4. Les valeurs de Z0 vont de 0,0001 (mer) à 1 (zones urbaines), 0,1 représentant la limite entre zones plates à cultures basses et hautes. La valeur est donnée par l’expression suivante : V* V 0 = ----κ
V* –A ln -------------f ⋅ Z0
2
+B
2
avec f = 2 ΩTerre sin ψ , paramètre de Coriolis fonction de la latitude y et de la vitesse de rotation de la Terre. A, B sont des coefficients variables suivant les conditions… et les auteurs. Des mouvements turbulents additionnels d’origine thermique (différence de température entre le sol et la sous-couche supérieure) peuvent venir moduler cette expression en ajoutant un terme supplémentaire plus difficile à modéliser. Les variations autour de cette vitesse moyenne sont caractérisées par l’écart quadratique moyen sv : 1 2 σv = --- ∫ T
t0 + T t0
2
( V ( t ) – V ) dt
σ qui permet de définir l’intensité de turbulence du site I = ----v . V m Les données temporelles
La vitesse du vent instantanée peut s’exprimer comme la somme d’une vitesse moyenne et d’une vitesse aléatoire : V(t) = V +V '(t) À très petites fréquences (évènements se produisant en moins d’une seconde), on peut observer des différences très importantes des composantes du vent, caractéristiques de ce que l’on appelle la turbulence atmosphérique. Celles-ci sont très importantes pour le concepteur. En effet, les variations de charges aérodynamiques sur la pale, dues à la turbulence, peuvent par exemple être la source d’une fatigue de la structure. La prédiction de la durée de vie des pales et leur conception dépendent donc de la prise en compte de ces phénomènes dans les codes de calcul. Les rafales et changements de direction se produisent sur plusieurs secondes ou minutes et sont mesurés par les anémomètres et girouettes installés sur la nacelle. Si ces modifications du vent perdurent au-delà d’une certaine valeur de temps 98
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
A
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L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
B
Figure 5.7 – Représentations de la variation temporelle du vent à différentes échelles
(typiquement 10 minutes), l’ordinateur qui gère le fonctionnement de la machine ordonne un changement d’orientation de l’ensemble nacelle/rotor et/ou des lois de pilotage en vitesse de rotation, calage des pales etc. Il est par contre inutile de s’adapter en temps réel à ces variations pour essayer d’atteindre une sorte d’optimum de fonctionnement, car la machine possède une certaine inertie de réponse. Il ne faut pas de plus oublier qu’une certaine quantité d’énergie est nécessaire pour changer la position de l’éolienne. C’est donc une question de compromis des différentes possibilités de pilotage de la machine (§ 8.1.3). 99
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
Les variations journalières traduisent les différences de régime de vent que l’on observe suivant l’heure de la journée et particulièrement entre le matin et l’aprèsmidi ou le jour et la nuit. À une échelle de temps plus grande, on observe aussi des variations saisonnières où les mois d’hiver en France possèdent classiquement des vents plus forts que ceux de l’été. Là encore, les tendances sont connues mais localement, le comportement du vent est plus aléatoire. Ces variations peuvent par ailleurs être modifiées suivant les années sous l’action de facteurs climatiques qui interviennent à plus long terme. Pour la prédiction du productible, il convient d’appréhender tous ces aspects. m Les systèmes de mesure
Le système le plus courant reste le mât de mesure (figure 5.8). Dans la phase de prospective, on en installe un ou plusieurs suivant la nature du site choisi. Chaque mât, pouvant mesurer jusqu’à 100 mètres, est équipé à différentes hauteurs d’anémomètres et de girouettes. Il fournit non seulement la valeur moyenne du vent, mais aussi les niveaux de turbulence, l’amplitude des rafales rencontrées etc. Ce système a cependant plusieurs limitations : – même si la hauteur du mât est importante, elle n’est pas toujours suffisante pour caractériser l’ensemble des conditions rencontrées par la machine, surtout avec les nouveaux prototypes dont l’extrémité de pale peut culminer vers 190 m. Les données de vitesse recueillies doivent donc parfois être extrapolées, – le mât n’est pas toujours situé à l’endroit adéquat ou, si le site d’implantation est étendu et/ou complexe, il n’est pas représentatif de l’ensemble. Il faut donc soit disposer de plusieurs mâts soit encore une fois extrapoler localement les mesures, – l’installation d’un mât est une procédure lourde et donc coûteuse. En effet, en terrestre, elle est soumise à autorisation (permis de construire etc.), la hauteur de l’ensemble dépassant les 12 m. En offshore, le problème est encore accentué avec les contraintes d’implantation. Mais, pour accompagner leur plan de développement éolien au large de Borkum, les allemands, avec le Germanischer Lloyd, ont par exemple jugé nécessaire d’installer depuis l’automne 2003 la plateforme de recherche FINO 1 pour caractériser complètement les conditions offshore qui seront rencontrées. Pour palier à ces inconvénients, des systèmes portables de taille plus compacte, que l’on regroupe sous la terminologie de mât de mesure virtuel, ont très rapidement été envisagés. Les objectifs recherchés étaient de réduire les problèmes de logistiques et d’augmenter les possibilités de mesure des composantes du vent. Les développeurs de parc se sont dans un premier temps orientés vers la technologie du Sodar (SOnic Detection And Ranging) qui repose sur les ondes acoustiques. Mais ces systèmes atteignent vite leur limite dans la couche de surface dès qu’elle est perturbée. Des Lidars (Light Detection And Ranging) adaptés aux besoins éoliens sont maintenant proposés sur le marché, à l’image du WindCube 100
5 • Le potentiel du vent
5.1 La connaissance du vent
de Leosphère (figure 5.9). Ils sont capables d’effectuer simultanément des acquisitions à plusieurs hauteurs. Outre leur flexibilité d’utilisation, ils permettent aussi d’augmenter la qualité des mesures en 2D et 3D et ont une portée verticale suffisante pour caractériser le vent jusqu’à 200 m.
A
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L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
B
Figure 5.8 – Mât de mesure avec répartition verticale d'anémomètres sur le site d’essais écossais du Wind Energy Group en 1993 à Myres Hill, près de Glasgow (crédit photo : M. Rapin)
101
5 • Le potentiel du vent
5.2 Le gisement éolien
Les données sont stockées puis moyennées sur 10 mn. La période d’acquisition et de traitement doit être d’au moins 12 mois afin de couvrir l’ensemble des conditions que peuvent rencontrer les machines suivant les saisons. In fine, les données sont bien sûr comparées aux prédictions et autres sources statistiques sur une échelle de temps plus importante.
Figure 5.9 – système compact LIDAR Windcube de Leosphère, développé en partenariat avec le Département d’Optique Appliquée de l’ONERA. De dimensions réduites (800x550x550mm) et ne pesant que 45 kg, il est ici en opération au côté d'un mât de mesure classique pour un parc espagnol d'EHN (crédit photo : Leosphère)
5.2 Le gisement éolien Les mesures locales sur site montrent des disparités avec les données fournies par les autres moyens mis à la disposition des développeurs de parc. Compte tenu des incertitudes de modélisation et de mesure, il est donc nécessaire d’effectuer une campagne de mesure sur site pour en déterminer plus précisément le potentiel. On procède pour cela à un traitement statistique des mesures de vent.
102
5 • Le potentiel du vent
5.2.1
5.2 Le gisement éolien
Représentations statistiques du vent
Les données moyennées sur 10 minutes servent à déterminer les fonctions densité de probabilité (encore appelées pdf ) du vent en direction et en intensité. Pour cela, on compte les occurrences de : – rencontrer des vents suivant une direction, par secteur de 10, 20 ou 30°, – mesurer des vitesses dans une classe de vent, c’est-à-dire sur une plage donnée généralement d’1 m/s.
B
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L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
Une rose des vents est un premier niveau de représentation d’un site : on peut y porter l’intensité, la direction ou les deux simultanément (figure 5.10). Elle est très pratique pour avoir une première estimation de l’implantation des machines si une ou deux directions de vent sont privilégiées.
A
Figure 5.10 – Exemple de roses des vents pour la représentation des distributions du vent en vitesse et direction par secteur de 30°
103
5 • Le potentiel du vent
5.2 Le gisement éolien
m Histogramme des vents
Une deuxième possibilité réside dans l’histogramme des pdf (en % du temps) en fonction de la classe de vent (exemple en tableau 5.1). Elle permet d’accéder au nombre d’heures où l’éolienne peut fonctionner à une certaine vitesse de vent sur une année. Pour simplifier, on se limite dans cet exemple aux vitesses supérieures à 4 m/s (valeur prise ici comme vitesse de démarrage de la machine) et inférieures à 16 m/s (probabilité de rencontrer des vents supérieurs quasinulle). Tableau 5.1 – Décomposition de la ressource en vent et prévision du productible pour une éolienne hypothétique de 1,6 MW Vent (m/s)
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
%t
6
6
5,5
5
5
4,5
4
3
2
1,5
1
0,5
0,2
h/an
525,6
525,6
481,8
438,0
438,0
394,2
350,4
262,8
175,2
131,4
87,6
43,8
17,5
P (kW)
50
140
260
425
640
905
1 180
1 400
1 550
1 580
1 600
1 600
1 600
MW.h
26,3
73,6
125,3
186,2
280,3
356,8
413,5
367,9
271,6
207,6
140,2
70,1
28,0
En prenant une courbe de puissance d’une machine hypothétique, affichant une puissance nominale de 1.6 MW (à 14 m/s), on peut facilement en déduire le nombre de MW.h que pourrait produire cette machine sur le site considéré. Dans l’exemple du tableau 5.1, en multipliant chaque puissance par le nombre d’heures correspondant, on obtient en cumul 3 872 h de fonctionnement. Cette machine ne fonctionnera donc que 44% de l’année : le reste du temps, elle sera stoppée car les vents seront trop faibles. Elle fournira alors sur un an 2 547 MW.h soit l’équivalent de 2 heures de fonctionnement d’une tranche de centrale nucléaire de 1 300 MW (ce résultat ne tient pas compte du taux de disponibilité de l’éolienne). On peut aussi utiliser ces chiffres pour quantifier le taux de charge Tc de la machine par rapport à la puissance nominale affichée par le constructeur : P instantannée T c = ----------------------P nominale Dans l’exemple traité, la puissance de la machine est par exemple de 640 kW à 8 m/s, ce qui donne un taux de charge de 640/1 600 = 0,4 soit 40 % (voir tableau 5.2). En cherchant le nombre d’heure équivalent de fonctionnement à pleine puissance, soit 2547/1,6 = 1 592 h, on obtient le taux de charge moyen de cette éolienne sur le site considéré, 1 592/8 760 = 0,18 soit 18 %. Ce taux résume 104
5 • Le potentiel du vent
5.2 Le gisement éolien
sous une autre forme que la machine fonctionne en moyenne plutôt autour de vitesses de vent de l’ordre de 6 m/s. Tableau 5.2 – Taux de charge en fonction du vent pour une éolienne hypothétique de 1,6 MW Vent (m/s)
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
P (kW)
50
140
260
425
640
905
1 180
1 400
1 550
1 580
1 600
1 600
1 600
0,03
0 ,09
0,16
0,27
0,40
0,57
0,74
0 ,88
0,97
0,99
1,00
1,00
1,00
Tc
A
m Fonction de distribution de Weibull
Pour simplifier l’exercice précédent, on préférera approximer l’histogramme des vitesses. La loi de densité de probabilité de Weibull présente la particularité de ne pas être symétrique, ce qui lui permet d’être ajustée pour convenir à un grand nombre de sites. Elle prend la forme suivante : k u k–1 u k f ( u ) = --- ⎛ ---⎞ exp – ⎛ ---⎞ ⎝ A⎠ A ⎝ A⎠ dans laquelle A est un paramètre d’échelle (en m/s) et k un paramètre de forme (sans dimension). La fonction de distribution cumulative, qui traduit le % de vitesses inférieures à une valeur u donnée, est obtenue par intégration : u
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
f (u) =
∫ 0
∞
u k f ( u ) du = 1 – ∫ f ( u ) du = 1 – exp – ⎛ ---⎞ ⎝ A⎠ u
Les valeurs de la vitesse moyenne du site et de l’énergie moyenne annuelle de la distribution des vitesses moyennes sont obtenues en utilisant l’opérateur eulérien G : 1 V = A ⋅ Γ ⎛ 1 + ---⎞ ⎝ k⎠ 1 3 1 E = --- ρ A Γ ⎛ 1 + ---⎞ ⎝ 2 k⎠ 105
L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
B Pour l’ensemble du parc français sur les années 2005-2007, le taux de charge annuel moyen (chiffre RTE) se situe au-delà des 24 % (soit plus de 2100 h équivalentes à taux plein) avec des variations mensuelles entre 10 (été) et 35 % (hiver). Ce chiffre se situe au-dessus de la moyenne européenne car ce sont les très bons sites qui ont tout d’abord été exploités par les développeurs de projet.
5 • Le potentiel du vent
5.2 Le gisement éolien
Figure 5.11 – Exemple d’histogramme et de loi de Weibull correspondante obtenus pour un site Corse en 1999 dans le cadre du projet ToTem (source ADEME)
5.2.2
Évaluation et suivi
Pour la réalisation d’un parc (voir Annexe B), l’ensemble des données environnementales et réglementaires sont prises en compte dans le dossier de montage et l’étude d’impact. Cela permet de définir l’espace alloué à l’implantation du parc. m Potentiel du site
Dans la plupart des cas, l’évaluation du potentiel d’un site repose en premier lieu principalement sur les mesures expérimentales et météorologiques et leur traitement statistique. Pour chaque secteur de vent d’un site, on ajuste ainsi les paramètres A et k de la loi de Weibull pour en déduire la vitesse moyenne V et l’énergie E correspondantes. Cette étape conduit déjà à des incertitudes de quelques % sur les valeurs de k et A. Les données expérimentales qui servent à alimenter l’histogramme des vitesses, par mesures sur site et/ou interpolations avec d’autres données météorologiques, sont elles aussi soumises à incertitude. Pour chaque secteur, on peut ainsi facilement atteindre des erreurs relatives de l’ordre de 10 % sur la vitesse moyenne et de 35 % sur le potentiel éolien. La réduction de ces incertitudes, à la fois sur les données et leur traitement, fait l’objet de développement de méthodes dites MCP (Mesures-Corrélation-Prévision ou Measure-Correlate-Predict en anglais). Les principaux axes de travail pour améliorer le niveau des prévisions concernent : – l’obtention de données météorologiques sur le long terme (de l’ordre de 10 ans) qui soient par ailleurs exploitables au sens éolien. En effet, une étude du DEWI 106
5.2 Le gisement éolien
France montre par exemple que sur les 165 stations de Météo France qui ont plus de 18 ans d’existence, seules 28 peuvent être considérées comme stables sur la période 1996-2005. Une analyse puis un traitement des données issues de ces stations, qui serviront de base de référence pour la prévision du potentiel, sont donc nécessaires pour éviter toute erreur importante, – l’amélioration des procédures de corrélation pour le site choisi entre les données de référence et les mesures à court terme. Pour plus de précision, la corrélation doit être faite sur des séries temporelles à la fois en intensité et en direction. On peut ensuite procéder à une reconstruction des vitesses moyennes à long terme.
B
m Implantation
La plupart des outils utilisés pour réaliser les études d’implantation sont capables de gérer des sites peu complexes pour fournir une évaluation du productible du parc éolien. Les vitesses moyennes à long terme sont intégrées, ainsi que la topographie, les obstacles environnants etc. Un calcul de l’écoulement permet ensuite d’obtenir une cartographie du potentiel et d’accéder plus précisément aux conditions locales pour chaque implantation d’éolienne. La disposition des machines peut prendre la forme d’un alignement lorsque le site est très homogène et soumis principalement à une direction de vent. C’est par exemple le cas en conditions offshore (figure 4.9) : les machines sont alors placées perpendiculairement à la direction des vents dominants. Si l’espace n’est pas suffisant, le terrain perturbé ou si les conditions de vent ne sont pas si régulières, il faut procéder à une optimisation de la répartition des machines. Cependant, si les conditions de vent ou la topologie du terrain sont plus difficiles, la qualité des résultats obtenus sur les conditions locales de l’écoulement se dégrade rapidement, suivant la nature des hypothèses et méthodes utilisées pour la résolution des équations de la mécanique des fluides. On peut par exemple classer les outils de calcul (tableau 5.3) en fonction du niveau de complexité suivant : – niveau 0 : pas d’équations prises en compte, uniquement les données statistiques ; © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
A
– niveau 1 : prise en compte d’une seule équation traduisant la conservation de la masse, ce qui permet de faire des interpolations entre mesures sur site ; – niveau 2 : résolution des équations par linéarisation, ce qui limite leur application à des sites au relief peu perturbé (pente < 30 %) ; – niveau 3 : résolution complète des équations ; – niveau 4 : outil de niveau 3 avec prise en compte supplémentaire des effets thermiques. Avec l’augmentation de la puissance de calcul et le développement de ces outils, il est donc maintenant possible d’effectuer des calculs couplés terrain-écoulement complexes. 107
L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
5 • Le potentiel du vent
5 • Le potentiel du vent
5.2 Le gisement éolien
Tableau 5.3 – Principaux progiciels dans le domaine éolien (source ADEME/METEODYN) Logiciel
Société
Pays
Niveau
WindMap
Brower and Co
États-Unis
0
Aria Wind
Aria Technologies
France
1
WAsP
RISØ
Danemark
2
WindPro
EMD
Pays-Bas
2
WindFarm
Zephyr North
Canada
2
WindFarmer
Garrad & Hassan
Grande-Bretagne
2
Meteodyn WT
Meteodyn
France
3
WindSim
Vector A.S.
Norvège
3
Fluent
Fluent
États-Unis
4
CFX
AET
Canada
4
Star-CD
Adapco
Grande-Bretagne
4
Cependant, d’un point de vue modélisation, il est encore difficile de simuler le sillage réel d’une machine. En effet, ceci implique d’utiliser de lourds maillages 3D en rotation (figure 6.2) et d’avoir des modèles numériques adaptés au fonctionnement éolien. Pour un calcul CFD, une simplification possible consiste à modéliser le rotor de l’éolienne par un disque dit actif ou, plus évolué, un modèle hybride (figure 5.12) avec les hypothèses de calcul associées. Pour la plupart des codes, l’impact d’un sillage rotor sur les autres éoliennes est modélisé par des modèles semi-empiriques de correction (tels que celui de Jensen, utilisé par exemple dans WAsP et Meteodyn WT). Les résultats obtenus servent à affiner les valeurs d’écartement à prendre en compte entre deux machines suivant les conditions de vent. Enfin, la solution la plus basique, mais empirique et non optimisée, consiste à prendre une distance de n diamètres de rotor suffisante pour éviter tout phénomène de masque. m Suivi
Une fois le parc éolien mis en service, il est nécessaire de faire un suivi du productible tout au long de la période d’exploitation et ce, pour deux raisons essentielles : – le gestionnaire du réseau électrique doit adapter l’offre à la demande à tout moment et donc pouvoir anticiper la capacité d’électricité fournie par les parcs éoliens. On se trouve alors dans le domaine de la prévision opérationnelle où l’on utilise des données à très courts termes (24-48 h) ; 108
5 • Le potentiel du vent
5.2 Le gisement éolien
A L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
B a
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
b Figure 5.12 – Evolution du sillage (représentation des vitesses axiales) et de son impact (déficits de vitesse et puissance) pour un alignement d’éoliennes espacées de 5 diamètres. Chacun des 6 rotors est représenté par un modèle hybride, développé au Laboratoire de Mécanique des Fluides de l’ENSAM Paris (calculs code FLUENT, ENSAM ParisTech)
– pour optimiser le productible de son parc, le gérant est amené à adapter le fonctionnement des machines si les conditions de vent rencontrées diffèrent de celles prévues par les mesures ou les calculs. Ces variations peuvent résulter de conditions particulières rencontrées sur site ou de changements climatiques qui se réalisent à des échelles de temps et d’espace plus importantes. Les outils mis en œuvre pour ces prévisions à court et très court termes reposent sur les mêmes défis/hypothèses que ceux utilisés à l’échelle méso et à l’échelle du site. 109
6 • LE POTENTIEL DE CONVERSION
A
6.1 La limite de Betz
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les premiers travaux pour évaluer le rendement d’une hélice datent du XIXe siècle avec Rankine et Froude. Pour simplifier, les hypothèses retenues sont celles d’un fluide parfait et incompressible : on peut alors utiliser les lois de conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie pour évaluer les performances d’un rotor.
Figure 6.1 – Représentation du tube de courant
L’écoulement amont est supposé uniforme de vitesse V0. Dans le cas d’une éolienne, le flux d’air traversant le disque rotor de surface S est ralenti et lui fournit de l’énergie (figure 6.1). On a donc naturellement : V0 > V > V2 La loi de conservation de la quantité de mouvement donne les égalités suivantes : S0 V0 = SV = S2 V2 111
B L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
Maintenant que la source, le vent, est connue, il est important de quantifier l’énergie maximale que l’on peut extraire pour une machine donnée.
6 • Le potentiel de conversion
6.1 La limite de Betz
En notant r la masse volumique de l’air (en kg.m3), la puissance absorbée par le rotor s’exprime sous la forme suivante : P = rSV² (V0 – V2)
(6.1)
La variation de l’énergie cinétique de la masse d’air par seconde est donnée par : DEc = ½ rSV (V0² – V2²)
(6.2)
En effectuant le bilan énergétique, l’égalité des expressions (6.1) et (6.2) donne : V = ½ (V0 + V2) En dérivant l’expression de la puissance P par rapport à la vitesse V2 et en étudiant sa variation, on obtient alors une seule racine physique correspondant au maximum de la puissance absorbée par le rotor : V V 2 = -----03 Soit : 2 2 2 16 1 3 P MAX = ρ S ⎛ --- V 0⎞ ⎛ --- V 0⎞ = ------ ⎛ --- ρ SV 0⎞ ⎝3 ⎠ ⎝3 ⎠ ⎠ 27 ⎝ 2
16 ------ ≈ 0,593 représente la fraction maximale de l’énergie passant dans le tube de 27 courant théoriquement récupérable. Elle a été établie en 1920 par Albert Betz, scientifique allemand qui travailla dès 1911 sur l’aérodynamique au Laboratoire de Göttingen en Allemagne. Il prit la succession de Ludwig Prandlt à la tête de ce laboratoire de 1936 à 1956. Mais, de par les hypothèses utilisées qui ne sont pas vérifiées dans la réalité, cette limite est en fait une limite « haute » qui ne peut être atteinte. En effet : – le fluide n’est pas parfait et la distribution de vitesse amont V0 n’est pas uniforme ; – la perte de pression due au capteur n’est pas non plus uniforme ; – le rotor n’est pas parfait et ne récupère donc pas l’intégralité de l’énergie présente dans le tube. Il ne possède pas un nombre infini de pale et possède une traînée propre ; – le sillage à l’aval du capteur est perturbé par les pales et leur rotation (figure 6.2). In fine, pour obtenir le rendement de la machine, il ne faut pas oublier de tenir compte de tous les organes et sous-systèmes qui la constituent, soit globalement : – le rotor ; – le multiplicateur ; – la génératrice et l’électronique de puissance ; – la ligne de sortie jusqu’à la connexion au réseau. 112
6 • Le potentiel de conversion
6.1 La limite de Betz
A L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
B
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a
b Figure 6.2 – Pour l’éolienne NREL bipale, représentations du maillage complexe, avec interactions entre parties fixes et tournantes, et du développement du sillage généré sous 20 m/s de vent (calcul code elsA, ONERA)
113
6 • Le potentiel de conversion
6.2 Caractérisations des éoliennes
Il faut donc multiplier l’ensemble des rendements associés pour établir le rendement réel de l’éolienne. En prenant arbitrairement une valeur de 0,95 pour chaque sous-ensemble, on obtient au final un rendement de 0,954 soit 81 %. Si l’on prend maintenant en compte la limite maximale de Betz, on aboutit au fait que cette éolienne ne récupèrera, au mieux, que 0,593 ¥ 0,81 soit 48 % de l’énergie du vent disponible. On notera aussi l’intérêt général de chercher à supprimer un sous-ensemble et par là même une perte de rendement. C’est actuellement le cas avec les machines qui s’affranchissent (aussi pour d’autres raisons) d’un étage du multiplicateur (approximativement 1 % de perte) ou de cette organe mécanique dans son ensemble.
6.2 Caractérisations des éoliennes Pour classer les éoliennes par rapport à cette limite de Betz, on utilise couramment le coefficient de puissance définit par : P éolienne Cp = ---------------1 --- ρ SV 30 2 et la vitesse spécifique l : ΩR λ = ------V0
On peut ainsi positionner les différents types d’architecture de machine (figure 6.3).
Figure 6.3 - Représentation des performances des différents types d’éolienne
114
6 • Le potentiel de conversion
6.2 Caractérisations des éoliennes
On remarque en tout premier lieu que les éoliennes à axe horizontal, dites à vitesse rapide, possèdent potentiellement un rendement plus important que les autres formules, ce qui explique leur domination du marché des machines actuelles. On observe par ailleurs que :
– une machine tripale peut atteindre des Cp légèrement supérieurs à ceux d’une bipale, là encore pour des l moins élevés (de l’ordre de 6 à 8, voir § 8.3) : la plage de rendement maximal est cette fois un peu plus restreinte ; – l’utilisation de pales supplémentaires n’apporte pas de gain additionnel. Dans ce cas, l’ajout d’une surface dans le tube de courant, qui traîne dans l’écoulement, devient pénalisante pour la performance globale du rotor. Les moulins multipale dits américains en sont l’illustration. Par contre, en utilisant le coefficient de couple, défini par la relation Cp= lCc, on comprend tout l’intérêt des petites machines : pour des l très faibles, elles possèdent intrinsèquement un couple très important. Dans ce cas, la présence d’un nombre important de pale contribue à la création du couple de démarrage et ce, avec très peu de vent. Par contre, dès que le vent se renforce, leurs caractéristiques de couple et de puissance s’effondrent rapidement. Les meilleures machines actuelles se situent à 70-85 % de la limite de Betz : on ne récupère alors qu’un maximum de 50 % de l’énergie totale offerte par le vent.
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Si l’on reprend l’exemple de la machine du § 5.1.2, les données constructeur indiquent une puissance de 1,6 MW à 14 m/s. En supposant que le rotor fait 77 m de diamètre, cela donne un Cp de 0,20 que l’on peut juger faible. Il ne faut en fait pas se limiter à la seule vitesse nominale de vent. En reprenant les données du tableau 5.1, on peut calculer la valeur du Cp pour différentes vitesses du vent (tableau 6.1). On obtient alors de bons rendements pour une plage de 6 à 10 m/s qui correspond en fait aux régimes de vent qui seront rencontrés sur un site terrestre français classique. Comme cette plage représente la majeure partie du temps où l’éolienne fonctionnera dans l’année, c’est donc pour ces régimes de vitesse que la machine doit être la plus efficace. Tableau 6.1 – Évolution du Cp en fonction du vent pour une éolienne hypothétique de 1,6 MW Vent (m/s)
4
6
8
10
12
14
16
18
P (kW)
50
260
640
1 180
1 550
1 600
1 600
1 600
Ptube
182,54
616,07
1 460,32
2 852,18
4 928,57
7826,38
1 1682,53
1 6633,92
0,27
0,42
0,44
0,41
0,31
0,20
0,14
0,10
Cp
115
A B L'ÉNERGIE DU VENT – POTENTIEL ET CONVERSION
– une machine bipale peut atteindre des Cp significativement plus élevés qu’une monopale et ce, pour des l moins élevés (de l’ordre de 9 à 12) : la plage d’opération de ce type de machine est donc assez importante ;
6 • Le potentiel de conversion
6.2 Caractérisations des éoliennes
0,5 0,45 0,4 0,35
Cp
0,3 0,25 0,2 0,15 0,1 0,05 0 4
6
8
10
12
14
16
18
Vitesse moyenne Vent (m/s)
Il est donc toujours plus intéressant – si elle n’est pas fournie par le constructeur – de calculer l’évolution de la courbe du Cp pour voir son adéquation avec le site envisagé. Il est toutefois possible de jouer sur les réglages de l’éolienne, notamment la loi de calage des pales ou de variation de la vitesse de rotation, pour ajuster son rendement. On devrait donc plutôt parler d’un réseau de courbes de Cp.
116
C L´éolienne – les différents sous-systèmes La compréhension d’un aérogénérateur nécessite de tenir compte de facteurs très complexes et multiples et donc de connaître les domaines scientifiques et techniques associés (structure, aérodynamique, contrôle, électrotechnique…) qui ne sont pas le propre de l’éolien. Le but de ce chapitre n’est donc pas de définir de façon exhaustive toutes ces disciplines - le lecteur pourra pour cela se reporter avec intérêt aux ouvrages spécifiques cités en bibliographie –, mais d’apporter un éclairage sur les aspects liés à l’éolien, ses spécificités et ses problématiques. Et, au-delà de chaque sous-système – qu’il faut bien entendu comprendre, améliorer et fiabiliser –, il ne faut surtout pas oublier que l’éolienne constitue un ensemble dont les différentes parties interagissent ensemble. On doit alors évoluer vers une approche système tant pour le contrôle de la machine que pour l’optimisation de sa conception et de son fonctionnement.
Schématisation de l’éolienne et de ses sous-ensembles
7 • LA PALE : L’ORGANE PREMIER DE LA CONVERSION D’ÉNERGIE
A
7.1 Structure et dynamique de pale La dimension et le poids des pales n’ont cessé d’augmenter avec la puissance unitaire des éoliennes (figure 4.1) : les plus grands prototypes ou machines actuels présentent des diamètres de plus de 100 m. Cette tendance a pour objectif d’obtenir une meilleure exploitation d’un site (et donc une baisse du prix du kW produit), en utilisant un nombre de machines limité pour une surface donnée ou, pour les implantations offshore, en amortissant le coût des fondations. Les tailles rencontrées ne sont pas sans poser des problèmes de réalisation et de conception.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
7.1.1
Un peu d’histoire
L’évolution des pales accompagne celle des machines. Les problèmes rencontrés sur bon nombre de machines provenaient d’un comportement inadéquat de ce sous-ensemble. Et si le concept danois a su s’imposer pendant le rush californien puis en Europe, c’est que les pales utilisées ont aussi prouvé leur fiabilité. Pour les premières machines, de nombreuses conceptions ont vu le jour, souvent inspirées des prototypes d’après-guerre. Mais c’est en 1977, avec la création d’une petite entreprise danoise, Økær Vind Energi, par Erik Grove-Nielsen (www.windsofchange.dk), qu’une page des débuts de l’éolien moderne s’est écrite (§ 2.2). Après quelques essais de réalisations plus ou moins fructueux, des pales de 5 m en fibres de verre seront montées en 1979 sur les 3 premières Vestas puis en 1980 sur les prototypes 22 kW Nordtank, Vestas et Bonus et en 1981 sur une Enercon 30 kW allemande. Pour monter sa gamme en puissance, l’entreprise danoise Vestas commanda de nouvelles pales de 7,5 m, livrées en mars 1980 pour le modèle HVK 15 (55 kW). Après avoir rencontré des problèmes sur l’attache de ces pales, des efforts conjoints avec Vestas et RISØ ont permis de modifier la conception du 119
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Le rendement d’une machine, défini par rapport à la limite de Betz (voir Chapitre 6), fournit son potentiel général. Dans la chaîne de transformation de l’énergie, le premier étage est constitué par le rotor. Avant d’appréhender son fonctionnement et ses performances, il faut tout d’abord s’attacher à définir son organe de base, la pale.
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
pied de pale (inspirée des modèles de Hütter, § 2.2) et de changer l’ensemble des pales. Suite à cet épisode, Økær fut mis en faillite et une nouvelle entreprise, Aerostar, fut créée en 1981. Leurs pales ont été utilisées par la plupart des pionniers danois et certains hollandais ou allemands, en particulier en Californie. Cependant, après une nouvelle rupture de pale en novembre 1981 due à l’absence de dispositif de régulation, Vestas commença à développer sa propre conception de pale. Avec l’arrêt des implantations en Californie dès 1986, la plupart des constructeurs furent mis en faillite, ainsi qu’Aerostar. Au Danemark, d’autres constructeurs développèrent leurs propres conceptions telles que les pales LM Glasfiber dès 1978, inspirées du prototype de Gedser, pour Windmatic ou les pales M.A.T. pour Micon (figure 3.4). À partir de 1986, après l’arrêt des activités d’Aérostar et Windmatic, LM Glasfiber deviendra le principal fournisseur indépendant de pales pour la plupart des constructeurs danois : Bonus, Danwin, Nordex, Win World, etc. Parallèlement, d’autres constructeurs pionniers hollandais utilisaient des pales Stork (Windmaster, Holec etc.). Cette entreprise deviendra par la suite Aerpac, le leader mondial de production de pale indépendant. Cependant, l’apparition de fissure due à la fatigue sur leurs pales à la fin des années 1990 les obligea à en remplacer plusieurs centaines… et à cesser leurs activités ! On le comprend : la pale est l’un des sous-ensembles les plus critiques d’une éolienne. Compte tenu de son coût (voir Annexe B), il convient d’être particulièrement attentif à sa conception. 7.1.2
Conception de pale
m Matériaux et structure
Quelques réalisations et étapes sont présentées en tableau 7.1. Le bois a tout d’abord eu la faveur des constructeurs par sa simplicité, héritée des techniques de bois entoilé des moulins à vent. Des perfectionnements ont cependant été apportés assez rapidement avec structures entoilées à base de longerons, de nervures et de bord d’attaque en caisson pour permettre d’obtenir des profils aérodynamiques (figure 7.1). À l’image des hélices, le bois pouvait aussi être taillé dans la masse pour des pales de petites tailles ou utilisé sous forme de lamellé-collé pour des modèles plus grands. Tableau 7.1 – Exemple de caractéristiques de pale Machine (mise en service)
Ø (m)
Architecture
Puissance nominale (kW)
Smith Putnam 1941 (US)
53
Bipale downwind
Gedser 1957 (DK)
24
Tripale upwind
200
longeron métallique, nervures Bois revêtement aluminium
Hütter 1959
34
Bipale downwind
100
GF
120
1 250
Conception pale longeron/nervures métalliques revêtement métallique
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
Tableau 7.1 – Exemple de caractéristiques de pale (suite) Ø (m)
NASA/DOE MOD-0 1975 (US)
38,1
Puissance nominale (kW)
Conception pale
Bipale downwind
100
aluminium (pales Loockeed)
A
Nibe A 1979 (DK)
40
Tripale upwind
630
Longeron D-Spar métallique / GFRP par enroulement filamentaire revêtement GFRP
Windmatic 1979 (DK)
10,2
Tripale upwind
22
Longeron bois, Peau GF, mousse Polyuréthane
Vestas V15 1979 (DK)
15,6
Tripale upwind
65
GFRP (pales Aerostar)
NASA/DOE MOD-1 1980 (US)
61
Bipale downwind
2 000
Acier soudé (pales Boeing)
NASA/DOE WTS-4 1982 (US)
78,2
Bipale downwind
4 000
GFRP (pales Hamilton Standard)
C
Kvaerner Näsudden I 1982 (Suède)
75
Bipale upwind
2 000
Longeron Métallique soudé avec bords d’attaque et de fuite GFRP (pales MBB)
Stork Newecs-45 (Pays-Bas)
45
Bipale upwind
1 000
GFRP (pales Stork)
DWT Windane 40 1986 (DK)
40
Tripale upwind
750
GFRP/Bois
23,8
Tripale upwind
150
GFRP
WEG MS-2 (GB)
25
Tripale upwind
250
lamellé-collé bois/résine époxy (pales Aero Laminates)
Howden 750 (GB)
45
Tripale upwind
750
lamellé-collé bois/résine époxy
Bonus 150 1986 (DK)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Architecture
NASA/DOE MOD-5B 1987 (US)
97,5
Bipale upwind
Vestas V39 1991
39
Tripale upwind
M.A.N. Aeolus II 1992 (D)
75
Bipale upwind
Tacke 600 1995 (D)
43
Tripale upwind
3 200 500 3 000 600
métallique (pales Boeing) GFRE GFRP + Carbone (pales MBB) GF/CFRE (pales ATV)
121
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Machine (mise en service)
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
Du fait de la ressemblance entre une pale d’éolienne et une aile d’avion, les techniques de construction et les matériaux utilisés ont suivi les développements de l’aéronautique. Le bois a ainsi fait place à la construction métallique (aciers, alliages légers…) pour une partie (éolienne de Gedser) ou toute la structure de pale (éolienne Smith Putman, figure 7.1). Ces matériaux avaient l’avantage d’être bien connus, peu chers et résistants. Mais le bilan de masse structurale n’était pas favorable et plus le poids du rotor est important, plus les coûts de production, des matériaux, du transport et d’installation sont élevés. L’emploi de l’aluminium, plus léger mais plus cher, n’a pas résolu le problème de la tenue à la fatigue, car les pales ainsi construites se sont avérées peu adaptées au fonctionnement éolien avec ses sollicitations alternées très importantes. C’est pour cette raison que les gros prototypes américains MOD, d’abord construits avec des pales métalliques posant problème, ont fini par être équipés par des pales fabriquées en lamellé-collé avec alternance de couches de résine époxy. Le bois a continué d’être utilisé dans l’élaboration en série de certaines pales, même de grande taille, par exemple pour la filière Micon (avant son rachat par Vestas) ou pour les éoliennes anglaises (pales Aero Laminates) avant leur abandon. Très rapidement les matériaux composites se sont imposés : ils sont formés d’une ossature, qui assure la tenue mécanique, et d’une matrice, classiquement plastique, qui assure la cohésion de l’ensemble et la transmission des efforts. Tout d’abord à base de fibres de verre, les GFRP (Glass Fiber Reinforced Plastic), imprégnées de résines polyester (thermoplastique), ont permis de produire des structures plus légères, économiques et de bonne tenue mécanique. La résine époxy (thermodurcissable) a ensuite été employée au début des années 1990, notamment par Vestas et Enercon. Ces GFRE (Glass Fiber Reinforced Epoxy) permettent de réduire la masse de 30 % supplémentaires (tableau 7.2). Tableau 7.2 – Réduction de la masse spécifique en fonction du matériau Matériau
GFRP
Bois-Epoxy
GFRE
GF/CFRE
CFRE
Masse/Aire (kg/m²)
1 à 1,5
0,7 à 1
0,7
0,5 à 0,7
0,4 à 0,5
Pour améliorer encore la tenue et réduire la masse des pales, la fibre de carbone a elle-aussi été utilisée. Ce fut notamment le cas dès 1988 avec les premières réalisations françaises d’Atout Vent (maintenant ATV) tout en carbone (CFRE pour Carbon Fiber Reinforced Epoxy). Dans ce cas, il faut composer avec un prix de revient plus important. L’utilisation du carbone est donc maintenant mixée avec celle de GFRE et restreinte aux endroits fortement sollicités comme le pied de pale. La structure classique d’une pale actuelle est composée d’un longeron central (qui doit reprendre les efforts de flexion, § 7.1.2), de deux peaux constituées par empilement de couches composites et d’un espace intérieur éventuellement rempli de balsa, de polystyrène expansé ou de mousse pour limiter les effets de flambage 122
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
(buckling). Certaines des premières pales étaient par exemple composées d’un longeron en bois, de peaux GFRP, les parties creuses étant remplies de mousse polyuréthane. Toute la problématique est donc de trouver un bon compromis entre résistance, procédé de fabrication, poids et prix.
A
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a
b Figure 7.1 – Structure entoilée d’une pale de moulin à vent (Ern. Thill, collection Marc Rapin) ou revêtue de la pale du prototype Smith-Putman (crédit photo : DOE/NREL)
123
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
m Fabrication
Les longerons métalliques n’ont pas été longtemps utilisés, les matériaux composites étant là aussi préférés. Ils peuvent avoir différentes formes (circulaire, en I, en U…), être fabriqués par dépôt successif de tissus unidirectionnels ou par enroulement filamentaire. Il peut y avoir plusieurs longerons.
Figure 7.2 – un technicien de l'entreprise française ATV prépare un moule en acier inoxydable utilisé pour la fabrication de leurs pales en matériaux composites (crédit photo: Frédéric Gallier/ADEME)
La peau composite est généralement élaborée dans deux moules métalliques ou, là encore, en composites (figure 7.2) : un pour l’intrados et l’autre pour l’extrados. En élaborant les couches successives qui vont former cette peau, il faut pouvoir garantir une homogénéité des caractéristiques à l’issu de l’étape de fabrication et donc s’assurer de la bonne reproductibilité et qualité des dépôts de tissus (drapage). Tout d’abord manuelle, cette étape est de plus en plus automatisée (figure 7.3). De même, l’imprégnation de ces tissus secs s’automatise ou est remplacée par l’utilisation de produits pré-imprégnés. L’utilisation plus récente de procédés LCM (Liquid Composite Molding) améliore aussi l’étape du moulage. On utilise, par exemple, la technique de moulage par transfert RTM (Resin Transfer Moulding), déclinée sous plusieurs formes (RTM Light, Vari…) pouvant être couplée à une technique de mise sous vide (VARTM pour Vacuum Assisted RTM). Dans tous les cas, la résine thermodurcissable est injectée à basse pression dans le moule fermé contenant l’empilement des couches de tissus. Malgré tous ses avantages, ce procédé reste difficile à mettre en œuvre, en particulier pour garantir l’homogénéité de grandes pièces. 124
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
Le placement de fibres par tête orientable, utilisé pour l’aéronautique ou l’industrie automobile, est en cours de développement pour l’application éolienne (technologie Coriolis Composites).
A
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
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a
b Figure 7.3 – Dépôt de tissus de fibre de verre chez LM Glasfiber (avec l’aimable autorisation de LM Glasfiber A/S)
125
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
L’une des principales difficultés, générée par l’utilisation des composites, réside dans la prédiction de leurs caractéristiques mécaniques et de leurs comportements, non homogènes suivant la direction de l’effort appliqué (anisotropie du matériau) et qui ne sont en fait quantifiables qu’après l’étape de fabrication. Par ailleurs, si l’on peut facilement caractériser un coupon de matériau en fibre de verre ou en carbone, cela devient plus difficile lorsque l’on considère des empilements où les différentes couches ont des orientations voire des caractéristiques différentes. Il convient donc au préalable de faire des essais mécaniques sur des petites sections avant de pouvoir en déduire le comportement d’une grande pale. Cette problématique est particulièrement difficile pour les aspects de fatigue. Les deux demi-peaux sont ensuite positionnées autour du longeron puis assemblées par joints de colle au bord d’attaque et bord de fuite (figure 7.4). Les pales passent ensuite à l’étape de finition pour recevoir leur revêtement final, par exemple un gel coat. Cette dernière étape est là encore en voie d’automatisation (robots de peinture) pour optimiser l’épaisseur de cette dernière couche et garantir l’état de surface.
Figure 7.4 – Assemblage final des deux demi-peaux par collage (avec l’aimable autorisation de LM Glasfiber A/S)
Au-delà de la structure primaire, la fabrication des pales prend aussi en compte d’autres dispositifs pour l’instrumentation et le suivi en opération (§ 7.1.3), pour leur contrôle (extrémités pivotantes, amortisseur…) ou pour s’adapter aux conditions externes. 126
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
m Le problème de la foudre
A C
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L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Les éoliennes étant installées sur une surface dégagée, le foudroiement représente l’une des principales causes d’incident (environ 30 %). La pale étant la partie la plus haute, c’est souvent elle qui est touchée en premier. Pour les premières générations de machine, non protégées, la foudre pouvait provoquer des dégâts importants voire une destruction dans 10 % des cas. Il convient donc de protéger la pale dès sa fabrication. La solution la plus couramment utilisée consiste à implanter un récepteur en extrémité de pale connecté à un chemin de conduite de la foudre (figure 7.5). Cependant, ce dispositif ne s’avère pas toujours suffisant et il convient parfois de placer d’autres récepteurs le long de l’envergure (figure 7.5) pour capter et canaliser la foudre. Le problème s’est encore accentué depuis que l’on utilise du carbone, en raison de la très forte conductivité électrique de ce matériau. Un moyen de protection supplémentaire devient alors nécessaire.
b
a Figure 7.5 – Vues d‘essais de foudroiement (avec l’aimable autorisation de LM Glasfiber A/S) m Le problème du givrage
Sous certaines conditions climatiques, en zones montagneuses ou de grands froids, se pose le problème du givrage des pales. Plusieurs conséquences de ce phénomène sont à redouter : – les formes d’accrétion du givre modifient la forme du profil de pale et dégradent donc ses caractéristiques aérodynamiques ; 127
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
– le givre en s’accumulant rajoute de la masse sur la pale. Il en est tenu compte dans les calculs de conception définis par la norme en prenant en compte une répartition de masse supplémentaire le long de la pale. Cependant, cette répartition de ce givre n’est pas forcément homogène entre toutes les pales ce qui peut poser un problème de déséquilibrage dynamique du rotor (balourd) ; – des risques de projection de morceaux de glace aux alentours, sous l’effet de la rotation, ne sont pas à exclure. Il faudrait donc munir la pale d’un dispositif de dégivrage, comme on peut en trouver sur les structures aéronautiques. Cependant, ces dispositifs, tels qu’une couche de protection électrothermique ou un réseau de résistances chauffantes électriques noyées dans la structure, sont très coûteux en terme d’énergie dépensée, ce qui n’est pas admissible pour une éolienne. Les recherches se portent sur des peintures moins sensibles à la formation de glace, des systèmes locaux de vibration ou de déformation pour casser la glace formée etc. Elles sont toujours en cours pour trouver une solution optimale.
Figure 7.6 – Givrage de pales sur l’une des 11 éoliennes Zond Z-40FS de 550 kW du parc Green Mountain, Colorado (avec l’aimable autorisation du DOE/NREL, crédit photo : Green Mountain Power Corporation)
7.1.3
Modes de pale
Suivant la structure choisie, la pale aura un comportement différent. À l’image de la fable « le chêne et le roseau », il faut appréhender les effets de l’action du vent. Pour cela, on identifie par l’expérience et/ou le calcul ce que l’on appelle les modes qui traduisent la manière dont va se déformer naturellement la pale 128
7.1 Structure et dynamique de pale
sous chargement. Chacun de ces modes est défini par une fréquence, un amortissement et une forme modale : – la fréquence, en Hertz, représente le nombre de fois qu’un phénomène se reproduit par unité de temps. Par rapport à sa position au repos, elle caractérise l’oscillation de la pale suivant la forme modale considérée ; – l’amortissement traduit la façon dont la structure atténue ses oscillations. m Identification modale
Pour mesurer expérimentalement les modes de la structure, le pied de pale est encastré sur un massif. On utilise ensuite un moyen d’excitation externe pour ensuite analyser le contenu de la réponse. Lors du balayage en fréquence, si l’on obtient un niveau de réponse important, cela signifie que la fréquence utilisée correspond à celle d’un mode. Une fois l’excitation stoppée, l’amortissement représente la façon dont le mode va s’atténuer dans le temps pour revenir à sa position de repos.
Figure 7.7 – Principe du dispositif expérimental pour identification des modes de pale
Connaissant la nature de l’excitation fournie à la pale d’amplitude A, on mesure alors sa réponse transitoire (figure 7.8) sous la forme suivante :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
y ( t ) = Ae
– ξ ωt
cos ( ωi t )
où ξ représente le coefficient d’amortissement et ωi la pulsation de la réponse. wi est calculé à partir de l’expression suivante :
ωi = ω 1 – ξ 2 ω représente la fréquence propre recherchée, assimilable à ωi si le coefficient d’amortissement est très faible. Celui-ci est évalué à l’aide du décrément logarithmique contenu dans la réponse transitoire : 2 πξ y(t) θ = ln-------------------- = ------------------y ( t + Ti )
1–ξ
2
avec Ti, période de la réponse observée pour le mode i. 129
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
Réponse y(t) déplacement en mm
Figure 7.8 – Réponse transitoire de la structure
a
b Figure 7.9 – Différents types de marteau pour excitation de pale (crédit photos : ONERA)
Pour une petite structure, on peut par exemple utiliser un marteau dont la frappe fournit ce que l’on appelle un « bruit blanc », signal contenant un large spectre de fréquences (figure 7.9). Une analyse de Fourier permet de remonter au contenu fréquentiel du signal de sortie. Pour une pale de grande dimension ou pour des mesures plus précises, on préférera l’emploi d’un pot vibrant (figure 7.10), avec des caractéristiques adaptées à la gamme de fréquences recherchée. Ce moyen d’essai n’a pas besoin de générer de grands déplacements mais de fournir assez d’énergie pour faire vibrer la structure. Pour faciliter cette étape, il faut prendre soin d’éviter les nœuds du mode étudié et 130
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
positionner la source d’excitation à un ventre (figure 7.11). L’excitation s’effectue perpendiculairement à la surface, au niveau du longeron pour les modes de battement (figures 7.7 et 7.10) ou vers le bord de fuite pour provoquer une torsion, et dans le plan de la pale, au bord d’attaque, pour mettre en évidence les modes de traînée (figure 7.7). Pour connaître la forme du mode, l’ONERA utilise des pastilles rétro-diffusantes collées sur la surface de la pale le long de la corde en plusieurs sections. Pour chaque mode excité, les déplacements de ces pastilles sont mesurés avec un vibromètre laser (figure 7.10).
A
a
b Figure 7.10 - système d'essais ONERA avec, à gauche, l'utilisation d'un pot vibrant pour l'excitation d'un mode de battement et, à droite, mesure par laser des déplacements grâce aux pastilles réfléchissantes le long de la corde (crédit photos: ONERA)
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m Modélisation
Pour modéliser une pale et ensuite évoluer vers la simulation des cas de fonctionnement éolien en rotation, on se pose très rapidement les questions de la complexité et de la représentativité du modèle de structure à utiliser. Les calculs de conception statiques de la structure sont la plupart du temps réalisés à l’aide de codes Éléments Finis (EF). Ces codes doivent être capables de prendre en compte ou s’adapter à l’aspect matériaux composites (§ 7.1.1). En faisant l’hypothèse d’un encastrement à l’attache de pale, ils reproduisent généralement bien la forme et le positionnement en fréquences des modes encastrés de battement et traînée. Cela devient globalement déjà plus problématique pour les modes de torsion. La pertinence des modèles est vérifiée à l’aide des essais d’identification modale puis des essais statiques (§ 7.1.3). 131
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
Des actions de recherche sont en cours pour permettre l’utilisation de ces modèles EF dans le calcul de l’évolution des modes et le couplage avec l’aérodynamique en rotation. Car, pour prendre en compte la présence de structure en composites, on introduit des modélisations de type plaque ou solide qui augmente le nombre de degrés de liberté et donc la taille de ces modèles EF. Cette augmentation conduit à des calculs très lourds (en taille mémoire et en temps) qui, malgré des capacités de calcul en constante croissance, ne sont pas adaptés à une phase de conception. Il est donc nécessaire de réduire la taille de ces modèles EF en modifiant la structure réelle ou en passant par des modélisations plus simples qui seront calibrées. La méthode généralement retenue consiste à représenter la pale par une succession d’éléments de poutre rigide reliés entre eux par des articulations dont on adapte raideurs et amortissements (voir § 7.3). Principal inconvénient, ce type de représentation n’est pas capable de reproduire d’éventuelles non linéarités de comportement de structures souples soumises à de grands déplacements. La figure 7.11 et le tableau 7.2 fournissent des résultats de calculs obtenus avec le code ROTOR de l’ONERA, basé sur une représentation de la structure de type poutre. Battement fondamental Mode 1 - 24 Hz
a
b Battement 1 nœud Mode 3 - 7,0 Hz
c
Traînée fondamentale Mode 2 - 4,40 Hz
Battement 2 nœuds Mode 5 - 18,0 Hz
d
Figure 7.11 – Représentation des 4 premiers modes de flexion pour une éolienne HMZ 300 kW de Ø 30 m (calculs code ROTOR, ONERA)
132
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
Tableau 7.2 – Exemples d’évolution des fréquences de mode, en Hz, pour trois machines évoluant à une même vitesse spécifique l = 5,8 (calculs code ROTOR, ONERA) 1er Batt.
1re Traînée
2e Batt. 1 nœud
3e Batt. 2 nœuds
2e Traînée 1 nœud
4e Batt. 3 nœuds
1re Torsion
30 / 300 kW
2,4
4,4
7,0
18,0
15,7
30,0
44,0
55 / 900 kW
1,8
3,5
4,9
10,6
13,5
19,0
20,0
70 / 2 MW
1,3
2,3
4,0
8,8
7,2
15,2
7,7
On remarque qu’avec l’augmentation du diamètre, les fréquences de ces modes encastrés diminuent globalement (tableau 7.2). Par ailleurs, alors qu’elles sont assez nettement distinctes avec une petite pale, on remarque qu’elles ont tendance à se rapprocher les unes des autres pour une grande pale : la fréquence du premier mode de torsion se rapproche de celle d’un mode de traînée ou de battement, ce qui est une source de couplage de mode et d’instabilité possible (§7.3). Pour le concepteur, il est donc préférable d’éviter au mieux cette situation. Il faut cependant nuancer ces remarques car il s’agit là des modes encastrés qui vont évoluer avec la rotation et avec l’effet de l’aérodynamique.
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Tableau 7.3 – Positionnement des fréquences de mode, en multiple du W nominal, pour trois machines évoluant à une même vitesse spécifique l = 5,8 (calculs code ROTOR, ONERA) Diamètre (m) / puissance
Ω tp.mn–1 / Hz
1er Batt.
1re Traînée
2e Batt. 1 nœud
2e Traînée 1 nœud
1re Torsion
30 / 300 kW
43 / 0.72
3,3
6,1
9,7
21,8
61,1
55 / 900 kW
27 / 0.45
4,0
7,8
10,9
30,0
44,4
70 / 2 MW
20 / 0,33
3,9
7,0
12,1
21,8
23,3
Pour une structure tournante à n pales, la principale composante naturelle de vibration de la structure est en nW correspondant à un mouvement d’ensemble de la partie tournante (que l’on appelle pompage pour un rotor). Il est donc important d’éviter une quelconque excitation de la structure de l’éolienne à cette fréquence (§ 8.1.2). En positionnant les fréquences obtenues pour les trois machines tripales précédentes (tableau 7.3) comme multiples de la vitesse de rotation nominale, on constate que le premier mode de battement se situe fort heureusement au-delà des 3W, mais en reste tout de même proche. C’est donc principalement ce mode de flexion qui peut répondre en fonctionnement (§ 8.2.2). Le premier mode de traînée est pour sa part proche du premier harmonique de 3W, soit le 6W. Les autres modes sont assez éloignés, en particulier celui de torsion : ils n’ont donc pratiquement aucune chance d’être observés avec les pales classiques actuelles. 133
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Diamètre (m) / puissance
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
C’est pourquoi, on ne retient le plus souvent dans les calculs éoliens que les seuls premiers modes de flexion (battement, traînée) encastrés. 7.1.4
Essais, certification et surveillance
La classe de vent choisie définit les conditions de vent rencontrées et les cas de charges à respecter. Lors du processus de certification, les essais réalisés sur la pale ont plusieurs objectifs : – vérifier les qualités mécaniques de la structure réalisée tant en dynamique qu’en statique ; – vérifier les hypothèses de conception et de modélisation choisies; – satisfaire au final les critères de certification (normes IEC-61400) ; – permettre un suivi du fonctionnement de la pale. m Essais statiques
On entend par statique, un essai où le chargement appliqué n’est pas variable dans le temps. L’objectif est ici d’obtenir de grands déplacements pour vérifier la tenue et les caractéristiques de la pale. Pour cela, on utilise un dispositif d’essais différent du précédent avec plusieurs colliers de serrage répartis sur la partie externe de la pale (figures 7.12 et 7.13). Ces colliers sont chacun reliés à un appareil de traction pour pouvoir simuler une distribution de chargement. Comme précédemment, si l’attache se situe au niveau du longeron sur le collier, on viendra simuler une déformation en battement. En déplaçant l’attache vers le bord de fuite, on réalisera une torsion. Par contre, pour étudier le comportement en traînée, la pale est cette fois tournée de 90°.
Figure 7.12 – Principe du dispositif d’essais statiques
134
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
A
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
Figure 7.13 – Test statique d’une pale sur le dernier banc LM Glasfiber de Lunderskov, Danemark (avec l’aimable autorisation de LM Glasfiber A/S)
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Pour vérifier les valeurs de raideur fournies par le modèle structure, on charge tour à tour chacune des sections de la pale concernées et l’on mesure les déplacements obtenus le long de la pale ainsi que la valeur du moment de flexion M.
Figure 7.14 – Profils de la déformée et de la rigidité dans la direction de la flexion de battement
135
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
La rigidité EI est calculée à partir de la dérivée seconde de la déformée, selon l’équation suivante : – M Flexion y″ = -------------------EI Puis, pour satisfaire aux exigences de la norme, on étudie différents cas de fonctionnement représentatifs des conditions réelles que rencontrera l’éolienne. Ceuxci sont successivement appliqués à l’aide de l’ensemble des points d’attache pour correctement répartir le chargement le long de l’envergure. Le premier cas concerne le fonctionnement nominal, c’est-à-dire le chargement qui s’appliquera sur la pale lorsque la machine fournira sa puissance nominale à la vitesse de vent donnée par le constructeur. On tire progressivement sur la pale jusqu’à obtenir cet état que l’on stabilise. Puis, on revient à la position au repos : les mesures effectuées sont alors analysées et les caractéristiques mécaniques vérifiées. Si l’état de surface (apparition de criques par exemple) ou les caractéristiques ont été modifiées, c’est que la structure interne ou externe de la pale pose problème : tout écart traduit un comportement non élastique synonyme d’un problème de conception et d’un risque en fonctionnement réel. L’opération est ensuite répétée (figure 7.12) pour un chargement extrême défini par la norme, correspondant à une déflexion maximale. Enfin, un facteur de sécurité de 1,35 est appliqué et l’essai statique est renouvelé. Un chargement progressif de la pale jusqu’à rupture peut éventuellement être conduit pour mesurer la marge offerte par la conception adoptée. m Essais de fatigue
Comme pour d’autres structures soumises à des conditions externes particuliè rement importantes, il faut aussi connaître l’évolution des caractéristiques de pale dans le temps : c’est l’objectif des tests en fatigue. C’est d’autant plus nécessaire que la modélisation des structures composites vis-à-vis de la fatigue est assez difficile. Ces essais reprennent le dispositif des essais statiques, mais les câbles sont cette fois couplés à des moteurs pour simuler des millions de cycles de chargements alternés, représentatifs du fonctionnement réel de la pale pendant 20 ans. Ces cycles peuvent être réalisés soit successivement en battement et en traînée, soit combinés pour les dispositifs d’essais les plus perfectionnés. Tout au long du test de fatigue, les signaux (en particulier la valeur du moment de flexion à l’attache de la pale) sont enregistrés pour détecter un éventuel problème. De même, un examen de la surface est pratiqué à intervalle régulier. Que ce soit pour les tests statiques ou dynamiques, les amorces de fissure ne sont toutefois pas toujours visibles ou peuvent se produire à l’intérieur de la structure. Il faut donc aussi utiliser des moyens non-intrusifs tels que la thermographie ou les ultrasons pour scanner l’ensemble de la structure à la recherche du moindre défaut dû à la fabrication ou aux tests. 136
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.1 Structure et dynamique de pale
A
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a
b Figure 7.15 – Deux dispositifs d’essais de fatigue en flexion d’un tronçon de pale Enron Wind EW-750 et d’une pale GE de 37 m au National Wind Technology Center (avec l’aimable autorisation du DOE/NREL, crédit photos : Warren Gretz)
137
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7.1 Structure et dynamique de pale
m Monitoring
Même si toutes les précautions ont été prises lors du processus de certification, il est indispensable d’avoir des garde-fous pour détecter un éventuel problème pendant le fonctionnement réel de la machine. Chaque partie de l’éolienne est donc munie de différents capteurs assurant la surveillance. Pour le rotor, des capteurs sont situés en pied de pale pour enregistrer les niveaux de vibration. Si les signaux obtenus dépassent une limite donnée, cela signifie qu’un comportement anormal est détecté et l’éolienne est arrêtée.
Figure 7.16 – Inspection d’une pale LM Glasfiber (avec l’aimable autorisation de LM Glasfiber A/S)
138
7.2 Aérodynamique de la pale
Car même avec les marges de sécurité appliquées lors de la conception et les essais, il est en effet difficile de simuler les conditions externes réellement rencontrées (turbulence, etc.). D’autres facteurs qui peuvent atténuer les caractéristiques de la pale doivent être pris en considération lors de l’élaboration d’une pale, comme la résistance à l’abrasion (poussières charriées par le vent, pluie, grêle, sable), la corrosion chimique (embruns maritimes, rayonnement UV) ou les chargements additionnels en conditions givrantes. Bien évidemment, des contrôles sont effectués régulièrement pour s’assurer de l’intégrité des pales d’une machine (figure 7.16), mais ces opérations peuvent se révéler délicates dans le cas d’installations offshore ou avec des conditions externes difficiles par exemple. C’est pourquoi des efforts de développement ont été entrepris pour l’application de méthodes de contrôle de santé et de surveillance à l’aide de capteurs noyés dans les pales. On peut en citer deux exemples : – la pale est équipée d’un réseau de jauges de contraintes et d’accéléromètres. C’est le principe du système SPA (Strain Pattern Analysis) de l’ONERA. Durant les essais d’identification modale, les informations fournies par ces jauges sont recalées par rapport aux déplacements mesurés. En fonctionnement, il reste à traiter l’ensemble des signaux fournis pour recomposer le mouvement de la pale suivant les modes de pale et accéder aux informations sur les vibrations rencontrées ; – l’interférométrie optique permet le même type d’analyse en s’appuyant sur un réseau de fibres optiques noyées dans la structure. Des systèmes commerciaux basés sur ce principe sont apparus sur le marché : outre la surveillance des niveaux de vibration, la fibre optique y est aussi utilisée pour détecter l’apparition de fissure. Ces méthodes permettent de mieux comprendre le chargement réel de la pale, d’améliorer la maintenance prédictive et d’optimiser le fonctionnement global de l’éolienne en fournissant de nouvelles informations à son calculateur (voir § 8.1.2).
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7.2 Aérodynamique de la pale La connaissance de l’aérodynamique d’une pale implique non seulement la compréhension des caractéristiques des profils utilisés mais aussi l’influence de leur répartition le long de l’envergure. Il convient donc d’utiliser une bonne évolution de la corde, de l’épaisseur et du vrillage de chaque section, ce que l’on nomme la forme en plan, pour obtenir la meilleure efficacité possible sur toute la plage de vitesse. Enfin, la définition des profils et des extrémités de pale peut influer sur le niveau acoustique du rotor.
139
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.2 Aérodynamique de la pale
Figure 7.17 – Schématisation d’une pale d’éolienne
7.2.1
Notions d’aérodynamique 2D
Tout corps en mouvement ressent les effets du fluide qui l’entoure que ce soit l’air ou l’eau. Par exemple, si l’on sort la main par la fenêtre d’une voiture en mouvement, on peut ressentir deux types d’action suivant la position de la main : – la main tend à reculer, car elle offre une surface qui s’oppose au mouvement. C’est la traduction de l’effet de la traînée ; – la main tend à se soulever dès qu’on la tourne légèrement (mise en incidence), car elle offre une prise à l’écoulement. C’est la traduction de l’effet de portance.
Figure 7.18 – Caractéristiques 2D d’un profil
140
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.2 Aérodynamique de la pale
m Polaires 2D
Un profil d’aile ou de pale réagit de la même façon et est soumis à l’action de l’air. Dans le cas de l’éolien (figure 7.18), le vecteur vitesse V vu réellement par le profil est la résultante de la composition de la vitesse du vent et de la vitesse de rotation. Apparaissent alors un moment M et une force résultante F r que l’on peut décomposer en deux forces orthogonales F Z et F X , dites de portance et de traînée. Elles
A
dépendent de l’incidence a, angle formé par la direction de la vitesse incidente V r et la corde moyenne du profil (figure 7.18), et prennent la valeur suivante : 1 2 F Z = --- ρ C Z AV r 2 1 2 F X = --- ρ C X AV r 2 1 2 M = --- ρ C M AcV r 2
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avec A, surface de l’élément de profil et Cz, Cx et Cm, les coefficients de portance, de traînée et de moment fonction de l’incidence.
Figure 7.19 – Polaires 2D classiques d’un profil
Les polaires, représentations de l’évolution de ces coefficients en fonction de a, sont schématisées figure 7.19. Si l’on observe la courbe de portance, on constate tout d’abord une partie linéaire pour les faibles incidences avant d’atteindre une 141
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.2 Aérodynamique de la pale
valeur maximale pour l’angle dit de décrochage ad. Celui-ci indique le passage d’un régime attaché (le flux d’air reste attaché au profil) à un régime décollé (figure 7.20). Au-delà, les caractéristiques de portance s’écroulent et le coefficient de traînée augmente sensiblement. Ce phénomène est fondamental dans la compréhension du fonctionnement d’une pale d’éolienne (§ 8.1) et a fait l’objet de nombreuses recherches tant en expérimentation qu’en modélisation.
Figure 7.20 – Illustration du phénomène de décrochage
Ces coefficients aérodynamiques sont dits 2D car ils supposent que l’écoulement amont est uniforme dans le plan du profil considéré. Ils sont classiquement déterminés par mesures en soufflerie ou par calcul. La figure 7.21 représente un dispositif d’essais de profil éolien dans la soufflerie de l’Institut Aérotechnique de St-Cyr. À l’aide de moteurs, le profil est mis en incidence et l’on attend que les conditions d’écoulement soient stabilisées pour mesurer les efforts résultants. On peut ensuite augmenter l’incidence et recommencer. En procédant ainsi par étapes stabilisées successives, on obtient une polaire complète dite stationnaire. La taille de l’élément de pale testé est adaptée pour : – que la section où s’effectuent les mesures ne soit pas perturbée par les parois latérales de la soufflerie (effets de bord) ; – que le dispositif ne provoque pas une obstruction de l’écoulement. En effet, si la section d’essais de la soufflerie est trop petite, à fortes incidences, l’élément de pale peut dévier suffisamment l’écoulement pour aboutir à des phénomènes de blocage au niveau des parois horizontales (figure 7.22). 142
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.2 Aérodynamique de la pale
A
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C
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a
b Figure 7.21 – Dispositif d’essais pour caractérisation des polaires 2D dans la soufflerie S4 de l’IAT munie d’une grille pour simuler un effet de turbulence (crédit photo : IAT)
143
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
a
7.2 Aérodynamique de la pale
b
Figure 7.22 – Visualisation par bulles d’air en tunnel hydrodynamique de l’atténuation du phénomène de décrochage du profil NACA 64_A015 à 10° d’incidence avec le rétrécissement de la veine d’essais et la compression de l’écoulement (crédit photos : ONERA)
7.2.2
Décrochage dynamique
Dans la réalité, le profil, de par son mouvement ou par les variations des conditions extérieures, voit son incidence évoluer constamment : on parle alors d’aérodynamique instationnaire. Sous certaines conditions, cette variation peut modifier fortement le comportement aérodynamique du profil au voisinage du décrochage. On obtient alors un nouvel angle de décrochage, supérieur à l’angle statique ad , et une augmentation de la valeur maximale du coefficient de portance (appelée surportance). Une fois le décrochage apparu, le profil ne retrouve ses caractéristiques de portance qu’avec une incidence inférieure au ad initial en suivant une courbe hystérésis (indiquée par les flèches sur la figure 7.23), caractéristique de ce phénomène de décrochage. Le même type d’évolution se produit sur le Cx et le Cm. Physiquement, cela signifie qu’en dynamique, lorsque l’on revient à une incidence plus faible, les filets d’air ne se réattachent pas immédiatement au profil. Pour mettre en évidence ce phénomène et mesurer son impact sur les caractéristiques aérodynamiques d’un profil, on utilise le même dispositif de soufflerie décrit précédemment. Simplement, au lieu d’attendre que l’écoulement soit stabilisé, on anime le profil d’un mouvement d’oscillation autour d’une incidence initiale. Si l’on débute ce mouvement à une incidence proche de ad, on provoque l’apparition du décrochage dynamique. La forme de la courbe hystérésis dépend de l’amplitude et de la fréquence du mouvement appliqué (figure 7.23). 144
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.2 Aérodynamique de la pale
A
Figure 7.23 – Schématisation du phénomène de décrochage dynamique 2D d’un profil et modélisation
On comprend que ce phénomène n’est pas simple à simuler car il dépend de nombreux facteurs. Il faut cependant pouvoir modifier les polaires 2D pour tenir compte des fortes modifications qu’il provoque sur les coefficients stationnaires. Une des possibilités consiste à utiliser des codes de calcul CFD (Computational Fluid Dynamics) qui peuvent conduire à des calculs assez lourds en instationnaire. On peut utiliser un modèle d’aérodynamique instationnaire décrochée semi-empirique (tel que le modèle ONERA-EDLIN, largement répandu): il modélise les
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efforts aérodynamiques globaux M, F Z et F X , à l’aide d’équations différentielles déduites des essais en soufflerie. Ces équations ont une formulation très semblable pour les 3 coefficients aérodynamiques. Un effort, appelé Q, est mis sous la forme : Q = Q1 + Q2 avec : – Q1 provenant de la première équation différentielle du 1er ordre et représentant l’effort en l’absence de décrochage. Il dépend de QS, valeur stationnaire du coefficient aérodynamique hors décrochage ; – Q2 provenant de la deuxième équation différentielle du 2e ordre et représentant ce qu’il faut ajouter à Q1 pour obtenir l’effort réel (composante instationnaire). La variable DQ = QL – QS contrôle le passage dans la zone décrochée. C’est la différence entre la valeur statique linéaire, extrapolée dans le domaine décroché, et sa valeur réelle mesurée à l’incidence considérée (figure 7.23). Cette variable ayant un caractère assez général, les coefficients associés conviennent pour la description du comportement d’un grand nombre de profil. Parmi les profils utilisés assez couramment sur les éoliennes, on retrouve les séries NACA, générées et caractérisées aux États-Unis autour de la seconde guerre 145
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
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7.3 Aéroélasticité de la pale
mondiale pour l’aéronautique. Depuis, les organismes tels que RISØ, l’Université de Delft ou le NREL ont développé de nouveaux profils plus adaptés à l’éolien, en particulier pour les sections épaisses situées en pied de pale qui ont un rôle et un fonctionnement particuliers (§8.1.1).
7.3 Aéroélasticité de la pale Le comportement aéroélastique de la pale est bien sûr lié à ses propriétés aérodynamiques et structurales. L’influence des forces aérodynamiques n’est pour l’instant pas prise en compte. 7.3.1
Équations du mouvement de pale
Pour décrire les mouvements en battement, traînée et torsion, la structure de la pale sera représentée sous une forme simplifiée (figure 7.24) : les modes encastrés sont approximés par les modes d’un corps rigide articulé par l’intermédiaire d’un ressort de raideurs Kb , Kd et Kq .
Figure 7.24 – Représentation simplifiée de la structure de pale et notation
La figure 7.25 représente les mouvements en battement et traînée. Chaque élément de pale est soumis à une somme de sollicitations variables suivant sa position en azimut. La force de gravité est constamment orientée vers le sol tandis que les efforts inertiels, de Coriolis et centrifuges sont liés à la rotation. La force centrifuge agit différemment selon que l’on considère le battement où la traînée. Pour le battement, la direction de cette force, en (eb + r cosb)W²dm, est parallèle au plan rotor, quelle que soit la position de la pale : le moment créé, fonction de l’angle b, est donc un couple de rappel qui tend à rigidifier la pale. Pour la traînée, cette composante, en (ed + r)W²dm, est pratiquement alignée avec l’axe de
146
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.3 Aéroélasticité de la pale
la pale : le couple de rappel créé par la force centrifuge est donc nul. Le mouvement de traînée est ainsi naturellement moins amorti que celui de battement.
A
Figure 7.25 – Représentation des mouvements de battement et traînée et des bilans de force pour un élément de pale situé au rayon r et de masse dm
En prenant pour hypothèse un angle de battement faible, on peut décrire le mouvement de battement de la pale au niveau de l’articulation par l’équation suivante, en sommant les contributions des moments, SMb =0 : G
K
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
b b¨ + W² 1 + e 1 + -----2- cos y b + ------ b = 0 I b W
avec : I b =
R – eb
∫ 0
gM p r g 2 r dm , moment d’inertie massique de la pale, G = -------------- , Ib
Mp eb rg terme de gravité et e 1 = ---------------- , terme d’excentricité en battement (où Mp Ib représente la masse d’une pale et rg le rayon de son centre de gravité). Le même type de calcul, avec cette fois un terme provenant des forces de Coriolis, fournit l’équation du mouvement de traînée suivante : Kd 2 · d¨ + e 2 W + G cos y + ----- d – 2 W ββ + G sin y = 0 Ib
147
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.3 Aéroélasticité de la pale
Mp ed rg avec : e 2 = ---------------- , terme d’excentricité en traînée. Ib L’équation de mouvement de torsion traduit plus simplement un mouvement autour de l’axe élastique de raideur équivalente Kq et d’inertie massique It : Kq It
q¨ + W + ----- q = 0 2
On peut faire plusieurs remarques concernant ces trois équations : – en l’absence des termes de gravité, d’excentricité, de Coriolis et de raideur, on se retrouve pour le battement et la torsion avec un système sous la forme ÿ + W²y = 0. La pulsation de la pale serait alors celle de la vitesse de rotation, ce qui démontre son importance pour un système tournant ; – l’ajout d’un terme d’excentricité conduit à augmenter la fréquence naturelle du battement, W² (1+ e1), mais diminue celle en traînée puisqu’en W²e2 ; – la prise en compte d’une raideur de ressort équivalente augmente toutes les fréquences. La fréquence de la pale devient alors wi² = wi0² + Ki W² où wi0 représente la fréquence du mode i encastré et Ki le terme de raideur associé. En jouant sur ces paramètres, on constate qu’il est possible de modifier les valeurs des fréquences de la pale. On peut ainsi éviter les multiples de la vitesse de rotation qui pourrait faire entrer en résonance le rotor, mais aussi les autres modes de la structure porteuse. Les relations trouvées ci-dessus sont obtenues en ne considérant que la pale ellemême. Elles se modifient dès que l’on ajoute un effet extérieur. Il suffit par exemple de considérer un mouvement naturel complémentaire en lacet de l’ensemble tête-rotor de vitesse angulaire q (figure 7.24). Des efforts gyroscopiques additionnels s’ajoutent aux équations de battement et torsion : K
G
b - b = – 2q W cos y b¨ + W² 1 + e 1 + -----2- cos y + ---------2 W W Ib
Kq
- q = – q W sin y q¨ + W² 1 + --------2 W It L’effet du lacet est représenté par un mouvement périodique proportionnel à q. Sa pulsation étant là encore celle de la vitesse de rotation W, il est susceptible d’engendrer des vibrations sur l’arbre primaire. 7.3.2
Instabilités
Les trois équations de mouvement du § 7.3.1 ont été établies séparément, c’est-àdire en faisant l’hypothèse que les modes de battement, traînée et torsion étaient totalement découplés. Or, les caractéristiques structurales et géométriques (vrillage) de la pale font qu’il y a des possibilités de couplage. Pour le comprendre, on définit plusieurs axes (figure 7.26) : 148
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.3 Aéroélasticité de la pale
– l’axe aérodynamique qui relie le foyer aérodynamique de chaque section. Il se trouve le plus souvent vers le quart avant de la corde ; – l’axe massique qui relie le centre de gravité de chaque section ; – l’axe de pas défini par le système mécanique d’orientation des pales ; – l’axe élastique représentatif de la fibre neutre, c’est-à-dire la ligne où l’on n’observe pas de torsion sous chargement. Les positions relatives de ces différents axes peuvent modifier la réponse de la pale en mouvement et, dans certaines configurations, entraîner des instabilités de fonctionnement.
A
Figure 7.26 – Représentation des différents axes liés à la pale
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
m Couplage battement / traînée
Son origine se situe dans le couplage entre le moment dû à la force de Coriolis dans le plan des pales, provenant de la vitesse de battement de la pale, et la modification du moment centrifuge de battement, provoquée par la vitesse de déplacement en traînée de la pale. Les paramètres favorisant ce couplage sont de grands déplacements en traînée (synonymes de fortes charges sur les pales), une conicité de rotor prononcée, de grands déplacements en battement (provoqués par de fortes charges ou une grande flexibilité des pales) et une proximité des fréquences propres des premiers modes de traînée et de battement. Les fréquences des modes évoluant avec l’augmentation de la vitesse de rotation, cette proximité peut notamment se rencontrer lors d’un passage en survitesse du rotor. L’amortissement dans le plan des pales (en traînée) étant naturellement peu élevé, ce type de couplage peut conduire à la destruction de l’éolienne. Pour éviter ce phénomène de couplage, il est possible d’utiliser un système mécanique additionnel. On place pour cela en extrémité de la pale un amortisseur (dont la faible masse ne modifie pratiquement pas les fréquences propres) qui s’active progressivement avec l’augmentation de la vitesse de rotation.
149
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
7 • La pale : l’organe premier de la conversion d’énergie
7.3 Aéroélasticité de la pale
m Couplages avec la torsion
Lorsqu’une pale (articulée ou encastrée) est animée d’un mouvement de battement ou de traînée, elle est soumise à des efforts inertiels qui s’appliquent le long de l’axe massique. Parallèlement, la pale est soumise à des efforts aérodynamiques qui s’appliquent le long de l’axe aérodynamique. Dans le cas où ces axes ne sont pas coïncidents, des moments de torsion sont alors introduits. Dans certains cas, la combinaison de ces moments peut entraîner une augmentation de l’incidence et donc une divergence du phénomène. Une solution pour éviter ce couplage est de donner à la pale des caractéristiques de rigidité en battement et en traînée telles que les moments de torsion parasites décrits s’annulent mutuellement. Ce type de couplage peut se rencontrer de manière isolée ou en aggravation du couplage battement/traînée précédent. Les moments de torsion créés peuvent aussi présenter des différences de phases, selon qu’ils sont proportionnels au déplacement, à la vitesse ou à l’accélération. Il peut en découler une augmentation substantielle de l’incidence de la pale. Celle-ci risque alors d’entrer dans le domaine du décrochage, ce qui peut éventuellement avoir une action stabilisante en raison de la brusque diminution des efforts aérodynamiques : la pale « flotte » alors autour de cette position. m Divergence statique
La divergence statique se rencontre dans les conditions suivantes : la rigidité en torsion de la pale est très faible et la pale est centrée arrière (axe massique situé nettement en arrière de l’axe élastique). Lorsque la pale est déformée en battement, l’effort centrifuge génère un moment de torsion qui est suffisant, en raison de la faible rigidité en torsion, pour provoquer une augmentation significative de l’angle d’incidence, pouvant amener le décrochage de la pale. Ce type d’oscillation peut se rencontrer par exemple dans le cas de rupture de la commande de pas d’une machine à pas variable dont les pales sont centrées arrière. Au cours d’un tour du rotor, la pale qui est alors « folle » autour de l’axe de pas (raideur nulle en torsion) décroche et sort du décrochage à la fréquence de rotation de l’éolienne. m Décrochage dynamique
Par ailleurs, la nature non linéaire et instationnaire des efforts aérodynamiques en fonction de l’angle d’incidence au moment du décrochage (mode de régulation de certaines machines) peut également entraîner des instabilités. Car, dans ces conditions de fonctionnement proches du décrochage, une modification rapide de la vitesse du vent (rafale) peut initier une variation instationnaire de l’incidence et un mouvement d’oscillation en torsion, combinant les effets du décrochage dynamique (§ 7.2.2), de la force centrifuge et de l’élasticité intrinsèque de la pale. La machine peut ainsi se trouver soumise à un phénomène entretenu, rarement divergent mais pouvant affecter la tenue en fatigue de la pale. Le décrochage dynamique a ainsi été responsable d’une excitation importante d’un mode de traînée sur certaines pales, ce qui a conduit au cisaillement des joints de colle, placés en bord d’attaque et bord de fuite, puis à la rupture. 150
8 • LE ROTOR
A
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Figure 8.1 – Sollicitations du rotor et principaux problèmes associés
151
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Le rotor est en tout premier lieu une structure tournante soumise à différentes sollicitations d’origine aérodynamique, inertielle (gravité, force centrifuge, efforts gyroscopiques) ou élastique (déformations). Il est important de bien comprendre son fonctionnement, car, connecté à l’arbre primaire par l’intermédiaire du moyeu, il fournit efforts et sollicitations au reste de la machine dont la tour et l’ensemble de la nacelle.
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
8.1 Fonctionnement du rotor 8.1.1
Triangle des vitesses
Figure 8.2 – Fonction aéromoteur d’un élément de pale
Pour mieux comprendre le fonctionnement du profil, on étudie l’évolution du triangle des vitesses, composition de la vitesse du vent V v et de la vitesse de rotation Ωr . Comme décrit en §7.2.1, l’élément de pale, situé à un rayon r, est soumis à un flux local résultant de vitesse incidente V r . Dans le cas de l’éolien, c’est le fluide qui fournit de l’énergie au rotor. La force résultante F r se trouve donc orientée vers l’avant du profil (figure 8.2), caractéristique d’un fonctionnement aéromoteur. Si l’on décompose cette fois F r suivant les axes liés au rotor et non à la pale, on obtient : – une composante importante F p suivant l’axe de l’hélice. L’intégration de l’ensemble de ces forces sur toutes les pales donne la poussée axiale qui s’exerce sur l’arbre primaire ; – une petite composante F c dans le plan rotor qui est responsable de l’entraînement en rotation du rotor par la création d’un couple élémentaire dC = rdFc soit r[dFz sin(a) – dFx cos(a)].
152
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
En intégrant, l’ensemble de ces forces, on obtient le couple moteur C généré par une pale sous la forme : R C z sin α – C x cos α 1 - × V 2r ( r ) × A ( r )r ⋅ dr C = --- ρ ∫ --------------------------------------2 2 sin α 0
Si l’on compare le triangle des vitesses pour une section en extrémité et une section en pied de pale (figure 8.3), on constate que, la vitesse du vent étant supposée constante, la combinaison avec la composante de rotation change la direction de la vitesse résultante : l’incidence vue par le profil diminue avec sa position en envergure.
A
Figure 8.3 – Évolution du triangle des vitesses entre les sections pied de pale et d’extrémité
Si l’on considère que la vitesse de rotation est maintenue constante, une augmentation de la vitesse du vent provoque une modification du triangle des vitesses sur toute la pale et une augmentation globale des incidences. À l’inverse, à vitesse de vent constante, si l’on augmente la vitesse de rotation, on diminue globalement toutes les incidences sur la pale.
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8.1.2
Démarrage et montée en puissance
Pour de très faibles conditions de vent, le rotor de l’éolienne est à l’arrêt. Il n’y a donc pas de composante de rotation vue par le profil, mais uniquement la vitesse du vent. Pour démarrer le rotor, il faut donc soit utiliser la connexion au réseau pour le mettre en rotation, soit, dans le cas où la machine est autonome, pouvoir générer F c et donc un couple uniquement avec V v . On utilise pour cela les sections pied de pale que l’on positionne de façon adéquate à l’aide d’un angle de calage j (figure 8.4). En obtenant ainsi des angles d’incidence a vus par les profils pouvant générer une résultante F r favorable, la pale est susceptible de se mettre en rotation. Avec la mise en rotation, la composante Ωr va apparaître : la vitesse résultante va se modifier et réduire l’incidence (§ 8.1.1) jusqu’à stabilisation de la vitesse de rotation. Dans cette configuration, on doit donc essayer de faire fonctionner ces sections pied 153
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
de pale avec des angles a générant de forts Cz, c’est-à-dire avant l’angle de décrochage ad (figure 8.4). Les profils adoptés en pied de pale ont ainsi une très grande importance lors de cette phase de démarrage et de mise en rotation.
Figure 8.4 – Calage des sections pied de pale
Figure 8.5 – Démarrage du rotor aux faibles vitesses de vent
Maintenant que la machine fonctionne à vitesse de rotation constante, si le vent augmente en intensité, les incidences vont globalement augmenter sur toute la pale (§ 8.1.1). Les sections pied de pale qui se trouvaient avec des incidences proches de ad vont progressivement décrocher et perdre leurs caractéristiques aérodynamiques. Par contre, les sections intermédiaires qui possèdent globalement un angle de calage j moins important vont à leur tour atteindre des incidences proches de ad. Ce sont elles qui vont assurer la création des forces de couple nécessaire à la rotation (figure 8.6). Les sections pied de pale finiront par ne plus avoir aucun rôle d’un point de vue aérodynamique : elles doivent cependant supporter les 154
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
moments de flexion en battement et traînée générés par le reste de la pale, d’où leur épaisseur relative importante.
A
Figure 8.6 – Montée en puissance
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Si l’on pousse le raisonnement précédent jusqu’à la vitesse de vent nominale donnée par le constructeur, pour laquelle l’éolienne atteint sa puissance nominale, on comprend qu’une partie des sections intermédiaires va là encore progressivement décrocher. À vitesse nominale de vent, ce ne sont donc que les sections d’extrémité qui fournissent le couple moteur (figure 8.7).
Figure 8.7 – Fonctionnement à régime nominal de vent
155
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
Suivant la machine considérée, les vitesses de vent nominales sont de 10 à 15 m/s et les vitesses spécifiques l sont choisies pour limiter la valeur de ΩR à 65-80 m/s. Vv On se trouve donc naturellement avec des angles a extrémité de l’ordre de ------- ≈ 10°, ΩR soit des valeurs inférieures aux valeurs classiques de décrochage : les sections d’extrémité n’ont donc pas besoin de calage spécial d’où jext = 0° (figure 8.8).
Figure 8.8 – Schématisation de l’évolution du calage des sections de pale
En résumé : – il est nécessaire d’avoir un calage important des sections pied de pale pour assurer le démarrage de la machine et un calage nul de la section en extrémité requis pour assurer un couple moteur au régime nominal ; – la loi de calage pilote le glissement progressif des sections vers le décrochage (exemple en tableau 8.1). Alors que ce phénomène est évité dans les applications aéronautiques, il fait partie intrinsèque du fonctionnement d’un rotor d’éolienne. 156
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
Tableau 8.1 – Exemple d’évolution des incidences en degrés pour l’éolienne NREL de Ø 10 m, à différentes sections de la pale en fonction de la vitesse du vent. L’entrée en décrochage est signalée par la mise en italique (calculs code ROTOR, ONERA)
30
47
63
95
7
8,6
8,6
7,4
5,9
10
18
17
14
11
13
26
24
21
15
15
30
28
25
18
20
38
37
33
25
25
45
44
40
31
8.1.3
A C
Régulation et freinage du rotor
Au-delà de la vitesse de vent nominale et ce, jusqu’à la vitesse d’arrêt du rotor (préconisée à 25 m/s par la norme), le rotor doit être régulé pour éviter tout emballement du rotor. Deux grandes familles d’éoliennes se sont longtemps disputées le marché des machines de moyennes et grandes puissances : celle à système de régulation par décrochage et celle par contrôle du pas.
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m Machines régulées par décrochage
Ce sont historiquement celles qui ont été les plus répandues au début de l’essor des éoliennes modernes du fait de leur simplicité. En effet, on utilise les caractéristiques naturelles de décrochage des profils utilisés pour limiter la production du couple. Comme expliqué § 8.1.2, avec l’augmentation du vent, les incidences augmentent sur l’ensemble de la pale. Lorsque la vitesse de vent nominale est dépassée, les sections situées en extrémité décrochent progressivement à leur tour et réduisent l’efficacité du rotor et le couple moteur produit. C’est donc un moyen de régulation passif : les pales sont fixes et elles assurent le fonctionnement du rotor sur toute la plage de vitesses de vent. Le différentiel de calage nécessaire est obtenu par un vrillage de la pale figé lors de la conception. Il n’y a donc théoriquement pas besoin de rajouter d’autres systèmes supplémentaires, d’où la simplicité de mise en œuvre de ce type de machine. Cependant, pour être certain de limiter la rotation du rotor, la machine doit être équipée d’un moyen additionnel de freinage, comme la rotation des extrémités de pale (tip brake, utilisé pour la première fois sur la machine de Gedser) voire un freinage électrique (Jeumont J48, figure 8.9).
157
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
r/R (%) Vvent (m/s)
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
Figure 8.9 – Levage du rotor de la première éolienne Jeumont J48 de 750 kW installée à WIDEHEM, dans le Pas-de-Calais (crédit photo : Olivier Sébart/ADEME 2000)
L’inconvénient principal de ce type de machine réside dans la courbe de puissance obtenue, caractéristique de ce type de régulation (figure 8.10), qui n’est pas adaptable sur toute la plage de vitesse car fournie par un vrillage figé. Au-delà de la vitesse de vent nominale, on remarque par ailleurs que la puissance fournie est supérieure à la puissance nominale, ce qui signifie que l’éolienne doit être dimensionnée en conséquence. Pour des vitesses de vent plus élevées, la puissance s’effondre. Autre difficulté, le décrochage étant le principe de base, il faut être capable de le maîtriser et le modéliser correctement lors de la conception.
Figure 8.10 – Courbes de puissance et d’évolution de la loi de vrillage caractéristiques des deux types de régulation
158
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
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m Machines régulées par calage du pas
159
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Elles représentent la quasi-totalité des concepts actuels de machine de plus de 1 MW, c’est-à-dire la plus grande part du marché depuis le début des années 2000. Alors pourquoi privilégier cette solution ? Le mécanisme de régulation est cette fois actif : la pale peut être orientée dans son ensemble en rotation autour de l’axe dit de pas. Lors de la phase de démarrage, on opère une rotation pour caler les sections pied de pale aux bonnes incidences. Lorsque la vitesse de vent augmente, on diminue le calage global de la pale pour amener progressivement les sections en extrémité au calage idéal. Le premier avantage de ce mode de régulation est que la pale est moins vrillée, ce qui, d’un point de vue structure, est plus facile à réaliser. Le différentiel de calage, nécessaire au bon fonctionnement du rotor sur toute la plage de vitesse, est cette fois assuré par le vrillage et la variation du pas. Ce différentiel est cependant naturellement trop important : le décrochage d’une partie de la pale ne peut donc pas être évité. Même avec ce moyen de régulation, ce phénomène est toujours présent et participe au fonctionnement du rotor. Cependant, la variation du pas permet de jouer sur la progressivité de son déclenchement le long de l’envergure. Et au final, la pale étant moins vrillée, une plus grande partie de la pale reste en fonctionnement quelle que soit la vitesse de vent. À titre de comparaison, si une machine régulée par décrochage travaille avec les derniers 30 % de la pale à vitesse nominale de vent, une machine régulée par pas travaillera avec les derniers 40 à 50 %. Pour les mêmes conditions de fonctionnement et par rapport à une machine régulée par décrochage de même diamètre, on peut en tirer avantage de deux façons : – soit on obtient un peu plus de couple moteur, car une plus grande partie de la pale participe. La machine contrôlée en pas est dans ce cas légèrement plus puissante ; – soit on produit la même puissance, mais avec un chargement aérodynamique mieux réparti en envergure. Les pales sont dans ce cas d’une structure plus légères. Dernier avantage à mentionner, au-delà de la vitesse nominale de vent, le réglage du pas permet de maintenir une puissance constante jusqu’à 25 m/s, d’où un productible garanti aux grandes vitesses de vent (même si les occurrences d’en rencontrer sont faibles sur l’année) et l’allure caractéristique de la courbe de puissance de ce type d’éolienne (figure 8.10). Ceci démontre plutôt la capacité de contrôle apportée par la régulation par pas. De même, le constructeur est capable de s’adapter à différents sites de vent avec le même produit. Enfin, pour arrêter la rotation et mettre la machine en position de survie ou de maintenance, il n’y a pas besoin de moyen additionnel : les pales effectuent une rotation de 90° pour réduire leur prise au vent (position dite en drapeau, figure 8.11). Principal inconvénient, ce contrôle du pas nécessite d’avoir un dispositif de mise en rotation des pales et des systèmes de pilotage et contrôle associés. Mais, malgré leur complexité et leur coût supplémentaire, les constructeurs préfèrent investir dans ce moyen de régulation qui leur garantit des moyens de pilotages et réglages importants de l’éolienne.
8 • Le rotor
8.1 Fonctionnement du rotor
Figure 8.11 – Éolienne REpower MM92 de 2 MW avec pales mises en drapeau en attendant la mise en service du parc du Chemin d’Ablis, Eure-et-Loir (crédit photo : Marc Rapin)
Il existe aussi une gamme de machines (comme les Aerowatt § 3.4.1) dites à régulation par décrochage actif (« active stall ») qui combine les deux principes précédents. On utilise cette fois une petite variation de pas pour provoquer l’entrée en décrochage de l’ensemble du rotor. m Régulation additionnelle
Les raisonnements effectués dans les derniers paragraphes séparent les variations de la vitesse de rotation du rotor de celles de la vitesse du vent. Ce n’est bien évidemment pas le cas en fonctionnement réel, les deux composantes évoluant en continu tout au long de la pale et simultanément à la variation du pas. Le réglage de la vitesse de rotation du rotor constitue donc un paramètre supplémentaire à intégrer dans le contrôleur général de la machine. La maturité de cette technologie de contrôle est telle que l’on aboutit maintenant à : – un pilotage individuel de pale, en prenant en compte les informations fournies en temps réel par leurs capteurs, pour optimiser la puissance captée par le rotor et le fonctionnement des pales elles-mêmes et pour diminuer leur fatigue. Il ne s’agît pas de régler le pas en continu, car la pale possède une très grande inertie et leur mise en rotation nécessite de l’énergie, mais de trouver un bon compromis ; – un pilotage de la machine au-delà des 25 m/s préconisés par la norme pour arrêter la rotation du rotor. Cette vitesse de vent définit normalement des cas de 160
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
dimensionnement importants pour l’éolienne : si on peut la dépasser, c’est que l’on maîtrise le chargement induit sur l’ensemble et en particulier sur le rotor. Enercon propose ainsi de continuer à exploiter ses machines jusqu’à 34 m/s de vent en diminuant la vitesse de rotation et en modifiant le calage des pales (§ 9.5.3). Si elle n’est utilisée que très peu dans l’année (régimes de vent assez rares), cette procédure permet néanmoins d’éviter les procédures d’arrêt et de redémarrage du rotor qui induisent une perte de temps. Le gain apporté par ce fonctionnement en continu à ces vitesses de vent est de l’ordre de 2 à 4 % de la production annuelle (selon Enercon).
A
m Sécurité
8.2 Comportement dynamique
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les problèmes de vibration des rotors se situent parmi les plus difficiles à modéliser et à mesurer. En effet, même si l’on connaît bien les caractéristiques d’une pale fixe, on entre dans le domaine des vibrations de machines tournantes dont on doit anticiper les effets transmis via l’arbre primaire sur le reste de la structure. Le rotor est par ailleurs soumis à des variations continuelles des conditions externes (nature variable et turbulente du vent) qui viennent modifier l’aérodynamique vue par les sections de pale. Le rotor lui-même est une source de perturbation de l’écoulement par la rotation des pales. Les rigidités de celles-ci étant limitées, l’ensemble de ces excitations provoquent des oscillations supplémentaires en battement, traînée et torsion. La prise en compte des interactions mutuelles des efforts aérodynamiques, inertiels et élastiques constitue l’étude aéroélastique du rotor qui caractérise son comportement dynamique en fonctionnement. 8.2.1
Effets de l’aérodynamique
m Effets du vent sur les mouvements de la pale
En configuration réelle, le vent n’est pas uniforme : que ce soit en considérant l’éolienne en dérapage par rapport à la direction du vent ou simplement le gradient naturel vertical, il existe une différence entre la vitesse vue par les pales. Le vent est par ailleurs turbulent et génère donc des perturbations 3D instationnaires de l’aérodynamique vue par les sections de pale. Pour une section de pale, les efforts aérodynamiques 2D, F Z et F X , sont fonction de la vitesse incidente (§7.1.2). Les effets induits par le gradient vertical, une composante latérale V0Lat de vent et un mouvement en lacet de vitesse angulaire q 161
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Quelle que soit la configuration choisie, il est obligatoire de disposer d’un frein mécanique sur l’arbre primaire qui sera activé en dernier lieu ou dans le cas d’une défaillance des autres systèmes. La norme requiert de ce fait deux moyens d’arrêt indépendants. Ce frein doit ainsi être activable automatiquement par le contrôleur de l’éolienne ou manuellement par un opérateur.
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
sur les composantes axiales et tangentielles de V r sont indiqués (au 1er ordre) dans le tableau 8.2 pour le mouvement de battement (en prenant en compte les notations et références du § 7.3). Tableau 8.2 – Effets du vent sur la modification des composantes de vitesse vues par le profil pour le mouvement de battement Écoulement
Composante axiale
Composante tangentielle
V0 cos β – r β·
Wr
Vent de côté
V0Lat sin b sin Y
V0Lat cos Y
Lacet
qlrot sin b sin Y rq cos b sin Y
qlrot cos b cos Y rq sin b cos Y
axial
Gradient de vent
V0 cos b
[( 1 + --R- cos Y) – 1] r
k
D’autres effets aérodynamiques doivent aussi être pris en compte tels que ceux provoqués par la présence de la tour qui vient perturber localement l’écoulement. Par exemple, dans le cas des éoliennes downwind où le rotor se trouve en aval du mât, celui-ci provoque un phénomène de masquage. À chaque rotation, la pale perçoit une perturbation aérodynamique qui se traduit par : – un déficit de vitesse et donc un moindre rendement purement aérodynamique ; – la création d’une sollicitation alternée qui peut être préjudiciable en termes de durée de vie (phénomène de fatigue). Dans le cas des éoliennes upwind, la tour provoque un effet équivalent mais moindre dit de « blocage ». On peut le prendre en compte en multipliant par exemple, sur un domaine azimutal autour de la position verticale basse, la vitesse axiale vue par un élément de pale par le terme correctif : 2
2
Dt ( z ) 2 y –x 1 + ⎛ -------------⎞ × ----------------------2 ⎝ 2 ⎠ 2 2 (y + x ) avec Dt, diamètre de la tour à l’altitude z de l’élément de pale et (x,y), les coordonnées de la position de l’élément de pale dans le plan rotor. En intégrant les forces et moments correspondants sur toute l’envergure, on peut compléter les équations du mouvement de la pale (§ 7.3). Au final, ces mouvements peuvent être exprimés sous la forme de séries de Fourier. Pour le battement, on obtient le développement suivant : b = b0 + b1c cos y + b1s sin y + b2c cos 2y + b2s sin 2y… Le terme statique b0 est représentatif de la poussée aérodynamique qui s’exerce sur la pale (figure 8.12). Les termes cycliques du 1er ordre b1c et b1s sont caractéristiques des perturbations latérales (comme celle de la tour) et verticales. Ils représentent les principaux mouvements sous chargement de la pale (figure 8.13). 162
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
Les termes de rang supérieur ne participent qu’à hauteur d’environ 10 % aux charges s’exerçant sur la machine.
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 8.12 – Déflexion en battement sous l’action de la poussée aérodynamique des pales d’une éolienne GE 1.5S, parc de Cotentin à Sortosville-en-Beaumont, Manche (crédit photo: Marc Rapin)
Figure 8.13 – Mouvements du rotor induits par le battement cyclique au 1er ordre des pales
163
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
m Effets de rotation
Les caractéristiques 2D sont les plus simples à obtenir pour caractériser le comportement d’un profil et servent donc de base aux calculs. Mais, par rapport aux autres voilures tournantes telles que les hélices ou les rotors d’hélicoptère qui possèdent de très grandes vitesses de rotation, l’éolienne évolue à basse vitesse ce qui lui confère un fonctionnement particulier. La composante tangentielle augmente bien entendu avec le rayon r pour devenir prépondérante aux sections situées en extrémité de pale où les profils ont alors un comportement proche du 2D. Pour les autres sections, en particulier en pied de pale, la composante due au vent est du même ordre de grandeur que celle due à la vitesse de rotation (figure 8.3). L’organisation de l’écoulement est donc différente. Physiquement, il est assez facile d’imaginer que la rotation ait une influence. Il suffit de se trouver sur un manège tournant à grande vitesse pour ressentir l’effet de la force centrifuge qui tend à nous projeter vers l’extérieur, c’est-à-dire suivant la direction radiale. C’est également le cas pour l’écoulement vu par l’ensemble de la pale. Mais, c’est à partir d’observations sur le comportement des profils que l’on a mis en évidence l’effet particulièrement important de la rotation dans le cas du fonctionnement éolien. Étant d’une organisation complexe en 3D, ce phénomène n’est pas facile à identifier. Étant dépendant de la nature du profil utilisé, il a fallu recourir à des campagnes de mesures sur des machines réelles ou en soufflerie pour arriver à le quantifier et à le prendre en compte dans les modèles de simulation. D’après les travaux de MM Snel, Houwink et Piers, ces effets dus à la rotation ont la propriété d’être proportionnels au rapport de la corde locale sur le rayon (c/r). Ce rapport est de l’ordre de grandeur de d, angle sous lequel le centre rotor voit le passage d’une particule d’air le long de la corde (voir figure 8.14). Plus on est proche du pied de pale, plus l’effet est important. On observe la création d’une surportance qui modifie largement le Cz statique 2D : ce coefficient peut atteindre des valeurs de 2,5 à une incidence de 35-45°. Les effets de rotation sont visibles tout au long de la pale jusqu’à 70-80 % de l’envergure où les profils adoptent de nouveau un comportement 2D. Dans le principe, la modification du coefficient de portance en rotation s’écrit sous la forme : Cz = Cz2D + DCz. La correction de polaire tournante DCz (figure 8.14) : – est nulle pour un angle inférieur à l’angle de décrochage ad ; – augmente progressivement jusqu’à une valeur maximale DCzmax pour ad + Da (très forte incidence) en suivant une loi polynomiale du 3e degré ; – est fonction de c/r. Elle prend la forme suivante : a – ad a – ad 2 a – ad 3 DCz = DCz0 A. ⎛ ---------------⎞ + B. ⎛ ---------------⎞ + C. ⎛ ---------------⎞ ⎝ Δa ⎠ ⎝ Δa ⎠ ⎝ Δa ⎠
{
164
}
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
A a
b
Figure 8.14 – Effet de la rotation sur le comportement 2D du coefficient de portance d’un profil
avec :
dCz – A, B, C fonction de ---------dθ – DCz0 = 0,75 {1 – (1 – 2c/r)p} pour c/r < 0,5 – DCz0 = 0,75 pour c/r > 0,5 © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
– et p, un coefficient de polaire tournante adaptable compris entre 0 et 2. Le même type de correction doit être appliqué pour les coefficients de moment Cm et traînée Cx. Aux sections pied de pale, la surportance DCz créée est assez importante et se produit sur une large plage d’incidences. Les effets de rotation sont donc bénéfiques pour générer des forces de couple au démarrage de la machine. Par contre, au-delà de l’incidence ad + Da, le décrochage statique est très violent (chute beaucoup plus rapide du coefficient de portance qu’en 2D). Aérodynamiquement, cela provoque une discontinuité de fonctionnement (source de tourbillon et de traînée, voir paragraphe suivant) alors que l’on recherche une progressivité de ce phénomène 3D pour une maîtrise de la courbe de puissance produite. Les concepteurs de pale utilisent donc pour l’instant des artifices aérodynamiques passifs 165
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
(c’est-à-dire fixe en fonctionnement, voir figure 8.15) pour essayer de contrôler le déclenchement du décrochage tels que :
Figure 8.15 – Schématisation des stall strips et générateurs de vortex
– les « stall strips ». Bien que peu utilisés, ils peuvent être rencontrés au bord d’attaque du profil sur la partie externe de la pale (fin des sections intermédiaires ou d’extrémités) ; – les générateurs de vortex. Très utilisés (figures 8.16a et 8.16b), ils peuvent être installés sur plusieurs mètres à l’extrados sur la partie interne de la pale (sections pied de pale ou intermédiaires) à différentes positions en corde (10 à 40 %) suivant le profil ;
a
b
c Figure 8.16 – a Implantation de générateurs de vortex sur une pale d’éolienne Südwind S70 (1,5MW pour un diamètre de 70m) montée sur un mât en treillis SeeBA de 114,5 m, parc Badbergen, Saxe-Anhalt, Allemagne (avec l’aimable autorisation de BWE, crédit photo : SeeBA Energiesysteme GmbH) ; b – Implantation de générateurs de vortex sur une pale d’éolienne Nordex N90 (2,3MW pour un diamètre de 90m) sur le site de Migny, Indre (crédit photo : Marc Rapin) ; c – Implantation de fence sur les pales d’une éolienne REpower MM92 de 2 MW du parc du Chemin d’Ablis, Eure-et-Loir (crédit photo : Marc Rapin)
166
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
– les « boundary layer fences ». Plus récents, ils ont été mis en œuvre à partir de 2003 sur les pales LM Glasfiber des machines REpower (figure 8.16c). Ce dispositif a pour objectif de stopper la propagation du décrochage en pied de pale à l’aide de 2 lames qui canalisent localement l’écoulement. Il a depuis été adopté sur le prototype 6M de 6MW. m Problèmes du sillage
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Localement, la compensation naturelle provoquée par la différence de vitesse entre l’intrados et l’extrados d’un profil crée des discontinuités dans le sillage à l’aval de la pale. Des lâchers de tourbillon se produisent donc en bord de fuite et alimentent la nappe tourbillonnaire à l’aval du plan rotor. La figure 8.17a représente la visualisation des tourbillons obtenus, à une vitesse de vent de 13 m/s, sur une configuration de l’éolienne bipale NREL avec un calcul CFD.
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a
b
Figure 8.17 –a Simulation de la création de tourbillons sur le rotor bipale de l’Éolienne NREL pour une vitesse de vent de 13 m/s (calcul code elsA, ONERA) ; b – Simulation de la création de tourbillons sur petite éolienne pour une vitesse de vent de 9,3 m/s : visualisation des vitesses moyennes dans l’écoulement permettant de voir la formation et la progression des tourbillons marginaux (calcul code FLUENT, ENSAM ParisTech)
167
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
Ce résultat nécessite des moyens de calcul assez importants, mais c’est la seule possibilité pour mettre en évidence certains phénomènes 3D particuliers comme, dans ce cas, l’apparition d’un tourbillon en milieu de pale identifié en soufflerie par le NREL. Pour effectuer des calculs approchés plus simple et plus rapide, une des méthodes les plus répandues pour prendre en compte une forme globale de sillage est basée sur la théorie tourbillonnaire, développée par Glauert, à laquelle s’ajoutent des corrections telles que celles de Prandtl. On discrétise l’ensemble de la nappe par un réseau de mailles tourbillonnaires à l’intérieur desquelles on calcule les circulations : – si l’on fige la forme de la nappe sur les premiers tours pour simplifier les calculs, on parle de sillage prescrit ; – si l’on permet à la nappe de se déformer, on parle de sillage libre. Les calculs doivent alors être réalisés dans le temps en tenant compte de l’évolution des conditions de fonctionnement du rotor et de la nappe tourbillonnaire réactualisée, ce qui devient plus compliqué et demande des capacités de calcul plus importantes. Les circulations calculées permettent de remonter à des vitesses dites induites (figure 8.18d) qui modifient les caractéristiques locales du vecteur vitesse vu par le profil. Par exemple, la composante axiale définie au tableau 8.2 devient (V0 – vi ) · cos β – r β . La modification du sillage par les pales a plusieurs conséquences. La création d’un tourbillon génère en effet une force de traînée supplémentaire dite induite qui se rajoute à la traînée du profil 2D déjà définie : 1 2 F X = --- ρ ( C X + C Xi ) × AV r 2 L’attache de la pale sur le moyeu constitue par ailleurs une discontinuité et le début des effets de rotation. Le tourbillon généré en pied vient modifier l’écoulement en aval autour de la nacelle (figure 8.18c). Il peut impacter l’anémomètre qui renseigne le calculateur : c’est une des raisons pour laquelle on place ce système de mesure en hauteur à l’arrière de la nacelle (figure 4.7). Pour lisser les effets tourbillonnaires, on utilise un cône d’hélice. Enercon utilise de plus un important carénage de bord de fuite en pied de pale (figure 4.8). Plus important car se produisant à des vitesses élevées, le tourbillon marginal, en extrémité de la pale (tip vortex), résulte lui aussi d’une discontinuité de vitesse provoquée par la fin de la pale. Il se combine avec la forme géométrique pour donner naissance à un enroulement autour de l’extrémité (figures 8.17). C’est l’effet 3D qui est responsable d’une traînée importante et de la chute de portance en extrémité. On doit donc corriger en conséquence les polaires 2D avec des termes de corrections tels que ceux formulés par Prandtl. Pour diminuer la force de cet enroulement et atténuer la traînée générée, certains constructeurs tel qu’Enercon utilisent maintenant des winglets au bout de leur pale comme pour certaines applications aéronautiques (figure 4.8). 168
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
A b
C
d
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
c
Figure 8.18 – Exploration du sillage par méthode PIV (Particle Image Velocimetry) réalisée dans la soufflerie du Laboratoire de Mécanique des Fluides de l’ENSAM Paris. Visualisation des vitesses moyennes et des vitesses induites axiales normées dans l’écoulement (crédit images : ENSAM ParisTech)
Il est à noter que sur les petites machines, avec une vitesse de rotation très rapide ou un nombre de pale important, il y a un phénomène supplémentaire d’interaction : la pale perçoit les effets du sillage de la pale précédente ce qui peut modifier fortement les conditions locales de l’écoulement. 8.2.2
Vibrations du rotor
Comme décrit dans le 7.1.2, les pales peuvent être soumises à des mouvements de flexion en battement, en traînée et de torsion. En se combinant, ces mouvements deviennent des modes de rotor symétriques ou antisymétriques. 169
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
a
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
Pour illustrer simplement le sujet des vibrations, nous allons prendre pour exemple un rotor bipale encastré. m Vibrations naturelles de la structure
Pour cette première approche, sans perturbations de l’aérodynamique, la vitesse du vent est considérée comme uniformément constante et parallèle à l’axe de rotation. Le rotor est animé d’une vitesse de rotation angulaire W. La pale n° 1 se trouve à la position azimutale Wt, la pale n° 2 à Wt + p. La pulsation du mode qui anime la pale est notée w = 2 p f, la force qui s’applique sur la pale F. M Flexion de battement
La figure 8.19 représente les deux configurations de flexion en battement que l’on peut rencontrer avec des pales vibrant soit dans la même direction soit en sens opposé.
Figure 8.19 – Schématisation des deux configurations de battement
Dans le cas symétrique, la force transmise par la pale n° 1 est identique à celle de la pale n° 2 : elle s’ajoute pour transmettre une excitation de pulsation w sur la partie fixe. Dans le cas antisymétrique, chaque pale crée un moment de torsion M, en rotation autour d’un axe perpendiculaire à l’axe formé par les pales à la vitesse W : Mx = M cos(Wt + p/2) = M sin(Wt) My = M sin(Wt + p/2) = –M cos(Wt) 170
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
Le moment M étant fonction de Fsin(wt), la partie fixe voit donc deux composantes fonction de w et W sous la forme : sin(wt) sin(Wt) = 1/2 [cos(w – W)t – cos(w + W)t] –sin(wt) cos(Wt) = –1/2 [sin(w – W)t + sin(w + W)t] soit une excitation de pulsation w ± W .
A
Remarque
Dans le cas d’un moyeu en balancier, la rotation est permise et il n’y a pas de transmission d’efforts.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Dans le cas symétrique, les actions des pales n° 1 et 2 s’ajoutent et se projettent dans le plan Oxy sous la forme : Fsin(wt) cos(Wt) Fsin(wt) sin(Wt) soit une excitation sur la partie fixe de pulsation w ± W.
Figure 8.20 – Schématisation des deux configurations de traînée
Dans le cas antisymétrique, les deux forces agissent simultanément dans le même sens dans le plan du rotor. Il n’y a pas donc pas de transmission à la partie fixe, mais une modulation de la vitesse de rotation. 171
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
M Flexion de traînée
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
M Torsion
Dans le cas symétrique, le mouvement de torsion agit autour de l’axe des pales et est équivalent à une combinaison de flexions : il transmet donc une excitation de pulsation w ± W sur la partie fixe. Dans le cas antisymétrique, les deux composantes s’équilibrent et il n’y a pas de transmission à la partie fixe. Si elles ne sont pas parfaitement équilibrées, ce mode de torsion agit comme une flexion de battement antisymétrique de faible amplitude à la pulsation w ± W. Dans la réalité, les pales ne sont en effet jamais strictement identiques (ne serait-ce que par les quelques % d’écart obtenus lors de leur fabrication). Les modes de rotor évoqués possèdent donc plutôt des composantes symétrique et dissymétrique simultanément. Si expérimentalement, on cherche à les identifier sur la partie fixe, il convient d’observer les directions de vibrations et les pulsations (ou fréquences) de ce que l’on appelle les raies mesurées (tableau 8.3). On peut ainsi assez facilement repérer un mode de battement ou de traînée symétrique. On remarquera par ailleurs que, dans l’exemple traité, tous les modes sont caractérisés par des raies séparées de W ou 2W, caractéristique d’un rotor à 2 pales. Tableau 8.3 – Caractéristiques des raies mesurées sur la partie fixe en écoulement aérodynamique uniforme Contribution
battement
traînée
Torsion
pulsation
w – W w w + W
w – W w w + W
w – W w w + W
Dominante symétrique
Dominante dissymétrique
m Influence de l’aérodynamique sur les vibrations
Comme l’aérodynamique qui arrive sur le rotor n’est pas uniforme et parallèle à l’axe de rotation, il faut moduler les vibrations de pale exprimées au § 8.2.2 par des effets 3D, ce qui peut devenir assez compliqué. Pour illustrer simplement l’effet d’une modulation, nous allons traiter l’exemple suivant : les deux pales vibrent toujours à la même fréquence mais avec, sur un tour, une position du rotor d’amplitude maximale (par exemple pales en position verticale) et une d’amplitude minimale (pales en position horizontale). La modulation d’amplitude s’exprime alors sous la forme d’un sin(2Wt). 172
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
La force fournie par la pale s’exprime sous la forme modulée m suivante : Fsin(wt) [1 + m/F sin(2Wt)] En reprenant les raisonnements du §8.2.1, pour le battement du rotor dans le cas symétrique, la force transmise par la pale n° 1 est identique à celle de la pale n° 2 : 2F sin(wt) + 2m sin(wt) sin(2Wt)
A
L’excitation vue par la partie fixe sera donc de pulsation w et w ± 2W. Les raies seront séparées de 2W.
sin(wt) sin(Wt) [1 + m sin(2Wt)] autour de Ox – sin(wt) cos(Wt) [1 + m sin(2Wt)] autour de Oy Soit en : w ± W pour la partie globale w ± W et w ± 3W pour la partie modulée
Les raies en w ± W resteront les plus marquées mais seront accompagnées de deux autres raies en w ± 3W. Elles seront séparées de 2W ou 4W. Tableau 8.4 – Caractéristiques des raies mesurées par la contribution des modes de battement rotor sur la partie fixe en écoulement aérodynamique non uniforme de modulation sin(2Wt) Contribution
battement
pulsation
w – 3W w – 2W w – W w w + W w + 2W w + 3W
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Dominante symétrique
Dominante dissymétrique
La composition des 2 modes de flexion en battement est résumée tableau 8.4. On peut de même refaire le même raisonnement pour les modes de vibration de traînée et torsion. Avec cette simple illustration, on constate que le spectre de réponse devient beaucoup plus riche avec de nombreuses raies, séparées de W, dont les amplitudes sont moins faciles à quantifier suivant la nature du mode et de sa modulation m. 173
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Pour le battement antisymétrique, la partie fixe voit donc deux composantes pour chaque pale fonction de w et W sous la forme :
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
m Vibrations réelles
Dans la réalité, les pales ne se situent pas strictement dans le plan (Oyz)0 : la nacelle et le rotor sont légèrement inclinés vers le haut par rapport à l’horizontal, ce qui modifie leurs directions de déplacement. Elles possèdent de plus un vrillage naturel, voire un calage variable, qui modifient les angles d’incidence des sections de la pale et donc les directions des forces aérodynamiques. Les vibrations décrites précédemment ne peuvent donc pas se décomposer aussi facilement. Les modes eux-mêmes ne sont pas forcément purs (§ 7.3). Un mode de battement peut contenir une petite composante de traînée, un mode de traînée une petite composante de battement et un mode de torsion une contribution des autres types de déplacement. Ils peuvent par ailleurs se coupler et provoquer des instabilités (voir § 7.3). Des couplages peuvent ainsi s’opérer avec le reste de la structure. L’interprétation des mesures, contenant les réponses de plusieurs modes, est donc un art difficile. Pour espérer pouvoir attribuer chaque raie au bon mode, il est de toute façon requis d’avoir au préalable parfaitement identifié les pulsations w de la structure fixe que ce soit pour le rotor (phase d’identification modale, voir § 7.1.3), pour le mât et les autres sous-ensembles. m Efforts sur le moyeu et le mât
La combinaison des efforts se produisant sur les pales se transmet en tout premier lieu au moyeu, différemment suivant le type de rotor choisi (tableau 8.5). La solution du rotor encastré, retenue sur les machines de moyennes et grandes puissances, est la plus simple d’un point de vue construction mais elle transmet l’intégralité des efforts et moments. Tableau 8.5 – Sollicitations de la pale vues par le moyeu suivant son architecture Sollicitation ramenée en pied de pale
rotor articulé
rotor en balancier
rotor encastré
Moment de battement
–
–
Totalité du moment transmise
Effort de battement
Poussée sur une pale
Poussée totale du rotor sur le balancier
Poussée sur une pale
Moment de traînée
–
Couple total du rotor transmis à l’arbre moteur
Couple d’une pale transmis
Effort de traînée
Efforts dans le plan de traînée générant un couple
Efforts dans le plan de traînée générant un couple
Efforts dans le plan de traînée générant un couple
Traction
Effort centrifuge
Effort centrifuge
Effort centrifuge
Torsion
Moment d’une pale
Moment du rotor
Moment d’une pale
174
8.2 Comportement dynamique
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les principales sollicitations transmises à la tour proviennent des battements symétriques et antisymétriques du rotor (décrits pour un bipale § 8.2.2). Dans le cas d’un rotor tripale, on obtient les modes de la figure 8.21. Le premier mode de flexion symétrique est une fois de plus responsable de la poussée axiale sur l’arbre primaire. Comme dans l’exemple du bipale, la fréquence de ce mode est celle du mode de flexion de la pale w si l’on considère que l’arbre est rigide. Cette poussée est ainsi directement connectée au mode du mât. L’angle de la nacelle n’étant pas strictement horizontal, elle exerce principalement un moment de flexion sur le mât et une petite traction verticale. Du fait de ce couplage et de la masse rotor, ceci a pour effet de : – diminuer légèrement la fréquence du premier mode de flexion du mât. Il faut alors veiller à ne pas tomber sur la fréquence de rotation W ; – augmenter légèrement celle du mode symétrique rotor. Suite aux analyses du tableau 7.3, ceci est bénéfique puisque cela l’éloigne un peu plus du 3W. Dans le cas du tripale, on obtient les (ou une combinaison des) deux modes antisymétriques représentés. Ils sollicitent en flexion les modes de l’arbre primaire avec les moments générés. Les fréquences de ces modes sont donc plus faibles que celle du mode de flexion de la pale w. Ils sollicitent par ailleurs les modes en flexion et torsion du mât (figure 8.21) : les fréquences des modes antisymétriques sont donc encore diminuées et peuvent cette fois être proches du 3W. Les vibrations du rotor sont donc dépendantes du reste de la structure et en particulier du comportement vibratoire du mât. Après l’identification de la pale, il peut être souhaitable de pratiquer une identification de l’ensemble de la machine, rotor à l’arrêt, pour obtenir une première idée de l’évolution des fréquences de pale (figure 8.22). Enfin, en fonctionnement, en équipant la machine de capteurs sur les pales, la nacelle et la tour, on peut mieux comprendre et surveiller les vibrations de l’ensemble de la machine.
Figure 8.21 – Schématisation des modes de battement d’un rotor tripale
175
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
8 • Le rotor
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
a
b Figure 8.22 – Essais de vibration menés par le NREL sur une machine Wind Eagle Corporation de 300 kW et AOC 15/50, sur le site d’essais du NWTC, Boulder, Colorado (avec l’aimable autorisation du DOE/NREL, crédit photos : Warren Gretz)
176
8 • Le rotor
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Modélisations et essais réels
Au-delà des essais des constructeurs pour améliorer leurs produits, la communauté scientifique de R&D mènent des actions de mesures pour aider au développement des connaissances. Dans ce cadre, plusieurs campagnes d’essais, avec des machines fortement instrumentées, ont été menées en conditions réelles, notamment dans le cadre des Annexes XIV et XVIII de l’IEA (International Energy Agency) de 1992 à 2001. Les essais réels posent cependant de nombreux problèmes : – une instrumentation complète est coûteuse et difficile à mettre en œuvre. Elle est donc limitée. Pour les machines de série, on se contente généralement d’une série d’accéléromètres et de jauges pour surveiller le niveau global des vibrations, mais pas pour comprendre finement le comportement de l’éolienne ; – pour faire la relation entre les efforts mesurés et le fonctionnement de la machine, il faut pouvoir identifier précisément le vent qui arrive sur le rotor ; – les mesures effectuées sont souvent parasitées par la nature variable et turbulente du vent. On observe bien souvent un nuage de points qu’il faut pouvoir traiter. Par ailleurs, il faut aussi être capable de séparer la part due au vent de celle due au comportement de la machine. Forts de cette constatation, les scientifiques de la communauté internationale ont créé un nouveau groupe de travail au sein de l’IEA pour comprendre plus clairement le fonctionnement spécifique éolien. On peut isoler un rotor d’éolienne et le tester dans une soufflerie classique. Cependant, les veines d’essais sont souvent réduites et l’on doit utiliser des maquettes plus ou moins représentatives du rotor réel : il est par exemple assez difficile d’avoir un rotor qui reproduise à la fois l’aérodynamique (forme en plan) et la dynamique (structure) d’un rotor réel. Si l’on veut inclure une représentation de la nacelle et du mât, on doit encore réduire la taille de l’ensemble… et réduire encore ses chances de représenter un comportement réel. L’instrumentation devient aussi très difficile par manque de place dans la maquette de pale par exemple. Pour palier à ces problèmes, le NREL (National Renewable Energy Laboratory) américain a utilisé une des machines testées sur site (d’un diamètre de 10 m) et l’a placé dans la soufflerie géante de la NASA/Ames où les conditions d’écoulement sont parfaitement contrôlées (figure 8.23). L’objectif était d’obtenir une base de données fiable et précise sur le fonctionnement d’une éolienne dans différentes configurations. Environ 1 700 tests, élaborés par un groupe scientifique international, ont été réalisés jusqu’en 2000. Une première analyse des données collectées pour la position upwind a identifié les phénomènes aérodynamiques 3D (retard au décrochage, effets de rotation, sillage…) et dynamiques expliqués dans les parties 7 et 8 de cet ouvrage. Pour 18 organismes, une comparaison en aveugle de 19 codes de calcul a été organisée en 2001 sur certains de ces cas par le NREL. Que ce soit avec des codes ligne portante ou Navier-Stokes, une grande dispersion des résultats a été obtenue sans réelles tendances pouvant être dégagées. Les organismes ont ainsi pu travailler à l’amélioration des modèles et méthodes utilisés dans leur code. Certains calculs de l’ONERA, utilisés ici comme illustrations, 177
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
8.2.4
8.2 Comportement dynamique
8 • Le rotor
8.2 Comportement dynamique
proviennent de la validation sur cette campagne de mesure en soufflerie unique au monde pour l’application éolienne.
a
b Figure 8.23 – Expérimentation sur site et dans la soufflerie de la NASA/Ames de l’éolienne instrumentée NREL de Ø 10 m (crédit photos : DOE/NREL)
178
8 • Le rotor
8.3 Conception du rotor
8.3 Conception du rotor Architecture
Selon la puissance visée et le type d’utilisation recherchée, les paramètres de conception de départ seront différents. On conçoit aisément que la définition d’un petit aérogénérateur pour particulier ou d’une machine multi-mégawatt ne se fait pas avec les mêmes critères. Pour une machine de grande taille à pas variable, on pourrait envisager de démarrer la rotation en s’aidant du générateur utilisé en moteur. Par contre, pour une petite éolienne régulée au décrochage, le vrillage, notamment au pied de la pale (voir § 8.3.1), devra permettre un démarrage autonome de la machine. Ces données ont bien évidemment un impact sur la conception du rotor et de la pale, à commencer par leur nombre. m Nombre de pales
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Le § 6.2 décrit les avantages du nombre de pale en terme de rendement : une éolienne à axe horizontal munie d’un rotor rapide à 1, 2 ou 3 pales est préférable. La solution tripale apporte seulement un petit gain théorique par rapport à une machine bipale. Alors pourquoi cette architecture a-t-elle fini par s’imposer ? Il faut pour cela analyser les autres domaines de la conception d’un rotor. Une éolienne monopale a pour principal inconvénient de nécessiter un contrepoids pour équilibrer le rotor : cette solution est donc assez anecdotique et seuls quelques prototypes ont vu le jour (figure 8.24).
Figure 8.24 – Éolienne Monopteros 50 (avec l’aimable autorisation de BWE)
179
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
8.3.1
8 • Le rotor
8.3 Conception du rotor
Une éolienne bipale est a priori équilibrée. Ce n’est déjà plus le cas lorsque l’on considère le gradient vertical de vent qui fait que les conditions rencontrées par la pale en position haute ou basse sont différentes (phénomène augmentant avec la taille du rotor). Plus néfaste, une autre sollicitation cyclique apparaît lorsque l’une des pales passe devant le mat de l’éolienne (ceci étant encore plus accentué quand la pale passe derrière pour les machines downwind). Les efforts qui sont alors transmis au moyeu de l’éolienne peuvent être importants et doivent être compensés par un mécanisme de balancier du rotor qui rend plus complexe ce moyeu (l’absence de ce mécanisme fut la source des difficultés et échecs rencontrés avec les 1ers prototypes MW américains MOD § 3.1). D’un point de vue dynamique, l’ajout d’une troisième pale est encore bénéfique. Autre critère non technique mais d’importance, ceci se traduit aussi visuellement par un mouvement plus fluide. Les études sur le public ont d’ailleurs montré que les machines tripales étaient jugées plus esthétiques que les bipales. Cependant, comparé à une machine bipale, on peut penser que l’on se pénalise avec une machine tripale par un surcoût et une masse additionnelle. Ceci n’est que partiellement vrai car, pour un diamètre donné, c’est en fait la vitesse de rotation W que l’on peut choisir significativement plus faible avec une tripale qui est prépondérante. Ce choix est dicté par deux impératifs : – réduire la vitesse périphérique WR pour ne pas se trouver dans une gamme de vitesse qui impliquerait des phénomènes aéroélastiques/fatigue et acoustiques supplémentaires (les conceptions actuelles se limitent à des vitesses de l’ordre de 65-80 m/s) ; – réduire les efforts que l’on transmet à la pale et qui sont fonction de W2. Plus on tourne vite, plus il est nécessaire de renforcer la structure complète de la pale. Ceci est particulièrement important au pied de pale où l’ensemble des efforts est transmis puisque les pales sont rigidement encastrées au moyeu. Comme le montrent les calculs de la figure 8.25, avec un design aérodynamique de pale identique, il est possible d’obtenir des niveaux équivalents de puissance avec une machine bi ou tripale. Mais l’augmentation nécessaire de 15 % d’W entraîne dans ce cas 35 % d’efforts supplémentaires sur le moment de flexion en pied de pale pour une machine bipale. Compenser ces efforts reviendrait en fait à alourdir sensiblement la structure de la pale : la pénalité de poids pour une machine tripale n’est donc en fait pas si importante. Si l’on pousse ce raisonnement, l’ajout d’une quatrième pale serait là encore bénéfique d’un point de vue dynamique et au niveau de la vitesse de rotation. Mais dans ce cas, on n’obtient plus un avantage significatif en terme de puissance supplémentaire récupérée. En ajoutant une surface dans le flux, celle-ci génère obligatoirement une traînée supplémentaire qui pénalise la performance globale du rotor. Les contributions apportées par une nouvelle pale sur le Cp et sa traînée s’équilibrent avec l’augmentation du nombre de pale, d’où un rendement qui se stabilise. De plus, la perte d’énergie due à cette traînée varie avec l3, ce qui explique les formes de Cp observées au § 6.2 : une efficacité réduite des machines à 3 ou 4 pales pour les grands l. 180
8 • Le rotor
3,5
8.3 Conception du rotor
P (MW)
A
3
2,5
2 pales / tpmn+20% 2
2 pales / tpmn+10% 3 pales 2 pales
1
0,5
0 5
10
15
20
25
30
Wind (m/s)
Figure 8.25 –Comparaison de la puissance obtenue en faisant varier la vitesse de rotation (en tour/mn) d’une éolienne bipale avec le résultat obtenu pour une tripale en utilisant des pales identiques (Calculs code ROTOR, ONERA)
La configuration tripale a finalement été retenue car elle autorise un rendement légèrement supérieur, mais surtout pour une vitesse de rotation plus faible. Ce choix résulte donc d’un compromis entre l’efficacité aérodynamique du rotor, le poids, la dynamique des structures et le prix associé.
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m Type de moyeu
L’évolution des conceptions de moyeux a suivi la nécessité de réduire les charges induites par la structure tournante sur cet élément et sur la tour (§ 8.2). Trois grandes familles dominent dans la conception des moyeux associés au rotor d’une éolienne (tableau 8.5). Les moyeux avec pales encastrées ont la conception la plus simple et sont utilisés pour l’ensemble des machines de moyenne et grande puissances. Cette conception n’autorise pas de mouvement des pales (fixées généralement au moyeu par boulonnage) autre que leur flexion naturelle ou éventuellement la variation pilotée du pas. L’ensemble des vibrations générées par le rotor est transmis au moyeu. Pour réduire ces efforts et moments, et en particulier, l’important moment de battement, il est donc nécessaire d’introduire des degrés de liberté :
181
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
1,5
8 • Le rotor
8.3 Conception du rotor
– les moyeux en balancier pour lesquels les deux pales rigides sont reliées entre elles et l’ensemble peut osciller autour de l’axe perpendiculaire à l’axe de rotation. Cela permet d’annuler le moment de battement ; – les moyeux articulés dont les pales possèdent des degrés de liberté en battement et traînée. Les moments associés n’existent plus. En fonctionnement, le rotor s’équilibre grâce aux articulations de chaque pale. La complexité de ces articulations (nombre de pièces, coût) est la limite de cette technique (appliquée aux hélicoptères). Ces deux derniers types de moyeux ne sont utilisés que pour les petites machines et quelques éoliennes de moyenne puissance. La tendance est de conserver un moyeu rigide et de diminuer les contraintes résultantes. Soit les pales restent rigides et l’on intercale un élément (composite) de déformation, soit les pales deviennent plus flexibles. 8.3.2
Compromis et évolution
Les conditions d’utilisation et la puissance recherchée influent directement sur l’architecture de l’éolienne. Une fois celle-ci choisie, les grandes lignes de la machine sont définies. Mais il reste encore de nombreux paramètres à fixer et donc de nombreuses possibilités… comme par exemple pour le diamètre ! Les critères relatifs au vent que la machine va rencontrer vont orienter ce choix : pour compenser une faible vitesse de vent moyenne, on pourrait augmenter la longueur des pales pour capter plus d’énergie. Mais cela entraîne aussi une augmentation de la vitesse périphérique WR vue par l’extrémité de pale. Alors que choisir : diminuer la vitesse de rotation V ou accepter un rotor un peu plus chargé et donc modifier la structure de la pale ? On le comprend, il faut là encore trouver un juste compromis entre tous les paramètres de conception et exigences de fonctionnement. Chaque constructeur est ainsi amené à décliner différentes versions pour une même puissance de génératrice. S’il choisit de proposer deux ou trois diamètres différents, chaque machine sera alors certifiée suivant la classe de vent choisie (exemple tableau 8.6). Tableau 8.6 – Différentes versions de l’éolienne 2 MW de REpower
182
Modèle Année de lancement
Ø rotor (m)
Hauteur nacelle (t)
Vitesse de rotation (tr/mn)
Vent nominal (m/s)
Certifié jusqu’à la classe
MM70
70
55 - 80
10 - 20
13,5
IEC Ia Vents très forts
MM82
82
59 - 100
8.5 - 17.1
13
IEC Ia Vents forts
MM92
92,5
68,5 - 100
7,8 - 15
11,2
IEC IIa Vents moyens
8 • Le rotor
8.3 Conception du rotor
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Pour réussir à trouver le bon compromis de conception, il faut pouvoir intégrer un ensemble de disciplines aussi variées que l’aérodynamique, la conception structurale, l’aéroélasticité et le contrôle (figure 8.26) qui possède chacune leurs propres tendances pour une meilleure efficacité. Pour prendre deux extrêmes, on peut par exemple préférer une pale très allongée de faible corde pour améliorer les performances, mais ce serait alors au détriment de la tenue mécanique (pale souple style hélicoptère). À l’inverse, la résistance des structures préférerait utiliser une forme cylindrique (comme au pied de pale) mais ce serait alors au détriment du fonctionnement et du rendement aérodynamique. En résumé, la conception du rotor doit faire appel à un compromis délicat entre l’architecture choisie et le rendement aérodynamique, la légèreté, la résistance statique, la tenue en fatigue, le coût de fabrication des pales etc. Basé sur l’expérience et les connaissances, c’est le résultat d’un procédé itératif avec de nombreux paramètres et de nombreuses contraintes à prendre en compte.
Figure 8.26 – Interdisciplinarité des domaines de conception du rotor
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Tous les bureaux d’études ou constructeurs possèdent des outils de représentation à des niveaux divers. Mais, comme pour d’autres domaines d’application, l’expérience accumulée fait que l’on reste souvent dans des gammes de pale similaires ou en simple évolution.
183
9 • LES ÉQUIPEMENTS DE LA GÉNÉRATION ÉLECTRIQUE
A
Au sens du présent document, les équipements de la génération électrique incluent les éléments installés au-delà du moteur éolien jusqu’aux éléments spécifiques des applications. – Application 1 : Dans le cas d’aérogénérateurs utilisés pour charger des batteries d’accumulateurs, l’équipement générateur est la machine électrique à l’exclusion de l’équipement électronique de charge de la batterie d’accumulateurs. Ces aérogénérateurs sont toujours à entraînement direct (type B du schéma de la figure 9.1). ÉQUIPEMENTS GÉNÉRATEURS
Type A ⇒ Entraînement multiplié
Multiplicateur
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Moteur éolien
Générateur électrique
Schématisation des deux grandes catégories d’entraînement Type B ⇒ Entraînement direct
Liaison mécanique
Générateur électrique
Figure 9.1 – Schématisation des deux grandes catégories d’éoliennes
185
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Dans les chapitres ci-après on examinera les équipements électriques associés à un aérogénérateur, c’est-à-dire non seulement les équipements de la génération électrique proprement dits, mais également les équipements de connexion d’un ou plusieurs aérogénérateurs (réunis sous la forme de centrale éolienne).
9 • Les équipements de la génération électrique
9.1 Étapes du développement
– Application 2 : Dans le cas d’aérogénérateurs associés à des réseaux électriques, l’équipement générateur comprend la machine électrique et les équipements électroniques nécessaires à son fonctionnement, ainsi que le multiplicateur (transformateur de couple) quand l’éolienne n’est pas à attaque directe (figure 9.2). Dans le cas des génératrices asynchrones à rotor bobiné (§ 9.3.4), l’équipement générateur est constitué de la génératrice elle-même ainsi que du convertisseur d’alimentation du rotor. Dans le cas de génératrices à aimants permanents (§ 9.4), l’équipement générateur comprend également le convertisseur d’adaptation au réseau. Les différentes configurations sont illustrées par les organigrammes simplifiés des figures 9.2 et 9.3. ÉQUIPEMENTS GÉNÉRATEURS Type A ⇒ Entraînement multiplié
Réseau
Type A1⇒ Génératrice asynchrone
Multiplicateur
Convertisseur d’alimentation du rotor N géné. 1 000 ou 1 500 tr/mn
Schématisation des configurations à entraînement multiplié
Réseau
Liaison mécanique N rotor de 10 à 100 tr/mn
Type A2 ⇒ Génératrice asynchrone à rotor bobiné
Liaison électrique
Réseau
Type A3 ⇒ Alternateur à aimants permanents
Convertisseur de couplage au réseau
Figure 9.2 – Schématisation des configurations à entraînement multiplié
9.1 Étapes du développement Le développement des équipements de génération électrique des aérogénérateurs commerciaux (pour le déversement d’électricité éolienne dans les réseaux de distribution) a été commandé par une contrainte : satisfaire les conditions techniques imposées par les réseaux. En 1978, coupler quelques unités d’aérogénérateurs d’une puissance unitaire de 30 kW aux réseaux électriques danois – qui n’étaient pas fondamentalement différents des réseaux actuels – était une action facile : la présence ou l’absence de production éolienne était à peine, sinon pas du tout, mesurable depuis ces réseaux. 186
9 • Les équipements de la génération électrique
ÉQUIPEMENTS GÉNÉRATEURS Type B ⇒ Entraînement direct
9.1 Étapes du développement
Schématisation des configurations à entraînement direct
Type B1 ⇒ Charge de batterie
A
Redresseur/chargeur de batterie Alternateur à aimants permanents
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C Type B2 ⇒ Alternateur synchrone autoexcité
Onduleur couplage réseau Redresseur d’excitation
Réseau
Liaison mécanique
Liaison électrique Type B3 ⇒ Alternateur à aimants permanents
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Onduleur couplage réseau
Réseau
Figure 9.3 – Schématisation des configurations à entraînement direct
Le 5 mars 2009, déverser 11,2 GW d’électricité éolienne dans le réseau électrique espagnol alors chargé à 37,9 GW, soit un taux de pénétration en puissance de 29,5 %, requiert un tout autre niveau technique pour conserver la stabilité de ce réseau et en satisfaire les contraintes opérationnelles. Il est clair que cette stabilité n’a pu être garantie que par la mise en œuvre de tout un ensemble de protections, sécurités, moyens de mesure, etc. 187
9 • Les équipements de la génération électrique
9.2 Équipements individuels
L’électricité éolienne est ainsi devenue un acteur technique de premier plan dans un certain nombre de réseaux. Pour assurer cette participation sans inconvénient pour les réseaux, les Constructeurs des équipements éoliens ont répondu par l’intégration, aussitôt que possible, des nouveaux développements industriels et technologiques réalisés par ailleurs. m La généralisation des convertisseurs statiques de puissance
Il en est dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres : la généralisation des convertisseurs statiques de puissance a été rendue possible par la réduction significative de leur prix spécifique (€/kW de puissance nominale). Mais elle est en même temps devenue nécessaire du fait de la sophistication toujours plus grande des codes de couplage des centrales éoliennes aux réseaux, sophistication qui ne pouvait pas être satisfaite par les équipements électriques des premières générations. Cette généralisation des convertisseurs statiques de puissance a permis dans une première étape la généralisation des génératrices à rotor bobiné où les convertisseurs statiques assurent l’alimentation du rotor, leur puissance étant de l’ordre de 0,25 Pn. m Le développement des convertisseurs pleine puissance
Dans une seconde étape, toujours en cours, on observe le développement d’aérogénérateurs équipés de convertisseurs pleine puissance Pn que l’entraînement de la génératrice soit direct ou multiplié. Ce développement a permis d’obvier à l’impossibilité du couplage direct au réseau de machines synchrones entraînées par un rotor d’aérogénérateur. Des alternateurs synchrones à aimants permanents sont ainsi apparus sur le marché : ils induisent en effet une amélioration significative du rendement global des aérogénérateurs qui en sont équipés du fait du bien meilleur rendement à charge partielle de ces machines par rapport à celui des machines à induction. De fait, les Constructeurs des équipements éoliens n’ont de cesse d’améliorer le rendement global de leurs fournitures pour en augmenter la rentabilité. On a indiqué par ailleurs qu’une amélioration significative de ce rendement global avait été le fonctionnement des rotors à vitesse variable.
9.2 Équipements individuels L’utilisation de l’électricité éolienne pour charger des batteries d’accumulateurs ou pour satisfaire des besoins individuels est réalisée par des machines de puissance nominale inférieure à 100 kW. Même si la puissance globale installée correspondante est limitée, cela représente des dizaines de milliers d’équipements d’un prix unitaire de l’ordre de quelques centaines ou milliers d’euros. Le chiffre d’affaires mondial en 2008 de ce type d’applications a été de 155 millions de dollars (d’après le rapport de l’AWEA en 2009), soit environ 110 millions d’euros. 188
9 • Les équipements de la génération électrique
9.2 Équipements individuels
« Sont considérés comme petits aérogénérateurs, les machines dont le rotor a une surface inférieure ou égale à 200 m2, soit un diamètre inférieur ou égal à 16 m », extrait de la norme IEC 61400.
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Pour le stockage, l’équipement est autonome et la production intermittente éolienne est lissée par un stockage dans une batterie d’accumulateurs (type B1, figure 9.3). Tous les aérogénérateurs utilisés pour cette application sont depuis de nombreuses années équipés de générateurs synchrones constitués par des alternateurs à aimants permanents dont la puissance nominale s’étage de quelques dizaines de W à quelques kW (figure 9.4). Pour les machines de puissance nominale ≤ 10 kW, l’entraînement de l’alternateur est direct, l’adaptation à la vitesse de rotation du rotor étant assurée par la multiplication du nombre de pôles. Les chargeurs de batterie d’accumulateurs associés sont des équipements standardisés.
Figure 9.4 – Éolienne Rutland 913 pour la recharge de batteries sur bateau (crédit photo: Marc Rapin)
Une autre possibilité d’utilisation de l’électricité éolienne à titre individuel correspond au schéma B3 de la figure 9.3 : le courant alternatif intermittent de sortie de l’onduleur est injecté dans l’installation privée, réduisant d’autant l’appel au réseau 189
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Ainsi, aux USA, le cumul des installations de ce type en 2008 est de 17 300 kW pour environ 10 000 équipements, soit une puissance moyenne individuelle de 1,73 kW pour un prix moyen, également, de 11 100 US $.
9 • Les équipements de la génération électrique
9.2 Équipements individuels
de distribution. Dans sa configuration la plus achevée, la mutation de l’électricité éolienne fournie par un alternateur à aimants permanents (fréquence et tension variables) aux formats de distribution (220 V/60 Hz ou 240 V/50 Hz) est assurée par un convertisseur électronique embarqué dans la nacelle de la machine (figure 9.5). Lorsqu’il est présent le courant alternatif réduit l’appel au réseau. Type B3/1 ⇒ Alternateur à aimants permanents
Onduleur couplage réseau
Réseau domestique
Équipement embarqué dans la nacelle
Figure 9.5 – Configuration avancée pour l'équipement individuel
9.2.1
Alternateurs à aimants permanents
Historiquement, les génératrices à courant continu qui équipaient les aérogénérateurs d’avant la seconde guerre mondiale, par exemple les machines Windcharger de 6’ de diamètre pour une puissance nominale de 800 W, ont rapidement été remplacées par des alternateurs à aimants permanents dès les années 1950. Ces alternateurs étaient alors essentiellement développés pour le marché beaucoup plus important de l’automobile et possédaient des aimants à ferrite. La fiabilité générale fut considérablement améliorée par la suppression du collecteur des génératrices à courant continu et par le contrôle de la charge de la batterie d’accumulateurs avec l’emploi de redresseurs à thyristors rendu possible par l’utilisation du courant alternatif. 9.2.2
Autorégulation
Les aimants permanents actuellement utilisés sont des aimants Néodyme/Fer/Bore (Nd/Fe/Bo). Une de leurs caractéristiques est une excitation coercitive de démagnétisation considérablement plus élevée que celle de tous les autres matériaux magnétiques. En conséquence, les alternateurs équipés de ce type d’aimants supportent, à vitesse de rotation nominale, un quasi court-circuit sur leurs enroulements statoriques. Ce court-circuit induit un couple de freinage très élevé, supérieur au couple maximal du rotor. Il est donc possible de ralentir considérablement, le rotor d’un aérogénérateur équipé d’un alternateur à aimants permanents Nd/Fe/Bo en le chargeant par des résistances de très faible valeur. Ce schéma de fonctionnement est mis en œuvre pour les aérogénérateurs individuels tels que ceux de Skystream. Pour ces machines, le couple de freinage induit 190
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
par le court-circuit de l’alternateur est égal à 5 fois le couple maximal fourni par le rotor. Il est à noter que ce mode de fonctionnement avait aussi été retenu pour des machines françaises de grande puissance connectées au réseau, les Jeumont J48 de 750 kW (figures 3.20 et A4.12) équipées d’un alternateur discoïde à aimants permanents.
A
9.3 Équipements couplés aux réseaux
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9.3.1
Les machines asynchrones à rotor en cage d’écureuil
Les machines électriques asynchrones sont les machines électriques les plus communes. Elles sont aussi dénommées « machines à induction » dans le monde anglo-saxon (induction generator). Dans le cas présent, nous utilisons la dénomination « machine électrique asynchrone » car c’est sa propriété remarquable de passer du mode de fonctionnement « moteur » au mode de fonctionnement « génératrice » sans solution de continuité qui en a fait le générateur électrique des petites centrales hydrauliques, puis des aérogénérateurs dès les premiers pas de ces techniques. Ces machines asynchrones à cage équipent par exemple les éoliennes de la gamme VERGNET (figure 3.10). 191
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Depuis le premier couplage d’un aérogénérateur à un réseau de distribution électrique au format industriel (courant alternatif triphasé) réalisé en Union Soviétique en 1930 à partir d’une machine de 100 kW de puissance nominale (voir § 1.3), l’utilisation de l’électricité éolienne pour le déversement dans les réseaux de distribution d’électricité n’a fait que croître. En 2008, des taux de pénétration en puissance (rapport à un instant donné de la puissance électrique éolienne injectée dans le réseau à la puissance totale appelée par ce réseau) de l’ordre de 40 % ont été enregistrés pour certains réseaux nationaux ainsi que des taux de pénétration en énergie (Rapport entre l’énergie électrique éolienne à l’énergie totale absorbée par le réseau pendant une période de référence, l’année par exemple) de l’ordre de 20 %. Ces niveaux de pénétration ont été obtenus sans pour autant déstabiliser les réseaux électriques. Ceci a été assuré par une constante adaptation des équipements de fourniture d’électricité éolienne aux critères de bon fonctionnement des réseaux électriques et à leurs codes. Dans un premier chapitre, nous examinerons les aérogénérateurs dits du type « danois ». Ce sont en effet ces machines, développées progressivement au Danemark à partir des années 1975 (§ 3.2), qui ont assuré l’essentiel du développement des centrales éoliennes jusqu’en 1995 environ, apparition des machines Enercon d’une part et des machines REpower d’autre part, ces deux constructeurs mettant en œuvre des schémas d’organisation différents.
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
m Description succincte
Le modèle le plus simple de machine électrique asynchrone comprend deux éléments : – un stator où sont bobinés des enroulements identiques dans des encoches réalisées à l’intérieur d’un bloc de tôles magnétiques feuilletées ; – un rotor coaxial au stator dit « en cage d’écureuil ». C’est-à-dire que des conducteurs massifs sont disposés selon des hélices légèrement inclinées par rapport à l’axe de rotation à l’intérieur d’un rotor de forme cylindrique également constitué d’un empilement de tôles magnétiques. À chaque bout du rotor, les extrémités de chacun des conducteurs sont reliées par une couronne conductrice, l’ensemble ainsi constitué ayant l’aspect d’une cage d’écureuil. m Fonctionnement simplifié
Les enroulements du stator sont reliés à un réseau alternatif triphasé de fréquence f. Selon le nombre de bobines du stator, ces enroulements vont créer un champ magnétique tournant par rapport à ce stator à la fréquence f pour trois bobines créant une paire de pôles, f /2 pour 6 bobines créant deux paires de pôles, etc. Ce champ magnétique tournant va induire des courants dans le rotor. Selon la loi de Lenz, ces courants vont créer un champ magnétique antagoniste au champ créé par le stator. Ce champ antagoniste va mettre le rotor en rotation. Si aucun couple n’est demandé au rotor, celui-ci va atteindre une vitesse de rotation très voisine de la vitesse de synchronisme définie par n = f /p où n est la vitesse de rotation en tr/s du rotor, f la fréquence en Hz du réseau électrique et p le nombre de paire de pôles. Plus habituellement, on note la vitesse de rotation des moteurs en tr/mn. Il vient alors que n = 60 f /p (exprimé en tr/mn). Pour les machines asynchrones de faible puissance (Pn ≤ 100 kW), p est en général égal à 2, donc leur vitesse de synchronisme est de 50/2 = 25 tr/s, soit 1 500 tr/mn. M Excitation et facteur de puissance
Dans un réseau fonctionnant en courant alternatif sinusoïdal, cas des réseaux de distribution, le facteur de puissance, cos F, caractérise le rapport entre la puissance active transportée et la puissance apparente. P : puissance active transportée dans le réseau, Q : puissance réactive due au déphasage du courant I par rapport à la tension U, S : puissance apparente transportée par le réseau. Φ : angle de déphasage entre la tension et le courant. Figure 9.6 – Diagramme vectoriel du facteur de puissance
192
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
Les pertes ohmiques dans le réseau sont proportionnelles au courant apparent : si le facteur de puissance est mauvais (cos F petit), le courant apparent et les pertes ohmiques seront plus grandes pour une même puissance active transportée. D’où l’obligation pour les industriels associés à des réseaux de distribution d’assurer que leurs soutirages, ou leurs fournitures, présentent un cos F suffisant. La création du champ magnétique statorique est assurée par le courant fourni par le réseau électrique. Ce courant est très largement déphasé en arrière par rapport à la tension du réseau. À couple nul, donc pour une vitesse de rotation voisine du synchronisme, le facteur de puissance typique des machines électriques asynchrones est de l’ordre de 0,15 à 0,2. Le graphe figure 9.7 représente la caractéristique de facteur de puissance d’un moteur standard de 630 kW de puissance nominale. cos Φ 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
P / Pn © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
1
A
Figure 9.7 – Évolution du facteur de puissance d’un moteur de puissance nominale 630 kW M Courant de démarrage
Le réseau électrique fournit la puissance nécessaire à l’excitation de la machine électrique asynchrone au moment du couplage. Le courant de démarrage typique d’une machine électrique asynchrone est de l’ordre de 6 à 8 fois son courant nominal (courant absorbé à la puissance nominale). Ceci entraîne que la puissance des machines électriques asynchrones démarrant directement sur le réseau triphasé basse tension (230/400 V) est limitée par la norme NFC 15 100 à 11 kW pour les réseaux aériens et 22 kW pour les réseaux souterrains. 193
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
M Fonctionnement symétrique
Si l’on connecte une machine électrique asynchrone à un réseau électrique, elle démarre en fonctionnement moteur. Comme déjà indiqué, en l’absence de couple résistant, elle va fonctionner à une vitesse de rotation voisine du synchronisme N = 60f/p tr/mn. Lorsqu’on demande à cette machine de fournir un couple moteur, cela va entraîner un décalage entre le champ magnétique statorique et le champ antagoniste du rotor. Ce décalage, proportionnel au couple demandé dans la partie utile de la caractéristique, entraîne un ralentissement du rotor par rapport à la vitesse de synchronisme. L’écart entre la vitesse de rotation du rotor lorsque la machine (moteur) est en charge par rapport à la vitesse de synchronisme est noté glissement et s’exprime en % par rapport à la vitesse de synchronisme : W
rotor g = 1 – --------------
W stator
La valeur typique du glissement pour les moteurs classiques est de 1 à 3 %. Si maintenant, on laisse le moteur électrique connecté au réseau et qu’on lui fournit du couple, ce moteur va accélérer et dépasser la vitesse de synchronisme. Il va alors fournir du courant au réseau électrique. La machine électrique asynchrone est alors utilisée en génératrice asynchrone. Le fonctionnement est symétrique de celui en moteur asynchrone, le courant délivré au réseau est proportionnel au glissement. Les trois domaines de fonctionnement de la machine asynchrone Couple résistant
Zone de fonctionnement en frein de la machine asynchrone
Couple au démarrage
Zone de fonctionnement en moteur de la machine asynchrone
Vitesse de synchronisme
Vitesse
Zone de fonctionnement en génératrice asynchrone
Figure 9.8 – Les trois domaines de fonctionnement de la machine asynchrone
194
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
M Tension à vide
Lorsqu’une machine électrique asynchrone est entraînée par un moteur extérieur sans être couplée à un réseau électrique, une certaine tension apparaît à ses bornes. C’est la tension due à la rémanence de l’aimantation dans le rotor. Cette tension résiduelle est de l’ordre de quelques volts, une quinzaine au maximum. Elle est toujours suffisamment faible pour qu’il n’y ait pas besoin d’établir le synchronisme lors du couplage au réseau.
A
M Rendement
Rendement, % 96,6 96,4 96,2 96 95,8 95,6 95,4 95,2 95 0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
P / Pn
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 9.9 – Évolution du rendement pour un moteur de puissance nominale 675 kW
9.3.2
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
Les rendements des génératrices asynchrones sont très semblables à ceux des moteurs asynchrones dont elles sont dérivées. La courbe figure 9.9 présente les valeurs typiques du rendement d’un moteur asynchrone à cage d’écureuil d’une puissance nominale de 675 kW.
Les Aérogénérateurs du type « danois » et les génératrices asynchrones
Les machines dites « danoises » comportent un rotor tripale, fonctionnant au vent du rotor, entraînant une génératrice asynchrone par l’intermédiaire d’un multiplicateur à trains d’engrenages hélicoïdaux parallèles. Le schéma d’organisation de ces machines correspond au type A1 de la figure 9.2. Les rotors des grandes éoliennes commerciales tournent à moins de 30 tr/min. L’objectif de cet entraînement multiplié est de convertir cette faible vitesse de rotation pour pouvoir utiliser les machines électriques les plus standardisées, donc les plus efficaces en terme de prix, fonctionnant à 1 500 tr/mn. Un exemple de configuration est représenté figure 9.10 pour une machine SIEMENS SWT-1.3-62. 195
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
Figure 9.10 – Vue éclatée de l’aménagement d’une nacelle de Siemens SWT-1.3-62 (avec l’aimable autorisation de Siemens GmbH)
L’ensemble est monté dans une nacelle portée au sommet d’un mât. La nacelle est orientée à l’aide d’une couronne, sous le contrôle de servomécanismes prévus pour maintenir un écart maximal de quelques degrés entre l’axe du rotor et la direction moyenne du vent mesurée par une girouette installée au-dessus de la nacelle. Les premières machines danoises avaient une puissance nominale unitaire de quelques dizaines de kW (voir §3.3 et figure 9.11), les plus récentes construites selon cette organisation atteignant une puissance nominale de 2 à 3 MW, comme la Siemens WT 2.3 de 82 m de diamètre. m Les contraintes électriques M Le couplage en courant alternatif
La contrainte essentielle à satisfaire en 1930 en Union Soviétique était de pouvoir coupler le générateur électrique de l’aérogénérateur à un réseau au format industriel, en l’occurrence, le 220/380 V 50 Hz. La solution alors retenue, qui a perduré pendant des décennies, a été d’utiliser les génératrices asynchrones comme générateur. 196
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 9.11 – Assemblage au sol du rotor de 39 mètres de diamètre d’une éolienne VESTAS V39 de 500 kW du parc éolien de Port la Nouvelle, mis en service en Septembre 1993 (crédit photo Olivier Sébart/ADEME)
Cette solution était d’ailleurs déjà largement utilisée pour une application voisine, celle des mini-centrales hydrauliques raccordées aux réseaux. L’utilisation de ce type de machine permet de pallier la difficulté essentielle du couplage des machines synchrones : amener la machine à se coupler en synchronisme avec le réseau, c’est-à-dire faire que la tension de la machine à coupler soit exactement en phase avec celle du réseau. C’est un processus qui, il n’y a pas si longtemps, était encore assuré manuellement par les opérateurs des centrales équipées de groupes électrogènes. Le réglage suffisamment précis de la vitesse d’un rotor éolien et le contrôle de sa phase pour pouvoir éventuellement coupler un générateur synchrone à un réseau sont encore techniquement très difficiles. La caractéristique très réduite de tension à vide des génératrices asynchrones (§ 9.3.1) autorise le couplage de ce type de machines sans autre précaution que la limitation du courant de magnétisation appelé à l’instant du couplage. C’est là un des points essentiels justifiant l’utilisation des génératrices asynchrones comme générateurs électriques des aérogénérateurs. On peut cependant mentionner la solution adoptée par les aérogénérateurs DeWind type D8.2 où un convertisseur hydraulique VOITH assure une vitesse de rotation constante en sortie (1 800 tr/mn) pour une plage de vitesses du rotor de 11,1 à 20,7 tr/mn. La précision de réglage du convertisseur permet d’entraîner et de coupler un alternateur synchrone standard de 2 MW, avec sortie en moyenne tension. 197
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
M Limitation du courant au couplage
Pendant des années, on a utilisé des dispositifs électromécaniques avec résistances et relais pour limiter cet appel de courant aux valeurs admissibles par les réseaux. Dès les années de renouveau de l’utilisation de l’électricité éolienne, après le premier choc pétrolier de 1973, le développement des semi-conducteurs appelés « thyristors » a permis de réaliser des organismes de couplage tels que celui représenté figure 9.12 où une commande progressive de la durée de conduction par les gâchettes des thyristors permettait l’établissement progressif du courant au moment du couplage et de le limiter, en tout état de cause, au courant nominal de la machine électrique. Ces dispositifs sont encore largement utilisés.
Figure 9.12 – Schéma d’un contacteur à thyristors pour limiter le courant de couplage M Amélioration du facteur de puissance
Un des éléments du code imposé par les Opérateurs de Réseau (RTE en France) aux centrales éoliennes est que leur facteur de puissance soit toujours supérieur à un seuil donné, typiquement 0,8. Quand les aérogénérateurs étaient équipés de génératrices asynchrones, ceci a été généralement assuré par l’installation, dans le poste de raccordement de la centrale éolienne, d’un réseau de batteries de condensateurs de compensation du facteur de puissance. Ces batteries sont des équipements industriels souvent utilisés dans l’industrie pour assurer la même fonction : amener le facteur de puissance de l’installation à l’intérieur des normes imposées par le Distributeur d’énergie électrique et ainsi éviter les pénalités pour mauvais facteur de puissance. Des circuits mesurent donc en permanence le facteur de puissance de l’installation contrôlée et commande la connexion de batteries de condensateurs plus ou moins importantes. m Les contraintes aérodynamiques M L’autorégulation
Les rotors de ces machines étant à calage fixe, le principe de régulation mis en œuvre était « l’autorégulation ». Le couple maximal de la génératrice asyn198
9.3 Équipements couplés aux réseaux
chrone (§9.3.1) était choisi supérieur au couple maximal du rotor supposé fonctionner à la vitesse de rotation imposée par le glissement maximal de la même génératrice. Le glissement de ces génératrices asynchrones étant de l’ordre de 1 à 3 %, le fonctionnement du rotor était pratiquement à vitesse de rotation constante. Ainsi donc, en fonctionnement normal, le glissement de la génératrice asynchrone augmentait avec la vitesse du vent, jusqu’à la vitesse nominale de vent. Au-delà, le couple fourni par le rotor décroissait et la courbe de glissement était parcourue en sens inverse. Ce type de fonctionnement qui se traduisait en termes d’aérodynamique par le passage de l’écoulement autour des pales du mode laminaire jusqu’au point de puissance nominale à l’écoulement tourbillonnaire (décrochement) était satisfaisant en fonctionnement normal.
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M Sécurité par freins de pale
Ces machines étaient en danger dès lors que la génératrice asynchrone n’était plus chargée par son débit vers le réseau pour une raison ou une autre. Le rotor n’étant plus chargé, il accélérait rapidement, même pour de faibles vitesses de vent. Les tentatives d’assurer l’immobilisation du rotor par des systèmes de freinage mécaniques ont toutes été vouées à l’échec. En effet, freiner un rotor d’aérogénérateur est une gageure : si le couple de freinage est trop élevé, les décélérations de freinage peuvent détruire la machine; si le couple de freinage est trop faible, le frein chauffe sans immobiliser la machine et perd rapidement ses caractéristiques. Le palliatif mis en œuvre a consisté à rendre une partie de l’extrémité des pales pivotante autour de l’axe de la pale. Les montages initiaux comprenaient un usinage hélicoïdal guidant l’axe de l’extrémité de pale. Un ressort taré maintenait l’extrémité de la pale en position normale. En cas de survitesse de rotation, l’augmentation de la force centrifuge sur l’élément extérieur de la pale entraînait sa sortie par dépassement de la force de maintien du ressort. Le guidage hélicoïdal donnait à cet élément un calage voisin de 90°. Le freinage aérodynamique subséquent (tip brake) était suffisant pour ralentir le rotor jusqu’à une vitesse suffisamment faible pour que le frein mécanique placé sur l’arbre de sortie du multiplicateur immobilise le rotor. M Amélioration du rendement aérodynamique
Le fait d’avoir un générateur électrique qui fonctionnait à vitesse de rotation quasi constante n’était pas satisfaisant au point de vue rendement aérodynamique : on s’éloignait totalement de la condition de rendement aérodynamique uniforme, nécessitant un fonctionnement avec une vitesse spécifique l (= WR/V, voir § 6.2) constante. Des expérimentations ont eu lieu, en utilisant tout d’abord l’accessibilité aux arbres intermédiaires des multiplicateurs à trains parallèles. On a organisé les rapports 199
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
9 • Les équipements de la génération électrique
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
d’engrenages de façon que l’arbre intermédiaire tourne environ à 1 000 tr/mn lorsque l’arbre de sortie tournait à 1 500 tr/mn. Cet arbre intermédiaire entraînait une génératrice asynchrone de puissance réduite par rapport à la génératrice principale, mais hexapolaire au lieu de tétrapolaire. Pour les vitesses de vent intermédiaires entre la vitesse de démarrage et par exemple 5 m/s, c’était la génératrice hexapolaire qui était couplée au réseau. On commutait sur la génératrice principale quand la vitesse de vent devenait ≥ 5,5 m/s. La caractéristique de rendement prenait alors l’allure de la courbe en pointillés de la figure 9.13.
Figure 9.13 – Rendement global d’aérogénérateurs à deux vitesses de rotation
Cette technique, dite à 2 vitesses de rotation, a été ensuite beaucoup plus largement utilisée en dotant la génératrice asynchrone de deux enroulements statoriques : un enroulement hexapolaire utilisé pour les faibles vitesses de vent et un enroulement tétrapolaire utilisé pour les vitesses de vent plus élevées. C’est en particulier le cas de la machine Siemens SWT-2.3-82. Elle permettait ainsi d’optimiser le rendement du rotor sur une plus large plage de vitesses de vent. 9.3.3
Les Aérogénérateurs Vestas et le procédé « Optislip® »
En 1994, VESTAS introduit sur le marché les aérogénérateurs V44 équipés du dispositif « Optislip® » (voir l’évolution de la gamme Vestas au tableau 4.1). La génératrice asynchrone est maintenant à rotor bobiné et un équipement électronique extérieur au rotor peut contrôler la résistance des bobines triphasées associées à des résistances. La commande des résistances est faite par fibre optique, sans bagues ni balais. L’augmentation de la résistance rotorique induit une augmentation du glissement de l’ordre de 10 %.
200
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
VESTAS utilise cette propriété pour autoriser des augmentations de la vitesse de rotation du rotor lors de rafales de vent. Le rotor stocke alors une partie de l’énergie de la rafale sous forme d’énergie cinétique qui est ensuite transférée au réseau. Ce système présente l’avantage de lisser les effets des rafales tant sur la chaîne cinématique de l’aérogénérateur que sur l’insertion du courant dans le réseau.
A
ORGANIGRAMME « OPTISLIP»
Résistance rotorique variable
Multiplicateur
Réseau
N rotor de 100 à 10 tr/mn
Type A2/1 ⇒ Génératrice asynchrone à rotor bobiné
N géné. 1 000 ou 1 500 tr/mn
®
Figure 9.14 – Organigramme du procédé Optislip de Vestas
9.3.4
Les Génératrices asynchrones à rotor bobiné
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Depuis longtemps, les Ingénieurs en charge du développement des aérogénérateurs recherchaient l’amélioration du rendement aérodynamique par le fonctionnement du rotor à vitesse variable pour satisfaire le mieux possible la condition l = WR/V = constante. La première évolution (§ 9.3.2) avait donné naissance aux machines à deux vitesses de rotation. L’étape suivante a été la mise en œuvre du principe du rotor bobiné. Il peut présenter plusieurs architectures de contrôle de la résistance. Le procédé Optislip® de VESTAS (§ 9.3.3), constitué de bobines triphasées associées à des résistances, en est un exemple où le glissement est limité à 10 %. Dans le cas des génératrices à double alimentation (figure 9.15) dites DFIG (pour Doubly Fed Induction Generator), les glissements obtenus sont typiquement de l’ordre de ± 30 % par rapport à la vitesse de synchronisme. Le contrôle s’effectue : – avec bagues et balais qui permettent de faire varier la valeur des résistances associées aux bobinages du rotor (cette architecture s’appelle Optispeed® chez VESTAS) ; – avec une tension variable qui alimente le rotor. 201
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
Figure 9.15 – Schéma de principe d’une DFIG
m Le prototype GROWIAN
La première application de cette organisation de la génération électrique a été mise en œuvre sur le prototype GROWIAN (GROsse WInd ANlage, « l’aérogénérateur géant »), machine expérimentale construite en Allemagne de 1980 à 1983, installée à MARNE, localité sur la côte de la Mer du Nord (figure 3.1). La machine électrique de 3 400 kW était une génératrice asynchrone à rotor bobiné. L’utilisation d’un convertisseur d’alimentation du rotor permettait de recaler le facteur de puissance de la machine de 0,88 à 0,95. m Les machines REpower
En 1998, BWU, Jacobs Energie et le Bureau d’Études pro + pro Énergiesysteme développent le prototype MD70. Cette machine de 1,5 MW est alors la plus puissante machine commercialisée (figure 9.16). C’est également la première série de machines commerciales équipées de génératrice asynchrone à rotor bobiné. Le rotor est alimenté à fréquence variable par un convertisseur statique qui, par sa présence, assure le fonctionnement de la génératrice à fréquence et tension égales à celles du réseau, tout en permettant au rotor de fonctionner de 10,6 à 19,0 tr/mn, en fonction de la vitesse du vent. Cette configuration correspond au type A2 de la figure 9.2. 202
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
Le convertisseur statique d’alimentation du rotor est un convertisseur équipé de transistors IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor). Ces transistors sont devenus les éléments majeurs des convertisseurs de puissance. Les dernières versions de ce semi-conducteur sont capables de commuter des courants de 1 700 A sous 3 200 V, soit une puissance de 3 960 kW, à des fréquences de quelques kHz. De plus, ces éléments fonctionnent facilement en parallèle.
A
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Figure 9.16 – Vue de la nacelle d’une MD 70 de 1,5 MW. Les pales sont en drapeau pendant l’opération de maintenance (crédit photo: REpower Systems AG)
Ce sont donc les pièces maîtresses des convertisseurs MLI (Modulation par Largeur d’Impulsion) où la tension continue d’entrée est découpée en bandes de tension variable dont l’enveloppe est une sinusoïde. Compte tenu de l’étroitesse des bandes de conduction, quelques dizaines de microsecondes, le filtrage du signal alternatif de sortie pour restituer une sinusoïde avec peu d’harmoniques (ordre de grandeur : 2 %) est peu volumineux et peu coûteux. Un module IGBT permet de réaliser des convertisseurs de 1,8 MW de puissance nominale. Au-delà, on installe des modules en parallèle. Compte tenu de l’effet d’amplification du montage, la puissance du convertisseur est d’environ 1/5 de la puissance de la génératrice. En 2002, BWU, Jacobs Énergie et le Bureau d’Études pro + pro Energiesysteme fusionnent pour créer REpower GmbH, actuellement filiale de SUZLON, dont la gamme culmine en 2009 avec 3 prototypes de 6 MW.
203
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
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9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
m La généralisation des génératrices asynchrones à rotor bobiné
En une dizaine d’années, cette organisation des équipements de la génération d’électrique s’est généralisée à la plupart des aérogénérateurs mis sur le marché. On peut estimer, car les statistiques ne sont pas suffisamment précises, que 80 % des aérogénérateurs mis sur le marché en 2008 étaient équipés de génératrices asynchrones à rotor bobiné (DFIG) alimenté par un convertisseur statique. La généralisation des génératrices asynchrones à rotor bobiné a correspondu à un certain état de la technologie disponible : la puissance des convertisseurs statiques étant une fraction de la puissance nominale de la machine, le prix spécifique (€/kW) relativement élevé de cet équipement ne grevait pas exagérément le prix final de la machine. Cette situation est cependant en cours de modification du fait de la réduction du coût des convertisseurs statiques, de l’alternative notable constituée par les aérogénérateurs ENERCON et de l’apparition de nouvelles configurations (tableau 9.1). Tableau 9.1 – Caractéristiques principales de la chaîne de conversion électrique de certaines machines représentatives Modèle Année Série
P (MW)
Ø rotor (m)
Nordex N80 (D) – 2002
2,5
Vestas V90 (DK) – 2002
3,0
Gamesa G90 (E) – 2005
2,0
Enercon E82 (D) – 2005
WinWind WWD3 (Fi) – 2006
204
Entraînement
Génératrice
Conversion
80
multiplicateur à 3 étages : 2 planétaires + 1 parallèle à roue dentée droite
DFIG
0,2 Pn
90
multiplicateur à 3 étages : 2 planétaires + 1 hélicoïdal parallèle
DFIG OptiSpeed
sans
87
multiplicateur 3 étages : planétaire + 2 parallèles hélicoïdaux
DFIG 1 500 tr/mn
0,2 Pn
2,0
82
direct
alternateur synchrone auto-excité
Pn
3,0
100
hybride : 1 multiplicateur planétaire
alternateur synchrone à aimants permanents
Pn
®
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Tableau 9.1 – Caractéristiques principales de la chaîne de conversion électrique de certaines machines représentatives (suite) Modèle Année Série
P (MW)
Ø rotor (m)
Entraînement
Génératrice
Conversion
ScanWind 3500 DL (No) – 2007
3,5
90,6
direct
alternateur synchrone à aimants permanents
Pn
Siemens SWT 3.6 (D/DK) – 2007
3,6
107
multiplicateur à 3 étages : 2 planétaires + 1 parallèle hélicoïdal
DFIG 1 500 tr/mn
0,2 Pn
Repower 5M (D) – 2007
5,0
126
multiplicateur à 3 étages : 2 planétaires + 1 parallèle
DFIG
0,2 Pn
Multibrid M5000 (D) – 2007
5,0
116
hybride : 1 multiplicateur planétaire à dents hélicoïdales
alternateur synchrone à aimants permanents 100 tr/mn
Pn
Acciona AW3000 (E) – 2008
3,0
100116
multiplicateur à 3 étages : 2 planétaires + 1 parallèle hélicoïdal
DFIG 1 000 tr/mn
0,2 Pn
GE 2.5xl (US) – 2008
2,5
100
multiplicateur à 3 étages
Alternateur synchrone à aimants permanents 1 500 tr/mn
Pn
Vestas V112 (DK) – 2009
3,0
112
multiplicateur
Alternateur synchrone à aimants permanents 1 500 tr/mn
Pn
9.3.5
A
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
Les Multiplicateurs
À l’origine des aérogénérateurs « danois », il y avait une proportion importante de Constructeurs de machines agricoles. Pour résoudre le problème de la multiplication, 205
9 • Les équipements de la génération électrique
9.3 Équipements couplés aux réseaux
ils se sont donc naturellement orientés vers les solutions les plus connues et les moins chères : les multiplicateurs à train d’engrenages parallèles. Avec l’augmentation de la taille des éoliennes, il est devenu très rapidement nécessaire de mettre en œuvre des multiplicateurs à 3 étages pour amener la vitesse de rotation des hélices, environ 60 tr/mn pour une vingtaine de mètres de diamètre, à celle des génératrices asynchrones, 1 500 tr/mn, soit un rapport de multiplication de 25. Les premiers appareils, les moins chers, étaient équipés d’engrenages à denture droite. Il est rapidement apparu que ces équipements étaient une source de bruit importante. D’où l’apparition de multiplicateurs à trains parallèles où les engrenages sont hélicoïdaux. L’évolution du diamètre a aussi entraîné, les vitesses périphériques de pale étant quasiment constantes, une très rapide augmentation du couple à transmettre. Pour pouvoir continuer à utiliser des engrenages à train parallèles, il aurait fallu mettre en œuvre des multiplicateurs de dimension considérable, la limitation étant la pression de Hertz, pression sur la ligne de contact des dents du premier train. La solution universelle à ce problème a été la mise en œuvre d’engrenages à trains épicycloïdaux car comme le présentent la vue et le schéma de la figure 9.17, on dispose de trois lignes de contact sur le premier étage, une par pignon satellite (en rouge). De plus, l’architecture des étages multiplicateurs à train épicycloïdal autorise que l’entrée (en vert) et la sortie (en bleue) soient coaxiales. Ces multiplicateurs, plus chers à construire, permettent de transmettre des couples très élevés sous des volumes beaucoup plus faibles que les multiplicateurs à trains parallèles. La quasi-totalité des multiplicateurs des machines d’une puissance supérieure à 2 MW comprend deux étages de réduction à trains épicycloïdaux et un étage à train parallèle. Dans l’objectif de réduire les bruits de fonctionnement, les engrenages épicycloïdaux sont à taille hélicoïdale.
b
a
Figure 9.17 – Vue et principe d’un multiplicateur planétaire
206
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
9.3 Équipements couplés aux réseaux
Il est tout à fait possible de développer et construire des multiplicateurs fiables : à titre d’exemple, BONUS qui a été depuis acheté par SIEMENS, a livré 1 100 machines avec multiplicateur en Californie entre 1983 et 1987. En 2008, une étude détaillée a permis d’identifier 1 060 de ces machines, d’un âge moyen de 23 ans, dont 96 % étaient encore en service. Cependant, le développement de l’éolien a montré de gros problèmes liés au multiplicateur. Les premiers développements ont montré des erreurs de conception et sous-estimaient globalement les charges qui s’appliquent sur ce système. Les taux de panne ou rupture rencontrés excédaient ceux des autres éléments de la machine. Encore récemment, il y eut des drames industriels, conséquences d’approche inexacte, comme par exemple celui qui mit fin à l’activité de NEG Micon (racheté par Vestas) à la fin des années 1990. Une meilleure compréhension des conditions de fonctionnement du multiplicateur et l’amélioration continue des matériaux utilisés et de sa fabrication ont contribué à éviter une grande partie des problèmes rencontrés. Leur fiabilité dépend très étroitement des coefficients de sécurité appliqués et la tenue dans le temps de cet organe, prévu pour 20 ans, doit toujours être surveillée très étroitement (avec les frais de maintenance afférents). Sa masse, donc son prix, est déterminée par le couple d’entrée qui augmente avec le diamètre du rotor. Le multiplicateur étant l’un des constituants les plus coûteux de l’aérogénérateur (voir tableau B1.2 de l’annexe B), il fut et reste l’un des éléments sensibles de la chaîne de conversion. Et tous les problèmes ne sont pas résolus… En particulier, l’attention se porte maintenant sur l’influence des paliers (figure 8.1) qui supportent les éléments du multiplicateur, la pertinence de leur choix et de leur conception et la flexibilité qu’ils induisent sur la transmission. Ils subissent en effet, dans une certaine mesure, l’excitation dynamique provenant du rotor par l’intermédiaire de l’arbre primaire. Les multiplicateurs planétaires sont par exemple largement utilisés pour les éoliennes, car ils permettent de transférer une grande puissance en la répartissant sur les satellites. Le système est équilibré si la charge est également répartie entre tous les satellites, ce qui est obtenu en autorisant une certaine « souplesse » de l’ensemble pour absorber variations et chocs. En contrepartie, ceci peut provoquer des problèmes de vibration des éléments tournants. Il convient donc de pouvoir modéliser correctement le comportement dynamique de la totalité de la transmission, c’est-à-dire de l’arbre, des éléments du multiplicateur et maintenant des paliers qui étaient la plupart du temps pris en compte de façon simplifiée. Ce type de modélisation ne peut être obtenu qu’en utilisant des codes dits multi-corps (SimPack, S4WT etc.) pouvant simuler la complexité du problème. Enfin, le multiplicateur introduit, typiquement, une perte de 1 % par étage de multiplication, soit de l’ordre de 3 % pour les multiplicateurs classiquement associés aux génératrices asynchrones à rotor bobiné (tableau 9.1). Il y a donc eu une recherche permanente de la suppression de cet élément dans la chaîne de la génération électrique. 207
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
9 • Les équipements de la génération électrique
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents La première, et longtemps la seule, réussite industrielle et commerciale avec une architecture sans multiplicateur a été le développement de la famille des aérogénérateurs ENERCON à entraînement direct. L’autre champ de développement a été, plus récemment, celui de la mise en œuvre de générateurs synchrones à aimants permanents. 9.4.1
Les aérogénérateurs à entraînement direct
Depuis longtemps, les Ingénieurs en charge du développement des aérogénérateurs étaient intéressés par la mise en œuvre de générateurs électriques multipolaires, pouvant être directement couplés au rotor de la machine, comme cela était le cas des alternateurs synchrones couplés aux turbines hydroélectriques. Cela a longtemps paru être une gageure car, jusqu’à des puissances transmissibles de l’ordre du MW, la somme de la masse des multiplicateurs, et de celle des génératrices électriques associées était significativement plus faible que la masse du seul générateur électrique multipolaire (de large diamètre), dito les prix respectifs. Cependant, en 1993, la société allemande ENERCON introduit sur le marché éolien la première machine commerciale à entraînement direct, l’E40 de 500 kW de puissance nominale, après un développement des prototypes durant deux années. m Les machines Enercon M La première machine commerciale, l’E40
Le générateur électrique était constitué par un alternateur synchrone auto-excité comportant 34 paires de pôles. La structure annulaire de cet alternateur entraîne un diamètre important de la nacelle, et par conséquent une silhouette très caractéristique des aérogénérateurs ENERCON dont la nacelle a une forme ovoïde très particulière. Le rotor de l’alternateur portait l’hélice tripale de 40,3 m de diamètre par l’intermédiaire d’un roulement unique à rouleaux coniques. L’hélice fonctionne, autre innovation à vitesse de rotation variable de 18 à 38 tr/mn, c’est-à-dire très près de satisfaire totalement la condition l = constante entre la vitesse de vent de début de production, 4 m/s, et la vitesse de vent de puissance nominale, 12,5 m/s. La puissance délivrée au réseau est régulée par le contrôle du calage des pales jusqu’à leur mise en drapeau pour l’arrêt. Le schéma organisationnel de la machine est le schéma B/2 de la figure 9.3. Dans la version originale de cette machine, le redresseur de la tension alternative fournie par la machine était équipé de thyristors, ainsi que l’onduleur de couplage au réseau. Par la suite, les thyristors ont été remplacés par des IGBT. 208
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
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Figure 9.18 – Prototype Enercon de moyenne puissance sur le site test du DEWI en 2008, Wilhelmshaven, Allemagne (crédit photo: Marc Rapin)
M Les développements ENERCON de l’E30 à l’E126
De 1993 au 1er avril 2009, ENERCON a livré quelques 14 500 aérogénérateurs totalisant une puissance de 17 GW, soit approximativement 14 % des 121,5 MW d’aérogénérateurs alors installés dans le monde. 209
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9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
Les machines actuellement commercialisées (par exemple l’E70, figure 4.7) sont toutes construites selon un schéma inchangé depuis 1993 : le rotor entraîne directement un alternateur synchrone autoexcité. Les diamètres d’hélice des machines catalogues s’étagent de 33 à 82 m, pour des puissances nominales de 330 à 2 050 kW. ENERCON a également construit des préséries de la machine E112/E126 dont la puissance nominale est passée de 4,5 à 6 MW, en même temps que le diamètre de 112 à 126 m. Le diamètre de la nacelle de ces machines est de l’ordre de 12 m. Un projet comprenant 11 E126 est en cours de réalisation en Belgique à ESTIENNES où l’une des premières machines a déjà été installée en juillet 2009. Ce projet est en partie financé par la Commission Européenne. m Les autres développements
La technologie de l’entraînement direct a bien entendu été étudiée par d’autres constructeurs. M LAGERWEY
Ce constructeur hollandais a mis sur le marché, en 1996, la machine LW50/750 de 50 m de diamètre entraînant directement un alternateur synchrone autoexcité de 750 kW de puissance nominale. Les redresseur et convertisseur de raccordement au réseau utilisaient des éléments IGBT. 250 de ces machines ont été vendues dans le monde entier. La commercialisation de cette machine a été reprise par la société Emergya. L’expérience LAGERWEY s’est achevée après que cette société ait voulu commercialiser la machine L82 de 2 MW de puissance nominale, construite selon les mêmes principes si ce n’est que le générateur devait être un alternateur à aimants permanents. LAGERWEY n’a pas pu terminer ce développement qui a été repris par une société dénommée ZEPHYROS qui, à son tour, a été intégrée dans une filiale européenne de la société japonaise HARAKOSAN qui commercialise la machine ZEPHIR Z72 dérivée des études LAGERWEY. Les machines HARAKOSAN sont maintenant construites sous licence en Chine par Hara XEMC a joint venture entre HARAKOSAN et XEMC. M VENSYS
Une section de l’Université de Sarrebruck a développé, pendant les années 1990, un aérogénérateur à entraînement direct caractérisé par un générateur à aimants permanents et un convertisseur (IGBT) refroidis à l’air, alors que la plupart des autres projets utilisent de l’eau comme réfrigérant. Le schéma organisationnel est le schéma type B/3 de la figure 9.3. La société d’études VENSYS qui a été créée pour valoriser ces études a vendu des licences notamment à : – la société chinoise GOLDWIND qui commercialise cette machine en Chine ; 210
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
– la société espagnole EOZEN (figure 9.19) qui construit ces machines en Andalousie; – la société indienne REGEN POWERTECH ; – la compagnie argentine IMPSA du groupe Pescarmona.
A
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Figure 9.19 – Assemblage du rotor pour une éolienne de la technologie Eozen-Vensys (avec l’aimable autorisation d’Eozen S.L.)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
m Les entraînements « semi-directs »
Pour éviter les inconvénients de l’attaque directe, sans pour autant retomber sur les problèmes et la complexité d’un multiplicateur à plusieurs étages, des concepts « hybrides » ont vu le jour. Le compromis a conduit à ne conserver qu’un seul étage, ce qui a permis de réduire la masse de l’ensemble tout en conservant une certaine compacité. Ce faisant, le rendement mécanique des machines a été amélioré de l’ordre d’1 % par étage supprimé. M Réalisation CLIPPER
L’application la plus nombreuse de cette technique est le fait de l’américain CLIPPER qui commercialise la machine Liberty de 2,5 MW. Cette famille de machines (4 diamètres d’hélices) est caractérisée par un multiplicateur à 2 étages dont le second dispose de 4 sorties (figure 9.20), chacune entraînant un alternateur synchrone à aimants permanents de 660 kW à la vitesse nominale de 1133 tr/mn. 211
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
a
b Figure 9.20 – Vue de l’éolienne Clipper Liberty 2,5 MW et de l’arrangement interne des 4 alternateurs synchrones (avec l’aimable autorisation du DOE/NREL, crédit photo : Lee Fingersh)
212
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
Le constructeur assure que la fiabilité générale de son produit est améliorée du fait du fonctionnement possible avec un ensemble générateur (alternateur et convertisseur associé) hors service. La mise au point du multiplicateur a cependant été douloureuse au point de vue financier. M Éoliennes Multibrid & WinWinD
Ces deux constructeurs utilisent les conceptions Bureau d’Études allemand Aerodyn.
Multibrid®
développées par le
La machine Multibrid M5000 a été conçue exclusivement pour l’application offshore. Le rotor de 116 m de diamètre entraîne un alternateur à aimants permanents de 5 MW (fourni par la société Converteam) à des vitesses de rotation comprises entre 58,6 et 146,9 tr/mn au travers d’un multiplicateur à engrenage planétaire à dents hélicoïdales d’un seul étage et de rapport 9,92. Les machines Multibrid viennent de faire l’objet de commandes importantes (31 mars 2009) pour l’équipement de centrales éoliennes offshore en zone allemande de la Mer du Nord (80 machines au titre d’un contrat de 700 millions d’€).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
La société finlandaise WinWinD a déjà installé quelques unités d’une machine de 1 MW de puissance nominale (figures 9.21 et 9.22), avec des rotors de 56, 60 ou 64 m de diamètre, entraînée au travers d’un multiplicateur planétaire à un seul étage. La même société propose sur le marché une machine de 3 MW de puissance nominale construite selon les mêmes principes.
Figure 9.21 – Éolienne WinWind WWD1 de 1 MW sur le site de Saulzet, Cantal (crédit photo: Marc Rapin)
213
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
9 • Les équipements de la génération électrique
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
Figure 9.22 – Éclaté de la nacelle d’une éolienne WinWind WWD1 de 1 MW (avec l’aimable autorisation de WinWind)
9.4.2
Les alternateurs à aimants permanents
Ces dernières années, les aimants Néodyme/Fer/Bore ont vu leur prix baisser de façon drastique. Cette nouvelle donne a encouragé le foisonnement des développements observés pour la mise en œuvre des alternateurs à aimants permanents dans le domaine éolien. m Amélioration du rendement
Le graphe de la figure 9.23 représente les courbes des rendements typiques d’une part des machines électriques classiques : alternateurs synchrones autoexcités et génératrices asynchrones à rotor bobiné, d’autre part des alternateurs synchrones à aimants permanents (nota : le rendement des multiplicateurs n’est peut-être pas pris en compte). Si l’on prend en compte le fait que les aérogénérateurs fonctionnent une grande partie du temps à charge réduite, il vient que l’AEP (Annual Energy Production) des machines équipées de générateurs à aimants permanents est de l’ordre de 3 à 4 % plus élevée que celle des machines habituelles, toutes choses étant égales par ailleurs. C’est là un facteur d’amélioration de la rentabilité non négligeable sur la durée de vie attendue des machines, soit 20 ans. 214
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
A
Figure 9.23 – Rendements comparés des alternateurs à aimants permanents et des génératrices asynchrones m Amélioration de la fiabilité
La mise en œuvre de l’excitation des machines électriques par aimants permanents a une seconde conséquence indiscutable : la suppression des systèmes de collecteurs (bagues et balais) qui sont nécessaires pour alimenter les rotors des alternateurs synchrones autoexcités ou des génératrices à rotor bobiné. Même si la maintenance de ces éléments peut être très largement programmée, elle est quand même nécessaire. Les développeurs de centrales éoliennes offshore sont très intéressés par la suppression de ce poste d’entretien. D’une façon générale, l’excitation par aimants permanents conduit à une grande simplification du schéma électrique de la machine, ce qui ne peut aller que dans le sens de l’amélioration de la fiabilité générale.
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m Aspect économique M Installation d’un convertisseur statique pleine puissance
La mise en œuvre d’alternateurs synchrones à aimants permanents a une troisième conséquence indiscutable : il est absolument nécessaire d’interposer un convertisseur statique pleine puissance pour assurer la conversion de fréquence pour les alternateurs fonctionnant à des fréquences variables, que la plage de variation soit centrée sur la fréquence du réseau ou sur une valeur significativement différente. Les codes de couplage maintenant appliqués aux aérogénérateurs par les gestionnaires de réseau du monde entier imposent pratiquement l’interposition d’un convertisseur statique pleine puissance entre le générateur électrique et le réseau. L’installation d’un convertisseur statique pleine puissance ne modifie donc pas l’aspect économique du projet. 215
L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
C
9 • Les équipements de la génération électrique
9.4 Les solutions alternatives : entraînement direct et alternateurs à aimants permanents
M Comparaison avec la « solution classique »
On entend par « solution classique » dans ce document l’architecture suivante de la génération électrique : multiplicateur entraînant une génératrice asynchrone à rotor bobiné avec rotor alimenté par un convertisseur statique extérieur. Sa comparaison économique avec l’utilisation d’alternateurs à aimants permanents n’est valable qu’à un instant donné. Tous les paramètres varient de façon quasi indépendante : la dimension des aérogénérateurs (donc le couple nominal fourni par le rotor), les conditions d’utilisation (soit onshore ou offshore qui modifient l’importance de la disponibilité), les codes de raccordement aux réseaux qui évoluent, les prix relatifs des divers composants (aimants permanents, IGBT, etc.). C’est dire qu’une combinaison qui paraissait plus avantageuse à un moment donné peut ne plus l’être quelques mois ou une année plus tard.
Figure 9.24 – Éolienne GE 2.5xl de 2,5 MW sur le site test du DEWI, Wilhelmshaven, Allemagne (crédit photo : Marc Rapin)
216
9.5 Le couplage au réseau
Cependant, on peut observer qu’il y a une forte tendance à l’emploi plus général des alternateurs à aimants permanents : coup sur coup, deux des principaux constructeurs mondiaux, GE Energy avec sa machine 2,5 MW (figure 9.24) et VESTAS avec sa machine V112 ont mis sur le marché deux aérogénérateurs à entraînement multiplié équipés d’alternateurs à aimants permanents et de convertisseurs statiques pleine puissance (tableau 9.1). GE Energy a par ailleurs fait l’acquisition en octobre 2009 du norvégien ScanWind qui a mis au point de 2001 à 2008 une technologie similaire mais cette fois à entraînement direct. De son côté, un autre constructeur majeur, SIEMENS, teste depuis 2008 deux machines de 3,6 MW dédiées à l’offshore et équipées d’alternateurs à entraînement direct construits par CONVERTEAM. L’objectif est de comparer leur fonctionnement à celui de leur machine classique SWT 3.6. Bien entendu, ces prototypes sont équipés de convertisseurs statiques pleine puissance. On peut donc estimer que l’utilisation des alternateurs à aimants permanents n’en est qu’à ses débuts.
9.5 Le couplage au réseau Comme il a déjà été signalé, le couplage au réseau des centrales éoliennes est, eu égard aux puissances délivrées, soumis depuis plusieurs années à une partie de plus en plus importante des codes de couplage imposés par les Gestionnaires de réseau à leurs autres fournisseurs.
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9.5.1
Aérogénérateurs du type « danois »
La sécurité de fonctionnement de ces aérogénérateurs, dont les hélices étaient à calage fixe, exigeait leur immobilisation immédiate dans deux situations au moins : – en cas de chute importante ou de disparition de la tension du réseau : en effet, sans le couple absorbé par la génératrice asynchrone, l’aérogénérateur s’emballait. La sécurité en cas d’emballement était assurée par les freins d’extrémité de pales ; – lorsque la vitesse de vent dépassait la vitesse de vent d’arrêt des aérogénérateurs (autour de 25 m/s) qui devaient être découplés du réseau. Cette obligation de découplage est survenue en particulier au Danemark le 8 janvier 2005 quand, du fait du passage d’une dépression beaucoup plus creuse que prévu, la puissance éolienne déversée dans le réseau, alors ELTRA, a chuté de 2 000 MW à 100 MW en 6 heures, au fur et à mesure du déplacement de cette dépression et de la mise à l’arrêt des aérogénérateurs. Le réseau électrique danois est alors passé très près du black-out. Les gestionnaires de réseau n’ont eu, depuis, de cesse d’éloigner la probabilité d’une telle crise. 9.5.2
E.ON Netz & ENERCON
E.ON Netz était jusqu’en 2008 le gestionnaire de réseau allemand dont la couverture (140 000 km2) s’étend de la frontière danoise à la frontière autrichienne. Certaines régions de l’Allemagne ont vu les développements les plus anciens et les 217
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
9 • Les équipements de la génération électrique
9 • Les équipements de la génération électrique
9.5 Le couplage au réseau
plus intenses de l’énergie éolienne de ce pays. Par exemple, au 30 juin 2009, les régions de la Basse-Saxe et du Schleswig-Holstein totalisaient à elles-seules environ 9 000 MW sur un total de plus de 24 500 MW (source DEWI Magazine n° 35, août 2009). La gestion des réseaux de transport de ces länder a depuis été transférée à une filiale dénommée Transpower. C’est donc ce gestionnaire de Réseau allemand, E.ON Netz puis sa filiale Transpower qui ont dû qui ont dû faire face aux problèmes posés par l’absorption d’un pourcentage quelquefois très important d’électricité éolienne. Cependant, depuis 1982, ENERCON (dont les premières usines et le siège se situent d’ailleurs dans le land de Basse-Saxe à Aurich) a fourni 36,1 % de la puissance éolienne installée en Allemagne, la part de ce constructeur étant de plus de 50 % des aérogénérateurs installés dans ce pays depuis 2006. Il est clair que la gestion de la génération électrique des machines ENERCON, équipées de convertisseurs statiques pleine puissance dès 1993, a été plus favorable à la solution des problèmes que la gestion des machines avec entraînement multiplié et vitesse de rotation quasi fixe. Peu à peu, ENERCON a développé et mis sur le marché des procédés de gestion de ses équipements qui ont fini par s’imposer comme le standard des codes de couplage des centrales éoliennes aux réseaux. Il faut toutefois garder à l’esprit que chaque Gestionnaire de réseau a ses propres exigences imposées par la configuration de son réseau, la répartition et le type des moyens de production ainsi que la répartition et le type des consommateurs. 9.5.3
Les possibilités de contrôle ENERCON
m Réduction de puissance pendant les survitesses de vent
Figure 9.25 – Schématisation des fonctionnements de sécurité
Le graphe de la figure 9.25 schématise : – pour le diagramme 1, le fonctionnement de sécurité en cas de vent maximal d’un aérogénérateur ordinaire. Quand la vitesse du vent mesurée par le (ou les) anémomètres atteint la valeur Vmax (classiquement 25 m/s) définie en fonction de la durée de la perturbation, rafale ou vitesse moyenne, l’aérogénérateur est immobilisé par la mise en drapeau d’au moins une des trois pales sur les machines actuelles. Le fonctionnement normal est restauré quand la vitesse du vent devient inférieure à Vd (vitesse de redémarrage). Ce mode de 218
9.5 Le couplage au réseau
fonctionnement crée une hystérésis entre la puissance nominale de la machine et la puissance nulle. Ces transitions rapides de puissance sont dommageables pour la stabilité du réseau ; – pour le diagramme 2, le fonctionnement de sécurité en cas de vent maximal d’un aérogénérateur type ENERCON qui est différent. Quand la vitesse du vent mesurée par le (ou les) anémomètres de la machine atteint, par valeurs croissantes, Vmax, le système de contrôle de la machine commande une augmentation du calage des pales de façon à réduire la vitesse de rotation du rotor, donc la puissance électrique débitée vers le réseau. Les commutations de puissance, si le vent continue à forcer, ont lieu autour de puissances débitées voisines de zéro. Le système fonctionne de façon réversible en cas de diminution du vent et recale les pales et ce, sans nécessiter l’arrêt de la machine, d’où un gain d’exploitation. m Faire face aux incidents du réseau
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les gestionnaires de réseau ont peu à peu abandonné la tactique d’exiger le découplage immédiat de tous les aérogénérateurs couplés à leurs équipements en cas d’incident sur ces équipements. Le protocole le premier demandé, et le plus généralisé, est défini par son acronyme anglo-saxon : LVRT, pour Low Voltage Ride-Through (ou encore UVRT, pour Under Voltage Ride-Through chez ENERCON ou VESTAS). Il s’agit, en première analyse, de la capacité d’un aérogénérateur à rester en service sans débiter de puissance lors d’une baisse importante de la tension du réseau, voir lors de la disparition de cette tension pendant une durée pouvant atteindre quelques secondes chez ENERCON. Lors du rétablissement du réseau, le gradient de la puissance débitée par l’aérogénérateur peut être contrôlé. Le schéma de la figure 9.26 illustre ce mode de fonctionnement. De la même façon, les aérogénérateurs ENERCON peuvent rester couplés au réseau sans perte de performances en cas de variations importantes de la tension ou de la fréquence du réseau.
Figure 9.26 – Principe de la protection LVRT (mode sans injection)
219
A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
9 • Les équipements de la génération électrique
9 • Les équipements de la génération électrique
9.5 Le couplage au réseau
m Faciliter la gestion du réseau
ENERCON a développé toute une série de protocoles optionnels ayant pour objet de faciliter la gestion du réseau. Parmi ceux-ci, on peut citer la télécommande, depuis un centre de contrôle du Gestionnaire, du niveau de la puissance éolienne injectée dans le réseau. Les centrales éoliennes peuvent être utilisées pour maintenir la stabilité de tension du réseau en fournissant ou absorbant de la puissance réactive sans limite de temps. Le courant réactif maximal débité peut atteindre peut atteindre la valeur du courant nominal de la machine. En définitive, en s’appuyant sur la souplesse apportée par le convertisseur statique pleine puissance, ENERCON s’efforce de rapprocher le comportement des centrales éoliennes de celui des moyens de production habituels. Il est clair qu’avec cette approche, le constructeur allemand s’est donné des arguments marketing très puissants. Ses concurrents n’auront pas d’autre issue que de créer d’abord, puis proposer ensuite les mêmes services.
220
10 • ET POUR ALLER PLUS LOIN ?
A À travers l’historique des développements de l’éolien, relatés et expliqués tout au long de cet ouvrage, on comprend que l’on est passé d’une logique :
– tout d’abord aérodynamique pour le rotor à une logique de contrôle pour s’adapter à la variabilité du vent et améliorer le fonctionnement et le rendement global de la machine ; – tout d’abord de simplicité de la chaîne électromécanique de transmission à des solutions plus complexes pour s’adapter aux contraintes de fonctionnement et de couplage au réseau. Pour permettre une évolution des solutions actuelles, il faut tout d’abord appréhender l’ensemble des sous-systèmes composant l’aérogénérateur. Il est indéniable que le développement et l’utilisation des logiciels et outils de conception, modélisation et simulation évolués, adaptés aux conditions de fonctionnement éolien, ont permis de faire avancer la technologie des éoliennes.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Mais, entre l’entrée (les conditions externes) et la sortie (le réseau), il faut enfin et surtout pouvoir les intégrer dans une approche « système » (figure 10.1). En supposant que les outils à disposition soient suffisamment robustes et que leurs hypothèses de départ le permettent, (ce qui est loin d’être trivial!), on peut passer à un niveau supérieur : l’optimisation, pour tester des changements radicaux de conception ou explorer de nouvelles pistes. Les paramètres de conception sont alors les variables d’entrée (vitesses de rotation, de calage des pales, d’orientation de la machine etc.) et les exigences de fonctionnement s’expriment sous forme de contraintes du processus d’optimisation (vibrations, fatigue etc.). Deux stratégies globales d’optimisation sont alors possibles : – chaque discipline fait l’objet de calculs d’optimisation propres. Il reste à la charge du concepteur de traiter les interactions et échanges entre ces disciplines pour orienter ses calculs; – toutes les disciplines sont au même niveau et prises en compte dans un système d’optimisation global. 221
C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
– tout d’abord de mesure des caractéristiques du vent à une simulation avancée du potentiel éolien et de sa prédiction à très court terme pour le Gestionnaire du réseau ;
Figure 10.1 – Diagramme bloc simplifié de l’ensemble de l’éolienne
10 • Et pour aller plus loin ?
222 9.5 Le couplage au réseau
9.5 Le couplage au réseau
On comprend que, dans tous les cas, il est nécessaire de correctement définir les variables à utiliser et leur nombre, sous peine de ne pouvoir accomplir correctement ou dans des délais raisonnables l’optimisation. Le but n’est pas ici de décrire les outils ou méthodes possibles mais de pointer le fait que, déjà pour le rotor (§ 8.3.2), la maîtrise du processus d’optimisation n’est pas aisée d’autant qu’il faut au préalable avoir des codes ou méthodes de calcul adaptés à chaque discipline liée au rotor et utiliser un couplage entre ces outils. La difficulté est encore bien plus grande lorsque l’on considère la machine dans son intégralité… Les solutions logicielles intégrées permettant une optimisation complète sont plus rares. On peut néanmoins citer parmi d’autres : – la solution logicielle RotorOpt pour le rotor lancée en 2006 par LM Glasfiber, entreprise danoise indépendante, leader mondial de fabrication de pales ; – la solution commerciale plus globale S4WT (Samcef for Wind Turbine) de Samtech permettant d’accéder à l’outil d’optimisation Boss Quattro. L’enjeu du développement de ces outils d’optimisation est d’importance car ceuxci permettent d’améliorer continuellement les composants, le fonctionnement, la fiabilité et le coût des éoliennes. Mais, comme indiqué, l’enjeu va bien au-delà. Car, si le développement des machines actuelles s’est longtemps focalisé sur le concept danois, tripale upwind principalement destiné aux implantations onshore, de nouveaux marchés, avec des contraintes extérieures différentes, ont initié de nouveaux développements et peuvent amener à des ruptures profondes d’architecture. On peut citer les trois exemples suivants : – le marché Farwind qui couvre des zones géographiques à problématique complexe (zones cycloniques, difficiles d’accès ou insulaires) et qui a conduit l’entreprise française VERGNET à développer une gamme de machine bipale facilement démontable. Le dernier modèle, la GEV HP 1 MW, présente un concept innovant d’abaissement au sol de la nacelle et des pales, baptisé BIRDLIKE™, pour permettre de sauvegarder la machine en cas de vents cycloniques. Ce procédé n’est possible qu’avec une machine bipale puisque les pales sont alors bloquées à l’horizontale. Il permet en outre de réduire les frais de maintenance, le concept permettant de se passer de grue de levage ; – le marché offshore qui ne présente pas les mêmes contraintes qu’en terrestre. L’impact visuel peut être de moindre importance, d’où le développement de machines spécifiques de la classe 10 MW. Dans une certaine mesure, l’acoustique ne fait plus partie des limitations à prendre en compte : les rotors peuvent donc avoir des vitesses de rotation plus importantes et atteindre des vitesses spécifiques l plus élevées. Il serait donc possible de revenir à l’utilisation de la formule bipale, telle qu’imaginée au début des années 1980 pour des éoliennes de moyennes et grandes puissances. Cette configuration permettrait de plus d’économiser en offshore les coûts associés à une pale (fabrication, transport et maintenance) tout en facilitant l’implantation de l’éolienne elle-même par l’emport directement sur site de l’ensemble monté (nacelle + pales) ; – l’implantation de machine offshore en fonds profonds qui fait émerger de nouvelles architectures (§ 4.3.2). De nouvelles capacités de modélisations et de calculs doivent être mises en œuvre pour prendre en compte les effets des
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A C L´ÉOLIENNE – LES DIFFÉRENTS SOUS-SYSTÈMES
10 • Et pour aller plus loin ?
10 • Et pour aller plus loin ?
9.5 Le couplage au réseau
courants marins et de la houle sur l’ensemble de la machine en mer. Par ailleurs, mi-2009, le norvégien SWAY s’est associé avec le français AREVA pour réaliser une structure flottante avec une Multibrid 5 MW. Particularité de ce concept, le rotor fonctionnerait en position downwind, ce qui nécessite une évolution de la machine actuelle. En effet, pour amortir les effets dynamiques exercés sur les pales, le moyeu devrait être monté en balancier (comme sur les premiers prototypes bipales ou les VERGNET actuelles). Souvent évoquée mais jamais utilisée sur les grandes éoliennes commerciales, cette configuration downwind permet de plus d’utiliser des pales plus souples que celles qui sont conçues actuellement, car celles-ci peuvent fléchir vers l’arrière sans risque de collision avec le mât. Une partie des efforts, qui s’appliquent sur la pale et qui sont normalement ramenés en pied, serait ainsi transformée en déformations, ce qui permettrait d’alléger la structure. La base de départ pour la conception est donc complètement différente. Avec les outils actuels et la compréhension beaucoup plus fine du fonctionnement éolien, on pourrait maintenant surmonter les problèmes de vibrations et de fiabilité rencontrés sur les prototypes des années 1980. Cependant, cette formule alléchante pose de nouveaux défis. En effet, augmenter la souplesse sur des pales de grande dimension implique l’apparition du mode de torsion dont les effets sur le comportement vibratoire et l’aérodynamique peuvent être potentiellement importants. Comme décrit au § 8.2.2, cette torsion peut se coupler avec d’autres modes. Les mouvements de torsion se traduisent par ailleurs au niveau des sections de la pale par des changements d’incidence et donc des modifications de leur comportement, en particulier en décrochage. Or, ce phénomène est sensible et n’est pas simple à maîtriser (cf. § 8) : les codes de calcul doivent en particulier être capables de le modéliser et, dans ce cas, en dynamique. Rien ne peut donc encore présager des futures orientations qui seront choisies par les acteurs du monde éolien, surtout lorsque l’on constate l’évolution et les changements très importants qui se sont produits en moins de 10 ans en ce début du XXIe siècle (voir Chapitre 4). Mais les réflexions sont en cours pour les machines de la classe 10 MW qui devront bénéficier de nouvelles améliorations et surtout de ruptures technologiques. Les moyens, compétences et outils de conception et d’essais qui ont permis à cette filière d’arriver à maturité devront une nouvelle fois évoluer eux aussi pour soutenir le développement des éoliennes à l’avenir.
224
Annexes
A • CHRONOLOGIE DES RÉALISATIONS ÉOLIENNES FRANÇAISES
A A.1 Les éoliennes lentes multipales 1737 : Description, dans le 2e tome de Architecture hydraulique par Belidor du moulin à vent de M. Parent composé d’un gouvernail et d’un rotor à 4 pales entoilées de formes elliptiques (figure 1.1). 1836 : Description par Amédée Durand, polytechnicien, d’un concept de « préolienne » à rotor aval de 6 pales ou voiles, avec système de réglage automatique du calage des pales (figure 1.2), qui sera suivi de plusieurs réalisations dont une dans une commune de la Seine pour alimenter en eau potable les fontaines publiques, une sur le toit de l’hôtel de ville de Verberoy (Oise) et une autre au sommet d’une tour de 12 mètres près de Montbron en Gironde. Années 1850 : Éolienne de M. Mahoudeau de Saint-Epain, évolution du concept d’A. Durand, produite à plusieurs centaines d’exemplaire (figure A1.1). 1858 : Réalisation d’une éolienne à 2 rotors par Henri Lepaute de Paris
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1867 : Début de la mise au point par Prosper Dellon, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées, d’une évolution de l’éolienne aval d’A. Durand pour l’assèchement des marais de Vic-La Gardiole. Réalisations avec l’aide de l’industriel Formis de Montpellier. Par la suite, développements d’autres constructeurs de « préoliennes » similaires dans l’Hérault, le Gard et l’Aude. 1876 : Arrivée des premières machines américaines en Europe : importation et/ou fabrication sous licences en France de ces modèles tels que : – Moulins Aermotor (figure 1.3) et Ideal-Eclipse fabriqués par la Société Lyonnaise de Construction de Machines Agricoles. – Moulins des établissements Bompard et Cie de Nimes fondés en 1873. – Moulins des établissements Caruelle de Paris (figure A1.2). – Moulins Eclipse fabriqués par les établissements Henry-Vidal-Beaume de Boulogne (figure 1.4) ou Plissonnier de Lyon dès 1880. – Moulins Halladay fabriqués par les établissements Schabaver de Castres. 227
D
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.1 Les éoliennes lentes multipales
– Moulins Hercule et Zéphyr fabriqués par les établissements Chène de SaintQuentin.
Figure A1.1 – Dessin du modèle Mahoudeau à 6 voiles placées en aval (collection M. Rapin)
228
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.1 Les éoliennes lentes multipales
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
D
Figure A1.2 – Modèle Caruelle-Chêne à Mehun (Cher) en 1936 (E. Maquaire, Bourges, collection M. Rapin)
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A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.1 Les éoliennes lentes multipales
Figure A1.3 – Modèle Poussou type Eclipse à Arzens (Éditions Palau Frères, Carcassonne, collection M. Rapin)
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A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.1 Les éoliennes lentes multipales
– Moulins Samson fabriqués par la maison Pilter de Paris (figure 1.5 et A1.4). – Moulins Star fabriqués par la maison R. Wallut et Cie de Paris. – Moulins Euréka fabriqués par Henri Araou de Narbonne à partir de 1886, puis concept propre « Araou Frères » à partir de 1905 (figures 1.6 et A1.5) qui rencontra un réel succès dans le sud de la France mais aussi jusqu’au Sénégal et les Baléares. – Éoliennes originales Bollée à partir de 1870 (figure 1.9) reprises ensuite par Lebert (figure 1.10).
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
D
Figure A1.4 – Modèle Pilter type Samson à Butry (Frémont Édit., Beaumont-sur-Oise, collection M. Rapin)
231
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.1 Les éoliennes lentes multipales
Figure A1.5 – Modèle Araou Frères à Candillargues (collection M. Rapin)
1887 : Installation près du Havre par Charles de Goyon, duc de Feltre, du système de la Hève, soit une machine multipale de type Halladay servant à alimenter en électricité le phare. 1922 : Essais à Saint-Cyr-l’École (actuel Institut Aérotechnique du CNAM) en conditions réelles d’une machine à axe vertical de type Costes, construit par la Société des Établissements Saint-Jacques, et à l’arrière du diffuseur de la soufflerie d’une machine à axe vertical de type Lafond et d’un modèle réduit d’aéromoteurs à ajutage convergent/divergent, système Toussaint. 232
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.2 Les 1res éoliennes rapides
A
Figure A1.6 – Essais d'un modèle à axe vertical Lafond à l'arrière du diffuseur de la soufflerie IAT de Saint-Cyr (photo archive IAT)
A.2 Les 1res éoliennes rapides
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Années 1910 : Premières expérimentations françaises en soufflerie sur des modèles américains et bipale par M. Lapresle au laboratoire Eiffel (figures 1.12 et A2.1).
Figure A2.1 – Dessin d’une pale d’éolienne expérimentée par L. Constantin au Laboratoire Eiffel
Années 1920 : Premières descriptions des principes de l’éolienne rapide par Louis Constantin, ingénieur de l’École Supérieure d’Électricité de Paris, et premier schéma d’interconnexion pour une « centrale » éolienne (brevet 1924). Premières formulations des théories par le Centralien Georges Darrieus. Publication de l’ensemble des résultats menés par Eiffel. 1923 : Essais sur la Seine de la propulsion du Bois-Rosé), cotre de 5 tonneaux, par L. Constantin (figure 1.13) à l’aide une hélice aérienne Levasseur, bipale de 9 m de diamètre, reliée à une hélice marine par engrenages coniques et roulement à billes. 233
D
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.2 Les 1res éoliennes rapides
Piloté le 15 septembre par M. Breton, directeur de l’Office nationale des inventions, il remonta un vent de 7 m/s à une allure de 2 m/s. Perte du prototype confié à la Marine lors d’un remorquage entre Rouen et Brest. 1925 : Dépôt de brevet français pour une éolienne à axe vertical par G. Darrieus. 1926 : Installation dans la Massif central d’un prototype bipale upwind de 8 m de diamètre conçu par L. Constantin et fabriqué par l’industriel Roannais FortierBeaulieu. 1927 : Installation par la Compagnie Électro-Mécanique (CEM) à coté de ses usines du Bourget de deux prototypes quadripale downwind de 4 kW pour 8 m de diamètre conçus par Georges Darrieus (figures 1.14 et A2.2).
Figure A2.2 – 1re éolienne Darrieus avec rotor de 8 m, tiré de la revue La Nature, n° 2823, décembre 1929 (collection M. Rapin)
1929 : Installation en janvier par la Compagnie Electro-Mécanique (CEM) à coté de ses usines du Bourget d’un prototype bipale downwind de 15 kW pour 20 m 234
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.2 Les 1res éoliennes rapides
de diamètre, conçu par Georges Darrieus (figure 1.15), qui sera détruit suite à la défection du système de freinage sous fortes rafales de vent. Années 1930 : Développement de la gamme des petits aéromoteurs à 2 ou 4 pales Aéro-Force-Lumière par MM. Beury et Laviney. Développement des machines Paris-Rhône par l’ingénieur Arts & Métiers René Bagnol de 500 W pour 2,4 m (figure A2.3) et 1,2 kW pour 3,5 m. L’hélice secondaire sert de régulateur et assure le lancement et le freinage de l’hélice principale.
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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Figure A2.3 – Dessin d'une éolienne Paris-Rhône (tiré de l'ouvrage de H. Lanoy)
Développement de l’Altervent, éolienne à attaque directe avec alternateur monophasé à aimant inducteur permanent par N. Bertholon (figure A2.4). 1941 : Essais en soufflerie d’une maquette d’éolienne à axe verticale par G. Darrieus au Laboratoire de Banlève (actuel Institut de Mécaniques des Fluides de Toulouse). 235
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.2 Les 1res éoliennes rapides
Figure A2.4 – Dessin de l'éolienne Altervent (tiré de l'ouvrage de H. Lanoy)
1943 : Création d’un Comité technique de l’Énergie des Vents au Ministère de la Production Industrielle (Direction de l’Électricité). 1944 : Création de la Société d’Études des Aéromoteurs, future Division Énergie du Vent de la Division des Études et Recherches d’EDF, présidée par Pierre Ailleret à sa création en 1946. Après-guerre : machines de quelques kW fabriquées malgré la pénurie de l’époque par des sociétés telles que Enag de Quimper (figure A2.6). 1947 : Pierre Ailleret lance une vaste étude du potentiel éolien en France jusqu’en 1966 par la Division Énergie du Vent d’EDF, dirigée par André Argand, à l’aide de centaines d’anémomètres répartis sur le territoire. 236
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.2 Les 1res éoliennes rapides
A
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure A2.5 – Plan de l'éolienne Darrieus à axe vertical en 1940 (archive IMFT)
Figure A2.6 – Publicité pour un prototype birotor de la société Enag (collection M. Rapin)
237
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.3 Les développements de l'après-guerre
A.3 Les développements de l'après-guerre 1946 : Création du BEST (Bureau d’Études Scientifiques et Techniques) par Lucien Romani. 1947 : Installation par Jean-Edouard Andreau près d’Orléans d’une éolienne tripale à dépression de 6,5 m de diamètre puis essais avec EDF pendant 2 ans.
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b
Figure A3.1 – Opération de levage de la machine Andreau et visualisation du sillage à l'aide de fumigènes placés aux extrémités
1949 : Dépot de brevets par Andreau pour une éolienne bipale à dépression downwind à calage variable de 7 et 55 m de diamètre. Un prototype de 24.4 m sera finalement construit en 1950 par la société britannique Enfield avec des pales creuses dessinées par De Havilland Propellers Ltd. Sous l’effet de la rotation, la force centrifuge expulse l’air aux extrémités créant ainsi une dépression dans la tour qui entraîne une turbine. Après des essais peu concluants, elle est rachetée en 1957 par la compagnie Électricité et Gaz d’Algérie (figure A3.2) et testée avant son arrêt définitif, suite aux problèmes rencontrés et au faible rendement de ce système.
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b
Figure A3.2 – Brevet de 1950 perfectionnant l'extrémité des pales pour l'extraction de l'air (a) et machine de 100 kW à Grand Vent en Algérie (b) (Édition Jomone, Alger, collection M. Rapin)
238
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.3 Les développements de l'après-guerre
1949 : Début des expérimentations sur des maquettes par Lucien Romani et le BEST. 1ers essais en soufflerie d’un modèle upwind tripale de 0,6 m de diamètre dans la soufflerie Lelarge de l’IAT, puis d’un modèle upwind bi ou quadripale de 0,25 m en présence d’obstacles pour mesurer l’influence de pertes de charges et d’un gradient de vent vertical. Seconde série d’essais en 1950-51 dans la soufflerie n° 2. Troisième série d’essais dans cette soufflerie en 1952-53 avec un rotor de 0,5 m. 1950 : 1er essais en soufflerie par le BEST et l’ONERA d’un modèle upwind tripale de 3,6 m de diamètre (figure 2.2) dans la grande soufflerie S1 de ChalaisMeudon (conçue avant-guerre par M. Lapresle, anciennement du laboratoire Eiffel). Essais poursuivis en conditions réelles à Fontenay-aux-Roses avec un prototype de 4 m, pour le compte de la future société CIAMO, et en parallèle jusqu’en 1954 sur le site de l’IAT à St-Cyr avec le modèle tripale de 3,6 m monté sur un mât de 42 m (figure 2.3). 1954 : À la demande d’EDF, étude par L. Romani et le BEST d’une maquette à l’échelle 1/20 de la future éolienne (figure 2.4). Essais de mises au point, en présence d’obstacles et gradients de vent, réalisés en 1954-55 dans la soufflerie « béton » de l’ENSMA à Poitiers sous la direction de R. Goethals. 1955 : Création de la CIAMO (Compagnie Industrielle des AéroMOteurs), chargée de la fabrication et de la commercialisation des petites machines du BEST (gamme 0,6 à 3,6 kW) jusqu’en 1965.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1955 : Début des travaux d’implantation de la machine BEST-Romani de 800 kW près de Nogent-le-Roi en décembre (figures 2.5 et A3.3). Éolienne tripale downwind de 30,2 m à régulation par décrochage et génératrice synchrone. 1ère mise en route en avril 1957, 1re connexion au réseau en novembre et montage du carénage final pendant l’été 1958 (figure 2.6). Record de production le 27 octobre 1959 (1025 kWh) provoquant un endommagement du générateur et de l’embrayage : arrêt de la machine pendant 3 mois.
Figure A3.3 – Schéma de la nacelle de l'éolienne BEST-Romani 800 kW
239
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A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.3 Les développements de l'après-guerre
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Figure A3.4 – Vues, prise à partir du tripode montrant la tête-rotor, la base pivot et le mât équipé du carénage tournant (a) et, pendant le ferraillage, de l'ensemble hydraulique contenu dans le pivot (b) (crédit photos : Pierre-Jean et Jean-Luc Cavey)
1957 : Début des travaux d’implantation de la machine Neyrpic de 132 kW à Saint-Rémy-des-Landes, conçue par Louis Vadot, ingénieur-conseil (figures 2.8, A3.5 et A3.6) avec l’appui de la SOGREAH (SOciété GREnobloise d’Aménagement Hydraulique). Éolienne tripale downwind de 21,2 m à pas variable et génératrice asynchrone. 1re mise en route en 1959. Problème de dimensionnement du pylône puis rupture d’une pale en juin. Installation d’un nouveau rotor (figure 2.9a).
Figure A3.5 – Vue de la première version de l'éolienne Neyrpic 132 kW en 1958 (crédit photo : archives Sogreah)
1959 : Essais statiques et dynamiques communs BEST-Sogreah à Saint Servan sur un longeron de 4 m en résine synthétique armée pour vérifier la tenue de ce matériau aux déformations et à la fatigue (100 millions de cycles). 240
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.3 Les développements de l'après-guerre
1960 : Essais en avril dans la soufflerie S1 de l’ONERA Chalais-Meudon d’une maquette d’éolienne birotor 2 ¥ 2,5 m de diamètre par le BEST (figure 3.10) représentative d’une machine de 4 MW. La tour en béton est dynamiquement semblable, le rotor est en similitude géométrique. Essais complémentaires dans la soufflerie Bréguet à Villacoublay. 1961 : Essais plus approfondis, en janvier dans la soufflerie S1 de l’ONERA ChalaisMeudon, d’un des rotors de 2,5 m de diamètre présentant des problèmes de vibration (figure 2.7), puis en juin d’un nouveau rotor de 4,5 m de diamètre représentative de la future hélice dite rapide, qui présentera des problèmes similaires. 1963 : Installation du rotor dit rapide pour supprimer un train d’engrenages sur la machine de Nogent-le-Roi. Rupture d’une pale quelques mois plus tard, après 307 h de fonctionnement. Arrêt définitif de la machine. 1963 : Installation de l’éolienne Neyrpic de 1 MW, conçue par Louis Vadot, à Saint-Rémy-des-Landes (figure 2.9b). 1re connexion au réseau 4 mois plus tard, le 13 juin. Arrêt en juin 1964 après 2 000 h de fonctionnement suite à un problème de grippage sur le palier du multiplicateur.
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Figure A3.6 – Schéma de la première version de l’éolienne Neyrpic 132 kW en 1957
241
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A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.3 Les développements de l'après-guerre
1963 : À la demande d’EDF, et faisant suite aux essais à l’ONERA et chez Breguet à Villacoublay, études et proposition du BEST d’un nouveau prototype de birotor 2 ¥ 1 MW pour une implantation à Landunvez, près de Porspoder (figure A3.7). Avec des hélices rapides bipales, les alternateurs pouvaient tourner à 67 tr/min sans présence d’un multiplicateur. 1963 : EDF ne soutient plus le développement de la filière éolienne, le coût du kW éolien étant estimé au moins 30 % plus cher que celui issu du pétrole. 1964 : Ultimes essais en janvier dans la soufflerie S1 de l’ONERA ChalaisMeudon d’un rotor de 4,5 m de diamètre avec trois pales en résine synthétique. 1965 : Liquidation de la CIAMO. 1966 : Ferraillage des machines BEST-Romani et Neyrpic. Liquidation du BEST, Lucien Romani devient directeur du Laboratoire Eiffel à Paris. 1966 : Création de la société Aérowatt regroupant le personnel restant de la CIAMO et du BEST. Développement de petites machines pour les explorations françaises en Antarctique et dans les îles Australes et pour le Service Technique des Phares et Balises.
Figure A3.7 – Schéma du prototype birotor 2 MW de 1963
242
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.3 Les développements de l'après-guerre
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Tableau A3.1 – Principales étapes de fonctionnement de l’éolienne 800 kW BEST-Romani (d’après l’article de R. Bonnefille)
Période
Phases
Faits marquants
Fonctiont et Prod.
15/03 au 13/06/1958
Essais Vitesses de vent < 12 m/s - démarrage et couplage - contrôle de l’équilibrage - freinages mécanique et électrique - contrôles graissage et échauffement - études des vibrations - étude de l’orientation
Vérifications Problèmes de freinage
171 h 16 730 kWh
19/06 à septembre 1958
Équipement
A
D
Septembr e 1958 au 16 avril 1959
Essais Vitesses de vent < 17 m/s - stabilité du couplage au réseau - embrayage - freinages et orientation
Vérifications
17/04 au 04/10/1959
Fin de l’équipement et mise au point de mesure embarquée
47,3 / 71
05/10 au 18/11/1959
Production
Pointe à 1025 kW le 27/10 Problèmes de graissage Roulement aval détruit
18/11/59 au 13/04/1960
Réparations
13/04/60 au 12/04/1962
Production
Quelques problèmes de graissage, d’échauffement Jeu dans l’accouplement Arrêt pour changement d’hélice
4326 h dont 637 consécutives 150 380 kWh
13/04/62 au 05/09/1963
Changement d’hélice et production
Vibrations et rupture de pale
307 h
931 h dont 195 consécutives 164 couplages 53 430 kWh
243
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A.4 Après le 1er choc pétrolier Années 1970 : Développement de la gamme Aérowatt. Environ 150 machines sont utilisées par le Service Technique des Phares et Balises en 1975. Les petits sites étaient typiquement équipés de modèles 150 ou 300 FP7 (Le Chat, Phare de Kéréon...), les sites plus importants de 1100 FP7 (Sénétose, Beauduc...).
Figure A4.1 – Plan d'une éolienne Aérowatt 150 FP7
1979 : Installation en octobre d’une machine 100 kW Aérowatt à Ouessant. Destruction suite à un problème de fatigue en pied de pale en 1980. 1979 : Installation d’une machine de la société Aéroturbine 10 kW de 8 m de diamètre à Plévenon, près du Cap Fréhel. 1982 : Création de l’AFME, Agence Française de Maîtrise de l’Énergie (devenue l’ADEME en 1992). Reprise des études sur l’énergie éolienne grâce à son soutien. Lancement de l’appel d’offres pour une éolienne de 40 m de diamètre délivrant 250 kW à 10 m/s (750 kW maximum) : proposition GECA-Romani (figures 3.11, 3.12 et A4.2) et Aérospatiale-SILAT (figures 3.13 et A4.3). 244
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure A4.2 – Coupe de la nacelle GECA du prototype birotor Romani 500 kW de 1982
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises A.4 Après le 1er choc pétrolier
A
D
245
A.4 Après le 1er choc pétrolier
Figure A4.3 – Coupe de la nacelle du prototype Aérospatiale-SILAT 750 kW de 1983
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
246
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
1982 : Création du Centre National d’Essais Éoliens de Lannion par l’AFME. Inauguration de son site de Trébeurden en 1983. Sa caractérisation météorologique est effectuée par la Division Climatologie du CSTB qui effectuera, entre autre, une étude du site en soufflerie atmosphérique la même année. 1983 : Organisation par l’AFME d’un séminaire éolien les 17-19 novembre à Valbonne. En décembre 1983, elle établit son programme de développement de l’énergie éolienne pour la France. Définition des accords cadre ONERA-AFME et CSTB-AFME pour la période 1983-1987. 1983 : Création de la ferme éolienne Aérowatt à Lastours (Portel-les-Corbières), composée initialement de 10 machines UM 70 formant la première centrale éolienne française raccordée au réseau EDF en 1984. Ce site est toujours en activité (figure A4.4).
A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
D
Figure A4.4 – Centre d’essais éoliens du PLAN DU PAL à Lastours, près de Narbonne, dans l’Aude. Au centre, la seule éolienne DARRIEUS existant en France, installée par le CEA au début des années 80 (arrêtée depuis 1984). Pour le programme Éole 2005, au premier plan (couché), un des 7 aérogénérateurs VERGNET de 200 kW. À droite, une des 3 machines NORDEX de 600 kW (crédit photo : Olivier Sébart/ADEME)
1984 : Implantation au CNEEL de l’éolienne Aéroturbine 315 (figure 3.14). Montage et essais au CNEEL d’une machine Darrieus tripale 5 kW (figure A4.5) pour 5 m de diamètre du Centre d’Étude Nucléaire de Grenoble (CEA). Installation au CNEEL de l’éolienne instrumentée Ratier-Figeac RF0 (similaire à celle d’Ouessant), 100 kW pour 18 m de diamètre, équipée de 2 pales Aérospatiale (Division Hélicoptère). Campagnes d’essais menées conjointement avec l’ONERA 247
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
et EDF (figures 3.15 et A4.6). Redéfinition de la longueur du support du safran pour éviter un problème de couplage de modes. Destruction de la machine suite à la rupture d’un câble du haubanage pendant une opération de levage en 1986.
Figure A4.5 – Vue du site du CNEEL montrant l'implantation de l'éolienne Darrieus tripale du CENG. En arrière-plan, le dispositif de levage et le pylône basculant ainsi que le camion laboratoire de l'ONERA sont en attente de la RF0 (crédit photo : ONERA)
Générateur Arbre porte-hélice
Hélice
Frein électromagnétique
Pale Hauban de pale
Multiplicateur
Pied de pale
Génératrice asynchrone
Barre de régulation
Bornier
Beaupré
Gouvernail Châssis Accessoires
Support
Frein nacelle Génératrice image Groupe d’orientation Centrale hydraulique
Figure A4.6 – Schéma d'implantation des composants de la RF0 sur la nacelle (crédit : ONERA)
248
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A a
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
c
d Figure A4.7 – Vues des phases d'instrumentation de la RF0 avec l'ONERA : chez le constructeur, nacelle en a, et sur le site du CNEEL avec la nacelle et le mât du safran en b, une pale en c et du pylône en d (crédit photos : ONERA)
249
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
1985 : Installation d’une UM 70, machine de 10 kW pour 7 m de diamètre, sur le site moins turbulent du CSTB à Bouin (figure A4.8). Instrumentation en parallèle de la machine et des pales par l’ONERA (figure 3.19) pour caractériser le comportement dynamique de l’UM70. Essais du rotor optimisé Le Jéloux monté sur cette machine.
Figure A4.8 – Vues des deux éoliennes Aérowatt dont l'UM 70 équipée du rotor Le Jéloux, en cours de levage au premier plan sur le site du CSTB à Bouin (crédit photo : ONERA)
250
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
1986 : Montage et essais au CNEEL de la machine Le Jéloux 312A, éolienne tripale de 75 kW pour 12 m de diamètre (figure 3.20). 1986 : Bénéficiant des enseignements obtenus sur la RF0, montage au CNEEL de l’éolienne Ratier-Figeac RF100 (figure 3.17), machine de 155 kW pour 18 m de diamètre. L’orientation n’est plus assurée par un safran mais par un moteur. Suite aux essais et à l’étude de la dynamique de cette machine par la société CR2A, des amortisseurs hydrauliques ont été montés pour réduire des problèmes de vibration dus au rotor monté en balancier. Une panne de ce système a conduit à la destruction de la RF100 à Lastours en 1987.
A
1987 : Essais conjoints Aérowatt-CNEEL d’un ensemble éolien-diesel sur une machine du site de Lastours. 1988 : Création de la société ATOUT VENT (devenue ATV Entreprise en 1997), spécialisée au départ dans la fabrication de petites pales d’éolienne. Reconnue pour son procédé de polymérisation sous pression de mousse polystyrène baptisé One-Shot et l’utilisation de carbone. 1989 : Prise de contrôle de la société Aerowatt par Vergnet. 1990 : Liquidation du CNEEL. 1991 : Premier développeur français créé en juillet 1989, La Compagnie de Vent installe la première « grande » (à cette époque) éolienne commerciale connectée au réseau EDF, une Vestas V25, 200 kW pour 25 m de diamètre, à Port-la-Nouvelle dans l’Aude (figure A4.9). Cette initiative sera complétée en 1993 par 4 Vestas V39 de 500 kW. Cette éolienne « historique » a été remise en état début 2008 après 17 ans de service quasi-ininterrompu. 1991 : Sous l’impulsion de la Région Nord/Pas de Calais et de l’ADEME, implantation en France de la deuxième machine de « grande » puissance, une Windmaster 300 kW, pour 28 m de diamètre, à Malo-les-Bains (figure A4.10). Cette initiative sera suivie en 1993 par la réalisation, avec l’aide d’EDF et de la communauté européenne, de la Centrale de Dunkerque composée de 9 Windmaster 300 kW (figure A4.11).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1992 : 1re centrale éolienne outremer Vergnet à la Désirade (Guadeloupe) 1993 : Lancement du 1er générateur éolien Vergnet de nouvelle génération (GEV), développé avec le soutien de l’ADEME. 1993 : Création du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER). 1994 : Création de nouveaux développeurs de parcs éoliens français : Valorem, puis Éole Technologie en 1995. 1996 : Lancement du programme Éole 2005 par les pouvoirs publics visant un objectif de 500 MW installés en 2005. Malgré cet objectif, suite à de nombreux obstacles, le développement de l’éolien fût très lent. Mais la France atteindra finalement presque 700 MW, grâce à une nette accélération en 2005 avec 300 MW installés. 251
D
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
Figure A4.9 – Aérogénérateur Vestas, installé par le Cabinet Germa et connecté au réseau EDF en 1991 à Port-la-Nouvelle dans l’Aude, près de Narbonne (crédit photo : Olivier Sébart/ADEME)
Figure A4.10 – Aérogénérateur Windmaster, installé par EED (Espace Éolien Développement), sur la digue de Malo, à Dunkerque (crédit photo : Christian Weiss /ADEME)
252
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A
D
Figure A4.11 – Première ferme éolienne française composée de 9 aérogénérateurs de « grande » puissance, Windmaster 300 kW, à Dunkerque (crédit photo : Roland Bourguet /ADEME)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1996 : Sous l’impulsion de l’ONERA, création avec les autres acteurs de l’éolien de l’association France Énergie Éolienne (FEE), représentant la France à l’European Wind Energy Association (EWEA) et faisant maintenant partie du SER depuis 2005. Cette association regroupait alors les principaux investisseurs qui seront retenus lors du 1er appel d’offres d’Éole 2005 : La Compagnie du Vent, Espace Éolien Développement, Éole Technologie, etc. 1999 : Inauguration sur le site de Widehem par Jeumont Industrie (filiale du groupe Framatome/AREVA) de la J48, machine innovante discoïde à attaque directe et vitesse variable de 750 kW pour 48 m de diamètre. Soutien de la Région Nord/Pas de Calais et de l’ADEME pour son développement (figures 3.21 et A4.12). Le parc, composé de 6 éoliennes sera achevé en 2001. 2001 : Lancement par Vergnet de la GEV MP 220 kW. 2001 : 1re loi de rachat du kW éolien décrétée par le gouvernement français mais limitant la taille d’une ferme éolienne à 12 MW. Une directive européenne sur les énergies renouvelables définit les parts des EnR à 12 % de la production brute d’énergie et 22 % pour l’électricité en 2010. 2003 : 1er appel d’offres du gouvernement pour 500 à 1 500 MW en offshore en 2007... qui ne sera pas suivi de réalisations concrètes. 253
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
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b
Figure A4.12 – Éoliennes J48 de Jeumont Industrie de 750 kW, en cours de montage (a) ou à l'arrêt (b), implantées au sommet des falaises de Dannes, à une hauteur de 170 mètres, sur la commune de Widehem, dans le Pas-de-Calais (crédit photos : Olivier Sébart/ADEME)
2005 : Création du SEPEN, avec le soutien de l’ADEME et EDF, site d’essais expérimental pour tester dans des conditions très turbulentes de petites éoliennes de moins de 10 kW près de Narbonne. 2005 : Nouvelle loi POPE avec des objectifs chiffrés ambitieux en terme d’énergies renouvelables : 21 % en 2010 dont 7 % devront provenir en grande partie de l’éolien. Lancement du concept de ZDE, zone de développement éolien qui doit être établie sous la responsabilité de chaque préfet de région. 2006 : Nouveau décret concernant les tarifs de rachat du kW éolien, fixés à €0,082/kWh en onshore et €0,13/kWh en offshore pour les 10 premières années d’exploitation. La Programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, PPI, prévoit 13,5 GW d’éolien en 2010 et 17 GW en 2015 (dont 5 GW en offshore). Les acteurs s’accordent à estimer le chiffre de 10 MW en 2010 plus plausible. 2008 : Lancement par Vergnet de la GEV HP 1 MW.
254
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
Tableau A4.1 – Caractéristiques des prototypes et machines françaises
Machine
Ø (m)
Concept
Régulation Type géneratrice
Darrieus
8
Quadripale downwind
Darrieus
20
Bipale dowwind
24,4
Bipale downwind
Turbine à air + alternateur synchrone Décrochage
Puissance nominale (kW)
Décrochage
1,8 à 5 m/s
Décrochage
12 à 6 m/s
Vitesse de rotation (tr/min) et Vit. spéc l 80 l = 7,5 60 l = 10
Prod. (MWh) années
Poids Nacelle + rotor /Total (t)
1927
0,4
1929
2,400
A
Calage
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Andreau
100 à 13,5 m/s
100
60
BEST Romani
30,2
Tripale downwind
Neyrpic
21,2
Tripale downwind
Calage
Neyrpic
35
Tripale downwind
Calage
Enag
2,55
Bipale upwind
Calage Dynamo
1 à 9 m/s
Aerowat t 100FP5
3,2
Bipale upwind
Calage/ Décrochage Alternateur
0,1 à 5 m/s
380
Aerowatt 1100FP7
5
Bipale upwind
Calage/ Décrochage Alternateur
1,25 à 7 m/s
178
Aerowatt 4100 FP7
9,2
Bipale upwind
Calage/ Décrochage Alternateur
4,1 à 7 m/s
142
Aerowatt UM 70
7
Calage/ Décrochage
10 à 11,5 m/s
225
Vergnet GEV 10
10
Bipale downwind
Calage/ Décrochage Asynchrone
20
139
Vergnet GEV MP
30-32
Bipale downwind
275 à 15 m/s
31/46
Bipale upwind asynchrone
Synchrone
Asynchrone
Asynchrone
Calage Asynchrone
1950-57
800 à 16,7 m/s
47,3 / 71
132 à 12,5 m/s
56
1000 à 17 m/s
220
30
1958-62
150
700
21
1962-66
30
500
60?
1963-64
96
3.2 /an
0,35
D
20 / an
2,9 7,8 20
255
A.4 Après le 1er choc pétrolier
A • Chronologie des réalisations éoliennes françaises
Tableau A4.1 – Caractéristiques des prototypes et machines françaises (suite)
Puissance nominale (kW)
Vitesse de rotation (tr/min) et Vit. spéc ?
Prod. (MWh) années
Machine
Ø (m)
Travere 2,4 900
2,4
Bipale upwind
Calage
0,9 à 10 m/s
800
3,6 /an
Travere 15 60000
15
Tripale upwind
Calage
60 à 12 m/s
100
228 /an
Jeumont J48
48
Tripale upwind
Décrochage
750 à 13,5 m/s
0-25
Bipale
Calage
Upwind
Asynchrone
1 000 à 15 m/s
12-26
Vergnet GEV HP
256
52
Concept
Régulation Type géneratrice
Discoïde
Poids Nacelle + rotor /Total (t)
65 143
B • MONTAGE DE PROJET POUR UN PARC ÉOLIEN
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A L’objectif de cette annexe est de proposer au lecteur une vue globale des différents volets nécessaires au montage d’un projet raccordé au réseau électrique. Celui-ci est dans le principe assez classique et naturel : la première étape consiste à rechercher un site adéquat, trouver des machines disponibles et adaptées à ce site, constituer le complexe dossier de demande d’implantation puis attendre une réponse favorable avant de passer à la réalisation. La vie du projet se poursuit tout au long de l’exploitation du parc jusqu’à son démantèlement. Chaque étape de cette démarche est cependant soumise à de nombreux aspects et contraintes et leur réalisation est d’une difficulté variable suivant le pays concerné. Un nouveau pays qui se lance dans l’éolien peut bien sûr s’inspirer des pays pionniers, mais il devra toujours prendre en compte ses spécificités nationales. En France, l’une des principales barrières psychologique et économique du développement de l’éolien est d’ailleurs la comparaison avec le nucléaire et son coût de revient du kWh particulièrement bas. Car, même si le coût de production de l’électricité éolienne a été réduit de 80 % entre 1985 et 2005, cette filière n’est toujours pas compétitive. De nombreux débats ont (eu) lieu sur le bien-fondé et la pérennité d’un système de soutien pour la rendre rentable. Mais cette question dépasse de loin le cadre de l’éolien (et l’objectif de cet ouvrage) puisque liée aux contextes politiques et aux nécessités d’approvisionnements et de diversification du bouquet énergétique. Elle se pose différemment pour chaque pays suivant sa situation et ses choix. Il est certain que l’on n’abordera pas l’aspect éolien de la même façon en France et en Allemagne où l’on se désengage du nucléaire, mais avec l’essentiel de la production électrique assurée par des centrales thermiques classiques émettrices de CO2… Pour un meilleur développement de la filière éolienne en France, certaines procédures administratives ont été mises en place. Ces procédures sont notamment décrites dans la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003. Une circulaire interministérielle du 10 septembre 2003 sur la promotion de l’énergie éolienne terrestre destinée aux préfets reprend également l’ensemble des procédures liées à l’instruction des dossiers. Ce cadre réglementaire est en constante évolution depuis l’apparition des premières machines « modernes » (voir § 4.2.2). Ils prennent en compte le retour 257
D
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.1 Aspects techniques et économiques
d’expérience acquis, les nouveaux problèmes qui apparaissent pour permettre le déploiement de l’éolien à grande échelle en France. La concrétisation des objectifs français en matière de développement de parcs en offshore constituera la prochaine étape d’élaboration de ce cadre réglementaire.
B.1 Aspects techniques et économiques Le chapitre 5 décrit la démarche adoptée pour évaluer les régions avec le meilleur potentiel de vent. C’est une composante importante du montage de projet car elle définit le niveau de kWh/an que l’on peut attendre du site. Il est donc assez naturel, dans un premier temps, de se concentrer vers les zones avec vitesses moyennes importantes. Suivant ce critère, la Grande-Bretagne et la France tiennent les deux premiers rangs en terme de potentiel. Ceci n’est cependant pas suffisant et n’explique pas l’essor de l’éolien dans des pays, tel que l’Allemagne, possédant des niveaux de vitesse globalement plus faibles. D’autres critères techniques et économiques rentrent donc en jeu dans le développement de l’éolien et dans le choix des sites. Potentiel de vent et prix du kWh
Pour attirer un investisseur sur le montage d’un projet, il est important de pouvoir quantifier la période de retour sur investissements : le potentiel du site est donc intimement lié au prix de rachat du kWh. Pour avoir une visibilité sur 20 ans, durée communément admise pour l’exploitation d’un parc, il est ainsi préférable d’évoluer dans un contexte réglementaire connu. Tous les pays pionniers dans l’éolien ont débuté avec un soutien à la fois politique et économique, sous différentes formes, stable sur le long terme. Ils ont ainsi pu lancer la filière éolienne en garantissant, dans un premier temps, un prix de rachat incitatif. Avec les volumes d’installations obtenus et le développement de la filière, le coût d’exploitation des machines s’est réduit permettant à terme de moduler la nature des aides apportées. Ce type de schéma n’est pas propre à l’éolien puisque s’étant déjà appliqué par exemple au nucléaire sous une autre forme. Il est adopté actuellement pour le déploiement d’autres énergies renouvelables. Le prix de rachat du kWh éolien est donc fixé en France depuis juillet 2006 par la loi POPE. Le tarif est de 8,2 c€/kWh pendant les 10 premières années d’exploitation et évolutif les 5 années suivantes suivant le potentiel du site : – tarif maintenu à 8,2 c€/kWh pour les sites produisant 2 400 h/an ou moins, – tarif à 6,8 c€/kWh pour les sites produisant moins de 2 800 h/an, – tarif à 3,2 c€/kWh pour les sites produisant moins de 3 600 h/an. On le comprend, cette loi permet de favoriser le développement de l’éolien dans les zones à vitesses moyennes de vent plus faibles (voir § 4.2.2), ce qui a permis de mieux répartir les implantations sur le territoire pour profiter des régimes de vent décorrélés. 258
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.1 Aspects techniques et économiques
Rentabilité
En prenant l’exemple d’un parc de taille typique du programme Éole 2005, soit 12 MW maximum (typiquement 8 machines de 1,5 MW ou 6 machines de 2 MW), on obtient dans ce nouveau cadre réglementaire : – un investissement initial de 15 millions d’euros dont 12 pour les machines (en prenant une base de 1000 €/kW installé) ; – un chiffre d’affaires brut pour la première année de 2,135 millions d’euros, en prenant le facteur de charge moyen français en 2006 (24,8 %, chiffre RTE, soit l’équivalent de 2170h de fonctionnement à pleine puissance). Il faut lui soustraire l’ensemble des charges, taxes etc. de l’ordre de 20 %, ce qui donne un chiffre d’affaire final de 1,710 millions d’euros. L’investissement initial est donc rentabilisé au bout de seulement 9 ans en moyenne. Même s’il faut être capable d’investir dès le départ des sommes importantes, le prix de rachat étant garanti pendant 15 ans, il offre une visibilité très propice à attirer les financeurs et permet aux monteurs de projet de démarrer un dossier avec un apport initial faible. Un TRI (Taux de Rendement Interne) du projet d’au moins 9 % est visé. C’est d’ailleurs l’une des critiques adressées à l’encontre de ce système de soutien au développement éolien… Il ne faut cependant pas oublier que l’approche utilisée pour établir ce chiffre de 9 ans est simpliste. Rien que le coût de l’endettement important, même avec un taux de quelques %, augmente ce chiffre. L’investissement initial est par ailleurs soumis, comme tout autre secteur, aux aléas de la conjoncture et à certains risques que l’on tend à réduire (par exemple sur la prévision du productible) : une prime de risque est donc exigée par les financeurs.
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Tableau B1.1 - Estimation du découpage des coûts pour l’installation d’une éolienne de moyenne puissance sur site terrestre (d’après données EWEA) Poste
part % total
part % total hors éolienne
Aérogénérateur
74 à 82
–
Raccordement au réseau
2 à 10
35 à 45
Fondations
1à6
20 à 25
Installation électrique
1à9
10 à 15
Construction des routes
1à5
5 à 10
Etudes
1à6
5 à 10
Foncier
1à3
5 à 10
Coûts financiers
1à5
5 à 10
259
A
D
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.1 Aspects techniques et économiques
Coûts des machines
Dans l’investissement initial figure le prix des machines et de leur maintenance. Bien que leur prix unitaire ait été constamment réduit, surtout depuis l’an 2000 avec l’augmentation de la puissance et l’amélioration de la fiabilité, il n’en reste pas moins le premier poste pour les installations terrestres et impacte donc directement le projet (tableau B1.1). Tableau B1. 2 - Estimation de la part relative des sous-ensembles dans le coût d’une éolienne de moyenne puissance en installation terrestre (d’après données EWEA) Sous-ensemble
part % total
part % éolienne
Mât
17
22,7
Multiplicateur
14
18,7
Pales
12
16
Génératrice
9
12
Nacelle
6
8
Système hydraulique
6
8
Montage
5
6,7
Moyeu
2
2,6
Système orientation
2
2,6
divers
2
2,7
total
75
100
La majeure partie des parcs éoliens actuels a été installée depuis le début des années 2000. Ce qui signifie que l’on n’a pas encore achevé un cycle complet de 20 ans. Pour les installations plus anciennes (Danemark, Pays-bas, Allemagne…) se sont déjà posés des problèmes de maintenance, de remplacement de sousensembles voire de destruction et ce, avant la durée maximale d’exploitation prévue. Bien souvent, les problèmes de fiabilité ont affecté les pales ou le multiplicateur qui représentent une part conséquente du prix de l’éolienne (tableau B1.2). Il faut cependant garder à l’esprit que les technologies ont fortement évolué depuis. Sur les 20 ans d’exploitation d’un parc, les coûts d’opération et de maintenance se situent entre 20 et 25 % du coût du kWh. Ils s’accentuent avec l’âge de l’éolienne. Pour les plus anciennes, on préfère procéder de façon anticipée à un rétrofit en les remplaçant par des machines actuelles dont les charges d’exploitation ont diminué. C’est d’autant plus intéressant que les premiers sites exploités possèdent un bon potentiel de vent qui n’en sera que mieux exploité. 260
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.1 Aspects techniques et économiques
Avec l’explosion de la demande au niveau mondial, en particulier depuis 2005, le marché de la vente des machines est devenu tendu, certains n’hésitant pas à sécuriser leurs options d’achat 3 ans à l’avance. Ceci a eu pour effet de faire remonter le coût unitaire jusqu’à l’arrivée de nouveaux constructeurs (indiens, chinois…) et le développement des capacités de production des acteurs existants (ensemblier et équipementiers). Les années 2007 et 2008 ont aussi vu les prix des matières premières s’envoler. Le prix des aérogénérateurs en a donc subi les conséquences que ce soit pour les mâts en acier, les composants de la nacelle ou les pales en matériaux composites. Le scénario prévu de baisse du coût unitaire, qui devait amener celui-ci en dessous des 800 €/kW en 2015, a donc été remis à plat sous l’effet de cette double conjonction. Au niveau d’un projet, le seuil de rentabilité n’est plus aussi avantageux qu’auparavant. On parle maintenant de TRI compris de 6 à 9 %, contre 8 à 13 % en 2007.
D
Coûts annexes (installation, aménagements…)
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A
Les coûts annexes sont nécessaires pour les phases d’études, l’aménagement du site (routes, fondations, raccordement électrique…), l’installation (transport, levage…) et la phase de test avant la mise en route (tableau B1.1). Dans l’exemple précédent, ces coûts représentent 3 millions d’euros, soit 20 % de l’investissement initial. On comprend l’intérêt d’avoir le maximum de machine pour faire baisser la part relative de ce poste. À ce titre, la limitation de la puissance maximale des parcs à 12 MW dans le cadre d’Éole 2005 a dès le départ été décriée par les acteurs de la filière en France. Car, si un site offrait un potentiel supérieur, il devenait alors nécessaire de monter plusieurs dossiers pour plusieurs parcs, ce qui engendrait des coûts supplémentaires. Depuis 2006, un parc éolien installé dans une ZDE n’est plus limité à 12 MW, ce qui lui permet de réduire ces coûts globaux en profitant d’effets d’échelle que ce soit pour l’achat des machines, les phases de transport des sous-ensembles, d’installation et d’aménagement du site. Pour estimer ces coûts, le monteur de projet doit évaluer un ensemble de paramètres liés au site : – recensement des moyens logistiques disponibles ou à créer (accès, routes…) ; – proximité d’un réseau électrique capable d’absorber la production d’origine éolienne. On le voit dans le tableau B1.1, les coûts de raccordement, à la charge du promoteur du projet, prennent une grande part des coûts annexes : il convient donc de bien les évaluer. Si un nombre important de machines doit être connecté, il faut de plus s’assurer que le réseau est capable de le supporter. Sinon, il faut entreprendre des négociations avec le gestionnaire du réseau, le RTE, pour entreprendre son renforcement. Dans la perspective d’accueillir potentiellement 20 GW d’éolien, le RTE a d’ores et déjà analysé l’état du réseau et quantifier les investissements à entreprendre sur la période 2008-2020. Sur cette problématique, le monteur de projet risque donc de se retrouver face à des délais non compatibles avec son dossier. 261
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.1 Aspects techniques et économiques
Parc Offshore
Le développement d’un parc offshore reprend les mêmes points, mais la balance des coûts est différente. Pour faire face aux conditions particulières de fonctionnement en environnement marin, une éolienne offshore est modifiée et d’un coût légèrement supérieur à son équivalent terrestre. À fiabilité équivalente, les coûts d’opération et de maintenance sont là encore plus importants. Par ailleurs, le poste « fondations » monte à 20-25 % du coût total d’investissement. Les postes « installation » et « raccordement électrique » deviennent eux aussi très importants suivant l’éloignement des côtes et la complexité du site à exploiter. Dans les exemples du tableau B1.3, les deux parcs sont à moins de 5 km des côtes. La différence sur les fondations s’explique par la profondeur des fonds : dans le projet français, on utilise un système monopile par 10 à 20 m ; dans le parc danois, la gravité par 2 à 6 m. Dans les deux cas, il existe une ligne électrique terrestre à proximité : leurs coûts de raccordement par câble sous-marin sont donc comparables. Au final, l’aérogénérateur ne représente plus que 50 à 65 % du coût total. Tableau B1.3 – Estimation comparée du découpage des coûts (en % du coût total) pour deux projets offshore (d’après données 2003 projet SEAWIND)
Poste
Middelgrunden (Danemark 2001) 20 Bonus 2 MW
Estimation Aigues Mortes (France) 24 de 3 MW
Aérogénérateur
58
61
Fondations
21
24
Raccordement au réseau
10
8
Etudes
5
3
En contrepartie, les conditions de vent sont plus favorables et régulières avec des vitesses moyennes et un facteur de charge plus élevés. On comprend pourquoi les machines de la classe 5 MW ont été développées principalement pour l’offshore : capter une plus grande quantité d’énergie du vent pour un coût annexe (fondation, installation…) donné. Au final, le coût d’un parc offshore reste, pour l’instant, largement supérieur à celui d’un parc terrestre. Avec les premières installations danoises, les coûts d’investissements ont été réduits de 2 200 €/kW à environ 1 300 €/kW pour le parc de Middelgrunden ou 1 650 €/kW pour les 160 MW de Horns Rev. Mais ces deux parcs (parmi d’autres) ont subi des problèmes de fiabilité qui ont nécessité de gros et long travaux de maintenance. Le coût en offshore, d’abord envisagé à la baisse avec les effets d’échelle des grands parcs marins, est finalement plutôt en augmentation : on estime maintenant l’investissement pour les parcs géants de 400 MW en Mer du Nord à un minimum de 1,5 milliards d’euros. 262
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
L’aide apportée au développement de ce nouveau marché est donc plus importante avec par exemple un tarif de rachat en France de 13 c€/kWh pendant 10 ans, puis entre 3 et 13 c€/kWh pour les 10 années suivantes selon les sites. Retombées économiques
Le dossier du projet se doit d’être le plus complet possible. Au même titre que le plan d’amortissement du parc pour le promoteur et les financeurs, il n’est donc pas inopportun mais légitime de faire une estimation de l’ensemble des retombées économiques pour la région où seront implantées les machines, telles que : – la part d’activité des entreprises locales pendant la préparation, le montage et toute la durée d’exploitation du parc ; – l’évaluation des emplois créés pendant l’ensemble du cycle ; – l’évaluation des taxes professionnelles reversées aux communes et impôts fonciers aux propriétaires.
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B.2 Aspects environnementaux L’analyse du site potentiel pour l’installation d’un parc ou d’une simple éolienne concerne bien entendu aussi son environnement. Cette action doit être menée dès les premiers pas du projet par des concertations conjointes avec les populations et les élus locaux car l’insertion de machines de grande hauteur n’est pas anodine. C’est d’ailleurs là l’un des principaux arguments anti-éoliens. Des contraintes liées au site ou à la région peuvent aussi constituer dès le départ une fin de non recevoir à la construction d’un parc éolien. Parmi elles, la présence de : – Parcs Nationaux (P.N) ; – Zones RAMSAR (zones humides à importance internationale écologique) et les zones humides ; – Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique de type I et II (ZNIEFF) ; – Parcs Naturels Régionaux (P.N.R) ; – Zones sous nomination Natura 2000 : les Zones de Protection Spéciale (Z.P.S) et Zone Spéciale de Conservation (Z.S.C)… ; – Zones d’Importance pour la Conservation des Oiseaux (ZICO) ; – Réserves Naturelles, Volontaires ou Associatives ; – Arrêtés Préfectoraux de Protection du Biotope (A.P.B) ; – Tourbières ; – Sites classés, etc. Dans le cadre de l’établissement des Schémas Régionaux Éoliens, ces aspects sont maintenant mis à disposition. 263
A
D
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
L’outil ZDE
Tout parc éolien devant être implanté dans une ZDE depuis juillet 2007, pour bénéficier du tarif de rachat préférentiel, le développeur se doit donc de connaître les zones possibles ou d’exclusion. Pour élaborer une ZDE, il faut au préalable l’implication d’un regroupement d’acteurs de la région (municipalité, commune, communauté de communes…). Le dossier est déposé en préfecture, garante de la cohérence de l’implantation des ZDE sur le territoire départemental. La DRIRE pilote l’instruction avec les services de l’Etat dans les 6 mois. Plusieurs critères sont pris en compte lors de l’élaboration de cette ZDE : – la densité du vent, représentative du potentiel éolien (figure 5.6) ;
Figure B2.1 – Carte des contraintes superposée à celle du potentiel éolien pour la région Bretagne en terrestre et offshore (source ADEME)
264
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
– les distances de raccordement au réseau électrique ; – des éléments participant à l’étude d’impact tels que présence de zones protégées, sites classés, radars etc. ; – une première approche de l’impact sur le paysage. La superposition cartographique des ressources éoliennes et des contraintes permet de définir des zones propices, moins propices et peu propices à la création de ZDE (figure B2.1). Cependant, même en présence de certaines zones (Natura 2000, ZNIEFF, voir exemple), l’installation d’éolienne peut être autorisée sous réserve d’une étude d’impact approfondie.
A
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
…/…
…/…
Figure B2.2 – Exemple dans la Région Poitou-Charentes, Préfecture des Deux-Sèvres, avec les extraits de l’arrêté du 16 juillet 2007
Impact visuel
C’est une notion très subjective : certains aiment la forme élancée des éoliennes, d’autres trouvent cela inesthétique à l’image des poteaux électriques d’EDF. Pour certains opposants, on parle du syndrome NIMBY (Not In My Back Yard). 265
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
Même si l’essentiel de la population est plutôt en faveur de l’arrivée d’une technologie propre, il ne faut pas provoquer une situation de rejet. Un parc est plutôt mieux accepté lorsqu’il est composé d’une où quelques unités ; cela devient plus problématique lorsque la densité est plus importante. C’est bien là le point le plus critiquable concernant le développement de l’éolien. Pour estimer l’impact visuel des machines, des logiciels spécifiques sont utilisés pour permettre de simuler leur intégration dans le paysage (cartes de co-visibilités). En visualisant l’implantation en 3D, on peut observer le parc sous différents angles et éventuellement adapter la répartition des machines. Au cours de l’enquête publique, des photomontages, réalisés à partir de photos prises autour du site, sont aussi présentés pour donner une vision la plus réaliste possible. Des films en 3D peuvent aussi être générés à partir des applications Google Earth ou Géoportail. Les commentaires sont alors recueillis par le commissaire enquêteur. Il peut donc arriver que le projet ne soit pas réalisé sous la pression d’élus ou d’associations de riverains. Une éolienne est par ailleurs une machine tournante : le mouvement des pales peut donc entraîner des phénomènes de brillance quand elle reflète la lumière du soleil ou, à l’inverse, provoquer des zones d’ombre alternées. Ces phénomènes sont aussi pris en compte dans l’élaboration du dossier. Bruit
C’est généralement le deuxième grief à l’encontre des éoliennes. Là encore, les nombreux arguments avancés sont bien souvent subjectifs. Plus que le bruit luimême, c’est plutôt le caractère aléatoire de celui-ci (en fonction de la direction et de l’intensité du vent) ou… une mauvaise perception de l’éolien lui-même qui peuvent poser problème. Le bruit généré par les machines est d’ordre aérodynamique (la pale), mécanique et électromagnétique (nacelle). Si les éoliennes des années 1990 en faisaient beaucoup, les machines actuelles bénéficient des efforts importants réalisés pour réduire ces nuisances sonores (forme de l’extrémité de pale, amortisseurs, isolation etc.). La puissance acoustique d’une éolienne est de l’ordre de 90 à 100 dB à son pied. Le décibel est une mesure du niveau de pression acoustique, c’est-à-dire de l’ampleur des variations de pression dans l’air. À quelques dizaines de mètre, ce niveau tombe rapidement autour de 55 dB, soit l’équivalent de celui d’une conversation (voir tableau B2.1). En tout état de cause, le bruit aérodynamique, celui qui est le plus perceptible, diminue avec la distance pour finalement être recouvert par le bruit ambiant ou du vent. Ce qui importe finalement et qui est régi par le cadre réglementaire, c’est de définir la limite de ce bruit que l’on peut percevoir d’une éolienne, appelée l’émergence E : E(dB) = Niveau sonore ambiant – Bruit résiduel (sans éolienne) La législation en vigueur (décret 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage) définit les mesures à effectuer pour obtenir le bruit résiduel qui servira de base de référence. Les éoliennes en fonctionnement ne doivent alors pas dépasser une émergence de 3 dB en conditions nocturnes (22h7h) et 5 dB en diurnes par rapport au bruit résiduel correspondant (qui varie suivant les conditions de vent, les saisons etc.). Si en première approximation, il 266
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
suffirait donc de placer les éoliennes à n fois leur diamètre de toute habitation pour éviter tout problème (n étant généralement compris entre 7 et 10), la propagation du bruit dépend aussi du site, de sa topographie et de la végétation. La campagne de mesure est donc primordiale et doit être complète. Afin de mieux prendre en compte son impact lors de la constitution du dossier, le bruit rayonné est modélisé par le monteur de projet qui doit rendre ses conclusions et calculs dans l’étude d’impact. En cas de problème identifié, si l’on ne peut éloigner une machine, cette étude doit alors permettre de modifier : – le nombre d’éoliennes envisagé ; – leurs positions respectives ; – un mode de fonctionnement adapté (la nuit par exemple) ; – etc.
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Tableau B2.1 – Exemples de classification des niveaux de bruit en dB(A) Zone ou Activité
Niveau de Bruit indicatif
Seuil d’audibilité
0
Bruit de fond (zone rurale)
20 à 40
Pièce calme
30 à 40
Éolienne à n diamètres
35 à 45
Intérieur d’automobile
50
Voiture à 60 km/h à 100 m
55
Bureau collectif
60
Marteau-piqueur à 7 m
95
Avion à réaction à 250 m
105
Seuil de douleur
140
D
Avant l’obligation de l’étude d’impact, des problèmes de bruit sont d’ailleurs apparus sur plusieurs parcs, comme à Plougras en juin 2003 sur les éoliennes Jeumont J48. S’agissant d’un problème sur la machine, le défaut a été corrigé en novembre de la même année. Saisie par les ministères en charge de la Santé et de l’Environnement de juin 2006, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (Afsset) a rendu des conclusions en mars 2008 sur les « Impacts sanitaires du bruit généré par les éoliennes ». Elle rappelle par ailleurs que la France possède une des législations les plus protectrices pour les riverains. Elle constate : « Dans le cadre de l’expertise conduite par l’Afsset, il apparaît que les émissions sonores des éoliennes ne génèrent pas de conséquences sanitaires directes sur l’appareil auditif. Aucune donnée sanitaire disponible ne permet d’observer des effets liés à l’exposition aux basses fréquences et aux infrasons générés par ces machines. »
267
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
Parallèlement, de nouvelles études, telles que celle de G.P. van den Berg de 2006, montrent que cette question du bruit est plus complexe qu’initialement prévue. Elle ne dépend pas simplement du vent moyen mesuré et de son évolution verticale (voir chapitre 5) mais de la stabilité de la couche limite. En outre, d’autres sources de bruit – qui ne rentrent pas dans le critère classique d’émergence et sont potentiellement gênantes – sont présentes telles que : – l’interaction entre les pales et le mât qui produit un bruit impulsionnel, fonction de la vitesse de rotation W du rotor. Chaque machine d’un parc fonctionnant simultanément à cette même vitesse, l’effet peut être amplifié ; – les infrasons qui se propagent plus loin que les sons audibles. Même si les personnes ne l’entendent pas, ils peuvent être perçus par l’organisme. On le comprend, de nouvelles campagnes de mesures et des efforts de modélisation sont donc toujours d’actualité pour saisir toute la complexité de cette notion de bruit. Une conférence internationale sur le sujet (Wind turbine Noise) a d’ailleurs lieu tous les deux ans depuis 2005 et s’est tenue à Lyon en septembre 2007. Interférence électromagnétique
La réflexion des signaux sur une structure tournante peut provoquer des interférences sur les systèmes de télécommunication, TV et les radars. D’importantes zones d’exclusion ont rapidement été établies par Météo France autour de ses radars pour éviter des perturbations (masquage, générations de faux échos...). En outre, l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile et l’arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l’établissement à l’extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation, précisent que toute construction, dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l’eau, est soumis à autorisation des ministres chargés de l’aviation civile et des armées quand celle-ci peut constituer un obstacle à la navigation aérienne. Comme dans d’autres pays où le problème d’interférence se pose, une concertation avec l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR), les organismes militaires et civils concernés a donc été menée en France pour mieux évaluer les implications de la surface équivalente radar (SER) d’une éolienne assez importante et variable dans le temps. Cette concertation a abouti à des recommandations par l’ANFR. Pour une distance comprise entre 5 et 30 km (tableau B2.2), l’implantation de machine est soumise à avis du service compétent qui sera pris en compte dans l’instruction du dossier. Avec l’implantation de machines le long du littoral et le futur développement des parcs offshore se pose aussi la problématique des perturbations des radars fixes des Ports et Navigation Maritime et fluviale (PNM). La circulaire du 3 mars 2008, adressée aux Préfets, impose de soumettre les dossiers au Département Télécommunication du CETMEF (Centre d’Etudes Techniques Maritimes et Fluviales) et de mentionner la présence de radars dans l’élaboration des ZDE. 268
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.2 Aspects environnementaux
Tableau B2.2 – Recommandations de l’ANFR pour l’éloignement (en km) des éoliennes des radars (source Rapport ANFR 2005) Perturbation générée par une éolienne
Radar Météo Bande S (2 700-2 900 MHz) protection
coordination
Radar Météo Bande C (5 600-5 650 MHz) protection
coordination
protection
coordination
5
5 à 30
Blocage
10
10
Echos fixes
10
10
Doppler
10
30
5
Radars Aviation Civile et Défense
20
À l’aide de modélisation, les effets des pales peuvent être appréhendés lors du montage de projet. Il est même envisagé d’appliquer des corrections logicielles pour annuler ces effets sur certains radars. Cela reste un domaine assez complexe, mais qui continue à être étudié, par exemple par l’ONERA en France et Qinetic au Royaume-Uni, pour satisfaire tous les intervenants. Faune et flore
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
A
Au même titre que les sites archéologiques, la conservation et la préservation de la végétation locale doivent être naturellement envisagées lors du montage de projet. Plus que l’éolienne elle-même, ce sont les conséquences des travaux d’aménagement du site (routes, raccordement…) qu’il faut évaluer. La faune est elle aussi perturbée principalement par l’activité humaine lors de la préparation du site et la construction du parc. En phase d’exploitation, la faune terrestre ou maritime s’adapte et reprend son mode de vie (cas des ours par exemple). Suite à des mouvements de protestation, de nombreuses études ont été menées dans les pays pionniers pour mesurer l’impact des parcs. Mais cette procédure est maintenant intégrée à l’élaboration du dossier de montage et au suivi d’exploitation. Le cas des oiseaux est souvent mis en avant, car plus visible. Même si la plupart des oiseaux réagissent très bien, la palette des réactions est cependant très variée : – certains oiseaux s’éloignent, ce qui peut poser problème si leur habitat ou leur lieu de niche/reproduction est proche. D’autres, au contraire, réapparaissent à proximité des parcs (phénomène constaté à Bouin, zone d’étude ornithologique). Certains vont même jusqu’à vouloir nicher au niveau des nacelles, ce qui augmente le risque de collision ; – certains oiseaux modifient leurs vols pour éviter les éoliennes. D’autres n’hésitent pas à passer au travers du plan des pales. Dans tous les cas, les risques de collision sont très faibles. Il ne faut cependant pas exclure des problèmes particuliers qui sont apparus et qui restent à comprendre : – le cas des chauves-souris pose problème, car elles peuvent être affectées dans certains cas par les éoliennes. Plusieurs hypothèses ont été avancées (perturbation de leur radar interne etc.). Suite à l’observation d’une surmortalité le long de chemins de migration empruntés par les chiroptères dans le Sud de l’Alberta 269
D
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.3 Aspects administratifs
(Canada), une étude récente de l’université de Calgary semble avoir identifié la cause de mortalité de cette espèce : non pas la collision avec la machine, mais une forte variation de leur pression interne provoquant une hémorragie interne. Cette variation résulte de la chute de pression atmosphérique au passage des pales que la chauve-souris ne peut pas détecter ; – les rapaces sont parfois victimes de façon anormale des éoliennes dans certains parcs tels qu’à Altamont Pass (Californie, figures 3.3 à 3.6) ou à Tarifa (Espagne) où la densité de machine est très importante. Les éoliennes installées sont d’ancienne génération, généralement montées sur des pylônes en treillis et de petites capacités avec des vitesses de rotation élevées. Il s’avère que seulement certaines machines sont particulièrement néfastes sans doute par leur positionnement particulier par rapport aux habitudes de ces oiseaux.
B.3 Aspects administratifs On le comprend, l’élaboration d’un projet éolien dépasse le simple cadre de la prévision du potentiel et doit tenir compte de nombreux aspects très divers et parfois complexes. Elle est guidée et encadrée par différentes étapes réglementaires afin de lui permettre d’aboutir et d’offrir des parcs éoliens intégrés dans leur environnement naturel et humain. Différents organismes issus des services étatiques ont été mandatés pour accompagner les démarches et développer des outils et documents d’aide à la réalisation des parcs éoliens tels que : – les DIREN, Directions Régionales de l’Environnement ; – la DDE, Direction Départementale de l’Equipement ; – les DDASS, Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales, pour les aspects liés à l’étude du bruit ; – les DRIRE, Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement ; – les Préfectures, en charge de l’élaboration des ZDE, de l’enquête publique ; – les Régions, en charge de l’élaboration des Schémas Régionaux Éoliens dans le cadre de la loi urbanisme et habitat ; – les Délégations régionales de l’ADEME ; – le RTE, Réseau Transport d’Electricité ; – la DIDEME, Direction de la Demande et des Marchés Energétiques ; – les Directions Générales de l’énergie et du climat (DGEC), de l’Énergie et des Matières Premières (DGEMP), etc. Un des enseignements du programme Éole 2005 était la difficulté rencontrée par les développeurs devant le nombre des interlocuteurs à consulter et des procédures à engager. Depuis, des efforts ont été réalisés pour clarifier et répartir les responsabilités de chacun dans le processus d’instruction d’un dossier. Différentes étapes et documents sont à fournir dont les plus importants sont brièvement décrits cidessous. 270
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.3 Aspects administratifs
L’étude d’impact
L’étude d’impact est obligatoire pour tout projet de plus de 2,5 MW depuis la loi UH n°2003-590 du 2 juillet 2003. Elle est une pièce maîtresse dans la procédure d’instruction des projets. Elle est à la fois un outil de protection de l’environnement, un outil d’information et un outil d’aide à la décision. L’objectif n’est pas ici de recenser toutes les informations, méthodes et critères relevant de l’étude d’impact. Il suffit de se référer pour cela au guide de l’ADEME (réactualisé en 2006) qui synthétise la démarche, le cadre réglementaire et les thèmes suivants :
A
– les risques naturels : dispositifs réglementaires et d’information préventive, risques climatiques, risque incendies de forêt etc. ; – le milieu naturel : analyse de l’état initial de l’environnement, de la faune et flore, analyse des impacts, mesures etc. ; – patrimoine culturel : protection des monuments historiques, des sites etc. ; – le bruit et santé publique : réglementation, mesures préventives ou réductrices etc. ; – l’urbanisme : respect des plan local d’Urbanisme (PLU), plan d’Occupation des Sols (POS), des lois Littoral et Montagne etc. ; – les servitudes techniques : radioélectriques, aéronautiques et autres ; – paysage : paysage au stade de l’état initial, analyse des impacts, mesures, etc. ; – offshore.
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Cette étude doit démarrer dès le début du projet et évoluer au fur et à mesure de son évolution jusqu’à la consultation publique, ceci pour éviter l’apparition d’éventuels problèmes, sources de délais supplémentaires voire d’annulation.
La demande de raccordement
La procédure de raccordement électrique est assez lourde puisqu’elle comprend l’élaboration d’un avant-projet, d’une proposition technique et financière, d’une convention de raccordement et enfin d’un contrat d’accès au réseau. La demande de raccordement s’effectue auprès du gestionnaire national du réseau, le RTE (ou les délégations régionales) depuis la loi du 10 février 2000. La demande est alors placée dans une file d’attente tant que la viabilité du projet n’est pas vérifiée (figure B3.1). Elle est finalement étudiée lorsque le promoteur fournit la notification du délai d’instruction du permis de construire (signe que le dossier 271
D
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.3 Aspects administratifs
est complet). Le coût de raccordement est à la charge du promoteur ; les éventuels renforcements des lignes électriques du RTE.
Figure B3.1 – Synthèse des étapes et délais pour la procédure de raccordement
Cette démarche intervient donc en parallèle de celle pour l’obtention du permis de construire. Mais finalement, elle induit des délais supplémentaires avant de pouvoir commencer les travaux… alors que le permis est accordé. De plus, si des renforcements du réseau sont nécessaires, on entre dans de nouvelles procédures avec enquête publique qui provoquent un nouveau délai. L’enquête publique
Figure B3.2 – Synthèse des étapes et délais pour l’enquête publique
L’enquête publique est devenue obligatoire depuis la loi du 2 juillet 2003 pour toute installation de plus de 2,5 MW. Elle est nécessaire pour la délivrance du permis de construire et dure de un à deux mois. Le Préfet organise le déroulement de cette enquête avec les communes concernées et la nomination du commissaire enquêteur (ce qui peut demander plus de temps que les 15 jours recommandés). 272
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.3 Aspects administratifs
Au cours de cette enquête, le public est informé et est sollicité pour apporter commentaires, suggestions et contre-propositions. Cette procédure officialise la concertation locale. L’ensemble des observations est consigné par le commissaire qui doit rendre ses conclusions. Le permis de construire
La démarche d’obtention du permis de construire est obligatoire pour tout édifice de plus de 12 m. Pour l’éolien, elle est la colonne vertébrale du montage de projet car elle conditionne plusieurs étapes (figure B3.3) : – l’examen du dossier constitué par le promoteur (dont la version initiale de l’étude d’impact avec étude paysagère). Il est fourni au Maire de la commune qui le transmet aux différentes administrations concernées pour avis (DDE, DIREN…) ; – la nomination d’un commissaire enquêteur et le déclenchement de l’enquête publique ; – la poursuite de la procédure de raccordement.
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Figure B3.3 – Synthèse des étapes et délais du parcours administratifs avant travaux
Le permis est accordé par le Préfet généralement après l’examen des avis et des conclusions du commissaire enquêteur par la Commission Départementale de la nature, des Paysages et des Sites. Le délai légal d’instruction est de 5 mois. Le développeur doit encore ajouter deux autres démarches : – demande d’autorisation ou déclaration (en dessous des 4,5 MW) d’exploitation auprès du Ministère en charge de l’Énergie, suite au décret n° 2000.877 du 7 septembre 2000. La DIDEME doit statuer dans les 4 mois ; – demande auprès du Préfet le certificat d’obligation d’achat, pour bénéficier d’un contrat de vente commercial auprès de l’opérateur d’électricité (décret du 27 mars 2003). La DRIRE doit instruire cette demande dans un délai de 2 mois. Avec l’établissement des ZDE, l’obtention de ce certificat devient automatique. 273
A
D
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.4 Exemple de réalisations
Dans le meilleur des cas, avec un dossier qui ne pose pas de problèmes, le délai d’instruction total est donc de 3 ans. Si des éléments sont à affiner, compléter ou modifier, il n’est pas rare d’atteindre les 5 ans. Enfin, la phase de construction est de l’ordre de 8 mois auxquels s’ajoutent les séquences de test avant la mise en service.
B.4 Exemple de réalisations Parc de Goulien (Bretagne)
Figure B4.1 – Vue des machines Neg-Micon sur le site de Goulien (crédit photo : Olivier Sébart/ADEME 2000)
Le parc breton de Goulien est situé près du Cap Sizun, à 12 km à l’est de la Pointe du Raz. Sur la commune se situe une réserve ornithologique aux colonies de mouettes tridactyles et de guillemots de troïl. C’est la première réalisation en Bretagne qui, dans le cadre d’Éole 2005, bénéficie d’un contrat de rachat avec EDF sur 25 ans (avec tarif privilégié pendant 15 ans). À ce titre, elle est souvent reprise comme exemple. La mise de fond n’est que de 345 k€, soit 5 % du coût total, car ce site a bénéficié de subventions à hauteur de 15 %. L’endettement correspond donc à 80 % de l’investissement initial. 274
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.4 Exemple de réalisations
Tableau B4.1 – Principales caractéristiques du parc de Goulien (source ADEME) Parc de Goulien
Données
Chiffres
Aérogénérateurs
8 Neg-Micon de 750 kW
6 MW au total
Promoteurs
Maître d’oeuvre : CEGELEC/Neg-Micon Etudes et développement : EED
coût total : 6,8 M€ machines : 5,13 M€ (76 %) raccordement : 0,7 M€ (10 %)
Production annuelle
Vitesse moyenne 25 km/h
14 GWh taux de charge : 28 %
Exploitation
A
coût : 181k€/an
Tableau B4.2 – Principales étapes du parc de Goulien (source ADEME) Étapes
Période / date
Décision d’implantation
octobre 1997
Permis de construire
11 janvier 1999
Construction
juin 1999
Mise en service
mars 2000
D
Parc Éolien de Bouin (Vendée)
Au moment de son installation en 2003 par SIIF Énergies France (maintenant EDF Énergies Nouvelles) et la REVe (Régie d’Electricité de Vendée), ce parc était alors le 1er en Vendée et dans la région des Pays de la Loire et le plus puissant en France
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Tableau B4.3 – Principales caractéristiques du parc de Bouin (source ADEME) Parc de Bouin
Données
Chiffres
Aérogénérateurs
8 Nordex
5 de 2,4 MW + 3 de 2,5 MW soit 19,5 MW au total
Promoteurs
Maître d’œuvre : EDF Énergies Nouvelles Etudes et développement : AL TECH
coût total : 23 millions d’€
Production annuelle
Vitesse moyenne 22 km/h
45 à 50 GWh
Le parc est implanté sur une bande d’environ 2,2 km dont les terrains, propriété de la Commune de Bouin et de particuliers, sont situés à 500 m de la lagune de Bouin, lieu ornithologique géré par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Ce qui aurait pu être une situation potentiellement source de conflits a été résolu par une très importante concertation avec les acteurs de la région. 275
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.4 Exemple de réalisations
Figure B4.2 – Vue des machines Nordex sur le site de Bouin (crédit photo : JM Delletang)
Malgré ses particularités, la mise en service du parc a ainsi été particulièrement rapide. Le suivi de l’exploitation du parc est par ailleurs riche d’enseignements sur l’évolution et l’adaptation de la population avifaune proche. Tableau B4.4 – Principales étapes du parc de Bouin (source ADEME) Etapes
Période / date
Etudes préliminaires
2000/2001 évaluation potentiel et études d’impact
Décision d’implantation
9 mai 2000 (conseil municipal de Bouin)
Permis de construire
12 décembre 2001
Construction
septembre 2002 - février 2003
Mise en service
juin 2003
Parc Éolien de Summerview (Alberta, Canada)
Il est intéressant de comparer avec un autre parc installé à la même époque mais dans d’autres conditions au Canada. Les conditions de réalisation d’un parc sont assez similaires dans la démarche (voir bibiliographie). Le temps d’instruction est finalement comparable à un projet français. 276
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.5 Bibliographie
Tableau B4.5 – Principales caractéristiques du projet (source canWEA) Parc de Bouin
Données
Chiffres
Aérogénérateurs
38 Vestas de 1,8 MW
68,4 MW au total
Promoteur
Vision Quest
coût : 3,5 millions de $ (hors machines)
Production annuelle
209 GWh
A
Tableau B4.6 – Principales étapes du projet (source canWEA) Etapes
Période / date
Etudes préliminaires
2001 évaluation potentiel
Décision d’implantation
2001
Mise en oeuvre
mars 2003
Construction
février 2004
Mise en service
septembre 2004
D
B.5 Bibliographie m Publications en langue française
Journal Officiel de la République Française, www.legifrance.gouv.fr : Loi n°2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, NOR: ECOX9800166L, 10 février 2000 Loi n°2005-781 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, Loi POPE, NOR: ECOX0400059L, 13 juillet 2005
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Dispositions relatives à la création des zones de développement de l'éolien terrestre, NOR: DEVD0650385C, Circulaire du 19 juin 2006 Les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent, Décrets, arrêtés, circulaires, 26 juillet 2006 AFFSET, Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, www.affset.fr Impacts sanitaires du bruit généré par les éoliennes, mars 2008 Région Haute-Normandie, Méthodologie pour la prise en compte du bruit dans les projets éoliens, avril 2006 ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, www.ademe.fr : 277
B • Montage de projet pour un parc éolien
B.5 Bibliographie
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B • Montage de projet pour un parc éolien
B.5 Bibliographie
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279
A
D
C • NOMENCLATURE
A
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C Cp Cz Cx f F H0 Ib It Kb Kd Kq M q r R S T V0 Vr a b d j eb ed l r q y w W
Ø
N.m
Hz N m kg.m² kg.m² N.m N.m N.m N.m rad.s–1 m m m² N m.s –1 m.s –1 ° ° ° °
kg.m–3 ° ° rad.s–1 rad.s–1 m
Couple Coefficient de puissance Coefficient de portance d’un profil Coefficient de traînée d’un profil Fréquence Force dans le plan rotor Hauteur de la nacelle Moment d’inertie massique de la pale Moment d’inertie en torsion Raideur de l’articulation de battement Raideur de l’articulation de traînée Raideur de l’articulation de torsion Moment d’une force Vitesse angulaire de rotation autour de l’axe de lacet de l’éolienne Position en envergure (rayon) d’une section élémentaire de pale Rayon total d’une pale (du centre du rotor à l’extrémité de la pale) Surface normale à la direction du vent Traction Vitesse moyenne axiale du vent en amont de l’éolienne et à la hauteur H0 Vitesse relative du flux local Angle d’incidence Angle de battement Angle de traînée Angle de calage Excentricité de l’articulation de battement (ramenée au rayon R de la pale) Excentricité de l’articulation de traînée (ramenée au rayon R de la pale) Vitesse spécifique = WR/ V0 Masse volumique de l’air Angle de torsion Azimut de la pale Pulsation de la fréquence f (w = 2πf ) Vitesse angulaire de rotation de la pale Diamètre du rotor 281
D
BIBLIOGRAPHIE
m Partie A M Historique français
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D
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291
A
D
INDEX
A
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ADEME 46, 97 AEP (Annual Energy Production) 214 aérodynamique 139, 161, 172 aéroélasticité 146 aérogénérateur 185 Vestas 200 aérowatt 46 UM 70 58 Aerpac 120 AFME 46, 50, 54 Ailleret, Pierre 22 alternateur à aimant permanent 190, 214 Argand, André 22 autorégulation 198
CNEEL 54 coefficient de puissance 114 Constantin, Louis 10, 12 constructeur d’éolienne 74 contrôle 159, 160, 183, 197, 201, 218 convertisseur pleine puissance 188 statique 203 de puissance 188 corde 139 moyenne du profil 141 couplage 196 au réseau 217 couple 115, 152 courant alternatif triphasé 191
B
D
ballast 84 battement 131, 134, 146, 149, 155, 161, 170, 175, 181 BEST 24, 47, 50 bipale 120 black-out 217 boundary layer fences 167 buckling 123
Darrieus, Georges 14 décrochage 142, 144, 150, 154, 157, 165 démarrage 153, 165 DOWNVinD 86 downwind 27, 39, 120
C calage 153, 156, 159 CFRE (Carbon Fiber Reinforced Epoxy) 122 chaîne de conversion électrique 204 CLIPPER 211
E E.ON Netz 217 échelle méso 92 EDF 22 effet de rotation 164 Eiffel, Gustave 91 ENERCON 217 entraînement direct 208 Envisat 93 293
Index
L
Éole 2005 70 épaisseur 139 époxy 122 essai statique 134 extrémité 139
F facteur de puissance 192, 198 fatigue 136, 162 fibre de verre 122 flambage 122 flexion 170 fonction de distribution de Weibull 105 foudre 127 freinage 157 fréquences de ces modes 133 friction (vitesse) 98 frottement (vitesse) 98
G Gedser 36, 43 générateur de vortex 166 synchrone 189 génération électrique 185 génératrice asynchrone 195 à rotor bobiné 201 gestionnaire du réseau électrique 108 GFRE (Glass Fiber Reinforced Epoxy) 122 gisement éolien 102 givrage 127 glissement 194, 199, 201 GROWIAN GROsse WInd ANlage 202
H Hütter 35
I IEA (International Energy Agency) 177 incidence 141 294
La Cour, Poul 10, 12 LAGERWEY 210 LCM (Liquid Composite Molding) 124 Le Jéloux 59, 60 lidar 94, 100 limite de Betz 111 LM Glasfiber 120 logiciel 108 LVRT(Low Voltage Ride-Through) 219
M machine asynchrone 191 synchrone 197 marché mondial 67 mât de mesure 100 matériaux 120 Météo France 93 MM5 (Mesoscale Modelling system) 95 MOD (prototype) 39 mode 169 de pale 128 monitoring 138 monopile 84 montée en puissance 153 moyeu 174, 181 Multibrid 213 multipales 227 multiplicateur 195, 205
N NASA 39, 42 Neyrpic 21, 31 Nogent-le-Roi (prototype) 27 nombre de pales 179 NREL (National Renewable Energy Laboratory) 177
O offshore 78, 215, 223 Optislip® 200
Index
P pale 119 nombre 179 pas 159 polaires 2D 141 portance 140, 164 potentiel 102, 106, 111 poussée axiale 152 profil 139 progiciel 108 prototype de Nogent-le-Roi 27 de Saint-Rémy-des-Landes 32
Saint-Rémy-des-Landes (prototype) 32 sillage 112, 167 SPA (Strain Pattern Analysis) 139 stall strips 166
T taux de charge 104 torsion 150 traînée 112, 140, 149, 168 triangle des vitesses 152 tripale 27, 120, 175 turbulence atmosphérique 98
U Q
upwind 42, 120
quadripole 84
V
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
R raideur 135 RAMS (Regional Atmospheric Modelling System) 95 Ratier-Figeac 55 régulation 157 REpower 202 réseau couplage 217 rigidité 135 RISØ 42 Romani, Lucien 24, 50 rotor 179 bobiné 204 RotorOpt 223 RTM (Resin Transfer Moulding) 124 rugosité 97
Vadot, Louis 21, 31 VENSYS 210 vent (mesure) 91 Vergnet 48, 61 Vestas 200 vibration 30, 57, 60, 169 vitesse de flottement 98 incidente 141, 152 moyenne 95 spécifique 114 vrillage 139, 157
W WinWinD 213
Z S S4WT (Samcef for Wind Turbine) 223
ZDE (Zones de Développement Éolien) 73
295