Jacques GARELLO Georges LANE
FUTUR DES RETRAITES & RETRAITES DU FUTUR
1. Le futur de la répartition
IREF CONTRIBUABL...
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Jacques GARELLO Georges LANE
FUTUR DES RETRAITES & RETRAITES DU FUTUR
1. Le futur de la répartition
IREF CONTRIBUABLES ASSOCIES Éditeurs
L'IREF, Institut de Recherches Economiques et Fiscales, a été fondé en 2002 par des universitaires et des personnalités du monde des affaires pour observer et analyser les politiques économiques actuelles, en particulier dans une Europe confrontée aux défis de la mondialisation. L'IREF veut être l'un des acteurs d'un débat rigoureux et non partisan autour des réformes mises en œuvre dans l'espace européen. Au cœur de ces réformes, celles qui concernent la fiscalité sont déterminantes, car elles impliquent de véritables choix de société. Dans certains pays, dont la France, ces choix sont difficiles ou différés. L'IREF se propose de les éclairer. L'IREF a tenu des colloques dans l'Europe entière: Rome, 20 janvier 2004 : Fiscalfederalism in the European Union. Paris, 24 Avril 2004 : Le futur des impôts en Europe. Aix-en-Provence, 30 Août 2004: La fiscalité et l'esprit d'entreprise. Bruxelles, 28 septembre 2005 : Public Debt today, Unemployement tomorrow. Genève, 6 décembre 2005 : Dette publique aujourd'hui, chômage demain. Prague, 23 avril 2006 : Taxation and Justice. Paris, 10 mai 2006 : La flat tax: faire de l'Europe un paradis fiscal. Lyon, 1er juin 2006 : Finances locales et décentralisation. Aix en Provence, 29 août 2006: Concurrence ou harmonisation fiscale en Europe ? Turin, 13 mars 2007 : La loi Director : qui bénéficie des transferts sociaux de l'Etat? Berlin, 9 novembre 2007 : La concurrence fiscale pour un Etat responsable. Prague, 18 avril 2008 : European Tax : Bad or Good ? L'IREF a mené et publié plusieurs travaux scientifiques: La décentralisation fiscale (2003) V. CURZON-PRICE et J. GARELLO.
Taxation and Economie Growth (2005), D. TOHAC, A. ROBSON. Public Debt, Public Expenses and Growth (2005), P. GARELLO et P. MINFORD. Taxation and Justice (2006) P.OROGVANYLOVA, P. BESSARD et D. PELLERIN. Finances et Libertés Locales (2006), G. BRAMOULLE. Taxing Wealth - What for? (2007), J.SCHNELLENBACH, P.BAGUS, D.PELLERIN. European Tax : Bad or Good ? (2008), J. TOSER et M. TROVATO. Taxation in Europe (2008), P. GARELLO et alii. Tous les événements, travaux et rapports de l'IREF sont facilement accessibles sur le site (français et anglais) www.irefeurope.org. Ce site donne également accès à la plupart des statistiques et documents de base sur la fiscalité. Il commente les ouvrages récents sur la fiscalité et assure une véritable veille fiscale européenne grâce à son réseau de correspondants dans une trentaine de pays.
CONTR\BU ,BLiS ASSOCiES
Contre l'oppression fiscale la pression des contribuables
La mISSIon de CONTRIBUABLES ASSOCIÉS est d'organiser la pression des contribuables contre l'oppression fiscale. L'oppression fiscale étouffe l'initiative privée, pénalise l'entreprise et atteint gravement l'épargne et le patrimoine. Elle prend la forme séculaire des impôts, mais au XXO siècle elle se modernise et se renforce avec les prélèvements sociaux obligatoires. Nous ne voulons pas faire de différence subtile entre fiscalité et «para-fiscalité », une expression nouvelle pour faire croire que les cotisations de Sécurité Sociale ne sont pas des impôts, alors qu'elles en ont toutes les caractéristiques: obligatoires, arbitraires, débouchant sur des dépenses incontrôlées et une bureaucratie envahissante. Il y a pourtant une seule et vraie différence: les administrations d'Etat et les collectivités locales ne peuvent pas
faire faillite, alors que la Sécurité Sociale est en voie d'explosion. C'est en particulier un énorme danger qui menace les retraites. Que se passe-t-il pour les assurés quand l'assureur dépose son bilan? Le contribuable va-t-il payer à la place de l'assuré? L'ouvrage de Jacques GARELLO et Georges LANE a le mérite de dire la vérité sur le futur des retraites. Cette vérité est connue de tous les experts, des pages entières de rapports officiels l'ont mise en évidence. Mais elle n'est pas bonne à dire, car personne n'ose aller au fond du problème: c'est le système de répartition sur lequel est fondée l'assurance vieillesse qui est condamné, et condamne du même coup et dans un proche avenir les retraités actuels à perdre un peu plus encore de leur pouvoir d'achat, et les retraités futurs cotisants à payer une dette sociale aussi lourde que la dette publique, sans pour autant avoir quelque certitude sur le sort qui les attend quand ils se retireront à leur tour . Il faut toute l'indépendance de la pensée universitaire et toute la connaissance du dossier des auteurs pour informer sérieusement et complètement les Français. CONTRIBUABLES ASSOCIÉS a donc voulu s'impliquer dans cette croisade de vérité. Mais avec Jacques GARELLO et Georges LANE nous pouvons aller plus loin et rendre espoir à des millions de Français, en regardant du côté des vraies solutions, celles qui sont proposées aujourd'hui par la science économique et financière, et qui sont déjà appliquées avec succès dans de nombreux pays. Nous faisons volontiers ce chemin en leur compagnie. Ce faisant CONTRIBUABLES ASSOCIÉS ne renonce pas à l'une de ses revendications: l'égalité des retraites entre les secteurs public et privé. Nous complétons simplement l'information de nos membres, qui doivent savoir que l'égalité des retraites entre les secteurs public et privé éviterait certes que les retraités du privé ne financent les retraites privilégiées du public, mais ne réglerait pas tous les problèmes. Une réforme d'ensemble du système de retraites sera absolument nécessaire.
Alain MATHIEU Président de CONTRIBUABLES ASSOCIÉS
PRÉFACE A qui s'adresse cet ouvrage et quel est son intérêt? Cet ouvrage s'adresse par priorité à Il millions de retraités français et 17 millions de cotisants, futurs retraités. Certains d'entre vous sont déjà inquiets pour le futur de leurs retraites, d'autres vont découvrir peu à peu qu'ils ont quelques soucis à se faire. Vous suivez avec plus ou moins d'attention les débats et négociations à propos de la durée de cotisation, de l'âge de la retraite, du travail des seniors, du montant des pensions et des prélèvements. Les plus avisés et les plus fortunés parmi vous prennent des précautions pour leurs vieux jours. Les plus mécontents sont révoltés et manifestent. Mais vous avez tous le sentiment que l'argent s'en va en fumée, que votre pouvoir d'achat est et sera diminué. Allez-vous vous résigner? En même temps vous vous demandez où est passé, où passe l'argent versé à la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse. Vous vous apercevez alors que vous ignorez l'essentiel de ce qui concerne ce système, dont on vous a pendant des années vanté le caractère unique au monde. Votre ignorance n'a rien d'étonnant: la vérité vous a été masquée, les responsables de cet état de fait n'ont cessé de vous rassurer pour finalement vous demander toujours plus et vous donner toujours moins. Cet ouvrage s'adresse d'ailleurs aussi à ces responsables: gouvernants, élus du peuple, leaders des organisations syndicales et patronales. Certains d'entre vous sont conscients depuis des années qu'il y a un risque d'explosion, parce qu'ils connaissent les dizaines de rapports d'experts qui ont tiré la sonnette d'alarme depuis plus de dix ans. Mais vous n'avez rien fait à ce jour, soit parce que vous tiriez avantage de la situation, soit plus souvent parce que vous n'aviez pas le courage de dire la vérité. Devant l'énormité et la complexité du problème vous avez pratiqué soit la fuite en avant, soit la politique des petits pas là où la thérapie de choc s'imposait. Allez-vous une fois de plus pratiquer des réformes de façade - pour sauver la face et ménager votre crédibilité? Allez-vous condamner des millions de Français à la précarité? Aujourd'hui vous comprenez qu'un changement durable s'impose. Sur le sujet de grandes négociations et de lourdes décisions doivent s'engager en ce printemps 2008. Un échec ou une erreur ne ferait que reporter de quelques mois l'heure de vérité. L'intérêt de cet ouvrage est d'orienter ces désirs et ces efforts de réforme dans la bonne direction.
Et c'est aussi l'intérêt pour tous les Français de connaître cette bonne direction, et d'exiger de leurs représentants politiques ou sociaux qu'ils s'engagent. « Contre l'oppression fiscale la pression des contribuables» disent nos amis de CONTRIBUABLES ASSOCIÉS. L'oppression des « prélèvements sociaux» n'est pas moins éprouvante que celle des impôts, et les assurés comme les contribuables peuvent faire pression pour que les réformes aillent dans la bonne direction. Mais quelle est cette « bonne direction» ? Un autre intérêt de cet ouvrage est de rechercher et de trouver la bonne direction dans une analyse rigoureuse et scientifique du régime actuel de nos retraites, en dehors de toute position idéologique ou partisane. Cette étude n'est ni de droite ni de gauche, elle est (ou se veut) objective. Elle s'appuie sur les études et observations faites depuis des années dans le monde entier, car les interrogations sur le futur des retraites ne sont ni nouvelles ni françaises. La conclusion unanime est de prédire l'effondrement inéluctable des systèmes de répartition dans les pays vieillissants, puisque la répartition suppose que les pensions des retraités soient intégralement payées par les cotisations des actifs. Certes, cette solidarité intergénérationnelle est sympathique à plus d'un titre, mais elle est devenue purement et simplement impossible. Il est précisément intéressant de voir quelles solutions ont été proposées et mises en œuvre dans les divers pays qui ont connu ou connaissent les mêmes difficultés que les nôtres. La plupart des solutions tournent autour de l'introduction plus ou moins progressive de techniques de capitalisation. Cela sera évoqué au cours de ce volume, mais nous consacrerons à cette étude internationale un deuxième volume, destiné à être publié au cours de l'été prochain. Mais pour nous Français il est encore plus intéressant de savoir comment nous pourrions gérer la transition qui peut conduire de la répartition intégrale à la capitalisation intégrale. Cette transition est une opération délicate, tant du point de vue politique que technique, mais elle peut et doit être réalisée pour le plus grand bénéfice des retraités et des cotisants, pour ses effets sur la croissance économique et l'harmonie sociale. Elle mérite un traitement particulier, et nous lui consacrerons le troisième volume de notre trilogie. Nous proposons ainsi à nos lecteurs de nous accompagner dans un périple intellectuel qui nous conduira du système actuel, où il n'y a aucun futur pour les retraites, à un nouveau système où se développeront les retraites du futur. Jacques GARELLO et Georges LANE 14 avril 2008
AVERTISSEMENT AUX LECTEURS Cet ouvrage se propose de vous expliquer simplement ce qui est horriblement compliqué et mystérieux pour la plupart d'entre vous. Vous avez raison: le problème des retraites est un véritable défi à l'intelligence, seuls quelques experts semblent s'y retrouver, mais leurs opinions divergent. Il en est ainsi pour deux raisons. D'une part le système d'assurances vieillesse est lui-même une usine à gaz, au point que personne ne s'y reconnaît, même pas la Cour des Comptes et les commissions officielles chargées de contrôler, d'orienter et de réformer. D'autre part l'ignorance qui découle de la complexité est volontairement entretenue par tous ceux qui ne veulent pas vous dire la vérité, parce qu'elle serait trop dérangeante pour trop de gens - à commencer pour ceux qui abritent leurs privilèges derrière l'écran de fumée, à continuer pour ceux qui n'ont pas le courage de la réforme. Nous vous proposons d'y voir enfin clair, et de vous dire toute la vérité sur le futur des retraites et les retraites du futur. Dans le cadre de l'assurance vieillesse de la Sécurité Sociale, il n'y aucun futur pour vos retraites, sachez-le. Il faut donc se faire à l'idée qu'un nouveau système de retraites doit se mettre en place pour vous aider à sauver ce qui peut l'être. Pour expliquer simplement ce qui est horriblement compliqué, nous avons fait un double effort: pédagogique et scientifique. Le texte qui vous est présenté ici est dans le style le plus direct et le plus clair possible, compte tenu du problème à traiter. Il ne devrait pas vous sembler inaccessible, il voudrait au contraire soutenir votre attention. Cependant, on n'a pas le droit de vous priver des informations et des argumentations scientifiquement établies qui sous-tendent le texte. Vous les trouverez en notes, en annexes, et dans tous les renvois à des rapports, articles et ouvrages qui seront regroupés dans le site de l'IREF, www.irefeurope.org. Cet ouvrage est divisé en trois volumes. Celui-ci fait l'état des lieux et s'intéresse au futur des retraites.
Un deuxième volume explorera les retraites du futur, telles qu'elles se mettent en place dès aujourd'hui dans plusieurs pays. Un troisième détaillera comment organiser en France la transition des unes aux autres, de la répartition à la capitalisation; ce travail est inédit, à notre connaissance. Le futur de nos retraites: la répartition. Les retraites du futur: la capitalisation. La transition.
Chapitre 1
LA FAILLITE Quand il Y a davantage d'argent qui sort des caisses qu'il n'en rentre, on parle d'un déficit. Quand les déficits s'accumulent, on s'endette, et quand on ne peut plus s'endetter davantage, on est en faillite. Notre système de retraites actuel est à la veille de la faillite. Qu'est-ce que cela signifie concrètement? 1° les retraités actuels vont voir progressivement le montant de leurs pensions diminuer; 2° les futurs retraités n'auront que des pensions très inférieures à celles des retraités actuels; 3° en attendant, on demandera à ces futurs retraités de cotiser davantage. Cette faillite est annoncée par une série de rapports officiels, dont tous les cercles politiques ont eu connaissance, mais dont personne n'a tenu compte. C'est une réalité incontournable, due à l'écart croissant entre le nombre de personnes en activité et le nombre de retraités. Cet écart s'explique par des facteurs démographiques: la population française, comme d'autres, vieillit, et (fort heureusement) vit plus longtemps. Mais aussi par des facteurs économiques: on se met au travail plus tard, on se retire plus tôt. Cela signifie qu'au niveau de chacun d'entre nous, on paiera davantage pour avoir moins. En gros, de nouveaux sacrifices seront imposés aux jeunes générations, sans que les plus âgés aient pour autant des conditions de vie acceptables. Il en est ainsi parce que la France a fait le choix d'un système de retraite « par répartition ». L'argent de vos cotisations n'est pas mis de côté pour ressortir le jour de votre retraite. Il est immédiatement réutilisé pour payer les pensions des retraités actuels. La Sécurité Sociale ne fait pas des économies à votre place, elle n'épargne pas pour votre compte, elle prend aux uns pour donner aux autres. Quand il y a plus des uns que des autres, le système peut fonctionner, quand c'est l'inverse c'est la faillite. Concrètement, quelles en seront les conséquences pour vous? Partons des chiffres actuels. Ce système qui vous conduira à de lourds sacrifices vous coûte d'ores et déjà très cher. Pour un Smicard, c'est un quart de son salaire. Pour un salarié qui gagne deux fois le SMIC c'est un tiers de son salaire. En face de ces coûts, combien d'argent retrouverez-vous à la sortie?
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La faillite, cela veut dire 40 % de dépenses non couvertes par des recettes. Si on reste dans le piège actuel, il faudra ou bien diminuer les pensions de 40 %, ou bien augmenter les cotisations de 40 %, ou bien couper la poire en deux: 20 % en moins pour les retraités, 20 % en plus pour les cotisants. Il serait peut-être temps de s'occuper sérieusement de la Sécurité Sociale. Pourquoi n'a-t-on rien fait? Et que peut-on faire?
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1. TOUS LES RETRAITÉS SONT-ILS SOUMIS AU MÊME RÉGIME? Avant de décrire le système actuel de retraites et la façon dont il va évoluer, il faut s'entendre sur l'objet de l'étude. En effet, il n'y a pas UN système de retraites, mais en réalité une très grande variété: régime général, régime des salariés agricoles, régime des fonctionnaires civils et militaires, régime des ouvriers d'Etat, régime des agents des collectivités locales, régimes spéciaux (mines, SNCF, RATP, Marine, EDF-GDF, Banque de France, etc.), régimes non salariés (exploitants agricoles, commerçants, artisans, professions libérales etc.). Au total, pas loin d'une vingtaine de régimes différant par leurs bénéficiaires, leur gestion, leur taux, leurs prestations 1• Il est possible d'examiner en détail chacun de ces régimes, cet examen ferait apparaître des inégalités profondes, et souvent même surprenantes. On s'apercevrait bien vite que si certains régimes sont (et peut-être demeureront) très avantageux pour les retraités, c'est aux dépens de la caisse commune, ou en infraction à la règle commune, celle qui concerne la moitié des retraités, ceux qui ne sont ni salariés agricoles, ni agents des collectivités locales, ni cheminots, ni employés de la banque de France ou clercs de notaires, ni commerçants ou artisans. Pour avoir une vue réaliste et précise, le choix a donc été ici celui de s'intéresser au seul régime général, régime de base obligatoire, qui concerne la plus grande partie de la population. Du même coup sont aussi en dehors du champ de l'étude les régimes complémentaires, les assurances volontaires, et tous autres moyens d'arrondir et de garantir les retraites correspondant au régime général obligatoire 2 • 1. L'annexe A (infra p. 40) indique le détail des régimes aujourd'hui en place et donne une idée de leur importance relative à travers le nombre de retraités concernés. 2. Le choix de centrer cette étude sur le seul régime général obligatoire est délibéré, parce que la plupart des travaux publiés sur les retraites, qu'ils soient français ou émanant d'institutions internationales (comme l'OCDE, La Commission Européenne et surtout la Banque Mondiale) mélangent volontiers retraites de base et retraites complémentaires, retraites des salariés du
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La population couverte par l'étude était donc au 1er Juillet 2007 de :
11 700 000 retraités et 17 000 000 cotisants (futu rs retraités)
2. PLUS DE RETRAITÉS, MOINS DE COTISANTS Le système par répartition consiste à faire prendre en charge les retraités par les personnes encore en activité. Les cotisations sont immédiatement affectées au versement des pensions. Quand on vous retient de l'argent sur votre salaire, ce n'est pas pour votre retraite future, mais pour la retraite actuelle de quelqu'un autre. Quand, à votre tour, vous serez à la retraite, vous vivrez sur l'argent des cotisants. Ce système est présenté comme un geste de solidarité intergénérationnelle : les parents ont aidé les enfants, qui aident les parents, et ainsi de suite. Mais la chaîne de la solidarité peut se distendre, voire se rompre, s'il y a de plus en plus de retraités et de moins en moins de cotisants. Illustrons le phénomène par un calcul simple, même si les chiffres retenus sont fantaisistes. A trois cotisants pour un retraité, c'est l'abondance. A supposer que la retraite soit à 60 % du salaire moyen d'un actif 3 , il suffit à un actif de donner 20 % de son salaire pour payer la pension d'un retraité. A deux cotisants, c'est un lourd sacrifice: il faut que l'actif se dépouille de 30 % de son salaire. A moins de deux, cela devient une vraie pénalité, et il faut ou bien que le cotisant accepte de payer la moitié de son salaire, ou bien que le retraité se contente d'une pension réduite à moins de la
privé et des fonctionnaires, au détriment de la clarté et de la rigueur scientifique. 3. Ce chiffre, on le rappelle, est purement fantaisiste, car l'idée de « salaire moyen », entre autres, ne tient pas compte de l'évolution des salaires au cours d'une carrière. La charge pour un cotisant en début de carrière est sans doute différente de celle d'un salarié en fin de carrière.
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moitié du salaire moyen. Les vaches maigres sont pour tout le monde. Or, nous sommes entrés dans les années de vache maigre, si l'on suit l'évolution du nombre de cotisants et de retraités.
Evolution prévue des cotisants et retraités du régime général 1995-2015 (en milliers) 18000 16000 14000 12000 10000 8000 6000
16.581
16854 140.56
_-------~---------_---~------11884 _--(t-----10226 -------9207 80.52
_---J>
13.599 ----- Cotisants ~Retraités
4000
2000
O-l------+------+------t------1 199.5
2000
200.5
2010
201.5
Source: Sénat http://senat.fr/rap/I03-059-3/103-059-31.html
Cette évolution s'est accélérée depuis quelques années. Qu'on compare le rapport entre cotisants et retraités depuis quarante ans 4 : 1960
1970
1980
1990
2000
4,14
3,80
2,68
1,88
1,59
Nous sommes donc tombés bien en dessous du seuil de deux cotisants pour un retraité, et on tend vers un cotisant pour un retraité: chaque actif aura seul à sa charge la totalité de la pension d'un retraité !
4. Source: Cinquième rapport du Conseil d'Orientation des Retraites, COR novembre 2007.
16 2006
2015
2020
2030
2040
Nombre de cotisants
16,8
18,3
18,5
18,6
18,8
Nombre de pensionnés 5
10,5
13,8
15,3
18,6
21,0
(en millions)
3. MAIS OÙ SONT PASSÉS LES COTISANTS? Voyons comment on en est arrivé à ce déséquilibre qui compromet l'avenir immédiat du système de retraites, cela nous permettra de savoir s'il y a une chance d'échapper à la faillite. Ce qui vient immédiatement à l'esprit, c'est le vieillissement de la population : - il y a moins de jeunes, les générations ne se sont pas renouvelées; - on vit plus longtemps, de sorte que les années de retraite s'allongent. Le vieillissement de la population est amorcé depuis plusieurs années, et a toutes chances de s'affirmer davantage encore dans les quarante années à venir (tableau ci-dessous)6.
Composition par tranches d'âge, de populations françaises projetées, 2000-2050. (en milliers) Population totale au 1er janvier
Moins de 20 ans
20-59 ans
60 ans et plus
Dont 85 ans et plus
2000
59412
15390
31 871
12152
1 236
2005
60642
15 181
32850
12611
1 055
2010
61 721
14923
32697
14102
1 514
5. Il s'agit des « pensionnés de droit direct », ce qui exclut les bénéficiaires de « pensions de réversion» (conjoint survivant par exemple) : COR novembre 2007. 6. Le vieillissement s'inscrit dans la pyramide des âges, cf. annexe B.
17 2015
62648
14670
32362
15617
1 853
2020
63453
14435
32029
16989
2099
2025
64177
14288
31 532
18357
2205
2030
64790
14169
31 006
19615
2310
2035
65212
14015
30406
20791
3048
2040
65374
13823
30308
21 244
3677
2045
65301
13625
30003
21 673
4104
2050
65098
13457
29673
21967
4474
Source: Insee. hypothèses de construction de la projection: Mortalité tendancielle, Fécondité 1,8 (nb de naissances vivantes / nb de femmes fécondes, âgées de 15 à 50 ans), solde migratoire net + 50.000 par an. http://senat.fr/rap/103-059-3/103-059-31.html
Le phénomène est-il réversible? Certainement pas du côté des personnes âgées, il est prévisible et souhaitable que la durée de vie continue à s'allonger. Du côté de la fécondité, la tendance des sociétés développées n'est pas à sa reprise, l'urbanisation et l'émancipation de la femme réduisent la taille des familles. Reste la porte de sortie de l'immigration, mais qui pose d'autres problèmes, notamment qualitatifs? Le combat cessa faute de cotisants ... Non, pas exactement, car aux facteurs démographiques s'ajoutent des facteurs économiques, ou sociologiques, ou politiques, ou tout cela à la fois. Ces facteurs tendent à réduire la population active. La population « en âge de travailler» n'est pas au travail. On a « coupé la population active aux deux extrémités» disait Alfred SAUVY: - l'entrée dans la vie active est de plus en plus retardée, volontairement (allongement de la durée des études) ou involontairement (chômage des jeunes) ;
7. Voir à ce sujet les travaux et les « décisions» du rapport ATTALI, 23 janvier 2008. http://www.liberationdelacroissance.fr/files/rapports/RapportCLCF .pdf
18
- le départ à la retraite est de plus en plus avancé, accidentellement (mises à la retraite anticipée) ou légalement (ouverture des pleins droits à la retraite). On peut montrer l'importance du changement qui s'est produit en voyant l'évolution sur 80 ans du nombre d'années passées à la retraite et du nombre d'années d'activité.
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Source, « Retraite et équité entre générations », lettre de l'Observatoire des Retraites nO 10, Décembre 1998.
A la différence des facteurs démographiques, ceux-ci peuvent s'inverser. Les jeunes peuvent être encouragés à raccourcir leurs études et à entrer plus tôt en activité, quitte à reprendre leur formation en cours de carrière pour acquérir de nouvelles qualifications. Le chômage des jeunes peut se résorber par des conditions d'embauche plus souples. Mais la possibilité la plus souvent évoquée aujourd'hui est celle d'un départ à la retraite à un âge plus avancé 8• C'est dans cette voie que s'orientent beaucoup de pays qui modifient l'âge légal de départ en retraite (Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, etc.). L'idée même d'âge légal est remise en question, chaque personne active faisant le choix de la durée de sa carrière et de
8. Cf. annexe C.
19
l'occupation de son temps: un retraité peut continuer à avoir une activité - et à rester cotisant, au moins partiellement9 .
4. QUELLE RETRAITE COMPTEZ-VOUS TOUCHER? Certains, aujourd'hui retraités, répondront: je sais ce que je touche, ce à quoi j'ai droit, et j 'y compte bien. Cette conviction est légitime. Mais vos droits seront-ils respectés s'il n'y a plus d'argent dans la caisse? Ne peut-on pas modifier d'un trait de plume le montant de votre pension ?10 D'autres ne sont pas à la retraite, et veulent savoir ce qui les attend. Il leur est possible de consulter aujourd'hui quantité de sites internet qui leur permettent, en un clic, d'avoir un chiffre qui s'inscrit dans une fenêtre: tapez votre âge, votre année d'entrée dans la vie active, votre statut (salarié du privé, fonctionnaire, agriculteur, indépendant, etc.), votre salaire de départ, votre salaire actuel, l'âge auquel vous partirez à la retraite, vos charges de famille et vous saurez le montant exact, au centime près, de ce que vous toucherez ll . Est-il besoin d'en savoir davantage? La première chose à savoir est la manière dont la retraite est calculée à l'heure actuelle. Ensuite, d'estimer les chances que le calcul soit inchangé dans deux ans, cinq ans, etc. Le montant de retraite auquel peut s'attendre un assuré social au titre du régime général est établi en référence à ce que l'on appelle le « plafond de ressources de la Sécurité Sociale ». 9. Il travaillera et cotisera d'autant plus volontiers qu'il aura le sentiment de grossir sa propre retraite, et non pas celle du voisin (ce point sera développé infra Chapitre III p. 99. 10. Le tribunal de grande instance de Paris (1 ère chambre) a jugé en février 1996 que, dans un système de retraites par répartition, les retraités n'avaient pas de droit acquis au montant de leur pension et que les partenaires sociaux pouvaient réviser des accords collectifs. Dans un système de retraite par répartition, « les droits du retraité sont fonction du rapport entre cotisants et bénéficiaires », disent les juges, et « le principe de la solidarité entre actifs et retraités exclut que la charge de l'équilibre du régime ne s'impute que sur une seule partie des intéressés, à savoir les cotisants ». Le retraité a un droit acquis à une pension, il ne peut revendiquer un droit acquis au montant de celle-ci. Il. Consulter par exemple les sites mis en ligne par Le Figaro, la CNAV, etc. Lorsque l'on tape « calculateur de retraite» dans le moteur de recherche de Google, on obtient plus de 178 000 résultats!
20 Mais comment ce plafond se calcule-t-il ? Il ne se calcule pas, il se décrète (2 773 € actuellement) 12. C'est le gouvernement, et lui seul, qui annonce pour chaque année quel sera le plafond au 1er janvier. Une fois le plafond arbitrairement fixé et connu, on en déduit mécaniquement : - le montant de la retraite maximum: c'est la moitié du plafond: 1 386,50 € mensuel ou 16 638 € annuel, montant à comparer avec celui d'un SMIC brut (1 280,07 €) ; - le montant de la retraite minimum: il est en liaison avec ce que l'on appelle l'Allocation de Solidarité des Personnes Agées (qui pour les nouveaux retraités s'est substituée au «minimum vieillesse) »13. L' ASPA est au 1er janvier 2008 au niveau de 7 537,29 euros par an pour une personne seule et 13 521,27 euros pour un couple.
Entre 7 500 et 16 700 euros environ par an, tel est aujourd'hui le montant des ressources du retraité promises par le système. Cependant, ces chiffres ne concernent qu'un retraité « à taux plein », c'est-à-dire une personne ayant cotisé durant tous les trimestres requis (150 à 160 trimestres selon l'année de naissance 1944 à 1948). Pour des durées d'activité moindres, le retraité supportera une décote, qui peut le rapprocher du «minimum vieillesse », seuil en dessous duquel il ne peut pas tomber. Quelle est la qualité de cette promesse? Remarquons d'abord qu'il s'agit des promesses d'un jour. Le gouvernement peut du jour au lendemain réviser à la hausse ou à la baisse sa « politique sociale ».
12. Par arrêté du 30/10/2007, JO du 10/11, p. 18514. 13. Pour démêler le calcul qui permet d'articuler minimum vieillesse, Allocation aux vieux travailleurs salariés CAVTS), allocations supplémentaires et ASPA, nous conseillons aux lecteurs de se reporter au site du Fonds de Solidarité Vieillesse http://www.fsv.fr/page 19.html. Tous nos vœux vous aCCOlTIpagnent!
21
Le système de retraites français ne justifie donc pas sa réputation d'être « à prestations définies », ce qui serait en effet un gage apparent de garantie pour les retraités actuels et futurs 14. Remarquons ensuite que les sommes promises ne sont pas astronomiques par comparaison avec l'énormité des cotisations versées tout au long de la vie active. En d'autres termes : en avezvous pour votre argent?
5. EN AVEZ-VOUS POUR VOTRE ARGENT? La question concerne par priorité ceux qui ne sont pas encore retraités, et ont chaque mois des cotisations sociales à verser pour adhérer au système (auquel ils sont assujettis). Mais elle concerne aussi ceux qui sont à la retraite, car ils peuvent regarder dans le rétroviseur tout l'argent qu'ils ont laissé tout au long de leur vie active. A vrai dire, il n'est pas évident de connaître avec précision ce que l'on paye ou ce que l'on a payé, et on a l'impression que le flou artistique qui règne autour du montant des cotisations est volontairement entretenu 15. Au minimum, Il faut en effet connaître tous les taux des cotisations sociales, qu'elles soient dites «patronales» ou « salariales»: les taux de la vieillesse ne sont pas ceux de l'assurance maladie, ni des allocations familiales, ni des accidents du travail; il y a des taux plafonnés et d'autres qui ne le sont pas. Une mise en ordre s'impose, dont la plus importante est celle de l'addition de toutes les cotisations vieillesse, qu'elles soient celles de la retraite, ou celles de l'assurance décès, incapacité et invalidité, au demeurant relativement faibles. 14. Les assureurs font la distinction entre les contrats d'assurance « à prestations définies» (defined benefits), ce qui signifie que le montant perçu par l'assuré ne peut pas changer, mais que l'on pourra en revanche faire varier les cotisations, et les contrats « à cotisations définies» (defined contributions), où le coût de l'assurance est invariable, mais le remboursement variable avec le risque (<< style assurance automobile »). De toutes façons, comme on le verra, la garantie du système «à prestations définies» est illusoire quand l'assureur n'est plus solvable: c'est ce que l'on établira par la suite, cf. p. 9355. 15. Les difficultés d'être bien infonné seront évoquées dans le chapitre 2, cf. pp. 60-65.
22
Globalement, l'assurance vieillesse représente aujourd'hui 16,65 % du salaire brut. Au 1er janvier 2008, les cotisations vieillesse se montaient, en mensuel et en annuel aux sommes indiquées dans le tableau suivant 16 :
Cotisations payées (en €)
par un smicard
Mensuellement Annuellement
par un salarié payé à 2SMIC
payé à 4SMIC
payé à aSMIC
234
473
555
718
2803
5672
6703
8 611
Le résultat est assez frappant: Tous les 2 trimestres, vous versez en cotisations vieillesse un mois de votre salaire brut ou le plafond si votre salaire brut lui est supérieur! En particulier, tous les 2 trimestres, on retient 1 400 € sur
le salaire d'un smicard: l'équivalent d'un SMIC mensuel brut en cotisations vieillesse (au titre du régime général) ! Si ce chiffre vous surprend, et si vous n'y croyez guère, c'est pour une raison bien simple. On vous parle toujours des sommes que l'on retient sur votre « brut» au titre de la Sécurité Sociale, qui représenteraient « votre» contribution, et on laisse de côté ce que votre employeur verse au titre de la cotisation patronale. Si vous êtes payé au SMIC, on vous fait croire que la retraite vous coûte 1.200 € par an (ce n'est déjà pas bon marché, c'est plus d'un mois de votre salaire net) alors que la réalité est tout autre: c'est 2.800 € que vous payez chaque année : 1° les cotisations « patronales» vont également à la Sécurité Sociale, et elles font donc partie des recettes de «l'assurance vieillesse », c'est bien ce que coûte la retraite; 2° comme les cotisations salariales, les cotisations patronales sont prélevées sur un argent que vous avez gagné, et dont vous perdez la libre disposition. Trouveriez-vous normal que l'on retienne sur votre salaire le montant de votre assurance automobile, 16. L'origine et le mode de calcul de ce tableau sont donnés en annexe O. Le tableau a été conçu à partir d'une hypothèse sur le temps de travail hebdomadaire effectué par les salariés.
23
de votre loyer ou de votre alimentation? S'agit-il d'un « cadeau du patronat» ou de la restitution d'une part de profit né de l'exploitation de votre travail? Pas du tout: c'est le client qui va payer la facture des charges sociales: en achetant une voiture, l'automobiliste achète pour vous vos « droits à la retraite ». Si les charges sont trop lourdes, le client ira vers des concurrents, si concurrence il y a, et votre emploi sera menacé, comme votre pouvoir d'achat 1? Mais revenons à la question de départ: quel est le rapport entre ce que la Sécurité Sociale encaisse comme cotisations et le montant de la retraite promis? Difficile à dire, parce qu'il faut reconstituer la carrière complète du retraité, savoir à quel âge il a commencé et cessé de cotiser, tenir compte de la variation de ses salaires tout au long de son activité, et éventuellement des périodes de chômage ou de maladie de longue durée. On peut cependant se faire une idée très approximative en supposant que l'allocation retraite a représenté un certain taux constant du salaire moyen calculé sur la période entière d'activité. Un tel calcul fait apparaître 18 que, pour 1 euro de cotisation versé, la retraite représente, après 40 ans de cotisation, 0,87 € pour un cadre « multicarrières », 1,04 € pour une ouvrière avec 2 enfants, et 3,42 € pour un contrôleur de la SNCF. C'est «l'incroyable injustice de notre système de retraites» (Jacques BICHOT). En conclusion, on peut affirmer que l'assuré n'en a vraiment pas pour son argent. Dans l'état actuel du système, il aurait avantage à mettre son argent à la Caisse d'Epargne (si on lui en laissait la possibilité) ! Cependant, l'inquiétude que devrait avoir l'assuré se trouve ailleurs: la maigre retraite que lui valent de lourdes cotisations pourrait même ne pas lui être payée. Car l'assureur ne sera sans doute pas en mesure d'honorer ses promesses.
17. Une discussion plus complète de cet argument sera menée dans le Chapitre II, pp. 57-60. 18. C'est Jacques BICHOT qui a fait cet essai de chiffrage dans un dOCUlnent publié par SOS Retraites intitulé: « Les injustices de la retraite », SOS Retraites, octobre 2006.
24
6. LA SECURITÉ SOCIALE POURRA-T-ELLE PAYER CE QUE VOUS PENSEZ QU'ELLE VOUS DOIT? Le déficit de la Sécurité Sociale est tellement habituel que plus personne n'y prête attention. Le scénario est toujours le même. En début d'année, le gouvernement et le Parlement (qui a désormais le contrôle du budget social) annoncent que l'on sera à l'équilibre, grâce aux dispositions prises dans tous les domaines. En cours d'année, le dérapage apparaît dans les comptes, et les autorités songent à prendre un nouveau train de mesures. A la fin de l'année, les déficits sont « de façon surprenante» plus importants qu'attendus, mais la « remise en ordre» opérée en cours d'année permet d'annoncer l'équilibre pour l'année suivante ... et le cycle annuel redémarre. Avec cette ignorance ou cette indifférence du grand public contrastent les cris d'alarme poussés par les experts de toutes natures, de toutes sensibilités, qui se sont penchés sur le présent et le futur du système de retraites 19. Officiellement, le déficit prévu pour le régime général assurance vieillesse devrait s'établir en 2008 au niveau de 1,8 milliards d'euros. Ce solde négatif est établi entre des recettes vieillesse qui se montent à 83 milliards et des dépenses de 84,8 milliards. Rapporté à un budget de cet ordre de grandeur, le déficit est en effet quantité négligeable. Mais en début de chaque année, les prévisions sont toujours optimistes. En 2007, l'équilibre annoncé en début d'année s'est transformé en un déficit de 4,6 milliards d'euros 2o .
Or, ces déficits se répètent et se creusent chaque année, alors même qu'on annonce régulièrement que des mesures drastiques et définitives ont été prises. Parmi ces mesures, certaines ont modifié de façon profonde les règles du régime général des retraites 21 : 19. Des dizaines (centaines ?) de rapports officiels et publications scientifiques portent sur les retraites en France: cf. annexe E. 20. Ces chiffres sont donnés par la loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2008. http://www.legifrance.gouv.fr/images JOE/2007. 21. On peut y ajouter: 1977 (VEIL) : augmentation des cotisations des actifs de plus de 65 ans; 1979 (BARROT): modification de l'assiette et du taux des cotisations « salariales» ;
25
- la révision en 1993 par E. BALLADUR de l'assiette de calcul des retraites du secteur privé: au lieu de prendre les 10 meilleures années de la carrière du salarié, on va retenir les 25 meilleures; - la création de la CSG par le gouvernement Rocard (1991) et à partir de 1994 l'affectation d'une partie de ses recettes au Fonds de Solidarité Vieillesse; - la création de la Contribution de Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) et de la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale (CADES) ; - la création du Fonds de solidarité vieillesse; - le mode de calcul des retraites minimum et maximum (JUPPE/FILLON). Les déficits actuels ne traduisent pas des difficultés passagères, mais réellement des vices de construction du système, or les réformes évoquées ci-dessus ne sont conçues que pour combler les trous, et non pour empêcher qu'ils se creusent. En conséquence, le trou ne cesse de s'agrandir et les prévisions les plus couramment admises donnent des chiffres significatifs:
2008
2009
2010
2011
2012
Dépenses Vieillesse
94,3
99,0
103,8
109,1
114,4
Recettes Vieillesse
89,2
92,6
96,4
100,1
104,0
DEFICIT
5,2
6,4
7,5
9,0
10,4
En milliards d'€
Source: art.31 de la loi de Financement de la Sécurité Sociale 2008 www.légifrance.gouv.fr/affich/Texte.do?cidTexte=JORFTextO000 17726554&dateTe xte=&fastPos= 1&fastReqld= 1088529167&oldAction=rechTexte
Les choses peuvent-elles s'arranger en plus longue période? Les prévisions calculées par deux organismes officiels, le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) et le Comité de Politique 1987 (SEGUIN): augmentation des cotisations sociales de 0,2%, prélèvement de 1% sur les revenus du capital financier et immobilier, augmentation de 2 % du prix du tabac ; Indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires nets; 1993 (VEIL) : hausse de la CSG.
26 Economique (CPE), font apparaître qu'il faudra chercher de plus en plus de ressources pour combler les déficits du régime des retraites. Les évaluations divergent entre les deux organismes, mais la tendance est bien la même, elle est illustrée dans le graphique cidessous. Même s'il concerne l'ensemble des régimes de retraite, et pas seulement le régime général, le graphique ne laisse aucun doute. Alors que l'équilibre est à peu près obtenu jusqu'en 2015, (autour d'un quart de point de PIB), c'est ensuite l'envol. On se trouve jusqu'en 2023 autour de 1 % du PIB, pour aller jusqu'à 2 ou 3 % ensuite.
Besoins de financement de l'ensemble des régimes de retraite (points de PIB) En % 3, S ..~~_~.'~,_~_~~_~u." ....""..,',_, U'_~~"',V~"'_~~'~'~~~~· __'~_~"'~'·"'_"_.'W''"._''''~_'·_,~~~~"~>_~~._~_~=_~_, •• ,,~_~u~,··~_.,,,·_._~,~~·._~.~~"~.~~'.~""""'~~-"''''''-''''''
CPE (200S) 3,0
COR (200S)
2,S 2,0
1,S 1,0 O,S
0,0
Si cette tendance est réelle (pourquoi ne le serait-elle pas ?), il faut voir ce que signifie le déficit du régime des retraites pour les Français. Il faudra, dès 2015, affecter un point de croissance à combler le déficit des retraites. Et quelques années plus tard, ce serait deux ou trois points de croissance. Actuellement, la croissance française se traîne en dessous de 2 %, et on voit ce que cela signifie pour le pouvoir d'achat des Français. Mais comment pourront-ils supporter que toute la croissance aille s'engloutir dans le trou des retraites: accepteront-ils de n'avoir aucune augmentation de pouvoir d'achat? Supporteront-ils que la croissance dont ils auront été les artisans ne leur rapporte rigoureusement rien, sinon la satisfaction de payer pour les retraités du moment?
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Ceux qui doivent prendre leur retraite dans vingt ans (ils ont donc aujourd'hui autour de 40 ans) ont de quoi s'inquiéter, car les plus jeunes ne voudront sûrement pas se serrer la ceinture. La «solidarité intergénérationnelle» a ses limites! Et que dire de ceux qui ont moins de 40 ans aujourd'hui?
7. LES RETRAITES LIÉES AU SORT GLOBAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Cependant, l'ampleur des déficits du régime des retraites peut être très différente de celle qui résulte de la seule projection démographique, et de l'écart entre nombre de cotisants et de retraités. Car l'originalité du système français est de fondre l'assurance vieillesse avec toutes les autres branches de la Sécurité Sociale: assurance-maladie, allocations familiales, accidents du travail. Il existe donc des compensations entre les diverses branches: le «trou» des retraites peut être comblé par des excédents de la maladie ou des allocations familiales (qui en effet ont amorti le choc pendant des années, mais ne sont plus aujourd'hui en excédent régulier ni significatif). Par conséquent: l'impasse financière des retraites doit s'articuler avec les déficits des autres branches. Reste à savoir si, comme le prévoit le COR, le déficit de la branche maladie se stabilisera dans un avenir proche. La branche maladie aura 4,2 milliards de déficits en 2008 pour 3 milliards en 2012 22 .
2008
2009
2010
2011
2012
Dépenses Vieillesse régime général
94,3
99,0
103,8
109,1
114,4
DEFICIT
- 5,2
- 6,4
- 7,5
- 9,0
-10,4
Dépenses Toutes branches consolidé
311,1
323,0
335,7
349,2
363,3
DEFICIT
- 8,8
- 9,1
- 8,4
- 8,0
- 7,5
En milliards d'€
22. Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2008, loc. cit.
28
Une des raisons pour lesquelles l'avenir du régime général est compromis tient au fait qu'il doit « compenser» lui-même le déficit des autres régimes de retraites. Essentiellement, ce sont la CNAV (Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, gestionnaire du régime général), le régime de la fonction publique (FPE) et des agents des collectivités locales (CNRACL) qui « compensent» les régimes des salariés agricoles et des commerçants (ORGANIC). Il est cependant à noter que cette tendance va s'atténuer dans les 23 années à venir, si l'on en croit les prévisions du COR . En conclusion, à la suite de cette analyse volontairement simplifiée, les retraités peuvent avoir trois impressions: - celle d'un désordre complet du système de retraites, s'articulant avec le désordre complet de la Sécurité Sociale, de sorte que la branche « vieillesse» est en grande partie tributaire de la situation plus ou moins enviable des autres branches; - celle d'une inégalité entre retraités: le retraité moyen soumis au régime général paye un surplus pour réduire les déséquilibres de la gestion d'autres régimes; - celle d'une dégradation constante de la gestion du régime général.
8. LES RETRAITES LIÉES AU SORT DE LA FISCALITÉ Les déficits actuels de l'assurance vieillesse existent en dépit du fait que l'Etat reverse à la Sécurité Sociale une partie des impôts qu'il a prélevés. Le contribuable vient au secours de l'assuré. Certes contribuable et assuré sont souvent une seule et même personne, mais alors que tout le monde est obligatoirement assuré, tout le monde n'est pas nécessairement contribuable suivant les impôts considérés et les revenus perçus. Quelle est l'importance des apports fiscaux au reglme général des retraites? En 2008, il devrait se monter à 15,8 milliards d'euros, soit environ 9 % des ressources totales perçues par la branche. Cette branche ne bénéficie pas de la manne de la CSG qui fournit 17 % du total des ressources des régimes obligatoires de la Sécurité Sociale (bénéficiant principalement à la branche santé). 23. Cf. Chapitre 2 pour l'étude des compensations entre régimes de retraites pp. 6-7.
29 L'apport fiscal n'en demeure pas moins décisif pour la gestion de la branche 24 .
Impôts et taxes affectés (en milliards d'euros) en 2008 Pour l'ensemble des régimes obligatoires
Pour la branche vieillesse
Total des ressources
414,8
175,6
Dont Impôts et taxes affectées
112,8
15,8
dontCSG
70,8
0,0
Source: Loi de financement de la Sécurité Sociale 2007
Malheureusement, le problème, avec l'Etat bienfaiteur, c'est qu'il reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre. Vis-à-vis du régime général (toutes branches confondues) l'Etat français oublie assez souvent de régler à la Sécurité Sociale les sommes qu'il lui doit. On avait remarqué en particulier que les cotisations des militaires n'étaient pas versées par le Ministère de la Défense! Cl'énu(ec; du l'églme géllfl'nl ~tIl'I'Etnt
1 6
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Créan... nouvell•• d. [année 1
- ----- - - -- - -- - --- ---- - -- ----- -- - --- - -- - ---- -- - --- - -- - - -- - -- - - -- ---- ----
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: CCSS pOlir les cluffres 2002 à 2004. tt.lt ~~triel pré\ll par la loi organique du 2 aO\1t 1005 pour le~ cluffrt~ 2005. 2006 et 2007. Note de lecmre: Ce graphique- reprkente l'é\'OhU101l de- la dette de l'Etat "i\-à-,i~ du réB1D1e génml. Il ne prend en compte que les dett~ effectl'~1e1lt ex.1gibles, AUlSl.les doMéf'$ en cour~ d'année (au 30 jUill) nlmègrent pa~ le\ é'\'entuelles uUlIffis3nCe\ budgét3U"e\ au titre de l'aMéf' en cours m.,ls ulliquemellt les ver~l1ents de l'Etat ulten'ellU~ depms le début de l'annè'e et ayam pemus d'apurer une partae de la dette au tltrt ~ anllteS antmeur", En C01l\tquence, ~eule la comparaison des données au 31 décelnbre permet de comtater l' t"ohmon de la dette dt l'Et.1t d'\lIle année sur l'autre.
24. Cf. annexe G « Les contribuables au secours des retraites ».
30
C'est dire la fragilité d'un système qui repose sur ce que l'Etat peut payer et doit payer. Il est à remarquer que l'une des tentations des «réformateurs» des retraites est de fiscaliser les retraites, et de combler par l'impôt ce que les cotisations ne peuvent plus couvrir. C'est ce que les experts appellent le «tax 25 gap », le gouffre financier qu'il faut facturer au contribuable . Il ne faut pourtant pas oublier que la pression fiscale a ses limites. Peut-on accroître sans cesse le taux des prélèvements obligatoires, et le faire passer de 44 à 46 % du PIB, au moment où tous les dirigeants proclament l'urgence de le réduire et de préserver le pouvoir d'achat des Français? Si les impôts ne peuvent combler le gouffre financier, les dirigeants peuvent être tentés par l'endettement. Mais, d'une part, la dette sociale, bien que difficile à chiffrer, est déjà très lourde, et il semble difficile de l'alourdir encore, et, d'autre part, l'Etat a également pour obligation de réduire la « dette publique », qui a dépassé depuis longtemps le seuil « raisonnable» de 60 % du PIB (il était à 64,2 % en 2006) et qui ne se réduira pas significativement de si tôt compte tenu des déficits actuels des budgets 26 • Comme la fiscalisation, la dette publique est destructrice de la croissance 27 , or nous avons impérativement besoin d'une croissance forte pour retarder le moment de l'explosion du système des retraites.
9. LES RETRAITES LIÉES AU SORT DE LA CROISSANCE Les déficits futurs, et les efforts demandés aux contribuables et aux assurés, seront d'autant plus légers que la croissance de l'économie française sera plus forte. Certes, les Français ne seront peut-être pas heureux de voir leur gain de pouvoir d'achat s'évaporer immédiatement pour sauver la Sécurité Sociale et la retraite, mais ils pourront au moins se dire qu'ils sécurisent leur 25. La fiscalisation des ressources de la Sécurité Sociale, notamment à travers la TVA sociale, est examinée au Chapitre 3, p. 90 ss. 26. Rappelons que le service de la dette est le deuxième poste de dépense budgétaire (16 % du total). Sur ce point, voir l'étude de P. GARELLO et V. SPASSOVA, «L'endettement de l'Etat: stratégie de croissance ou myopie insouciante? », IREF, 2005. 27. Voir sur les liens entre croissance et dette P. MINFORD et J. WANG « Public Spending and Growth », IREF, 2005.
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avenir, et notamment les actifs auront le sentiment de travailler pour leurs vieux jours. Mais que se passe-t-il si la croissance n'est pas au rendezvous, ou si elle n'est pas assez dynamique pour supporter une charge supplémentaire? Les liens avec le futur des retraites sont assez évidents : 1° c'est la croissance qui indique la limite de la capacité contributive des Français. L'autre possibilité est celle d'une augmentation de la dette: la capacité contributive est accrue par la spéculation sur une croissance future plus forte. Hélas cette spéculation est hasardeuse, parce qu'à ce jour aucun des pays endetté n'a vu sa croissance accélérée 28 . Il ne peut donc pas y avoir de fuite en avant: la Sécurité Sociale et l'Etat sont prisonniers de la croissance. 2° demander un effort supplémentaire aux Français n'est pas une bonne méthode pour stimuler la croissance, c'est au contraire la freiner à coup sûr. Même en supposant que les Français en aient les moyens, prélever le supplément de pouvoir d'achat pour équilibrer le système de retraites serait créer une incitation à moins travailler, à moins produire et à moins épargner. Les moteurs de la croissance que sont l'initiative, la qualification, la promotion, seraient vite en panne. Là aussi, il est prouvé que la bonne méthode pour accélérer la croissance est la baisse des prélèvements obligatoires. Si tout l'argent gagné en plus doit servir à éponger les déficits et les dettes de la Sécurité Sociale la croissance ne sera pas durable. C'est ce que l'on désigne souvent par la « soutenabilité de l'effort fiscal» 29.
28. Cf. P. GARELLO et V. SPASSOVA, op.cit., pp.15-17. 29. Terme assez barbare, mais qui évoque avec bonheur le «sustainable growth» (développement durable) actuellement en vogue. Si certains s'inquiètent pour la possibilité de continuer à croître longtemps en surconsommant les ressources naturelles et l'énergie, d'autres peuvent s'interroger sur la hausse permanente de l'effort fiscal demandé aux contribuables ! Voir cette notion dans INSEE, Les engagements implicites des systèmes de retraite: évaluer les engagements implicites des systèlnes de retraite, étude INSEE 2003, pp. 139-166.
32
10. LA FAILLITE: UNE MAUVAISE SURPRISE? Vous trouverez peut-être que le terme « faillite» est exagéré pour désigner une impasse financière qui n'est pas pire que celle de l'Etat. Après tout, les finances de l'Etat ne sont pas en meilleure posture que celles de la Sécurité Sociale, et apparemment cela ne gêne pas les dirigeants, puisque chaque année ils en remettent une couche. D'une part, une faillite ne saurait en cacher une autre, ou l'excuser, et l'addition de deux faillites en fait une bien plus grosse encore. D'autre part, il y a une différence entre faillite de l'Etat et faillite des retraites, même si c'est finalement les mêmes Français qui en feront les frais. La différence c'est que dans un cas l'engagement de l'Etat n'est pas formalisé, et si les gouvernants dépensent un argent qu'ils n'ont pas, les citoyens peuvent les sanctionner par leurs votes; dans le cas des retraites, la Sécurité Sociale a failli, au sens plein du terme, à ses engagements, elle n'est pas en mesure de vous payer ce qui vous est promis, et vous ne pouvez pas vous échapper du système et tout effacer d'un coup d'éponge. Il y a donc bien faillite, puisque dans la perspective actuelle les pensions et les cotisations ne peuvent s'équilibrer, et le déséquilibre ira croissant, même avec toutes les acrobaties financières, fiscales et juridiques de nos trapézistes politiques. Si la perspective actuelle est de rester fidèle au système de répartition, rien ne pourra être fait pour sauver votre « assurance vieillesse». Cette fatalité ne doit rien au hasard, elle est dans la logique même du système.
Un système par répartition appelle un système obligatoire. Un système obligatoire appelle un système public. Un système public appelle un monopole centralisé. Un monopole public appelle la faillite.
Le choix d'un système de répartition Pendant un siècle, ce choix n'a pas paru évident, il a toujours été fortement débattu. Le débat a débuté dès 1851 pour les retraites de fonctionnaires jusque-là régies par une loi de 1790.
33 Les premières lois qui se réfèrent à la répartition sont l'objet de critiques nombreuses. « Le législateur manqua de prévoyance en préférant le système de la répartition à celui de la capitalisation ... cédant à la loi du moindre effort». La capitalisation a régi les retraites pendant tout ce temps-là, et ce n'est qu'en 1941-1945, en même temps que la Sécurité Sociale, que les autorités imposent un système de retraites par répartition obligatoire 3o .
Un système nécessairement obligatoire Dans un système par répartition, il faut que le nombre de cotisants soit en relation permanente avec celui des retraités, puisque ce sont les cotisants qui payent leurs pensions aux retraités. Il est impensable que des cotisants quittent le système, cela le déséquilibrerait instantanément. On a vu précédemment que la faillite actuelle s'annonce parce que le rapport cotisants/retraités ne cesse de diminuer, pour des raisons qui tiennent tant au vieillissement de la population qu'à la réduction de la période d'activité. Peut-on imaginer ce que serait la situation si les cotisants avaient soudain l'envie et le droit de quitter le bateau avant qu'il ne coule? En application des directives européennes sur la concurrence dans le domaine des assurances, on aurait pu s'attendre à ce que tout Européen puisse faire librement le choix de son assureur, et par exemple qu'un Français puisse quitter la Sécurité Sociale pour assurer les ressources de ses vieux jours auprès d'une compagnie espagnole, ou suisse, ou anglaise. Mais s'il quitte la Sécurité Sociale, sa cotisation va faire défaut pour un retraité actuel. C'est la raison pour laquelle, en dépit des directives européennes et de leur logique, la Cour de Justice Européenne a tranché dans le célèbre arrêt Garcia: «pour pouvoir fonctionner la répartition doit être obligatoire »31.
30. Cf. sur l'historique du régime des retraites français l'annexe H, principalement extraite de l'ouvrage de Georges LANE, La Sécurité Sociale et comment en sortir, Editions du Trident, 4 ème trime 2007. 31. En dépit de leurs efforts, ceux qui estiment qu'un assuré français peut échapper à la Sécurité Sociale se trompent. Les décisions de justice dont ils se prévalent n'ont rien changé au caractère obligatoire des cotisations de Sécurité Sociale. Voir notamment la position de Cl. REICHMAN.
34
Pouvait-on échapper au monopole public? Qui dit prélèvement obligatoire dit nécessairement usage de la contrainte. Dans un état de droit, il n'existe qu'une contrainte pensable: celle des pouvoirs publics. Il faut toute l'autorité de la loi et de l'appareil administratif pour rappeler sans cesse aux Français qu'ils sont «assujettis» à la Sécurité Sociale. Vous respectez l'obligation de cotiser parce que vous ne voulez pas enfreindre la loi, si arbitraire soit-elle. Cela dit, on aurait pu imaginer que la cotisation obligatoire soit versée à des caisses de retraites diverses, bien que publiques. Le choix a été fait en sens contraire: il n'y a qu'une caisse pour le régime général, la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, dont la 32 Cour des Comptes ne cesse de relever les anomalies • Est-ce surprenant? Les assurés sont exposés à tous les dangers d'un monopole: en l'absence de concurrence la gestion est relâchée et les coûts sont supérieurs 33 , la bureaucratie centralisée s'installe, avec sa dose de retards, de complexité et d'arbitraire, les retraites n'apparaissent plus comme une assurance dont le consommateur pourrait juger du prix mais comme un droit social dont le bénéficiaire n'a pas à se soucier du financement, enfin et surtout les décisions les plus lourdes concernant le système sont prises souverainement par le pouvoir politique qui ne manque pas de changer les règles dujeu en permanence. Ce choix d'un monopole public centralisé appelle plusieurs commentaires. 10 On aurait pu, comme c'est le cas dans d'autres pays (l'Allemagne par exemple) laisser à l'assuré la possibilité de s'affilier à une caisse locale ou professionnelle bénéficiant d'une gestion autonome, même si ces caisses étaient soumises à une réglementation nationale uniforme concernant les cotisations, les prestations et les conditions de la retraite. Le seul fait de s'adresser à une «agence» plutôt qu'à une autre introduit un élément de concurrence: les agences les moins fréquentées, parce que les assurés y sont mal reçus, les erreurs plus fréquentes, les délais plus longs, perdent peu à peu leurs clients (qui ont le droit de changer de 32. Cf. Chapitre 2 pp. 63-65. 33. On n'a jamais vu un monopole public fonctionner à moindres coûts qu'une entreprise privée. C'est un problème de gouvernance: en système d'entreprises privées concurrentes, les gestionnaires subissent la double pression de la clientèle et des actionnaires.
35
caisse). Le nombre de dossiers traités étant moindres, les agences déficientes doivent réduire leur personnel, voire même disparaître 34. 2° Ce choix n'a pas été fait parce que législateur, en 1945, a entendu créer un seul organisme de solidarité et de répartition appelé Sécurité Sociale. Aucune logique économique ni sociale ne l'imposait, la décision a été purement politique (voire idéologique). A l'époque l'intention était de mettre en commun toutes les cotisations pour mieux couvrir tous les «risques sociaux»: vieillesse, maladie, famille, accidents du travail, etc. Il a fallu se rendre très vite à l'évidence et on en est assez vite venu à séparer la gestion des diverses « branches », créées en 1954. Mais le principe du «pot commun» est demeuré, puisque la compensation entre branches a été retenue - avec l'espoir de déboucher sur un équilibre global. La naïveté du raisonnement est touchante: si une branche est en déficit, il s'en trouvera bien une autre en excédent, l'idée que chacune des branches soit déficitaire n'effleurant pas l'esprit des inventeurs du système. 3° Paradoxalement, la centralisation du système, qui se voulait pourtant gage d'égalité, s'est accompagnée d'un éclatement entre une multitude de régimes, de plus en plus éloignés du «régime général », puisque sur 21 millions de retraités il n'yen a que Il.700.000 au titre du «régime général ». Nombre de ces régimes multicolores sont de véritables «niches sociales» destinées à abriter des catégories de personnes que l'on veut sortir du droit commun, en général pour les avantager. Le degré de privilège le plus élevé se situe sans doute dans ce que l'on appelle les «régimes spéciaux ». Ainsi des inégalités, qui ressemblent souvent à des injustices, apparaissent entre cotisants, entre retraités. Voilà donc un système tout à la fois injuste, obligatoire, centralisé, bureaucratique, déséquilibré, dont on peut s'étonner qu'il ait duré si longtemps.
34. Les caisses d'Alsace et de Moselle sont une illustration de cette organisation (relativement) décentralisée, puisqu'elles avaient été conçues suivant le modèle allemand! Les vertus de la mise en concurrence des agences publiques ont été évoqués pour la première fois dans l'ouvrage classique de w. NISKANEN, Bureaucracy: master or servant?, Chicago Uny Press, 1985.
36
La faillite annoncée Dès 1840, et un siècle avant qu'elle ne fût inventée, Frédéric Bastiat pronostiquait de façon tout à fait logique la faillite de la Sécurité Sociale: il avait compris que l'Etat n'aurait de cesse de s'emparer du secteur de la mutualité, pourtant inventée et organisée par les travailleurs eux-mêmes, jusqu'à ce que l'explosion du 35 nouveau monstre se produise fatalement •
Voici ce que Frédéric Bastiat écrivait en 1840, il Y a plus d'un siècle et demi, et un siècle avant l'invention de notre Sécurité Sociale. Prophétie? Non: logique imparable qui veut que les systèmes sociaux éliminant la liberté et la responsabilité personnelles soient promis à la disparition, après avoir créé injustices et dépravations. J'ai vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuels, il y plus de vingt cinq ans, parmi les ouvriers et les artisans les plus dénués, dans les villages les plus pauvres du département des Landes. [...] Leur écueil naturel est dans le déplacement de la responsabilité. Ce n'est jamais sans créer pour l'avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu'on soustrait l'individu aux conséquences de ses propres actes [...]. Les secours mutuels impliquent donc une mutuelle surveillance, sans laquelle le fonds des secours serait bientôt épuisé. [...] Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu'il s'attribuera. Son premier soin sera de s'emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser; et pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable. « Car, dira·t·iI, n'est·iI pas bien naturel et bien juste que l'Etat contribue à une œuvre si grande, si généreuse, si philanthropique, si humanitaire? » [...] Ensuite, sous prétexte d'unité, de solidarité (que sais-je?) il s'avisera de fondre toutes les associations en une seule, soumise à un règlement uniforme. Mais je le demande, que sera devenue la moralité de l'institution quand sa caisse sera alimentée par l'impôt; quand nul, si ce n'est quelque bureaucrate, n'aura intérêt à défendre le fonds 35.1. GARELLO, Aimez-vous Bastiat?, ROlnil1at, Paris 2001.
37
commun; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser; quand aura cessé toute surveillance mutuelle, et que feindre une maladie ce ne sera autre chose que jouer un bon tour au gouvernement? Le gouvernement, il faut lui rendre cette justice, est enclin à se défendre; mais ne pouvant plus compter sur l'action privée, il faudra bien qu'il y substitue l'action officielle. Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs. On verra des formalités sans nombre s'interposer entre le besoin et le secours. Bref, une admirable institution sera, dès sa naissance, transformée en une branche de police. L'Etat n'apercevra d'abord que l'avantage d'augmenter la tourbe de ses créatures, de multiplier le nombre des places à donner, d'étendre son patronage et son influence électorale. Il ne remarquera pas qu'en s'arrogeant une nouvelle attribution il vient d'assumer sur lui une responsabilité nouvelle, et, j'ose le dire, une responsabilité effrayante. Car bientôt qu'arrivera-t-il ? Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu'ils administrent, qu'ils alimentent, et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s'accoutumeront à regarder le secours en cas de maladie, de chômage, non comme provenant d'un fonds limité préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la société. Ils n'admettront pas pour elle l'impossibilité de payer, et ne seront jamais contents des répartitions. L'Etat se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget. Là, rencontrant l'opposition des commissions des finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissant, et on en reculera le redressement d'année en année, comme c'est l'usage, jusqu'à ce que vienne le jour d'une explosion. Mais alors on s'apercevra qu'on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d'un ministre ou d'un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d'avoir perdu jusqu'à la notion du droit, de la propriété, de la liberté et de la justice. (F. BASTIAT, Harmonies sociales, Préface de G. lANE, ed. du Trident, Paris 2007, pp. 82-84.)
Comme Bastiat, l'explosion a été annoncée par tous les experts qui se sont penchés sur son avenir. Des dizaines de rapports officiels, en plus des rapports annuels de la Cour des Comptes, une vingtaine d'ouvrages majeurs, ont alerté les gouvernants et
38
l'opinion publique sur le drame qui guette les retraités actuels et futurs. A ce jour, il n'en a pas transpiré grand-chose, et la loi de l' omerta règne dans le domaine des retraites. Pourquoi les Français n'ont-ils pas eu droit à la vérité? Pourquoi sont-ils entretenus dans l'idée que la France se serait donnée le système social le plus perfectionné du monde, et qu'il nous faudrait admirer et défendre « l'exception française » ? Oui : pourquoi ?
LISTE DES ANNEXES DU CHAPITRE 1
A.
Les régimes des retraites en France
B.
Déséquilibre Cotisants / RetraitésFacteurs démographiques et économiques
C. Age légal de la retraite en Europe D.
Calcul du montant des retraites (régime général)
E.
Les principaux rapports publiés par la Documentation française
F.
Les contribuables au secours des retraités
G. Les dates marquantes de l'histoire des retraites (régime général)
Consultez le site www.irefeurope.org Véritable portail vers la connaissance des retraites, ce site rassemble tous les éléments statistiques et analytiques qui sous-tendent le chapitre 1. Vous pourrez y trouver notamment: « Cotisants et pensionnés », Rapport du COR, novembre 2007 « Age et durée de la retraite depuis 50 ans », INSEE, avril 1996, étude de Didier BLANCHET et Jean Alain MONFORT. La structure démographique et les transferts intergénérationnels, G. de SANTIS «Aspects démographiques d'un système équitable et stable de transferts intergénérationnels» (2003), Revue Population, vol. 58, pp. 667-705. Espérance de vie à la naissance et taux de mortalité infantile. « Cotisants et retraités de droit direct, horizon 2050 », Rapport CHARPIN, 1999. Les calculateurs de retraites. Le minimum vieillesse. « Ratio pension moyenne nette / revenu d'activité moyen net », COR, 2007. « Ratio Cotisants/Retraités », COR, 2005. « Projections actualisées de la CNAV », COR, nov. 2007, pp. 159-160. « Projections actualisées de la CNAV », COR, nov. 2007, pp. 159-160. Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2008, Assemblée Nationale. Les contribuables au secours des retraités: données détaillées récentes (20052008). Historique des retraites en France. Historique des rapports sur les retraites. La loi du 14 mars 1941 instaurant les assurances sociales (promulguée par le Chef de l'Etat). L'analyse des problèmes de la sécurité Sociale ne date pas d'hier: Francis PAVARD, « L'équilibre financier de la Sécurité Sociale », Revue Economique, vol. 18, n02 (1967).
40
ANNEXE A LES RÉGIMES DE RETRAITE EN FRANCE
RÉGIMES DE SALARIES RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE RÉGIME DES AGENTS DE L'ÉTAT CNRACL AUTRES SECTEURS PUBLICS
COTISANTS 16600 000 665 000
RETRAITÉS 11 500 000 2392 000
2455 000 1 884 000 516 000
1821 000 651 000 1167 000
COTISANTS 586 000
RETRAITÉS 1 852 000
1 358 000
1 801 000
534 000
193 000
46 000
8500
CANSSM (MINES(1)), ENIM (MARINS), FSPOEIE (OUVRIERS DE L'ETAT), CRPCEN (CLERCS ET EMPLOYÉS DE NOTAIRES), RATP, SNCF, CNIEG, BANQUE DE FRANCE, COMÉDIE FRANÇAISE, OPÉRA DE PARIS...
RÉGIMES DES NON SALARIES MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 78 CAISSES DÉPARTEMENTALES RSI 28 CAISSES RÉGIONALES INTERPROFESSIONNELLES CNAVPL 11 SECTIONS PROFESSIONNELLES CAVOM (OFFICIERS MINISTÉRIELS), CARMF (MÉDECINS), CARCD (DENTISTES), CAVP (PHARMACIENS), CARSAF (SAGES-FEMMES), CARPIMKO (KINÉS), CARPV (VÉTÉRINAIRES), CAVAMAC (ASSUREURS), CAVEC (EXPERTSCOMPTABLES), CIPAV (ARCHITECTES ET AUTRES PROFESSIONS LIBÉRALES), CRN (NOTAIRES) CNBF
41
ANNEXEB DÉSÉQUILIBRE COTISANTS / RETRAITÉS FACTEURS DÉMOGRAPHIQUES ET ÉCONOMIQUES
Espérance de vie à la naissance et taux de mortalité Infantile taux de mortalité infantile (en %0)
espérance de vie à la naissance (en années) 90 85
50
80
40
75
30
70
20
65
10
60 1950
0 1955
1960
1965
p : données provisoires. Champ: France métropolitaine. Source: Insee, bJ1an démographique.
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2007 (p)
Source COR - 4
ème
65 ans pour hommes 60 ans pour femmes 57 ans avec 35 années d'assurance Tout âge avec 39 années d'assurance
Age d'ouverture du droit à une pension 65 ans 63 ans avec 35 années d'assurance 61 ans pour chômeurs et personnes en préretraite progressive 60 ans pour invalides avec 35 années d'assurance 60 ans pour femmes avec 15 années d'assurance, dont 10 après l'âge de 40 ans 60 ans 56 à 59 ans pour les assurés ayant eu des carrières longues et ayant commencé à travailler jeune
Retraite en 2006
*
65 ans 60 à 64 ans avec 40 années d'assurance
65 ans
Changements prévus par la lé2islation Age de la retraite à taux plein
65 ans * 65 ans hommes * 60 ans femmes 61 ans * 62 ans 66 ans rapport, janvier 2007, p 81. http://www.cor-retraitesfr/IMG/pdf/doc-723.pdf
Pays-Bas RoyaumeUni Suède Etats-Unis
Italie
France
Allemagne
Pays
2008 - Tout âge avec 40 années d'assurance - 60 ans avec 35 années d'assurance 2010 - 61 ans avec 35 années d'assurance 2013 - Tout âge avec 40 années d'assurance pas de changement prévu 2020 - 65 ans pour femmes et hommes pas de changement prévu pas de changement prévu
pas de changement prévu
Age d'ouverture du droit à une pension 2012 - 65 ans - 63 ans avec 35 années d'assurance - 60 ans pour invalides avec 35 années d'assurance
2022 - 67 ans
*
* *
*
2012 - 65 ans - 60 à 64 ans avec 41 années d'assurance 2013 à 2020 - augmentations du nombre d'années requises en fonction des gains d'espérance de vie
pas de changement proposition de loi pour relever l'âge du taux plein: 2023 - 66 ans 2029 - 67 ans (L'âge d'ouverture serait relevé aussi dans certains cas)
Age de la retraite à taux plein
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43
Autriche
60 ans (femmes) / 65 ans (hommes)
Belgique
63 ans (femmes) / 65 ans (hommes) Egalisation progressive à 65 ans au 1er janvier 2009
Chypre
65 ans
Danemark
67 ans
Espagne
65 ans
Estonie
59,5 ans (femmes) /63 (hommes)
Finlande
65 ans
Grèce
60 ans (femmes) /65 ans (hommes)
Hongrie
62 ans
Irlande
65 ans
Lettonie
60,5 ans
Lituanie
60 ans (femmes) / 62 (hommes)
Luxembourg
65 ans
Malte
60 ans (femmes) / 61 (hommes)
Pologne
60 ans (femmes) / 65 ans (hommes)
Portugal
65 ans
République Tchèque
61 ans (femmes) /62 ans (hommes)
Slovaquie
62 ans
Slovénie
61 ans (femmes) / 63 ans (hommes)
44
ANNEXED CALCUL DU MONTANT DES RETRAITES (RÉGIME GÉNÉRAL)
Les taux de cotisations sociales 2008, au 1er janvier 2008 Barèmes de l'URSSAF: pp = Part Patronale, PS = Part Salariale Sur la totalité du salaire Vieillesse
Maladie, maternité, invalidité, décès, solidarité Allocations familiales
Total 20,95
pp
PS (1)
pp
PP+ PS
13,10
0,75
5,40
1,60 + 0,10
Sur le salaire limite au plafond (cf. rubrique plafond de la Sécurité sociale) Vieillesse
Total 15,05
FNAL
pp
PS
pp
8,30
6,65
0,10
Sur 97 %dé l'ensemble des revenus d'activité ou de remplacement Contribution sociale généralisée (CSG)
Contribution au remboursement de la dette sociale (CROS)
7,50
O,SO
(1) 1,60 0/0 dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle
Les taux "employé" et "employeur" sont respectivement un pourcentage des salaires dits "bruts": * sous plafond : employeur: 8,3 % employé: 6,65 % total: 14,95 % * hors plafond: l'assurance vieillesse: 1,6 % le taux d'assurance veuvage (non plafonné) : 0,10 %. Soit un taux total de 16,65 % (sous plafond). http://www.urssaf.fr/profil/associations/baremes/baremes/ taux_des_cotisations_du_regime_general_Ol.html
45
LES MONTANTS DE COTISATIONS VIEILLESSE janv-OS
SMIC (1 341,03 €) Mensuel
ANNUEL
NET IMPOSABLE
1 091
13092
Dont CSG/CRDS non deduct.
38
453
SAL
89
1070
PAT
133
1593
222
2663
SAL
0
0
PAT
12
140
12
140
TOTAL VIEILLESSE
234
2 S03
janv-08
2 SMIC (2 682 €) Mensuel
ANNUEL
NET IMPOSABLE
2116
25395
Dont CSG/CRDS non deduct.
77
928
SAL
178
2140
PAT
266
3186
444
5326
SAL
0
0
PAT
29
345
29
345
473
5672
RETRAITE REGIME DE BASE
ASS. DECES/INC/INV
RETRAITE REGIME DE BASE
ASS. DECESIINC/INV
TOTAL VIEILLESSE
46
janv-OS
4 SMIC (5 364 €) Mensuel
ANNUEL
NET IMPOSABLE
4336
52028
Dont CSG/CRDS non deduct.
153
1835
SAL
178
2213
PAT
316
3792
494
6 005
SAL
29
342
PAT
32
387
61
729
555
6733
RETRAITE REGIME DE BASE
ASS. DECESIINC/INV
TOTAL VIEILLESSE
8 SMIC (10 728 €) Mensuel S731
janv-08 NET IMPOSABLE Dont CSG/CRDS non deduct. RETRAITE REGIME DE BASE
ASS. DECES/INC/INV
TOTAL VIEILLESSE
SAL PAT SAL PAT
304 184 402 586 88 44 131 718
ANNUEL 104772
3649 2213 4822 7035 1050 526 1576 8611
47
ANNEXEE LES PRINCIPAUX RAPPORTS PUBLIES PAR LA DOCUMENTATION FRANÇAISE
Rapport d'information fait en vue de la tenue du débat sur les orientations des finances sociales Alain VASSELLE Sénat, Commission des affaires sociales Les Rapports du Sénat, n° 403 Sénat: 2007 / 137 p. Retraites: questions et orientations pour 2008 - Quatrième rapport 2007 Conseil d'Orientation des Retraites (COR) La Documentation française: 2007 / 240 p. Retraites : perspectives 2020 et 2050 - Troisième rapport 2006 Conseil d'Orientation des Retraites (COR) La Documentation française: 2006 / 320 p. La sécurité sociale Cour des comptes La Documentation française: 2006 / 418 p. Les comptes de la sécurité sociale: résultats 2005, prévisions 2006 Commission des comptes de la Sécurité Sociale Ministère de la Santé et des Solidarités: 2006 / 244 p. Contribution au livre vert sur le thème "Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre les générations" Evelyne PICHENOT Conseil économique et social Avis et rapports du Conseil économique et social Journaux officiels: 2005 / 62 p. Pénibilité et retraite Yves STRUILLOU Conseil d'Orientation des Retraites: 2003 / 119 p.
48
L'information des assurés sur leurs droits à la retraite Evelyne PICHENOT Conseil économique et social Avis et rapports du Conseil économique et social Journaux officiels: 2005 / 62 p. Les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat: rapport au Président de la République suivi des réponses des administrations intéressées Cour des comptes Journaux officiels: 2003 / 280 p. Démographie et économie Michel AGLIETTA ; Didier BLANCHET; François HERAN Les rapports du Conseil d'analyse économique, nO 35 Conseil d'analyse économique: 2002 / 340 p. Retraites: renouveler le contrat social entre les générations: orientations et débats Conseil d'Orientation des Retraites La Documentation française: 2001 / 400 p. Retraites choisies et progressives Dominique TADDEI Les rapports du CAE, nO 21 Conseil d'analyse économique: 2000 / 267 p. L'avenir de nos retraites Jean-Michel CHARPIN, Catherine ZAIDMAN, JeanMarc AUBERT, Lucile OLIER (et al.) Collection des rapports officiels Commissariat général au Plan: 1999 / 264 p.
49
ANNEXEF LES CONTRIBUABLES AU SECOURS DES RETRAITÉS
Les prhu:Jpaux Impôts et tues dèetés (ITAl) dèetés au rigbae gêDéral répartis par bnJldœ béDéfldalre (en millimu d'euro~J
2004 2857
irAI'dèetés àlalmmdœ ma1al1:II rrAF liés. l t J ~
2005
5710
J1S1
JJ19
Cotisation sur les boissons e1cooliques (est. L.245-7 du CSS) 345 0 Taxe sur les premix Taxe tabacs (art. 575 A du COI) 1911 Cotisations et contaibut.ions sur les primes d'assurance automobile 0 0 Art. L 137-1 du CSS : cotisations visées à Fert. R.213 du code des assurences (} rrAF les pBIS'OlBIlJ$ mondes' Contribution additionnene àlaC3S (est. L,24.S-13 duCSS) 0 1 1 (JI rrAF lI4s ti tlsgtJClMtls écoaomilpSS ou. Taxes médicaments 600 Contribution eIOssistes répartiteurs (1...138-1 du CSS) 321 Contribution ventes directes (1,245-6-1 du CSS) 0 Contribution sur les dépenses de publicité (L.245-1 du CSS) 178 Contribution sur le chifti'e d'affaires (LFSS 2004 et art. L.24.S-6 duCSS) 100 Contribution sur la promotion des dispositifs médicaux (ert.L245-5-4 du CSS) 2 (} ~ rrAF (dOld J " eçittJl) 0 Auttes impôts et taxes affectés .-. 0 irAI'dèetés à lalmmdœ ad1teJds au. tnmaIl et lIJa1dies (} ~ rrAF (tloat 2 " eapiIalJ 0 Auttes impôts et taxes affectés rn IrAFdèetés àlalmmdœ\ÜlllSSe 211 AumJs aAF (dOlIl J " eçittJl) zn Prélèvement social de 2 % 0 Autres impôts et taxes affectés 0 D'AI' dèetés à lalmmdœ lmdIIa (} AumJs rrAF (tIOlIl2 " eçittJl) 0 Autres impôts affectés 3134 Total tDtdes Immdœs ~: CSS = code de la 3dcurité 3OCim~ CGI = code gbabm de3 impôt3. Source : dbprè3la commi~:sionda ~ de la 3écurité :socime (~ 2006)
0 3 3376 0 0
.
le . .
-
-
.
-
194 794
1523 762 314 0 300
143 4 11S 775
158 IS8 158 la
8'1 292
510 328 3J8 DB 7059
2006 1248 J(}S1 0 3 3054 0 0
2GD7 12511 J (}1(}
0 3 3067 0 0
868
B9(J
860 1881
890 1286
940
643
337 0
279 0
230 368 6 1US
234
7605 1623 lQJ 1623
5"5 599S 361
124 6 1HB 7908
188 1688
1688
'208
3395
62" 330 5858 3524
339S 3395 23476
35U 3.sJ4 23931
5634
50
ANNEXEG LES DATES MARQUANTES DE L'HISTOIRE DES RETRAITES EN FRANCE
1850 Loi créant la Caisse de retraites pour la vieillesse. 1853 Loi
unifiant les pensions civiles et fonctionnaires d'administration centrale.
militaires
des
III ème République. 1905 Loi sur l'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables. Loi instituant la Caisse de prévoyance des marins français et remplaçant celle de 1898.
1910 Loi sur les retraites ouvrières et paysannes instituant un système général de pensions de vieillesse; discrimination entre assurés obligatoires et assurés facultés
1930 Loi sur les « assurances sociales» obligatoires (assurancemaladie, -invalidité, -maternité, -décès, -vieillesse) et les « Régimes spéciaux d'assurance sociale» (agricole ou non).
1941 Décret-loi relatif aux modifications aux pensions de vieillesse du régime général des assurances sociales et à l'allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS).
1945 4 et 19 octobre, ordonnances créant l'organisation de la Sécurité Sociale.
1946 22 mai: Généralisation de la Sécurité Sociale à l'ensemble de la population, y compris aux non-salariés. 8 juin: Décret réorganisant les régimes spéciaux.
13
septembre
Ordonnance vieillesse à tous les salariés.
généralisant
l'assurance
IVème République. 1948 Loi prévoyant la création de quatre régimes de non-salariés: commerçants, artisans, professions libérales et agriculteurs (mis en place en 1949 et 1952).
1956 Création du Fonds national de solidarité.
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v ème République. 1967 Ordonnances prévoyant notamment la création de trois caisses autonomes de sécurité dont la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS) et la création de l'ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale). 1971 «Loi Boulin» prévoyant le passage de 120 à 150 trimestres (de 30 à 37,5 ans) de la période d'assurance ouvrant droit à une pension à taux plein, sur la base désormais des dix meilleures (et non plus dix dernières) années de salaire. 1974 Loi instaurant la compensation financière entre régimes de retraite. 1978 Généralisation de l'obligation d'affiliation à la Sécurité Sociale à toute la population de la France. 1979 Création de la Commission des comptes de la Sécurité Sociale. 1982 Ordonnance (MAUROY) fixant l'âge légal de la retraite à 60 ans à partir du 1er avril 1983. 1986 Loi abaissant l'âge légal de départ des exploitants agricoles de 65 à 60 ans. 22 juillet: loi modifiant les conditions d'accès à la retraite des salariés du régime général et assimilés et créant le Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV). Le temps légal de cotisations pour une retraite à taux plein du secteur privé (soumis au régime général) est relevé de 37,5 ans à 40 ans; les syndicats et les employeurs gestionnaires des retraites complémentaires décident de relever progressivement les cotisations. 1995 Sous la pression des syndicats de fonctionnaires, le gouvernement JUPPE renonce à son projet de réforme de la retraite pour les régimes spéciaux. 1996 Instauration des Lois de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS). 1998 Instauration par la LFSS pour 1999, d'un Fonds de réserve pour les retraites. 2000 Décret créant le Conseil d'Orientation des Retraites (COR).
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2002 Le Conseil européen de Barcelone souhaite que l'âge moyen effectif de cessation de l'activité professionnelle soit retardé dans les pays de l'Union de 5 ans d'ici à 2010. 3 juillet: le Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN annonce: - non remise en cause de la retraite à 60 ans ; - possibilité de prolonger son activité professionnelle pour augmenter ses droits. 2003 23 août: adoption de la loi FILLüN (ministre des Affaires sociales) après six mois de négociation avec les syndicats 30 octobre: le décret relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite pour les assurés ayant commencé à travailler jeunes et eu une longue carrière est promulgué. 2007 - Réforme des « régimes spéciaux ». - Les députés réforment leur régime de retraite.
Chapitre II
LA VÉRITÉ Pourquoi la plupart d'entre vous n'ont-ils qu'une vague conscience de la faillite qui s'annonce? Pourquoi n'ont-ils pas eu droit à la vérité? Il faudrait d'abord comprendre dans le détail le décompte des prélèvements qui sont opérés sur vos revenus. Si les chiffres sont ceux qui ont été avancés, c'est-à-dire si les cotisations annuelles pour l'assurance-vieillesse représentent pour le smicard deux mois de SMIC, comment se fait-il que personne ne s'en soit avisé? C'est que les salariés sont victimes de l'illusion d'une feuille de paye qui leur cache l'essentiel. Seul le versement d'une « salaire complet» ferait apparaître au grand jour ce qu'il en coûte d'être « immatriculé» au système, « affilié» à un régime et « assujetti» à ses cotisations et quel est le pouvoir d'achat qui s'en va chaque mois. L'écran de fumée est encore plus épais au niveau national, quand on veut repérer le régime général obligatoire dans le dédale de la Sécurité Sociale. Nul ne peut s'y retrouver, pas même ceux qui sont sensés la contrôler. On ne peut pas imaginer un système plus opaque, où des milliards d'euros circulent dans tous les sens, où l'on va d'exceptions en exonérations, de compensations en consolidations, etc. Il Ya bien pourtant des gens qui savent. Ils ont eu entre les mains des rapports, qui certes déplorent tous l'opacité du système, mais concluent unanimement que la crise est très grave. Cependant il est des vérités qui ne sont pas bonnes à déballer sur la place publique. Et il Ya aussi des vérités qui pourraient remettre en cause la situation de certains acteurs du système: les gestionnaires, partenaires sociaux et bureaucrates, les catégories d'assurés qui se trouvent plutôt bien de la confusion actuelle (les bénéficiaires de régimes spéciaux par exemple), et de façon large la classe dirigeante qui pratique la politique de l'autruche et, ne sachant relever la tête et le défi, préfère ten ir des discours lénifiants et demander aux Français de prendre patience, au nom du principe de solidarité. Silence, on coule!
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1. SALAIRE BRUT? SALAIRE NET? SALAIRE DISPONIBLE? SALAIRE COMPLET? Il est déjà difficile de passer du salaire brut au salaire net. Sur le salaire brut on opère une retenue appelée « cotisation salariale» : le salaire devient net, il est amputé de près de 22 % pour un salarié non cadre. 2,4 % pour J'assurance chômage, 3,80 % pour la restants, c'est ce retraite complémentaire. Les 15,5 % qu'apparemment le salarié apporte à divers régimes de la Sécurité Sociale: - l'assurance-maladie, Il € par mois; - l'assurance-vieillesse c'est la plus grosse part, en moyenne pour un smicard 89 €. Mais, là-dessus, une autre ponction va s'opérer: on va retenir ce qui correspond à deux impôts la Contribution Sociale Généralisée (CSG) pour 98 € et la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale 6,50 €. Mais une partie de la CSG est « déductible» (66 €), de la sorte, vous voyez apparaître deux nouvelles notions : - le net imposable, qui comprend les parties de CSG (31 €) et de CRDS (7 €) non déductibles : sur cette somme vous paierez l'IRPP (Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques) mais si vous êtes smicard vous avez peu de chance d'être soumis à cet impôt36 - le « net disponible» qui est un peu inférieur au net imposable, puisque l'employeur, percepteur forcé bénévole, reverse pour vous la CSG et le CRDS non déductibles de l'IRPP (38 € = 31 € + 7 €). C'est ce salaire net «versé» qui sera mis à votre « disposition », c'est-à-dire qui sera viré sur votre compte bancaire par l'employeur. Voici à quoi ces différents « salaires» correspondent depuis le 1er janvier 2008 pour un Smicard 37 .
36. On ne paye l'IRPP que pour les revenus annuels supérieurs à 5 687 €. En France, un ménage sur deux ne paie pas l'impôt sur le revenu - c'est pourquoi il est très populaire, sauf chez les « riches». 10 % des contribuables paient 70 % du total recueilli au titre de 1'IRPP. 37. Malgré les apparences, tous les Smicards ne sont pas payés au SMIC, car viennent s'ajouter ou se retrancher des prélèvements ou suppléments propres à l'activité, au lieu de travail, etc.
55 le SMIC brut: le SMIC net imposable: le SMIC net disponible:
1 341 € 1 091 € 1 053 €
Ce net disponible représente votre pouvoir d'achat théorique, c'est l'argent que vous pouvez dépenser comme bon vous plaira, à cela près que vous aurez une dépense déjà toute trouvée: les impôts sur le revenu (IRPP, CSG, CRDS), auxquels vous ajouterez vos impôts locaux. Votre pouvoir d'achat est donc largement écorné. Avez-vous suivi tous les méandres de ces calculs, pourtant simplifiés ici 38 ? Voilà bien longtemps que les salariés ont renoncé à percer le mystère de leur feuille de paye, même si certains employeurs ont organisé des séances de formation à la lecture de la feuille de paye. Pourtant, l'essentiel n'est pas là. Car vous avez eu l'impression de n'abandonner à la Sécurité Sociale que 16 % de votre salaire (+ 6 % aux assurances chômage et retraite complémentaire). Or, si l'on définit le salaire comme la rémunération du travail, la contrepartie de la valeur ajoutée par le salarié, le vrai salaire n'est ni brut, ni net, ni imposable ni disponible: il est COMPLET, c'est-à-dire il représente tout ce que vous auriez dû toucher en l'absence de prélèvements dits « sociaux ». Il est de 2 103 € pour notre Smicard 39 .
38. Il aurait fallu tenir compte également des diverses «redevances» et « taxes» qui sont à ajouter à celles que l'on a énumérées - mais qui, il est vrai, sont de moindre importance - mais n'en constituent pas moins une diminution de pouvoir d'achat. En sens inverse, le montant du SMIC évoqué ici suppose que le salarié a travaillé 158,89 heures dans le mois. Enfin, les allègements de charges pour les salariés non qualifiés ou les CNE (lois FILLON) ne sont pas prises en compte ici. Il est très difficile de se prétendre très rigoureux dans ce domaine statistique, voilà pourquoi les chiffres avancés ne donnent qu'un ordre de grandeur - sans prétendre correspondre à la réalité d'un salarié particulier. 39. Le passage du salaire complet au net disponible est indiqué en annexe A, d'après une feuille de paye réelle (dans une entreprise industrielle de la région parisienne).
56 On voit la disproportion entre le salaire complet et le salaire net disponible, entre ce que le salarié pourrait toucher et ce qu'il va réellement toucher: Net disponible: Salaire complet: Ecart {prélèvements « sociaux»)
1 OS3€ 2103 € 1 OSO €
L'articulation entre salaire complet, brut, net disponible et net imposable est illustrée par le la graphique ci-dessous, établi en pourcentage (et toujours au 1er janvier 2008). Il apparaît bien que le salaire net disponible est la moitié du salaire complet pour un Smicard. L'écart est le même pour un salarié payé 2 SMIC, il est un peu moindre pour 4 ou 8 SMIC (à cause du plafonnement de certains prélèvements).
o
20
40
60
aD
100
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2. LE SALAIRE COMPLET: LA VRAIE VALEUR DU TRAVAIL Le salaire brut est habituellement présenté, même dans les instances patronales, comme la rémunération versée par l'entreprise à ceux qui ont apporté le travail. C'est exact du point de vue juridique, puisqu'il existe un contrat de travail passé entre l'employeur et le salarié. Mais c'est inexact ou imprécis du point de vue économique, parce que l'employeur paye le salarié avec le seul argent dont il dispose réellement: l'argent des clients qui ont acheté le produit proposé par l'entreprise. Derrière l'entreprise, il y a la clientèle. Et, dans le prix payé par le client, il y a la contrepartie exacte de la valeur du service rendu par l'entreprise, que l'on désigne à juste titre sous le vocable «valeur ajoutée». La valeur ajoutée c'est celle que l'entreprise a pu donner au produit en conjuguant les efforts des travailleurs, des épargnants et de l'entrepreneur lui-même (qu'il s'agisse d'un entrepreneur individuel ou d'une société, collectif d'entrepreneurs constitué et dirigé par les actionnaires)40. Le prix payé par le client est donc la reconnaissance de cette valeur ajoutée. C'est une reconnaissance purement subjective, car la décision d'acheter appartient au client, et au seul client: un produit peut avoir beaucoup de valeur aux yeux d'un client et pas du tout pour un autre - cela dépend du besoin personnel ressenti de ce produit par rapport à un autre, sous contrainte d'un budget donné. Ainsi, quand l'entreprise paye un salarié, elle dit implicitement: voici la valeur que le client a reconnue pour le travail que vous avez fait. Il est vrai que les économistes sont pour beaucoup dans l'ignorance de cette vérité économique élémentaire, parce que depuis deux siècles ils se sont majoritairement emprisonnés dans le 40. On appelle aujourd'hui «gouvernance» de la société l'ensemble des moyens qui permettent aux actionnaires d'exercer directement ou indirectement la maîtrise de l'entreprise, et en particulier le contrôle des dirigeants salariés. Les actionnaires sont responsables de la qualité de la gouvernance. Ils ont au moins un moyen d'exercer leurs responsabilités: vendre leurs actions - ou au contraire souscrire à des augmentations de capital. Cf. l'ouvrage fondateur de Henry MANNE Corporate Governance, Past & Future, KCG Production, New York, 1982.
58 concept de coût ou, si l'on préfère, de « prix de revient». Le prix ne serait que le total des coûts supportés par l'entreprise augmenté du bénéfice (ou profit) de l'entrepreneur. C'est une conception que l'on voudrait « objective» de la valeur, les coûts étant connus (au moins en courte période) de façon mécanique et comptable. La réalité est tout à fait différente parce que c'est la valeur acceptée par le client qui permet de révéler à l'entreprise quel niveau de coût elle doit s'efforcer d'atteindre pour conserver ou obtenir l'accord d'une clientèle, pour passer le marché, c'est-à-dire réussir l'épreuve du marché. C'est le résultat du jeu de la concurrence, véritable processus de découverte de la valeur et d'ajustement des coûts. L'entreprise est ainsi amenée à faire varier ses coûts en fonction des réactions du marché, c'est-à-dire de la communauté des clients potentiels. Evidemment un tel processus est incompréhensible et impraticable dans une situation de monopole ou de tarification publique ou corporative 41 • Cette situation est hélas 42 très fréquente en France, et s'il existe des branches où le client est roi, il en est un plus grand nombre encore où ce sont les producteurs ou les pouvoirs publics (ou les deux) qui font la loi, car la concurrence y est inopérante 43 . En France, dans les discours sur la valeur, on a toujours tendance à aller du
41. Cette distinction entre le public et le corporatif est exagérée, car il n'est guère possible pour une corporation de fixer des prix ou barèmes sans l'accord - ou l'injonction - des pouvoirs publics. Ainsi en est-il par exemple du « prix» du taxi ou du barème des réparations du syndicat des réparateurs automobiles, etc. 42. Le « hélas» se justifie parce qu'à notre avis la vie économique est orientée vers le service de la communauté et la satisfaction des besoins des êtres humains, elle est à base d'échanges de services; une erreur conduit le public à croire que l'économie consiste à produire, sans souci de ce que veulent les gens. Cette erreur a été portée à son comble par la planification qui définit des objectifs de production à partir de choix opérés non pas par les consommateurs mais par les planificateurs (qui savent évidemment mieux que les gens ce qui est bon pour eux). Hélas (à nouveau !), cette erreur est entretenue dans l'opinion publique par les analyses de la plupart des économistes (y compris les « néo-classiques») et seuls Frédéric BASTIAT au XIXe siècle et les économistes « autrichiens» au XX e siècle ont relevé cette erreur et donné à l'économie son véritable sens. 43. Il n'est pas jusqu'à la déformation du « marketing », qui passe très souvent pour l'art de faire avaler au client des produits dont il ne veut pas, ou de créer artificiellement des besoins, alors qu'il est en réalité une analyse des besoins insatisfaits qui appellent un produit nouveau.
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producteur au consommateur alors que le mouvement naturel de l'économie va du besoin vers le service 44 . On peut discuter à l'envi la question soulevée ici : qui paye le salaire? Mais il est une chose incontestable: c'est que l'on ne retrouve pas dans le salaire « net disponible» la valeur du travail fourni par les salariés, telle qu'elle a été reconnue et acceptée par le client. Une courte vue consiste à dire qu'il en est ainsi parce que c'est «le patron» qui s'est mis dans la poche une partie de la valeur ajoutée, au détriment des salariés. La part « patronale» des cotisations sociales serait donc une façon indirecte de lui faire rendre gorge: il paye une partie des assurances qui couvrent le salarié. Le patronat a cru bon d'accréditer cette thèse et d'apparaître comme le «bon patron social» qui fait un effort en faveur de ses salariés. C'est une erreur jadis relevée par Pierre de CALAN45 , car la « feuille de paye» apparaît ainsi comme « ce que le salarié a coûté au patron », alors qu'elle devrait être lue comme «la valeur du travail convenue avec l'entreprise et reconnue par le client ». La vraie présentation d'une feuille de paye a été proposée dans certaines entreprises46 . Après quelques heures de dialogue avec la direction, dans les entreprises ainsi concernées, plus de 95 % des salariés en tiraient la conclusion suivante : nous payons trop pour la 44. Cf. annexe B sur l'analyse économique du salaire complet. On pourrait dire « du besoin vers le produit », mais il est plus rigoureux de parler de service car un produit est acheté pour les services qu'il rend. On n'achète pas un réfrigérateur, mais une machine à faire du froid, ou à meubler agréablement une cuisine, ou à économiser l'électricité (Cf. Gary BECKER). 45. «M. de CALAN souligne l'erreur commise, à son sens, par le patronat quand il a laissé s'accréditer la notion de charges sociales et de partage des cotisations entre une prétendue part de l'employeur et une prétendue part du salarié, et quand il ne s'est pas révolté contre le mensonge des feuilles de paie qui ne font pas apparaître le coût global des rémunérations pour l'entreprise. » (Liberté économique et progrès social, avril 1978, p. 23). Voir aussi J.-L. GIRAL et alii, Rapport sur la protection sociale, CNPF, 1987. 46. L'expérience a été vécue par des entreprises adhérant à l'AFERP (Association Française Entreprise et Responsabilité Personnelle - à ne pas confondre avec l'Association Française d'Etudes sur les Relations Professionnelles, institut universitaire qui n'a aucun lien avec le réseau d'entrepreneurs constitué par l'AFERP).
60 Sécurité Sociale, pourquoi la valeur de notre travail est-elle amputée de moitié? Au moment où les Français s'interrogent à juste titre sur l'évolution de leur pouvoir d'achat, ils devraient savoir que c'est le niveau élevé des cotisations qui les oblige à se serrer la ceinture. Au lieu de demander une augmentation des salaires bruts qui est difficile, voire dangereuse, dans un contexte de concurrence mondiale, ils devraient exiger une réduction des cotisations. Ils ne le font pas, parce qu'ils ignorent le problème: on leur a masqué la vérité 47 •
3. L'OPACITÉ DU SYSTÈME Connaître la vérité sur ce que les cotisations représentent en perte de pouvoir d'achat est difficile, mais connaître la vérité sur la situation réelle du régime général des retraites est impossible. Tout le monde y perd son latin, y compris ceux qui sont chargés de gérer ou de contrôler. On ne peut imaginer un système plus opaque, plus imperméable que celui de nos retraites, et de façon plus large, que celui de notre Sécurité Sociale. La raison apparente tient à ce que nous avons affaire à un système de vases communicants, avec beaucoup de vases, et beaucoup de communications. Parlons d'abord des vases. On ne doit pas oublier que les retraites obligatoires et publiques ont précédé dans notre pays toutes les autres formes de protection sociale. C'est le régime de Vichy qui a inventé le 14 mars 1941 «l'allocation aux vieux travailleurs salariés». En 1945 l'ordonnance du 19 octobre crée l'assurance vieillesse pour tous les salariés, en 1947 apparaît le régime complémentaire des cadres, en 1946 la retraite des non-salariés, en 1952 celle des exploitants agricoles. A l'heure actuelle, on dénombre officiellement 16 régimes différents d'assurance vieillesse. Chacun de ces régimes a ses propres caractéristiques: les organes de gestion, les taux de cotisation et les taux de pension ne 47. Tout au contraire, syndicats et gouvernements sont souvent d'accord pour proposer un relèvelnent de la «part patronale », c'est-à-dire une nouvelle retenue sur le salaire cOlnplet !
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sont pas les mêmes pour tous. On relèvera par exemple la situation particulière des retraités de la fonction publique, qui échappent aux règles du régime général. Au sein des agents de la fonction publique, les fonctionnaires d'Etat sont payés par le Trésor Public, tandis que les agents des collectivités locales et les hospitaliers sont gérés par la Caisse Nationale de Retraite des Collectivités Territoriales (CNRACL). Il est vrai que tous ces «vases» portent de jolis noms: MSA, FPE, CNRACL, FSPOEIE, CRPCEN, CAVIM, CRPCEN, CAVIMAC, CANCAVA, CNAVPL, ORGANIC, etc. Les régimes spéciaux, eux, sont répertoriés suivant le nom des entreprises concernées: SNCF, RATP, Mines, Banque de France.
Graphique 1 - Répartition par régime en 2006
Source: Comptes de la Sécurité Sociale, tome 1 p.31, sept.2üü7.
Si le régime général représente 79 % de l'ensemble des régimes de base obligatoire, sa branche «vieillesse» représente 64 % de l'ensemble de base vieillesse, on ne peut pour autant oublier tout le reste. De la sorte, la branche «vieillesse» est un véritable habit d'Arlequin. Comment avoir une claire vision d'ensemble de ses problèmes et de ses perspectives? Par exelnple, le futur des retraites des fonctionnaires de l'Etat est différent de celui de tous les autres assurés. Car ici il n'est pas besoin de demander des cotisations aux assurés pour payer les retraités: on demande au contribuable, et c'est la masse globale des
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impôts qui fournit chaque année de quoi payer les pensions des fonctionnaires 48 . De même, les «régimes spéciaux », que le gouvernement actuel voudrait voir disparaître ou changer, ont pour particularité de fonctionner avec une durée de cotisation réduite, un âge de départ en retraite plus faible, et un taux de pension plus élevé ; on comprend pourquoi ils sont davantage menacés que les autres. Cette menace ne peut être évitée qu'avec des transferts en provenance d'autres régimes. Car tous ces vases sont communicants. Le principe de la «compensation» a été posé dès 1945, parce que l'on a voulu faire de la Sécurité Sociale une institution de solidarité nationale généralisée: tous les Français aident tous les Français, et pour tous les risques considérés. Mais, progressivement, quand on a pris conscience de la confusion elle aussi généralisée, on a scindé la Sécurité Sociale en branches (maladie, vieillesse, accidents du travail, allocations familiales), puis les branches ont éclaté au hasard des innovations du législateur et des négociations sociales. Aujourd'hui, il y a des régimes qui donnent aux autres, des contributeurs et des bénéficiaires 49 . Le régime général est contributeur - ce qui signifie que, le retraité « de base» paye non seulement pour les retraites gérées par sa caisse (la CNAV) mais aussi pour les autres. Sont encore contributeurs les régimes de la fonction publique (qui bénéficient du soutien du budget de l'Etat). Les bénéficiaires sont les régimes des agriculteurs et des salariés agricoles, ainsi que ceux des commerçants (ORGANIC). Actuellement, par exemple, le régime général compense pour environ 5 milliards d'euros la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) qui reçoit globalement 6 milliards d'euros.
Le Centre d'Orientation des Retraites (COR) est relativement plus optimiste pour le futur, estimant que les transferts de
48. Cela ne veut pas dire que le financement des retraites de fonctionnaires ne pose pas de problème. En particulier le fait que la masse future des retraites ne soit pas provisionnée aboutit à sous-estimer la dette de l'Etat: il faudra bien qu'un jour ou l'autre les contribuables payent ce qui est dû aux fonctionnaires retraités de l'Etat. 49. Cf. annexe D pour les comptes entre contributeurs et bénéficiaires.
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compensation pourraient diminuer dans les années à venir. C'est ce qui apparaît à la lecture du tableau suivant, dont le détail n'intéressera pas nécessairement les assurés du régime général, mais dont l'allure générale renforcera l'impression «d'usine à gaz» que les assurés peuvent avoir au vu des explications précédentes. Transfel1s de compensation (conlpensation généralisée entre salariés et non-salariés compensation spécifique entre régitnes spéciaux)
2003
2010
2020
2030
2040
CNAV
5,1
4,7
4,2
4,2
3,7
3.4
MSA salariés 8{Jricoles
-2,2
-2,1
-2,2
-2,7
-3,0
-3,0
2050
FPE
2,1
1,0
0,6
0,7
1,0
1.1
CNRACL
2,8
1,7
lA
1,4
1,4
1.2 0.0
FSPOEIE
-0,2
-0,1
0.0
0,0
0,0
SNCF
-0,4
-0,1
0,1
0,1
0,2
0.2
RATP
0,0
0,0
0,0
0,1
0,1
0.1 0.2
CNIEG
0,'1
0,1
0,1
0,"1
0,2
Mines
-1,4
-0,5
-0,2
-0,1
-0,1
0.0
ENIM
-0,3
-0,1
-0,1
-0,1
-0,1
-0,1
CRPCEN
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
Banque de France
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
CAVIMAC
-0,2
-0,1
-0,1
0,0
0,0
0,0
CANCAVA
-0,4
-0.4
-0,5
-0,4
-0,4
-0,5 -2,6
ORGANIC
-0,9
-0,9
-1,2
-1,8
-2.3
CNAVPL
0,3
0,4
0,2
0,2
0,2
0.2
MSA exploitants Agricoles
-4,3
-3.7
-2,4
-1,5
-0.8
-0,3
Autres régimes (-)
0,0
0,1
0,1
0,"'
0,1
0.1
0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 Ensemble .. .. t~) Regimes participant aux transferts de compensation mais ne partiCipant pas a l'exerCice de projection du COR Note de lecture: signe (+) : le régime verse, signe (-): le régime reçoit Note: les régimes complémentaires ne participent pas aux transferts de compensation
Source: COR 2005.
Tous les ingrédients sont réunis pour dissuader les gens concernés, et par priorité cotisants et retraités, de regarder de plus près ce qui se passe à l'intérieur du système des retraites: l'obscurité du système les rend aveugles!
4. UNE COMPTABILITÉ INTROUVABLE Si les assurés peuvent à bon droit renoncer à inspecter le système des retraites, qu'en est-il pour les inspecteurs patentés? Beaucoup d'éminents experts et de prestigieuses institutions ont
0.0
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pour mISSIon de veiller aux comptes. Mais, à les entendre, le contrôle est impossible, parce que la comptabilité est d'un tel niveau de complexité et d'un tel manque de rigueur qu'elle dissuade les meilleures volontés. Le principal contrôleur est la Cour des Comptes. Elle portait en 1998 le jugement global suivant: «Ni le Parlement, ni les
responsables et acteurs du système, ni les observateurs n'ont à leur disposition des informations et des évaluations de la qualité qui serait nécessaire pour exercer pleinement leurs fonctions ». En fait, les divers organismes de Sécurité Sociale n'ont eu de comptes à rendre qu'à partir de 1996, quand une réforme constitutionnelle a institué les « lois de financement de la Sécurité Sociale »50. Ce qui signifie que pendant cinquante ans officiellement personne en fait ne surveillait les comptes! L'avantage de la réforme de 1996 est théoriquement double: d'une part c'est le Parlement qui décide comment l'équilibre de la Sécurité Sociale sera atteint au cours de l'année suivante, d'autre part les parlementaires se prononcent au vu d'un rapport de la Cour des Comptes. Comment passe-t-on de la théorie à la pratique? Pour le Parlement, les choses sont simples: aucune loi de financement n'a été respectée, il y a eu chaque année des débordements dans les dépenses prévues. La raison en est bien simple: c'est que personne n'a été en mesure de définir « l'équilibre» et les moyens de l'atteindre: suffit-il d'augmenter les cotisations? de recourir à des impôts et des dotations budgétaires? de modifier les conditions de calcul des pensions?
« La loi fait obligation aux régimes de Sécurité Sociale d'être en équilibre. Toutefois la façon dont celui-ci est réalisé ne fait l'objet d'aucune définition », critique la Cour des Comptes en 1998. Pour la Cour, les causes de son inefficacité sont à chercher du côté des conditions déplorables dans lesquelles elle travaille, et la complainte de la Cour est permanente et inquiétante. On peut
50. L'article 34 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 22 février 1996, dispose que chaque année doit être votée une loi de financement de la Sécurité Sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier.
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être édifié par quelques-uns des passages relevés dans des rapports récents: « [La Cour) confirme les constats formulés les deux précédentes années sur la complexité des relations financières de l'Etat et la Sécurité Sociale et l'utilité de réformes en ce domaine» (Rapport, 2003). « La qualité de beaucoup de données de base reste inégale, l'appréciation quantitative des conséquences des mesures, c'est-àdire les conséquences des dispositions de la loi de financement est imparfaite, et les comptes eux-mêmes, ce qui, a priori, est plus inattendu, sont parfois encore trop imprécis» (1999). La Cour incrimine particulièrement: - l'ambiguïté des termes utilisés et des catégories statistiques retenues: on ne sait jamais à quoi les rapports des gestionnaires du système se réfèrent quand ils parlent de « régimes », de « caisses », de branches », puis, plus récemment, de «risques », de « fonds» d' « organismes» ; - la surabondance des informations qui, paradoxalement, complique les rapports au lieu de les éclaircir « en dépit des progrès réalisés ces dernières années, l'information est encore trop imprécise, produite avec des délais excessifs, et même, mais le paradoxe n'est qu'apparent, trop multiple» ... « trop d'information, mal maîtrisée et portant sur des notions parfois confuses, diverses ou mal définies, tue l'information» (1998) ; - l'hétérogénéité des méthodes comptables: dans l'espace d'abord parce que chaque « régime» a sa manière de faire, dans le temps ensuite parce que l'on crée sans cesse de nouvelle séries statistiques impossibles à raccrocher aux précédentes. La Cour fait en particulier référence au régime « vieillesse », « historiquement le plus hétérogène et celui pour lequel, naturellement en quelque sorte, la logique professionnelle est restée la plus forte». Les régimes « spéciaux» sont « naturellement» visés par cette remarque: les retraites des cheminots ou des mineurs sont organisées et réorganisées au hasard des négociations sociales menées par les partenaires sociaux. Cela conduit à une idée, qui pourrait apparaître saugrenue a priori: et si la complexité était volontairement organisée? Et si le brouillard comptable n'était pas dû au hasard?
66
5. DES ACTEURS DANS LEURS RÔLES Les retraités ou assurés comme vous ou nous se posent rarement la question. Ils font confiance au système et à ses acteurs, et partent du principe que tout le monde fait son possible pour que tout marche bien. Les gestionnaires des caisses sont efficaces et compétents, les gouvernants interviennent pour améliorer les performances, et il est difficile d'imaginer que tout est organisé pour que le système explose. Nous aurions donc plutôt tendance à incriminer le comportement des assurés eux-mêmes. Dans le domaine de l'assurance-maladie, on souligne tous les abus auxquels se livrent des irresponsables qui bénéficient de la gratuité et prennent régulièrement leurs «congés maladie ». En matière d'assurancevieillesse, on ne va pas reprocher aux personnes de devenir âgées, mais on peut incriminer les plans sociaux des entreprises qui dégraissent leurs effectifs en envoyant les gens en retraite anticipée, ou pire encore qui pratiquent des licenciements secs qui diminueront le nombre des cotisants. Mais nul ne suspecte les gestionnaires du système, et encore moins leurs inventeurs, ceux qui ont permis cette grande conquête sociale qu'est l'assurance obligatoire assortie de la retraite par répartition. On a pourtant découvert récemment, à l'occasion du débat autour des «régimes spéciaux », que certains retraités tiraient un large parti des sacrifices que s'imposaient des millions de cotisants. Des minorités bien organisées, capables de faire pression sur les autorités voire même de convaincre le grand public, n'hésitent pas à se faire accorder des régimes plus avantageux au détriment du reste de la nation. Ils n'ont pas intérêt à ce que cela change. La RATP, « danseuse de la République» 51, garantit à ses salariés des retraites très avantageuses, dont la moitié (2 milliards et demi) est payée par le contribuable. N'ont pas intérêt au changement ceux qui gèrent le système, et occupent des emplois et des positions enviables - surtout par ces temps d'instabilité du marché du travail. Plus précisément encore, 51. L'expression est de B. ZIMMERN, Les profiteurs de l'Etat, Plon, Paris, 2000. Dans ce chapitre, l'auteur fait une cOlnparaison saisissante entre le régÎlne spécial de la RATP et le régime général.
67
les syndicats et les organisations patronales ont fait des Caisses leur chasse gardée, et ne veulent pas remettre en cause une position dominante qui rapporte financement aux uns, prestige et emplois aux autres, influence politique à touS 52 • Un mot en passant sur la gestion du régime général. En 2006, plus de 13 700 personnes travaillaient dans la branche «retraite» et percevaient près de 720 mililions d'euros en rémunérations, sans tenir compte des charges en relation avec le recouvrement des cotisations « vieillesse» 53. La classe politique non plus n'a pas intérêt au changement. En premier lieu, les réformes du droit du travail et de la sécurité sociale sont des domaines où personne n'ose s'aventurer. Le courage des dirigeants va jusqu'à demander des rapports à des personnes éclairées, et par exemple il ne manque pas de bonnes recommandations dans le rapport CHARPIN demandé par le Premier Ministre Lionel JOSPIN. Le Centre d'Orientation des Retraites ou le Comité de Politique Economique peuvent aussi présenter des analyses assez lucides, mais le dossier est aussi vite enterré que publié - à l'image de ce que produit la Cour des Comptes. Mais là s'arrête le courage. Ensuite il faudra affronter les « partenaires sociaux », et se mesurer aux syndicats et corporations qui ont instauré la tyrannie du statu quo. Plutôt que d'avoir à reculer, le pouvoir se refuse à avancer. Sans doute peut-on faire illusion avec des effets d'annonce. Au début de son mandat, le président SARKOZY a déclaré que le régime des retraites était « réglé par la réforme FILLON au moins jusqu'en 2020 ». Et après 2020 ? A supposer que le système n'ait pas explosé entre temps - et il aura réellement explosé si rien n'est changé - que fera-t-on avec « ce qui n'est pas réglé» ? Cette échéance paraît lointaine : mais c'est le moment où la plupart des quadras d' aujourd 'hui (et quelques quinquagénaires attardés) prendront leur retraite. Leur restera-t-il quelque chose? Ainsi les autorités publiques et les acteurs principaux du système n'ont-ils aucune envie de s'engager dans de vraies réformes. Et, précisément, ils soulignent la complexité réelle du 52. Sur la logique du comportement syndical, voir J. GARELLO, B. LEMENNICIER et H. LEPAGE, Cinq questions sur les syndicats, P.U.F. coll. Libre échange, Paris, 1990. 53. Pour le détail des effectifs (et de leur évolution) cf. annexe B.
68 problème pour excuser leur inertie. Ils ne font donc rien pour mettre fin à l'ignorance des Français, cotisants et retraités. Dans les campagnes électorales, le sujet est tabou. La vérité ne passera pas. La classe politique peut toujours prodiguer des apaisements, avancer quelques promesses mineures, mais elle ne veut pas dire la vérité. Une raison supplémentaire peut être donnée pour la France. Il y a dans notre pays une idéologie de la redistribution, fort ancienne : au XIXème siècle déjà, Alexis de TOCQUEVILLE soulignait l'importance que les Français attachent à l'égalité plutôt qu'à la liberté. La retraite par répartition fait vibrer aussi la corde de la fraternité. Egalité, fraternité, sécurité. On trouve donc aujourd'hui une gauche attachée aux idées des « droits sociaux» et à la puissance syndicale, une droite nostalgique des ordonnances de 1945, un centre acquis à l'État Providence. Voilà qui donne bonne conscience à tous : nous avons « le meilleur système de protection sociale du monde ». Pourquoi le réformer?
LISTE DES ANNEXES DU CHAPITRE II
A.
La feuille de paie du salaire complet
B.
Analyse économique du salaire complet
C.
Commentaires sur l'histoire de la feuille de paie
D. Les« vases communicants» entre régimes de retraite E.
Les effectifs de la branche vieillesse et leur évolution
Consultez le site www.irefeurope.org Véritable portail vers la connaissance des retraites, ce site rassemble tous les éléments statistiques et analytiques qui sous-tendent le chapitre II. Vous pourrez y trouver notamment: Les 839 sigles de la Sécurité Sociale Avis de la Cour des Comptes sur la tenue des livres des organisations de Sécurité Sociale. « La compensation entre régimes », Etude du COR, rapport 2001, Y. ULLMO et P. PELE. «Evolution de l'organisation au Royaume Uni: l'actuaire en chef», COR, avril 2007. Les pensions des fonctionnaires. Composition des conseils d'administration des caisses de Sécurité Sociale après la démission des représentants des employeurs (octobre 2001). L'opinion des syndicats sur les retraites.
70
ANNEXE A LA FEUILLE DE PAIE DU SALAIRE COMPLET
A titre indicatif, voici comment se présente une feuille de paie faisant apparaître le salaire complet, puis les diverses retenues qui alimentent les caisses de la Sécurité Sociale et de l'Etat pour arriver au salaire net disponible (mais avant impôts directs et indirects !).
2006
Salaire Complet retraite maladie chomage accident logement formation famille transport docteur nourriture TOTAL charge
2064
24716
3984
47745
7771
93208
15406
184825
342 335 88 16 13 23 71 69 6 32
4108 4017 1 061 186 150 281 851 827 73 341
737 605 177 31 25 47 142 103 6 32
8820 7256 2 122 372 299 561 1 703 1 237 73 341
1 337 1 139 354 62 47 94 283 169 6 32
16045 13672 4245 744 567 1 121 3405 2024 73 341
2625 2208 707 124 92 187 568 305 6 32
31 501 26490 8489 1 488 1102 2244 6811 3664 73 341
995
11 895
1 904
22785
3523
42238
6854
82203
net a déclarer taxe csg net payé
1 068
12821
2080
24960
4247
50970
8552
102622
37
444
76
909
150
1 799
298
3577
1 031
12378
2004
24051
4098
49171
8254
99045
Source: AFERP, Association Française Entreprise et Responsabilité Personnelle.
71
Feuille de paie du salaire complet (cotisation non agrégée) 2008 SMIC (1341,03€) Mensuel 1 091
janv-08 NET IMPOSABLE Dont CSG/CRDS non deduct. RETRAITE REGIME DE BASE
SAL PAT
13092
2 SMIC (2682€) Mensuel 2116
38
453
77
928
89 133 222
1 070 1 593 2663
178 266
444
2140 3186 5326
ANNUEL
ANNUEL 25395
RETRAITE COMPLEMENTAIRE
SAL PAT
51 76 127
612 917 1 529
128 195 323
1 533 2344 3877
ASS. MALADIE CSG DEDUCTIBLE
SAL PAT SAL
11 172 66 249
137 2060 796 2993
23 343 136 502
274 4120 1633 6026
CONTRIBUTION SOLIDARITE
PAT
4
48
8
97
ASS. DECES/INC/INV
SAL PAT
0 12 12
0 140 140
0 29 29
0 345 345
ASS. MALADIE COMPL.
SAL PAT
34 43 77
408 513 921
37 45 81
438 536 974
ASS. CHOMAGE
SAL PAT
32 56 88
386 668 1054
64 111 176
772 1 336 2108
ASS.ACCIDENT DU TRAVAIL
PAT
17
200
33
399
IMPOT LOGEMENT
PAT
13
153
25
306
TAXE D'APPRENTISSAGE
PAT
10 10
126 126
21 21
251 251
FORMATION
SAL
12
145
24
290
TICKETS RESTAU RANTS
PAT
32
341
32
341
ALLOCATION FAMILIALES
PAT
72
869
145
1738
TRANSPORT
PAT
70
843
105
1262
VISITE MEDICALE
PAT
6
73
6
73
2103
25188
4071
48807
306
3661
o
o
TOTAL COMPLET IALLEGEMENT FILLON
IPAT 1
Source: Association Française Entreprise et responsabilité Personnelle.
A la différence du tableau simplifié précédent, celui-ci donne le détail précis des lignes de la feuille de paie telles qu'elles apparaissent dans la comptabilité d'une entreprise. On voit tout de suite que cette feuille de paie, plus proche de celle que recevra le salarié, est totalement illisible.
72
ANNEXEB ANALYSE ECONOMIQUE DU SALAIRE COMPLET L'idée de salaire complet est liée à la théorie de la valeur. Dans l'histoire de la pensée économique, depuis Adam SMITH dont la position est sur ce point ambiguë (au moins dans la forme) la théorie de la valeur se divise en deux branches irréductibles : - la valeur « objective» ou « valeur incorporée », qui mesure la valeur d'un produit à son coût de production (par exemple le nombre d'heures de travail nécessaires à fabriquer le produit) ; c'est la tradition de RICARDO, MARX, MARSHALL et KEYNES; - la valeur «subjective» qui lie la valeur d'un produit à l'estimation que chaque personne lui attribue, en fonction de ses propres besoins et moyens: c'est la tradition de CONDILLAC, BASTIAT, HAYEK et l'école autrichienne. Le salaire complet se réfère à cette dernière conception, autour de la notion de « valeur ajoutée ». Ce lien n'apparaît pas dans une approche purement juridique du salaire: formellement le salaire est fixé par convention entre l'employeur et le salarié, et il est donc déconnecté du client; son montant ne varie pas si le prix du produit hausse ou baisse. Il est exact que, comme l'épargnant (qui investit à un taux d'intérêt fixe, quel que soit le résultat réalisé par l'entreprise), le travailleur exige la sécurité d'un revenu, et ne veut pas s'associer aux risques de l'entreprise. Il est également exact que, de tous ceux qui ont « ajouté de la valeur », seul l'entrepreneur accepte de voir son revenu varier en fonction des quantités et des prix de vente. Mais il en est ainsi précisément parce que c'est sa fonction propre de faire l'intermédiaire entre le marché et les moyens de production nécessaires à la production. C'est une fonction de coordination entre ce que veulent payer les clients et ce que veulent gagner les travailleurs et les épargnants. C'est une fonction de répartition entre tous les usages possibles que l'on peut donner à l'appareil de production et tous les besoins solvables aujourd'hui partiellement ou totalement insatisfaits. Finalement, c'est une fonction de création de valeur: le travail et l'épargne n'ont pas toute leur valeur, voire pas de valeur du tout, tant qu'ils n'ont pas été correctement affectés à un usage voulu par la clientèle. Cette
73
fonction est assurée par l'entrepreneur sous sa pleine responsabilité, et comme son résultat est incertain, elle ne peut être rémunérée que par un revenu variable: c'est ce qui reste de la valeur ajoutée constatée sur le marché, après que le travailleur et l'épargnant aient été rémunérés par un salaire et un intérêt. Quelques exemples suffisent à comprendre pourquoi le salaire, bien que déterminé contractuellement, est économiquement lié à la valeur du produit: 1° si le client ne suit pas les choix de l'entreprise, si le produit se révèle invendable, les salaires ne pourront plus être payés, ou il faudra réviser le contrat; 2° si à l'inverse les résultats de l'entreprise sont positifs, le salarié pourra percevoir des rémunérations supplémentaires. Il y a d'abord la possibilité d'instaurer une participation aux résultats, qui a été mise en place dans de nombreuses entreprises avant qu'elle ne soit imposée par la loi pour certaines d'entre elles; quand elle est volontairement mise en place cette participation ne signifie pas, comme on le dit et on le croit, un droit des travailleurs sur le profit de l'entreprise, mais une modulation du salaire pour stimuler et reconnaître les efforts réalisés par le personnel dans l'exécution de ses missions. Car un même contrat de travail, fixant un salaire donné, peut être exécuté avec plus ou moins d'efficacité ou de rigueur, et il est assez naturel qu'une rémunération supplémentaire soit associée à une productivité supérieure. Il y a ainsi une autre manière de moduler les salaires, avec les primes individuelles, qui tendent à se généraliser, et la tendance va donc vers l'individualisation des augmentations de salaires, en fonction de la productivité de chacun, au grand dam des syndicats, qui plaident pour les «augmentations générales », non différenciées, puisque les syndicats ne peuvent mettre leur nez dans les augmentations individuelles, et partent du principe que «toute peine mérite salaire », sans considération de la productivité. Enfin, on voit se multiplier les rémunérations de travailleurs à la tâche, ou à la mission accomplie, qui écartent de plus en plus de la rigidité salariale. Bien sûr, certains travailleurs sont davantage tentés par un « statut» qui puisse leur garantir emploi et grille de salaires à vie, plutôt que par les formules flexibles. Mais la vie économique a pris aujourd'hui une telle accélération, et les adaptations sont si fréquentes que ceux qui offrent leur travail et leur compétence découvriront bientôt qu'ils ont intérêt à une
74 flexibilité qui leur permet de progresser plutôt qu'à une illusoire sécurité. 3 0 le client qui est satisfait des services que lui a rendus le produit proposé par l'entreprise est prêt à payer un prix qui permet à l'entreprise de continuer à fonctionner. Le profit réalisé par l'entreprise est d'une part une constatation: les plans de l'entreprise ont su rencontrer ceux de la clientèle, et un encouragement: la satisfaction du client permet à l'entreprise de continuer dans la bonne voie en investissant et en créant des emplois. Le montant du salaire versé à l'employé par contrat correspond au mérite du travailleur, tel qu'il est apprécié par le client. Il est faux de soutenir que le profit est prélevé sur le salaire, alors qu'il est accordé par le client. D'ailleurs, ce sont dans les entreprises où les profits sont les plus élevés (sur une longue période) que le niveau des salaires et la sécurité de l'emploi sont les plus avantageux. En conclusion, on voit que le salaire complet est bien, de façon médiate, la reconnaissance par le client de la qualité du travail fourni par le salarié. L'amputation du salaire complet par des prélèvements obligatoires est une offense faite au travailleur, elle lui laisse à croire qu'il ne méritait pas plus que ce qu'on lui donne. La dignité et la liberté du travailleur commanderaient que le salaire complet lui soit versé, à charge pour lui de payer son assureur (pour lequel il devrait avoir le libre choix).
75
ANNEXEe COMMENTAIRE SUR L'HISTOIRE DE LA FEUILLE DE PAIE Il est à remarquer que, depuis la mise en route de la Sécurité Sociale en 1946 et jusqu'au 1er janvier 1989, l'employé n'avait jamais été informé des prétendues charges patronales qu'aurait payées son employeur sur la base de son salaire brut. Ce sont des pressions permanentes sur les hommes politiques qui ont conduit à ce que l'information soit enfin donnée. A partir de cette date, l'employeur a été tenu de mentionner explicitement sur la feuille de paie de l'employé les cotisations en question. Mais un DDOEF voté en février 1998 a supprimé l'obligation de faire figurer sur le bulletin de paie les informations sur les cotisations dites patronales au prétexte de «simplifications administratives ». Soit dit en passant, en 1996, on avait dénombré 168 millions de bulletins de salaire remplis pour l'année. Et le 1er janvier 2005, a été institué un bulletin de salaire « simplifié» qui fait passer le nombre de lignes du bulletin de paie - une ligne, c'est un prélèvement - pour les « non cadres» de 20 à 7 et pour les « cadres» de 30 à Il au prétexte de « faciliter la compréhension et réduire les erreurs ». Ces prétextes fallacieux ne sauraient cacher la vérité, à savoir non seulement le coût d'existence du système par répartition, mais encore sa croissance inéluctable. Instauré dans des circonstances extraordinaires (1941 puis 1945-46), le système est une construction bureaucratique forcée, qui fonctionne « à marche forcée» dans le cadre d'une organisation créée pour l'occasion. S'il a été juxtaposé au système fiscal de l'Etat dans le cadre de l'organisation de la sécurité sociale indépendante de celui-ci 54, mais d'une façon qui deviendra problématique - les relations entre l'Etat et la sécurité sociale ne sont pas claires 55 - , son existence apparaît encore moins spontanée que celle du système fiscal bien que son organisation ne respecte pas plus que
54. Comme s'ils s'inspiraient de TOCQUEVILLE, puis de PARETO qui regrettaient la croissance de l'Etat en Europe au XIX e siècle, les constructeurs du système le mettent aux mains d'une organisation en grande partie indépendante de l'Etat ou, si on préfère, sous tutelle réduite de celui-ci. 55. Cf. rapports du Sénat ou de la Cour des comptes.
76 56
l'Etat les lois naturelles de la propriété et de la responsabilité . Comme l'Etat, la sécurité sociale doit prélever - pour ne pas écrire « voler» 57 -les ressources qu'elle redistribue. L'augmentation du nombre de lignes du bulletin de paie depuis 1946 est un indicateur de l'ingéniosité du législateur pour couvrir le coût "sans faire de vagues". Par exemple, l'augmentation du taux de la cotisation unique d'assurances sociales de 1947 ou son "déplafonnement" auraient fait réagir à coup sûr, employeurs et employés. Lui ont été préférées d'abord, en 1967, la division de la cotisation unique en cotisation maladie et cotisation vieillesse, le déplafonnement partiel de la cotisation maladie et la création d'une nouvelle assiette de cotisation (les primes d'assurance automobile) à un taux présenté comme faible, puis d'autres déplafonnements partiels ont été décidés, puis de nouvelles assiettes de cotisation à des taux au départ faible. Comme toute action humaine, ces actions de l'organisation sont coûteuses, et de plus en plus. Mais leur coût ne peut qu'être de mieux en mieux perçu étant données l'information et la prise de conscience des assujettis aux prélèvements sur ces prélèvements. Et cette perception ne peut que les conduire à tenter de n'être pas volés de cette façon. Pour contrer cette tentative, l'organisation ne peut que chercher à développer encore l'ingéniosité du législateur (par exemple, allusion aux prétextes cités) et, en attendant, à renforcer la police anti fraude. Mais le coût d'existence de l'organisation augmente encore.
56. « Prendre aux uns pour donner aux autres, violer la liberté et la propriété, c'est un but fort simple; mais les procédés peuvent varier à l'infini. De là ces multitudes de systèmes qui jettent l'effroi dans toutes les classes de travailleurs, puisque, par la nature même de leur but, ils menacent tous les intérêts. » (BASTIAT, Harmonies économiques, Chap. 4). 57. Selon PARETO: « C'est une immense veulerie de gens qui savent, à n'en pas douter, qu'on veut les dépouiller. »
77
ANNEXED LES « VASES COMMUNICANTS» ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE Il existe aussi des compensations, en particulier entre le régime général « de base» et les autres. Voici pour la compensation vieillesse 1999-2004 (en millions d'euros). 1999
2000
2001
2002
2003
2004
REGIMES CONTRIBUTEURS Régime général
1 721,9
1 745,1
1 882,7
2 100,7
2886,0
2848,7
Fonctionnaires
1795,2
1 825,5
1 804,7
1 741,1
1 502,4
1 537,5
CNRACL
1484,1
1493,0
1513,0
1 559,1
1 395,7
1426,8
11,1
17,2
3,6
SNCF RATP
27,4
27,9
28,7
29,5
25,2
25,3
EGF
114,4
118,5
116,9
103,4
80,4
75,2
5,8
5,4
5,0
5,0
3,7
3,7
392,1
398,1
405,2
406,7
318,5
332,9
43,9
47,2
51,1
54,7
48,5
52,7
5584,9
5671,7
5824,5
6003,8
6260,4
6302,8
3 981,0
4046,9
4 149,0
4228,0
4294,7
4295,1
ORGANIC (commerçants)
732,1
745,5
783,8
834,6
946,6
955,2
CANCAVA
299,9
320,5
324,3
361,2
436,5
472,9
CANSSM (mines)
320,5
319,3
317,8
324,5
310,4
307,9
CAVIMAC
171,4
173,4
175,8
178,0
177,1
175,8
ENIM
49,7
51,4
54,3
55,5
57,6
59,6
SNCF
19,4
5,4
1,5
Banque de France CNAVPL CNBF TOTAL en euros
REGIMES BENEFICIAIRES BAPSA (exploitants agricoles)
FSPOIE
8,3
12,2
16,4
18,0
23,6
24,3
CRPCEN
2,6
2,5
3,1
3,8
8,6
10,5
5584,9
5671,7
5824,5
60036
6260,4
6302,8
TOTAL
Source: d'après le PLF pour 2004, annexe E.
78
ANNEXEE LES EFFECTIFS DE LA BRANCHE « VIEILLESSE» ET LEUR ÉVOLUTION (2003-2006)
Famille
34432
34269
33537
32966
-4,26%
-\,70 %
Retraite (Hors CGSS)
13426
13952
13774
13731
2,27%
• 0,31 %
Recouvrement (Hors CGSS)
14534
14574
14506
14154
·2,61 %
·2,43 %
Régi me général
168756
166371
164542
160884
- 4,66%
- 2.22 %
Commentaire La diminution des effectifs des caisses de sécurité sociale amorcée en 2004 s'accélère sensiblement en 2006. Les nouvelles conventions d'objectifs et de gestion fixent des objectifs de gains de productivité qui permettent de tirer partie du potentiel offert par la croissance des départs à la retraite. Par convention, les effectifs de la branche maladie Intègrent la totalité des effectifs des CGSS, quelle que soit la branche d'activité (branches maladie des régimes salariés et agricole, recouvrement et retraite) _ TABUAU SYNTHfllQUE DE LA ~RfORMANCE DES ORGANISMES DI: skUR1T~ SOCIALE DU RffiIMf G~~L N' SOU'OftS; CHMfTS. CNM, CNAV, ACOSS
3
Chapitre III
LES FAUSSES SOLUTIONS La vérité sur les retraites a également été brouillée par les solutions dites miraculeuses et définitives explorées dans le passé. Chacun y est allé de son diagnostic, chacun a donné sa prescription. Aujourd'hui encore, on poursuit dans la voie de l'illusion, et en pleine cacophonie on laisse entrevoir des lendemains qui chantent. Aujourd'hui comme hier, les médecins qui se sont penchés sur la santé de nos retraites recourent à des remèdes de bonne femme, à de la médecine douce, là où un traitement énergique et scientifique devrait s'imposer. On débouche toujours, peu ou prou, sur la potion magique: augmenter les cotisations et diminuer les pensions ! Certains gouvernements, pleins de bonne volonté, ont voulu « améliorer la gestion» ; mais ils n'ont pas compris qu'un monopole public bâti sur la répartition était ingérable. Ils ont échoué. D'autres ont voulu grossir les ressources en recourant à l'impôt. Actuellement la TVA sociale est à la mode. C'est une façon élégante de transférer la charge sociale de l'assuré vers le contribuable, mais comme nous sommes les deux à la fois ... D'autres encore entendent vendre les bijoux de famille et liquider le patrimoine national public pour éponger la dette contractée à l'égard des retraités actuels et futurs. Mais c'est écoper une barque avec une cuillère à café. Il en est certains qui rêvent encore d'un rééquilibrage démographique: et si tout d'un coup on multipliait le nombre d'actifs, ne serait-ce qu'en permettant aux retraités d'avoir une activité, ou en retardant l'âge de la retraite? Autant dire que l'on demande aux retraités de se payer eux-mêmes leurs retraites, alors qu'on leur avait garanti un « droit social opposable ». Plus sérieuses sont les propositions concernant la retraite par points, les points peuvent se capitaliser et se négocier. Mais il est difficile de retirer des intérêts d'un point accumulé, et on est toujours dans une logique de répartition. Les remèdes les plus sérieux sont ceux qui consistent à laisser à chaque individu ou à chaque famille le soin de constituer une épargne ou de souscrire un contrat d'assurance-vie qui viendra les couvrir
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contre la faillite de la Sécurité Sociale. Mais c'est payer deux fois: l'une pour cotiser auprès de l'assureur Sécurité Sociale, l'autre pour s'assurer contre la faillite de l'assureur. Peu de gens pourront le faire avec suffisamment d'ampleur. Les réformes envisagées évoquent le noctambule éméché qui a perdu ses clefs de voiture et les cherche sous un lampadaire. « C'est ici que vous les avez perdues? » demande un passant.. « Non mais ici il y a de la lumière ». On n'a jamais cherché la solution là où elle est réellement.
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1. PEUT-ON MIEUX GÉRER LE SYSTÈME? Des dizaines de gouvernements successifs ont voulu sincèrement mettre de l'ordre dans la maison «Sécu», et plus particulièrement dans le régime « retraite ». De la sorte, le paysage de la Sécurité Sociale, et de l'assurance vieillesse en particulier, a été profondément modifié depuis 1945, une cinquantaine de changements ayant été introduits en cinquante ans, dont le plus important est sans doute celui qui a été décidé en 1967 et mis en œuvre en 1968 58 • Les efforts des réformateurs ont été menés dans plusieurs directions : - la redistribution de la gestion et des ressources entre branches et entre régimes : tantôt on les a éclatés, tantôt on les a concentrés. Cette redistribution s'est accompagnée de «compensations » (principe des vases communicants) : - la centralisation des caisses et offices décentralisés ; - la réglementation de la comptabilité et de sa surveillance; - la création de nouvelles institutions de gestion et de contrôle. Soulignons changements.
quelques
exemples
significatifs
de
ces
Redistribution Quand elle est creee en 1945, la Sécurité Sociale réunit toutes les branches dans un ensemble dénommé «Assurances sociales». Les Allocations Familiales, créées en 1941, n'en sont pas séparées. Les résultats financiers sont vite décevants, il faut dire que tout équilibre financier est compromis par l'inflation, mais ce n'est pas la seule source de dégradation du système. En tous cas, les cotisations sociales vont augmenter de 32 % entre 1945 et 1962. En décembre 1960, le budget total de la Sécurité Sociale devient énorme, et dépasse celui de l'Etat. On attribue alors ces dérives et cette croissance à la confusion qui règne dans l'organisation des assurances sociales, et intervient en 1967 la première grande réforme, qui distingue les 58. Sur l'historique des réformes cf. le chapitre 1 et l'annexe G, pp. 50-52.
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trois grandes branches : maladie, accidents du travail et retraites. S'agissant des retraites, on juxtapose au régime « obligatoire» des régimes dits «complémentaires» (mais obligatoires eux aussi !) instaurés depuis 1947 pour les cadres (AGIRC) puis pour les non cadres (ARRCO). Mais la réforme laisse de côté les régimes spéciaux, dont la liste va s'allonger. De la sorte, au fur et à mesure que l'on se rapproche de la période actuelle, le mouvement va se faire en sens inverse: regrouper des régimes que l'on avait pris soin de séparer. Ainsi, en 2005 est créé le « régime social des indépendants» (RSI) qui réunit la Caisse Nationale de retraite obligatoire des commerçants (ORGANIC), la Caisse Nationale de retraite obligatoire des commerçants (CANCAVA) et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale Maladie obligatoire des commerçants et artisans (CANAM). En divisant ou en regroupant, on simplifie toujours! Le paradoxe, c'est que la redistribution, quel qu'en soit le type, ne crée pas de véritable autonomie de gestion, puisque la pratique de la compensation est mise en place à partir de la loi de finances de 1974 : les excédents des uns comblent les déficits des autres. La compensation joue aussi entre branches, et les allocations familiales ont longtemps réduit le trou de la Sécurité Sociale 59 .
Centralisation Le dilemme autonomie/centralisation se retrouve au niveau de la collecte des fonds. A l'origine, de très nombreuses caisses locales, professionnelles ou régionales, se chargeaient de recueillir les cotisations. Elles avaient des gestionnaires très divers, sans réel contrôle de quelque nature que ce soit. Il a été mis fin à ce désordre en créant 101 URSSAF (Unions de Recouvrement de la Sécurité Sociale et des Allocations Familiales), à qui est confié le soin d'opérer toutes les collectes de cotisations sociales 6o . La séparation entre branches intervenue en 1968 conduit à réaliser une deuxième 59. Sur ces points cf. Chapitre II précédent, pp. 62-63. 60. Seules les caisses d'Alsace et de Moselle ont conservé une autonomie de collecte pour l'assurance-maladie. Elles avaient été à l'origine organisées suivant le modèle allemand.
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centralisation, avec la création de l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale, ACOSS. C'est en quelque sorte le trésorier payeur général de tous les organismes de Sécurité Sociale. Elle assure au niveau national la collecte et la répartition aux attributaires des cotisations et contributions essentiellement destinées au paiement des prestations de Sécurité Sociale. La gestion de la trésorerie de la Sécurité Sociale l'amène à réaliser les compensations voulues entre branches et entre régimes (suivant le principe des « vases communicants »). Depuis 2007 elle a reçu un pouvoir financier hors du commun : elle est autorisée à émettre des billets de trésorerie. La Sécurité Sociale peut donc désormais emprunter auprès des banques et autres institutions financières pour assurer ses fins de mois, apparemment de plus en plus problématiques! Les emprunts en cours se montaient à fin 2007 à 2,7 milliards d'euros - pour satisfaire des besoins de liquidité qui peuvent certains jours aller jusqu'à 5 milliards d'euros: c'est dire que l'on racle les fonds du tiroir-caisse ! Si l'ACOSS est le trésorier général de la Sécurité Sociale, l'ordonnateur des recettes et dépenses de la branche vieillesse est, depuis 1968 également, la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS) : elle « centralise l'ensemble des ressources de l'assurance vieillesse ... elle assure le paiement des prestations »61. Les caisses régionales et les caisses « primaires» existent toujours, mais ne sont que de simples bureaux de la Caisse Nationale. C'est la Caisse Nationale qui décide des transferts entre régime général et régimes spéciaux.
Réglementation Le Code des Pensions, publié en 1946, demeure la base législative du système des retraites. Mais il a été amendé sans cesse. Les dispositions majeures qui y ont été introduites concernent le contrôle par la Cour des Comptes, et le principe du projet de loi annuel de financement de la Sécurité Sociale. C'est la grande réforme de 1967-68 qui a introduit la Cour des Comptes dans le jeu, lui faisant obligation de publier annuellement un rapport sur « l'équilibre des branches ».
61. Loi du 5 janvier 1988 art. 1.
84 La Cour manquait-elle de l'autorité suffisante pour amener les administrateurs de la Sécurité Sociale et leurs autorités ministérielles de tutelle à mieux surveiller la gestion? En 1995, on pense que l'autorité du Parlement doit venir à l'appui et depuis lors députés et sénateurs sont chargés d'examiner avec attention les prévisions de fonctionnement de la Sécurité Sociale pour l'année à venir, et de voter un budget prévisionnel, assorti des mesures et des ressources qui permettent sa réalisation 62.
Institutions Les parlementaires bénéficient non seulement des conclusions du rapport de la Cour des Comptes, mais aussi des travaux de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale (CCSS), créée en 1979. La Commission est présidée par le ministre chargé des affaires sociales et « comprend des parlementaires et
des représentants des organisations professionnelles, syndicales et sociales, et des personnalités qualifiées» 63. Il est difficile pour cette commission d'avoir une vue assez précise de la gestion des caisses, car de l'aveu des autorités de tutelle, « les comptes, bien
que fondés sur les dernières informations comptables disponibles issues des régimes, ne sont pas eux-mêmes de nature comptable, mais de nature statistique». C'est une manière diplomatique de dire que les chiffres s'accumulent dans les dossiers de la Commission, mais qu'elle n'en sait guère plus sur la qualité de la gestion faute de disposer des éléments comptables nécessaires. C'en est au point que le gouvernement a créé une mission interministérielle sur « la clarification et l'harmonisation des règles comptables des organismes de Sécurité Sociale ». En a-t-on fini pour autant avec les institutions qui se penchent sur notre système? Point du tout: il faut aussi signaler l'existence du Haut Conseil Interministériel de la Comptabilité des Organismes de Sécurité Sociale (HCICOSS, installé en 2003), et de la Mission Comptable Permanente (MCP): ils ont pour objectif « de donner un avis sur toute proposition de modification du Plan 62. Il a fallu une réforme constitutionnelle (22 févier 1996) pour permettre au Parlement de surveiller les comptes d'une institution existant depuis 1945 : cinquante ans d'autonolnie incontrôlée! 63. Décret du 22 mars 1979.
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Comptable Unique (PCUOSS) »64.
des
Organismes
de
Sécurité
Sociale
Pour animer, gérer et contrôler toutes ces institutions, il ne manque pas de gens compétents, puisque nous nous sommes donnés un «Centre National d'Etudes de la Sécurité Sociale» (CNESS), qui fonctionne à Saint Etienne. Cette école produit des hauts fonctionnaires bien formés, mais dont la responsabilité n'est jamais engagée. C'est dire qu'il n'y pas la moindre gouvernance dans le système actuel: non seulement les instruments du contrôle n'existent pas et la comptabilité est absente, mais nul ne semble responsable de quoi que ce soit. Le système est même à l'abri d'un contrôle fiscal, qui l'obligerait peut-être à avoir des comptes en règle: la Sécurité Sociale ne paye pas d'impôts!
Faire des économies: est-ce possible? Faut-il s'étonner des échecs essuyés par ceux qui voulaient améliorer la gestion du système ? Certes, il y a des économies à faire. Les rapports ont souvent évoqué la surcharge en personnel de l'administration de la Sécurité Sociale, et les coûts d'un absentéisme élevé. Globalement la Sécurité Sociale emploie près de 180 000 personnes, qui bénéficient d'ailleurs d'un régime spécial de retraite géré par la CPPOSS (Caisse de Prévoyance du Personnel des Organismes de Sécurité Sociale). A remarquer au passage que cette Caisse se veut prévoyante, donc s'est adossée à un système complémentaire proche de la capitalisation ... Cependant il y a une disproportion considérable entre la marge de manœuvre sur les coûts et l'importance des déficits à combler et de la dette à rembourser. En 2000 les frais de gestion administrative représentaient 6 milliards d'euros, et les dépenses diverses (dont les frais financiers) 5 milliards d'euros, soit au total Il milliards pour 413 milliards de dépenses, soit 2,7 %65. 64. Décret du 19 septembre 2001 http://www.securite-sociale.fr/communications/ rapports/hcicoss/2007_hcicoss.pdf 65. http://www.securite-sociale.fr/chiffres/stat/tab-performance/tabstat.htm
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De façon générale, a-t-on quelque espoir de réduire les coûts de façon significative avec les structures actuelles de la Sécurité Sociale, et de la branche vieillesse? Tout d'abord, pour faire des économies, il faut pouvoir repérer où sont les postes et les emplois à surveiller. Il faut des comptes. Or, comme le dit la Cour des Comptes, ce serait possible « si le système comptable et le système d'information étaient de meilleure qualité ». C'est" ici l'histoire de la poule et de l'œuf: le système est mal géré parce qu'il est mal contrôlé, mais le mauvais contrôle est dû au système lui-même. De plus, un principe général veut que la gestion d'une organisation soit d'autant plus efficace que quelqu'un a intérêt à sa bonne marche. Dans une entreprise privée, c'est l'entrepreneur individuel ou les actionnaires qui veillent au grain: c'est leur patrimoine qui est en jeu. Dans une administration publique, la propriété appartient à tout le monde, c'est-à-dire à personne. Si elles existaient réellement, des sanctions administratives pour erreur de gestion seraient-elles suffisantes? Finalement, on ne peut guère compter que sur la conscience professionnelle des dirigeants et du personnel. Ce n'est pas nul: on a pu établir jadis un classement des caisses primaires et régionales, faisant apparaître par exemple des écarts spectaculaires entre Fontainebleau et Saint Denis de la Réunion. Mais ce n'est pas suffisant, dans la mesure où le statut de la fonction publique fait peu de place au mérite personnel, l'avancement et les grilles indiciaires reposant sur des données purement mécaniques, sans considération des performances individuelles. Les dirigeants eux-mêmes ne sont pas intéressés à la meilleure gestion du système. L'intérêt qu'ils trouvent ici est celui de garder la haute main au nom des organisations syndicales auxquelles ils appartiennent, puisque ce sont les «partenaires sociaux» qui veillent aux destinées des caisses. La Sécurité Sociale est source de pouvoir et riche de postes à pourvoir. Une fois en place, les dirigeants n'envisagent pas des réformes qui pourraient remettre en cause leur position dominante. Cf. les données proposées en annexe A. Une autre estimation de ces frais les situe à 4 % du montant des dépenses en 2006, Commission des comptes de la Sécurité Sociale, Mercredi 4 juillet 2007, intervention de M. Eric WOERTH, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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Enfin, une organisation est d'autant moins efficace qu'elle détient un monopole, et qui plus est un monopole obligatoire, auquel aucun « client» ne peut échapper. La Sécurité Sociale n'est donc pas soumise à la pression de quelque concurrence que ce soit, immédiate ou lointaine 66 • Il n'y a donc aucune vérité des prix des prestations de l'assurance vieillesse, sauf à dire que le « juste prix» est celui qui est nécessaire pour couvrir les frais de fonctionnement de la Sécurité Sociale - auquel cas il ne faut pas se surprendre de voir les frais sans cesse augmentés. Quand les frais augmentent, il n'y a qu'à augmenter les cotisations aussi.
2. FISCALISER LES RESSOURCES Augmenter les cotisations n'est ni facile ni populaire. Bien que les assurés ne sachent pas exactement ce qu'ils doivent chaque mois à l'URSSAF, ils ont vaguement conscience que leur pouvoir d'achat souffre des prélèvements obligatoires. La plupart du temps, ils incriminent le «patron» rebelle à toute augmentation des salaires, que l'on soupçonne d'accumuler les profits sur le dos des travailleurs. De leur côté, les patrons savent bien que les « charges sociales» ne vont pas dans leur poche, mais dans celle des caisses, et qu'ils ne peuvent supporter à la fois une hausse des salaires et une hausse des cotisations. Le «coût du travail» est un élément important de la compétitivité, et certains de nos partenaires sont accusés par notre gouvernement de faire du «dumping social », parce que les régimes sociaux sont moins avantageux chez eux que chez nous. Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles nos dirigeants ont cherché du côté de l'impôt ce qu'ils ne pouvaient attendre du côté des cotisations. - Faire payer le contribuable (et si possible sans trop de douleur) plutôt que l'assuré est une façon de se procurer des ressources supplémentaires: c'est la logique qui a abouti à la création de la CSG, mais surtout - en ce qui concerne les retraites - de la CRDS.
66. Nous avons vu plus haut (Chapitre 1 p. 33) comment la législation européenne sur l'ouverture à la concurrence du secteur des assurances s'est arrêtée aux frontières de la France.
88 - Faire payer le fournisseur étranger est une façon de compenser les effets nocifs du « dumping social» : c'est la grande idée que l'on a défendue à travers la « TVA sociale ».
Les « contributions» à vocation sociale L'histoire a commencé avec le « 1 % DELORS» en 1983. Pour combler un déficit que, comme toujours, on a jugé conjoncturel, le Ministre des Finances de l'époque décide de prélever exceptionnellement 1 % sur tous les revenus d'activité. Appelée à être sans lendemain, cette disposition va cependant laisser des traces, puisqu'on n'abolit pas la mesure en ce qui concerne certains revenus du capital frappés encore aujourd'hui de ce fameux 1 %. Mais la grande révolution sera l'instauration de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) par le gouvernement ROCARD en 1991. Il s'agit, vous l'aurez noté, d'une « contribution », et non pas d'un impôt. Le contribuable ne voit pas la différence puisqu'il s'agit d'un prélèvement obligatoire comme un vulgaire impôt, mais le mot «contribution» est plus sympathique: un impôt est « imposé» tandis qu'une contribution est volontaire et traduit le désir de participation de celui qui la verse - tous les contribuables en sont évidemment persuadés ! Cette contribution est «sociale»: il s'agit d'une recette affectée. Au départ (1991), elle doit financer la Caisse Nationale des Allocations Familiales, puis en 1994 elle doit alimenter le Fonds de Solidarité Vieillesse, puis elle vient à partir de 1997 secourir l'ensemble des régimes d'assurance maladie. Enfin, cette contribution sociale est « généralisée» : tout le monde doit la payer, tous ceux qui disposent d'un revenu, quelle que soit son origine. Donc les retraités la payent aussi sur la pension qu'ils perçoivent. On retrouve ici encore l'argument imparable de la «solidarité»: ce n'est plus un problème de couverture des coûts, c'est une question de solidarité entre tous les Français. Sans doute va-t-on prendre des dispositions pour éviter que certains soient dispensés de cette solidarité dans la mesure où ils sont peu fortunés. Mais, pour simplifier les choses, au lieu de prévoir un seuil d'exonération ou un déplafonnement, le législateur va imaginer une déductibilité à deux vitesses: une partie de la CSG versée peut être déductible de son revenu imposable, une autre ne
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l'est pas. Voilà évidemment de quoi rendre le système plus transparent, et la charge moins insupportable ! Après dix-sept ans de CSG, on ne pose même plus la question de son caractère exceptionnel et conjoncturel. La CSG fait désormais partie de notre paysage fiscal. Elle représente aujourd 'hui la recette la plus élevée (4,3 % du PIB) de tous les prélèvements obligatoires du Trésor, après la TVA (7,3 % du PIB), et bien loin devant l'impôt sur le revenu (IRPP 2,9 % du PIB)67. La CSG a une petite sœur: la CRDS. Sœur cadette, la Contribution de Remboursement de la Dette Sociale n'est apparue qu'en 1996. Elle a une grande ambition: solder une bonne fois pour toutes les déficits accumulés par la Sécurité Sociale. Pour gérer les fonds «recueillis» grâce aux contributeurs contribuables, il était nécessaire de créer une nouvelle institution: la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Les inventeurs de la CRDS et de la CADES sont satisfaits de leur innovation «La CADES tient fermement son cap et poursuit activement l'Amortissement de la Dette Sociale qui lui est confiée par le Parlement ». Le cap, c'était la reprise d'une dette de 108 milliards, ce qui semble raisonnable si on se fixe sur les déficits passés, mais très insuffisant si l'on tient compte de l'aggravation des déficits actuels et futurs : c'est le tonneau des Danaïdes. Toujours est-il que l'on demande aux contribuables de verser à peu près 6 milliards d'euros chaque année. Mais les intérêts qui courent sur la dette absorbent pratiquement tout ce que rapporte la CRDS. Il est vrai que la CADES a une solution en dehors de la fiscalité: elle peut emprunter, mais elle est alors confrontée à nouveau à la nécessité de payer des charges d'emprunt importantes. Au total les résultats sont décevants. Grâce aux 50 milliards qu'elle a reçus des contribuables depuis sa création, la CADES a pu amortir 32 milliards, la différence allant aux investisseurs qui ont bien voulu racheter la dette sociale: banques, compagnies d'assurance, fonds de pension. Il est à remarquer au passage que
67. En 2008, la CSG devrait rapporter 63,7 milliards d'euros, contre 60,5 milliards d'euros pour l'IRPP (impôt sur le revenu) et 179,4 milliards pour la TVA (loi de Finances 2008).
90 l'Etat a utilisé la CADES pour un objectif qui n'était pas le sien: la Caisse a garanti les emprunts ... d'Etat! 68 On devrait également évoquer toute une serie de taxes, prélèvements et contributions qui, directement ou indirectement, grossissent les fonds de la Sécurité Sociale, et qui sont en partie affectés au régime vieillesse. Finalement, le régime général de l'assurance vieillesse reçoit 8 % de ses ressources des efforts supplémentaires demandés aux contribuables français. Rappelons une nouvelle fois que vous tous payez ces contributions sociales, dès lors que vous percevez des revenus, même si ces revenus se limitent à une maigre retraite. Et pourtant, cela ne suffit pas !
La TVA Sociale CSG et CRDS sont des emplâtres sur une jambe de bois. C'est ce qu'ont réalisé nos dirigeants devant les difficultés croissantes de financement de notre protection sociale. Ils ont pensé alors à une idée géniale, prêtée aux Allemands: la TVA sociale. La technique est très simple : on ajoute quelques points à la TVA existante et cette recette fiscale supplémentaire est affectée à la Sécurité Sociale, globalement 69 . Un point de TVA représente actuellement quelque 9 milliards d'euros. Avec 5 points (chiffre avancé à un moment par les innovateurs) voilà 45 milliards dans l'escarcelle sociale. L'idée a été présentée sous un jour très séduisant: alléger les charges des entreprises françaises et améliorer ainsi leur compétitivité internationale. C'était aussi jouer un bon tour à nos partenaires étrangers qui se livrent impunément au «dumping social» : on va leur faire payer une partie des charges qui entrent dans le coût du travail en France 70. C'était aussi éviter que les
68. Cf. les objectifs et résultats de la CADES présentés dans l'annexe B. 69. Un débat s'est instauré entre ceux qui veulent que les points supplémentaires aillent au Trésor Public, puis reviennent à la Sécurité Sociale et ceux qui souhaitent les faire directement verser à la Sécurité Sociale, donnant ainsi à ce nouvel effort fiscal la nature d'une « cotisation sociale ». 70. Voir le tableau proposé en annexe C.
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emplois français aient à supporter des cotisations plus importantes, et même envisager d'alléger les cotisations pour les nouveaux emplois créés ou les emplois jeunes ou, plus récemment, pour les heures supplémentaires. Qui n'applaudirait à une telle invention? La Commission ATTALI s'est donc, à son tour, prononcée en faveur de la TVA sociale. Pourtant, les objections ne manquent pas à son égard, et à supposer qu'elle rapporte autant que les charges supprimées, elle ne serait qu'un transfert de financement, mais pas un financement nouveau - à la différence de la CSG ou de la CRDS. Les objections sont nombreuses: 10 c'est le consommateur français qui risque de faire les frais de l'opération. Ses achats coûteront 5 % de plus. Mais ces 5%, disent les innovateurs, portent sur des prix inférieurs, puisque les coûts du travail auront été diminués par l'allègement des charges. L'incidence sur les prix devrait donc, disent-ils, être «minime ». Reste à savoir si, aux divers étages de la chaîne productive, la répercussion des charges sera totale. Comment le contrôler? Comment empêcher une entreprise au bord de l'équilibre de garder pour elle une partie de la bouffée d'oxygène apportée par l'allègement des cotisations sociales? Les innovateurs disent aussi que les cotisations des salariés seront diminuées d'autant, de sorte que le pouvoir d'achat sera plus important. Mais quels seraient les allègements prévus? Pourraient-ils compenser la perte de pouvoir d'achat due à la hausse (même minime) des prix? 2 0 nos partenaires étrangers seront sans doute justifiés à refuser une mesure déjà présentée comme discriminatoire, assimilable - pour cinq points de TVA supplémentaires - à un droit de douane (de 5,26 %) et à une subvention à l'exportation (de 5 %)71. 3 0 à supposer que la hausse de la TVA compense exactement les allègements de cotisations, quel est l'intérêt du transfert? Une fois encore, les innovateurs évoquent la stimulation des entreprises et du travail: au lieu d'un impôt sur la production et sur le travail, on a un impôt sur la dépense. C'est un vieux débat en théorie fiscale: taxer les revenus ou taxer les achats? Taxer les ac.hats peut passer pour un encouragement de l'épargne, et une diminution de 71. Cf. à nouveau annexe C.
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l'effet de redistribution: la TVA est proportionnelle, son taux est le même pour les riches et les pauvres. En revanche, taxer les revenus permet de maintenir le principe actuel: les retraités ne payent pas de cotisations sociales (sauf la CSG non déductible et la CRDS). Sous cette réserve, on peut conclure que le financement de la Sécurité Sociale par la TVA sociale n'est en rien une solution au déséquilibre actuel recettes/dépenses. Pourtant les esprits demeurent fascinés par l'idée, et un argument définitif en sa faveur serait le succès qu'elle aurait connu en Allemagne. En réalité, le redressement allemand dans les années 2006-2007 doit sans doute beaucoup moins à la TVA sociale qu'aux lois HART (lancées du temps du chancelier SHRüEDER) qui ont considérablement assoupli le marché du travail, résorbé le taux de chômage et redonné vigueur aux entreprises allemandes. Mais en France il est plus facile d'ajouter des impôts que de toucher au Code du Travail ! Si la TVA sociale française doit être financée par nos exportations vers l'Allemagne, aujourd'hui ce sont nos exportations vers l'Allemagne qui financent la sécu allemande. Ce n'est pas en généralisant la fuite en avant que l'on va régler le problème. La surenchère sociale internationale est certainement plus néfaste que le « dumping social »72.
3. PROVISIONNER POUR LES RETRAITES FUTURES Les solutions précédentes, qu'il s'agisse de la fiscalisation ou de l'amélioration de la gestion, ne pouvaient avoir qu'une ambition limitée: combler les trous actuels. Mais que faire pour les trous futurs? Par leur ampleur, ils posent les vrais problèmes. Non seulement il faut faire des provisions considérables, mais il faut surtout se demander comment les faire. La solution de la CADES, on le sait, s'est révélée embryonnaire et inefficace. Que faire?
72. Le «dumping social» conduit chaque système social à devenir plus efficace et à tirer les cotisations sociales vers le bas, alors que la surenchère sociale aboutit à ne rien changer aux systèmes existants et à aligner tous les pays sur les systèmes les plus coûteux.
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Les trous futurs Et d'abord qu'entendre par « trous futurs» ?73 Un premier calcul est celui des engagements qui ont déjà été pris par l'assurance vieillesse. Elle a promis aux assurés un certain montant de retraites en fonction d'un certain montant de cotisations. Quelle somme représentent ces promesses? Pour chaque assuré, la somme va dépendre du moment où la promesse a été faite (ce qui dépend de son âge actuel, que l'on peut connaître) et du nombre d'années de retraites prévisibles (qui dépendra de sa longévité, que l'on ne connaît pas). Pour l'assurance vieillesse dans son ensemble, il faut donc tenir compte de la pyramide des âges (comment se partage la population entre jeunes et vieux) et de l'espérance de vie à divers âges. Cette approche s'appelle «approche des droits acquis»: c'est bien ce à quoi les assurés peuvent s'attendre, sur la base du contrat actuel. On peut, il est vrai, changer le contrat, et raisonner en « système fermé» : c'est une variante du calcul précédent, où l'on ne tient compte que des promesses faites aux personnes qui sont actuellement assurées, et où l'on suppose que de nouveaux jeunes Français entrant dans la vie active ne cotisent pas et n'ont donc aucune raison de se prévaloir d'un quelconque droit à pension. Les portes de l'assurance-vieillesse leur sont fermées et l'assurance vieillesse elle-même s'éteindra avec le dernier retraité qui mourra... dans quelque soixante dix ans (à partir de 2008). On vous fait grâce des problèmes techniques qui se posent à propos de ce calcul, les spécialistes eux-mêmes reconnaissent que les chiffres sur lesquels on débouche ont simple valeur « d'indicateurs ». Les ordres de grandeur ainsi définis pour la « dette implicite ex ante» sont aujourd'hui les suivants, en fonction du taux d'actualisation retenu.
73. Dans ce paragraphe, nous suivons le cheminement de l'étude publiée en 2006 par l'INSEE, « Les engagements implicites des systèmes de retraite », L 'économiefrançaise en 2006, pp. 139-155.
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2%
3%
4%
Dette (en milliards d'euros 2005)
7847
6458
5419
Dette (en années de prestations 2005)
36,4
30,0
25,2
Dette (en années de PIB 2005)
4,7
3,9
3,2
Taux d'actualisation
Source: Modèle Destinée, calculs INSEE, loc. cil.
Le tableau se lit de la manière suivante. En retenant un taux d'actualisation de 2 %, la dette à éponger en 2005 représentait 7.847 milliards d'euros, il faudrait 36 ans et demi pour l'éponger, et elle représenterait 4,7 fois le montant du Produit Intérieur Brut (tel qu'il s'établissait en 2005). Ce dernier chiffre est énorme. Il signifie que toute la richesse créée en France pendant 4 années et demie successives serait absorbée pour honorer les promesses faites aux Français actuels ou futurs retraités. Pendant 4 ans et demi, pas un centime ne pourrait être dépensé, on travaillerait pour rien. Il est vrai qu'en réalité ce sacrifice est étalé sur 36 ans et demi, ce qui fait que l'on aurait chaque année «seulement» un sixième du produit national confisqué. Que penseraient les Français d'une baisse permanente de 17 % de leurs revenus pour en avoir enfin fini avec le système? Naturellement le taux actuariel de 2 % est le plus faible 74. On peut estimer que 3 % est un chiffre plus raisonnable, il serait d'ailleurs plus près du taux de croissance « naturel» du PIB. Que devient maintenant la charge de ces droits acquis dans l'hypothèse d'un système fermé, où seuls ont des droits ceux qui sont déjà entrés dans la trappe de l'assurance vieillesse sécurité Sociale? Les résultats ne sont pas sensiblement modifiés, quelques dizaines de milliards de différence, disent les statisticiens de l'INSEE. A vrai dire, les auteurs de ces études ne veulent pas attacher trop d'importance au calcul des «engagements implicites ex ante », car ils ne croient pas que l'on puisse du jour au lendemain vouloir mettre fin à la retraite par répartition et dégager tout d'un coup les caisses publiques de leurs responsabilités ; ils ne croient 74. Rappelons qu'il signifie que chaque année le montant réel de la dette diminue de 2 %.
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même pas à un désengagement progressif (système « fermé »). Ils restent dans une logique de la répartition, en soulignant, ce qui est vrai, que la répartition est nécessairement une couverture de dépenses actuelles par des recettes futures anticipées. « Il n'est pas anormal que ces indicateurs aient des valeurs très élevées ... [Ces]valeurs ne sont pas en soi un signe de déséquilibre: un système de retraite par répartition a toujours une dette implicite élevée même si on est dans un régime permanent parfaitement équilibré» 75. Cette remarque est légitime: la répartition est un système de fuite en avant, une boule de neige qui grossit tant qu'elle roule sur la neige. Y a-t-il de la neige jusqu'en bas de la pente? On observera cependant que des études de même type menées dans des pays étrangers débouchent sur des chiffrages moins dramatiques, avec des engagements implicites de l'ordre de 2 ou 3 années en Allemagne ou au Japon, seuls l'Italie et la Grèce étant en moins bonne posture 76 . Partant ainsi du principe qu'une boule (de neige) n'est pas un trou, on peut se lancer dans un autre calcul, dénommé «dette explicite ex post ». Ici, on abandonne l'hypothèse de remboursement de la dette: inutile de s'en inquiéter, on accepte la dette. Telle qu'elle est aujourd'hui, mais aussi telle qu'elle sera demain ou après-demain, compte tenu de deux éléments : - il faut payer des intérêts sur les sommes qu'on emprunte pour combler les déficits; - les déficits eux-mêmes peuvent s'accroître avec le temps. La problématique est la même que celle que l'IREF a utilisée dans son étude sur la dette publique. Les chiffres sur lesquels on débouche sont fonction des taux d'intérêt, et bien évidemment de l'horizon choisi: plus longue est la période, plus lourdes sont les charges de la dette. S'agissant des retraites 77, les calculs du COR (Centre d'Orientation des Retraites) et du CPE (Centre de Politique
75. INSEE, op.ci!. p.150. 76. Cf. Ch. IV p.159-161 et surtout l'analyse plus détaillée proposée dans notre volume II. 77. Nous ne pouvons malheureusement nous reporter à nos propres travaux (Pierre GARELLO et Vesselina SPASSOVA, IREF, 2005) parce qu'ils concernent la dette de l'Etat, et non celle de l'assurance vieillesse.
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Economique), rapportés par l'INSEE , donnent, en fonction des taux d'intérêt retenus, une dette ex post de l'ordre de : 20 % du PIS en 2020, 90 %en 2050,
50 % en en 2040, et entre 140 et 250
%
en 2070
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Quand on pense que cette dette du seul régime retraite pourrait se cumuler avec la dette du régime maladie et devra se cumuler avec la dette de l'Etat, on se demande ce qu'il restera du PIB une fois que les dettes auront été « servies ». Ces seuls chiffres montrent la profondeur des trous futurs. Ils donnent un peu le vertige, n'est-ce pas?
Des provisions sont-elles possibles ? La sagesse voudrait que l'on introduise tout de suite les réformes nécessaires à stabiliser immédiatement la dette. Mais, pour l'instant, la palabre sur les réformes conduit à maintenir les principes actuels et à accepter les déficits comme une fatalité - au moins dans l'immédiat. Reste à payer les déficits, sans pour autant les fiscaliser (ce qui, on l'a vu, ne résout rien). Comme on l'a vu, la création de la CADES se voulait un premier essai de mettre de l'argent de côté, à partir d'un impôt (la CRDS). Elle a coûté des impôts, mais on a remboursé 32 milliards sur quelque 6.000. Autant écoper une barque avec une petite cuillère. Certains pays ont réussi à doter une caisse d'amortissement de fonds importants en liquidant une partie du patrimoine national. Les Chiliens ont affecté à l'amortissement de la dette sociale le produit des privatisations de l'économie jusque là socialisée. Les Norvégiens ont constitué des réserves en hypothéquant leurs
78. INSEE, op.cit. p.130. 79. Les estimations du COR et du CPE sont toujours divergentes. Cette divergence est plus forte avec le temps, et devient réellement significative pour 2070. De plus pour 2070 on suppose que les besoins de financement se sont stabilisés depuis 2050 (en se fondant sur des données démographiques plus favorables - ce qui est discutable).
97 gisements pétroliers off shore. Pourquoi les Français ne pourraientils pas les imiter, au moins partiellement? Il Y a en France un précédent intéressant: en 1789, à la suite de l'estimation (erronée) de la dette du Trésor Royal faite par NECKER, MIRABEAU et l'Assemblée Nationale ont imaginé rembourser la dette publique en vendant les «biens nationaux », don de l'Eglise à la nation française. Comme la dette était en réalité bien plus importante que ce que l'on pouvait retirer immédiatement de la vente des biens nationaux, l'Assemblée a créé des titres de crédit hypothécaire sur les ventes futures: ainsi naissaient les « assignats», qui allaient conduire la Révo lution à l'inflation, à la ruine et à la Terreur 8o • Aujourd'hui, faut-il vendre les bijoux de la Couronne? Remarquons d'abord que les bijoux ont été dispersés depuis 20 ans. C'est en 1986 que se situent les premières privatisations, qui se succèderont jusqu'à ne plus laisser qu'un noyau dur et résistant, et des participations de l'Etat dans quelques grands groupes industriels et financiers. Où est passé l'argent? Uniquement à faire les fins de mois des gouvernements successifs. Les produits des privatisations se sont engloutis dans le gouffre budgétaire. Toute dépense démagogique nouvelle trouvait son financement: il suffisait de profiter de la « cagnotte» des ventes des entreprises publiques ou des parts détenues dans des sociétés d'économie mixte. Que reste-t-il aujourd'hui? Un patrimoine restreint, mal entretenu et déjà hypothéqué. Donner une évaluation du patrimoine existant est très aléatoire. La Cour des Comptes a plusieurs fois avoué son incapacité d'estimer les actifs publics, et la Commission TRON a également renoncé à un chiffrage. La vente des bâtiments publics, palais et hôtels particuliers, fournirait sans doute un beau pécule, mais atteindrait difficilement les 4,5 PIB recherchés. Au demeurant, la Commission a fait remarquer que ce patrimoine se dégrade à grande vitesse, compte tenu du manque d'entretien. Certains éléments du patrimoine national perdent chaque année 10 % de leur valeur81 • 80. Sur ce point on lira avec intérêt l'ouvrage de Florin AFTALION Analyse Economique de la Révolution Française, 2ème éd., Les Belles Lettres, Paris, 2007. 81. Commission TRON source Rapport à l'Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i2457.asp
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Enfin, il Y a déjà des engagements pris sur ce patrimoine. La SNCF possède un patrimoine foncier d'une très grande valeur: terrains et bâtiments au cœur des villes en particulier. Mais, lorsque la séparation est intervenue avec Réseau Ferré de France (RFF), celui-ci en a hérité à charge pour lui de provisionner toutes les retraites du régime spécial des cheminots. Voilà au moins des retraites qui ne seront pas en péril. De façon générale, c'est ce qui reste du patrimoine national qui permet à l'Etat français d'asseoir sa solvabilité et de continuer à s'endetter sur les places financières du monde entier. Garantissant déjà la dette de l'Etat, le patrimoine national ne peut garantir de surcroît la dette sociale. Il est donc peu probable que l'on puisse en France réaliser ce qui s'est fait dans des pays étrangers plus riches ou moins endettés. Il n'y a aucune ressource de nature à amortir le choc du futur. Il faudra trouver autre chose.
4. RÉÉQUILIBRER RETRAITÉS ET COTISANTS Il faut aller un peu plus loin que la compensation des déficits et le remboursement de la dette sociale, et attaquer l'une des causes importantes du déséquilibre du système : trop de retraités pour trop peu de cotisants.
Trop de retraités Comme l'espérance de vie des personnes âgées ne cessera de croître, et il faut s'en réjouir, la seule façon de réduire le nombre d'années de retraite est de retarder le départ à la retraite. Le gouvernement MAUROY a fait un cadeau «social» empoisonné à la Sécurité Sociale, en fixant l'âge de la retraite à 60 ans. Mais les gouvernements successifs n'ont fait guère mieux, d'abord en maintenant cette disposition, ensuite en encourageant les entreprises à mettre des personnes en retraite anticipée pour ne pas avoir à les licencier: dans les statistiques officielles, mieux vaut un retraité de plus qu'un nouveau chômeur. Les plans sociaux massifs adoptés par les grandes entreprises pour réduire leurs effectifs ont fabriqué des masses de jeunes retraités de 55 ans (et parfois moins), constituant d'ailleurs une
99 préjudiciable saignée de compétences. Il n'est pas jusqu'à la philosophie du « partage du travail» pour laisser croire que la mise à la retraite anticipée serait le plus sûr moyen de faire de la place aux jeunes. Pourtant, dans le même temps, le chômage des jeunes n'ajamais cessé d'augmenter. Aujourd'hui le relèvement de l'âge de l'ouverture des droits à la retraite est réalisé ou sur le point de l'être dans la plupart des pays, jusqu'à déboucher sur une totale liberté individuelle de choix 82 . Les seniors prolongeant leur activité non seulement ne perçoivent pas de pension, mais ils demeurent des cotisants, et leurs cotisations vont grossir les ressources aujourd'hui insuffisantes. Mais cela ne peut suffire. Comment récolter davantage de cotisations?
Davantage de cotisations Pour accroître la masse de cotisations, il y a deux recettes qui peuvent se cumuler: - étirer la période de cotisation; - accroître le nombre de cotisants ; Il faut être plus nombreux à cotiser plus longtemps. Cotiser plus longtemps: la cotisation peut être étirée d'abord si l'on autorise les retraités à mener une activité en parallèle (alors que notre législation du travail le leur interdit pratiquement83 ). Cette activité à temps partiel entraîne cotisation à temps partiel. On peut aussi augmenter le nombre d'années de cotisations pour avoir droit à prendre sa retraite, quel que soit l'âge de départ à la retraite. Dans ce dernier cas, on joue sur les deux tableaux: entrer en activité plus jeune, en sortir plus âgé. En effet, l'âge de l'entrée en activité, qui permet d'accéder au privilège de cotiser, a été sans 82. Cf. supra annexe C, pp. 42-43. Une étude approfondie sera présentée dans le Volume 2 du présent ouvrage. 83. Le cumul salaire + pensions (régimes général + complémentaires) doit être inférieur ou égal au dernier salaire touché (ou 160 % du SMIC). Code de la Sécurité sociale: articles L. 161-22 Circulaire CNAVTS nO 2004-64 du 22 décembre 2004.
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cesse repoussé. Le travail des enfants est un lointain et mauvais souvenir, le travail des adolescents est rare du fait de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, et le travail des étudiants adultes se poursuit plus longtemps. Ce qui est salué comme un progrès social, parce qu'un investissement en capital humain est toujours profitable à terme, pour l'individu comme pour la société, se retourne en pénalité sociale au-delà d'un certain seuil, et quand les désirs et les aptitudes des jeunes ne sont plus pris en compte - parce que la règle est devenue administrative, obligatoire et impersonnelle. Beaucoup d'adolescents perdent leur temps au collège ou au lycée jusqu'à 16 ans, et le font perdre aux autres. Ils seraient certainement plus à l'aise en apprentissage, ou dans un premier emploi leur apportant expérience et connaissances. Ils travailleraient pour avoir une carrière plus intéressante grâce à une meilleure qualification, et pour prendre une retraite plus tôt. L'argument de la pénibilité du travail est également invoqué ici: les jeunes plus tôt au travail font souvent des tâches plus pénibles, et il est normal qu'ils cessent plus tôt de travailler. Cependant, cet argument débouche sur une conclusion qui donne aussi à réfléchir: le nombre d'années de cotisation est inchangé, ces années sont simplement décalées vers le bas. C'est dire que la seule manière d'augmenter le nombre de cotisants est bien d'étirer la période de cotisation. C'est ce que le législateur français a fait en 1993, portant cette période de 37 ans et 2 trimestres à 40 ans. Il est évidemment question d'aller plus loin maintenant. Plus nombreux à cotiser: le nombre de cotisants dépend globalement de trois éléments : - l'importance de la population en âge de travailler; - au sein de cette population, l'importance de la population active; - au sein de la population active, l'importance de la population ayant un emploi.
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Davantage de personnes en âge de travailler? On peut, comme on l'a évoqué plus tôt, augmenter ce nombre en modifiant l'âge du travail: on travaille plus tôt et plus tard. On peut aussi songer à rajeunir la population. Dans plusieurs rapports il a été fait allusion à un « retournement démographique» au cours des trente ans à venir. D'une part, la natalité pourrait reprendre et la taille des familles s'élargir avec plus d'enfants. On n'a pas manqué de proposer des incitations fiscales, des avantages spécifiques pour que les familles soient plus «nombreuses». D'autre part, des apports de populations immigrées peuvent rectifier la pyramide des âges. Le recours à l'immigration a été explicitement visé par le rapport ATTALI comme un facteur de croissance de l'économie française. Encore faut-il, comme il est souligné dans le rapport, que ces immigrés deviennent des cotisants, et non pas des pensionnés. Si, faute de qualification et de maîtrise de la langue, les immigrés viennent rejoindre les rangs des chômeurs et des assistés, ils ne rééquilibrent en rien le système, tant s'en faut. Ils pourraient même prétendre à des droits à la retraite sans avoir cotisé assez longtemps, puisqu'une partie de leur vie active se serait déroulé à l'étranger. L'opération n'est donc profitable que dans l'hypothèse d'une immigration jeune, qualifiée et employée.
Davantage de personnes actives ? Toutes les personnes en âge de travailler ne font pas pour autant partie de la population active, au sens des comptables et des statisticiens. Seuls sont membres de la population active ceux qui désirent avoir une activité. L'activité est un choix personnel, et beaucoup de personnes choisissent de ne pas être actives. Les femmes (ou les hommes) au foyer ne sont pas considérées comme des personnes actives, bien qu'elles ne passent pas leurs journées à se tourner les pouces. Les étudiants en âge de travailler ne sont pas non plus « actifs », bien que très occupés par leurs cours et leurs examens. Etre actif, c'est être disposé à travailler, disponible pour un emploi. Mais la frontière entre l'activité et l'inactivité est assez floue, parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ne travaillent pas, mais accepteraient peut-être de prendre un emploi à temps partiel, ou temporaire, s'il n'était pas loin de la maison, avec des horaires
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acceptables, etc. Ces gens sont recensés dans les statistiques de l'emploi: ce sont les demandeurs d'emploi de catégorie 4,5,6, etc. Ils représentent entre 2 et 4 millions de Françaises et Français. Le problème de l'activité se pose surtout pour les femmes, dont l'irruption sur le marché du travail a été spectaculaire, mais moins prononcée en France que dans d'autres pays étrangers. Il est sûr que plus de femmes au travail, et surtout de jeunes femmes, réduiraient le déséquilibre démographique. Une grande incertitude pèse sur ces sujets, car il n'est pas impossible que de nouvelles techniques permettent de partager plus facilement son temps entre le loisir et l'activité, ou entre une activité salariée et une activité indépendante ou domestique. Les Pays Bas sont souvent donnés en exemple d'un pays où beaucoup de femmes travaillent en « free lance », rémunérées à la tâche, pour une tâche que l'on peut accomplir à l'heure et à l'endroit de son choix, par exemple à domicile. Ces perspectives sont peu évoquées dans les études habituellement consacrées aux contraintes démographiques et sociologiques des régimes de retraite. En revanche, la plupart des études mettent en évidence que la France est un des pays où la proportion de gens actifs à l'intérieur de la population en âge de travailler est la plus faible 84 .
Plus de personnes employées? Toutes les personnes actives ne sont pas employées. Si elles déclarent vouloir travailler, elles ne trouvent pas nécessairement un travail. Les chômeurs sont donc membres de la population active sans être employés. Ils ne sont pas soumis à cotisations, mais leur droit à la retraite continue à s'accumuler pendant la période de chômage. " On a souvent incriminé le chômage comme source du déséquilibre de la Sécurité Sociale. Il est certain qu'un chômeur n'est pas un cotisant85 . 84. Cf. annexe D. 85. Le fait qu'un salaire ne soit plus versé fait disparaître à la fois la « part patronale» et la « part salariale », dont nous avons démontré qu'elles ne font qu'un et représentent un impôt sur le travail. De ce point de vue, l'entreprise n'est pas un « cotisant », seul le salarié est un cotisant.
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Il faut cependant être prudent sur le véritable impact du chômage sur les déséquilibres du système : 1° un taux de chômage de 10 % ne signifie pas que les cotisations soient diminuées de 10 %. Car les cotisations sont progressives avec le niveau de salaires et, dans l'ensemble, le niveau de qualification et de salaire des chômeurs est inférieur à la moyenne. Donc, vraisemblablement le manque à gagner pour les URSSAF serait plutôt de 6 %. 2° les déséquilibres de la Sécurité Sociale ont existé et se sont accrus pendant des périodes très contrastées au point de vue de l'emploi, ce qui prouve qu'il y a des tendances longues. Le chômage jouerait donc comme un amplificateur de l'évolution, plutôt que comme une cause première. Il n'en demeure pas moins que le chômage mérite d'être combattu, pas seulement pour ménager l'avenir des retraites, mais aussi et surtout pour permettre à tous ceux qui désirent un emploi de le trouver, parce que le chômage est un drame humain et familial en même temps qu'un fléau économique. Le chômage est un scandale public, parce que l'on connaît pertinemment les solutions qui permettent de le supprimer totalement. Mais ici, comme pour les retraites, on n'a pas voulu -du moins en France accepter les réformes et choisir les bonnes solutions 86 .
Donner plus tout en recevant moins Qu'il y ait une part de lucidité dans les solutions tournant autour de l'âge de la retraite, la durée du travail, le rajeunissement de la population, l'élimination du chômage, c'est incontestable. Il 86. Le parallèle est saisissant entre l'inflation et le chômage. Il a fallu attendre quelque quarante ans pour que les gouvernements se rendent aux conclusions de la science économique (par exemple des monétaristes) sur les causes et les méfaits de l'inflation; du jour où ils les ont acceptées, l'inflation a disparu dans le monde entier. De même pour le chômage: depuis les travaux du « supply side », on sait qu'il faut libérer les entreprises des contraintes fiscales, sociales et réglementaires qui les entravent, et les pays qui l'ont compris ont éliminé le chômage en deux ou trois ans. Voir J. GARELLO « Le chômage: un scandale public », Revue des Etudes Humaines, sept. 1996.
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n'est donc pas étonnant que ces solutions aient été retenues totalement ou partiellement dans un grand nombre de pays, et soient en débat en France à l'heure actuelle. Mais, pour lucides qu'elles soient, sont-elles judicieuses, sont-elle justes? Elles aboutissent à demander aux cotisants et aux retraités toujours plus de sacrifices, toujours plus de contributions. Elles reviennent à dire : si vous voulez avoir une retraite décente, il faut y renoncer en partie (reculez l'âge de votre retraite) ou remettre de l'argent au pot (travaillez et cotisez davantage). Sans doute l'erreur a-t-elle été commise dans le passé, quand la démagogie et l'idéologie ont poussé les gestionnaires du monopole des retraites à faire des promesses inaccessibles. Trouvet-on justifié de pénaliser les Français aujourd'hui pour avoir sincèrement cru aux promesses du passé? Comme on le sait, on a toujours caché la vérité aux Français. Doivent-ils maintenant payer la rançon d'une ignorance savamment entretenue? La situation des assurés, retraités et cotisants aujourd 'hui, est comparable à celle d'une famille qui fait construire une maison. Les architectes et corps de métier se sont engagés sur des devis, et la famille a considéré qu'elle pouvait faire face à la dépense. Mais alors même que le chantier est en cours, tous les bâtisseurs demandent une rallonge - sinon il n 'y aura pas de maison. Il y a donc finalement de grands discours et une grande hypocrisie pour masquer une évidence: donnez plus et acceptez d'en recevoir moins. Nous, nous n'appelons pas cela une solution, mais une fuite en avant.
5. PASSER AUX RETRAITES PAR POINTS Passer aux retraites par points est une solution apparemment plus radicale que les précédentes parce qu'elle ne se contente pas de panser les plaies du système par répartition et de réparer les dégâts commis : une porte est ouverte sur une logique qui se veut tout à fait différente.
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Accessoirement, surtout dans la version proposée par Jacques BICHOT 87 , des considérations démographiques et morales sur l'importance de la famille sont prises en compte - ce qui donne une dimension nouvelle et originale à la solution. Le système par points se présente comme un substitut du système des annuités, actuellement en vigueur pour le régime général obligatoire. Aujourd'hui les «droits à la retraite» sont calculés d'après le nombre d'années de cotisations: le taux plein correspond à 40 annuités. Pourquoi ne pas attribuer à chacune de vos cotisations versées un nombre de points proportionnel à l'importance de ces cotisations? C'est comme si chaque point obtenu à travers vos paiements « achète» un peu de votre retraite. La valeur du point est déterminée par la caisse de retraite. Quelqu'un qui paye son dû en 2008 doit verser par exemple 2 000 euros, et si l'on fixe la valeur du point à 200 euros, cela veut dire qu'il est créditeur de la points. L'équivalent d'une retraite à «taux plein» (comme il est prévu aujourd'hui) représente par exemple 500 points. En quoi consiste le changement? Dans un détail décisif: vous êtes propriétaire et gestionnaire de vos points. Cela signifie que si vous voulez payer plus que votre dû, et verser 2.200 euros au lieu de 2.000, vous aurez droit à Il points au lieu de 1O. Puisque vous êtes propriétaire de vos points, vous pouvez aussi les transmettre à votre conjoint ou à vos enfants pour leur permettre d'avoir une retraite plus importante. Le changement considérable introduit dans le système est que désormais vous ne cotisez pas « pour le système », c'est-à-dire pour un retraité que vous ne connaissez pas, mais pour vous-même. Les droits à la retraite sont personnalisés - même si votre cotisation, en fait, va bien à un retraité puisqu'on est toujours dans un système de répartition. Il vous est ainsi loisible d'acheter des droits supplémentaires à la retraite si vous en avez la possibilité et le désir, notamment pour vous prémunir contre le risque d'une érosion de vos retraites dans le futur. On peut même, comme cela s'est pratiqué au Chili, 87. Jacques BICHüT, Retraites en Péril, Bibliothèque du Citoyen, Presses de Sciences Po, 1999. Voir aussi Jacques BICHüT et Alain MADELIN, Quand les Autruches prendront leur retraite, ed.du Seuil, Paris, 2003.
106 vous donner un livret de points semblable à un livret de caisse d'épargne. Cette individualisation de la retraite est une mise en éveil et une mise en responsabilité du futur retraité: il sait à tout moment où il en est de ses perspectives et il peut les infléchir dans un sens ou dans l'autre en fonction de ses intentions et de ses possibilités. Jacques BICHOT introduit dans le système par points une dimension démographique, en suggérant de distribuer gratuitement des points aux personnes qui ont des enfants à charge, en fonction de la durée de cette prise en charge. Il y a, comme il le dit, une «contribution jeunesse» 88 correspondant au fait que les parents ont dû engager de lourdes dépenses pour élever et éduquer des enfants qui deviendront bientôt des cotisants et à ce titre rééquilibreront le système. Les parents rendent ainsi un service à l'ensemble de la collectivité, et plutôt que de reconnaître ce service par des allocations diverses qui ne couvrent aujourd'hui que 40 % des dépenses pour les enfants, il est mieux de les compenser en leur octroyant gratuitement des points, au titre de la « contribution jeunesse» 89. Voilà encore une autre marque de la personnalisation du régime par points, chaque assuré ayant une situation spécifique suivant sa situation de famille. Dans l'esprit de Jacques BICHOT, les « droits à la retraite» reprennent ainsi le sens qu'ils auraient dû avoir et n'ont jamais eu : une prise en charge intergénérationnelle. Les partisans de la retraite par points n'ont pas de mal à démontrer son caractère réaliste et efficace, puisqu'elle est en vigueur, et de manière satisfaisante, pour les régimes « complémentaires obligatoires» que sont l' ARRCO et l'AGIRC, et pour la «PREFON », retraite complémentaire proposée aux fonctionnaires. C'est simplement oublier que la valeur du point (calculé à partir d'un « salaire de référence ») n'a cessé d'augmenter, de sorte que les mêmes avantages ont dû être achetés plus cher par les 88.1. BICHüT, Retraites en péril, op.cit. p. 136. 89. Jacques BICHüT rappelle la formule d'Alfred SAUVY: «Ce n'est pas en cotisant que nous préparons nos retraites; c'est en élevant des enfants ». La formule est sympathique, mais on peut être plus lucide en disant qu'en élevant des enfants on prépare la retraite de personnes qui n'en ont pas. De ce point de vue l'attribution de points répare une anomalie, pour ne pas dire une injustice.
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assurés au fur et à mesure que le déséquilibre des régimes complémentaires se faisait plus menaçant. Il est plus élégant d'augmenter la valeur du point que d'augmenter les cotisations, mais c'est exactement la même chose. C'est oublier encore que, par points ou par annuité, un régime par répartition est toujours menacé par ce déséquilibre entre cotisants et retraités. Si le principe des annuités est en effet mécanique et rigide et si, de ce point de vue, la retraite par points, personnalisée et flexible, représente un progrès, c'est toujours la logique de la répartition qui la gouverne. Dans sa dimension démographique, la retraite par points estelle seule en mesure de combler le trou démographique en reconnaissant les mérites des parents de familles plus nombreuses? Cela peut paraître douteux, car la dénatalité ne s'explique pas et ne se combat pas simplement par des considérations financières. C'est un nouveau comportement face à la famille, face au mariage, face à l'enfance qui est en cause. Comme dit Pierre CHAUNU, c'est la « peste blanche» qui attaque les vieux pays développés. Cependant, un certain nombre de commentateurs ont vu dans la retraite par points un premier pas vers la capitalisation. « Capitalisation », cela n'évoque-t-il pas une retraite « per capita », et une accumulation des droits à la retraite? Il est certain que la retraite par points permet au futur retraité d'accumuler des droits, mais cette accumulation est purement juridique, et non financière, en ce sens qu'elle ne peut être investie et rapporter des intérêts qui permettront plus tard de servir les retraites. Là est la véritable faiblesse du système: c'est de ne pas quitter les rivages de la répartition pour se risquer en haute mer, celle de la vraie capitalisation.
6. RECOURS A LA PREVOYANCE Dans la retraite par points, le cotisant futur retraité peut chercher à se prémunir contre les insuffisances de ses pensions à venir en accélérant ses versements et en affectant une partie de ses revenus actuels à l'achat de points. Il réalise donc une épargne, et cette épargne est investie en « points ». Pourquoi ne pas faire plus simple et admettre que l'on puisse constituer une épargne, et la placer à sa convenance, pour améliorer ses perspectives de retraite?
108 Compte tenu des sombres nuages qui s'amoncellent dans le ciel du régime général, beaucoup de Français prévoyants constituent et placent une épargne qui leur rapportera des revenus suffisants le moment venu. En commun avec la retraite par points, cette pratique revient à mettre la gestion des retraites sous la responsabilité de l'assuré, incité à prendre des initiatives. Mais elle a en propre l'immense avantage de la sécurité, car l'épargnant sera sûr de l'argent qu'il récupèrera le moment venu. Il s'est engagé dans une logique de capitalisation financière et non plus dans un système de répartition plus ou moins aménagé. Les banques, les compagnies d'assurance, les OPCVM (organismes de placements collectifs en valeurs mobilières), ont multiplié les formules à la disposition des épargnants: l'assurance vie est le produit vedette, mais on peut en dénombrer un nombre considérable. L'engouement des Français pour ces produits financiers démontre que la peur de «la finance» et de «la capitalisation» est plus formelle que réelle. Le réalisme, la peur du lendemain, le spectacle de retraités réduits à la portion congrue, ont rendu nombre de nos concitoyens plus ouverts à de nouvelles formules. Quand l'assurance obligatoire perd de son crédit, c'est la prévoyance personnelle qui est le réflexe naturel et rationnel. On dit que l'Etat a encouragé cette prévoyance en réservant un traitement de faveur à l'épargne placée en assurance-vie ou autre (Plans d'Epargne Retraite, Plan d'Epargne en Actions,etc.). Mais ces «cadeaux fiscaux» ne sont pas aussi importants qu'il n'y paraît. Tout d'abord, il serait légitime que l'Etat laisse l'épargnant totalement libre et responsable de sa gestion, au lieu d'avantager certains placements, et pas d'autres, et au lieu d'imposer des conditions de durée ou des plafonds. Ensuite, ces «cadeaux» sont réservés à ceux qui payent l'impôt sur le revenu des personnes physiques, c'est-à-dire les contribuables dont les revenus sont les plus élevés. Si on ne paye pas d'impôt, une exonération fiscale n'est ·en rien une incitation. Ceux qui protestent contre «les cadeaux faits aux riches» ont raison sur ce point précis. On remarquera encore que le patrimoine constitué par l'épargne capitalisée n'est pas entièrement transmissible aux autres membres de la famille sans quelque retenue fiscale.
109
Enfin, les produits de l'épargne qui accroîtront les revenus des retraités seront taxés par la CRDS et une partie de la CSG. De la sorte, si l'on fait le bilan des perspectives de la prévoyance individuelle ou familiale, on peut conclure à une double injustice. La première injustice est une inégalité entre les assurés: seuls peuvent gérer une épargne significative ceux qui ont des revenus courants suffisants, les autres ne peuvent être prévoyants faute des moyens de la prévoyance, ou doivent s'imposer de très lourds sacrifices. La deuxième injustice, et la plus grave, c'est que les assurés sont amenés à payer deux fois le même service : une première en qualité de cotisants obligatoires, une deuxième en qualité d'épargnants volontaires. Il y a au demeurant un paradoxe dans la coexistence de ces deux positions, car les « assurances sociales », imposées par la société, offraient une telle garantie et une telle promesse qu'elles ont peu à peu tué l'esprit d'épargne. Après avoir encouragé les Français à vivre comme des cigales, les persuadant qu'ils n'avaient rien à craindre pour leurs vieux jours dorés, les autorités publiques les appellent à devenir des fourmis. Si les cotisants ont cru « acheter des droits acquis» tout au long de leur vie active, ils ont été spoliés par le système. On les a purement et simplement volés d'une grande partie de leurs droits. Si les droits sociaux sont un élément du patrimoine individuel ou familial, il y a eu expropriation, viol de la propriété personnelle. Nous ne pouvons considérer comme une solution juste et efficace un nouvel hold-up sur l'épargne des Français. Réclamez votre argent !
LISTE DES ANNEXES DU CHAPITRE III
A. Frais de gestion du régime retraite B.
Objectifs et réalisations de la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale
C. Les effets de la TVA sociale sur les échanges extérieurs D. Les heures de travail des actifs français
Consultez le site www.irefeurope.org Véritable portail vers la connaissance des retraites, ce site rassemble tous les éléments statistiques et analytiques qui sous-tendent le chapitre III. Vous pourrez y trouver notamment: L'ACOSS. Les organismes de retraite du personnel de la Sécurité Sociale CPPOSS, CARSSA, UCABSS. «L'âge de la retraite en question », Lucy ap.ROBERTS, IRES, Chronique internationale, nO 109, nov 2007. « Fiscalité et retraites en Europe dans 27 pays européens: Taxation regimes of the pension schemes », OCDE (2005). Ages de la retraite en Union Européenne. Evolution des taux d'emplois, des taux d'inactivité par groupes d'âge et par sexes. «Taux d'activité et taux d'emplois par pays et par sexe, nombre d'heures travaillées », Eurostat, 2006-2007.
112
ANNEXE A FRAIS DE GESTION DU RÉGIME RETRAITE
Recouvrement
Les dépenses de gestion 2006 (en millions
, ""(F~,~),,',,,,;
d~~uro!l)
Régime J'J.
'Iénêlat
Personnel
4172.7
1229.1
722.4
796.9
6921.1
Autres dépenses de fonctionnement
1219.3
254.9
150.6
219.3
1&14.1
177.0
183.4
37.1
56.1
453.6
0.0
0.0
1.7
0.0
1.7
5569,0
1667,4
911,8
1072,3
9220,5
Autres contributions
93.8
23.3
50.5
106.3
273.8
Amortissement
217.7
87.7
36.7
42.3
384.4
5880,4
1778,4
99B,9
1220,9
987B,6
624.8
156.6
180.1
293.5
1255.0
5255,6
1621,8
81B,8
927,3
8623,6
Investissement Réserve nationale
Total des d épen ses à caractère limitatif
Total des d épen ses brutes Receo:es propres et atténuatives
Total des d épen ses
Evolution des dépenses de gC5tion
6.00% 5.00% 4,00% 3.00"/0 2.00(10
1.00% 0.00%
+--~!""'!!"""'~
-1.00% -2.00% -3,00% -4.00%
Maladie
113
ANNEXEB CAISSE D'AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE OBJECTIFS ET REALISATIONS
Profil d'amortissement de la dette sociale au 23 novembre 2006 (en millions d'euros) 60,000
50,000
40,000
30,000
20,000
10.000
2001
2008
200S
2OU)
2011
2012
2013
20M
2015
2016
20n
201&
2013
2020
Source: CADES.
Partant d'un objectif de 60 milliards d'euros, la CADES se propose présentement d'amortir la dette sociale en 15 ans, de 2007 à 2021. La cible visée ne tient compte que des déficits accumulés, mais certainement pas de l'amortissement des «droits acquis» dont le montant se situe entre 2 et 4 ans de PIB, soit entre 3.500 et 7.000 milliards.
2021
114
(ROS itnnueUe ~I fé2!ftltfoo entre tntt!èts t!lès et ~ne amOf~ ~'IMJsi
Source: CADES.
Cet objectif modeste risque de ne pas être atteint si l'on tient compte de ce qui s'est passé depuis la création de la CADES en 1996. La ligne en bleu montre l'évolution observée et anticipée de la CRDS, la ligne en rouge ce qui peut être amorti, et la ligne en rouge clair les intérêts à rembourser. Dès maintenant, l'opération semble bien fragile.
115
ANNEXEe
LES EFFETS DE LA TVA SOCIALE SUR LES ÉCHANGES EXTERIEURS
Principe de la TVA sociale sur le prix de revient AVANT
APRÈS
Sécurité Sociale (charges patronales)
20
0
Autres coûts
75
75
Profits avant IS
5
5
100
80
0
20 (25 % du hors TVA et TVA sociale)
Prix de vente hors TVA
100
100
TVA
19,6
19,6
Total TTC et TVA sociale incluses
119,6
119,6
Structure du prix
Prix de vente avant TVA sociale TVA sociale
Effet de la TVA sociale sur un produit importé
Prix hors tva sociale du produit importé TVA sociale Prix hors taxe
AVANT
APRÈS
100
100
0
25 (25 %du hors TVA et TVA sociale)
100
125
TVA
19,6
Jotal TTC
119,6
24,5 (19,6 0A> de TVA appliqué sur le "HTVA") 149,5 (hausse de 25 0/0)
Effet de la TVA sociale sur un produit exporté AVANT
APRÈS
Prix hors TVA
100
100
Prix hors TVA sociale et hors TVA
100
80
116
ANNEXED TAUX D'ACTIVITE DANS DIVERS PAYS EUROPEENS Evolution des taux d'elnploi du groupe d'age 55-64 ans, sur la période 1971·1999 (en 010) Hommes variation
Pays
1971
1975
1985
1989
1193
1995 1991 1998 1999 en poÙ1tS
Allemagne'
77,1
eRJ,7
53,6
47,9
48,2
47,8
47,6
48,0
de% - 37,7
-
43,1
32,9
34,5
32,2
32.1
35,1
-18,6
-
-
51.7 36,3
82.72
76,7
59.1
65,0 56,7
60,6 51,6
63,2 48,0
61,0 50,5
58.5 52,1
59,9 52,4
- 3.2 - 36,6
Finlande
71,8
84,6
48,7
44,2
36,1
34.9
37,8
38,3
40,1
- 44,2
France
73,0
67,2
46,8
43,7
40.3
38.4
38,4
31.9
38,9
- 46,1
-
-
37,5
49.6
47.0
42.3
41,5
41.5
40,8
8,8
Pa)'S-Bas
79,3
69,9
44,2
33,1
30,1
31,5
43,3
46.0
48,8
Portugal
77.3
61.8
59,8 55,9
57,7
-
64,7 62,3
63,6
Royaume-Uni
82,1 82,9
58,1 58,6
63.4 58,3
62,1 59,4
- 38,5 - 24,4
Suède
82,8
80.7
73,2
73.8
65,9
64,7
65.8
67,1
47,2
47,3
-
79.8
79,5
54,7
56,8 66,1
- 6.8 - 27,8 -16,8
Belgique Danemark Espagne
Italie
61,9
56.1
-
-
-
-
-
64.4 46,8
Jap)n
85,3
83.3
78,8
79.2
82,1
80,8
47.0 80,9
Camda
78,7 79,4
76.2 72,4
64,3 65,0
61.2 64,9
54,3 63,1
53.7 63.6
55,1 65,5
Union auCtJèenne 15
Etats-Unit
66.2
- 28,3 -19,0
Femmes variation
Pays
1971
1975
1985 1989
1193
1995 1997 1998 1999 en points
Allemagne'
27,1
24,4
-
-
21.6 9,7
24,2 11,6
26,9
Belgique
21,3 10,3
12.7
28,8 12,4
Danemark
39,8 1B,8 42,7
38.8 18.4 39,3
42,5 18,4 33,7
36.1 17.6 34,0
41,2 18,0 33,7
18.8 34,2
2B,5 14,9 11,8
28.8 14,4
28.9 13.1 14,0
28,9 14,4 20,2
28.3 14,8 20,8
29,6 15,0
- 20,6
11.3
27,9 13,6 12,3
-
42,5
31.0 36,1
32,0 37,6
33.3 39.3
37,4 38,8
38,4
41,1
30,5
38.5
39.8
62,9
60,7
60,7 26,1 48,4
60.3 26,0 48,5
61,0 27,0 48,2
21.7 39,6
34,3 49,5
36.1 50.0
37,3 50,1
-
-
Espagne
21,B2
Finlande
45,6
22,8 41,9
France
37,3
35,2
-
-
Pays-Bas
14,6
13,8
Portugal
-
31.5
-
31,5 32,7
43,1
48,9
57,1
Italie
Royaume-Uni Suède
-
-
-
-
-
Jap)n
44,6
43,1
44,4
45,3
47,8
59.5 25,2 47,5
Camda
30,3 41,5
29,3 38.9
30,6 40,2
31,7 43,8
32,4 45,3
33.4 47.5
Union 8Jlq)èenne 15
Etats-Unis
28,7 13.4 41,5
28,9 14.8 47,8 19,1 38,4
de% 6.6 43.7 20,1 -12,4 -15,8 0,1
8,1 23,1 20,7
S:urcGo : Séries rea:onstituées à partir des d:rlnées OCD~. Statistiques de la force de travail, sauf Italie et Union eurcpêann~. D:nnêas ~urœtal enquête sur la force de tré1'\l'ail et rœ prcpres caJculs. tAllamagna rëunifiée depuis 1989.
21~72
117
Èvolution du taux d'inactivité des hommes selon le groupe d'âge, sur la période 1970-2000 (en °/0) Hommes 15-24 ans Pays AJiemagne Belgique ~nemark
Espagne Finlaooe France ttalie Pays-Bas Portugal RO~\lume-Uni
Suède Union européenne 15 Japon États-Unis
1988
1985
19S8
1995
2000
38.2 54.0' 31]' 29,8 42.9 48.0 50.6 50.6 21.6
39.3 56.8 21.2 34.9 45,0 51.9 52,7 49,5 27,2 17.2 33.2
37.5 63.0 23.5 38,3 41.9 60,4
45.4 64.0 23.0 47.5 57.0 67,2 54.0 34.5 50.7 25.6 47.3 49,6 52.0 29.8
44,3 61.3 24,8 47.36 50.36 67.9 54.9 6 31,1 9 48,8 6 26.86 48.6 4 49,0 52.36 32,06
1970 24,5
1975 34,1
-
-
26.4% 35,9 39.7 47.9 34.71
28.1 42.6 44.4 55.2 45,3
-
21.2
-
-
33.0
27.6
27,7
53.9 38.2 33,5 16.5 30)
-
-
-
-
-
42,3 30.6
49.8 27,6
5ï,1
57.4 27.0
56,6 28.2
25.6
,&)urce : Données OCDE 2)00. sauf Allemagne 11971 l1972 '1983 41 G9S '1999
a partir de 1985 et UE (Eurostat).
Hommes 55-64 ans Pays
1970
1975
1980
1985
1993
1995
Allemagne
19.8
30,2
32,7
41.2
41,7
45,5
47,5
Belgique
-
54.9
64.6
64.1
63,7
~nemark
-
-
49,4'
34.2
30.8
15,8%
20,2
32.8' 23,9
32.8
37.6
32.1 45,1
42.26
Finlande
25.1
48.3
52.9
55.4
54.6
24.6
34.4 31.0
43,1
France
31.4
49.9
54.2
58.5
57.46
Espagne
2000
35,5
-
-
-
-
-
-
Pays-Bas
19.4%
-
36,8 25,4
53.0 33,7
54,3 33,5
57,7 39,3
53.1 4
Portugal
27,8 21,8
RO~'3ume-Uni
-
-
-
14.6
18.0
21.3
31.0 24,1
31.9 24.7
37.6 29,3
-
-
-
-
-
48,9
48.5
Japon
13.4
14,0
14.6
17,0
16,7
15,2
14.86
États-Unis
17,0
24.4
27,9
32.1
32.2
34,0
32.1 6
ttalie
Suède Union européenne 15
Scurce : Données OCDE 3)00, sauf Allemagne '1971 l1972 .11003 4-J WB '1999
35.46 36.56 27.-r
a partir de 1985 et UE (Eurostat).
N.B: Le taux d'inactiv~é est l'inverse du taux d'activ~é. Il rapporte la population inactive (ni active, ni chômeuse) à l'effect~ de la classe d'age.
Chapitre IV
N'AYEZ PAS PEUR! Puisque les solutions proposées à ce jour ont échoué, pourquoi ne pas passer à autre chose? Autre chose, c'est l'abandon des retraites par répartition car c'est bien le principe même de la répartition qui compromet le futur de nos retraites. Finies les mesures conservatoires, place aux réformes innovantes. On commence à savoir qu'il existe une solution alternative: la capitalisation. Mais dès qu'on prononce ce mot diabolisé, il provoque des peurs paniques. La répartition offre la simplicité du tiroir-caisse: on rentre l'argent, on sort l'argent. Rien de tel avec la capitalisation car l'argent des retraites est engagé dans des opérations financières et boursières. Que se passe-t-il quand les cours s'effondrent, quand il y a des crises comme le krach de 1929, la bulle de 2001, ou l'effondrement dû aux « subprimes » ? En réalité la possibilité d'une crise durable et totale est exclue: les choses se remettent en place sur une longue période. A supposer que la faillite de la capitalisation soit aléatoire, celle de la répartition est en revanche inéluctable. Mais Enron, mais Maxwell, mais WorldCom, mais tous ces fonds de pensions et assureurs qui ont ruiné les retraités? D'une part ils ne sont pas si nombreux, d'autre part ces faillites n'ont rien à voir avec la logique de la capitalisation. Bien au contraire, les barrières et garanties propres à la bonne gestion de fonds de pension ont été volontairement ignorées et violées par des incapables et des escrocs, d'ailleurs condamnés pour leurs imprudences et leurs malversations. Les victimes d'Enron, c'est peu de choses par rapport aux prochaines victimes de la Sécurité Sociale. Les assureurs privés, il est vrai, n'ont pas bonne presse. En cas d'accidents, d'incendies, ou d'hospitalisation, les remboursements se font attendre, parfois ils ne viennent jamais. Certes il existe de mauvais assureurs (qu'une libre concurrence pourrait éliminer), mais par nature un contrat d'assurance vieillesse ne laisse aucune place à estimation, expertise ou retard de la part de l'assureur: tout est prévu dans le détail.
120
On s'inquiète aussi pour la justice sociale: les retraites par capitalisation répondent-elles à ses exigences? Si le montant des cotisations et des pensions n'est ni obligatoire, ni égal pour tous, seraient systématiquement avantagés ceux qui peuvent souscrire de « bons» contrats, et les moins fortunés ne toucheraient qu'une retraite minimum. C'est un système « à deux vitesses ». Il peut aller jusqu'à l'exclusion pure et simple, certains assureurs refusant de prendre en charge des personnes soupçonnées de ne pas pouvoir payer leurs primes. Des assurés vont être victimes de « l'écrémage ». Il ne se passe rien de tel dans la pratique des assurances par capitalisation; il Y a autant de contrats possibles que de situations individuelles ou familiales. Les compagnies font aujourd'hui leur publicité sur le fait qu'elles ne pratiquent aucune discrimination, et elles ont de bonnes raisons pour ce faire. En revanche, la ruine de la Sécurité Sociale atteindra aveuglément tous les assurés, et les moins fortunés seront frappés par priorité et plus durement. Les peurs engendrées par la capitalisation sont donc illusoires, entretenues par les partisans inconditionnels de la répartition. Une fois de plus, les Français ne connaissent pas la vérité: on la leur cache sciemment. Pourront-ils vaincre la peur? Il est vrai qu'après une longue immobilisation, les premiers pas sont hésitants: il faut se lancer!
121
1. LA PEUR DU KRACH FINANCIER Pour ceux qui ne sont pas familiers des problèmes financiers, le fonctionnement de la Bourse ressemble à celui d'un casino. C'est le royaume de la spéculation, de l'argent vite gagné mais aussi vite perdu. Peut-on sérieusement confier le sort de nos retraites futures à des fonds de pension réputés pour leurs placements hasardeux ? Interrogation légitime, mais à laquelle on peut apporter des réponses plutôt rassurantes : - un placement n'est pas une opération spéculative, et l'argent placé en Bourse est d'un rapport à long terme très substantiel, en dépit des «accidents» conjoncturels les plus graves; - les accidents boursiers et financiers ne doivent rien au hasard, ni à la spéculation, mais sont provoqués par les erreurs de politique économique : il suffit de les éliminer ! - les techniques de la finance ont considérablement évolué depuis quelques années, dans le sens de la complexité certes, mais aussi de la plus grande sécurité ; - Il y a pire que le krach financier: le krach de la répartition.
De quoi se rassurer Considérons d'abord le rendement d'un portefeuille d'actions standard 90 . Supposons qu'il soit constitué pour vingt cinq ans, ce qui est très inférieur au nombre d'années de cotisation à un système obligatoire de répartition. Son rendement est de l'ordre de 9 % l'an à Wall Street (New York Stock Exchange) et de 7 % dans les places européennes (Londres, Paris, Francfort). Ces résultats ne changent pratiquement pas si l'on inclut dans les 25 ans considérés des crises aussi spectaculaires que celles de 1929, 1991 ou 20072008. Car les années de « crise» sont suivies d'années de fortes reprises. La «crise» a un effet d'assainissement des choix
90. Concept ambigu, on en conviendra, puisqu'en longue période, les sociétés cotées apparaissent ou disparaissent et que la composition d'un portefeuille va dépendre d'un gestionnaire à l'autre. Toutefois, la théorie des choix de portefeuilles permet de donner des estimations acceptables, ce sont celles que nous reprenons.
122
financiers, et réoriente les investissements vers les rendements les plus élevés. Si l'on mesure maintenant les performances réalisées par des fonds de pension, elles sont au moins équivalentes. D'une part elles pourraient être moins élevées, parce que les fonds divisent les risques et ont une partie de leur portefeuille en obligations (parfois même en obligations d'Etat), d'un rapport plus sûr mais moindre. Mais d'autre part le choix des actions retenues dans le portefeuille est plus souple, mieux informé que celui d'un opérateur moyen. Les fonds ont des analystes qui passent leur temps à scruter les activités et les bilans de milliers de sociétés, et arrivent à faire la meilleure sélection possible au meilleur moment. Cette écoute permanente de l'économie mondiale est qualifiée de «spéculation », avec une connotation péjorative. Il s'agit bien d'une spéculation, au sens de « vue plus perçante» des opportunités. La qualité de «vigilance» est caractéristique d'un bon financier, comme d'un bon entrepreneur91 • Mais la connotation péjorative vient de l'assimilation de certaines pratiques boursières (comme les OPA) à une manipulation diabolique. Le diabolisme n'existe pas, et les OPA ont leur logique: elles placent les entreprises entre les mains de ceux qui se font fort de la mieux gérer (et qui peuvent se tromper sans doute !). Il est toutefois vraisemblable, sans qu'on puisse réellement le prouver, que la recherche de performance financière par les fonds de pension a pu donner une priorité à des entreprises en rapide expansion (les fameuses « start up ») mais sans lendemain, ou à des secteurs en pleine innovation, délaissant ainsi des activités traditionnelles (notamment l'industrie mécanique). S'agit-il pour autant d'un «malinvestissement»? L'argent va-t-il là où il ne devrait pas aller? On remarquera tout de même que la croissance dans les pays où opèrent les fonds de pension est plus dynamique qu'ailleurs - ce qui prouve que l'économie n'a pas manqué des investissements nécessaires, et que les entreprises des secteurs « traditionnels» à faible rentabilité se sont intéressées de plus en plus près aux secteurs innovants. 91. C'est l'économiste américain Israël KIRZNER qui a fait de la vigilance (<< alertness ») la qualité spécifique de l'activité entrepreneuriale. Cf. 1. KIRZNER, Concurrence et Esprit d'Entreprise, trad.française, Economica, Paris, 2003.
123 Restent les remous sociaux crees par ces restructurations d'entreprises; ils sont d'autant mieux amortis qu'existe une flexibilité du marché du travail et une haute qualification de la main d'œuvre - mais ce n'est pas notre propos ici 92 • Finalement, ce qui impressionne l'opinion publique ce sont les fluctuations boursières de courte période. Sur un ou deux ans, la Bourse peut connaître des mouvements à la hausse ou à la baisse très prononcés, de l'ordre de 20 % par exemple. Mais ce n'est pas ce qui doit retenir l'attention en matière de placement à long terme, puisque les fluctuations s'enroulent autour d'une tendance sans cesse ascendante.
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Source: Global Financial Data.
Sur ce graphique la courbe en rouge représente les fluctuations des actions, et la courbe en bleu celles des obligations (OU valeurs mobilières à revenus fixes). Les ordonnées donnent les rendements annuels (en valeur réelle, donc après élimination de l'inflation), et les abscisses indiquent les années considérées (de 1803 à 1995). Les chutes des cours sont brutales, mais rares.
92. Les effets des fonds de pension sur le tissu économique seront examinés dans le volume III de cet ouvrage. On y démontrera l'effet accélérateur de la capitalisation.
124 93
On peut établir de façon tout à fait rigoureuse : lOque les placements en actions font courir des risques quand ils sont sur une courte période mais que ce risque s'estompe au fil du temps: un placement sur 20 ans ne fait courir qu'un risque très faible ; 2 0 que les actions résistent bien mieux que tous les autres placements aux accidents boursiers.
La croissance financière liée à la croissance économique Comment expliquer les performances durables des placements de longue période? La véritable garantie de la croissance financière, c'est la croissance économique. La finance n'est qu'un acte de confiance dans le futur économique, et il n'y a aucune raison de penser que la croissance disparaîtra, ou se tassera à long terme. Tant qu'il y aura des insatisfactions, tant que les êtres humains aspireront à vivre mieux (d'après leurs choix), il y aura aussi des innovations, des produits nouveaux, que nous ne pouvons d'ailleurs anticiper avec certitude. C'est cette volonté de progrès qui sous-tend la croissance, qui elle-même appelle le dynamisme financier. Il est en tout cas une idée qu'il faut évacuer, parce qu'elle est (comme tant d' autres) mensongère: la création des «assurances sociales» serait due à la faillite des assurances privées. Il aurait fallu nationaliser les retraites parce que leur gestion par les mécanismes financiers classiques aurait échoué. En fait, les assurances privées ont fonctionné sans problème pendant plus d'un siècle et rendu de grands services aux assurés et aux entreprises. Le passage aux assurances « sociales» a résulté de la conjonction de deux erreurs : - la ruine économique entraînée par l'inflation des années 1930 et les deux guerres mondiales; - le mythe de l'Etat Providence, dont le monopole devrait se substituer à toutes les initiatives et entreprises privées s'agissant de la sécurité et de la solidarité des citoyens.
93. Cf. annexe A, p. 148.
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Un État qui inquiète Paradoxalement, les partisans de la nationalisation de la protection sociale ont pris argument des crises politiques et financières pour confier les retraites à l'Etat. Or c'est bien l'Etat qui est à l'origine de ces crises ! La guerre est une affaire d'Etat. Certes, la guerre peut être «juste », lorsqu'il s'agit par exemple de faire respecter la liberté et la dignité de la personne humaine. Mais la guerre met toujours l'économie entre parenthèses et, par capitalisation ou par répartition, les systèmes de retraites n'y survivent pas. Il est pourtant vraisemblable qu'on reconstruit plus vite un système par capitalisation, d'autant plus que les guerres représentent des saignées démographiques dramatiques. La disparition d'un million de jeunes Français en 1914-1918 a totalement déséquilibré la société et l'économie. Plus surprenantes sont les responsabilités de l'Etat en matière d'inflation. Car l'Etat est maître de la monnaie et « l'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire» (Milton FRIEDMAN). Il est faux d'expliquer l'inflation par une hausse des coûts, de l'énergie, des matières premières, du travail, des terrains, ou de n'importe quoi, parce qu'une gestion monétaire rigoureuse étouffe dans l'œuf toute hausse des coûts, en obligeant producteurs et consommateurs à neutraliser la hausse, tantôt en accroissant l'offre tantôt en diminuant la demande. Mais cette obligation disparaît quand les agents économiques peuvent compter sur un crédit abondant et bon marché (avec des taux d'intérêt faibles) pour régler leurs problèmes de l'heure, en ayant la naïveté de croire que les choses vont s'arranger d'elles-mêmes, sans rien avoir à faire en attendant des jours meilleurs. Or, le volume des crédits se gonfle facilement quand les banques centrales créent de la monnaie en abondance. Voilà pourquoi les «monétaristes» ont voulu soustraire les banques centrales à la pression des gouvernants en imposant aux deux parties des règles d'émission de la monnaie très strictes. Dès que cette politique a été acceptée (en 1975, à la suite du second « choc pétrolier»), l'inflation a disparu comme par enchantement dans la quasi-totalité des pays développés. Pour éviter tout dérapage monétaire, il est incontestable que la gouvernance des banques centrales doit être révisée ou, ce qui est plus réaliste, que les banques centrales soient privatisées et concurrentes - ce que n'admettent pas ceux qui font de l'émission
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de monnaie un « droit régalien ». Mettre la monnaie sous la garde de l'Etat, c'est mettre « le bol de lait à côté du chat »94. Si l'on observe les principaux «accidents» de l'histoire boursière depuis un siècle, on s'aperçoit que ce sont des politiques monétaires aberrantes qui les ont causés, puis accentués. C'est le cas en particulier de la « grande dépression» de 1929. Précédée par une expansion monétaire irraisonnée, elle sera aggravée par le Président HOOVER imposant sans ménagement une restriction de crédits qui a achevé les entreprises américaines : la « déflation» a été aussi mortelle que l' inflation 95 . De même, on voit aujourd'hui les banques centrales américaine (FED) et européenne (BCE) venir au secours des banques et autres financiers impliqués par leur imprudence dans l'affaire des « subprimes ». Cette imprudence a été encouragée par le faible niveau des taux d'intérêt .. .imposé artificiellement depuis cinq ans par la FED. A la différence du Président HOOVER, on ne répare pas les erreurs par une erreur de sens inverse, mais en 94. L'expression est de Friedrich HAYEK. Ce prix Nobel d'Economie (1974) a été le premier partisan du retour aux principes de la banque privée. La régulation monétaire par des banques concurrentes responsables sur leurs propres fonds de la qualité des crédits accordés et, 'par conséquent, de la monnaie émise, est en tous points préférable à la régulation monétaire macroéconomique par des banques centrales irresponsables, et soumises aux pressions permanentes de l'Etat, premier consommateur de crédit pour financer dépenses et dettes publiques. Voir .par exemple F. von HAYEK, La Constitution de la Liberté, Liberalia, Litec, Paris, 1996. 95. La politique monétaire des mois précédant le krach du «jeudi noir» avait été d'une «générosité» spectaculaire: des pans entiers de l'économie américaine étaient en difficulté (chemins de fer, sidérurgie et métallurgie), mais les boursiers ont voulu soutenir les cours des compagnies menacées, dans lesquelles des investissements massifs et imprudents avaient été faits quelque temps auparavant. Pour ne pas perdre leur mise, les boursiers ont persuadé les autorités publiques de leur fournir les liquidités dont ils avaient besoin pour « franchir ce mauvais cap». Au lieu d'accepter la faillite ou la restructuration des compagnies, ce qui aurait certes entraîné une érosion progressive des cours, on a retardé les échéances fatales, et on est ainsi soudainement tombé de très haut. A cette première erreur va s'en ajouter immédiatement une seconde: le Président HOOVER va imposer un brutal revirement de politique monétaire, va faire couper tous les crédits et va ainsi étrangler l'ensemble de l'économie américaine, y compris les entreprises qui se portaient bien.
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poursuivant dans le même sens. Comme le disait Jacques RUEFF, c'est « un plan d'irrigation en période de déluge ». La justification actuelle de l'inflation organisée par les banques centrales est révélatrice du mal profond dont souffre la finance. Les gouvernements américain et européens ont craint que la remise en ordre de la bourse (la « purge») ne laisse des traces sur la croissance, ils ont voulu éviter le scénario HOOVER. Face à une menace de récession, ils ont préféré une « relance »96. C'est dire que la Bourse est à la merci des «autorités monétaires », et que les désordres financiers ne sont pas dus aux « spéculateurs », mais bien aux initiatives des Etats - bien qu'évidemment en période de désordre certains puissent faire de très bonnes affaires au détriment des autres.
Les leçons des erreurs passées Les gens qui exercent les métiers de la banque et des finances ont compris le danger représenté par les manipulations monétaires et les erreurs de politique économique dont les dirigeants politiques sont coutumiers. En conséquence, ils ont mis au point de nouvelles techniques pour se prémunir contre ce risque, de sorte que les opérations de placement à long terme offrent à l'épargnant, au futur retraité, une sécurité plus grande. C'est ce que l'on a clairement observé au cours des dernières années avec le développement rapide des dérivés de crédit, de la titrisation, des hedge funds et du private banking. Certes, ces innovations ont l'inconvénient d'allonger la chaîne financière, une grande distance sépare l'emprunteur d'origine et le financier qui détiendra le titre de crédit au moment de l'échéance. Cette dépersonnalisation et cette complexité croissante du crédit peuvent diluer les responsabilités et masquer les risques, comme on l'a vu avec les abus de « subprimes ». Il faut 96. L'attitude des pouvoirs publics avait été différente au moment de la «bulle financière» de 2001 : les investisselnents déraisonnables dans les « start up» ont été pénalisés avec des replis de cours spectaculaires, mais quelques mois plus tard tout était oublié, et la marche ascendante des Bourses a repris de plus belle. De même les excès des banques asiatiques en 1998 ont trouvé leur solution naturelle dans une cascade de faillites et un assainissement des mœurs financières, corrompues le plus souvent par les dirigeants politiques.
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certainement plus de maîtrise de la part des professionnels. Cependant le résultat des innovations financières est tangible: l'épargnant se voit offrir des taux minimums garantis 97. Quelles que soient les fluctuations boursières et les tensions inflationnistes, le retraité a la certitude de retrouver la valeur capitalisée de son épargne à un taux réel minimum. Rien n'empêche évidemment que le rendement soit supérieur. C'est un aspect des choses que n'arrivent pas à comprendre les apeurés de la capitalisation: les innovations financières se succèdent, et il est possible d'assortir la sécurité des placements d'une très haute rentabilité. Certes, on renonce à la liquidité, mais c'est un aspect habituel de tout système de retraites; dans le cas de la répartition, les cotisations versées ont disparu à jamais du patrimoine de l'assuré, il n'est pas question d'en retrouver la disposition, directe ou indirecte, puisqu'elles ont été englouties dans la caisse commune. En revanche, avec la capitalisation, on peut même imaginer la possibilité pour le futur retraité de puiser provisoirement dans le capital qu'il a accumulé sans compromettre pour autant ses droits à la retraite. En matière de retraites, le client a besoin de sécurité, de rentabilité, et parfois même de liquidité. Tôt ou tard, par aménagements successifs, ce besoin sera satisfait. La meilleure parade aux erreurs du passé revient donc à la liberté de découverte du futur.
Perseverare diabolicum ... S'accrocher au système de répartition, c'est persévérer dans l'erreur. On a droit à l'erreur, on n'a pas le droit de l'ignorer. Les mêmes qui nourrissent ou diffusent une peur panique de la capitalisation ne paraissent pas s'inquiéter de la faillite du système actuel. Ils recherchent la probabilité de crises financières dangereuses pour les retraites par capitalisation, mais ils ignorent (ou feignent d'ignorer) la certitude de l'explosion des retraites par répartition.
97. L'annexe B donne quelques détails sur les conséquences bénéfiques des innovations financières.
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Par quel artifice pensent-ils que le système pourra se survivre quand les caisses seront totalement vides (elles le sont déjà) et quand il n'y aura plus aucun espoir de les remplir 7 Le fait que l'Etat soit derrière le système est « rassurant» : du moins le fait-on croire. Car personne ne peut imaginer la faillite de l'Etat. L'Etat, tel un magicien, peut-il faire sortir le lapin des retraites de son chapeau budgétaire 7 Hélas, le coup du chapeau a déjà été fait: trop tard! L'Etat s'évertue à joindre les deux bouts avec des moyens de plus en plus artificiels, et actuellement les déficits budgétaires prennent une dimension ingérable. L'engagement pris devant nos partenaires européens (et vis-à-vis de nous-mêmes) de limiter le déficit budgétaire à 3 % du PIB, pour revenir progressivement à l'équilibre, n'a pas pu être tenu. Le gouvernement français va de moratoire en moratoire, et promet de faire mieux ... en 2012. Pourra-t-on obtenir par un emprunt (pourquoi pas garanti par l'Etat 7) de quoi résorber la dette sociale 7 Nous avons déjà exploré cette piste, qui est une impasse. D'une part les sommes à provisionner sont énormes (entre 2 et 4 PIB), d'autre part la dette publique s'ajoute à la dette sociale, et on ne peut offrir les mêmes garanties pour deux emprunts aussi conséquents quand on les cumule. Il n'y a donc pas d'autre issue que de dresser un constat de faillite: les droits acquis ne seront pas honorés, les engagements de la caisse de retraites ne seront pas tenus, et il faudra en même temps demander un effort accru aux cotisants pour ne pas descendre en dessous d'un minimum vieillesse lui-même très inférieur au « seuil de pauvreté». Ce sont ces pronostics, aussi sombres que réalistes, qui devraient apparaître par priorité aux retraités actuels et futurs, et déclencher une peur panique. Il faut toute l'inconscience, ou toute la démagogie, ou les deux à la fois, des partisans du système actuel, à commencer par la classe politique et syndicale, pour mettre les Français sous anesthésie générale.
2. LA FAILLITE DES ASSUREURS PRIVES Parmi les événements récents et spectaculaires qui ont renforcé la peur de la capitalisation figure l'affaire Enron. N'est-ce pas la preuve que la gestion des retraites par le secteur privé, par le
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réseau des entreprises et des compagnies d'assurances, conduit sûrement à la faillite? Lorsque l'affaire Enron a éclaté, on a assisté à un déchaînement médiatique et politique contre les fonds de pension98 • La phrase qui est revenue le plus souvent: « Vous voulez des fonds de pension? Demandez aux salariés d'Enron ce qu'ils en pensent! ». Avec Enron, on évoque aussi volontiers la faillite des retraites de Maxwell, de WorldCom. Mais rien n'égale le séisme Enron, dont la faillite a été la plus lourde de celles jamais enregistrées à Wall Street, la faillite de la compagnie entraînant celle des retraites de ses salariés. Cela dit, si un système de capitalisation est en place, peut-on raisonnablement penser que le scénario Enron puisse se répéter? Les fonds de pension sont-ils gérés à la manière d'Enron ? En fait, si Enron a été une mauvaise affaire, elle était aussi une affaire unique qui ne peut se reproduire dans une économie de marché concurrentielle. Dans l'affaire Enron, tout est exceptionnel : - la gestion de l'entreprise, aberrante et frauduleuse ; - l'organisation du fonds de pension.
Une entreprise « modèle» Modèle de ce qu'il ne faut pas faire, modèle de ce qui n'aurait jamais dû se produire, Enron est arrivé à la gloire puis à la faillite par une accumulation d'anomalies et de tricheries. 10 La fortune d'Enron a été bâtie sur les aberrations de la réglementation américaine qui lui ont permis d'acquérir une position dominante sur le négoce de l'énergie. Cette compagnie s'intéressait au départ à la distribution de pétrole. Mais voici que plusieurs Etats, dont le Texas et la Californie, sous la pression des écologistes et des anti-nucléaires, prennent la décision de faire fermer une soixantaine de centrales hydro-électriques et 98. Quelques titres emphatiques dans la presse: «Le plus grand scandale financier de ces 20 dernières années », « Enron aux mille et une escroqueries », « Crise du système du profit», « Tout un mode de fonctionnement du libéralisme financier qui est en cause après de longues années de laisserfaire », etc.
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thermiques. La pénurie d'énergie qui en découle immédiatement inspire Enron, qui va se spécialiser dans les contrats permettant d'acheter de l'électricité partout aux Etats-Unis et au Canada pour approvisionner les régions en manque. Cerise sur le gâteau: lorsque la Californie décide de privatiser la production d'électricité, une réglementation empêche les centrales existantes de développer leur production. Enron, du coup, a renforcé sa position dominante, et assoit ses bénéfices sur les pannes d'électricité! Vive la réglementation 99 ! 2° Pour développer sa nouvelle activité, Enron innove, mais de façon irréfléchie. Enron a été longtemps admirée pour son innovation: organiser un marché de l'énergie « virtuel », son site internet Enrononline permettant un négoce mondial en ligne. Ce négoce connaît un tel succès qu'il s'étend aux matières premières. Mais le succès s'explique aussi par le fait qu'Enron s'engage sur des contrats à long terme avec des prix très avantageux, mais qui se révèleront totalement irréels. C'était trop beau pour être vrai. 3° Fort des résultats de ses années glorieuses, Enron veut se mettre à l'abri du fisc américain, et crée un réseau de près de 6.000 sociétés écrans, dispersées dans le monde entier. Ecran à l'égard du fisc, ces sociétés feront aussi écran à l'égard des comptables et des actionnaires: les résultats d'Enron sont indéchiffrables 4° Comment d'ailleurs sont tenus les comptes? Pour satisfaire aux exigences de la législation sur les sociétés et la protection des actionnaires, Enron fait appel à des contrôleurs assez spéciaux, puisqu'ils sont en même temps ses conseillers financiers : c'est la firme Arthur ANDERSEN qui d'une part accompagne les exploits d'Enron et d'autre part doit vérifier les comptes et certifier que les exploits sont bien réels et honnêtes ! 5° Enron est également protégée par une réputation hors du commun. Le grand patron Kenneth LAY a soutenu la campagne de George W. BUSH en 1999, et des opérations à grand spectacle de relations publiques sont menées sans cesse. Rien n'est trop beau pour Enron. 6° Le mauvais temps apparaît quand les contrats mirobolants ne peuvent être respectés qu'avec de lourdes pertes, quand les banques partenaires (Citicorp, Merryll Lynch) ont du mal à se faire 99. Une fois sa position dominante dans le négoce de l'électricité acquise, la compagnie va faire une campagne tonitruante sur la nécessité de « déréglementer» (pour élargir sa clientèle.)
132 rembourser leurs prêts à Enron, quand le Congrès envisage de modifier la réglementation de l'énergie. 7° Les pertes révélées déclenchent une enquête du «gendarme de la Bourse », la SEC (Securities Exchange Commission) et la vérité éclate enfin, l'action d'Enron chute de 90 dollars à un dollar! 8° Kenneth LAY mourra avant sa condamnation, mais Skilling écopera de 26 ans et 4 mois de prison. Arthur ANDERSEN disparaîtra. 5 000 emplois seront détruits et les retraites des salariés sont perdues. Les manœuvres comptables et juridiques d'Enron ont toutes été marquées du sceau de l'illégalité, de la malhonnêteté et de la corruption.
Un fonds de pension très spécial Un contrat liait Enron à ses salariés, prévoyant que leur salaire serait complété par le versement d'une prime d'assurance vie à un fonds de pension mis en place par Enron. Il est fréquent aux Etats-Unis que les employeurs cherchent à fidéliser leur personnel (surtout le personnel qualifié et les cadres) en leur offrant nombre de prestations. Les entreprises proposent par exemple un abonnement à des réseaux de soins médicaux gratuits (Health Maintenance Organisations). Elles peuvent aussi abonder un fonds de pension pour leurs salariés, ces primes sont exonérées d'impôts. Mais en vertu de la réglementation fiscale «401 K» les salariés ont toujours la possibilité de refuser cette proposition et d'adhérer à un autre fonds de pension. Librement consulté, le personnel d'Enron avait préféré adhérer au fonds de pension de la maison, que les dirigeants présentaient comme exceptionnel. Le fonds exceptionnel n'a pas survécu à la faillite exceptionnelle. C'est que le fonds était aussi mal géré que la compagnie, puisque 60 % de ses ressources étaient investies ... en actions d'Enron. Les autres actifs du fonds étaient tout aussi surestimés, de sorte qu'il a été impossible de tirer quoi que ce soit de la vente de ces actifs. Il va de soi qu'aucun fonds de pension ne saurait être géré suivant ces principes. La règle la plus élémentaire de gestion consiste à diviser les risques, en investissant en obligations aussi
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bien qu'en actions, et surtout en diversifiant les placements. D'autre part, les fonds de pension se réassurent, et en cas de défaillance, c'est le réassureur qui paye. Aucune précaution de ce genre n'a été prise par Enron. Enfin et non le moindre, aucun fonds de pension ne placerait 60 % des primes des assurés dans l'entreprise propriétaire du fonds: c'est réellement le comble de l'invraisemblable 100. On se demande par quel égarement les salariés ont accepté ce contrat. L'explication est à chercher du côté du matraquage publicitaire de la part des dirigeants d'Enron, faisant miroiter aux actionnaires et aux salariés que la firme allait multiplier par 8 ses bénéfices en dix ans. Cette propagande a été durablement vraisemblable grâce aux rapports des commissaires aux comptes et à l'envolée des cours de la compagnie entre 1994 et 2000. La seule chose que les salariés ont pu sauver, ce sont des dommages-intérêts volontairement proposés par les banques partenaires, Citicorp en particulier, qui leur ont ainsi payé 1 milliard et 200 millions de dollars. Pour le reste et pour la plupart d'entre eux, les salariés ont dû repartir à zéro. Ils ont souscrit à d'autres fonds de pension, ce qui prouve d'une part que ce n'est pas le principe des fonds qu'ils ont rejeté, d'autre part qu'ils ont eu espoir de reconstituer des droits suffisants en un temps relativement bref, du moins pour les moins âgés d'entre eux.
Est-on à l'abri d'autres Enron ? Oui et non. Non, dans la mesure où un tel enchaînement d'aberrations peut toujours se reproduire et où les entreprises des hommes, qu'elles soient économiques ou autres, laissent une marge d'erreur incompressible. Précisons que des comportements maladroits, 100. L'invraisemblable peut être bien réel. C'est le cas avec la législation française sur les « réserves de participation », qui autorise les salariés à placer ce qu'ils perçoivent comme participation dans un compte courant bloqué ou en actions de la société. Lorsqu'il a inventé cette procédure le but du législateur français était psychologique, pour ne pas dire idéologique: associer le travail et le capital, partager le profit avec les salariés. Il est vrai qu'aujourd'hui le salarié a d'autres possibilités que de confier le sort de sa retraite à son entreprise: il peut placer en FCPE, en PEE ou en PERCO. Sur ces points, voir le chapitre V et l'annexe C, p. 186.
134 malhonnêtes et malfaisants peuvent se rencontrer dans toutes sortes d'activités, et pas seulement dans le domaine des assurances, ni dans le domaine des fonds de pension. Après tout, les scandales les plus en vue depuis des siècles ont été les scandales politicofinanciers, ils ont mis plus souvent en cause les hommes d'Etat et les administrations publiques que les entrepreneurs et les compagnies privées. Oui, car il existe dans la logique de l'économie de marché deux principes qui sont deux moyens de prévenir toute dérive d'un système d'entreprises privées. Le premier principe est celui de la concurrence. Enron a construit son succès sur les erreurs de la réglementation. C'est la réglementation qui, sous divers prétextes et par divers canaux, détruit la concurrence et crée des positions dominantes durables et protégées par la législation d'Etat. La concurrence signifie le libre accès au marché. Chaque fois qu'on instaure des quotas, qu'on exige des autorisations administratives, qu'on protège et subventionne les uns au détriment des autres, la concurrence devient inopérante. Un petit nombre, voire un seul, peut rester en lice. La concurrence permet aussi aux clients (ici aux assurés) de se prémunir contre les abus ou les erreurs de ceux qui proposent leurs services. La concurrence, c'est la possibilité pour l'assuré de changer de fonds de pension et de négocier ses droits à la retraite avec un autre fonds. La concurrence interdit les ententes des compagnies sur le dos des clients et des assurés, et les légèretés ou les tricheries sont vite pénalisées. Le marché est un « plébiscite quotidien », la concurrence est le premier gendarme du marché. Le deuxième principe est celui de la gouvernance, c'est-àdire de la gestion responsable. La responsabilité de la gestion s'exerce face à la clientèle (c'est la concurrence) mais aussi face aux propriétaires de l'entreprise. Quand il s'agit d'une entreprise individuelle, nulle difficulté: en cas d'erreur de gestion, l'entrepreneur risque son patrimoine personnel. Quand il s'agit d'une société, d'une entreprise «manageriale» où les dirigeants (managers) ne sont pas les propriétaires de l'entreprise mais ses salariés, des comptes doivent être rendus aux actionnaires. Il existe un conseil d'administration (ou mieux encore un conseil de
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surveillance), il existe des assemblées générales. Les actionnaires et leurs mandataires doivent être au courant de ce qui se passe dans la société. Cette exigence peut paraître théorique, mais elle existe bien dans les faits : - d'une part, la législation - et notamment la législation fiscale - impose la tenue et la présentation de la comptabilité, qui sera ensuite avalisée par les actionnaires et les administrations; - d'autre part il existe une sanction imparable: le cours des actions. Quand les actionnaires sont persuadés (à travers les comptes, mais aussi à travers le travail des agences de cotation ou de la presse spécialisée) que leur affaire est mal engagée, ils sont tentés de vendre leurs actions et d'aller placer leur argent ailleurs. La chute des cours alerte les dirigeants car elle peut déclencher un rachat par des concurrents et leur coûter leur place. Ils doivent donc redresser la situation, et persuader les actionnaires qu'ils peuvent leur garder leur confiance. Souvent, la seule annonce d'une chute des profits produit les mêmes effets que celle des cours: au-delà de certains écarts, les dirigeants perdent leur crédit. Il est remarquable d'observer qu'aucune de ces sécurités n'a joué dans l'affaire d'Enron et que les barrières de protection successives ont été enfoncées: la barrière de la concurrence, la barrière de la gouvernance. On peut conclure qu'Enron n'a rien à voir avec la logique des assurances privées, ni plus largement avec la logique du marché libre. Quand le Congrès américain envisage de réduire la liberté des fonds de pension, afin d'éviter de nouveaux Enron, il commet une grave erreur d'analyse 101 • Oui, on peut éviter d'autres erreurs, non pas en supprimant la liberté, mais en permettant aux mécanismes naturels de responsabilité de jouer. Ce n'est pas la liberté qui est dangereuse, c'est la déconnection de la liberté et de la responsabilité.
101. On sait que la révision des fonds de pension occupe une grande place dans la campagne présidentielle actuelle. Les deux candidats démocrates veulent rendre obligatoire le système administratif de retraite par répartition (appelé « Social Security») et cantonner les fonds de pension dans le rôle d'assurances complémentaires.
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3. LES ABUS DES ASSUREURS PRIVES Ce qui vous détourne des solutions à base d'assurances privées, c'est sans doute pour une bonne part l'expérience que vous avez eue avec des compagnies qui exigent des primes de plus en plus élevées, et remboursent de plus en plus mal. Cette expérience est vécue par des millions de Français à propos des accidents d'automobiles, des dégâts des eaux ou des incendies. En refusant d'assurer les automobilistes qui ont déclaré un nombre élevé de sinistres, les compagnies accréditent la thèse suivant laquelle les assureurs ne s'intéressent qu'à la clientèle qui ne leur coûte rien, et mettent les autres au rebut. Au fond, seuls ceux qui n'ont rien à redouter sont assurés, ceux qui risquent un accident ne peuvent l'être. En soumettant le règlement des sinistres à des expertises longues et compliquées, en interprétant de façon restrictive les droits des assurés, en résiliant abusivement des polices, les assureurs privés n'ont pas bonne presse. On en déduit assez facilement que c'est la fameuse « logique du profit» qui conduit les assureurs à ce comportement. Convenons d'abord que les compagnies d'assurances françaises ne sont pas parmi les meilleures références mondiales. Pourquoi? C'est qu'elles ont été pendant très longtemps nationalisées, donc portées à ignorer la concurrence, à conclure des alliances et à imposer des contrats-types aux assurés. Il a fallu les privatisations et surtout l'ouverture aux compagnies étrangères pour que les choses remuent enfin. Generali et Allianz ont fait davantage pour les assurés français que nos grands groupes nationaux. Cependant les comportements restent encore bien souvent marqués par ces années de rejet de la concurrence, et la présence d'un secteur « mutualiste» toujours développé n'est pas faite pour arranger les chosesl02 . Toutefois, quelle que soit la validité des critiques adressées au comportement des assureurs privés français, et même si les abus sont spectaculaires, sinon systématiques, cela n'entache en rien le crédit des retraites par capitalisation. 102. L'empire financier d'AXA a été construit sur l'habileté de Monsieur Bébéar à tirer parti de la législation qui met les mutuelles à l'abri des opérations de rachat, et des procédures utilisées pour les privatisations à partir de 1986 des compagnies nationalisées.
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En effet, le type de contrat qui est passé entre l'assureur et l'assuré est d'une nature tout à fait différente de celui qui couvre les lARD (Incendies, Accidents et Risques Divers). Les contrats lARD sont des contrats «à contributions données»: on sait le montant des primes à verser, mais on ne sait pas ce que l'on touchera en contre partie. Peut-être n'aura-t-on rien à toucher, si aucun accident ne se produit. Il est vrai que les systèmes de malus ou de bonus peuvent changer la donne, et faire varier la prime, mais ce qui est important ici est que le montant des sommes effectivement perçues n'est pas connu à l'avance, du moins sous un plafond et une franchise donnés. Les assurances-vie et les produits proposés par les fonds de pension sont « à prestations données ». Ici l'assureur s'engage sur une somme, et une durée, et il n'est pas possible de les modifier. En revanche, les contributions peuvent changer si l'assuré désire modifier le montant des pensions ou leur mode de perception (sortie en capital ou en annuités). Quand une pension est prévue par contrat, elle est « liquidée », c'est-à-dire immédiatement transformée en argent liquide, il n'y a aucune possibilité pour l'assureur de contester ou de retarder le paiement de ce qui est dû. Aucun abus n'est possible. Il y a d'ailleurs une différence fondamentale de nature entre les assurances lARD et les assurances-vie. Dans les assurances lARD, il y a une simple mutualisation des risques, sans aucune capitalisation: ceux qui subissent un sinistre sont couverts par ceux qui n'en subissent pas. Dans les contrats d'assurance-vie, il y a capitalisation: c'est un patrimoine à la disposition de l'assuré, qui se valorise au fur et à mesure que l'âge avance et que les primes s'accumulent. La réalité de ce droit est telle que l'on peut emprunter sur des contrats d'assurance-vie: des banquiers peuvent vous prêter de l'argent tout de suite sur la garantie des pensions que vous toucherez lorsque vous serez en retraite. La réalité de ce droit est telle que l'on peut le transmettre à quelqu'un autre. Essayez, par comparaison, d'hypothéquer les «droits acquis» par vos cotisations vieillesse: vous n'aurez rien, parce que vous n'avez en fait aucun droit, et l'expression «droits acquis» est tout à fait trompeuse, c'est une simple commodité de langage. Finalement des centaines de millions de retraités ont fait l'expérience des fonds de pension. En dehors du cas où le fond fait faillite (Enron), aucun retraité ne s'est jamais plaint de la façon dont sa pension lui a été réglée. Il n'y aurait pas en France
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aujourd'hui 22 millions de contrats d'assurance vie si les Français avaient peur de n'être pas couverts le moment voulu. Par contraste, les retraités de la Sécurité Sociale par répartition ont raison de craindre les manœuvres de leur « assureur public ». Celui-ci s'est permis de modifier unilatéralement le calcul de leur pension (en la réduisant), et le «plafond de ressources» étant fixé par décret les cotisations peuvent être modifiées à la seule initiative de l'assureur. Qui accepterait un tel contrat à tête reposée? Mais l'assuré français n'a pas le choix : le « contrat» est obligatoire. Les abus des assureurs privés, là où ils existent, ne sont rien en comparaison des abus du monopole public. Finalement, en France, nous avons deux Enron : - un petit Enron, qui s'appelle le CREF (ou Corem) : cette mutuelle offrant des retraites complémentaires aux fonctionnaires a eu jusqu'à 450.000 adhérents, qui ont tout perdu de leurs cotisations à la suite de malversations qui ont donné lieu à poursuites pénales contre leurs dirigeants, dont René Teulade, ancien ministre, expert en réformes de la Sécurité Sociale; - un grand Enron, qui n'est autre que la Sécurité Sociale ellemême, qui entraînera bientôt dans sa chute ses « assujettis », parmi lesquels les moins fortunés seront les plus fortement touchés.
4. LES RETRAITES À DEUX VITESSES La capitalisation est «à prestations données»: à la différence de l'assurance vieillesse de la Sécurité Sociale, l'assuré connaît à l'avance le montant de sa pension future. Evidemment il a le choix de cotiser pour une pension élevée, auquel cas les cotisations seront, elles aussi, plus élevées. Les adversaires de la capitalisation vont donc soulever l'objection d' «injustice sociale» : les riches, capables de payer des primes importantes, pourront avoir une retraite dorée tandis que les pauvres se contenteront d'un minimum. Ce qui est vrai, dans cette objection, c'est que l'on a une grande diversité de compagnies, proposant un grand choix de formules de cotisations et de pensions. Se pose ainsi une simple question de qualité-prix, que l'on retrouve pour n'importe quel achat important, qu'il s'agisse d'un appartement ou d'une voiture. L'égalitarisme devrait-il aller jusqu'à faire que tous les Français touchent rigoureusement la même pension? En poussant
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l'égalitarisme jusqu'au bout on pourrait aussi exiger que tous les retraités aient le même patrimoine et que le propriétaire d'une villa au bord de la mer ou d'un chalet à la montagne doive s'en dépouiller ou le partager. Puisque la pension de capitalisation est un droit acquis, un élément du patrimoine, c'est le principe du respect de la propriété privée qui est en cause. Mais revenons au sort des personnes ayant souscrit les contrats les moins coûteux. Il faut remarquer d'abord que ces personnes ne sont pas nécessairement les plus pauvres. Elles peuvent avoir fait le choix d'une retraite «économique» ou bien parce qu'elles veulent dépenser davantage tout au long de leur vie active et n'aiment pas épargner, ou bien parce qu'elles ont préféré investir dans un patrimoine suffisant pour une fois à la retraite en tirer des revenus au moins aussi importants que ceux de leur pension. Il faut ensuite et surtout comparer le sort des plus pauvres dans les deux systèmes: en répartition et en capitalisation. La comparaison est sans appel : - les personnes aux revenus les plus faibles (les smicards par exemple) payent en cotisations vieillesse une proportion de leur revenu très supérieure à celle qu'ils auraient à verser en souscrivant la prime d'assurance-vie la moins coûteuse 103 ; - la pension qui leur sera servie sera trois fois supérieure à ce qu'ils peuvent attendre de l'assurance-vieillesse dans le système actuel. Encore faut-il être certain que l'assurance vieillesse n'aura pas connu le sort d'Enron dans quelques années - et comme on l'a vu, il y a de fortes chances pour que l'explosion se produise dans un proche avenir. Mais restons sur le chapitre de la justice sociale, puisque cette notion est chère au cœur des Français. La justice sociale estelle satisfaite dans le système actuel ? 10 Une première injustice vient de ce que les assurés du régime de base n'ont pas les mêmes perspectives de retraites alors qu'ils payent autant, et parfois plus, que les autres. On a relevé les 103. Le détail des chiffres est donné dans le Chapitre V suivant, pp. 167-169.
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privilèges exorbitants dont bénéficiaient certains régimes spéciaux, en particulier ceux des entreprises publiques (SNCF, RATP, EDFGDF, etc.). Quand le dossier a été ouvert, en septembre 2007,80 % des Français (évidemment tous ceux qui n'en profitaient pas) ont estimé qu'il fallait aligner les régimes spéciaux sur ceux de la fonction publique. Mais les retraités du public bénéficient aussi de privilèges considérables par rapport à ceux du privé: montant de la retraite calculé tantôt sur le dernier salaire, tantôt sur les 25 meilleures années, durée de cotisations raccourcies, intégration des primes, etc. Dans la patrie de l'égalité, on a accepté de telles discriminations, sans doute au nom de la fraternité! 2° Une deuxième injustice, moins visible mais tout aussi lourde, vient de ce que les peurs engendrées par l'assurance vieillesse ont conduit beaucoup de Français à acheter un «troisième étage» 104 d'assurance en souscrivant des contrats d'assurance-vie ou en plaçant leur épargne. Or une telle prévoyance est hors de portée de la plupart des ménages à faibles revenus. Tandis que les «riches» peuvent s'assurer contre la faillite de l'assureur, les «pauvres» restent prisonniers d'un système qu'on leur a imposé ... au nom de l'égalité!
5. LES EXCLUS DU SYSTÈME Mais, à supposer que la capitalisation soit mise en place, les gens les plus défavorisés n'en seront-ils pas exclus? C'est une autre peur, celle de « l'écrémage ». Comme en matière d'accidents autos, on élimine les mauvais conducteurs (ceux du moins qui ont le plus de sinistres), comme en matière d'assurance-maladie, on tient compte des antécédents de santé, en matière de retraites ne vat-on pas éliminer certains candidats à la capitalisation? La question est importante à cause de l'âge d'entrée dans le système. Si l'on offre une souscription à des gens plus âgés, ils cotiseront moins longtemps pour le même nombre d'années de retraite. Comment éliminer ce danger d'exclusion? On peut observer, dans les contrats proposés et dans la publicité offerte par les fonds 104. Les deux premiers étages sont le régime de base et les retraites complétnentaires obligatoires (ARRCO ou AGIRC). Sur ces questions, on peut se reporter supra, Chapitre III pp. 82
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de pension, qu'il n'y a plus aujourd'hui de limite d'âge pour entrer dans le système, qu'aucune visite médicale n'est exigée et qu'il n'est même pas prévu de clause suspensive pour le suicide. L'idée qu'un individu soit dans un tel état de décrépitude que l'assureur se déroberait est irrationnelle : le vieillard grabataire fait courir moins de risque à l'assureur, et peu importe le nombre d'années de souscription. C'est qu'en réalité l'idée de «sélection des risques» est contraire à la logique de l'assurance. Pour l'assureur, il suffit qu'il ait en face de lui une population homogène, dont les individus soient indépendants les uns des autres, mais assez nombreux pour couvrir le risque à un coût accessible au client. L'assureur a donc intérêt à prospecter dans des populations qui ne sont pas encore couvertes pour l'instant, mais qui pourraient le devenir si les individus concernés étaient décidés à souscrire un contrat spécialement étudié pour eux. On doit toujours insister sur cette caractéristique des retraites par capitalisation: elles sont à la fois adaptables et évolutives. Adaptables, elles peuvent couvrir des situations très différentes, s'adresser à des populations diverses, dont les perspectives, les moyens et les problèmes ne sont pas les mêmes. Les primes sont elles aussi adaptées au contrat recherché. Evolutives, elles tiennent compte du fait que le choix de sa retraite est une démarche personnelle, et que chacun peut modifier ses choix en fonction de l'évolution de sa carrière, de sa situation de famille, de sa santé, etc. Il ne faut donc pas confondre « exclusion» et « personnalisation ». Aucune personne n'est exclue, mais chaque personne donne à sa retraite l'importance et les modalités qui lui conviennent. Reste évidemment, pour cette dépense comme pour toute autre, que celui qui a plus de moyens a plus de choix. Mais même ceux qui ont des moyens très modestes peuvent trouver sur le marché des retraites un produit qui leur convienne, en attendant qu'un jour peut-être ils puissent améliorer leur contrat. Le contraste est total avec un système par répartition obligatoire qui embarque tout le monde sur le « Titanic ». A bord du « Titanic », il y avait des passagers de première classe et des gens entassés dans la cale. Mais tous ont péri.
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6. POURQUOICESPEURS? Vous voilà sans doute rassurés: la capitalisation n'a pas de quoi vous effaroucher. On pourrait même s'étonner de toutes ces peurs si elles n'avaient pas des racines profondes.
La racine idéologique Une racine est l'idéologie perlmée et dangereuse qui a présidé aussi bien à la naissance qu'au développement du système actuel. Dans notre paysl05, la naissance du système s'est faite par décret, qui plus est par décret du régime de Vichy, signé de la main du maréchal PETAIN. C'est une invention de «l'Etat français », qui entend réaliser la « révolution nationale» et guider les Français dans la voie voulue par les dirigeants. Ces dirigeants sont des ennemis de la liberté, du capitalisme et de la finance, ils veulent une économie dirigée, organisée en ordres et corporations. La libre entreprise et le libre échange ne sont pas à l'ordre du jour par ces temps de guerre et de collaboration avec le national-socialisme allemand. D'ailleurs le principal instigateur du nouveau système est René BELIN, ministre du travail, un déatiste, c'est-à-dire un séide de Marcel DEAT, socialiste converti au national socialisme (le chemin n'était pas très long à faire). Paradoxalement, on trouve les mêmes ingrédients quelques mois plus tard dans le « programme économique de la résistance », rédigé essentiellement par les communistes et les tenants de l'étatisme centralisé (gaullistes). On y retrouve la même rupture avec la liberté économique, la même confiance dans les institutions et administrations d'Etat. En même temps, l'accent est mis sur la collectivisation: les retraites ne peuvent pas être le fruit d'une épargne individuelle ni un élément d'un patrimoine familial, elles 105. L'idée de la Sécurité Sociale est apparue dans d'autres pays, mais en vertu d'idéologies différentes. C'est à BISMARCK que l'on prête la création de la sécurité sociale pour briser la lutte des classes : les patrons prenant soin des travailleurs permettraient de désamorcer les risques de révolution prolétarienne. Il faut attendre les années 1930 pour donner à la Sécurité Sociale un second souffle, avec sir William BEVERIDGE (<< Du travail pour tous dans une société libre»). Ici c'est la doctrine du «Welfare State» (Etat Providence) qui justifie la Sécurité Sociale.
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proviennent du partage d'un bien commun et d'une solidarité intergénérationnelle. Comme les années suivant la Libération seront marquées du sceau de la planification et du dirigisme, renforcés par une dose de keynésianisme 106 , aucune remise en cause du système de monopole public ne pouvait se penser. On n'y pense toujours pas, encore aujourd'hui. Pour combien de temps?
Le pays des paysans, des artisans et des fonctionnaires Les Français sont réputés pour leur cuisine, leurs vins et parfums, mais aussi hélas pour leur ignorance économique 107. Ils sont particulièrement fermés aux subtilités du commerce et de la finance. L'histoire peut l'expliquer: pays riche de son agriculture (<< les deux mamelles de la France») et de son artisanat, les activités du commerce international et de la banque ont été le fait d'une minorité, souvent tenue à l'écart du pouvoir. La révocation - de l'Edit de Nantes et l'exode des protestants ont joué un rôle important. Au moment où la révolution industrielle se produit, les penseurs français (les Physiocrates) croient encore que la seule richesse est la terre. Le billet de banque apparaît avec quelque cinquante ans de retard par rapport à l'Angleterre, et le chèque n'est connu du grand public qu'après la deuxième guerre mondiale. Donc, les mécanismes du marché sont peu connus, voire méprisables. Dans une enquête récente, il n'y avait que 36 % des
106. La pensée keynésienne rend l'Etat responsable du plein emploi national. Grâce aux dépenses publiques, le gouvernement soutient en permanence la demande, qui elle-même détermine le niveau de l'offre et de l'emploi. La distribution de revenus a un effet « multiplicateur». Le keynésianisme a une dimension sociale, en matière de protection sociale; on la trouve exprimée par W. BEVERIDGE l'inventeur du «National Health System» en Angleterre. 107. Plusieurs études ont confirmé le décalage entre l'opinion des Français sur certains phénomènes économiques et les positions de la communauté internationale scientifique des économistes. Voir par exemple B. LEMENNICIER, Revue des Etudes Humaines, mai 1990 ou Journal des Economistes et des Etudes Humaines, hiver 1989/90.
144 Français qui croyaient aux vertus du marché, le pourcentage le plus faible de tous les pays développés 108. En revanche, les Français ont l'habitude de l'administration et de la chose publique. Ils les critiquent sans cesse, mais ils ne peuvent s'en passer. Quand il y a la moindre difficulté, c'est vers l'Etat ou vers la « société politique» 109 que l'on se tourne, et l'on attend tout des gouvernants, ou du changement de gouvernants. Un événement comme la faillite d'Enron ne peut être compris par des gens qui n'ont aucune idée de ce qu'est la concurrence ou la gouvernance. Dans un pays où les très grandes entreprises sont en liaison étroite avec l'Etat, où la réglementation et le dirigisme faussent le libre jeu du marché, où la finance et les financiers souffrent de la méfiance, fruit de l'ignorance, où l'on s'acharne à opposer «capitalisme des entrepreneurs» et «capitalisme des spéculateurs », il n'est pas étonnant que l'on demeure attaché à la grande tradition des « assurances sociales », les institutions et procédures publiques paraissant au-dessus de tout soupçon.
La tyrannie du statu quo Autre évidence, autre banalité: notre pays n'aime pas la réforme. Il préfère les révolutions, quitte à revenir ensuite, une fois la révolution terminée, à la même situation - ce qui a été assez visible pour la grande Révolution Française. La réforme implique le changement, et le changement dérange. Il dérange les victimes présumées de la réforme, il dérange ceux qui ont mission de réformer. Les victimes sont toutes les personnes, tous les groupes, toutes les corporations qui ont réussi à organiser le système en leur faveur. On l'a vu à propos de la réforme des régimes spéciaux, on pourrait le revoir à l'occasion de nouvelles réformes annoncées. Comment les cotisants et 108. D'après une enquête Globescan, le pourcentage était de 70 % pour la Chine, l'Inde ou les Etats-Unis, de 65 % pour l'Allemagne, de 60 % pour l'Italie et l'Espagne. Cf. annexe C. 109. Allusion à la distinction faite au XIX O siècle par Alexis de TOCQUEVILLE dans La Démocratie en Amérique. TOCQUEVILLE opposait la société américaine où la « société civile» prend à son compte les problèmes qui se présentent et essaie de les résoudre au niveau local, et la société française où l'on se tourne itnmédiatement vers l'Etat.
145 retraités renonceraient-ils de bon cœur à des privilèges dont ils jouissent depuis des années? La commission ATTALI, pourtant moins audacieuse que le rapport RUEFF ARMAND, a dénombré plusieurs centaines de «professions fermées », dont les plus célèbres sont les taxis et les pharmaciens. Elle a dénoncé les atteintes à la concurrence, à la liberté d'installation et d'exercice. On a vu les réactions immédiates des corporations concernées: la réforme n'aura pas lieu. Les réformateurs eux-mêmes tempèrent bien vite leurs ardeurs réformatrices. Conseillé par TURGOT, le roi LOUIS XVI avait publié en 1774 des édits pour introduire «la liberté du commerce et de l'industrie », puis en 1776 pour imposer « la libre circulation des grains ». Il a dû y renoncer, TURGOT a été renvoyé. Les gouvernements successifs de nos Républiques ont compris la leçon. Il vaut mieux ne pas se lancer dans des programmes de réforme, on y perd sa majorité et son pouvoir. On peut à la limite songer à un programme de révolution, comme le programme commun de la gauche, mis en application après la victoire de François MITTERRAND en 1981, mais on revient vite à la case départ, et dix ans plus tard, il n'est plus question de nationalisations, de reconquête du marché intérieur, de planification ou de cogestion. Seule restera la retraite à 60 ans! Ce dernier exemple suggère que les seules réformes qu'il faut oser sont les réformes démagogiques, qui sacrifient le futur sur l'autel électoral. « Après moi le déluge» : LOUIS XV aurait fait un bon réformateur 110 • Milton FRIEDMAN qualifiait de «tyrannie du statu quo» cette pression permanente des groupes d'intérêt contre toute tentative de changement d'une situation qui les avantage. Quand on sait les intérêts politiques, économiques et corporatifs en jeu derrière les retraites par répartition, on ne doit pas s'étonner de voir les marchands de peur se mobiliser. Pour l'instant, ils ont bien vendu la peur. Jusqu'à quand?
110. « Après moi le déluge» a toujours été la devise des socialistes, écrivait Ludwig von MISES dans Socialism, Yale Uny. Press, 1951. C'est d'ailleurs la seule expression en français de l'ouvrage dans ses éditions allemande et anglaise.
LISTE DES ANNEXES DU CHAPITRE IV
A.
Rendements et sécurité des placements longs
B.
Les innovations financières et leurs conséquences
C.
Les Français face à l'économie de marché
Consultez le site www.irefeurope.org Véritable portail vers la connaissance des retraites, ce site rassemble tous les éléments statistiques et analytiques qui sous-tendent le chapitre IV. Vous pourrez y trouver notamment: Les portefeuilles d'actions standard. Comment la baisse de la bourse peut affecter les débats sur la réforme. Progrès technique et innovations financières. Social Security versus Private Retirement Accounts, Banque Fédérale de Saint Louis. Le scandale du CREF, Géraldine Vial.
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ANNEXE A RENDEMENTSETSÉCUIDTEDESPLACEMENTSLONGS
Les deux graphiques qui suivent sont extraits de l'ouvrage de Jeremy J. SIEGEL, Stocks for the long run, McGrawHill, New York 1998. Le premier fait une comparaison entre les placements en actions (stocks), en emprunts d'Etat (long term govemt bonds) et en bons du Trésor à court terme (Short term Treasury bills). Les rendements de ces divers placements varient dans le temps. Quelle confiance peut-on avoir concernant le rendement moyen? L'écart des fluctuations (mesuré par la standard déviation), mesuré sur l'axe des abscisses, varie avec la durée des placements (en abscisses). Plus cette durée s'allonge, et plus la stabilité du rendement des actions s'affirme, elle finit par être supérieure aux deux autres types de placement après 20 ans.
Years in Holding Period Source: Jeremy J.
Siegel~
STocksfor the Long Run (Ne\\' i"orlc:
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1998), p. 32.
Le deuxième graphique s'intéresse à ce qui se passe quand on est en pleine tempête boursière, quand on se situe dans la pire des conjonctures (worst-case scénario). Ici, on voit que les actions peuvent entraîner de lourdes pertes pour ceux qui veulent retirer leurs billes du jeu, mais qu'elles résistent d'autant mieux que la
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durée du placement se prolonge, allant même jusqu'à donner un rendement de 2,6 % alors que les autres placements font perdre de l'argent à l'épargnant. La conclusion commune que l'on peut tirer de ces deux graphiques est que le risque présenté par le placement boursier est de plus en plus faible, et les rendements du placement de plus en plus fort au fur et à mesure que la durée de placement augmente. Or, par définition, un régime de retraite par capitalisation s'adosse à des placements longs, puisque l'épargne est fructifiée pendant toute la durée de cotisations.
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Years in Holding Period Source: Jeremy J. Siegel, Stocksfor the Long Run (Ne\\f Y'ork: rvfcGra\\f-Hill, 1998). p. 27.
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ANNEXEB LES INNOVATIONS FINANCIÈRES ET LEURS CONSÉQUENCES
Des temples-banques de Sumère à la titrisation en passant par le crédit hypothécaire de la Monte Pieta Sienne, l'innovation financière a été incessante depuis quarante siècles. Mais elle s'est accélérée depuis quelques années grâce aux progrès techniques réalisés dans les domaines de l'information et de la communication des informations. Les coûts de transaction entre épargnants et investisseurs ont considérablement chuté, et ont stimulé une concurrence entre intermédiaires financiers, bancaires ou non. Les innovations se sont développées dans plusieurs directions: - création de nouveaux marchés eux-mêmes organisés d'une nouvelle manière (la Bourse traditionnelle n'est pas une entreprise, et sa rentabilité n'est pas directement mesurée, alors que les nouveaux marchés sont constitués en entreprises capitalisées et cotées) ; - amélioration des méthodes de calcul de rentabilité des actifs et des portefeuilles : on sait maintenant mesurer les rendements des placements et leurs fluctuations avec assez de précision pour bâtir des modèles de portefeuilles qui permettent de simuler le futur ; - apparition de nouveaux produits financiers de nature à mieux rencontrer le désir des épargnants, et à mieux concilier liquidité, rentabilité et sécurité. Selon Mr Christian NOYER, Gouverneur de la Banque de France, «l'innovation financière, [... ] a des nombreux effets positifs bien connus. Elle améliore l'allocation des ressources, soutenant ainsi les perspectives de croissance à plus long terme» Elle semble même réduire la volatilité de la croissance, comme cela a été démontré pour les Etats-Unis et confirmé pour un échantillon de 25 pays (travaux de DYNAN, ELMENDORF et SICHEL, 2006 et de CECHETTI, FLORES-LAGINES et KRAUSE, 2006). Cependant, Monsieur NOYER souligne qu'il ne faut pas sous-estimer les exigences de ces nouvelles techniques financières, et la difficulté nouvelle rencontrée pour les politiques monétaires
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des banques centrales, il évoque « les nouveaux défis» qui peuvent
« menacer la stabilité financière» Ill. Le gouverneur de la BCE, Jean Claude TRICHET, avait dès 2003, salué comme un progrès les innovations financières tout en alertant sur les risques eux aussi nouveaux : « Nous progressons sur la voie de marchés plus complets et bénéficions de nouvelles solutions face aux défauts des instruments ou des marchés plus traditionnels. Si ce processus renforce nettement l'efficience du système financier, de nouveaux risques peuvent également voir le jour. L'émergence d'instruments de transfert de risques de crédit entre des banques et d'autres institutions financières en est une illustration récente éclatante. Les activités et les profils de risque des institutions financières s'en trouvent modifiés dans la mesure où les risques de crédit étaient essentiellement l'apanage des banques auparavant. 112 »
111. Discours de M. Christian Noyer Gouverneur de la Banque de France, Innovation financière, politique monétaire et stabilité financière, 27 et 28 avril 2007, Conférence de printemps Cf. http://www.banque-france.fr/fr/instit/telechar/ discours/discours_27_04_2007 .pdf 112. Forum Financier Belge Bruxelles, le 26 novembre 2003 http://www.ecb.int/press/key/date/2003/html/sp031126.fr.html
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ANNEXEC LES FRANÇAIS FACE À L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ
Voici le résultat d'une enquête menée en 2005 par Globescan sur un échantillon de 44.000 personnes dans 27 pays différents. La question posée était: « Un système de libre entreprise et d'économie de marché est le meilleur qui soit pour assurer l'avenir du monde» Etes-vous d'accord (agree) ou pas (disagree).
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Agree
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Chapitre V
LE CHANGEMENT Interrogés sur le futur de leur régime des retraites, les Français souhaitent un changement. Ils n'en perçoivent pas toujours le comment, mais ils en savent le pourquoi: ils commencent à s'inquiéter sérieusement pour le futur de la répartition, bien que de bonnes âmes ne cessent de les rassurer. Va-t-on leur proposer encore et toujours des replâtrages, des mesures transitoires, qui ne font que masquer les dégâts et retarder les échéances? Depuis plus de cinquante ans on ne fait que ravaler la façade. C'est un changement durable qui est nécessaire. Mais est-il possible? Oui, sans aucun doute, si l'on observe ce qui se passe dans d'autres pays comparables au nôtre. Partout on cherche à sortir du piège des retraites par répartition, et on y réussit. Nous pourrions tirer des leçons intéressantes des réformes en cours à l'étranger, au lieu de nous enfermer dans notre « exception française» et de nous fermer à toute innovation. D'ailleurs, en France même, les doses infinitésimales de capitalisation existantes donnent des résultats spectaculaires, et tous ceux qui doutent encore de l'efficacité du système pourraient être convaincus. On doit pouvoir éclaircir l'horizon au moins pour les vingt cinq ans à venir, car les retraités actuels et futurs ne peuvent continuer à vivre dans l'incertitude. Les retraites ne s'accommodent pas de mesures à court terme. Voilà pourquoi la capitalisation est la solution adaptée, car elle garantit durablement des résultats spectaculaires, en contraste total avec les retraites par répartition où le retraité ne retrouve même pas la mise de ses cotisations. La capitalisation rapporte environ trop fois plus que la répartition, et ce gain est acquis et transmissible: il fait partie du patrimoine de l'assuré. Qui renoncerait librement à gagner trois fois plus?
Finalement, le changement c'est facile et ça rapporte gros! Est-ce à dire qu'il suffira d'un décret pour amorcer et réussir le changement? Il faut déjà s'assurer que le décret existe, c'est-à-dire que les dirigeants du système actuel aient réellement la volonté de changer.
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Il faut ensuite se dire qu'un demi-siècle d'erreurs laisse un héritage lourd à gérer, et que l'assainissement prendra du temps; plus on attend pour opérer, plus la convalescence sera longue. Donc il est urgent de changer. A la capitalisation des erreurs il est temps de substituer la capitalisation de l'espoir.
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1. LES FRANÇAIS INQUIETS POUR L'AVENIR Des sondages très récents révèlent que 80 % des Français estiment nécessaire de réformer le système de retraites par répartition. Mis en présence du choix entre répartition et capitalisation, il y a tout de même 40 % des sondés qui préfèrent la capitalisation définie comme un système où «chaque personne cotise pour sa propre retraite». La peur de la capitalisation n'est donc pas aussi généralisée qu'on pourrait le croire l13 • En revanche, l'inquiétude sur les perspectives du système actuel est grande: deux Français sur trois ne font « pas confiance à notre système actuel pour assurer correctement les retraites des générations qui viennent ». L'inquiétude est la plus répandue encore chez les cadres: 91 % des cadres craignent pour leurs retraites, 52 % sont « assez pessimistes» et 39 % « très pessimistes». Que pensent les Français sur l'orientation des réformes à réaliser? Une immense majorité (80 %) veut aligner les régimes spéciaux sur les autres : on a beaucoup évoqué ce chiffre lors de l'affrontement sur les régimes spéciaux à l'automne dernier (2007). Nombreux également (deux tiers des sondés) sont ceux qui estiment qu'il ne doit plus y avoir de différence entre les retraités du public et du privé. L'autre orientation fréquemment souhaitée est celle de la révision de l'allongement de la durée de cotisations. Cette idée a progressé dans l'opinion publique: en 2003, ils n'étaient que 47 % à admettre qu'on cotise au-delà de 40 années, ils sont 62 % en octobre 2007. Troisième orientation, la révision de l'âge de départ à la retraite : parmi les sondés, à peu près deux sur trois souhaitent laisser à chacun le choix de l'âge de départ en retraite, seuls 37 % sont opposés à la retraite à la carte et veulent que le même âge de la retraite soit imposé à tout le monde.
113. Sondage CSA/Le Parisien, 21 novembre 2007. Pour ce sondage, comme pour les autres, on se réfèrera à l'annexe A (p. 181). Mais il est vrai que 55 % des sondés préfèrent la répartition !
156 Ces réactions sont d'autant plus intéressantes qu'on peut les comparer avec celles des assurés dans les autres pays européens. Une étude d'Eurobaromètre publiée en février 2007 montre l14 l'originalité des sondés français par rapport à leurs voisins . Il y a d'abord un constat d'ensemble optimiste: 90 % des Français sont « heureux» de leur système de protection sociale, ils se situent ici au-dessus de la moyenne européennes (87 %), moins satisfaits que les Danois (97 %) mais bien plus que les Bulgares (39 %). Ils pensent (à 74 %) qu'ils bénéficient d'une «large couverture », comme leurs voisins belges et luxembourgeois, tandis que les Portugais n'ont pas ce sentiment (10 %). Mais voici de quoi tempérer l'optimisme: 65 % des Français estiment que cette protection sociale coûte trop cher (contre 51 % des Européens), et ce sont les Français qui sont les moins confiants dans l'avenir de leurs retraites (32 % contre une moyenne européenne de 42 %). Ces réponses pourraient se résumer à une expression simple : pourvu que ça dure ... mais ça ne peut pas durer! Le contraste entre les sentiments des Français suivant qu'ils jugent globalement la protection sociale actuelle - un jugement plutôt positif - ou qu'ils s'interrogent sur le futur du régime des retraites peut s'expliquer de deux façons : 1° c'est l'assurance maladie qui, jusqu'à une période récente, donnaient aux Français une impression de grande sécurité: la gratuité leur paraissait à ce jour assez exceptionnelle et bénéfique; sur ce point les esprits sont en train d'évoluer rapidement. 2° juger des retraites suppose une bonne connaissance des données à long terme, et l'ignorance est créatrice d'incertitude. Seuls 14 % des Français sondés savent précisément «ce qu'ils toucheront personnellement par mois comme pension lorsqu'ils seront à la retraite »,46 % n'en ont aucune idée. Si l'on exclut de la population des sondés ceux qui sont à la retraite et qui par conséquent ont une idée approximative de ce qu'ils touchent, plus de 83 % des salariés ne savent absolument pas pourquoi ils cotisent, ni combien ils toucheront plus tard 115. On ne saurait tenir rigueur aux Français de leur ignorance quand on sait, d'une part, la complexité du système et la difficulté 114. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_273_en.pdf 115. Enquête Sofres / Notre Temps réalisée en 2000. Il est vraisemblable que les Français en savent aujourd'hui un peu plus.
157 de faire des projections vraisemblables, d'autre part, la désinformation qu'ils subissent en permanence - dont nous avons mesuré l'importance et la raison d'être. On ne saurait d'autant moins leur en tenir rigueur que, jusqu'à présent, l'organisation de la sécurité sociale était populaire. Et les hommes politiques l'avaient bien compris : aucun de ceux qui sont parvenus à être élus n'a tenu des propos pouvant donner l'impression qu'il appuierait un changement (sauf peut-être dans la brève période 1965 - 1967). De toutes façons, l'inquiétude des Français ne semble donc pas être le fruit de l'imagination, elle ne participe pas d'une «logique de guerre contre la répartition ». Simplement, les Français commencent à percevoir les déficits, la dette sociale, les augmentations de cotisations (en taux, assiette, plafond ou durée) et les diminutions de prestations comme des signes alarmants. L'idée de la nécessité d'un changement radical commence à germer.
2. LES AUTRES L'ONT FAIT: POURQUOI PAS NOUS? L'idée du changement peut faire tache d'huile si l'on considère qu'autour de nous tout est en train de changer. Dans les pays qui se sont donnés au XXème siècle un système public obligatoire de retraites la crise est aussi marquée, et l'inquiétude aussi grande, mais le changement est en route, parfois même il est très avancé. Un volume entier sera consacré par l'IREF à l'étude de ce qui se fait actuellement à l'étranger, mais on peut d'ores et déjà souligner quelques points désormais acquis.
Sont-ils aussi mal en point que nous? Sans parler une fois de plus « d'exception française », il faut rappeler que la situation n'est jamais comparable d'un pays à un autre. Voici, au minimum, quelques éléments spécifiques à chaque pays: - la pyramide des âges: elle peut être rajeunie dans les pays à forte immigration (Etats-Unis, Canada par exemple) ; - le taux d'activité: combien de personnes en âge de travailler travaillent réellement?
158 - l'âge du travail: quand il commence (début des cotisations) et quand il finit (départ en retraite) ; - le niveau des cotisations et des pensions; - l'existence d'un système de capitalisation parallèle au système public obligatoire par répartition, et le traitement fiscal des différents « étages» de prévoyance; - les engagements implicites et explicites pris par le système de retraite par répartition; - le montant de la dette sociale accumulée et son mode d'amortissement ; - le taux de croissance de l'économie ; - enfin, et non le moindre, les institutions et traditions politiques, administratives et syndicales. Un modèle complet de prévision sur les retraites devrait donc prendre en compte toutes ces variables. Cependant, ce qui est commun à tous les pays, c'est l'importance des trous à combler, des rattrapages à réaliser. Si l'on veut apprécier la situation des retraités français dans le contexte européen et mondial, on peut comparer les ordres de grandeur de l'effort à consentir. Chez nous, il est estimé par la plupart des spécialistes entre 2 et4 PIB I16 . Qu'en est-il ailleurs? La comparaison n'est pas simple, statisticiens et experts en calcul actuariel (les «actuaires») ont du mal à normaliser les calculs. Il existe bien un Système de Comptabilité Nationale Normalisé depuis 1993, ainsi qu'un essai d'harmonisation par l'ONU dans le cadre de sa Commission Statistique l17 , mais les éléments mesurés ne sont pas les mêmes, les définitions changent, ainsi que les méthodes d'observation. Cependant le dossier de l'INSEE de 2006 118 donne quelques chiffres, issus de diverses études, et assortis de très grands conseils de prudence bien compréhensibles. Une étude de VERNIERE (2002) donnait des estimations pour la Finlande (montant évalué à 2 années de PIB), le Japon (1,5 année de PIB) ou le Canada (1,5 année de PIB), ainsi que pour la Suède (2,5 années). Une synthèse réalisée à partir de trois études 116. Cf.supra Chapitre III p. 94. 117. ISWGNA, Inter Secretariat Working Group on National Accounting. Cf. sur ce point le dossier de l'INSEE « Les engagements implicites des systèmes de Retraite », L 'économiefrançaise, 2006, pp. 161-163. 118. op.cit. pp.148-150.
159 effectuées il Y a une dizaine d'années donnait un classement que nous retranscrivons ainsi : - les pays dont les engagements sont élevés (estimations en général supérieures à 2 années de PIB) : . Italie (entre 1,5 et 3,5), Grèce (entre 1,9 et 2,5), France (entre 1,1 et 2,6), Allemagne (RDA exclue) et Luxembourg ( entre 1,5 et 2,2) ; - les pays dont les engagements sont moyens (entre 1 et 1,5 années de PIB) : Belgique, Danemark, Etats-Unis, Japon, Portugal, Espagne, Pays Bas, Suède ; - les pays dont les engagements sont inférieurs à 1 année de PIB seraient peu nombreux : Irlande et Royaume Uni (suivant l'une des études) 119. Cependant, ces résultats varient tellement d'une étude à l'autre, avec des ordres de grandeur allant du simple au double, qu'on ne saurait, dans l'état actuel des données disponibles, leur prêter grand crédit. Il y a cependant deux conclusions qui s'imposent: 10 la situation de la France n'est pas reconnue très enviable par la plupart des statisticiens; 2 0 tous les pays développés (appartenant par exemple à l'OCDE) sont atteints par la maladie de la retraite par répartition: « ils n'en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »...
Sont-ils aussi imprudents que nous? On pourrait évidemment poser la question sous une autre forme: « sont-ils aussi prudents que nous s'agissant de réformer le système par répartition et de passer à la capitalisation? ». Mais il est certain qu'en l'espèce la prudence est une imprudence, puisque chaque année qui passe alourdit le poids des engagements implicites (un nombre important de personnes tombent dans la trappe de la répartition) et retarde la mise en œuvre d'une solution qui demande du temps (peu nombreux sont ceux qui peuvent s'échapper du piège).
119. Se reporter au tableau de l'annexe B qui est repris du dossier de l'INSEE.
160 Il Y a donc bien de l'imprudence à ne pas s'engager, rapidement et profondément, dans la voie du passage à la capitalisation. Comment s'étalonnent les divers pays dans ce parcours? 1° Certains ont été pionniers et ont déjà totalement abandonné la répartition au jour le jour et opté pour la capitalisation à 100 %. C'est le cas du Chili (avec les conseils des "Chicago Boys" dès 1992). A ce jour l'opération a été pleinement réussie. Patrie des assurances et de la finance, la Suisse fait de la capitalisation la base de son système de retraites bien qu'au niveau cantonal il puisse y avoir un « filet social» en répartition. 2° Certains sont très avancés, il reste quelques éléments de répartition, mais qui correspondent à un premier étage, à un résidu de l'ancien système que l'on élimine année après année. C'est le cas notamment de la Grande -Bretagne où la capitalisation sert les deux tiers des retraites. Dans cette catégorie se trouvent aussi l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suède, le Canada et la plupart des pays d'Europe Centrale et de l'Est I2o . 3° Certains sont en balance. L'exemple des Etats-Unis est significatif. Il y a dans ce pays une coexistence ancienne (depuis le New Deal du Président ROOSEVELT en 1935) de fonds de pension (en capitalisation bien sûr) et de répartition, organisée dans le cadre de ce que les Américains appellent « Social Security »121. Aujourd'hui, ce qui est en balance, c'est soit la disparition progressive de la répartition, soit au contraire son extension au détriment des fonds de pension, très critiqués depuis l'affaire Enron. Démocrates et Républicains s'opposent sur ce point, bien que les résultats et les sondages plaident en faveur des fonds de
120. Cependant, dans ces derniers, la situation est particulière parce que le vieux système (au demeurant très pauvre) mis en place avec le système communiste s'est effondré avec l'inflation qui a immédiatement suivi la chute du mur de Berlin. A son tour, cette inflation était due au passage d'un système de prix artificiels planifiés à des prix de marché. Là encore le choix entre thérapie de choc (Baltes, Tchèques, Polonais et Hongrois) a été préférable au « gradualisme » (Russie, Roumanie, Bulgarie). 121. La « Social Security », à la différence de notre Sécurité Sociale, ne concerne pas l'assurance maladie. Il existe un programme public d'assurance maladie pour les personnes âgées (Medicare) et pour les pauvres (Medicaid) coexistant avec des assurances privées.
161
pension. C'est sans doute l'un des enjeux majeurs des élections présidentielles de novembre prochain 122. 4° La plupart des pays voisins de la France sont en train de faire une place grandissante à la capitalisation. Danois et Hollandais ont profondément réformé leur système, et surtout les Allemands se sont décidés à franchir le pas avec le chancelier Schroeder. Espagnols et Belges sont déjà très avancés, et chez nous, comme au Portugal, en Grèce, les changements sont embryonnaires et on navigue à vue.
La mosaïque des retraites: réformes et politique La diversité des situations et des réformes débouche sur une mosaïque des retraites. Quels en sont les enseignements? 1° On peut d'abord remarquer que la diversité n'a pas une origine politique. Certes, les systèmes de retraites sont devenus une affaire politique du jour où l'Etat est intervenu (déjà en tant qu'employeur, pour la retraite de ses fonctionnaires). Certes, l'idéologie a été parfois déterminante dans le choix répartition capitalisation. Mais on constate qu'aujourd'hui dans beaucoup de pays la politique et l'idéologie se sont effacées devant la réalité économique et sociale. De la sorte, ce sont des gouvernements de gauche comme de droite qui ont décidé et mis en œuvre la réforme des retraites. En Grande Bretagne, Tony BLAIR n'a pas supprimé ce qu'a amorcé Margaret THATCHER, pas davantage que ZAPATERO n'est revenu sur les acquis d'AZNAR. Ce sont des socialistes qui ont abandonné la répartition en Nouvelle-Zélande et Australie. C'est le chancelier SCHRODER qui a ouvert le dossier des réformes en Allemagne. En France même, c'est sans doute Michel ROCARD qui a été le plus lucide des premiers ministres (alors qu'Alain WPPE s'est proposé, une fois de plus, de « sauver la Sécurité Sociale ») même si l'action n'a pas prolongé l'analyse. 122. A l'occasion des élections présidentielles, le candidat Barry GOLDWATER avait pour la première fois soulevé la question. Nous étions en 1964. Et le débat a été lancé. Ce qui fera écrire à Milton FRIEDMAN: « ln 1964, Barry GOLDWATER was much reviled for suggesting that participation in Social Security be voluntary. 1 thought that was a good idea then; 1 still think it is. » (New York Times, January Il, 1999).
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Comme un certain nombre de problèmes de société (la lutte contre l'inflation, le chômage, ou la protection de l'environnement), la réforme du système des retraites peut et doit échapper aux clivages partisans et sectaires et de façon plus générale, échapper à la société politique. Elle y échappe de plus en plus, semble-t-il. 2° On doit ensuite souligner que la diversité peut devenir une affaire politique quand certains gouvernements se proposent de la combattre, seuls ou en commun, par exemple dans le cadre de l'Union européenne. Il ne fait aucun doute que les différences de cotisations, de charges sociales et d'impôts se reflètent dans la compétitivité des économies nationales. L'inégalité devant les retraites peut aussi paraître une offense à la «justice sociale».
L'alternative: concurrence ou harmonisation? Dans ces conditions, deux possibilités se présentent: - l'une est d'accepter la diversité, mais aussi de s'inspirer de ce que font les autres. Il n'est pas interdit à la France de tirer de l'expérience anglaise des leçons qui pourraient avantager les retraités français et alléger le poids des cotisations pour les personnes employées. Cette solution est celle de la concurrence, elle tend à aligner progressivement tous les pays vers un système sinon identique du moins voisin, et adapté au libre échange européen et mondial. - l'autre est de chercher à éliminer la diversité, en dénonçant le «dumping social », la concurrence déloyale que nous feraient par exemple les Anglais parce que leurs retraites sont moins élevées ou moins coûteuses que les nôtres, de sorte que les entreprises anglaises sont avantagées. Dans cette optique, on va rechercher une « harmonisation », et gommer toutes les différences. Il faut évidemment un consensus pour ce faire, ou une pression de certains Etats sur les autres. Il est vraisemblable que dans les années à venir, et en dépit de la position française traditionnelle, c'est le scénario de la concurrence et de la convergence spontanée qui l'emportera sur celui de l'harmonisation forcée. D'une part, les Etats concernés pensent au sort de leurs propres retraités et de leurs propres entreprises plutôt qu'à celui des
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VOISIns. Ils ne veulent pas se laisser imposer des regImes qui pénaliseraient leurs nationaux, et les règles de décision de l'Union Européenne protègent leur souveraineté sur ce point, en dépit de l'adoption d'une «charte sociale» dont le contenu et le réalisme sont faibles. Au niveau mondial, l'Organisation Mondiale du Commerce n'a pas accepté à ce jour le principe de l'harmonisation forcée, en dépit de la pression permanente de l'Organisation Internationale du Travail. D'autre part, les frontières entre Etats sont poreuses, et le tourisme social se développe aussi vite que le tourisme fiscal. Les individus et les entreprises n 'hésitent pas à passer des contrats avec des assureurs étrangers. Sans doute pour le moment reste-t-il pour les Français l'obligation de s'affilier à la Sécurité Sociale: le monopole est âprement protégé, même contre la logique des directives européennes instaurant la concurrence dans le domaine des assurances 123. Mais les esprits peuvent évoluer au spectacle de quelques privilégiés (comme les «frontaliers») ou de quelques rescapés (comme ceux qui travaillent à l'étranger). La concurrence et la capitalisation faisant tâche d'huile, il arrivera bien un moment où le monopole sera fortement contesté et, avec lui, la logique de la répartition.
3. LES FRANÇAIS AUSSI DECOUVRENT LA CAPITALISATION La pression concurrentielle venant de l'étranger se conjuguera certainement avec la poussée interne de ce grand nombre de Français qui, chaque jour davantage, découvrent la capitalisation. Il y a d'abord ceux qui sont dans la capitalisation sans le savoir, et s'en trouvent bien. Il y a ensuite ceux qui ont misé délibérément sur la capitalisation, en pionniers et en « spéculateurs».
123. Cf. supra Chapitre II, p. 33.
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Les capitalisations discrètes On peut les dénommer ainsi parce qu'elles n'osent pas dire leur nom, ou qu'on se refuse à les appeler par leur nom. L'exemple le plus significatif est celui du « PREFON »124, caisse complémentaire facultative de retraite des fonctionnaires. Elle a 390 000 adhérents dont 70 000 retraités. En apparence, c'est une retraite « par points» qui pourrait donc passer pour une simple modalité de la répartition 125. En réalité, il s'agit bien d'une capitalisation parce qu'elle en a les deux caractéristiques: - elle est personnalisée, l'assuré est propriétaire du capital de 126 points accumulé; il est libre d'adhérer, de se retirer du système ; - les fonds du PREFON sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations 127 : l'argent versé est donc placé à long terme auprès d'institutions financières en vue de sa fructification, l'épargne du cotisant est donc valorisée en longue période, et les pensions reçues en échange sont bien supérieures à celles promises par le régime général. Toutefois, peut-être parce qu'elle s'adresse à des fonctionnaires et qu'elle est gérée par des syndicats de fonctionnaires, la PREFON bénéficie d'une attention particulière des pouvoirs publics. D'une part le fisc est généreux et exonère d'impôt sur le revenu les points achetés à la PREFüN. D'autre part, ayant un statut juridique d'association 1901, la PREFON a une liberté de manœuvre plus grande qu'une société de droit commercial. Ce dernier avantage peut aussi être un inconvénient, dans la mesure où la gouvernance est moins stricte. A ce jour, la PREFON a donné toute satisfaction, et depuis fort longtemps les 124. http://www.prefon.asso.fr/ 125. Cf. supra Chapitre 3 pp. 105-107. La répartition par points se distingue de la répartition ordinaire par le fait que le calcul des versements effectués par les assurés ne se fait pas par annuités, mais par points. Au lieu de cotiser pendant 40 ans par exemple, on fixera que l'ouverture des droits à la retraite se fait à partir de 20.000 points par exemple. Ce capital de points est constitué par des versements obligatoires mensuels ou annuels, mais aussi par des compléments que l'assuré voudra bien puiser dans son revenu personnel. L'assuré peut ainsi « capitaliser» des points. Dans le système proposé par Jacques BICHaT, l'assuré peut également bénéficier de points en fonction de ses charges de famille. 126. On appelait naguère cette caisse « Préfonds ». 127. Jean-François BOUDET, La Caisse des dépôts et consignations: histoire, statut, fonction ... L'harmattan, 2006, 647 pages.
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gouvernants envisagent de «généraliser le système de la PREFON» «système d'épargne réservé à l'heure actuelle aux fonctionnaires et qu'on pourrait généraliser avec des avantages fiscaux bien entendu» 128. Une autre disposition qui participe de la logique de la capitalisation est 1'« article 83 » du Code Général des Impôts qui autorise les entreprises à proposer des plans d'épargne aux salariés, et la loi FILLON d'août 2003 encourage l'employeur et les salariés à constituer des plans d'épargne retraite qui capitalisent les sommes retenues sur les salaires, les réserves de participation, les versements volontaires et abondements l29 . Toutefois, les conditions d'ouverture et de fonctionnement de ces «plans d'épargne» sont tellement compliquées et restrictives qu'il faut une certaine imagination pour les assimiler à des fonds de pension. La référence à la capitalisation est présente, mais elle n'est pas suffisante.
Les capitalisations classiques Bien plus significative est l'évolution des mœurs françaises vers des formules classiques de capitalisation 130, qu'il s'agisse d'assurance-vie (assurance en cas de vie ou bons de capitalisation) ou d'assurance en cas de décès. Le tableau suivant donne le montant de la collecte nette en assurances-vie (en milliards d'euros) :
1997
47,1
1998
28,6
1999
33,7
2000
42,6
2001
35,1
2002
31,6
2003
34,5
2004
42,9
2005
52,0
2006
65,1
Source: Fédération Française des Sociétés d'Assurance, rapport annuel 2007, via internet
128. Alain JUPPE, commentant la réforme FILLON en 2003, devant le Grand Jury RTL Le Monde. 129. Articulée avec l'article 39 et l'article 82 de la loi FILLON, ces dispositions. aboutissent à servir un capital ou une rente aux salariés Cf. annexe C. 130. Cf. annexe D.
166 A cette collecte nette correspondent des cotisations primes uniques ou périodiques dans le langage de l'assurance qui représentent une masse financière importante et qui montrent la volonté des Français de protéger leur retraite de façon efficace, compte tenu de l'inquiétude qu'ils ont pour l'avenir de l'assurancevieillesse obligatoire de base. En 2006, la masse des cotisations a été de plus de 155 milliards, en augmentation de 16,5 %. Ainsi, année après année, les assureurs français ont pris des engagements (en assurance-vie) dont la capitalisation est impressionnante. L'encours des contrats d'assurance vie et de capitalisation (total des provisions mathématiques et de la provision pour participation aux bénéfices) s'élève à 131 1 136 milliards d'euros au 31 décembre 2006 • A cette épargne gérée par des compagnies d'assurance et des fonds de pension il faut ajouter celle qui est intégrée dans le patrimoine des Français, sous forme de capital immobilier ou mobilier. La préférence traditionnelle des Français va vers «la pierre », un placement qui paraît sûr et qui a été longtemps encouragé par l'inflation et, récemment par les plus-values, mais dont le rendement net demeure malgré tout relativement faible comparé à d'autres placements. La hausse des cours de Bourse en 2006-2007 a encouragé les épargnants à s'intéresser de plus près aux placements boursiers - la baisse actuelle peut les ramener à leurs premières amours (on avait observé le même reflux en 2002). Trois remarques peuvent être faites à propos de ces capitalisations : 10 elles doivent toujours arbitrer entre rentabilité et sécurité. Pour cette raison la gestion patrimoniale par un individu isolé semble à ce jour bien plus hasardeuse que la gestion par un fonds de pension ou un OPCVM (organisme de placement collectif en 131. Il correspond à l'ensemble des engagements des assureurs vie envers leurs assurés. Il augmente de Il % par rapport à 2005 et inclut l'accroissement de la valeur des supports en unités de compte, estimée à 16 milliards d'euros. Le rendement des supports en euros est resté intéressant pour les assurés, ll1algré la remontée des taux de court et de long terme. Les intérêts crédités et la participation aux bénéfices atteignent 31 milliards d'euros en 2006 et contribuent à accroître les provisions (FFSA, rapport
annuel 2007).
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valeurs mobilières, banques et compagnies d'assurances ou sociétés d'investissements), qui a théoriquement la possibilité de diversifier les portefeuilles, d'avoir une information de meilleure qualité et à moindres coûts, et de permettre une mutualisation des risques. Actuellement, ces problèmes de gestion de portefeuille sont différents car, d'une part, les « institutionnels» ne sont pas toujours fiables (subprimes), et, d'autre part, de nouveaux produits financiers sont plus faciles à gérer par des particuliers (<< trackers » par exemple). 2 0 elles représentent une sage précaution, mais on ne peut y voir la solution des impasses de la répartition. D'une part, elles représentent un effort supplémentaire d'épargne: ajouter «un troisième étage en capitalisation» représente un cran de ceinture supplémentaire à serrer. D'autre part, leur ceinture étant déjà serrée au maximum, beaucoup de Français ne peuvent consentir cet effort. Il est révoltant qu'on attende d'eux de renoncer à tout le bénéfice des cotisations qu'ils ont versées, puis de redémarrer un nouveau plan d'épargne. 3 0 toutefois, quels que soient les sacrifices représentés et leur injustice, de moins en moins de personnes hésitent à se lancer dans l'aventure de la capitalisation. Car cette aventure est un pari gagnant, à tous les coups. Ce n'est pas facile mais ça peut rapporter gros.
4. LA CAPITALISATION: UN PARI GAGNANT La capitalisation a du succès parce qu'elle apporte, et de façon inéluctable, la certitude de ne pas gaspiller son argent en cotisations de répartition, dont le rapport est déjà ridicule aujourd'hui, et risque d'être encore amoindri dans quelques années. En étant condamnés à rester dans la répartition, les assurés français renoncent à un capital considérable. En revanche, on sait mesurer ce que peuvent rapporter des fonds de pension, un rendement moyen substantiel, quelles que soient la composition de leurs portefeuilles et la conjoncture boursière.
168
Le capital perdu Pour avoir une simple idée de ce qu'il en coûte de ne pas capitaliser, considérons le sort de deux salariés: un Smicard et un salarié ayant eu un salaire toujours supérieur au plafond de Sécurité Sociale. En prenant pour référence approximative un montant de SMIC de 1.341 € et en appliquant à ce salaire le taux correspondant à l'assurance vieillesse, soit 16,65 %, ce qui est versé chaque année par le Smicard représente plus de deux SMIC mensuel (2 682 €) et par le hors plafond plus de quatre SMIC (5 364€)132. Que se passe-t-il au bout de 40 ans de cotisations dans le système actuel ? Le montant total de ce qui a été versé par le Smicard est de 107 280 euros. Et par le « hors plafond» de 214 560 euros. La première année de retraite, le Smicard touchera, comme le « hors plafond », 16 082 euros. Le Smicard retraité aura récupéré la totalité de sa mise au bout d'un peu plus de 6 ans, et l'autre au bout de 13 ans. S'il décède avant son départ à la retraite, il aura tout perdu, puisque le « droit» à la retraite n'est pas un capital transmissible. S'il décède moins de 6 ans après son départ en retraite pour l'un, moins de 13 ans pour l'autre, il aura perdu une partie de sa mise - sans que personne ne puisse la récupérer. Que se serait- il passé si on avait autorisé les salariés en question à placer leurs cotisations dans un système par capitalisation? En prenant un taux de rendement net réel de 3 % - ce qui est très faible - au bout de 40 ans, avec la même cotisation que précédemment: - le smicard se trouve à la tête d'un capital de 321 640 euros transmissible; - le «hors plafond» est à la tête d'un capital de 643 280 euros, transmissible également.
132. Pour l'estimation des cotisations versées, on se reportera au Chapitre 1 p. 22 et au Chapitre II annexe A, p. 70.
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La perte se monte à 214 360 € pour un Smicard, 428 720 euros pour un « hors plafond »133. Une question se pose: quel serait le salarié assez inconscient pour renoncer à un tel capital et pour accepter de perdre 13 ans de son salaire, ou 13 ans de retraite pour le Smicard, et 25 ans de son salaire ou de sa retraite pour l'autre? Naturellement, ces chiffres ne sont qu'une approximation, ne serait-ce que parce que les salaires des assurés vont varier tout au long de leur carrière. Mais ils ont cependant le mérite incontestable de fixer les idées et de faire apparaître en toute lumière ce à quoi on condamne les assurés en les privant de la possibilité de capitaliser.
Les rendements réels comparés Laissons un instant l'arithmétique théorique pour l'observation concrète. Comparons ce que rapportent respectivement cotisations en répartition et placements d'un fonds de pension. Cette étude a été faite facilement dans les pays qui juxtaposent les deux systèmes, c'est le cas des Etats-Unis ou de l'Angleterre. Comme l'expérience américaine est plus ancienne et nous offre des séries statistiques plus longues, nous pouvons retenir des études qui ont en commun d'avoir été présentées au Congrès au cours de débats récents - et loin de se clore. L'écart entre les deux types de retraites va varier en fonction de la façon dont est composé le portefeuille des fonds de pension. On retiendra deux hypothèses: un fonds de pension qui n'investit qu'en actions, et un fonds de pension plus classique qui investit 60 % en actions et 40 % en obligations. Par rapport à ce que rapporte la répartition (qui est plus avantageuse aux Etats-Unis parce que les cotisations y sont très inférieures aux nôtres), sur une série de 41 ans : - un portefeuille d'actions rapporte en moyenne 2,6 fois ce que rapporte la répartition;
133. Et, soit dit en passant, elle se monte pour l'économie réduite à eux deux, à 643 080 euros de capital qui n'a pas été constitué, qui a été détruit par la réglementation imposée par la répartition.
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- un portefeuille « mixte» rapporte en moyenne 1,39 fois ce ' .. 134 que rapporte 1a repartltlon . Ce résultat confirme le calcul théorique que nous avons effectué pour la France, qui conduisait à un écart de 1 à 3 entre les rapports respectifs de la répartition et de la capitalisation. Il en est ainsi évidemment parce que, sur des placements longs (on peut par exemple supposer que l'on cotise pendant 40 ans), les portefeuilles d'actions placés en bourse ont un rendement supérieur à 10 % l'an pendant 35 ans sur 40, d'après les mesures faites par la Banque Fédérale de Saint Louis en 2005. Comme il a déjà été indiqué, cette performance tient compte du fait que la bourse peut subir des «accidents» car, sur une longue période, les actions résistent mieux que tout autre placement 135. On peut toujours, si on y tient, considérer les placements à long terme comme un jeu de hasard. Sans doute toute spéculation sur le futur est-elle un pari. Mais il se révèle que le pari est gagnant.
5. LA VRAIE NATURE DE LA CAPITALISATION Il serait peut-être temps maintenant de réfléchir aux raisons profondes qui font que la capitalisation est gagnante alors que la répartition est perdante. La répartition est une spéculation incohérente sur la croissance démographique : les lois de la natalité et de la longévité échappent à tout gestionnaire - sauf à imaginer la sélection de la race et la procréation artificielle. Spéculation incohérente au demeurant puisqu'en faisant l'impasse sur le temps on ne peut prétendre vouloir spéculer sur l'avenir. La capitalisation est une spéculation réaliste sur la croissance économique: cette spéculation est auto-porteuse car le seul fait de placer des capitaux sur une longue période est un facteur d'innovation et de création de richesses, qui fait que le pari est 134. La moyenne est significative, elle est proche de la médiane de la série observée. Cf. l'annexe F. 135. Cf annexe E. On peut également se référer au Chapitre IV annexe A pp. 148-149.
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gagnant. Toutes les analyses de la croissance démontrent l'importance de la masse et de la qualité de l'investissement. La masse ne suffit pas. On a vu des milliards engloutis dans des projets sans lendemain. On a vu des crédits généreusement ouverts à des pays ou à des entreprises qui ne rembourseront jamais. Les aides publiques apportées aux pays pauvres les ont endettés et n'ont profité qu'à une minorité de dirigeants et nomenklaturistes. Les pays communistes planifiés ont également été ruinés, en dépit de l'épargne à laquelle ils ont forcé leurs citoyens. C'est que la qualité des investissements est déterminante. Or la loi des marchés financiers est de récompenser les bons et de pénaliser les mauvais investissements. La bourse - et plus généralement tous les marchés financiers organisés aujourd'hui apparus - est une machine très efficace pour trier les projets, sélectionner les entreprises, et mettre l'a~gent là où il sera le mieux utilisé. Ce n'est pas le capital, c'est la meilleure utilisation du capital qui fait la croissance.
Le choix des entreprises Il faut souligner que la sélection que permettent les marchés financiers n'est pas une simple sélection de « titres». La bourse n'est pas une loterie où certaines cartes sont gagnantes «après grattage». La banque n'est pas une machine à sous. Le véritable objet de la sélection, ce sont les entreprises et les hommes de l'entreprise. Les marchés financiers ne sont que les juges des entreprises. Les entreprises sont sous contrôle permanent et doivent démontrer leur réussite durable. Il y a de ce point de vue une différence considérable entre un placement financier et un placement immobilier. Celui-ci porte sur un bien dont on pense qu'il va se valoriser. Celui-là porte sur des personnes: un entrepreneur ou des directeurs, un «capital humain» fait de la compétence et de la motivation du personnel. Ces personnes sont capables de valoriser tout ce qu'elles touchent: elles créent une «valeur ajoutée». Il n'est pas étonnant que le personnel d'une entreprise qui décline, voire disparaît, ait un sentiment de gâchis et en souffre terriblement car un jugement négatif a été porté sur son activité. Sans doute les responsabilités incombent-elles par priorité aux dirigeants: c'est la raison pour laquelle ces responsabilités
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doivent être mises en œuvre avant que l'irréparable ne se produise, et c'est le rôle d'une bonne gouvernance d'exercer une pression constante sur les dirigeants. Pour l'entrepreneur, cette pression est évidente puisqu'il s'agit de son patrimoine personnel. Dans les sociétés, la pression est celle des conseils et des assemblées, mais plus loin encore de ceux qui ont mis de l'argent dans l'affaire: actionnaires et créanciers 136. Voilà pourquoi les marchés financiers ont été à l'origine de la croissance économique. Aussi loin qu'on remonte dans l'histoire du développement, on trouve cette association étroite, cette imbrication mutuelle entre la finance et l'entreprise. La mode en France, il est vrai, est à l'idée inverse. On oppose volontiers le «capitalisme des entrepreneurs» et le «capitalisme des spéculateurs» 137. Ce faisant, on ignore le rôle décisif joué par la finance dans la stimulation et la sélection des entreprises. Il est vrai qu'en arrière-fond il y a une méfiance, sinon une hostilité à la «loi du profit », qui est la base de la sélection, puisque c'est l'importance des profits qui retient l'attention des financiers. Or le profit, pour beaucoup de gens, consisterait à asseoir la réussite des uns sur l'échec des autres, à distribuer la richesse par priorité à ceux qui détiennent le pouvoir l38 .
136. Cette pression doit être stimulante et positive, et non pas paralysante et négative. C'est la raison pour laquelle les salaires des dirigeants peuvent atteindre des sommes élevées - ce qui scandalise tout le monde a priori. Les gens qui travaillent pour eux sont en général plus motivés et mieux avisés que ceux qui travaillent pour les autres, c'est aussi une explication des remarquables performances de l'entreprise individuelle ou des sociétés de personnes. Il n'en demeure pas moins qu'une entreprise bien gérée est aussi celle où le personnel dans son ensemble a le sentiment et la fierté de travailler pour lui. 137. Expressions imprudemtnent utilisées par le Président de la République Française. 138. Dans la théorie marxiste, « qui détient le capital détient le pouvoir». Le pouvoir politique serait toujours entre les mains de ceux qui détiennent le pouvoir économique. La politique est superstructure par rapport à la production qui est infrastructure. C'est nier deux évidences. La première c'est que le pouvoir économique n'existe pas dans une économie de libertés, puisque les entrepreneurs sont en permanence soumis au marché et que leur rôle est de servir la communauté. La deuxième c'est que politique et pouvoir sont synonymes et que le pouvoir n'est légitimé que pour défendre les droits individuels - et non pas pour produire.
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S'il est vrai que des «réussites» se font aux dépens des autres, que ce soit à travers le vol, la tricherie ou la violence, ou la redistribution de la manne publique 139, la réussite de l'entreprise en situation de concurrence se fait non pas aux dépens, mais au service des autres. Le profit n'existe que lorsque l'entrepreneur ou l'entreprise a apporté une satisfaction au client qui a accepté de payer le prix du service rendu à travers le produit acheté. Le profit est en même temps un satisfecit donné par le marché à l'entreprise, et un moyen pour l'entreprise de continuer à fonctionner dans de bonnes conditions en ayant le capital nécessaire. Certes il peut exister des profits d'un instant, dus à une conjonction heureuse, mais ils ne sauraient se perpétuer si l'entreprise n'a pas les arguments voulus pour fidéliser une clientèle, si elle n'a pas les moyens d'une valorisation durable. C'est ce profit de longue période qui intéresse les marchés financiers. La capitalisation implique donc une alliance durable entre le financier et l'entrepreneur. Voilà sans doute pourquoi il n'est guère possible d'avoir une croissance soutenue dans les pays qui ignorent ou réduisent la liberté d'entreprendre, ou qui contrarient ou faussent le jeu du marché financier 140 • La capitalisation choisit les entreprises, elle choisit les hommes capables de créer des richesses, c'est-à-dire de rendre service à la communauté.
La responsabilité personnelle Comme l'a indiqué le professeur Gary BECKER 141 le changement du système de retraites est un vrai changement de société. 139. Bastiat ajoutait à cette liste ce qui lui paraissait être le fléau contemporain majeur: l'Etat « cette grande fiction sociale à travers laquelle chacun
s'efforce de vivre aux dépens de tous les autres» Cf. Jacques GARELLO, Aimez-vous Bastiat?, Romil1at, Paris, 2001 ou Georges LANE, Harmonies Sociales, Ed.du Trident, Paris, 2007. 140. Chaque année est publié un « indice de liberté économique », donné pour 160 pays. Les pays les moins libres d'après l'indice sont ceux qui stagnent ou - plus souvent encore - ont une croissance négative. 141. Prix Nobel d'Economie 1992, Professeur à l'Université de Chicago. Cf. son discours à Paris en 1996 en annexe G.
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La répartition développe chez les individus le sentiment qu'ils n'ont rien à faire pour préparer le futur, ils s'en remettent à l'Etat. D'ailleurs l'Etat ne leur laisse pas le choix, estimant que la société doit mettre les gens à l'abri de leur imprévoyance. L'Etat force les individus à une épargne qu'ils n'auraient pas eu spontanément la sagesse de constituer - première idée assez pessimiste sur l'intelligence du peuple, dont la stupidité serait heureusement compensée par la clairvoyance de ses dirigeants (les élus sauraient toujours mieux que les électeurs). On dira aussi que l'Etat procure à des individus une épargne qu'ils n'auraient pas pu constituer avec leurs faibles ressources - deuxième idée pour légitimer une redistribution en faveur de ceux qui sont en bas de l'échelle, mais qui les condamne en fait à l'assistanat et les détourne de tout effort de promotion. La répartition est un système où on compte sur les autres pour subvenir à ses besoins au moment de la retraite. Elle génère abus et laisser-aller. Par contraste, la capitalisation marque un retour à la responsabilité personnelle. Elle confie le futur des retraites à l'initiative de chacun. Elle épouse les fluctuations de la vie professionnelle et familiale et développe le sens de l'adaptation. Initiative, adaptation: ce sont des vertus qui servent le progrès personnel. Propriétaire d'un capital qu'il accumule tout au long de sa vie active, l'assuré dispose aussi d'un crédit et d'un patrimoine qu'il peut utiliser en fonction des aléas de l'existence ou des besoins de ses proches. Jose PINEIRA, l'un des artisans de la transition à la capitalisation au Chili, a décrit la joie de ces Chiliens très pauvres au départ, qui brandissaient avec fierté leur carnet personnel et nominatif de retraites où s'inscrivait chaque mois le capital qu'ils avaient accumulé. Les chiffres grossissaient avec une rapidité qui les comblait. Quelques mois après la mise en œuvre de la capitalisation, les Chiliens avaient même la possibilité d'avoir deux ou trois carnets différents, délivrés par les divers fonds de pension auxquels ils avaient adhéré. Retrouver la responsabilité personnelle et la propriété de son activité, c'est forger une personnalité propice à la croissance économique. La sélection des entreprises se prolonge et s'articule ainsi avec le progrès des hommes. Uns société qui permet à chacun de développer ses talents et qui favorise l'esprit d'épargne et
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d'entreprise est le signe du «bien commun »142. C'est d'ailleurs l'une des promesses les plus sûres de succès d'une transition de la répartition vers la capitalisation: la croissance économique s'accélère et permet d'éponger plus rapidement le triste héritage de la répartition.
6. TRISTE HERITAGE ET GRAND ESPOIR Car il Y a un triste héritage de la répartition. Les erreurs commises sont tellement anciennes qu'elles laissent trace dans les esprits, mais lèguent aussi un lourd passif financier long à éponger. On est confronté ici à l'éternel problème des réformes: médecine douce ou thérapie de choc? La médecine douce ne présente aucun intérêt quand elle promet de résoudre éventuellement le problème des retraites sur un siècle, alors que deux générations de personnes auront certainement été sacrifiées sur l'autel de la répartition. Mais il est vrai que la thérapie de choc implique du courage et de la détermination, autant de la part du chirurgien que de l'opéré. Faut-il se résigner et prendre patience, ou au contraire accélérer le pas du changement?
Le changement par décret Dans le domaine des retraites comme dans bien d'autres, le changement ne se décrète pas. Il ne suffit pas d'un claquement de doigt pour entrer dans un monde merveilleux. L'erreur des dirigeants politiques est de vouloir conduire le changement. Or le changement ne se conduit pas : il se fait. Cela veut dire que les acteurs du changement sont nombreux et que c'est un mouvement né des réactions de tout un peuple qui peut réellement secréter le changement. La seule chose que l'on peut attendre d'un gouvernement c'est qu'il cesse d'imposer et de
142. Le « bien commun» n'est pas un résultat, un avantage collectif, mais un environnement, qui permet l'épanouissement personnel. Cf. par exemple Jacques MARITAINN, Humanisme intégral, NRF, 1936.
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prolonger l'erreur et qu'il permette aux Français de connaître la vérité au lieu d'entretenir des illusions mensongères. Ensuite, sans doute, les nouvelles modalités des retraites se révèleront, à l'initiative de ceux qui ont intérêt à l'apparition de la capitalisation enfin connue et comprise: les cotisants et jeunes assurés, les assureurs, les entrepreneurs, et bien d'autres encore. Ils rencontreront l'opposition des partisans du statu quo, bien organisés et prêts à tout pour sauver leurs privilèges actuels. Mais certains d'entre ces privilégiés auront compris que leurs avantages iraient bientôt en déclinant et la position des irréductibles sera affaiblie par l'évolution de l'opinion publique. Cette évolution s'accélèrera avec le temps, au fur et à mesure que l'information sur la répartition, la connaissance des réformes à l'étranger, la compréhension de la finance feront leur chemin. Mais des esprits conditionnés pendant plus d'un demi-siècle n'adhéreront pas du jour au lendemain à la capitalisation, même si le changement est appelé par les vœux d'une majorité de la population. C'est que demeurent plusieurs incertitudes.
Le sort des assurés actuels La première incertitude concerne le sort de ceux qui sont actuellement piégés dans le système de répartition. On ne peut évidemment pas rayer d'un trait de plume et instantanément les «droits acquis ». Tout le passif hérité de la répartition doit être progressivement et partiellement apuré. Progressivement: il faut au moins que tous les retraités actuels aillent au bout du contrat que leur a imposé la Sécurité Sociale, et de même pour tous ceux qui sont assez près de l'âge de la retraite pour ne pas avoir le temps de récupérer en capitalisation ce qu'ils ont perdu en répartition. Partiellement: pour beaucoup de personnes, les «droits acquis» en répartition ne seront pas reconnus entièrement, ce qui constituera une perte, mais ces personnes auront la possibilité de compenser cette perte par les nouveaux gains qu'ils réaliseront en capitalisation. Comment cette phase de transition peut-elle être organisée, et quelle est sa durée? C'est une question technique, plusieurs solutions existent et ont été expérimentées. Il reste à savoir laquelle est préférable dans la situation actuelle des retraites françaises.
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Cette question sera abordée dans le cadre d'un volume suivant, consacré à «La transition». Elle sera traitée à la lumière des analyses théoriques et des modèles proposés par les économistes, mais aussi des expériences déjà vécues à l'étranger. On ne pourra éviter certaines interrogations, parmi lesquelles, principalement : 1° Quelles garanties peut-on donner aux retraités d'aujourd'hui et à ceux qui vont partir à la retraite dans moins de dix ans? 2° Faut-il mettre en place des mesures transitoires, comme le suggèrent ceux qui proposent un troisième «étage» en capitalisation, s'ajoutant aux deux étages obligatoires (régime de base et complémentaires) ? 2° Comment répartir les efforts de remise en ordre entre les générations actuelles (retraités et actifs) et les générations futures? Les choix intergénérationnels sont décisifs, pour l'instant ils se sont faits au détriment des générations à venir qui héritent la dette sociale (et la dette publique au passage). 3° Faut-il s'attendre à des sacrifices très lourds durant la phase de transition? Au minimum, on est en droit d'attendre que ces sacrifices soient inférieurs à ceux qu'implique l'explosion des retraites par répartition. Au maximum, ils peuvent être plus que compensés par le rendement de la capitalisation. 4 ° Peut-on apprécier les effets du changement sur le rythme futur de la croissance économique? Une croissance forte a un effet multiplicateur des retraites par capitalisation, et, en sens inverse, la capitalisation est de nature à accélérer la croissance. 5° En conclusion, quelle pourrait être la durée de la transition? Une ou deux générations? Quelle influence le délai de mise en œuvre des réformes peut-il avoir sur la durée de la transition? On court toujours derrière le temps ...
Le temps c'est de l'argent En effet, la course contre le temps est engagée depuis que la répartition existe. Quelques (trop rares) économistes et démographes français tiraient la sonnette d'alarme dès 1974 143 . Ce 143. Cf. par exemple Jacques GARELLO in Medica Gestion, 1974.
178 n'était ni de la voyance, ni du genle. Il était inévitable que le « papy boom» succède au baby-boom. Si on avait tenu compte de leurs avertissements à ce moment-là, la transition de la répartition à la capitalisation aurait été peu coûteuse. Il y avait peu de retraités, la dette représentée par les fameux « droits acquis» était donc très faible. Il y avait beaucoup d'actifs entre lesquels on pouvait partager l'ardoise laissée par le système par répartition, tout en leur permettant de bénéficier des taux élevés de rendement de la capitalisation. Depuis 34 ans, aucun gouvernement n'a pris l'initiative de la transition, même si les cris d'alarme se sont succédés et amplifiés tout au long de cette période. « Nous avons le meilleur système du monde»: le coq gaulois a rassuré la bassecour. Il a fallu attendre 2008 pour qu'un Premier Ministre ose dire enfin la vérité en ce qui concerne la dette publique: « l'Etat est en faillite », a reconnu Monsieur François FILLON. Pour l'instant il n'a pas fait le même constat pour la Sécurité Sociale : « Encore une minute, Monsieur le Bourreau ! » Ces minutes coûtent cher. Le professeur Martin FELDSTEIN, l'un des grands théoriciens de la transition, estime que chaque année qui passe sans réforme allonge d'un trimestre la durée de la transition. Hélas, en France, on se traîne, pour trois raisons : - on avance tous freins bloqués, les adversaires de toute réforme sont sur le qui-vive et ont arrêté toute tentative sérieuse; - on donne des coups d'accélérateur, mais aucune vitesse n'est engagée: on fait du sur-place quand on multiplie les mesures dilatoires, quand on demande des moratoires sans jamais aller au cœur du problème: la répartition contre la capitalisation; - on a peur du feu rouge électoral; quand le feu est au vert, on anticipe déjà qu'il va passer au rouge; l'hypothèque du calendrier électoral est réellement très lourde et les gouvernants usent un temps précieux à des problèmes subalternes qui peuvent attendre: est-il plus urgent de s'occuper de l'état de la planète dans deux siècles ou des retraites que nous allons toucher dans dix ans? Incapables d'aborder les problèmes urgents, nos dirigeants - tous partis confondus - se réfugient dans la prospective. Leur problème n'est pas de faire quelque chose, mais de passer à autre chose.
179
Pour eux, comme pour beaucoup de Français, le changement semble s'imposer, mais ils ne voient pas dans quelle direction ni suivant quelles modalités. Ils sont victimes de la peur panique de la capitalisation, qu'ils ont eux-mêmes entretenue sinon créée. Ils sont méfiants à l'égard des marchés financiers et des « spéculateurs ». Ils rejettent ce qui vient des Anglo-Saxons. Ils se réfèrent aux Etats-Unis comme à un paradis de la capitalisation et de l'injustice sociale, alors que les Américains se débattent dans les mêmes difficultés que nous avec leur Social Security, système de retraite par répartition qui ruine les familles pauvres, de manière en effet injuste. Finalement tous les prétextes sont bons pour justifier des mini-réformes qui ne changent rien et aggravent le mal puisqu'elles retardent la rupture avec la répartition et la mise en place de la capitalisation. La seule excuse que l'on peut accorder à nos dirigeants c'est que le mode d'emploi de la transition ne leur paraît pas évident. Leur curiosité n'est pas grande parce que des volumes nombreux ont été consacrés à ce problème et que des pages entières de la presse mondiale se sont fait l'écho des réformes des retraites opérées un peu partout. En France, quelques travaux pionniers ont abordé la question, mais il est vrai que la littérature est surtout étrangère - les Allemands en particulier sont en plein débat actuellement 144. L'Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF) a pris l'initiative de résumer l'essentiel des questions soulevées par la transition et des réponses qu'on peut leur donner, dans l'espoir de contribuer au changement. Dans l'espoir de faire sortir les assurés français de leurs craintes légitimes et de leurs peurs irraisonnées, et les dirigeants français de leur timidité coupable. Dans l'espoir d'ouvrir toutes grandes les portes de la capitalisation, promesse de sécurité financière et source de responsabilité personnelle. Aujourd'hui, le futur des retraites est totalement compromis. Il est grand temps de passer aux retraites du futur 145 • 144. Voir la bibliographie indiquée à la fin du volume pp. 195-201. 145. Le deuxième volume de la trilogie « Futur des retraites et retraites du futur» intitulé La capitalisation est prévu pour une publication en septembre 2008 et le troisième La transition pour décembre 2008.
LISTE DES ANNEXES DU CHAPITRE V
A. Le futur des retraites vu par les Français (sondages réalisés) B.
Engagements des systèmes de retraite: comparaison entre divers pays
C. L'épargne salariale D. Assurance-vie et capitalisation en France E.
Rendements des placements en capitalisation
F.
Rendement en répartition et en capitalisation
G. Gary Becker: un changement de société
Consultez le site www.irefeurope.org Véritable portail vers la connaissance des retraites, ce site rassemble tous les éléments statistiques et analytiques qui sous-tendent le chapitre V. Vous pourrez y trouver notamment:
Détail des sondages effectués. Sondage sur l'âge souhaité de départ à la retraite. Comparaisons européennes sur les régimes de retraite et les projets de réformes. The Economic Committee and Directrate -General for Economic and Financial Affairs, nov. 2007, Pension schemes. La Prefon "Social Security and the destruction of capital", Antony Mueller, juin 2005. L'importance des actuaires dans les pays anglo-saxons, COR, avril 2007. « The future of the Social Security », GARRETT et RHINE, Banque Fédérale de Saint Louis.
182 ANNEXE A LE FUTUR DES RETRAITES VU PAR LES FRANÇAIS (QUELQUES RECENTS SONDAGES)
Novembre 2007 France
CSA / Le Parisien / Aujourd'hui en
Octobre 2007 : IFOP pour le journal METRO • 77 % des Français pensent qu'il est urgent de réformer le système des retraites (73 % en 1999). • 62 % sont favorables à l'allongement de la durée de cotisation au delà de 40 années pour les salariés du public comme pour ceux du privé (47 % en 2003). • 51 % pensent qu'il faut compléter le système de retraite au moyen de fonds de pension (61 % en 2003). • 82 % des Français sont favorables à l'alignement des régimes spéciaux de retraites, RATP, SNCF, EDF, sur le régime général des salariés de la fonction publique, 73 % des sympathisants de gauche, 85 % des sympathisants du MoDem, 92 % sympathisants UMP. Juin 2007 : Opinion Way, réalisé pour le syndicat de l'encadrement CFE-CGC • 91 % des cadres craignent pour leurs retraites, 9 cadres français sur 10 sont pessimistes concernant le niveau de leurs retraites. • 82 % des cadres (90 % dans le privé et 76 % dans le secteur public) se disent favorables à la réforme des régimes de retraite dits spéciaux. • 81 % (84 % dans le privé et 68 % dans le public) sont pour un service minimum en cas de grève et 53 % pour la création d'un contrat de travail unique. Avril 2007 : Société Henley Centre Headlight Vision pour le compte d'Aviva Les Français sont inquiets pour leur retraite, ne comptent pas sur l'Etat pour la financer, mais ne s'en occupent pas activement. * Les Français sont inquiets pour l'avenir de leur retraite, et sensiblement plus que les consommateurs des autres pays interrogés :
183
63 % craignent de perdre leur niveau de vie du fait de ne pas avoir assez épargné. * S'ils recevaient une somme trois fois supérieure à leurs revenus annuels : 27 % d'entre eux rembourseraient leur prêt immobilier; 18 % choisiraient l'épargne à long terme. * Les Français pensent que c'est à l'Etat d'agir (63 %) : 22 % d'entre eux pensent que le gouvernement leur procurera une retraite adéquate ; 63 % des Français pensent qu'ils devront travailler au-delà de l'âge légal de la retraite pour s'assurer une retraite correcte. * Les Français déclarent qu'ils s'occupent peu de leur retraite: seulement 36 % prennent des dispositions pour préparer la retraite, tout comme dans les pays d'Europe de l'Est; 74 % ont un horizon d'investissement affiché inférieur à cinq ans. Ce taux est le plus élevé par rapport à l'Espagne, les Pays-Bas et l'Allemagne. Sur ces 74 %, 40 % souhaitent compléter leurs revenus immédiatement. * Seuls 21 % des Français pensent qu'épargner chaque mois est le meilleur moyen de vivre une retraite paisible. Les Américains (49 %), les Chinois (41 %) et les Canadiens (47 %) sont bien plus convaincus de l'intérêt d'épargner régulièrement. Seuls 34 % des Français mettent régulièrement de l'argent de côté pour leur retraite contre 45 % des Américains et 41 % des Canadiens. * Les Français ont une forte préférence pour la liquidité, 59 % d'entre eux préfèrent savoir que leur argent est facilement accessible plutôt que bloqué à long terme. C'est le taux le plus élevé des pays développés avec les Pays-Bas. * La moitié des Français sont peu enclins à investir en Bourse : 53 % des Français ne sont pas prêts à «prendre des risques» pour obtenir une meilleure performance alors que 40 % des Américains sont disposés à le faire.
Février 2007 : Eurobaromètre Menée dans les 27 pays de l'Union européenne auprès de plus de 26 000 personnes. «Est-ce que cette protection est efficace, en particulier en matière de retraite ? »
184
Ce sont les Français qui sont les moins confiants dans l'avenir de leurs retraites (32 % contre une moyenne européenne de 42 %). Les Français pensent à 76 % (64 % chez les Européens) que la vie de la prochaine génération sera plus difficile que la leur. Autre question, "en ont-ils pour leur argent?" 65 % des Français estiment que cette protection sociale coûte trop cher (51 % des Européens).
Septembre 2006 : Institut LH2 pour 20 Minutes et sur
RMC
* 61 % des Français souhaitent « pouvoir partir à la retraite quand on veut, même après 65 ans », contre 37 % pour qui « l'âge de la retraite doit être imposé pour tout le monde ». Les plus âgés sont les plus convaincus par la retraite à la carte. * 67 % des personnes interrogées ne font "pas confiance à notre système actuel pour assurer correctement les retraites des générations qui viennent", contre 29 % qui lui font confiance. * Parmi ceux qui ne lui font pas confiance, 51 % estiment qu'il faut «compléter le système actuel en faisant de plus en plus appel au privé », contre 38 % qui pensent qu'il « faut conserver le système actuel, en demandant aux Français des efforts supplémentaires », Il % sans opinion. * S'agissant des différences entre public et privé, 64 % estiment qu' «il faudrait que les conditions de départ à la retraite soient les mêmes pour tous », contre 33 % qui préfèrent « maintenir les différences entre les retraites des deux secteurs, au nom des particularités des métiers ».
2005 : enquête "intentions de départ à la retraite" * Pour les salariés du régime général âgés de 54 à 59 ans, l'âge de 60 ans continue à concentrer largement les souhaits et les intentions de départ en retraite. Ils ne seraient ainsi que 10 % à souhaiter « dans l'idéal» partir après 60 ans, et environ 18 % à en exprimer l'intention à l'énoncé des différentes contraintes susceptibles de peser sur leur décision de liquidation.
185
Il Y a huit ans: 2000, quatre enquêtes a) SOFRES/Notre Temps * Les Français n'ont aucune idée du montant de leur future retraite. 14 % seulement déclarent savoir «très précisément» ou «assez précisément» ce qu'ils toucheront personnellement par mois comme pension lorsqu'ils seront à la retraite. 60 % affirment qu'ils ne le savent pas, dont 46 % « pas du tout». [... ] * Plus de 83 % des salariés ne savent absolument pas pourquoi ils cotisent ni combien ils toucheront plus tard. [... ] * 79 % des Français déclarent ainsi qu'ils sont favorables à ce que l'on aligne la durée de cotisation des fonctionnaires sur celles des salariés du privé, c'est-à-dire 40 ans. La résistance est plus forte chez les fonctionnaires euxmêmes, mais elle reste majoritaire: 60 % contre 40 %. b) SOFRES/Libération * 75 % des Français estiment qu' « il faut aligner la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé, c'est-àdire 40 ans, car c'est une question d'équité entre les salariés» contre * 23 % qui considèrent qu' « il ne faut pas allonger la durée de cotisation retraite des fonctionnaires, car cela compense certains désavantages de leur statut» ; * Apparemment des résultats proches ou identiques, mais on note que la résistance des fonctionnaires est plus forte: 53 % choisissent la première réponse, 45 % la seconde. c) SOFRES/CFE-CGC 84 % des salariés souhaitent partir à l'âge prévu de départ en retraite et percevoir une pension normale. 14 % seulement choisiraient de partir quelques années plus tard et toucher une pension plus élevée. d) SOFRES/Notre Temps Pratiquement 1 salarié sur 2 (46 % des salariés du public et 48 % de ceux du privé) préférerait prendre sa retraite quelques années plus tôt et toucher une pension moins importante.
186
ANNEXEB ENGAGEMENTS DES SYSTEMES DE RETRAITE: COMPARAISON ENTRE DIVERS PAYS Engagements implicites des systèmes de retraite de divers pays selon trois études (en % du PIB) Van der Noord et Herd (1993)
Chand et Jaeger (1996)
Kune (1996) Forte Indexation
Faible Indexation
75
Belgique
-
-
101
Canada
121
94
-
-
117
87
Danemark France
216
265
112
83
Grèce
-
-
245
185
-
-
78
55
Italie
242
357
207
157
Japon
162
166
-
-
-
-
219
156
-
144 128
103 93
129
93
131
-
-
117 106
92
68
États-Unis
156 113
-
-
Allemagne (de l'ouest)
157
221
186
138
Irlande
Luxembourg Pays-Bas Portugal Espagne Suède Royaume-Uni
Source: Holzmann et al. (2004), repris dans le dossier INSEE, loc.cit.
187
ANNEXEC L 'EPARGNE SALARIALE QUAND LE FISC ET LE DROIT DU TRAVAIL NOUS DISENT COMMENT EPARGNER (d'après DREES, Etudes et Résultats nO 516, septembre 2006)
Plan d'épargne d'entreprise (PEE), mis en place dans une entreprise ou un groupe d'entreprises, les sommes sont bloquées pendant cinq ans. Il peut accueillir des actions de l'entreprise, des fonds diversifiés, des fonds d'actionnariat salarié. La sortie se fait en capital. Les sommes sont exonérées de charges sociales (sauf CSG-CRDS) ainsi que de 1'IRPP. Contrats à prestations définies : l'employeur s'engage à garantir au salarié présent dans l'entreprise, au moment de son départ en retraite, un niveau de prestation déterminé, fixé par référence au dernier salaire versé. Contrats à cotisations définies: l'entreprise s'engage visà-vis du salarié sur un niveau de financement. Le montant de la retraite est déterminé en fonction des cotisations versées, des produits financiers et des tables de mortalités utilisés. Plan d'épargne retraite populaire (PERP) : contrat d'assurance, souscrit de façon individuelle et facultative, accessible à toute personne quelle que soit sa situation professionnelle. Les cotisations versées au titre du PERP bénéficient à l'entrée d'une déduction fiscale dans la limite de 10 % des revenus professionnels nets, cette épargne est reversée sous forme de rente viagère, en complément de la retraite, les rentes étant imposées au titre de l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que les pensions servies par les régimes obligatoires (après abattements de 10 et 20 %). Plan d'épargne retraite collectif (PERCO) : il remplace le Plan Partenarial d'Epargne Salariale Volontaire (PPESV) dont le dispositif est amené à disparaître. Il doit être institué dans toute entreprise par accord collectif. Il permet au salarié de se constituer une épargne, accessible au moment de la retraite sous forme de rente ou, si l'accord collectif le prévoit, sous forme de capital. Le PERCO est un produit retraite proposant la possibilité de sortie en capital ou en rente viagère au moment du départ en retraite. Si le salarié opte pour la rente viagère, celle-ci bénéficie
188
de la fiscalité des rentes à titre onéreux (ex: fraction imposable de la rente égale à 40 % à l'âge de 60 ans), plus intéressante que celle applicable aux rentes issues du PERP. Inversement, les cotisations ne sont pas déductibles du revenu alors que pour le PERP ils le sont dans une certaine mesure. Les versements volontaires du salarié (hors sommes issues de la participation) peuvent s'élever à 25 % de sa rémunération. Plan d'épargne retraite d'entreprise (PERE) : contrat d'assurance retraite de salarié à adhésion obligatoire sur lequel des versements facultatifs du salarié sont autorisés. Il bénéficie ainsi de déductions fiscales complémentaires à celles des cotisations obligatoires. C'est en fait une extension facultative du contrat retraite « Article 83 ». L'employeur contribue le plus souvent au financement de ces régimes. Contrats « MADELIN» : la loi nO 94-126 du Il février 1994, dite « loi MADELIN », permet à l'entrepreneur individuel dans le cadre d'un contrat d'assurance de bénéficier d'une déduction fiscale sur les cotisations qu'il verse, afin de se constituer une retraite complémentaire. Contrats « exploitants agricoles» : institués par l'article 55 de la loi du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines et destinés à compléter les prestations du régime obligatoire en matière de retraite des travailleurs non salariés des professions agricoles, ces contrats d'assurances de groupe à adhésion individuelle ont pour objet le versement d'une retraite complémentaire sous forme de rente viagère. Les cotisations versées par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole sont déductibles dans une certaine limite du bénéfice imposable. Autres contrats de retraite à prestations ou à cotisations définies • Contrats relevant de l'art. 39 du C.G.I : contrats à prestations définies désignés ainsi d'après l'article du Code général des impôts spécifiant leur régime fiscal (exonération de la CSG et CRDS). Ces contrats sont souscrits par les entreprises et ne peuvent être individualisés. • Contrats relevant de l'art. 83 du C.G.I : contrats à cotisations définies désignés ainsi d'après l'article du Code général des impôts spécifiant leur régime fiscal: les cotisations versées ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu ni aux charges sociales. La sortie ne s'effectue que sous forme de rente viagère.
189
1. La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement autorise, dans son article 35, une sortie en capital pour les retraités détenteurs d'un PERP et désireux d'acquérir, en primo accession, une résidence principale. http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er518/er518.pdf
190 ANNEXED AS SURANCES-VIE ET CAPITALISATIüN EN FRANCE
Cotisations versées (2006) en milliards d'euros Variation (2005-2006) en 0/0 Assurances vie et capitalisation
132,8
17,2
Assurances vie dont: - contrats à adhésion individuelle - contrats collectifs
127,3
17,4
120,4 6,9
17,8
5,5
13,1
Bons de capitalisation
11,0
Source: Fédération Française des Sociétés d'Assurances.
A ces données qui concernent les assurances-vie et les bons de capitalisation il faudrait ajouter les assurances mixtes, qui couvrent en même temps les risques vieillesse,maladie et décès. Le montant de ces contrats était de 21,9 milliards d'euros en 2006.
191
ANNEXEE RENDEMENTS DES PLACEMENTS EN CAPITALISATION
Le graphique suivant a l'avantage d'embrasser une très longue période: 1802-2001. Il relate le sort d'un placement d'une durée de 45 ans, le premier allant de 1802 à 1847, le dernier de 1956 à 2001. La courbe bleue est « historique» elle indique (en pourcentage du nombre d'années total) le nombre d'années où le taux de rendement a été entre 0 et l,let 2, etc. Le taux de rendement le plus fréquent a été de 7 à 8 %, il a été observé dans 30 % des années considérées, soit 60 années sur deux siècles. Il n'y a que 5 % des années (4 ans environ) où le taux est descendu en dessous de 4 % . On peut comparer cette courbe « historique» avec celle que donne une simulation fondée sur une distribution « au hasard» des performances d'un placement. On voit que cette dernière est nettement moins élevée. Ce travail a été publié par la Banque Fédérale de Saint-Louis.
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15 e,'o
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0-1
1-2
2-3
3-4
4-5
5-6
6-7
7-8
8-9
9-10
10-11
11-12
12-13
13-14
14-15
Real Annual Retum (percentage) Note: Historic3l retums based on arithmetic mean rennn for 45-yearholding periods, 1802-2001. Simulated retl.l1llS are based on I~OOO instance random number generation \vith historical single-year mean rett.Ull and standard deviation_
192
ANNEXEF RENDEMENTS EN REPARTITION ET EN CAPITALISATION 6CO~o
=S&P 500 çtock mexonlYlCI CI a 60-40 stock.bond
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Ce graphique montre l'écart qu'il peut y avoir entre les rendements en répartition (qui vont servir de base de calcul, c'est donc la ligne à 0 %) et les rendements en capitalisation avec un portefeuille «mixte» (60 % en actions - 40 % en obligations) (ligne pointillée bleue) et avec un portefeuille d'actions (ligne rouge). Il s'agit de portefeuilles placés sur 41 ans. Le rendement des actions est calculé d'après l'indice Standard & Pool (500 titres). On voit que le portefeuille mixte peut aller (1999) jusqu'à doubler la mise, tandis que les actions multiplient la mise d'un coefficient compris entre 2 (1974) et 5 (1999). Le tableau suivant concerne les rendements de deux portefeuilles de fonds de réserve: l'un totalement constitué d'actions, l'autre comprenant 6 % d'actions et 40 % d'obligations. Il indique le multiple de ces rendements par rapport à ceux de la Social Security (en répartition). On lit par exemple à la première ligne qu'un portefeuille a rapporté 260 % , l'autre 139 % de ce qu'aurait rapporté la retraite en répartition.
~
193 Stocks Only
40 Percent Bonds
Average
2.60
1.39
Minimum
1.19
.80
25th percentile
2.15
1.13
50th percentile
2.51
1.41
75th percentile
2.96
1.64
Maximum
5.12
2.13
Source: Congressional Research Service, "Social Security Reform: The Effect of Economie Variability on Individual Accounts and Their Annuities," February 28, 2002.
194
ANNEXEG GARY BECKER: UN CHANGEMENT DE SOCIETE
Professeur à Chicago University, Prix Nobel d'Economie en 1992, Docteur Honoris Causa de l'Université d'Aix Marseille III, Gary BECKER a participé le 10 décembre 1997 à une réunion publique organisée à Paris par l'ALEPS (Association pour la Liberté Economique et le Progrès Social) et l'Association SOS Retraites Médecins. Voici un passage de son allocution. Tous les points techniques [de la transition] peuvent être aménagés, mais le plus important n'est pas là. Il réside dans le fait que certains tournants décisifs vont devoir être pris pour réussir la capitalisation.
- C'est un retour au travail: plus de gens seront actifs et le seront plus longtemps. Aujourd'hui, on est dans une société où le capital humain est gaspillé, on se prive de compétences, et on stérilise l'investissement en capital humain fort coûteux réalisé au cours des périodes précédentes. Cela suppose évidemment que les pouvoirs politiques cessent d'intervenir sur le marché du travail, et lui rendent la liberté et la souplesse nécessaires. C'est donc non seulement un retour au travail, mais au travail qualifié et au travail libéré. - C'est un retour à l'épargne: alors que la répartition dilapide l'argent gagné, et détruit le capital humain et la richesse nationale, la capitalisation place l'argent gagné, le fructifie. Cela suppose aussi que toute fiscalité sur l'épargne soit éliminée et s'il y a une charge fiscale à assurer elle doit l'être par des impôts sur la consommation, sans toucher à l'épargne ni au patrimoine. - C'est un retour à la responsabilité personnelle: la répartition contient tous les germes de la collectivisation et aboutit à faire disparaître toute idée de progrès personnel. La capitalisation a le mérite de mettre chacun face à son propre progrès. S'il y a des individus laissés pour compte on peut prévoir un filet social à leur intention, mais ces cas doivent demeurer marginaux et il faut se garder, comme on le fait maintenant, de construire tout un système d'Etat Providence sur des hypothèses extrêmes qui ne concerneraient normalement qu'une infime minorité de la population.
195
C'est une raison essentielle, il faut laisser aux individus le soin de bâtir leurs retraites de façon volontaire et autonome, en n'utilisant le procédé de la cotisation obligatoire que pour une période transitoire et pour une part résiduelle des revenus. Le passage à la capitalisation signifie donc aussi le passage à un Etat Providence réduit à sa plus simple expression, et à une économie de liberté et de responsabilité.
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10 janvier 2007 Quatrième rapport du Conseil d'Orientation des Retraites. Retraites: questions et orientations pour 2008. 29 mars 2006 Troisième rapport du Conseil d'Orientation des Retraites. Retraites: perspectives 2020 et 2050. 03 Juin 2004 Deuxième rapport du Conseil d'Orientation des Retraites. Retraites: les réformes en France et à l'étranger; le droit à l'information. 06 Décembre 2001 Premier rapport du Conseil d'Orientation des Retraites. Retraites : renouveler le contrat social entre les générations.
SOMMAIRE Préface Avertissement au lecteur
Chapitre 1 - LA FAILLITE
Il
1. 1. 1.2. 1. 3. 1. 4. 1.5. 1. 6.
13 14 16 19 21
1. 7. 1. 8. 1.9. 1.10.
Tous les retraités sont-ils soumis au même régime? Plus de retraités, moins de cotisants Mais où sont passés les cotisants? Quelle retraite comptez-vous toucher? En avez-vous pour votre argent? La Sécurité Sociale pourra-t-elle payer ce que vous pensez qu'elle vous doit? Les retraites liées au sort global de la Sécurité Sociale Les retraites liées au sort de la fiscalité Les retraites liées au sort de la croissance La faillite: une mauvaise surprise? - Le choix d'un système de répartition - Un système nécessairement obligatoire - Pouvait-on échapper au monopole public? - La faillite annoncée
Annexes du Chapitre 1 A. Les régimes de retraite en France B. Déséquilibre Cotisants / Retraités - Facteurs démographiques et économiques C. Age légal de la retraite en Europe D. Calcul du montant des retraites (régime général) E. Les principaux rapports publiés par la Documentation française F. Les contribuables au secours des retraités G. Les dates marquantes de l'histoire des retraites en France
24 27 28 30 32 32 33 34 36 39
40 41 42 44 47 49 50
206 Chapitre II - LA VÉRITÉ
53
II.1. Salaire brut? Salaire net? Salaire disponible? Salaire complet? II.2. Le salaire complet: la vraie valeur du travail II.3. L'opacité du système II.4. Une comptabilité introuvable II.5. Des acteurs dans leurs rôles
54 57 60 63 66
Annexes du chapitre II A. B. C. D. E.
La feuille de paie du salaire complet Analyse économique du salaire complet Commentaire sur l'histoire de la feuille de paie Les « vases communicants» entre régimes de retraite Les effectifs de la branche « vieillesse» et leur évolution
Chapitre III - LES FAUSSES SOLUTIONS 111.1. Peut-on mieux gérer le système? - Redistribution - Centralisation - Réglementation - Institutions - Faire des économies: est-ce possible? 111.2. Fiscaliser les ressources - Les « contributions» à vocation sociale - La TVA Sociale 111.3. Provisionner pour les retraites futures - Les trous futurs - Des provisions sont-elles possibles? 111.4. Rééquilibrer retraités et cotisants - Trop de retraités - Davantage de cotisations - Davantage de personnes en âge de travailler? - Davantage de personnes actives? - Plus de personnes employées? - Donner plus, tout en recevant moins 111.5. Passer aux retraites par points 111.6. Recours à la prévoyance
69 70 72 75 77 78
79 81 81 82 83 84 85 87 88 90 92 93 96 98 98 99 101 101 102 103 104 107
207
Annexes du Chapitre III
111
A. B.
112
C. D.
Frais de gestion du régime retraite Objectifs et réalisations de la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale (CADES) Les effets de la TVA sociale sur les échanges extérieurs Taux d'activité dans divers pays européens
113 115 116
Chapitre IV - N'AYEZ PAS PEUR!
119
IV.1. La peur du krach financier - De quoi se rassurer - La croissance financière liée à la croissance économique - Un Etat qui inquiète - Les leçons des erreurs passées
121 121
- Perseverare diabolicum IV.2. La faillite des assureurs privés - Une entreprise « modèle» - Un fonds de pension très spécial - Est-on à l'abri d'autres Enron ? IV.3. Les abus des assureurs privés IV.4. Les retraites à deux vitesses IV.5. Les exclus du système IV.6. Pourquoi ces peurs ? - La racine idéologique - Le pays des paysans, des artisans et des fonctionnaires - La tyrannie du statu quo
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Annexes du chapitre IV
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A. B. C.
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Rendements et sécurité des placements longs Les innovations financières et leurs conséquences Les Français face à l'économie de marché
Chapitre V - LE CHANGEMENT
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V.1. Les Français inquiets pour l'avenir V.2. Les autres l'ont fait: pourquoi pas nous? - Sont-ils aussi mal en point que nous?
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V.3.
V.4.
V.5.
V.6.
- Sont-ils aussi imprudents que nous? - La mosaïque des retraites: réformes et politique - L'alternative: concurrence ou harmonisation? Les Français aussi découvrent la capitalisation - Les capitalisations discrètes - Les capitalisations classiques La capitalisation: un pari gagnant - Le capital perdu - Les rendements réels comparés La vraie nature de la capitalisation - Le choix des entreprises - La responsabilité personnelle Triste héritage et grand espoir - Le changement par décret. - Le sort des assurés actuels - Le temps c'est de l'argent
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Annexes du chapitre V A. Le futur des retraites vu par les Français (quelques récents sondages) B. Engagements des systèmes de retraite: comparaison entre divers pays C. L'épargne salariale D. Assurances-vie et capitalisation en France E. Rendements des placements en capitalisation F. Rendement en répartition et en capitalisation G. Gary BECKER: un changement de société
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Bibliographie
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Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie BARNÉOUD B.P. 44 - 53960 BONCHAMP-LÈS-LAVAL Dépôt légal: mai 2008 - N° d'imprimeur: 804148 Imprimé en France