EMIL-M. CLAASSEN
ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE
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EMIL-M. CLAASSEN
ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE
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• • PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE
ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE
DU M~ME AUTEUR
Le rôle de la liquidité dans les décisions microéconomiques et la polyvalence du taux de l'intérêt, Revue d'Economie politique, LXXIV, pp. 492-496. Die Liquiditiitstheorie der Zinsstruktur, Jahrbücher für Nationalokonomie und Statistik, CLXXVII, 1965, pp. 201-240. La neutralité de la monnaie : quelques aspects théoriques, Cahiers du Séminaire d'Econométrie, nO 7, 1965, pp. III-16o. Théorie des actifs non humains et revenu permanent, dans Une contribution à la théorie du revenu permanent, ouvrage publié par D. PILIsr et autres, Paris, Presses Universitaires de France, 1965, pp. 145-176. Jacques Rueff comme philosophe des sciences et La loi de Rueff: une confirmation par la théorie de l'équilibre global du type keynésien, dans Lesfondements philosophiques des systèmes économiques, Textes de Jacques RUEFF et essais rédigés en son honneur, Textes et essais rassemblés et publiés sous la direction de E.-M. CLAASSEN, Paris, Payot, 1967, pp. 37-62 et 258-270. Le multiplicateur de la création de monnaie, Economia Internazionale, XX, 1967, pp. 599-630, XXI, 1968, pp. 199-211 et 436-462. Monnaie, revenu national et prix, Paris, Dunod, 1968. Stock-Flow Decisions and Full Equilibrium, Kyklos, XXII, 1969, pp. 84-92. Probleme der Geldtheorie, Enzyklopadie der Rechts- und Staatswissenschaften, Berlin, Heidelberg et New York, Springer-Verlag, 1970.
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5UP « L'ÉCONOMISTE» Section dirigée par Pierre TABATONI
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE par
EMIL-M. CLAASSEN
PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, Boulevard Saint-Germain, Paris I97°
Dépôt légal. - Ire édition: 4" trimestre 1970 Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays © 1970, Presses Universitaires de France
CHAPITRE PREMIER
DEUX VUES DIFFÉRENTES SUR LA MONNAIE Nous admettons sans difficulté l'idée que dans une économie caractérisée par un réseau diversifié de créances et de dettes et par une multiplicité d'institutions financières, l'influence de la monnaie doit différer de ce qu'elle peut être dans un monde qui ne connaît pas une telle variété d'actifs financiers et d'institutions : « Dans un monde de banques et de compagnies d'assurance, de marchés monétaires et bourses, la monnaie est une chose tout à fait différente de ce qu'elle était avant que ces institutions ne se constituent. Cette évolution (des actifs financiers et des institutions financières) s'est poursuivie depuis le temps de Ricardo (son origine remonte évidemment beaucoup plus loin) provoquant, au cours du temps, une révolution radicale de la théorie monétaire » Cr).
Mais est-ce vraiment l'expression d'une nécessité logique ? Nous avons énoncé ici une proposition a priori qui semble se comprendre à première vue et n'avoir pas, ainsi, besoin de raisonnements approfondis. Cependant, rappelons-nous que cette proposition n'entre que (I)
J. R.
HICKS [I967], p. 158.
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dans une catégorie particulière de théories monétaires, à savoir celles selon lesquelles l'influence spécifique de la monnaie sur l'économie dépend, entre autres choses, des actifs financiers et des institutions financières existant dans chaque cas particulier. Cette « opinion» est, par exemple, celle du rapport Radcliffe [1959] (1), à la suite duquel toute une série d'études ont été élaborées, qui constatent que l'économie n'est pas tant influencée par la quantité de monnaie que par l'état de liquidité. En face de cette catégorie de théories il y a au demeurant un autre type d'analyse monétaire qui confirme la vue « orthodoxe » selon laquelle seule la quantité de monnaie parmi la multiplicité des actifs financiers doit être considérée comme la variable décisive, capable d'influencer l'économie. Ainsi, nous sommes en présence de deux propositions diamétralement opposées décrivant l'influence de la monnaie : l'une (rapport Radcliffe et ses partisans) ne voit l'influence de la monnaie qu'en liaison étroite avec l'influence d'autres actifs financiers; l'autre (( monétaristes orthodoxes ») met l'accent sur la quantité de monnaie et accorde peu d'attention à l'influence des autres variables financières. Pour mieux pouvoir comprendre les positions actuelles, tant celle des théoriciens dits orthodoxes que celle des théoriciens « modernes » Cà la Radcliffe), il est opportun de reprendre d'abord un peu l'histoire de la théorie monétaire, à savoir: 1° La controverse entre la CurrencySchool et la Banking-School; et 2° L'évolution des deux optiques opposées sur la monnaie, issues de ces deux écoles, pendant la période de 1850 à 1950. Nous verrons ensuite que 3° Les arguments employés aujourd'hui dans l'expression des vues en conflit sur la monnaie sont différents dans la forme, mais, dans leur substance, (r) Les dates entre crochets renvoient aux Bibliographies placées à la fin de chaque chapitre.
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comparables à ceux des théoriciens de la Currency-School, d'une part, et de la Banking-School, d'autre part (1). 1. LA CONTROVERSE ENTRE LA CURRENCY-SCHOOL ET LA BANKING-SCHOOL : MONNAIE CONTRE CRÉDIT
Présentons d'abord les acteurs principaux de ces deux écoles. Sur chaque bord, il y a trois personnalités. Du côté de la Currency-School sont à mentionner : Samuel Loyd (1796-1883), devenu plus tard Lord Overstone, qui était copropriétaire de la banque Jones, Loyd and Co., devenue aujourd'hui la Westminster Bank; le colonel Robert Torrens (1780-1864) qui avait acquis une grande réputation comme officier pendant les guerres napoléoniennes, mais aussi comme économiste après avoir quitté la marine britannique pour entrer dans la carrière politique; Georges Warde Norman, président de la Banque d'Angleterre et ancêtre des gouverneurs des Banques centrales du xxe siècle. Les représentants principaux de la Banking-School sont : Thomas Tooke (1774-1858), pionnier de l'analyse statistique; John Fullarton (mort en 1849), chirurgien, qui a gagné une fortune comme banquier aux Indes, l'a perdue ensuite, puis s'est tourné vers la théorie; et finalement le fils de James Mill, John Stuart Mill, philosophe et économiste qui n'a guère besoin d'être présenté. Avant de présenter les différentes vues de ces deux groupes relatives à la monnaie, il faudra d'abord caractériser brièvement le système monétaire anglais de cette époque. Comme moyens de paiement circulaient des pièces d'or, des billets de la Banque d'Angleterre et des billets des banques commerciales situées en dehors de Londres (dont l'émission a été fortement restreinte après 1848 Cr) Dans ce qui suit ici, nous nous référons principalement à l'étude de A. B. CRAMP [r96z].
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et qui a disparu par la suite); les dépôts à vue et les opérations par chèques n'ont guère été utilisés pendant la première moitié du XIXe siècle. Par contre, des « promesses de paiement » étaient très répandues; tantôt elles revêtaient la forme d'effets de commerce, tantôt elles étaient inscrites dans les livres (crédits de commerce). Tooke estimait que le volume des effets de commerce circulants était quatre fois plus important que celui des billets et des pièces en circulation (1). Enfin, la principale préoccupation de la politique économique était, ce qui est actuellement plus exceptionnel, le maintien de la parité extérieure de la monnaie et, par là, celui de l'étalonor. Une variation du niveau des prix (et de l'activité économique) n'était importante que dans la mesure où elle avait principalement des répercussions sur le taux de change; les crises de liquidité des années 1825, 1836, 1847, 1857, 1886 n'étaient pas tellement dangereuses du fait qu'elles provoquaient un problème d'emploi, mais surtout parce qu'elles mettaient en péril la valeur externe de la monnaie. Les partisans du Currency-principe envisageaient le problème de l'influence de la monnaie sur l'économie dans le cadre de la théorie quantitative. Dans leur opinion, un flux d'or vers l'étranger et un affaiblissement de la livre sterling étaient souvent une conséquence de la hausse des prix intérieurs qui menait à une diminution des exportations et à une augmentation des importations. Pour rendre la balance des paiements plus « favorable », il fallait stabiliser ou même réduire les prix intérieurs. Le moyen en était une contraction de la masse monétaire (2). Incontestablement, il s'agit ici d'une relation nette (r) T. TOOKB [r844j, p. 26. (2) Certes, dans certains cas il suffisait d'une variation du taux d'es-
compte. Celle-ci influençait les mouvements internationaux de capitaux et, par là, pouvait « améliorer" la balance des paiements.
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entre la quantité de monnaie et les prix selon les conceptions de la théorie quantitative. L'explication de la transmission d'une variation de la masse monétaire sur les prix, c'est-à-dire la chaîne de causalité entre la variation de la masse monétaire et la variation des prix qui en résulte « finalement », a été perçue par la Currency-School en application des règles de la théorie monétaire la plus « classique » : augmentation de la masse monétaire, augmentation des encaisses, augmentation des dépenses, (hypothèse du plein-emploi), hausse des prix. Le comportement relatif aux « encaisses désirées » (1' « effet d'encaisses réelles ») est un élément introduit pour l'essentiel par les néo-classiques dans la chaîne causale : augmentation de la masse monétaire, augmentation des encaisses, excédent éventuel des encaisses effectives sur les encaisses désirées, augmentation des dépenses, (hypothèse du pleinemploi), hausse des prix. Ce n'est que « plus tard », sensiblement à partir de Wicksell ou de Keynes, que l'on y ajoute en la soulignant une liaison « indirecte » entre la variation de la masse monétaire et la variation des prix : augmentation de la masse monétaire, augmentation des encaisses, excédent éventuel des encaisses effectives sur les encaisses désirées, baisse du taux d'intérêt monétaire, augmentation des dépenses, (hypothèse du plein-emploi), hausse des prix. Le fait. que les théoriciens de la Currency-School adhéraient à la version « classique » de la théorie quantitative n'était pas le critère principal qui les distinguait des théoriciens de la Banking-School. Le blocage de la sortie de l'or à l'étranger devait être réalisé par une contraction de la masse monétaire. Mais en quoi consistait cette masse monétaire ? Quels étaient les actifs monétaires dont la quantité devait être diminuée ? C'est dans la recherche d'une discrimination entre les actifs qui influencent les prix et ceux qui ne les influencent pas, que le point litigieux apparaissait entre les deux écoles.
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La réponse de la Currency-School était bien nette : il s'agissait de réduire la quantité de pièces d'or et de billets de la Banque d'Angleterre. Pour elle, la monnaie ne consistait pas en autre chose. Ainsi, Sir Robert Peel déclarait au cours du débat aux Communes sur le Bank Act en 1844 : « ... Lorsque j'emploie le terme « monnaie », je désigne par là les pièces du royaume et les billets qui sont à payer à l'ordre du porteur. Lorsque j'emploie le terme « monnaie fiduciaire ", je comprends par là seulement ces billets. Il ne faut y inclure ni les lettres de change, ni les mandats bancaires, ni d'autres formes de crédit-papier. A mon avis, il y a une différence fondamentale entre les billets qui sont payables à l'ordre du porteur et les autres formes de crédit-papier; les effets que les uns et les autres exercent sur les prix et les taux de change sont complètement différents " (r).
Le fait que les théoriciens de la Currency-School ne reconnaissaient que les pièces de monnaie et les billets de la Banque d'Angleterre (<< les billets payables à l'ordre du porteur ») comme de la monnaie et qu'ils excluaient les billets des autres banques et les dépôts à vue dans leur concept de monnaie, pourrait étonner les « monétaristes » modernes. Cependant, la Currency-School avait des raisons spécifiques pour cela. D'une part, les théoriciens du Currency-principe étaient convaincus que les billets des banques commerciales situées en dehors de Londres ne pouvaient être créés que contre une couverture en billets de la Banque d'Angleterre. Ainsi, une variation de la quantité de monnaie de la Banque centrale induisait une variation de la quantité de billets des banques provinciales dans le même sens. Vers l'année 1830, à la suite des enquêtes statistiques, les premiers doutes surgissent sur le point de savoir si la proportionnalité étroite conçue par les théori(r) Cité par T. TOOKE [r838-1857], t. IV, p. r54.
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ciens correspondait effectivement à la réalité. D'autre part, en ce qui concerne la création des dépôts à vue par les banques, ces dépôts à vue ne constituaient qu'une part minime du volume total de « monnaie )J. De plus, la plupart des théoriciens de la Currency-School concevaient la création des dépôts à vue de telle manière que seul un dépôt de pièces d'or ou de billets de la Banque d'Angleterre pouvait entraîner une création de monnaie scripturale; par là, une variation de la quantité de monnaie de la Banque centrale devait impliquer une variation de dépôts à vue créés par les banques. En raison du fait que les adhérents de la CurrencySchool voyaient une corrélation parfaite entre l'évolution de la quantité de pièces et de billets de la Banque d'Angleterre, d'une part, et celle de la quantité de billets des banques provinciales et de monnaie scripturale, d'autre part, ils pouvaient délimiter légitimement le concept de monnaie réellement important pour la politique monétaire, en le faisant correspondre seulement aux pièces de monnaie et aux billets de la Banque d'Angleterre : les prix dépendaient du volume de dépenses; les dépenses étaient influencées par la masse monétaire ; la masse monétaire consistait en pièces d'or et en billets de la Banque d'Angleterre qui, de leur côté, déterminaient la quantité de billets des banques provinciales et celle de dépôts à vue. Or, précisément, c'était la limitation stricte du concept de monnaie aux pièces de monnaie et aux billets de la Banque d'Angleterre que les théoriciens de la BankingSchool reprochaient aux théoriciens de la CurrencySchool. Pourquoi fallait-il tracer justement là la ligne de séparation entre monnaie et non-monnaie? D'autres formes de crédit qui étaient des substituts excellents des billets bancaires dans le circuit de paiements, ne pouvaientelles pas être comptées comme monnaie? Ainsi, par exemple, les effets de commerce qui étaient largement répandus dans la circulation des moyens de paiements.
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Ils étaient souvent utilisés pour des paiements au lieu de billets bancaires : A achetait des biens chez B et payait avec une traite qu'il tirait sur lui-même; B escomptait la traite chez C, qui pouvait l'utiliser en tant que moyen de paiement de ses dettes vis-à-vis de D en la lui remettant; D pouvait l'utiliser de la même façon ou pour l'achat de marchandises; finalement, X ou Y pouvait présenter la traite à A ou à sa banque pour obtenir des billets. Déjà en 1802, Henry Thornton parlait des effets de commerce « comme une partie des moyens de paiements circulant dans le royaume » (il les désignait parfois aussi de auxiliary media) (1). L'économiste et statisticien Thomas Tooke qui chiffrait la circulation des effets de commerce à un montant quatre fois plus grand que celui des pièces et des billets, écrivait en 1844 au sujet des différentes formes de moyens de paiement employés en Angleterre : « La plus grande partie des transactions de gros sont réglées par des octrois de crédits et des endettements dont les effets de commerce figurent comme la preuve écrite... comme les paiements courants pour ce que l'on appelle généralement des achats au comptant sont effectués par chèque dans la plupart des cas, les paiements en espèces ne nécessitent qu'un montant minime de billets de banque par rapport au règlement de la masse importante des transactions » (2).
Au lieu de parler d'une vitesse de circulation de la monnaie, on aurait pu parler, en ce temps-là, aussi d'une vitesse de circulation des effets de commerce. Le fait que la plus grande partie des transactions étaient effectuées par l'intermédiaire des effets de commerce et des crédits commerciaux, ne constituait pas la seule arme dont la Banking-School disposait pour contester le concept de monnaie très étroit de la Currency-School. Egalement en ce qui concerne la conception théorique de la déter(r) H. THORNTON [r802], p. (2) T. TOOKE [r844], p. 33.
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mination du niveau général des prix, ils s'écartaient de leurs collègues de l'école adverse : les prix dépendent du volume de dépenses et les dépenses peuvent être financées aussi bien par la monnaie que par le crédit (effets de commerce, crédits commerciaux). Ainsi, John Stuart Mill écrit dans le second tome de ses Principes d'économie politt"que : « On a agité beaucoup la question de savoir si quelques-unes de ces formes de crédits... pouvaient être considérées comme de la monnaie. La question débouche sur une querelle de mots qui ne vaut pas la peine d'être mentionnée... Il est tout à fait évident que les prix ne sont pas influencés par la monnaie mais par les achats... Or, le crédit qui est utilisé pour l'achat de marchandises influence les prix de la même manière que la monnaie » (1).
Dans le même sens Mill avait aussi essayé d'expliquer les crises économiques de son temps. Durant l'expansion conjoncturelle les achats étaient principalement financés par une augmentation des crédits. Une augmentation de la masse monétaire n'était pas nécessaire. La surchauffe conjoncturelle ne pouvait pas être arrêtée par une contraction de la quantité de monnaie puisque les effets de commerce étaient les principaux moyens de financement utilisés. Le renversement de la conjoncture commençait au moment où soudainement apparaissait la demande de remboursement massif des crédits en pièces de monnaie et en billets bancaires. Par conséquent, les individus et les banques éprouvaient des difficultés de paiement telles qu'un certain nombre de banques faisaient faillite. Par ailleurs, pour éviter ces crises de liquidité, Mill proposait non pas une politique monétaire fondée sur des règles purement mécaniques de régulations de la masse monétaire (comme, par exemple, Ricardo - également un défenseur du Currency-principe - le postulait avec le gald bullion standard), mais une politique qui devait être (1)
J. St. MILL [1871], t. II (nouveau tirage, Londres,
1904), p. 326.
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« active» en ce sens qu'elle avait à s'adapter aux nécessités
du moment et qu'elle impliquait le contrôle non seulement de la quantité de monnaie, mais aussi du volume des substituts proches de la monnaie. En quoi consistait alors le moyen de défense de la Currency-School ? Comme nous le savons déjà, elle admettait qu'il existait une proportionnalité directe et étroite entre les variations de la quantité de monnaie (pièces de monnaie, billets de la Banque d'Angleterre) et les variations de la quantité de billets des banques provinciales et de dépôts à vue des banques commerciales. Or, cette proportionnalité a été postulée également pour les effets de commerce et les crédits scripturaux: plus une économie dispose de monnaie, plus on peut accorder de crédits. Cependant, Mill objecte à cela : « Il peut être vrai que dans la même mesure qu'il y a plus ou moins de billets de banque, il y a aussi généralement••• plus ou moins de crédits sous d'autres formes; car la même situation de fait qui mène à une augmentation du crédit dans une forme, mène égaIement à son augmentation sous d'autres formes. Mais, nous ne voyons aucune justification pour l'hypothèse que l'un est la cause de l'autre » (1).
Ainsi, la différence entre les conceptions des deux écoles se réduit, en fin de compte, à l'affirmation ou à la négation empirique d'une proportionnalité précise entre la quantité de monnaie et la quantité de substituts de monnaie. Pour les théoriciens du Currency-principe, une régulation de la masse monétaire (dans le sens des pièces et billets de banque) est suffisante pour influencer la demande effective, et, par là, les prix; par ailleurs, cette régulation affecterait le volume d'auxiliary media dans la même proportion. Par contre, les théoriciens du Banking-principe exigent une politique monétaire beaucoup plus différenciée (1)
J. St.
MILL
[1871], t. II (nouveau tirage, Londres, 1904), p. 327.
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qui doit exercer un contrôle direct aussi bien de la quantité de monnaie que du volume de crédit (c'est-à-dire de la quantité de near monies, comme on dirait aujourd'hui). La divergence d'opinions entre les deux écoles se situe, ainsi, au niveau de deux concepts de monnaie différents ou, autrement dit, se localise sur la question de savoir dans quelle mesure une proportionnalité existe entre les moyens de paiement généralement acceptés et d'autres actifs financiers qui exercent cette fonction de monnaie « à peu près ». On doit admettre le bien-fondé de la Banking-School dans la mesure où, dans ce temps-là, les effets de commerce (à côté des billets des banques provinciales et des dépôts à vue) circulaient pour une bonne part en tant que moyens de paiement et où les crédits commerciaux (dans le sens de crédits scripturaux) servaient au financement d'achats. Il faut porter à l'avantage de la Currency-School le fait qu'elle considérait ses crédits seulement comme des promesses de paiement; ils étaient acceptés pour la simple raison que l'on avait confiance dans la transformation, possible à tout moment, des promesses de paiement en moyens de paiements effectifs (billets de la Banque d'Angleterre); en conséquence, les bénéficiaires de crédit devraient maintenir une certaine relation entre les promesses de paiement accordées et leur solvabilité, s'ils ne voulaient pas s'exposer au danger de la faillite; d'ailleurs, comme Mill l'admettait pour son explication des crises de liquidité, ce danger devenait pressant lorsque les prêteurs exigeaient brusquement le remboursement des crédits accordés en moyens de paiement effectifs et ultimes. 2. L'APAISEMENT DE LA CONTROVERSE:
1850-1950
En 1844, les théoriciens de la Currency-School remportaient la victoire politique aux Communes par l'adoption du Bank Act de Peel qui constituait le fondement du
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système monétaire anglais pour les soixante-dix années à venir. L'étalon-or qui avait été rétabli en 1821 (l'Angleterre s'en était détournée depuis 1797 en raison des guerres napoléoniennes et de l'inflation de guerre consécutive) et qui garantissait la convertibilité des billets en or, était cette fois renforcé. Les billets étaient non seulement convertibles, mais devaient même être couverts à 100 % en or - à l'exception d'une petite quantité de billets qui devait être couverte par des titres d'Etat et qui représentait le minimum de moyens de paiement dont le circuit des transactions avait absolument besoin et qui, par conséquent, ne risquaient jamais d'être convertis en or. De plus, le privilège de l'émission de billets a été retiré aux banques provinciales après une certaine période de transition. Ainsi, il ne restait qu'une seule institution, le Issue-Department de la Banque d'Angleterre (un organisme privé dont les statuts étaient prescrits par l'Etat) qui exerçait le monopole de la création de moyens de paiement légaux (pièces d'or, billets) (1). L'acte législatif de 1844 instaurant le nouveau système monétaire s'était laissé inspirer nettement par les idées de la CurrencySchool : la monnaie consiste en des pièces d'or et des billets de la Banque d'Angleterre; le contrôle de la masse monétaire est réglé automatiquement sur la base de la couverture-or; les autres formes de monnaie comme les billets des banques provinciales sont supprimées; il est inutile de régler le volume de monnaie-crédit (c'est-à-dire la monnaie scripturale) des banques de dépôt et celui d'autres formes de crédit « proches de la monnaie » (effets de commerce, crédits commerciaux) puisque ces catégories d'actifs sont liées par une relation fixe de comportement à la quantité de moyens de paiement légaux. On assistait ainsi à ce qui était une véritable « ricardia(r) Voir F. A. LUTZ [r936], pp. 40-41.
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nisation » de la régulation monétaire. Mais le principe en a été corrompu par le Banking-Department qui a été séparé du Issue-Department de la Banque d'Angleterre. A première vue, le Banking-Department avait vocation à fonctionner comme toutes les autres banques. Mais, en réalité, il exerçait, dans une mesure limitée, une politique monétaire à la Mill. Hicks explique cette situation paradoxale du point de vue institutionnel par des considérations « officielles » visant l'opinion publique. Vis-à-vis de l'extérieur, le gouvernement devait agir comme s'il ne pouvait se rendre coupable d'aucune manipulation monétaire. Une telle action aurait semblé aux yeux de beaucoup de gens suspecte d'une concentration de pouvoirs arbitraires, qui ne pouvait être empêchée que par des « règles » strictes pour le contrôle de la masse monétaire (1). Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du nôtre la querelle entre la Currency-School et (1) Voir J. R. HICKS [1967], p. 168. Cette conception est partagée aussi aujourd'hui par un certain nombre d'économistes. A la suite d'une renaissance de la controverse entre un contrôle « automatique » de la masse monéIaire et une politique monétaire « discrétionnaire» (rules versus discrerion) ces dernières années, c'est surtout Milton Friedman qui suggère une augmentation automatique de la quantité de monnaie à un rythme plus ou moins égal au taux de croissance du produit national réel (par exemple, pour les Etats-Unis, une augmentation de la masse monétaire d'environ 4 %). Son argumentation n'est pas seulement celle d'un partisan du libéralisme, mais elle est également fondée sur des recherches statistiques détaillées. Il y constate des retards temporels considérables dans les effets d'une variation de la masse monétaire sur l'activité économique. Il chiffre ce rime lag à un quart de la durée d'un cycle conjoncturel. Ainsi, les effets monétaires ne se manifestent au plus tôt qu'après plusieurs mois, sinon, dans les cas extrêmes, après de nombreux ans. De plus, si la politique monétaire discrétionnaire est fondée sur des prévisions qui apparaissent plus tard erronées, non seulement son effet temporel sera situé loin dans le futur, mais encore elle augmentera l'instabilité de l'économie au lieu de l'atténuer. Voir, par exemple, M. FRIEDMAN [1960], pp. 84-99 et M. FRIEDMAN et A. J. SCHWARTZ [1963). Il va de soi que les résultats statistiques de Friedman ont été contestés; voir, par exemple, J. H. KAREKEN et R. M. SOLOW [1963].
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la Banking-School est tombée à peu près dans l'oubli. Plusieurs raisons en sont responsables. Les marchés monétaire et financier de Londres devenaient le centre financier dominant au monde. Quoique la stabilité externe de la monnaie anglaise demeurât au premier plan des objectifs de politique économique, les moyens de la réaliser changeaient. Auparavant, on se souciait, en cas de « déséquilibre externe », de régulariser le niveau de prix internes et l'activité économique interne au moyen d'une variation de la masse monétaire mettant la valeur externe de la livre sterling à l'abri du danger; cette régularisation devait s'effectuer automatiquement selon le mécanisme quantité d'or - quantité de monnaieprix; et le Bank Act de 1844 devait, entre autres choses, aider à la faire fonctionner parfaitement. Cependant, au cours des décennies suivantes, il apparaissait de plus en plus aisé d'opérer au moyen du mécanisme du taux d'intérêt, en raison du fait que Londres était devenu le centre financier international. La politique d'escompte n'était pas employée pour adapter l'activité économique interne à la situation externe, ce qui n'était maintenant même plus nécessaire, mais comme instrument d'action direct sur l'équilibre externe: si la balance commerciale était « défavorable » parce que, par exemple, les prix anglais étaient trop élevés, on pouvait augmenter le taux d'escompte ce qui induisait une importation de capital et, par là, une amélioration de la balance des paiements; bien sûr, la hausse du taux d'escompte pouvait entraîner aussi un effet de contraction sur l'économie du pays et ceci avant tout dans la fonction du taux d'escompte en tant que signal avertisseur (en rendant les anticipations pessimistes) (1). (1) R. S. SAYBRS [1951], pp. 13-15, cite trois raisons pour lesquelles la politique d'escompte était efficace à cette époque. 1) Les mouvements internationaux de capitaux étaient très élastiques par rapport au taux d'intérêt. 2) Une grande partie de la production d'or annuelle était échangée
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Ceci étant, le contrôle immédiat de la quantité de monnaie, qu'il soit du type Currency ou qu'il s'agisse du type Banking, n'était plus au centre des instruments de la politique monétaire. La politique d'escompte l'avait remplacé; et celle-ci ne suivait pas des règles strictes et automatiques (comme le Bank Act de Peel l'avait préconisé), mais était au contraire discrétionnaire. Elle était employée en fonction de l'état effectif ou prévisible de la balance de paiements ou, en d'autres termes, de la variation du stock d'or. Ainsi, la Dld Lady of Threadneedle Street (la Banque d'Angleterre) rapprochait la pratique de sa politique monétaire des conceptions de la BankingSchool qui se déclarait favorable à une politique monétaire active et discrétionnaire. Il y a aussi d'autres raisons qui donnaient désormais à la vieille querelle entre la Currency-School et la BankingSchool un aspect plus académique que pratique. Tout d'abord, on assistait à une diminution relative du volume d'effets de commerce; or on se souvient que la circulation de ceux-ci était un argument essentiel des théoriciens de la Banking-School. Les grandes banques anglaises ouvraient des filiales à travers tout le pays. Par là, la canalisation de fonds prêtables des régions « excédentaires » vers les régions « déficitaires » s'effectuait plutôt par l'intermédiaire de virements bancaires que par l'intermédiaire d'effets de commerce. D'autre part, l'utilisation des sur le marché d'or de Londres (l'or prenait même physiquement le chemin de Londres). La Banque d'Angleterre pouvait facilement augmenter son stock d'or directement sur place par une hausse du Bank Rate (à moins que des banques centrales continentales ne se présentent en acheteurs particulièrement agressifs). 3) Les réserves d'encaisses (qui consistaient en or et billets) détenues par les banques anglaises réagissaient fortement à une variation du taux d'escompte. Jusqu'à l'année 1890 les bilans des banques n'étaient pas rendus publics et, ainsi, les banques n'étaient pas obligées de respecter un ratio stable entre les réserves d'encaisses et leurs dettes à vue.
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dépôts à vue jouissait de plus en plus d'une grande popularité, à ce point que même ceux qui restaient fidèles au Currency-principe donnaient ici raison aux conceptions de la Banking-School en comptant les dépôts à vue créés par les banques d'affaires dans la quantité de monnaie. Un autre point litigieux disparaissait ainsi dans cette affaire (1). Certains points essentiels de la divergence d'opinion s'étant évanouis en raison des changements décrits cidessus, la controverse entre les deux conceptions de la monnaie s'apaisait. D'autre part, à partir de 1851 d'autres problèmes surgissaient qui n'auraient guère pu être expliqués par l'une ou l'autre de ces conceptions. Alors les crises de liquidité, généralement de courte durée, avaient caractérisé la première moitié du XIXe siècle, c'étaient désormais plutôt les mouvements cycliques de longue durée qui apparaissaient au premier plan (aussi bien en Angleterre que sur le continent). De 1851 à 1871 et entre 1895 et 1914 se déroulait une expansion de l'activité économique accompagnée par une hausse des prix situation qui coïncidait avec la découverte des mines d'or en Californie et en Australie et avec l'exploitation des mines d'or du Transvaal. Ces deux époques étaient séparées l'une de l'autre, entre 1873 et 1895, par une longue période de dépression et de baisse de prix qui était interrompue par quelques reprises et qui était marquée par une réduction relative de la production d'or (2). Les économistes discutaient maintenant le point de savoir (1) R. S. SAYERS, dans son article Monetary Thought and Monetary Policy in England [1960], p. 717, avance l'hypothèse que l'inclusion progressive des dépôts à vue dans la masse monétaire résulte, dans une large mesure, d'un hasard historique. A cette époque, on aurait pu croire plutôt à une « monétarisation » des effets de commerce. Ces derniers étaient utilisés beaucoup plus souvent comme moyens de paiement « provisoires » que les dépôts à vue des banques. Le fait que les dépôts à vue ont remporté finalement la victoire est dû au « développement spectaculaire du système bancaire ». (2) Voir, par exemple, C. RIST [1938], chap. VI.
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si ces phénomènes avaient des causes monétaires ou réelles. Que l'existence des substituts proches de la monnaie, la quasi-monnaie, à côté de la monnaie proprement dite, ait ou non une signification dans la théorie et la politique monétaire, c'était une question désormais tombée au second plan derrière le problème actuel de la politique monétaire pratique : fallait-il conserver le bimétallisme là où il existait encore ou fallait-il s'en débarrasser (1) ? 3.
LA RENAISSANCE DE LA CONTROVERSE MONNAIE CONTRE LIQUIDITÉ
Qu'il nous soit permis de faire maintenant le saut du XIX e siècle « d'or » aux années soixante de notre siècle. Les notes précédentes sur les différentes « visions » de la monnaie à travers l'histoire de la théorie monétaire étaient déjà assez cursives. C'est qu'une analyse approfondie du Dogmengeschichte dépasse l'objet de notre étude. Celle-ci vise simplement à mettre en relief un problème fondamental de la théorie monétaire, celui de la concurrence entre les concepts de monnaie, en comparant les (1) Cependant, il faut mentionner la tentative effectuée par Irving FISHER [1913] pour analyser l'effet du crédit commercial sur la demande de monnaie et sur le niveau général des prix. D'une part, il constate que: « Le crédit commercial... diminue la quantité moyenne d'encaisses et de dépôts à vue que chaque individu doit détenir pour pouvoir effectuer un volume de dépenses donné » (p. 82). D'autre part, Fisher modifie son équation des échanges lorsqu'il parle de l'influence du crédit commercial sur les prix. Il ajoute le volume supplémentaire (!) de crédits commerciaux à recouvrer à son équation (p. 371) : MV
+ M'V' + E" -
E'" = pq
M et M' désignent les quantités fiduciaire et scripturale, V et V' représentent les vitesses de circulation correspondantes, E" les crédits nouvellement accordés, E'" les crédits remboursés et pq la valeur du volume de transaction. Ainsi, le terme (E" - E''') ne correspond qu'à la variation du volume de crédits et non au volume total de crédits commerciaux.
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oppositions d'autrefois aux oppositions d'aujourd'hui (ou, en d'autres termes, en donnant une valeur relative à l' « actualité »). Il va de soi que nous nous servons seulement des « grandes lignes historiques» dont le choix et la description pourront souvent apparaître comme arbitraires (nous l'admettons volontiers), si elles ne sont pas précédées par une analyse rigoureuse des doctrines. Le problème qui se pose actuellement à la théorie monétaire et à la politique monétaire est de savoir si c'est la quantité de monnaie ou la quantité de liquidité qui est décisive. La théorie monétaire peut-elle légitimement se limiter à une analyse de l'influence de la quantité de monnaie sur l'économie, ou faut-il qu'elle prenne en considération également la quantité des actifs « proches de la monnaie », c'est-à-dire la quantité des autres actifs liquides ? Selon la réponse, il s'ensuit pour la politique monétaire qu'elle devra choisir la quantité de monnaie ou le volume de liquidités comme paramètre d'action si elle veut influencer l'économie. Nous avons vu que ce problème a déjà dans le passé fait l'objet d'une querelle entre la Currency-School et la Banking-School. Par la suite, il est tombé chez beaucoup d'économistes dans l'oubli en raison de certains changements économiques et institutionnels et ce n'est qu'avec le rapport Radcliffe de 1959 qu'une nouvelle discussion de ce problème a débuté. Avant d'esquisser les caractères fondamentaux de ce nouveau débat, nous voudrions indiquer brièvement quelques faits nouveaux et certaines connaissances théoriques nouvelles 3t>parus après la première guerre mondiale et qui partagent finalement la responsabilité de cette renaissance de la controverse entre la Currency-School et la Banking-School. Les théoriciens adhérant à la Currency-School du XIXe siècle se demandaient essentiellement quels actifs pouvaient exercer la fonction de moyen de paiement. Ainsi, les deux camps examinaient la monnaie et ses substituts
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exclusivement sous l'aspect de leur capacité à servir de moyen de paiement. Ils ne tenaient guère compte de l'autre fonction de la monnaie qui est celle de réserve de valeur. En réalité, cette autre fonction est passée au premier plan de l'analyse monétaire depuis la Théorie générale de Keynes. Et les différents actifs, et en particulier les actifs financiers, partagent avec la monnaie cette qualité de constituer une réserve de valeur. Sous cet angle également, les différents types d'actifs sont substituables à la monnaie et cette relation de substitution est déterminée, entre autres choses, par le taux d'intérêt (ou mieux, par les taux d'intérêt). Une conséquence de cette nouvelle approche est de souligner plus fortement l'effet indirect d'une variation de la masse monétaire sur les variables économiques, c'est-à-dire l'effet exercé par le mécanisme du taux d'intérêt. La plupart des théoriciens de la théorie quantitative qui avaient envisagé la monnaie principalement dans sa fonction de moyen de paiement, construisaient entre une variation de la masse monétaire et une variation des prix une chaîne de causalité « directe ll, c'est-à-dire restant sur le seul plan de la dépense : davantage d'encaisses, davantage de moyens de paiement, dépenses accrues, prix en hausse. Au contraire, si l'on met l'accent maintenant sur la fonction de monnaie comme réserve de valeur, davantage d'encaisses implique également davantage de réserves de valeur. Cet accroissement des réserves de valeur ne doit pas nécessairement conduire à un accroissement immédiat des dépenses. Si la détention effective d'encaisse est supérieure à la détention désirée, l'excédent d'encaisses peut ne pas être utilisé seulement pour l'achat de marchandises, mais être également employé pour le placement en d'autres réserves de valeur, c'est-àdire en d'autres actifs. Si ces autres actifs sont, par exemple, des actifs financiers, il y aura une demande de titres plus élevée. Les prix des titres montent, ce qui signifie
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en d'autres termes que les taux d'intérêt diminuent. Cette baisse des taux d'intérêt induit finalement un accroissement des dépenses pour les biens de consommation et (OU) d'investissement, du moins si celles-ci sont élastiques par rapport au taux d'intérêt. Le point de départ de la théorie monétaire classique consistait dans l'idée qu'il existe une substitution étroite entre la détention d'encaisses confondue avec leur offre, et l'achat de marchandises; et cette conception est facile à comprendre lorsque la monnaie est considérée avant tout dans sa fonction en tant que moyen de paiement. La théorie monétaire keynésienne part au contraire de l'aspect patrimonial de la monnaie : les biens de substitution proprement dits de la monnaie-réserve de valeur sont les actifs. La théorie monétaire moderne suit cette idée ces dernières dix années en comparant les avantages de l'actif « monnaie» avec les avantages de tous les autres actifs : les actifs financiers, les actifs physiques et le capital humain. Ainsi, l'analyse monétaire aboutit actuellement à une théorie en termes de « portefeuille» ou de « capital» englobant tous les actifs (1). Il en résulte que le mécanisme de transmission d'une variation de la masse monétaire sur l'économie est conçu d'une façon plus indirecte, plus « compliquée », et de plus on conçoit que le processus d'ajustement étudié est beaucoup plus long dans le temps. Une variation de la quantité de monnaie modifie l'état patrimonial du bilan des sujets économiques qui se compose de monnaie, d'autres actifs financiers et d'actifs physiques. Les individus s'efforcent de structurer leur portefeuille (consistant en actifs financiers et physiques) d'une manière optimale. S'ils disposent d'un excédent d'encaisses, ils achèteront, par exemple, davantage d'actifs financiers. Par là, les prix des actifs financiers (1) Voir, par exemple, H. G. JOHNSON [1962], pp. 32-34, 49-51, 66 et [1969] et M. FRIEDMAN [1964], pp. 190-191.
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monteront, c'est-à-dire que leur taux de rendement diminueront. Puisque les actifs physiques sont devenus ipso facto relativement meilleur marché (ou, en d'autres termes, plus rentables) par rapport aux actifs financiers, il y a aussi une demande supplémentaire d'actifs physiques qui fera monter également les prix de ces actifs. Si, en fin de compte, les prix des différents types d'actifs financiers et physiques ont augmenté, les sujets économiques ne s'arrêteront pas à cette restructuration de leur portefeuille; ils changeront également leurs plans de dépenses pour l'achat des biens de consommation et d'investissement (en raison du décalage entre les taux de rendement des actifs financiers et des « anciens » actifs physiques, d'une part, et le taux de préférence pour le temps et le taux de l'efficacité marginale de l'investissement, d'autre part) et, par là, ils changeront le volume de leur portefeuille. Ainsi, l'effet d'une variation de la masse monétaire sur la demande effective ne se manifeste qu'après une série de processus d'ajustement (qui, de plus, s'étalent, du point de vue du temps, dans une « longue» période). Une augmentation de la masse monétaire se transmet, dans une sorte de mouvement ondulatoire, d'abord de certains actifs financiers à l'ensemble des actifs financiers, en ajustant les stocks effectifs aux stocks désirés, avec ce résultat que les prix, les taux de rendement et les taux d'intérêt varient; l'impulsion monétaire se propage par l'intermédiaire d'une variation des stocks désirés d'actifs physiques par laquelle leurs prix commencent également à bouger; et nous pourrions prendre en considération les actifs humains dont l'accumulation (les dépenses pour l'éducation et la formation complémentaire) devient meilleur marché par rapport aux actifs non humains; la demande supplémentaire des actifs physiques (et humains) ne se manifeste pas seulement au détriment du stock d'actifs financiers (ce qui fait, de nouveau, diminuer leur prix et augmenter leur taux de rendement),
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mais aussi par un différent emploi du revenu affectant le volume de consommation et d'investissement. Nous affirmons qu'à l'heure actuelle il existe une nouvelle divergence d'opinions qui ne se révèle pas ouvertement, mais qui rappelle la controverse de la première moitié du XIXe siècle. Cela ne veut pas dire que l'on ait adopté de nouveau et sans modification les positions monétaires d'autrefois ou que l'analyse de la monnaie en termes de portefeuille soit contestée par l'une des deux parties. Les « monétaristes » d'aujourd'hui s'accordent pour constater: que la monnaie peut influencer l'économie aussi bien dans sa fonction de moyen de paiement que dans sa fonction de réserve de valeur; qu'elle a un effet aussi bien direct (par exemple, par l'intermédiaire de l'effet d'encaisse réelle) qu'indirecte (par l'intermédiaire des prix des actifs et, par là, des taux d'intérêt) ; qu'elle ne doit pas être contrôlée seulement en vue de la stabilité interne. Cependant là où les avis sont divisés, c'est sur l'accent à mettre sur une des deux fonctions de la monnaie considérée comme relativement la plus importante. II en résulte différentes conséquences sur le plan de la théorie et de la politique monétaire. . Les uns, les théoriciens du « néo- » Currency-principe (si cette expression nous est permise), mettent l'accent davantage sur la monnaie en tant que moyen de paiement. Il va de soi qu'ils savent que la monnaie est aussi une réserve de valeur. Mais, parmi la multiplicité d'actifs différents, il n'y a qu'une catégorie limitée d'actifs, les « actifs monétaires », qui représentent des moyens de paiement généralement reconnus. II est vrai que les achats de biens peuvent être financés par des promesses de paiement, c'est-à-dire par des crédits. Cependant, ces « actifs financiers » sont acceptés seulement pour la raison qu'ils peuvent être convertis en moyens de paiement et souvent ils sont ainsi convertis effectivement. En dernier essort, c'est toujours la capacité à payer promptement
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qui est décisive, et celle-ci ne se prouve que par la possession d'encaisses. Par conséquent, pour la politique monétaire on peut tracer l'image « simplifiée » suivante : « La conception orthodoxe du système financier ressemble à peu près à un accordéon: si j'appuie du côté monétaire, l'ensemble se contractera tôt ou tard (et vice versa) » (1).
Et en face de cette vision « orthodoxe » de la monnaie, comment les opposants (les théoriciens du «néo »-Bankingprincipe) voient-ils les fonctions de la monnaie et les conséquences pour la politique monétaire ? La qualité monétaire d'être un moyen de paiement et une réserve de valeur n'est pas seulement attribuée à la monnaie, mais aussi à d'autres actifs, bien sûr à un moindre degré. Tandis que la monnaie en tant que réserve de valeur ressemble à tous les autres objets du patrimoine, il n'y a qu'un nombre limité d'actifs qui sont proches de la monnaie en sa qualité de moyen de paiement. Le système financier moderne est caractérisé par toute une série d'actifs « liquides » qui ne représentent pas directement de la monnaie, certes, mais qui sont rapidement « mobilisables » en raison d'un degré de perfection élevé des marchés financiers et sans subir des pertes de prix. Ce phénomène est dû, dans une large mesure, au nombre croissant d'« intermédiaires financiers» qui offrent souvent des titres à court terme. Pour les décisions d'achats, ce ne sont pas tellement les « avoirs en monnaie » des individus qui sont importants, mais avant tout leurs « avoirs en liquidités ». Ceci a aussi une influence sur la demande de monnaie qui se réduit au profit des actifs « proches de la monnaie », portant un taux d'intérêt. De plus, pour le niveau de la demande effective, ce n'est pas la « capacité à payer promptement» qui entre en jeu, mais le « pouvoir de disposition financière »; on entend par là aussi bien le (1) A. B. CRAMP [1962], p. 5.
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degré de liquidité des actifs disponibles que les possibilités d'emprunts. Ce n'est pas autant la quantité de monnaie que « le spectre entier des liquidités}) comme disent souvent les auteurs du rapport Radcliffe, qui influence les décisions d'achats. « Même si nous ne considérons pas la quantité de monnaie comme une quantité sans importance, nous la regarderons seulement comme une part de la structure plus large des liquidités dans l'économie. C'est tout le spectre des liquidités qui est important pour les décisions de dépenses. La quantité de monnaie ne nous intéresse que dans la mesure où elle joue un rôle dans l'ensemble de la position de liquidité. Une décision d'achat ne dépend pas seulement du fait que l'acheteur potentiel dispose d'encaisses ou de « monnaie à son compte » quoique ce maximum de liquidité représente, sans le moindre doute, le meilleur tremplin. Il y a d'autres moyens de se procurer des fonds, à savoir en vendant un actif ou en empruntant... » (r).
Il s'ensuit que le problème qui se pose à la politique monétaire Cà condition qu'elle veuille influencer la demande effective) n'est pas tellement le contrôle de la quantité de monnaie, mais plutôt le contrôle de la quantité de liquidité. Ainsi, dans le cas d'une contraction de la masse monétaire, par exemple, les sujets économiques peuvent se tourner vers d'autres actifs liquides ou bien en les vendant ou bien en s'endettant et, par là, l'effet d'une politique monétaire restrictive sera nul : « L'analyse de Radcliffe n'est pas l'accordéon, mais le ballon: si je presse d'un côté (le côté monétaire)..., l'autre côté se gonfle tout simplement pour compenser » (2).
Combien avons-nous progressé aujourd'hui par rapport à 1844 ? Des sceptiques pourraient penser que la réappa(I) Rapport RADCLIFFE [I959], § 389. - Rappelons que ce sont les deux économistes R. S. Sayers et A. K. Cairncross qui ont pris part activement à l'élaboration du rapport Radcliffe. (z) A. B. CRAMP [I96z], p. 5.
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rition de deux visions différentes de la monnaie ne serait pas une cause de discussion au milieu de ce siècle si les théoriciens de la monnaie avaient lu attentivement l'histoire des doctrines monétaires. En effet, le rapport Radcliffe et d'autres « théoriciens de liquidité» nous rappellent simplement que des formes de crédit autres que la monnaie sont importantes pour les décisions de dépenses, tandis que leurs critiques soulignent à leur tour que les dépenses effectives nécessitent, en fin de compte, la dispositions de moyens de paiement proprement dits. Ainsi, les arguments qui ont été employés autrefois et aujourd'hui seraient substantiellement à peu près les mêmes, même si c'est un autre système monétaire et financier qui est à la base de l'économie actuelle, forcément différent de celui régnant dans la première moitié du XIXe siècle. Par conséquent, ceci reviendrait à dire que le problème du choix entre les deux concepts de monnaie et la recherche d'une éventuelle compatibilité des deux doctrines seraient encore en suspens et ceci de la même façon qu'au temps de Robert Peel. Même si cette argumentation n'est pas remise en cause fondamentalement, toujours est-il qu'elle ne donne qu'une image trop simplifiée de l'état actuel de la théorie monétaire. Comme nous l'avons souligné déjà à plusieurs reprises, la théorie monétaire est conduite, surtout depuis la « révolution keynésienne », à examiner la qualité de la monnaie en tant que réserve de valeur dans une analyse de portefeuille comprenant tous les actifs. Dans une telle analyse, les différences de liquidité entre les différents types d'actifs (c'est-à-dire les degrés distincts de liquidité) jouent un rôle important pour la formation de prix de ces actifs qui, entre autres, détermine finalement le niveau de la demande effective (1). Par contre, à l'époque de Peel (r) Il reste que les différents degrés de liquidité sont toujours rapportés à la monnaie, puisque la liquidité se mesure par référence à un objet qui possède cette qualité de façon absolue. Cet objet est - en période
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et Mill, la monnaie et d'autres near monies n'avaient été considérées que sous l'angle du moyen d'échange. Si la notion de liquidité paraît supplanter celle de monnaie depuis quelques décennies (1) ce qui équivaudrait au triomphe de la Banking-School, cette évaluation ne reflète qu'un côté de la médaille de la recherche dans le domaine de la théorie monétaire. A cet égard, il est d'une nécessité urgente non seulement de donner un contenu plus concret au concept souvent très vague de la liquidité (voir le chapitre suivant), qui pour bien des théoriciens « orthodoxes » de la monnaie est une boîte de Pandore, mais aussi de faire l'analyse de portefeuille en tenant compte des différents degrés de liquidité des actifs (objet des chapitres III et IV). Le revers de la médaille de la théorie monétaire actuelle semblerait à première vue donner raison, dans une certaine mesure, aux adhérents métallistes de la Currency-SchooI. Même si les différences de liquidité entre les composantes du portefeuille ne sont pas contestées, un certain nombre de théoriciens font remarquer le caractère créditaire de la monnaie et d'autres créances. Du fait qu'une créance correspond toujours à une dette, le patrimoine financier net serait égal à zéro pour l'économie dans son ensemble (abstraction faite des relations extérieures). Certes, on pourrait en exclure (peut-être) certaines relations créancedette telles que le titre créé par l'Etat (par exemple, la normale (c'est-à-dire dans les époques de stabilité monétaire) - la monnaie qui est aussi le moyen de paiement et la réserve de valeur les plus parfaits. (1) Dans le domaine international, nous pouvons constater le même phénomène. Lorsque l'on parle de liquidités internationales, on n'y inclut pas seulement les moyens de paiement internationaux « officiels }) du Gold-Exchange-Standard (de l'or, des devises des pays à monnaie clé convertibles en or et des droits de tirage automatiques auprès du Fonds Monétaire International), mais aussi d'autres actifs financiers internationaux tels que les crédits accordés par les banques centrales des pays excédentaires, des titres à court terme des pays monnaie-clé, les crédits auprès du Fonds Monétaire International, etc.
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monnaie de la banque centrale et d'autres créances émises par l'Etat). Le Bank Act de Peel n'a-t-il pas admis comme monnaie seulement l'or - un actif physique ? Si ce caractère non patrimonial de la monnaie et d'autres actifs financiers était reconnu (ce que nous contestons dans le chapitre V), la théorie monétaire devrait être développée dans la direction d'une « théorie de la répartition » : les effets de patrimoine (par exemple, l'effet d'encaisse réelle) n'existeraient qu'en des cas exceptionnels; à part cela, il n'y aurait à côté des effets de prix et de taux d'intérêt que des effets de répartition; c'est-àdire que l'effet expansionniste qui résulte d'un accroissement de la quantité de certaines créances ne serait pas nécessairement compensé par l'effet de contraction des débiteurs dont l'endettement s'est accru.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES (1) CRAMP (A. B.) [1962]. Two Views on Money, Lloyds Bank Review, nO 65, juillet. FISHER (1.) [1913]. The Purchasing Power of Money, édition revue, New York. FRIEDMAN (M.) [1960). A Programm for Monetary Stability, New York. FRIEDMAN (M.) [I964]. Postwar Trends in Monetary Theory and Policy, The National Banking Review, octobre; reproduit dans Money and Finance. Readings in Theory, Policy and Institutions, publié sous la direction de D. CARSON, New York, Londres et Sydney, 1966. FRIEDMAN (M.) et SCHWARTZ (A. J.) [1963). Money and Business Cycles, Review of Economics and Statistics, XLV (numéro spécial, février). HICKS (J. R.) [1967]. Critical Essays in Monetary Theory, Oxford. JOHNSON (H. G.) [I962]. Monetary Theory and Policy, American Economic Review, LII; reproduit dans H. G. JOHNSON, Essays in Monetary Economics, Londres, I967. JOHNSON (H. G.) [I969]. Recent Developments in Monetary Theory : A Commentary, non publié, octobre. (I) Pour les rééditions et les articles reproduits dans des ouvrages, l'indication des pages se réfère au texte le plus récent.
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CHAPITRE
II
MONNAIE ET LIQUIDITÉ L'habitude de commencer toute étude économique par , un travail approfondi d'élucidation et de définition de certaines notions fondamentales tend de plus en plus à se perdre, à l'heure actuelle, aussi bien dans les manuels que dans les ouvrages de recherche. L'abandon de cette vieille tradition est justifié tantôt par le fait que des éclaircissements ont déjà été apportés ailleurs sur ces notions, tantôt par un refus de s'astreindre à l'examen considéré comme « inutile» de l' « essence des phénomènes» (1). Sur la notion de monnaie, que toute analyse monétaire se doit de préciser, il est remarquable qu'un très large accord existe aujourd'hui dans la littérature du sujet. Examiner une fois de plus cette question pourrait donc sembler superflu. Pour différentes raisons, cependant, nous ne croyons pas possible de l'éviter. La définition d'un bien tel que la monnaie est toujours fonction du problème théorique que l'on se pose - du moins devrait-elle l'être. Il est, par conséquent, normal que l'on s'en fasse des conceptions différentes selon la perspective dans laquelle on se place (2). Pour nous, la théorie monétaire a pour objet d'analyser le rôle joué par (1) On a souvent reproché à la science économique continentale et, en particulier, allemande d'avoir consacré un temps excessif à l' « essence des phénomènes» et à leur définition. H. S. ELLIS [1934] rend compte de cette tendance à propos du problème, très en honneur chez les économistes de langue allemande d'avant la deuxième guerre mondiale, de la définition de la monnaie. (2) H. ALBERT [1964], pp. 20-22 et 45-46. E.-M. CLAASSEN
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la monnaie dans l'économie ou, plus précisément, dans la détermination des valeurs des variables réelles et monétaires du système (1). Il en résulte, pour définir la monnaie, qu'il faut, d'une part, tenir compte de l'influence manifeste qu'elle exerce sur l'économie, d'autre part, recourir à un critère de distinction précis pour opposer ce qui est monnaie et ce qui ne l'est pas. Sans doute la définition « traditionnelle » qui fait de la monnaie, à la fois, un moyen de paiement et un instrument de réserve de valeur, est-elle tout à fait adaptée, ainsi que nous le montrerons brièvement plus loin, à la conception que nous avons retenue de la théorie monétaire. Cependant, elle ne permet pas d'aboutir à une distinction très nette entre la monnaie et la « non-monnaie ». Ce point que nous avons signalé dans le chapitre précédent devra être repris en détail dans celui-ci. Il est, en effet, des actifs qui sont « proches» de la monnaie aussi bien comme moyen de paiement que comme instrument de réserve de valeur. La théorie monétaire ne peut ignorer de tels actifs dans la mesure où ils peuvent avoir sur l'économie une influence comparable à celle exercée par la monnaie. De fait, la notion de liquidité permet à la théorie monétaire moderne, en général, de prendre en considération les actifs proches de la monnaie et les effets « quasi monétaires ». Il n'est pas étonnant que la notion de liquidité, par opposition à celle de monnaie, se soit prêtée, jusqu'à présent, aux interprétations les plus variées. Elle n'a, en effet, été introduite dans la terminologie économique qu'à une date relativement récente. De plus, la « liberté» scientifique dont chacun jouit en matière de définition n'est limitée que par la nécessité d'aboutir, grâce aux concepts auxquels on fait appel, à des théories améliorant notre compréhension de la réalité. Nous lierons étroitement, dans ce qui suit, la notion de liquidité à celle de (I) Voir aussi H. G. JOHNSON [I962], p. IS.
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monnaie de manière à qualifier de « liquides » les actifs non monétaires qui sont proches de la monnaie, à la fois, comme moyen de paiement et comme instrument de valeur. La notion de liquidité ne pouvant être, dès lors, précisée que par référence à la « liquidité absolue » qui caractérise la monnaie, c'est à un bref examen de la notion de monnaie qu'il nous faut d'abord procéder: 1 0 Sachant que la monnaie représente un moyen de paiement et un instrument de réserve de valeur, nous montrerons, en premier lieu, qu'une définition insistant sur ces deux fonctions est bien . celle qui convient à l'objet de la théorie monétaire; 2 0 En revanche, comme nous le verrons ensuite, certains autres éléments de la définition traditionnelle de la monnaie sont sans aucune importance à cet égard. Ainsi, le fait que la monnaie soit aussi un étalon de valeur, c'est-à-dire constitue l'unité abstraite de compte, n'est d'aucune portée du point de vue de la quantité de monnaie en circulation; 30 Il nous restera, pour terminer, à définir la liquidité comme « proximité monétaire » des actifs. 1. LA MONNAIE COMME MOYEN DE PAIEMENT ET INSTRUMENT DE RÉSERVE DE VALEUR
La monnaie est un moyen de paiement généralement accepté. On pourrait faire de cette caractéristique le critère de la distinction entre ce qui est monnaie et ce qui ne l'est pas et, par là, essayer d'expliquer la spécificité de l'influence exercée par la monnaie sur l'économie. C'est, en effet, parce qu'elle est un moyen de paiement que la monnaie, à la différence des autres biens, donne aux agents économiques une possibilité de choix parmi tous les biens disponibles : alors que je peux acheter un objet quelconque (ou payer mes dettes) avec de la monnaie, cela m'est généralement interdit avec un autre bien (1). (r) Si l'on considère les pièces de monnaie, les billets de banque et les dépôts à vue auprès des banques comme moyens de paiement géné-
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L'affirmation catégorique selon laquelle la monnaie se distingue suffisamment de la non-monnaie par sa fonction de moyen de paiement et l'accent mis sur l'influence exercée par la monnaie sur l'économie pourraient, toutefois, être remis en question en se demandant si, parmi les biens non « monétaires », certains ne mériteraient pas le nom de « quasi monnaie» (near money). Certains actifs, en effet, plus précisément, certains titres de créances tels que les dépôts à terme auprès des établissements de crédit ou les titres venant rapidement à échéance ou qui sont mobilisables, se rapprochent plus de la monnaie que les actifs caractérisés par une plus grande difficulté de « liquidation » parce qu'ils peuvent plus commodément être transformés en monnaie. L'existence de ces substituts de la monnaie rend nécessairement floues les limites entre la monnaie et la non-monnaie (1). Au lieu de parler d'une « ligne » de démarcation entre la monnaie et les autres biens, mieux vaudrait se référer à une « zone frontière» où coexistent la monnaie et les actifs qui sont tous proches de la monnaie. ralement acceptés, c'est-à-dire comme de la monnaie, cela ne signifie pas qu'ils le seront par tous et en tout temps. Il se peut, d'une part, que l'usage de ces moyens de paiement soit limité à un certain groupe d'agents économiques. La monnaie circulant dans un pays n'est pas nécessairement acceptée comme moyen de paiement international, sauf pour la monnaie des pays à devises-clé. De même, les dépôts à vue ne sont considérés par tous les individus comme des moyens de paiement. Les réserves obligatoires des banques auprès de la Banque centrale, également, doivent être constituées en monnaie de la Banque centrale (billets de banque, dépôts à vue de la Banque centrale). D'autre part, les monnaies fiduciaire et scripturale peuvent perdre leur qualité de moyen de paiement généralement accepté lorsque l'on se trouve dans une période de forte inflation. Cette fonction de la monnaie pourra alors être assumée par d'autres biens, réels notamment, les cigarettes ou l'or, par exemple, prenant la place des billets de banque. (1) Tout au moins pour l'agent économique individuel qui est en mesure d'accroître sur le champ son stock d'encaisses par la « monétarisation » de certains actifs aisément mobilisables. Reste à savoir, ce que nous étudierons plus loin, dans quelle mesure cela est possible pour l'ensemble de l'économie.
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Nous pourrions nous contenter de retenir uniquement cette fonction de moyen de paiement pour faire la distinction entre monnaie et non-monnaie. De ce point de vue, en effet, un minimum de fonctions suffit et nous pourrions nous désintéresser des autres. Mais nous avons vu que la notion de monnaie retenue doit dépendre étroitement de la manière de concevoir l'objet de la théorie monétaire. Comme, pour nous, elle consiste essentiellement à analyser l'action de la monnaie sur les variables réelles et monétaires de l'économie, il nous faut encore examiner les 'autres caractères de la monnaie susceptibles de jouer un rôle dans cette action. La fonction d'instrument de réserve de valeur que remplit également la monnaie ne peut, en particulier, être négligée. Par là, nous n'entendons pas la thésaurisation techniquement nécessaire lorsque recettes et dépenses ne coïncident pas dans le temps et que le temps qui s'écoule entre le moment de la recette et celui de la dépense est trop bref pour que la monnaie puisse être placée, dans l'intervalle, en actifs portant intérêt. C'est plutôt à la possibilité de détenir une partie de son patrimoine sous forme de monnaie en sus de cette thésaurisation techniquement inévitable que nous faisons allusion. La monnaie partage ainsi, avec tous les autres actifs, financiers et physiques, cette qualité d'être un moyen de détention du patrimoine. Or, quand la monnaie est envisagée sous cet aspect, la ligne de démarcation (ou mieux, la zone frontière) qui doit la séparer de la nonmonnaie disparaît totalement: tous les actifs, et pas seulement la monnaie, représentent des instruments de réserve de valeur à un degré ou à un autre (1). Il convient de noter (1) C'est pour cette raison que J. A. SCHUMPETER [1917-1918] (pp. 655 et 665-667; traduction anglaise, pp. 167-168 et 175-177), par exemple, ne considère comme monnaie que la " quantité de monnaie en circulation ", c'est-à-dire les encaisses" actives" qui ne sont utilisées qu'à des fins de paiement. Il s'ensuivrait que la " monnaie de thésaurisation "
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d'autre part, qu'en raison de cette autre propriété la monnaie est en mesure de jouer un nouveau rôle dans la détermination des variables fondamentales de l'économie: en tant qu'actif, en effet, elle se trouve dans une relation de substituabilité par rapport aux autres moyens, réels et financiers, de réserve de valeur (1). 2. QUANTITÉ DE MONNAIE ET UNITÉ MONÉTAIRE (LA MONNAIE COMME ÉTALON DE VALEUR)
Dans les manuels d'économie politique on attribue généralement à la monnaie trois fonctions : la monnaie ne sert pas seulement en effet de moyen de paiement et d'instrument de réserve, elle joue aussi le rôle d'étalon de valeur, c'est-à-dire d'instrument d'évaluation de chaque bien par rapport aux autres. Il n'est en fait aucunement nécessaire que la monnaie représente l'unité de compte. Que l'on soit dans une économie de troc (où la monnaie, par définition, n'existe pas) ou dans une économie monétaire, un produit quelconque ou une mesure arbitraire (comme la guinée anglaise) peut servir d'étalon de valeur. Le prix des biens est alors calculé par référence à l'unité de blé, (les encaisses « oisives)) dans la terminologie keynésienne) n'est pas un élément constitutif de la monnaie au sens strict. Nous reviendrons, au chapitre III, sur le caractère très problématique de cette distinction entre encaisses « actives» (ou encaisses de transaction) et encaisses « passives)) (ou encaisses de spéculation). (1) Soulignons, encore une fois, que la fonction de moyen de paiement est parfaitement suffisante pour définir la monnaie, si l'on cherche par là uniquement à distinguer nettement entre monnaie et non-monnaie. Il est vrai que la fonction de moyen de paiement implique celle d'instrument de réserve; car, si la monnaie était privée de sa fonction de réserve (comme c'est le cas en période de forte inflation), elle cesserait en même temps d'être acceptée unanimement comme moyen de paiement. Les moyens de paiement sont nécessairement aussi des moyens de réserve. Mais l'inverse n'est pas vrai. C'est pourquoi la fonction de réserve de la monnaie n'est que secondaire; elle est déduite en réalité de sa fonction de moyen de paiement. Cette idée avait déjà été soulignée par Carl MENGER [1923] (p. 315; traduction anglaise, pp. 279-280) et Ludwig von MISES [1912] (chap. 1).
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l'unité de quantité de travail ou tout autre unité de compte, concrète ou abstraite. Dans le cas d'une unité de compte abstraite, et par opposition au « numéraire» concret (1), il reste à déterminer la relation entre cette unité (la guinée et le « bancor » (2), par exemple) et l'unité de monnaie ainsi que chaque produit. En règle générale, cependant, unité de compte et unité monétaire coïncident dans les économies modernes. Ce que l'on nomme « monnaie », dans la plupart des cas, correspond à deux choses totalement distinctes : . d'une part, la monnaie au sens de quantité de monnaie servant de moyen de paiement et d'instrument de réserve, d'autre part, la monnaie au sens d'unité monétaire abstraite utilisée comme étalon de valeur. Servir de moyen de paiement, d'instrument de réserve et d'étalon de valeur ne constitue pas les aspects fonctionnels d'un même phé, nomène qui serait la monnaie; il serait plus correct de dire que les fonctions de moyen de paiement et d'instrument de réserve renvoient à l'objet « quantité de monnaie» tandis que celle d'étalon de valeur caractérise l'objet « unité monétaire » (3). On pourrait songer, à partir de là, à subdiviser la théorie monétaire en deux secteurs, selon que l'on étudierait l'influence exercée sur l'économie soit par la quantité de monnaie soit par l'unité monétaire (4). Pour les (r) Notons, à ce sujet, que le « numéraire» de Walras ne représente pas une unité de compte abstraite, contrairement à ce que beaucoup prétendent, mais bien un produit concrer. Voir A. W. MARGET [r935], pp. 172-179, et D. PATINKIN [1965], p, 547. (2) Le " bancor » était l'unité de compte internationale proposée par J. M. KEYNES [1943]. (3) Cette distinction fondamentale se trouve, par exemple, chez J. G. KOOPMANS [1933], pp. 247-249, qui réserve l'expression monnaie " concrète» pour la monnaie en tant que moyen de paiement et instrument de réserve et celle de monnaie « abstraite. pour la monnaie comme étalon de valeur. (4) Dans le second cas, il s'agirait d'examiner, par exemple, les questions suivantes: la formation du prix de compte par opposition aux prix relatifs et absolus; la liaison entre l'étalon de valeur et le stade de dévelop-
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besoins de la présente analyse, nous nous limiterons aux problèmes du premier type, c'est-à-dire au rôle joué sur les variables réelles et monétaires de l'économie par la quantité de monnaie comme moyen de paiement et instrument de réserve. Nous chercherons, de plus, à mettre en valeur l'influence des actifs {( proches de la monnaie », c'est-à-dire de ces substituts de la monnaie qui sont {( plus ou moins » des moyens de paiement et des instruments de réserve, ou en d'autres termes qui sont {( plus ou moins liquides ». C'est précisément à l'examen de cette notion de liquidité que nous allons' maintenant nous attacher. 3. LA LIQUIDITÉ COMME « PROXIMITÉ MONÉTAIRE » DES ACTIFS
La définition de la liquidité, comme celle de la monnaie, est fonction du problème que l'on envisage. Si ce problème est celui de l'influence que la monnaie peut exercer sur l'économie, c'est dans le fait que la monnaie est un moyen de paiement et un instrument de réserve qu'il faut trouver l'explication. Or ces deux caractères sont partagés par d'autres biens, en dehors de la monnaie, même s'ils ne les possèdent qu'à un moindre degré. Ces biens proches de la monnaie à ces deux points de vue sont dotés comme la monnaie, d'une certaine liquidité. La propriété de liquidité des actifs ne peut donc se comprendre que par référence à la monnaie : ce qui caractérise la monnaie c'est précisément sa {( liquidité absolue », le fait qu'elle ait le degré de liquidité le plus élevé ou, selon la terminologie de Hicks, sa {( qualité monétaire parfaite » (perfect moneyness) (1). Les autres pement économique d'un point de vue historique et sociologique; l'effet de l'introduction d'une nouvelle unité monétaire (par exemple, celle du nouveau franc en 1959), etc. (1) J. R. HICKS [1946], pp. 163-166.
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biens, proches de la monnaie, ne possèdent cette qualité monétaire qu'à un degré plus faible (1). Quels sont, tout d'abord, les biens que l'on peut considérer comme proches de la monnaie et auxquels il est donc possible d'appliquer la notion de liquidité ? On pourrait penser que tous les biens d'échange sont également des objets de liquidité. Les deux expressions seraient alors utilisables de façon interchangeable. La proximité monétaire d'un bien d'échange, c'est-à-dire son degré ,de liquidité, serait alors mesuré par la plus ou moins grande possibilité de transformer ce bien en monnaie (2). Il faut remarquer, cependant, que la proximité monétaire se définit par référence aussi bien à la fonction de moyen de paiement qu'à celle d'instrument de réserve. Pour qu'un bien soit liquide, il faut qu'il se distingue , par sa proximité monétaire à ces deux points de vue, bien qu'éventuellement dans une proportion différente mettant en évidence soit l'une soit l'autre des deux fonctions. Puisque les biens d'échange ne sont pas tous des biens durables et que seuls ces derniers peuvent servir, dans une mesure variable, d'instrument de réserve, il n'y a que les actifs, dans la meilleure des hypothèses, qui pourront être qualifiés de liquides. (r) Mentionnons dès maintenant l'existence, sur laquelle nous reviendrons à la fin du chapitre V, d'une autre notion de liquidité, différente de celle-ci, qui met l'accent sur l'état de liquidité des agents économiques, c'est-à-dire sur leur « capacité à payer promptement ", leur « pouvoir de disposition financière ", etc. (2) C'est l'opinion, par exemple, d'O. VEIT [1948], p. 20 : « Un bien économique est un objet de liquidité dans la mesure où il peut être échangé et, inversement, il sera un bien d'échange dans la mesure où il peut servir d'objet de liquidité. Un degré de liquidité peut être affecté à chaque bien. Ceux qui peuvent servir, sans difficulté, dans un échange, comme moyen de paiement ont le degré de liquidité le plus élevé. Ceux qui, au contraire, ne peuvent faire l'objet d'un échange ont le degré de liquidité le plus faible. Ont le degré le plus élevé, dans une économie de troc, les biens de consommation les plus courants, blé, bétail, etc. Mais, dans chaque économie monétaire, c'est la monnaie qui est la plus liquide; le degré de liquidité des autres biens sera fonction de la facilité de leur transformation en monnaie. Là réside leur capacité d'échange. "
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On peut maintenant se demander si tous les actifs ont un certain degré de liquidité ou seulement certains d'entre eux. Il faut immédiatement éliminer le cas des « actifs humains » (human wealth, human assets) qu'il serait' absurde de subdiviser comme relativement liquides; même s'ils jouent un rôle pour définir une notion de revenu comme celle de revenu permanent, ce n'est que dans un Etat esclavagiste qu'une propriété de liquidité pourrait leur être attribuée (1). Il serait, en revanche, contestable, sinon arbitraire, de réduire les « actifs non humains », liquides aux seuls actifs financiers à l'exclusion des actifs physiques. Ainsi, les biens de production et de consommation durables sont plus liquides pendant les périodes d'inflation caractérisées par des élasticités d'anticipation par rapport aux prix des actifs physiques relativement fortes. A quelques exceptions près, la plus grande liquidité des actifs financiers par rapport aux actifs physiques peut s'expliquer de quatre façons: 1 0 Les actifs réels (biens de production et de consommation durables) rendent des services physiques alors que les actifs financiers (les titres) (2) rapportent un rendement pécuniaire (3). L'utilisation des actifs physiques à des fins de consommation et de production de même que leur détérioration « naturelle» en raison du passage du temps et leur obsolescence par (r) A. H. CONRAD et J. R. MEYER [1958]. (2) Nous appelons ici « titres» toutes les catégories de créances (assurées ou non par un titre) rapportant un taux d'intérêt: effets de commerce, livrets d'épargne, titres du marché monétaire, crédits commerciaux, etc; (3) Du point de vue de la différence de-nature des services rendus par les actifs physiques et les actifs financiers, un autre critère de distinction au sein de la catégorie des actifs non humains peut être imaginé. D'un côté, il y a les biens de production durables qui ne produisent les services (physiques), en règle générale, qu'en combinaison avec d'autres biens de production; en ce sens, ils sont complémentaires. De l'autre côté, il y a les biens durables de consommation et surtout les actifs financiers portant un taux d'intérêt qui rapportent un rendement (physique ou pécuniaire) sans la coopération d'autres biens; ils sont supplémentaires. Voir à ce sujet B. J. MOORE [r968}, p. I:Z.
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suite du progrès technique, tendent à faire baisser constamment la valeur des actifs physiques. La valeur des actifs financiers n'est, en revanche, pas compromise de manière essentielle par le paiement des intérêts. Les actifs financiers sont, par conséquent, mieux aptes à conserver intacte la valeur du patrimoine. Ils sont donc plus liquides puisqu'ils ont une proximité monétaire plus grande comme instruments de réserve. 2 0 Du point de vue de leur proximité monétaire comme moyen de paiement, ils jouissent également d'une liquidité plus élevée que les actifs phy4siques, à condition qu'ils soient plus « mobilisables }) (marketable), c'est-à-dire dans la mesure où ils peuvent être convertis en monnaie sans frais considérables et à très bref délai. La question de savoir si les marchés d'actifs financiers sont toujours supérieurs à cet égard ne peut recevoir de réponse a priori, car elle est de nature pure, ment empirique. 30 Si l'on tient compte, maintenant, du fait que les actifs financiers ont la caractéristique de venir à maturité, il en résulte qu'ils sont toujours plus proches de la monnaie comme moyen de paiement que les actifs physiques. Alors que la valeur des actifs est, en général, tombée à un minimum à la fin de leur durée de vie Cà l'exception de certains biens comme la terre ou les objets d'art), c'est au contraire à la fin de leur existence, c'est-àdire à leur échéance que les actifs financiers atteignent leur valeur maximum au moment même, de plus, où ils se transforment automatiquement en moyens de paiement (1). 40 Les actifs financiers, enfin, sont plus liquides (I) Deux cas limites sont à signaler au sujet de cette transformation automatique » d'actifs financiers en encaisses. D'une part, la durée de vie de la monnaie avant de venir à maturité est nulle : elle est monnaie à chaque instant 1 D'autre part, il n'y a pas de transformation « automatique» des titres de rente à perpémité (consols) en monnaie à moins de considérer qu'elle a lieu après un temps « infini ». Si l'on assimile les actions aux actifs financiers et non pas aux actifs physiques, elles auront les mêmes caractéristiques que les rentes perpémeIles du point de vue de leur maturité. Voir à ce sujet W. T. NEWLYN [I962], p. II9 et [I964], p. 340. «
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que les actifs physiques à un dernier point de vue, celui de leur divisibilité. La monnaie en tant que moyen de paiement et moyen de réserve de valeur peut être détenue en des quantités quelconques. Cette possibilité de la « divisibilité technique » est plus rare pour les actifs physiques que pour les titres. La « brillante carrière» que le terme de liquidité a faite dans la littérature de la théorie économique ces dernières décennies, trouve avant tout son origine dans les œuvres majeures de Keynes qui a donné à ce mot une signification' presque magique (1). Il utilise déjà la notion de liquidité dans son Treatise on Money, bien que sa terminologie soit (1) "Si l'on examine les plus vieux ouvrages" pratiques II de monnaie et de finance, il apparaît très difficile de trouver un exemple d'emploi du mot liquidité. (Je n'ai pas fait toutes les recherches nécessaires sur ce sujet, mais c'est sans doute ce qui ressort d'un examen fait au hasard.) Il semble avoir fait son apparition au début des années trente, à l'époque du rapport Macmillan et des œuvres principales de Keynes. J'oseavancer qu'il s'agit très vraisemblablement d'un terme keynésien. Il n'aurait jamais eu une telle carrière, s'il n'avait pas été utilisé de la façon dont il le fût par Keynes. C'est un de ces mots qui est passé du domaine des discussions d'économistes à celui des affaires courantes ", J. R. HICKS [1962], p. 788. Par contre, C. R. WHITTLESAY [1964), p. 241 (qui affirme avoir poursuivi des recherches sur l'histoire du concept de liquidité), soutient une autre opinion. En se référant explicitement à l'article de Hicks, il pense que Keynes n'a pas introduit une nouvelle notion qui a, en réalité, une longue histoire. Il signale qu'Adam Smith se faisait déjà une idée précise de la liquidité. Ainsi, Smith parle d'actifs « congelés II où il emploie une métaphore rapprochant les opérations d'une banque commerciale de l'écoulement de l'eau à travers un étang. Le mérite de Keynes tient à ce qu'il a su se servir de cette vieille notion avec beaucoup plus d'efficacité que nul autre avant lui. C'est au Comité Radcliffe, à Sayers, Gurley, Shaw et Hicks lui-même, auxquels il restait ensuite à donner du concept sa plus grande extension possible. Retenons. pour conclure, que la notion de liquidité a probablement d'abord été un terme des sciences commerciales emprunté au « monde des affaires II et avant tout, à celui de la gestion bancaire et que ce n'est que plus tard qu'elle a été intégrée à la théorie économique. Cependant, c'est plutôt dans le sens de « capacité à payer promptement II (ce qui correspond, comme nous l'avons déjà mentionné, à une autre notion de liquidité sur laquelle nous reviendrons au chap. V) qu'elle a été employée par les banques et les autres entreprises.
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parfois un peu « trop liquide» (ainsi par exemple, parle-t-il de « production liquide ») (1). Abstraction faite de ces interprétations ambiguës, il définit la liquidité dans le sens de la proximité monétaire des actifs : « Des lettres de change et les effets à brève échéance sont plus liquides que d'autres placements, c'est-à-dire qu'ils sont réalisables à très bref délai, avec une certitude plus ou moins grande.•• » (z).
Les actifs liquides sont, ainsi, ceux qui sont « réalisables à très bref délai» (ce qui renvoie à notre notion de « proxi...mité monétaire» de l'actif comme moyen de paiement), « avec une grande certitude et sans perte » (ce qui correspond à notre notion de « proximité monétaire» de l'actif comme instrument de réserve). La notion de liquidité se retrouve plus tard dans sa Théorie générale, à propos de la préférence pour la liquidité : il y a préférence pour la détention de monnaie parce que la monnaie représente la liquidité parfaite, elle est « réalisable à chaque moment, avec une certitude parfaite et sans perte ». Nous sommes maintenant en mesure, à l'aide de la définition keynésienne, d'analyser avec encore plus de précision les divers éléments de la notion de liquidité vue: a) comme proximité monétaire de l'actif en tant que moyen de paiement; et b) comme proximité monétaire de l'actif en tant qu'instrument de réserve de valeur. a) La proximité monétaire des actifs comme moyens de paiement
Elle met l'accent sur la « possibilité de réalisation à très bref délai » des différents types d'actifs. Elle consiste en deux éléments : 1) Le degré de « mobilisation » pour (1) J. M. KEYNES [1930], t. l, pp. 1Z7-IZ8. Voir à ce sujet aussi R. HICKS [1962], p. 789. (2) [« Bills and callioans are more liquid than investments i. e. more certainly realisable at short notice without 10ss... »] J. M. KEYNES [1930], t. II, p. 67. Nous avons traduit investments par placements parce que c'est à une banque que Keynes se réfère dans sa définition.
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convertir un actif en monnaie (ce que nous appellerons le coût d'information); et II) Le montant des frais, des inconvénients et du temps à passer pour transformer un actif en monnaie (c'est-à-dire le coût de transformation). 1) Le montant du co(lt d'information des actifs. - Le degré de mobilisation d'un actif dépend de la forme du marché sur lequel il est échangé. S'il s'agit d'un marché parfait et sur lequel une concurrence parfaite règne également, l'actif en question sera parfaitement mobilisable sur un tel marché. Un marché est parfait s'il n'existe qu'un priA~ connu auquel un bien peut être transformé en monnaie à chaque instant; la concurrence parfaite implique, de plus, que le prix n'est pas influencé par l'offre (et la demande) d'un seul individu (ce dernier est un price taker). Par exemple, des titres négociables en bourse (marché parfait) possèdent un degré de mobilisation (et en ce sens un degré de liquidité) très élevé, puisqu'ils peuvent être vendus à un prix définitif à chaque moment. Cependant, ils ne seront pas parfaitement mobilisables, si une concurrence imparfaite règne à la bourse puisque le vendeur doit subir des pertes de prix d'autant plus grandes qu'il offre un volume de titres plus considérable. En réalité, dans la plupart des cas, ni la concurrence ni le marché ne sont parfaits : ainsi, par exemple, le marché des créances non assurées par un titre (les crédits commerciaux) par opposition au marché des effets de commerce, des livrets d'épargne, des actions ou d'autres titres de créance; ou certains marchés d'actifs physiques (voitures d'occasion, maisons, terrains, machines, etc.). Plus le marché d'un actif est imparfait, plus il est difficile de vendre le bien considéré à un « prix adéquat >l. car plusieurs prix existent pour le même bien. Pour obtenir un « bon prix », la vente doit être préparée pendant une période de temps assez longue pour recueillir les informations nécessaires quant aux acheteurs et aux prix.
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Cette compilation d'informations n'entraîne pas seulement une perte de temps et des inconvénients divers, elle s'accompagne aussi de frais effectifs (par exemple, les dépenses faites pour des annonces). Le temps, les inconvénients et les frais qui sont nécessaires pour obtenir un certain prix, représentent la « quantité d'information » consacrée à la vente. La perte de temps et les inconvénients constituent également un élément du coût, en fait un coût d'opportunité (le temps et les efforts auraient pu être utilisés pour d'autres emplois et ils auraient rapporté un ..-.:ertain rendement). Il s'ensuit que la quantité d'information peut être exprimée aussi sous forme d'un coût d'information (les frais d'information effectivement dépensés en monnaie et le coût d'opportunité représenté par le temps d'information sacrifié et les efforts d'information déployés). Comme nous l'avons déjà dit, le degré de mobilisation d'un actif est fonction du degré de perfection et du marché et de la concurrence. En faisant abstraction pour le moment de la forme de la concurrence, le degré de mobilisation peut être décrit par le rapport entre le coût d'information nécessaire pour la vente et le prix réalisable grâce au coût supporté (voir fig. 1). Par conséquent, " 100
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un bien est parfaitement mobilisable lorsqu'il n'existe qu'un seul prix, indépendant du coût d'information; de plus, ce prix est, par le fait même, le prix maximum à réaliser (Pmax). La verticale pointillée A dans la figure 1 représente des actifs parfaitement mobilisables (par exemple, la monnaie, les dépôts d'épargne à court terme, les effets réescomptables). La courbe B représente le cas d'un actif qui n'est pas parfaitement mobilisable : plus est élevé le coût d'information nécessaire pour préparer soigneusement la vente, plus est avantageux le _ prix réalisable. Si nous ne retenons dans le coût d'information que la dépense en temps comme facteur déterminant du degré de mobilisation (ou encore, s'il y a proportionnalité linéaire entre coût d'information et temps d'information), on pourra faire une comparaison entre la liquidité « économique n et la liquidité « physique n. La vitesse à laquelle un liquide peut être vidé d'un réservoir, détermine son degré de liquidité (physique). Il en va de même pour le degré de liquidité (économique) des actifs. Un actif est d'autant liquide que sa vitesse de transformation en monnaie est grande (1).
II) Le montant du coût de transformation des actifs. Même si un actif est parfaitement mobilisable (c'est-àdire, s'il existe une concurrence parfaite sur le marché de l'actif, le coût d'information nécessaire pour la réalisation de son prix maximum étant alors nul), la vente de cet actif entraîne un certain « coût de transformation n. Ce coût se compose (de même que celui d'information) de frais effectifs et d'un coût d'opportunité. Choisissons, par exemple, un titre négociable en bourse (marché parfait) et pour lequel il y a en même temps concurrence (1) R. J. BALL [I964J, pp. 170-173. - Signalons que Bal! considère le temps comme le seul facteur déterminant le degré de mobilisation.
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parfaite : ce titre est parfaitement mobilisable; il se vend au prix: max:imum (sans encourir de coût d'information). Cependant, la transformation de ce titre en monnaie implique, d'une part, des frais effectifs pour les commissions des courtiers et éventuellement pour l'impôt sur les opérations de bourse et, d'autre part, un coût d'opportunité dû à la perte de temps et ceux: des efforts de la vente (r). Ce coût de transformation n'existe pas dans le cas de la monnaie (2). Par contre, tous les autres actifs exigent un coût de transformation plus ou moins élevé. Par exemple, la vente d'une voiture d'occasion donne naissance à un coût de transformation plus élevé que de retirer de l'argent à la caisse d'épargne. Par ces deux éléments (coût d'information et coût de transformation) la liquidité était définie en fonction de la possibilité de « réalisation à très bref délai » (Keynes), c'est-à-dire de conversion des actifs en moyens de paiement. Moins les coûts d'information et de transformation étaient élevés pour échanger un certain actif contre de la monnaie, plus on pourrait le considérer comme liquide, plus il était proche de la monnaie qui n'implique ni coût d'information ni coût de transformation (3). (I) J. R. HICKS [I946], chap. XIII. (2) Cependant, une conversion d'une forme de monnaie (par exemple, de la monnaie fiduciaire) contre une autre forme de monnaie (par exemple, la monnaie scripturale) entraîne un certain COÜt de transformation, au moins du temps et des inconvénients 1 (3) Il n'est pas inutile d'indiquer ici les relations entre les notions (que nous retenons) de « coÜt d'information» et de " coÜt de transformation » et celle (plus courante) de " coÜt de transaction ». Dans la littérature économique, le terme de coÜt de " transaction est employé, en général, pour le coÜt qui provient de l'achat et (ou) de la vente d'un bien. En ce sens, les coÜts d'information et de transformation représentent un type particulier de coÜts de transaction, celui qui résulte de la vente d'un actif contre achat de monnaie. Il est d'autres types de coÜts de transaction qui n'interviennent pas dans la formulation du concept de liquidité, par exemple, celui occasionné par la transaction « vente de monnaie contre achat de biens» ; ou ceux qui caractérisent une économie de troc (échange direct de marchandises) par rapport à une économie monétaire (échange indirect de marchandises
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b) La proximité monétaire des actifs comme instruments de réserve de valeur L'autre élément constituant la notion (keynésienne) de liquidité (est liquide un actif « réalisable à très bref délai, avec une grande certitude et sans perte ») met l'accent sur l'aptitude des actifs à servir d'instruments de réserve de valeur. La monnaie représente (dans les périodes où la valeur de la monnaie est stable) le moyen de réserve de valeur le plus sûr. Les autres actifs ne remplissent que plus ou moins cette fonction de réserve sûre de valeur ; ils sont donc plus ou moins liquides, c'est-à-dire inégalement proches de l'instrument le plus sûr de réserve de valeur qu'est la monnaie. La certitude de la valeur d'un actif dépend de la mesure dans laquelle il est soumis au danger de dépréciation en raison de variations futures des prix. Ces fluctuations de prix peuvent affecter, tout d'abord, le prix de l'actif et, par là, sa valeur future en capital. La certitude dite de la valeur en capital varie d'un actif à l'autre. Elles est parfaite pour la monnaie qui apparaît dotée, sous cet aspect, de la liquidité la plus élevée en ce sens qu'elle constitue le meilleur moyen de réserve de valeur (la valeur en capital est tout à fait certaine). D'autre part, ces variations futures des prix peuvent être celles du niveau général des prix et, par là, affecter la valeur réelle future d'un actif. La certitude dite de la valeur réelle est également différente selon les actifs. De ce point de vue, la monnaie ne constitue aucunement l'actif le plus liquide, d'autres actifs, les actifs physiques, remplissent mieux cette fonction de réserve de valeur. Nous allons maintenant analyser successivement ces par l'intermédiaire de la monnaie); ou, enfin, ceux qui proviennent de l'emploi de différentes formes de monnaie (monnaie-marchandise, monnaie fiduciaire). - Voir à ce sujet, par exemple, H. L. MILLER [1965].
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deux éléments de la liquidité qui se rattachent à la « proximité monétaire des actifs comme instruments de réserve de valeur » : III) Le degré de certitude de la valeur en capital; et IV) Le degré de certitude de la valeur réelle. III) Le degré de certitude de la valeur en capital des actifs. - L'incertitude de la valeur en capital dont Keynes, du reste, a fait la pierre angulaire de sa préférence pour la liquidité (au sens de préférence pour la détention de monnaie caractérisée par une certitude parfaite de la valeur en capital, par rapport à la détention de rentes perpétuelles dont la valeur en capital est incertaine), rend les actifs financiers et physiques inférieurs à la monnaie en raison de leur imperfect moneyness. La valeur en capital de la monnaie (que l'on ne doit pas confondre avec sa valeur réelle) est toujours égale à sa valeur nominale; elle ne peut être affectée par des variations de prix. Par contre, la valeur en capital des autres actifs est fonction de la variation de leurs prix; ce sont précisément ces prix qui servent à les mesurer. Comme leurs prix futurs sont inconnus, la valeur future en capital est incertaine, ce qui signifie que leur degré de liquidité est plus faible. Cette incertitude de la valeur en capital est surtout manifeste dans le cas des actions et des obligations. Par exemple, une augmentation du taux d'intérêt à long terme des rentes perpétuelles dans le rapport 400 à 401 diminue déjà leur prix de 0,25 %' A l'autre extrême se trouvent les titres à court terme qui ne sont exposés qu'à un minimum d'incertitude à cet égard, ce qui justifie que l'on puisse la négliger pour ce type de titres (1). La valeur en capital (1) « Le possesseur d'un patrimoine achetant une lettre de change aujourd'hui connaît le montant du capital qu'il aura après trois mois... S'il achète une obligation, ... il ne connaît pas la valeur future de son capital. Ainsi, pour de très bonnes lettres de change l'incertitude de la valeur en capital est négligeable, ... tandis qu'elle est relativement élevée pour de très bonnes obligations >. J. ROBINSON [1951], p. 8.
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des actifs physiques est affectée d'une incertitude considérable pour les raisons suivantes. D'une part, ils subissent, en règle générale, une dépréciation constante au cours du temps aussi bien en raison de leur utilisation qu'en raison de circonstances « extraéconomiques » (changement des goûts, progrès technique, détériorisation « naturelle » avec le temps). D'autre part, la valeur future en capital d'un actif physique peut être influencée par le fait que le prix relatif de cet actif par rapport aux autres biens varie (contrairement à une variation du niveau général des prix qui n'affecte pas la valeur en capital au sens strict, ni la valeur réelle des actifs physiques, mais seulement leur valeur nominale). Cette variation du prix relatif peut d'abord concerner un « nouveau » bien durable (par exemple, les appartements nouvellement construits), puis influencer les prix relatifs des « anciens )J biens durables correspondants (par exemple, les appartements anciens), c'est-à-dire leur valeur en capital. Si cette dernière tendance, pour un certain actif physique, est généralement plus forte que celle de la détériorisation « technique )J et si, de plus, elle se manifeste par des anticipations à la hausse du prix (relatif), cet actif(par exemple, l'or) pourra être clairement plus liquide, du point de vue de l'incertitude de la valeur en capital, que beaucoup d'autres actifs financiers. Pour être complet, il faut encore mentionner qu'une variation des prix relatifs futurs (y compris les taux d'intérêt) des actifs n'affecte pas seulement la valeur en capital de certains actifs (titres à long terme à taux d'intérêt fixe, actions, actifs physiques), mais peut aussi agir sur leur « revenu )J. Par revenu nous entendons les intérêts (titres à taux d'intérêt fixe) et les dividendes (actions). Cependant, ce revenu ne représente pas un élément constitutif de la liquidité, puisque la propriété de la liquidité est définie par référence à la monnaie et que la monnaie ne rapporte aucun revenu pécuniaire (au sens d'un taux
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d'intérêt pécumaIre, tout au moins dans les systèmes monétaires actuels). Mais ce revenu joue un rôle important pour la composition optimale du patrimoine, parce que, comme nous le verrons ultérieurement, celle-ci est déterminée par la comparaison entre les avantages en termes de liquidité et les avantages en termes du rendement pécuniaire des différents actifs. Le rendement pécuniaire ne consiste pas seulement en un gain éventuel en valeur du capital (et en un gain en valeur réelle), mais aussi en ces revenus dont le montant est connu d'avance pour la plupart des actifs, en particulier pour les titres à taux d'intérêt fixe. Ce revenu est complètement inconnu pour les actions. Cependant, l' « incertitude du flux de revenu» des actions et l'incertitude de leur valeur en capital sont interdépendantes puisque le montant des dividendes payés (ou non distribués) se reflète dans la valeur en capital des actions (1). (I) Les actifs physiques (biens durables de consommation et de production) rapportent également un revenu. Celui-ci ne peut être assimilé, contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, aux services physiques (de consommation et de production), qui correspondent, en réalité, à une consommation de capital. Les actifs physiques produisent plutôt un rendement pécuniaire qui ne consiste pas évidemment en la perception d'une somme d'argent, comme c'est.le cas pour les titres, mais en une économie de dépenses. A condition que le coût des services physiques obtenus par la possession des actifs physiques soit inférieur au coût d'achat direct de ces services (ou au coût de location de ces actifs), le consommateur ou le producteur bénéficiera de l'économie due à la différence de coût. Cette économie que l'on peut appeler aussi rente du consommateur et rente du producteur forme le « flux de revenu" des actifs physiques. Le montant de ce revenu futur est incertain, comme dans le cas des actions, pour la raison suivante; Etant donné une certaine utilisation des actifs physiques, le montant de l'économie de dépenses dépend de la différence entre le prix des services des actifs fictivement loués et le prix des services des actifs effectivement possédés. Puisque le prix futur des services rendus par des actifs loués est, en principe, inconnu, le montant de l'économie de dépenses futures réalisée grâce aux actifs physiques possédés sera également inconnu. En ce sens, ces actifs sont caractérisés par une « incertitude du flux de revenu ". Remarquons ici que la manière dont nous envisageons !es actifs physiques ne correspond pas exactement à l'orthodoxie en vigueur dans ce
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS
IV) Le degré de certitude de la valeur réelle des actifs. Dans le cas d'une variation du niveau général des prix (inflationniste ou déflationniste), la valeur réelle des actions et des actifs physiques ne subit aucune modification; à cet égard, les actions et les actifs physiques peuvent être considérés comme les meilleurs instruments de réserve de valeur. Ceci vaut surtout pour les périodes de mouvements inflationnistes nets pendant lesquels les actifs financiers voient leur valeur réelle diminuer de manière constante. Dans de telles époques, si la hausse des prix est suffisamment forte, la monnaie peut perdre sa qualité de liquidité absolue, c'est-à-dire sa propriété de constituer le meilleur moyen de paiement et de réserve de valeur; elle pourra ainsi devenir moins liquide que les actions et les actifs physiques. Par contre, lorsque les sujets économiques anticipent une déflation constante des prix, la valeur réelle des actifs financiers (y compris la monnaie) s'élève, tandis que la valeur réelle des actions et des actifs physiques reste constante; les actifs financiers sont alors beaucoup plus liquides que les actions et les actifs physiques (1).
domaine. Dans la théorie « traditionnelle» des biens durables de consommation et de production, le caractère patrimonial de ces biens est moins souligné, l'accent étant mis sur les services de consommation ou de production dont le montant optimal est analysé d'après la théorie de la consommation ou de la production (ou de l'investissement). La théorie de la demande des biens durables de consommation et de production cependant doit tenir compte aussi du caractère patrimonial de ces biens, ce qui peut être fait en appliquant l'analyse du portefeuille financier à la demande de biens durables. - Voir à ce sujet A. WOLFBLSPERGER [X970] et le chapitre IV de notre étude. (x) A côté des incertitudes relatives à la valeur en capital et à la valeur réelle, il faut encore mentionner un autre type d'incertitude étroitement liée à l'incertitude en valeur de capital et qui ne concerne que les actifs financiers: l'incertitude sur la solvabilité des débiteurs, souvent nommée aussi risque de crédit. Les titres qui ont, par exemple, le même degré de maturation, peuvent différer du point de vue de ce risque. A chaque degré du risque de crédit correspond une prime déterminée pour indemniser le prêteur. Cette prime de risque dépend de l'évaluation que les détenteurs de titres font
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En résumé, la notion de liquidité que nous proposons a les caractéristiques suivantes (voir aussi le tableau synoptique 1). Nous sommes partis de la notion de monnaie. La monnaie est autant un moyen de paiement généralement accepté qu'un instrument de réserve de valeur. La monnaie, par ces deux propriétés, peut agir sur les variables de l'économie. Ces « qualités monétaires » sont communes à d'autres biens, c'est-à-dire aux autres actifs non humains, bien que, dans la plupart des cas, à un moindre degré: titres à intérêt fixe ayant une durée courte ou longue, actions et actifs physiques. Ces actifs sont moins liquides que la monnaie, parce qu'ils ne représentent pas de moyens parfaits de paiement et de réserve de valeur. Du point de vue du moyen de paiement, ils seront très proches de la monnaie si leur vente entraîne peu de coûts d'information et de transformation. Leur degré de liquidité sera encore plus élevé s'ils sont très proches de la monnaie en tant qu'elle est l'instrument le plus sûr de réserve de valeur (abstraction faite des variaaussi bien de la solvabilité des débiteurs que de leur propre aversion pour ce risque. Les primes de risque déterminent la structure des taux d'intérêt d'après le critère du risque de crédit. (Signalons que la structure des taux d'intérêt selon le critère du risque de crédit ne doit pas être confondue avec leur structure d'après le critère de la durée du prêt.) Si un titre est soumis à un risque d'insolvabilité très grand, son prix sera relativement bas, ou, autrement dit, son taux d'intérêt sera relativement élevé. Le danger d'insolvabilité se concrétise « sur le marché » dans le prix de la créance en question, et cela d'autant plus que la même opinion est partagée par la majorité des prêteurs. Voir J. R. HICKS [1946], pp. 142- 144. La valeur future en capital de ces titres n'est pas cependant nécessairement plus incertaine que la valeur future en capital de titres ayant, par exemple, la même durée de maturation, mais qui ne sont pas exposés au risque de crédit. Le prix actuel tient déjà compte du risque de crédit sous forme d'une réduction de prix. L'incertitude de la valeur future en capital dépend, pour les deux sortes de titres, de l'incertitude relative à l'évolution future des taux d'intérêt. La relation entre le taux d'intérêt futur d'un titre soumis à un risque de crédit considérable et le taux d'intérêt d'un titre sans aucun risque de crédit ne change que dans le cas où les agents économiques modifient, dans l'avenir, leur appréciation du risque d'insolvabilité. Voir à ce sujet A. LINDBIlCK [1962], pp. 16-18.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
TABLEAU l
Liquidité en tant que « proximité monétaire» des actifs
Proximité monétaire des actifs comme moyens de paiement
Types d'actifs non humains
Monnaie .......... Titres à court terme à intérêt fixe ..... Titres à long terme à intérêt fixe ..... Actions ........... Actifs physiques ....
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Eléments de liquidité
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tions du niveau général des prix), c'est-à-dire si la certitude de leur valeur en capital tend à être parfaite. Remarquons que la plupart des éléments de la notion de liquidité sont fondés sur l'incertitude, ce qui permet de dire que le phénomène de la liquidité s'explique par l'existence d'une prévision imparfaite. Ceci est évident pour la liquidité en tant que « proximité monétaire des actifs comme instruments de réserve de valeur », qui se définit par référence à la certitude ou à l'incertitude de la valeur future des actifs. Quant à la liquidité en tant que « proximité monétaire des actifs comme moyens de paiement », elle implique, en partie, également incertitude. Dans un monde de prévision parfaite, le problème de l'information n'existe pas, puisque celle-ci peut y être considérée comme parfaite. Par conséquent, les marchés d'actifs seraient identiquement parfaits et tous les actifs
MONNAIE ET LIQUIDITÉ
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seraient parfaitement mobilisables dans la mesure où le coût d'information pour leur vente serait nul. Il s'ensuit que les seuls éléments de la liquidité subsistant dans ce monde de prévision parfaite seraient constitués par l'éventualité d'une concurrence imparfaite et par le coût de transformation. Puisque le phénomène de la liquidité est, en grande partie, identique à celui de la prévision imparfaite (voir les points l, III et IV), l'évaluation de cette incertitude et, par là, celle de la liquidité dépendent, en fin de compte, des anticipations des agents économiques. Il n'est donc pas possible de mesurer « objectivement » la liquidité comme on le fait pour la monnaie à partir du volume de la masse monétaire existant dans une économie. En principe, on ne peut donc affirmer qu'un certain actif est toujours plus liquide qu'un autre, ni de dire de combien il le sera exactement. On pourra seulement constater pour un cas donné et compte tenu d'un certain nombre de faits, concernant surtout l'état conjoncturel de l'économie et les « anticipations générales », qu'une catégorie d'actifs dont les marchés sont, par exemple, à peu près parfaits, dont le coût de transformation est faible et (ou) dont la valeur future en capital et en termes réels reste constante (ou même augmente), est plus liquide qu'une autre catégorie d'actifs qui ne possèdent pas ces qualités « quasi monétaires » (1). (1) Cependant, il n'est pas inutile de mentionner un essai très intéressant pour mesurer la quantité de liquidité dans une économie. Son objectif est d'approcher empiriquement la définition « idéale » de la quantité de monnaie - définition proposée par FRIEDMAN et MI!ISELMAN [1963], p. 185 n. Selon eux, les actifs financiers sont « des biens composés, en partie monnaie et en partie non-monnaie, et il faut essayer d'inclure dans ce qui est appelé « monnaie» le seul élément monétaire spécifique à chaque créance ». Notons que Friedman emploie pour la quantité de monnaie une définition plus large lorsqu'il teste la théorie quantitative (le rapport entre la masse monétaire et le revenu national nominal). Elle englobe les pièces
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
Malgré ces restrIctIons qui sont d'ordre empirique puisqu'elles concernent la possibilité effective de mesurer la liquidité des actifs, nous nous servirons de ce concept de liquidité dans les chapitres suivants. En particulier, ce concept est important pour la solution d'un problème fondamental de la théorie monétaire. L'utilité de la monnaie est fondée sur les avantages de liquidité que nous avons décrits conférés par la monnaie. Puisque d'autres actifs possèdent également certains éléments de liquidité, ils donnent naissance à une utilité « quasi monétaire ». Prendre en considération leur qualité monétaire relative est important pour la théorie monétaire dans la mesure où celle-ci doit analyser l'influence sur l'économie d'actifs qui ont la qualité monétaire à des degrés variés. Comme nous le verrons, cette influence s'exerce par deux voies : d'une part, par l'intermédiaire d'ajustement continu du portefeuille d'actifs plus ou moins liquides et de leurs prix, c'est-à-dire de leurs taux d'intérêt (chap. III et IV); d'autre part, par l'intermédiaire d'un effet de patrimoine, appelé effet de liquidité réelle, qui est semblable à l'effet d'encaisse réelle (chap. V).
de monnaie, les billets et dépôts à vue auprès de la balance centrale ainsi que les dépôts à vue et à terme auprès des banques d'affaires. Il désigne par M 2 cette quantité de monnaie par opposition à Ml qui exclut les dépôts à terme. Une des raisons en est que Friedman considère que les dépôts à vue et à terme sont des biens de substitution extrêmement proches. Quelques auteurs vont encore plus loin en proposant Ms, ~, etc. Ainsi, Ms représenterait M 2 plus les dépôts à terme auprès de banques autres que les banques d'affaires; M 4 représenterait Ms plus d'autres actifs financiers « proches de la monnaie ». Ces derniers dépôts à terme et actifs financiers sont pondérés par un moneyness coefficient dont la valeur peut varier entre 0 et r. Ce coefficient de proximité monétaire s'obtient par une analyse de régressions multiples qui procède à une variation de la masse monétaire alternativement du type Ml' M 2 , Ms et ~ afin de prévoir par la suite la variation du revenu national nominal. Voir à ce sujet R. T. TrMBERLAKE et J. R. FORTsoN [r967] et G. S. LAUMAS [r969].
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS
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CHAPITRE
III
LIQUIDITÉS DE TRANSACTION Le domaine de la théorie de la demande de monnaie comme d'ailleurs beaucoup d'autres en théorie économique concentre les données théoriques du problème posé sur la formulation des conditions minima (ou plus exactement: des conditions nécessaires et suffisantes) d'un phénomène de la réalité qui est, dans notre contexte, le fait que la monnaie est demandée au même titre qu'un autre bien. Selon certains auteurs, ces conditions minima consistent dans la synchronisation imparfaite entre dépenses et recettes en supposant une prévision parfaite à l'égard de toutes les variables économiques. Nous n'entrerons pas dans cette controverse et voulons simplement faire remarquer qu'il serait plus compatible avec l'hypothèse de la prévision parfaite (qui, par ailleurs, implique l'impossibilité d'une insolvabilité) de supposer une « économie de crédit pur » dans laquelle les paiements s'effectuent selon un système de clearing (1). Quoi qu'il en soit, nous allons nous placer tout de suite dans une situation de prévision imparfaite. L'utilité de la monnaie et la demande de monnaie résulteront donc de la prévision imparfaite qui elle-même fait entrer en jeu le problème de la liquidité, comme nous l'avons vu à la fin du précédent chapitre. Dans une situation de prévision (1) Evidemment, on connaîtrait d'avance une insolvabilité, et ceux susceptibles de devenir insolvables ne seraient pas admis sur le marché.
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS
imparfaite, les mobiles de la détention de monnaie sont ceux que Keynes a présentés dans sa Théorie générale et que la théorie monétaire a approfondis ces dernières décennies. Selon cette optique, la monnaie est demandée comme une détention de réserves contre des contingences. Elle peut être dépensée au cours de la période de plan ou peut être conservée jusqu'à la fin de la période : tout dépend de circonstances imprévisibles à l'égard du rythme de paiements des recettes et dépenses et à l'égard de la variation des prix des biens (c'est-à-dire des marchandises et des titres). Pour parer à ces éventualités, on détiendra de la monnaie; cette détention crée une utilité directe parce qu'elle est une sorte d' « amortisseur de choc » contre des incertitudes (1). Nous allons en donner successivement les raisons conformément à la division maintenant traditionnelle de la détention de monnaie en encaisses de transaction et en encaisses de spéculation, mais avec une précision importante : ces encaisses de transaction et de spéculation ne se réduisent pas nécessairement à la monnaie et peuvent comprendre aussi d'autres actifs liquides. En supposant tout d'abord une incertitude qui se limite seulement à l'échelonnement temporel des diverses recettes et dépenses (le montant des recettes totales et des dépenses totales étant supposé connu d'avance et les unes et les autres (r) C'est P. A. SAMUELSON qui, de tous les auteurs, exprime le mieux dans ses Foundations of Economie Analysis [r947] ce caractère de la détention de monnaie comme une détention de réserve contre des contingences et l'utilité directe de la monnaie qui en résulte. Dans sa Note on the Demand for Money (pp. II7-122) devenue fameuse se référant explicitement aux seules encaisses de transaction, il caractérise la détention de monnaie comme un bien qui: « peut être aussi bien utilisé que ne pas l'être; elle circule, mais elle ne se réduit pas; elle est tout simplement là pour faire face à des contingences ce qui se justifie même quand les contingences ne surgissent pas ex post. Sa possession rend ainsi un véritable service qui peut être comparé à l'utilité directe provenant de la consommation de sucre, de tabac, etc. En ce sens, il existe pour l'individu une certaine marge où il est indifférent d'avoir plus de tabac et moins d'encaisses... » (p. II8).
LIQUIDITÉS DE TRANSACTION
coïncidant en fin de période), la demande de monnaie ne repose que sur le motif de transaction tandis que les éléments de l'utilité de la monnaie ne comprennent que les avantages de la fonction «( classique »)) de la monnaie en tant que moyen de paiement. Dans le chapitre suivant, la prévision imparfaite s'étendra au volume futur des recettes totales et des dépenses totales et aux prix futurs des biens (marchandises et titres) ; partant, on prendra en considération la fonction «( keynésienne ») de la monnaie en tant que réserve de valeur ce qui a des conséquences sur le niveau de la demande de monnaie et l'intensification de l'utilité de la monnaie. L'analyse des encaisses de transaction dans la littérature économique n'inclut que de la monnaie dans les moyens de transaction : 1° Ainsi, on néglige complètement le fait que certains autres actifs liquides (les titres à court terme et parfaitement mobilisables) peuvent remplir la fonction de protection contre l'insolvabilité; donc on pourra les compter parmi les moyens de transaction (au sens large, c'est-à-dire parmi les « liquidités de transaction »); 2° Dans quelle mesure ces « encaisses» de transaction se composent-elles de monnaie et d'autres actifs liquides ? L'analyse en termes de portefeuille peut en faire l'examen; en règle générale, elle se limite à l'analyse des encaisses de spéculation; cependant, le volume optimal des moyens de transaction peut se déduire du choix entre les avantages attachés à la détention de monnaie, de titres à court terme et parfaitement réalisables et de tous les autres actifs; 3° On peut considérer les encaisses de transaction à la fois comme biens de consommation et biens de production. La question pour savoir si la demande du bien de consommation ou de production (dite détention d'encaisses aux fins de transaction) représente une variable volontaristique, est plutôt une question empirique. Cependant, dès que les individus détiennent des encaisses pour des raisons de transaction et de spéculation (chaque unité d'encaisse servant alors
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
simultanément deux mobiles, une dichotomie de la détention de monnaie en encaisses de transaction et de spéculation ne sera plus valable), il s'agira effectivement de grandeurs désirées. 1. LA MONNAIE ET D'AUTRES ACTIFS LIQUIDES
COMME MOYENS DE TRANSACTION
Une détention de monnaie fondée sur le motif de transaction est destinée à franchir la discrépance anticipée entre les futures recettes et dépenses en monnaie. Cette discrépance est l'expression de la synchronisation imparfaite entre les recettes et dépenses qui, pour l'individu, se caractérise par deux facteurs : les « facteurs institutionnels » (( habitudes de paiement ») et l'incertitude envers l'évolution exacte des recettes et dépenses dans le temps. Les anticipations individuelles par rapport au rythme probable du flux futur des recettes et dépenses peuvent se distinguer selon leur « valence ». Elles seront « monovalentes » (ou « fixes », « inélastiques »), si un ordre chronologique définitif des recettes et dépenses est anticipé avec certitude (( subjective »). Mais, il est aussi concevable - même plus probable - que le sujet économique ne soit pas si certain de ses estimations; ses anticipations seront « polyvalentes» (1). Plusieurs répartitions temporelles des recettes et dépenses sont jugées « plus ou moins possibles ». L'individu n'est plus capable de donner une valeur déterminée au montant des moyens de transaction nécessaires. En fonction de son besoin de sécurité il fixe, au début de la période, sa détention désirée de moyens de transaction. L'utilité de ces « moyens de transaction » consiste en (1) Les termes d'anticipations « monovalentes " et proviennent de G. TINTNER [1941].
«
polyvalentes "
LIQUIDITÉS DE TRANSACTION
la certitude d'être solvable à chaque moment. Cependant, cette protection contre l'insolvabilité n'est pas seulement garantie par la détention de monnaie, mais aussi par celle d'autres actifs qui peuvent être transformés en monnaie sans frais considérables et à très bref délai; en réalité, ces derniers se composent pour la plupart de titres à court terme parfaitement mobilisables. Par conséquent, les « encaisses » de transaction peuvent comprendre aussi bien la monnaie que des titres mobilisables; tous deux, monnaie et titres (s'ils sont très liquides) confèrent une utilité immédiate: l'utilité d'être protégé contre l'insolvabilité. Les composantes de l'utilité de ces « encaisses » de transaction peuvent s'interpréter à l'aide du concept de liquidité des actifs élaboré au précédent chapitre. Quant à l'analyse d'utilité de la monnaie, elle tient compte de la seule propriété de la monnaie en tant que moyen de paiement, puisque pour le moment la monnaie est détenue en raison du motif de transaction. D'autres actifs possèdent cette qualité monétaire mais à un moindre degré puisque leur échange contre monnaie engendre des coûts d'information et (ou) de transformation. Si le coût d'information est égal à zéro, les actifs en question seront échangés sur des marchés parfaits et, en ce sens, seront parfaitement mobilisables. Leur vente n'entraîne que la dépense du coût de transformation, c'est-à-dire la dépense de temps, d'efforts et de frais effectifs; une dépense supplémentaire de temps, d'efforts et de frais effectifs provenant de la recherche soigneuse du meilleur prix à obtenir, c'est-à-dire la dépense d'un coût d'information, n'existe pas pour les actifs mobilisables. Puisque la date des engagements de paiements n'est pas connue d'avance (on peut seulement la prévoir avec un certain degré de certitude), le degré de mobilisation est d'une importance essentielle pour constituer une encaisse de transaction. Sans doute pourrait-on concevoir d'autres actifs imparE.-M. CLAASSEN
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS
faitement mobilisables comme faisant partie d'une encaisse de transaction; car les individus pourraient revenir à ces derniers (outre la possibilité d'un emprunt) si leurs moyens liquides, parfaitement mobilisables, n'étaient pas suffisamment disponibles lorsque des engagements immédiats surgiraient. Mais, l'inclusion d'actifs imparfaitement mobilisables dans l'encaisse de transaction désirée doit être considérée comme non rentable dans la mesure où elle est plus chère, en termes du coût d'information, que celle de la monnaie et des actifs parfaitement mobilisables. De plus, pour les actifs des encaisses de transaction, il ne suffit pas seulement qu'ils soient parfaitement mobilisables. En raison de l'indivisibilité de certains actifs, en particulier des actifs physiques, ce sont plutôt les titres « divisibles » qui entrent en ligne de compte à côté de la monnaie. En règle générale, il faut choisir parmi ces titres ceux dont la durée de maturation est courte (par exemple, les dépôts à terme, les titres du marché monétaire), car ils sont soumis à une incertitude minime de leur future valeur en capital (1). On peut maintenant spécifier l' « utilité de la solvabilité » que confèrent les actifs des liquidités de transaction. L'épargne d'un coût d'information est un avantage commun à tous les moyens de transaction; ils sont parfaitement mobilisables (2). Pour la monnaie, il faut ajouter une utilité supplémentaire, celle de l'économie d'un coût de transformation. (1) Dès que nous parlons de l'incertitude de la valeur en capital nous abandonnons l'hypothèse d'une prévision parfaite à l'égard des prix futurs. Mais cette hypothèse doit être maintenue par la suite. Nous l'avons momentanément supprimée pour désigner plus exactement les actifs caractéristiques pour la formation des liquidités de transaction. (2) Si l'on supprime l'hypothèse de la prévision parfaite à l'égard des prix futurs (voir la précédente note de bas de page), tous les moyens de transaction posséderont, de plus, l'avantage de certitude de leur valeur en capital.
LIQUIDITÉS DE TRANSACTION
Cette argumentation qui est de Hicks (r) est la suivante. Au lieu de laisser « inemployés» les moyens de transaction nécessaires en monnaie, on pourra aussi les investir sous forme de titres portant un taux d'intérêt et ceci jusqu'à ce que les dépenses en monnaie soient effectuées. Toutefois, la transformation encaisses-titres-encaisses implique du temps, des efforts et des frais effectifs (c'est-àdire la dépense du coût de transformation) (2). On peut dès l'abord éviter ce coût par une détention de monnaie qui, pour cette raison, est plus « liquide» que la détention de titres et crée une utilité plus élevée (protection contre l'insolvabilité, inexistence du coût de transformation) que la détention de titres (protection contre l'insolvabilité) (3). Patinkin traite dans leurs moindres détails les facteurs qui déterminent l'utilité de la monnaie (4). Son mérite est, sans aucun doute, d'avoir fourni la preuve concluante que la monnaie crée une utilité qui lui est propre et qu'elle est donc un bien. Citons un des passages les plus marquants : « ••• supposons que les dépenses et recettes dues aux contrats d'achat et de vente ont lieu au hasard pendant la semaine.•• D'autre part, le remboursement des titres s'effectue à un certain moment, à savoir à la fin de la semaine. Supposons aussi qu'un individu dont les encaisses sont parties subitement pendant la semaine, dispose de l'une des deux voies pour faire face à cette situation. Ou bien il devient insolvable pendant un certain temps - ce fait étant supposé le mettre dans l'embarras; ou bien il remplit ses encaisses en vendant une partie de ses titres pendant la semaine•.• (1) Voir le chapitre précédent, section 3 a). (2) En règle générale, ce coût de transformation se compose d'un
élément de coût fixe et d'un élément de coût variable, ce dernier dépendant du volume de transformation. La dépense de temps et d'efforts (qui est un coût d'opportunité) englobe une large partie du coût fixe. Les commissions de courtier ou les commissions bancaires et d'éventuels impôts revêtent plutôt le caractère d'un coût variable. (3) A côté de l'utilité « indirecte » de la détention de titres provenant du taux d'intérêt. (4) D. PATINKIN [1965], pp. 14-15, IS, chap. V (en particulier, pp. 79So) et p. 1I7.
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Cette transaction est supposée lui coûter d'autres inconvénients. La sécurité que la monnaie procure contre chacune de ces deux sortes d'inconvénients est ce qui doit donner l'utilité à la monnaie » (1).
Ainsi, sous les conditions d'un éçhe10nnement inconnu du flux de recettes et de dépenses et des titres d'une parfaite mobilisation à chaque instant, l'utilité de la monnaie se ramènera à la sécurité d'être prémuni aussi bien contre une insolvabilité éventuelle que contre les inconvénients et frais consécutifs à une éventuelle transformation des titres en monnaie. Cependant, la distinction entre l'utilité de la monnaie et celle des titres ne ressort pas nettement de l'analyse de Patinkin. A condition que les titres soient parfaitement mobilisables, la détention de monnaie aussi bien que celle des titres possède l'utilité de protection contre l'insolvabilité. Il faut ajouter pour la détention de monnaie encore l'utilité de l'épargne du coût (c'est-à-dire l'économie du coût de transformation). Conformément à cette différenciation des composantes d'utilité en protection contre l'insolvabilité, d'une part, et en l'inexistence du coût de transformation, d'autre part, nous distinguons deux types de moyens de transaction. a) La première catégorie des moyens de transaction comprend la monnaie et les titres à court terme parfaitement mobilisables, tous les deux constituant les encaisses de transaction au sens large, c'est-à-dire les « liquidités de transaction ». Ici le motif de transaction est fondé sur une détention d'encaisses qui garantit la protection contre les contingences provenant du rythme incertain des recettes et dépenses, protection qui assure aussi bien la détention de monnaie que celle de titres à court terme parfaitement mobilisables. b) Quand arrive le moment de l'emploi effectif de ces « liquidités de transaction » du fait de dépenses immédiates, la monnaie sera (r) D.
PATINKIN
[r9651, pp. 79-80; les italiques sont de nous.
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le meilleur moyen de transaction (c'est-à-dire « la plus liquide ))) par rapport aux titres à court terme parfaitement mobilisables. Ces derniers devront d'abord être convertis en monnaie-transaction qui provoque la dépense du coût de transformation. Sous l'aspect du coût de transformation, le deuxiè~e type de moyens de transaction comprend uniquement l'actif le plus liquide, c'est-à-dire la monnaie qui forme les encaisses de transaction au sens strict. 2. LE VOLUME OPTIMAL DES LIQUIDITÉS DE TRANSACTION
La composante d'utilité de la monnaie se référant à l'épargne de coût de transformation joue un rôle important pour le choix entre la détention de monnaie et celle de titres (à court terme et parfaitement mobilisables). Par contre, l'utilité provenant de la sécurité de solvabilité n'a d'importance que pour le volume ultime des liquidités de transaction qui consistent en monnaie et en titres à court terme et parfaitement mobilisables; la raison en est que cette utilité est commune aux deux et dans la même mesure. Pour déterminer le volume optimal de la détention de liquidités de transaction, deux sortes de réflexions sont à faire. r) Tout d'abord, le sujet économique cherche à connaître le montant « probable » de moyens de transaction, lequel est fondé sur l'échelonnement anticipé du flux futur des recettes et dépenses. Il peut l'établir, par exemple, à l'aide du calcul des probabilités. La distribution des probabilités se réfère à la distribution des fréquences avec lesquelles surgissent les différents niveaux de discrépances entre dépenses et recettes. Les arguments de cette distribution (moyenne, coefficient de dispersion) informent sur le montant moyen de ces discrépances et sur le degré de sécurité applicable au montant moyen. 2) La question pour savoir si ce montant constitue le
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volume ultime, « optimal » de moyens de transaction, dépend encore d'un autre facteur. D'une part, le degré de sécurité avec lequel le montant moyen « probable» est anticipé, ne doit pas nécessairement coïncider avec la sécurité désirée que l'individu cherche à réaliser. Il peut avoir un besoin de sécurité qui est supérieur ou inférieur à celui garanti par le montant moyen (1) ; donc il attache une utilité plus ou moins élevée à la solvabilité que promet le montant moyen. D'autre part, la détention de moyens de transaction implique un coût dit d'opportunité: si les moyens de transaction avaient été investis en d'autres emplois (consommation, actifs physiques, autres actifs financiers), ils auraient rapporté un certain rendement auquel on a renoncé en détenant des moyens de transaction ; dans le cas où les moyens de transaction consiste en titres, il faut encore soustraire de ce coût les intérêts qu'ils rendent. Mais, il faut juxtaposer à ce coût des liquidités de transaction l'utilité qu'elles confèrent: pour la détention de monnaie l'utilité attachée à la solvabilité et à l'épargne de coût de transformation; pour la détention des titres (à court terme et parfaitement mobilisables) l'utilité liée à la solvabilité. Il s'ensuit que le volume optimal des moyens de transaction résulte de la comparaison entre coût et utilité. Quand l'individu décide du volume optimal de ses liquidités de transaction, il décide simultanément la composition optimale de ses liquidités de transaction, la propor(1) La distribution de fréquences détermine le montant des moyens de transaction à détenir pour chaque degré désiré de sécurité. Comme on le sait, la surface qui est limitée par la courbe de la distribution de probabilités est égale à l'unité (ou égal à 100 %). Dans le cas où, par exemple, les actifs détenus pour des raisons de transaction doivent produire un degré de sécurité de 90 % (c'est-à-dire une probabilité de 90 % avec laquelle des liquidités de transaction sont suffisantes pour franchir les discrépances entre recettes et dépenses), il faudra choisir ce montant-là auquel la surface sous la courbe - mesurée à partir du point zéro des coordonnées - s'élève à 0,9 (c'est-à-dire à 90 %). Voir à ce sujet D. PATINKIN [1965], pp. 82-88.
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tion dans laquelle ces liquidités doivent se répartir en monnaie (les encaisses de transaction « traditionnelles ») et en titres mobilisables. Le supplément d'utilité de la monnaie par rapport aux titres mobilisables (c'est l'économie du coût de transformation) doit être payé par un coût d'opportunité qui est représenté par les intérêts que les titres mobilisables rapportent. La détention de monnaie a atteint son niveau optimal, quand l'utilité (liée au coût de transformation épargné) d'une unité supplémentaire d'encaisse correspond à l'utilité que crée la dépense des intérêts qui auraient été perçus si l'unité supplémentaire avait été investie en titres, c'est-à-dire dans l'autre composante des liquidités de transaction; (ou en termes plus brefs : quand l'utilité marginale de la détention de monnaie est égale à son « coût subjectif marginal ») (1). Plus le taux d'intérêt des titres à court terme est bas, plus on investira la monnaie en des liquidités de transaction; en effet la dépense de temps, d'efforts et de frais qui existe lors de la transformation monnaie-titres-monnaie serait d'autant moins rémunérée. Si la diminution de ce taux d'intérêt se généralise pour atteindre les taux de rendement des autres actifs, l'ensemble des liquidités de transaction (monnaie, titres mobilisables) augmentera, puisqu'on pourra désormais acheter la protection contre l'insolvabilité à un prix plus bas. Il en résulte une relation (1) Remarquons que le temps est d'une grande importance dans cette comparaison entre utilité et coût de la détention de monnaie. Si les dépenses sont effectuées très tard, on pourra détenir les titres très longtemps. Dans ce cas-là, le coût de transformation jouera un moindre rôle, puisque les intérêts augmentent au cours du temps. Voir F. A. LUTZ [1967], p. 207; version anglaise, p. 24I. Au lieu de détenir de la monnaie ou des titres mobilisables pour le motif de transaction, le sujet économique pourra se procurer des moyens de transaction en recourant à l'emprunt. Dans ce cas-là, il devra faire des comparaisons analogues à celles qui auraient eu lieu lors du choix entre monnaie et titres mobilisables. Les désavantages de la détention de monnaie consistent toujours en son coût d'opportunité sous forme des intérêts échappés. Ses avantages se réfèrent maintenant à l'utilité liée à l'épargne de temps, d'inconvénients et de frais provoqués par l'emprunt.
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inverse entre la détention de moyens de transaction et « le » taux d'intérêt.
D'autre part, si les titres qui appartiennent aux liquidités de transaction deviennent plus liquides, la détention de monnaie se réduira (pour des taux d'intérêt donnés). Un degré de liquidité plus élevé des titres signifie que le coût de transformation s'est abaissé. Conformément à cela, intervient une diminution de l'épargne de coût (moins de temps, d'inconvénients et de frais effectifs à épargner) qui caractérise les avantages de la détention de monnaie et, de ce fait, la détention de monnaie créera une utilité moins élevée. Il s'ensuit que la demande de monnaie, les taux d'intérêt étant donnés, baisse au profit d'une demande accrue des titres - fait d'une importance cruciale pour les économies monétaires modernes qui se caractérisent par un système financier très développé (1). (1) A l'extrême, quand les titres deviennent parfaitement liquides, l'utilité de la monnaie liée à l'épargne du coût de transformation sera égale à zéro. L'ensemble des liquidités de transaction consiste désormais en titres qui circulent comme moyens de paiement. Non seulement ils remplissent la fonction de la monnaie, mais ils rapportent un taux d'intérêt. Il en résulte deux thèses importantes pour la théorie monétaire. a) D'une part, le taux d'intérêt n'est pas un phénomène purement monétaire. Selon HICKS [1946], pp. 164-166, si les titres (à court terme) étaient parfaitement liquides, l'existence du taux d'intérêt (à court terme), qui constitue une rémunération pour la dépense de temps, d'inconvénients et de frais lors de l'achat et de la vente des titres (à court terme), ne serait plus justifiée. Mais on ne voit pas pourquoi le taux d'intérêt doit disparaître. C'est plutôt la monnaie qui cesse d'être utilisée, puisqu'un autre actif exerce mieux la fonction de la monnaie (c'est-à-dire: d'une façon plus rentable). La monnaie disparaît mais non pas le taux d'intérêt. Ce dernier continue à être déterminé par les variables classiques de la préférence pour le temps et de la productivité. Voir à ce sujet, par exemple, P. A. SAMUELSON [1947], p. 123 et D. PATINKIN [1965], pp. I09-IIO. J. R. HICKS, dans une de ces dernières études [1967] (pp. 18-19), a accepté cette critique. b) A première vue, on pourrait s'étonner que les titres utilisés comme moyens de paiement rapportent des intérêts. Cependant, en ce qui concerne les dépôts à vue, les services rendus gratuitement lors des virements peuvent déjà être considérés comme un taux d'intérêt implicite. De plus, le fait que les dépôts à vue ne rapportent pas un taux d'intérêt explicite est plutôt dû à la restriction de la concurrence entre les banques de dépôts. Voir à cc sujet notre chapitre V.
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Ce type d'analyse relative à la détermination du volume optimal des moyens de transaction nous éloigne, sous plusieurs points, aussi bien de l'analyse traditionnelle que de l'analyse moderne. Toujours est-il que les facteurs déterminant le niveau des moyens de transaction sont les mêmes dans les deux cas : 1) le revenu ou le volume de transaction et II) le taux d'intérêt. 1) Pour l'école de Cambridge, depuis Irving Fisher jusqu'à Keynes, le revenu est la variable décisive qui influence les encaisses de transaction. Le K de l'équation de Cambridge (M = KPY), le V (ou I/V) de l'équation des échanges de Fisher (MV = PT) ou le LI de la demande de monnaie de Keynes (L = PLI(Y) + L 2(R)) forment des coefficients de la détention d'encaisses qui restent constants par rapport à la valeur nominale du revenu ou du volume de transaction. La synchronisation imparfaite des recettes et dépenses, les institutions et habitudes de paiement et le degré d'intégration de l'économie (les facteurs dits institutionnels) fixent la relation entre les encaisses de transaction désirées et le revenu (ou le volume de transaction). Si, par exemple, le revenu s'accroît, la détention d'encaisses désirées augmentera également, à savoir dans la proportion du coefficient de la détention d'encaisses; car on suppose à juste titre que les {( facteurs institutionnels » ne subissent aucune modification dans la courte période (1). II) L'autre facteur déterminant la demande (r) Cependant, il n'est pas du tout concluant que l'encaisse de transaction augmente en proportion linéaire avec le revenu ou avec le volume de transaction - même si les facteurs institutionnels restent inchangés et si l'on fait abstraction de l'élasticité de l'encaisse de transaction désirée par rapport au taux d'intérêt. La preuve en peut être fournie à l'aide du modèle probabilistique que nous avons mentionné plus haut. Supposons que l'individu désire un certain degré de sécurité (par exemple, de 90 %) pour son besoin d'encaisses de transaction; à la distribution des probabilités il trouvera le montant qui correspond à ce degré de sécurité. Prenons le cas où le volume de transaction double, c'est-il-dire que le nombre (N) des transactions double et non pas la valeur moyenne. Pour le même degré de sécurité, le montant des moyens de transaction ne double pas, mais il n'augmente que de VN. Il s'agit ici
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des moyens de transaction, le taux d'intérêt, complète les variables institutionnelles par un élément volontaristique. Selon cette conception proposée, par exemple, par Hicks [1935] et Patinkin [1956], on peut demander plus ou moins d'encaisses de transaction en fonction du niveau du taux d'intérêt, et cette relation fonctionnelle se base, avant tout, sur l'utilité directe (sécurité de solvabilité, économie d'inconvénients et de frais) que la monnaie confère. Notre analyse de la détermination des encaisses de transaction diverge de celle des autres auteurs dans l'application stricte du principe d'utilité de la monnaie à d'autres actifs, à savoir (sous l'aspect de la monnaie en tant que moyen de paiement) aux actifs financiers très liquides. Certains actifs financiers tels les comptes d'épargne ou les effets facilement réescomptables peuvent s'ajouter aux « encaisses» de transaction parce qu'ils sont parfaitement mobilisables (inexistence d'un coût d'information) et ils créent tout comme la monnaie l'utilité de protection contre l'insolvabilité. Ils sont inférieurs à la monnaie dans la mesure où leur transformation en moyens de paiement effectifs entraîne une dépense de temps, d'efforts et de frais (le coût de transformation pour lequel, d'ailleurs, un taux d'intérêt les rémunère); et c'est la raison qui donne à la monnaie une utilité supplémentaire (l'épargne des « économies de grande série " (cconomies of large scale). - Voir à ce sujet W. J. BAUMEL [1952] et D. PAT1NK1N [1965], pp. 87-88 et1a critique de K. BRUNNER et A. H. MELTZER [1967], pp. 422-427. Signalons encore qu'il y a une application importante de cette relation entre moyens de transaction nécessaires et volume de transaction au sens de nombre pour les relations économiques internationales. La question souvent soulevée du besoin de liquidités internationales dans l'avenir s'oriente vers l'accroissement futur du volume du commerce international. Si cet accroissement résulte non seulement d'une augmentation des prix des biens internationalement échangés, mais est aussi la conséquence d'un accroissement des transactions du commerce international, le besoin futur de liquidités internationales demandées pour des motifs de transaction augmentera moins que proportionnellement (toutes choses égales d'ailleurs).
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des coûts de transformation). Avoir pris cette donnée en considération conduit forcément à une autre différence entre notre procédure et celle d'autres auteurs. Lors du choix économique relatif au volume de la détention pour les « encaisses » de transaction (ou plutôt : les « liquidités de transaction ») et la monnaie, on doit comparer l'utilité de la monnaie et celle des titres à court terme parfaitement mobilisables avec leur coût d'opportunité qui se présente par les avantages et rendements de beaucoup d'autres actifs. Une telle optique nous conduit à l'analyse de la monnaie en termes du portefeuille. A proprement parler ce terme n'est généralement utilisé dans la littérature économique que pour la désigner plutôt en tant que réserve de valeur. Qu'une analyse de portefeuille soit applicable aux encaisses de transaction - et pas seulement aux encaisses de spéculation, nos réflexions l'auront démontré, nous l'espérons.
3.
QUELQUES CONTROVERSES MARGINALES
Savoir si l'application du principe d'utilité à la monnaie et surtout à la « quasi-monnaie» (aux autres actifs plus ou moins liquides) revêt une importance considérable pour expliquer l'influence des liquidités (et pas seulement de la monnaie) sur l'économie, peut laisser sceptique. De même, l'analyse de portefeuille pour les liquidités de transaction (y compris les encaisses de transaction) est-elle un pas décisif vers une explication des effets monétaires et « quasi monétaires» sur l'économie? Nous y répondons (évidemment!) par l'affirmative. La justification sera donnée aux chapitres suivants après avoir encore « compliqué »l'analyse. Pour le moment, nous voulons nous référer à quelques controverses plus ou moins résolues par la théorie monétaire au cours des dernières années. Nous les mentionnons pour compléter un peu notre analyse et aussi pour aller au-devant de quelques objections que le lecteur
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pourrait soulever s'il est peu familier avec la théorie monétaire. Ces controverses dites marginales (pour notre analyse) se réfèrent uniquement à la monnaie. Mais, les résultats relatifs à la demande de monnaie, le lecteur pourra à son gré les étendre à la demande des liquidités (c'est-à-dire à la demande de chaque actif constituant un élément de liquidité) puisqu'il lui suffira de remplacer monnaie par liquidité ! r) La monnaie comme bien de consommation et bien de production. - L'analyse de portefeuille de la monnaie en tant que moyen de paiement s'appuie sur certaines prémisses qui elles-mêmes peuvent être mises en cause. Par exemple, un de ces axiomes pose que la détention de monnaie est un bien de consommation, donc crée comme chaque bien de consommation une utilité. Par définition, de tels biens sont consommés par les ménages. Mais les firmes détiennent aussi des encaisses pour des raisons de transaction (r) et cette détention devrait, au sens propre, être conçue comme un bien de production au même degré que les autres actifs au bilan de la firme. Il est bien connu que la différence entre biens de consommation et biens de production réside dans le critère que les uns contribuent à créer une utilité immédiate, tandis que les autres satisfont indirectement les besoins puisque, avec leur aide, on pourra produire des biens de consommation. Or, on peut concevoir la détention de monnaie comme un bien de production. Elle est indispensable à tout processus de production dépourvu de frictions au même titre que la détention de stocks d'autres produits, puisque le « stockage de monnaie» est nécessaire au financement des excédents de dépenses (2). Nous sommes ici en face d'un (r) Selon Keynes, en raison des « motifs d'affaires et de finance» en opposition à son « motif de revenu n. J. M. KEYNES [r936], p. 663. (2) « Pour les mêmes raisons que C"hacun compte aux moyens de
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problème qui relève, selon Baumol (1), du domaine de la théorie du stockage: la question sera celle du volume optimal de stocks à la fois en cas de provision de produits et en cas de détention de monnaie. La « productivité» du « stockage de monnaie» se mesure aussi bien par l'épargne des dépenses qu'aurait engendrées l'insolvabilité que par l'épargne de dépenses supplémentaires lors d'une transformation d'encaisses-titres-encaisses. Son coût consiste (le cas est identique à celui de la monnaie en tant que bien de consommation) en un coût d'opportunité, c'est-à-dire en rendements qui auraient été fournis si la détention de monnaie avait été investie dans d'autres emplois « productifs ». L'optimum de la détention résulte de la comparaison entre son rendement (sa « productivité ») et son coût; en termes plus formels: l'optimum est atteint lorsque la valeur du produit marginal du stockage est égale au coût marginal de facteur (c'est-à-dire au coût marginal du stockage) (2). Ainsi, on a coupé court à l'objection qui voulait considérer la monnaie comme un bien de consommation. Pour justifier théoriquement la demande des moyens de transaction, la monnaie peut également se concevoir comme un bien de production (3). production et au capital le chariot et les chevaux que le paysan utilise pour rentrer chez soi le blé et le bois, les routes, les chemins de fer, les bateaux et l'outil commercial, la monnaie, doivent aussi être ajoutés au capital ». E. von BÔHM-BAWERK [1921], p. 98 ; les italiques sont de nous. (1) W. J. BAUMOL [1952], p. 545. Voir aussi J. TOBIN [1956], pp. II-26. (2) Voir à ce sujet le chap. VII : Money as a Producer's Good, dans D. PATINKIN [1965]. Patinkin considère ce chapitre qui ne figure pas dans la première édition de son livre, comme une nouveauté particulière de la deuxième édition (voir pp. XIV et 668) ; il veut montrer: « Que même au moment où la monnaie ne crée pas l'utilité d'un bien de consommation, elle sera malgré tout demandée en raison de son utilité indirecte en tant que bien de production conformément à la théorie du stockage développée par Baumol et Tobin » (p. 668). (3) Dans ce contexte, on peut résoudre un paradoxe de l'histoire de la théorie monétaire qui est longuement discuté par D. PATINKIN [1965], pp. 574-575, 580-582, 599. Il se réfère à la conception des néo-classiques au sujet de l'utilité de la monnaie. D'une part, ils n'attribuent à la monnaie qu'une utilité indirecte qui
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II) Le problème de la demande volontaristique de monnaie. - On peut employer un autre argument pour contrer l'analyse de portefeuille relative à la monnaie en tant que moyen de paiement; il se réfère à la force d'expression empirique concernant la dérivation théorique des variables qui déterminent les encaisses de transaction. Pour l'exprimer plus précisément : la demande des moyens de transaction est-elle vraiment une demande désirée, volontaristique ? Le sujet économique qu'il soit ménage ou firme, établit-il, en réalité, une comparaison entre les avantages des encaisses de transaction et les avantages d'autres biens de la même manière qu'il le fait pour sa ressort des biens qu'elle permet d'acquérir. D'autre part, lors de leur analyse de la demande de monnaie (par exemple, la détermination du coefficient de la détention d'encaisses K, dans l'équation de Cambridge M = KPY), ils soulignent les avantages de la détention de monnaie sous forme de services de liquidité (la commodité, la sécurité). On peut résoudre cette contradiction en interprétant leur conception de la détention de monnaie dans un sens où ils ne traitent pas la monnaie comme un bien de consommation, mais comme un bien de production. A notre avis, il a certaines raisons à cela. Walras, par exemple, justifie l'utilité de la monnaie par le « service d'approvisionnement » qu'elle fournit comme tout autre « capital circulant ». L. WALRAS [I926], p. 300. Pigou, pour déterminer le K de l'équation de Cambridge, part de la comparaison entre les avantages de la détention de monnaie (commodité, protection contre des risques) et les avantages des investissements réels (rendement du capital). A. C. PIGOU [I9I7-I9I8], pp. I66 et I68. Ainsi, on pourrait conclure, au moins pour Walras et Pigou, les plus représentatifs parmi les auteurs de la théorie monétaire néo-classique, qu'ils ont (implicitement) considéré la monnaie comme un bien de production. Par conséquent, un tel bien ne pouvait créer qu'une « utilité indirecte -. (On pourrait objecter à cette argumentation que l'école de Cambridge considérait le K comme un coefficient constant ne dépendant que de « facteurs institutionnels» ; ainsi, K n'était pas une fonction du taux d'intérêt dans le sens de la productivité marginale du capital et, par là, la monnaie ne pouvait pas être considérée comme un moyen de production. Cependant, comme J. TOBIN [I96I], p. l I4le remarque, les néo-classiques pensaient que le taux d'intérêt était une variable qui restait constante dans la courte période; ceci s'explique par le fait que les néo-classiques concevaient une variation de la « préférence pour le temps - et de la « productivité marginale du capital» (facteurs déterminant le taux d'intérêt) comme un phénomène exclusif de la longue période).
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demande de biens de consommation ou de production et pour sa demande des encaisses de spéculation (comme nous le verrons plus tard) ? La détention d'encaisses de transaction, n'est-elle pas plutôt un résultat de « déséquilibres » (synchronisation imparfaite des recettes et dépenses) qu'un phénomène de choix optimal menant à des situations d'équilibre ? Nous sommes ici en face d'une question fondamentale et il est à présumer qu'elle vivra aussi longtemps que la théorie de la demande de monnaie. Les encaisses de transaction sont-elles déterminées par des facteurs institutionnels comme par exemple les classiques et Keynes l'affirment ou sont-elles déterminées par des variables volontaristiques comme, entre autres, Hicks (1), Patinkin [1956] et Friedman [1956] le prétendent? La réponse pourrait être « non seulement - mais aussi ». Ainsi, « notre » détermination du volume optimal des encaisses de transaction procédait de telle sorte qu'elle tenait compte non seulement des institutions de paiement, mais aussi de l'analyse en termes d'utilité et de portefeuille. Mais en fin de compte on ne peut pas répondre à la question sur le plan théorique, mais plutôt sur le plan empirique. Une série d'études statistiques existent et examinent l'influence du revenu, des taux d'intérêt, etc., sur la demande de monnaie; la plupart d'entre elles constatent une élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt (2). Malgré ce fait (duquel on pourrait déduire que la détention d'encaisses est un résultat de choix économiques impliquant la comparaison entre les avantages et désavantages de la détention de monnaie), (1) A savoir le « jeune» HICKS [1935], [1946] ; car, ces derniers temps il a fait un demi-tour radical en faisant la critique de l'over-volunrarizing de la demande de monnaie: «Cela nous a mis (y compris moi-même) sur une voie qui était, c'est aujourd'hui mon avis, une fausse piste >J. J. R. HICKS [1967], p. 16. (z) Voir, par exemple, H. A. Latané [1960], A. H. Meltzer [1963], D. Laidler [1969].
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elles ne donnent aucune information lorsque la totalité ou seulement une partie des encaisses est demandée à titre « volontaristique. » Ni les salariés ni la ménagère ne poursuivront sans doute une optimisation des encaisses de transaction (au moins dans une économie donnée) et moins encore celle des encaisses de spéculation qui n'existent guère pour « l'homme de la rue ». Ce sont plutôt les financiers, les firmes et les institutions financières qui s'efforcent d'optimiser régulièrement leur portefeuille. Ces derniers réagiront donc dans leur demande de monnaie à des mesures de politique monétaire, lors d'une variation des taux d'intérêt par exemple. Faute d'estimations empiriques, la question concernant les dimensions de ces encaisses volontaristiques désirées par rapport au stock total d'encaisses dans une économie reste en suspens. Cette partie volontaristique d'encaisses - si petite soit-elle - est d'une importance capitale pour la politique monétaire, car une variation du taux d'intérêt, par exemple, par l'intermédiaire d'une variation de la masse monétaire, ne peut être réalisée qu'au moyen de cette partie volontaristique de la demande de monnaie (1). III) La dichotomie entre les encaisses de transaction et les encaisses de spéculation. - Les sujets économiques dont les encaisses de transaction sont dérivées par un calcul d'optimisation, sont, en règle générale, ceux qui demandent des encaisses dites de spéculation. Mais l'idée que ces happy few parmi les possesseurs d'encaisses procèdent à une division stricte de leur stock d'encaisses (volontaristique) en encaisses de transaction et en encaisses de spéculation comme Keynes l'imagine, doit être énergiquement rejetée (2). Chaque unité de monnaie dans (1) J. R. HICKS [1967], pp. 15 et 46-49. (2) Une interprétation des idées de Keynes est parfois difficile parce
qu'i! élude souvent des affirmations absolues. II s'ensuit que les inter-
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l'ensemble des encaisses détenues par un sujet économique est non seulement un moyen de paiement mais aussi une réserve de valeur. Chaque unité sert au motif de transaction et au motif de spéculation. Chaque franc supplémentaire d'encaisses crée l'utilité (produit le rendement, respectivement) d'être moyen de paiement et réserve de valeur (1). La monnaie représente un bien et non deux biens; elle est un actif et non deux actifs (2). La dichotomie, propagée par Keynes et les post-keynésiens, entre encaisses de transaction et encaisses de spéculation ou entre encaisses « actives » et encaisses « passives » «( oisives ») est, il est vrai, utile du point de vue pédagogique (comme d'ailleurs toutes les dichotomies dans la théorie économique), mais elle est tout simplement fausse du point de vue théorique. C'est plutôt une dichotomie entre encaisses non volontaristiques et encaisses volontaristiques qui serait indiquée (3) : une partie des sujets économiques (les économiquement « faibles », les « ménagères ») demandent de la monnaie exclusivement pour des raisons du motif de transaction et le volume de leurs encaisses s'ajuste à un niveau conforme à certaines prètes de sa théorie aboutissent parfois à des résultats complètement divergents. Si nous soutenons que Keynes propose une division des encaisses, on pourra trouver cependant un passage dans sa Theorie générale où il dit: « La monnaie qui est détenue pour chacun de ces trois motifs (motif de revenu, motif d'affaires, motif de spéculation), forme néanmoins une encaisse commune. Son possesseur n'est pas du tout forcé de la diviser en trois compartiments imperméables; ... le même montant pourra être détenu primairement pour une fin et secondairement pour une autre fin ». J. M. KEYNES [1936], p. 195. D'autre part, lorsque Keynes dérive sa liquidity preference function, il opère partout avec la division des encaisses en Ml et M 2 ou en LI et L 2 • J. M. KEYNES [1936], chap. XV. (1) « ... Les dollars dans la détention de monnaie ne peuvent pas être distingués selon le critère qu'ils sont demandés soi-disant pour l'un ou l'autre but. Par contre, chaque dollar doit être considéré en ce qu'il rend une variété de services... ". M. FRIEDMAN [1956], p. 154. Voir aussi D. PATINKIN [1965], p. 126. (2) J. G. GURLEY et E. S. SHAW [1960], p. 33. (3) J. R. HICKS [1967], p. 16.
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habitudes de paiement, sans qu'ils s'efforcent d'ajuster à chaque moment et d'une façon optimale leur stock d'encaisses à la variation des variables économiques (surtout des taux d'intérêt); les autres sujets économiques (les « grands », les « financiers») optimisent leur capital (c'est-àdire leurs actifs) dont les encaisses forment une partie, de telle manière que le maximum d'utilité désiré (ou le maximum de rendement désiré) lié à la détention de monnaie soit atteint en sa qualité de moyen de paiement et de réserve de valeur. Si nous parlons, dans le chapitre suivant, de l'utilité de la monnaie en tant qu'instrument de réserve de valeur - et, par là, de l'utilité des encaisses de « spéculation », cela ne désignera pas l'autre partie de la détention d'encaisses « volontaristiques ». Il s'agit plutôt de la même détention d'encaisses qui jusqu'ici créait seulement l'utilité liée à la protection contre l'insolvabilité et à l'inexistence du coût de transformation. Il faut encore ajouter l'utilité liée à la certitude en valeur. Pour des raisons analytiques, nous avions fait abstraction (à quelques exceptions près) de la prévision imparfaite quant aux prix futurs; ainsi, le problème de la réserve de valeur ne pouvait pas se poser. Dès que l'on supprime cette hypothèse, l'utilité de la monnaie et d'autres actifs s'intensifieront - quod est demonstrandum.
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(1) Pour les articles reproduits dans des ouvrages, l'indication des pages se réfère au texte le plus récent.
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CHAPITRE
IV
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE La théorie micro-économique est fondée en grande partie sur une série d'hypothèses qui décrivent non seulement le comportement optimal des sujets économiques (par exemple, la maximisation d'utilité chez les consommateurs et la maximisation de profits chez les producteurs), mais encore qui sont complétées par les conditions « idéales » accompagnant ce comportement telles que la prévision parfaite, des marchés parfaits ou l'inexistence de coûts de transaction. Au cours des deux dernières décennies, les théoriciens se sont efforcés d'analyser le problème du choix optimal dans des situations qui ne sont plus caractérisées par ces « perfections », mais qui, au contraire, incluent les marchés imparfaits, les coûts de transaction et toutes sortes de « frictions » et d'incertitudes relatives aux événements futurs. Des modèles et des instruments théoriques ont été développés pour ce « nouvel » aspect dont la théorie monétaire (micro-économique) a particulièrement profité. La détention de monnaie est principalement un phénomène de l'incertitude. Son niveau optimal ne peut pas être déterminé par la théorie traditionnelle de la demande d'un bien. C'est plutôt l'analyse en termes du portefeuille qui la remplacera. Celle-ci est une théorie relative à la
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demande d'un actif en situation de prévision imparfaite. La quantité optimale d'un tel actif à détenir (par exemple, celle de la monnaie) résulte de l'analyse déterminant la composition optimale des actifs (y compris la monnaie) qu'un sujet économique détient dans son portefeuille (1). Sous cet aspect, la théorie actuelle de la demande de monnaie rompt avec la théorie traditionnelle dans la mesure où, dans la théorie moderne, les fondements déterminant la demande de monnaie sont identiques à ceux qui déterminent la demande de tout autre actif financier ou physique. Sous cet aspect, le cadre théorique est homogène et il n'y a pas une « dichotomie » entre la théorie de la demande de monnaie et la théorie de la demande d'autres actifs. Keynes incontestablement donna l'impulsion à ce nouveau type d'analyse. Il est vrai qu'il restait encore fidèle à sa formation de Cambridge lorsqu'il examinait la détermination des encaisses de transaction; celles-ci sont plutôt une donnée « institutionnelle» qu'une variable « volontaristique ». Cependant, dès qu'il analyse la préférence pour la liquidité « proprement dite », c'est-à-dire les encaisses de spéculation, il considère la monnaie en sa qualité de réserve de valeur et, par suite, en tant que placement alternatif aux titres ; grâce à cette idée il fondait l'analyse du portefeuille pour la demande de monnaie. A l'heure actuelle, cette analyse en termes de portefeuille est parvenue à un état plus rigoureux. 1 0 D'une part, les encaisses de spéculation sont fondées avant tout sur le motif de précaution et à un moindre degré sur le motif de spéculation. Face à l'incertitude relativement aux prix futurs, on « ne met pas tous les œufs dans le même panier ». L'utilité de la monnaie résulte de la (1) Beaucoup de théoriciens modernes vont même au-delà de cette constatation et identifient, dans une large mesure, la théorie monétaire avec l'analyse de la monnaie en termes de portefeuille. Voir, par exemple, le rapport d'activité de la Cowles Foundation [1968], pp. 24-34.
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certitude de la valeur que la monnaie garantit (en règle générale) par rapport à d'autres objets du patrimoine. Cette utilité attachée à la certitude de la valeur s'ajoute à l'utilité qui provient de la protection contre l'insolvabilité, puisque chaque unité d'encaisse constitue un moyen de paiement et un instrument de réserve de valeur et elle rend simultanément ces services différents. 2° D'autre part, l'analyse moderne des actifs s'éloigne considérablement du modèle d'origine keynésienne. On ne considère plus uniquement le choix entre la détention de monnaie et la détention des titres à longs termes (consols). On l'étend maintenant à une variété de choix possibles en y incluant tous les autres actifs financiers et même les actifs physiques (et parfois humains) qui sont tous des termes alternatifs à la détention de monnaie. 3° L'objectif de l'analyse de portefeuille est de déterminer d'une façon optimale les stocks d'actifs (y compris la monnaie). Leur composition optimale est donnée par la comparaison entre les avantages de liquidité (et autres avantages « non pécuniaires ») des différents actifs et leurs avantages de rendement pécuniaire (et en particulier, les taux d'intérêt). I. LES ENCAISSES DE TRANSACTION-SPÉCULATION
MOTIVÉES PAR LA PRÉCAUTION (LE PORTEFEUILLE CONSISTE EN MONNAIE ET EN RENTES PERPÉTUELLES)
Pourquoi un sujet économique détient-il des actifs financiers ne portant pas un taux d'intérêt, c'est-à-dire détient de la monnaie, tandis qu'il percevrait un taux d'intérêt s'il lui préférait d'autres actifs financiers? A première vue, ce comportement peu avantageux pourrait même paraître irrationnel, mais s'explique à partir du moment où l'on ne considère plus la monnaie comme un actif non productif d'intérêts, mais sous l'aspect de la sécurité et de l'épargne
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de cot2ts de transaction (coût d'information et coût de transformation). Vue sous cet angle, la monnaie est un actif « sûr » et tous les autres actifs sont (plus ou moins) « aléatoires ». Selon leur besoin de sécurité - certains sont plus prudents que d'autres, les uns prêteront au motif de précaution satisfait par la détention de monnaie une plus grande valeur que les autres - et selon le montant du coût de transaction qui existe en cas de détention d'actifs non monétaires, l'individu choisira la part relative de ses encaisses dans l'ensemble de son portefeuille. Nous avons déjà fait connaissance d'une sorte de sécurité: la sécurité d'être solvable. La monnaie ainsi que d'autres titres à court terme et parfaitement mobilisables (les « liquidités » de transaction) créent l'utilité d'être protégé contre l'insolvabilité et ceci parce que les recettes et les dépenses ne sont pas parfaitement synchronisées et que leur échelonnement n'est pas connu d'avance. Pour la monnaie, il faut encore y ajouter l'utilité liée à l'économie d'un coût de transaction (le coût de transformation). Il est à première vue étonnant de constater que le motif de transaction qui s'attache à constituer des liquidités de transaction (monnaie, titres mobilisables) est en réalité fondé sur le motif de précaution! La raison en est la suivante. L'utilité d'être solvable dépend, d'une part, du degré d'incertitude dans l'échelonnement du flux des recettes et dépenses et, d'autre part, du besoin de sécurité que l'agent économique éprouve. Dans l'hypothèse où l'individu n'a pas besoin de sécurité, c'est-à-dire qu'il ne possède aucune aversion envers l'insolvabilité, sous cet aspect il ne détiendra pas de liquidité de transaction. Une indifférence à l'égard de l'insolvabilité signifie simplement que l'individu évalue comme nulle l'utilité qui est liée à la solvabilité garantie par les liquidités de transaction. Or, un bien dont l'utilité est égale à zéro n'est pas demandé. Par conséquent, dès que l'individu éprouvera de l'aversion envers l'insolvabilité, il détiendra
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des liquidités de transaction pour des raisons de précaution (le motif de précaution). En ce qui concerne la motivation pour acquérir des encaisses de transaction qui constituent, nous le savons, une partie des liquidités de transaction, elles sont détenues, en outre, afin d'éviter la dépense du coût de transaction (c'est-à-dire le coût de transformation) et ce motif constitue le motif de transaction proprement dit; ainsi la détention des encaisses de transaction comporte un motif de précaution (protection contre l'insolvabilité) et un motif de transaction proprement dit (économies de coût de transaction) (1). L'utilité d'une unité d'encaisses de transaction sera intensifiée si le montant total des recettes et des dépenses futures est également inconnu (outre le fait que leur échelonnement est déjà inconnu). La protection contre une insolvabilité possible s'intensifie, la nécessité de la détention d'encaisses de transaction s'accroît et l'économie d'un coût de transaction devient plus probable. Ce cas dans lequel la prévision est imparfaite à l'égard du volume total des dépenses et recettes futures représente le motif de précaution proprement dit tel qu'il est proposé par Keynes (2). (1) De la même manière, Patinkin subdivise la motivation pour les encaisses de transaction (consistant en monnaie) en un motif de transaction et un motif de précaution : « ••• Le motif de transaction est représenté par la synchronisation imparfaite entre dépenses et recettes et le motif de précaution par l'incertitude à l'égard de l'échelonnement de ces paiements ", D.PATINKIN [1965], p.82. Son augmentation se distingue de la nôtre dans la mesure où, chez lui, une partie des encaisses est fondée sur la synchronisation imparfaite, la prévision étant supposée parfaite, tandis que l'autre partie des encaisses résulte de la circonstance où cette synchronisation imparfaite est soumise à une incertitude. Pour nous, la détention de monnaie est fondamentalement un phénomène de la prévision imparfaite. Le motif de transaction proprement dit est représenté par l'économie d'un coÜt de transaction tandis que le motif de précaution est fondé sur l'aversion à l'égard d'une insolvabilité possible. A la base de ces deux motifs est l'incertitude relative à l'échelonnement des dépenses et des recettes. (2) Pour compléter la pensée de Keynes, il faut encore mentionner
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Dès que l'on supprime les prémisses d'une connaissance parfaite des prix futurs, une deuxième sorte de sécurité qui caractérise la détention de monnaie par rapport à beaucoup d'autres actifs entrera en jeu. Il s'agit de la sécurité de la valeur. Pour ne pas trop compliquer l'analyse, il convient de regarder d'abord l'incertitude relative aux prix futurs des actifs financiers, c'est-à-dire l'incertitude des taux d'intérêt futurs (1). Nous savons que la sécurité de valeur de la monnaie se réfère à sa qualité d'être un instrument de réserve de valeur. D'autres actifs financiers, sans doute, remplissent cette fonction, et même d'une façon plus rentable puisqu'ils portent un taux d'intérêt. Cependant, en raison de l'incertitude de leurs prix futurs, ils ne sont pas des instruments sûrs et stables comme réserve de valeur contrairement à la monnaie. Si les taux d'intérêts futurs étaient sûrs, le problème de la sécurité de la valeur ne se poserait pas et, sous cet aspect (l'aspect de la sécurité de la valeur) il n'y aurait ni une utilité de monnaie ni une détention de monnaie. Le portefeuille d'un individu consisterait en un seul actif, à savoir celui qui produirait le rendement pécuniaire le plus élevé (2). les trois raisons pour lesquelles on détiendra de la monnaie comme suite au motif de précaution: r. Des dépenses complètement imprévisibles; z. Des occasions imprévisibles d'effectuer des achats avantageux; 3. Remboursement de dettes celles-ci étant exprimées en valeur nominale et non en valeur réelle. J. M. KEYNES [r936], p. 196. Les raisons z et 3 se réfèrent à la prévision imparfaite des prix futurs à laquelle nous reviendrons par la suite. (r) Signalons la différence entre l'incertitude des prix futurs et l' « incertitude des prix actuels '. Cette dernière est un phénomène de marchés imparfaits. Il existe une « transparence imparfaite des prix ". C'est là un problème du coftt de l'information et dans notre analyse, ceci se réfère au degré de mobilisation des actifs. (z) Cependant, dès que l'on tient compte des coûts de transaction consécutifs à l'achat et la vente d'actifs, il n'y a plus de raisons impératives pour ne détenir que l'actif dont le rendement est le plus élevé. Evidemment, cette optique implique le placement d'actifs échelonné sur plu-
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Il est paradoxal de constater qu'une stricte analyse du motif de spéculation keynésien conduit à un résultat similaire à celui obtenu dans la prévision parfaite des taux d'intérêts futurs (1). L' « individu keynésien » détient seulement dans son portefeuille soit de la monnaie soit des rentes perpétuelles! (Il est bien connu que Keynes suppose, « à titre de simplification n, l'existence d'un seul titre portant un taux d'intérêt et qui est celui des « consols ».) Même s'il fournit dans sa Théorie générale toute une série de justifications pour la détention d'encaisses de spéculation, ses principaux arguments sont incontestablement : 1. L'idée que l'individu se fait du taux d'intérêt « normal»; 2. La divergence d'opinion parmi les sujets économiques quant à l'évolution du taux d'intérêt futur (2). 1. L'individu a des anticipations fixes, « monovalentes » à l'égard du taux d'intérêt futur. Le taux d'intérêt anticipé est fonction de son niveau habituel, « normal n. Si, par exemple, le taux d'intérêt actuel est relativement élevé par rapport au taux d'intérêt « normal n, l'individu anticipe une baisse du taux d'intérêt futur, et, par là, une augmentation de la valeur en capital des rentes perpétuelles : il placera tout son portefeuille financier en « consols » pour profiter de ces gains en capital. Inversement, lorsque le taux d'intérêt actuel est relativement bas par rapport au taux « normal n, il anticipera une hausse du taux d'intérêt futur et, ainsi, une diminution de la valeur en capital des rentes perpétuelles; il ne détient alors que des encaisses dites de spéculation afin d'éviter des pertes en capital. L' « individu keynésien n effectue donc une sélection de portefeuille telle qu'il s'agit là sieurs périodes au cours desquelles les taux d'intérêt pourront varier (leurs variations étant connues d'avance). Voir J. TOBIN [1965], pp. 4-5. (1) G. TOBIN [1958], pp. 175-178, et F. A. LUTZ [1967], pp. 200-207 ; traduction anglaise, pp. 233-241. (2) J. M. KEYNES [1936], pp. 168-172.
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d'un choix entre « tout-ou-rien » lequel est fonction de la différence entre le taux d'intérêt actuel et le tauX: qu'il croit « normal » (à partir duquel il élabore ses anticipations convaincues sur le taux d'intérêt futur). 2. La relation inverse entre la demande d'encaisses de spéculation et le taux d'intérêt n'existe que pour la demande globale d'encaisses. Les sujets économiques ont des opinions individuelles donc multiples sur ce qui est « normal» et, par là, leurs anticipations (( inélastiques ») à l'égard du taux d'intérêt futur diffèrent entre elles. Le choix: du portefeuille, le « tout-ou-rien » du type keynésien, est orienté par une max:imisation des gains futurs, et ce choix: est fondé sur des anticipations fixes, « inélastiques » à l'égard du taux d'intérêt futur. Cependant, les anticipations sont plutôt d'ordre « polyvalent» et se caractérisent par une incertitude parfaite. Dans une telle situation, on pourra concevoir trois types de comportements de spéculation quant à la motivation pour la détention d'encaisses de spéculation. a) L'individu cherche à maximer le rendement de sa détention de titres sans considérer le risque d'une éventuelle perte en valeur de capital pouvant résulter de la détention de titres. Sous cet angle, il détiendra tous ses actifs financiers soit sous forme de titres (il anticipe un gain en valeur de capital), soit sous forme d'encaisses, c'est-à-dire en encaisses dites de spéculation (il anticipe une perte en valeur de capital). On peut dire qu'il s'agit là d'un comportement neutre vis-à-vis du risque. b) L'individu a une préférence pour le risque j il est un risk-lover. Si, par exemple, il prévoit une chance de gain très élevé en valeur de capital, mais simultanément lié à la probabilité d'une perte de même montant en valeur de capital, il détiendra peu d'encaisses et placera la plupart de son patrimoine financier (sinon la totalité) en titres afin de réaliser un gain en valeur de capital (c'est-à-dire un véritable « gain de spéculation ») qui cependant est soumis à un grand
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risque. Cet individu peut être compté parmi les « passionnés du jeu » qui, en règle générale, détiennent peu d'encaisses, et précisément pour le motif de spéculation proprement dit! c) Reste la catégorie des individus qui ont une aversion contre le risque; ils sont des risk-averters. Ils détiennent des encaisses pour réduire le danger d'une perte éventuelle en valeur de capital. Leurs encaisses de « spéculation » sont fondées davantage sur le motif de précaution, c'est-à-dire éviter dans toute la mesure du possible une perte en valeur de capital. Ils recherchent une maximisation prudente des rendements pécuniaires du portefeuille financier selon la maxime qu'une perte éventuelle (et, par là, un gain éventuel) en valeur de capital se maintient dans des bornes étroites. Il s'ensuit que leurs encaisses de « spéculation » occupent une part relativement large dans le stock total de leurs actifs et ceci pour des raisons de précaution (I)! Il est difficile de dire quelle catégorie d'individus est la plus représentative de la réalité, mais on pourrait croire que c'est celle de l'aversion du risque. Pour les trois groupes d'individus, l'utilité des encaisses de spéculation est liée à la certitude de leur valeur en capital. Cependant, ils évaluent cette utilité différemment. Ceux qui sont « neutres » ou « timides » à l'égard du risque, attachent une plus grande importance aux encaisses de spéculation que ceux qui sont « amoureux » du risque. Puisqu'une dichotomie entre les encaisses de transaction et les encaisses de spéculation est inconcevable sur le plan théorique (nous l'avons montré à la fin du chapitre précédent), les encaisses de spéculation servent également de fins de transaction; par conséquent, la détention d'encaisses (ou les « encaisses de transaction-spéculation ») engendre non seulement l'utilité attachée à la sécurité en termes de solvabilité (et à l'inexistence d'un coût de transaction), (1) Pour les notions de risk-lover et de risk-averter, voir J. TOBIN [1958], pp. 180-181 et [1965], pp. 13-14.
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mais crée aussi l'utilité liée à la sécurité en termes de réserve de valeur du capital. Nous allons maintenant aborder de nouvelles composantes d'utilité pour la détention d'encaisses ainsi que de nouveaux facteurs déterminant la demande de monnaie (et la demande d'autres actifs). Jusqu'ici la sélection de portefeuille se limitait à deux actifs financiers : la monnaie et les rentes perpétuelles. Désormais, nous introduisons une multiplicité d'actifs financiers et physiques. 2. LA DIVERSIFICATION DU PORTEFEUILLE (LE PORTEFEUILLE CONSISTE EN ACTIFS FINANCIERS ET PHYSIQUES)
Pour qu'une différenciation minimale soit garantie parmi le stock des actifs, le portefeuille doit comprendre au moins deux: actifs (la monnaie et les rentes perpétuelles, conformément à nos réflexions antérieures). Cette « diversification » minimale engendre, d'une part, une réduction des pertes t:n valeur; mais elle signifie également qu'on a renoncé à un rendement qui aurait pu être très élevé. Compte tenu de ces deux aspects l'individu se contentera d'un rendement peu élevé, mais sûr, constatation banale, qui révèle cependant un fait important, et souvent négligé dans la littérature économique au regard de l'analyse des encaisses de spéculation : ces dernières sont basées davantage sur le motif de précaution que sur le motif de spéculation (ce dernier cas étant celui des risk-lovers). Dans les pages suivantes, nous nous proposons de compléter sous deux aspects cette analyse de la demande de monnaie en termes de portefeuille. a) Pour réduire les risques, il ne suffit pas de détenir des encaisses, encore faut-il disperser le plus possible les différents types d'actifs du portefeuille afin d'obtenir une efficacité véritable. La monnaie n'est pas seule à posséder
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une grande sécurité de la valeur en capital. Sous cet aspect d'autres actifs financiers sont également très liquides et peuvent ainsi être comptés à la catégorie des encaisses de spéculation au sens large, c'est-à-dire des « liquidités de spéculation ». b) En supprimant l'hypothèse d'une connaissance parfaite du niveau général des prix futurs, on verra l'individu s'efforcer de minimiser aussi bien les risques d'une perte en valeur de capital que ceux d'une perte en valeur réelle grâce à la diversification du portefeuille.
a) Le principe des économies de risques Une vaste diversification du portefeuille par l'acquisition d'un grand nombre d'actifs variés entraîne une dispersion accrue des risques qui engendrera une réduction du risque moyen attaché au portefeuille (principe des économies de risques par diversification). Cependant, le revers de la médaille consiste en une réduction du rendement moyen du portefeuille. On peut atteindre un rendement moyen relativement élevé en concentrant le portefeuille sur quelques actifs, et à l'extrême limite sur un seul actif. Par contre, ce rendement très élevé est lié au risque d'une perte très élevée. Aussi les individus qui éprouvent une aversion contre le risque, c'est-à-dire que le motif de précaution (risk-averter) l'emporte sur le motif de spéculation (risk-lover), chercheront à diversifier largement leur portefeuille; ils réaliseront un rendement peu considérable, mais soumis à un moindre risque de perte. C'est l'attitude de l'individu vis-à-vis du risque, qui déterminera le degré de diversification de son portefeuille. Plus le motif de précaution dirigera le choix de son portefeuille, plus la composition de son stock d'actifs sera variée. Cependant le degré de diversification sera limité par le volume disponible de son patrimoine parce que certains actifs (tels les actifs physiques) ne peuvent pas se diviser en un nombre quelconque.
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La combinaison s'effectue principalement entre cinq catégories majeures d'actifs : 1. La monnaie; 2. Les actifs financiers à court terme; 3. Les actifs financiers à long terme et à taux d'intérêt fixe; 4. Les actions; 5. Les actifs physiques. Le critère de cette différenciation entre les cinq groupes d'actifs est déterminé par le degré d'indépendance des risques qu'un actif donné possède par rapport à l'autre. Or, parmi les actifs garantissant une stabilité en valeur du capital, figureront non seulement la monnaie, mais aussi les actifs financiers dont la durée de maturation est courte. Les actifs qui n'ont pas cette stabilité, englobent non seulement les titres à long terme et à intérêt fixe, mais aussi les actions et les actifs physiques (1). A l'intérieur de chacune de ces trois catégories d'actifs instables en valeur de capital, la variation des prix futurs aura en règle générale une corrélation plus forte qu'entre les trois catégories; les prix futurs des divers titres de rente sont dans une dépendance réciproque plus grande que les prix des titres de rente et ceux des actions ou des actifs physiques. Par conséquent, les agents économiques prudents, suivant le principe des économies de risques, s'attacheront, d'une part, à une dispersion de leur patrimoine entre les différentes catégories d'actifs instables en valeur de capital, et par ailleurs placeront une partie de leur portefeuille sous forme de monnaie et d'actifs financiers à court terme qui sont tous deux caractérisés par une sécurité de la valeur en capital. Sous cet aspect, la monnaie et les titres à court terme créent l'utilité de la réserve de valeur en capital. Sous le même aspect, une préférence pour la liquidité signifie une préférence pour l'avantage de liquidité représentée par la sécurité de la valeur en capital que garantissent la détention de monnaie et celle de titres à court terme. (I) Voir chap. II, 3 b.
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Supposons, par exemple, que la préférence d'un individu pour la liquidité augmente, toutes choses égales d'ailleurs. S'il s'agit de la liquidité en tant que réserve de valeur, l'individu détiendra davantage d'encaisses et de titres à court terme. Il s'ensuit que les « encaisses» de spéculation ne se composent pas uniquement de monnaie, mais aussi de titres à court terme de telle sorte que les deux forment les « liquidités de spéculation» (par analogie aux « liquidités de transaction »). Inversement, l'individu dont la préférence pour la liquidité diminue (s'il est moins « timide » en face des risques), détiendra moins de liquidités de spéculation et, de plus, concentrera son patrimoine sur les actifs qui supportent un rendement très élevé, mais pouvant également engendrer une perte très élevée: « ••• une diminution de la préférence pour la liquidité ne réduit pas uniquement la demande de monnaie; elle conduit à un mouvement général « vers la droite» dans le spectre des actifs, c'est-àdire à une substitution générale des actifs plus liquides par les actifs moins liquides» (r).
b) Le choix du portefeuille sous l'aspect de la certitude de la valeur réelle
Après avoir introduit explicitement une multiplicité d'actifs dans l'analyse de portefeuille, il est grand temps de tenir compte du risque lié à la variation de la valeur (1) J. R. HICKS [1967], pp. 30-3r. Signalons encore lorsqu'un individu estime le rendement d'un actif, il considère le rendement total de cet actif. Ce rendement se compose évidemment de deux sources différentes: d'une variation de la valeur en capital (c'est-à-dire d'un gain ou perte éventuels en valeur de capital) et du revenu soit sous la forme d'intérêts (titres à intérêt fixe) soit sous forme de dividendes (actions). La première composante du rendement constitue une variable aléatoire. La seconde (<< le revenu ») est connue d'avance pour les titres à intérêt fixe. Dans le cas des actions, l'individu devra estimer les variations aussi bien de leur valeur en capital que de leur revenu. Cependant, les anticipations à l'égard de ces deux éléments du rendement des actions sont interdépendantes dans la mesure où le montant des dividendes distribués (ou non distribués) affecte la valeur en capital. E.-M. CLAASSEN
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réelle des actifs. Or, il est assez étonnant que ce type de risque ne soit guère pris en considération dans les études sur la théorie de la sélection de portefeuille. L'incertitude concernant la valeur réelle d'un actif (comme celle de la valeur en capital) se réfère à l'incertitude avec laquelle le taux total d'un actif est anticipé. Ce rendement total résulte de trois différentes sources : d'une variation de la valeur en capital (c'est-à-dire d'un gain ou d'une perte éventuels de la valeur en capital); du revenu sous forme d'intérêts (titres à taux d'intérêt fixe) et de dividendes (actions) ; d'une variation de la valeur réelle. L'incertitude avec laquelle la première composante du rendement est anticipée provient de la prévision imparfaite à l'égard des prix relatifs (ou des taux d'intérêt) des actifs (incertitude de la valeur en capital). Une certitude parfaite existe par rapport à la seconde composante de rendement, à l'exception des dividendes. L'incertitude de la valeur réelle des actifs s'explique par la connaissance imparfaite du niveau général des prix futurs (incertitude de la valeur réelle). La monnaie et les titres à court terme qui jusqu'à présent garantissaient parmi tous les actifs la meilleure protection contre les pertes de valeur ne remplissent plus cette fonction en cas d'inflation. L'anticipation d'une augmentation du niveau des prix (1) dégradera non seulement la monnaie, mais également les autres actifs qui consistent en créances exprimées en valeur nominale fixe. Parmi ceux-ci figurent tous les actifs financiers à l'exception des actions (2). Par contre, les actifs physiques ne sont soumis à aucune perte en leur valeur réelle. (r) Strictement parler, l'augmentation anticipée d'un seul prix affecte déjà, en règle générale, le niveau anticipé des prix futurs. Cependant, nous ne voulons tenir compte que des mouvements de prix qui se manifestent par une variation • significative • (de type inflationniste ou déflationniste) du niveau général des prix. (2) Et à l'exception des titres qui possèdent une clause de pouvoir d'achat réel.
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Dans quelle mesure la détention de monnaie subira-t-elle une perte d'utilité due à la perte anticipée de sa valeur réelle ? Cela dépendra de la valence des anticipations à l'égard du niveau des prix futurs. Si l'individu vit depuis longtemps dans une atmosphère de pression inflationniste, selon toute vraisemblance il comptera pour l'avenir avec une dépréciation monétaire continue plutôt qu'avec une stabilité monétaire et envisagera moins encore une baisse des prix. Dans cette optique, il anticipera une détérioration de la valeur réelle de ses encaisses (et, bien sûr, de ses autres actifs financiers hormi les actions). Non seulement il ne tire aucune utilité de la détention d'encaisses, mais il lui attribue de surcroît une désutilité. Or, un bien qui crée une utilité négative ne sera pas du tout demandé. Si malgré tout la monnaie continuait à être demandée, ce ne serait concevable qu'à condition que l'utilité (positive) attachée à la monnaie en tant que moyen de paiement et réserve de valeur en capital dépasse la désutilité de la monnaie liée à l'instabilité de sa valeur réelle. L'individu s'abstiendra complètement de la détention d'encaisses pour les placer sous forme d'autres biens seulement lorsque (pour le moins) l'utilité totale de la monnaie (comme moyen de paiement et instrument de réserve de valeur) sera égale à zéro. L'expérience du passé nous apprend qu'une telle situation n'arrive qu'aux périodes d'inflation extrêmement forte. Ainsi, lors de situations inflationnistes, la monnaie n'offre plus la protection absolue contre des pertes de valeur. A ce moment, on préférera les actifs physiques (et les actions) à la monnaie et à tous les autres actifs financiers. Inversement, dans une situation où l'on s'attend manifestement à une baisse du niveau des prix, les actifs financiers prendront le dessus (comme instruments de réserve de valeur) sur les actifs physiques. La détention d'encaisses, qui garantit une sécurité contre des pertes en valeur de capital, assure également un accroissement
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS
de valeur de telle sorte que son utilité augmente en raison du gain en valeur réelle. A part ces variations « pathologiques» de la valeur réelle de la monnaie qui se manifestent par un mouvement net des prix dans le sens inflationniste ou déflationniste au cours d'une assez longue période, il faut mentionner un cas intermédiaire. C'est la situation dans laquelle il n'y a plus d'anticipations unilatérales, car les individus ne savent si les prix vont rester stables ou s'ils vont évoluer dans une direction déterminée. Les prix peuvent rester stables, augmenter ou diminuer. Dans ce cas et à condition qu'il ne « spécule » pas en faveur d'une évolution de prix définitive, l'individu procédera à une différenciation de son portefeuille telle qu'une partie sera investie en actifs réels et l'autre en actifs financiers nominaux. Cette diversification de portefeuille n'exclut pas des gains ou des pertes imputables aux actifs financiers à la suite d'une variation éventuelle des prix, mais ces risques seront considérablement réduits du fait de cette diversification. Enfin, il faut encore considérer le cas où les individus comptent généralement sur un certain taux d'inflation ou de déflation. Dès lors, le mécanisme des prix des actifs financiers va en tenir compte. C'est dire que les taux d'intérêt nominaux des actifs financiers vont diverger des taux d'intérêt réels des actifs physiques selon le taux de la variation anticipée pour le niveau des prix. Si, par exemple, on anticipe un certain taux d'inflation, le taux d'intérêt nominal sera supérieur au taux d'intérêt réel du montant anticipé de ce taux d'inflation; les actifs financiers (à l'exception de la monnaie) ne seraient plus défavorisés par rapport aux actifs physiques. Résumons les résultats (encore partiels) relatifs au choix de portefeuille. L'individu cherche à maximer le rendement de son portefeuille et à réduire les risques liés à ce rendement qui est anticipé avec incertitude. Nous
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Supposons donc que l'individu en question n'est pas un risk-lover. En face des divers rendements et risques estimés, il orientera la sélection de portefeuille (et, par là, également la demande de monnaie et d'autres liquidités de spéculation) selon les critères suivants. 1° D'une part, en fonction des anticipations sur les taux d'intérêt futurs des actifs financiers, sur les prix (relatifs) futurs des actifs physiques et sur la future évolution du niveau des prix, et d'autre part, en fonction de l'attitude que l'individu adopte envers les risques de pertes en valeur du capital et en valeur réelle, il effectuera à la fois une dispersion entre les actifs en valeur de capital stable (monnaie, titres à court terme) et instable (titres à long terme, actions, actifs physiques) et une dispersion entre les actifs en valeur réelle stable (actions, actifs physiques) et instable (monnaie, titres à intérêt fixe). 2° En tant que réserve de valeur, la monnaie crée l'utilité d'être un instrument de réserve en valeur de capital. Mais elle ne garantit aucune protection contre les dépréciations monétaires, et crée, sous cet aspect, une désutilité (exception faite d'une évolution de prix nettement déflationniste). 3° Sous l'aspect de la réserve de valeur (qui est un élément constitutif de la liquidité), une préférence pour la liquidité signifie deux choses : tout d'abord, une préférence pour la « certitude de la valeur en capital » qui se manifeste par une demande de monnaie et des titres à court; et ensuite, une préférence pour la « certitude de la valeur réelle » qui entraîne ou bien une demande d'actions et d'actifs physiques (en cas d'anticipations inflationnistes) ou bien une demande de monnaie et d'autres actifs financiers nominaux (en cas d'anticipations déflationnistes). 4° Enfin, il faut évoquer un point important qui se réfère à une hypothèse restrictive sous-jacente à toutes nos réflexions précédentes : l'individu cherche à concilier
102
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
pour une seule période un rendement maximum et un minimum de risques. A partir du moment où son « horizon de plan » couvre plusieurs périodes, d'autres facteurs entrent en jeu pour déterminer l'optimisation de son portefeuille. Ce sont principalement deux facteurs qui expliquent aussi qu'une certaine stabilité dans la composition du portefeuille à travers le temps soit souvent observable dans la réalité. a) L'introduction de plusieurs périodes sous-entend que l'individu essaie d'optimiser son portefeuille pour chaque période. Pour ce faire, il doit, outre les rendements et les risques, tenir compte des coûts de transaction consécutifs à l'achat et la vente d'actifs. Deux cas sont à distinguer. L'individu délaisse la détention de monnaie en faveur d'un autre actif (ou vice versa). L'individu vend un actif non monétaire pour acheter un autre actif non monétaire. Dans le premier cas, il n'y a qu'un seul coût de transaction (monnaie-actif non monétaire ou actif non monétaire-monnaie), dans le second cas, il y en a deux (actif non monétaire-monnaie-actif non monétaire). Ceci permet la conclusion intéressante que la période qui auparavant était une donnée « exogène » pour le choix de portefeuille, est devenue une variable « endogène » dont la longueur sera déterminée, en sus du calcul des rendements et risques, par le coût de transaction : Si « les sujets économiques peuvent disposer à nouveau et sans frais au début de chaque période, leur comportement qui est optimal pour chacune des courtes périodes, le sera aussi pour une période plus longue. Cependant, dès que nous tenons compte des co~ts d'achat et vente des titres, l'horizon de temps devient lui-même un problème; la raison en est que ces co~ts deviennent d'autant moins importants que l'on détient des titres plus longtemps» (r). (I) F. A. LUTZ [I9671, pp. 206-207; traduction anglaise, p. 24I. Voir J. TOBIN [I96s1, pp. 4-6, S. C. KOLM [I9671, pp. 240-242 et J. R. HICKS [I9671, pp. 3I-34. à ce sujet aussi
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En outre, le montant du coût de transaction varie selon la catégorie d'actifs considérée; par exemple, les actifs mobilisables ont un coût de transaction moins élevé que les actifs imparfaitement mobilisables. Il s'ensuit une inertie accrue dans la composition de ces derniers actifs qui entraînent lors de leur vente des frais relativement élevés (c'est le cas d'un grand nombre d'actifs physiques). b) Un autre facteur intervient pour déterminer la « longueur optimale de la période », c'est le montant absolu de l'actif qu'il s'agit de transformer en un autre actif. Le coût de transaction se compose généralement d'un élément de coût fixe et d'un élément de coût variable. Plus le montant à convertir est important moindre sera ce coût. Par conséquent, les individus dont le patrimoine est large auront intérêt à changer plus souvent la composition de leur portefeuille (1). 3.
LA STRUCTURE DES LIQUIDITÉS ET DES TAUX DE RENDEMENT
Le degré de liquidité d'un actif a été défini selon le degré de sa « proximité monétaire » comme moyen de paiement et réserve de valeur. Dans un monde d'incertitude envers le futur flux de dépenses et de recettes et envers les variations futures des prix (y compris les taux d'intérêt), un actif qui rend les « services de liqui(1) On pourrait signaler un troisième facteur responsable d'une stabilité relative dans la composition du portefeuille à travers le temps. Nous n'avons envisagé jusqu'ici que des individus dont le comportement visait à maximiser les rendements et minimiser les risques liés à l'incertitude de la valeur en capital et de la valeur réelle (même compte tenu du nouvel aspect du coût de transaction). Cependant, on peut concevoir une attitude dont l'objectif serait de percevoir du portefeuille un flux de revenu régulier. Ainsi, les titres à long terme et à intérêt fixe pourront procurer un tel revenu. Les individus qui ont une aversion contre l'incertitude du flux de revenu préféreront un placement plus ou moins continuel de leur patrimoine sous forme d'actifs caractérisés par une stabilité du flux de revenu (titres à long terme et à intérêt fixe, actifs physiques) ; ils se soucieront moins de l'incertitude attachée à la valeur en capital et à la valeur réelle de ces actifs.
1°4
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
dité » tels la protection contre l'insolvabilité et la réserve de valeur, crée une utilité immédiate qui s'intensifie lorsque l'actif est réalisable avec un coût de transaction peu élevé. Cette utilité fondée sur la liquidité (protection contre insolvabilité, réserve de valeur, économie du coût de transaction) peut se concevoir comme un rendement de type non pécuniaire qu'un actif rapporte selon le degré de sa liquidité. A ce rendement non pécuniaire, il faut juxtaposer le rendement pécuniaire produit en règle générale par tout actif sous forme d'un « revenu » (intérêts, dividendes) et d'une variation de la valeur en capital et de la valeur réelle. La monnaie est (en cas de stabilité monétaire) le seul actif qui ne rapporte aucun rendement pécuniaire (1); son rendement total consiste uniquement en un rendement non pécuniaire : elle est absolument liquide. Les autres actifs ont des taux de rendement non pécuniaire et pécuniaire. Les conditions pour la composition optimale d'un portefeuille sont remplies, lorsque les diverses sortes d'actifs rapportent le même taux marginal de rendement total. Des actifs relativement liquides qui, de ce fait, produisent un taux de rendement non pécuniaire très élevé, ne sont tenus qu'à rapporter un taux de rendement pécuniaire relativement bas. Inversement, des actifs moins liquides doivent, pour rester dans le portefeuille, rapporter un taux de rendement pécuniaire relativement élevé. Un portefeuille optimal implique une relation inverse entre les différences de liquidité et les différences de rendement pécuniaire. En ce sens, la structure de liquidité d'un portefeuille est l'image réfractée de sa structure de rendement pécuniaire. Cette relation inverse peut se formuler de la manière suivante. Soit 9t le taux de rendement total d'un actif j, (1) Cependant, on peut concevoir des systèmes monétaires dans lesquels la monnaie rapporte un rendement pécuniaire sous forme d'un taux d'intérêt; voir à ce sujet le chapitre suivant.
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
105
ce taux comprend une composante pécuniaire, le taux de rendement pécuniaire rj' et une composante non pécuniaire, le taux de rendement non pécuniaire Pj qui reflète les « services de liquidité)} de l'actif j. Une optimis2tion de la composition du portefeuille signifie que les taux de rendement total des n actifs soient égaux entre eux [1]
~=rj+pj
(j=I, ... ,n)
Notons que ~, r et P représentent, en principe, des taux de rendement marginaux. Mais, en règle générale, le taux de rendement pécuniaire ri est aussi un taux moyen si toutefois ri ne varie pas avec le montant de l'actifj qui se trouve dans le portefeuille de l'invididu. Par contre, Pi est manifestement un taux marginal; il correspond à l'utilité (directe) marginale de l'actif j; celle-ci diminue (ex hypothesi) lors d'un volume croissant de j et elle doit être identifiée au taux marginal de substitution. Pi étant un taux marginal (qui diffère du taux moyen de rendement non pécuniaire), ~ sera également un taux marginal. Lorsque nous parlons, dans la suite, du taux de rendement total d'un actif et de son taux de rendement pécuniaire ou non pécuniaire, nous entendrons toujours par là le taux marginal de rendement (au moins relativement à ~ et Pi)' La relation formelle [1] entre taux de rendement pécuniaire et taux de rendement non pécuniaire dont la somme doit être du même montant pour chaque actif, est clairement établie dans le tableau 2. On a ventilé les types d'actifs en cinq catégories précédemment énumérées : monnaie, titres à court terme, titres à long terme et à intérêt fixe, actions, actifs physiques. Puisqu'à l'intérieur de chaque catégorie le taux de rendement pécuniaire (ou non pécuniaire) des différents actifs de la même catégorie peut varier différemment, chaque catégorie est représentée seulement par un seul type d'actif de cette catégorie. La relation entre taux de rendement pécuniaire et taux
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
106
TABLEAU 2
1t -_....
'n r2
, 1 1
'4 '3
! I~ 1 1
III
11 11
l"l'
l'
Il
0
Actif 1
[Monnaie]
'2
Actif 2 [Titres à court terme]
Actif 3 [Titres à long terme]
Actif 4 [Actions]
Actif n [Actifs phys;ques]
de rendement non pécuniaire telle que le tableau 2 la symbolise, ne représente qu'une relation possible parmi beaucoup d'autres. L'affirmation que posent la formule et le tableau ci-dessus concernant l'ajustement des taux de rendement total entre actifs doit être évidemment expliquée et si nécessaire modifiée. Dans ce qui suit nous allons aborder trois problèmes. a) Un ajustement des taux de rendement total s'effectue par l'intermédiaire du taux de rendement non pécuniaire. Les différences de liquidité entre la détention de monnaie et celle des autres actifs s'adaptent aux taux de rendement pécuniaire des actifs. b) La structure de liquidité et de rendement des actifs pose un problème spécial. Quels sont les facteurs qui déterminent la structure des taux de rendement des actifs financiers ?
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
107
c) Le théorème de l'ajustement des taux de rendement total est, en principe, également valable pour les « actifs humains ». Cependant, une restriction doit être faite : le taux de rendement non pécuniaire des actifs ne consiste pas uniquement et nécessairement en des avantages de liquidité et un ajustement des taux de rendement total n'est pas toujours possible. a) Les « préférences pour les différentiels
de liquidité » Une composition optimale du portefeuille signifie que le taux de rendement pécuniaire d'un actif moins liquide (par exemple, ra) doit être plus élevé que le taux de rendement pécuniaire d'un actif plus liquide (par exemple, r2 ). Cette différence de rendement pécuniaire (ra - r2 ) doit correspondre exactement à la différence de liquidité entre l'actif plus liquide et l'actif moins liquide (P2 - pa). Le contexte est le même quand on compare les avantages de la détention de monnaie et les avantages de la détention d'autres actifs. Le taux de rendement pécuniaire pour la détention de titres à court terme (r 2) doit être égal à la différence de liquidité entre la détention de monnaie et celle de titres à court terme (Pl - P2) ; le taux de rendement pécuniaire pour la détention de titres à long terme (ra) doit être égal à la différence de liquidité entre la détention de monnaie et celle de titres à long terme (Pl - Pa), etc. Sous cet aspect le taux de rendement pécuniaire d'un actif représentera une rémunération pour les désavantages de liquidité que l'actif considéré montrera par rapport à la monnaie. Le taux de rendement pécuniaire pour la détention de titres à court terme (r2) est une compensation pour le désavantage de liquidité que les titres à court terme marquent par rapport à la monnaie (P2 - Pl)' Inversement, l'individu paie l'avantage de liquidité que la détention de monnaie possède par rapport à celle de titres à court terme (Pl - P2)' en renonçant au taux de rende-
108
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
ment pécuniaire que les titres à court terme rapportent (r 2) : le coût d'opportunité du ({ différentiel de liquidité» de la détention de monnaie par rapport à la détention de titres à court terme est constitué par le taux de rendement pécuniaire des titres à court terme. A ce point nous pouvons tirer une conclusion intéressante concernant la demande de monnaie. Elle ne représente pas une préférence pour la liquidité de la monnaie (comme Keynes l'affirme), mais plutôt une préférence pour les ({ différentiels de liquidité » de la monnaie par rapport à d'autres actifs. Dans la décision de détenir de la monnaie, ce qui est d'importance c'est la comparaison entre l'avantage de la détention de monnaie et les avantages de la détention de tous les autres actifs. Si ces autres actifs sont plus ou moins liquides, la demande de monnaie révèle une ({ préférence pour les différentiels de liquidité » liés à la détention de monnaie par rapport à la détention de titres à court terme, de titres à long terme, d'actions, d'actifs physiques. Seulement dans le cas où un actif ne posséderait aucun avantage de liquidité, on pourrait interpréter la demande de monnaie comme une préférence pour la liquidité (c'est le cas du modèle keynésien où les ({ cansals » sont complètement dépourvus de liquidité). Notre argumentation peut être poussée encore plus loin. La demande d'un actif non monétaire qui possède un certain degré de liquidité, peut s'interpréter comme une préférence pour le différentiel de liquidité de cet actif comparé à un autre actif moins liquide. Ainsi, la demande de titres à court terme peut s'entendre comme une préférence pour le différentiel de liquidité de la détention de titres à court terme par rapport à la détention des titres à long terme ou à celle d'actions, etc. Le processus d'ajustement des taux de rendement total entre les variétés d'actifs peut être expliqué par l'intermédiaire des différentiels de liquidité. Le différentiel de
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
109
liquidité d'un actif par rapport à un autre n'est pas une variable constante. Si la loi de l'utilité marginale décroissante est valable, l' « avantage marginal de liquidité » d'un actifsera d'autant moins élevé que sa quantité détenue est plus grande. Plus la détention de monnaie est élevée, plus l'utilité marginale de la monnaie (c'est-à-dire le taux de rendement non pécuniaire Pl) est faible, etc. Si, par exemple, le taux de rendement total des titres à court terme dépasse celui de la monnaie (9t1 < 9t2), l'individu placera une partie de ses encaisses sous forme de titres à court terme; cette substitution provoque un taux de rendement non pécuniaire plus élevé pour la détention de monnaie et un taux de rendement non pécuniaire moins élevé pour la détention de titres à court terme ; le différentiel de liquidité pour la détention de monnaie par rapport à celle de titres à court terme (Pl - P2) augmente de telle manière que le taux de rendement total pour la détention de monnaie se rapproche de celui des titres à court terme (étant donné le taux de rendement pécuniaire de ces derniers); le processus de substitution continuera jusqu'au moment où les deux taux de rendement total s'égaliseront (9t1 = 9t2, si Pl - P2 = r 2 ). Lors d'une variation des taux de rendement pécuniaire des actifs (toutes choses égales d'ailleurs) une nouvelle structuration du portefeuille apparaît. Si, par exemple, tous les taux de rendement pécuniaire augmentent d'un même montant, les encaisses diminueront au profit de tous les autres actifs. Par contre, si seuls les taux de rendement pécuniaire des actifs moins liquides s'accroissent, l'individu réduira les stocks d'actifs plus liquides (y compris la monnaie) pour augmenter parallèlement les stocks d'actifs moins liquides. b) Les facteurs déterminant la structure des taux d'intérêt
Jusqu'à maintenant nous avons envisagé les conditions d'optimisation du portefeuille à l'égard d'un seul individu.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
IlO
On a supposé des taux de rendement pécuniaire donnés. L'individu composait son patrimoine pour que les différentiels de liquidité (c'est-à-dire les différences entre les taux de rendement non pécuniaire) entre la détention de monnaie et celle d'autres actifs soient équivalents aux taux de rendement pécuniaire. Le taux de rendement total (91) d'un portefeuille n'est pas forcément le même d'un sujet économique à l'autre. D'une part, les services de liquidité rendus par les actifs relèvent d'une estimation individuelle des sujets économiques; (en raison du fait bien connu qu'une comparaison d'utilité interpersonnelle étant impossible, rien de plus ne peut être dit à cet égard). Les taux de rendement pécuniaire sont également soumis à une estimation individuelle des sujets économiques pour la simple raison qu'ils contiennent une composante aléatoire (la variation anticipée en valeur de capital et en valeur réelle; les dividendes anticipés); seul le « taux de revenu » de certains actifs (à savoir les taux d'intérêt) est connu par tous avec certitude. Restreignons les actifs aux actifs financiers et excluons de ces actifs financiers les actions. Dans ce cas-là la composante, connue et du même montant pour tous, du taux de rendement pécuniaire rapporté par un actif consiste en le taux d'intérêt (actuel) de cet actif financier. On sait qu'une multiplicité des taux d'intérêt existent dans chaque économie. Celle-ci correspond à la multiplicité des actifs financiers. Le système complexe des taux d'intérêt peut être ventilé en trois catégories (1). 1° La structure des taux d'intérêt selon le critère géographique. Elle se réfère aux divers taux d'intérêt qui se distinguent les uns des autres à cause d'un transfert imparfait des moyens de crédit entre des régions dont les taux de rendement sont différents (par exemple, en (1)
J.
M. CULBI!RTSON [1956], pp. 15-19.
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
III
raison des différences régionales dans la productivité marginale du capital). Des faiblesses dans le mécanisme de transfert interrégional (par exemple, entre des nations) peuvent être le fait d'obstacles institutionnels ou de préférences régionales pour certains actifs financiers. 2° La structure des taux d'intérêt selon le critère du risque de crédit. Chaque type d'actifs financiers (c'est-àdire tous les actifs financiers échangés dans une région donnée et qui, par exemple, ont la même durée de maturité) peut subir différents niveaux du risque de crédit. Ce risque se réfère à la solvabilité du débiteur. Il s'ensuit que la variété des taux d'intérêt concernant une même catégorie de titres est imputable à la diversité des primes de risque qui dépendent elles-mêmes du degré d'insolvabilité (1). 3° La structure des taux d'intérêt selon le critère de la durée de maturité. Elle se ramène au fait que les actifs financiers viennent à échéance à des dates différentes. Ainsi, il y a des titres à court terme et des titres à long terme et, par là, des taux d'intérêt à court terme et à long terme. C'est ce système des taux d'intérêt que nous voulons maintenant examiner en nous servant de nos réflexions antérieures sur la structure des liquidités et celle des rendements des actifs. Pourquoi et comment les taux d'intérêt à long terme diffèrent des taux d'intérêt à court terme ? C'est le cœur du problème de la structure des taux d'intérêt selon le critère de la durée de maturité. Trois cas sont concevables; voir à ce sujet les courbes i (2) dans la figure 2 (p. II4). a) b) Les taux d'intérêt à long terme dépassent les taux d'intérêt à court terme; c) les taux d'intérêt à long terme sont égaux aux taux d'intérêt à court terme; d) les taux d'intérêt à long terme sont inférieurs aux taux d'intérêt à court terme. (I) Voir p. 54 n. (2) F. A. LUTZ [I967], p. 221, trad. anglaise, p. 257.
II2
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
La théorie de la structure des taux d'intérêt a connu une nouvelle impulsion ce dernier temps. Elle s'appuie avant tout sur la théorie dite des anticipations. D'après cette théorie, le système des taux d'intérêt est déterminé par les anticipations individuelles à l'égard des taux de rendement pécuniaire des titres à long terme. Quant aux titres à court terme, leurs taux de rendement sont connus d'avance (grosso modo) puisque des variations dans les futurs taux d'intérêt à court terme n'affectent que faiblement la valeur de capital de ces titres (1). Dans la théorie d'anticipations de la structure des taux d'intérêt un autre facteur joue un rôle important : quelles sont les anticipations dominantes à l'égard des taux d'intérêt à long terme ? Ainsi les anticipations faites par un groupe d'individus peuvent être diamétralement opposées à celles qui seront formulées par un autre groupe. Donc, pour déterminer la structure des taux d'intérêt il est important de savoir quel groupe est, relativement, le plus puissant sur le marché; il va de soi que le comportement des intermédiaires financiers (banques, compagnies d'assurance, etc.) jouera un rôle prépondérant. Dans ce qui suit nous voulons compléter cette théorie d'anticipations de la structure des taux d'intérêt par une théorie de la liquidité. a) Supposons que les sujets économiques anticipent pour l'avenir des taux d'intérêt à long terme constants. Ils n'attendent ni un gain ni une perte en valeur de capital. Or, le seul taux de rendement pécuniaire des titres à long terme est leur taux d'intérêt. Si les taux d'intérêt à court terme divergent de ceux à long terme, on pourrait (1) Cependant, il est vrai qu'il y a une différence dans les variations de la valeur en capital pour les titres qui ont une durée de maturité d'un mois et pour ceux qui échurent, par exemple, après un an. Par conséquent, les constatations suivantes au sujet des titres « à court terme» et de leurs taux d'intérêt correspondants doivent être interprétées telles qu'ils ne représentent que des titres à très court terme.
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
II3
croire que les forces de marché tendent à égaliser les taux d'intérêt à court et à long termes. Cet ajustement consécutif à un processus d'arbitrage aurait indiscutablement lieu, si tous les titres possédaient le même degré de liquidité. Mais nous savons qu'il n'en est rien. Les titres à court terme sont plus proches de la monnaie que les titres à long terme : les premiers offrent une protection plus grande contre l'insolvabilité, puisqu'ils sont remboursés après un temps assez court (c'est-à-dire à la fin de leur maturité) ; de surcroît, ils ne sont pas soumis au risque d'une variation de la valeur en capital, et possèdent ainsi, par opposition aux titres à long terme, une certitude de la valeur en capital, même si les individus prévoient pour l'avenir la stabilité des taux d'intérêt à long terme, ces anticipations n'exclueront pas un risque d'erreur. Donc, les titres à court terme sont, en règle générale, plus liquides que les titres à long terme et les individus accepteront un taux de rendement pécuniaire moins élevé pour les titres à court terme. Par conséquent, le taux de rendement pécuniaire des titres à long terme sera plus élevé, et ceci du montant du différentiel de liquidité entre les titres à court terme et les titres à long terme. Par rapport à la détention de monnaie (M) dont la durée de maturité est égale à zéro et qui ne rapporte aucun rendement pécuniaire, le taux de rendement pécuniaire des titres à long terme doit également être supérieur à celui des titres à court terme, puisque leur taux de rendement pécuniaire correspond au différentiel de liquidité entre monnaie et titres à long terme; ce différentiel de liquidité est plus élevé que celui entre monnaie et titres à court terme. Dans l'hypothèse où on anticipe pour l'avenir des taux d'intérêt à long terme inchangés, la courbe des taux d'intérêt i coïncidera avec la courbe des taux (anticipés) de rendement pécuniaire r (voir figure 2 a). Les représentations géométriques de la figure 2 suppo-
ON ANTICIPE QUE LES TAUX D'INTÉR2T A LONG TERME a) Restent constants
b) Augmentent
us taux d'illtérét r Les tauX de relldemmt péculliaire
Les tauX d'intérêt r Les taux de rendement pécuniaire
o M
Durêe de maturité
Durée df! maturité
c) Diminuent légèrement
d) Diminuent fortement
Les taux d'intérêt r us taux de rmdement pécuniaire
Les taux d'intérêt r Les taux de rendement pécuniaire
n
p
1
o M
o
Durée dt! maturité
M FIG. 2
Durée. de maturité
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
Ils
sent que le titre jouissant de la plus longue durée de maturité (les rentes perpétuelles) est complètement dépourvu de liquidité; son taux de rendement total (9l) consiste seulement en son taux de rendement pécuniaire (r). C'est un cas possible, mais non pas impératif. Plus la durée de maturité du titre est longue, moins l'élément de liquidité « certitude de la valeur en capital» importera; c'est pourquoi l'on peut considérer les rentes perpétuelles comme des actifs financiers dont le degré de liquidité est le plus faible. Dans le cas extrême leur degré de liquidité (p) sera nul comme dans la figure 2 (1). On peut utiliser la structure des taux d'intérêt et de rendement pécuniaire pour indiquer le volume de liquidité d'un portefeuille ou du stock global des actifs financiers existant dans l'économie. Désignons par À; le degré de liquidité de l'actif financier Fi. Son degré de liquidité est égal au rapport entre son taux de rendement non pécuniaire (Pi) et son taux de rendement total (ri + Pj) :
À'-~ ~ - ri + Pi
Ci =
l, . . . ,
n)
Si l'actif FI représente la monnaie et l'actif F n les rentes perpétuelles par hypothèse dépourvues de liquidité, on aura À1 = 1 et À n = o. Le volume de liquidité (Li) de l'actif financier Fi s'élève à
Ci =
l, . . . ,
n)
Le volume de liquidité global (L) de tous les actifs financiers dans une économie donnée est égal à la somme (1) Par contre, si les rentes perpétuelles possèdent un degré de liquidité, la ligne horizontale 91 se déplacera vers le haut.
II6
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
des volumes de liquidité des divers actifs financiers (1) : Il
L'estimation empirique du « volume de liquidité» L peut être faite de la manière suivante. La liquidité de la masse monétaire M (dont le degré de liquidité À1 est égal à l'unité) s'élève à LI = À1 FI = M. La liquidité des rentes perpétuelles est (par définition) égale à zéro (Pn = 0) ; leur taux de rendement pécuniaire rll correspond au taux de rendement total 9t (9t = rn)' Par conséquent, le taux de rendement non pécuniaire d'un actif financier pourrait être mesuré par la différence entre rIl et rj' conformément à la formule [1] Pj = rn - rj' Si nous remplaçons dans la formule [2] Pj par rn - rj' nous obtiendrons un degré de liquidité Àj qui est empiriquement mesurable : Àj = 1 - rj/rn (2). Voici donc le volume de liquidité pour l'ensemble de l'économie, L, conformément à la formule [4] et en tenant compte explicitement de la masse monétaire et du degré de liquidité Àj transformé pour des raisons empiriques : [5]
L = M
+ j=2 t (1 _!1.) r
Fj
n
(1) Voir à ce sujet J. G. GURLEY [1960], E. L. FEIGE [1964], pp. 5-7 et E. J. KANE [1965], pp. 28-29. (2)
À' _ _P_i_
_
rn -
ri
I-~+~-~+~-~
=
rn ~
ri
=
1_
'1
~
Il est évident que dans la réalité, il est extrêmement difficile d'identifier un actif dont le taux de rendement non pécuniaire serait égal à zéro. Milton FRIEDMAN signale cette difficulté dans son étude sur La quantité optimale de monnaie [1969], p. 40. (Dans ce contexte, il faut bien garder présente la possibilité pour le rendement non pécuniaire d'un actif financier de ne pas consister nécessairement et exclusivement en des avantages de liquidité; d'autres rendements non pécuniaires sont concevables et nous y reviendrons au début de la section c.) Aux Etats-Unis les actions rapportaient en moyenne un taux de ren-
LIQUIDITÉS ET ANALYSE DE PORTEFEUILLE
II7
Quand les taux de rendement pécuniaire (rj) coïncideront avec les taux d'intérêt (i), l'estimation empirique du volume de liquidité L s'effectuera sans difficulté. C'est le cas envisagé à la figure 2 a. Il partait de l'hypothèse que les individus anticipaient la constance des futurs taux d'intérêt à long terme. D'autres cas sont concevables où les anticipations à l'égard des taux d'intérêt à long terme seront telles que les taux de rendement pécuniaire ne coïncideront plus avec les taux d'intérêt (actuels). b) Si la majorité des individus envisagent une hausse des taux d'intérêt à long terme, ils compteront avec une perte en valeur de capital d'autant plus élevée que la durée de maturité des titres sera plus lointaine. Par conséquent, ils ne se procureront des titres à long terme que si les taux d'intérêt à long terme sont actuellement relativement élevés par rapport aux taux d'intérêt à court terme. La structure des taux d'intérêt suivra la forme de la courbe i dans la figure 2 b : la marge considérable entre les taux à court terme et à long terme compense à la fois les désavantages de liquidité liés aux titres à long terme et la perte anticipée de la valeur en capital. La courbe r reflète les taux de dement pécuniaire de 9 à ro % tandis que les obligations, au temps d'une stabilité des prix, donnaient un taux de rendement pécuniaire de 3 à 5 %. La différence entre ces taux de rendement pécuniaire peut s'expliquer alternativement de deux façons. Le taux de rendement non pécuniaire des actions était égal à zéro; les obligations rapportaient donc un taux de rendement non pécuniaire entre 4 et 7 % et le taux de rendement total se situait entre 9 et ro %. Ou encore, le taux de rendement non pécuniaire des obligations était égal à zéro; par conséquent, le taux de rendement non pécuniaire des actions étalt négatif et le taux de rendement total se situait entre 3 et 5 %' Friedman apporte encore un autre exemple. Beaucoup de sujets économiques ont des dépôts d'épargne et recourent en même temps au crédit à la consommation. Les comptes d'épargne rapportent un taux d'intérêt d'environ 5 % tandis que le taux d'intérêt annuel des crédits à la consommation s'élève souvent à 35 %. Le taux de rendement total est-il égal à 35 % (les comptes d'épargne rendraient un taux de rendement non pécuniaire de 30 %) ou n'est-il égal qu'à 5 % (les dettes rapporteraient un taux de rendement non pécuniaire de 30 % parce qu'elles rendent possible une épargne « forcée » qui est désirée) ?
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rendement pécuniaire « net » rapportés par les titres. La différence entre T et i mesure la perte de la valeur en capital. L'allure de la courbe T est déterminée (comme dans le cas a par les différentiels de liquidité entre les titres à court et à long terme. Le cas b est caractéristique des périodes où l'économie passant par une phase de récession, se trouve au début d'une expansion; à ce moment-là les taux d'intérêt sont relativement bas et les agents économiques supposent généralement une hausse des taux d'intérêt dans l'avenir. c) d) Les situations contraires aux cas a et b sont celles que caractérise une surchauffe de l'économie et dans lesquelles le niveau des taux d'intérêt est relativement élevé. A l'approche du point culminant de la conjoncture, les individus anticiperont selon toute vraisemblance une baisse des taux d'intérêt. Pour les taux d'intérêt à long terme une telle baisse implique des gains en valeur de capital d'autant plus importants que la durée de maturation des titres est longue. Les sujets économiques se contenteront ou bien c) des taux d'intérêt identiques pour n'importe quel terme (fig. 2 c) ou bien d) admettront même des taux d'intérêt à long terme inférieurs à ceux du court terme (fig. 2 d). Le cas c est caractéristique des anticipations qui attendent une légère baisse des taux d'intérêt à long terme; puisqu'une variation de la valeur en capital est toujours anticipée avec incertitude et que le gain anticipé en valeur de capital est relativement faible, les individus seront satisfaits s'ils touchent un taux d'intérêt à long terme (approximativement) égal à celui du court terme. Par contre, si le gain anticipé en valeur de capital est beaucoup plus grand (dans le cas d, on compte avec une baisse très forte d'intérêt à long terme), les taux d'intérêt à long terme se situeront en dessous de ceux du court terme. Dans les deux cas la courbe des taux d'intérêt i s'étire sous la courbe des taux de rendement pécuniaire T (en raison des gains en valeur de capital).
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En outre, on a constaté que le degré de liquidité des titres à plus long terme était supérieur à celui du cas a et, en particulier, du cas b : les titres à long terme sont davantage « stables en valeur de capital »; l'élément de liquidité dit « certitude de la valeur en capital» est jusqu'à un certain degré garanti chez les titres à long terme; (toutefois les autres éléments de liquidité : « protection contre l'insolvabilité », « économies d'un coût de transaction », restent inchangés). Nous n'avons encore rien dit des variations possibles de la valeur réelle des actifs financiers ni de leurs effets sur la structure des taux d'intérêt. En effet, des variations anticipées à l'égard du niveau général des prix n'ont aucune répercussion sur la structure propre des taux d'intérêt et elles n'influencent que leur niveau. Par définition, seuls la monnaie et les titres à intérêt fixes figurent parmi les actifs financiers, les actions étant exclues. Si les individus anticipent une variation de la valeur monétaire en termes réels, tous les actifs financiers en seront affectés. En cas d'inflation, il y a une baisse du taux de rendement pécuniaire « réel )} de tous les titres. Pour réduire cette perte de la valeur réelle dans le portefeuille financier, les agents économiques exigeront des taux d'intérêt « nominaux » plus avantageux; les taux d'intérêt se situeront à un niveau plus élevé (1). L'argumentation sera soutenue par la figure 2 : interprétons la courbe des taux de rendement pécuniaire r comme une courbe des taux de rendement pécuniaire « réelle »; ceci étant, la courbe des taux d'intérêt i se déplacera parallèlement du montant de la variation anticipée en valeur réelle, en cas d'anticipations inflationnistes vers le haut, et en cas d'anticipations déflationnistes vers le bas; (de plus, dans la figure 2 a, la courbe « réelle)} des taux de rendement pécuniaire et la courbe « nominale » des taux d'intérêt (1)
Voir p.
100.
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ne coïncident plus; i se déplacera parallèlement à r qui reste inchangé, vers le haut ou vers le bas) (1). c) Les actifs humains Insérons de nouveau les actions et les actifs physiques dans l'analyse. Nous avions constaté jusqu'à présent qu'il fallait pour composer d'une façon optimale un portefeuille consistant en actifs financiers et physiques que la somme des taux de rendement pécuniaire et non (1) Comme nous l'avons déjà indiqué, la détermination de la structure des taux d'intérêt se base sur la théorie dite des anticipations que nous avons complétée par une théorie de liquidité. Mentionnons une autre théorie de la structure des taux d'intérêt, celle des « marchés compartimentés » (Segmcnted Markets Theory) qui existe actuellement dans la littérature économique à côté de la théorie des anticipations. Cette théorie décompose « le » marché des titres en marchés partiels selon le critère de la durée de maturité. Les différences parmi les taux d'intérêt résultent d'une non-coïncidence entre la structure de maturité des titres que demandent les créanciers et la structure de maturité des titres qu'offrent les débiteurs. Du côté des créanciers, il faut mentionner en premier lieu les institutions financières qui ont des préférences pour une certaine durée de maturité des titres: les banques d'affaires, par exemple, choisiront plutôt des titres à court terme, tandis que les compagnies d'assurance, les banques foncières, etc. préfèrent des titres à long terme. De même, les débiteurs ne restent pas indifférents envers la maturité de leurs dettes. Consommateurs et investisseurs recherchent, en règle générale, à limiter la maturité de leurs dettes à la durée de vie des actifs physiques qu'ils achètent au moyen du crédit. Les titres ayant une durée de maturité diversifiée ne constituent pas des substituts parfaits; une différence des taux d'intérêt intervient dès que la structure de maturité demandée ne correspond pas à la structure de maturité offerte. Si, par exemple, l'offre globale de titres est égale à leur demande globale et si en même temps une offre excédentaire de titres à long terme coexiste avec une demande excédentaire correspondante de titres à court terme, le taux d'intérêt à long terme sera supérieur à celui du court terme selon la théorie des « marchés compartimentés n. A première vue, cette théorie apparaît très convaincante, « évidente» même! (et pour cette raison elle est défendue par l'écrasante majorité des spécialistes du monde des affaires). Cependant, ces dernières années, une série de tests empiriques l'ont réfutée en faveur de la théorie des anticipations. Voir à ce sujet, F. M. STRUBLE [1966] ; les références bibliographiques pour cette théorie et les tests se trouvent aux pp. 358-359. Voir aussi F. A. LUTZ [1967], pp. 182 et sq. ; traduction anglaise, pp. 2II et sq.
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pécuniaire d'un titre ou d'un actif physique soit égale à la somme des taux de rendement pécuniaire et non pécuniaire d'un autre titre ou d'un autre bien durable; cette somme devait être égale au taux de rendement non pécuniaire de la détention de monnaie puisque celle-ci possède le plus haut degré de liquidité (pendant les périodes de stabilité des prix). Cependant, il faut encore modifier sous plusieurs aspects ce théorème de l'ajustement des taux de rendement total des actifs pour lui donner une meilleure valeur explicative de la réalité. Tout d'abord, le taux de rendement non pécuniaire d'un actif ne consiste pas nécessairement en ses seuls avantages de liquidité. Toute une série de titres confèrent certains avantages non pécuniaires tels une participation à la gestion de l'entreprise (actions, titres des banques coopératives), des facilités de crédit (dépôts aux caisses d'épargne-construction), une protection contre des accidents (polices d'assurance), etc. D'autre part, certains actifs offrent des satisfactions du type « socio-psychologique» dans la mesure où ils sont des moyens d'exhibition et de prestige. Parmi ces actifs figurent en particulier quelques biens durables de consommation et aussi un certain groupe d' « actifs humains ». Considérer l'homme comme un capital humain et désigner les hommes comme des actifs humains, est un concept qui a retrouvé un fréquent emploi dans la littérature économique actuelle à la suite des récents problèmes que posent l'éducation et la formation. Si, dans le passé, on a souvent rejeté la notion de capital humain, c'était pour contester une conception dite matérialiste qui voulait voir dans l'homme une valeur économique ou une « marchandise ». Mais c'était plutôt pour se référer au fait que les hommes n'ont pas un prix puisqu'ils ne sont échangés sur aucun marché (à l'exception des esclaves dans une économie esclavagiste). A cet égard, Alfred Marshall prononçait un jugement de Salomon en décla-
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rant que l'être humain, sans aucun doute, représente un capital, mais un capital tellement abstrait qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une analyse de marché (1). Sans doute, ne peut-on pas acheter ou vendre sur le marché les actifs humains comme c'est le cas pour les actifs non humains (2). Malgré tout, déterminer le niveau ultime du capital humain reste un phénomène de décisions économiques que chaque individu doit faire et ce niveau dépend du taux de rendement anticipé du capital humain (3) ! Le capital humain dont l'individu dispose se compose de ses capacités innées d'ordre physique, moral et intellectuel et de sa formation générale et professionnelle. En interprétant l'agent économique comme un ménage, c'est le pater familias qui décide aussi bien le nombre des membres de famille que la qualité de leur formation; mais, si l'on entend par là un seul individu, celui-ci ne pourra déterminer le montant de son capital humain qu'à partir d'un certain âge. Abstraction faite de la « valeur de base » du capital humain (capacités naturelles), le volume du capital humain peut varier de la manière suivante. Une accumulation intervient lors des dépenses pour l'éducation qui peuvent être financées par une diminution du stock d'actifs non humains (c'est-à-dire le patrimoine reste constant). Une réduction du capital humain a lieu au profit d'actifs non humains (encore faut-il que le patrimoine soit constant) en diminuant son « coût de maintien» (ce « coût d'amortissement» se réfère non seulement au coût de vie minimum, mais avant tout au coût de formation nécessaire pour le « recyclage » en raison du progrès scientifique et technique). (1) A. MARSHALL [1920], pp. 787-788. (2) C'est là où réside la différence essentielle entre les actifs humains et non humains. On ne peut pas acheter aujourd'hui ses connaissances du calcul des matrices pour les revendre demain. Par contre, un titre ou une machine peut être acheté et vendu. (3) Voir, à ce sujet, par exemple,A. WOLFELSPERGER [1965] et également le numéro spécial du Journal of Political Economy, LXX (octobre 1962).
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Pour qu'un individu accumule son capital humain, il lui faut une période relativement longue. Par conséquent, le rendement anticipé de ce capital sera très aléatoire. L'agent économique entreprendra un investissement d'éducation seulement si le taux de rendement anticipé de cet investissement est relativement élevé par rapport au taux de rendement anticipé des investissements dans les actifs non humains (1). Il convient de souligner que le rendement du capital se compose d'un élément pécuniaire et non pécuniaire, comme c'est le cas avec les actifs financiers et physiques. Mais, sa composante non pécuniaire ne comprend pas d'avantages de liquidité; elle résulte plutôt des motivations socio-psychologiques (par exemple, le prestige social d'un groupe professionnel); on peut la comparer avec le « revenu psychique» d'Irving Fisher (2). D'un point de vue purement théorique, un ajustement dans la composition du portefeuille (consistant en actifs humains et non humains) aura lieu s'il existe une différence entre le taux de rendement total du capital humain et le taux de rendement total du capital non humain. Cependant, il va de soi que cet ajustement est d'une toute autre nature que celui s'effectuant dans le portefeuille des actifs non humains. La raison en est qu'une variation des actifs humains n'est possible que sur une période très longue. C'est pourquoi, dans la « courte» période, les taux de rendement des actifs non humains, d'une part, et des actifs humains, d'autre part, diffèrent souvent les uns des autres (3). (1) T. W. SCHULTZ [1961] et G. S. BECKER (1962]. (2) I. FISHER [1906], pp. 101-108 et 165-179. (3) Remarquons que Milton FRIEDMAN [1957] obtient des résultats similaires dans sa théorie du revenu permanent, quoique son analyse ne s'attache pas particulièrement à la composition du portefeuille, mais davantage à la détermination de la fonction de consommation. Chez Friedman le capital se compose également d'actifs humains et non humains. Le revenu, dit « revenu permanent ", est égal à l'intérêt que le capital rapporte. Son taux d'intérêt qu'il appelle « taux d'intérêt subjectif", est identique
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Pour terminer ce chapitre, résumons quelques-uns des résultats obtenus au cours de notre étude. Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, la demande de monnaie est fondée principalement sur le motif de précaution. On détient de la monnaie par sécurité pour garantir la solvabilité et la réserve de valeur (en capital et en termes réels) à condition que l'individu ait une aversion contre le risque et qu'il n'y ait pas de périodes d'inflation forte. Chaque unité d'encaisses procure cette sécurité; une dichotomie entre encaisses de transaction et encaisses de spéculation est théoriquement non valable (au moins en ce qui concerne la détention d'encaisse « volontaristique »). En raison du principe des économies de risques réalisables par la diversification du portefeuille, ce n'est pas seulement la détention de monnaie qui garantit un haut degré de sécurité de valeur, mais aussi un portefeuille largement différencié. Les « encaisses » de spéculation étant une réserve absolue de la valeur en capital inclurent non seulement la monnaie, mais aussi les titres à court terme. Ces « liquidités de spéculation » peuvent servir simultanément de moyens de transaction dans la mesure où il s'agira chez les titres à court terme d'actifs financiers parfaitement mobilisables. La part qui sera accordée à la monnaie au sein de ces « liquidités de transaction-spéculation », dépendra du coût de transaction (c'est-à-dire du « coût de transformation ») surgissant lors de l'achat et de la vente à notre taux de rendement total qui consiste (en règle générale) en une composante pécuniaire et une composante non pécuniaire. Friedman souligne également que les taux d'intérêt subjectifs des divers types d'actifs peuvent être différents les uns des autres en raison de certaines " imperfections l) des marchés. Il s'ensuit que « le » taux d'intérêt subjectif qui détermine le niveau du revenu permanent (étant donné le volume du capital), se concevra comme une moyenne pondérée des divers taux d'intérêt subjectifs. M. FRIEDMAN [19631, pp. 9-14. (Dans une de ses dernières études (19691 Friedman appelle le taux d'intérêt subjectif « taux d'escompte interne ».)
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de titres parfaitement mobilisables (étant donné leur taux d'intérêt). La qualité de liquidité se mesure d'après le critère de la qualité monétaire (moyen de paiement, instrument de réserve de valeur) ; elle est plus ou moins propre à tous les actifs (sauf les actifs humains). Il s'ensuit qu'un changement de la préférence pour la liquidité n'est pas nécessairement identique à une variation de la demande de monnaie. D'une part, les « encaisses » de transaction-spéculation peuvent se composer de titres mobilisables et dépourvus d'incertitude de la valeur en capital. D'autre part, une préférence pour la liquidité doit se comprendre dans le sens d'une préférence pour les « différentiels de liquidité » qui existent entre la monnaie et d'autres actifs plus ou moins liquides, mais aussi entre ces actifs plus ou moins liquides. Un changement de la « préférence pour la liquidité » peut revêtir la forme d'un changement dans la demande d'actifs plus liquides ou moins liquides. Il est vrai que le coût de transaction lié à ce changement dans la composition du portefeuille peut exercer un effet d'inertie sur la mobilité d'un actif moins liquide vers un actif plus liquide et inversement. La théorie de la demande de monnaie analysée en termes du portefeuille est ainsi plus complète (et plus complexe) que la théorie traditionnelle de type keynésien (le modèle monnaie-rentes perpétuelles). Elle ne se contente plus de la dichotomie traditionnelle entre les encaisses de transaction et les encaisses de spéculation. La demande de monnaie (et celle des autres actifs) s'explique désormais: par le coût de transformation d'un actif en un autre actif; par les anticipations et les risques à l'égard du flux futur des dépenses et recettes et à l'égard des variations futures des taux d'intérêt, des prix relatifs des actifs physiques et du niveau général des prix. Sans doute pourra-t-on objecter à cette « complication» de l'analyse de portefeuille qu'un modèle plus simple
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aurait pu conduire, pour la demande de monnaie, à des résultats plus ou moins identiques; car, dans le modèle « compliqué » de même que dans un modèle plus simple (à la Keynes), la demande de monnaie est une fonction croissante du revenu (en considérant la monnaie dans sa fonction de moyen de paiement) et du patrimoine (en examinant la monnaie sous son aspect de réserve de valeur) et elle est une fonction décroissante des taux d'intérêt (au lieu d'un taux d'intérêt « représentatif ))). Cependant, dans un modèle (par exemple) à deux actifs (monnaie, rentes perpétuelles), la monnaie est le représentant de tous les actifs liquides tandis que les rentes perpétuelles sont le représentant de tous les actifs non liquides. Selon nos réflexions précédentes, une telle approche n'est pas valable. Il n'existe pas de « dichotomie » entre actifs liquides et actifs non liquides parce qu'il n'y a aucune ligne de démarcation entre ces deux types d'actifs (à l'exception des actifs non humains plus ou moins liquides et les actifs humains non liquides). Les diverses sortes d'actifs possèdent une « qualité monétaire )), bien sûr à des degrés différents ; cette « qualité de liquidité )) ressortant surtout parmi les actifs financiers dont les prix (ou les taux d'intérêt) sont largement déterminés par les « différentiels de liquidité )). Or, la théorie monétaire doit s'occuper aussi bien de l'influence de la monnaie sur l'économie que de l'influence « quasi monétaire)) exercée par les autres actifs liquides. Cette influence provoque deux effets : un effet indirect qui se transmet par l'intermédiaire des taux d'intérêt; et un effet direct, souvent connu sous le terme d' « effet de patrimoine )) vers lequel nous allons nous tourner maintenant.
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CHAPITRE
V
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS Il Y a plus de trente ans, Hicks déplorait, dans son article célèbre A Suggestion for Simplifying the Theory of Money [1935], l'abîme qui séparait la théorie monétaire de la théorie de valeur des biens. Pour combler cette lacune il proposait une « révolution marginale» : la valeur des biens dépendait de leur utilité marginale; la valeur de la monnaie devait également être déterminée par l'utilité marginale : « Après les tempêtes de ces dernières années, on n'ose ouvrir la bouche qu'avec timidité et même inquiétude lorsqu'il s'agit de la monnaie••• A cet égard une indication m'éclaire, c'est celle que fournit une branche de la théorie économique, à vrai dire, élémentaire, mais qui est, en conséquence et à mon sens, plus développée - la théorie de la valeur•.• la valeur relative de deux marchandises dépend du ratio de leurs utilités marginales. Un ingénu qui commence à s'intéresser à la théorie monétaire se sentira extrêmement oppressé en rejetant cette ancre de secours. Effectivement c'était l'utilité marginale qui donnait un sens à la théorie de la valeur; et quelle sUrPrise de tomber sur une branche de la théorie économique qui se passe entièrement de l'utilité marginale 1Ce qui est nécessaire c'est une « révolution marginale» ! Voilà ma proposition)) (r).
(1)
J.
R. HICKS [1935], pp. 13-14.
E.-M. CLAASSEN
5
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Les développements plus récents dans le domaine de la théorie économique ont suivi les simplifying suggestions de Hicks en réfutant la dichotomie (pour employer un terme à la mode) entre la théorie de la monnaie et celle de la valeur pour rechercher An Integration of Monetary and Value Theory (c'est là le sous-titre du livre de Patinkin). Nous avons montré qu'on doit développer la théorie de la demande de monnaie selon les mêmes principes que celle des autres actifs. La détermination des encaisses de transaction emprunte les règles générales de la théorie du stockage. La dérivation des encaisses de transaction-spéculation est fondée sur une théorie des choix qui tient compte des {( imperfections » telles la prévision imparfaite, le coût de transaction et autres {( frictions ». La détermination de la demande de monnaie ne peut s'analyser qu'à l'aide d'une stratégie générale de la sélection du portefeuille » (1), ce dernier englobant aussi bien les actifs financiers et physiques que les actifs humains. Les stocks optimaux de Money, Capital and Other Stores of Value (Tobin [1961]) sont simultanément déterminés. La déductiondu volume optimal d'encaisse suivant les mêmes principes que ceux qui président à la détermination du volume optimal d'autres formes de capital (actifs financiers, physiques et humains), elle ne pourra toutefois se poursuivre que simultanément avec la détermination des stocks de ces autres actifs. En ce sens la théorie de la demande de monnaie se développe ces derniers temps selon une approche dite {( théorie de capital » à laquelle contribuèrent, en particulier, Milton Friedman et James Tobin (2). Dans un récent article sur l'état actuel de la théorie monétaire, «(
(r) J. TOBIN [r96r], p. r09. (2) Voir, par exemple, M. FRIEDMAN [r956] et et [r965].
J. TOBIN [r958], [r96r]
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Harry Johnson voit dans ce développement l'innovation la plus importante de la théorie monétaire : « ••• du point de vue théorique, la ligne directrice dans le développement de la théorie monétaire a été, à mon avis, l'application de la théorie du capital à la théorie monétaire, c'est-à-dire l'effort entrepris pour élaborer la théorie monétaire en termes de théorie du capital, regardant la monnaie comme un actif qui est un placement alternatif aux autres actifs et considérant le choix du montant de monnaie à détenir comme un problème dont la solution exige les concepts de la théorie du capital » (1).
Ces concepts de la théorie du capital se réfèrent aux stocks d'actifs et à leurs taux de rendement. Les diverses sortes d'actifs atteignent leur niveau optimal lorsque les taux de rendement correspondants s'égalisent les uns les autres. Le théorème de la théorie du capital, s'il est appliqué à la théorie monétaire, se modifie dans la mesure où le taux de rendement du stock de monnaie et d'autres actifs liquides n'est pas nécessairement de nature pécuniaire (ou physique) ; dans le cas de la monnaie, il consiste exclusivement en services de liquidités et pour les autres actifs, les actifs financiers en particulier, il se compose souvent d'un élément pécuniaire et d'un élément non pécuniaire. Le rendement non pécuniaire d'un actif n'est rien d'autre que l'utilité immédiate qu'il crée (à condition qu'on le regarde comme un bien de consommation). Le postulat hicksien d'une « révolution marginale », absolument nécessaire à la théorie monétaire, est ainsi accompli non seulement pour la monnaie, mais aussi pour d'autres actifs possédant un degré de liquidité. Rappelons que Hicks « suggérait » l'application à la monnaie du principe d'utilité marginale. Or, nous avons montré que ce principe pouvait aussi s'appliquer à d'autres actifs (surtout financiers) dès qu'ils étaient plus ou moins (1) H. G. JOHNSON [1963], p. 74; voir aussi p. 92. De plus, consulter H. G. JOHNSON [1967], pp. 31-32,38,50-51 et [1969 a].
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liquides. Mais ce n'est pas tout. Reconnaître que la monnaie et d'autres actifs (financiers) liquides créent une utilité, va jouer un rôle important sous un autre aspect: la monnaie et les autres actifs financiers vont désormais, selon leur degré de liquidité, représenter un patrimoine net dans l'ensemble de l'économie! ID Considérons d'abord la monnaie. Son utilité est une des conditions fondamentales à son attribut de patrimoine net. Ainsi, l'effet d'encaisses réelles - un effet de patrimoine - est en fin de compte basé sur l'utilité directe attachée à la détention de monnaie - liaison que Patinkin [1965] n'a pas établie et ne pouvait établir puisqu'il tient à la thèse de Gurley et Shaw [1960]. Depuis leur analyse il est devenu de « tradition» d'attacher à la monnaie dite « externe » un effet de patrimoine, tandis que la monnaie « interne » qui correspond à un endettement du secteur privé ne pouvait pas constituer un élément du patrimoine net de ce s.ecteur. Cependant, notre argumentation rompt avec cette « dichotomie» entre monnaie externe avec effet de patrimoine et monnaie interne sans effet de patrimoine. Ces deux types de monnaie représentent, sous certaines conditions bien sûr, un patrimoine net dans l'économie. La monnaie, externe ou interne, est un bien qui sert à satisfaire des besoins tout comme d'autres biens, et on peut concevoir son rendement non pécuniaire (équivalent à son utilité) alternativement comme un revenu ou un patrimoine. 2 0 Jusqu'à l'heure actuelle on a soutenu relativement aux autres actifs financiers une thèse analogue à celle de la monnaie interne. Ceux-ci représentent respectivement une créance et en même temps une dette; en conséquence, on ne peut pas les considérer comme un élément du patrimoine net dans l'économie. Ceci est incontestablement valable sur le plan comptable. Mais dès qu'interviennent le degré de liquidité des créances et le degré de non-liquidité des dettes correspondantes, il peut y avoir asymétrie
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entre degré de liquidité et degré de non-liquidité. Si le premier l'emporte sur le second, la relation créances-dettes aura un « volume de liquidité nette ». Les actifs financiers représenteront un patrimoine dans la proportion de leur « volume de liquidité nette ». 3° Conformément à leur caractère patrimonial relatif il existera un effet de patrimoine que l'on peut appeler d' « effet de liquidité réelle ». La liquidité exercera aussi bien un effet indirect sur l'économie par l'intermédiaire du mécanisme d'intérêt (( effet d'intérêt ») qu'un effet direct par l'intermédiaire du patrimoine (( effet de liquidité réelle »). I. LA MONNAIE REPRÉSENTE-T-ELLE UN PATRIMOINE
?
La réponse dépend du système monétaire existant dans l'économie. Lorsque les mercantilistes considéraient la monnaie comme une « richesse », ils n'avaient pas tort dans la mesure où la monnaie représentait un bien durable: l'actif physique or. Lorsque les classiques expliquaient la « valeur interne de la monnaie » par la théorie du coût de production, ils se référaient aux systèmes monétaires métalliques dominant leur époque et pouvaient ainsi regarder la monnaie comme un patrimoine. Mais dès que règne un système de monnaie-crédit où la monnaie (billets de banque; dépôts à vue) constitue à la fois une créance et une dette, son caractère patrimonial n'est plus tellement évident. A première vue on pourrait se contenter très simplement de constater que la monnaie, du point de vue de l'ensemble de l'économie, ne représente aucun patrimoine net : la créance correspond toujours à une dette (reconnaissance de dette de la part de la Banque centrale; dettes à vue). Cependant, une telle réponse au problème serait un peu trop simpliste parce qu'elle s'appuie sur des arguments comptables et non sur des arguments économiques.
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ANALYSE DES LIQUIDITÉS
Pour résoudre la question si la monnaie-crédit représente un patrimoine, il faut utiliser l'approche suivante. Partant d'une économie sans monnaie dans laquelle on introduit successivement différentes formes de monnaie (par exemple, d'abord la monnaie-marchandise, puis la monnaie-crédit), le dilemme se pose alors dans quelle mesure la transition d'une économie de troc à une économie monétaire et le passage d'une forme de monnaie à une autre forme peuvent conduire à un accroissement du patrimoine global (1). Supposons une économie de troc daris laquelle les actifs physiques sont les seuls actifs; il Va de soi qu'il existe également des actifs humains, mais nous pouvons ·les ignorer. Le montant OA dans le quadrant gauche de la figure 3 représente le patrimoine total de l'économie; r Taux de rendement
L
r
---------------o
A
(
o
!1A
Actifs physiql#!s
LI
M Encaisse réelle
FIG.
3
soit ro son taux de rendement par période; ainsi le rendement total par période (ou « revenu » abstraction faite du revenu du travail) serait égal à ro A. Introduisons mllinte(1) Pour ce qui suit, voir, en particulier, H. G. JOHNSON [1969].
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
135
nant dans cette économie la forme de monnaie-marchandise. Soit OM la quantité de monnaie qui figure au quadrant de droite dans la figure 3. On suppose qu'il s'agit d'un système monétaire dont la couverture-marchandise est de cent pour cent. Par conséquent, des actifs physiques du montant AA' sont transférés du secteur « réel» au secteur « monétaire » (AA' = OM). Le patrimoine total de l'économie reste inchangé : OA = OA' + OMo Pendant ce temps, l'économie est devenue plus « riche » sous l'aspect de revenu. Au lieu d'effectuer l'achat et la vente par échange d'une marchandise contre une autre que l'acheteur accepte en général afin d'en acquérir une seconde et ainsi de suite, l'organisation des échanges peut devenir plus rationnelle en recourant à un moyen d'échange intermédiaire généralement reconnu qui est la monnaie. Par suite, le coût de transaction qui intervient lors des opérations d'achat et de vente, en sera considérablement diminué (1). Une réduction du coût est une autre expression pour l'augmentation de la productivité. Consécutivement à l'introduction de la monnaie dans cette économie de troc, le taux de rendement des actifs physiques augmente, par exemple, dans la figure 3, de r o à 91. Le stock d'actifs physiques OA', utilisé à des fins productives, rapporte maintenant un revenu de 91A'. Quant au stock d'actifs physiques OM, servant à des fins monétaires, il produit un rendement à vrai dire non pas de nature « physique » ni pécuniaire, mais qui consiste en des avantages de liquidités, nous l'avons vu. Conformément aux résultats de l'analyse du portefeuille, les taux de rendement total des divers actifs tendent à s'égaliser les uns aux autres. Le taux de rendement de la monnaie s'élèvera également à 91; c'est là un taux d'équilibre du marché de la monnaie et il est représenté par le point d'intersection P entre la courbe de la demande de la (1) Voir
J.
R. HICKS [1967], p. 7.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
monnaie LL' et de l'offre de monnaie OMo Le rendement du stock de la monnaie est donc égal à 9tM. Le revenu total (pécuniaire et non pécuniaire) de l'économie s'élève ainsi à 9t (A' + M) = 9tA (toujours abstraction faite du revenu des actifs humains). Ainsi le passage à un système de monnaie-marchandise produit un gain de revenu de (9t - ro) A (1) (2). La transition d'une économie de troc à une économie monétaire fondée sur un système de couverture-marchandise à cent pour cent n'entraîne donc aucun accroissement du patrimoine. Il est vrai que la monnaie représente un patrimoine net parce qu'elle constitue par définition un bien physique. Mais il n'y a pas un accroissement du patrimoine; il n'y a eu qu'un transfert d'actifs de la « sphère de la production » vers la « sphère monétaire ». Mais qu'en est-il de la monnaie-crédit? A ce niveau va se poser véritablement le problème de l'aspect patrimonial de la monnaie. Par la suite nous supposerons qu'une économie monétaire existe déjà sous la forme d'un système de monnaie-marchandise. Introduisons dans cette économie le système de monnaie-crédit. Cette procédure permet de ne pas reconsidérer le gain de revenu (ou gain de productivité dû à la transition à une économie monétaire); soit 9t le taux de rendement des actifs dans une économie de monnaie-crédit (voir fig. 3) (3). Nous allons (I) Un revenu plus élevé peut être compatible avec un patrimoine constant. En désignant par W le patrimoine, le revenu sera donné par y = rW. Le patrimoine est alors W = Y/r. Etant donné le patrimoine (W) un accroissement du revenu (Y) résulte d'une augmentation du taux de rendement (r). (2) A côté du gain de revenu, on peut concevoir un autre gain: celui en termes de bien-être. Sur la figure 3, il est représenté par le triangle lllPL. Il n'est rien d'autre qu'une rente des consommateurs. Cependant, il y existera une rente des producteurs pour les actifs physiques (à condition qu'ils représentent des biens de production). Le fait qu'une partie de ces actifs soit enlevée du secteur de production pour l'utilisation monétaire, diminuera la rente des producteurs et il est concevable que la rente des consommateurs soit compensée par la diminution de celle des producteurs. (3) Il est vrai que l'introduction de la monnaie fiduciaire et scripturale
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
137
consécutivement aborder a) l'aspect patrimonial de la monnaie externe et b) celui de la monnaie interne. Cette distinction a été proposée par Gurley et Shaw [1960] pour qui la monnaie externe constitue, par opposition à la monnaie interne, un patrimoine net du fait qu'elle n'est pas identique à un endettement correspondant du secteur privé (et non financier) de l'économie (comme c'est le cas avec la monnaie interne). a) Monnaie externe (le problème de l'illusion fiscale) Le « créateur» de la monnaie externe (Me) sera la Banque centrale qui émet la monnaie fiduciaire (des billets), par exemple. Cette monnaie peut être mise à la disposition de l'économie de telle manière que la Banque centrale (ou l' « Etat ») achète au secteur privé des actifs (IJ.A) contre une vente de monnaie: Me = IJ.A. Donc le secteur privé obtient de la monnaie et donne pour cela des actifs [1] ou, en d'autres termes, puisque Me est égal à IJ.A :
[la]
IJ.WP
=
(1 - k)Me•
Le secteur d'Etat (<< gouvernement ») augmente son patrimoine de : [2] IJ.WU = k IJ.A. Le patrimoine total de l'économie est accru du montant de la création de monnaie (IJ.W = IJ.WP IJ.Wu = [1] [2]) :
+
[3]
IJ.W
+
= Me·
représente un « progrès technique» qui peut réduire le colit de transaction encore plus fortement. Ce gain supplémentaire de productivité est supposé être contenu en !Il.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
Les équations [1] à [3] vont être maintenant expliquées en détail. Quant au coefficient k, il informe sur le degré « perte » que les sujets économiques imputent à leurs prestations à l'Etat (~A). Les actifs acquis par l'Etat servent finalement à la collectivité (1), à moins que l'Etat ne les « jette à la mer ou qu'il ne les enterre dans un Fort KnOX» (2). Si, par exemple, les actifs acquis par l'Etat consistent en actifs physiques (un cas du deficit-spending), il peut les employer dans le processus de production du secteur public dont les sujets économiques profitent finalement ou bien directement (disposition gratuite des biens produits par le secteur public) ou bien indirectement (par exemple, une réduction d'impôts); si les individus se rendent compte de cet ultime transfert de services du secteur public vers le secteur privé, on aura k = 0 - inversement, on aurait k = 1 (le cas d'une « illusion fiscale »). Les actifs achetés par l'Etat peuvent aussi consister en titres émis à l'origine par l'Etat (création de monnaie par une politique d'open-market); l'Etat a maintenant moins d'intérêts débiteurs à payer ce qui entraîne une diminution des impôts, toutes choses égales d'ailleurs; si les individus escomptent la réduction des impôts à payer dans l'avenir, on aura k = 0 et le stock de monnaie représentera un accroissement de patrimoine dans le secteur privé (3). Enfin, la création de monnaie peut s'effectuer par l'intermédiaire d'un achat de devises; si ces devises se trouvaient en possession des ressortissants nationaux et (1) Voir, à ce sujet, l'article fondamental de L. EINAUDI [1928]. (2) B. P. PESEK et T. R. SAVING [1967], p. 217. (3) R. A. MUNDELL [1960] et D. PATINKIN [1965], pp. 288-294.
Il est une autre manière de présenter l'argumentation relative A l'effet de patrimoine provenant de la politique d'open-market. Admettons que les sujets économiques évaluent A zéro leur patrimoine en titres d'Etat (k = 0, c'est-A-dire qu'ils se rendent compte que les intérêts futurs seront financés par leurs impôts futurs), l'augmentation de la masse monétaire correspondra alors A un accroissement de patrimoine net.
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
139
si elles consistent en titres portant un taux d'intérêt, il s'agira d'un cas similaire à celui de la politique d'openmarket : l'Etat perçoit des intérêts de son portefeuille de titres étrangers qu'il transfère au secteur privé par une réduction des impôts; si les individus capitalisent le gain futur de leur revenu disponible, on aura k = 0 (1). A condition qu'il n'y ait aucune « illusion fiscale» chez les sujets économiques (c'est-à-dire si k = 0), la création de monnaie externe signifie un accroissement de patrimoine pour le secteur privé de l'économie (~WP = Me). Le résultat final de cette sorte de création de monnaie est donc analogue au type de création de monnaie implicitement supposé dans presque tous les manuels quand on parle d'un « doublement de la masse monétaire » : c'est le cas du don de monnaie que fait l'Etat qui, en réalité, n'est concevable que pour les paiements de transfert et une réforme monétaire. Ces derniers temps, plusieurs économistes se sont opposés à ce « miracle pendant la nuit )) de la théorie monétaire. Tobin, par exemple, note à ce sujet: « Parfois on nous invite à imaginer que nous nous réveillons avec un stock d'encaisses qui a doublé pendant la nuit... Cette
(1) Si l'Etat achète des devises ne portant pas un taux d'intérêt (c'està-dire des moyens de paiement internationaux au sens strict), il les placera, en règle générale, à l'étranger sous forme de titres portant un taux d'intérêt. Par contre, si l'Etat achète de l'or pour le thésauriser, cet achat ne sert pas aux sujets économiques, parce qu'il n'y aura ni réduction d'impôts ni disposition gratuite de biens collectifs. On aura donc k = 1 ; il n'y aura aucun accroissement de patrimoine dans le secteur privé. Un cas tout différent sera le passage de l'économie d'un étalon-or (avec une couverture-or de 100 %) à un système de monnaie fiduciaire. La Banque centrale vendra l'or à l'étranger et le secteur privé profitera des recettes provenant de cette vente « d'une façon ou de l'autre» (disposition gratuite de biens publics, réductions d'impÔts, paiements de transfert). Il s'ensuit que cetre réforme monétaire signifierait pour l'économie un accroissement de patrimoine du montant de la masse monétaire existante. (Ce qui est possible pour un pays ne l'est pas pour tous. Supposons que tous les pays passent d'un gold bullion standard à un étalon-or ayant une couverture-or de 50 %. La quantité de monnaie dans le monde doublerait et donc le niveau mondial des prix.)
14°
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
expérience mentale est inoffensive et instructive à condition que ses résultats ne soient pas considérés comme représentatifs des variations de la masse monétaire provenant d'opérations coutumières à la Banque centrale. Le miracle pendant la nuit augmente, d'un même montant, la masse monétaire et le patrimoine net; les petits nains qui apportent la monnaie ne sont pas préposés à l'enlèvement des titres ou des bons de Trésor » (1).
Par contre, notre analyse a montré que l' « expérience des petits nains » ainsi que les « opérations coutumières à la Banque centrale » conduisent, quant au résultat final, vers un accroissement du patrimoine chez les agents économiques (à condition que k = 0). Toutefois, selon les modalités de la création de monnaie, les processus d'ajustement seront différents. Patinkin reconnaît également cet aspect des processus d'ajustement (2), bien qu'il interprète d'une tout autre manière l'aspect patrimonial de la monnaie externe. Son argumentation suit fidèlement celle des auteurs du concept de monnaie externe, Gurley et Shaw [1960]. Il part de l'idée correcte que la monnaie constitue une créance. On sait que chaque créance correspond à une dette. Quant à la monnaie de la Banque centrale, le débiteur est la Banque centrale ou en d'autres termes: le secteur public. Pour l'ensemble de l'économie, les secteurs privé et public étant compris, la monnaie externe ne représente pas un patrimoine (3). Malgré tout, Patinkin considère la monnaie (1) J. TOBIN [1961], p. III. (2) D. PATINKIN [1965], pp. 236-244. (3) D. PATINKIN [1965], pp. 295-296. L'argument de Gurley-Shaw-Patinkin pourra arithmétiquement se présenter de la manière suivante. Tout d'abord, selon eux, nous devrions écrire nos équations [1] à [3] (voir p. 137) : [l'] I1Wp = Me [2'] I1wg = -ÂD [3'] I1W = 0 D'une part, Patinkin néglige le terme k I1A (malgré ses remarques à la p. 294 n) ; il est vrai que k I1A n'a aucune influence sur 11W. D'autre
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
141
externe comme une partie du patrimoine national (et, par là, il conçoit l'effet d'encaisse réelle comme un effet de patrimoine). Son argumentation est la suivante. En règle générale, la possession d'une créance (par exemple sous forme de détention d'un titre) exerce un effet stimulant sur la demande des biens (<< effet de patrimoine »); or cet effet s'oppose à un effet contractif sur la demande de biens de la part des débiteurs (<< effet d'endettement réel ») (1) ; les deux effets peuvent se compenser de telle sorte que la relation créance-dette soit complètement neutre sur le plan global de l'économie (c'est le cas d'un « effet de distribution neutre») (2). Quant à la monnaie on pourra dire, au moins pour la partie émise par la Banque centrale, que l'Etat se comporte dans ses décisions économiques sans tenir compte de cette position débitrice spécifique : un effet d'endettement réel n'existe pas pour les dettes (monétaires) de la Banque centrale; par conséquent, le seul effet net qui reste est l'effet de patrimoine (c'est-àdire l'effet d'encaisse réelle) qu'exercent les possesseurs de monnaie (3). A première vue, on pourrait accepter sans discussion l'argumentation de Patinkin. Ses réflexions aboutissent finalement aux mêmes résultats que ceux que nous avons postulés, à savoir, la monnaie représente un patrimoine. Cependant, son analyse est contestable à deux points de vue. D'une part, elle aboutit, pour le cas de la monnaie part, il tient compte de l'endettement supplémentaire de l'Etat (-aD) qui est égal à la création de monnaie Me où Me = -aD. (1) D. PATINKIN [19651, pp. 71-72. (2) D. PATINKIN [19651, p. 74. (3) Sous cet aspect, Patinkin regarde l'effet d'encaisse réelle partiellement comme un effet de patrimoine, mais surtout comme un effet de distribution. Pour la monnaie, il existe un effet (<< positif») de patrimoine et un effet (<< négatif ») d'endettement réel. Si l'effet d'endettement réel est égal à zéro, il reste seul l'effet d'encaisse réelle: un effet de distribution « actif> (en opposition à l'effet de distribution neutre). D. PATINKIN [19651, p. 288 ; voir aussi J. H. POWER [19591, p. 132.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
interne (que nous traiterons plus tard), à la constatation que la monnaie interne ne représente pas un patrimoine, ce qui est erroné à notre avis. D'autre part, il ne tire pas les conséquences qui résultent de l'analyse de l'utilité de monnaie (c'est-à-dire de sa propre analyse puisque c'est à Patinkin que l'on doit la nouvelle impulsion dans l'étude de l'utilité de la monnaie), conséquences qui sont: 1° La monnaie crée une utilité chez son détenteur qui est « créancier » de la créance-monnaie. Cette utilité peut également s'interpréter comme un rendement (non pécuniaire) que la détention de monnaie rapporte. Si un bien produit un rendement, il représente aussi un patrimoine; car la valeur de patrimoine n'est rien d'autre que la valeur capitalisée du rendement (1). 2° Le débiteur de la créance-monnaie la Banque centrale ou l'Etat - agit dans ses décisions économiques indépendamment de sa position débitrice (pour reprendre le raisonnement de Patinkin) ; en fait il n'est pas du tout débiteur au sens propre, puisqu'il n'est pas tenu à payer des intérêts contrairement à tout autre débiteur. De plus, ses engagements au remboursement ne sont portés que « sur papier» ; plus encore, il sera incapable de rembourser ses engagements en termes réels à moins de les payer avec « sa » propre monnaie, c'est-à-dire avec les dettes à vue de la Banque centrale ! 3° Les actifs que l'Etat reçoit par voie de création de monnaie sont restitués aux agents économiques (par exemple, sous forme d'une réduction d'impôts ou d'une disposition gratuite des biens collectifs). Cependant, les individus peuvent subir une illusion fiscale (k> 0). Dans ce cas, la création de monnaie ne constitue pas un accroissement de patrimoine pour le secteur privé (ni non plus lorsque l'on tient compte de l'argument de Patinkin qui est réfuté par le point 2 ci-dessus). (1) B. P. PESEK et T. R. SAV1NG [1967].
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
143
Notre argumentation peut être encore éclaircie à l'aide de la figure 3 (p. 134). Les individus obtiennent un accroissement de patrimoine égal à OM dont le rendement est mM. Pour ce faire ils ont renoncé d'abord aux actifs AA' =!1A (= OM) et, par là, au rendement m !1A. Mais ils vont profiter de celui-ci puisque l'Etat le restitue finalement à la « collectivité » sous une forme quelconque d'opérations budgétaires (à moins que l'Etat « ne jette AA' à la mer ou ne l'enterre dans un Fort Knox »).
b) Monnaie interne (le problème de la monnaie portant un taux d'intérêt) La monnaie interne consiste généralement en monnaie scripturale créée par les banques d'affaires. La monnaie interne (Mi) qui représente les créances des individus du secteur privé sur les banques, correspond à des dettes ( - !1A) que d'autres individus ont envers les banques : [4]
!1WP=M;-!1A
Pour les banques, ces créances sont évidemment des dettes à vue (- M;) et inversement les dettes des individus sont des créances pour elles (!1A) :
< rm <
[5]
o=m=I.
L'accroissement du patrimoine total de l'économie (ilW =!1WP +!1Wb = [4] [5]) est égal à:
+
[6]
!1W = M; -
ou formulé autrement :
[6 a]
m
r M; m
144
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
Pour savoir si la création de monnaie scripturale représente un accroissement de patrimoine dans l'économie, cela dépendra finalement du rapport rm/9t ; r m désigne le taux d'intérêt que les possesseurs de dépôts à vue perçoivent des banques d'affaires. Si, par exemple, la monnaie ne rapporte aucun taux d'intérêt, elle constitue intégralement un accroissement de patrimoine; par contre, si elle produit un taux d'intérêt du même niveau que le taux de rendement des autres actifs (9t), elle ne représente pas de patrimoine ! Cette affirmation doit être expliquée en détail. Depuis la publication du livre Money in a Theory of Finance [1960] par Gurley et Shaw, la thèse selon laquelle la monnaie interne ne constitue pas de patrimoine net dans l'économie est devenue un dogme parmi les économistes. Don Patinkin [1965] écrit par exemple: « Tenons compte maintenant du fait que la plus grande partie de la monnaie qui existe dans une économie moderne est en réalité de type interne: elle est fondée sur l'endettement des sujets économiques. C'est une conséquence du fait que dans de telles économies la monnaie est créée par le système bancaire privé. •.. le patrimoine financier du secteur privé ne consiste qu'en monnaie externe qu'il détient parce que la monnaie interne est compensée par une dette correspondante envers le secteur bancaire» (r).
Ces derniers temps cette thèse fut mise en doute d'abord par Pesek et Saving [1967], puis la controverse fut approfondie surtout par Harry G. Johnson. D'après ces auteurs la thèse de Gurley-Shaw-Patinkin : « n'a pas tenu compte du patrimoine qui résulte du revenu gagné par une entreprise bancaire laquelle peut financer ses prêts rapportant un taux d'intérêt à l'aide d'emprunts qui ne coûtent aucun taux d'intérêt et qui sont rendus possibles par l'utilité qu'obtiennent les détenteurs de dépôts à vue. Tandis que l'en-
(r) D.
PATINKIN
[1965], pp. 295 et 296.
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
145
semble des créanciers et des débiteurs ne constate aucun accroissement net de leur patrimoine dû à l'existence de la banque, on ne peut pas tirer la même conclusion pour l'ensemble de l'économie, puisque l'on omettrait l'accroissement de patrimoine qui a lieu chez les propriétaires de banques. C'est dans la théorie monétaire actuelle l'erreur principale que Pesek et Saving ont découverte» (1).
Nos équations [4] à [6 a] intègrent ces dernières ({ découvertes » et il est grand temps de préciser sous quelles conditions la monnaie interne représentera un patrimoine net dans l'économie. Supposons d'abord que la monnaie scripturale ne rapporte aucun taux d'intérêt; ce cas caractérise la plupart des économies modernes. La création de monnaie interne est caractérisée par une liaison indirecte C({ intermédiaire ») de crédit: « Créanciers ultimes» (titulaires d'un compte de dépôts à vue qui par hypothèse ne rapportent aucun taux d'intérêt) -'>- « Intermédiaires financiers monétaires» (banques de dépôts qui sont aussi bien les débiteurs des créanciers ultimes que les créanciers des débiteurs ultimes) -'>- « Débiteurs ultimes» (titulaires d'emprunts qui coûtent un taux d'intérêt).
Or, l'accroissement du patrimoine dans l'économie qui est égal à la quantité créée de monnaie interne peut s'expliquer de la façon suivante. Si nous rassemblons, en un seul groupe, les créanciers ultimes et les débiteurs ultimes, aucun accroissement de patrimoine n'interviendra pour l'ensemble du groupe. Les créanciers ultimes obtiennent des dépôts à vue en substituant à un actif de leur portefeuille un autre actif; leur patrimoine reste inchangé. Les débiteurs ultimes perçoivent les moyens que les créanciers ont mis à la disposition des intermédiaires financiers; chez eux, il n'y a qu'une prolongation de leur bilan et leur patrimoine net reste également (1) H. G. JOHNSON [1969], p. 35.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
inchangé. Quant au volume de son revenu, le groupe « créanciers ultimes-débiteurs ultimes » non plus ne constatera un accroissement : les détenteurs de monnaie perçoivent un ( revenu» égal au rendement (c'est-à-dire à l'utilité de la monnaie) rapporté par la détention de monnaie; les emprunteurs doivent verser aux banques, sous la forme d'intérêts débiteurs, le rendement qu'ils ont réalisé en disposant des moyens de crédit; puisque le taux de rendement total (91) doit être du même niveau pour tous les actifs, le rendement (non pécuniaire) de la détention de monnaie est égal aux intérêts débiteurs. Par contre, les banques enregistrent un accroissement de leur patrimoine et de leur revenu. Il est vrai que leur intermédiation de crédit conduit à une prolongation de leur bilan (prêts = dettes à vue). Mais elles ne versent pas d'intérêts débiteurs sur leurs dettes à vue, tandis qu'elles perçoivent un intérêt sur les prêts accordés; elles obtiennent donc un accroissement de revenu; la valeur capitalisée de ce revenu supplémentaire constitue l'expression patrimoniale de cet accroissement de revenu et elle est égale au prêt accordé (et, par là, au montant de monnaie interne). Cet accroissement de revenu ou de patrimoine profitera au secteur privé de l'économie si les banques se trouvent dans la propriété du secteur privé de l'économie (1). Supposons maintenant que la monnaie scripturale rapporte un taux d'intérêt: rm > o. Jusqu'à maintenant on avait r m = 0 tel que l'accroissement de revenu était d W = ~ selon la formule [6 a]. L'autre cas limite serait rm = 9l, c'est-à-dire rm atteint la valeur maximum; dans ce cas, il n'y aurait aucun accroissement du patrimoine : d W = 0 selon l'équation [6 a]. (1) Si les banques appartiennent au secteur public (comme c'est le cas de la Banque centrale qui peut également créer de la monnaie interne), en règle générale et par analogie au cas de la monnaie externe, un transfert de l'accroissement du revenu va intervenir (par exemple, sous la forme d'une réduction d'impôts) du secteur public vers le secteur privé.
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
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Certains lecteurs pourraient s'étonner que les dépôts à vue puissent produire un taux d'intérêt. Mais le fait pour la monnaie scripturale d'être sans intérêt n'est pas du tout dans la « nature des choses n. Dans certains pays il y avait - et il y a encore - des intérêts créditeurs sur les dépôts à vue. De surcroît, les services gratuits que la plupart des banques mettent à la disposition lors des virements bancaires, peuvent déjà être considérés comme des « intérêts implicites n. Cependant, nous voulons examiner particulièrement le cas où les banques versent des intérêts supplémentaires aux détenteurs de dépôts à vue. Le taux d'intérêt rm contient à la fois le « taux d'intérêt implicite n et le taux d'intérêt effectivement payé. La raison pour laquelle les détenteurs de dépôts à vue ne perçoivent pas d'intérêts s'appuie non sur des raisons économiques mais sur des raisons institutionnelles : l'Etat impose à la création de monnaie scripturale des restrictions sous forme de réserves obligatoires et (oû) en prescrivant le niveau des intérêts créditeurs et débiteurs. Les banques ne créent des dépôts à vue qu'à condition de tirer un profit de ces opérations. Ce profit consiste en intérêts perçus sur les prêts accordés et rendus possibles par suite de la création des dépôts à vue; bien sûr, pour obtenir le profit net, il faut déduire des intérêts le coût provenant d'une part, des services sous forme des virements bancaires et, d'autre part, le coût issu des frais d'administration. Dans l'hypothèse où il n'y a aucune restriction légale pour la création de la monnaie scripturale, son volume définitif sera déterminé par le mécanisme de la compétition : les banques élargissent leur offre de monnaie et concourent entre elles jusqu'à ce que le profit marginal des opérations bancaires soit nul. Débiteurs et créanciers tirent avantages de ce processus compétitif : les premiers payeront moins d'intérêts débiteurs et les seconds percevront des intérêts créditeurs. Les créanciers accepteront une détention de monnaie plus élevée afin que le taux de rendement
148
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
total de la monnaie devienne au moins égal à celui des autres actifs; puisque l'utilité marginale de la monnaie (son taux de rendement non pécuniaire) diminue lors d'un accroissement de la détention de monnaie, les individus ne demanderont davantage d'encaisses qu'à condition de percevoir des intérêts sur leurs dépôts à vue (1). Pourquoi la monnaie scripturale ne représente-t-elle plus un patrimoine dans la proposition rm/9i. lorsqu'elle rapporte le taux d'intérêt rm ? Nous avons vu dans le cas de la monnaie interne ne portant pas d'intérêt que les banques obtenaient un accroissement de leurs revenus égal aux intérêts qu'elles percevaient des prêts accordés (~A, où ~A = M;); le taux d'intérêt était égal, par hypothèse, au taux de rendement total 9i. des actifs; la valeur capitalisée de cet accroissement de revenu (~Y = ~A où ~A = M;) représentait l'accroissement du patrimoine (~W = M;). Maintenant, dans le cas de la monnaie interne portant un taux d'intérêt, les banques versent une partie de l'accroissement de revenu, à savoir rm ~A ( = rm M;), aux titulaires des dépôts à vue. Mais ce transfert ne change pas le revenu par unité d'encaisse qu'obtiennent les détenteurs de monnaie! Auparavant, ils recevaient le rendement non pécuniaire 9i.M;.Puisque les individus perçoivent maintenant un rendement pécuniaire, ils demanderont davantage de monnaie; le taux de rendement non pécuniaire de la monnaie (ou son utilité marginale) diminue et les individus détiendront une quantité de monnaie pour laquelle la somme des taux de rendement non pécuniaire et pécuniaire (r~ sera égale à 9t En raison de la diminution du taux de rendement non pécuniaire pour la détention de monnaie, le « revenu» de l'économie est tombé de rmM;, à savoir de 9i.M; à 9i.M; - rmM;. Dans (1) Voir, à ce sujet, l'article fameux de Banks as Creators of « Money ».
J.
TOBIN
[1963) : Commercial
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149
l'économie, l'accroissement du patrimoine ne s'élève plus à 9{~/9{ = ~, mais il est égal à (9{~ - rm ~)/9{ = (1 - rmm)~ (1). L'argumentation précédente se complète à l'aide de la r Taux de rendement L
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Actifs physiques
Ellcaisse réelle
FIG. 4
figure 4 qui reproduit la figure 3 à quelques modifications près. Les banques d'affaires (des « intermédiaires financiers monétaires ») sont simultanément intermédiaires de crédit et créateurs de créances monétaires (monnaie scripturale). Une partie des actifs physiques, à savoir AA' = ÂA (1) Mentionnons à cet égard un fait important. Dans une économie monétaire dont la monnaie interne pone un taux d'intérêt, la détention d'encaisses réelles sera supérieure à celle d'une économie où la monnaie ne porte pas d'intérêt. Supposons que la monnaie produise subitement un taux d'intérêt. Son taux de rendement total sera supérieur à celui des autres actifs. Les individus vont augmenter la détention d'encaisses (ce qui fait diminuer la composante non pécuniaire du taux de rendement total des encaisses) jusqu'à ce que les taux de rendement total des actifs soient alignés les uns sur les autres. La perte de revenu (ou de patrimoine), imputable à la baisse du taux de rendement non pécuniaire des encaisses (selon notre description ci-dessus), sera désormais partiellement ou totalement compensée par le revenu (ou le patrimoine) supplémentaire consécutif à la détention de monnaie.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
15°
(où !:lA = Mo), est supposée être empruntée par l'intermédiation des banques. En raison de cette opération de crédit, elles perçoivent des intérêts qui sont égaux à 9t!:lA ( = 9tMo) et dont une partie est transférée aux titulaires des dépôts à vue, soit rm!:lA (= rmMo). Le revenu total de l'économie se compose: des actifs OA rapportant le rendement de 9tA et de la détention de monnaie produisant un rendement (non pécuniaire) de (9t-r m)Mo; le revenu total est donc égal à : Y = 9tA + (9t - rm)M;. La valeur capitalisée de ce revenu constitue le patrimoine national; il est égal à W = y /9t = A + (1 - r m/9t)Mo. Pour résumer l'aspect patrimonial de la monnaie, on peut faire les constatations suivantes. La « dichotomie », proposée par Gurley et Shaw et soutenue par beaucoup d'économistes relativement à la division de la masse monétaire en monnaie externe qui représente un patrimoine net et en monnaie interne dépourvue d'un caractère patrimonial, n'est pas valable. En réalité, on peut souvent constater le contraire : la monnaie externe ne constitue pas un patrimoine du secteur privé parce que les sujets économiques subissent une illusion fiscale (k = 1), tandis que la monnaie interne forme une partie du patrimoine net parce qu'elle est sans intérêt dans la plupart des économies (rm/9t = 0). Il s'ensuit que le stock total du patrimoine détenu par le secteur non public de l'économie [c'est-à-dire par le secteur privé (WP) et par le secteur bancaire privé (Wb)] se compose non seulement d'actifs physiques et de monnaie externe, mais aussi de : [7]
W
=
A
+ (1 -
k)M.
+ (1 -
;) Mt
rm < o < = k, 9l =
1.
L'équation [7] contient les éléments suivants: A représente la valeur des actifs physiques; (1 - k)Me + (1 - rm/~)Mi
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
151
est la somme des équations [1 al et [6 al (1). Il faut encore faire certains commentaires relativement : 1 0 au caractère patrimonial de la masse monétaire qui existe dans une économie par rapport au caractère patrimonial d'une masse monétaire supplémentaire; 2 0 au coût de production et aux réserves obligatoires imputables à la création de monnaie scripturale. 1 0 Nous avons jusqu'ici généralement maintenu l'hypothèse d'une économie passant d'un système de monnaiemarchandise à un système de monnaie-crédit (voir p. 136). Dans le système de monnaie-marchandise la monnaie constituait nécessairement un patrimoine net puisqu'elle était un actif physique. Quant au système de monnaiecrédit on peut avancer les quelques modifications suivantes. a) Dans la mesure où il s'agit du passage hypothé(1) Si la quantité de monnaie consiste en une combinaison de monnaie externe (par exemple, la monnaie fiduciaire émise par la Banque centrale) et de monnaie interne portant un taux d'intérêt assez élevé (la monnaie scripturale émise par les banques de dépôts), deux cas seront concevables, à condition que les monnaies fiduciaire et scripturale soient des biens substituables (ce n'est pas nécessairement le cas puisqu'on peut également les considérer comme des biens complémentaires). 1° Les sujets économiques détiennent relativement une grande quantité de dépôts à vue et moins d'encaisses en billets. 2° La Banque centrale verse également un taux d'intérêt (r'm) sur la monnaie fiduciaire. Dans ce cas, la formule pour le patrimoine de la monnaie externe s'écrit (1 - r' m/llt) (1 - k)Me• k désigne le degré d'illusion fiscale qui se réfère aux ressources dont l'Etat dispose, déduction faite des paiements d'intérêts; ces ressources ont été acquises par création de monnaie; les individus les considèrent comme « perdues» dès qu'ils ne tiennent pas compte de l'utilisation à leur profit (réduction d'impôts, paiements de transfert, etc.). (Du point de vue « technique " le paiement d'intérêts sur des billets de banque pose des difficultés d'ordre « pratique '. Cependant, ces billets portant un taux d'intérêt peuvent être identiques aux bons de Trésor: l'Etat émet des bons de Trésor en diverses coupures qu'il déclare en même temps être des moyens de paiement légaux. Le cas se présenta aux Etats-Unis pendant les années 1812-1815, 1837-1843, 1860-1863. Voir M. FRIEDMAN [1960], pp. 73 et 109.) Jusqu'ici nous avons volontairement négligé les actifs humains et le « revenu de travail» qui en est issu. Pour le cas où W de la formule [7] comprend aussi les actifs humains (H), on doit ou bien ajouter H ou bien interpréter A comme la somme des actifs humains et physiques.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
152
tique d'un système de monnaie-marchandise au système de monnaie-crédit, on constatera dans l'économie un accroissement de patrimoine de (1 - k)M. (1 - rm/~)M;. b) Par contre, pour une économie où la monnaie-crédit existe déjà, la quantité de monnaie existant au début d'une période représentera un patrimoine égal à Me (1 - rm/~)M; et celle qui sera créée au cours de la période (~M) révélera un accroissement de patrimoine d'un montant de (1 -k)~M. (1 -rm/~)~M;. Aussi la formule [7] n'estelle valable que pour le cas a). Pour le cas b), on l'écrira:
+
+
+
[7 al
W
=A+
Me
+ (1 - k)~. +
(1 - ;) (M; + ~M;) k rm < o < = '~ =
1
W désigne le patrimoine national à la fin d'une période au cours de laquelle une masse monétaire supplémentaire a été créée. La quantité de monnaie externe (M.) qui provient des périodes précédentes représente un patrimoine tout à fait net dans l'économie car nous supposons désormais que les conséquences fiscales de cette masse monétaire sont contenues en A; par conséquent, A est le patrimoine physique disponible (et le capital humain disponible; voir la fin de la note 1 au bas de la page 151). 2° Jusqu'à maintenant, nous avons supposé que la création de monnaie ne provoquait aucun coût de production. Cependant, même si la monnaie ne rapporte aucun taux d'intérêt, c'est-à-dire même si le producteur de monnaie n'a pas à payer d'intérêts débiteurs à ses dettes à vue, le coût de production de la monnaie n'est pas égal à zéro. La création et le maintien du stock de monnaie fiduciaire entraînent certains coûts (émission de billets nouveaux, remplacement des billets dégradés, mesures de protection contre la contrefaçon, frais de comptabilité pour les dépôts
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
153
à vue auprès de la Banque centrale, etc.). Mais, les plus importants restent les coftts engendrés par la création de monnaie scripturale par les banques d'affaires et nous en tiendrons compte dans la formule [7 al. Ils comprennent des éléments fixes et des éléments variables. Par coftt variable il faut comprendre surtout les frais provoqués par la constitution de réserves obligatoires et par celle d'éventuelles réserves de précaution (<< réserves excédentaires »); ces frais sont des coftts d'opportunité. On peut quantifier dans la formule [7 al ce coftt de production de la monnaie scripturale (~) de la manière suivante. Jusqu'à présent, les banques rapportaient un rendement total de 91~ dont le montant de r m ~ était transféré aux titulaires des dépôts à vue pour une monnaie portant un taux d'intérêt; elles percevaient un rendement net de (91- rm)~ grâce à leur activité d'intermédiaire monétaire et ce rendement net conduisait à un patrimoine net de la monnaie scripturale égal à (1 - r m/91)~. Désormais, le coftt de production sera il91~ par période. Par conséquent, le rendement net des banques s'abaissera à (91- il91- r m)~ et le patrimoine net à (1 - il - rm/91)~ : [7 hl
W =A +M.+(I -k)~M.+
(1 - i l - ; ) (M,+ ~~)
il désigne la part relative du coftt de production au rendement total (91~) en supposant que tous les coûts de production sont des coûts variables et proportionnels à la création des dépôts à vue. il comprend deux coefficients : d'une part, le rapport entre les réserves (~- F) et les dépôts à vue (~), F représentant la quantité de crédit accordée par les banques; d'autre part, le rapport entre le taux du coût de production restant par unité monétaire et par
154
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
période (c) et le taux de rendement total. Par conséquent, oc est égal à (M. - F)/M. + c/9{. La formule [7 bl permet de constater certaines modifications relatives au caractère patrimonial de la monnaie interne. A l'extrême, les banques verseront le taux d'intérêt maximum r m = (1 - oc)9{; le patrimoine net de la monnaiescripturale serait donc égal à zéro. En d'autres termes, les banques peuvent verser le taux de rendement total 9{ aux titulaires des dépôts à vue tandis que les sujets économiques remettent aux banques le taux de coût oc9{ pour les services bancaires reçus. Inversement, la monnaie scripturale représentera un patrimoine net dans l'économie, si la monnaie ne porte pas de taux d'intérêt et si les titulaires des dépôts à vue remboursent aux banques le taux de coût oc9{. Qu'une dernière remarque nous soit permise, le lecteur l'aura probablement attendue longtemps. Il paraît assez paradoxal que la monnaie subisse une perte de patrimoine lorsqu'elle rapporte un taux d'intérêt (r,J. Dès que l'on élargit la notion de revenu et celle de patrimoine en y incluant le gain en termes de bien-être (1), on pourra constater à l'aide de la figure 4 : un « accroissement de revenu » égal à la rente des consommateurs représentée par la surface OMo L' L et un « accroissement de patrimoine » qui correspond à la valeur capitalisée de cette rente des consommateurs; ceci étant, l'accroissement du revenu (et par là, du patrimoine) n'est pas seulement égal à (9{ - rm)~ (la surface OMi L' N), mais, en termes de bien-être, il est beaucoup plus élevé (la surface OMi L' L) (2). Ainsi, il serait erroné de croire à une destruction du (r) Voir la note
2
au bas de la p. r36.
(2) Le maximum du revenu et du patrimoine sera atteint lorsque rm = 91. Le niveau de satisfaction absolue liée à la détention d'encaisses sera alors réalisé (son utilité marginale sera égale à zéro). Dans ce cas, l'accroissement du revenu est égal à la rente des consommateurs repré-
sentée par la surface OMi L. D'ailleurs, OMi représenterait la quantité opttmale de monnaie.
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
155
patrimoine national quand la monnaie rapporte un taux d'intérêt ou de croire qu'un quart ou une moitié de la monnaie constitueraient un patrimoine si la monnaie rapportait un taux d'intérêt égal au quart ou à la moitié du taux de rendement total produit par les autres actifs. Nous nous trouvons plutôt en face des limites que posent les possibilités de la mesurabilité opérationnelle des grandeurs économiques tels le revenu et le patrimoine. . « Ou, pour aller plus loin, le patrimoine net des stations de radio et de télévision est égal au montant qui dépasse le coût de leur fondation. Les licences sont limitées et à titre gratuit. La valeur de ces licences est incluse dans le patrimoine national. « Dans tous ces cas, la communauté aura une situation meilleure si l'on accorde une entrée libre même si le patrimoine net mesurable est plus bas..• Nous évaluons les valeurs par le prix de marché qui correspond à l'utilité marginale et non à l'utilité moyenne. Donc, une réduction de la rareté peut diminuer la valeur totale (en termes d'un numéraire ou d'autres biens) que nous attribuons à la quantité totale. A l'extrême, un bien libre aura une valeur totale égale à zéro, bien qu'il serve davantage l'utilité totale qu'une quantité moins élevée de ce bien. Nous sommes ici en face du paradoxe classique des diamants et de l'eau» (1).
Si tous les biens dans l'économie étaient des biens libres, il n'y aurait ni un revenu mesurable ni un patrimoine mesu(1) M. FRIEDMAN et A. L. SCHWARTZ [1969], p. 3. Voir à ce sujet aussi A. H. MELTZER [1969] et D. PATINKIN [1969]. Dans ce contexte, signalons une erreur commise par PESEK et SAVING [1967] dans leur analyse du caractère patrimonial de la monnaie. D'une part, ils constatent avec raison que la monnaie ne représente plus un patrimoine mesurable dès lors qu'elle rapporte un taux d'intérêt égal au taux de rendement total des autres actifs. Mais, d'autre part, ils vont jusqu'à prétendre que la monnaie ne pourrait plus exercer sa fonction de moyen de paiement (p. 109). « Ceci est un non sequitur ", comme Friedman et Schwartz le remarquent. « Un prix de zéro pour les services de transaction des dépôts à vue ne signifie pas que la quantité de monnaie sous forme des dépôts à vue est égale à zéro. Autrement dit, un rendement marginal de zéro pour les services de transaction ne signifie pas que le rendement moyen est égal à zéro. »M. FRIEDMAN et A. L. SCHWARTZ [1969],
P·5·
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
rable, mais l'économie aurait néanmoins atteint un maximum de bien-être. Une grande partie de notre analyse utilisait, par exemple, le taux de rendement non pécuniaire qui comprenait les avantages de liquidités (et d'autres avantages non pécuniaires). Et nous avons même additionné le taux de rendement non pécuniaire avec le taux de rendement pécuniaire! De surcroît, le taux (marginal) du rendement non pécuniaire d'un actif a été identifié à l'utilité (directe) marginale de cet actif - ou (implicitement) avec le taux marginal de substitution. Nous savons de la théorie de l'utilité qu'une telle procédure est extrêmement problématique ; la valeur limitée de la théorie du bien-être qui a échoué dans l'impossibilité d'une comparaison interpersonnelle de l'utilité, nous en fournit un exemple caractéristique. Si nous tenons, malgré tout, à ces variables non mesurables, nous serons obligé d'employer une approche « comme si » (aIs ob) : souvent la théorie économique fait appel aux «( variables théoriques » comme si elles étaient empiriquement mesurables; il est tout à fait permis d'utiliser des concepts théoriques (celui du revenu permanent, par exemple) qui ne sont pas directement testables, mais servent à expliquer la réalité - ce qui est finalement l'objet de chaque théorie (1). (1) Nous aurions eu le même problème en considérant la monnaie non comme un bien de consommation, mais comme un bien de production. Cependant, le taux de rendement non pécuniaire n'aurait pas été fondé sur l'utilité, mais sur la productivité. Mais, on aurait dft employer le concept de rentes des producteurs au lieu de la rente des consommateurs. Dans ce contexte, il faut souligner que la détention d'encaisses conçue comme bien de production donne égaIement un rendement mesurable (ou pécuniaire). Les encaisses réelles constituent un input et produisent un output d'un certain montant qui dépendra de la spécification de la fonction de production. Un exemple illustrera cette relation. Si un commerçant détient relativement peu d'encaisses, il devra employer un garçon de course qui échangera à la banque les grosses coupures fournies par sa clientèle contte de petites coupures. Un stock d'encaisses relativement élevé rend superflu l'emploi d'un garçon de course qui pourra désormais être employé dans une autte branche de production. Voir à cc sujet M. FRIBDMAN [1969], p. 14 et A. L. MARTY [1969], p. 107 n.
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
157
2. L'ASPECT PATRIMONIAL DES AUTRES ACTIFS FINANCIERS LIQUIDES
En règle générale, la création d'encaisse réelle entraîne un accroissement de patrimoine dans l'économie parce que la monnaie crée une utilité directe en raison de sa « liquidité absolue ». D'autres actifs financiers possèdent un certain degré de liquidité, sans toutefois être aussi liquides que la monnaie. Mais leur qualité de liquidité, même inférieure, conduit également à la création d'une utilité directe; leur taux de rendement non pécuniaire est moindre que celui de la monnaie et pour cette raison ils rapportent cc comme indemnité ») un taux de rendement pécuniaire d'autant plus élevé que le degré de liquidité des actifs financiers est faible. Ces actifs représentent-ils un patrimoine net dans l'économie, à savoir dans la proportion de leur degré de liquidité respectif? Faudra-t-il inclure dans l'effet de patrimoine provenant des actifs financiers outre l'effet d'encaisses réelles, un effet dit de liquidité qui sera d'autant plus important que le degré de liquidité des actifs financiers non monétaires est élevé ? La littérature de théorie monétaire est au fond unanime pour refuser aux actifs financiers non monétaires tout effet de patrimoine net! On s'appuie pour cela sur l'argument traditionnel selon lequel chaque créance correspond nécessairement à une dette, la conclusion étant que le patrimoine financier (non monétaire) net est nul dans une économie (fermée). Cependant, parmi ces actifs financiers non monétaires, les titres émis par l'Etat sont une exception dans la mesure où le patrimoine de l'économie se limite à celui du secteur privé; car ce dernier est un créancier net envers le secteur public, à savoir du montant de son portefeuille en titres d'Etat (F g). Cette constatation a l'inconvénient de négliger une hypothèse essentielle qui est celle de l'illusion fiscale. Lorsque l'Etat doit verser des intérêts débiteurs sur ces
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
titres, il ne peut les financer que de son budget, c'est-à-dire grâce aux moyens que les sujets économiques ont mis à sa disposition. Donc, les intérêts débiteurs de l'avenir seront financés par des impôts futurs. Si les sujets économiques escomptent de la même manière leurs dettes en impôts futurs et leurs recettes en intérêts futurs imputables au portefeuille de titres publics, le stock de titres émis par l'Etat ne constituera aucun patrimoine net pour le secteur privé; les individus ne subiront aucune illusion fiscale: kF g = 0, puisque k = 0 (1). Compte tenu du portefeuille de titres publics, l'équation [7 b] relative au patrimoine du secteur privé de l'économie s'écrira (en négligeant le coût de production provenant de la création des dépôts à vue et abstraction faite de la possibilité d'une masse monétaire supplémentaire créée au cours de la période) : [8]
W = A + Me
+ ( I - ~ ) ~ + kF
g
0
~ k, ~ ~
I.
Abordons maintenant le problème du caractère patrimonial des autres actifs financiers (non monétaires), c'est-àdire des titres que le secteur privé crée et détient. On pourrait contester leur aspect patrimonial en raison du fait bien connu que chaque créance correspond à une dette. Mais, nous avons déjà vu que cet argument, dans le cas de la monnaie interne, conduisait à une conclusion erronée; la monnaie interne représentait aussi bien une créance qu'une dette du secteur privé et constituait un patrimoine net malgré la compensation « comptable » entre créances (dépôts à vue des « créanciers ultimes ») et dettes (des « débiteurs ultimes »). Par conséquent, l'argumentation pour et contre le caractère patrimonial des actifs financiers (non monétaires) doit aussi s'appuyer sur des (1) Voir à ce sujet: C. CHRIST [1957], R. A. MUNDELL [1960] et D. PATINKIN [1965], p. 289.
159
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
raisons économiques et non sur des raisons comptables. Par analogie avec la monnaie interne, on peut concevoir un caractère patrimonial « relatif» des actifs financiers. Ainsi, dans une économie, les actifs physiques rapportent un rendement de 9\A. Une partie de ces actifs (~A) est prêtée par certains agents économiques, détenteurs de titres, à d'autres agents· économiques, soit directement soit indirectement, c'est-à-dire à l'aide d'intermédiaires financiers. On suppose que le volume des titres représentant un droit (au sens économique) à une parn
tie du patrimoine physique est égal à
~
;=1
Fj
(
= ~A)
où FI' F 2, ••• , F n désignent les diverses catégories de titres. Les possesseurs des titres Fj perçoivent le taux de rendement pécuniaire rj' ou bien directement des « débiteurs ultimes )) ou indirectement par l'intermédiation des intermédiaires financiers. rj peut diverger du taux de rendement total 9\ que rapportent les actifs physiques par définition, en ce sens que 9\ > rj; cette différence mesure le taux de rendement non pécuniaire Pj qui consiste avant tout en avantages de liquidité (9\- rj = Pj; voir l'équation [1] au chapitre précédent, p. 105). Le revenu total des actifs physiques s'élève à 9\A; une partie de ces actifs (~A) est la propriété n
(économique) des possesseurs de titres (~A
=
.~ Fj )
3=1
auxquels des administrateurs de cette propriété transfèrent seulement le revenu pécuniaire
"
~ rj ;-1
Fj dont
les possesseurs de titres se contentent puisqu'ils obtiennent en outre de leur portefeuille financier le revenu non
" (9l - rj) F pécuniaire ~ j ;=1
= ~"
;=1
Pj
Fj • Il s'ensuit que
le revenu total (pécuniaire et non pécuniaire) rapporté
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
160
par les actifs y
physiques et financiers consiste en
= 9{A + L" Pj Fj_ La valeur capitalisée de ce revenu $-1
donne la valeur du patrimoine physique et financier égale à W= A
" + $-1 L (pj/9{)Fj• pjf9{ n'est rien d'autre que le
degré de liquidité Àj de l'actif financier Fi (que nous connaissons déjà du chapitre précédent, p. IlS). Donc, le patrimoine national est : [9]
W=A+
"
L À·F·
;-1 '
J
Quelques commentaires relatifs à l'équation [9] sont nécessaires pour restituer le lien avec les précédentes équations de patrimoine. 1° Actifs humains. - Si le patrimoine total de l'économie doit englober aussi bien les actifs non humains que les actifs humains, il faudra soit interpréter le A de l'équation [9] comme la somme des actifs humains et physiques, soit lui ajouter le terme H représentant la « valeur » du capital humain. Dans des modèles macro-économiques, A ou H + A est généralement exprimé en termes de flux, c'est-à-dire sous la forme des rendements pécuniaires rapportés par les actifs humains (<< revenu de travail ») et physiques (<< revenu de capital ») dont la somme constitue le « revenu national Y ».
2° Monnaie. -
L'équation [9] contient implicitement
la détention de monnaie!
L"
;-1
Àj
Fj est le volume de liqui-
dité L donné au chapitre précédent (p. Il6) par l'équation [4]. FI représentant la masse monétaire M (voir l'équation [5], p. Il6) composée de monnaie externe
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
161
(M.) et de monnaie interne (~) : M = M. +~. Selon l'équation [7] (p. 150), la monnaie externe représentait un patrimoine dans la proportion 1 - k et la monnaie interne dans la proportion 1 - rmlliR. L'existence éventuelle d'une illusion fiscale pour la monnaie externe est supposée incluse dans A de telle sorte que A représente les actifs physiques disponibles (1). En supposant que la monnaie ne porte pas de taux d'intérêt (rmfliR = 0), on aura: Me (1 -rmfliR) ~ =
+
Me+~=
M(2). Notons que la masse monétaire M doit s'interpréter en sa valeur réelle. Dans les modèles macro-économiques, elle est souvent écrite explicitement en termes réels : M/P. Dans ces modèles, figurent la variable-flux: « revenu national réel» (Y) représentant les actifs humains et physiques et, d'autre part, la variable-stock « encaisses réelles » (M/P). 30 Actifs financiers monétaires. -
Dans quelle mesure
" le terme résiduel de l'équation [9], à savoir ~ j%3~
Àj
Fj ,
représente-t-il un patrimoine? L'équation [9] constate (1) Voir p. 152. (2) Rappelons la mesure pour le degré de liquidité "i de l'actif finan-
cier Fi' utilisée dans le chap. IV (p.
I I 5)
où
"i = Pi/(Ti + Pi) = Pi/9{ = 1 - Tj/9{
'0 =
1 ("i = 0) représentait un actif parfaitement liquide (non liquide). En règle générale (c'est-à-dire pendant les périodes de stabilité monétaire), la monnaie avait le degré de liquidité le plus élevé: "1 = 1. Dès que la monnaie rapporte un taux d'intérêt pécuniaire (Tm> 0), on aura "1 < 1 ; car : "1 = 1 - Tm /9{. Cependant, ceci ne signifie pas que la monnaie soit devenue moins liquide, ce qui serait un paradoxe. C'est plutôt la mesure de liquidité "i qui n'est plus opérationnelle! Lorsque Tm > 0, "i doit être remplacé par une autre définition : Ti-Tm (j=I, ... ,n)
".= 1
À1
rI
1---
sera de nouveau égal à =
91 -
1
Tm
0;;;
Ài ;;;
1
(en cas de stabilité monétaire), puisque
rmo
B.-M. CLAASSEN
fi
162
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
manifestement que les actifs financiers non monétaires constituent un patrimoine net dans l'économie selon le degré de leur potentiel de liquidité. Cependant, cette affirmation doit être spécifiée et même modifiée. i) D'une part, il s'agit de la valeur réelle des actifs financiers. Comme nous l'avons fait pour la monnaie, on n
pourrait l'écrire en termes explicites: ~ Àj Fj/P. Donc j-2 Fj représente la valeur nominale de l'actif financier j. ü) A plusieurs reprises, nous avons indiqué la relation banale que la créance détenue par un sujet économique est identique à la dette d'un autre sujet économique. Moins banale est la question de savoir si le degré de liquidité de la créance j correspond nécessairement au degré de nonliquidité (ou degré d' « illiquidité ») de la dette j. Le degré de non-liquidité d'une dette j (- DÀj ; l'indice D désigne le débiteur) ou son degré de liquidité négative ne constate pas simplement que les débiteurs doivent rembourser leurs dettes. Il indique plutôt l'échéance des dates pour ces obligations de remboursement. Deux cas extrêmes sont concevables. Le débiteur doit rembourser immédiatement sa dette, dette qui sera, de ce fait, complètement non liquide (- Df...j = - 1). A l'autre extrême, les obligations de remboursement ont lieu dans un avenir très lointain de telle sorte qu'un degré de non-liquidité pour la dette « à long terme » est pratiquement inexistant ( - ~ = 0). En règle générale, c'est entre ces deux extrêmes que se situe pour la plupart des dettes le degré de non-liquidité. A première vue, on pourrait croire que plus une dette est non liquide, moins sa durée de maturité est élevée. Nous avions déjà constaté une relation similaire pour le degré de liquidité des créances : du point de vue de la certitude de leur valeur en capital, moins leur durée de maturité était élevée, plus leur degré de liquidité était important. Il s'ensuivrait une certaine symétrie entre le
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
163
degré de liquidité de la créance j, appelé maintenant CJ.. j (au lieu de Àj ; l'indice C désigne le créancier) et le degré de non-liquidité de la dette correspondante, - D)..j; donc, leur somme, le « degré de liquidité nette n À;, pourrait être = CJ.. j - D)..j = o. égale à zéro : Certaines raisons suggèrent plutôt une asymétrie entre le degré de liquidité des créances et le degré de non-liquidité des dettes correspondantes (1). a) Tout d'abord une dette n'est pas nécessairement d'autant plus non liquide que sa date est proche. Il existe toute une série de dettes à court terme qui, en réalité, se rapprochent plutôt du long terme et, par là, ne sont guère non liquides, puisqu'elles peuvent être prolongées (ou refinancées) sans la moindre difficulté. On pourrait objecter que les créances correspondantes auront aussi une durée de maturité plus longue que la durée « officielle n. Mais celles-ci ne deviennent pas moins liquides, la liquidité ayant été définie comme économie de coût de transaction et comme certitude de la valeur en capital et de la valeur réelle (voir la définition au chapitre II,3); ces éléments de liquidité ne sont pas forcément affectés par la durée de maturité effectivement plus longue des dettes. b) Fj représente la valeur nominale du nombre de la relation créance-dette j. La valeur nominale n'y est pas seulement significative par opposition à la valeur réelle (Fj/P), mais elle implique également le montant nominal de la dette au moment de son remboursement, contrairement au prix de marché effectif de la créance (ainsi, une obligation remboursable en x-années à sa valeur nominale de 1 000 F peut aujourd'hui avoir une valeur de marché de 950 F, 1 000 F ou de 1050 F). Sans doute la valeur réelle des créances et dettes est-elle capitale pour les créanciers comme pour les débiteurs (à condition que les deux parties ne subissent aucune illusion monétaire).
À;
(r) Pour ces raisons, voir j'excellente étude de R. N. McKEAN [r9491. E.-M. CLAASSEN
6*
r64
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
Quant à la valeur nominale par rapport à la valeur de marché, seule la valeur nominale est importante pour les débiteurs (c'est elle qui devra être remboursée), tandis que les créanciers ne s'intéresseront qu'à la valeur de marché (ou valeur effective), c'est-à-dire le facteur d'évaluation des créances Fj exprimées en valeur nominale, est prise en considération par le degré de liquidité cÀj (et non en DJ...j ). Une divergence entre CJ.j et DÀj est d'autant plus probable que la relation créance-dette j est à plus long terme. c) Une des caractéristiques de l'activité des intermédiaires financiers consiste à « rajeunir» les créances existantes. Les titres qu'ils émettent au profit des « créanciers ultimes » (les « titres indirects », selon la terminologie de Gurley et Shaw [r960]) ont souvent une durée de maturité inférieure à celle des titres acquis sur les « débiteurs ultimes» (les « titres primaires », d'après Gurley et Shaw) ; pour l'économie, il en résulte une création de « liquidité nette ». On pourrait objecter que l'amélioration de la position de liquidité pour le groupe des créanciers et débiteurs ultimes s'accompagne d'une détérioration de la position de liquidité pour l'ensemble des intermédiaires financiers. Cependant, même si la position créancièredébitrice des intermédiaires financiers (c'est-à-dire leurs créances « primaires » et leurs dettes « indirectes ») est incluse dans les (n - r) catégories de relations créancedette, leur activité produira malgré tout un « effet de liquidité nette »; car, par analogie au point a), leurs dettes « officiellement » à court terme sont en fait à plus long terme puisque seule une partie des créanciers ultimes exigera leur paiement au jour de l'échéance (r). (I) Soit le cas des dépôts à vue créés par les intermédiaires monétaires; bien sûr, nous parlons, de nouveau, de la monnaie interne. Les dépôts à vue (en règle générale) ont un degré de liquidité égal à I.IIS constituent, pour les banques de dépôts, des dettes, qui sont" officiellement» à vue, c'est-à-dire dont le degré de non-liquidité est le plus élevé (= - I) ;
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
165
d) Finalement, le degré de liquidité d'une créance et le degré de non-liquidité d'une dette ne sont pas de grandeurs constantes. Ils dépendent, entre autres choses, de la « situation météorologique » dans l'économie. Par « beau temps » (l'économie passe par des périodes de stabilité et d'expansion), les dettes possèdent un degré de non-liquidité peu élevé, puisqu'elles peuvent être facilement renouvelées ou refinancées. Mais, par « mauvais temps » (l'économie subit une phase de récession), les créanciers mettent en doute le degré de liquidité de leurs créances, tandis que les débiteurs, ne pouvant plus compter sur un renouvellement ou refinancement automatique de leurs dettes, s'exposent au danger d'une position « illiquide » (1). Ces quatre raisons confèrent à la relation créanceoù - 1 ~ ~ 1. dette F j le degré de liquidité nette n s'ensuit que le stock d'actifs financiers non monétaires dans une économie possède un « volume de liquidité nette»
À;
n
L:
égal à
j~2
À; F jlP.
Ce volume ne sera nul ou négatif
que dans des cas extrêmes : lorsque les titres des pertes en valeur de capital (voir point b) tion caractéristique d'une économie passant période de récession (voir point d). De plus, n
sion
L: j-2
À;
subissent - situapar une l'expres-
À; F jlP décrit le caractère patrimonial « relatif»
des actifs financiers non monétaires: de même que l'on pouvait considérer le volume de liquidité absolue de la monnaie (sous certaines conditions) comme un patrimoine net de l'économie, on peut également interpréter le volume de liquidité relative des relations créancesmais, en réalité, elles ne sont pratiquement jamais remboursées, à l'exception d'une partie remboursable selon les " habitudes de paiement » (c'est-à-dire selon les habitudes du public de payer en billets et par chèques). (1) E. C. SIMMONS [1947], p. 36, et R. N. McKEAN (1949), p. 77.
r66
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
dettes (non monétaires) comme un accroissement de patrimoine pour l'économie (si le volume de liquidité relative est positif). iii) Parmi les (n - r) actifs financiers de la for-
" Àj Fj/p, les titres émis par l'Etat devraient y mule ~ j~2
figurer. Nous savons de l'équation [8] (p. r58) que ces titres (Fg) ne forment pas un patrimoine net du secteur privé lorsque les sujets économiques ne sont pas soumis à une illusion fiscale (k = 0). Cependant, dès qu'intervient la possibilité d'une asymétrie entre leur degré de liquidité et de non-liquidité, pourra-t-on tirer les mêmes conclusions pour eux que pour les autres actifs financiers non monétaires ? En principe, on doit donner la même réponse que celle donnée au point ii), bien qu'il y ait une certaine particularité des titres publics. L'interprétation de leur degré de non-liquidité est d'un type particulier. Le débiteur de ces titres étant, de toute évidence, l'Etat, ce sont malgré tout les sujets économiques qui remboursent les dettes, l'Etat devant financer « d'une manière quelconque» leur remboursement; cette manière est, en règle générale, l'impôt. Ainsi, il y a un degré de liquidité des titres publics auquel il faut juxtaposer un degré de non-liquidité (et, par là, une diminution de leur patrimoine relatif) dès que les individus sont conscients de rembourser finalement leurs « propres » dettes (c'est-à-dire ils sont conscients que k = 0); même sous ces conditions, le degré de liquidité peut être asymétrique par rapport au degré de non-liquidité de telle sorte que les titres publics constituent un patrimoine relatif conformément à leur « volume de liquidité nette ». Nos résultats relatifs à l'aspect patrimonial des actifs peuvent se résumer par l'équation suivante : [ro]
W
=H
+ A +-MP + ~"
j-2
F Àj-i
P
-1
~
Àj ~
1
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
167
Par rapport aux équations de patrimoine, [7] à [9], la formule [10] est à la fois simplifiée et plus explicite. Les actifs humains (H) figurent à côté des actifs physiques. La monnaie est exprimée en valeur réelle et par sa totalité (MfP) en supposant que la monnaie ne porte pas un taux d'intérêt. La
..
valeur réelle des actifs financiers non monétaires (
L F jfP) j-2
dans lesquels les titres publics sont inclus constitue un patrimoine dans la proportion de leur potentiel de liquidité n
nette (
LÀ;). W représente le patrimoine national dans la j~
2
mesure où il s'agit du patrimoine du secteur privé.
3.
L'EFFET DE LIQUIDITÉ
Ce patrimoine national constitue un des principaux facteurs qui préside à l'établissement des plans économiques par les sujets économiques. Cependant, dans nombre de modèles macro-économiques, on préfère aux composantes du patrimoine de l'équation [10] les variables Y, R, MjP, fL, où [II]
W
=
W ( Y, R, ~, fL )
La raison en est que ces modèles se proposent le plus souvent de déterminer le montant du revenu national réel (Y), « le » taux d'intérêt (R) et le niveau général des prix (P); la quantité de monnaie (M) et le volume de liquidité nette (fL) sont supposés donnés. Y est l'expression du stock d'actifs humains (H) et physiques (A) en termes de flux (comme nous le savons). Pour obtenir le flux Y, il faut aussi connaître le taux de rendement des
168
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
actifs humains et physiques, c'est-à-dire connaître « le » taux d'intérêt R ; car: Y = R(H A) ou H A = YIR. Jusqu'à présent, nous avions toujours travaillé avec le taux de rendement total ~ qui pouvait contenir des éléments pécuniaires et non pécuniaires. Or, R ne peut être qu'un taux fictif correspondant à un titre (fictif) qui ne connaît ni variation de sa valeur en capital ni degré de liquidité. Les encaisses réelles MIP et la valeur réelle du volume de liquidité nette provenant des autres actifs
+
n
financiers
1(1.
.
(où
(1.
= 2:
;-2
À; F;/P)
+
figurent explicite-
ment comme variables de stock. Toutes les deux exercent un effet de patrimoine: les encaisses réelles un effet d'encaisses réelles et le volume de liquidité nette des actifs financiers non monétaires un effet dit de liquidité réelle. Par analogie à l'influence de la monnaie qui produit, sur la demande effective, un effet indirect par l'intermédiaire « du » taux d'intérêt (<< effet d'intérêt ») et un effet direct par l'intermédiaire du patrimoine (<< effet d'encaisse réelle »), l'influence de la liquidité se traduit également de deux côtés : 1) un effet indirect sur la demande effective par l'intermédiaire des taux d'intérêt (<< effet d'intérêt ») et II) un effet direct par l'intermédiaire du patrimoine (<< effet de liquidité réelle »).
1) L'effet indirect de la liquidité (<< effet d'intérêt »). Dans la littérature on explique cet effet par un degré de liquidité plus élevé des actifs financiers (surtout à la suite de l'activité des intermédiaires financiers) entraînant une diminution de la demande de monnaie; donc, il y aura une baisse « du » taux d'intérêt qui induit une augmentation de la demande effective. De plus, on fait remarquer que non seulement la demande de monnaie diminue, mais aussi qu'elle devient plus élastique par rapport au taux d'intérêt. Ce phénomène s'explique en ce qu'il y a un large éventail de substituabilité entre la monnaie et les
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
169
autres actifs très proches d'elle (c'est-à-dire très liquides) et qui, en outre, portent un taux d'intérêt (1). Pour la politique monétaire dont l'objectif est d'influencer la demande effective par l'intermédiaire d'une variation de la masse monétaire, deux problèmes particuliers vont se poser. Pour parvenir, tout d'abord, à faire varier le taux de l'intérêt, les autorités monétaires doivent procéder à une variation plus grande de la masse monétaire en raison de l'élasticité accrue de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt. D'autre part, la variation désirée du taux de l'intérêt n'aura pas lieu si la variation de la quantité de monnaie s'accompagne d'une variation de la quantité de liquidité au sens inverse. Ceci peut être imputable à l'activité des intermédiaires financiers du type non monétaire qui, en règle générale, ne sont soumis à aucune réglementation quant à l'émission de leurs titres (liquides) et quant aux taux d'intérêt de ces titres (contrairement (1) J. G. GURLEY et E. S. SHAW [1960], pp. 239-241, et D. PATINKIN [1965], pp. I09-1II. Mais il n'est pas évident, contrairement à ce que Gurley, Shaw et Patinkin prétendent, que l'élasticité de la demande de monnaie doive toujours augmenter par rapport au taux d'intérêt. A titre d'exemple, imaginons que la demande de monnaie (Md) dans l'économie résulte de la somme des demandes de monnaie exercées par deux groupes d'individus. Les uns (<< les financiers .) sont supposés avoir une demande très élastique, par exemple, M~ = 50,.-2. Les autres (<< les ménagères .) ne réagissent guère à une variation du taux d'intérêt: MJ = 1000,.-1. Md = 50,.-2 + 1000 r- I . Si le taux d'intérèt r est 5 M
%,
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
aux contrôles exercés par l'Etat sur l'activité des banques de dépôts). Ainsi, l'effet d'une politique monétaire restrictive peut être neutralisé par les intermédiaires financiers non monétaires qui offrent une quantité accrue de titres liquides; par là, la demande de monnaie diminue et la hausse du taux d'intérêt que les autorités monétaires désirent n'aura pas nécessairement lieu. Jusqu'à maintenant, nous avons parlé cc du» taux d'intérêt. Il s'agit là d'une simplification radicale de la réalité. Elle serait permise si le choix c( du )) taux d'intérêt et, par là, « du » titre correspondait soit à une catégorie de titres représentative de tous les autres ou bien si l'on concevait les divers titres comme un (c bien composé » (composite good) de telle sorte que le taux d'intérêt représente une sorte de moyenne des différents taux d'intérêt. Dès que l'on envisage le problème de la liquidité, une telle opération analytique n'est plus valable. Il n'existe plus de division abrupte entre actifs liquides, c'est-à-dire la monnaie, et actifs non liquides, c'est-à-dire tous les autres actifs. Si l'on veut tenir compte des actifs « plus ou moins liquides )), il faudra au moins remplacer le modèle « monnaie et un type de titres » par le modèle « monnaie et deux types de titres)) dans lequel la première catégorie de titres doit concerner les titres relativement liquides et la seconde catégorie, les titres relativement non liquides. Il s'ensuit qu'il y aura deux taux d'intérêt (se référant soit à deux titres représentatifs, soit à la moyenne des taux d'intérêt pour chaque catégorie de titres). Si, par exemple, les titres relativement liquides consistent en titres à court terme (cas possible, mais non nécessaire), on aura un taux d'intérêt à court terme et un autre à long terme. Supposons que la quantité de monnaie reste constante. Une augmentation de la liquidité (c'est-à-dire du degré de liquidité des titres à court terme) entraîne une substitution des encaisses désirées au profit de la détention des titres à court terme qui tend
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
171
à faire diminuer le taux d'intérêt à court terme. Dans quelle mesure le taux d'intérêt à long terme en sera-t-il affecté (question importante pour certains projets d'investissements à long terme) ? On ne peut pas y répondre a priori. Une baisse du taux d'intérêt à court terme n'induit pas nécessairement la baisse du taux d'intérêt à long terme. Sans doute les titres à long terme deviennent-ils plus rentables par rapport aux titres à court terme, tout au moins à première vue, ce qui conduirait à une demande plus élevée des titres à long terme (et donc à une baisse de leur tauX d'intérêt). Cependant, qu'il y ait effectivement une demande supplémentaire de titres à long terme, est une question qui dépend en fin de compte des anticipations individuelles à l'égard des prix futurs des titres (dont dépendent, en partie, les rendements futurs des titres et leur degré de liquidité); ces constatations sont issues de notre analyse sur la structure des taux d'intérêt (voir chap. IV, 3).
II) L'effet direct de la liquidité (( effet de liquidité réelle »). - La liquidité influence la· demande effective non seulement par l'intermédiaire du mécanisme d'intérêt, mais aussi par l'intermédiaire d'une variation du patrimoine. Par liquidité nous entendons désormais, outre le potentiel de liquidité des créances non monétaires, le potentiel de liquidité nette du portefeuille non monétaire constitué par les créances-dettes. Puisque ce volume de liquidité nette constitue un patrimoine (( relatif ») dans l'économie, il exerce un effet de patrimoine sur la demande des biens (marchandises, monnaie, titres). Or, cet effet est un effet de liquidité « réelle » : une baisse du niveau général des prix entraîne une augmentation de la demande effective à cause de l'effet d'encaisses réelles, certes, mais aussi à cause de l'augmentation de la valeur réelle des liquidités nettes. On peut expliquer d'une manière très « traditionnelle »
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
cette influence patrimoniale des liquidités nettes. L'effet d'encaisse réelle et l'effet de liquidité réelle peuvent se concevoir comme indicateurs de la capacité à payer promptement dont jouissent les agents économiques. Souvent le terme « capacité à payer promptement » se trouve comme synonyme du terme de liquidité. Pour éviter toute logomachie, précisons que cette notion de liquidité se réfère à la position de liquidité des sujets économiques. Il ne s'agit plus de la liquidité des actifs ou de la non-liquidité des passifs, mais du volume de liquidité nette d'un portefeuille (consistant en actifs et passifs) qui est dans la possession des sujets économiques; ainsi, ce volume de liquidité nette peut s'interpréter comme la position de liquidité des sujets économiques. Cependant, peu importe si on la voit comme un patrimoine ou comme une capacité à payer promptement (nomina sunt odiosa), les deux interprétations conduisent au même résultat : une augmentation du patrimoine ou de la capacité à payer promptement exerce un effet expansionniste sur la demande des biens (1). Remarquons finalement que ce « nouveau concept de liquidité » (la « position de liquidité des individus », leur « capacité à payer promptement ») concerne seule-
(1) La position de liquidité (la « capacité à payer promptement ») d'un individu i (iL') qui peut être aussi bien créancier (Ci) que débiteur (Di) peut se formuler ainsi :
iL' = iM
+ ~"
(CïÀi Fi -
DiÀk Fk)
Ci -# k).
i,k~2
Si l'économie recense N individus, la position de liquidité de l'ensemble de l'économie (L') est égale à : N
N"
L'= ~ iL'= ~ [iM+ i=l
i~l
~
i,k=2
"
(CiÀiFi-viÀkFk)]=M+ ~ ÀjFj. i~2
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
173
ment leurs réserves effectives de liquidité nette. Or, on peut étendre ce premier concept à un second que nous voulons appeler le pouvoir de disposition financière (financial strength) ! Cette notion de liquidité englobe à la fois les capacités effectives à payer promptement et les capacités potentielles. La capacité potentielle d'un individu à payer promptement se réfère à sa « norme d'endettement )). Chacun est prêt à s'endetter jusqu'à un certain niveau. Deux cas extrêmes sont concevables quant à la dimension de cette norme : elle peut être égale à zéro ou elle peut être infinie. Quand cette norme d'endettement dépasse l'endettement effectif, la différence pourra être ajoutée au concept de liquidité « capacité (effective) à payer promptement» (c'est-à-dire « volume de liquidité nette ))) et on aura donc l'expression « pouvoir de disposition financière )). Il va de soi que cette nouvelle mesure de liquidité « subjective )) doit tenir compte, outre la « norme d'endettement » (willingness to borrow), des possibilités « objectives )) d'un endettement futur (ability to borrow) (1). Le pouvoir de disposition financière ne signifie pas seulement que les individus sont capables (ou non) de rembourser leurs dettes conformément au terme fixé, mais aussi qu'ils peuvent effectuer des achats - et en ce sens ce « nouveau)) concept de liquidité (c'est-à-dire la « norme d'endettement »), à côté du volume de liquidité nette ou de l' « effet de liquidité nette », exerce une autre influence sur la demande des biens (2). (1) Voir à ce sujet W. T. NEWLYN [1962], pp. 123-132 et [1964], pp. 340 -34 1. (2) Le degré du pouvoir de disposition financière dépend ainsi de la différence entre le degré de liquidité et de non-liquidité des actifs financiers et de la norme et capacité d'endettement, mais également du volume des achats à effectuer. Si L+ désigne le pouvoir de disposition financière de l'économie et si le volume des dépenses à effectuer est proportionnel au revenu natio-
174
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
na! (PY), la relation L + /PY exprimera le pouvoir de disposition financière par rapport aux décisions d'achats_ Dans le cas où L+ ne consiste qu'en encaisses, L+/PY se réduira à M!PY, c'est-à-dire au coefficient d'encaisse K de l'équation de Cambridge 1 Dans ce chapitre, en parlant du degré de liquidité des actifs financiers, nous avons négligé la possibilité pour les actIfs physiques d'avoir aussi un degré de liquidité. On peut tenir compte explicitement du volume de liquidité des actifs physiques de la manière suivante. Admettons le théorème de l'égalisation des taux de rendement total pour les actifs non humains. Les divers types d'actifg physiques Ai (où j = n + r, ... , m) rapportent un rendement total de 9iAi = (Ti + Pi)Ai- Le patrimoine physique total est égal à la valeur capitalisée du rendement total de tous les actifs physiques: m ~
A =
(Ti
+ Pi)
A;/IR- Dans le cas où A, dans l'équation (ro)
j - nl+ 1
(p. r66), a été interprété comme la valeur capitalisée du rendement m ~
pécuniaire de(actifs physiques (A =
j-In
m
le terme
~
Ti A;/IR), il faudra y ajouter
+1
Pi Ai/IR.
j-n+l
Nous savons du chapitre précédent que le taux de rendement non pécuniaire Pi d'un actif physique contient des avantages de liquidité, sans doute, mais aussi des satisfactions d'ordre socio-psychologique. Pour estimer le volume de liquidité, seul l'élément de liquidité contenu est supposé représenter le taux de rendement dans Pi est important; non pécuniaire provenant des avantages de liquidité. Le volume de liquidité des actifs physiques est alors égal à
pi
m
~
pj Ai/IR. p; /IR
désigne le degré de liquidité de l'actif physi-
j=n+l
À;
que Ai- Ecrivons cette relation par Àj (où = Pj /IR), le volume de liquidité nette dans une économie se compose de la masse monétaire, du volume de liquidité nette des créances-dettes non monétaires et du volume de liquidité des actifs physiques: n
L ~ M
+
~
j=2
Àj
Fi
+
2: j~n+l
Àj Ai' .
Sous l'aspect du patrimoine « réel ", la quantité de monnaie et les actifs financiers doivent encore être divisés par le niveau général des prix P.
ASPECT PATRIMONIAL DES LIQUIDITÉS
I75
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES (1) CHRIST (C.) [1957]. Patinkin on Money, Interest, and Priees, Joumal of Political Economy, LXV. EINAUDI (L.) [1928]. Intorno alla metodologia della teoria della capitalizzazione dell' imposta, dans: Beitrtige zur Finanzwissenschaft, ouvrage publié sous la direction de H. TESCHEMACHER, Tübingen, t. II ; traduction anglaise : On the Methodology of the Theory of Tax Capitalization, International Economie Papers, VII (1957). FRIEDMAN (M.) [1956]. The Quantity Theory of Money. A Restatement, dans Studies in the Quantity Theory of Money, ouvrage publié sous la direction de M. FRIEDMAN, Chicago; reproduit dans Readings in Macroeconomies, ouvrage publié sous la direction de M. G. MUELLER, New York, Chicago, San Francisco, Toronto et Londres, 1966. FRIEDMAN (M.) [1960]. A Programm for Monetary Stability, New York. FRIEDMAN (M.) [1969]. The Optimum Quantity of Money, dans M. FRIEDMAN, The Optimum Quantity of Money, Chicago. FRIEDMAN (M.) et SCHWARTZ (A. L.) [1969]. The Definition of Money : Net Wealth and Neutrality as Criteria, Journal of Money, Credit and Banking,l. GURLEY (J. G.) et SHAW (E. S.) [1960]. Money in a Theory of Finance, Washington. HICKS (J. R.) [1935]. A Suggestion for Simplifying the Theory of Money, Economica, II; reproduit dans Readings in Monetary Theory, ouvrage publié sous la direction de F. A. LUTZ et L. W. MINTS, Londres, 1952. HICKS (J. R.) [1967]. Critical Essays in Monetary Theory, Oxford. JOHNSON (H. G.) [1962]. Monetary Theory and Policy, American Economie Review, LII; reproduit dans H. G. JOHNSON, Essays in Monetary Economies, Londres, 1967. JOHNSON (H. G.) [1967]. Recent Developments in Monetary Theory, dans H. G. JOHNSON, Essays in Monetary Economies, Londres. JOHNSON (H. G.) [1969]. Inside Money, Outside Money, Income, Wealth and Welfare in Monetary Theory, Joumal of Money, Credit and Banking,l. JOHNSON (H. G.) [1969 a]. Recent Developments in Monetary Theory : A Commentary, non publié, octobre. MARTY (A. L.) [1961]. Gurley and Shaw on Money in a Theory of Finance, Journal of Political Economy, LXIX. MARTY (A. L.) [1969]. Inside Money, Outside Money, and the Wealth Effect, Joumal of Money, Credit and Banking, I. (1) Pour les articles reproduits dans des ouvrages, l'indication des pages se réfère au texte le plus récent.
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
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TABLE DES MATIÈRES Deux vues différentes sur la monnaie
5
La controverse entre la Currency-School et la BankingSchool : monnaie contre crédit.................... 2. L'apaisement de la controverse: 1850-1950 ••••••••• 3. La renaissance de la controverse: monnaie contre liquidité . .••• • . . . • . . . . . . . . . . • • • . • • . . . . . . . . . . . . . . . . . .
15 21
Références bibliographiques... . . . . . . . . . . . . . .. . . . .
31
Monnaie et liquidité.............. ... . .
33
CHAPITRE PREMIER. 1.
CHAPITRE
II. -
7
La monnaie comme moyen de paiement et instrument de réserve de valeur............................. 2. Quantité de monnaie et unité monétaire (la monnaie comme étalon de valeur) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • • . . . 3. La liquidité comme « proximité monétaire » des actifs a) La proximité monétaire des actifs comme moyens de paiement •.............................•.. b) La proximité monétaire des actifs comme instruments de réserve de valeur
40
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . • . . . . . . . • . •
59
1.
III. -
35 38
45 50
Liquidités de transaction...............
61
La monnaie et d'autres actifs liquides comme moyens de transaction ......................••.......... 2. Le volume optimal des liquidités de transaction . . . . . . 3. Quelques controverses marginales.................. Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
64 69 75 82
Liquidités et analyse de portefeuille •.••.
85
Les encaisses de transaction-spéculation motivées par la précaution (le portefeuille consiste en monnaie et en rentes perpétuelles) .•........... . . . • . . . . . . . . . . • . .
87
CHAPITRE 1.
CHAPITRE 1.
IV. -
ANALYSE DES LIQUIDITÉS
2.
La diversification du portefeuille (le portefeuille consiste en actifs financiers et physiques) • . . . . . . . . . . • . . . . . . a) Le principe des économies de risques........... b) Le choix du portefeuille sous l'aspect de la certitude de la valeur réelle . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . • . .
3. La structure des liquidités et des taux de rendement. . a) Les « préférences pour les différentiels de liquidité» b) Les facteurs déterminant la structure des taux d'in-
94
95 97 103 107
térêt ,. .. . .. .. . .. . . . . .. . . . c) Les actifs humains... . .. .. . .. ... . . . . . .. . . . .. .
109 120
Références bibliographiques . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . .
127
Aspect patrimonial des liquidités.........
129
1. La monnaie représente-t-elle un patrimoine?......
133 137
CHAPITRE
V. -
a) Monnaie externe (le problème de l'illusion fiscale) b) Monnaie interne (le problème de la monnaie portant
un taux d'intérêt) •••..... . . • • . . . . . . . . . . . . • • • •
143
L'aspect patrimonial des autres actifs financiers liquides 3. L'effet de liquidité ...•...•••.•.••••••••••••.••••
157
Références bibliographiques . . . . . . . . . • . . . . . • . . . . . •
175
2.
167
1111
5UP SECTION" L'ÉCONOMISTE" ANDRÉ CHAINEAU MÉCANISMES ET POLITIQUE MONÉTAIRES 2
RENÉ LECL~RE LES MÉTHODES D'ORGANISATION ET D' « ENGINEERING »
3
JEAN FOURASTIÉ et JEAN-PAUL COURTHÉOUX LA PLANIFICATION ÉCONOMIQUE EN FRANCE
4
ANDRÉ TIANO LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU MAGHREB
5
ALEXANDRE LAMFALUSSY LES MARCHÉS FINANCIERS EN EUROPE
6
GEOFFROY D'AUMALE LA PROGRAMMATION DES DÉCISIONS
7
ALAIN WOLFELSPERGER LES BIENS COLLECTIFS
8
FRANCIS-J. FABRE LE CONTROLE DES FINANCES PUBLIQUES
9
ÉLI AS GANNAGÉ FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT
10
MARCEAU LONG et LAURENT BLANC L'ÉCONOMIE DE LA FONCTION PUBLIQUE
11
JEAN-CLAUDE CHOURAQUI LE MARCHÉ MONÉTAIRE DE LONDRES DEPUIS 1960
12
LOUIS FORTRAN et GÉRARD KLEIN L'ÉPARGNE DES MÉNAGES
13
JEAN PARENT LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE
14
GEORGES GALLAIS-HAMONNO LES SOCIÉTÉS D'INVESTISSEMENT A CAPITAL VARIABLE (SICAV)
15
EDWARD AMES INTRODUCTION A LA MACROÉCONOMIE
16
JEAN VINCENS LA PRÉVISION DE L'EMPLOI
17
GUY CAIRE THÉORIE ET PRATIQUE DE LA POLITIQUE DES REVENUS
18
PIERRE-HENRI DERYCKE L'ÉCONOMIE URBAINE
18
CELSO FURTADO THÉORIE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
20
EMIL-M. CLAASSEN ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE
VOLUMES SOUS PRESSE GILLES-Y. BERTIN L'INVESTISSEMENT PUBLIC INTERNATIONAL RAYMOND BERTRAND ÉCONOMIE FINANCIÈRE INTERNATIONALE
1970. - Imprimerie des Presses Universitaires de France. ÉDIT. N° 31187 IMPRIMÉ EN FRANCE
Vendôme (France) IMP. N° 22187
JIll
5UP
Les précis de l'enseignement supérieur
•
LE PSYCHOLOGUE Section dirigée par Paui FRAISSE
@
L'ÉDUCATEUR Section dirigée par Gas/on MIALARET
~
LE SOCIOLOGUE Sec/ion dirigée par Georges BALANDIER
•*
LE LINGUISTE Section dirigée par André MARTINET L'HISTORIEN Sec/ion dirigée par Roland MOUSNIER
@
LE GÉOGRAPHE Section dirigée par Pierre GEORGE
D X
LE POLITIQUE Section dirigée par Georges LAVAU L'ÉCONOMISTE Section dirigée par Pierre TABA TONI
4"4 "4T
LE MATHÉMATICIEN Section dirigée par Jean-Pierre KAHANE LE PHYSICIEN Section dirigée par Huber/ CURIEN LE CHIMISTE Section dirigée par Jacques BÉNARD LITTÉRATURES ANCIENNES Section dirigée par Rober/ FLACELlÈRE LITTÉRATURES MODERNES Section dirigée par Jean FABRE
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~
•
*
INITIATION PHILOSOPHIQUE Section dirigée par Jean LACROIX LES GRANDS TEXTES Bibliothèque classique de Philosophie dirigée par Claude KHODOSS·e/ Jean LAUBIER PHILOSOPHES
48020/4/70