Sport et politique en Algérie
Collection "Espaces et Temps du Sport" dirigée par Jean Saint-Martin et Thierry Terret
Le phénomène sportif a envahi la planète. Il participe de tous les problèmes de société, qu'ils soient politiques, éducatifs, sociaux, culturels, juridiques ou démographiques. Mais l'unité apparente du sport cache mal une diversité aussi réelle que troublante: si le sport s'est diffusé dans le temps et dans l'espace, s'il est devenu un instrument d'acculturation des peuples, il est aussi marqué par des singularités locales, régionales, nationales. Le sport n'est pas éternel ni d'une essence trans-historique, il porte la marque des temps et des lieux de sa pratique. C'est bien ce que suggèrent les nombreuses analyses dont il est l'objet dans cette collection créée par Pierre Arnaud qui ouvre un nouveau terrain d'aventures pour les sciences sociales.
Dernières parutions Stéphane MERLE, Politiques et aménagements sportifs en région stéphanoise, 2008. Pascal SERGENT, Edmond Jacquelin. La vie du champion le plus populaire de tous les temps, 2008. Jean-Pierre FAVERa, Immigration et intégration par le sport. Le cas
des immigrés italiens du bassin de Briey (fin du XIX siècle - début des années 40), 2008. Guy BONa, L'avenir du football européen en question. Golden Goal, 2007. Emmanuel BAYLE et Pascal CHANTELA T, La Gouvernance des organisations sportives, 2007. Pierre-OlafSCHUT, L'exploration souterraine. Une histoire culturelle de la spéléologie, 2007.
y oucef FATES
Sport et politique en Algérie
L'Harmattan
@ L'Harmattan, 2009 5-7, rue de l'Ecole polytechnique;
75005
http://www.]ibrairieharmattan.com
[email protected] harmattan
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ISBN: 978-2-296-07865-9 EAN : 9782296078659
Paris
INTRODUCTION
Parfait produit de la mondialisation, le «mieux réussi», le sport est un phénomène social majeur, voire un des traits caractéristiques ascendants de notre époque, de plus en plus omniprésent et envahissant. Elément substantiel de la culture contemporaine, irréversible et indestructiblel malgré les nombreux scandales qui le secouent (dopage, violence, tricherie, corruption, racisme, paris truqués, fraude, blanchiement d'argent, etc... )2, il est comme un phénix, il renait toujours de ses cendres. Il intéresse non seulement les organisations internationales non gouvernementales (CIO, FSI, Confédérations continentales), les institutions intergouvernementales de nature variée (ONU, UNESCO, UE, CONFEJES, UA, etc...), quant à son organisation, son financement, son encadrement, son maillage, et son contrôle, mais également les médias3 et les firmes multinationales4 car il est un spectacleS, une marchandise et un immense marché très exploité6. Aujourd'hui, l'ensemble des Etats de la planète7l'ont totalement récupéré jusqu'à en faire parfois un facteur de
1 Le mouvement olympique international, n'a jamais été l'objet de remise en cause sérieuse à ce jour, hormis en 1963, à la période des décolonisations, avec la révolte des Non-Alignés qui organisent les Games of New Emerging Forces, (GANEFO), les Jeux des Nouvelles Forces Montantes, à Djakarta, mais sans grand succès. 2 D'aucuns parlent aujourd'hui d'une véritable criminalisation du sport mondialisé. 3 Selon Wladimir ANDREFF, les spectacles sportifs mondiaux qui étaient 20 en 1912 et 315 en 1977 sont 1000 en 2005. Les transmissions sportives télévisées touchent 170 à 220 pays. 4 On peut citer les marques de sport généralistes Puma, Nike, Adidas, Reebook, etc.. mais aussi les marques out-door comme Aigle, Timberland, Quicksilver, Billabourg , etc... 5 Le marché mondial des droits de retransmission TV d'évènements sportifs s'élève à 60 milliards d'euros avec polarisation sur quelques sports en particulier le football. Wladimir ANDREFF. 6 Le marché du sport représente 3% des échanges mondiaux soit 500 milliards d'euros. C'est la 3° activité légale après le marché des armes et de la drogue. Il se place devant celui du pétrole et de l'automobile. Les seules ventes mondiales d'articles de sport sont estimées à 182 milliards d'euros en 2006 et à 278,4 milliards de dollars en 2007. Les USA concentrent 42% du marché mondial du sport. Wladimir ANDREFF donne les estimations suivantes de la mondialisation du sport en 2004 : marché mondial des biens et services sportifs: 550-600 milliards d'euros, marché mondial du football 250 milliards d'euros, marché mondial des articles de sport 150 milliards d'euros 7 Le Vatican, Etat d'Europe à Rome, 0,44 km2, environ 700 habitants, par la voix du pape Jean-Paul Il s'y est lui-même intéressé. Devant la violence déferlante, le souverain pontife n'hésite pas à demander aux joueurs, aux supporters, aux responsables de clubs, aux journalistes, d'éviter toute violence lors des rencontres de football, les rencontres doivent être porteuses de valeurs d'humanité et de fraternité. En avril 1995, à la veille d'un derby entre deux grandes équipes de la capitale italienne, Jean-Paul Il exprime ses voeux aux deux équipes pour que le match soit l'occasion d'un sain divertissement et d'une confrontation loyale. ln La lettre de l'économie du sport, n° 300.
leur visibilité internationale1 et de leurs relations diplomatiques2. Il est devenu un esperanto des hommes3, s'exprimant à travers: - les Jeux Olympiques, le plus grand forum planétaire4, réunissant plus de 190 Etats (197 comités nationaux olympiques reconnus par le CIO) sur le seul critère de la performance et «des minimas» pour participer aux jeux. Contrairement aux premiers Jeux antiques d'Olympie, dédiés aux dieux, panhelléniques et excluant les peuples dits barbares, les JO ne font intervenir aucun critère de race, de religion, d'idéologie, de politique, de sexe ou autres. - la Coupe du Monde de football, dont la première a eu lieu en 1930, organisée par la Fédération Internationale de Football Association (la FIF A), la plus puissante des 34 Fédérations Internationales Olympiques de Sport d'été, totalisant depuis le congrès du 8 juin 1998, 204 membres5 alors que l'ONU plafonne à 186 membres. Cet évènementiel produit un spectacle exceptionnel pour tous les citoyens de la planète en tant que supporters et téléspectateurs (220 pays diffuseurs), pénétrant aujourd'hui des millions de foyers grâce à la télévision par satellite (trois milliards de téléspectateurs environ, 37
1 Le footballeur camerounais Roger MILLA déclare que « le football, c'est ce qui permet à un petit pays de devenir grand ». 2 En 1994, à la suite de l'excellente prestation de l'équipe nationale saoudienne de football, à la phase finale de la Coupe du monde qui se déroule aux Etats Unis d'Amérique, M Liamine ZI~ROUAL, Président de l'Etat algérien adresse au roi Fahd IBN ABDELAZIZ, Serviteur des Lieux saints de l'Islam, un message de félicitations. A cette occasion, le président de l'Etat salue les succès enregistrés par l'équipe saoudienne qui a dignement représenté la jeunesse arabe dans cette compétition. El Watan du Mercredi 6 juillet 1994. En 2006, pour la victoire de l'équipe italienne à la coupe du monde de football, c'est au tour du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, d'envoyer un message au président du Conseil des ministres italien, M. Romano Prodi, dans lequel il lui présente ses plus chaleureuses félicitations: la brillante et méritée victoire de l'équipe d'Italie lors de la XVIIIe édition de la coupe du Monde defootbal!, m 'ofli'e l'agréable occasion de vous présenter, au nom du peuple algérien et en mon nom personnel. mes félicitations les plus chaleureuses!!, Il rajoute: Lafabuleuse prestation de la Squadra k:::ura témoigne, à n'en point douter. de la pertinence des choix opérés, de longue date, par l'Italie dans le but de promouvoir sa jeunesse par la pratique généralisée du sport, choix qui ont permis d'en faire la digne héritière de la jeunesse romaine qui a tant brillé sur toutes les arènes de l'antiquité. Je suis bien ravi, en cette heureuse circonstance, de vous dire toute l'admiration qu'a suscité, le jeu, particulièrement efficace, déployé par l'ensemble de l'équipe d'Italie. El Moudjahid du mardi l1juillet 2006 3 Pour reprendre une expression de Jean GIRAUDOUX, dans Notes Et Maximes, 1977, p 26. 4 Les premiers jeux olympiques d'Athènes de 1896 n'ont réuni que 13 Etats, 285 athlètes dont 180 Grecs. La participation féminine en général n'a été relativement acceptée que tardivement en 1928 avec l'admission aux jeux olympiques de la gymnastique et de l'athlétisme féminins. On compte alors 290 femmes sur 3015 athlètes. Actuellement, le mouvemcnt olympiquc s'étend aux cinq contincnts, Lcs JO sont le plus grand fcstival dc rassemblcment dcs athlètes du monde. 5 Dont la Palestine non encore reconnue par les Nations Unies.
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milliards en audience cumulée pour les matchs de la Coupe du monde de football du 10 juin au 12 juillet 1998 en France). - et d'autres manifestations internationales, continentales, régionales, nationales et locales. En fait le sport a aussi été récupéré très rapidement, volontairement et consciemment par l'ensemble des Etats des autres aires culturelles non occidentales à des fins propres dès leur indépendance. Dans ces paysl, pour la plupart les derniers à avoir rejoint le mouvement olympique international, le sport fait partie plus que jamais du tissu social de chaque nation2. Sur le plan anthropologique, bien qu'il n'apparaisse pas comme l'expression « d'une conception du monde et de la vie »3, il n'est pas conçu comme une bizarrerie, une étrangeté ou un élément pittoresque, pour paraphraser Gramsci à propos du folklore. Tout comme cette activité, il est une chose très sérieuse et qui a été prise au sérieux. Il n'est pas perçu comme un élément inessentiel ou dénué de valeur4 et ceci malgré cet écart paradoxal entre la futilité et l'improductivité du jeu5 et l'intensité des passions et la ferveur qu'il suscite6, plus prononcées dans ces pays. A ce titre, rappelons que dans cet ensemble
1 Plusieurs de ces pays sont dits du Sud ou du Tiers-Monde. Or aujourd'hui, le monde est unipolaire. Il n'y a plus de Tiers-Monde mais un ensemble hétérogène composé de 130 pays pour 5,5 milliards d'habitants sur les 6,6 milliards que compte notre planète (Africains: 965 millions, Asiatiques; 4,03 milliards, Latina-américains: 572 millions). Certains sont d'anciens pays colonisés, endettés, déshérités, en proie à de nombreux problèmes socio-économiques, mal développés, d'autres sont en décollage économique. On y compte aussi des pays rentiers bénéficiant de la manne pétrolière. Les pays émergents n'ont font plus partie. Youcef FATES, Sport et Tiers- monde, PUF, Paris, p 13. 2 En Iran, la lutte sport national par excellence, a été détrônée par le football qui est devenu, même après la Révolution islamique, une activité de tout un peuple. <,En Asie du Sud Est, presque tout le monde joue au cricket. Des bidonvilles
de Bombay en passant par
les quartiers chics de New Delhi ou les terrains des villes de provinces reculées, les enfants de l'Inde et des pays voisins passent leurs temps à se passionner pour ce jeu dont les règles compliquées restent à la seule portée d'un esprit anglo-saxon ou d'un ressortissant d'une ancienne colonie britannique. A l'origine, ce sport était aux Indes, une occupation d'aristocrate. Les deux premiers grands joueurs furent des fils de maharajah. Par la suite le cricket a été popularisé par la riche communauté parsie de Bombay». 3 Contrairement au propos d'Antonio GRAMSCI, à propos de ses Observations sur le folklore in Littérature et vie nationale. Cahiers de prison, Paris, Gallimard, Bibliothèque de philosophie, 1978. 4 Pour MANDELA, «le football aussi bien que le rugby, le cricket et Ics autres sports d'équipe a le pouvoir de guérir les blessures ». 5 Pour Marc AUGE, « le sport est un de ces objets d'apparence triviale et périphérique qui sont en fait au centre contemporain où se projettent la nation, le marché, le spectacle, notre vrai phénomène social total ». ln L'âge du sport, Le Débat, février 1982, n° 19, p 32. 6 Christian BROMBERGER l'a très bien décrit dans son ouvrage, Le match de football. Ethnologie d'une passion partisane
à Marseille,
Naples et Turin, 1995, une enquête de terrain.
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géopolitique, c'est surtout le sport spectacle, particulièrement le footbalP, universel concret, qui provoque un engouement et exerce une fascination incommensurable sur les jeunes2 car il est très bon support d'identification. Depuis sa médiatisation effrénée à l'échelle mondiale, même les pays musulmans fondamentalistes (la République Islamique d'Iran) pour qui l'islam rigoriste rejette le jeu, ou à population à majorité bédouine, n'ayant aucune tradition sportive (l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, le Koweit), ne restent pas indifférents à cette pratique ludique corporelle3. Et ils sont prêts à investir des sommes colossales d'argent pour former une équipe nationale pouvant participer à la Coupe du monde de football, aux Jeux Olympiques ou aux Jeux Régionaux4. Ainsi, en terre d'islam,
les
stades,
« néocathédrales
du
monde
occidentalo-moderne»
diffusant cette nouvelle religion corporelle motrice, bruyante et contraire à la sérénité et l'apaisement des cœurs et des esprits, prolifèrent. D'autre part, dans l'histoire de ces pays, il n'est point besoin de démonstration pour montrer les ponts et les passerelles qui relient le sport à la politique. La vie sociale de ces pays abonde d'événements qui confirment ce truisme. Espace nouveau de confrontation politique entre les Etats et parfois même entre les hommes, il prend souvent l'allure de bataille. Ceci a amené plusieurs auteurs à déclarer péremptoirement que le sport, c'est la guerreS contredisant magistralement les apologistes et Jean Giraudoux qui affirme le contraire: le sport est la paix, le sport est le contraire de la guerre, le sport est le remède à la guerre, le sport décidera de la guerre, le sport
1 En Amérique latine, le football est le sport roi. Le Brésil dont les joueurs sont issus des favelas, des plages de RIO et des territoires de l'intérieur est le seul pays qui a disputé 16 coupes du monde. 2 En Afrique, le football est le pôle de tous les rêves de milliers de jeunes Africains, à l'image du petit africain espérant devenir un grand joueur de football, du film le Ballon d'or de Cheikh Doukouré, réalisé en avril 1994. 3 Mahfoud AMARA, When the Arab World was Jvlobilised around the FIFA 2006 World Cup, The Journal of North African Studies, 12:4,417-438. (2007). 4 Le cas le plus illustratif est celui de l'Arabie Saoudite dont la fédération de football créée en 1959 et qui compte en 1994, 15.000 licenciés répartis dans environ 160 clubs qui a dépensé des sommes considérables pour » acheter» des entraîneurs et des joueurs. En 1978, Rivelino le meilleur footballeur brésilien a été acquis pour 1 million de dollars. Voir Interview Youcef Fatès, « L'islam tente de récupérer le football », in Libération du samedi 25-dimanche 26 juin 1994. Pour amener l'Arabie Saoudite en quart de finale en France en 1998, le Brésilien Carlos Alberto Parreira, ex-entraîneur des champions du monde, touche un salaire annuel de 18 millions de francs. Le Monde, 23 décembre 1997. 5 Le monde diplomatique, Manière de voir, 30 mai 1996.
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est international, le sport rapproche les nations1. On observe que dans la plupart des Etats dits du Tiers-Monde, dont la nature et la forme, n'a pas permis à la société civile de dépasser le stade embryonnaire pour le prendre en charge, le sport porte souvent d'une manière indélébile la marque du politique. Il en devient un instrument et un médium dans la société interne2 et dans la société internationale3. Pour les auteurs qui se sont situés dans le débat sur la nature du sport, l'apolitism~ sportif n'existe pas. Jean Meynaud remarque qu'il n'y a pas d'indépendance totale de la pratique sportive à l'égard de la politique des Etats. Les athlètes sont des soldats du sport4. Dans ce cas, il s'agit notamment des athlètes de haut niveau qui sont des représentants de la Nation. C'est à juste titre que les gouvernants des Etats, expliquent à leurs sportifs d'élite qu'ils sont avant tout des ambassadeurs de leur pays, les représentants d'une Nation et parfois d'un système économique, social et culturel. Lors d'une visite aux joueurs du club de football d'El Ahly, le président de la République égyptienne Hosni Moubarak affirme péremptoirement que les matchs de football sont certes des confi'ontations sportives honorables, mais ils ont le profil des batailles militaires. Il va récidiver devant les joueurs d'un autre club, Arab Contrators qui accueillait les Togolais d'Agaza Lomé en finale retour de la Coupe d'Afrique des vainqueurs de Coupe en 1984: le foot, c'est une guerre qui répond à nos objectifs...l'Egypte doit être fière de vous, nous devons lui o.ffi'ir vie et sang5. Le langage militaire utilisé, très violent est bien celui de l'ancien général de l'armée égyptienne, devenu président de la République. Pour les autres chefs d'Etat, les sportifs de haut niveau sont des «combattants» pacifiques, des «drapeaux vivants» dont le but
1 Jean GIRAUDOUX, op cit, variations, p 26. 2 Le président du Brésil en 1962, Joa Goulart implore les footballeurs brésiliens de conserver la coupe du monde «qui est l'orgueil du pays. Elle fait oublier aux Brésiliens les difficultés économiques et en cela elle est plus nécessaire que le riz ».
3 Jean MEYNAUD dans Sport et politique, 1966, p. 135, affirme:
«
De nos jours, le nationalisme marque
les rapports sportifs entre les pays comme il affecte tous les compartiments des relations internationales. Les victoires remportées dans les compétitions sportives tendent à être considérées comme des signes d'excellence et de puissance: elles deviennent le critère par lequel on juge la valeur respective des
différents régimes socio-économiques. 4 Ibid, p. 271. 5 Algérie Actualités,
»
semaine du 29 décembre
au 4 janvier 1984.
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est la victoire, l'affirmation et la reconnaissance de l'Etat-Nation1 sur la scène internationale. En conséquence de quoi dans tous les pays du monde, y compris les plus développés, c'est le président de la République en personne ou le premier ministre qui félicite au nom de la Nation, les athlètes vainqueurs. Ils descendent même sur le terrain de sport ou dans les vestiaires des joueurs pour les encourager, et exhibent leurs maillots ou l'écharpe aux couleurs nationales comme les fans populaires. Parfois, ces athlètes sont élevés à des titres honorifiques2. En Algérie, en 2006, le Président A. Bouteflika, prolixe et contrairement à son habitude3, véritable laudateur du footballeur professionnel Zidane dans un très long message n'hésite pas tout d'abord à le féliciter chaleureusement pour le magnifique penalty qu'il a signé lors de la finale de la Coupe du monde de football, le seul but marqué par l'équipe de France, à lui témoigner de sa fierté pour la belle, courageuse, intelligente et exceptionnelle carrière qu'il a su construire avec autant de pugnacité que de sagesse, d'audace que de pondération, avec surtout un immense fair-play4, et à l'inviter en 1 ] P OHL, La guerre olympique, 1977. Tous les quatre ans par champions interposés (gladiateurs modernes), les Nations s'affrontent sur le terrain dit pacifique du sport alors que la Charte olympique
précise en règle 9 que
«
Les jeux sont des compétitions entre athlètes
".
2 Les footballeurs professionnels, vainqueurs de la Coupe du monde de football 1998. sont nommés, pour prendre rang à compter de la date de réception dans leur grade :ministère de la jeunesse et des sports, au grade de chevalier, par décret du président de la République en date du 24 juillet 1998, pris sur le rapport du Premier ministre et de la ministre de la jeunesse et des sports et visé pour son exécution par le grand chancelier de la Légion d'honneur, vu la déclaration du conseil de l'ordre portant que les présentes nominations sont faites en conformité des lois, décrets et règlements en vigueur, et notamment l'article R. 27 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, le conseil des ministres entendu. Le vendredi 28 septembre 2007, le basketteur Tony Parker a reçu des mains du président de la République Nicolas Sarkozy la Légion d'honneur au palais de J'Elysée. Le gouvernement le récompense pour sa carrière exceptionnelle, réalisée aux Etats-Unis. Arrivé aux San Antonio Spurs en 2001, le meneur de jeu a remporté trois titres NBA en 2003, 2005 et 2007. Il a été élu MYP (meilleur joueur) de la finale 2007 et fut également le premier français à être sélectionné pour le Ali-Star Game en 2006 et 2007. 3Avant sa maladie, le Président A. Boutemka était très sévère envers ses ministres, ses collaborateurs, les journalistes et les citoyens qu'il n 'hésitait pas parfois à critiquer autoritairement et à réprimander durement. 4 Il écrit dans une interminable lettre: Vous termine= votre carrière de footballeur professionnel en apothéose, vous entre= dans la légende du football mondial pour la plus grande joie de vos admirateurs et de vos supporters algériens. Il poursuit qu'il est «peiné» de J'incident qui l'a opposé à un joueur de l'équipe d'Italie. Ce faisant, si la voix de la raison est celle du respect des règles sportives faisant enregistrer le carton rouge, il l'assure néanmoins de sa compréhension, en même temps que de son estime inentamée et de son admiration. Face à ce qui ne pouvait être qu'une grave agression, vous ave réagi, d'abord, en homme d'honneur avant de subir, sans sourcil/er, le verdict. Il lui en sait gré et il le félicite. Comme vous n 'ave=jamais oublié le pays de vos origines, l'Algérie et les Algériens sont fiers de vous. Ils ne vous oublient pas. Les Algériens, vos compatriotes, ont toujours suivi attentivement votre carrière et ont soutenu avec enthousiasme les équipes dans lesquelles vous ave= joué, que ce soit à l'AS Cannes, Bordeaux, la Juventus de Turin, au Real de lv/adrid ou naturellement dans le
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Algérie avec sa famille. Durant son séjour en Algérie, Zidane est fêté comme un héros national par des dizaines de milliers de fans. Le chef de l'Etat lui remet la médaille athir la plus haute distinction de l'ordre du mérite national, équivalent de la Légion d'honneur française. La décoration de l'ordre du mérite national est attribuée, en conformité avec la loi 84-02 du 2 janvier 1984 instituant le Conseil de l'ordre du mérite national (Article1) pour récompenser les services éminents rendus au pays dans une fonction civile publique ou militaire et les services exceptionnels rendus à la Révolution]. Cette décoration est également décernée pour récompenser des citoyens qui par leur talent créateur ont contribué à rehausser le prestige du pays, (Article 2). Nul ne peut être membre s'il n'est pas citoyen algérien. Toutefois la dignité de athir peut être conférée et les grades décernés respectivement aux chefs d'Etat étrangers et à des personnalités civiles et militaires étrangères2. Leur attribution est prononcée par le président de la République indépendamment des règles normales. Les décorations à titre étranger font l'objet d'un brevet distinct (Article 8). Sur un autre plan, la marque du politique dans le sport se retrouve au niveau du rituel organisationnel. Le cérémonial précédant les matchs, tournois, meetings sportifs avec la levée des couleurs nationales, le jeu des hymnes nationaux, et les tenues de sportifs aux couleurs de l'emblème national, ne sont-ils pas « un condensé du
politique» ? Pour Georges Magnane, le sport se politise, se corrompt on:::e de France - parce que Zineddine Zidane y était - leurs cœurs ont toujours vibré pour les Bleus auxquels vous ove:::tant apporté. Dithyrambique, le président de la République fait remarquer que le fait d'avoir côtoyé les sommets de la légende n'a pas pour autant affecté votre sens de la modestie ni celui de la dignité et de l 'honneur qui caractérise l 'homme. Il souligne que toutes ces exigences ne peuvent s'effacer devant les codes de déontologie sportifs ou autres. fussent-ils sacrés. Vous n'ove::: aucune raison de baisser la tête. Vous ove::: si souvent porté très haut le flambeau du talent, du génie. de l 'humilité et de la gentillesse qui jhsait la timidité à lafin d'une carrière singulière et mondialement reconnue. Le président de la République conclut qu'il est certain de traduire, en ces moments difficiles pour Zidane, les sentiments des Algériennes et Algériens à son égard, ceux de respect, d'estime, de fierté et de solidarité, Il est trop facile pour les uns ou les autres de se donner vis-à-vis de vous le ((courage)) de vous livrer des leçons de bonne conduite. On peut aujourd 'hui essayer de vous accabler, de vouloir tout valis contester, saLif de valis priver du destin hors série qui est le vôtre. El Moudjahid du mardi 11 juillet 2006. 1 La dignité de athir est décernée à titre posthume à des officiers de l'Armée de Libération Nationale (]954-1962), de l'ANP et à des figures du nationalisme. 2 La dignité de athir a été attribuée à des chefs d'Etat étrangers comme le Brésilien LULA da Silva, le coréen ROH- Moo-hyun, au conseiller aux affaires sécuritaires auprès du chef de l'Etat des Emirats arabes unis (EAU), le Cheikh Hezaa Ben Zayed El Nahiane, au chefde l'AlEA Mohamed El Baradei ainsi qu'à des personnes qualifiées d'« amis de l'Algérie» et à Roger I-Janin en septembre 2000, à l'occasion de la semaine du film français.
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à partir du moment oÙ commence l'arbitrage officiel et quand le résultat importe le plus. Au cours d'un jeu ::.portif les succès et les échecs perdent leur caractère tragique1. Quant à Michel Bouet, il distingue plusieurs niveaux par lesquels une certaine fonction politique pénètre le sport: un niveau de politique interne (locale ou nationale) et un niveau où le sport prend une signification sur le plan de la politique extérieure2 Ces observations générales préalables étant faites, qu'en est-il du sport en l'Algérie? Quelle est la diversité des rapports avec le politique de ce que l'on appelle communément le sport au sens large du terme, c'est-à-dire les pratiques physiques compétitives, codifiées et institutionnalisées des clubs du mouvement sportif national? La densité des liens et les multiples usages faits par les acteurs permettent-ils d'affirmer que le sport est politique? Nicolas Tenzer nous rappelle qu'il est un tableau du peintre français d'origine russe Nicolas de Staël (1914-1955) qui s'appelle Les footballeurs. Nul ne peut y discerner un ballon, mais c'est vers lui que convergent toutes les formes. Invisible, il est le centre du tableau, le seul élément qui y soit absolument nécessaire. Il en est de même de la politique: nul ne l'a jamais vue, mais sans elle, ni l'homme ni la société ne pourraient exister3. C'est pourquoi avant d'aborder cette question centrale, il nous faut donner quelques clarifications terminologiques. Tout d'abord, le terme sport doit être défini afin de dépasser les représentations de sens commun. Il est polysémique et multidimensionnel. Beaucoup de chercheurs l'ont souligné. D'autre part, il renferme des ambiguïtés car il est sans frontières, ou plutôt celles ci ne sont pas définitives et ne constituent pas une muraille de Chine. Cette notion mérite d'être précisée d'autant que notre usage terminologique inclut parfois un nombre important de vocables tels que «gymnastique, activités corporelles, éducation physique, culture physique, pratiques physiques, pratiques corporelles, pratiques motrices, etc... ». Ces termes apparaissent approximativement comme des synonymes aux yeux des non-spécialistes. Pourtant, leur utilisation doit être rigoureuse car ils diffèrent de sens, de contenus, de secteur institutionnel et quelques uns restent empruntés à différentes 1 Georges MAGNANE, Sociologie du sport, ] 964, p. ] 27. 2 Michel BOUET, Signification du sport, ] 968, p. 577. 3 Nicolas TENZER, La politique, 199], p 8.
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disciplines sociales et humaines. Le débat sémantique le précisera. Dans le premier chapitre de son ouvrage sur l'histoire du sportl, Raymond Thomas estime difficile la définition du sport. Pourtant le terme sport semble offrir une signification claire. La grande variété et I'hétérogénéité des multiples pratiques qu'il recouvre risquent d'enlever de la force à toute tentative de définition. C'est Michel Bernard2 qui le caractérise comme un concept surdéterminé donnant ainsi une multiplicité de définitions proposées toutes aussi partielles et partiales les unes que les autres. «Le sport a l'apparence d'un paradoxe: c'est un mot et un phénomène compris par tous mais que personne, même les plus savants spécialistes ne peut correctement définir »3. Dans les années 70, Michel Boutron, tenté de donner une définition, à son tour après des centaines de personnes et pour qui le sport en notre siècle destiné entre autres, à maintenir en activité un corps devenu sans véritable emploi...pense qu'il est un moyen par lequel en toute liberté mais selon des règles établies judicieusement acceptées, l'homme reprend contact et possession de son corps, tentant avec lui de tirer l'essence de ses potentialités. Pratiqué seul soit en équipe, le but à atteindre reste toujours le premier ou le meilleur. La notion de compétition est bien présente dans cette définition; elle se trouve en effet indispensable pour permettre l'exploit, pour tirer l'essence des potentialités. L'esprit de compétition, la recherche du record est unfait de notre temps4. De nombreuses autres définitions plus élaborées du sport, de Jean Marie Brohm, Pierre Parlebas, Georges Vigarello, etc... mettent l'accent sur une approche sociologique, anthropologique, psychologique. Pour notre part, nous ne nous aventurerons pas dans une tentative de définition ou d'analyse sémantique, nous nous contenterons simplement de préciser ce que nous entendons par sport afin de délimiter l'objet de notre étude. Nous ferons le distinguo entre les activités physiques à caractère ludique, hygiénique ou utilitaire et les autres qui sont technocentrées et ont pour objectif la mesure d'un résultat concret, d'une performance, d'une prouesse, d'un exploit. Les premières sont libres. C'est l'exemple de l'individu qui court, nage, 1 Raymond THOMAS, Histoire du sport, Que Sais-je ?, Paris, Puf, ] 99]. 2 Michel BERNARD, Encyclopédia Universalis, t. 15, p. 305, cité par R. Thomas. 3 Idem. 4 Michel BOUTRON,
La grande fête du sport,
] 970, p. 16.
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joue un match pour se détendre, améliorer ses qualités physiques, rechercher des sensations de bien-être et de plaisir et un développement corporel. Elles ne se rattachent à aucune institution. Les secondes, en revanche, se pratiquent dans un cadre organisé à l'école, à l'université, dans les associations de quartiers, dans les clubs, etc... Elles passent par l'institution. Les objectifs visés qu'ils soient éducatifs, sanitaires ou cognitifs, affectifs utilisent le résultat mesurable, la performance. Dans notre cas, c'est le lieu de pratique, l'espace institutionnel qui est retenu. Ce sont ces activités qui intéressent notre étude. En définitive nous utilisons le terme de sport pour les pratiques physiques compétitives, codifiées et institutionnalisées: à l'école, à l'université, à l'entreprise et surtout dans les clubs du mouvement sportif national, à l'exception du sport militaire parce que posant des problèmes de «secret défense» et donc inaccessible. C'est pourquoi l'objet de notre étude concerne, les usages politiques du sport par les différents pouvoirs algériens et les acteurs de la société civile après l'indépendance (à quoi sert-il ?). Comment, par quels moyens, de quelle manière, le sport permet-il de faire de la politique? Nous devons donc dépasser l'esprit descriptif et prescriptif des approches des auteurs comme Jean Meynaud, Jean Marie Brohm et d'autres, qui affirment que le sport est politique sur la base d'un recueil de données et d'arguments soulignant la collusion du sport et de la politique et montrer en étant démonstratif et explicatif, non seulement « pourquoi» mais surtout « comment» il devient politique. Cette analyse politique1 du phénomène sportif couvre toute la grande période postindépendance. Elle comprend la phase de 1962 avec «l'option socialiste» et la confiscation du sport par le tout-Etat algérien conduit par le parti FLN jusqu'à la césure d'octobre 19882 et 1 Les systèmes politiques, dans leur rapport avec le sport ne sont discutés que superficiellement. Bien que l'influence du système politique sur le sport soit selon MEYNAUD, le phénomène le plus évident, c'est la question de savoir comment le sport influence le politique ou la fonction qu'il remplit dans un système politique qui a suscité un grand intérêt. La dynamique du groupe et la sociologie du comportement collectif pourront à l'avenir montrer dans quelle mesure et pourquoi le sport favorise la compréhension internationale ou provoque des conflits. Gunther LÜSCHEN, The Sociology of Sport, p. 32. The Hague, Paris 1968, 140 p. D'autre part «l'analyse politique nous aide à comprendre le monde dans lequel nous vivons, à faire des choix plus intelligents parmi les alternatives auxquelles nous sommes confrontés et à influencer le changement» in Robert A DAHL, L'analyse politique, 1973, p. 20, 2 En 1988, les jeunes d'octobre ont dit non à l'ancien régime. En brûlant les symboles de l'Etat autoritaire (les sièges du parti unique, les souks el fellah (grands magasins d'Etat), Air Algérie, l'OPGI), mais surtout le ministère de la jeunesse et des sports qui fut littéralement détruit, les jeunes ont non seulement posé la
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«l'après octobre» qui entraîne le début de la libéralisation de la société avec l'adoption de la Constitution de 1989, la disparition de la référence révolutionnaire et au socialisme et l'ouverture d'un horizon républicain et démocratique par l'instauration du multipartisme. Dès l'indépendance de l'Algérie, l'Etat manifeste sa volonté de contrôler le sport. Par la suite, en élaborant une politique sportivel, il l'organise, se l'approprie et l'utilise à des fins propres. Il faut rappeler d'emblée que dans l'Algérie souveraine, la pratique du sport va relever exclusivement de l'Etat à l'issue de la semi-liberté conditionnelle dont il jouit les premières années de l'indépendance. Activité sociale interministérielle, c'est pas moins de trois ministères qui s'en occupent: le ministère de la jeunesse et des sports, le ministère de l'Education nationale et le ministère de l'Enseignement supérieur, sans oublier certaines organisations syndicales dont l'Union Nationale de la Jeunesse algérienne (UNJA), l'Union Générale des Travailleurs algériens (UGTA), et les collectivités territoriales (APC, communes). Les institutions sportives officielles et étatiques représentent la quasi totalité du mouvement sportif national. L'ensemble des pratiques sportives d'éducation, de loisir populaire, de spectacle ou de représentation internationale, relève de la responsabilité de l'Etat. Nous avons alors affaire à un «sport monopoliste d'Etat» sur le modèle des pays socialistes (ex.URSS, ex.RDA, Cuba). Localisé institutionnellement, comme dans les organisations de la société civile contrôlées par l'Etat, le sport devient «une constante nationale». N'étant pas autonome du pouvoir politique, nationalisé, géré, réglementé, organisé et financé par l'Etat, il ne peut échapper à la règle de la concentration du politique au niveau de l'Etat. Il se trouve alors organisé en un service public à caractère socioculturel dans l'intérêt des masses, selon le Code de l'EPS, à l'instar d'un service public question sociale mais politique: ils ne reconnaissaient plus le ministère de la jeunesse et des sports et montraient la faillite totale de tout ce qui a été entrepris jusque là. Cet échec décrié par la jeunesse est symbolisé par cet événement significatif. Le ministre de l'époque, brillant démagogue, ne peut cette fois utiliser cette arme dont il avait si souvent abusé avec les étudiants quand il était ministre de l'enseignement supérieur au moment des temps forts de la contestation à l'université. Au contraire, il dut son salut en se déguisant en pompier pour fuir le ministère afin d'éviter de tomber aux mains des jeunes insurgés. 1 L'analyse des politiques publiques élargit le champ traditionnel de la science politique centré sur l'étude du pouvoir, de l'autorité, de la légitimité: des régimes, des institutions, des élites et sur la prise de décision, à l'analyse de l'action des pouvoirs publics, de ses produits, de ses résultats et à l'évaluation de ces derniers par rapport aux objectifs affichés, élargissement donc du champ et non point de rupture ou replacement de l'objet traditionnel par un autre. ln Revue internationale des sciences sociales. Les politiques publiques, Approches comparatives, le contexte institutionnel et l'application, n° 108, juin 1986, UNESCO-ERES, p. 169.
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classique comme la santé, l'enseignement ou l'éducation. A ce titre, les modalités d'intervention de l'Etat deviennent multiples: politiques, financières, législatives, administratives, policières et judiciaires. L'Etat assure le bon fonctionnement de tout l'appareil sportif. Son interventionnisme est total. Même les organisations et les associations de la société civile ne sont que de simples courroies de transmission. Seuls sont acceptés quelques îlots de libéralisme dans le secteur commercial des sports de combat (boxe, judo, karaté), le culturisme et le secteur de la forme qui font concurrence à l'Etat qui tolère quelques salles privées dans les grandes villes1. Dans notre cas, l'étude porte sur un pays périphérique du TiersMonde, ancien pays colonisé, ayant accédé à l'indépendance à la suite d'une lutte de libération nationale. Pays en voie de développement, arabo-musulman et à option socialiste pendant une longue période, il est différent de ceux étudiés jusque là car ayant d'autres caractéristiques historiques et sociales. En effet, la formation économique et sociale algérienne2 présente des spécificités idéologiques, politiques, culturelles et sociales. Compte tenu de ces caractéristiques dominantes, nous tenons à préciser que cette étude ne se veut pas «périphérique» en opposition à la vision quelque peu «européocentriste» existante de ce phénomène humain. Recherche spécifique sur un phénomène général et mondial contemporain de la Révolution industrielle, elle tente de combler une lacune et de remédier à cette situation de manque d'investigations sur le TiersMonde3. Il reste vrai que le sport reflète très directement les valeurs de la société occidentale libérale et «en représente le symbole». Néanmoins, des auteurs reconnaissent qu'il change car il est une 1 Des années après la promulgation
du Code de l'EpS,
marchands du muscle qui font des affaires
»
ces salles à la tête desquelles
se trouvent"
des
sont décriées par la presse nationale. ln El Moudjahid du 28
février 1982. 2 Que faut-il entendre par formation socio-économique? C'est une réalité historique particulière composée d'un mode de production déterminé et de l'ensemble des rapports sociaux non économiques qui se sont développés sur la base de ce mode de production et lui correspondent. Cette sorte de société, différente de celles jusque là étudiées correspond à une ou diverses manières de s'approprier le sport et de le faire fonctionner pour son propre compte. 3 L'état des lieux en sociologie du sport établi par Raymond THOMAS et qui ouvre son ouvrage Sociologie du sport, PUF, collection Pratiques corporelles, Paris, 1987, p. JO, développement des travaux réalisés en sociologie du sport dont l'essentiel porte sur du sport quotidien dans les sociétés industrialisées occidentales. Peu de choses sur très peu d'investigation sur le Tiers-Monde; cette situation est assurément provisoire
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«reflète bien l'inégal les fonctions sociales la haute compétition, ».
structure protéiforme ». Il se transforme en relation avec le contexte social dans lequel il s'insère. Pour les fonctionnalistes comme Raymond Thomas, le sport, «par ses métamorphoses, se découvre de nouvelles fonctions. Il posséderait donc des fonctions immuables et des fonctions variables selon l'environnement culturel». Il faut aussi bien distinguer les fonctions attribuées et les fonctions réelles, les fonctions manifestes et les fonctions latentes. Possédant une multiplicité de fonctions, il n'est pas le même dans les sociétés dominantes et les sociétés dominées. Cependant, la démarche d'intelligibillité de la possession d'une multiplicité de fonctions ou l'attribution excessive de fonctions au sport se décrédibilise. Pour notre part, ne nous situant pas dans cette démarche, nous préférons au concept de fonction celui d'usage car le sport devient un moyen politique au service de ce que l'on veut en dernier ressort et produit des effets politiques pour paraphraser Max Weber à propos des faits économiques. Nous nous sentons plutôt assez proches des «contextualistes» et nous ajoutons un autre facteur qui agit sur la fonction du sport: la notion de temps. Ce facteur, de la transformation de l'histoire culturelle des pays, nous le retrouvons chez Jean Meynaud dans la contestation des thèses de J.M. Brohm. Ce dernier, qui a cristalisé de très nombreuses critiques, en refusant toute l'histoire et toute existence autonome du sport moderne, (ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord), considère cette activité comme un simple élément de la structure industrielle capitaliste puisque le sport que l'on ne saurait étudier valablement hors de la totalité des rapports sociaux dans lesquels il est intégré, condense les traits typiques des catégories et des structures du processus capitaliste. En d'autres termes ce sont l'esprit et les techniques du capitalisme qui onfait du sport ce qu'il est aujourd'hui1. A cette critique, se rajoute celle de Joffre Dumazedier faite à Jean Marie Brohm concernant son travail selon laquelle son modèle n'est qu'une construction théorique ne correspondant pas à ce qui se déroule sur le terrain et qu'il s'adresse non pas à la société capitaliste mais à la civilisation technicienne. Pour les autres critiques formulées au courant freudo-reichien-marxiste, on peut se référer au travail récapitulatif de Claude Bayer qui cite C. Pociello, M. Bernard, G. Vigarello, D. Denis, Y. Adam et R. Thomas2 et à celui de Pierre «
1 Critique de la thèse de Jean Marie BROHM par Jean MEYNAUD in Sport et politique, 2 Claude BAYER, Epistémologie des activités physiques et sportives, 1990, p. 174-175.
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1966, p. 267.
Sansot montrant les limites «d'une approche militante »1 Nous pouvons ajouter à notre tour que Jean-Marie Brohm a effectué une généralisation de la multifonctionalité du sport sans avoir étudié les formations économiques et sociales de la périphérie puisqu'il ignore les sociétés coloniales dominées où le sport est un oxymore. Ainsi, toutes ces postures montrent la nécessité d'autres approches sur le sport dans les sociétés post-coloniales. L'étude du cas algérien dans la relation sport et politique présente un intérêt sur un double plan. Sur le plan de la recherche, si les aspects économiques, politiques et culturels de l'Algérie ont une part substantielle de réflexion universitaire en sciences sociales et chez les intellectuels «libres» parce qu'ils constituent un enjeu capital dans la compréhension de la société, en revanche le phénomène sportif, n'a pas encore été l'objet de recherche prestigieuse sous l'angle de la sociologie politique jusqu'à ce jour. Les universitaires s'en désintéressent parce qu'ils le considèrent comme un petit objet, non sérieux et non valorisant socialement ni sur le plan universitaire. C'est également un point aveugle analytique. Ils n'accordent de sens et d'intelligibilité qu'aux phénomènes purement honorables ou jugés comme tels. Pourtant aujourd'hui se pose la nécessité d'interroger, de décortiquer le sport, de cerner tous les aspects de cette réalité sociale imprégnée de politique. Cette étude peut être également une contribution à la constitution d'un corpus documentaire nécessaire à l'histoire politique du sport. En effet, il existe une littérature technique et de pédagogie sportive et les productions officielles rentrent dans le cadre du processus d'idéologisation du sport. L'historiographie officielle algérienne consacre quelques pages au sport dans l'introduction au code de l'EPS. Un véritable travail sur l'histoire sociopolitique du sport reste donc à faire afin de sortir de l'histoire nationaliste et partisane. A l'université, l'étude parcellaire et atomistique du sport en est à ses premiers pas. Elle mérite d'être poursuivie sérieusement et durablement sous l'angle de la sociologie politique et des sciences sociales. Les travaux de recherche des instituts de sport à Alger et de doctorants algériens à l'étranger, privilégient substantiellement la recherche opérationnelle qui a pour objectif, dans la majorité des cas, un apport immédiat pour une 1 Pierre SANSOT, Les formes sensibles de la vie sociale, 1986, op. cité, p. 63 et s. Vers une sociologie émotions sportives.
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des
amélioration
des résultats sportifs, de la performance
dans la logique
du toujours mieux: « Citius, Altius, Fortius », en conformité avec la devise du CIO. Cet appauvrissement s'est accentué car les grandes tendances de la recherche en Algérie donnent la primauté aux sciences exactes qui rentrent mieux dans la recherche-action ou recherchedéveloppement, reléguant au dernier plan les sciences sociales et encore plus le sport. Notre méthode d'approche s'appuie sur un ensemble de données empiriques!, parfois partielles relatives à différents aspects du phénomène sportif en Algérie, constitué pour l'essentiel pour le palier de la période récente postindépendance, le temps court ou temps présent (une trentaine d'années), de documents officiels du ministère de la jeunesse et des sports2 et la presse écrite3 (journaux quotidiens, hebdomadaires, mensuels et revues) parue de l'indépendance à nos jours. De nombreux entretiens avec les acteurs du sport (sportifs, dirigeants, supporters, responsables du ministère de la jeunesse et des sports) complètent le corpus d'étude. Là aussi il est clair que les témoignages doivent être relativisés car nous avons remarqué une véritable rationalisation a posteriori qui parfois estompe une part du réalisme et de l'objectivité. Notre travail qui utilise les techniques de l'analyse de contenu de ces nombreux documents et des interviews, combine les analyses diachronique et synchronique4 de tout le cheminement du sport algérien depuis sa prise en charge au moment de l'indépendance jusqu'à l'élaboration d'une véritable politique sportive algérienne. 1 A ce jour, nous n'avons pas eu connaissance d'enquêtes d'envergure, fiables, d'études réalisées, et d'articles de revues scientifiques, etc... Les matériaux sont très peu nombreux. 2 Nous avons aussi observé que les statistiques émanant des différents responsables politiques et décideurs du ministère de la jeunesse et des sports sont gonflées. Leur fiabilité doit donc être relativisée. 3 Durant la période du parti unique et de la pensée unique, la presse écrite spécialisée ou non en sport s'est constamment fait l'écho de la pensée politique officielle. C'est la voix de son maître, une presse de connivence. Très rares sont les critiques faites au pouvoir.
4 Paul VEYNE dans La société romaine, s'interroge: « toute recherche est-elle indéfinie par nature et sans jamais aboutir n'est-elle qu'inquiétude et mouvement, négation toujours recommencée, provocation si l'on veut », ou comme l'écrit Richard RORTY, «tendance à toujours poursuivre la conversation autour de l'infinité potentielle des descriptions du monde ». La recherche, elle, se sent moins, j'imagine, encadrée par des règles que sous-tendue par un foisonnement indéfini, quelque chose d'illimité, un chaos de la précision et elle se fait à coup d'imagination. Mais il y aura toujours deux genres d'esprit, ceux qui partent de la fascination de ce chaos et ceux qui en ont peur et partent du souci de nous rappeler qu'il faut les règles. Entre ceux-ci et ceux-là, le dialogue est plus impossible et inutile que fécond. Ne vantez jamais aux historiens l'infinité des descriptions possibles, ne comparez pas l'histoire à la peinture de paysage: ils risquent de croire que vous doutez de leur intégrité professionnelle.
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Le sport est un fait social particulier qui renvoie à l'ensemble d'un système, «au tout d'une société» et qui en révèle les structures profondes1. C'est un système pluriel de relation des différents éléments entre eux. Et comme le dit Edgar Morin, «une connaissance qui isole son objet, le mutile, le trahit. L'erreur la plus grande, c'est d'isoler un objet par rapport à son environnement, d'isoler l'individu par rapport à la société, la croissance économique par rapport à l'environnement, un système par rapport à un écosystème »2. C'est pourquoi, la signification politique3 n'évacue pas totalement les autres aspects. Pour reprendre l'expression de François Furet, «du vagabondage sur tous les terrains », notre champ d'étude a de nombreuses entrées. Nous faisons donc intervenir plusieurs considérations, (historiques, sociologiques, anthropologiques) pour éclairer l'approche politique. D'autre part, si nous convenons que la politique sportive est la traduction et l'expression d'une volonté étatique qui a pour objet la détermination et la réalisation d'objectifs en fonction de données et de moyens disponibles pour les atteindre, nous analyserons le processus de confiscation du sport par l'Etat FLN, les moyens mis en pour atteindre les objectifs programmés, déclarés. A travers les opérations de l'Etat en matière de financement, de moyens humains: de formation des cadres en sport et leurs profils de poste de travail, nous verrons principalement les enjeux politiques, sous-tendant cette pratique politique sportive et qui sont décodés à l'aide de l'analyse de contenu des discours des gouvernants et des documents officiels constituant le cadre de référence (exégèse des textes fondamentaux du pays, Charte nationale, Constitution, Code de l'EPS, instructions officielles, textes règlementaires du MJS). Les objectifs visés par les œœœœœœpouvoirs successifs à travers ces mêmes textes fondamentaux et les rôles qu'on veut faire jouer au sport sont précisés. Les préférences sur lesquelles se fondent ces décisions sont-elles cohérentes? Recherche-t-on réellement ce qu'on énonce, le bien-être social? La compréhension des mobiles de l'Etat (le sous-jacent, ce qui est caché) et de la place de cette activité ludique dans la société 1 Guy BOURDE-Hervé MARTIN, Les écoles historiques, Seuil, Paris, 1983, p. 217. 2 Le Monde du mardi 26 décembre 1991. 3 Marcel MERLE définit le politique comme la dimension qui récapitule toutes les autres. activité de synthèse ou science carrefour.
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C'est une
algérienne, permet de cerner l'utilisation politique qu'on fait de l'intensité des passions collectives et des situations d'effervescence qui portent l'empreinte1, suscitée par le sport de haute compétition, en particulier de l'équipe nationale de football, des équipes et des athlètes de haute performance lors des rencontres internationales et des clubs pendant les finales de coupe et de championnat d'Algérie. Il nous faut dépasser certaines idées communément admises pour mettre à jour les caractéristiques, les modalités de la singularité de cet usage. Dans une autre sous partie, les résultats obtenus par rapport aux objectifs visés sont évalués. D'ailleurs les approches d'évaluation d'impacts et d'évaluation opérationnelle2 ne seront pas utilisées afin de dépasser le jugement, le bien-fondé, l'efficacité, l'efficience des interventions de l'Etat dans la politique sportive. Pour notre part, nous privilégierons ses réelles motivations et les réponses des destinataires. On voit alors le comportement social des citoyens face à cette sollicitation sportive de l'Etat et leur propre usage politique du sport. Cette étude doit déboucher sur l'explication de l'articulation et des rapports d'un secteur particulier de la société civile, le sport et le pouvoir politique dépassant ses frontières. Celles-ci vont sauter visiblement, avec le changement politique de l'Algérie, suite à la mise en place du multipartisme en 1989. Dans les années 90, les partis politiques n'hésitent pas à intègrer le sport dans leur stratégie électorale. Ce puissant médium va intervenir directement dans les campagnes électorales3. Les partis exploitent la notoriété des sportifs ] Selon l'expression de Christian BROMBERGER, op. cité. Cependant cet auteur s'est intéressé à une ethnologie des passions vue principalement du côté des passionnés. 2 Eric MONNIER, Evaluation de l'action des pouvoirs publics. L'évaluation d'impacts. de nombreux ] 992, p. 102-103. La conception artefacts, la plus traditionnelle, probablement la plus rustre de l'évaluation est centrée sur la question simple: dans quelle mesure le programme a t il produit les effets attendus, autrement dit les effets observables sont-ils conformes aux objectifs préétablis? Cette approche qui confronte les résultats aux objectifs initiaux du programme est encore de nos jours fréquemment employée. L'évaluation opérationnelle: le primat de l'efficience. La question centrale se formule ainsi: le choix et la mise en œuvre des moyens ont-ils permis d'atteindre les objectifs programmés. 3 Mais, c'est en France, que de nombreuses études sont faites par les instituts des partis politiques sur cet objet. Colloques, rencontres, journées de réflexion sont organisés sur les enjeux. Le marketing politique l'utilise puisque les hommes politiques développent une certaine image de sportifs. Certains maires par clientélisme et électoralisme, vont jusqu'à financer le déficit des clubs. Deux hommes politiques, Bernard Tapie en France et Berlusconi en Italie, présidents respectifs de deux grands clubs de football, l'Olympique de Marseille (l'OM) et l'AC de Milan, doivent, en partie, au football leur ascension politique fulgurante. Le football est bien un formidable instrument de communication. Dans une interview au journal de 20 heures d'Antenne 2 en date du ]8 janvier 1995, à propos des candidatures à la présidentielle de Lionel Jospin et de Henri Emmanuelli, Bernard Tapie répond péremptoirement: «Jospin croit que les 2,5 mil/ions d'électeurs qui ont voté pour nous, pour le parti radical sont des gens irresponsables qui
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de renom dans leur comité de soutien ou sur leurs listes électorales. Leurs responsables se font voir sur les gradins des stades. Les sportifs de haut niveau, surtout les médaillés, ne craignent pas de manifester leur soutien publique aux hommes politiques. Hassiba Boulmerka, championne olympique du 1500m en 1992 à Barcelone, mène campagne pour le candidat Zeroual en 1995. En 2002, d'aucuns interviennent même dans les meetings des candidats des partis politiques à la députation. On peut citer le cas de Nourredine Morcelli (champion du monde et champion olympique du 1500m), de Noria Benidja-Merah (championne olympique du 1500m) et Mohamed Benguesmia (Champion du monde, champion d'Afrique, médaille d'or aux jeux méditerranéens de Bari, de boxe), qui ont pris part à ceux du FLN et ont soutenu le secrétaire général du FLN, Ali Benflis candidat à la course à la présidentielle de 2002 contre Bouteflika. Même, le candidat du parti islamiste El Islah, Abdallah Djaballah, en octobre 2002 à Skikda, ne craint pas, avant son meeting, de prendre le chemin du stade où se déroule un match. Les supporters du club local la JSMSkikda, des jeunes et des enfants pour l'immense majorité, qui remplissent les tribunes, en pleine disposition psychologique après la victoire de leur club, sont littéralement siphonnés par le leader islamiste et entrainés ensuite à la salle omnisports où se déroule la rencontre politique. Pour le référendum du 29 septembre 2005 sur le projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale initié par le président de la République, le sport est «surimpliqué ». Le 17 septembre 2005, les représentants du mouvement sportif national, les présidents de clubs et d'associatives sportives, réunis au siège du comité olympique algérien, à Ben Aknoun, adoptent une motion dans
laquelle « ils déclarent accueillir avec satisfaction ce projet qui répond aux profondes aspirations de la famille sportive algérienne et inscrites dans la Charte olympique et dans les différents statuts des fédérations et associations sportives nationales ». «Ils adhèrent pleinement au contenu et à la philosophie du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale qui vise à l'établissement d'une société pacifique soucieuse de préserver la dignité humaine et appellent l'ensemble du Mouvement sportif national à le soutenir et à contribuer
aiment le football. Emmanuelli lui, pense que c'est pour notre programme )i, En fait cette déclaration de Bernard Tapie qui veut évacuer le football du succès, contient en réalité une part de vérité: le football a contribué pour une grande part à l'élaboration de l'image politique de Tapie.
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avec tous les moyens dont il dispose au succès du référendum du 29 septembre 2005 »1. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Yahia Guidoum, demande à la communauté sportive d'y adhérer et souligne l'importance du sport comme «moyen d'affirmer la souveraineté de l'Algérie ». Pour lui, le projet de charte, est « un projet politique important pour l'avenir du pays ». Aussi, il invite
l'assistance à entreprendre « un travail de proximité pour sensibiliser au mieux les sportifs» à un vote massif en faveur de la Charte. Pour sa part, le président du COA, M. Mustapha Berraf, affirme péremptoirement que «le COA a le devoir de s'impliquer, de toutes ses forces et avec toutes ses capacités, dans le projet de réconciliation nationale ». Pour ce faire, il commande à tous les partisans du sport national «de s'inscrire dans cette démarche et d'y participer activement avec toutes les forces vives qu'il représente»2. Ce faisant, il considère les sportifs comme des citoyens sans libre arbitre, sans couleur politique, sans parti et formant un groupe homogène totalement uni. En conséquence de quoi, il contredit totalement les règles de la charte olympique d'indépendance du sport vis à vis du politique. En effet, parmi les 16 points précisant le rôle du CIO, le 10° point précise qu'il doit s'opposer à toute utilisation abusive politique ou commerciale du sport et des athlètes. Rappelons que les CNO doivent préserver leur autonomie et résister à toutes les pressions, y compris, mais sans s'y restreindre, les pressions politiques, juridiques, religieuses ou économiques qui pourraient les empêcher de se conformer à la charte olympique. Les chefs islamistes ne sont pas en reste de cette implication dans le projet de charte. Le mardi 20 septembre 2005, c'est Madani Mezrag, chef terroriste, ex-émir de l'Armée Islamique du Salut en personne, qui donne, le coup d'envoi du «marathon de la réconciliation », devant l' APC de Jijel, en présence des autorités locales. Les marathoniens devront parcourir la distance Jijel-Alger, où ils seront accueillis au stade du 5 Juillet à l'occasion du dernier meeting du président Bouteflika3 C'est sous la présidence de M. Abdelaziz Bouteflika, que le sport prend une grande dimension et devient un véritable enjeu d'image. Malheureusement, Bouteflika ne lui définit pas de programme comme l'avait fait le 1 El Moudjahid. dimanche 18 septembre 2005. 2 El Moudjahid, samedi 17 septembre 2005. 3 Liberté Algérie, mercredi 21 septembre 2005.
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Général de Gaulle en 1960 à la suite de la défaite française aux JO de Rome lorsqu'il déclare: Le sport, j'en fais mon affaire. Dans cette logique, Abdelaziz Bouteflika va jusqu'à accepter sa nomination par la Fédération internationale de footballeurs professionnels (Fif- Pro)l, en tant qu'ambassadeur des joueurs de football du monde entier contre le racisme, pour l'année 2007, titre pompeux, vide et non officiel car n'ayant aucune existence légale ni légitime, devenant ainsi le défenseur d'un syndicat de joueurs professionnels de football. Dans sa stratégie de communication, le président Bouteflika est ravalé au rang de syndicaliste. Son rôle central au sein de l'Etat algérien ne doit pas être rabaissé à ce rang inférieur. En effet, le 19 novembre 2006, lors d'une cérémonie au Palais du peuple (Alger) à laquelle assistent notamment, M. Yahia Guidoum, ministre de la Jeunesse et des Sports, le président de la Fédération algérienne de football (FAF), le président de la PIF-Pro, le président de l'Union africaine des footballeurs (UAF) M. Mourad Mazar, le vice-président du football club de Barcelone M. Joan Boix, ainsi que, le joueur vedette de cette équipe Samuel Etoo, il reçoit, «la médaille de la paix de la Fédération internationale de footballeurs professionnels) ». Il s'est également vu offrir par M. Boix, un maillot de football du club, frappé en son nom ainsi qu'un autre dédicacé par le joueur Etoo. A cette occasion, M. Piat indique que «sa Fédération, est fière et très honorée de la manière avec laquelle elle a été reçue cette année et l'année précédente par le président Bouteflika qui a une connaissance parfaite du football ». Selon lui, la politique de la PIF-Pro est «le développement du football mais aussi, le développement de la paix et de l'antiracisme ». A ce titre, il exprime le souhait de sa Fédération « de voir le président Bouteflika à ses cotés dans la lutte contre le
racisme, mise en avec la FIFA, sur tout le continent africain prioritairement et dans le monde entier »2. Cette nouvelle fonction démagogique et banale, découverte par ses courtisans, qui flatte son orgueil, entraîne une grave atteinte portée au plein de superbe et de majesté de la République, mais également à l'image de marque et au respect dus à un président de la République en fonction. Elle ne fait
1 La FIF-Pro a été créée le 15 décembre 1965 pour défendre les droits des footballeurs professionnels. Elle est composée de 42 membres dont cinq d'Afrique: Algérie, Cameroun, Egypte, Nigeria et Afrique du Sud, pour 44 000 joueurs de football professionnels. 2 El Moudjahid, Lundi 20 novembre 2006.
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pas partie de ses attributions telles que définies par la Constitution algériennel. Le président de la République ne peut être nommé ambassadeur car c'est lui qui nomme les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires de la République algérienne à l'étranger (article 78 de la constitution algérienne de 1996). Son pouvoir de nomination aux hautes fonctions de l'Etat est donc atteint. C'est une sorte de « désacralisation du corps politique du roi »2.
1 27 articles (de 70 à 97) sont consacrés au pouvoir Exécutif par la Constitution de 1996. 2 Cependant, l'affiche vantant la Réconciliation nationale et portant comme titre: Football. Fierté et Dignité. Sous le haut patronnage de son excellence le Président de la Répubique Mr Abdelaziz Bouteflika, dans laquelle on voit le Président en costume dans un stade de football vide les mains posées sur un ballon de football qu'un adolescent en survêtement de sport et coiffé d'une casquette lui présente en souriant tout en lui déclarant: «Vous êtes la Réconciliation, Nous sommes l'Avenir, Tous pour l'Algérie» est moins
compromettante.
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PREMIERE PARTIE: L'ALGERIE INDEPENDANTE ET LA « QUESTION SPORTIVE»
Dans cette partie, il sagit d'analyser la politique sportive de l'Etat algérien, traduction et expression d'une volonté politique et la réaction des citoyens. Nous nous situons alors aussi bien du côté des décideurs que de celui des usagers (pratiquants, encadrement, supporters). Partant de là, nous allons voir à travers la gouvernance du sport, à quoi sert réellement cette intégration-assimilation de la pratique sportive pour l'Etat-FLN nationaliste, aujourd'hui. On remarque tout d'abord que le sport, produit de l'Occident et de la colonisation fait l'objet d'une option totale et irréversible sans aucune contestation, bien que cette filiation soit très souvent occultée. Rappelons cette évidence communément admise par bien des auteurs que le sport est né dans le monde occidental développé. Le Flochmoan comme Jacques Ulmann, dans son étude sur la genèse du sport, ne croit pas à la pérennité du sport bien que les jeux soient communs à tous les hommes, quelles que soient les différences de siècles, de civilisations et qu'ils ne furent en aucune façon un privilège des races et des nations d'Europe occidentale. De plus, on les retrouve aussi bien chez les primitifs que chez les Arabes ou les Japonais des temps les plus reculés ou chez les Aztèques. Et la compétition physique permanente ne permet pas d'affirmer qu'il est « vieux comme le monde» pour reprendre le titre de Vimard1. Pour lui, le sport moderne, tel que nous l'entendons aujourd'hui, est apparu à un moment donné. Il exige autre chose qu'une pratique ou que le simple désir de jouer. Il n'est point de sport sans que l'esprit des sportifs retienne, de façon plus ou moins consciente et élaborée, un certain nombre de motivations ou, s'il on préfère de valeurs spécifiques. En conséquence de quoi intervient la rupture historique. Continuant sa démonstration, et réfutant d'une manière minutieuse toute la filiation avec les jeux, il arrive à l'affirmation suivante: C'est en Angleterre qu'il faut chercher les origines du sport. Après avoir été au 18e siècle un passe-temps de gentleman désireux d'occuper son oisiveté qu'un amusement populaire où quelques uns trouvaient de surcroît leur profit, le sport connaîtra au 1ge siècle une modification profonde2 et se constitue en tant que teP. Cette réfutation du postulat évolutionniste 1 Jacques ULMAN op.cité, p. 321 et suivantes, ouvrage paru en 1965. 2 1dem., p. 322. 3 Pierre BOURDIEU se demande si l'apparition du sport au sens moderne du terme n'est pas corrélative d'une rupture (qui a su s'opérer progressivement) avec des activités qui peuvent apparaître comme les
ou continuité génétique, entraînant une confusion savamment entretenue entre le sport antique et le sport moderne, a d'autre part, la clarté de situer spatialement la naissance du sport moderne, pur produit de la modernisation occidentale et élément substantiel de la culture contemporaine. Ce refus de la vision expéditive affirmant que le sport est de tous les temps se retrouve déjà chez Jean Dauven, dans son ouvrage Le sport publié en 1942. Il réfute cette idée de rattachement du sport moderne avec le sport historique car il est très facile de le faire. Il suffit de chercher pour dénicher n'importe oÙ, soit le goût d'un exercice physique, soit un désir de briller dans les compétitions qu'on pourra toujours assigner comme ancêtre à un jeu moderne ou au sport en général. Ce n'est pas tout. Il refuse la liaison avec les pratiques corporelles des autres cultures, les jeux locaux et les sports régionaux. Cette réfutation de la continuité des jeux traditionnels en sport moderne est également développée par Georges Vigarello et Roger Chartier]. Cette fois les auteurs introduisent d'autres éléments de rupture radicale entre les jeux traditionnels et les sports modernes tels que la neutralité des compétitions, la création d'espaces inédits, la temporalité propre, les règles universelles. Dans sa théorie du centre diffusionniste, Norbert Elias explique que de nombreux sports pratiqués aujourd'hui de manière plus ou moins identique dans le monde entier sont originaires d'Angleterre qui fut le berceau et la mère spirituelle du sport2. Dans un autre ouvrage, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, paru en 1994, Norbert Elias et Eric Dunning récidivent: pour eux le sport moderne n'a rien à voir avec les formes des sociétés anciennes et ils ne le font pas entrer dans une continuité linéaire qui remonterait à l'ère des jeux traditionnels. Ils construisent en revanche un objet dont on peut dater l'apparition, les formes, les règles et la fonction spécifique. En effet, si l'on se réfère à la terminologie arabe qui désigne les quatre sports collectifs, le football, le basket-baIl, le volley-ball et le handball, on trouve le terme générique Koura (la balle) auquel se rajoute un qualificatif désignant «ancêtres» des sports modernes, rupture corrélative de la constitution d'un champ de pratiques spécifiques qui est doté de ses enjeux propres, de ses règles propres, et où s'engendre et s'investit toute une culture ou une compétence spécifique (qu'il s'agisse de la compétence inséparablement culturelle et physique de l'athlète de haut niveau ou de la compétence culturelle du dirigeant ou du journaliste sportif, etc...). ln Questions de sociologie, p. 175. L'apparition des sports modernes est contemporaine de la constitution d'un champ de production de produits sportifs. ] Trajectoires du sport in Le Débat n° 19 Février] 982. pp. 35-58. 2 Sport et Violence in Actes de la recherche en sciences sociales. 1975.
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le type de technique utilisée. C'est la traduction littérale des termes occidentaux. C'est pourquoi le football est appelé Kourat el Kadem, (la koura au pied), le volley-ball Kourat et Taïra, (la koura en l'air), le basket ball Kourat es Sella, (la koura au panier), le handball Kourat el Yed, (la koura à la main). Cette désignation terminologique prête à confusion. Elle conforterait la tendance évolutionniste du jeu présportif pratiqué par les Arabesl, la Koura comme l'ancêtre des quatre sports collectifs. Or les sports collectifs sont de véritables corps étrangers qui ont été assimilés par les Arabes. Ce sont des sports occidentaux empruntés aux Anglo-Saxons. La seule ressemblance de la Koura se trouve avec les jeux de crosse tel que le hockey. Cette assimilation d'un élément étranger, autour de laquelle existe un véritable consensus national est un des «acquis irréversibles» de l'Algérie indépendante. Pour paraphraser l'écrivain Kateb Yacine à propos de la langue française, le sport est «un butin de guerre» précieux, la capture d'une richesse sur autrui. Donc, c'est un trésor incontesté. Seuls les islamistes s'opposent radicalement au sport féminin car ils y voient un cheval de Troie de l'Occident.
l Jean LE FLOC'HMOAN,
La genèse des sports, op. cit., p. 40.
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CHAPITRE I: QUE FAIRE? ENTRE CONTINUITE ET SEMI LIBERTE DU SPORT Après la période de transition au cours de laquelle l'Algérie est gouvernée par l'Exécutif Provisoire détenteur de l'autorité de fait, conformément à l'article 24 du titre VII des accords d' Evian, admettant l'indépendance de l'Algérie, l'intégrité du territoire national et la souveraineté de l'Etat algérien en dedans et en dehors, les pouvoirs détenus par l'Exécutif Provisoire de l'Etat algérien sont transmis en septembre 1962, par Abderahmane Farès à l'Assemblée Nationale Constituante, institution fondamentale détentrice de la souveraineté nationale. Le nouveau pouvoir assurant les destinées du pays, né de l'alliance entre le bureau politique du FLN dirigé par Ben Bella et «le groupe d'Oujda» à la tête duquel se trouve le chef d'Etatmajor de l'ALN, le colonel Houari Boumédienne, tient à contrôler le mouvement sportif national naissant à l'instar de la société civile, alors qu'on peut supposer qu'îl est occupé par d'autres urgences. La lutte pour la conquête du pouvoir ayant à peine commencé, il manifeste un intérêt certain pour le sport auquel il ne laisse pas totalement le champ libre. Par conséquent la confiscation par l'Etat FLN du sport entamée tôt, sera progressive et deviendra totale. Ce processus nécessitera des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs programmés et déclarés.
~ 1 L'Etat-FLN
veut confisquer le sport
Avant de décrire et d'analyser le processus diachronique de confiscation et de mise sous tutelle progressive du sport par l'Etat, voyons comment s'est posée, tout d'abord sur le plan doctrinal et idéologique, la question sportive pour l'Algérie indépendante?
A La question doctrinale du sport du FLN 1) Au plan idéologique et théorique Si nous partons du discours politique dominant et particulièrement du postulat que la révolution algérienne est le recouvrement de la souveraineté nationale et la construction d'un Etat-
Nation nouveau qui aura plusieurs tâches d'édification, on remarque l'affirmation que cette construction passe par un retour aux sources, à la base, aux fondements de la société algérienne très souvent déclamé. On peut supposer alors que le programme de construction nationale comportera une véritable effervescence anthropologique 1. Pour les dirigeants, l'indépendance est un réel nativisme 2 qui va s'exprimer par un retour et une récupération de soi. Puisque la colonisation avait dépossédé les colonisés non seulement de leur nature et de leur culture, la décolonisation sera donc une renaturation et une reculturation, une réadaptation de la culture à la nature et inversement. Dans ce processus global, Frantz Fanon n'oublie pas les clubs sportifs: libération nationale, renaissance nationale, restitution de la nation au peuple... quelles que soient les rubriques utilisées ou les formules nouvelles introduites, la décolonisation est toujours un phénomène violent de remplacement. A quelque niveau qu'on l'étudie:rencontres interindividuelles, appellation nouvelle des clubs sportifs...la décolonisation est le remplacement d'une « espèce» d'hommes par une autre espèce d'hommes. Sans transition, il y a substitution totale, complète, absolue3 Cette position radicale de substitution institutionnelle, structurelle et symbolique à tous les niveaux, touche même les associations sportives. Pour les arabophones, c'est surtout et avant tout « un retour à l'authenticité », à l'arabité. Néanmoins, c'est dans les textes de la révolution algérienne que l'on trouve des précisions qui dépassent les simples déclarations d'intention. Dans un article d'El Moudjahid du temps de guerre, intitulé «Résurrection nationale et révolution démocratique », il est précisé que «la résurrection de la culture algérienne ne serait ni profonde ni féconde, si elle devait dépendre uniquement d'une tâche d'adaptation et de confrontation intellectuelles... Ce en quoi la culture algérienne nouvelle, fruit renouvelé du génie national algérien, est en même temps fruit nouveau de la révolution démocratique»4. Le sociologue tunisien Bouhdiba Abdelwahab développe la même thèse dans son étude sur les trois concepts de açala (authenticité), de tawra 1 Jacques BER QUE, La dépossession 2
Nom
popularisé
par LINTON
pour
du monde, p. 68. désigner
les mouvements
très divers créés par les membres d'une retour aux sources» ce qui les amène " les objets et les coutumes d'origine étrangère.
société traversant une crise et recherchant une vie meilleure par un d'abord à éliminer de leur culture les personnes, 3 Frantz FANON, Les damnés de la terre, 1982, p. 5. 4 Journal du Front de libération nationale, na 17 du 1 février 1958.
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(révolution) et de baâth (résurrection )1. Ces concepts de résurrection et de révolution sont proches des conceptions du philosophe allemand Fichte (1762-1814) qui convia les Allemands au sursaut national, ainsi que de celles de la révolution nationale de Vichy. Ce faisant, si on se réfère à ces postures philosophiques et politiques, pour «les révolutionnaires algériens radicaux» de l'époque, les tâches nouvelles qui les attendent ne sont donc pas des tâches d'appropriation de ce qui existe, mais surtout de construction et de création d'un Etat nouveau. Ainsi le sport, lui non plus, ne doit pas échapper à cette logique, à cette volonté consciente d'édification. Cette obligation de changement, existe à l'état brut et d'une manière permanente dans la conscience et la vie des colonisés. Elle se doit de changer l'ordre ancien et entraîner inévitablement un programme de désordre absolu. Dans les faits, ce ne fut pas le cas en ce qui concerne le sport. Comme le dit Frantz Fanon, toutefois, il est plus facile de proclamer qu'on rejette que de rejeter réellement2 Loin d'abolir l'ordre ancien ou d'innover radicalement, le nouveau régime va procéder par sédimentations et superpositions de pratiques et d'institutions tout à la fois abandonnées par le colonisateur, réactivées et transformées mais presque toujours pieusement conservées par les dirigeants. Dans le nouveau système sportif naissant, il n'y a aucun apport de pratiques physiques nationales ni de surgissement de jeux traditionnels. N'ayant pas été l'objet d'études et d'idées essentielles formulées dans les différents programmes de la révolution, l'héritage du passé sportif colonial va donc avoir un poids plus grand que la volonté réformatrice exprimée au niveau du discours idéologique ou à travers les quelques nouveaux textes réglementaires. Seul Frantz Fanon suggère que la jeunesse doit être orientée plus vers les champs, les écoles et les usines pour reboiser, reconstruire que vers le stade pour se défouler et jouer. Il met en garde contre «la conception de la fortification de l'âme, de l'épanouissement des corps, de la facilitation de la manifestation des qualités sportives propres à la jeunesse des pays dévelopés ». Pour lui, «la jeunesse d'un pays sous-développé est souvent une jeunesse désœuvrée. Il faut d'abord l'occuper. C'est pourquoi le commissaire à la jeunese doit être institutionnellement
1 Abdelwahab BOUHDIBA, A la recherche 2 Frantz FANON, op. cil., p. 151.
des normes perdues,
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p. 47 et s.
rattaché au ministère du Travail »1. Il rejette le jeu et magnifie le travail. Cependant, dès son premier numéro du 19 septembre 1962, le journal Al Chaab proclame: le sport a un rôle capital à jouer dans l'Algérie de demain contredisant magistralement Frantz Fanon. Il est relayé par Ben Bella qui dans son discours programme du vendredi 28 septembre 1962, ne méconnait pas l'ampleur de la question de la jeunesse: Vous n'ignorez pas que 54 % des Algériens ont moins de 20 ans, ce qui pose de vastes problèmes et ouvre de larges perspectives aux dirigeants du pays. Il souligne que les sports et leur développement seront une préoccupation essentielle du gouvernement et qu'une politique de la jeunesse masculine et féminine sera poursuivie sans relâche en liaison avec l'université et l'éducation nationale. Ainsi toute la jeunesse algérienne, filles et garçons, ira à la fois au champ, à l'usine et au stade, ces activités n'étant pas incompatibles. 2) Sur le plan des luttes politiques au sommet que connaît le pays, pendant «la période ben belliste, 1962-1965 », le sport est le seul secteur de la culture où il n'y a pas de heurts politiques majeurs. Il n'est pas devenu matière à dispute politique. Il ne suscite pas de grandes passions pour son appropriation et n'est nullement traité avec passion. A ses débuts, le système sportif (le sport civil aussi bien que le secteur de l'éducation physique et sportive), n'est pas fortement instrumentalisé. Il est présenté et perçu comme partie prenante de la persistance d'institutions relativement neutres, car il n'a pas été compromis dans l'entreprise de domination coloniale, mais au contraire il a été un terrain de résistance nationale et a même joué un rôle diplomatique dans la lutte de libération nationale grâce à «la glorieuse équipe du FLN ». Au commencement, il faut reconnaître qu'il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause le fonctionnement de cet appareil squelettique, mais de le développer, de le renforcer en aménageant des adaptations en conformité avec les exigences du moment. Alors que de nombreux débats secouent la société
concernantla « personnalité algérienne» et l'«aliénation» culturelle du bilinguisme, les grandes querelles autour de ces thèmes opposent les intellectuels algériens. En effet, la culture est l'objet de surveillance et suscite de grands débats. Déjà en 1960, de la prison de Fresnes, Mr 1 Frantz FANON, ibid, .p.132.
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Ahmed Taleb lbrahimi écrivait au philosophe libanais René Habachi (Esprit 1964) que la culture arabe en Algérie est quasi inexistante. Pourtant, ajoute-t-il, je suis sûr que notre jeunesse ne pourra assumer et assimiler valablement les plus grandes acquisitions de l'Occident sans partir d'un noyau authentiquement original plongeant ses racines dans notre patrimoine culturel. En d'autres termes, il faudrait qu'elle se nourrisse du suc du terroir avant de puiser aux sources étrangères et s'ouvrir aux sciences, idées et techniques modernes. Alors ce «patrimoine culturel» où le trouver? Pour, lui «le fil salutaire»... est dans un mélange de traditionalisme et de religion, représenté par les traditions et les coutumes (niveau le plus humble de la culture) ainsi que par l'islam, le tout sauvegardé, de façon certes rudimentaire mais tenace, par le peuple1, Le pouvoir naissant, n'étant pas indifférent aux enjeux de la
culture va organiser l'administration de la culture. Le « commissariat national à la culture» qui anime, coordonne et contrôle l'action des administrations, organismes et groupements qui interviennent dans le développement ou la diffusion de la culture est crée par décret du 29 février 1964 (J.O.R.A. 3-3). Mourad Bourboune, président depuis l'année précédente de la commission culturelle du FLN est nommé le même jour «commissaire national à la culture»2. Le commissariat d'abord rattaché à la présidence de la République, est placé le 15 avril 1964 (J.O.R.A. 28-4) sous l'autorité du ministre de l'Orientation nationale. On assiste à un glissement vers «une nationalisation» de la culture, un dirigisme culturel et la mise en place de la censure. La politique d'arabisation rencontre des résistances dès son début. Le dr Ahmed Taleb lbrahimi s'est fait lui-même l'écho dans son allocution télévisée du 27 Ramadan. Il s'est plaint que les instructions ministérielles soient parfois «vidées de leur sens» ou encore qu'«on les laisse dans les casiers». Autoritaire et menaçant, il met en demeure «celui qui ne croit pas à la politique d'arabisation d'abandonner sa responsabilité au profit de celui qui y croit »3. Le sport, quant à lui, n'étant pas conçu comme faisant partie de la culture, va donc bénéficier d'un moment de répit. Il n'est pas mêlé à ces querelles politiques. En effet, une année après l'indépendance, un 1 Annuaire d'Afi'ique du Nord, année 1964, p. 180. 2 Idem, p. 183. 3 Annuaire d'Ajhque du Nord, année 1967, p. 382.
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texte baptisé la Charte des sports1 fait son apparition, et réglemente la pratique sportive et l'EPS. Inspirée de la Charte des sports du régime de Vichy, elle ne soulève aucune remarque. B Avec l'héritage, la reprise de la pratique 1) Le mouvement associatif Dans l'euphorie de l'indépendance et «l'ére des possibles », paradoxalement devant le vide programmatique et l'absence d'orientations doctrinales pour le sport puisque la question sportive ne fait pas partie des «tâches d'édification nationale», la reprise de la pratique sportive a lieu tant bien que mal grâce aux acquis du sport colonial dans le cadre de l'ancien appareil législatif et règlemenntaire. Pour éviter un vide juridique, «une solution d'attente» est adoptée par le premier gouvernement. Le conseil des ministres, vu la loi du n° 62-157 du 31 décembre 1962, tendant à la reconduction de la législation en vigueur au 31 décembre 1962, sauf dispositions contraires à la souveraineté nationale, décrète que les associations sportives peuvent se constituer librement dans le cadre de la loi du 1° juillet 1901, relative au contrat d'association, (Décret n063-254 du 10juillet 19632, réglementant le sport et les associations sportives, Titre 1, article 1°). Mais elles ne peuvent être déclarées qu'après avoir obtenu l'agrément par décision du ministre chargé de la jeunesse et du tourisme ou de son délégué (section 1). Par ailleurs une condition est posée, elles écartent une catégorie de citoyens: «les personnes dont le comportement n'aura pas été irréprochable au cours de la guerre de libération nationale, ne peuvent participer à quelque titre que ce soit à la direction des associations sportives et des groupements sportifs» (Article 3). En soumettant la constitution des associations sportives à un agrément ministériel et en écartant certaines personnes, le gouvernement algérien manifeste sa volonté de contrôler d'une manière autoritaire le sport. Les associations sportives de l'autonomie ou clubs mono communautaires musulmans, dont quelques uns ont évolué progressivement en associations sportives de la résistance remettant en 1 Code de l'EPS, p. 7. 2 Paru au JO na 49 du 19 juillet 1963, p 735.
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cause les rapports de domination coloniale, où les nationalistes radicaux s'activent, et qui ont gelé leur activité pendant la lutte de libération nationale à l'appel du FLN en 1956, renaissent avec leurs anciens sigles. On peut citer le MCAlger, l'USMAlger, la JSKabylie, le NAHussein Dey, l'USMBel Abbés, l'USMKhenchela, l'USMSétif, l'USMMaison Carrée, l'USMBlida, l'ESSétif, la JSDjidjelli, le MOConstantine, le MCOran.. .etc. Ces noms et leurs sigles sont préservés car ces grands clubs musulmans identitaires surtout, ont vu le jour pour devenir les dieux du renforcement de l'identité du nous, et de la sociabilité musulmane ». A l'inverse, la catégorie des autres noms, qualifiés de noms de « compromission» avec le colonialisme disparaîssent logiquement. C'est le cas des noms hybrides franco-arabes, ou mixtes francomusulmans dont les références ne sont plus de mise. Ces associations sportives de la sociabilité franco-musulmane et du loyalisme, traduisaient une identité mosaîque de l'acculturation. Elles se situaient au carrefour de l'allégeance à la puissance coloniale et de la neutralité bienveillante. Il existait parfois dans certaines un véritable melting-pot
communautaire mais à « dominante indigène ». Interculturelles, elles cherchaient à développer l'amitié, la camaraderie, entre les communautés dans les trois départements d'Alger, de Constantine et d'Oran. Cependant dans les sigles des clubs musulmans, les plus nombreux, la lettre M qui n'a pas un sens purement religieux, confessionnel mais désignant les Algériens d'origine musulmane, est préservée. On continue à s'accrocher à cette caractéristique de l'enculturation. On peut donner l'exemple de la Jeunesse sportive musulmane boufarikoise qui est délarée le 25 juin 19631 Mais la particule «M » va poser problème. Dès lors, elle perd son signifié: «musulmane»2. En effet, l'Algérie ayant accédé à l'indépendance est uniquement arabe et musulmane. Il n'est point nécessaire de le ]
JO n050 du 23 juillet 1963 2 Parmi toutes les appellations d'associations musulmanes, seule celle des scouts algériens ne change pas et persiste jusqu'à nos jours en gardant sa signification religieuse. La particule M, musulmane, est préservée, alors qu'il n'y a plus de scouts européens et juifs dans l'Algérie indépendante. En effet, au congrès national de l'indépendance, le dimanche 7 octobre 1962, les scouts qui ont désigné leur comité et élu leur bureau, une motion est votée sur l'orientation religieuse. L'islam est à la base de l'éducation morale du scoutisme algérien et tout scout en adhérant au mouvemenl accepte de respecter et d'observer les principes fondamentaux de l'islam. Afin de donner toute signification à cette motion le mot musulman figurera dans le sigle de l'association Scouts Musulmans Algériens.
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confirmer. Les clubs n'ont plus aucune raison de signifier leur appartenance ethnique et religieuse, puisque la constitution algérienne de 1963 dans son Article 4, stipule que l'Islam est la religion de l'Etat, bien que la République garantisse à chacun le respect de ses opinions et de ses croyances et le libre exercice des cultes. Cette précision sera reprise par la constitution de 1976 dans son Article 2, stipulant que «
l'Islam est la religion de l'Etat ». Elle garantit l'arabité et l'islamité
de l'Algérie, appelées «constantes de la Nation». Il apparait donc que les noms des clubs ne doivent plus être dictés par les choix politiques de la période coloniale. Ils deviennent uniquement sportifs, neutres, déchargés et désarmés politiquement. Beaucoup de clubs européens sont purement et simplement algérianisés. On peut citer à titre d'exemple la Patriote d'Alger fondée le 14 juillet 1887 (J.O. du 31.12.1902) dont le siège social est au lycée, rue de la Fonderie, qui s'occupe de préparation militaire, de tir, de lutte et de poids et haltères. Sa devise est "Tout pour la France". Son Président, Mr Rouquet Bernard, docteur en médecine, est chevalier de la Légion d'honneur et Croix de guerre. En 1962, à l'indépendance de l'Algérie, cette association sportive réapparaît avec le même nom, le même siège social. Mais son conseil d'administration. est totalement composé d'Algériens. Son Président et les membres d'honneur sont des ministres et des responsables du parti du FLN. Cependant les statuts antérieurs subissent de très légères modifications en particulier l'article 2 qui stipule que la majorité des membres sera composée d'Algériens. Enfin, ce n'est qu'en 1970, qu'on évoque «l'appellation colonialiste» de cette association. A l'Assemblée générale du 1er Août, à la suite d'une motion votée à
l'unanimité, « considérant le caractère pied noir et colonialiste du nom de patriote» et la nécessité d'une hygiène morale au sein de la jeunesse, et banissant à jamais les vestiges du cauchemar colonial», elle prend le nom arabe de: En Nahda Club Sportif d'Alger. Le nom Nahda, signifie «renaissance» et renvoie à une période de renaissance du monde musulman sous la direction du Cheikh Abdou et Charkib Arslan. Un ingénieur de nationalité Allemande, Schneider fait partie du nouveau bureau. A la suite d'une motion n03, adoptée à l'unanimité, considérant la platitude et le simplisme des statuts existants, l'option fondamentale socialiste du pays, la nécessaire mobilisation d'une des forces vives la plus importante du pays: la jeunesse, de nouveaux
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statuts sont votés. L'article 10 reconduit le même siège. Selon l'article 2 cette société «contribue au développement du sport de masse, au rapprochement et à la solidarité entre la jeunesse sportive du pays dans le cadre de son édification socialiste». Les membres d'honneur sont le responsable de l'appareil du parti du FLN, le commandant de la gendarmerie nationale et des ministres. Les clubs des patronages catholiques renaissent également. On trouve à Oran: Les Spartiates d'Oran en basket, sport de milieu catholique par excellence. Grâce à ce club et aux religieux catholiques, Oran devient la capitale du basket nord africain. Cette association qui avait su attirer et capter une très bonne partie de la jeunesse pratiquant basket et gymnastique, pouvait se parer du titre de «champions de l'Union française », institué chaque année où les champions de France rencontrent ceux de l'Afrique du Nord. Elle reprend ses activités. A Alger, L'Olympique du Petit Séminaire (O.P.S.) est la dernière association sportive religieuse catholique née en Algérie. Elle est créée le 8 juillet 1959, en pleine guerre d'Algérie, parution au J.O. na 167 du 22 juillet 1959, à la suite d'une assemblée générale des parents des élèves des établissements sur invitation du Supérieur du Petit Séminaire de Saint-Eugène à Alger. Il est à remarquer que tous les responsables du bureau, (deux officiers, deux employés de banque, un comptable, un professeur, un agent Berliet, un directeur d'agence, un juge au tribunal, un commerçant, un directeur de syndicat agricole), appartiennent à l'élite. L'armée française fait son entrée dans le bureau. Seul un est membre du clergé. C'est «l'alliance du sabre et du goupillon». A l'indépendance, à l'Assemblée générale du 27 janvier 1963, le comité d'administration est renouvelé. L'association sportive change de nom. Elle devient l'Olympique de Saint-Eugène (O.S.E.), moins marqué religieusement et s'adresse à la communauté européenne et aux pieds noirs qui ne sont pas encore partis d'Algérie. Cependant les membres restent uniquement français. Ce sont le Supérieur du Petit Séminaire, 2 comptables, un chef de gare et un professeur au petit séminaire. Président Ca iello Jean-Pierre Vice-Président Hazem Phili e Secrétaire énéral, Dudit Camille Trésorier Arnaud Trésorier-adjoint Jaeck Frédéric
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Les statuts sont d'autre part modifiés. Cete association se « démilitarise» puisque la préparation militaire disparaît. L'article 1 précise qu'elle a pour but de promouvoir, soutenir, favoriser la formation physique, intellectuelle et morale des jeunes et de créer entre tous ses membres des liens d'amitié et de solidarité. Toute discussion politique et professionnelle est interdite. Cette association cesse ses activités en 1967, soit cinq après l'indépendance. 2) La compétition et les entraînements techniques des associations sportives débutent par quelques activités: le football, le basket ball, la natation, le cyclisme et la boxe. En août 1962, le comité des sports (FLN -ALN) décide pour le football, dans chaque ligue l'organisation de deux critériums, le premier groupant tous les clubs ayant participé au championnat 1955-1956 (division d'honneur, préhonneur et l°division) et le second groupant tous les clubs appartenant aux 2° et 3° division de l'ancienne ligue et tous les clubs nouvellement qualifiés. A côté de cette pratique compétitive officielle, il y a aussi la mise en place de rencontres sportives amicales et de tournois commémoratifs (fête de la lutte de libération nationale, de l'indépendance, fête du 1er Mai, etc...) parfois avec la participation d'équipes tunisiennes, marocaines et égyptiennes. Ainsi, à l'occasion des premiers jours de congrès de septembre 1962 de l'Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens, UGEMA, est créée en son sein une commission sport pour organiser des rencontres de football. En athlétisme dès 1962 est institué la Coupe Souag, en hommage à l'ancien coureur du Mouloudia, ayant rejoint le maquis où il est mort. Des concours sont instaurés dans le cyclisme. Le Vélo sport Musulman d'Alger organise le prix « PAIN» de cyclocross disputé au coeur du quartier populaire de la Cité Diar El Keff sur les hauteurs de la carrière Jaubert. Le 31 octobre 1962 a lieu le premier match international de basket ball contre le Maroc au stade Marcel Cerdan dans le cadre des festivités du l°novembre. La Fédération nationale de sauvetage organise le premier championnat d'algérie1 En 1963, la
1 La sélection algérienne de sauvetage de l'Algérie indépendante participe pour la première fois à des compétitions internationales en septembre 1962 à Rome. Elle est présidée par Abdallah et Si Kaddour. Elle sera classée seconde aux championnats du monde de sauvetage.
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JSMAlger institue la coupe Bouzrina dit Hédidouche, son anCIen président. Le sport féminin démarre très difficilement dans les grandes villes. Des sections féminines s'ouvrent à toutes les jeunes filles désireuses de pratiquer le sport dans quelques clubs sportifs. Mais les cadres manquent. A Alger, la Jeunesse Sportive d'El Biar dispose uniquement de deux monitrices: Mme Barthez en Basket baIl pour 28 licenciées et une ancienne pratiquante, Mlle Malika Madjour, agée de 19 ans à peine, championne de France de gymnastique artistique, ayant fréquenté une salle de gymnastique sous la direction du professeur Lejeune, 4ieme au championnat du monde à Tokyo, et qui a rejoint l'Algérie à l'indépendance. Ce sont essentiellement les scolaires des lycées et des écoles normales d'institutrices, sous la direction de quelques enseignantes européennes, qui fournissent les pratiquantes des premiers clubs sportifs féminins en basket, hand baIl, volley baIl et athlétisme. Quelques sociétés féminines européennes, créées par les religieux catholiques, qui continueront de fonctionner, avec les mêmes appellations, sigles et statuts, vont attirer quelques rares musulmanes pratiquantes car elles inspirent le sérieux et assurent la confiance en présentant des garanties de moralité et de protection des jeunes filles musulmanes. D'ailleurs quelques soeurs et curés étaient proches et sympathisants de la communauté musulmane. La cooptation d'une Algérienne musulmane au bureau est entreprise dans quelques associations. C'est à ce moment là que les Algériennes commencent à prendre des responsabilités dans les associations sportives féminines. La première association AIgéria Sport, fondée le 23 février 1920 à Alger, est récupérée par les Algériens et les nouveaux statuts adoptés en AG à Alger le 8 octobre 1963, précisent
que l'AS a pour but de
« réunir tous les éléments féminins désirant
acquérir et conserver force et santé ». Le rôle prophylactique du sport est repris et reste dominant. Le président est Mr Si Kaddour Mohamed (graveur), vice-présidents: Mme veuve Ferradi Zhor (institutrice), Baba Moussa Mohamed (aide anesthésiste); secrétaire général: Mlle Ferradi Malika (professeur de couture), secrétaire adjoint: Mlle Beldjebel Nadjia (sage-femme), trésorier général: Mouaki Larafi (monteur de films, RTA), trésorière: Mlle Beldjebel Assia (assistante sociale), membres: Cherabi Ali (cordonnier), Derriche Abdelkader (chef de service météo), Das Abdelkader (retraité de CFA), conseiller
49
technique, Arnrouche René (instituteur). Ce nouveau bureau est mixte, fait positif pour l'époque. Mais s'y opére une perte d'identité féminine de l'association car il est présidé par un homme, et seules quatre femmes sur onze sont membres du conseil d'administration. Les activités physiques féminines sont dirigées par des hommes. Seulement, très tôt le premier problème qui s'est posé au sport féminin est celui de la mixité. On pensait dès ce moment que le sport féminin devait être encadré exclusivement par du personnel féminin. En 1965, l'Etat fait quelques tentatives de vulgarisation du sport par le biais des écoles populaires de sport et le cross du FLN. Néanmoins celles-ci n'ont pas l'impact escompté parce que les conditions objectives de leur implantation et de développement n'existaient pas encore. Le seul football attire 63% de licenciés. La proportion des séniors représente 45% de la totalité des pratiquants et les jeunes athlètes de 12 à 16 ans: 17%. La pratique sportive est donc essentiellement masculine et adulte.
~ 2 La
transition sportive:
les incertitudes
Les Accords d'Evian, malgré les multiples tentatives de l'OAS de les saboter sont ratifiés par les Algériens le lier juillet 1962. Ils consacrent la naissance et le fondement d'un nouvel Etat algérien et la mise en place d'une coopération franco-algérienne. En fait avec la fuite des Français d'Algérie, le pays est précipité dans une crise économique majeure augmentant son besoin d'aide française sur tous les plans. Les responsables du mouvement associatif et les décideurs du sport algérien, prennent officiellement possession des éléments les plus importants et les plus significatifs pour eux de la «vieille culture sportive coloniale» de façon à faire démarrer un processus et sans toutefois penser pouvoir, par la suite, ouvrir la voie à une nouvelle culture sportive nationale. Ces débuts du sport algérien correspondent à une étape expérimentale dite «de tâtonnement et de recherche», en fait de la réorganisation empirique de l'appareil sportif, pour essayer de le sortir de son isolement, de sa marginalisation et de sa dévalorisation inconsciente par les citoyens. Ce sont les «recommencements». Cette première période se subdivise en deux étapes de maîtrise et de contrôle progressif de l'appareil sportif.
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A. La première étape 1962-1967 : les recommencements Cette première étape s'étale du 5 juillet 1962, date l'indépendance, à 1967 début du processus de planification. C'est la reprise des activités sportives avec un appareil sportif destructuré et squelettique, talon d'Achille du nouveau mouvement sportif algérien, résultat du départ massif des pieds noirs d'Algérie. La reprise va s'attacher à la mise en place d'un processus de réhabilitation nationale et d'institutionalisation du sport algérien. 1 Les ressources humaines. Elles sont très limitées aussi bien dans le secteur du sport scolaire que dans le sport civil. Dans le système éducatif, notamment le secteur scolaire, pour l'enseignement de l'éducation physique et sportive, en 1962, on ne dispose que de quelques 13 maîtres d'EPS, dont 8, sont d'anciens «agents français-musulmans »1, délégués pour l'enseignement de l'EPS, Borsali Zinelabidine, (Tiaret), Gassabi Laid, (Alger), Hadjem Arezki, (Tizi Ouzou), Khali Khaled, (Médéa), Laid Mahmoud, (Tizi Ouzou), Litt Kouider, (Alger), Meftah Benaouda, (Palikao), Miliani, (Mascara), recrutés en tant que maîtres d'EPS en 1959 en bénéficiant de «la discrimination positive» mise en application par le pouvoir gaulliste, et d'un professeur d'EPS, Ali Brakchi, médaillé d'or aux Jeux méditerrranéens de 1959 à Beyrouth au Liban, champion de France du saut en longueur en 1960 et 1962. En 1963, il représente l'Algérie et décroche la médaille d'or en saut en longueur aux Games of the New Emerging Forces (GANEFO) à Djakarta. Ce nombre infime d'enseignants, correspond à un enseignant d'EPS pour un million d'habitants. En effet, devant les besoins énormes de la rentrée scolaire du 15 octobre 1962 qui doit assurer la scolarisation d'un million d'élèves nécessitant l'ouverture de 25 000 classes et au déficit gigantesque en enseignants d'EPS, le ministère de la jeunesse et des sports recourt à des formations très courtes et moins coûteuses au centre régional d'EPS d'Alger (CREPS), héritage de la colonisation, créé par le décret n° 60-30 du 9 janvier 1960. Pour répondre à la situation d'urgence, c'est la formation de moniteurs d'EPS qui 1 SADI Mohand le seul enseignant assasssiné par l'OAS en 1962.
d'EPS
algérien
au Lycée franco-musulman
51
de Ben Aknoun,
est
démarre. La première promotion comprenant 64 moniteurs, parmi lesquels d'anciens professionnels de football, membres de l'équipe nationale du FLN qui ne sont pas retournés en France dans leurs anciens clubs, comme Abderahmane lbrir (gardien de but de Toulouse puis de Marseille), Hocine Bouchache (Havre), au Hassen Bourtal (Toulon)1 que l'on veut intégrer dans le système sportif algérien2, est formée à l'issue d'un stage de 14 jours du 12 au 26 octobre 1962, par Mr Roméo, français natif d'Alger, maître d'EPS, préparé aux méthodes des CEMEA. Quant aux modalités de recrutement des moniteurs de sport en tenant compte de la circulaire n° 815-CAB-du 6 septembre 1962 portant sur les mesures en faveur des Algériens ayant participé à la révolution, elles sont fixées pâr le décret 63-193 du 30 mai 19633. Ainsi, à titre provisoire, pendant une période de 6 mois, les candidats à un emploi d'inspecteur de la jeunesse et des sports, d'inspecteur de pédagogie (EPS), de moniteur d'EPS, peuvent être recrutés parmi les titulaires soit du certificat d'études primaires en arabe ou en français, soit d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP ou CFP A), soit d'un certificat attestant que le candidat a suivi des études au moins jusqu'en sixième des lycées et collèges. La durée des stages est fixée au minimum de 30 jours. C'est la porte ouverte aux bas niveaux de qualification à de nombreux postes dans le MJS. Le niveau requis, la durée des études, les connaissances valorisées en particulier l'expérience pratique passée en tant que joueur de football ou athlète, montrent que le sport et l'EPS dans l'esprit des décideurs de l'époque ne sont pas exigeants en matière de pédagogie et de connaissances scientifiques. Ce sont avant tout des pratiques sociales corporelles et culturelles. La formation des cadres entame sa longue marche de consolidation et d'exigence. Les compétences requises pour enseigner l'EPS et le sport vont évoluer progressivement. En octobre 1963, la durée de la formation de moniteurs d'EPS est portée à 1 mois. Celle 1 Il sera tour à tour moniteur de sport, entraîneur de club de football et par la suite enseignant de football au CNEPS d'Alger. 2 Mohamed Maouche (Reims) déclare pour sa part qu'il n'est même pas passé par la formation. A l'indépendance, il s'installe en Suisse où il est entraîneur-joueur à Martigny. «Je m'y plaisais et je jouissais de toutes les faveurs jusqu'au jour où un dirigeant du FLN est venu me solliciter pour aller exercer en Algérie qui manquait terriblement de cadres. Je n'ai pas hésité une seconde J'ai résilié mon contrat pour être affecté au MJS qui m'a nommé maître (en fait moniteur) d'EPS au lycée Zerrouki de Mostaganem. Naturellement, les dirigeants de l'Espérance m'ont vite approché pour être l'entraîneurjoueur de l'équipe ». ln El Watan du 19 juillet 2007. 3 J.O n036 du 4 juin 1963, p 595.
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des maîtres d'EPS qui commence cette année là, ouverte aux titulaires du BEPC, dure 1 an . Formation des enseignants d'EPS à Alger
1963 1964 1965
Moniteurs H 165 182 153
F 8
Maîtres H 23 70 101
Prof adj H
F
F
Profes H
F
20 22
En 1965-1966, la formation des moniteurs est arrêtée provisoirement. On décide de priviligier la qualité plutôt que la quantité de cadres formés. Pour le professorat d'EPS, durant l'année 63-64, un contingent de 18 étudiants bacheliers ou ayant le niveau de terminale, boursiers du gouvernement algérien, est envoyé en formation en France au CREPS de Reims. Certains de ceux qui réussiront en première année (Pl), seront affectés en deuxième année à Toulouse et Aix en Provence par la suite, à cause de la rudesse du climat de Reims, sur demande du MJS algérien. Un élève professeur réussit l'entrée à l'ENSEPS de Paris. En 1967, seuls 5 furent diplômés. Après l'envoi d'un deuxième contingent de 23 étudiants en 1964, dont 3 seulement seront diplômés, on envisage la formation en Algérie. La même année, le centre régional d'EPS d'Alger (CREPS), est érigé en centre national d'EPS (CNEPS)l, relevant du sous secrétariat d'Etat, chargé de la jeunesse et des sports qui règlemente son organisation et son fonctionnement par voie d'arrêtés. Il est constitué en établissement national doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Il fonctionne sous le régime prévu par le décret colonial du 9 janvier 1960. Sa capacité d'accueil est estimée à 400 places. Il tient lieu à la fois d'Ecole nationale supérieure d'Education physique (ENSEP) et d'Institut national des sports (INS) (Art. 3) à l'instar de l'ENSEP et de l'INS de Paris. Il est doté d'un centre de recherche et d'expérimentations scientifiques en matière de recherche en EPS et en sport (Art. 4). Il assure la formation et le perfectionnement de cadres destinés aux secteurs publics scolaires, universitaires et militaires, professeurs, maîtres d'EPS et moniteurs d'école populaire de sport, des cadres du secteur privé provenant d'associations sportives et de 1 Décret 64-198 du 3 juillet 1964, paru au JO n058 du 17juillet 1964, pp 799, 800.
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jeunesse et enfin le perfectionnement des athlètes et joueurs sélectionnés pour les représentations nationales et internationales (Art. 5). Cette concentration de missions ne sera pas entièrement opérationnelle. Sur le plan pratique, il forme essentiellement des professeurs d'EPS préparant un CAPEPS en quatre années d'étude, des professeurs adjoints d'EPS en deux ans et des maîtres en un an . Il est dirigé par Mr Abdelkrim Hadjout, directeur qui a un niveau secondaire et n'ayant pas les compétences requises en formation, en sport et éducation physique et sportive. D'autre part, dans un souci de décentralisation et de développement de la formation dans les autres régions de l'Est et de l'Ouest du pays, il est créé deux centres régionaux d'EPS et de sports ayant respectivement leurs sièges à Ain el Turck (Oran) et à Séraidi (Annaba), assurant d'une part «l'enseignement des disciplines et activités, d'autre part les recherches, relatives à l'Education physique et aux sports» (Art. 8). La formation de professeurs d'EPS francophones démarre au CNEPS de Ben Aknoun l'année universitairer 1965-1966. Les contenus de formation, le système d'évaluation, les méthodes d'enseignement sont littéralement copiés sur la formation des professeurs d'EPS dans les IREPS et les CREPS français. A partir de cette date, le ministère arrête l'envoi des étudiants algériens en formation en France, coûteuse. Une promotion d'une trentaine d'élèves-professeurs y est admise à titre de boursiers, à l'issue d'un concours d'entrée, une sélection physique et le baccalauréat général comme niveau d'enseignement général. A l'issue de quatre années d'étude, seule la moitié de cette première promotion, obtiendra le CAPEPS en 1970. La formation de professeurs adjoints d'EPS débute en 1969. La formation féminine ne commence qu'en 1964 avec 8 monitrices et 20 maîtresses d'EPS. En 1965, 22 maîtresses d'EPS sont formées. Ce qui constitue un nombre très dérisoire et un déséquilibre important dans le rapport hommes/femmes. En 1963, il n'y a aucune monitrice, pour 165 moniteurs, ni de candidate femme pour 23 maîtres d'EPS. En 1964, il y a 8 monitrices pour 182 moniteurs et 20 femmes pour 70 maîtres d'EPS. En 1965, il n'y a aucune monitrice pour 153 moniteurs et 22 maîtresses d'EPS pour 101 maîtres d'EPS. En trois ans, seules 8 monitrices et 44 maîtresses d'EPS ont été formées, chiffre extrêmement minime. Ceci entraine une inégalité flagrante entre les filles et les garçons en matière de pratique d'éducation
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physique et une véritable discrimination à l'égard des filles résultat de préjugés sociaux. L'EPS féminine est à ses premiers balbutiements. Ainsi toute la formation des enseignants d'EPS reste dérisoire au regard des besoins de la masse du système éducatif. Si on se réfère à la population des enfants et de la jeunesse scolarisée, les exigences . en enseIgnants d'EPS dl" ans e pnmaue et Id' e secon aue sont enormes.
19621963
63-64
64-65
Enfants scolarisés primaire 939006 (828 127, Public, 19415 Privé, 91 464 Office Univ et Cult franç) 1 063 095 (648833 Garçons 414262 Filles) 1 230 651 (221679 de plus)
65-66 66-67 67-68
1 400 000 1500 000 1 557 189
68-69
1 482 264 (pop scolarisable : 3 118000)
Pour l'enseignement
Etudiants Secondaire
technique
université 3817 étudiants (600 Français)
39415 (33551 Alg 5864 étrangers)
22341 (21975 étrangers (1 fille pour 2 garçons)
3725 (2750 Algér et 975 étrangers) 420 Algériennes (1600 à l'étranger) 4171 (1846 Algériens et 2325 étrangers, 56%) 9000
84 000 134 697 dont 38 659 filles 148 073 (41733 filles)
9720 (2220 filles)
général!, l'effectif des enseignants est le suivant:
19641965
28 398 (1 maître pour 43 élèves). Enseignants algériens (18 709, 65,8% du total). 4171 (1846 Algériens et 2325 étrangers (56%) au Second degré. 12 000 moniteurs, sommairement formés dans un stage d'initiation accélérée.
19661967
31000 maîtres. (2500 à 3000 Q:rossir cet effectif)
1 Source Annuaire
Le recrutement des enseignants sous qualifiés, se fait avec le mveau d'études du certificat ou du brevet d'études élémentaire.
sont venus
d 'Ajhque du Nord: années 1963, 1964, 1965, 1966, 1967, 1968,1970.
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La coopération internationale en éducation physique et sportive non prioritaire reste faible. Selon les accords passés entre la France et l'Algérie de juillet 1962 au 31 décembre 19631, dans le système éducatif, durant les premières années de l'indépendance, la coopération en éducation physique et sportive est essentiellement avec la France dans le système d'enseignement secondaire et les centres de formation de cadres. Des coopérants techniques sont affectés dans quelques lycées, les écoles normales d'instituteurs et d'institutrices d'Alger et de Constantine, au Centre National des Sports2 à Alger et aux CREPS de Constantine, d'Ain Turck et de Séraidi dans le domaine de la formation des cadres, (professeurs d'EPS, professeurs adjoints et maîtres d'EPS). Quoi qu'il en soit la coopération en EPS n'est pas très développée par rapport aux autres matières d'enseignement. Elle ne dépasse pas la centaine d'enseignants d'EPS (74) avec le plus gros chiffre de professeurs et deux professeurs adjoints au CNEPS à Alger, (Jean Cabaud, René Maizetti, Adrien Riff, Boiri, M. Marcos, Lucien Debat, Jacques Bayle, Deschamps, Tellier, Jacques Peron), et aux CREPS d'Oran et de Annaba. Le directeur des études du CNEPS est Mr Rosay, un ancien professeur d'EPS à l'Ecole normale d'instituteurs de Bouzaréa. La plupart de ces enseignants poursuivent des études de licence de 'droit ou de psychologie à la faculté d'Alger. Ils sont non seulement enseignants mais quelques uns conseillers des décideurs politiques du sport algérien. D'autres coopérants les rejoindront les années suivantes. Au ministère, Edouard Solal, inspecteur de la jeunesse et des sports d'Alger jusqu'en 1962, un ancien instituteur, nommé inspecteur stagiaire à compter du 1 février 1956 à la suite de son admission au concours d'inspecteur de la jeunesse et des sports à la session de 1955, reste en fonction jusqu'en 1964, date à laquelle, il demande son retour en Métropole. Mr Michel Orébaud, un autre coopérant français, se trouve à la direction des sports au ministère de la jeunesse et des sports. Maurice BAQUET, père de la Méthode sportive, un homme de gauche, militant de la FSOT, ami de l'Algérie, aide à la mise en place du système sportif algérien en 1964. Il est le principal promoteur du
1 Paris, Documentationfrançaise, 1964, 127 p, 2 L'organisation et le fonctionnement du Centre national des sports (CNS), qui remplace le Centre national d'éducation physique et sportive d'Alger (CNEPS) sont fixés par le décret n075-116 du 26 septembre 1975, paru au JORA (80) du 7/10 P 889-892,
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Cross du Parti du français, il encadre algériens. A la fin décède juste après 1971.
FLN. En outre avec des équipes de nombreux stages dans plusieurs de sa mission en Algérie, il rentre en 1965. L'Algérie lui rendra un
d'enseignants départements à Paris où il hommage en
En 1969, Mr Mulak, ex-directeur de l'athlétisme polonais, est recruté en qualité de conseiller technique auprès du ministère de la jeunesse et des sports. Il est chargé au niveau de chaque wilaya ou de groupe de wilaya en fonction des effectifs, de donner aux enseignants en exercice une formation d'Educateurs I ° ou 2° degré en athlétisme à l'issue d'un stage de sept jours. Il est secondé par 2 autres coopérants, Jureska, Kalkhoff ainsi que par un conseiller algérien1. En 1975, dans le cadre des textes, conventions ou protocoles d'accord entre pays, le nombre de coopérants techniques est de 150 (coopérants français et autres nationalités). Dans le mouvement sportif national, au sein des organes des clubs, les postes de responsabilité sont confiés aux anciens dirigeants et athlètes algériens, ayant acquis une certaine expérience dans le sport colonial. Les entraîneurs et techniciens des clubs sportifs sont soit d'anciens joueurs non diplômés, soit des moniteurs et des maîtres d'éducation physique et sportive formés au lendemain de 1962 qui ont une double fonction d'enseignant et d'entraîneur. Entre 1964 et 1974, on dénombre à peine 32 candidats à la préparation des brevets d'Etat dans plusieurs spécialités football (6), handball (5), athlétisme (5), natation (5), haltérophilie (3), gymnastique (1), basket-ball (1), boxe (1), tennis de table (1) à l'INS de Paris, à Nancy, Vittel et Aix en Provence. La colonisation n'ayant pas formé beaucoup d'acteurs algériens compétents en gestion sportive, l'Algérie nouvelle sportive va souffrir de cet handicap. Elle va mettre beaucoup de temps pour former ses propres cadres. Les acquis de la compétence sportive sont très faibles, freinant aussi bien l'engendrement et le renouvellement des pratiques sportives que des pratiques démocratiques au sein des institutions sportives. La somme des expériences antérieures des cadres musulmans est si faible qu'elle ne s'est pas transformée en dispositions efficaces pour le futur proche de l'Algérie indépendante. La pénurie et
1 Circulaire
n031 du 30 novembre
1970.
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l'insuffisance de cadres en Sport et en EPS seront des caractéristiques invariables du système sportif algérien. 2) Les institutions sportives de direction et d'encadrement D'autre part, à la naissance du nouvel Etat algérien, les anciennes structures étant devenues caduques, il s'ensuit logiquement une absence totale d'institutions sportives de direction et d'encadrement dans tous les sports. Il fallait tout reconstruire. L'encadrement des structures du sport légèrement plus important sur le plan quantitatif, que dans le système éducatif, est cependant strictement constitué de bénévoles ayant une formation sur le tas. Trois mois après l'indépendance, le comité des sports du bureau politique du FLN, publie le 26 septembre 1962 son premier communiqué invitant les anciens sportifs à se faire connaître en vue de constituer les premières fédérations sportives. Comme, il y a une véritable pénurie de cadres formés et compétents pour diriger les différentes structures du sport qui se mettent en place, on n'hésite pas à faire des appels d'offres aux anciens et aux nouveaux cadres par le biais de la presse, en particulier El Moudjahid et Al Chaâb. Malgré ce manque de cadres, le choix des responsables d'encadrement des structures sportives naissantes est sous le contrôle vigilant du bureau politique du FLN et de la Commission des sports. Ben Bella chef du bureau politique, premier président de la République, est un ancien footballeur. Il a été joueur à Maghnia et à l'Olympique de Marseille. Passionné de football, il est sensé connaître les enjeux du sport, particulièrement à travers l'expérience de «la glorieuse équipe du FLN» ainsi que le mode de fonctionnement démocratique du mouvement associatif. Ceci étant, il ne lui accorde pas la liberté qui était sensée lui revenir dans la nouvelle société1 Contradictoirement, sur le plan technique, il n'hésite
pas à
«
taquiner un ballon de football» chaque fois qu'il se rend à une
visite officielle dans une structure de la jeunesse à Alger. La presse nationale, El Moudjahid, El Chaâb ou Alger républicain publient parfois des photos de ses prouesses techniques en football. En réalité dans sa démarche politique, il était plus soucieux du choix des 1 D'ailleurs la veille du coup d'Etat du 19 juin 1965, BEN BELLA assiste au stade d'Oran au match de football opposant l'équipe nationale algérienne formée de talentueux footballeurs dont plusieurs sont professionnels dans les clubs français et la fameuse éq uipe du Brésil avec Pelé et Garincha.
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hommes qui devaient le servir dans les ligues et les fédérations. Aucune fédération ne pouvait se constituer sans l'approbation du bureau politique du FLN et de la Commission des sports. En 1963, un Décret 63-254 du 10 juillet 19631 règlemente la création et le fonctionnement des structures sportives. Les associations sont tenues de se mettre en conformité avec la loi qui précise la durée de l'élection des membres du comité directeur et l'obligation de la nationalité algérienne pour en être membre. Cette loi est stricte, elle exclut les Européens restés en Algérie. Les postes de président, de secrétaire général et de trésorier ne peuvent être dévolus aux ressortissants étrangers dans les comités directeurs des associations, des ligues et des fédérations. Ainsi donc les premiers responsables des structures d'encadrement (ligues et fédérations) se trouvent être des militants du FLN, des nationalistes ou des éléments proches du nouveau pouvoir. Les fédérations sont mises sous la tutelle du ministère de la jeunesse et des sports et du tourisme. Elles appliquent les directives qui leur sont données et requièrent des instructions chaque fois que «l'intérêt national est en jeu ». Les décisions prises par l'assemblée générale ou les comités directeurs sont portées par écrit à la connaissance du ministre de la jeunesse et des sports qui les rend exécutoires par son approbation. (Article 29 du décret 63-254 du 10 juillet 1963)2 En plus un observateur délégué par le ministère de la jeunesse et des sports et du tourisme assiste de droit aux assemblées générales et réunions des comités directeurs de ces fédérations. (Article 25 du décret 63-254 du 10 juillet 1963)3. Ce verrouillage et cette surveilllance des fédérations avec immixtion dans la gestion et le fonctionnement, montre le manque de confiance des responsables politiques et de démocratie de ces institutions. Le mouvement sportif national naissant n'est pas indépendant. La désignation autoritaire, la cooptation, le parachutage et la nomination des responsables persisteront longtemps dans les structures du mouvement sportif national. C'est la soumission du sport au Parti FLN et à l'Etatgendarme.
1 J.O n049 du 19 juillet 1963, p 735. 2 J.O n049 du 19 juillet 1963, p 738. 3 Ibid.
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La mise en place des premières structures du sport algérien 1 revient à une poignée de responsables chargés par le FLN de cette mission, parmi lesquels on compte Abdoun Mahmoud, ancien militant du PPA-MTLD, puis du FLN à la kasma d'El Biar, responsable de la Commission des sports du FLN pour son passé de dirigeant sportif au MCA, notamment de la section de Basket-baIl. Les premières fédérations créées ont selon lui des présidents choisis par ses soins. Quatre fédérations voient le jour pendant l'année 1962, à l'issue d'assemblées constitutives qui ont lieu le 21 octobre 1962. Elles sont unisports : La Fédération de Natation, déclarée à la préfecture d'Alger le 14 novembre 1962, ainsi que les ligues régionales:
Parmi les membres fondateurs, dont deux Français d'Alger, on trouve en outre Mustapha Fakhardji, Djelloul Boughida et Omar Djadoun3. Ce sont pour la plupart d'anciens athlètes passionnés de compétition et qui ont une bonne connaissance du milieu de la natation. Dès septembre 1962, la Fédération de Natation organise le premier stage d'entraîneurs de natation et de water polo à l'échelon régional et de moniteurs d'initiation de natation d'une durée de 15 jours (2h par jour de 18h à 2Gh) sous la direction technique de Mrs Deluca et Lerari, un jeune nageur. La Fédération algérienne de football est la deuxième fédération sportive déclarée, à une journée d'intervalle de celle de la natation. L'assemblée générale constitutive du 21 octobre 1962 est présidée par M. Bouchouk, premier directeur national de l'Education 1 Mahmoud ABDOUN, « Le vieux chêne », portrait et interview na 1308 du 31 mars 1989. 2 Décédé en avril 2008 3 Voir le portrait
paru dans Le Soir d'A Igérie du vendredi
de Hamid Grine. ln Révolu/ion
30 septembre-samedi
1er octobre
Aji-icaine
1994 par un
Rabah SAADALLAH, intitulé « Grande figure du water polo algérien 1945-1955, Omar DJADOUN: autre pionnier mort dans l'anonymat
».
6G
physique et des sports, représentant du gouvernement et du ministre de la jeunese et des sports Mr Abdelaziz Bouteflika. C'est un ancien joueur professionnel de football en France de 1943 à 1958, ayant fait partie de l'équipe de football du FLN. Il possède un niveau universitaire puisqu'il fit des études de pharmacie. M. Mahmoud Abdoun, père fondateur occupe le poste de trésorier de cette Fédération jusqu'en 1975, selon ses déclarations. Les représentants des trois ligues algériennes de football (Alger, Est algérien et Oranie) décident la réunion de l'assemblée générale constitutive de la Fédération. En accord avec le ministre de la Jeunesse et des sports qui a pressenti ses propres cadres, ils désignent (et n'élisent pas) le premier bureau fédéral. Il est présidé par le docteur Maouche Mohand1, ancien joueur de football, vedette et sélectionné algérois. Le premier vice-président est l'avocat Maître Kassoul Hamid. Les autres vice-présidents sont Benamar Miloud, un ancien de la Ligue oranaise, Djaout Ahmed, dirigeant du MCA, Lefgoun Bencheikh de Constantine. Le trésorier est Lakehal Mahieddine. Les assesseurs sont: MM. Benhoura Ahmed, Benkahla Laouari, Bensiam Benyoucef (membre fondateur du NAHD et ancien responsable de la Fédération de France du FLN), Bendib Abdelmadjid, Boutbila Abdelmadjid, Hacène Khodja Mohamed, Ouhibi Saïd, Takarli Khelil, Zaïbek Abdelkader (ancien universitaire et joueur de football au Red Star d'Alger). Les conseillers techniques sont: MM. Bir Marcel, Cosmane Jean et Wendel Marcel, chargé provisoirement du secrétariat fédéral. MM. Louis Rivet et Michel de Haro (président de l'USMOran) sont membres d'honneur2. Elle est donc déclarée à la préfecture le 15 novembre 1962. Des Français en font partie. La Fédération algérienne de boxe, née à la suite de la réunion du bureau provisoire le 21 octobre 1962 est présidée par Mr Belguedj Abderahmane. Le secrétaire général est Keddad Abderahmane. Elle totalise 25 clubs pour 400 licenciés.
1 MAOUCHE Mohand Amokrane est né à Béjaia en 1925. Il a fait des études de médecine. séjour à l'université de Constantine, il est ailier droit dans l'équipe de football du Club Constantine (CSe). Il a su allier des études universitaires et une carrière sportive éminente. champion universitaire de vitesse sur 100 m. 11 fera partie de l'équipe du club européen Algérois, avec un autre universitaire ZAIBEK Abdelkader. Il sera membre de différentes sportives internationales. Il décède le 2 Janvier 1971, dans un accident d'avion. 2 ln l'Algériej"ootball n01 du 5 janvier 1963.
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Lors de son Sportif de Il fut aussi le Red Star institutions
La Fédération algérienne de cyclisme, élue, est dirrigée par M Medjebri Benaissa. Les vices présidents sont Charton Georges, Roudesli Mustapha, Belaid Ghaffer, le secrétaire Général: Kébir Mohamed et le trésorier M Bouchali Boualem. Un seul Français est membre de cette fédération. La Fédération algérienne d'athlétisme est présidée de 1962 à 1963 par un ancien scout et courreur de demi fond, Agoulmine Mustapha agé d'à peine 28 ans Par conséquent, les pouvoirs des associations sportives, des ligues et des fédérations sont dévolus à un comité directeur dont les membres sont élus pour une année. (Article 18, Décret 63-254 du 10juillet 19631). Ce qui entraine une certaine précarité. Et nul ne peut être élu s'il n'est de nationalité algérienne. Cependant il peut être dérogé à cette condition de nationalité par arrêté du ministre de la jeunese, des sports et du tourisme. (Article n023 du décret du 63-254 du 10 juillet 1963)2. C'est le cas des Français membres des structures de direction du sport algérien. En 1963, douze fédérations sont fondées dont la fédération de volley-ball (FA VB), présidée par le docteur Kaddour Bourkaib jusqu'en 1975. La Fédération algérienne d'aviron est déclarée à la préfecture d'Alger le 13 décembre 19633, son siège social est au sport nautique d'Alger, port d'Alger. Elle a pour but d'encourager, d'organiser, de surveiller et de contrôler le sport de l'aviron des associations sportives affiliées et régulièrement constituées. En 1964, trois autres fédérations viennent se rajouter à la liste. La Fédération algérienne de gymnastique est présidée en 1964 par M. Abdelhamid, ancien gymnaste à l'Avant-garde, la première association franco-arabe et élève de Omar Ben Mahmoud. En 1965 vingt huit fédérations étaient constituées regroupant 1400 sections sportives et 50 500 licenciés, chacune de ces sections ne pratiquant qu'une discipline sportive ce qui représente llicencié pour 240 habitants. En 1975, les 28 (vingt huit fédérations) regroupent 1700 sections sportives et 70 000 licenciés dans 880 associations
1 JO du 19 juillet 1963, p 737. 2 JO du 19 juillet 1963, p 738. 3 JO du 24 décembre 1963, p 332.
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omnissports. Le nombre de ligues est passé de 30 en 1965 à 114 en 1975. Le comité olympique algérien (COA) est créé le 18 octobre 1963, par les 17 pionniers du sport, dont 12 présidents de fédérations de sports olympiques. Le docteur Mohand Maouche, président de la fédération de football, est élu président du COA, le 23 octobre 1963 par les membres du bureau exécutif. Le COA a pour mission d'assurer et d'organiser la représentation de l'Algérie aux jeux olympiques ainsi qu'aux jeux régionaux contrôlés par le CIO et toute manifestation sportive internationale (article 1°)1. Le COA est reconnu par le CIO, le 27 janvier 1964. Aux JO de Tokyo, seul un athlète Mohamed Lazhari représente l'Algérie en gymnastique et, Mustapha Larfaoui et Mohand Maouche la délégation officielle algérienne. Un conseil national des sports2 est institué par décret 63-486 du 23 décembre 19633. Il est composé notamment de personalités gouvernementales et hauts fonctionnaires, de personalités désignés par le ministre de la jeunesse et des sports et du tourisme en raison de leurs compétences sans que leur nombre puisse excéder huit, de représentants des fédérations nationales et des groupements sportifs nationaux, de personalités représentatives. Il est appelé à donner des avis et des suggestions sur les problèmes se rapportant à l'activité sportive. C'est un organe consultatif purement formel. En 1965 démarre au CNEPS de Ben Aknoun un service de médecine du sport4 sous la direction du docteur Larbi Mekhalfa. Au niveau gouvernemental: les structures ministérielles. Dès la nomination du premier gouvernementS succédant à l'Exécutif provisoire, il est attribué au sport un ministère de la jeunesse et des sports, à part entière, dirigé par Abdelaziz Bouteflika, un homme 1 JO n °21 du 10 mars 1964, page 327. 2 Sous le régime de Vichy, le Conseil National les représente auprès des pouvoirs publics est « coordonner, contrôler et développer l'ensemble mai 1942, un directeur est nommé. Par arrêté du organe consultatif national. 3 JO n098 du 31 décembre 1963, page 1353
des Sports (CNS) qui groupe les différentes fédérations et reconduit par la Charte des sports qui précise qu'il doit des activités des fédérations sportives ». Par arrêté du 19 Il juin 1942, le comité de direction est constitué. C'est un
4 Le 19 octobre 1971 est promulguée l'ordonnance portant création du Centre National de Médecine du Sport (CNMS). Le 28 octobre 1974 un décret institue les contrôles médico-sportifs en Algérie .D'autres textes suivront: du 23 octobre 1976 portant statut particulier des médecins du sport. Le 8 mai 1976 est créée officiellement la clinique olympique. Sa réalisation accusera un très grand retard qui passe de 14 mois à 7 ans. 5 Décret 62-2 du 27 septembre 1962 portant constitution du gouvernement.
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étranger au sport mais un jeune à la tête de la jeunesse et des sports. Il a à peine vingt cinq ans. Il est assisté du professeur d'Histoire Mahfoud Kaddache, ancien responsable des SMA, à la direction de la jeunesse. De la sorte, le sport se voit conférer une mission importante de nature gouvernementale. Ben Bella, président du conseil déclare que les sports et leur développement seront une péoccupation essentielle du gouvernement car 54 % des Algériens ont moins de 20 ans. Par décret 63/73 du 4 mars 1963, le ministère de la jeunesse et des sports se voit élargir ses prérogatives par l'ajout du tourisme. La même année, par décret 63/376 du 18 septembre 1963, le sport revient à un sous-secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux Sports qui est rattaché au ministère de l'Orientation Nationale dont le ministre est Chérif Belkacem, membre du groupe d'Oujda avec Bouteflika et Boumédienne. Le sport n'est plus indépendant mais intègre le système éducatif. Cependant, il n'y restera pas longtemps en son sein. En 1964, lors du remaniement ministériel du 2/12/19641, c'est un ministère de la jeunesse et des sports qui lui accordé. Mr Sadek Batel, un officier de l'ALN de la wilaya 4, est nommé ministre. Le sport est libéré de la tutelle du ministère de l'éducation nationale et acquiert son autonomie. En 1965, après le coup d'Etat militaire, l'ordonnance n° 65.182 du 10 juillet 1965 portant constitution du gouvernement confirme l'organisation du sport en ministère de la jeunesse et des sports. Ce véritable département ministériel qui s'occupe de cette activité de la Jeunesse et des Sports est confié à Mr Abdelkrim Benmahmoud, un ancien élève du lycée franco-musulman ayant pratiqué le football. L'administration centrale du MJS est très simple, elle comprend trois directions: la direction de l'administration générale, la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire, la direction de l'Education physique et des sports2. Un bureau d'organisation et des méthodes est créé en 1966, au sein de l'administration générale du ministère de la jeunesse et des sports par arrêté du 8 décembre 19663 Il est chargé de promouvoir
1 Décret n° 64.333 au J.O.R.A. n° 98 du 2 décembre 1964, p. 1266, 2 Elle sera modifiée par le décret n071-95 du 9/04 :1971 en portant le nombre de directions de trois à quatre et le nombre de sous directions de six à quatorze. En méme temps étaient créés deux postes de conseillers techniques et trois postes de chargés de mission. 3 JO nOl07 du 20décembre 1966, p 1270
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dans les services relevant du ministère, les techniques d'organisation et de simplification du travail. Il exerce les attributions d'étude et d'expérimentation des divers matériels, équipements et méthodes concernant la gestion administrative, la constitution de la documentation correspondante. De plus, il s'occupe de l'étude tendant à simplifier les procédures et les formalités administratives, de l'organisation de cycles d'information et de diffusion sur les techniques administratives et la simplification du travail. Il participe aux études générales d'organisation ainsi qu'aux programmes de formation du bureau central du MJS sur demande du ministre chargé de la réforme adminisrative. Dès le départ, le MJS s'est assigné pout tâche de «promouvoir une politique d'éducation en faveur de la jeunesse en vue de l'orienter, de l'intégrer à la construction du pays, de l'imprégner de l'idéal socialiste en lui donnant une formation globale et permanente par des activités extra -scolaires d'éducation populaire, d'animation culturelle, de loisirs tout en veillant à sa protection ». Ainsi, au commencement, on peut donc dire qu'un des enjeux maj eurs du sport dans la société algérienne, l'éducation de la jeunesse, est bien perçu. Cependant, les décideurs algériens n'ont pas de réelle politique sportive. L'enthousiasme régnant, une conception un peu idéaliste et sommaire du socialisme, l'idéologique domine. Le sport n'étant pas une priorité, une urgence nationale, on assiste alors à une sorte de laisser faire relatif au niveau de la base, c'est-à-dire dans les associations sportives. A ce stade, on peut affirmer que c'est un sport autogéré1 Une semi-autonomie est laissée aux dirigeants des associations sportives qui sont élus. Ils ont une grande participation non seulement aux responsabilités mais aussi à la prise de décision, donc au pouvoir sportif local. Le sport dit «civil» devient prééminent. Cependant dans la logique du moment et dans l'esprit des dirigeants du FLN, on est enclin à penser que cette «décentralisation» entraînant parfois des effets négatifs, n'allait pas trop durer. Des présidents de clubs leaders du sport, dont quelques uns sont de véritables évergètes, 1
C'est la période du développement
ininterrompu
de la révolution
nationale en révolution socialiste, qui est le principe même de cette
se manifeste dans l'autogestion (décrets de mars 1963). « L'autogestion
société», in Charte d'Alger, p. 63. Cette pratique sportive relevait essentiellement des relations entre personnes privées. Elle constituait une des activités sociales se déroulant dans la société civile et dont l'Etat n'avait pas à connaître pour autant que l'ordre public était respecté.
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des notables ayant un profil libéral parfois même des puissances d'argent, des «grands noms» de familles bourgeoises comme à l'époque coloniale, sont perçus comme omnipotents. Selon le parti FLN, leur profil ainsi que leurs objectifs ne correspondent pas à ceux
du parti. Ils sont même « contraires aux valeurs du socialisme et de la Révolution ». Leur problème central n'est pas souvent un engagement altruiste au service du sport mais celui des recettes, de la notoriété et des gains personnels sous différentes formes: appétit de gloire et d'honneurs, ostentation et intrusion dans le champ politique. C'est pourquoi, des rappels à l'ordre et une reprise en main semblent nécessaires pour ajuster la place du sport au contexte sociopolitique de l'Algérie. B La deuxième étape 1967-1976 : planification du sport
et structuration
En 1967, l'Algérie opte pour la planification socialiste comme instrument d'organisation de l'économie nationale. 1967 est l'année du démarage du premier plan triennal 1967-1969. Le premier plan quadriennal 1970-1973 qui s'en suivra, exprime la volonté de l'Etat algérien d'accroitre de 32% sa politique d'équipements sportifs. Le deuxième plan quadriennal 1974-1977 renforce la politique d'équipement et de formation de cadres. Cette deuxième étape correspond à la prise en main par l'Etat des actions d'équipements sportifs et leur rationalisation progressive. A partir de l'instauration d'un cadre d'évaluation planifié (Plan 75 et Plan National de Développement Sportif, PNDS), le ministère de la jeunese et des sports tente de mieux maîtriser les actions du développement sportif tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Les objectifs à atteindre de cette étape font une nette distinction entre l'enseignement de l'EPS, la pratique sportive de masse et le sport de performance.
C'est
la
« l'ère
l'interventionnisme
volontariste
boumédiéniste ». Pour
ce faire,
de l'Etat se fera dans deux directions privilégiées:
1) dans le système d'enseignement Dans le secteur scolaire, à partir de la promulgation d'une réglementation, l'enseignement de l'EPS devient obligatoire. Les premières instructions officielles de 1968 imposent une méthode unique et une uniformisation de l'enseignement de l'EPS. Elles
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expriment des solutions et des choix pédagogiques adaptés à la réalité nationale et des obligations strictes pour les enseignants. D'autre part, de nombreuses opérations tentent d'introduire l'enseignement de l'EPS à l'école primaire avec le concours du ministère de l'Education nationale. L'animation sportive se fait dans le cadre de l'Union sportive de l'enseignement primaire algérienne (USEP A) pour les scolaires, du Sport universitaire algérien (SUA) pour les universitaires et finalement de la Fédération algérienne du sport scolaire et universitaire (FASSU) constituée en 1970 par la fusion de ces deux structures. Dans le système de formation de cadres en EPS, par arrêté du décret 70-96 du 7 juillet 1970, il est créé 8 centres régionaux d'EPS à Alger, Annaba, Batna, Constantine, El Asnam, Oran, Tizi Ouzou et Tlemcen 1. A partir de 1970 une réflexion tendant à mettre le système de formation en adéquation avec les orientations idéologiques et politiques de la révolution et les besoins induits par la diversification des pratiques sportives est amorcée par le Bureau national de la recherche pédagogique en éducation physique et sportive (le BNRP), une structure d'analyse et de prospective, animée et dominée par des coopérants français. C'est ainsi qu'est engagée, l'arabisation de la formation2. Le centre de Séraidi est totalement arabisé. Pour accélérer le processus d'arabisation, 5 enseignants sont envoyés en formation au Caire. La première promotion des élèves professeurs du CNEPS de Ben Aknoun inaugure en 1970, en quatrième année, l'arabisation d'un cours par l'instauration d'un module arabisé concernant la terminologie technique du sport. Ces élèves professeurs d'EPS commencent, sans grande conviction, l'acquisition de termes arabes en sport sous la conduite d'un professeur égyptien dont le niveau d'enseignement est très faible. L'amorce progressive du processus d'algérianisation des cadres formateurs exerçant au sein des différents centres est entamée. Cette
1 JO W6J du 17 Juillet 1970, p 689. 2 Une commission nationale de refonte de l'enseignement avait été créée au cours de l'année 1969 et installée le 5 décembre. Les travaux ont commencé le 9 janvier 1970 afin d'algérianiser non seulement ['université mais J'enseignement tout entier. Démocratisation, arabisation, option technique et scientifique et orientation sont étudiées dans 4 sous commissions créées le 6 février. L'arabisation est considérée comme le chapitre essentiel de la refonte, une option fondamentale et irréversible au même titre que le socialisme ou J'industrialisation
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algérianisation est conçue non pas comme
le dégagement massif des cadres français» mais comme leur relève progressive afin d'éviter la désarticulation du système de formation en EPS. Pour ce faire l'ensemble des professeurs d'EPS de la première promotion 19661970 sont recrutés en tant qu'enseignants et responsables pédagogiques au CNEPS d'Alger et dans les CREPS d'Oran, de Constantine et de Séraidi. Concernés par le service national qui était mis en pour la seconde année, ces professurs seront affectés prioritaire ment en accord avec le ministère de la défense nationale dans le secteur de la jeunesse et des sports pour la durée de leur service (2 ans). Cependant devant l'explosion des effectifs scolaires conséquente à la démocratisation de l'enseignement, la formation des moniteurs est reprise avec un niveau de recrutement plus élevé (fin de 3èmeannée de l'enseignement moyen, et une durée d'une année). La revue algérienne de l'Education Physique et sportive intitulée Revue EPS est fondée en 1967 par les professeurs d'EPS du CNEPS de Ben Aknoun. Son premier numéro, préfacé par le Ministre de la jeunesse et des sports Abdelkrim Benmahmoud, est essentiellement constitué d'articles de coopérants français. En 1969, elle prend le nom Education sportive et porte le même titre en arabe. Elle est éditée par la direction de l'EPS du ministère de la jeunesse et des sports. Elle varie de 40 à 80 pages. Très éclectique, les articles sont d'inégale valeur. Ils sont aussi bien le produit d'enseignants algériens et de coopérants étrangers des pays de l'Est, que de cadres du MJS. Elle est entièrement publiée en français. En matière de formation continue et de spécialisation complémentaire en relation avec la FARE, un groupe de jeunes professeurs algériensl est formé à un certain nombre de techniques d'expression, de communication, d'animation, d'analyse, d'observation, de production de moyens didactiques en vue de la transformation du milieu éducatif, en 1973-1974, en qualité de Techniciens Opérationnels de l'Education (TOE), au centre Albert Debeyre à Calais, dirrigé par Jean De Rette qui engage un travail contractuel avec l'Algérie2 Ils sont qualifiés par le ministère de la l Il s'agit de Mlle Kharchi, Mme Bahadji, et Mrs Mimouni, 2
C'cst suite à la disparition de son action des république direction de deux pays africains (l'Algérie et le Zaîre).
«
Djaout et Yahiaoui des sports que le redéploiement
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spatial se fait en
jeunesse et des sports d'agents de l'innovation pédagogique et de la recherche appliquée. Mais au-delà de ce rôle de techniciens, d'enfanteurs de nouveaux modes de pensée et d'action, ils sont décrits comme des enseignants désintéressés, des militants d'un genre nouveau au service de la cause nationale, le développement de l'EPS. Les TOE sont des militants de la propagation rationnellement organisée de l'EPS. Loin d'être des « khobsistes» (opportunistes), des pécheurs de primes et d'indemnités, les TOE sont des éducateurs qui s'inscrivent dans des processus de renouvellement de l'EPS dans notre pays1. Cette description relève d'un langage idéologique, A partir de 1974, des enseignants d'EPS sont envoyés durant deux années de suite en stage avec la FSGT pendant les vacances d'été à Sète. Ils sont chargés de suivre les stages Maurice Baquet de « la république des sports à la colonie de Gai Soleil» et entre autre de ramener de la documentation, des ouvrages et les mémentos du CPS, outils didactiques pour l'enseignement de l'EPS de l'enfant. Le centre national des sports (CNS) est substitué au CNEPS par décret 75-116 du 26 décembre 19752. Les locaux du CNEPS sont attribués aux regroupement et à l' entrainement des équipes nationales des sports. Le nouveau CNS est domicilié au complexe sportif du 5 juillet et bénéficie d'installations neuves et d'une plus grande surface. Il a pour objet d'assurer la formation et le perfectionnement de cadres supérieurs de l'Education physique et des sports notamment les professeurs d'Education physique et sportive et de tout fonctionnaire du ministère chargé des sports appelé à exercer des fonctions de directeur technique national ou d'entraîneur national mis à la disposition des fédérations, d'inspecteur et de conseiller pédagogique en Education physique et sportive ainsi que tout personnel assumant des fonctions équivalentes, d'assurer le perfectionnement des athlètes et joueurs sélectionnés ainsi que leur préparation en vue de compétitions sportives nationales ou internationales, de concourir dans le cadre de ses activités à toute recherche et expérimentations. d'élaborer et de diffuser des documents didactiques (Titre II, Art 6). Il est à la fois centre de formation, d'entrainement, laboratire de recherche et de productions de documents didactiques car la confusion ]
Si Mohamed Baghdadi: Les TOE qu'est ce que c'est? in Er Riadhi. Bulletin d'information et de liaison des Educateurs sportifs n° 3, mars 1975. Intitulé «Tous pour le sport socialiste ». 2 JO W80 du 7 octobre 1975, p 889.
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entre l'EPS et le sport persiste toujours. La nouveauté se situe au ni veau de l'organisation et de la gestion. Le conseil de direction est assisté d'une commission consultative dans laquelle figure des représentants d'étudiants élus. Dans le programme de formation, on n'insiste pas trop sur les compétences attendues des cadres supérieurs de l'Education physique et des sports notamment des professeurs d'Education physique et sportive, en particulier sur la spécificité des compétences professionnelles requises, les connaissances et les contenus, les programmes, ni les méthodes d'apprentissage: «le quoi apprendre ». La formation politique et idéologique est surévaluée. Le dessein est de former, d'éduquer le futur citoyen socialiste. Celui d'enseigner, c'est-à-dire d'acquérir savoir, savoir faire, passe au second plan. Ce faisant, les finalités sont priorisées par rapport aux contenus. Cependant, il s'est trouvé que le savoir être, plus précisément les finalités sociopolitiques de la formation, ne sont pas en adéquation avec les contenus techniques totalement neutres. Jouer au football, faire du saut en hauteur, en longueur, nager, aller plus vite, plus haut, plus fort, ne peut former un citoyen socialiste. La technique, la performance ne sont pas des canaux de transformation du sentiment d'appartenance à la nation ni à un régime politique. Le geste sportif n'est pas un moyen d'acquisitions de valeurs fondamentales du modèle socialiste de société. Des séminaires sur le sport universitaire (1973) et le sport dans le monde du travail donnent un coup d'envoi à une réflexion de fond sur le sport dans ces deux secteurs. 2) Dans le secteur du sport «dit civil », on opte pour «la stratégie de développement sportif de la pyramide» selon laquelle il existerait une certaine proportionnalité entre les dimensions de la base et de la hauteur de la pyramide. C'est la vision marxiste de la transformation de la quantité en qualité. Il y aurait donc un lien mécanique entre la masse et l'élite. Le développement quantitatif du sport de masse doit aboutir au dégagement d'une élite. Les buts déclarés sont la démocratisation, en permettant l'accès aux pratiques sportives de toutes les couches sociales sans coût excessif et la massification du sport par un plus grand nombre de pratiquants afin de permettre sur le plan national, aux capacités de sportifs de talent de se révéler (aux Jeux nationaux de la jeunesse). Ceci permettra de créer
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une véritable jonction entre le sport de masse et le sport de performance, et coller réellement au discours politique. En 1971, Si Mohamed Baghdadi, directeur des sports au MJS lance l'Opération Masse 80 en athlétisme 1 qui consiste à associer les éducateurs formés dans l'action de vulgarisation de la pratique du sport au niveau de la masse et à lancer l'athlétisme au niveau de la jeunesse. La formation spécialisée d'entraîneurs sportifs est engagée avec la RDA où. des cadres sont envoyés en formation. Ce pays socialiste accorde chaque année 7 bourses de formation d'entraîneurs à l'Institut de Leipzig. Le festival du sport de masse et les Algériades, mis en place sont destinés à susciter la fête sportive, le spectacle, auquel on donne plus d'importance. Dans le mouvement sportif national, avec l'abrogation de la loi de 1901 sur les associations et son remplacement par l'ordonnance 71.79 du 3 décembre 1971 relative à l'association, le sport civil est remodelé et assujetti à l'Etat. Cette loi sur les associations met des restrictions nouvelles et des obstacles à la liberté d'association stipulée par la loi de 1901, restée en vigueur. Désormais l'agrément est obligatoire, il est délivré par la puissance publique, en l'occurrence le wali (préfet) ou le ministre de l'Intérieur intéressé par l'objet de l'association, alors qu'auparavant l'agrément n'était pas systématique. Au reste, les membres de l'association doivent jouir de leurs droits civiques et moraux, être de bonne
moralité et « ne pas avoir eu une conduite contraire aux intérêts et aux objectifs de la Révolution» (article 3 et 4). L'A.S est nulle et sans effet si elle est de nature à porter atteinte aux options politiques et économiques et sociales et culturelles du pays. Déjà, en juillet 1969, une décision du ministre de la jeunesse et des Sports Abdelkrim Benmahmoud tente d'éliminer le cloisonnement existant entre le sport corporatif et le sport civil en demandant aux unités économiques et administratives (DEA), entreprises, administrations, etc... de créer une association sportive pendant que les clubs civils devaient s'intégrer aux DEA. Mais ce jùt un échec dû aux interprétations erronées et surtout à l'opposition larvée ou déclarée des dirigeants de ligues et de fédérations plus soucieux de préserver une relative autonomie source de privilèges2, selon le Code de l'EPS.
1 Circulaire 2
Code
n053 du 291911971.
de l'EPS,
p. 10.
71
Sur le plan international, la participation algérienne montre un rythme et une fréquence soutenue sur le plan maghrébin et méditerranéen. Elle organise les premiers Jeux universitaires maghrébins, à Alger en 1968, participe à ceux de Tunis en 1970, de Casablanca en 1972, d'Alger en 1974), et méditerranéens (Jeux Méditerranéens de Tunis en 1967). En 1975, l'Algérie organise les Jeux Méditerranéens d'Alger. Progressivement l'Etat va maîtriser et s'approprier le champ sportif alors qu'il lui accordait jusque là moins d'intérêt. En quelques années, il va étendre son emprise sur tout le sport et renforcer considérablement son pouvoir. On assiste à une main mise totale. Il ne pouvait plus se contenter d'orientations générales et de partage de gestion avec des personnes privées, prenant conscience de la dimension et des enjeux sociopolitiques que pouvait revêtir la pratique sportive. L'établissement d'une véritable tutelle juridico administrative lui est nécessaire afin de tout verrouiller. Il s'agit de renforcer son dirigisme. Ce faisant, c'est un étouffement de la liberté d'association qui s'opère. Ainsi le mouvement déclenché et la volonté farouche de rompre avec la phase précédente allait aboutir. Le point de non-retour et la consolidation définitive commencent avec la deuxième phase. Le rôle dominant de l'Etat et du pouvoir politique dans la pratique sociale du sport résulte d'une double réalité: d'une part, la nature et la forme spécifique du pouvoir d'Etat (à parti unique, et appliquant le centralisme démocratique)l, d'autre part la place et le rôle nouveaux des APS dans la société contemporaine et sur le plan internationa12. Une politique sportive semble nécessaire, indispensable et la pénétration du pouvoir politique dans le champ de la pratique sociale des APS constitue un phénomène inévitable, un passage obligé.
1 Ainsi dans une société politique aussi étatisée que l'Algérie, le problème n'est pas de passer du gouvernement des hommes à l'administration des choses, mais plutôt très exactement l'inverse. 2 Le 18 juin 1972 en inaugurant le stade olympique d'Alger, le ministre de la jeunesse et des sports, Mr FADEL annonce que l'Algérie posera sa candidature pour les Jeux Olympiques de 1984.
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CHAPITRE II : DU TOUT POLITIQUE AU DEBUT DU DESENGAGEMENT DE L'ETAT
~ 1 La
consolidation
sportive:
l'ère des certitudes politiques
Après la phase dite «de tâtonnement et de recherche» empirique succède la deuxième période d'idéologisation et de théorisation du modèle sportif algérien où la mutation est radicale. Des revirements sont opérés par le pouvoir. De nombreux griefs sont alors adressés au sport de cette période qui est caractérisée comme «celle de la confusion et du laisser-aller». Désormais, il fallait tourner cette page et agir dans un cadre organisé. Pour la presse sportive de l'époque, «le sport était idéologiquement en retard. Il était en retrait des grandes options du pays contrairement à tous les autres secteurs de l'activité nationale. Cette vacuité idéologique a rendu marginal le mouvement sportif et généré des comportements sociaux déviationnistes. L'idéologie sportive dominante était un sport apolitique, neutre, et autonome »1 Ce qui était bien loin le cas en réalité. L'Etat amorce son processus de contrôle sur le sport et sa volonté de rompre avec cette période. A La deuxième période:
«la Réforme»
Cette période correspond à la promulgation du Code de l'EPS en 19762, qui pour la première fois dans l'histoire du sport algérien, propulse une remise en question de l'ordre établi, tout en clôturant un chapitre de l'histoire du mouvement sportif. Cette promulgation est porteuse de signes annonciateurs d'une étape nouvelle, fondée sur les principes de démocratisation de la pratique sportive, d'élévation du
1 ln El Moujahid du dimanche-lundi 15-16 juin 1975. «Au fond des choses avec Mr Abdallah FADEL», ministre de la Jeunesse et des Sports. 2 L'année de promulgation du code de l'EPS et de démarrage de la Réforme. est décrétée «année historique» qui permit «l'acte de naissance d'un sport national algérien » selon la terminologie du pouvoir politique et des journalistes.
niveau des performances, de planification de rationalité de la gestionl.
du développement
sportif,'
1) Le Code de l'EPS, (ordonnance n° 76-81 du 23 octobre 1976), véritable guide, sorte de petit livre rouge du sport algérien est un corset qui fonde et légitime toute action sportive. Il est divisé en six parties. Son introduction fondamentale (25 pages) fait un large historique du sport en Algérie. Ecrite sous forme pamphlétaire, elle fait le procès de la colonisation dans le domaine sportif et reconnait implicitement la faiblesse du développement sportif avant l'avènement de ce texte (12 pages). Sa deuxième partie qui est l'ordonnance, est un texte de loi groupant 86 articles. Elle énonce les principes généraux de l'EPS, traite de son enseignement, de la formation de cadres, de l'organisation du mouvement sportif national, de l'équipement, du matériel sportif et enfin de la protection des pratiquants du sport et des dispositions financières. Cette loi va constituer la première mesure législative donnant ainsi une véritable assise juridique à l'EPS et en même temps un texte doctrinal de référence car jusqu'à ce jour, l'EPS reposait plus sur des arrêtés, des décrets, des circulaires, des textes réglementaires et instructions prises conjoncturellement, au coup par coup, d'une manière éparse et n'ayant pas une véritable logique unitaire. Ce texte fondamental va doter le pays d'une codification de la pratique sportive: la conception, la définition, la précision des modalités et les perspectives d'avenir de l'action sportive sont clairement énoncées. Néanmoins force est de constater que ce texte doctrinal demeure un canevas généra12 qui doit s'enrichir de textes multiples d'application qui constitueront l'édifice réglementaire et juridique. Il comporte une grave erreur au niveau sémantique. Il y a tout d'abord une confusion totale entre l'éducation physique qui est sensée être enseignée dans le système scolaire et le sport dans le mouvement sportif, c'est à dire le secteur civil. Il est donc question d'éducation physique et sportive et non pas seulement de sport. L'éducation physique se sportivise. Elle devient homogène, unique et partie intégrante de la vie de la nation, au même titre que les autres activités. A ce titre, elle est déclarée facteur de mobilisation des 1 Document MJS. La reconnaissance de juré du sport et de sa place dans la société comme activités socioculturelles. 2 De nombreux articles renvoient à des textes ultérieurs d'application.
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les autres
masses populaires orientées vers la d~fense des acquis de la Révolution socialiste!. Elle se voit donc assigner un rôle politique aussi important que les sructures institutionnelles classiques à l'instar du parti, des organisations de masses, syndicales, de femmes et de la jeunesse alors que c'est une simple activité physique ludique. Les valeurs culturelles et morales qu'elle véhicule doivent guider les actes de chaque citoyen et participer au renforcement de la cohésion nationale. De même, elle doit contribuer à la promotion et l'émancipation de la femme. Cette vision anthropomorphique de l'EPS lui accorde de grandes valeurs non seulement éducatives, mais surtout socio politiques. Les textes affirment à priori l'acquisition de vertus et attribuent des pouvoirs presque magiques à cette activité physique alors que tout ne va pas de soi. 2) A coté de l'émergence du texte doctrinal, une bataille politique pour le changement est engagée dans les structures du mouvement sportif national. Elle se situe sur le plan idéologique et symbolique. Elle concerne aussi bien le fond que la forme. C'est le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mr Abdellah FADEL (19701976)2 en personne qui mène cette lutte. Les appellations de sport civil et de club civil sont rejetées. Le terme même de civil est réfuté par le ministre lors d'un séminaire national sur le football. Il utilise une tautologie triviale. Pour lui, tous les sports sont civils. En dehors du sport militaire, tout est civil. Ce terme impropre peut s'appliquer aussi bien à un club scolaire ou universitaire qu'à un club économique3 Le changement s'impose car« le sport n'a pas été décolonisé ». ...Quinze années durant lesquelles le sport algérien en dépit du bon sens, vivait en marge de la révolution, ignorant les réalités nouvelles du pays, se nourrissant de principes éculés, dépassés dans notre société, d'ingrédients et de solutions miracles 4. Simplificatrice, son argumentation se réfère au passé. Le sport est demeuré au niveau de l'époque coloniale où il y avait trois sortes de clubs: ceux du type communal, animés et aidés par la commune et surtout par le maire, 1 Code de l'EPS, article 1 ° P 31. 2 Ministre de la Jeunesse et des sports du nouveau gouvernement du 21 juillet 1970, ordonnance du 21 juillet 1970 portant constitution du gouvernement, JORA (63) 24 Juillet 1970 p702. 3 ln El Moudjahid du 15-16 juin 1976. 4 El Hadefn°
270 16 juillet 1977.
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n070-53
ceux qui étaient soutenus par les colons et les sociétés étrangères de l'époque et enfin ceux qui étaient algériens et qui ne pouvaient pas à l'époque utiliser le terme d'algérien et à qui on a mis le mot musulman pour les distinguer des autres. Ces clubs algériens n'étaient soutenus ni par la commune, ni par les sociétés. Ils bénéficiaient de l'appui du parti et de la population qui s'identifiaient à eux. Ces justifications à posteriori ne sont en réalité qu'une simple rationalisation et une légitimation de la politique mise en place. L'analyse de ces arguments montre que les responsables recourent facilement au nationalisme et à la période coloniale qu'il faut rejeter. D'autre part, elle n'est pas justifiée par les besoins de l'époque, mais par l'idéologie et en particulier «la décolonisation». Par conséquent, ceux qui s'y opposent ou refusent d'obtempérer seront inévitablement qualifiés de «traîtres à la patrie ou de réactionnaires», termes à la mode dans le prêt à parler des militants FLN et des commissaires du peuple. La génération de la Révolution algérienne n'a cessé de définir et de légitimer son action par opposition à la période coloniale. Le rattachement institutionnel, selon le ministre, s'impose car après l'indépendance, les clubs algériens se sont reconstitués comme s'ils étaient clandestins, au lieu de revoir leur politique, de s'intégrer à la commune et au secteur économique qui sont devenus les leurs, c'est l'erreur commise en 62. Ce rattachement est justifié par l'exemple des pays développés. Le ministre explique que les « clubs sont articulés, organisés ou rattachés à quelque chose. Le sport s'appuie sur deux secteurs: la commune (la division territoriale) ou le secteur économique. Et même les clubs dits professionnels sont financés et soutenus par de grandes sociétés ». Dans l'approche du premier responsable ministériel, le sport doit être obligatoirement rattaché à la commune, au parti du FLN, à une organisation de masse, ou à une structure économique. En réalité, il veut la fin de l'indépendance du mouvement national sportif et son intégration dans le dispositif du contrôle de la société civile par le pouvoir. Les clubs civils avaient une certaine indépendancel. Aujourd'hui ils doivent être sous tutelle de l'Etat et du parti unique le FLN, avec ses organisations de masse. L'indépendance et l'autonomie des clubs sont dénigrées. Le club est un groupe d'hommes qui créent 1 Dès que le ministère essaie d'exercer un quelconque contrôle, les membres du club civil rétorquent que c'est un club privé, que le ministère n'a rien à faire, et que l'argent est celui du club, donc le ministre n'a aucun droit de regard sur les comptes et qu'il peut garder sa subvention. ln El Moudjahid du 15-16 juin 1976.
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une association et se mettent à bricoler. Cette main mise progressive de l'Etat spécialement sur le football se traduit par de nombreuses mesures. La première est la réduction du nombre élevé de clubs, «générateur de désordre». A Alger seulement, existent 100 clubs alors que, selon le ministre, 15 ou 20 suffisent et correspondent aux 15 arrondissements existants. Le nombre élevé de clubs (700 clubs pour 12.000 licenciés) ne se justifie pas car les stades manquent. Cette action, en fait, est analogue à celle du régime de Vichy qui a préconisé la réduction du nombre d'associations sportives et leur fusion pour mieux les contrôler. Au niveau de l'encadrement, d'autre part, on veut la disparition des présidents omniprésents et «dictatoriaux» qui font passer d'abord l'intérêt particulier avant l'intérêt général, la fin de «l'amateurisme marron» et « le marché des joueurs, chaque année ». Les joueurs de football doivent opter définitivement pour un club et savoir «s'ils sont là pour faire du sport ou gagner de l'argent». Le ministre veut faire disparaître cette mentalité marchande en stabilisant un joueur dans un club par le biais d'une licence, d'une durée de trois ans. Le sport professionnel est dénoncé énergiquement car il reposerait sur une hypocrisie. Dans l'esprit des autorités sportives, l'athlète qui vit du sport prétend briguer la victoire alors qu'il cherche à gagner de l'argent. Il n'y a plus de désintérêt, de jeu libre, «de passion pour l'inutile», celle que Jean Giono fait dire à l'un de ses héros que la suprême expression de la jeunesse, c'est la passion pour l'inutile1. Ce serait une imposture et ensuite une prétention de subsister en parasite, puisqu'on n'accomplit pas de travail socialement reconnu et utilitaire. D'autre part, le sportif professionnel serait une charge pour les contribuables. Il ne peut être assimilé à un travailleur, à un producteur, puisqu'il ne produit rien, ni de services, ni de biens matériels sauf du spectacle et du jeu. Il serait l'exemple le plus désastreux pour la jeunesse. Par conséquent, le sport socialiste ne peut pas s'accomoder de professionnalisme. Paradoxalement le code de l'EPS, dans son chapitre III section 1, précise les droits et obligations des athlètes de haute performance et ne pose en aucun cas le problème de la transformation de l'excellence sportive en profit pécuniaire. On peut dire qu'il y a un droit d'exception accordant de nombreux privilèges aux athlètes de haute performance. 1 Jean DAUVEN,
Le sport, 1942
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Des éléments nouveaux apparaissent pour l'association sportive. La dissolution des clubs civils et leur remplacement par les associations sportives de performance (ASP) est décidée par le conseil des ministres le 27 juin 1977. Ces ASP sont prises en charge par les entreprises socialistes, comme la SONATRACH, la SNS, Air Algérie, la Banque Nationale algérienne (BNA), la SONELGAZ, seul secteur qui offre de grands moyens (matériels, de gestion, de transport et de prise en charge des athlètes). Ceci va concerner surtout le football et quelques activités sportives. En fait, c'est là que réside la grande nouveauté et la rupture avec l'ancienne conception de l'organisation et du fonctionnement du sport.« L'association créée doit être obligatoirement intégrée à l'organisation des établissements scolaires et universitaires, des unités économiques et administratives, de l'armée nationale populaire, des collectivités locales ».(Article 33 du Code de l'EPS). Selon l'article 34, les associations sportives n'appartenant à aucun des secteurs sus nommés doivent s'intégrer au sein des collectivités locales de leur siège local1. La date butoir est fixée le 31 décembre 1977. Ainsi les associations sportives se retrouvent, toutes rattachés au secteur public. Aucune ne relève du secteur privé ou n'a le caractère d'association privée. C'est un acte de nationalisation et un renforcement du secteur public. Cette intégration institutionnelle du sport de performance dans le secteur productif, particulièrement à l'entreprise se solde par un phénomène nouveau: les entreprises procèdent au recrutement de la grande majorité des athlètes de performance en adaptant tant bien que mal les profils avec les postes de travail disponibles. Cependant les recrutements sont opérés en faisant abstraction des besoins réels de l'entreprise et très souvent les athlètes sont engagés en surplus par rapport au plan de recrutement. Dans beaucoup de cas, les profils professionnels des athlètes (spécialités, expérience) ne correspondent pas à l'activité de l'entreprise. Pour les développementistes et les soutiens du pouvoir et dans l'optique des responsables, on veut sortir de l'ambiguïté du vocable d'association qui renvoie à la privatisation, au capitalisme. De nombreuses études sont tentées pour donner au club sportif le caractère d'unité de production, le sigle étant révélateur de la fonction dynamique: produire de la performance. Cette intégration se traduit
1 Code de l'EPS, p. 35 et 36.
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également par un changement total des anciens sigles de clubs qui épousent dorénavant ceux de l'entreprisel Le modèle étatique devient alors hégémonique. A partir de ce moment là, la pratique de «l'EPS », vocable confus officiel, qui comprend en outre le sport de compétition et de loisir, relève presque exclusivement de l'Etat, sauf à de rares exceptions, insignifiantes en réalité. A l'instar de tous les faits fondamentaux de la vie socioculturelle, économique et politique, l'EPS n'a plus une place autonome. Elle n'est pas indépendante du pouvoir politique. Nationalisée, elle est réglementée, organisée et financée par l'Etat. D'autre part, sur le plan juridique, avec l'abolition de la loi de 19012le droit d'association libre se trouve très réduit. Le passage obligé de la pratique sportive, activité socio éducative, est la «structure institutionnelle»: établissements scolaires et universitaires, collectivités locales, communes, wilayates, unités économiques et administratives, armée nationale populaire. Le ton des propos est ferme. Le discours idéologique tranchant proclame que: la socialisation du sport algérien... est maintenant un fait acquis qui appartient aux réalités concrètes de notre révolution, au même titre que la révolution agraire, la gestion socialiste des entreprises ou la médecine gratuite. Enfin libéré, enfin conçu dans l'optique de la révolution socialiste3. D'autre part, le processus d'intégration des associations sportives civiles au sein des ASP rompait avec une situation anachronique qui, à la longue et à contrario des options politiques du pays, nourrissait les volontés les plus individualistes. Nos masses sportives ont compris et ne peuvent que soutenir la réforme sportive comme hier elles ont lutté pour la libération du pays. La réforme sportive engagée par notre pays est un acquis de taille pour notre révolution4.
1 Ainsi on aura des appellations parfois folkloriques telles la Jeunesse électronique de Tizi Ouzou (la JET ex-JSK), le Chabab (Jeunesse) mécanique de Belcourt (CMB ex-CRB), le Mouloudia des Pétroliers d'Alger (ex-MCA), rappelant l'expérience soviétique et des pays de l'Est: le Lokomotiv, le Dynamo, le Spartak, la V odnik, la Kaïrat. 2 Cette loi est l'héritage de l'ère coloniale. Son remplacement par l'ordonnance 71-79 du 3 novembre 1971 «réinsère le principe de l'association des personnes options fondamentales du pays». 3 El Hadel, n° 268 1er juillet 1977. 4 El Hadej n° 28419 novembre 1977.
dans un cadre organique
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et politique
plus adapté aux
Le bénévolat est stigmatisé car il est associé à l'idée de liberté. En dénonçant les caractères du bénévolat, en réalité c'est l'indépendance du mouvement qui est visée. Toutes les institutions du sport sont fondées sur le bénévolat et le mécénat. Ces deux notions ont conféré au mouvement sportif un caractère décontracté. Il n'y a point de rigueur, là oÙ la compétence est absente. Quelles que soient les vertus du bénévolat, celui-ci a ses limites. Celles-ci s'exprimant au niveau des attitudes et de l'organisation du travail. Quelle que soit la dose de bonne volonté que pourra injecter un bénévole, son action restera toujours ins11ffisante. N'étant lié au mouvement sportif que par «contrat moral» et ne maîtrisant guère les données techniques, il est condamné à bricoler1. Le sponsoring par les Firmes Multinationales2 ou tout autre acteur économique est interdit d'autre part, de même que le mécénat. Nous avons affaire à un «sport monopoliste d'Etat» comme dans les pays socialistes (en particulier l'URSS, la RDA, Cuba). L'Algérie ayant opté pour une voie de développement non capitaliste, par conséquent l'EPS est en conformité avec les principes fondamentaux de la société. Contrairement aux pays capitalistes développés, l'EPS et le sport ne constituent pas une marchandise, un champ additionnel de profit et d'augmentation de plus-value. Ces activités corporelles ne jouent pas une fonction économique et n'ont pas une valeur marchande. Leurs objectifs s'inscrivent dans «la recherche de la satisfaction des besoins fondamentaux de tous les citoyens et leur accès progressif à une qualité supérieure de la vie»3 Le sport est désormais considéré comme une activité socio-éducative à dimension culturelle et politique profondément intégré à l'ensemble des activités de la nation. Ce par quoi il échappe à la privatisation et au monde des affaires. Ainsi la politique sportive va conduire non seulement à la formation globale du citoyen mais aussi au développement généralisé du pays4, un objectif irréaliste. 1 El Hadel, na 14 du 12 mars 1972. 2 Lors du mundial 1982 en Espagne, la seule tentative d'Adidas de sponsoriser l'équipe nationale aux dépens d'une société d'Etat Sonitex, a entraîné un tollé général et des réactions énergiques de certains responsables du pays. Alors qu'en Tunisie, par exemple: «Le soulier d'or tunisien» organisé depuis 15 ans est sponsorisé par Adidas avec la participation de l'Action, organe du parti Destourien et sous le haut patronage du premier ministre, membre du CIO.» 3 Charte nationale, p. 33. 4 Code de l'EPS, p. 9.
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L'Etat-providence algérien qui «a pour mission de fournir à tous les citoyens et en particulier aux plus démunis des biens et des services collectifs dans un souci d'assurer plus d'égalité et de justice sociale afin de rétablir l'équilibre social» prend alors en charge totalement la pratique du sport dans le mouvement sportif. Cette prise en charge est élargie au secteur éducatif comme l'école, car concomitament l'Etat entreprend la réforme instituant l'école fondamentale d'une durée de neuf ans1. Deux décrets du 16 avril 1976 proclament l'un le caractère obligatoire de l'enseignement fondamental, l'autre la gratuité de l'éducation et de la formation. Une ordonnance parue aux J.O. du 12 mai 76 supprime «l'enseignement privé payant» en Algérie. Le point de vue des acteurs du secteur éducatif, celui des enseignants d'EPS, est totalement absent du débat car ces derniers ne possèdent pas de syndicat propre susceptible de développer un autre point de vue sur les réformes et les actions gouvernementales de transformation de l'EPS. Il n'y a pas de contre projet ni de contre discours sur la politique de l'EPS dans le système éducatif. C'est tardivement dans les années 1970, à l'initiative d'un professeur d'EPS, militant trotskyste de l'Organisation Socialiste Trotskyste (OST), membre du centre de la reconstruction de la IYo internationale qui donnera naissance au Parti des Travailleurs (PT) qu'un groupe d'enseignants d'EPS crée au CNEPS de Ben Aknoun, une section de la Fédération des Travailleurs de l'Education (FTEC), affiliée à l'Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA). Cependant la section syndicale se bornera essentiellement à défendre les intérêts matériels et moraux de ses adhérents et principalement des bas niveaux de qualification, c'est à dire des agents de service et de quelques agents administratifs. Le but recherché est, par une pédagogie politique, la construction d'une conscience politique. En avril 1989, avec les premières ouvertures du champ politique, est créé le syndicat des enseignants d'EPS de la Wilaya d'Alger au Centre des Equipes Nationales de Ben Aknoun. (CNEN, ex-CNEPS). Mr Abderahmane Arfoutni, un des premiers professeurs d'EPS, formé à l'ENSEP de Paris et militant syndicaliste et politique du parti des travailleurs 1 L'école fondamentale a rendu obligatoire la durée de la scolarité jusqu'à 16 ans. C'est l'équivalent de la réforme Berthoin de 1959 en France, relative à la prolongation de la scolarité jusqu'à 16 ans et qui concrétise la logique démocratique du plan Langevin-Wallon (durée de la scolarité jusqu'à ]8 ans) de ]947.
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algériens (PT), aguerri et plusieurs fois arrété et emprisonné par le régime algérien, est élu secrétaire général. Sur les onze candidats élus au bureau, trois sont des femmes enseignantes. Parmi les problèmes abordés, pour la première fois, la question de l'EPS, de son statut dans le sytème éducatif, de son volume horaire insuffisant, de ses infrastructures, de sa place dans les examens ainsi que de l'utilisation de certains enseignants à des tâches administratives, sont posés par l'assemblée générale faisant «le bilan du naufrage de l'EPS ». Ainsi, les rares enseignants qui étaient associés à des discussions ou à des travaux de commissions au niveau du MJS, le sont à titre d'experts ou de conseillers du prince et s'inscrivent dans la ligne officielle du ministère de la jeunesse et des sports. Toutes ces évolutions et ces manifestations d'intérêt ne sont pas isolées, elles correspondent sur le plan idéologique au «développementisme» et à la morale socialiste dominante. Mais elles s'inscrivent et se rattachent au changement global de l'Etat et aux modifications institutionnelles en vue de la consolidation du pouvoir étatique du FLN. Celui-ci concentre tous les pouvoirs et ne concède rien à la société civile. Il faut donc interpréter l'intervention du pouvoir politique dans le domaine de l'EPS comme un élément indispensable et indissociable du processus général d'expansion de l'Etat sur l'ensemble de la société civile. C'est le tout Etat ou l'Etat totalitaire qui se consolide. Sous le règne de Boumédienne, le sport
cesse d'être une simple activité corporelle de loisir, mais devient facteur important de mobilisation à même de coordonner exigences des idéaux suprêmes de la société algérienne ».
«
un des
B 1978-1983 : le temps des illusions 1) La politique des résultats et la course aux médailles Seulement la Réforme engendre une pratique contradictoire avec l'orientation et les principes énoncés: la politique des résultats immédiats et la course aux médailles. Pour le nouveau ministre, Mr Djamel HOUHOU (avril 1976-janvier 1982) et les hauts responsables du sport, dont beaucoup sont étrangers au secteur, deux objectifs sont visés: obtenir des résultats car le sport qui est entre les mains de mécènes, de privés, d'associations privées sur lesquels le ministère n'a aucune prise, produit une activité hétéroclite basée sur la compétition
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qui ne donne pas de succès, et changer l'esprit des Algériens et de la presse. Ce changement passe par le rejet de l'aliénation, notion développée par Hegel dans le cadre de sa philosophie de l'esprit puis par Marx dans celui de l'analyse matérialiste de la société :il fallait donc désaliéner les Algériens qui n'imaginaient la pratique du sport que dans le cadre du sport de performance. Mais il fallait désaliéner la presse qui avait dénoncé cette dérive qui préconisait de faire le sport de masse avec les moyens de bord, une pratique au rabais, à la campagne, à la forêt, sur la plage, sur la route dans les quartiers1. On assiste alors au reflux du mouvement sportif national, conséquence d'un choix précis de développement sportif fondé sur une stratégie de résultats à court terme et immédiats dans les disciplines les plus payantes et surtout le football, compte tenu de son attrait et son indéniable impact sur l'opinion publique. Durant cette période négative, on a donc professé avec outrecuidance la primauté de l'équipe nationale de football qui devient l'instrument privilégié de la stratégie du pouvoir. Le sport de haute performance de quelques disciplines (2 ou 3, football, hand baIl et à degré moindre l'athlétisme) va non seulement être avantagé mais il va expulser et dévaloriser le sport de masse2. Ces deux entités deviennent totalement déséquilibrées et antinomiques, alors que le Code de l'EPS stipule qu'elles représentent deux aspects complémentaires d'une même réalité, deux niveaux de tension différents de la pratique des APS dont l'interdépendance conditionne le progrès et l'évolution quantitative et qualitative du mouvement sportif national. Cette politique entraine aussi des disfonctionnement et des disparités entre les catégories d'âge et de genre et un comportement contraire aux principes et à l'esprit du sport. Le ministère des Sports gérant uniquement le sport de performance, soit une minorité de 300 à 400 athlètes, devient une grande fédération multisports ou ministère du sport de performance :
1 El Moudjahid du 25 octobre 1979, op. cité. 2 Il était nécessaire d'assumer une gestion directe des équipes nationales, afin d'éviter toutes les entraves subjectives qui existent au sein des fédérations et pour que la réforme puisse donner ses pleins effets dans un laps de temps très court. Un journaliste interviewant le ministre de la Jeunesse et des Sports sur l'impression que la Réforme n'a touché que le sport de performance alors qu'elle se proposait de revaloriser en même temps le sport de masse, parle d'irrationalité. El Moudjahid du 25 octobre 1979.
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- 391 athlètes pour 24 ASP en mai 1981 pour FB, VB, HB, BB, Judo, Athlétisme - 917 athlètes pour 26 ASP mai 1982 pour FB, VB, HB, BB, Judo,
Athlétisme, cyclisme - 699 athlètes pour 35 ASP avril 1983 pour FB, VB, HB, BB, Judo, Athlétisme, cyclisme Selon le ministre de la jeunesse et des sports, Mr HOUHOU, cette option est justifiée par l'impossibilité de l'Algérie de donner au sport de masse ce qu'elle donne au sport de performance. Aucun pays au monde ne peut le faire, il ne peut pas y avoir des millions de sportifs algériens qui vont travailler une demi-journée, qui auront les mêmes repas d'athlètes, qui pourront être suivis strictement par la médecine sportive. Pour pratiquer le sport de masse, on n'a pas besoin de stade en tartan ni d'équipements sophistiqués. Le ministère n'a pas les moyens de donner des ballons à des millions d'Algériens. Ce n'est pas son rôle1. Le ministre se prononce avec force contre la politique du sport de masse et pour le rejet de la théorie de la pyramide coubertinienne: ce serait de la démagogie de croire que l'élite est issue de la massification du sport. Ceci est d'autant plus une idée simplificatrice du problème que la massification n'intéresse que la détection de jeunes talents qu'il faudra, moyennant une préparation spéciale, modeler par la suite2. Pour les responsables de l'époque, en totale contradiction avec les principes idéologiques et politiques du socialisme dont ils se réclament toujours, le sport de performance peut ne pas avoir de lien avec le sport de masse. C'est la théorie du compartiment isolé. Le volontarisme va primer, ainsi que «le travail de laboratoire », où des conditions maximales sont mises à la disposition du football national. Néanmoins le discours légitime son action en inversant la pyramide. C'est le sport de performance qui va jouer le rôle d'entraînement. On est en pleine théorie de la locomotive. Cette stratégie utilisée allait aboutir à une série de conséquences portant un préjudice certain au développement harmonieux du mouvement sportif qui se trouve
1 Conférence de presse ln El Moudjahid du 25 octobre 1979. 2 El lvlo udjah id du 25 octobre 1979. La gestion du sport de masse ne relève pas du ministère désengagé au profit des organisations de masse UGT A, UNJA et aux communes.
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qui s'est
affecté d'une série de déséquilibres et de disparités entraînant des dysfonctionnements. La présidence des fédérations est confiée à de hauts fonctionnaires du MJS. Le rôle de ces fédérations est réduit à sa plus simple expression puisqu'elles sont mises sous tutelle de l'Etat. Les fédérations adoptent des statuts types relativement contraignants élaborés par le MJS. Outre les moyens financiers dont elles sont dotées par l'Etat, les moyens en personnel, cadres techniques de haut niveau, directeurs techniques nationaux, entraîneurs nationaux et coopérants étrangers sont rémunérés par l'Etat. En contre partie, elles sont démunies de l'essentiel des prérogatives que leur assignent le Code de l'EPS. Leurs principales attributions, notamment le perfectionnement des athlètes, l'élévation de leur niveau de performance, la préparation et la participation des équipes nationales sont centralisées au niveau du MJS qui les prend en charge. Ce faisant, en professionnalisant l'encadrement des fédérations par l'attribution des postes les plus importants en fonction de la compétence technique et non de la représentativité, produit de la démocratie l, et en centralisant l'organisation, le fonctionnement et la gestion, on entraîne un effet pervers, la bureaucratisation des structures du mouvement sportif. D'autre part, paradoxalement, c'est la fin du «populisme sportif». Le mouvement sportif national est totalement dépendant du MJS. 2) Le système de formation de cadres est mis en adéquation avec cette nouvelle orientation politique sportive. La formation de cadres spécialisés en sport pour la délivrance de brevets d'Etat et sa gestion est confiée au ministère de la jeunesse et des sports, en 1978 et non plus aux fédérations sportives. Par décret 78-167 du 28 juillet 19792, la dénomination du Centre National des Sports (CNS) est changée en Institut des sciences et de la technologie du Sport, (par abréviation LS.T.S) ainsi que l'organisation et le fonctionnement de cet établissement (art 5). Il a pour objet, en collaboration avec les organismes relevant du ministère l«De ce point de vue, la présidence des fédérations ayant été confiée à des hauts fonctionnaires du MIS, il était difficile de réaliser l'un des objectifs essentiels assigné au mouvement sportif, à savoir sa démocratisation et son intégration profonde au sein du corps social. Bilan et perspectives de développement du sport de pe/formance, p. 6, mai 1983, Alger, MIS. 2 JO n031 du 31 juillet 1979 p 556.
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de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'assurer la formation et le perfectionnement des cadres supérieurs du sport et notamment des enseignants des sciences et de la technologie du sport et de tout personnel assumant des fonctions équivalentes ainsi que des techniciens supérieurs nécessaires au mouvement national, de réaliser et de développer des travaux de recherches dans le domaine des sciences et de la technologie du sport, de difuser des connaissances scientifiques et techniques dans le domaine du sport en vue de contribuer au développement du mouvement sportif national, d'étudier les méthodes et techniques du sport, d'en établir les normes et d'en contrôler l'application (Art 6). Les multiples fonctions qui lui sont attribuées en font un organe prépondérant et multifonctionnel. Il devient à la fois une institution de formation, un labo de recherche, de production et de diffusion de travaux didactiques et scientifiques, un organisme de normalisation et de contrôle mais dans le seul secteur du sport. Désormais le divorce est bien consommé avec l'EPS. Le MJS ne s'occupe plus de la formation d'enseignants d'EPS pour le système scolaire et éducatif. La formation des maîtres d'EPS et des professurs adjoints d'EPS est arrêtée. Le CAPEPS disparaît, il est remplacée par une formation universitaire par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'arrêté interministériel du Iljuillet 1981 portant organisation du régime des études en vue du diplôme de licence d'Education Physique et Sportive, paru au JO du 15 septembre 1981, permet la préparation d'une licence d'EPS en huit semestres (équivalent des quatre annéees pour le recrutement au CAPEPS) au sein des établissements dépendant du ministère de l'enseignement et
de la recherche. Il met en place « l'universitarisation » des formations en EPS1. En 1982, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ouvre à la Cité universitaire de garçons de Ben Aknoun, (Alger), l'Institut d'Education Physique et Sportive (IEPS), chargé de prendre la relève de la formation de professeurs d'EPS qui était réalisée par le MJS. Cette intégration universitaire reconnait l'EPS comme discipline de l'enseignement supérieur à l'instar des autres 1 En France, l'arrêté du Il avril 1975 crée le DEUG-STAPS (diplôme d'études universitaires généralcssciences et techniques des activités physiques et sportives).En 1977, la licence ST APS est mise en place qui entraîne une modification du CAPEPS qui va être aligné sur celui des autres disciplines.
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disciplines. En outre il n'y a pas de concurrence avec le ministère de la jeunesse et des sports qui s'occupe que de sport. Ainsi, il est mis en place deux types de formations différentes. La formation des cadres dépendant du ministère de la jeunesse et des sports subit une refonte avec des changements d'appellation, de profil de cadres formés, de durée, de programme et de contenus d'enseignement. Elle met l'accent sur la spécialisation d'entraîneurs de haut niveau et la durée qui est augmentée. Deux profils sont créés: Le conseiller du sport. Les élèves stagiaires sont recrutés par concours parmi les candidats titulaires du baccalauréat et d'une attestation d'athlète délivrée par le ministre des sports, les titulaires d'un diplôme d'entraîneur délivré par un établissement de formation du minitère des sports et inscrit sur une liste d'aptitude et les candidats justifiant de la qualité de membre d'une équipe nationale et ayant le niveau de troisième année secondaire et inscrits sur une liste d'aptitude. (Art 29). Ils bénéficient de bourses et de présalaires.La durée est fixée à 10 semestres. Elle passe de 4 ans à 5 ans. Le contenu des programmes est fixé conjointement par le ministre des sports et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Les études sont sanctionnées par un diplôme d'études supérieures en sciences et technologie du sport délivré par l'institut (D.E.S.). La formation est assurée à l'Institut des Sciences et de la Technologie en sport (ISTS). Il sera organisé une formation post-graduée. Le technicien supérieur du sport. Pour la formation des techniciens supérieurs du sport, les CREPS, au nombre de quatre, deux à Alger, un à Oran et un à Constantine qui avaient pour mission de former des professeurs adjoints et des maîtres d'EPS, sont transformés en instituts de technologie du sports (ITS) par décret 80147 du 24 mai 19801. En outre, ils organisent des stages de recyclage et de leur perfectionnement à leur intention. Ils concourent dans le cadre de leur activité à toute recherche et expérimentation dans le domaine du sport. Ils participent au contrôle de l'application et méthodes du sport à l'échelon régionnal. Ils participent à la formation du personnel d'encadrement sportif notamment des arbitres.(Art 4). Les études sont sanctionnées par l'obtention d'un diplôme de technicien supérieur du sport. L'accès aux études se fait par voie de concours ouvert aux candidats justifiant du niveau scolaire de fin de 11.0
n022du 27 mai 1980 P615-616.
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troisième année secondaire ou de titre équivalent et âgés de 35 ans au plus à la date du concours. La durée des études est fixée à 6 semestres (3 ans). Les techniciens supérieurs du sport forment un corps de fonctionnaires chargés sous l'autorité du ministre des sports, de l'éducation sportive et de l'animation des sports des structures du ministère des sports et du mouvemnt sportif. A ce titre, ils sont chargés de participer à la promotion du sport de masse, d'assurer et d'organiser l'entrainement sportif selon les plans méthodologiques nationaux, de contribuer à l'émergence d'une élite sportive nationale, de pariciper à l'encadrement technico-administratif du mouvement sportif national. Ils peuvent être nommés aux emplois spécifiques d'instructeur sportif et d'attaché sportif communal. C'est la fin de la confusion de l'EPS avec le sport. C'est également «le triomphe des sciences et de la technologie du sport». Une véritable offensive scientifique est entamée. Cet appel à la science pour cautionner cette nouvelle orientation est l' de Mr Larbi Mekhalfa, le nouveau directeur de l'Institut de formation de cadres sportifs, docteur en médecine, chef de clinique de la médecine du sport, ancien footballeur universitaire du RUA, joueur de l'équipe de football composée d'étudiants de l'UGEMA reprèsentant l'Algérie au festival mondial de la jeunesse de Moscou en 1957 et membre du premier comité olympique algérien (COA). La formation des professeurs et maîtres d'Education Physique et Sportive par le MJS, considérée comme le produit de la francophonie est arrêtée. Elle est remplacée par la formation d'entraîneurs de sport, sous la responsabilité de cadres des pays de l'Est et du camp socialiste dont les résultats sportifs sur le plan international servent de légitimation et de validation du nouveau système de formation qu'on imite et parfois qu'on adopte intégralement. On passe d'une rupture avec la francophonie à une nouvelle vassalisation: la soviétisation du système algérien. La nouvelle équipe manifeste une réelle hostilité envers le système de formation français dont les cadres étaient surtout des pédagogues, des didacticiens de l'EPS, des enseignants de gauche et des socio-chrétiens, très syndicalisés plus soucieux de l'éducation que de la recherche de performance. Le rejet de ce type de formation est sans appel. Le ministre de la Jeunesse et des sports, Djamel HOUHOU déclare catégoriquement que le système fi-ançais ne nous
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apprenait absolument rien, aussi le nouveau système de formation est calqué sur celui des pays socialistes1. Après l'éducation, c'est le temps de l'idéologie, des sciences dures et de la médecine de fonder l'efficacité du sport. En outre, pour délégitimer la formation antérieure et la discréditer, on met également l'accent sur la durée des études. La formation des entraîneurs à l'aide de stages de courte durée (15 jours) est dénoncée vigoureusement. On déclare qu'un entraîneur de sport moyen doit suivre une formation de trois années d'études et doit avoir le niveau du baccalauréat, et qu'un entraîneur doit suivre cinq années d'études et posséder le baccalauréat. L'objectif est de former des athlètes de haute performance par des entraîneurs compétents. Or ceux qui encadrent les athlètes sont limités et ne peuvent en aucun cas comprendre les sciences du sport. Ainsi sont nommément dénoncés les entraîneurs algériens2 et on n'hésite pas à faire l'apologie des athlètes et des entraîneurs soviétiques. Le modèle de référence est celui de l'URSS et de Cuba avec qui la coopération va être développée. 25 professeurs soviétiques ne maîtrisant pas les langues étrangères, en particulier le français, doublés d'interprètes et de traducteurs, assurent des cours à l'ISTS. Cette formation comporte de nombreux inconvénients. Tout d'abord au plan pédagogique, il y a particulièrement un manque d'interactivité, de souplesse (le cours magistral dicté étant le type d'enseignement qui s'y prête le plus), et des risques de perte d'informations les plus originales et les plus récentes souvent plus difficiles à traduire. La recherche souffre plus encore que le cours magistral, de la contrainte de la traduction. Elle devient alors très coûteuse en temps et en moyens humains. D'autre part avec l'arabisation totale de l'enseignement qui arrive à la fin de l'année 1988-1989 à une phase cruciale, la première année de l'enseignement devra se faire entièrement en arabe dès l'année universitaire suivante. Cette situation nouvelle comporte des conséquences multiples au plan de la collaboration internationale. Elle crée des difficultés plus grandes pour les étudiants notamment dans la traduction en arabe des apports des intervenants étrangers et dans 1 ln El Moudjahid
du 25 octobre 1979.
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Pourquoi s'étonner quand Morcelli ne progresse pas? Ce n'est pas un Gouasmi qui le fera progresser et ce " n'est pas un autre entraîneur limité qui fera progresser Habchaoui. Leur travail consiste essentiellement à les faire courir. Ils les amènent au bout de leur existence et ça s'arrête là. Mais allez leur demander ce qu'a fait l'entraîneur soviétique Tocar qui lui est capable de les faire progresser ». ln interview du ministre de la Jeunesse et des Sports. ln El Moudjahid du 25 octobre 1979.
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l'utilisation de la documentation non arabe représentant l'essentiel de la documentation existante. Dans ce système de formation des cadres, c'est la défaite des éducateurs et des pédagogues et le triomphe des entraîneurs. D'autre part, le ministère de la jeunesse et des sports se déleste du sport scolaire. Un véritable clivage est institué entre le MJS et le ministère de l'Education Nationale. Pour les écoles de sport, le choix est celui d'écoles spécialisées par discipline. Le modèle de Cuba est copié. Chaque région possède un lycée sportif comprenant mille élèves et avec dix-huit lycées sportifs, ce pays assure la relève de ses équipes natiohales. Ce n'est donc point la masse des millions de sportifs qui, filtrés, forment l'élite mais seulement ces dix-huit mille éléments. En Algérie, c'est ce que nous tentons de faire1, atteste le ministre. La coopération avec les pays socialistes est renforcée. L'encadrement des équipes nationales est essentiellement constitué de coopérants de Cuba et des pays de l'Est (1 Bulgare, 4 Hongrois, 2 Tchécoslovaques, 1 Roumain, 2 Yougoslaves pour les équipes de basket-ball, de handball et de football). Les Soviétiques au nombre de six, en 1977, dont un entraîneur adjoint de la sélection d'URSS qui remporta le titre en basket ball des Jeux Olympiques de Munich en 1972, sont affectés au sein des ASP de la capitale. En 1981, sur un effectif global de 102 coopérants étrangers en poste, soixante-dix voient leur contrat reconduit l'année suivante (en particulier les experts soviétiques et cubains). La politique du MJS va subir de véritables dérives. Elle a des répercussions directes sur le sport de masse qui à son tour est contaminé par la politique des résultats. Les assemblées populaires communales s'éloignent rapidement de leur véritable mission pour persister à courir derrière la gloriole. «La championnite» va entraîner un rejet de l'animation sportive de masse variée et le renforcement des équipes fanions de football très coûteuses, se comportant comme des clubs professionnels et engageant des entraîneurs touchant le salaire d'un entraîneur d'ASP. Néanmoins pour avoir des fonds, les communes font payer l'utilisation des stades par les sociétés nationales. Cette déviation se retrouve aussi dans le secteur scolaire. Beaucoup de responsables des étabissements scolaires n'accordent 1 El Moudjahid
du 25 octobre 1979.
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plus de crédit à la pratique physique. Les enseignants d'EPS soucieux du résultat et de la performance vont concentrer toute leur attention sur les élèves licenciés au sein des associations sportives. Enfin sur un autre plan, les autres sports collectifs ou individuels, régressent et puis, peu à peu, sont délaissés. C'est le cas de l'athlétisme, sport de base par excellence qui perd 30% de ses effectifs des athlètes de performance. La boxe, le cyclisme, de même que le judo et la natation sont progressivement relégués au rang de disciplines mineures. Cette stagnation du développement sportif de 1977 à 1982 dans la majorité des disciplines sportives olympiques est illustrée par le recul du nombre d'associations sportives de performances (de 27 à 25), par la réduction des sports dits performants (de 9 à 7) et par la diminution de l'efJectifdes athlètes de performance (de 924 à 896)1. Cette période d'autoritarisme et non consensuelle entraîne des luttes d'influence entre deux camps, celui des idéologues nationalistes alliés aux éducateurs pédagogues et celui des scientistes. La tendance des pédagogues de l'éducation physique et sportive, éducateurs et hygiénistes, a pour objectifl'éducation, la formation de lajeunesse, sa santé et son patriotisme. Utilitarisme et nationalisme se confondent. Elle est renforcée par quelques activistes politiques et en particulier des syndicalistes affiliés à la FrEC, (Fédération nationale des travailleurs de l'éducation nationale de l'UGTA) qui considèrent que la stratégie du ministère de la jeunesse et des sports est une véritable dérive, eu égard aux textes fondamentaux de la nation. Une lutte d'influence et de pouvoir est déclarée par un noyau dur formé de quelques enseignants militants et des éléments nationalistes regroupés au sein du parti du FLN sous la responsabilité de l'ancien secrétaire général du MJS, Si Mohamed Baghdadi détaché à l'administration du parti du FLN. Sous sa houlette, le conseil supérieur de la jeunesse, structure du FLN, élabore un rapport du groupe Education physique et sportive de la sous-commission de la culture des sports, des loisirs et du tourisme de la jeunesse qui servira de base à la rédaction du rapport du comité central sur la jeunesse et comme axe sportif du futur plan quinquennal. La politique du MJS est d'autre part qualifiée « d'opportunisme,
momentanés: 1 Bilan et perspectives
sans principe».
la qualification de développement
Elle est fonction
de l'équipe nationale
du sport de peiformance,
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d'intérêts
de football à la
mai 1983, MJS, Alger.
coupe du monde en 1982 en Espagne et la recherche de succès pratiques immédiats, flatteurs du national-chauvinisme aux dépens des véritables besoins populaires et d'une éducation de formation de la jeunesse. On se contente de retenir ce qui réussit. Deux disciplines préférentielles, le football et le hand ball à un degré moindre ayant arraché des résultats les situant certes, au niveau mondial, bénéficient de conditions matérielles et financières optimales. Il faut rappeler que le football qui recueille l'adhésion totale et sans failles de la population durant la phase 1977-1982, a décroché successivement la qualification aux Jeux Olympiques de Moscou de 1980, à la coupe du monde de 1982 en Espagne post-franquistel et au Championnat d'Afrique des Nations. Il a enlevé les titres des Jeux Africains de 1978 et celui des clubs Champions de 1981. Le hand ball, deuxième discipline sportive de l'Algérie, a acquis des résultats aussi significatifs que le football: qualification aux J.O de Moscou en 1980 et au Championnat du Monde en 1982, médaille d'or aux Jeux Africains et champion d'Afrique des Clubs en 1982. Cette bipolarisation autour de deux disciplines engendre une course effrénée aux médailles et aux résultats spectaculaires donnant l'illusion de la pUIssance. En 1983, la nouvelle équipe ministérielle qui prend la relève constate à son tour «une véritable stagnation du développement sportif national». Dans une analyse des causes du recul des disciplines et de la dégradation progressive du sport de performance, elle y voit les insuffisances méthodologiques et les carences techniques constatées dans la préparation des athlètes de haut niveau, exigeant non seulement rigueur et rationalité, mais surtout un «recours intelligent» aux sciences et technologies du sport. De ce point de vue si la durée de préparation s'est nettement accrue, pour le reste l'on s'est cantonné au niveau des professions de foi sans impact concret sur la réalité2. Cette étape qu'on peut qualifier de «temps des illusions» reste paradoxale. Elle est caractérisée par la production d'un discours sur la
1 L'Algérie avait même gagné 2-1 contre l'Allemagne de l'Ouest le 16 juin 1982. Son élimination ne le fut, en tout état de cause, que grâce à la rencontre truquée Autriche-RFA. Le match Autriche-RFA sera plus tard surnommé « le match de la honte ». La vérité sera faite en 2007 quand un ex-joueur allemand déclare qu'il y a eu un pacte de non-agression car les deux équipes se savaient qualifiées, ce dont la plupart des observateurs se doutaient bien au vu des images du « match ». 2 Selon la déclaration du ministre de la Jeunesse et des Sports en 1979, il avait des résultats immédiats Y qu'il fallait garantir pour le prestige de l'Algérie. ln El Moudjahid, du 25 octobre 1979.
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pratique sportive au strict plan idéologique plutôt que la production d'une pratique sportive, puisqu'on est passé de l'usage d'utilité sociale du sport comme il est déclaré dans la Charte nationale à celui de moyen de représentation d'un groupe de responsables ministériels et d'un pouvoir politique à la recherche essentielle de renforcement de légitimité et de reconnaissance. Les finalités qui sont assignées au sport sont déterminées par la réalité politique. C'est la représentation, la visibilité sur la scène internationale et l'image d'une certaine Algérie ayant une place dans le monde arabe, africain, dans le Tiers-Monde et chez les Non-Alignés qui l'emportent. Le sport de performance devient uniquement un appareil de représentation au service du prestige de l'Etat 1qui privilégie la politique internationale.
C 1984 : les ajustements, les correctifs Pendant le deuxième mandat du président Chadli, l'économie algérienne va subir des ajustements et des correctifs. Cette phase qualifiée de chadlisme, d'Infitah de l'économie (ouverture au privé) ou de sadatisation par les prosoviétiques (les Pagsistes) va entrainer la restructuration des entreprises se traduisant par l'éclatement des 60 géantes en 460 petites. Le sport va subir des conséquences immédiates et directes de ce nouveau contexte économique et politique. 1) Dans les institutions sportives, l'adoption d'une nouvelle approche, qualifiée de «redressement» conduit à la fermeture rapide de la parenthèse de la course effrénée aux médaillles. La réorganisation structurelle du ministère commence par la nomination d'un ministre de la jeunesse, Kamel Bouchama, un ancien responsable de la Jeunesse FLN et d'un vice-ministre chargé des sports, Mohamed Salah Mentouri, un technocrate (1984-1988)2. Les services de ce dernier s'attellent essentiellement à dresser un bilan et un diagnostic courageux, lucide, objectif sur tous les plans sportifs (structurel, organisationnel, fonctionnel, et de gestion). Ils touchent l'ensemble des actions réalisées au cours de la phase considérée.
1 Bilan est perspectives de développement du sport de pelformance, mai 1983, MJS, Alger. 2 Le gouvernement mis en place le 22 janvier 1984 a vu la nomination de 14 vice-ministres dont celui chargé des sports, qui partage les attributions du ministre «afin d'entretenir au sein de l'équipe un climat d'émulation, voire de concurrence souhaitée par le chef de l'Etat pour mieux assurer son contrôle ».
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De nombreuses propositions sont émises et des mesures prises afin de consolider «les acquis positifs de 1977 et concourir au redressement et au développement afin de résorber les déséquilibres et les disparités constatées et assurer à l'ensemble du système la cohérence nécessaire ». La stratégie mise en place pour l'élargissement de la base de développement du sport, va être la combinaison de la théorie coubertinienne de la pyramide et la théorie de la locomotive. Pour la première fois apparaît le concept de système national de culture physique. La notion confuse d'EPS est donc élargie pour mettre en place différents niveaux de pratique, des objectifs précis pour chaque secteur d'activité. La stratégie rigoureuse pour le sport de performance est empreinte de réalisme et montre que les liens entre masse et élite sont complexes et multiples. Chaque sport est analysé séparément (théorie des pôles de développement, masse des pratiquants, des compétiteurs et des athlètes de haute performance). Par ailleurs, l'analyse du sport sur le plan méthodologique tient compte de sa place dans le contexte international évolutif (étude comparative, objectifs précis). Des séminaires associant des techniciens, des universitaires (conseillers du prince), des hommes de terrain (praticiens) sont organisés afin de fournir une «base scientifique» à une politique sportive rationnelle. Une clarification des concepts dépassant les querelles sémantiques, et posant les problèmes de fond concernant l'organisation, les objectifs et les moyens utilisés, est opérée. L'ambiguïté sémantique et la confusion entre le sport et l'éducation physique que l'on trouve dans le code de l'EPS, est dépassée. Une série de mesures audacieuses sont prises à la suite de réflexions sérieuses dont les textes sont discutés en conseil des ministresl. Un saut qualitatif était fait en matière de l'action sportive et sur la question épineuse et délicate des sources du financement du sport avec la nouvelle donne du réajustement et correctif économique que connaît l'Algérie2. L'architecture générale du nouvel édifice constituant le système national de culture physique repose sur deux grands piliers: le sport de masse et le sport de performance ayant diverses attaches mais surtout une interaction dialectique. Le sport de masse englobe 1 Deux communications sont! présentées en 1985 par le vice-ministre chargé des Sports au gouvernement. Elles s'intitulent «Pour un développement sportif de masse» et «Les ASP, bilan et perspectives». 2 Source: document du ministère de la jeunesse et des sports. Plan d'action du secteur sports.
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trois aspects de la pratique sportive qui sont: l'enseignement de l'EPS!, pratique éducative de masse dans le secteur de l'éducation nationale, l'animation sportive (pratique compétitive de masse) et la pratique récréative. L'enseignement de l'EPS, dans le secteur préscolaire, les établissements de formation professionnelle, le premier palier de l'école fondamentale, commence à être instauré. Dans le fondamental et le secondaire, sur une population scolarisée estimée à 5 000 000 d'élèves en 1985, un cinquième bénéficie de l'enseignement obligatoire de l'EPS à raison d'environ 1h30 par semaine dispensé par 4500 enseignants dont 1000 pour le secondaire et le technique. A l'université un texte réglementaire prévoit la mise en place d'un module l'EPS. L'animation sportive intéresse le monde scolaire et universitaire, le monde du travail et les handicapés ainsi que le monde communal. Dans le monde scolaire et universitaire, cette animation est dirigée et coordonnée par les fédérations omnisports concernées, la Fédération algérienne du sport scolaire (FASS) qui encadre 144.000 élèves licenciés pour 1500 associations et la Fédération nationale du sport universitaire (FNSU) qui touche 10.000 étudiants licenciés. Les activités de ces fédérations sont relayées au niveau de la wilaya par les ligues correspondantes. En 1984 l'organisation des premiers jeux nationaux scolaires et universitaires a regroupé 4.000 jeunes scolaires et universitaires. Dans le monde du travail, la fédération algérienne du sport des travailleurs (FAST) touche des effectifs estimés à 40 000 pratiquants structurés au sein de 982 associations sportives d'entreprises à travers le territoire national. Cependant, c'est la pratique du sport de compétition qui prime. La gymnastique de maintien et les activités préparatoires aux différents emplois dans l'entreprise pour le développement de la force, de l'adresse, l'apprentissage des techniques de manutention, la lutte contre la fatigue et la prévention des lombalgies d'effort ainsi que la prévention des accidents du travail ne figurent pas au programme de ces clubs. S'agissant des handicapés, la pratique fait ses premiers pas grâce à la Fédération algérienne du sport pour les handicapés (FASHI) sous la houlette de son fondateur, un ancien professeur d'EPS au CNEPS et à l'ISTS, Aidoud Omar. 1 La confusion
entre le sport et l' EP demeure encore.
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Enfin le monde communal considéré comme le support décisif et l'artisan du renouveau sportif joue un rôle déterminant dans la réforme sportive malgré un certain nombre d'obstacles auxquels il reste confronté. Cette pratique permanente et continue est renforcée par des opérations spécifiques qui sont le cross du Parti et des APC1, les premiers marathons des grandes villes, le festival du sport du monde du travail organisé à l'occasion du 1er mai, le festival du sport de masse, compétition réservée aux jeunes de 11 à 17 ans, les jeux sportifs nationaux, antichambre du sport de performance. Le sport de performance tisse ses liens dialectiques avec le sport de masse qui est son réservoir où sont puisés les jeunes talents sportifs par le biais d'un système de détection et de sélection. Le niveau technique reste assez faible dans beaucoup de disciplines et les effectifs de participants dérisoires dans certaines disciplines de base, 6228 en athlétisme, 2680 en gymnastique et 978 en natation. Nous avons 8371 athlètes de performance dont 785 sont pris en charge par les entreprises nationales. Au plan organique, les structures du sport de performance sont les écoles de sport au nombre de 238 à travers 14 wilayates et englobant 2978 pratiquants pour 16 disciplines sportives et les associations sportives de performance (ASP) considérées comme les leviers de commande principaux du sport de performance au nombre de 48, dont 12 associations sportives universitaires communales (ASDC), secteur universitaire pour 9 disciplines sportives et 74 sections spécialisées. Les 29 fédérations sportives spécialisées, encadrent 273 ligues, et totalisent des effectifs de l'ordre de 154.909 licenciés dont 80.000 en football et 8.600 filles, ce qui représente approximativement un taux de pratique de un licencié pour 60 jeunes et d'une fille pour 18 garçons. Il y a 12 directeurs techniques nationaux permanents au sein des fédérations et 15 directeurs techniques de wilayates permanents au sein de 273 ligues. A côté de ces structures composant le mouvement sportif national, il faut ajouter les structures de conception et de coordination qui ont pour mission l'enrichissement et l'orientation du mouvement sportif national. Ce sont au niveau de la commune, le conseil communal des sports, au niveau de la wilaya, «le conseil wilayal» des sports et enfin le conseil
1 Le 1" marathon d'Alger a lieu le 1 0 mai 1984 avec 10 000 participants.
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national des sports qui doit s'occuper de l'orientation nationale en matière de politique sportive. Le comité olympique, la seule structure non étatique, veille à l'application des principes du mouvement olympique (amateurisme) et organise les jeux à caractère olympique. L'encadrement du mouvement sportif national est évalué entre 11 000 à 12 000 dirigeants bénévoles et 8000 fonctionnaires du MJS constituant une véritable bureaucratie étatique, pléthorique et onéreuse. L'organisation et le fonctionnement du MSN obéissent aux principes de la gestion socialiste des entreprises1. 2) Les nouvelles orientations montrent des continuités, des ruptures et une volonté affichée de maîtrise des conditions nécessaires à l'enracinement de la culture physique et sportive au sein des couches les plus larges de la population et la promotion des activités physiques et sportives au rang des actes quotidiens du citoyen. Les acquis enregistrés depuis l'avènement de la réforme sportive constituent les fondements dont il faut consolider les assises et élargir le champ d'action. Par conséquent, il est réitéré la continuité de la réforme qui reste à l'ordre du jour des préoccupations du ministère. Marqué par des séquelles générées par la rupture définitive avec un mode d'organisation et de fonctionnement en totale inadéquation avec nos choix politiques et idéologiques, le sport national se dote aujourd'hui d'une doctrine et d'un dispositif d'application apte à rendre irréversibles les principes qui demeurent justes de la réforme sportive2. Le bénévolat est réhabilité. Dans cet esprit, au côté du renforcement et de la permanisation et de l'encadrement du mouvement sportif national par des techniciens ayant reçu une formation spécialisée à cet effet, une très large place doit être laissée à l'apport du bénévolat et aux structures les plus décentralisées et les plus souples permettant d'obtenir l'adhésion et le soutien populaire, conditions nécessaires à l'enracinement de la culture physique et sportive et le cadre le plus approprié pour son développement sain, continu et conforme à la finalité du sport dans la société3. 1 Code de l'EPS, article 5. 2 Plan d'action du secteur sport, 1985, p. 67. 3 Idem., p. 68.
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L'approfondissement et la mise en œuvre des grandes lignes tracées par la Réforme et les recommandations contenues dans la Politique nationale de la Jeunesse seront continués. L'élargissement de la base sociale de la pratique et sa mission de représentativité au plan international demeurent les axes fondamentaux de la politique nationale des sports. C'est un double souci qui caractérise cette nouvelle orientation, la massification, le plus grand nombre de pratiquants et la représentativité sur la scène internationale. Intérêts des citoyens et ceux de l'Etat se combinent et ne s'excluent nullement. Le sport à l'école, à l'université et dans le monde du travail, aux côtés de la mise en place d'un processus continu de détection, de sélection et de perfectionnement des talents sportifs garantissant l'efficience et la pérennité du système d'élévation constante du niveau des performances sont les conditions pour bâtir une nation sportive s'affirmant aux plans continental, régional et international. Cet objectif de représentativité doit émerger de la politique interne qui doit faire de tout citoyen, non pas un spectateur mais un acteur. Le sport spectacle ne doit plus être prioritaire. Au contraire, on veut inculquer de nouvelles attitudes sportives, tout en essayant de vaincre et de dépasser les blocages et les barrières de toute nature. C'est vers les masses juvéniles qu'il faudra s'orienter afin de les canaliser vers des objectifs sains et mobilisateurs. Ce faisant l'organisation sportive pénétrera les quartiers et les villages et créera les conditions d'une nouvelle dynamique de la pratique sportive. Cette nouvelle dynamique, créatrice de valeurs sociales, morales et esthétiques enrichissantes et brassant toutes les couches sociales, tous les sexes et toutes les catégories d'âge aura des impacts profonds sur la santé physique et morale de notre population". "Nous aurions ainsi assuré à notre jeunesse les conditions d'une vie meilleure dans un climat de saine émulation, de dynamisme, d'exaltation de l'esprit d'initiative et d'entreprise et de cohésion sociale et contribué, ce faisant, grandement au développement économique et social du paysl. Cette vision utilitaire et d'intérêt national consolidera l'édification d'un système national de culture physique et sportive profondément intégrée à la culture et intimement liée à la politique nationale de la Jeunesse. Le système visera par des formes et des activités et des moyens propres, la formation et l'épanouissement à la fois de 1 Plan d'action du secteur sport, p. 70.
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l'homme, du citoyen et du travailleur. C'est la recherche du bonheur des citoyens et du plus grand nombre qui entend se détacher de la conception purement égoïste de l'utilité. Les effets positifs sur l'individu sont perçus dans le seul cadre de la Nation toute entière. Nous sommes en pleine morale utilitariste qui reconnaît à l'être humain le pouvoir de faire le bien des autres, le plus large sacrifice de son bien propre. Vaincre le sous-développement sportif et créer les conditions pour l'éclosion d'une nation sportive et d'une éthique sportive demeure l'objectif central. Au plan des orientations idéologiques et politiques, si l'on considère les principes édictés par les textes fondamentaux, la haute performance est l'affirmation de la volonté de l'Etat d'ériger le sport en terme de nécessité, voire de priorité, de même qu'elle est le symbole de la maturité et de l'engagement d'une jeunesse qui accepte les contraintes d'un entraînement de haut niveau. Comme dans tous les autres secteurs de l'activité nationale, il est impératif de dégager une élite qui agirait en tant que catalyseur du mouvement sportif national et en tant que facteur d'émulation de la jeunesse. A ce titre, le rapport sur la politique nationale de la jeunesse adopté par la 7ème session du comité central du parti précise que "le sport de performance doit être considéré comme le moyen permettant à chaque jeune doué pour une activité sportive, de se réaliser pleinement et d'atteindre, sans que préjudice soit porté à sa santé physique et morale, un niveau de performance maximum. L'élite sportive regroupée au sein de la haute pel10rmance n'est donc pas le produit exclusif d'une recherche en laboratoire ou d'une laborieuse trituration de la science, mais elle est surtout l'émanation d'une pratique sportive généralisée, s'appuyant sur le respect de la morale et de l'éthique sportives. Elle ne doit donc pas être le spectacle de diversion pour une masse croissante d'oisifs. Bien au contraire, il conviendrait, dans ce cadre, d'insister particulièrement sur la formation idéologique et l'éducation morale et politique des jeunes sportifs de performance, pour qu'au travers de leur comportement, ils puissent constituer, pour l'ensemble de la jeunesse, des modèles à suivre et communiquer avec leur temps et leur milieu une culture sportive authentique, incitant le plus grand nombre à la pratique. De la sorte seulement, l'évolution du sport de haute performance se conçoit comme une appropriation et un enrichissement culturel de la Nation et un moyen d'éducation d'une
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jeunesse d'avant-garde. Dans sa finalité il est porteur d'un message, d'un esprit et d'une nouvelle morale. Il a une incidence sur l'environnement idéologique) politique, social et culturel. JI est la mémoire collective d'une nation]. L'impact social et culturel du sport de performance est de situer son développement dans le cadre idéologique et politique défini par la Charte nationale et les résolutions des différentes sessions du comité central du FLN. C'est la raison pour laquelle, il convient d'orienter les mesures politiques en direction des responsables gestionnaires, des militants du parti et des organisations de masse, des dirigeants sportifs et des athlètes. Les militants du parti et des organisations de masse apporteront, dans le cadre des cellules d'entreprises et des sections syndicales, un soutien dans la formation politique des dirigeants et athlètes. Ils exerceront un contrôle permanent et préviendront de la sorte toute déviation ou comportement incompatibles avec les objectifs visés et les règles de l'éthique sportive. Sur la base de ce qui précède, il est évident que le choix des dirigeants sportifs, animateurs des structures du sport de performance, devra être rigoureux et obéir aux critères d'engagement, de compétence et d'intégrité. L'adhésion, par ailleurs, des dirigeants et des athlètes aux structures du parti et de l'organisation de la jeunesse, devra être encouragée par le dialogue formateur et la conviction profonde. Dans ce cadre, dirigeants et athlètes, imprégnés des principes d'action et de l'idéologie du parti du FLN, constitueront, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, les dignes représentants de la société et de la jeunesse algérienne. Dans ce domaine particulier, la presse et l'ensemble des moyens d'information joueront un rôle déterminant et mobilisateur pour diffuser les principes et objectifs du sport de performance, et contribuer à la propagation des règles de l'éthique sportive, partie intégrante de la révolution culturelle2. L'encadrement sportif est presque totalement algérianisé. Désormais le sport est aux mains des seuls Algériens, néanmoins une véritable «tare» demeure: elle concerne la formation des cadres à l'Institut de la Science et Technologie du Sport (ISTS) dominé par les Soviétiques alors qu'existe un potentiel scientifique et technique algérien certes dispersé mais qu'on peut recomposer. Le système de ] Bilan et perspectives
de développement
du sport de performance,
2ldem.
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mai] 983, MJS, Alger.
formation est analysé. Il en ressort qu'il porte la marque d'un certain académisme se marginalisant du terrain et favorisant ainsi l'intervention prononcée et anarchique d'un encadrement sans formation entachant la qualité du produit de la formation d'une certaine médiocrité et véhiculant souvent une idéologie contraire à nos choix1. On peut à juste titre parler d'une véritable politique sportive, c'est-à-dire comportant une stratégie de la décision et de l'action. Cette politique a pour objet la détermination et la réalisation d'objectifs clairs en fonction de données et de moyens disponibles pour les atteindre. Elle s'inscrit dans le 2 °plan quinquennal 1985-1989, considéré comme une étape stratégique de la consolidation du mouvement sportif national sur des bases solides. Cette période verra l'organisation de plusieurs grandes manifestations (Coupe du monde 86, Jeux Méditerranéens 87, Jeux Africains 87, Jeux Olympiques 88) dont il faudra prendre compte. Les décideurs algériens ne se sont pas uniquement fixés des objectifs pour la représentation et la visibilité internationale. Ils ont aussi programmé l'élargissement de la base sociale de la pratique pour sortir la population de l'inculture sportive et donc de faire de l'acte sportif l'univers quotidien du citoyen. Ainsi doivent se développer harmonieusement, l'enseignement de l'EPS, l'animation sportive (de masse) et le sport de performance. En fait si le discours politico-sportif antérieur pêchait trop par autosatisfaction, simplisme et triomphalisme et était en réalité un procès de légitimation et idéologique, le discours de cette période introduit des catégories nouvelles comme la critique constructive et la lucidité, signes d'une démocratisation en germe. Cependant, il reste enfermé dans la domination et l'exclusivité de la Réforme du sport. Pour le vice-ministre chargé des sports «les bouleversements qui ont eu lieu ne se sont malheureusement pas produits à tous les niveaux de l'édifice. La Réforme n'a pas encore porté sur les hommes, il reste à changer les esprits et on est confronté à beaucoup de résistances au changement. La réforme pour être absolue, doit également détruire une certaine mentalité, lien avec le passé révolu )). L'Etat n'est donc pas décidé à céder du terrain.
1 Plan d'action du secteur sport, 1985, p. 46.
101
~ 2 L'après
Octobre 19881: les remises en cause
Ce sont donc les événements d'Octobre 1988, durant lesquels les Algériens, épuisés par le monopole du FLN, ont exprimé leurs aspirations au changement, qui entraînent plus de liberté et une intervention moins visible de l'Etat dans le sport. A La nouvelle loi sur le sport
Dans ce nouveau contexte politique et si on se réfère aux textes, c'est la fin programmée de la Réforme sportive et du Code de l'EPS avec l'adoption de la nouvelle loi n° 89-03 du 14 février 1989 relative à l'organisation et au développement du système national de culture physique et sportive. Toutes les dispositions contraires à cette présente loi, notamment celles de l'ordonnance n076-81 du 23 octobre 1976 portant code de l'EPS sont abrogées (soit 13 années d'exercice), (Article 8). Pour la première fois de son histoire, le sport ne fait plus l'objet de textes idéologiques, charte ou code2,mais de la promulgation d'une loi, instrument juridique émanant de l'Assemblée populaire nationale et prévoyant des textes d'application au nombre de 38 dont 17 décrets, 10 arrêtés interministériels et Il arrêtés ministériels pour la mise en place concrète de la loi. Dans son titre VI, «Des dispositions transitoires», il est précisé que les dispositions de la présente loi prendront effet au fur et à mesure de la publication de ses textes d'application et doivent recevoir plein et entier effet au plus tard le 31 décembre 1991 (article 83)3. 1) Les changements entrainés par cette loi vont différencier radicalement cette nouvelle période des précédentes. D'abord, au niveau conceptuel, l'EPS est remplacée par le Sport. Désormais la 1 La période post octobre
1988 est riche d'événements
et en tentatives
de changements
sociopolitiques.
C'est le début de l'instauration de la démocratie avec la légalisation de 47 partis politiques et la pluralité de la presse: des dizaines de journaux. Cependant cette démocratie est davantage faite de faux-semblants que de solides réalités. 2 Le code pose des principes relativement généraux et confie au gouvernement et au ministre des sports le soin d'en dégager les prolongements pratiques. Il fixe par de grandes vues les principes généraux du droit du sport, établit des principes féconds en conséquences et ne descend pas dans le détail des questions qui peuvent naître. 3 En 1992, douze décrets et deux arrêtés interministériels et trois arrêtés ministériels ont été publiés au Journal Officiel de la République prévus.
algérienne
démocratique
et populaire,
102
soit moins de la moitié des textes
place du sport dans la société est relativisée. Si dans le code de l'EPS une place privilégiée lui est accordée puisqu'il est «une tâche nationale »1, il devient un simple service public. Ainsi donc la question de fond change. Une amorce de libéralisation de la société s'est déjà opérée sur le plan institutionnel avec la loi sur les associations n° 87-15 du 20 juillet 19872 et cette nouvelle loi n° 89-03 du 14 février 1989 entame le début de la rupture avec le fonctionnement du système associatif qui limitait la liberté d'association. C'est l'émergence de la société civile, peut-être même le début de l'appropriation de la gestion du sport par les citoyens. Le principe de l'autonomie du mouvement sportif national doit en théorie être consacré par la nouvelle loi conformément aux règles stipulant l'indépendance du mouvement national par rapport aux Etats et un certain degré d'initiative, édictées par le CIO et les fédérations internationales et auxquelles ont souscrit les responsables sportifs algériens. Les pressions politiques extérieures et du MJS sur les associations sportives doivent en règle générale disparaître. Cependant dans la réalité, c'est d'une autonomie relative3 dont vont jouir les associations sportives. Elles sont à mi-chemin entre l'indépendance de s'administrer librement, de gérer elles mêmes les affaires qui leur sont propres sans interférence de l'autorité et la subordination totale au MJS, véritable vassalité et soumission. Les acteurs du mouvement sportif ne se comportent plus comme de simples exécutants ou figurants chargés d'obéir et d'appliquer à la lettre les décisions de l'autorité. Ils deviennent de vrais acteurs responsables seulement «en liberté surveillée» car l'Etat ne s'est pas totalement désengagé sur le plan financier et infrastructurel et continue d'exercer un certain 1 Code de l'EPS, p. 32, art. 34. 2 La loi de 87 assouplit la liberté d'association en introduisant un système mixte. Dans son article 6, la loi 87-15 du 21 juillet 1987 précise que l'association se constitue librement par la volonté de ses membres fondateurs à l'issue d'une assemblée générale constitutive réunissant au moins quinze membres fondateurs qui en adoptent les statuts et désignent les responsables de ses organes de direction. Avec cette loi, la cadre associatif a connu un net essor avec la création de plus de 17.000 associations dans divers domaines, culturel, éducatif, scientifique et social. L'existence juridique est soumise à une simple déclaration, toutefois, certaines associations sont-elles soumises à la procédure de l'agrément préalable. La liberté d'association n'est pas totale puisque l'administration se réserve le droit de ne pas agréer certaines associations. Toutefois cette loi constitue une avancée positive par rapport à la législation antérieure, en particulier l'ordonnance na 71-79 du 3 décembre 1971. 3 La théorie de l'autonomie relative des superstructures a été présentée par Louis Althusser dans « Pour Marx» de la manière suivante: «Marx nous donne bien les deux bouts de la chaîne et nous dit que c'est entre eux qu'il faut chercher... d'une part la détermination en dernière instance par le mode de production économique, d'autre part l'autonomie relative des superstructures et leur efficace spécifique.»
103
contrôle. C'est la politique de la délégation. Néanmoins, dans l'esprit des décideurs politiques, cette forme d'autonomie relative (qui dépasse la décentralisation administrative) à l'égard de la «puissance commandante» n'est pas sans danger. Elle peut se prolonger dans la prétention des acteurs-cadres à exclure aussi bien l'Etat que les usagers du secteur, c'est-à-dire les sportifs. Peuvent naître des unités subsistant en soi et pour soi et soustraites du contrôle du ministère de la jeunesse et des sports comme dans certains pays du monde libéraP. Le risque encouru est le retour des notables. Politiquement les notables sont des personnes qui par leur situation économique sont en mesure en guise d'activités secondaires de diriger une collectivité quelconque sans recevoir de salaire ou contre un salaire purement symbolique2. Ils ne vivent pas «du» sport, ni «pour» le sport. Ils deviennent les véritables maîtres du sport. Ainsi, après avoir été l'affaire de l'Etat et affaire d'Etat, le sport risque de devenir «affaire des hommes d'affaires» mais pas des citoyens. Ceci dit, l'enjeu ne porte pas sur l'ensemble du mouvement sportif national mais plus particulièrement sur la gestion de la pratique sportive de performance et la pratique compétitive de masse qui se déroulent dans le cadre des associations sportives, des ligues sportives, des fédérations sportives et du comité national olympique. Il concerne donc le sport spectacle dont on tire de multiples avantages. Le sport éducatif et récréatif de masse ne semble pas présenter d'intérêt pour le moment. Dans la réalité, cette course effrénée vers l'appropriation de ces structures sportives s'explique moins par la recherche de profits sociopolitiques dont les gratifications symboliques et honorifiques, les retombées médiatiques que par un certain nombre d'avantages matériels et financiers (les privilèges, les voyages à l'étranger, l'accès aux devises grâce aux frais de missions)3. C'est ainsi que le ministre de la Jeunesse et des Sports, à l'occasion d'une rencontre avec les fédérations et les ASP, qualifie les fédérations «d'agences de voyages» comme cela est révélé dans un communiqué du Conseil national des sports (CNS). Il met l'accent
1 En Grande-Bretagne, les compétences de l'autorité groupes privés. 2 Paul VEYNE, op. cité. p.110 3 El Hadefdu dimanche 5 au samedi 11 août 1990.
publique
104
sont considérées
du ressort exclusif
des
sur la nécessité à l'avenir d'éviter le détournement par les non-sportifs1.
de l'argent du sport
2) Le début d'un processus de mise en place de la démocratie dans les structures du mouvement sportif national commence avec la nouvelle loi,. En conformité avec l'évolution de l'Algérie post-octobre 1988, elle permet l'émergence des éléments de transition du sport bureaucratique dit socialiste au sport libéral: par l'organisation d'élections démocratiques pour le renouvellement de toutes les structures de l'association sportive de base, des ligues, des fédérations et du comité olympique. Il s'agit approximativement de procéder aux élections démocratiques de 5000 sections sportives, 447 ligues, 1500 conseils communaux des sports, 48 conseils des sports de wilayates et de renouveler toutes les fédérations spécialisées et omnisports. C'est le retour à la légitimité de type démocratique dans le sport. Cette démocratisation du mode d'élection des responsables permet à tout un chacun de se présenter devant le suffrage universel sur la seule base des mérites et des compétences. Toutefois des doutes ainsi que des dénonciations de cette loi sont émis quant à «son esprit antidémocratique» sur le terrain. Les clubs de sport sont nombreux à formuler des critiques sur le non respect de la démocratie. Ceci entraine une véritable démobilisation. Dans un article du Doyen, magazine sportif mensuel édité par le MCA, intitulé: «D'où vient le mal qui ronge le sport algérien? », on peut y lire: on y avait pourtant cru un instant. Démocratisation des structures, élections libres au sein des fédérations, création de l'association des cadres sportifs. Nouvelle loi, nouvelle donne, nouvelles idées, nouvelle ambiance. Changement ! Et on s'était lancé avec force dans la bataille, sûr qu'en sport comme en politique, rien ne sera plus comme avant. Peu à peu l'enthousiasme ébréché, l'euphorie s'est éteinte et jour après jour les illusions du départ ont laissé place à l'incertitude, au désarroi face à demain2. Le journaliste constate qu'en réalité il n'y avait pas eu de césure avec le
1 El Hadefdu dimanche 5 au samedi Il août 1990. Ce n'est qu'en 2005, que l'article 8 du décret du 17 octobre 2005 portant organisation et fonctionnement des fédérations nationales stipule «qu'il n'est pas permis aux dirigeants de la Fédération Nationale sportive de bénéficier de gratifications ou d'autres privilèges sous quelque forme que ce soit". L'auteur, y ahia Guidoum, ministre de la jeunesse et des sports fut arrêté net dans ces réformes controversées par les fédérations nationales sportives. Il ne fut pas reconduit dans ses fonctions lors du remaniement ministériel. 2 Lakhdar EZZINE in Le Doyen n° 13 janvier 1990.
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passé et que seules des mesures superficielles avaient été prises. La locomotive n'a pas grimpé la côte historique à toute vapeur jusqu'au bout et le risque, c'est que entraînée par son propre poids, elle redescende la pente jusqu'au creux d'où elle était partie, elle précipite dans l'abîme sans espoir de salut tous ceux qui, de leurs faibles forces voulaient la retenir à mi-chemin1. D'autre part, ces élections doivent garantir une meilleure représentativité car jusqu'à cette loi, la jeunesse n'était pas bien représentée2. Si le code de l'EPS a fait son temps, pourquoi pas ses hommes installés à la tête des structures obsolètes et dépassées par les exigences de la nouvelle génération? Comment peut-on confier les mêmes responsabilités à ceux qui ont démontré leur incapacité, leur incompétence et leur inefficacité pendant des années ?3. En posant la question de la réeligibilité des dirigeants, nous sommes en présence d'un véritable conflit de générations. Les jeunes ont une nouvelle approche de la gestion du pouvoir sportif. Les nouvelles générations veulent le remplacement des anciennes qui ont monopolisé et verrouillé le système sportif. Une brève analyse des élections des ASP à Constantine montre que le déroulement n'a pas été satisfaisant: encore une fois les choix antidémocratiques ont prévalu4. 3) Sur le plan structurel, l'organisation générale du système sortif n'a pas changé. La pratique et l'architecture générale sont restées intactes. Le système est organisé en quatre modalités de pratiques, des niveaux de tensions différents et ayant des objectifs spécifiques: la pratique éducative de masse, la pratique récréative de masse, la pratique compétitive de masse et la pratique sportive de performance (pour l'élite de haut niveau). Les ressources humaines chargées de la gérer et de la faire fonctionner sont répertoriées et déterminées ainsi que les infrastructures, les matériels et équipements sportifs. 1 Idem 2 Il faut souligner que toute la société algérienne fonctionne selon le modèle patriarcal et gérontocratique. 3 El Moudjahid du 23 mai 1989. Réserves du WOB de Boufarik sur l'application de la loi concernant la limitation à deux personnes à l'Assemblée générale de l'association pour les anciens joueurs, anciens supporters et anciens dirigeants structurés, rejoignant et soutenant fermement les réserves formulées par les anciens de la JSK. 4 Ainsi se sont exprimés des responsables de clubs. ln Révolution Africaine du 16 juin 1989 n01319: «
L'absence d'espace démocratique aura sans nul doute joué de tout son poids. Cette loi procède à un
verrouillage réel; elle ne permet pas à de nouvelles générations d'apporter leur contribution à une démocratisation de la vie de l'association. Les supporters (près de 50 000 pour le CSC) sont un vecteur essentiel dans la vie de l'association et n'auront pas la possibilité d'apporter réellement leur contribution (ils seront représentés par six délégués sur les 98 grands qui désignent l'équipe dirigeante) ».
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4) Le problème du financement du sport, en revanche, entraîne le désengagement de l'Etat-providence. Tout d'abord, la gratuité de la pratique sportive n'est plus totale. Le financement fait l'objet du titre V. L'Etat et les collectivités locales assurent ou participent au financement de la pratique éducative de masse et la pratique sportive de performance (art. 69). En fait les autres sources peuvent être le mécénat, le sponsoring, la publicité, les usagers eux-mêmes, les opérateurs publics ou privés, les apports internationaux des revenus ou ressources générées par la participation ou la prestation d'athlètes lors de compétitions sportives internationales. C'est la fin du sport étatique dit «socialiste». Avec les réformes économiquesl, en particulier la mise en place de l'autonomie des entreprises et la réhabilitation des catégories économiques du système libéral, de rentabilité, de profit, de bénéfice et de performance économique, il devenait possible aux entreprises économiques et certaines «ASP budgétivores» pour se conformer à leur objet social, de «lâcher le sport». Cette réhabilitation de l'objectif des unités économiques et ce divorce amène l'inéluctabilité de l'appropriation par la société civile des clubs sportifs. Les grands moyens mis à la disposition du sport de performance disparaissent2. Ce faisant, si les entreprises doivent gérer leur sport, c'est vers leurs propres travailleurs et leurs ayants droit qu'elles doivent s'orienter, vers le sport corporatif avec des objectifs précis dans le cadre des œuvres sociales (art. 70) et non pas vers le sport de haut niveau, de spectacle. Cependant la loi dans son article 21 penche plutôt pour le transfert de l'activité sportive intégrée à l'entreprise vers une association ancienne ou nouvelle à la demande de cette dernière dans le cadre d'une convention liant l'entreprise à l'association sur la base d'un cahier des charges qui détermine les conditions de transfert progressif de l'actif et du passif. On passe de «l'assistanat étatique» à l'ère de l'autonomie financière, de la performance et de la rationalité. 1 De toute manière, bien avant l'explosion d'octobre 1988, la crise mondiale aidant, avec la chute du prix du baril de pétrole et la baisse des recettes pétrolières, un glissement vers la privatisation est opéré. L'Etat ne peut plus, à lui seul, faire face au financement du sport. A partir de 1984, sous l'exercice du vice ministre chargé des Sports Mr Salah Mentouri, un groupe de réflexion est mis en place. Il suggère une panoplie de moyens pour financer le sport. On diversifie alors les sources de financement du sport. En clair, c'est le désengagement progressif de l'Etat qui se met en place. 2 Les courants conservateurs et les nationalistes de gauche ont qualifié la loi de 1989 de « criminelIe » parce qu'elIe autorise les unités économiques
à se débarrasser
107
du sport.
D'autres innovations se rajoutent, la nouvelle loi permet à l'opérateur privé d'intervenir auprès de l'Etat dans la réalisation et la gestion des infrastructures sportives. Dans l'introduction générale des textes d'application de cette loi, on lit par ailleurs que chaque étape de développement précise progressivement ses propres contours, ses caractéristiques propres, ses attitudes mentales et ses pratiques particulières. Et encore: chaque étape rend progressivement caduques les caractéristiques qui définissent celles qui l'ont précédé et fait émerger celles qui la souscrivent le mieux, au premier rang de celleci, les lois nouvelles. On ne pouvait donc face aux difficultés économiques que vit le pays, continuer de compter sur les seules subventions de l'Etat pour le financement du sport et de ses infrastructures. On ne pouvait dans le cadre d'une constitution nouvelle repousser l'aide d'une bourgeoisie nationale patriotique, dans d'autres secteurs aujourd'hui constamment présentel. Ainsi toutes ces conséquences de la loi de 89 avec la fin de la gestion centralisée du sport, pouvaient non seulement entraîner une dérégulation, résultat de la pluralité de règlements intérieurs mais aussi une instabilité par la multiplicité des méthodes d'action particulières sans référence à un centre. La dérèglementation de la gestion et de la pratique du sport allait aboutir à l'exacerbation de conflits d'intérêts entre l'Etat et le monde du sport, les fédérations et le CN02 Le 16 mai 1991, une réunion gouvernement-institutions sportives, (les 34 présidents des fédérations sportives, les responsables de l'Association des cadres du sport, l'Association des bénévoles du sport, le président du Conseil national du sport, le président du COA, l'Association des clubs de football ainsi que les responsables syndicaux du secteur de la jeunese et des sports) a lieu sous la 1 Révolution Africaine du 16 juin 1989, n° 1319. 2 Dans le nouveau décret paru dans le Journal officiel du 17 octobre 2005, l'article 48, stipule: "les fédérations sportives nationales reconnues d'utilité publique et d'intérêt général, en vertu de l'arrêté cité à l'article 41 ci-dessus, sont tenues de mettre leurs statuts en conformité avec les dispositions du présent décret un (1) an au plus tard à compter de sa publication le 19 octobre, au Journal Officiel n070 de la République algérienne démocratique et populaire ». Ainsi, le mandat de la FAF, étant terminé, il est lui fait donc obligation de se conformer à la nouvelle règlementation, pour mettre ses statuts en conformité avec le décret. Dans ce décret, en fait le MJS fixe à 30% le nombre d'experts désignés par ses soins au sein de l'Assemblée générale de la FAF (Article 6) et arrête le mandat des dirigeants de la FAF à quatre ans non renouvelable (Article 11). Il s'en suivit un long conflit Un autre problème a entrai né la suspension de la Fédération algérienne d'athlétisme (FAA) à cause de mesures disciplinaires à l'encontre de l'ancien président de la FAA, en septembre pour «dérive gestionnaire» par le ministère de la jeunesse et des sports (MJS).
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présidence de Mouloud Hamrouche, premier ministre en exercice, qui annonce la cession des stades aux clubs sportifs et l'abrogation des trois textes concernant les conseils, national, de wilaya et communal des sports contestés par le mouvement sportif. Il s'en suivit en novembre 1991 des manifestations de l'association des cadres et des techniciens du sport de la wilaya d'Alger, fondée entre temps en 1990. Mais les responsables expriment clairement leur volonté de faire coller le sport à la mutation que subit l'appareil de production. Pour eux il faut une optimisation de la gestion du sport. L'aspect positif reste la mise en place d'une certaine indépendance légitime du mouvement sportif national. B «L'islamisation du sport» Enfin, avec cette loi, une originalité idéologique apparaît; pour la première fois le législateur introduit trois nouveautés substantielles. Tout d'abord, il est fait référence au religieux, à l'Islam. Dans le titre I, « Des dispositions générales et des objectifs », il est précisé que «le système national de culture physique et sportive est un ensemble de pratiques conformes aux valeurs islamiques» (art. 2). D'autre part, l'article 8 souligne que la pratique éducative de masse est assurée sous la forme d'un enseignement adapté. Des textes règlementaires prévoient les modalités de dispense et les conditions d'exercice de cette pratique. Alors que le code de l'EPS l'avait rendue obligatoire et que jusque là le seul obstacle à cette pratique, est surtout d'ordre médical, cet article 8 laisse la liberté à toutes les interprétations dans le sens négatif de la restriction de la pratique. Déjà son enseignement n'est pas mixte, elle devient une matière d'enseignement adaptée, ce qui signifie un laxisme dans les exigences pédagogiques. On peut invoquer des motifs divers aussi bien médicaux, sociaux que religieux. Le glissement est vite opéré1. Pourtant, cette loi a été dénoncée par la presse comme antidémocratique et antiféministe. C'est l'occasion pour critiquer et condamner les députés qui décident à la place des
1 Alors qu'en Europe et dans le monde occidental, la tendance est à l'évolution rapide de la condition féminine et des pratiques physiques et sportives mixtes et à la réduction de l'écart entre garçons et filles dans les pratiques de l'EPS dans le système éducatif à travers les instructions officielles de 1985, 1986, 1996,1997,1998 et dans les programmes applicables à compter de l'année 1999-2000, en Algérie c'est l'inverse qui se produit avec l'adoption du code de la famille en 1984 faisant de l'Algérienne une mineure à vie.
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citoyens sans faire appel «aux spécialistes et aux conseillers »: Les députés ont amendé, enrichi et coupé l'herbe sous les pieds de la femme athlète. Si les locataires de l'APN ont trouvé des choses à dire sur cette loi, nul doute qu'athlètes, dirigeants, journalistes, avocats, médecins, sportifs, supporters, sociologues auraient apporté une contribution non négligeable. Le citoyen ne peut ni l'amender, ni l'enrichir, ni apporter un complément d'information. On a décidé à sa place1 On opère un passage vers la liquidation du sport féminin. Le discours politico-juridique du sport socialiste et laîque qui prévalait et ne faisait pas du problème de la mixité, de la séparation des clubs féminins, de leur entraînement, des obstacles insurmontables, est ainsi remplacé par le «sport arabo-islamique». Un seul secteur échappe par miracle à cette règle: la médecine. La chirurgie, la gynécologie et l'obstétrique, lorsqu'elles sont pratiquées par des hommes, doiventelles également «être conformes aux valeurs arabo-islamiques», puisque le corps malade, symptomatique, objet de soins, est nu et pose les mêmes problèmes que le corps sportif? Les femmes malades doivent-elles être examinées que par des femmes? Ce faisant, on remarque clairement que l'Islam est brandi avec détermination pour condamner, bloquer, refuser ou justifier telle ou telle action à chaque fois qu'il est question des femmes. Avec la «réislamisation rampante» ou la surexploitation de l'Islam à des fins de politique politicienne, de nombreuses concessions sont donc faites aux courants islamistes par le pouvoir politique à travers la loi de 1989. C'est le début de la régression irréparable et peut être irréversible de la pratique sportive féminine. Tout terrain perdu semble difficile à reconquérir. N'ayant plus de caractère obligatoire puisqu'elle est une partie complémentaire aux programmes au sein des établissements de formation, l'EPS féminine subit un recul idéologique et politique par rapport au code de l'EPS, laïque2. Cependant cette régression est compensée, au cours des années 90, par une légère tendance de l'Etat à lâcher du lest et à laisser aux acteurs de la société civile la gestion démocratique des
1 Révolution Ajhcaine ciu 16 juin 1989 n° 1319. 2 Le terrorisme islamiste va imposer par la force la séparation cies sexes et creuser l'écart entre les hommes et les femmes. Celles-ci sont exclues brutalement cie la pratique cie l'EPS. Le rapport au corps vécu en EPS et les représentations cie l'immense majorité cie la société algérienne islamique va accélérer le « démixage » cies classes et une séparation totale confortant les stéréotypes islamistes.
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activités physiques et sportives qui ne relèvent pas directement représentation sportive de la Nation sur la scène internationale.
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de la
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE Dans l'Algérie indépendante, le sport, activité corporelle technique, multidimensionnelle, n'est jamais arrivé à se dégager dans son évolution, du parrainage et de la main mise du politique, ni de l'usage politique qu'en font les décideurs étatiques. La question de son autonomisation relative ne s'est posée que très tardivement par un début de désengagement de l'Etat en 1989 avec l'instauration du multipartisme et le début de l'expression de la société civile. Aussi, l'appréhension du phénomène sportif en Algérie, l'histoire de son mouvement ne peuvent être objectivement comprises que ramenées au processus général suivi par la société sur divers plans et en particulier politique. Le sport est un élément constitutif d'un ensemble et toute étude doit le replacer dans le contexte de lutte, de transformations de la société. Il ne peut en aucun cas suivre une voie propre, indépendante. Dans l'Algérie souveraine, il est constamment rattaché à l'option politique du pays! ainsi qu'à la voie de développement économique. Dans la Réforme «les capacités politiques» du sport sont surévaluées par les responsables. De même dans la phase d'intégration des associations sportives au secteur des entreprises nationales, l'association sportive est conçue comme une unité de production, le sigle étant révélateur d'une fonction dynamique: produire de la performance. Le «développementisme» n'épargne pas le sport mais la fonction économique est éclipsée par la fonction politique.
1 Perre BOURDIEU soutient le contraire; «... On ne peut pas comprendre directement (souligné par nous) ce que sont les phénomènes sportifs à un moment donné, dans un environnement social donné en les mettant en relations directement avec les conditions économiques et sociales des sociétés correspondantes ; l'histoire du sport est une histoire relativement autonome, qui lors même qu'elle est scandée par les grands événements de l'histoire économique et politique, a son propre tempo, ses propres lois d'évolution, ses propres crises, bref sa chronologie spécifique.» ln Questions de sociologie, op cite, p. 175.
DEUXIEME PARTIE: UNE SURPOLITISA TI ON PERMANENTE DU SPORT
Le sport est l'objet de reconnaissance dans différents textes officiels doctrinaux et politiques (charte, code), de textes législatifs (lois et constitution), qui réglemente ses objectifs et sa mise en œuvre sur le terrain. Il porte l'empreinte de ces textes qui reflètent exactement le rapport de force politique entre les partisans de l'Etat moderne et les traditionalistes. Cependant, ces textes fondamentaux sont idéologiques car ils expriment une volonté politique et sont au service du pouvoir algérien soucieux de légitimer ses actions en produisant des propos officiels. Le premier texte, né en 1962, est la Charte des Sports. En 1965 la nouvelle Charte tente de corriger cette dernière. En 1975, le sport est régi par le Code de l'EPS. Enfin en 1989, il est l'objet d'une véritable loi: la Loi sur le sport. Cette dernière sera suivie d'autres comme celle du 14 août 2004 relative à l'Education physique et aux Sports qui subira des amendements. De plus, un certain nombre de textes fondamentaux de la Nation, les différentes chartes nationales, textes d'orientation idéologique et politique et les constitutions l'évoquent et le prennent en charge. Ce sont la Charte nationale de 1976 et la Charte nationale enrichie de 1986 ainsi que les constitutions de 1976 et de 1989. Il n'a jamais donc été «pur de toute politique».
CHAPITRE I : LES MULTIPLES MODALITES D'INTERVENTION
PUBLIQUE MISES EN
Traditionnellement les fontions de gestion, d'organisation, d'animation relèvent du mouvement sportif indépendant, l'Etat se contentant du financement et d'une fonction d'orientation politique. Jusqu'à l'apparition du Code de l'EPS, le MJS s'accorde à dire que le sport a bénéficié d'une certaine évolution politique, et d'un certain laisser-aller relatif. A partir de 1975, L'Etat va exercer une véritable main mise sur le sport en édictant un certain nombre de normes et de règles. Il va l'intégrer dans les textes supérieurs de la Nation.
~ 1 Les
dispositifs
législatifs
A Les textes fondamentaux
de la Nation.
A la veille de l'accès de l'Algérie à l'indépendance, dans le programme de Tripoli, programme du Front de libération nationale adopté à Tripoli par le CNRA en juin 1962, en particulier dans les tâches principales de la révolution démocratique populaire, il n'est pas fait une seule fois allusion au sport, ni de près ni de loin, ni à son rôle pendant la lutte de libération nationale. La «révolution démocratique populaire» qui a pourtant pour tâche historique d'étudier, d'organiser et parachever les acquis de cette lutte ne se intéressera pas à cette activité qui a joué un grand rôle diplomatique grâce à l'équipe du FLN. Dans le chapitre D, intitulé Pour une nouvelle définition de la culture, les rédacteurs déclarent que la culture algérienne sera nationale, révolutionnaire et scientifique. Elle combattra le cosmopolitisme culturel et l'imprégnation occidentale...Ainsi le sport semble ne pas avoir de fonction à jouer ni sur le plan éducatif et culturel, ni sur celui de la santé. Pourtant, compte tenu des services rendus à la révolution, il doit bénéficier d'une certaine reconnaissance et quelques égards bien que les enjeux du sport dans le développement ne soient pas encore saisis et compris. Le premier texte qui le régit est La Charte des Sports de 1963. Cette charte, une plate copie de la Charte des Sports du régime de
Vichy édictée le 20 décembre 1940, est un document dans lequel les responsables de l'Etat exposent les orientations et les objectifs du projet qu'ils se proposent de réaliser dans les différents domaines du sport et de l'éducation physique dans le présent et le futur. C'est un texte majeur d'orientation politique plus idéologique que pratique. La nouvelle Charte des Sports de 1965 corrige les insuffisances et les manques de celle de 63 et approfondit quelques points. En termes d'hiérarchie, c'est le Code de l'EPS qui renforce l'orientation idéologique et politique. Il se classe en seconde position puisque le texte suprême est la Charte nationale. Il est l'expression d'une volonté politique du parti unique du FLN de ne pas laisser la liberté au sport. Cependant, on peut dire que sans les textes d'application, le code ne définit pas de véritables engagements, c'est-àdire d'obligations précises dont on peut exiger l'exécution. Ce n'est qu'en 1976, dans son introduction, que le Code de l'EPS reconnaît explicitement le rôle joué par l'équipe nationale de football du FLN: L'impact du sport était tel sur l'opinion nationale et internationale que durant la lutte de libération nationale, les dirigeants de la révolution algérienne décidèrent de créer l'équipe du FLN dont le rôle politique Jut loin d'être négligeable dans le cadre d'une campagne de plus grande sensibilisation de l'opinion internationalel. La chronologie de la naissance des différentes textes d'orientation politique et idéologique montre un intérêt graduel accordé à la place du sport par l'Etat. Les premiers ne s 'y intéressent nullement mais les plus récents affirment sa place comme élément fondamental de la culture dans la société tout en faisant de son développement une obligation nationale, ou rentrant dans le cadre de la protection de la santé des citoyens. On trouve la Charte d 'Alger (de 1964), la Charte nationale (de 1976), la Charte nationale enrichie (de 1986). Dans la Charte d'Alger de 1964, ensemble de textes adoptés par le 1er Congrès du parti du FLN du 16-21 avril 1964, on affirme que «
pour nourrir le socialisme et son action, l'Algérie doit se forger une
culture nationale, à base de langue arabe et hostile au cosmopolitisme culturel. Cette culture sera de plus révolutionnaire, afin d'éviter toute culture de caste, elle sera scientifique enfin »2. Sur ce point les principes du programme de Tripoli sont intégralement repris. La 1 In Code de l'EPS, Introduction fondamentale, p. 7. 2 Charte d'Alger, Publication de la Commission centrale d'orientation,
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Alger
terminologie n'a pas changé. Une autre tâche essentielle consiste «à satisfaire, dans la mesure du possible, les aspirations des masses ». Ici encore, la Charte est beaucoup plus développée que le programme de Tripoli, parce que les besoins se sont révélés au fur et à mesure que le temps passait. Outre les problèmes de l'élévation du niveau de vie, de la santé publique, de la lutte contre l'analphabétisme et l'enseignement, de l'habitat et de la femme, de nouvelles questions sont abordées, en particulier les problèmes de la jeunesse, de l'émigration. Malgré cela, le sport demeure ignoré. Les problèmes politiques et économiques sont privilégiés. Dans l'élaboration de l'option socialiste, la Charte nationale est le document supérieur de référence, également consacré comme la source fondamentale de la politique de la Nation et des lois de l'Etat. La Charte nationale de 1976, va très loin et donne plus de détails. Parmi les actions destinées à favoriser le progrès social et culturel des travailleurs, des paysans et de la jeunesse, la Charte nationale se fixe comme objectifs, le développement des loisirs et des activités sportives. Elle affirme catégoriquement que l'éducation physique constitue un bien, un capital aussi essentiel que l'instruction et représente un des droits des citoyens. Ce droit est affirmé comme un principe du socialisme que l'Etat doit assurer, aux plus jeunes en particulier. Elle énonce clairement l'ensemble des actions qui doivent être menées parallèlement pour concourir à...donner au développement du corps et à son entretien la même importance que celle qui est rattachée à l'épanouissement de l'esprit. Elle reconnaît ainsi que l'éducation du corps doit être rattachée aux autres éléments de la formation, intellectuelle, morale et esthétique. En ce sens, l'orientation politique du pays concernant la pratique sportive, est « d'amener la jeunesse et la population à s'insérer dans un véritable réseau sportif à travers tout le pays. Le sport prendra alors le caractère d'une activité de masse, utile individuellement et socialement pour toutes les catégories d'âge et de sexe. Néanmoins, la pratique des activités physiques et sportives socialisantes par les forces actives de la Nation ne doit nullement être l'occasion de se «défouler» ou simplement de «suer». Le sport loin d'être une simple distraction, s'affirme, dans les conceptions modernes, comme une branche essentielle de toute politique de formation ». «Parce que phénomène culturel et social, l'appropriation des activités physiques et sportives pose un problème fondamental d'éducation, de formation et de
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planification. Dans cette optique, l'organisation des activités physiques et sportives et les types d'installation sont à encourager dans les établissements d'enseignement, dans les entreprises économiques et sociales, ainsi que dans les villes et les villages. Enfin, un effort de formation de moniteurs et de professeurs d'EPS doit être entrepris ... afin de donner à toutes les catégories d'activités sportives, l'encadrement qui lui est indispensable ». De tout ce qui précède, la Charte nationale indique clairement la nature des moyens humains, matériels et organisationnels à mettre en œuvre pour que l'éducation physique et le sport prennent le caractère d'une activité de masse. Ce volontarisme analytique n'apparaît comme rien d'autre que l'envers d'un volontarisme politique caractéristique d'une phase historique. Tiers mondisme triomphant, développementalisme, populisme sont d'autant plus assurés que l'air du temps y prédisposait. Le «sport colonial» se voit condamné sans appel dans tous ses aspects capitalistes, sur le plan idéologique et remplacé progressivement par un esprit socialiste avec des anachronismes organisationnels et de pratiques. Mais la confusion entre le sport, les activités physiques et sportives et l'éducation physique, est totale. La Charte nationale enrichie, en 1986, à l'initiative du président de la République, va énoncer des réformes économiques avec de nouvelles options libérales. En matière de sport, l'option est celle du début du désengagement financier de l'Etat. En 1989, la Charte nationale étant caduque, on ne peut que s'orienter vers l'application de lois. Ainsi, un nouveau style de textes régissant la vie de la Nation devient dominant et rentre dans le cadre de l'Etat de droit en construction. Force est revenue à la loi. C'est la loi, émanation de l'Assemblée Nationale Populaire qui réglemente le sport. La Constitution algérienne est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs. Elle est au dessus de toutes les lois. Dans la constitution de 1963 l'article 18, du chapitre «Droits fondamentaux», il est précisé que l'instruction est obligatoire, la culture est offerte à tous, sans autres discriminations que celles qui résultent des aptitudes de chacun et des besoins de la collectivitél, mais aucune allusion n'est faite au sport. La constitution de 1976, document autoritaire, subordonnant la société civile au pouvoir 1 lORA, n° 64 du 10 septembre
1963, p. 888 et s.
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politique, impose à l'Etat une option politique précise: le socialisme, l'inscrivant comme principe d'organisation irréversible de l'Etat et de la Nation. Son essence même est décrite dans un chapitre ne contenant pas moins de 25 articles. «Les formes socialistes» dans la gestion des entreprises sont encadrées, consignant la réalité de la gestion socialiste des entreprises (OSE) de 1971 dans la constitution. En matière d'activités physiques et sportives, cette constitution reconnaît, le droit à la pratique. Ce droit rentre dans le cadre d'une vision hygiénique et de la protection de la santé de chaque citoyen. Il est assuré par un service de santé général et gratuit, l'extension de la médecine préventive, l'amélioration constante des conditions de vie et de travail ainsi que par la promotion de l'éducation physique, des sports et des loisirs, (article 67, P 29). La constitution de 1989, l'article 51, précise que tous les citoyens ont droit à la protection de leur santé. Ainsi la promotion de l'éducation physique, des sports et des loisirs disparaît. La valeur constitutionnelle du sport s'éteint. Les textes doctrinaux du FLN imposent eux aussi des orientations en matière d'APS. Le FLN, parti unique au pouvoir, parti-Etat, contrôle toute forme d'association des citoyens. L'ensemble des organisations de masse (UOTA, UNFA, UNPA, UNJA, Unions professionnelles des avocats, des journalistes, des juristes, des économistes, etc...) ainsi que les associations culturelles sont sous sa tutelle. Selon l'article 22 du statut de l'UOTA, les postes de responsabilité sont accessibles qu'aux seuls militants du FLN. Il en va ainsi des autres structures. Même si les statuts des organisations ne le stipulent pas, les responsabilités aux postes clés sont réservées aux militants FLN ou à ceux qui lui déclarent une allégeance totale et un loyalisme sans faille. Les associations sportives semblent déroger à la règle, ainsi que quelques associations religieuses, mais ce sont des fonctionnaires d'Etat qui jouent le rôle de militants du FLN. Ainsi le FLN a l'exclusivité officielle sur l'idéologie nationaliste. Son discours idéologique officiel est monopoliste. Il ne cède pas la moindre parcelle de son hégémonie aux citoyens organisés. Tout doit passer par le parti, même les activités les plus anodines et le sport n'échappe pas à cet objectif. Ces orientations se retrouvent dans les résolutions de la 2° session du comité central du FLN Dans les décisions communes aux secteurs de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation,
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le comité central dans sa résolution 19 décide qu'il faut intégrer l'éducation physique et la pratique du sport dans les programmes d'éducation, d'enseignement et de formation en le faisant une matière obligatoire dans tous les examens, en mettant en œuvre les moyens nécessaires à cette tâche. Dans la résolution culturelle du IVo congrès du FLN, on recommande de mettre à la disposition de la jeunesse, des équipements sportifs et des moyens de jouissance des loisirs dans toutes les agglomérations nouvelles et les établissements scolaires et universitaires, ainsi que dans les centres de formation et de travail. Ceci exprime clairement la profonde préoccupation de «la direction politique» qui attache une grande importance au capital jeunesse. C'est ainsi que la politique globale de l'action culturelle et de l'action sportive doivent être axées sur les orientations fondamentales de la charte nationale, organiser l'activité culturelle, sportive et les loisirs en mettant à la disposition de la jeunesse tous les moyens d'expression et d'action; telle est la préoccupation centrale du IYo congrès du FLN. De la sorte, «la pratique sportive s'inscrivant dans une culture progressiste, doit favoriser l'épanouissement, la mobilisation et encourir et forger l'identité nationale d'une jeunesse toujours plus audacieuse et créatrice dans son élan révolutionnaire». Après la fin du parti unique, le sport prend une place très variée dans les programmes des partis politiques nés après octobre 1988.
B La loi et la liberté d'association sportive Un des analyseurs de la démocratie et non des moindres, est le mouvement associatif sportif. En effet, il est une des expressions et des manifestations de l'expression citoyenne et de la démocratie. La pluralité et le nombre des associations dont celles qui s'occupent du sport est un reflet de la participation des citoyens à la vie de la cité. Aussi, il est nécessaire de faire la genèse des lois réglementant la liberté d'association. Trois lois caractérisant l'intensité du rapport politique entre le mouvement associatif sportif et l'Etat déterminent trois périodes. 1) La loi du 31 décembre 1962, de la première période, reconduisant la loi de 1901, exprime une certaine méfiance vis-à-vis 124
du mouvement associatif par l'Etat qui ne reconnaît pas totalement la nécessité et la légitimité des corps intermédiaires. La création est surveillée, contrôlée par le wali (le préfet) et par le ministre de tutelle. Les cadres du mouvement sportif doivent répondre à des critères précis réglementés par des textes. Malgré cela, le mouvement sportif possède une semi-autonomie. 2) L'ordonnance de 1971, de la deuxième période de la Réforme, va donner à l'administration de nombreuses prérogatives parfois discrétionnaires pour contrôler l'organisation et le fonctionnement de l'association, auxquelles s'ajoutent des moyens coercitifs pouvant aller jusqu'à la dissolution. L'Etat est omnipotent et omniprésent dans le mouvement sportif national grâce à un arsenal juridique qui lui consacre de très larges pouvoirs. Et ce mouvement associatif reste faible numériquement. Pour l'année 1974, on a un chiffre approximatif de 2189 dont 687 associations sportives et 609 associations de parents d'élèves. L'Etat algérien est défavorable à ces mouvements associatifs qui sont une des expressions fortes de la démocratie. 3) La loi 87/15 du 21 juillet 1987 commence la troisième période. L'Etat va élargir l'espace légal imputé à la société civile. En 1987, le ministre de l'Intérieur avance le chiffre de 11.000 associations créées1. Remplaçant l'ordonnance restrictive de l'époque concernant la vie associative, la nouvelle loi supprime la procédure de l'agrément préalable qui était auparavant indispensable pour toute association civile locale. Ceci permet la création de plus de 17 000 associations dans divers domaines culturel, éducatif, scientifique et social. Les citoyens doivent assurer leurs propres initiatives dans différents domaines de la vie en société et décharger l'Etat de certaines responsabilités qui relèvent plus normalement du domaine de la société civile. Cependant, des restrictions et des gardes fous sont apportés. Le degré d'application stipule l'agrément préalable pour toutes les associations à caractère local qui s'engagent dans des activités qui peuvent être assumées par un service public. Dans le Décret 88-16 du 2 février 1988 fixant les modalités d'application 87-15, l'article 4 interdit et rend nulle de plein droit toute 1 ln El Moudjahid
du 12 mai 1988.
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association dont la mission est contraire au système institutionnel établi, de nature à porter atteinte à l'intégrité du territoire national, à la religion d'Etat, à la langue nationale et aux options et choix fondamentaux du pays, contraire aux lois et règlements en vigueur, contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Les dirigeants doivent être de bonne moralité et n'avoir pas eu une conduite contraire aux intérêts de la révolution de libération et aux choix et options fondamentaux du pays. Ainsi même dans les associations sportives, le contrôle de l'Etat est prépondérant puisque s'il y a assouplissement pour la création d'associations sportives, le pouvoir politique garde la main mise sur le mouvement par la possibilité de retirer l'agrément à l'association. D'autre part, les responsables des fédérations sportives ne sont pas élus mais désignés et nommés par le ministère de la jeunesse et des sports. Ce sont principalement des cadres du MJS, des commis de l'Etat ou des fidèles du pouvoir politique qui contrôlent le mouvement sportif national1. La participation au sein du mouvement sportif international doit se faire avec l'aval du MJS malgré les normes supranationales du CIO et des Fédérations internationales. Le droit interne est parfois en contradiction flagrante avec le droit international en matière de sport. 4) La loi n° 9031 du 4 décembre 19902, relative aux associations va donner un peu plus de liberté de création au mouvement associatif sportif. Le pouvoir politique va lâcher un peu de lest. Avec la loi de 89 un début de démocratisation fragile s'instaure. Les membres des instances du mouvement sportif national ne sont plus nommés par le MJS mais élus. On s'achemine vers un début d'autonomisation du sport. ~2 Les autres mesures d'ordre politique
1 L'article 56 du code de l'EPS, p. 56, stipule: «Tous les cadres du mouvement national doivent être agréés par le ministre chargé des Sports sur la base de critères d'engagement, de compétence et d'intégrité.» En réalité, ces cadres n'étaient pas uniquement agréés, surtout choisis et désignés par le ministre. On retrouve des similitudes avec le régime de Vichy dont le système électif de l'administration des Fédérations a été abandonné.
2 Dans son titre Il, chapitre 1", «Constitution», l'article 4 reconduit la condition de « ne pas avoir une conduite contraire aux intérêts de la lutte de libération ». En revanche, n'est plus exigé d'être de bonne moralité et ne pas avoir une conduite contraire aux choix et options fondamentaux du pays (art. 8 de la loi de 1987).
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A Les structures, les acteurs et les filiations politiques du sport L'Etat national algérien né de la lutte de libération nationale en dépit des ruptures programmées, soit dans les textes fondamentaux, soit dans les actes juridico administratifs, va en réalité s'inscrire dans la continuité de l'héritage de l'Etat colonial. Cependant si, en ce qui concerne le sport et l'éducation physique, en matière de profils de cadres de programmes, d'instructions officielles, de contenus d'enseignement, ils sont fortement inspirés à leur début par ce qui se fait en France, ils n'en sont pas moins très idéologisés. L'Etat ne s'est pas uniquement contenté de tracer un cadre juridique et politique au statut et à la place du sport dans la nation mais a voulu politiser intégralement le sport: l'encadrement, l'organisation, les athlètes, les cadres, et la formation. Tout, dans le sport doit être politique. Ainsi cette activité n'est pas marginalisée et suscite un réel intérêt des pouvoirs publics. 1) Les acteurs Le code de l'EPS stipule que« la formation des hommes obéissant aux principes fondamentaux de la révolution algérienne comme l'éducation est inséparable du contexte politique »1. C'est le politique qui détermine la formation des citoyens. Les cadres des structures du mouvement sportif, associations sportives, ligues, fédérations ne sont plus neutres ou sans appartenance politique. Il est exigé d'eux un véritable engagement politique au service du pouvoir politique du FLN à qui rien ne doit échapper. Il en est pratiquement de même pour les athlètes de haut niveau aux vertus morales car ils sont des représentants de la Nation. Les décideurs algériens ayant bénéficié d'un capital de sympathie au niveau international pendant la lutte de libération nationale sont très soucieux de leur image extérieure. A ce titre, ils exigent donc de l'athlète de performance d'y participer en lui traçant un code de conduite. Cette mission politique de l'athlète de haute performance est un devoir. A l'intérieur du pays comme à l'extérieur de l'Algérie, il doit respecter des normes morales et civiques bien déterminées. Il est donc évident qu'il ne suffit pas de réaliser des performances de haut niveau pour être reconnu en qualité d'athlète, mais être susceptible de servir son pays et d'être un exemple 1 Code de l'EPS, p. 14.
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à toute une jeunesse. L'athlète de haute performance, tant sur le terrain que dans la vie courante, doit se comporter en véritable modèle pour la jeunesse de son pays, et mobiliser toute son énergie pour faire honneur aux couleurs qu'il représentel. Il doit se situer dans la voie juste qui exige de lui qu'il soit un militant de première ligne. L'athlète n'a plus de liberté individuelle; contre sa volonté, il devient un agent de l'Etat. Les responsables algériens misent donc officiellement sur la conscience politique des sportifs de haute performance. En réalité ces derniers en désaccord total avec les décideurs, s'intéressent plus aux avantages matériels (primes, logement, voiture, devises etc...) qu'au drapeau. A ce titre, des mesures disciplinaires ont été prises par le COA à l'encontre d'un bon nombre d'athlètes et entraîneurs eu égard à leur mauvais comportement à l'étranger. Comme à l'époque du régime de Vichy qui a pris des mesures énergiques concernant l'ordre et la discipline sur les stades aussi bien des athlètes que des entraîneurs, le ministre de la Jeunesse et des Sports dans une interview estime que le comité olympique algérien et les fédérations doivent être sévères à l'encontre de quiconque entachera ou ternira par ses agissements l'image du pays. La représentativité est une chose trop importante. L'athlète, quels que soient ses dons ou ses performances, doit avant tout être un modèle pour la jeunesse. Le dirigeant a un grand rôle à jouer dans l'action éducative. C'est à lui que revient la formation morale et politique du jeune sportif. Il est également important de se pencher sur la discipline dans le pays. Il est possible de prévenir les incidents par les textes. Mr Abdenour Bekka, ministre de la Jeunesse et des Sports (1982-1984), ancien colonel de l'Armée nationale populaire, veut une formation nationaliste et de respect de l'ordre2 comme dans l'armée. Il souhaite qu'elle revienne aux entraîneurs qui voient donc leurs prérogatives s'élargir, devenant des commissaires politiques du sport. Le premier stage de la saison sportive 1982 de l'équipe nationale de football est ouvert par le ministre de la Jeunesse et des Sports qui saisit l'occasion pour rappeler les objectifs assignés à l'équipe
1 Idem, p. 23. 2 Cet objectif traduit une conception militaire du sport. Dans l'esprit de Vichy, on trouvait cette idée essentielle de renforcement de l'autorité et de la discipline, union des esprits et des coeurs, collaboration étroite de tous les éléments de bonne volonté. Vichy demandait aux dirigeants sportifs de devenir des éducateurs, en réalité des propagandistes.
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nationale et ce que revêt le fait de représenter compétitions internationales1.
l'Algérie
dans les
La formation de cadres politisés. Ces cadres doivent être les meilleurs artisans de la formation patriotique. Selon le Code de l'EPS le profil du cadre en éducation physique et sportive présente une triple caractéristique. Il est militant de l'EPS car l'enseignant ne doit pas vivre en marge des réalités sociopolitiques nationales, mais se mobiliser pour devenir un militant participant de manière consciente et réfléchie à l'émergence et à la promotion des générations socialistes2, technicien de l'EPS et animateur en milieu de jeunesse. Le cadre de l'EPS doit donc être un cadre socialiste et répondre aux critères d'engagement, d'intégrité et de compétence. Pour y arriver, l'algérianisation du système de formation et la politisation de ses cadres constitueront incontestablement les facteurs décisifs de l'affermissement de l'indépendance nationale3 précise le texte doctrinal. D'autre part «la formation des hommes s'inscrit dans un cadre d'une stratégie globale de développement, et obéit aux principes fondamentaux de la révolution. Comme l'éducation, elle se veut inséparable du contexte politique qui en détermine les formes, le contenu et les méthodes». La formation des cadres en éducation physique et sportive est une attribution du ministère chargé des Sports. Cependant, l'Etat partage son monopole
avec les organisations politiques, puisqu'il est stipulé que: « toutefois d'autres organismes publics, ministères ou institutions politiques et sociales, parti et organisations de masse pourront être chargés, en cas de nécessité, de cette formation »4. Précisons que la formation de cadres en EPS ne relève pas du champ de compétences de ces organisations. Le contenu des programmes de formation intégre une formation spécifique. Dans la maquette de formation de professeurs d'EPS, des centres de formation de cadres de l'EPS, on introduit une unité de valeur intitulée formation politique et administrative dont le programme porte sur l'histoire de l'Algérie, l'idéologie algérienne, les institutions, les révolutions, la politique extérieure, la fonction 1 El }vfoudjahid du 16 novembre 2 Code de l'EPS, p. 15. 3 Idem, p. 18.
1982.
4 Ibid, p. 14.
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publique, les organismes administratifs de tutelle, la responsabilité de tutelle1. Cette unité fait suite au module de culture nationale (2 heures par semaine) qui a remplacé le module d'administration et d'arabe du programme des contenus de formation de la dernière année des professeurs d'éducation physique et sportive. Cependant le volume horaire et le coefficient dans l'évaluation qui lui sont attribués sont faibles. Cette formation politique est l'équivalent de la formation générale (en réalité nationale patriotique) instituée par le commissariat général à l'Education générale et aux Sports du Régime de Vichy et qui avait pour objet la formation physique et morale des enfants. Dans une circulaire de la Direction de l'Education physique et sportive
définissant les missions des centres, il est déclaré que « l'éducateur est un militant, un animateur, un technicien. Selon la destination ou le poste de travail, il sera plus ou moins technicien ou animateur. Il agira toujours en conformité avec les règles établies et dépassera le niveau moyen exigé de tout un chacun pour aller au-delà de la demande et se comporter en militant ». Aussi, dans le système d'évaluation, il est demandé de faire un classement parmi les groupes de candidats et de déterminer numériquement ceux qui sont recrutables en fonction d'autres critères. Ceci entraîne le rajout d'épreuves subjectives qui ont un rapport très éloigné avec la profession et parfois aucun lien avec elle. Un choix est à faire, qu'il faut faire. Dans le rapport sur la politique nationale de la jeunesse adopté par le comité central du FLN, du 17 juin 1982, à côté de l'arabisation, l'algérianisation, on insiste aussi sur la politisation comme objectif en matière de formation de cadres du sport. Toutes les injonctions contenues dand les textes politiques en direction des cadres sont claires: il faut être un militant de la cause socialiste. Il reste vrai qu'il n'est pas précisé de quel parti. Cependant le FLN étant le parti unique, on ne peut pas être militant d'un autre parti politique. Il faut donc être engagé politiquement derrière le FLN. Un cadre sportif ne peut pas être neutre. Et l'enseignant en éducation physique et sportive, «ne doit pas vivre en marge des réalités socio politiques nationales, mais se mobilise pour devenir un militant et participer de manière consciente et réfléchie à l'émergence et à la promotion des générations socialistes ». Il devient un formateur socialiste du FLN, au mépris des compétences, des ]
Instruction de formation
ministérielle de ] 975 réglementant de cadres de l'EPS.
la formation
130
politique
et administrative
dans les centres
talents et des capacités. Là on est en pleine confusion entre le profil technique et pédagogique et le profil idéologique. On voit bien que le caractère professionnel de l'action des enseignants ne vise pas la formation pédagogique, didactique, technique et la transmissions de connaissances de l'objet éducation physique et sportive et du corps en mouvement mais l'inculcation idéologique socialiste. 2) L'organisation des institutions de formation d'EPS Cette conception idéologique du sport se continue dans l'organisation des établissements de formation. Elle est précisée par la circulaire n° 49 bis en date du 12 octobre 1971 modifiant la circulaire 49 du 1er septembre 1971. Elle fonde l'organisation et le fonctionnement des établissements de formation de cadres en EPS sur la même base de principes que ceux régissant les communes éducatives. Cette orientation organisationnelle a des objectifs pédagogiques, culturels et surtout socio politiques. En effet, il s'agit de former et de faire vivre concrètement des stagiaires au sein d'un milieu destiné à leur insuffler «la flamme sacrée» et de transformer attitudes mentales et comportements peu conformes à l'exercice de l'exigeant métier d'éducateurs1. Il est déclaré que l'enseignant d'EPS ne doit pas vivre en marge des réalités sociopolitiques de la Nation, mais se pénétrer des valeurs fondamentales de l'Algérie en ce domaine pour devenir un militant participant de manière consciente et réfléchie à l'émergence et à la promotion de l'homme nouveau. Le texte se situe à la fois sur le terrain de la morale et de l'idéologie. Sur le plan organisationnel, les organes des institutions politiques du pays se retrouvent donc en miniature au sein de l'institution de formation en EPS. L'assemblée générale des citoyens est constituée par l'ensemble des citoyens formant le corps électoral: stagiaires, enseignants, administrateurs, personnel de service, personnel médical, anciens stagiaires vivant au centre de formation ou y ayant vécu. Le groupe est composé de 7 à 10 citoyens sur la base d'affinités interindividuelles avec un dosage judicieux sur le plan de l'origine géographique des citoyens afin de respecter l'équilibre régional, avec un chef de groupe, non pas élu, mais mandaté par le groupe par roulement hebdomadaire. Le collectif, constitué de deux groupes (14 à 20 citoyens) est la véritable unité, avec un délégué de collectif (DC) élu par l'assemblée 1 Circulaire
n° 49 bis du 12 octobre 1971. Elle formalise
les expériences
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mises en place en 1969-1970.
des citoyens du collectif, pour la durée d'un trimestre selon le mode de scrutin de la majorité absolue, un animateur de collectif désigné parmi l'équipe des enseignants qui encadrent le collectif et jouant le rôle de professeur principal vis-à-vis de ses collègues et le conseil de collectif. La promotion comprend l'ensemble des citoyens appartenant au même grade et à la même année d'études. L'Assemblée populaire communale est composée des délégués de promotion, des délégués adjoints de promotion, des délégués du collectif, des animateurs de collectif et des coordonnateurs de promotion, les représentants de l'administration (directeur, directeur des études, surveillant général,
intendant). Cette forme d'organisation s'inspire de « la république des sports» de Jacques De Rette qui a engagé un travail contratuel avec l'Algérie en matière de formation d'enseignants d'éducation physique et sportive. En 1976, ce mode d'organisation politique des centres de formation en EPS est remplacé par une nouvelle forme: «la gestion socialiste des entreprises ». Le Code de l'EPS stipule dans son article 25 que l'organisation des établissements de formation des cadres en EPS est fondée sur les principes de la gestion socialiste des entreprises. Les structures de l'organisation socialiste des centres constituent les supports d'une activité sociale enrichissante par l'intensité des échanges qu'elle favorise1. Cette forme organisation permet aux stagiaires de prendre une part active au fonctionnement de leur centre et au déroulement de leurs études. Elle tombera en désuétude à partir des années 1980. Pour le pouvoir socialiste algérien, le militantisme prime sur la compétence et le savoir faire technique et scientifique. La politisation des exigences vis-à-vis de l'athlète de haut niveau, du profil de l'enseignant d'EPS, du cadre du mouvement national sportif et de l'environnement sportif entraîne une déviation des missions naturelles du sport. Ce qui compte donc c'est la formation des serviteurs du pouvoir et non celui de l'Etat ou de l'institution sportive civile, scolaire ou universitaire. Le champ de compétence laisse la place à l'idéologie et parfois à la démagogie. Ainsi on est arrivé à se défaire même, des attributs de l'Etat en ce qui concerne la formation des cadres.
1 Code de l'EPS, p. 15.
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« L'association unique de la jeunesse algérienne », (l'UNJA), courroie de transmission du FLN!, dont la vocation et l'objet social sont l'encadrement de la jeunesse, s'arroge le droit de formation en éducation physique et sportive, attribut unique de l'Etat. Le 15 avril 1985, le FLN et l'UNJA ont la paternité et la direction de l'organisation de la Conférence nationale sur le mouvement sportif national avec la participation du ministère de la jeunesse et des sports, la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN sport) et le ministère de la Défense nationale (direction des sports militaires). L'orientation politique est édictée par le responsable du secrétariat permanent du parti du FLN, membre du bureau politique dans une allocution. Des «diplômes de considération» sont remis par les responsables politiques du parti et de l'UNJA à difféentes personnalités et athlètes sportifs. Cette remise solennelle aurait dû revenir aux responsables du ministère de la jeunesse et des sports. Le Conseil supérieur de la Jeunesse veille également à ce que soient élaborés les contenus des programmes de formation idéologique et politique destinés aux adhérents et dirigeants du mouvement sportif national et notamment ceux des équipes nationales. A travers tous ces critères définis par le pouvoir, on est en présence de l'assujettissement de l'individu au parti-Etat du FLN. Le FLN/Etat va tout diriger et placer ses militants dans tous les rouages des institutions sportives. Le sport n'a pas pu donc bénéficier de la neutralité de l'Etat. Ce faisant, les colloques, séminaires, conférences régionales ou nationales sur le sport, techniques, pédagogiques et scientifiques n'échappent pas au discours d'orientation politique des «commissaires du peuple », responsables nationaux, de kasma, de fédérations du parti du FLN. En 1981, une commission nationale intitulée «commission méthodologique du sport national»2 est créée. Elle est installée en janvier 1982, à la salle de conférence de l'Institut des Sciences et de la Technologie du Sport par le ministre de la Jeunesse et des Sports,
1 A l'instar de l'UGTA, dont l'article 120 des statuts, précise que «nul ne peut voir des responsabilités d'encadrement s'il n'est pas militant du FLN ». 2 Arrêté n° 34/SPM portant création d'une commission méthodologique du sport national au sein de l'Institut des Sciences et de la Technologie du sport, 5 novembre 1981. La décision n° 39 portant organisation et fonctionnement de la « commission méthodologique du sport national» élaborera les objectifs socio-culturels, programmes, méthodes et formes de l'EPS, de la culture physique et sportive dans tous les secteurs.
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membre du comité central du FLN en présence du ministre de l'Education nationale et de l'Enseignement fondamental, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le secrétaire d'Etat à l'Enseignement secondaire et technique, le directeur des Sports militaires au ministère de la Défense nationale. Elle est présidée par le directeur de l'ISTS, Mr Larbi MEKHALFA. Cette structure a pour but la mise au point d'une «doctrine sportive nationale» et l'élaboration sur des bases scientifiques d'un plan national de développement sportif. Ce «centre de réflexion» aura à travailler sur le concept d'éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire et l'idée de culture physique et sportive populaire (nouvelle terminologie pour le sport de masse). Il devra mettre au point des critères les plus objectifs dans la définition du sport de performance et réfléchir à des plans de travail scientifiques. D'autre part cette commission aura pour tâche la recherche d'un système d'éducation et de formation de jeunes talents à l'opposé de l'idée qui fait de l'élite une émanation de masse1, l'élaboration d'un programme d'information et de documentation dans le domaine du sport, et l'établissement d'une carte sportive avec l'inventaire des infrastructures et leurs contenus (moyens matériels et humains). En définitive, elle exprime la volonté du pouvoir politique de donner une empreinte nationale au sport algérien alors que le sport à l'échelle mondiale répond à des critères scientifiques et méthodologiques universels. Seule la politique sportive peut être nationale. Cette méthode nationale du sport algérien rappelle très bien «la méthode nationale d'éducation générale et sportive» du régime de Vichy. 3) De véritables filiations politiques Elles sont diverses et éclectiques. Elles existent non seulement avec le régime politique français de Vichy mais aussi avec les régimes communistes. Cependant le système dont les décideurs algériens vont se servir fortement des idées, des expériences, c'est celui de Vichy. En effet, l'Algérie du parti unique trouve des homologies presque parfaites avec l'Education générale et les sports de Vichy. L'influence de Vichy, très apparente, n'est pas explicite. Elle s'est faite sans aucun problème car la représentation de ce système n'a pas la même charge 1 El Hadel, semaine du dimanche 3 au vendredi 8 janvier 1982.
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chez les Algériens que chez les Français. Si chez ces derniers, elle représente une page noire et indigne de l'histoire de France: la capitulation et la collaboration avec le nazisme, en revanche pour les Algériens, c'est un système de redressement national, de relèvement, de renaissance qui prône les mêmes valeurs: la famille, la patrie, l'ordre. La reconstruction nationale concernant de nombreux domaines, le nouveau pouvoir algérien sera repreneur de cette grande transformation sociétale. Plusieurs responsables algériens ont vécu concrètement cette période de Vichy. Ils ont pu être séduits par les thèses de l'époque et l'importance accordée au sport. Purs produits de cette école, des sportifs ont été marqués profondément. Arrivés à maturité, cette génération y puise ses idées puisque c'est la seqle référence vécue, connue et encore récente. L'aspect national va être dominant dans leur démarche. Ce qui se comprend car il a été une revendication permanente du colonisé. Cependant le national patriotisme est mixé au socialisme qui symbolise aussi des valeurs de justice sociale, d'égalité, d'équité, en accord avec les aspirations de l'ensemble des Algériens dépossédés, déconsidérés par la colonisation. C'est donc dans l'arsenal de textes juridiques de Vichy que les rédacteurs de la Charte du sport et du Code de l'EPS et les décideurs algériens, puisent un grand nombre de textes sur le sport pour l'Algérie indépendante et sa «révolution nationale». Quelqu'uns sont remaniés, mais d'autres ne seront même pas dépoussiérés et repris tels quels. C'est plus qu'une continuité, en fait une véritable filiation. D'autre part, une analyse historique et comparative du sport sous Vichy et du sport national permet de mettre en lumière des homologies structurales entre les deux systèmes sportifs en apparence aussi éloignés l'un de l'autre. Ces homologies se révèlent objectivement dans la comparaison des fonctions de l'un et l'autre système à condition d'éviter de se laisser prendre aux analogies superficielles, purement formelles et pm10is accidentelles que l'on peut dégager des réalités concrètes où elles s'expriment et se dissimulent les structures entre lesquelles peut s'établir la comparaison destinée à découvrir des propriétés communes]. Dans le système sportif algérien, on trouve non seulement des survivances fonctionnelles, des emprunts mais aussi des rajouts qui ] Aïssa KADRI op. cité. ln Pierre BOURDIEU, post-face pensée scolastique, Paris, Editions de Minuit, ] 974, p. ]37.
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à E. PANOFSKY,
Architecture
gothique
et
enrichissent le nouveau système national algérien. La soumission à l'Etat, au politique est identique. Cet assujettissement de l'individu à l'Etat s'est fait grâce au saisissement de 11Etat de tous les moyens d'éducation et d'expression publiques et la formation des enfants à son goût et à son usage. C'est aussi grâce à la mise en place d'un arsenal juridique instituant des critères pour tous les postes relevant de l'Etat 1. L'ensemble de la classe moyenne salariée par l'Etat se doit de se fondre dans le moule préparé par l'Etat. C'est toute la fonction de l'école et des institutions qui est posée. L'école algérienne n'a pas eu pour mission de former des hommes libres selon l'expression de Michelet: L'éducation se propose de développer une créature libre qui pourra elle-même agir et créer. On privilégie donc la soumission au parti-Etat plutôt que le développement de la culture, de l'intelligence. La pratique du sport et des activités physiques ne doit même pas donner une jeunesse plus dure «plus fortement trempée», mais une jeunesse soumise, docile.... Le culte du chef, du colonel Boumédiène, du zaïm, pierre angulaire du régime, a des similitudes avec celle du maréchal Pétain .Le contenu des idéologies diffusées par les deux systèmes sportifs n'est pas très éloigné l'un de l'autre. Il s'appuie sur le développement de valeurs au service de la Patrie. Une part d'enseignement porte sur les textes officiels: les textes fondamentaux de la Nation: Charte d'Alger, Révolution agraire, Charte nationale, Constitution, etc... L'introduction du cours d 1éducation politique dans la formation des cadres de la jeunesse et des sports. Le professionnalisme est banni. Dans tous les sports doit régner l'esprit de désintéressement. C'est l'amateurisme le plus pur qui prime. Les athlètes doivent se contenter de profits symboliques. Si dans la plupart des sports, cette idée est communément admise, en football elle pose problème, car les joueurs ont de tout temps, même s'ils n'ont pas perçu de véritables salaires, reçu des primes substantielles. Vichy a proscrit toute publicité intéressée, tout mercantilisme à l'occasion du sport et prohibé rigoureusement l'octroi de primes aux compétiteurs sportifs. Le code l'EPS précise que les pratiquants de haute performance doivent certes bénéficier d'aménagements sodo-professionnels réglementairement 1 Le cadre de l'EPS présente une triple caractéristique, militant de l'EPS, un technicien de l'EPS et un animateur en milieu de jeunesse. Dans les structures du mouvement sportif, il ne doit pas avoir une attitude contraire à la lutte de libération et aux options fondamentales du pays. Enfin pour accéder à certains postes de l'Etat, il fallait être militant du parti du FLN.
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établis conformément à leur statut et non de privilèges dans le strict respect des règles de l'amateurismel.En matière d'équipement sportif, le mot d'ordre du commissariat, un terrain de jeux dans chaque village, dans chaque bourg,2 et la véritable campagne d'équipement sportif à chaque village, son aire de jeu, est repris par le code de l'EPS sous la forme, A chaque groupe de jeunes son aire de jeu3. Le village est simplement remplacé par le groupe de jeunes. En 1943, le régime de Vichy fonctionnarise les meilleurs footballeurs. Le régime algérien, pour service rendu à la Nation, intègre les anciens footballeurs de la glorieuse équipe du FLN dans le corps des professeurs d'EPS, à l'échelle 13, et par la suite dans le corps des conseillers du sport à l'échelle 144, Ces «anciennes gloires», à défaut d'être considérés comme des anciens moudjahidines, sont fonctionnarisés et bénéficient d'un salaire versé par l'Etat, à la place d'une pension. Cette qualité ne les empêche pas d'être en même temps entraîneurs de clubs civils ou militaires. La création de la Jeunesse du FLN (la JFLN) est une imitation de la légion algérienne des Combattants, à laquelle ont participé des Algériens. Les chantiers de la jeunesse sont repris sous forme de camps de travail, pour encadrer les jeunes, les lycéens, les élèves des écoles normales d'instituteurset les étudiants et les plonger dans la nature glorifiée à travers les campagnes de reboisement. Le rôle est confié au parti FLN et à son organisation, la Jeunesse FLN (JFLN). Si dans les années de l'après indépendance, il existe de véritables invariants fonctionnels, des analogies, les mêmes programmes entre le système national et le système colonial, on peut relever une véritable continuité, voire un approfondissement des caractéristiques de l'héritage colonial. Ceci est plus flagrant sur le plan organisationnel. L'Algérie conservera (à la différence de la France jusque sous la Ve République) deux directions parallèles dont les 1 Code de l'EPS, p. 13.
2 On retrouve ce slogan aussi dans une lettre préface du Maréchal Pétain en 1941 : intitulée « Instituteurs de France. Vous répondrez à leur appel: auprès de chaque école, un terrain de jeux ». 3 Code de l'EPS, p. 20. 4 Décret n080-147 du 24 mai 1980, paru au JO du 27 mai 1980, p 620, article 18: Il est procédé à l'intégration dans le corps des conseillers du sport des agents exerçant dans les groupements du mouvement sportif national et répondant aux critères suivants: avoir été membre de l'équipe nationale du FLN pendant la lutte de libération nationale, avoir servi le sport national sans interruption en qualité d'athléte et d'entraîneur et sans interruption depuis 1962,justifier de la qualité de membre de l'ALN ou de l'OCFLN, justifier de j'attestation de succés à un stage de recyclage organisé par l'ISTS.
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origines datent de Vichy, celle de la Jeunesse d'une part et celle des sports de l'autre. La première expérience, celle de Vichy, avec ses réformes, sa doctrine, son idéologie dont certaines sont la continuité du programme du Front populaire, retiendra totalement l'intérêt des décideurs Algériens à l'indépendance. Elle sera soit reprise en partie, soit poursuivie dans l'après guerre, dans de nombreux domaines, bien longtemps après l'indépendance. Le régime autoritaire algérien puise avec force dans la doctrine de la Révolution nationale, référence essentielle, implicite et conserve un certain nombre de structures et de textes juridiques. L'idéologie nationaliste des dirigeants sportifs algériens n'étant pas très différente de celle de la doctrine de Vichy sur plusieurs plans, on trouve de nombreuses ressemblances qui perdurent dans l'Algérie contemporaine. Une deuxième expérience de l'usage du sport par l'armée française dans la guerre (1954-1962) montre l'intérêt stratégique de la jeunesse en Algérie et la similitude de problèmes que rencontrent les responsables politiques algériens auprès des jeunes après l'indépendance. Ainsi, on verra, comment, à l'instar de l'armée française, le parti du FLN dans sa politique nationale de la jeunesse et non l'armée nationale populaire (ANP), tente d'utiliser le sport pour endoctriner les jeunes, les embrigader et les soustraire de l'influence de l'opposition communiste ou islamiste. La deuxième source d'inspiration des responsables algériens du sport est l'Union Soviétique. Cependant, la soviétisation du sport algérien n'est pas revendiquée mais se retrouve à travers des caractéristiques et de nombreux traits communs avec le sport communiste. Les clubs sportifs portent les noms des sociétés nationales dans lesquelles ils ont été intégrés à l'instar de ceux de l'URSS. En Union soviétique, les sociétés sportives volontaires sont placées sous la tutelle des syndicats qui s'occupent aussi du sport de haute performance et de compétition. On peut citer le Vodnik (marins), le Dynamo (personnel des administrations), le Spartak créé en 1935 représentant les coopératives de production, le Lokomotiv réservé aux employés des chemins de fer, Burevestnik, le Pétrel réservé aux employés du commerce d'Etat, Krasnoe Znamja le drapeau rouge, réservé aux employés des industries textiles. Ces clubs sportifs sont nationaux et ont leur bannière, leur insigne, leurs couleurs. Financés en grande partie par les cotisations syndicales, ils
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sont responsables de la construction des installations sportives, de l'acquisition des équipements pour leurs membres et de la rémunération d'entraîneurs et de médecins1. Comme dans les pays de l'Est, le pouvoir algérien va développer les grands rassemblements de la jeunesse. On peut citer les mouvements d'Ensemble de la Jeunesse et les Algériades qui regroupent un à deux mille jeunes des écoles primaires et secondaires. Ils sont coordonnés par des coopérants des pays de l'Est et en particulier les Tchèques. Les Algériades et défilés ont groupé 10 000 jeunes (en 1966), 15 000 (en 1971), 72000 (en 1972), 20 000 (en 1974). Ainsi à la commémoration du vingtième anniversaire de l'indépendance, les Algériades se sont déroulées en public le 4 juillet 1982 en nocturne au stade du 5 juillet, sous la haute autorité du président de la République, secrétaire général du Parti, entouré de tous les hauts responsables de la nation et devant plus de cinquante mille spectateurs. Cette manifestation essentiellement politique avait des thèmes idéologiques et apologétiques du régime: «130 ans de résistance au colonialisme» par trois mille jeunes, garçons et filles, élèves des collèges d'enseignement moyen, «7 ans de lutte armée» par mille six cent cinquante djounouds de l'ENITA et de l'EFOR (soldats et officiers de réserve), «20 ans d'édification» par mille six cents élèves lycéens et lycéennes. Les compositions présentées étaient illustrées par des fresques symbolisant les événements historiques de chacune des trois périodes. Ces tableaux ont été réalisés et présentés par l'Armée nationale populaire (ANP). Les jeux sportifs nationaux équivalent des Spartakiades des Peuples de l'URSS permettent une qualification progressive: quartiers, communes, daïras, wilayates. Les finales se déroulent à Alger. Leur objectif est de détecter les jeunes talents sportifs et fournir les éléments des équipes nationales. Les premiers jeux sportifs nationaux scolaires et universitaires eurent lieu en avril 1984 (4582 dont 3377 du secteur scolaire, 960 du secteur universitaire et 240 de l'Amicale des Algériens en Europe dans neuf disciplines et dans différentes catégories d'âge et de sexe). Au delà des résultats qui sanctionnent les compétitions, ces joutes visent aux yeux des responsables du sport de 1. Dans l'esprit des responsables algériens, le changement de sigles des clubs sportifs, devait entre autres servir à réaliser l'union des Algériens, abandonnant sur le terrain toute rivalité régionaliste, politique ou culturelle.
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masse à rassembler le plus grand nombre de jeunes scolaires et universitaires... à mobiliser et sensibiliser la jeunesse par le biais de ce phénomène social et culturel qu'est le sport. Les festivals du sport de masse et les Algériades étaient destinés à susciter à travers la fête sportive l'expression des sentiments patriotiques (avec hymnes nationaux, salut au drapeau) tout en diffusant des messages d'ordre politiquel. D'autres expériences inspirées de l'URSS sont tentées. Ce sont le Brevet sportif du Travailleur qui est l'équivalent du Brevet national sportif2, «GTO», institué en 1931 et dont la devise est «prêt au travail et à la défense».(Le Brevet GTO est élargie aux écoliers en 1934 et remanié en 1939, 1941, 1947, 1955, 1966 et 1972. Ce brevet est plus éloigné de celui de 1972 qui institue 5 niveaux et s'adresse aux populations de 10 à 60 ans). Une tentative d'introduction de la gymnastique de pause à l'entreprise baptisée gymnastique de production comme dans les pays communistes, échoua. En 1973, lors du 4° congrès de l'UGTA, une résolution concernant le sport dans le monde du travail est votée. Par la suite sous l'égide de l'UGTA et du MJS, un séminaire international sur le sport à l'entreprise, s'est tenu à Alger en 1974 avec la participation de l'URSS, la RDA, la Yougoslavie, la France, l'Italie et la Tunisie. Trois années plus tard, la Fédération algérienne du sport dans le monde du travail est créée en juin 1977. Elle est chargée d'organiser, de promouvoir, d'animer, de coordonner et de contrôler l'activité physique et sportive dans le monde du travail. En 1978 la FAST revendique 20 000 licenciés travailleurs sportifs. A la date de la tenue de la première conférence nationale sur le sport dans le monde du travail 28-29 septembre 1983 au Palais des Nations à Alger elle a structuré 30 ligues de wilayates, près de mille associations sportives d'unités économiques, administratives ou agricoles. Quarante mille travailleurs sont licenciés sur les quatre millions de travailleurs ce qui représente 1%.
1 On peut comparer eet évènement aux «Fêtes de la jeunesse» organisées par le Commissariat à l'Education Générale et aux sports du régime de Vichy qui consistait en un concours exposition dont le programme général comportait soit des manifestations sportives, (fête nautique, manifestations d'athlétisme, de football, de tennis, fête de gymnastique, courses cyclistes sur route) soit manifestations diverses ou nocturnes. 2 Sous le régime de Vichy, un brevet sportif national, repris du front populaire, a été instauré sous une forme provisoire. Sa délivrance associations sportives.
incombait,
sous le contrôle des inspecteurs
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du commissariat
général, aux
Dans les deux premières périodes, de mise en place et de consolidation du mouvement sportif national, les deux sources d'inspiration principale sont le régime de Vichy avec sa révolution nationale et le régime soviétique. Une observation importante s'impose, jusqu'à la loi de 1989 aucune référence n'est faite à l'Islam. Le code de l'EPS n'utilise pas une seule fois la référence à l'Islam. Nous sommes en présence, du moins sur le plan doctrinal, d'un sport laïque mais fortement bureaucratisé au service du populisme et du nationalisme. B L'engagement
financier de l'Etat
1) Le budget La main mise politique sur le sport est suivie d'un véritable engagement de l'Etat en sa faveur en matière de financement des infrastructures (construction de stades, équipements sportifs importants) car l'architecture doit traduire le pouvoir politique. Les grands stades doivent renvoyer à la symbolique de la puissance de l'Etat, du fonctionnement des structures, de la gratuité de la pratique et de la prise en charge des athlètes. Ce financement du sport est exclusivement assuré par l'Etat sans aucun apport privé. Les moyens financiers importants qui lui sont consacrés vont de 0,5 à 1% du budget de l'Etat, ce qui est assez substantiel, alors qu'en France, par exemple depuis 1982, les moyens affectés au sport, ont rarement dépassé 0,2 % du budget de l'Etat1 Durant la période des trois plans (67-77), le budget des sports est passé progressivement de 29,14 % par rapport au budget du ministère à 50,57 % en 1977. Le pourcentage par rapport au budget de l'Etat s'est accru durant le 1er plan quadriennal. Il a presque doublé par rapport au premier plan triennal. Le sport prend une place importante dans la vie de la nation algérienne.
1 Colin MIEGE, Les institutions
sportives,
p. 53.
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Evolution du budget des sports par rapport au budget de l'Etat et au bdu get d u mlms "t' ere dl'e a Jeunesse e td es s por t S budget sport
Année 1crplan triennal 1967 1968 1969 1crplan quadriennal 1970 1971 1972 1973 ime plan quadriennal 1974 1975 1976 1977
% par rapport au % par rapport au budget de l'Etat budget du MJS
13 985 594 17681677 17806006
0,41 0,50 0,46
29,14 31,91 28,53
28 055 39 620 49 589 58 816
0,63 0,80 0,90 0,91
38,93 45,81 47,90 49,71
0,85 0,72 0,63 0,68
49,29 52,93 48,41 50,57
852 890 340 340
65 561 750 95022000 92 520 000 106 342 000
Part du budget de fonctionnement du secteur Jeunesse et Sports par , rapport
année 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
a ce l'Ul d e lIE tat d e 1978' a 1992
& BF Jeunesse (milliers de DA) 267 409 244837 278 338 296510 328 257 380000 380000 403561 446 688 396000 204 987 275 952
Sports
BF Etat (milliers de DA)
2 008 100 350 848 1 572 789
142
pourcentage
18165000 20621 000 27 775 837 36 195 250 42 238 249 50 421 000 69 709 000 64186370 67000000 63 000 000 65 500 000 71 900000
1,47 1,18 1 0,81 0,77 0,75 0,54 0,62 0,66 0,62 0,31 0,38
84 000 000 118 300 000 203 900 000
2,39 0,29 0,77
2) Les sources de financement Dans le système financier antérieur au Code de l'EPS, les ressources des associations sportives provenaient, en grande partie, de dons octroyés par des personnes privées, des mécènes ou sous la forme de cotisations, de subventions et du produit des manifestations sportives. Elles variaient d'une association à l'autre en fonction des résultats sportifs et de l'engouement de l'environnement. Les Algériens de l'époque avaient le geste large, résultat d'une très grande solidarité et fraternité née de la lutte de libération nationale et de certaines prestations coutumières]. Cette solidarité nationale se manifesta pendant les opérations de d'approvisionnement du Fonds National de solidarité (1963) où toutes classes confondues, fourniront or, bijoux personnels, argent, etc... et du Fond National de la Révolution Agraire lorsque de nombreux propriétaires fonciers, et même de petits paysans firent des dons de terres. Peu après, «le don» régressa. L'éthique populaire fut un terrain ensemencé par les islamistes. Et cet évergétisme se réveilla quelques années plus tard lorsque la religion2 pris un importance plus grande. L'Etat toléra la construction de mosquées, financées par les dons de citoyens. En revanche l'évergétisme sportif3 est moins accepté par le pouvoir. Ceci n'empêche pas sa manifestation occulte: certaines vedettes du sport obtiennent de larges cadeaux: voiture, appartement, financement de mariage, etc... Ces pratiques entament une remontée malgré l'opposition de l'Etat. Un cas mérite d'être souligné: le club de football JETizi Ouzou peut financer ses déplacements et séjours à l'étranger grâce aux devises de la communauté immigrée kabyle en France. Pour citer Paul Veyne4, on peut dire que les valeurs dans lesquelles les individus veulent exceller sont généralement celles que leur société met au premier plan, ou plutôt ces valeurs elles mêmes sont modifiées par celle-ci. Cette vieille subdivision de la Cité, réalité sociale, où riches et pauvres, leaders et simples citoyens participent, l'emporte sur l'institution étatique. L'Etat dénoncera cette forme de financement des
1 Les comportements d'entraide mutuelle et les formes d'association de djemâa, douar, clan, voisinage) étaient très répandus. 2 Charité et islam: un des piliers de l'islam est la zakat, (l'aumône). 3 Le rigorisme du socialisme planifié rejette cette pratique. 4 ln Le pain et le cirque, op cite, 1976, p. 42.
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de la société traditionnelle
(solidarité
associations sportives, «comme des interventions occultes d'un mécénat aux intentions inavouables». Avec l'adoption du Code de l'EPS et le rattachement des clubs sportifs (les ASP) au secteur étatique et économique, le financement du sport de haute performance est pris en charge par les entreprises étatiques. Dans le cadre de la réforme sportive, le ministère de la jeunesse et des sports édicte la circulaire n065 du 30 juin 1979 qui détermine la nature des dépenses nécessaires au sport de performance et procède à leur répartition entre le budget de l'ASP et celui de l'entreprise (des œuvres sociales). L'équipement sportif, les frais de transport, d'hébergement, de restauration et les indemnités et primes versées aux athlètes sont comptabilisés sur le budget de l 'ASP, tandis que les salaires des athlètes et de l'encadrement, les frais de mission et la réalisation d'infrastructures sportives sont à la charge de l'entreprise. Cette distinction est tout à fait artificielle car en réalité l'ensemble de ces dépenses provient du budget de l'entreprise nationale. Il résulte de l'application de la note n065 que certaines associations sportives de performance n'ont comptabilisé que 20 % de leurs dépenses réelles. En effet, le nombre d'athlètes de performance par discipline est fixé à 20 ou 30 athlètes, alors que l'effectif global de l'AS est beaucoup plus nombreux puisqu'il comprend en plus des préperformants, des juniors, des cadets, des élèves des écoles de sport ce qui entraîne des dépenses qui sont noyées dans la masse des charges de l'entreprise. Par ailleurs, le financement du sport de performance par les seules entreprises socialistes n'est pas jugé équitable par les gestionnaires qui estiment que le sport, à ce niveau, est un phénomène collectif et national et qu'il devrait être financé par la collectivité nationale. Les dépenses qu'il implique, ne peuvent pas être toujours répercutées dans le prix de vente dont certains sont fixés par décret. A côté de l'Etat comme agent principal finançant le sport, on trouve d'autres organismes, en particulier le Fonds national de développement sportif (le FNDS) alimenté essentiellement par le Pari Sportif Algérien (PSA), créé par ordonnance 66-314 du 14 octobre 1966. Le PSA, établissement public à caractère industriel et commercial a pour missions d'organiser et d'exploiter, à travers le territoire national, les concours de pronostics relatifs aux compétitions nationales et internationales (à l'exclusion des courses de chevaux), de réaliser des travaux d'impression pour les besoins de ses structures et de celles du MJS; de réaliser des
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équipements et des matériels sportifs et socioculturels destinés principalement à être cédés (à titre gratuit) aux maisons de jeunes et aux communes, et éventuellement à titre onéreux pour les organismes publics concernés par les activités sportives. Ses ressources sont constituées par les enjeux et les recettes de ses unités de production (<
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pratique et les objectifs que lui assignent les responsables politiques algériens. Tout d'abord, le sport est «agent politique», et par la suite «agent économique et politique» puisqu'il entre dans le développement économique de l'Algérie.
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CHAPITRE II : LES ENJEUX POLITIQUES. LES USAGES DU SPORT CONTINUITE OU DISCONTINUITE HISTORIQUES? Avant d'aborder la question comparative des usages du sport, entre deux périodes historiques, nous précisons que le terme usage est utilisé au sens de «fonctions manifestes qui sont voulues par les participants au systèmeé » comme le déclare Merton, nous laisserons de coté les fonctions latentes qui ne sont ni comprises ni voulues mais qui n'en existent pas moins. Rappelons que les fonctions du sport dans les sociétés industrialisées occidentales ont été traitées déjà par de nombreux et éminents sociologues1 Nous nous bornerons à en signaler quelques-uns, ceux qui nous ont semblé les plus pertinents et se situant dans une démarche fonctionnaliste érigeant l'utilité du sport en ressort ultime de l'état de société ou de culture. Chez les Anglo-saxons, comme chez les Allemands et les chercheurs des pays de l'Est, les analyses sociales du sport ont priviligié ses fonctions. Les sociologues américains analysant le sport, décrivent ses cinq grandes fonctions: socioémotionnelle (aspect cathartique, soupape de sûreté, rôle de la fête) de socialisation et d'intégration par l'assimilation de valeurs sociales, de politique et de mobilité sociale (s'élever dans la hiérarchie sociale, les classes sociales défavorisées par l'accès à l'élite sportive espèrent changer de statut). Pour Lüschen le sport maintient l'ordre social, sert à intégrer les valeurs de la société, entretient les inégalités, mais permet aussi la mobilité sociale. Chez les auteurs francophones, les apports se sont faits par strates successives. Joffre Dumazedier (1950), Michel Clouscard (1963), Georges Magnane (1964) ont analysé les fonctions culturelles du sport dans la cité occidentale. D'autres auteurs avaient élargi cette étude à la fonction politique. Jean Meynaud, en 1966, 1 Raymond THOMAS, dans deux ouvrages respectifs, Sociologie du sport (PUF, Pratiques corporelles), 1987 et Sociologie du sport (Que sais-je ?), 1994, a fait l'analyse de la naissance, de l'évolution et de l'état actuel de la sociologie du sport dans l'aire culturelle occidentale. On retrouve aisément un recueil exhaustif de tous les courants fonctionnalistes du sport, panorama assez complet. Il cite même un tableau de G. S. Kenyon, Social TheO/)! and Sport Sociology in C. Rees and A.W. Miracle, Sport and social Theory Human Kinetics, 1986, où il montre que les recherches centrées sur les fonctions et les dysfonctions du sport occupent la première place devant la pratique et l'histoire sociale lorsque l'on range les thèmes abordés en comptabilisant le nombre d'articles scientitïques.
publie un ouvrage, Sport et politique, le premier du genre, dans lequel, grâce à l'éclairage de la science politique, il montre que le phénomène sport ne saurait manquer d'avoir des liens étroits avec tous les secteurs de l'existence quotidienne y compris l'univers politique. Mais incontestablement, ce sont les travaux de Michel Bouet et par la suite ceux de Jean Marie Brohm qui préciseront les fonctions du sport dans la société occidentale moderne. Leurs thèses respectives Signification du sport1 soutenue en 1965 et Sociologie du sport2 soutenue en 1970 restent les références incontournables sur l'étude des fonctions du sport et eurent des effets heuristiques et des apports théoriques évidents, bien que Jean-Marie Brohm soit contesté par de nombreux chercheurs. Bernard Jeu, pour sa part, montre la fonction de dérivation de la violence. Pour lui le sport se présente comme une antitragédie, rejouant sur le mode de l'expérience ou du rêve ou de la compensation la victoire des hommes sur la mort et la violence3 Christian Pociello et Jacques Defrance, disciples de Bourdieu, perçoivent quatre fonctions du phénomène sportif: éducative, intégrative, ludique et de communication. Cependant chez les auteurs cités, le «fonctionnalisme sportif» n'est pas pourvu d'un statut explicatif au sens strict, mais au sens heuristique du terme. Nous pourrions évidemment aborder cette question sous cet angle, mais nous préférons le terme d'usage au sens où nous accordons à la volonté des hommes, le primat de moteur de l'action, du comportement. Comme le dit Shopenhauer, l'homme est une volonté absolument libre. Le sport est utilisé à des fins par l'homme. Il est une réalité instrumentalisée. Avec la disparition de l'ennemi principal, le colonialisme français, et la fin de la guerre de libération, l'affrontement intercommunautaire dans le sport disparaît. On peut donc supposer que le sport, instrument de la lutte nationaliste et de libération nationale, va être «désarmé politiquement». D'autre
1 Michel BOUET dans son ouvrage Signification du sport, op cite, souligne dans un chapitre intitulé « Fonctions, rôles et applications du sport » : «Le sport a des fonctions propres et on lui fait jouer des rôles». Il distingue huit fonctions de dépassement agonal, hédonique, de relations interpersonnelles, de loisir esthétique et spectacle et trois rôles ludique> éducatif et militaire. 2 Jean-Marie BROHM, Sociologie politique du sport, PU de Nancy, 1992, 399 p. Cette thèse est le premier <~alon dans la constitution d'une approche critique du sport» selon l'expression de l'auteur. «Le sport est le reflet du système capitaliste industriel. Ses fonctions socia politiques sont la stabilisation de l'ordre établi, la diversion et la mystification. C'est un appareil idéologique rI'Etat qui reproduit la domination de la bourgeoisie». Mais il reconnaît néanmoins que <
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part, on allait assister à un retour des usages éducatifs et ludiques originels. Seulement les usages politiques du sport se continuèrent sous de nouvelles modalités. La forme change, mais le fond reste le même; comme pendant la lutte anticoloniale, il servira le Politique. A ce titre, on peut parler d'une véritable continuité historique des usages principaux du sport alors qu'il y a discontinuité politique avec la rupture opérée avec l'indépendance et l'émergence de l'Etat -Nation souverain. Comment expliquer l'importance qui est donnée par l'Etat au sport de haute performance et spécialement au football? Est-ce par le seul engouement et la passion des Algériens pour le sport-roi? En effet, le football, sport de haute performance, activité privilégiée, est l'objet d'une attention particulière. Il est charpenté, contrôlé, quadrillé et financé par le ministère de la jeunesse et des sports et de nombreux dignitaires du régime. Le ministre de la Jeunesse et des Sports suit personnellement l'équipe nationale de football. La Fédération algérienne de football fait appel à des joueurs professionnels opérant dans des clubs à l'étranger pour renforcer l'équipe nationale (le ClubAlgérie). Il arrive parfois que certaines décisions le concernant relèvent du domaine réservé de la Présidence de la République. En conseil des ministres, le président de la République manifeste sa colère à chaque échec de l'équipe nationale de football (aux championnats africains de football dans les années quatre-vingt, par exemple). Ainsi une dizaine d'associations sportives de performance, productrices du sport spectacle, groupant quelques centaines de joueurs, se voient allouer un budget de plusieurs milliards de centimes et la confection d'un véritable «droit d'exception» pour les athlètes de haut niveau, leur attribuant de nombreux privilèges. Quel type de politique sportive est mené? Alors que les textes fondamentaux prévoient que le sport sera un moyen privilégié par l'Etat pour résoudre les problèmes de la jeunesse qui constitue l'immense majorité de la population algérienne (70 % de la population a moins de 30 ans), le sport spectacle est développé car il est difficile et coûteux pour l'Etat de pratiquer une politique pour le plus grand nombre.
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~ 1 Instrument
d'une pédagogie politique.
Dans l'Algérie indépendante en pleine mutation, une nouvelle mission interne est assignée au sport et à l'EPS. Elle est développée et renforcée au moment de la consolidation de l'Etat-FLN de parti unique qui contrôle les citoyens à l'instar des Etats totalitaires, fascistes ou soviétiquesl. Elle va être privilégiée et entraîner une hypertrophie de l'usage politique du sport concernant toute la jeunesse. Pour le pouvoir algérien, il n'y a de salut pour la jeunesse que dans le sport. Cette utilisation déclarée du sport dans le mouvement sportif national et le système éducatif algérien est totalement nouvelle et non des moindres. A La socialisation politique des enfants et de la jeunesse Le pouvoir algérien qui veut «investir» dans la jeunesse, va commencer très tôt. Il s'intéresse tout d'abord à l'enfance. La socialisation politique des enfants est déclarée priorité de l'éducation. Pour atteindre cette finalité, un modèle pédagogique, la commune éducative sportive, est élaboré par la direction de l'Education physique et des sports du ministère, en 1969. Cette structure institutionnelle intégrée au mouvement sportif national poursuit comme objectifs, au moyen de la pratique des activités physiques et sportives,« la démocratisation et le développement de l'EPS à travers le territoire national et l'éducation civique de la jeunesse algérienne »2. En concomitance avec la mise en place des institutions par le pouvoir central né du coup d'Etat du 19 juin 1965, au niveau communal (Assemblée populaire communale, APC), régional (Assemblée populaire de wilaya, APW, préfecture) et en avance sur le plan national (Assemblée populaire nationale, APN), l'administration de la jeunesse et des sports, adopte une démarche qui considère l'institution sportive comme l'un des acteurs de la socialisation devant influencer le processus de maturation chez l'enfant. Le sport institutionnel, organisé selon ce modèle, doit être un moyen de formation politique 1 Nous retrouvons des similitudes avec le rôle assigné d'une manière explicite au sport par l'Italie mussolinienne dans la formation du jeune fasciste et du futur soldat italien. 2 La Commune éducative p.3.
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des enfants. Cet objectif est prioritaire puisqu'on reconnait que «l'école, en ce qui concerne l'EPS, ne peut donner, compte tenu des horaires et de la faible densité du personnel enseignant, qu'une formation physique polyvalente»1. Le fonctionnement de cette structure par une pédagogie participative et une implication directe des enfants et des jeunes, va donc permettre d'entreprendre «leur formation morale et civique et préparer le citoyen de demain ». Cependant la notion de citoyenneté met plus l'accent sur les devoirs que sur les droits. Elle se résume en une simple initiation au mécanisme du vote. Implicitement, le citoyen doit être celui qui manifeste son adhésion sans faille au nationalisme, son allégence aux dirigeants et qui ne remet pas en cause le pouvoir politique. C'est aussi le travailleur productif, discipliné à l'instar du stakhanoviste et totalement intégré dans l'Algérie socialiste, démocratique et populaire. A l'aide de cette structure, on affirme que le tranfert des qualités acquises se fera automatiquement du micro au macro. D'un autre côté, on tente alors un quadrillage des villes et des grands centres urbains. Théoriquement, sur les lieux d'habitation et dans les quartiers populaires, la commune éducative doit concerner toute la pratique récréative de masse. Elle peut être aussi organisée dans les colonies de vacances, au sein des clubs omnisports dont «la préoccupation sera l'éducation de la jeunesse au lieu des résultats immédiats convertibles en intérêts et avantages de toutes sortes», dans les unités économiques et administratives (DEA) où les enfants des employés bénéficient de loisirs. Son organisation matérielle doit être confiée aux citoyens eux mêmes (arbitrage matériel, information, observation, ordre, etc...), le règlement des compétitions étant adapté en fonction de l'âge des enfants. Le temps fort est le cérémonial et la préparation des rôles sportifs, car il est un moment de l'action éducative, contribuant à l'éducation sportive des joueurs et à celle du public avec la participation des notabilités de la ville et remise des prix par l'Assemblée populaire communale.
1 Idem.
p. 4.
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A l'instar des APC1 déclarées «écoles de la démocratie », de «la démocratie responsable », du centralisme démocratique selon le parti du FLN, en fait de la démocratie d'approbation et de soummission, constituant un «lieu de travaux pratiques» dans lequel les Algériens progressivement métamorphosés en «citoyens responsables» apprennent pratiquement la politique, le phénomène constitutionnel, la démocratie, les communes éducatives de quartier, à leur tour, permettent aux jeunes de s'initier, comme leurs aînés aux règles de fonctionnement démocratique et à devenir des acteurs sociaux participant à la chose publique (res publica). En outre, les communes éducatives de quartier doivent surtout servir d'instrument
de prévention « de la contamination et de la sollicitation malsaine des groupes de l'opposition ». Cette expérience algérienne a aussi quelques similitudes avec la république des enfants2 à une plus grande échelle, basée sur l'autogestion et le self government qui eut un grand succès en Espagne en tant que forme et prise en charge des jeunes par eux mêmes. Cette-dernière a eu des ancêtres: la Boys Town du Père Edward Joseph Flanagan, curé à Omaha Nebraska (USA) qui fonde en 1917 Ie Father Flanagan's Home for Boys. Padre Jesus Silva Mendez a eu l'idée de fonder la Ciudad de los Muchachos en voyant un film sur Flanagan et ses boys. Il eut aussi le Little Commonwealth de l'Anglais Homer T. Lane qui avait achevé sa libre existence dès 1916. L' de Makarenko, fondateur du socialisme pédagogique qui organise la colonie Gorki de Poltava pour la rééducation des jeunes délinquants, puis à partir de 1928 à la commune F. Dzejinski, est une autre initiative généreuse et source d'expérience audacieuse née au lendemain de la Révolution d'Octobre. Makarenko développe deux grands principes: la vie en communauté et le travail en groupe qui exalte la conscience collective. Pour lui, l'éducation est l'apprentissage d'un style de vie imprégné du sens de la «discipline consciente» et dans lequel l'individu se soumet librement à la collectivité. Une autre expérience à citer est celle de Summerhill de A.S. Neill. Le père 1 En effet l'Etat Pédagogue préfère commencer par le bas, plus justement de la base et des problèmes concrets, puis viennent les Assembles populaires de wilaya pour terminer par l'Assemblée populaire nationale. «L'Assemblée populaire est l'institution de base de l'Etat. Elle constitue le cadre dans lequel s'exprime la volonté populaire et se réalise la démocratie. Elle est l'assise fondamentale de la décentralisation ainsi que de la participation des masses populaires à la gestion des affaires publiques à tous les niveaux». Article 7 de l'Ordonnance n076-97 du 22 novembre 1976 portant promulgation de la Constitution de la République algérienne démocratique et populaire. 2 Eberhard MOBIUS, La République des enfants. Bemposta et les muchachos, 1973, p. 75.
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fondateur de la commune éducative, éducateur de formation, a été fortement influencé par ces courants pédagogiques. Cependant, il veut s'occuper d'enfants normaux, sans problèmes et les finalités sont généralement d'ordre sociopolitiques, alors que ceux des différentes expériences énoncées, situées en réalité entre l'orphelinat et une institution religieuse d'assistance aux mineurs, déguisés en démocratie sont des délinquants ou des enfants abandonnés, des asociaux. Dans le secteur scolaire, de l'indépendance jusqu'en 1968, la
période dite celle « du tâtonnement et de la recherche », c'est à dire du flottement et des hésitations, est marquée de la forte empreinte de la coopération française. Une tentative d'algérianisation de l'enseignement de l'Education physique et des sports (EPS) commence avec l'arrivée, au ministère de la jeunesse et des sports de cadres désirant occuper pleinement les centres décisionnels et d'orientation du sport algérien. Ces décideurs prennent officiellement les éléments les plus importants de la vieille culture sportive coloniale et les élargissent afin de permettre l'émergence d'une nouvelle voie algérienne. Malgré cette velléité de changement, ils restent profondément influencés par le modèle français des instructions officielles d'EPS. Leurs productions doctrinales et pédagogiques sont des imitations presque parfaites de ces 10 avec «un vocable algérianisé». Les textes officiels, en particulier, les instructions officielles algériennes de 1968, élaborées avec l'aide de coopérants français enseignants au CNEPS de Ben Aknoun sont inspirées des instructions officielles françaises du 19 octobre 1967 qui officialisent la sportivisation de l'EPS. Ils définissent une conception nationale et patriotique de l'EPS grâce à la commune éducative, à la généralisation de l'enseignement du sport et à la sportivisation de l'EPS. La commune éducative a deux sources d'imitation: l'expérience du lycée de Corbeil-Essonnes (1963) qui organise l'EPS selon le principe de l'organisation sportive et la République des sports de Calais (1965). La commune éducative à l'école ou de quartier (CE.QJ ne pose pas le problème des contenus d'enseignement, de la pédagogie et de l'évaluation. La finalié prime: le profil et le devenir humain des jeunes. Elle reprend intégralement l'idée centrale d'implication des enfants. Dans la République des sports de Calais 1 1 A Calais, à partir de 1965, sous l'impulsion d'un professeur d'EPS, Jean DE RE1TE, l'organisation APS à l'école se fait sur le modèle du club sportif, en donnant aux élèves la responsabilité inhérente
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des à la
Jean de Rette, le père fondateur voyait dans cette formule de participation sportive un moyen de responsabilisation des élèves en les impliquant concrètement dans la vie de l'école. A cette organisation sociale, le MJS a agrégé des éléments de «la pratique sportive dans les lieux de résidence et de repos» du modèle soviétique où les jeunes sont pris en charge par les services de gérance des îlots d'habitation encadrés par le parti. C'est en 1969 que Jean de Rette, invité par le Directeur des Sports, Si Mohamed Baghdadi, un homme du sport, ancien athlète du MCA, champion d'Algérie du 800 m (1963, 1967, 1968), du 1500 m (1966), du 400m (1967) ; président de la Fédération algérienne d' atlétisme CFAA) de 1967 à 1969 et ancien sous directeur au ministère de l'éducation nationale, sympathisant de la gauche et particulièrement du Parti de l'avant-garde Socialiste (PAGS), conseille et influence l'élaboration de la commune éducative en Algérie. Le ministère de la jeunesse et des sports signe une convention avec Jean de Rette concernant la formation continue de professeurs d'EPS algériens ainsi que la livraison de matériel pédagogique destiné à cette expérience. Dans la commune éducative les auteurs décrivent minutieusement ce qui devait être, en ayant comme préoccupation majeure la réalisation d'une autre forme d'insertion des jeunes dans le système politique actuel et la formation d'attitudes politiques des citoyens de demain: Pour l'Algérie indépendante socialiste. L'EPS organisée sous la forme de commune éducative n'est qu'un moyen et non une fin en soi. D'ailleurs les finalités sont le développement de qualités et de vertus morales nationales, le civisme de la jeunesse et son adhésion au projet politique du moment. La santé et les qualités corporelles passent au dernier plan. Ainsi, jusqu'à cette date là, les enseignants d'EPS construisaient leur enseignement d'une manière éclectique en se souciant guère de la formation politique qui ne relève pas de leur champ de compétences. La généralisation-démocratisation de la pratique sportive dans le secteur scolaire. Cette option d'une éducation sportive socialiste doit être irréversible par l'élargissement de l'expérience à l'école élémentairel En 1975, des opérations tentent d'introduire l'EPS à l'école élémentaire en collaboration avec le ministère de l'Education vie du club. Cette expérience va être connue l'éloge du colonel Crespin, directeur des sports. les stages Maurice BAQUET de Sète d'initiative 1 Ecole élémentaire, 1er cycle primaire qui dure
sous le vocable de la République des sports. Elle reçoit La revue, Sport et plein air na 95, Avril 1967, p.2. qualifie analogue réalisée dans le cadre de colonies de vacances. 9 ans.
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nationale grâce aux groupes mixtes d'animation et de formation (GMAF), la commission mixte de conception (CMC), à l'action de la Fédération des Animateurs des républiques éducatives (la FARE) de France et les techniciens opérationnels de l'éducation (TOE). Avec le concours de la FARE, des recherches sont instaurées pour adapter les contenus d'enseignement aux connaissances des enseignants et aux aptitudes des enfants de l'école élémentaire (particulièrement de niveau des classes de 6ème, 5ème et 7ème année). Des expériences sont réalisées à Annaba (stage d'enseignants) et à Alger (expérimentation dans deux écoles élémentaires). Cette nouvelle formule doit prendre le relais des deux premières, organisées au lendemain de l'indépendance. La première consistait en une formation accélérée de moniteurs d'EPS, et la deuxième, avec la formation des animateurs, permettait d'utiliser les enseignants existants au niveau de l'école (solutionnant ainsi le problème de l'insuffisance des cadres) et gardait l'unité de éducation physique et intellectuelle en leur fournissant un guide pédagogique (le livret du moniteur et des fiches pédagogiques, outils didactiques). Rappelons que dans les années 50 des expériences d'introduction de l'éducation physique à l'école primaire dans l'Est algérien et dans le Constantinois appelées expérience de Constantine ou expérience USEP sont menées sous la direction de monsieur l'inspecteur d'académie Verel. Cette troisième solution a permis le déclenchement de l'opération 400 écoles qui intègre l'Education physique dans un processus irréversible de développement et de promotion socialistes. A l'école, «cellule de base de la révolution culturelle, l'acte pédagogique et l'expression corporelle, devront être une action politique au service du pays ». Par la suite, d'autres opérations permirent la mise en place d'un instrument pédagogique introductif de l'EPS à l'école fondamentale, le livret de l'enseignant, et préconisant d'adopter la même organisation sportive que celle proposée par les instructions officielles, c'est-à-dire en club A et club B, chaque club ayant une équipe 1 et une équipe 2, les enfants se partageant les responsabilités avec comme principe de changer souvent de responsabilités. A la fin de l'année scolaire 1976-1977, 600 000 enfants sur une population scolarisée de 2 600 000, soit 20% bénéficient, à l'école fondamentale de cours d'EPS. 9 000 instituteurs
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sont formés1. Ce faisant, le processus de généralisation touche ainsi beaucoup de jeunes dans le secteur scolaire. Mais en 1979, cette politique est purement et simplement arrêtée. En 1978, les enseignants d'EPS passent au ministère de l'Education nationale2. Les instructions officielles sont reprises. On fixe les mêmes objectifs à l'EPS3 puisqu'à l'école, la classe d'éducation physique et sportive se transforme en institution permettant de préparer l'enfant à ses futures responsabilités d'adulte, par l'expérimentation d'une série de rôles, de fonctions et de comportements». Ainsi la finalité de l'EPS est qu'au sein de cette institution, l'enfant fait l'apprentissage de sa vie future de citoyen conscient, responsable et participant. Mais ce n'est pas le citoyen abstrait. En effet, c'est l'homme de la révolution et de la société. Pour atteindre cet objectif, c'est un véritable endoctrinement qui est mis en place, par le renforcement du nationalisme et du patriotisme et non une réelle participation, un développement de l'esprit critique et d'une intelligence pratique du politique. Malgré cela, contradictoirement, l'enseignement de l'EPS apparaît en avance sur le système d'enseignement des autres disciplines où il y une absence d'éducation politique et où la pédagogie est plus autoritaire et moins participative, détruisant ainsi les effets réalisés. L'enfant fait plutôt l'expérience des rapports hiérarchiques, de la subordination, de la soumission, de l'ordre, de l'organisation totalitaire et contraignante (immobilité nécessitée par la discipline). Sur le plan conceptuel, les objectifs sociopolitiques de la commune éducative restent quelque peu innovants. Qu'elle soit 1 Rapport du groupe éducation physique et sportive, 1980, p. Il. 2 En 1978, les deux départements ministériels se virent confier des missions distinctes. Le ministère de l'Education nationale prit en charge l'enseignement de l'EPS, le ministère de la jeunesse et des sports, celui du sport de masse et du sport de performance. 3 Sur un autre plan celui de l'éducation et de la santé, en préambule des l 0, les postulats qui fondent la démarche sont tout d'abord l'individu « unité dialectique corps et esprit» doit être appréhendé dans cette double dimension. Ensuite, la santé comprise comme « capacité pour un individu, d'ajuster en permanence ses réactions et ses comportements aux conditions du monde extérieur» doit s'apprendre sans cesse. Puis les 1.0. définissent les critères de choix des activités choisies en éducation physique. Elles doivent être partie prenante de la culture. Le sport, tait de civilisation, doit donc se retrouver sur le plan éducatif. Il peut contribuer à la formation morale de la jeunesse. En eftèt, il est dépourvu de finalités propres et il implique la confrontation, la compétition et la collaboration, à ce titre, sa protée éducative peut être considérable. Ces postulats étant établis, les 1.0. précisent successivement: les critères de classification des activités en fonction des finalités explicites, le rôle du professeur d'EPS dans la mise en des 1.0. enfin les principes d'organisation qu'il doit respecter dans ce travail. Ces instructions sont encore précisées par une longue programmation qui énumère dans le détail, de la 6° à la Terminale, les contenus des séanccs types proposées aux enseignants.
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domiciliée à l'école ou dans le quartier, la commune éducative est une micro organisation politique. Elle est le lieu d'apprentissage de la démocratie, des mécanismes du système électoral, de l'appréciation des hommes et de leur choix aux postes de responsabilité (capitaine d'équipe, président, secrétaire général, comité de groupe). En effet, tous les enfants, à la Commune éducative de quartier (CEQ), constituent des citoyens et possèdent à ce titre le droit de vote. Donc le fonctionnement est de type démocratique de représentation directe. Le vote est à bulletin secret. Il est précédé par une petite campagne électorale. On est bien loin de «la démocratie responsable» et des listes uniques du FLN. Cette socialisation politique (apprentissage de comportement civique, politisation) est un des objectifs essentiels des systèmes politiques qui tendent à perpétuer leurs cultures et leurs structures dans le temps. Des auteurs, ayant travaillé sur le processus de socialisation politique des enfants, admettent également qu'aucun individu ne peut éliminer complètement les effets de sa première socialisation. De même, Herbert H. Hyman considère les attitudes politiques comme des attitudes apprises avec ce corollaire: les individus apprennent les attitudes politiques tôt dans leur vie et d'une manière complète et ils persistent ensuite à les manifester. Nous voyons donc que l'enfant algérien va être très tôt exposé à ces phénomènes politiques car la commune éducative s'adresse à deux catégories d'âge: 10-12 ans et 13-15 ans, tranches d'âges stratégiques. La politisation du sous-système d'éducation physique et sportive n'est pas très éloignée de celle des pays dits socialistes avec, naturellement, des spécificités et des particularités algériennes, socialisme spécifique oblige. Les très nombreuses similitudes avec celles du système socialiste que l'on trouve sont dûes à l'influence des communistes algériens et à l'action des populistes. A travers cette expérience l'Etat manifeste une volonté totalitaire de se substituer à la famille et à l'individu lui -même. Avec le Code de l'EPS, on assiste à une glorification exagérée de la pratique sportive qui contribue à la formation d'un «homme moral». Le discours prête au sport algérien aussi bien des vertus socialistes que démocratiques. En réalité, le Code de l'EPS constitue une simple mise en forme idéologique en reprenant certains lieux communs qui exaltent l'influence du sport sur l'éducation de la Jeunesse et sur la vie de l'homme comme individu et comme membre
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de la société. Les rédacteurs procèdent par affirmations plutôt que par démonstrations et utilisent de nombreux clichés et stérotypes. La jeunesse a été un véritable problème pour les différents pouvoirs en Algérie. Au début de l'année 1963, les principales organisations de la jeunesse algérienne sont la Jeunesse FLN (la JFLN), un mouvement d'action et d'éducation politique au sens large et de formation économique et culturelle, moteur et noyau de l'ensemble des organisations, les scouts musulmans (les SMA), l'Union Générale des Etudiants Musulmans algériens (l'UGEMA) rassemblant les étudiants pour la défense de leurs intérêts et leur participation à la construction nationale qui se transforme en Union des étudiants algériens (UNEA), DjU el Djadid, (Génération nouvelle), une communauté d'orphelins de guerre, et diverses institutions techniques spécialisées à l'instar de l'Association algérienne des Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (AACEMEA) et la Ligue de l'enseignement. Comme tous les régimes autoritaires et antidémocratiques, le régime algérien va opérer une main mise graduelle sur la jeunesse pour créer une véritable jeunesse d'Etat. Ainsi, toutes les institutions du pays vont très tôt s'intéresser à la jeunesse algérienne. On abandonne plus ou moins complètement la génération des hommes âgés et adultes qui porteront toujours la marque de leur éducation antérieure. On élimine directement les plus dangereux. Ces derniers sont qualifiés par la terminologie de ce régime d'«irrécupérables», de contrerévolutionnaires, de réactionnaires et de harkis. Ce sont principalement les hommes de culte, les imams, inlassables moralisateurs qui les premiers, se lamentent sur le détachement des jeunes à l'égard de l'Islam. Dans une interview à El Moudjahid, du 22 Août 1967, le ministre des Habous, M. Larbi Saadouni au cours d'une tournée dans l'Ouest du pays, déclare: «les valeurs morales et spirituelles dans certaines régions du territoire national se dégradent à un rythme alarmant». Il dénonce le «désintéressement outrageant des principes élémentaires religieux affiché par les jeunes dans leur comportement» et annonce une vaste campagne tendant à l'assainissement des mœurs. L'islam préserve des turpitudes morales. L'Armée nationale populaire (ANP) qui a un rôle de premier plan dans la vie nationale, se préoccupe elle aussi de ces problèmes. Un décret du ministre de la Défense nationale du 18 novembre 1967
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créé quatre Ecoles nationales des cadets de la Révolution qui dispensent un enseignement primaire, secondaire et technique aux enfants de chouhada, d'anciens moudjahidins et des cadres et djounouds de l'ANP. Dans un article publié par la revue militaire El Djei"chl, un officier trace un tableau manichéen de la jeunesse algérienne: d'un coté la jeunesse citadine, pervertie par le contact de la jeunesse colonialiste, adonnée à l'alcool et au twist, au cinéma et à la presse du cœur, de l'autre la jeunesse rurale, restée naturelle, saine dans sa moralité... animée des qualités arabo-islamiques, etc... L'auteur demande la mobilisation de tous les jeunes au sein des organisations de jeunesse2 L'étude de l'unification de la Jeunesse commence par un séminaire de la JFLN, inauguré le 30 décembre 1966 au Club des Pins par le Président Boumédiène qui lui fixe son programme: «unifier les différentes organisations et les regrouper dans une seule organisation homogène et coordonnée pour arriver à établir une charte générale et une direction unique de la Jeunesse». Le rapport de clôture de ce séminaire (2 janvier 1967) affirme que « le rôle du mouvement unifié de la jeunesse est d'éduquer les masses de jeunes, de les politiser, d'inculquer à ses futurs cadres les principes de la morale socialiste». L'objectif du gouvernement est de créer une Union Nationale de la Jeunesse rassemblant dans un mouvement unique, la JFLN, les scouts musulmans, les lycéens ayant atteint l'âge de 16 ans et les étudiants. En 1975, la première Conférence nationale de la Jeunesse réunissant 1200 délégués, est ouverte le 19 mai à Alger, au Palais des Nations, dans une atmosphère enthousiaste, par le Président Boumédiène qui soutient sa vision manichéenne. Il faut que l'option soit claire, être pour ou contre la Révolution. Il n'y a pas d'autre alternative. Mais audelà de ce positionnement politique, l'objet de la Conférence est d'établir «un programme unique pour une jeunesse unifiée» et de mettre sur pied une direction collective provisoire. Après une semaine de travaux, la Conférence nomme un Conseil national de la Jeunesse et un secrétariat de 13 membres. On décide que le Congrès Constitutif de l'Union nationale de la Jeunesse se tiendra dix-huit mois plus tard. Un journal bimensuel, l'Unité, organe de l'UNJA, publie son premier 1 El Djeich, mars] 967, édition de langue arabe. 2 Annuaire d'Aji'ique du Nord. Année 1967, p 384. 3 Annuaire de l'Aji-ique du Nord. Année] 967, p.385.
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numéro à la fin de septembre. L'UNJA est donc constituée comme prévu en 19761 Ce Conseil national de la Jeunesse ressemble au Haut Comité de la Jeunesse en France et au Service de Formation de la Jeunesse en Algérie (SFJA) qui était en relation directe avec l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Cette fois le changement est simple. Le conseil est en relation directe avec le FLN. Le Président Boumédiène, dans un long entretien inédit avec Francis Jeanson2 enregistré le 2 octobre 1975, formule un certain nombre d'inquiétudes sur la situation de la jeunesse et son devenir. Il proclame son «ambition de la prendre en charge de l'enfance jusqu'à l'Université. Totalement en charge: dans l'école, dans les centres, dans les complexes sportifs, dans les crèches et des jardins d'enfants ... et vider la rue de ce grand spectacle qu'elle donne à voir aujourd'hui: ces dizaines de milliers de jeunes qui sont là...; leur fournir des occupations saines par le travail, par le loisir et par la scolarité». Quant à la tranche d'âge des jeunes qui arrivent à l'âge adulte tout en restant plus ou moins désoeuvrée, elle est un véritable problème qui peut devenir grave si on ne le règle pas... on a créé l'école fondamentale: aujourd'hui tout enfant algérien a le droit de rester à l'école jusqu'à 16 ans. Donc on ne verra plus dans les rues à l'avenir des gosses de 14 à 16 ans. Mais le véritable problème: nous voulons prendre en charge le jeune pour l'amener jusqu'à l'âge adulte. Le choix est simple: ou bien organiser la jeunesse, lui éviter certaines déviations, lui donner les moyens de s'épanouir, ou bien de voir se créer les bandes de voyous et de gangsters. Il faut d'abord créer le contenant, l'inji'astructure... Moi c'est ce phénomène qui me hante, ce spectacle; ces jeunes dans les rues ou dans les ccifés. Mais il faut créer d'autres choses en dehors des clubs, des complexes sportift, il faut tout l'aspect culturel, le théâtre. Boumediène pense fermement que la révolution de la pensée dans ces domaines ne peut se faire qu'à partir des jeunes. La direction politique du FLN, consciente qu'il s'agit d'une question stratégique majeure, élabore en 1982 un document sur les grands axes, le programme d'action et la stratégie de mise en de la jeunesse3 L'analyse de contenu montre que le parti est hanté par une question qui dépasse le présent: c'est l'avenir de la révolution 1 Annuaire de f'Ajhque du Nord. Année 1975. p 569. 2 Francis JEANSON, Algérie. De retour en retour, 1991, Annexe p. 24. A propos des jeunes 3 Rapport sur la politique de la jeunesse, adopté par le comité central du FLN du 17 juin 1982.
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algérienne qui est en jeu. Pour le FLN, la jeunesse constitue un enjeu déterminant pour «l'édification du pays et surtout la continuité de la révolution». Ceci est une question stratégique majeure. Une politique de la jeunesse doit donc résoudre le problème de son instruction, de son éducation et de sa formation professionnelle, idéologique et politique. «Elle doit être préparée à une relève responsable dans la continuité de l'esprit de novembre et des valeurs nationales pour assurer la construction de la société socialiste et renouer avec ses traditions révolutionnaires». Les mots clés vont être la relève et la continuité: perpétuer la culture idéologico-politique dans le temps, grâce aux nombreux facteurs socialisants qui vont modeler les enfants pendant le processus de maturation. Cette jeunesse est bien ciblée, la période pré adulte étant décisive quant à la formation des attitudes politiques. La tranche d'âge 6-14 ans comprend cinq millions d'enfants dont plus d'un million ne sont pas scolarisés. Les adolescents de 15-17 ans constituent le point sensible de la jeunesse du fait des caractères spécifiques de cet âge dit ingrat et des graves problèmes qui se posent à ce groupe. Beaucoup sont hors de toute structure d'éducation et de formation et 40% sont analphabètes. Son état d'esprit est objectivement analysé puisqu'un Algérien sur deux est né après l'indépendance et que globalement la jeunesse, soit les deux tiers de la population ne connaît de la lutte de libération que ce que les générations antérieures ont pu lui transmettre. Cette observation peut être lourde de conséquences et poser en termes aigus le décalage entre les générations actuelles et celles qui ont vécu le fait du 1er novembre 1954. En effet, les valeurs politiques, (celles de la lutte de libération nationale, de solidarité, de fraternité), la faiblesse d'attitudes émotionnelles créées par le symbolisme politique, sont devenues étrangères à ces jeunes qui ne les ont pas vécues concrètement. Par conséquent, pour ces derniers, ils n'ont pas la même charge ni la même importance. Leurs catégories de perception sont toutes autres. Il s'avère donc urgent de les «programmer », de les conditionner, de les endoctriner afin d'éviter une contestation susceptible de naître du fait de l'existence de plusieurs référents. Le contenu de la culture politique transmise sera ethnocentré et évitera un élargissement d'étude à d'autres modèles de sociétés libres et démocratiques. Il ne devra en aucun cas permettre l'obtention d'une grille d'analyse et de lecture d'autres aires géographiques. Il concernera donc des informations
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sélectives et sectaires afin d'éviter plusieurs orientations contradictoires. Le programme intégre notamment la formation civique et politique pour «assurer une transmission responsable du patrimoine historique et des valeurs patriotiques: affirmation de l'identité nationale aux plans linguistique, historique et religieux dans le cadre arabo-musulman, adoption d'un style de vie contre les maux sociaux, l'individualisme, exaltant les valeurs de solidarité, amour de la patrie et du travail, discipline librement consciente et abnégation au service de la collectivité ». Le groupe d'âge 17 à 27 ans doit être l'objet d'attentions particulières. «C'est en assurant une prise en charge totale du jeune qu'on évite de le laisser livré à lui-même et aux tentations de la rue et qu'on peut combattre efficacement toutes les déviations qui le guettent et les manipulations plus ou moins favorables qui sont entreprises pour essayer de le détourner de la révolution et de ses options fondamentales ». La jeunesse masculine, doit être soustraite de l'action de l'opposition. Pour ce faire, il faut gagner son adhésion aux directives officielles. On reconnaît implicitement qu'il y a d'autres concurrences politiques et que la jeunesse est une force malléable et influençable. Elle est aussi un enjeu pour les mouvements d'opposition clandestins (le PAGSl et les islamistes). On se veut prévoyant. Le sport sera donc un bon catalyseur dans le processus d'apprentissage idéologique et politique et un vecteur de prévention efficace de la contamination et de la sollicitation malsaine des groupes de l'opposition et de «leur propagande nocive ». Ce moyen sera donc, d'une part nécessaire pour dispenser une éducation globale et d'autre part permettra de combler un vide culturel et organisationnel dangereux. Une place fondamentale est reconnue au sport puisque les trois moyens envisagés pour combler ce vide seront l'animation culturelle, les loisirs et l'éducation physique et sportive en milieu de jeunes, éléments indispensables à leur éducation, à leur mobilisation et à leur insertion sociale, complétant, renforçant et prolongeant les effets du système d'éducation et de formation. A cet effet, les axes du programme d'éducation sont la généralisation du sport en milieu de jeunes comme priorité de l'heure et la place essentielle du sport dans le
1 PAGS, Parti de l'avant-garde
socialiste,
ancien parti communiste.
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programme d'animation et d'éducation de la jeunesse1. Pour atteindre cet objectif prioritaire, «il faut considérer l'enseignement de l'EPS comme la base de tout le développement national, lui accorder la priorité des priorités et introduire progressivement l'EPS dans le système préscolaire, redéfinir les formes et contenus de l'enseignement de l'EPS au sein de l'école fondamentale, consolider et développer l'enseignement de l'EPS dans le second cycle, introduire et généraliser le module d'EPS à l'Université et dans tous les établissements de formation, faire de l'EPS une matière obligatoire à tous les examens »2. L'animation sportive de masse doit être élargie pendant et sur les lieux de vacances et même en milieu féminin. Il conviendra d'insister particulièrement sur la formation idéologique et l'éducation morale et politique des jeunes sportifs de performance afin qu'au travers de leur comportement, ils puissent constituer pour l'ensemble de la jeunesse des modèles à suivre. La formation des cadres doit donner la priorité à la satisfaction des besoins de l'école fondamentale. Les directeurs de la jeunesse et des sports des wilaya tes (départements) réunis en séminaire à Alger les 24-26 mai 1983 réitèrent la priorité pour toutes les actions qui seront entreprises en faveur de l'encadrement et des besoins de la jeunesse. «Le deuxième plan 85-89 en matière de sport de masse doit nous permettre de créer effectivement de meilleures conditions, organisationnelles, humaines et matérielles pour un développement généralisé et irréversible de la pratique sportive au profit du plus grand nombre ». Les secteurs scolaires et universitaires, de même que l'extrascolaire et communal doivent occuper une position privilégiée et stratégique dans la situation actuelle de la jeunesse en nombre compte tenu des problèmes qui se posent à elle, nous incite donc à r en faveur de sa mobilisation et de son éducation. Cette option «sport politisant»
l Selon un rapport du CNES, réalisé en juin 2005, la population estudiantine est faiblement touchée par le sport. Les tentatives entreprises entre 1973 et 1976 visant à l'intégration d'un module obligatoire d'EPS à ['Université, sont restées vaines en raison de l'absence d'un encadrement permanent et d'infrastructures. Les résultats chiffrés montrent qu'en 2002, le MJS a affecté près de 100 cadres du sport au niveau de 57 établissements universitaires, soit près de 2 cadres par établissement Le nombre d'étudiants concerné par cet encadrement est de 14.200, représentant 2,4 % de la population estudiantine estimée à près de 598.000 étudiants en graduation de la même année. Par ailleurs, plus de 20% des 196 cadres du sport affectés au secteur universitaire occupent des postes de gestion au sein des ligues (structures d'animation). 21n Rapport sur la politique nationale de lajeunesse,
1982.
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connaîtra des confirmations mais aussi des réalisationsl. Dans ce cadre, pour répondre aux manques d'installations adéquates dont souffre la jeunesse, une opération baptisée opération aires de jeux dans les quartiers est lancée à partir de 1983. Cette tâche imcombe aux collectivités locales qui doivent fournir un effort conséquent, particulièrement dans les villes et quartiers à très forte densité populaire. Elles doivent procéder au recensement des espaces susceptibles d'être aménagés en aires de jeux, procéder à leur aménagement en sollicitant ci besoin le concours des entreprise locales de l'Armée Nationale Populaire et en recourant éventuellement au volontariat des citoyens et des jeunes. Par ailleurs les APC pourraient en plus de l'aménagement d'aires de jeux, dégager des locaux fonctionnels particulièrement pour les activités sportives de salles (tennis de table, échecs, judo, etc...), de manière à diversifier les activités sportives autre que le football. Pour les communes ne disposant pas d'espaces à aménager dans les quartiers, il est demandé de prévoir un système d'utilisation de places publiques ou rues spacieuses à des moments appropriés de la journée ou de la semaine en y effectuant le traçage nécessaire et en y mettant une clôture amovible. En plus de la commission nationale de l'animation des quartiers, des commissions de wilayas placées sous tutelle du conseil de coordination travaillent avec les comités d'animation des quartires, et les organes spécialisés de l' APC en particulier le conseil communal des sports. Ces opérations sont soutenues par une subvention du PSA. A Alger uniquement, 70 aires de jeux sont réceptionnées avant le 1er novembre 1984. Le coût, 2 milliards de centimes, est financé par la wilaya d'Alger. Cette opération eût beaucoup de succès pour le football. Le réel est une dérivation illusionniste de l'activité. Sur le plan concret, comment va se manifester ce leitmotiv de l'encadrement des jeunes par le sport? En fait c'est la mise en place d'un système de compétition médiocre, presque sans aucun moyen qui va absorber une partie des jeunes afin qu'elle «occupe sainement» son temps et soit détournée de la critique du régime.
l Opération animation et mobilisation des jeunes par le sport, 16 mars 1994, séance de travail du ministre de la Jeunesse et des Sports, du vice-ministre chargé des sports, des représentants de l'Union nationale des étudiants algériens (UNJA), du ministre de l'hydraulique, de l'environnement et des forêts, de l'urbain et de la construction et de l'habitat de la wilaya d'Alger.
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Les tournois interquartiers de football. Une instruction interministérielle n° 7590 du 5 octobre 1983, précise le rôle des collectivités locales dans l'aménagement des aires de jeux pour les besoins de l'organisation de l'animation sportive dans les quartiers. Les objectifs visés et les moyens à mettre en s'inscrivent dans les résolutions de la 7ème session du comité central sur la jeunesse et l'instruction présidentielle n°301. «L'organisation des citoyens et des jeunes, en particulier dans leur quartier par le moyen de l'animation sportive, vise une mobilisation éducative et civique, culturelle et sociale capable d'éliminer certains maux sociaux tels que la délinquance et de promouvoir un environnement social et un cadre de vie sain et agréable et dont les citoyens et les jeunes seraient eux mêmes les initiateurs ». En réalité c'est la «légitimation», récupération d'une pratique préexistante, la pratique sauvage des collectifs ludiques des houmistes (jeunes des quartiers). «Malgré le peu de moyens et l'absence totale d'infrastructures, les jeunes de la localité d'Oued Koriche n'ont pas attendu l'aide des autorités pour s'organiser: 8 équipes des différents quartiers de Oued Koriche ont disputé un tournoi»2. Si l'on en juge par les dizaines de lettres parvenues au journal El Moudjahid dans le cadre de la rubrique Inter-quartiers, c'est vous, il y a lieu de croire que la pratique est très importante »3. L'Union Nationale de la Jeunesse algérienne, (l'UNJA), instrument d'embrigadement des jeunes, se lançe, elle aussi dans la bataille sportive. Le Code de l'EPS lui reconnaissant des responsabilités sportives. «Le sport, fait social et cultureL.peut être considéré comme partie intégrante de la révolution culturelle dont le centre unique d'orientation est le parti du Front de libération nationale (FLN) ». A ce titre, «le parti, et plus particulièrement les organisations de masse et en l'occurrence l'Union nationale de la jeunesse algérienne, peut jouer un rôle déterminant en matière d'organisation, d'animation et de coordination de toutes les opérations de sport de masse, de politisation du mouvement sportif national en participant à l'encadrement des
1 Cette instruction signée conjointement Sports, s'adresse (pour information) aux les walis, les directeurs de la jeunesse et chefs de daîra, etau président du Conseil 2 El Moudjahid du 11 juin 1984. 3 El Moudjahid,
par le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Jeunesse et des secrétaires de mouhafada (section départementale du FLN),à MM des sports, les chefs de sûreté de wilaya, les présidents d'APC, les populaire de la ville d'Alger (pour application).
5 mars 1984.
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associations sportives des ligues et des fédérations»l. Elle met en place des compétitions spectacles avec la volonté de mobiliser les jeunes par le sport afin d'intégrer l'organisation, sans grand succès. Des tournois de football sont organisés, à l'occasion de journées commémoratives, avec la participation de la jeunesse du Maghreb (Tunisie, Maroc) comme la journée du 24 avril, Youm el Hm, (Jour du savoir), dédiée au fondateur de l'Association des Oulémas (1931), Abdelhamid Ben Badis2, et de la jeunesse africaine, pour les journées d'amitiés interpays et d'événements internationaux. Indice d'une pratique sportive ponctuelle conventionnelle, voire symbolique, cette activité sportive n'est pas permanente. De 1975 à 1978, l'UNJA eût un succès relatif avec la participation de jeunes aux tournois de football (action qui est un véritable appât). Mais après, ce fut une longue période de sommeil. Malgré l'aide apportée par le ministère de la jeunesse et des sports, la base des militants se plaint du manque de moyens: «Même si personne ne nous aide, nous nous débrouillons pour que ces tournois soient un succès. Nous sommes habitués à la politique des moyens de bord»3. A Hammam el Aïn depuis 1976 est organisé un championnat inter quartiers de football, pensé comme moyen de rassemblement et de mobilisation (en fait encadrement) des jeunes autour de deux idées directrices: pratiquer le sport et «mobiliser les jeunes autour des tâches d'édification nationale sous la responsabilité de la commission UNJA »4 La police nationale ne reste pas en marge de ces préoccupations. Elle fait de nombreuses tentatives de séduction en direction des jeunes. En 1983, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a voulu détruire l'image de la police traditionnellement répressive de la jeunesse turbulente et occupant le moindre espace libre par des parties de football passionnéess en lançant «l'opération animation sportive des quartiers afin de lutter contre la délinquance, la dégradation des immeubles et l'oisiveté»6.
1 Code de l'EPS, 1976, p.20. 2 Servant de référence symbolique au pouvoir qui le déclare incarner un islam moderniste. 3 Déclaration du secrétaire national chargé des sports, in Algérie Actualités n096, 29 mars-avril 4 El Moudjahid, du Il novembre 1984. 5 Voir la séquence du film de Mohamed ZINET, Thia ya didou. Alger insolite. 6 Déclaration des responsables de la DGSN in Algérie Actualités n0919, 26 mai-1er juin 1983.
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D'abord cantonnée aux quartiers populaires d'Alger, ayant un grand succès (les enfants jouant constamment au football dans les rues avec des ballons souvent artisanaux, boîtes de conserve, etc...), cette opération devait être permanente et s'étendre à toutes les villes du pays. Cette expérience ressemble à celle qui a été faite par l'armée française en direction de la jeunesse extra scolaire pendant la guerre de libération et qui consistait en l'encradrement des jeunes algériens par des tournois de football inter quartiers. Compte tenu de ce que nous venons de dire, il faut retenir que la jeunesse, dans le discours des gouvernements algériens, est une force sociale clé qui mérite l'attention. Une grande sollicitude intéressée lui est manifestée. Les déclarations de principes et d'intention sont pleines de générosité à son égard et par voie de conséquence du sport de masse qui doit permettre au plus grand nombre une pratique sans obstacles. La priorité des priorités est accordée à l'institution par excellence où se retrouvent les jeunes: le sport scolaire et universitaire. En revanche, dans la pratique, il en est tout autrement. C'est le sport de performance, producteur de spectacle qui est le plus privilégié et sur divers plans :crédits accordés, encadrement, déplacements à l'étranger, rencontres internationales, temps consacré par les moyens audiovisuels, la presse, colloques, congrès, réunions internationales. Toute cette politique de la jeunesse fut contre productrice et illustre magistralement l'échec de la politique du containment de la jeunesse. Les multiples actions des stratèges gouvernementaux n'eurent pas les résultats escomptés. En octobre 1988, la jeunesse ébranle le parti unique et libère la société algérienne. Pourtant la politique antérieure à cette rupture a tenté vainement d'utiliser le sport à des fins politiques afin d'embrigader et de tenir en respect cette véritable force explosive que représentent les jeunes de moins de trente ans (quatorze millions de personnes, 70% de la population). Une place privilégiée exceptionnelle a été accordée au sport dans la formation politique et l'encadrement de la jeunesse. Depuis l'indépendance, sport et politique sont liés, la liaison jeunesse sport étant un invariant discursif: le sport doit jouer un rôle de maintien de l'ordre établi, de la cohésion totalitaire et de la stabilité du système de parti unique. Nous avons vu que ces trois concepts: jeunesse, sport, politique ne peuvent s'articuler sans s'entrechoquer. B La formation du consensus national 167
En Algérie, face aux équipes étrangères, le stade s'offre comme un des rares espaces où, à l'échelle des temps modernes, la société algérienne se donne une image sensible de son unité, de ses contradictions apaisées et momentanément tues1. Au plan international, il offre une image de l'affirmation d'une identité collective, de l'unité enfin retrouvée (le temps de l'événement) par cette capacité de mobilisation et la démonstration de l'appartenance et de la reconnaissance nationale. Le sport de haute compétition victorieux devient alors un instrument de fabrication du consensus national et de renforcement de l'ordre social existant. Ainsi dans la recherche de cette finalité, l'équipe nationale de football prend une place capitale comme du temps de la lutte de libération nationale dirrigée par le FLN soucieux de l'unicité du peuple, grâce à la glorieuse équipe de football du FLN. Jusqu'à la période de l'instauration du multipartisme dans les années 90, le pouvoir du parti unique, a recherché le même consensus national grâce aux victoires sportives internationales et surtout celles de l'équipe nationale de football. L'unanimisme et l'unitarisme autour du sport sont rééls. Grâce à la victoire, la nation toute entière se soude, et ne présente aucune faille. Même l'opposition politique et les forces centrifuges nées du printemps berbère sont assez faibles et n'osent pas s'attaquer à ce genre d'unanimisme. Un seul groupe trotskiste, El Oumami, ultra minoritaire s'exprime contre, en refusant la participation algérienne, à la coupe du monde en Espagne. D'autre part, sur le plan international, le sport de performance se donne pour objectif de «servir l'intérêt national», notion très difficile à définir rationnellement, notion plus subjective qu'objective dont la signification est à géométrie variable. Pour l'Etat algérien, il s'agit d'abord d'une reconnaissance supplémentaire sur le plan international, de la diffusion d'une image de marque positive, de la préservation de son identité politique et culturelle, de la tenue du rôle et du rang que le gouvernement veut jouer sur le plan international, et par voie de conséquence de reconnaissance des gouvernants en place. Ce rôle que les décideurs lui ont assigné à savoir la recherche du prestige, s'apparente à un objectif de politique étrangère. De nombreux événements sportifs significatifs le montrent bien. Aux Jeux 1 A ce niveau d'ampleur, le stade de football devient la Mecque et tout un peuple communie comme il le fait dans la prière du vendredi.
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dans le sport
Méditerranéens de 1975, à Alger, la finale de football entre l'équipe nationale algérienne et l'équipe nationale française B à l'issue de laquelle la victoire algérienne est obtenue « héroïquement» à la suite des prolongations, est fêtée comme «une seconde indépendance» par les Algériens. Avant le début du match, le Président Boumediène en personne, par l'intermédiaire du Colonel Zerguini; membre algérien du CIO, exige des joueurs qu'en aucun cas la Marseillaise ne doit être jouée et que le drapeau français ne monte sur le mât algérien. Ce serait une offense grave pour la Nation. La victoire doit être obtenue à tout prix. Le lendemain de cette victoire, le Président Boumediène qui est un fervent fan de l'équipe nationale de football convoque le joueur Betrouni1, auteur du but victorieux pour lui exprimer toutes ses félicitations et l'hommage du gouvernement et de l'Algérie. Le soir, cette victoire est fêtée dans toute l'Algérie. Mais déjà, dès les premières victoires algériennes, l'ambiance survoltée des Jeux Méditerranéens était dans la rue, jusqu'à une heure tardive de la nuit. De longues files de voitures bondées de jeunes, drapeau national au vent, klaxons bloqués et une masse d'adolescents, sillonnent la ville en hurlant leur enthousiasme et leur allégresse. La journée de la veille a été particulièrement faste pour l'Algérie. Certains sont venus du stade du 5 juillet où l'équipe nationale de football n'avait pas fait de détail devant le Onze hellénique, les autres sont sortis de la salle Harcha où, à l'issue d'une rencontre épique a encore une fois pris le meilleur sur les voisins tunisiens. Et puis bien sûr il y eut dans l'après-midi la fantastique course de Rahoui qui a valu la première médaille d'or. Cela faisait des lustres que le public n'avait pas vu ça. D'où sa joie sans limites. Cependant si l'on se réfère au discours des responsables algériens2, les Jeux Méditerranéens de 1975 ne sont pas considérés par le comité d'organisation et le MJS comme une fin en soi, comme des manifestations de prestige ou des opérations à caractère économique3. Ces Jeux sont intégrés dans une dynamique globale du développement sportif. Ils doivent atteindre quatre objectifs: sensibiliser les autorités
1 Dans une interview qu'il nous a accordée, à partir de ce jour là.
il raconte que le Président
Boumédiene
l'a pris en sympathie
2 Baghdadi SI MOHAMED, Directeur de l'EPS au ministère de la jeunesse et des sports, in Algérie Actualités n0486, 1975. 3 L'opposition les considère comme une propagande
et une aventure ruineuse et presque inutile.
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à tous les niveaux autour de problèmes d'organisation du mouvement sportif national de telle sorte que le développement du sport en Algérie soit considéré comme une entreprise nationale intéressant tout le monde et n'est pas l'exclusivité du MJS, mobiliser la plupart des pratiquants potentiels jeunes et moins jeunes autour de l'idée des Jeux, c'est à dire leur intéressement aux vertus du sport en tant que moyen de communication des peuples, en tant que facteur de solidarité et d'amitié à travers le monde, en tant que facteur de consolidation de la paix et les intéresser à la pratique, mobiliser de manière concrète l'ensemble de la jeunesse algérienne scolarisée et la jeunesse organisée à pratiquer une activité physique et sportive le plus souvent et élever le niveau de la pratique sportive d'année en année1. Le but n'est donc pas de récolter des médailles mais surtout de mobiliser, sensibiliser, éduquer la jeunesse et inciter le maximum de citoyens à la pratique sportive de masse. Le réalisme affiché par les responsables exclut la course aux médailles et la recherche du prestige. Or la réalité fut toute autre.
Les IIIèmes Jeux Africains de Juillet 1978 à Alger sont perçus par les gouvernants algériens comme «une victoire de l'Unité de l'Afrique». Les Algériens veulent jouer un rôle sur le plan africain. Quarante quatre pays sur les quarante neuf membres de l'Organisation de l'unité africaine, (OUA), ont participé. Malgré la crise du Sahara Occidental, le Maroc et la Mauritanie n'ont pas boycotté ces jeux. L'Algérie a accueilli 3087 sportifs et avec les représentants des organismes sportifs internationaux et ceux des Etats, 5000, contre 3000 aux premiers Jeux de Brazzaville en 1965 et 4000 à ceux de Lagos en 1973. Elle a accordé neuf cents accréditations aux journalistes. Ces Jeux placés sous le signe de l'Unité de l'amitié et de la solidarité ont montré les capacités d'organisation acquises par l'Algérie depuis les grandes conférences internationales comme le Sommet des Non-Alignés en 1973 et les Jeux Méditerranéens de 1975 d'Alger, et ont développé la fierté nationale algérienne. La participation à la Coupe du monde de football en Espagne, en 1982 et son succès contre l'équipe nationale allemande sont des évènements forts. Mais, bien avant l'épopée de la qualification, 1 Le Directeur des sports Si Mohamed Baghdadi précise: « Il fallait un évènement exceptionnel pour faire décoller le sport algérien. Cela nécessite un très long cheminement sur le plan mental, car nous avons à nous dégager des modèles anciens », in le Monde du 18 janvier 1975.
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l'équipe nationale de football a mobilisé de nombreux Algériens. Ainsi en octobre 1981, après sa victoire du match aller à Lagos, face au Nigeria, comptant pour la qualification en coupe du monde en Espagne, elle est reçue par une foule excitée avec drapeaux et cris de joie. Le Premier ministre, le secrétaire du comité central du parti du FLN et plusieurs ministres iront déjeuner, s'entretenir avec les joueurs de l'équipe nationale et les féliciter. La victoire contre l'Allemagne provoqua une explosion de joie égale à celle de l'indépendance. Les temps de transmission à la télévision augmentent sensiblement ainsi que les indices d'écoute. De même pour le tirage de la presse. Il se crée un phénomène sociologique passionnant et l'immigration algérienne en France triomphe grâce aux matchs retransmis pour le prix de 100 F en renforçant son sentiment d'appartenance. D'autre part les Algériens oublient leur ressentiment et supportent la France contre les Allemands. Les reporters français pour leur part font l'éloge de l'équipe algérienne et ouvrent certaines colonnes de leurs journaux aux Algériens. La télévision française transmet le match AlgérieAllemagne. A ce moment là, on croit à une réconciliation algérofrançaise. Une colonne est ouverte à El Moudjahid pour les citoyens. Au journal, on reçoit de très nombreuses lettres d'Algériens de toutes les couches sociales, même les femmes s'y intéressent, par la force des choses. La qualification est traitée par les médias sur le mode héroïque. Seulement, bien que les joueurs de football ne correspondent pas aux 5 critères de définition pour le héros, de Philippe Sellier dans Le mythe du héros ou le désir d'être Dieul, ou au modèle dominant en Algérie du moudjahid de la lutte de libération nationale2 ils sont traités comme des héros grâce à la victoire symbolique contre l'Allemagne ainsi que la participation, pour la deuxième fois de suite, à la Coupe du monde à Mexico en 1986, 1 Philippe SELLIER: Le mythe du héros ou le désir d'être Dieu. Paris, Bordas. 1970. p.13 donne la définition suivante: 1, Nom donné dans Homère aux hommes d'un courage et d'un mérite supérieurs, favoris particuliers des Dieux et dans Hésiode à ceux qu'on disait fils d'un dieu et d'une mortelle ou d'une déesse et d'un mortel. 2, Fig. ceux qui se distinguent par une valeur extraordinaire ou des succès éclatants à la guerre.3. Tout homme qui se distingue par la force de caractère, la grandeur d'âme, une haute vertuA. Terme de littérature. Personnage principa1 d'un poème, d'un roman, d'une pièce de théâtre.5. Le héros d'une chose, celui qui y brille d'une manière excellente en bien ou en mal... Le héros du jour, l'homme qui, en un certain moment, attire sur soi toute l'attention du public. 2 Quelques années après l'indépendance, les anciens moudjahidines perdent progressivement leur aura car ils sont devenus une caste privilégiée mêmes honnis par la population.
bénéficiant
de passe droits et d'avantages
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exorbitants.
Certains sont
évènements qui relèvent de faits nationaux à valeur extraordinaire. Ce faisant le sport et spécialement le football est aussi une véritable fabrique de néo-héros algériens à l'instar des joueurs professionnels de l'équipe nationale du FLN. La transformation d'un évènement sportif en évènement national, à l'occasion de la retransmission télévisée en direct, consolide un temps l'unité nationale et recréé les grandes communions collectives. Mais c'est sa projection sur la scène internationale qui va renforcer la fierté nationale et la puissance virtuelle de la Nation. L'identification des Algériens avec les joueurs se fait très facilement. «Ils», c'est-à-dire les joueurs est remplacé par le «nous collectif Algérie». Ainsi les champions sportifs et notamment les joueurs de l'équipe nationale de football sont les véritables acteurs de ce consensus. Les téléspectateurs se familiarisent, sympathisent avec les noms et les images des champions qui deviennent des vedettes, des «stars» qu'on juge avec affection. Ces athlètes ont rang de personnages publics. Ils sont beaucoup plus connus que les intellectuels, artistes et membres du gouvernement. Leurs faits et gestes, leurs dires dépassent le plus souvent la chronique sportive pour alimenter celle de la politique. Un nombre important d'ouvrages est consacré au football et aux footballeurs talentueux. Le consensus national est renforcé par la chanson mise au service du sportl. Comme à l'époque du grand Mouloudia d'Alger qui avait sa fameuse chanson de Hadj M'Rizek, de nombreux chanteurs l'imitèrent en produisant de nouvelles, mais cette fois ci en faveur de l'équipe nationale. En 1982, lors de la participation de l'Algérie au Mundial d'Espagne, le chanteur populaire Driassa, apologiste du pouvoir algérien, dans sa chanson sur la révolution agraire, va récidiver en produisant une chanson sur l'équipe nationale de football. Pour sensibiliser les téléspectateurs algériens, cette chanson est diffusée dans un clip à la télé aux grandes heures d'écoute, le soir, surtout avant le feuilleton américain Dallas, très suivi par les Algériens. Une ambiance féérique est mise en scène. De très nombreux drapeaux algériens sont déployés et agités par la jeunesse algérienne. Des phases de jeu et l'équipe sont bien choisis. Mais on n'oublie pas l'Espagne, représentée par une Espagnole, un taureau et une guitare. Cependant la référence identitaire est faite à l'Afrique et 1 Dans la Grèce antique, les plus grands poètes, Simonide, odes triomphales, les exploits sportifs.
172
Pindare, Homère célèbrent
en admirables
vers,
non au monde arabo-musulman. Bien sûr, on invoque Dieu pour qu'il soit avec l'équipe nationale. Ensuite vient l'éloge des joueurs, un par un (onze), de l'entraîneur, du DTN. Enfin on leur proclame que toutes les masses algériennes sont avec eux. Le chanteur Freh Khodja, né à Bel Abbès, mais émigré à Paris, produit un disque à la gloire de l'équipe nationale après sa victoire sur la RFA, intitulé Sejel hadeJ (inscrit le but), diffusée en en France. Quelques années plus tard, Khaled, la star du rai"pop, compose une chanson sur l'équipe de football pour sa qualification au Mundial de 1986 à Mexico et exhorte ses joueurs défendant les couleurs nationales «de rendre heureux la jeunesse» comme ils l'ont déjà fait en Espagne en 1982. Un autre groupe de chanteurs, les Abranis, compose une chanson métaphorique affective intitulée Jibouha ya louled (Ramenez la victoire, ô jeunes du pays). Nous avons donc quatre chansons consacrées à l'équipe nationale, «les Verts». Seuls les chanteurs kabyles, Lounès Maatoub et Aït Menguelett produisent des chansons dédiées au club régional identitaire, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK). Sur le plan audio-visuel, un court métrage est élaboré par l'ONCre. Projeté dans les salles de cinéma, il a pour thème la qualification de l'équipe algérienne au Mundial. Il retrace, entre autres, les principales péripéties du match de Constantine ainsi que les phases essentielles de préparation à ce rendez-vous. A travers ce bon court métrage de NaceJ et Maroc, la ferveur populaire et l'émulation au niveau des jeunes, sont suscitées par le football dans notre pays. Un film qui attire les Joules vers les salles de cinémaI, écrit El Moudjahid. Le renforcement du consensus national se fait dans l'affrontement à « l'autre ». One, two, three, viva l'Algérie2. Le slogan est exclusif, en dehors de l'Algérie, rien ne compte. En effet, le sport de performance devient le lieu d'actualisations conflictuelles interétatiques. C'est pourquoi les matchs de football sont les lieux privilégiés de confrontations entre les Etats par populations interposées et deviennent une véritable propédeutique guerrière. Dans le monde arabe, les matchs entre l'Algérie et l'Egypte ont souvent généré la violence et de nombreux incidents. Aux Jeux méditerranéens de Split en 1978, les handballeurs algériens refusent carrément de rencontrer l'équipe d'Egypte. Les représentants de 1 El Moudjahid
du 26 avril 1982.
2 Ce slogan inspirera un film intitulé
«
Viva Laldjeri» de Nadir Moknèche.
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l'Algérie ont perturbé par deux fois, le 27 septembre, le déroulement des Jeux méditerranéens de Split. D'une part, ils ont décliné de rencontrer les Egyptiens pour la cinquième place du tournoi. Depuis la défection de dernière heure de la Libye, c'était le premier geste de
boycott de l'Egypte aux Jeux de Split par un pays arabe du
«
Front de
la fermeté ». Pourtant, des Algériens et des Egyptiens s'étaient déjà rencontrés au cours de ces Jeux, notamment lors du tournoi de lutte. D'autre part, les footballeurs algériens, qui venaient d'encaisser un troisième but (3 à 2) à quelques minutes de la finale du tournoi de football, ont déclenché une bagarre qui a nécessité l'intervention de la police»1. Sur le plan «footballistique», les Egyptiens semblent être les plus chauvins d'Afrique et les «frères ennemis» des Algériens. Depuis de nombreuses années, les incidents empoisonnent les rapports égypto-algériens. En 1984, « la passion démesurée pour le sport roi le football, passion entretenue, attisée par la presse spécialisée égyptienne depuis un mois, prend pour cible le football algérien. Les journaux consacrent des gros titres dans les pages sportives. Les chroniqueurs s'évertuent à démystifier auprès de leurs lecteurs cette équipe algérienne qui disent-ils, n'a brillé que l'espace d'un été. Ce géant aux pieds d'argile assurent-ils est en chute libre depuis le Mundial. Tous les superlatifs ayant trait à la faiblesse de l'EN algérienne ont été épuisés par les journalistes égyptiens pour forger à leurs footballeurs un moral d'acier. Et nul doute qu'avant leur départ pour Alger, les joueurs égyptiens auront droit au sermon présidentiel dont la teneur est facile à deviner. Depuis un mois donc, l'équipe nationale égyptienne prépare ses retrouvailles avec son homologue algérienne comme si son devenir en dépendait »2. La même année à la finale de la Coupe d'Mrique, opposant la JET Tizi Ouzou au Zamalek égyptien, le journaliste sportif Faouzi Mahjoub, envoyé spécial d'Afrique-Asie, au Caire décrit le match comme une véritable guerre: la mobilisation nationale a réussi... Autour de l'arène, à quelques pas du mausolée d'Anouar el Sadate, c'est un véritable camp militaire. Des centaines de camions stationnent! Ils ont servi au transport de la soldatesque à laquelle le maréchal Abu Ghazala, ministre des armées a offert l'entrée au stade. Des milliers de policiers, à pied ou à cheval ceinturent, armés de boucliers et de gros bâtons, l'enceinte. C'est un 1 Le iVIonde 2 Algérie
du 29 septembre
Actualités,
semaine
1979. du 29 décembre
1983
au 4 janvier
174
1984.
volcan qui attend les joueurs algériens. Une ambiance hallucinante. L'union sacrée a joué à fond. Le combat trop inégal. Toutes les recettes du chauvinisme populaire et officiel sont de la partie. L 'hymne algérien est copieusement conspué. Biladi ! Biladi ! est en revanche repris en chœur. Tout est prêt pour terrasser les frères maghrébins. La JET est battue frauduleusement et le soir, la télévision passe et repasse inlassablement les buts du Zamalek, avec le tube patriotique notre égyptianité, (Misriytna), notre nationalisme, qu'Allah les protège1. En novembre 1989, la rencontre Egypte-Algérie comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde connait de lamentables incidents entre supporters égyptiens et algériens. Après la rencontre, le parquet égyptien convoque le joueur algérien Lakhdar Belloumi, accusé d'avoir éborgné un médecin en lui lançant un tesson de bouteille. Belloumi dément catégoriquement cette accusation au cours de son interrogatoire. Il est libéré contre une caution d'environ 4000 dollars2. Le responsable de la délégation algérienne au Caire, élève une protestation auprès de la Fédération Egyptienne de Football (FEF) dans laquelle il affirme que sa délégation est restée sans le représentant de la FEF et sans sécurité à son arrivée à l'hôtel. Ceci a conduit à «des agressions et à des provocations à l'encontre des membres de la délégation, joueurs et journalistes, contraints de se réfugier, durant plusieurs heures au 6ème étage de l'hôtel », ajoute-t-il. La veille, la radio algérienne avait indiqué que l'ambassadeur d'Algérie en Egypte avait pris contact avec la Présidence et le ministère des Affaires étrangères égyptiennes, pour leur demander «une protection efficace» de la délégation algérienne. En Algérie, après les autorités, ce sont plusieurs centaines de jeunes qui manifestent à Constantine, la capitale de l'Est algérien, contre la propagande faite autour de l'équipe algérienne et de ses supporters après cette rencontre Algérie- Egypte au Caire.3 «Des centaines de jeunes arborant les couleurs nationales ont effectué dans les artères constantinoises, une marche de protestation contre la propagande et les méthodes chauvines utilisées en Egypte contre l'équipe nationale algérienne et ses supporters au Caire. Les manifestants ont dénoncé 1 Ajhque-Asie, lundi 19 novembre 1984, n0335. 2 Agence égyptienne MENA. 3 Agence AFP 19 novembre 1989. Manifestation
dans l'Est algérien
après un match de football Algérie-Egypte.
175
contre la propagande
égyptienne
avec véhémence des pratiques qui exacerbent le chauvinisme »1 Ces évènements montrent que les jeunes qui ont engrangée l'expérience d'octobre 88 saisissent la moindre occasion pour manifester dans les rues. En 1990 c'est une véritable contre diplomatie du football entre l'Algérie et l'Egypte qui se met en place. En effet la Fédération égyptienne de football décide de ne pas participer aux rencontres de la 17ème Coupe d'Mrique des Nations (2-16 mars) en Algérie. Il faudra une intervention politique au plus haut niveau pour la faire revenir sur sa décision. Le président du Conseil supérieur égyptien de la Jeunesse et des Sports justifie le forfait de l'équipe nationale, «les Pharaons» par crainte «d'incidents risquant d'affecter la qualité des rapports fraternels entre les deux peuples ». Dans cette hypocrisie, il s'est avéré que ce forfait était plus que tout autre chose, susceptible d'envenimer des rapports égypto-algériens assez souvent perturbés par des susceptibilités. On n'hésite pas, de part et d'autre, à invoquer des blessures d'amour-propre national. Le Premier ministre algérien qui devait coprésider avec son homologue la première session de la grande commission mixte algéro-égyptienne du au 5 mars au Caire reporte sa visite après le forfait officiel de l'équipe égyptienne de football. Pour la radio algérienne, la décision d'Alger n'est pas sans rapport avec «les déclarations tendancieuses et pour le moins inamicales de certains officiels égyptiens sur les conditions de préparation et de déroulement de la manifestation sportive en Algérie ». L'attitude de ces responsables, dont les propos ne sont pas précisés «participe à l'évidence d'une mauvaise foi préjudiciable à l'esprit de fraternité et de franchise que l'Algérie s'est toujours attelée à instaurer dans ses relations avec la grande famille que constitue la nation arabe », estime la radio. Finalement, la décision de participer aux rencontres de la Coupe africaine est prise au cours d'une réunion qui a rassemblé le Premier ministre égyptien, le ministre des Affaires étrangères, l'ambassadeur algérien et le président du Conseil supérieur de la Jeunesse et des sports, de retour la veille, d'une mission à Alger. Selon un journal cairote, Al Ahram, «l'intervention du président de la République M. Hosni Moubarak, avait été sollicitée par le président de la Confédération africaine de football, M. Issa Hayatou. Celui-ci a semble-t-il convaincu le chef de l'Etat égyptien qu'il n'aurait pas été de bon ton que l'Egypte, présidente en exercice de l'Organisation de 1 Agence algérienne,
APS.
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l'unité africaine, soit absente des compétitions de la Coupe d'Afrique »1. Des campagnes de presse avaient à plusieurs reprises opposé les deux pays, avant le rétablissement de leurs relations diplomatiques en novembre 1988, pour des malentendus qui tenaient moins à de réelles divergences politiques qu'à des réactions d'orgueil national. Plus récemment, un journal algérien, El Massa, fait état de tracasseries et de pratiques discriminatoires dont les voyageurs porteurs d'un passeport algérien font systématiquement l'objet à leur arrivée à l'aéroport du Caire2, tandis que des rumeurs circulant au Caire selon lesquelles l'équipe de tennis d'Egypte aurait été malmenée par le public lors des rencontres de la Coupe Davis en Algérie. Cette succession d'incidents vrais ou supposés dans lesquels le sport n'a pas grand chose à voir, ne pouvait manquer de mettre dans la gêne les plus hauts responsables politiques des deux «pays frères », selon la formule consacrée en terre arabe. Les responsables prennent bien soin de souligner que le sport, c'est le sport et la politique, la politique et que tout ce remue-ménage autour du ballon rond ne touche en rien les relations fraternelles des deux pays. Ce discours démagogique est totalement faux en réalité. Le sport renforce la division et les conflits entre l'Egypte et l'Algérie. Au Maghreb, les victoires de football ont suscité un déviationnisme de la conscience et de la solidarité du «Maghreb des peuples ». En 1985, le match Tunisie-Algérie s'est déroulé cinq jours à peine après le bombardement de Hammam-Chatt par les Israéliens qui fit une cinquantaine de morts. La Tunisie était humiliée, choquée, traumatisée. Les «masses» voulaient exprimer leur colère et leur indignation après avoir enterré leurs morts. S'occuper de football allait passer au second plan. A cela, il fallait ajouter la trahison des chefs d'Etat arabes et l'expulsion de nombreux Tunisiens, travailleurs pour l'immense majorité, par l'imprévisible et fantasque colonel Kadafi. Dans cette situation, il devenait indécent de manifester sa joie. Pourtant, les Algériens, «shootés du football», supporteront l'équipe nationale après sa victoire sur l'équipe tunisienne, en défilant avec banderoles et klaxons de voiture bloqués. Ce n'était point la 1 AFP, 2 mars 1990. 2 Un autre journal algérien, Algérie Actualités na 127, semaine du 15 au 2] mars 1990, dénonce le laxisme des autorités égyptiennes vis-à-vis des israéliens et des Occidentaux dont certains sont porteurs du virus du Sida, alors que les visiteurs algériens en règle subissent les pires tracasseries, ]n page Arab Notes, Etranges amateurs d'antiquités égyptiennes
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manifestation de «fraternité et de solidarité avec un peuple frère, victime d'une agression »1. Ainsi, on remarque que le champ sportif s'enflamme chaque fois qu'il y a des problèmes inter-étatiques. Les rapports de force changent selon la formule les ennemis de mes ennemis sont mes amis. C'est le cas de l'Egypte lorsqu'elle fut exclue du Front du refits, devenant l'ennemi n01 ou bien quand la Libye, signa un traité de rapprochement avec le Maroc en guerre froide avec l'Algérie à cause le conflit du Sahara Occidental depuis 1975. En 1979, la rencontre de football comptant pour les éliminatoires des Jeux Olympiques de Moscou entre l'Algérie et le Maroc a un caractère hautement politique et réveille la rivalité traditionnelle algéro-marocaine exacerbée par le contentieux du Sahara Occidental. Les conséquences de la victoire algérienne sur «la lamentable prestation du onze national marocain» sont strictement politiques. Au Maroc, la presse gouvernementale ou d'opposition utilisent des termes trop durs pour dénoncer cette défaite. Al Moharrir, organe de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et Al Bayanne, quotidien du parti communiste, réclament pas moins que la démission de membres du gouvernement2. En Algérie, le Roi Hassan II est accusé d'avoir bien su utiliser «l'hypnose du football» dans son invasion du Sahara Occidental en plaçant Faras, le joueur de football marocain le plus célèbre de l'époque à la tête de la fameuse marche verte3 En 1982, en Coupe du monde juniors «l'EN héroïque» se qualifie. Paradoxalement, si on se réfère au score, elle a été écrasée par 3 buts à 1. Le commentateur ne tarit pas d'éloges. Après un rappel des victoires algériennes contre le Maroc, il explique que les juniors algériens «ont tout simplement été un exemple de courage. Après une telle disgrâce, le football marocain n'est pas près de relever la tête pendant des années... Même en trichant (puisqu'il a intégré plusieurs éléments qui ont dépassé l'âge requis par la FIFA), le football marocain retrouva encore brutalement le fond de l'abîme »4. 1 Le pouvoir algérien a interdit les manifestations de solidarité avec la Tunisie. Les mouvements spontanés qui eurent lieu furent dispersés par la police. En revanche la victoire de l'équipe nationale fut fêtée par les jeunes car elle était historique venant après celle du mai 1958, date de la finale d'un tournoi historique avec l'équipe professionnelle du FLN. L'équipe maga=ine na 258 du samedi 26 octobre 1985 commentait cettc victoire avec une photo de l'équipe: « le bis des tombeurs de la RFA en 1982, dans Alger en folie ». 2 Le Monde du 23-24 décembre 1979. 3 Algérie Actualités n0858. Semaine du 25 au 1 mars 1982. 4 El Moudjahid du 14 novembre 1982.
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L'arbitre est traité de partial et le public d'agressif. Il n'est plus question du peuple frère marocain, et les joueurs sont confondus avec les gouvernants. Ce match se situe dans un contexte politique caractérisé par la réunion du 19°sommet de l'QUA de Tripoli que le Maroc boycotte. Aux 6° Jeux Panarabes qui se sont déroulés au Maroc en 1985, les Algériens, selon la presse algérienne unanime, sont victimes de l'arbitrage marocain. Ils accusent explicitement et preuves à l'appui les Marocains: on assiste, vu la volonté délibérée des juges marocains de favoriser leurs athlètes, beaucoup plus à une compétition entre le Maroc et le reste du monde arabe, qu'à des panarabes. Les athlètes les plus touchés par cette évidente partialité sont bien entendu les Algériens présentés comme les ogres à abattre. «Les athlètes marocains ont pourtant des arguments techniques appréciables à faire valoir et n'ont de ce fait pas besoin du coup de pouce ou plutôt de la poussée dans le dos de l'arbitrage. En athlétisme, discipline où il est pourtant difficile de tricher, les juges s'arrangent, par exemple dans les lancers du poids féminin à faire passer les lanceuses algériennes avant les marocaines pour rattraper si besoin est, une situation qui peut être compromise par une performance algérienne. De plus, le programme est chamboulé pratiquement tous les jours pour permettre aux athlètes marocains de se présenter au mieux de leurs possibilités sur les aires de jeux. Exemple, le marathon, épreuve reine de l'athlétisme, qui habituellement clôture de manière magistrale la fête athlétique, a été avancé avant d'être truqué. Mais le scandale, le vrai, a éclaté dans la salle omnisports qui abrite les épreuves de gymnastique. Les gymnastes algériens, filles et garçons, malgré la perfection de leurs mouvements, la réussite évidente de leurs mouvements sur les agrès, ne trouvèrent pas grâce auprès des juges qui leur octroyèrent des notes incroyablement basses. La mauvaise foi de l'ensemble des juges était manifeste, évidente. Le meilleur exemple, ils l'ont fourni en admirant comme un seul homme un gymnaste marocain sur la barre fixe délaissant par là-même les autres gymnastes évoluant devant eux. La note étant connue d'avance, les juges trouvèrent normal de se distraire en suivant les évolutions de leur représentant. Tricherie est un doux euphémisme pour qualifier cette conduite qui priva les jeunes gymnastes algériens d'une domination certaine. Devant ce comportement scandaleux, les responsables ont été à deux doigts de retirer les représentants algériens
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de ces épreuves. En natation le chrono étant seul juge, les organisateurs s'arrangèrent tout de même pour étaler les épreuves sur une durée de six journées permettant à leur champion Lattaoui, entre autres, de récupérer et de s'aligner sur d'autres épreuves. Le juge marocain en prêtant le serment de tout faire pour favoriser la réussite des jeux d'une manière honnête et impartiale, devait certainement penser tout faire pour favoriser les athlètes marocains par tous les moyens »1. Les rapports Algérie-Libye n'échappent pas à cette logique de confrontation. En mars 1985, lors de l'agression du joueur algérien Belloumi, la presse algérienne se déchaîne contre les Libyens. El Moudjahid, le premier exprime la vive émotion au sein de l'opinion sportive algérienne. A qui profite l'agression s'interroge le quotidien algérien de langue française qui publie un éditorial signé par la rédaction sportive et portant un titre excessif «Un crime contre le football». Les photos qui illustrent l'article sont éloquentes: le joueur Belloumi gît sur une civière, et à l'aéroport, les dix« rescapés» montrent les traces laissées par le jeu musclé de leurs adversaires et par les supporters libyens à la fin de la rencontre. L'indisponibilité de Belloumi, sans doute de six à huit mois, alimente les conversations dans les cafés et sur les lieux de travail. Pour El Moudjahid, le joueur libyen, auteur de l'agression, a commis «un geste infamant, honteux et dégradant (oo.) contraire à la morale sportive». Le journal s'attaque également à «la scandaleuse attitude de l'arbitre de la rencontre», l'Ethiopien Testaye, qui n'a même pas eu la décence d'expulser le boucher de l'équipe de l'Jjtahad «qui a accompli cette sale besogne». Enfin El Moudjahid appelle la Confédération africaine de football à prendre les mesures nécessaires pour éviter que le football africain oo.
« ne sombre dans l'anarchie et dans le chauvinisme de triste acabit »2. Pour, le journal Afrique Asie « le plus prestigieux footballeur algérien
Belloumi est victime d'un véritable attentat sportif de la part du joueur libyen »3. La même année le match Algérie-Tunisie est l'occasion de la dénonciation de la politique libyenne vis-à-vis du public algérien et
1 Algérie Actualités du 8-14 août 1985 : Un grand absent, l'arbitrage. 2 L'Equipe du 19 mars 1985. 3 Ajhque Asie n0344 : Vendredi 15 mars 1985. A Tripoli, les crampons de la haine ont frappé un tacle assassin du Libyen Bayi brisa net la jambe de Belloumi. Il lui faudra six à huit mois de convalescence avant de revenir sur un terrain de foot.
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tunisien. Ce dernier a eu un très bon comportement à l'égard des Algériens malgré la défaite écrasante de l'équipe tunisienne. Le nom de Belloumi Qoueur algérien agressé par un joueur libyen pendant le match Algérie-Libye) est scandé à plusieurs reprises par les Tunisiens. La solidarité envers les Algériens est sans équivoque. C'est une dénonciation des Libyens agresseurs. Cette prise de position est la résultante de la guerre froide entre la Tunisie et la Libye. En effet, le fantasque colonel Kadafi a fait expulser de Libye des milliers de travailleurs tunisiens. Sur le continent africain, la XIIlème Coupe d'Afrique des clubs champions de football opposant le Mouloudia club d'Alger (MCA) au Hafia de Conakry en décembre 1976 a failli devenir une affaire d'Etat. n a fallu l'intervention des deux chefs d'Etat, MM. Sekou Touré et Boumédiène qui échangent des messages pour calmer les esprits en rappelant «la vieille solidarité des deux peuples et des deux pouvoirs révolutionnaires dans la lutte anti-impérialiste, anticolonialiste et antinéocolonialiste et que les deux peuples sauront ne pas donner prise aux ennemis de l'Mrique» l On est bien loin des sentiments de fraternité, de rapprochement entre les peuples, du panarabisme et même du «Maghreb des peuples », si souvent déclamés dans les discours officiels. Le sport et le football en particulier, c'est aussi la guerre entre le Etats frères. Ces différents exemples de conflit montrent bien que le football joue un rôle de rappel constant à la Nation, qui transcende tous les autres rapports.
~ 2 Les
nouveaux usages politiques du sport A L'encadrement
de la jeunesse émigrée
A coté des politiques nationale et locales en France, (de l'Etat
et des collectivités territoriales) « d'intégration par le sport des jeunes de banlieues, issus de l'immigration », coexiste une autre politique de l'Etat algérien. En effet, ce dernier qui ne peut intervenir directement auprès de ses citoyens ayant émigré en France, va agir par le biais de l'Amicale des Algériens en France et en Europe (AAE). n faut rappeler que l' AAE est créée afin de permettre la reprise en main de 1 Le Monde du 22 décembre
1976.
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toute la diaspora algérienne (émigration) en Europe. Le bureau politique du Front de Libération Nationale (FLN) siègeant à Alger dissout la Fédération de France1. Le 26 novembre 1962, il annonce la constitution de l'Amicale des Algériens de France (ADAF) qui va se voir confier pour mission de défendre les intérêts et les droits de la communauté par des actions à tous les niveaux. L'ADAF ne reconnaît pas que ses activités servent de couverture à la continuation de certaines activités de la Fédération puisque son implantation sur un sol étranger ne peut ouvertement mener une propagande politique intense. En 1963, les premiers statuts de l'ADAF sont rejetés par les autorités françaises mais le Secrétariat d'Etat aux Affaires Algériennes obtient pour des raisons politiques que les activités de l'association continuent à être tolérées malgré leur illégalité. Dans les tâches sociales qu'elle s'est fixées, en apportant une aide sélective aux veuves de guerre, aux invalides, aux anciens détenus, aux sans travail, aux sans logis, l'Amicale inclut la lutte contre la débauche des Algériens en France. En effet, après sept années et demi de guerre au cours de laquelle une discipline de fer est imposée par les conditions de lutte révolutionnaire, une fois la paix revenue, «certains Algériens se sont adonnés à l'alcool, aux jeux de hasard et les militants se sont démobilisés ». A partir du 20 juin 1963, elle prend l'appelation d'« Amicale des Algériens en Europe» (AAE) marquant la volonté d'étendre à l'ensemble de l'Europe occidentale son influence et sa main mise sur les ressortissants algériens. En réalité, le titre d'Amicale n'est qu'une clause de style pour camoufler un parti politique étranger, le FLN interdit par la loi française, en simple association régie par la loi, poursuivant, à l'abri de la couverture officielle, ses buts d'embrigadement et d'endoctrinement de la population algérienne et éventuellement de la mobiliser au service du FLN et du FLN seul. Elle 1 Cette structure, la 7°Wilaya, avait été mise en place par le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) pour encadrer ses ressortissants, les faire participer à la lutte de libération nationale sur le territoire français. Le FLN, était parvenu à installer sur le territoire français une organisation politico-administrative et paramilitaire telle qu'il pouvait envisager le passage à une forme supérieure de combat. Omar BOUDAOUD est en 1958 le chef du Comité fédéral de la fédération de France du FLN. Il rappelle qu'il est venu, en 1957, investi d'une mission bien précise et, parmi les directives données par Abane Ramdane, au nom du CCE, celle d'ouvrir en France, au moment opportun, un «second front ». Le but est d'élargir le champ du combat, contraignant ainsi le gouvernement colonial à accroître ses dépenses militaires et son budget de répression pour rendre sa politique impopulaire et disperser ses forces, ce qui soulagerait d'autant les maquis algériens. Les participants se donnent alors un mois de délai pour préparer, chacun dans son domaine, l'action envisagée. Levant la séance le 25 juillet 1958, ils fixent le déclenchement au 25 août 1958 à zéro heure.
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a pour objectif essentiel d'empêcher les Algériens d'opter pour la nationalité française, de fournir des rapports périodiques de renseignements et d'activité et de recenser et surveiller les ex-harkis et les opposants de toutes tendances. Le président de l'Amicale, Mahmoud Guenez dépose ses statuts le 25 avril 1966 auprès du ministère français de l'intérieur en tant qu'association de droit français, régie par le Décret-loi portant statut particulier des associations étrangères et associations composées d'étrangers du 12 avril 1939. En 1981, l'Amicale est régie par la loi de 1901, corrigée par celle du 9 octobre 1981 qui abroge les discriminations à l'encontre des étrangers introduites par ce décret-loi de 1939 et rétablit ainsi la liberté d'association dans sa plénitude de principe et sa généralité. La première assemblée générale des cadres de l'AAE (700) se tient le 8, 9, 10 décembre 1966, sous la présidence d'honneur de Chérif Belkacem, coordinateur du secrétariat exécutif du FLN et membre du conseil de la révolution. 1) A partir de là, l'AAE commence à intègrer le sport dans sa stratégie globale. Dans le cadre en faveur de la jeunesse algérienne, 33 cercles fonctionnent et 19 équipes de football ont pu se constituer. En 1967, la 2° AG a lieu le 10, 11 12 novembre en présence de Kaid Ahmed et Chérif Belkacem, membres du conseil de la Révolution. L'Amicale fait l'acquisition et l'ouverture de dix maisons de jeunes à travers l'Europe. 1000 jeunes émigrés effectuent un séjour d'un mois sur les côtes algériennes. Mais c'est en 1971, à la Vo assemblée générale tenue au palais des congrès de Versailles du 9 au 10 janvier et groupant 1200 délégués venus de toutes les régions d'Europe que le problème de la jeunesse se voit accorder à l'avenir un intérêt primordial. Il s'agit en l'occurrence de «mettre tout en œuvre afin que la jeunesse émigrée soit élevée dans le culte de la patrie et des traditions nationales ». Pour cela les efforts en faveur de l'arabisation, la diffusion de la culture algérienne, et les sports sont prioritaires. En effet la jeunesse représentant presque la moitié de l'effectif émigré est la première victime de l'acculturation, (199000 jeunes de moins de 16 ans et 52000 de 16 à 25 ans).
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En matière de sport, il existe 37 clubs de football parmi lesquelles 21 inscrits aux championnats de France1. Le football est donc le sport le plus couramment pratiqué par les jeunes émigrés. Plus tard avec le Code de rEPS et l'étatisation du sport en Algérie, on assiste à une véritable éclosion d'associations sportives monocommunautaires algériennes en France2. Ainsi lorsqu'en France, le sport est utilisé comme moyen d'intégration des jeunes de banlieues par les autorités françaises, l'AAE élabore une politique centrifuge ou de containment pour contrarier l'action des autorités françaises. Cette politique n'est pas clandestine ni à la marge de la politique nationale officielle française, mais incluse dans le mouvement sportif français. En effet, comme du temps de la période coloniale, l'Amicale des Algériens a développé des relations priviligiées avec la Fédération sportive et gymnique du travail, (la FSGT) avec laquelle de nombreux protocoles d'accord ont été signés, ainsi qu'avec la Fédération des s laïques (UFOLEP) pour l'organisation d'échanges culturels et sportifs. Mais l'AAE, reste fondamentalement une structure militante et fonctionnelle, une organisation de masse sous l'égide du parti du FLN dont elle n'est qu'une simple courroie de transmission. Nous allons donc analyser la stratégie globale mise en , les objectifs visés, les résultats obtenus par l'usage du sport auprès des jeunes Algériens vivant en France par cette institution algérienne depuis les années 70. La méthode d'investigation utilisée s'appuie sur l'analyse de contenu des documents officiels de création de clubs communautaires, des données statistiques, de démographie sportive d'une cinquantaine de clubs sportifs communautaires. Comment est vue la question de l'intégration du côté des autorités algériennes? C'est dans un contexte d'euphorie nationaliste, « développementiste» grâce aux pétrodollars et tiers-mondiste, des années 70 que la jeunesse représentant plus de 60% de l'émigration algérienne évaluée à environ 850000, va alors être l'objet permanent de sollicitations diverses de la part des responsables politiques algériens. Les buts recherchés et déclarés officiellement par l'AAE
1 Amicale des Algériens en Europe. 5° AG, 9-10 janvier 1971 p 27. 2 Comme toutes les associations monocommunautaires, dites associations ethniques, comme J'amicale des Portugais, l'amicale des Africains, etc..., ces associations s'adressent aux Algériens, à une communauté particulière mais non à toutes les personnes d'origine étrangère.
184
sont:
«
l'enculturation » des Algériens à l'étranger, «l'aide à faire face
au danger de déculturation qui les menace en priorité et qui prend une ampleur de plus en plus grande avec l'extension de l'émigration familiale avec le regroupement familial et le maintien des jeunes en contact permanent avec les valeurs nationales et les réalisations de la révolution algérienne ». En clair, c'est le refus de l'acculturation objective des jeunes émigrésl qui suppose aussi l'acquisition de la citoyenneté française, renvoyant en fait à l'assimilation et à la francisation. Or, il faut rappeler qu'en Algérie, le rejet de l'assimilation n'est pas nouveau. C'est un invariant historique. Les nationalistes et les Oulamas ont de tout temps lutté contre l'assimilation car les musulmans algériens qui accédaient à la citoyenneté française devaient renoncer au statut personnel (régi par les lois musulmanes). Ce rejet se trouve exprimé dans l'hymne national algérien dit hymne du Parti du Peuple Algérien (PPA) ou hymne messaliste, créé par Mufdi Zakkaria, fin juin 1936... Puisse l'Algérie renaître de l'astre de soi. Nous n'acceptons pas la fusion des races. Nous n'acceptons pas la naturalisation. Nous n'acceptons pas l'assimilation et nous ne nous convertirons pas: Français. Nous voulons la souveraineté de l'Islam. Aux impies leur opprobre leur suffit. Voici l'Ange Gabriel qui nous crie en avant pour l'indépendance, en avant pour la liberté. La naturalisation était un crime majeur non seulement pour les pieux musulmans mais aussi pour la majorité des Algériens. Dans la doxa algérienne, les jeunes naturalisés, occidentalisés étaient méprisés comme kmiffârs (mécréants) abhorrés, comme m 'torni (apostats). Or l'apostasie en Islam est très grave. Elle est passible de la peine de mort. D'ailleurs le Cheikh Abdelhamid Ben Badis, dans une fetwa du 2 djoumada 1356 (10 août 1937) précise que l'acquisition d'une nationalité non musulmane implique l'abandon de la législation musulmane. Même la renonciation à un seul précepte du Coran entraîne selon la doctrine admise par tous les Oulémas de l'islam, l'apostasie. Le naturalisé est un renégat. D'autre part, d'après les lois civiles fi~ançaises, les enfants d'un naturalisé sont français de plein droit. Ils ne connaîtront donc pas, ni eux, ni leurs descendants, les privilèges de l'Islam et cela par suite du geste accompli par leur père, geste qualifié de répréhensible. Le cheikh propose au naturalisé pour se purifier de cette faute, de ce péché, de se repentir, sincèrement, et 1 Pour les responsables,
il ne peut y avoir d'autre culture que la culture algérienne.
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de faire une pénitence exemplaire s'accompagnant d'un retour à la législation musulmane intégrale. Mais ne pouvant se soustraire aux lois civiles françaises, il suggère qu'il quitte le pays pour se fixer dans un autre pays où il sera soumis à la législation musulmane. Ce refus de l'assimilation confirme la position du maréchal Bugeaud pour qui les Français et les Indigènes sont en Algérie, comme un caillou blanc et un caillou noir que I Jonpeut faire bouillir dans une même marmite pendant des siècles sans qu'ils soient capables de fusionner, et celle des Algériens eux mêmes, qui expliquent brutalement: ils auront beau nous mâcher et nous remâcher, ils ne nous avalerontpas.
Paradoxalement, c'est dans les années 90 avec la guerre menée contre les civils par l'islamisme intégriste et sa barbarie, à la suite de l'arrêt du processus électoral, que ce verrou saute. L'assimilation est acceptée mais, en contre partie, l'islamisation se renforce. Pour se déculpabiliser, le naturalisé se réfugie dans sa religion. Au reste, pour les responsables algériens, les jeunes émigrés sont devant un danger de déculturation. En effet, les jeunes Algériens en France vivent dans un environnement culturel qui a une empreinte réelle sur eux, entraînant une modification profonde des codes et des comportementsl. Pourtant ils reçoivent des éléments culturels de substitution grâce aux antennes paraboliques2 mais ont une réception fragmentée de la culture algérienne. D'autres gardent des lambeaux de mémoire et des fragments de la société d'origine transmis par les parents. Malgré cela beaucoup ont complètement perdu les repères d'origine et même la pratique de la langue des parents, l'arabe ou le kabyle qu'ils n'utilisent symboliquement qu'en famille ou qu'ils transforment en une sorte de sabir dans leur communication quotidienne. Ainsi ces jeunes seraient devant un véritable déracinement d'Algérie en se mélangeant à la population française et en prenant racines eux-mêmes en France. Le déracinement serait une maladie presque mortelle pour les jeunes émigrés soumis. Il ferait naître des problèmes pour eux et leurs familles. Il entraine des conflits de 1 Cette acculturation en réalité n'est pas uniquement déculturation par assimilation ou disjonction, elle est aussi néoculturation par des processus d'emprunt et de diffusion de la culture française. C'est la culture «beur». 2 La plupart des familles algériennes immigrées sont «parabolées » et reçoivent donc les émissions de l'ENTV, la télévision algérienne ( {'unique ), alors qu'en Algérie, celles qui reçoivent les chaînes étrangères sont « paradiabolisées » selon les islamistes.
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générations, résultat de contradictions et parfois de décalage entre les parents et enfants. Assis entre deux chaises et dans ce cas, très mal assis, ils vivent une véritable schizophrénie. Les parents restent
cantonnés dans « un espace provisoire ». Les pères, prolétaires, main d' docile et non syndiquée pour l'immense majorité, ayant développé le mythe du retour, sont profondément attachés à la culture araboberbère musulmane d'origine mais perdent leur autorité, surtout depuis que le chômage les touche massivement. Les mères dont le taux d'analphabétisme est important n'ont pas beaucoup d'influence sur les filles. Les conduites d'initiation sont rares et on a plutôt le rejet des modèles parentaux. Tiraillés, écartelés entre l'espace public de la République et l'espace privé de la famille arabo-berbère musulmane, entre le général sociétal et le particulier familial grégaire, segmentaire, ils vivent une véritable tension permanente entre la recherche de valeurs contradictoires: individualisme, universalisme et collectivité, une contradiction entre les mœurs de la tradition et les exigences de la modernisationl. Ce tiraillement aboutit parfois à l'apparition d'instables psychologiques qui forment le terreau de l'islamisme radical ou de la grande délinquance. Pour l' AAE, au déracinement doit correspondre l'enracinement culturel et idéologique algérien. Le sport de compétition devrait les aider à y faire face. Il serait un facteur de reconstruction identitaire, d'algérianité et de renforcement du sentiment d'appartenance à la société d'origine. Il ne doit en aucun cas être celui de l'intégration dans la société d'accueil. Là encore, l'Amicale des Algériens en Europe lui attribue une grande capacité de façonnage culturel. Il peut contribuer à la prise de conscience des jeunes émigrés et favoriser le processus de réinsertion en Algérie par leur retour utopique. Après l'utilisation du sport pour l'inculcation d'attitudes nationalistes et l'embrigadement des jeunes émigrés, le deuxième objectif est de faire jouer à la jeunesse émigrée sportive le rôle de pourvoyeuse de jeunes talents sportifs. Cette seconde mission va aussi incomber à l' AAE. Dès lors, elle consacre un important volet de son action au sport par le biais de la Direction des sports (DS) autour de laquelle, s'articule les services suivants: le service du mouvement 1 Dans leur tiraillement, on peut ajouter un troisième pôle, codes
vestimentaires
et comportementaux, pour eux une partie de « leur identité jeune
ses rituels, ».
« la culture
son langage
187
banlieue », avec ses standards,
et ses modes
d'expression
représentant
ses
sportif national chargé de l'animation et de la gestion des activités sportives de la D.S. Il gère et anime le secteur de la boxe professionnelle et le secteur de la boxe amateur, le secteur FASSU qui s'occupe des scolaires et des universitaires, le secteur du sport dans le monde du travail qui prend en charge principalement l'organisation des relations et des échanges de la Fédération Algérienne du Travail (FAST) avec la FSGT et d'autres groupements sportifs, le service d'administration générale qui s'occupe de l'intendance et de l'administration courante. La Direction des Sports (DS) de l'AAE, mandatée par le MJS, obtient une délégation de puissance publique, pour agir au nom de l'ensemble des structures administratives et techniques du mouvement sportif national algérien. Elle coordonne et contrôle l'organisation structurelle. Elle est secondée par des délégations régionales de l'Amicale qui apportent une aide en recensant les athlètes émigrés et en organisant des compétitions en province. Le sport est élevé au rang d'« excellent instrument» d'encadrement car le désir de sport, en particulier de football, des jeunes algériens est sans commune mesure. Les sports de combat, le karaté, le kung fu et la boxe thaïlandaise bénéficient aussi d'un préjugé favorable de leur part, car ils correspondent au côté rodja (fierté et virilité masculines), «macho» des Algériens, et de leur inconscient collectif. En 1976, selon les statistiques de la Direction des sports, le nombre de jeunes de moins de 20 ans est de 250 000 dont 180 000 sont scolarisés dans le primaire et ont donc moins de 14 ans. Il resterait donc 70 000 jeunes environ, auxquels s'ajoutent les athlètes adultes. 25% sont affiliés à des clubs français où ils pratiquent une activité sportive. Certains ont un très bon niveau. 15 000 athlètes peuvent être considérés comme ayant une pratique continue et de compétition. L'Amicale des Algériens a recensé en 1976, 1500 athlètes qui sont d'un niveau de performance national et sont susceptibles de faire partie d'une équipe nationale. Cette volonté d'intégration dans le mouvement sportif algérien des jeunes athlètes émigrés algériens ne se fait pas en réalité, dans l'intérêt de ces jeunes mais sert les responsables algériens en participant à leur légitimation grâce aux succès sportifs qui ne sont que le résultat d'un environnement socioculturel et de moyens matériels étrangers. En 1988, l'Amicale des Algériens gère en France deux catégories d'associations sportives totalisant près de 200 équipes,
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essentiellement de football, de boxe, de judo et de karaté: les associations sportives indépendantes du mouvement sportif français, à caractère privé, non affiliés aux fédérations françaises et organisés en championnat durant lequel des jeunes Algériens rencontrent d'autres jeunes Algériens de même culture dans une atmosphère de l'entre soi et qu'ils ne peuvent trouver ailleurs et les associations sportives affiliées aux fédérations françaises unisport; multisports et affinitaires. D'ailleurs ces deux genres d'associations sportives, restent fondamentalement des clubs de sport communautaire bien que, paradoxalement, se déclarant vouloir sortir de la marginalité et de la ghettoïsation. Ces associations sportives développent malheureusement un repli frileux identitaire en accord avec les pères qui ne sont pas prêts à se fondre et à se «désintégrer ». Elles reproduisent l'ethnocentrisme et le nationalisme. Elles se déclarent exprimer à la fois le rejet de l'intégration dans «la société française dite de consommation, le refus de l'aliénation de l'identité culturelle nationale» et « le renforcement de la volonté d'en finir avec l'exil par le retour au pays ». Ces associations sportives encadrées comme les cellules du parti du FLN par des militants de l'AAE, sont donc «politisées». Malgré cela, elles attirent les jeunes car quelques uns sont ostracisés et généralement rejetés par les autres associations sportives. Et puis «il faut savoir que pour un jeune Algérien, jouer dans un club algérien signifie rattachement à son pays, à sa culture, à ses racines, à son identité »1. Cette référence symbolique exprime une référence à l'ailleurs inversé de celui des jeunes vivant de l'autre côté de la Méditerranée, l'Algérie, pays de leurs racines. Cet ailleurs désiré, phantasmé est le plus souvent idéel. Beaucoup ne le connaissent pas et n'ont jamais réalisé le voyage initiatique2 2) Les moyens mis en sont importants. Bénéficiant d'un budget alloué par le parti FLN et d'une subvention annuelle du ministère de la jeunesse et des sports algérien, l'Amicale prend pratiquement en charge les associations sportives financièrement et matériellement. Leurs sièges sociaux sont domiciliés 1 Actualité de l'Emigration du 6 juillet 2 Beaucoup de jeunes n'ont pas encore l'A/ya des juifs (Alya, «monter» en israélienne pour tout juif s'installant l'Agence juive s'occupe de l'Alya.
1988. fait leur voyage initiatique au pays de leurs parents, équivalent de hébreu) qui est aussi l'acquisition automatique de la nationalité en Israël en vertu de la loi dite du «retour ». Un département,
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dans ses locaux. Les joueurs bénéficient de gratifications financières (primes de matchs). En plus, elle propose différentes activités culturelles et sportives aux jeunes issus de l'émigration. Ils sont invités à participer à travers leurs associations à la fête nationale de la jeunesse qui se tient du 1er au 6 juillet à Alger, aux festivals spécialisés de la jeunesse, aux rencontres scientifiques, aux jeux sportifs scolaires et universitaires, aux jeux nautiques, aux jeux d'hiver de Chréa, aux jeux sportifs communaux, au cross du Parti et des Assemblées populaires communales (APC) ainsi qu'aux stages et aux regroupements au profit de jeunes talents sportifs. Les stages sportifs sont relayés par des sessions «connaissance de l'Algérie », des camps de jeunes et des colonies de vacances1 La formation d'animateurs de colonies de vacances est assurée par des équipes d'encadrement envoyées d'Algérie. Chaque année des contingents d'enfants émigrés sont envoyés en Algérie dans des centres de vacances. A côté de l'aspect sportif, la réinsertion des jeunes issus de l'émigration est envisagée dans le système scolaire et universitaire algérien ainsi que dans les autres secteurs de l'appareil de formation. Des dispositions particulières de leur intégration sont mises en place ainsi que des classes spéciales sont ouvertes dans les écoles d'enseignement fondamental et les lycées afin de faciliter la mise à niveau progressive des élèves en arabe. De nombreux avantages sont offerts aux étudiants issus de l'émigration qui souhaiteraient poursuivre des études en Algérie tels que l'octroi de bourses ou de présalaires, l'hébergement en cité universitaire, l'attribution de titres de transport annuels gratuits pendant toute la scolarité. Un bureau de réinsertion sociale des étudiants du ministère de l'enseignement supérieur est ouvert à Alger. Pour ce faire, de nombreux responsables du ministère de la jeunesse et des sports organisent des réunions d'explication dans différentes villes en France auprès de l'émigration2. 3) L'organisation
imaginaire.
1 Les séjours dans les centres de vacances
en juillet août concernent les jeunes de 8-14 ans tandis que les s'adressent aux 18-25 ans. Nulle en 1966, la en Algérie est passée de 500 jeunes en 1970 à 1200 en 1974.
sessions «connaissance de l'Algérie » en août septembre progression 2 Journées
des jeunes émigrés séjournant
d'information portant sur la mise en du programme d'action en direction des jeunes de la communauté algérienne résidant à l'étranger, du 25 au 30 juin 1988. Commission intersectorielle chargée de l'application et du suivi du programme d'action en faveur de la jeunesse.
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Les décideurs algériens, ne s'arrêtent pas à la mise en place de ce dispositif structurel et matériel. Tirant les enseignements de leur propre histoire, ils vont jouer essentiellement sur le cognitif, l'imaginaire et l'identification. Ils font appel à la fibre nationaliste et au sentiment patriotique très fort chez les Algériens, résultat de la colonisation mais aussi de la lutte de libération nationale qui a faconné les attitudes politiques. Cette démarche s'inscrit sur le plan théorique dans les travaux de Maurice Agulhon et de Mona Ozouf. Dans l'ouvrage Les lieux de mémoire, de nombreux auteurs nous montrent de quelle manière les formes symboliques et les pratiques rituelles permettent au discours idéologique de s'y loger pour façonner les comportements politiques de la France contemporainel. En appliquant cette démarche à notre objet, nous constatons que le sport est un champ qui se prête bien à cette analyse et comment il est instrumentalisé par les responsables algériens. Le déchiffrement des « signifiants» nous permet de comprendrer la place qu'ils occupent dans l'univers spOliif, l'imaginaire des sportifs émigrés algériensGoueurs et supporters) et leur utilisation par les décideurs politiques. Au niveau des noms des associations sportives algériennes, on trouve des Mouloudias comme le Mouloudia Club algérien de Perpignan, de Toulon, le Mouloudia des Algériens de Béziers, le Mouloudia club des Algériens de Mulhouse créé le 7 mai 1978 par des militants de la section des jeunes de l'AAE, la Jeunesse mouloudéenne de Bordeaux, à l'instar du Mouloudia historique d'Algérie (le MCA, Mouloudia club Algérois, créé en 1921). D'autres portent pour la plupart le nom de Jeunesse sportive algérienne de telle ou telle ville comme la Jeunesse sportive algérienne de Givors (JSAG) qui a été fondée en 1978, de Saint Priest, de Valence, de Tourcoing ou celui d'association sportive algérienne de leur ville, telle l'Association sportive algérienne de Montbéliard (ASAM) créée en 1978...des Entente sportive de...Toulouse, des Galia Club des Algériens de.. .Montpellier et enfin des Sporting Club des Algériens de Marseille-Omnisports (SCAMO), créé en 1978... de Cannes, des Flamants. Le doyen de ces associations sportives est la Jeunesse sportive des Algériens de Tourcoing, JSAT, créée le 12 mai 1965, date de publication au Journal officiel. Ces appellations montrent qu'il 1 Ainsi que dans l'ouvrage, Les lieux de mémoire,
sous la direction de Pierre NORA
191
existe non seulement des liens avec l'histoire du sport colonial algérien, mais aussi un mimétisme des associations sportives algériennes récentes. Les Algériens tiennent beaucoup au nom du club. Selon le témoignage d'un animateur, Mustapha Chaboun, sur le Club de foot de Saint Priest, l'équipe a été créée huit ans auparavant, par des pères de famille de St Priest, à la suite d'un constat: il y avait dans cette ville un fort potentiel de jeunes demandant à avoir des activités sportives à des tarifs accessibles à leurs faibles moyens financiers. Il fallait occuper ces jeunes dans un contexte de montée du Front national et de l'intolérance. L'initiative est venue des parents et les jeunes ont suivi. Ce club n'a pas été créé pour concurrencer les autres clubs mais pour s'adapter aux spécificités culturelles locales. Il a permis de montrer aux autres, aux équipes adverses, qu'il était comme elles. Il ne voulait pas la bagarre, seulement se battre pour gagner, avec le même esprit sportif. « Le nom du club est Jeunesse sportive algérienne (JSA) parce qu'à ses débuts, il percevait une aide de l'association de l'Amicale algérienne. Ce qui lui a permis de proposer des licences à un tarif abordable. Après, l'AS ne perçoit plus aucune aide. Malgré cela, elle a gardé le même nom national. Elle a essayé sans succès de recruter des gens de bords différents, sans doute en raison du nom. Aujourd'hui, par certains aspects, l'association fait ghetto. Elle est mal perçue par certaines autres associations sportives de la ville qui le lui reprochent. Les équipes rencontrées, ont au départ des préjugés, des a priori» 1. Si nous convenons que l'identité n'est pas simplement un discours, une narration, une fiction, une construction mais aussi une réalité objective, des signes réels visibles: des marqueurs forts, la tenue sportive (le vêtement) reste le support privilégié pour inscrire la plupart des marques: formes, couleurs, motifs, accessoires et symboles servant à distinguer les groupes d'individus, les équipes sportives algériennes des équipes françaises. Le système vestimentaire sportif va remplir une fonction fortement emblématique. Pour les sportifs algériens, ce qui compte, c'est la signalétique. Le vêtement de couleurs particulières est un signe d'existence singulière. L'iconographie des associations sportives algériennes qui s'appuie sur une documentation variée constituée de papier officiel, avec en tête, de photos, d'images et d'insignes, a permis d'isoler les symboles les 1 Colloque Sport et insertion sociale, Villeurbanne,
6-7 décembre
192
1991.
plus usités. Ce sont des symboles musulmans, le hillah (le croissant) et la nedjma (l'étoile à cinq branches). Ces éléments décoratifs ornent les fanions et les équipements des joueurs. On les retrouve chez beaucoup d'associations sportives. Leur nombre restreint explique la fréquence avec laquelle ils reviennent obstinément comme signes des équipes algériennes. Le croissant est le symbole à la fois de l'ouverture et de la concentration. Il représente la victoire de la vie éternelle sur la mortl. Il est devenu à l'époque ottomane (1510-1923) l'emblème de l'Etat islamique, mais ce n'était auparavant qu'un motif décoratif appartenant au répertoire ornemental oriental ancien. Se retrouvant sur les maillots et comme motif de décoration des fanions et du papier officiel des clubs, donc sur les éléments profanes, on ne peut associer à cet emblème une signification religieuse majeure. Il est plutôt un signe culturel. Ce n'est pas un élément du culte comme le serait la croix dans le christianisme. L'étoile à cinq branches est assez souvent associée au hillal. Sa place est donc importante dans la symbolique musulmane. Dans le Coran, elle est citée une douzaine de fois. Ces symboles soulignent avec le plus de force la transgression de l'ordre symbolique français et instaurent un système différentiel. Un costume de sport portant ces symboles est plus fortement marqué, donc plus «efficace ». Pour les associations sportives algériennes, la panoplie de signes constitue un instrument de marquage identitaire et s'apparente à de véritables stigmates. Ces signes ne sont pas choisis arbitrairement, ni accidentellement. Ils sont simples et ne nécessitent pas un appareil élaboré de perception et de décodage car ils sont tous empruntés exclusivement à l'imaginaire et au registre arabo musulman algérien. Ils sont « oniriques» car ils s'enracinent dans les souvenirs dans l'inconscient collectif. D'autres clubs ont des maillots de compétition portant l'inscription en arabe Algérie, ou simplement Amicale des Algériens en Europe, le logo de sponsors algériens comme la compagnie nationale aérienne Air Algérie ou la société de textiles nationale Sonitex. Le signifié est donc facilement présentable et accessible à tous. Ainsi on passe facilement du monde d'objets bruts à un monde d'objets symboliques.
1 HUâl, Encyclopédie Lune, 1962, Collection
de l'Islam. Maxime sources orientales.
Rodinson,
La lune che:: les Arabes
193
el dans l'Islam dans La
Nous venons de voir comment au costume sportif est lié un symbolisme concernant principalement les couleurs. Mais le costume sportif est aussi «objet de paraître» identitaire. Il intéresse la psychologie sociale. Si on se réfère à la psychologie du costume sportif, ou plus exactement à la psyché du porteur de vêtements sportifs, on remarque que le vêtement n'est pas neutre (Barthes, 1960). On ne s'habille pas pour faire uniquement du sport, mais on porte les couleurs du club, qui éveillent des idées et des sentiments de fierté, d'appartenance et dans certains cas patriotiques. Il est comme l'uniforme du soldat1, Pierre de Coubertin l'avait bien fait remarquer .Dans le cas des associations sportives algériennes, porter les couleurs de l'équipe supportée est non seulement un signe distinctif, mais surtout une manifestation de fierté, un honneur, une manifestation de patriotisme. L'amour des couleurs renvoie à la sacralisation du drapeau, symbole de la patrie. Il n'en demeure pas moins que tous ces clubs sportifs sont encadrés comme les cellules du parti du FLN par des militants de l'AAE, qui est une organisation de masse du FLN. Ils sont donc « politisés ». En effet les clubs incluent dans leur objet social des
activités culturelles, des cours de langue nationale, l'arabe, des cours d'histoire du pays et des projections suivies de débats. Les dates historiques algériennes telles la journée nationale de l'Emigration, du 17 octobre 1961, le déclenchement de la révolution algérienne, sont célébrées par l'organisation de tournois sportifs. Pendant les compétitions et les matchs, les drapeaux algériens sont agités, l'hymne national algérien est chanté et des slogans sont lancés. Or ces modalités de supportérisme sportif sont des pièges. Ils vont permettre la mise en d'une véritable tactique dialogique visant à persuader les autorités sportives françaises de sa bonne foi et par là même à exprimer d'une manière ostentatoire son appartenance nationale. Le rassemblement des éléments signifiants du costume sportif des clubs algériens, noms, sigles, couleurs, symboles, est certes insuffisant, mais permet de constater l'existence d'une capacité de manifester au plan symbolique sa réalité d'existence nationale. Ces éléments dépassent l'expression d'un patriotisme authentique, fait d'un incontestable amour de la terre des parents. En se rajoutant aux autres formes 1 Pierre de COUBERTIN, pages. p. 62.
Essais de psychologie
sportive,
194
Editions Jerôme Millon, Grenoble,
1992,220
culturelles, ils sont des éléments de la construction de la symbolique de la Nation algérienne à l'étranger. On voit bien que ce sont ces catégories d'objets symboliques en tant que marqueurs de l'identité des associations sportives algériennes qui vont, elles aussi, alimenter et consolider un discours idéologique identitaire. Ceci permet l'accession à la conscience de soi et sert de tremplin à l'attachement à l'Algérie. Ce faisant, par cette politique sportive, en jouant sur le symbolique et l'imaginaire, l'Amicale s'est bien trouvée en concurrence totale avec les clubs du mouvement sportif et les actions de l'Etat ou des collectivités territoriales en France. Indirectement, elle a tenté de contrecarrer les efforts d'intégration en utilisant le sport communautaire comme moyen de résistance et frein à l'intégration dans la société française d'accueil. La politique de l'AAE ne commence à s'estomper qu'au lendemain des changements institutionnels survenus en 1989 en Algérie avec l'instauration du multipartisme et la fin du monopole politique du FLN. L'AAE se transforme en un vaste tissu associatif implanté dans la plupart des régions de France où est installée la communauté algérienne. Elle prend le nom d'Union des Algériens en France et en Europe (UAFE). L'usage des activités sportives et les circuits «Connaissance de l'Algérie» au profit des jeunes issus de l'émigration, transférés aux organismes compétents, disparaissent. La nouvelle amicale, l'UAFE ne renonce pas pour autant de s'occuper des jeunes issus de l'émigration. Mais son programme est paradoxal et contradictoire. Elle continue «de développer une politique culturelle ambitieuse en faveur de la jeunesse pour préserver sa culture et son identité, renforcer les liens avec le pays tout en lui assurant une intégration harmonieuse au sein de la société française» (cf. statuts de l'UEAF). Cette fois-ci elle inscrit dans son programme l'intégration qu'elle a toujours essayé de neutraliser. 4) Quel est le degré d'efficacité de cette stratégie globale et quels sont les résultats obtenus? Même si le degré d'efficace de cette stratégie doit être relativisé, le comportement des jeunes d'origine algérienne montre qu'ils ne sont pas totalement acquis. La participation des sportifs de haut niveau, dans les équipes algériennes, reste assez faible car plusieurs jeunes éprouvent de la méfiance, que des dirigeants et
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entraîneurs répugnent à répondre aux sollicitations de la DS et que les entraîneurs de clubs français où sont affiliés des algériens émigrés, pour leur part, refusent de les mettre à la disposition de la direction des sports, invoquant des motifs superficiels et des arguments spécieux. S'il est vrai que les résultats de cette stratégie algérienne de rappel constant à la Nation à l'aide de la symbolique sportive restent difficilement quantifiables, l'observation de faits et la parole donnée aux acteurs et sujets de la volonté d'intégration en France par les autorités françaises, c'est à dire les jeunes français d'origine algérienne, peuvent donner une lecture particulière. Dans cette perspective, le match France-Algérie au Stade de France, le samedi 6 octobre 2001, s'avère chargé de significations sur le comportement de ces jeunes. Il permet d'interroger la portée de cette politique de l'AAE. Comment se sentent ces jeunes franco-algériens qui étaient présents au match? Sur le plan des faits bruts, durant le cérémonial d'ouverture, la Marseillaise est sifflée. Mais lorsque l'hymne algérien a retenti les jeunes beurs qui ne le comprenaient ni ne le connaissaient pas, ne l'on pas entonné. Le volume sonore a été faible. A la 76° minute de jeu, brisant le cordon de sécurité des stadistes, des jeunes avec des drapeaux algériens envahissent la pelouse du Stade de France et mettent fin d'une manière prématurée à cette rencontre amicale qui, pour la première fois de l'histoire opposait la France à l'Algérie en France et ce malgré l'appel au calme de la ministre de la jeunesse et des sports et du président de la Fédération Française de Football. A l'issue de ces incidents, 17 personnes ont été interpellées. Ce sont des personnes majeures ainsi que des mineurs dont une jeune fillel Hormis quelques dizaines de jeunes radicaux qui se sont opposés aux Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS), participant plus d'un jeu provocateur et théâtral. Il n'y a pas eu de violence physique, ni de brutalités comme dans les incidents des matchs de football en France ou en Europe. Pour ce cas, il s'agit de faits révélateurs qui se posent à ces jeunes et qui se situent à un niveau profond. Quel sens donner à 1 La présence de cette jeune fille parmi la tribu masculine est hautement symbolique. conquête par les Algériennes de sports masculins particulièrement le football, fief de la la virilité ainsi que la résistance des femmes, dans l'Algérie paradoxale de l'intolérance créées des équipes de football féminin. Les joueuses de football se produisent en terrorisme intégriste et les assassinats. Pour les islamistes, ceci constitue un grave pêché femme est Goura en islam (doit être caché).
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Elle montre la masculinité et de islamiste où sont short malgré le car le corps de la
cet événement franco-algérien symbolique? A première vue, ce groupe de jeunes (beurs) a exprimé un refus d'allégeance à la France par son opposition aux symboles fondateurs de la nation. Ces jeunes se sont mis hors jeu, hors République. Ont-ils voulu dire par là : nous ne sommmes pas Français? Sur le plan juridique, ils le sont de plein droit bien que beaucoup n'exercent pas leur citoyenneté. Ils ne sont pas alors hors la loi. Cependant ces faits dans un espace ludique non politique peuvent révéler un sentiment de non intégration dans la société française. La référence aux couleurs de l'emblème national algérien devient un invariant. A l'occasion de la victoire de la coupe du monde en 1998, de jeunes beurs ont défilé et manifesté leur joie en arborant le drapeau algérien. D'ailleurs les matchs de football de l'équipe de France, en France et à l'étranger se voient accompagnés systématiquement par des supporters qui exhibent des drapeaux algériens. D'autre part, de jeunes beurs portent ostentatoirement des maillots de sport de l'équipe nationale algérienne de football, comme mode vestimentaire et signe d'appartenance algérienne. Cette référence symbolique exprime une référence à l'ailleurs inversé de celui des jeunes vivant de l'autre coté de la Méditerranée, à l'Algérie, pays de leurs racines. Cet ailleurs désiré, phantasmé, est le plus souvent idéel. Beaucoup ne le connaissent pas et n'ont jamais réalisé le voyage initiatique. Il y a à la fois le problème de leur insertion dans la société française sur le plan socioculturel et aussi celui de leur construction identitaire. La première référence se situe au niveau symbolique. Le relevé des expressions fortes émises par les jeunes interrogés à chaud sur les gradins et au sortir du stade, nécessite de rechercher dans la réalité d'autres éléments plus précis et plus objectifs que de simples impressions conjoncturelles, dans une approche empirique. Les slogans sont paradoxaux: «on a gagné, on a gagné », malgré la défaite écrasante, «Zidane, il est à nous. C'est notre fierté. C'est un oulid el bled (un enfant du pays) », «Depuis 62 que ça dure », « Toutes les humiliations subies par nos parents », « La France est ingrate, oublieuse, a la mémoire courte ». Néanmoins, ces expressions montrent que chez ces jeunes à identité mouvante, se télescopent d'une part l'inconscient collectif, la colonisation, la souffrance des parents, un problème spécifique franco-algérien et d'autre part le sentiment d'injustice, de discrimination, les expériences
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négatives et l'arbitraire de la vie, un problème général, franco-français, de jeunes des banlieues. Le décodage de ce match, fait apparaître que le stade a été l'arène privilégiée de l'expression de leur contestation sociale et culturelle, d'un fort ressentiment. Il confirme le sentiment d'appartenance incertaine, les représentations sociale et citoyenne des jeunes issus de l'émigration et l'hypothèse de la panne d'intégration que l'on trouve sous une autre forme contenu dans un sondage réalisé par l'IFOP auprès des jeunes de 15 à 25 ans, nés en France de parents algériens, tunisiens marocains ou africains (enquête réalisée du 12 au 15 juin 2001 au près d'un échantillon de 522 personnes pour le ministre de la ville). 61 % ont le sentiment d'appartenir à une minorité; 43% auraient envie d'aller s'installer dans le pays d'origine de leurs parents; 36% estiment que leur situation d'enfants d'émigrés s'est dégradée depuis 10 ans; le racisme (26%), la violence (25%), le chômage (23%) et les inégalités (20%) viennent en tête de leurs préoccupations; 58% se sentent aussi proches du mode de vie de leurs parents; 45 % se définissent comme des Français d'origine maghrébine ou africaine; 6% seulement comme des Français tout court; 41% affirment avoir été victimes de discrimination raciale au cours de leur scolarité; 31 % sont persuadés que la société française leur manque de considération. Ces chiffres expriment bien le malaise de l'intégration de ces jeunes dans la République et la faiblesse du sentiment d'appartenance à la nation française. Cette étude nous a permis de montrer que les objectifs de l'Amicale des Algériens en Europe, structure militante et fonctionnelle, sous l'égide du parti du FLN dont elle est une courroie de transmission, sont essentiellement idéologico-politiques. En consacrant un important volet de son action au sport, elle s'est efforcée de contrecarrer la politique d'intégration des jeunes émigrés algériens dans la société française tout en utilisant le quadrillage politique, la surveillance, constantes fortes et invariants historiques. Concernant l'objectif de la construction du sentiment national algérien à l'aide du sport, il semble avoir relativement été atteint. En revanche, la participation des sportifs de haut niveau dans les équipes algériennes n'a pas réussi. En effet, les jeunes éprouvent de la méfiance et des dirigeants et entraîneurs français répugnent à répondre
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aux sollicitations de la DS de l'AAE. Les entraîneurs de clubs français où sont affiliés des joueurs algériens émigrés, pour leur part, refusent de les mettre à la disposition de la DS, invoquant des motifs superficiels et des arguments spécieux. L'étude du cas de la stratégie de l'Amicale montre qu'une politique d'intégration des jeunes par le sport, pour être efficace, doit développer le versant anthropologique de l'imaginaire du sportif, c'est à dire le sentiment d'appartenance au collectif national, aux symboles et aux valeurs de la Nation.
B Le spectacle sportif instrument de commémoration historiques et des fêtes
des dates
En nous adossons à la démarche de Mona Ozouf dans son travail: La fête révolutionnaire, 1789-1799, où «la fête de la révolution française est l'institutrice de la nation », et appliquée à l'analyse du cas de l'Algérie, nous allons pour notre part montrer la place du sport spectacle dans la fête publique et l'édification de la nation algérienne. En effet, les différents pouvoirs successifs algériens, pouvant être caractérisés de populistes à juste titre, s'entendant comme issus de mouvement ou doctrine faisant appel de façon exclusive ou préférentielle «au peuple» ou aux «masses» en tant qu'entités indifférenciées, ont accompagné leur idéologie populiste très souvent de grandes entreprises nationalistes et ont eu besoin de grands rassemblements populaires, où on flatte le peuple, pour obtenir ses faveurs et son adhésion. Aussi le spectacle sportif a une place primordiale dans leur célébration et la mobilisation du peuplel. Et il existe une réelle participation au spectacle sportif.
hiérarchie
protocolaire
dans
la
1 «Tous les gouvernements de masse ont depuis toujours eu recours au spectacle pour tenir leur sujets dans un état d'hébétude contrôlée Les Césars et les autocrates si exaltés sont les modèles jamais dépassés dont tout spectacle a dû s'inspirer. Ces grands maîtres avaient déjà compris que le pouvoir paralysant de la représentation ludique était d'autant plus solide que la différence entre la scène et la réalité était réduite. Aussi Berlinguer préconise de s'approprier la leçon de l'Etat romain et la conduire dans des conditions modifiées dans lesquelles on opére: la représentation et la réalité doit disparaître. Mais le peuple-on le sait-est insasiable dans sa faim d'émotion et un sage gouvernement saura s'apercevoir des nouvelles exigences et pouvoir en temps utile au renouvellement des évènements ». ln lettres aux hérétiques. Correspondance avec les dirigeants de la nouvelle gauche italienne. Première lettre (Berlinguer à Panella). Revue de Préhistoire contemporaine nOl, Paris, mai 1982, pp] 74-] 75.
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A côté des pouvoirs définissant le principe de prééminence du chef de l'Etat, le président de la République préside aux solennités nationales. Il est le premier personnage d'honneur des cérémonies sportives. Il se réserve le spectacle sportif extraordinaire, c'est à dire la finale de la coupe d'Algérie de football. C'est lui même en personne qui remet solennellement chaque année le trophée de la coupe. C'est la raison pour laquelle il suit régulièrement l'équipe nationale de football. Cette dernière relève du «domaine de la Présidence de la République »1. Ainsi, la Fédération algérienne de football a, de tout temps, été sous surveillance et la nomination du président de cette structure dépend des hautes sphères du pouvoir, comme s'il s'agissait d'un poste de grand commis de l'Etat2. En 1989, l'ex-président de la FAF, Belaïd Lacarne, démocratiquement élu pour quatre ans, est relevé de ses fonctions par le ministère de la jeunesse et des sports « sur décision d'en Haut »3. D'autre part les champions d'Afrique sont
reçus par le président de la République. En leur honneur, il leur offre une réception. Il préside le cérémonial de l'ouverture ou la clôture des jeux internationaux (Jeux méditerranéens, Jeux africains, maghrébins, panarabes. . .). Les ministres viennent toujours derrière lui. Ils assistent à quelques matchs ordinaires, peuvent présider certaines cérémonies sportives comme les remises de médailles ou de titres, accueillent l'équipe nationale de foot ou de handball près une victoire. Le parti du FLN, après le président de la République, occupe la seconde place dans cet usage du sport spectacle. L'affirmation 1 En 1982juste avant la qualification en coupe du monde, l'entraîneur de l'équipe nationale est convoqué par le Général-major Beloucif, secrétaire du mînîstère de la défense nationale pour se faire préciser le choîx du président de la République: «Il souhaite un homme à lui, un Algérien ». La réponse de l'entraîneur est la suivante: «Je suis un Algérien, un patriote et un Kabyle », pour lui les structures sportives ne sont pas neutres et encore moins les hommes qui dirigent car ils sont aux ordres du militaropartisan. ln entretien avec Maouche Mohamed réalisé en 1988 à Alger. 2 Au conseil des ministres du mercredi 2 mai 1984, le président de la République donne l'ordre au ministre de la jeunesse et des sports de limoger le président de la PAF suite au scandale de l'équipe nationale de football algérienne qui devait disputer une revanche internationale Suisse-Algérie en réponse à celle d'Alger du 30 novembre 1983 et qui s'est retrouvée non programmée par la Suisse alors qu'elle s'était déplacée à Zurich On devine le désarroi des Algériens à leur arrivée à Zurich. L'immense malentendu. A croire que leurfédération est dirigée par un certain Courteline, écrit le journal La Suisse du mercredi 2 mai 1984. Voir aussi l'article intitulé « Lapins suisses », du journal Algérie Actualités semaine du 10-16 mai 1984. 3 Dans une interview au journal El Hadef de la semaine du 1 janvier 1989 au samedi 1989, l'auteur confirme la manière de son limogeage: « Le 3 octobre 1989, au soir, vers 16 h, on me convoque d'urgence au ministère de la jeunesse et des sports. Une fois arrivé, le ministre me dit: en haut, on a décidé de ton remplacement ».
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culturelle du spectacle sportif, créateur de symboles nationaux, de mythes et de croyances collectives ou lieux de reconnaissance communs autour de signes et de héros sportifs, est renforcée par le FLN. Ce parti va donc utiliser, en les reconnaissant, les sportifs de haut talent. La recherche de contacts avec les sportifs est très développée par les responsables politiques du FLN ayant compris l'enjeu du sport spectacle émotionnel. Pour le parti unique, ce qui compte, ce n'est pas l'activité sportive proprement dite mais la mobilisation qu'elle suscite et les effets qu'elle produit en terme de reconnaissance nationaliste. Le FLN n'est pas arrivé jusqu'à créer ses propres clubs sportifs comme l'histoire du mouvement sportif algérien en témoigne (clubs ouvriers, clubs socialistes, clubs musulmans du PPA-MTLD, de l'UDMA, etc...), mais utilise le sport dans ses organisations de masse telles que l'UNJA et l'UGTA, c'est à dire ses courroies de transmission, et à l'occasion la mythique et «glorieuse équipe du FLN» qui a beaucoup vieilli. L'UNF A et l 'UNP A (les organisations de femmes et de paysans) font exception puisqu'aucun club sportif ne s'y rattache. En revanche, le FLN parraine idéologiquement et politiquement «le cross du Parti et des APC »1. Les objectifs fondamentaux qu'il lui assigne sont la mobilisation par le sport des citoyens et des jeunes particulièrement, la réalisation d'une démocratisation très profonde des APS. Au plan politique, le parti tend à démarginaliser le sport et à l'intégrer pleinement dans les préoccupations des institutions politiques, administratives, sociales, éducatives et culturelles du pays. Le sport pouvant être un moyen de mobilisation très large, d'éducation, de formation visant l'entretien de la santé et l'amélioration des capacités productives et défensives de la Nation, le FLN va donc très tôt sponsoriser le cross du parti. Le premier cross du FLN, tentative originelle de lancement d'une activité sportive de masse mobilisatrice d'un grand nombre de jeunes, remonte à l'année 1965 qui a vu la participation de près de 10 000 athlètes. Mais c'est en 1971 dans le cadre du «Plan 75 », ayant pour l'objectif l'incitation à la pratique sportive, (à la faveur de l'organisation par l'Algérie des 7èmes Jeux Méditerranéens en 1975) que l'on voit naître un certain nombre de manifestations sportives de masse, à côté du cross du Parti et des APC. Les finales nationales de la première 1 Cross du Parti et des APC Brochure du ministère de la jeunesse masse, mobilisateur et révélateur de jeunes talents.
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et des sports. Pour un sport éducatif de
édition sont organisées à Alger en 1972 avec une participation de 38 000 jeunes. Par ailleurs, les Jeux Méditerranéens de 1975 d'Alger et les premiers Jeux sportifs nationaux de 1976 produisent des effets de sensibilisation de la jeunesse. En 1976, la promulgation du Code de l'EPS et l'avènement du sport communal (création des conseils communaux des sports et des associations sportives communales) donnent une très grande impulsion au cross du Parti et des APC qui se voit doté d'un cadre juridique général et de structures organisationnelles de base. Le nombre de participants passe alors de 38 000 en 1972 à 230 000 en 1977 lors de la 6° édition à Annaba et à 485 000 en 1980. En 1982, à la 11 ème édition, le nombre ne cesse d'augmenter avec 500 000 participants. La 12° édition réunit 525000 en 1983. En 1985, placée sous le mot d'ordre de l'Année internationale de la Jeunesse, Participation, paix, développement, la 14 ième édition s'est tenue à Tizi Ouzou, en présence de Mr Kamel Bouchama et Mohamed Salah Mentouri, respectivement membres du comité central du parti du FLN, ministre de la jeunesse et des sports et vice-ministre chargé des sports. Le nombre de participants venus des 48 wilayas ainsi que de l'Amicale des Algériens en Europe, avoisine 605 0001. En 1986, la 15èmeédition se tient le 28 mars à Biskra. D'autre part le parti du FLN offre et multiplie les réceptions en l'honneur des équipes sportives. A Alger, les équipes de football du RSKouba et de l'USKAlger, victorieuses du championnat de 1981 et de la Coupe, sont fêtées au cours d'une cérémonie organisée au siège de la Mouhafadha en présence du responsable du secrétariat permanent du comité central qui remet personnellement un trophée récompensant les joueurs pour leurs efforts. Sont également présents outre le secrétaire de la Mouhafadha, le directeur général de la Sonelgaz, le Président de la FAF, membre du comité central ainsi que d'autres personnalités de la wilaya et de la commune. Le responsable de la Mouhafadha «fait ressortir que le travail politique ne consiste pas seulement à organiser, mais aussi à encourager ». Le responsable du secrétariat permanent explique que «les succès enregistrés dans le
1 La presse de l'époque n'hésite pas à publier des photos de jeunes filles courant en short court. Le problème de la pudeur et de la mixité n'a pas encore grangréné les mentalités de ['immense majorité des Algériens.
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domaine du sport aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays servent à renforcer la révolution algérienne »1 A Oran, au terme de la saison sportive 1983-1984, les membres du Conseil de coordination de la wilaya d'Oran offrent au siège de la Mouhafadha, une réception en l'honneur des athlètes des différentes sections du MPO ayant remporté des titres. Près d'une centaine de personnes sont conviées à cette réception au cours de laquelle le secrétaire de la Mouhafadha félicite les athlètes pour leur performance et «les exhorte à fournir davantage d'efforts afin de hisser le prestige du mouvement national sportif dans le concert international ». Dans son discours politique, il insiste sur «les préoccupations des responsables du pays et les efforts entrepris pour l'épanouissement harmonieux de la jeunesse ». A cet égard, il rappelle
les grandes lignes de « la politique de la jeunesse, objectif stratégique de la Révolution algérienne ». Les membres du Conseil de coordination entament ensuite un débat avec les entraîneurs, les présidents des sections et les athlètes leur prodiguant des encouragements et la poursuite des efforts. Le lendemain les membres de l'APC d'Oran offrent une réception mardi matin au siège de l'hôtel de ville en l'honneur des joueurs des différentes sections sportives du MPO. Avant la remise des récompenses (téléviseurs, postes cassettes) le président de l'APC d'Oran félicite les jeunes sportifs et les directeurs techniques des résultats obtenus au terme de cette saison sportive. Cette réception regroupant les représentants du Parti et le président de l'APW d'Oran s'est déroulée dans une ambiance particulièrement chaleureuse. Elle est précédée par deux autres cérémonies qui se sont tenues la veille au siège de la Mouhafadha et à la wilaya d'Oran. Pour clore cette fête politicosportive, un défilé de joueurs est organisé aussi, à travers les artères et boulevards de la ville2 En 1984, à Alger, au cours d'une réception donnée dans les salons du stade du 5 juillet en l'honneur des meilleurs sportifs algériens, équipes et dirigeants qui ont œuvré pour la promotion du sport au titre de l'année 1983 (les équipes de football classées 3° au championnat d'Mrique de handball, champion d'Afrique en titre et qualifiée au Jeux Olympiques, de cross country, championne du 1 El Moudjahid 2 El Moudjahid
du 1er juillet 1981. du 4 juin 1984.
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monde militaire de boxe), le responsable du secrétariat permanent du comité central, membre du bureau politique du FLN «exhorte les sportifs à redoubler d'efforts pour porter toujours haut les couleurs nationales »1. En juin 1984, le Ghali de Mascara, champion d'Algérie de football 1983-1984, est félicité pour sa première consécration en compétition nationale, au cours d'une réception offerte en son honneur, au «Moncada» (Parc zoologique) par M. Mohamed Rouighi, membre du comité central, ministre de l'Hydraulique, de l'environnement et des Forêts. Au cours de cette cérémonie, rehaussée par la présence de MM. Mohamed-Chérif Messaâdia, membre du bureau politique, responsable du Secrétariat permanent du comité central, Kasdi Merbah, membre suppléant du bureau politique, ministre de l'Agriculture et de la Révolution agraire, ainsi que de nombreux membres du gouvernement. M. Rouighi tient à témoigner de l'intérêt accordé par son Département ministériel à cette jeune association sportive de performance intégrée à la Sonaghter, une entreprise nationale sous tutelle du ministère de l'Environnement et des Forêts. De même qu'il assure athlètes et techniciens du concours de son ministère pour l'amélioration de la situation socioprofessionnelle et ce conformément à la ligne suivie par la Direction politique en matière de jeunesse et des sports »2. On voit bien que ce ne sont pas les autorités sportives, le ministre des sports, le comité olympique algérien ou les différentes fédérations à qui cela revient de droit qui président ces cérémonies mais les autorités politiques et en particulier les membres du bureau politique, du comité central ou de mouhafadhate (fédérations) du FLN. Ces derniers paternalistes se comportent à la fois comme des donneurs de leçon, des directeurs de conscience et des commissaires du peuple. Ces cérémonies prennent l'allure non pas de fête mais de meetings de propagande ultra-nationaliste. Le discours est exclusivement politique, les thèmes liés à la finalité du sport comme l'éducation, la culture, la santé sont inexistants. Les responsables du FLN étalent leur bienveillance autoritaire et condescendante envers les sportifs car ils croient qu'ils sont les seuls dépositaires de la légitimité et du nationalisme.
1 Ellvloudjahid 2 El Moudjahid
du 9 avril 1984. du 24 juin 1984.
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L'armée nationale populaire, l'ANP, fête elle aussi ses champions de cross ou de boxe. Ainsi, l'équipe nationale militaire de cross country, champion du monde des 310 championnat du CISM (Conseil international du sport militaire) est récompensée au siège de l'Ecole militaire d'EPS (l'EMEPS). Deux championnats ont été remportés en 1979 en Irlande et en 1981 au Soudan à Khartoum et le titre mondial en individuel en 1980 en France à Fontainebleau1. A côté du FLN qui contrôle bien le sport, les réceptions sont plannifiées en l'honneur des athlètes par d'autres institutions et centres concurrents: le ministre de la Jeunesse et des Sports, l'agence Algérie presse service (APS), ainsi que certains ambassadeurs algériens en poste à l'étranger lorsqu'une équipe nationale algérienne se déplace dans ce pays étranger. L' APS organise en son siège une réception en l'honneur des meilleurs athlètes élus pour l'année à l'issue d'un sondage dirigé par ses services sportifs auprès de l'ensemble des organes de presse algériens. Outre les athlètes lauréats, les équipes nationales de handball et de football sont invitées à prendre part à la cérémonie ainsi que tous les journalistes sportifs des différents organes de presse. Les ambassadeurs algériens accrédités à l'étranger planifient d'une manière systématique la réception des équipes nationales en déplacement officiel ou en stage de préparation. Ainsi, l'ambassadeur d'Algérie auprès de l'ONU à Genève M. Salah Bey Anis a offert une réception en l'honneur de l'équipe nationale de football en stage à Farges, près de Genève. Le Club du livre arabe des Nations Unies s'est associé à cette manifestation à laquelle ont participé également plusieurs fonctionnaires de l'ONU représentants de pays arabes. L'ambassadeur d'Algérie et les fonctionnaires de la mission se sont longuement entretenus avec les dirigeants, l'entraîneur et les joueurs de l'équipe nationale. Par ailleurs, l'ambassadeur d'Algérie à Berne, a assisté au match Algérie-Lausanne2. On peut signaler le Président de l'Amicale des Algériens en Europe, membre du comité central du FLN qui reçoit au siège de l'Amicale les footballeurs professionnels algériens opèrant dans les clubs français. Les entreprises nationales fêtent les champions militaires de boxe et les finalistes du Conseil international du sport militaire 1 El Moudjahid 2 El Moudjahid
du 26 avril 982. du 30 mai 1984.
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(CISM). L'entreprise Sonitex de Béjaïa et les responsables des clubs CCB et TCB ont remis aux champions militaires de boxe et au finaliste du 34 èmeCISM, des cadeaux (costumes, équipements sportifs, etc...). Ils sont aussi reçus par l'UNJA et la Mouhafadha du FLN1. L'entreprise nationale des industries électroménagers, (ENIEM) société de tutelle de la Jeunesse Electronique de Tizi Ouzou convie, joueurs et dirigeants, à une réception dîner, au complexe nautique de Tizi Ouzou, après la bonne prestation du club au Sierra Leone et sa brillante qualification en coupe d'Afrique des clubs champions. Le directeur général de l'ENIEM a tenu à féliciter toute l'ASP pour son excellent comportement sur les plan national et international et a surtout mis l'accent sur le grand intérêt qu'accordera cette nouvelle société à l'organisation, au fonctionnement de l'ASP et surtout à la formation et à la promotion de tous les athlètes de la JET2. L'entreprise nationale Sonatrach donne à l'hôtel El Djazaïr une réception en l'honneur de l'équipe nationale de handball à la veille de son départ pour les Jeux olympiques de Séoul. La réception offerte à l'hôtel El Djazaïr en l'honneur des quadruples champions d'Afrique rentre dans le cadre de la préparation psychologique des handballeurs algériens. Des actions d'encouragement sont aussi l' de la Caisse nationale d'épargne et de prévoyance qui offre à chaque joueur un carnet CNEP. Elle fera à titre d'encouragement un second dépôt à chacun des joueurs si ces derniers obtiennent un bon résultat aux Jeux olympiques. A cette occasion, le directeur général de la Sonatrach et le directeur des sports de l'Entreprise félicitent les handballeurs et les exhortent à redoubler d'efforts pour garder bien haut le prestige du handball algérien3 Pratiquement toutes les cérémonies publiques nationales ou locales, celles du «temps historique», liées à un événement, une conjoncture idéologico-politiques recourent au sport spectacle4 Au niveau des programmes de ces fêtes, le sport évacue le plus souvent 1 El Moudjahid du 8 décembre 1982. 2 El Moudjahid 30 avril 1984. 3 El Moudjahid du 26 septembre 1986. 4 Pendant la colonisation, on organisait aussi des matchs de football pour la commémoration du 14 juillet, de la manifestation du 11 novembre (anniversaire de l'Armistice et fête de la Victoire de la Résistance (1943-1944), du blessé algérien, et le cross de la cessation des hostilités (1945), les premiers championnats de Paix, les championnats interalliés en cyclisme, le grand prix de la Victoire.
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les activités traditionnelles, folkloriques ou autres. Quand il leur cède un temps et une place, il demeure dominant. Dans ces évènementiels, on met l'accent sur le caractère démonstratif, spectaculaire et émotionnel de la compétition. Pratiquement, c'est le même scénario qui se répète. Les responsables du parti du FLN, thuriféraires du pouvoir, font des discours politiques recherchant l'unité du peuple et l'adhésion à la direction politique du pays. Ils exhortent le sportif à être le porte-drapeau de la Nation et «l'ambassadeur du peuple du
million et demi de chouhadas (martyrs) » à l'instar du soldat qui garde la frontière. La mémoire nationale célèbre trois fêtes fondatrices, celle du 1er novembre 1954 du déclenchement de la lutte de libération nationale, celle du 5 juillet de l'indépendance de l'Algérie, ainsi que la fête politique du 19 juin 1965 (redressement, sursaut révolutionnaire ou coup d'Etat, supprimée le 14 février 2005). Ces commémorations développent la culture révolutionnaire et nationaliste. La première fête est celle du déclenchement de la lutte de libération. Dès l'indépendance recouvrée en 1962, le sport a une bonne place dans la commémoration de cet événement. «Les sportifs, comme les étudiants, les travailleurs précédent la parade monstre de l'armée nationale populaire et de son matériel lourd »1 Des équipes de sportifs, des cyclistes, des footballeurs, des boxeurs, dans des survêtement aux couleurs vives ainsi que des jeunes et des enfants du CRBelcourt se produisent devant les officiels et la population algéroise. De nombreux matchs de football sont organisés avec des équipes maghrébines tunisiennes et marocaines et des équipes égyptiennes. Si cet anniversaire est commémoré régulièrement sans aucune particularité, en revanche, les 10ème, 20ème et 30ème anniversaires prennent des places importantes. Le sport spectacle est
le temps fort de ces manifestations politiques. « C'est à travers toutes les villes du pays que se déroulent des activités sportives avec la participation d'équipes étrangères, celles des pays de l'Est, de la Tunisie et en présence des autorités locales et de délégations officielles étrangères. Le football, le cyclisme, la boxe, sont les activités qui drainent le plus de spectateurs »2 Citons pour exemple le 30ème anniversaire qui a été célébré avec une forte présence accordée 1 El Châab n038 du vendredi 2 novembre 2 El Moudjahid du dimanche 4 novembre
1962 1984.
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au sport dans le programme des festivités. A Alger, le matin a été consacré à une cérémonie de recueillement au carré des martyrs et dépôt d'une gerbe de fleurs à la mémoire des chouhada avec un défilé populaire et militaire sur l'avenue de l'ALN. En revanche, l'après-midi entier est réservé à partir de 15 heures à la finale de la Coupe du 1er novembre au stade du 20 août. Le soir, une réception avec feux d'artifice est offerte par le président de la République, secrétaire général du parti en l'honneur des invités aux festivités du 25ièmeanniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er novembre. La fête de l'indépendance était célébrée chaque année comme celle du FLN, le parti/Etat. Le premier anniversaire de l'indépendance, le 5 juillet 1963, le gouvernement algérien organise officiellement un match de football entre l'équipe nationale algérienne composée de professionnels contre celle de la République arabe unie en présence de Ben Bella, Houari Boumédienne, Bouteflika, Rabah Bitat, le Maréchal Amer d'Egypte, le chanteur Abdelhalim Hafez et enfin le Commandant Che Gevara. 15 000 spectateurs lancent des cris de El Djazair (Algérie) tahia (vivra) . En 1966, est instituée, par décret 66-79 du 8 juin 1966, une fête nationale de la Jeunesse se déroulant chaque année dans la première semaine du mois de juillet et regroupant la majorité de la jeunessel. Cette fête est d'abord organisée à Alger avec la participation de la jeunesse émigrée, à Oran et Constantine, puis à partir de 1968 dans toutes les wilayates du pays. Le programme des festivités comprenait la matinée, des rassemblements présidés par les membres du conseil du commissariat du parti, des meetings et des distributions de bénéfices entre les travailleurs des domaines agricoles. Les lauréats aux différents examens et les travailleurs méritants des différentes sociétés nationales reçoivent d'intéressantes récompenses. Une marche est conduite par la clique de l'UNJA. Après le dépôt d'une gerbe au carré des martyrs, le lever des couleurs et la lecture de la fatiha, une réception est offerte dans une salle officielle. L'après-midi vient le sport spectacle, qui draine le plus de monde car il concerne la coupe du 5 juillet organisée par la Ligue de football d'Alger. A travers tout le territoire national, dans les grandes villes, le sport a aussi une très bonne place. L'après-midi est réservée au tournoi de football, à
110
na 51 du 14 juin 1966, p. 598.
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l'athlétisme, à la traversée du port à la nage et à l'exhibition de lutte et de gymnastique1. A côté des fêtes nationales célébrées par l'Etat central, on trouve des célébrations organisées par les collectivités territoriales. On peut citer certains événements politiques majeurs de l'histoire de l'Algérie comme La journée du Il décembre 1960 date des manifestations populaires à Belcourt commémorée par des manifestations sportives à l'initiative de la kasma du FLN de Belcourt et en collaboration avec l'ASP-CMB qui fête aussi l'anniversaire de la création de l'entreprise DVp2. Les héros nationaux dont le Panthéon est constitué principalementpar des « modèles de guerre» de résistance mais point de savants, d'artistes, d'écrivains. Le premier d'entre eux, aussi loin qu'on remonte dans l'Histoire, est l'Emir Abdelkader. C'est en général la ville de Mascara qui honore sa mémoire. Pour commémorer le centenaire de sa mort, en juin 1983, la ville de Mascara a organisé un grand gala de boxe auquel ont participé de nombreuses associations sportives du pays3. Ensuite viennent les martyrs de la Révolution: les chahids. Dès octobre 1962 est mise en place «la Coupe Mohamed Taleb », martyr, qui fut à l'initiative de la création de la section de basket ball du MCA en 1941. Le 11 novembre 1962, en volley ball est instituée « la coupe Ben Haddad », glorieux sportif et un des pionniers du volley ball algérois, ancien capitaine d'équipe du MCA et militant du FLN. Pour honorer la mémoire de Souidani Boudjemaa4, la ville de
Koléa organise un match entre l'équipe, « la glorieuse équipe du FLN de la lutte de libération nationale» qui garde un certain prestige bien que tous les joueurs aient vieilli et une sélection des anciennes gloires des équipes de football de l'Algérois5. Le football est très utilisé. Pour célébrer l'anniversaire du chahid colonel Bougara, l'APC de Khémis Miliana planifie, sous l'égide de la ligue de boxe, un grand gala réunissant trois sélections composées des meilleurs boxeurs de Blida,
1 Algérie Actualités n° 733 semaine du er au 7 novembre] 979. 2 El Moudjahid du 11 décembre 1985. 3 Algérie Actualités n° 919. Séminaire du 28 mai au 1er juin 1983. 4 Membre fondateur du CRUA et du groupe des 22 qui a décidé le déclenchement de la lutte de libération nationale, il est mort les armes à la main près de Koléa, le 17 avril à l'âge de 34 ans. 5 El Moudjahid du 7 avril 1987.
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Relizane et ChIef à la salle des fêtes de la ville. A Oran, en 1976 est institué « le cross du colonel Othmane » qui se déroule dans la ville le 24 décembre. Au Khroub (Constantine), c'est «le semi marathon Chihani Bachir », illustre chahid de la révolution algérienne, dit Si Messaoud, dit Cheikh Messaoud. A la mémoire de Mohamed Seddik Benyahia, mort à la suite d'un accident d'avion au dessus de la frontière entre l'Iran et la Turquie en mai 1982 et avec lui une délégation du MAE composée de 15 cadresl, la ville de Jijel d'où est natif l'ancien ministre des Affaires étrangères, organise un grand tournoi sportif composé d'un gala de boxe auquel est invité un club tunisien ainsi qu'un match de football dans le stade colonel Amirouche archi comble entre l'équipe locale, la JSJijel et le grand club algérois le Mouloudia d'Alger. Cette profusion de la référence historique aux martyrs de la lutte de libération nationale conforte en définitive les devoirs envers eux et la légitimité de type historique, celle dont se réclament les responsables du pouvoir algérien, un demi siècle après le déclenchement de la lutte d'indépendance. La Fédération algérienne Sport et Travail organise la Coupe Aissat Idir un des fondateurs de l'UGTA. Arrêté le 23 mai 1956 par les forces coloniales pendant la lutte de libération nationale pour ses activités syndicales, interné aux différents camps de Berrouaghia, de Saint Leu, Bossuet et transféré à Alger en mai 1957, il décède le 26 juillet 1959 à la suite de tortures. Les Fêtes de la police planifient généralement le football qui a le plus de succès. Des tournois sont disputés entre la sélection nationale de la police, l'équipe de l'UGTA et les anciennes vedettes de football. Les Fêtes des travailleurs, la fête du 1er mai, fête internationale, les festivités du 24 février, date de la nationalisation des hydrocarbures et l'anniversaire du mois de mai 1962, date historique commémorant l'attentat criminel perpétré contre les dockers algériens sont célébrées en mettant sur pied des manifestations sportives. Elles peuvent l'être aussi bien par la Fédération algérienne du sport travailliste, (FAST)2, l'UGTA, les Unions de wilayates, le département 1 Son avion a été abattu par un tir de missile dont l'Iran et l'Irak se rejettent guerre Iran-Irak ou guerre du Golfe persique (septembre 1980-août ] 988). 2 El Moudjahid du 29 avril] 982.
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la responsabilité
pendant
la
des sports et loisirs de l'entreprise portuaire d'Alger, les s sociales des grandes entreprises nationales que par certaines Fédérations sportives. Les activités sportives sont diverses: cross pour tous, festival communal, festival sportif de l'entreprise, tir aux armes, boxe, football, .etc... Les responsables du FLN, des Mouhafadha et les vétérans des Unions de wilayates de l'UGTA disputent certains matchs1. Les équipes internationales étrangères peuvent être associées aux compétitions comme l'équipe de football tunisienne et celles des pays de l'Est. Au cross international, ce sont l'URSS, l'Italie, la France, le Maroc, la Yougoslavie et la Belgique qui participent 2. Les fêtes locales sont ausi commémorées à l'aide du sport car les enjeux politiques des fêtes sportives sont le plus souvent nationaux mais aussi locaux. A Annaba, le traditionnel cross de la ville qui traverse les artères de la ville, bénéficie d'une immense participation. A Tizi Ouzou la Journée nationale des Relais de Tizi Ouzou, est dédiée à «Abderrahmane Mechkal »3, un ancien sportif et entraîneur d'athlétisme. A Alger, en hommage au père fondateur de la gymnastique algérienne, Omar Ben Mahmoud, il est instituée la coupe qui porte son nom. A Jijel, à l'occasion de l'inauguration par le président de la République de la nouvelle maison de jeunes, un programme de manifestations sportives est mis en place4. Les formules «quinzaine sportive» ou «quinzaine économique culturelle et sportive» sont un des domaines de l'activité socioculturelle de la commune, la plus mobilisatrice grâce au spectacle. Elles sont très diversifiées et renouvelées assez souvent. Lors de l'accession en division régionale, de son club, l'IRBEB, l'APC d'El Biar planifie un tournoi de football avec les équipes algéroises et la sélection des émigrés algériens. La ville de Batna organise le «1 °Sports-Rama », manifestation à caractère culturel visant à établir le lien entre le sport dans ses aspects social, politique, économique, récréatif et le cinéma. Cette rencontre, première du genre à l'échelle nationale, organisée à l'initiative de la mouhafada du parti de Batna et sous le haut patronage du ministère de la jeunesse et des sports est marquée par la 1 El Moudjahid du 30 avril] 984. 2 Le 1er cross international des travailleurs a été organisé 30Cm' anniversaire du déclenchement de la lutte armée. 3 El Moudjahid du 19 octobre 984. 4 El Moudjahid
du 2 0 mai 1984.
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en 1984 à Oran par la FAST à l'occasion
du
participation de cinéastes sportifs et journalistes algériens. Outre la planification d'un tournoi de football auquel prend part la glorieuse équipe FLN et la projection de films ayant appréhendé le sport sous des angles différents, des tables rondes et des conférences sont animées par des chercheurs algériens. Cette manifestation coÎncide avec la célébration du 33°anniversaire du déclenchement de la révolution du l°novembre 19541. Pour la commémoration des événements nationaux tragiques marquants comme la catastrophe naturelle du 10 octobre 1980 à ChIef (le tremblement de terre qui a fait des milliers de morts), le sport spectacle prend une place importante. ème Le 50 anniversaire du Mouvement Scout Algérien à Oran2 ou la Journée de l'Etudiant sont célébrés par le comité des fêtes de la ville avec la participation des fédérations sportives qui organisent des tournois de sport de compétition. En outre, mis à part dans les fêtes privées du peuple, celles du «temps privé», comme les fêtes familiales (mariages, circoncisions, réussites scolaires et retours de pèlerinage à la Mecque célébrées en famille, parfois dans l'intimité), le sport spectacle va occuper une place majeure dans la commémoration des fêtes du « temps cyclique », celui du culturel et du religieux. Ainsi les fêtes culturelles et les fêtes religieuses3, l'Aïd es Seghir, l'Aïd el Kébir (fête du sacrifice du mouton), le Mouloud (naissance du prophète), celle du «temps sacré», sont commémorées à l'aide de tournois de football, de boxe ou de cyclisme ainsi que de régates de voile par la Fédération algérienne des sociétés d'aviron. Dans ce cas là, ces fêtes peuvent se trouver légèrement transformées puisqu'elles changent de contenu et de forme. Ceci entraîne une un début de sécularisation de ces fêtes, car ce changement consolide le rapport des Algériens à la fête qui reste réjouissance mais devient une démonstration politique en définitive. 1 El Moudjahid du 8 octobre 1987 2 El Moudjahid du 18 octobre 1984 3 Pendant la période coloniale, on avait aussi le Nouvel an sportif, la Noêl sportive, les fêtes de la Pentecôte pendant lesquelles on organisait des tournois de football avec la participation d'équipes internationales: équipe israélite Hakoah de Vienne, Bocskay de Hongrie, etc... On peut donner l'exemple des fêtes de noêl et du jour de l'an de 1949, les équipes algéroises rencontrent des équipes étrangères. En football, Le First Vienna infligea aux clubs qui lui furent opposés des défaites retentissantes. Les Viennois battirent le Mouloudia par un score de 8 à 1, le Gallia, 5 à 1. L'écart est énorme. Les joueurs de l'Akademicsk Boldkclub de Copenhague firent match nul avec l'ASSE et battirent le RUA. En basket bail, le comité d'Alger avait invité le Toulouse Universitiare Club.
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On peut donc dire que les jeux sportifs publics voient leur nombre augmenter sensiblement dans la période postcoloniale. Ils ne sont plus occasionnels. Les spectacles sportifs (matchs, tournois), organisés régulièrement dans le cadre des cérémonies publiques destinées à célébrer une fête nationale ou religieuse sacrée et à commémorer le souvenir d'un événement politique important, prennent des dimensions nouvelles par leur fréquence. Ils rappellent les heures glorieuses et les heures tragiques de l'Algérie. Ces spectacles sportifs révèlent en fait, au delà de l'expression de la volonté du pouvoir de porter la fête au peuple, le sens que celui-ci entend leur donner, ses visées ainsi que les bénéfices qu'il en retire. Ils sont les seules activités efficaces, créant la coagulation indifférenciée du peuple, comme la cimentation autour de l'équipe nationale victorieuse, ou de l'athlète représentant de la nation. Ce faisant le «sport au pouvoir» se servant de la mise en fête sportive du politique n'est pas une originalité. La nouveauté a consisté en un usage abusif et en une inflation du spectacle sportif pour la commémoration des dates politiques et religieuses. C'est aussi le dépassement de la fête comme une éducation et sa transformation en un substitut de propagande, les gradins devenant alors le lieu de soutien et d'adhésion à la direction politique et au chef suprême dont les portraits y sont parfois déployés. RappelIons qu'en Grèce antique, les jeux athlétiques étaient pratiqués en l'honneur des dieux. «Les ludi, épreuves sportives ou jeux, ont lieu pendant les jours fériés. Sur 109 jours «néfastes» quarante cinq sont consacrés aux fêtes accompagnées de prières, de sacrifices en l'honneur des dieux, de processions et de ludi. Aux cours des siècles, les jeux se multiplient. Les empereurs instaurent des Jeux pour commémorer leurs victoires, leur avènement, l'anniversaire de leur naissance. Des étrangers assistent à ces spectacles. Aussi les ludi prennent-ils vite une dimension politique. L'Etat organise et finance ces manifestations confiés à un magistrat. Les magistrats ajoutent souvent sur leur fortune de quoi rehausser l'éclat des lu di pour gagner les faveurs du peuple »1 En Algérie, les jeux sportifs de spectacle, les ludi modernes, ont la faveur des autorités qui les ont développés, à l'instar de Rome, dans l'Antiquité.
1 Violaine V ANOYEKE,
La naissance
des jeux olympiques
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elle sporl dans l'anliquilé,
p 130 et s.
Par ces nombreuses manifestations!, meetings, rencontres sportives de mémorisation, remémorisation, et commémoration, le pouvoir algérien s'appuyant sur l'émotionnel et l'affectif et non sur la raison, établit une main mise sur la mémoire. Son objectif est d'entraîner l'adhésion à sa politique, de créer, de consolider l'esprit d'unité et de susciter le sens du patriotisme. En définitive, ce sont des outils de sa légitimation. C La dépolitisation des citoyens: mythe ou réalité? Nous venons de voir comment l'Etat met en place le processus de socialisation politique de la jeunesse et des citoyens gâce à l'usage du sport, mais surtout les mécanismes de leur adhésion manifeste à sa propre politique tout en renforçant sa légitimité. Peut-on parler alors, contradictoirement, d'un autre rôle latent du sport algérien, celui de «dépolitisation des masses» comme l'affirme la tendance freudomarxiste de la sociologie critique représentée par Jean Marie Brohm qui voit dans le sport, institution qualifiée d'appareil idéologique d'Etat, la caractéristique d'une nouvelle forme d'opium du peuple, aliénant et dépolitisant. Ce sport mobilise les masses/meutes sportives contemporaines, traitées de hordes guerrières de supporters fanatisés se transformant à l'occasion en meutes de chasse sanguinaires, tribus itinérantes envoûtées par la fausse conscience populiste des hommes forts et l'idolâtrie des Dieux du stade. Le sport participe-t-il réellement à « l'abrutissement des citoyens »2 et au ralentissement de la prise de conscience politique? Quelle est la limite de la validité de cette théorie confrontée à la réalité algérienne? Tout d'abord, cette théorie de la tendance dure, freudo marxiste du phénomène sportif, s'appuie sur une explication téléologique qui repose sur les finalités poursuivies par le système politique particuliérement celle de dépolitisation des masses. D'autre part, l'argumentation se fonde sur ! Un aspect positif de ces fêtes est la remise en l' êtat des routes et des trottoirs des villes organisatrices et l'accomplissement de travaux d'embellissement, de propreté et d'amélioration du cadre de vie. 2 Georges MAGNANE attribue au sport une «grande puissance crétinisante» in Sociologie du sport, p. 151. Idée reprise par Jean Marie BR OHM, <
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des affirmations et non sur des explications et des démonstrations, pour montrer comment s'opère le retrait de toute conscience politique. Selon les freudo-marxistes, «les discussions sportives ne se prêtent guère au débat politique élaboré, elles se bornent à épiloguer sans fin sur le match gagné, à ruminer une défaite, à s'extasier ou à commenter les prestations des divisions supérieures »1. Pour tenter de répondre à ces questions, nous nous adosserons à Paul Veyne dans son travail : Le pain et le cirque, dans lequel il s'interroge: pourquoi donc les débats doivent-ils être uniquement politiques? Comme il le dit, l'Homme n'est pas uniquement politicus. Sinon quelle vigilance lui serait nécessaire. Il a besoin d'autre chose, tout en ne perdant pas de vue le combat politique. A propos de la société romaine, il montre que certes, il arrive que nous puissions voir de nos yeux le Cirque chasser un moment la politique et que cette substitution ne soit pas une fiction explicative, mais se déroule dans le temps réel. Citant Machiavel Dans Istoire jiorentine, ce dernier raconte qu'en 1466,... la fête terminée, les mêmes soucis revinrent agiter les esprits: chacun s'attachera à son opinion avec plus d'ardeur que jamais. Pour Paul Veyne, c'est la logique: «les hommes ne sont pas monomaniaques. Ils ont plusieurs intérêts, plusieurs idées en même temps. Ils sont rarement entièrement captés par un seul grand sentiment; aussi la vie est-elle très quotidienne. Ils concilient leurs centres d'intérêt en les faisant se succéder »2. Et ce n'est pas parce qu'on parle de sport que l'on ne s'intéresse pas à la politique. La vie sociale et politique a d'autres aspects qui méritent des discussions. Néanmoins il est vrai que les citoyens ne doivent pas par trop s'épuiser, s'attarder énormément sur les débats mineurs, sur ce que l'on appelle aujourd'hui la «peopolisation »3 de la vie sociale et politique. Néanmoins, le spectacle sportif peut occulter momentanément des problèmes sociaux ou politiques par la diversion, mais en aucun cas dépolitiser les citoyens. On peut donner un exemple
1 Frédéric BAILLETTE, Révoltes sociales et orthopédie sportive (Sport et mondialisation de la déviance, in Quel Corps n° 28-29, décembre 1985, p 9. 2 Paul VEYNE, Le pain et le cirque,op cite, p.87. 3 Néologisme français dérivé de people. Si la peopolisation concerne tous les milieux, c'est surtout le petit monde politicien qui est touché. Dans la mouvance de la télé-réalité et de la politique spectacle, la peopolisation consiste à mettre en avant la vie privée (croustillante si possible) du politicien plutôt que son programme, son image plutôt que ses idées, ses petites phrases plutôt que ses grands discours, l'anecdote plutôt que l'action.
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simple. En 1985, le procès des membres de la Ligue des droits de l'Homme1 est devenu une tribune contre le régime du FLN alors qu'il se voulait un étouffoir de toute contestation. La grande majorité des Algériens n'a rien su car le tirage au sort de la Coupe du monde de football éclipsait dans les conversations et dans les colonnes des journaux les comptes-rendus très officiels donnés par l'agence APS. En réalité il n'y a pas dépolitisation des citoyens mais manque d'information, de cadre d'expression et de liberté d'opinion. C'est l'époque de la chape de plomb. Indéniablement, les conversations politiques n'étaient pas très développées et la critique non tolérée. En revanche, le débat sportif simpliste et anecdotique à la portée de tout le monde, était plus libre et plus passionant. A cela il faut ajouter un double facteur, la peur de la répression militaro-policière et le mépris de la politique unique du FLN. Après une longue guerre (sept années et demie) très coûteuse en vies humaines et la gestion difficile du quotidien, les citoyens ont été chassés de l'arène politique, lassés par les querelles de clans au sein du pouvoir. On assiste alors à un véritable «fleuve détourné». Le désintérêt pour la «chose publique», ce qui appartient à l'Etat n'est pas considéré comme de l'incivisme. L'Etat algérien est assimilé au beylik (Etat ottoman) puis à la Houkouma (l'Etat-oppresseur). Ces termes ont une connotation négative dans l'esprit des Algériens car la puissance publique, est perçue comme étrangère au peuple (Chaâb), oppressive, bureaucratique et corrompue. Ceci entraine une véritable désaffection des citoyens pour la politique. Le discours politique connotant la défiance et parfois le rejet et le mépris, est remplacé plus facilement et progressivement par le «discours apolitique sportif». Cette situation entraîne par conséquent une valorisation sociale du sport. Les activités physiques et sportives connotent une idée positive de bien, de «bon citoyen» et même de distinction sociale. A cette période, les Algériens, dans leur majorité, magnifient le sport de performance et frappent de discrédit la politique et ses acteurs (naas el boulitique). On remarque une véritable assiduité discursive, principalement chez les jeunes. L'activité sportive, avec les problèmes sociaux occupe l'attention de l'opinion publique. Les Algériens commentent parfois 1 Libération du jeudi 19 décembre 1985. Voilà ce qu'écrit le journal parisien:« Pendant quelques jours, un procès qui fera date dans l'histoire de l'Algérie, s'est déroulé à Médéa, ville sentinelle aux abords des Hauts Plateaux ».
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longuement les résultats sportifs nationaux et même ceux des pays étrangers qu'ils connaissent dans les détails, à telle enseigne qu'on peut parler de «d'idiome sportif» et de véritable «culture footballistique internationale ». En revanche, l'autocensure se manifeste sur le plan des discussions politiques. Jusqu'en 1988, deux frontières indépassables caractérisent ce rapport au politique: la dénonciation des maux de la société, tels que le trafic d'influence, les passe droits, le népotisme, la corruption et la bureaucratie et à l'instar du film « Le désert des Tartares» l'attente d'un hypothétique remaniement gouvernemental, d'une réunion du comité central du FLN ou d'une décision du président pouvant entraîner un illusoire changement. La déficience du «partisanisme politique» est compensée par le houmisme sportif, (l'esprit de clocher), renforçant le régionalisme et le sectarisme1 Cet impact profond sur les mécanismes idéologiques, inscrits dans la conscience des citoyens, reste aujourd'hui indéniable. Toutefois, les équipes nationales, sont les seules qui unifient, homogénéisent le peuple et aboutissent à la consolidation du nationalisme exacerbé. Les citoyens discutent plus volontiers de sport que de politique. Ceci est le résultat à la fois de la peur de la répression gravée dans l'inconscient des citoyens à cause du mythe fallacieux de l'omniprésence de la sécurité militaire, colonne vertébrale du pouvoir militaro-policier algérien, mais aussi de la défiguration de la révolution algérienne avec le désenchantement et les désillusions successives nées après l'indépendance. Par ailleurs, tout ce manque d'intérêt pour la chose publique (res publica) ne signifie pas dépolitisation des citoyens algériens. Frantz Fanon, très optimiste, attribue de grandes vertus aux peuples dans le discernement et la résistance à la propagande. Pour lui les peuples ne sont pas des troupeaux2. Pour ce faire, l'organe, «le parti n'est pas une administration chargée de transmettre les ordres du gouvernement. Il est le porte-parole énergique et le défenseur incorruptible des masses. Il est donc chargé de les politiser et non le contraire. Dans ces perspectives, la politisation des masses ne se propose pas de les infantiliser mais de les rendre adultes ». Elle doit les éduquer c'est à dire «inventer des âmes» non tenir des cours politiques, ne pas les 1 Ou comme le dit si bien Jean GIRAUDOUX, op ci!., p. 26 : patrie, des patries locales, toutes ennemies ». 2 Frantz FANON, Les damnés de la terre, op cite, p. 123.
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«
Le sport crée à l'intérieur de chaque
envoûter par l'émotion, rendre la nation globalement présente à chaque citoyen avec la conviction que de la base montent des forces qui dynamitent le sommet »1. De citoyens passifs, ils s'élèvent à celui de citoyen actifs. En Algérie, en s'appuyant sur ces deux auteurs, Paul Veyne et Frantz Fanon, l'explication téléologique marxiste semble totalement infirmée. Cette invalidation de la thèse de la dépolitisation peut aussi être illustrée d'autre part, par l'étude socio historique du cas d'un club sportif. Celui de la JSKabylie infirme magistralement cette thèse de la dépolitisation. Le sport n'est pas un mode d'anesthésie de la critique sociale et politique. La JSK a été créée en 19462 Il n'est pas inutile de rappeler que dès le départ ce club se déclare omnisports et représenter toute la Kabylie. Ses couleurs sont le vert et le rouge, les couleurs du nationalisme. En 1956, à l'instar de l'ensemble des clubs musulmans, répondant aux ordres du FLN, la JSK met fin à ses activités sportives. A l'indépendance, ces dernières reprennent le 7 octobre 1962. L'équipe de football de la JSK est engagée dans la compétition pour un critérium d'honneur. Analysons ce club de football. Son nom contient trois caractéristiques, son objet social, le sport, la référence à la culture communautaire de ses associés: la jeunesse kabyle, l'espace géographique, le nom du lieu qu'il représente, nom toponymique, la Kabylie. Ce qui est donc intéressant de saisir, ce sont ces éléments anthroponymiques. Ce club de football se veut à la fois régionaliste et ethnique alors que les autres clubs sont ceux d'un quartier ou d'une ville. Aucun club de l'après indépendance ne fera référence à l'ethnie3. C'est une réponse de résistance à l'inflexible volonté d'uniformiser du pouvoir du FLN et de négation de l'histoire. Pour la Kabylie, entité berbère, dont le pouvoir algérien se méfie, la JSKabylie association sportive, va permettre aux Kabyles d'exprimer la résistance au pouvoir central oppresseur de la culture berbère dans l'affrontement à l'Autre en mettant en exergue son particularisme et son sentiment d'appartenance identitaire, ethnique et 1 Frantz FANON, ibid, p. 137. 2 Il faut préciser que la JSK a été fondée bien avant la crise berbèriste de 1949 au sein du mouvement nationaliste indépendantiste le PPA-MTLD. L'esprit particulariste va donc s'exprimer tout d'abord dans le sport à travers une association sportive et surtout l'équipe de football. 3 Dans l'Algérie postindépendance, un club fait exception, c'est l'ex-Canrobert, créé en 1936 et qui à l'indépendance deviendra Oum El Bouaghi. Dans les années 80, elle s'appelle 1990, ce club prend un nom ethnique: {'Union Sportive Chaouia.
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l'IRB Oum El Bouaghi.
En
régional. Ainsi, les Kabyles, même les moins sportifs, s'affirment en devenant les supporters du club sportif. Sur le terrain du sport, censé être neutre politiquement, anodin, surgit la politisation de la question berbère. La JSK va être porteuse, parfois à son corps défendant, de la lutte pour la reconnaissance du fait berbère. Nous sommes, dans ce cas, dans la même situation que la lutte des clubs musulmans pour la préservation identitaire pendant la période coloniale. C'est un véritable remake. Pratiquement toutes les forces sociales kabyles, de la Grande Kabylie, de la petite Kabylie, d'Alger et même celles de l'émigration en France se sentent unis et solidaires en étant représentés par la JSK. Gagner au plan international consolide encore plus la fierté kabyle. Pour assister aux matchs de la JSK, on descend de la montagne, et même des plus petits villages. Pour supporter ce club un véritable exode vers Tizi Ouzou se produit. De nombreux moyens de transport particuliers ou en commun, cars, bus, taxis sont mis gratuitement à la disposition de la population pour se rendre au stade. Tous les bus du président d'honneur de la JSK assurent le transport à titre gratuit. On peut aussi s'en apercevoir le jour des matchs de football de la JSK retransmis à la radio. Dans les villes, mais aussi dans le plus petit village, on n'entend que ce reportage1 (parfois en kabyle). Une grande mobilisation de la jeunesse se fait automatiquement à chaque victoire de la JSK. D'ailleurs le sigle JSK ne représente pas le club d'une ville qui aurait dû être Tizi Ouzou, mais une région, la Kabylie. En 1972, avec l'arabisation imposée des sigles, la Jeunesse sportive de Kabylie devient la JamaÏ Serri Kawkabi. Le groupe ethnique disparaît de la dénomination. En 1977, avec le rattachement des clubs aux unités économiques et administratives et le changement des sigles, la JSK est rattachée au complexe électronique de Tizi Ouzou. Elle devient la Jeunesse Electronique de Tizi Ouzou, la JET. Par la magie du nom, le pouvoir a l'impression d'avoir réglé le problème du particularisme kabyle. Il n'y a plus de Kabyles mais des électroniciens de Tizi Ouzou. En revanche, pour les supporters de la JSK, le nouveau sigle JET prend une autre signification. Il veut dire «Jughurta existe toujours». Il est fait référence à un héros berbère, Jughurta Yougarten (160 avo J.e.- 104 avoJ.-e.), Roi berbère de Numidie (Maghreb), petit-fils du roi 1 A partir de 1970-1971, la chaîne kabyle de Radio Alger, les reportages sportifs réalisés en direct des stades en langue kabyle sont purement et simplement supprimés. La retransmission de ces matchs est faite en arabe. Le public kabyle est lourdement pénalisé.
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Massinissa, qui résista à l'intervention des Romains (111 avo J.-C.106 avo J.-c.) et fut finalement battu par Marius et emprisonné à Rome, où il livré au général Sulla (ou Sylla) en 105 avo Il mourut en prison. Dans la Charte nationale de 1976, une première concession est faite aux Kabyles, Jughurta est présenté comme l'initiateur de la résistance à l'impérialisme romain1. Mais dans l'esprit des supporters,
à l'instar de Jughurta, il est question de la résistance à
«
l'Etat arabo-
musulman boumédiéniste ». Ce n'est qu'à partir de 1986, avec la Charte nationale enrichie, qu'une autre concession est accordée. Le terme Amazigh : homme libre, Berbère, est cité nommément pour la première fois dans les textes fondamentaux. Ce n'est d'ailleurs point un fait du hasard si les habitants de cette contrée se donnèrent pour nom les «Amazigh)), c'est à dire les hommes libres et ce, depuis que cette région est entrée dans l'histoire. Pourtant dans les stades, le slogan des supporters de la JSK est Imazighen, renvoyant à la liberté des Kabyles. Cette concession du pouvoir central est une tentative d'apaisement. Elle est en partie le résultat des luttes de la jeunesse dans les stades et du Printemps berbère de 1980 par la prise de conscience de la force du fait culturel berbère. Or les slogans sont des pièges. Ils vont permettre la mise en par les supporters d'une véritable tactique dialogique visant à persuader les autorités de leur bonne foi et par là même à les manipuler. Ainsi la vox populi kabyle transforme le sigle JSKabylie en Je suis Kabyle. En 1977, lors de la finale de la coupe d'Algérie du 19 juin qui oppose la Jeunesse sportive de Kabylie au NA Hussein Dey et remportée par la JSK au stade du 5 Juillet à Alger comble, les supporters de la JSK conspuent littéralement, le chef de l'Etat, le Président Boumediène venu assister au match. De même que l'hymne national Kassamen n'est pas respecté. Un immense chahut et des sifflements s'ensuivent. Les Kabyles entonnent la chanson d'Ait Menguellet sur la JSK. Des banderoles en tifinagh (alphabet amazigh, berbère) sont déployées dans les tribunes. A la sortie du stade, les rues d'Alger sont envahies par les jeunes supporters de la JSK drapés dans les couleurs de leur club. Ils improvisent une manifestation hostile au gouvernement durant laquelle des slogans contre l'arabisation sont scandés. Il s'en suit une répression avec arrestation de jeunes. Cette manifestation est le résultat des sursauts sporadiques de mécontentements étouffés par la répression policière. 1 Charte nationale,
Alger 1976, p. 4.
220
Elle montre que l'intégration-fusion dans la nation algérienne et l'assimilation de tous les Kabyles est loin d'être acquise. En 1980, durant «les événements de Kabylie », le stade de Tizi Ouzou est fermé. La JET n'a pas pu évoluer car le terrain de foot est l'objet d'une suspension afin d'éviter les manifestations des spectateurs (de 15 000 à 25 000 et parfois plus) essentiellement des supporters du club. Le vendredi 2 mai 1980, en demi-finale à Alger, au stade du 5 Juillet, les supporters de la JET brandissent des emblèmes jaunes et rouges avec les inscriptions Jeunesse sportive de Kabylie et non Jeunesse électronique de Tizi Ouzou, en caractères latins, ainsi que des inscriptions en tifinagh. Des mots d'ordre politiques: Libérez les détenus sont scandés demandant la libération des emprisonnés kabyles du mouvement berbériste, des militants du FFS, des avocats et des étudiants dont quelques uns seront les futurs cadres du RCD. A la sortie du stade, des jeunes, avec bandeau sur le front et des branches d'olivier à la main scandent Imazighen (Hommes libres). La présence de branches d'olivierl montre que la manifestation n'est pas un simple dépassement de la réaction de colère des jeunes mais a bien été préparée. En finale de la coupe d'Algérie en 1990, au stade du 5 juillet à Alger, la JSK est opposée au club de Médéa, le match est l'occasion d'un expression politique intense. L'hymne national est conspué par la galerie des supporters kabyles portant les couleurs de la JSK. De très grandes banderoles sont déployées et sur lesquelles des slogans sont inscrits tels que: nous ne sommes pas des Arabes, Tamazigh dillikoul, (le Berbère à l'école), grand Maghreb berbère, insistant sur le particularisme kabyle, le refus de l' arabité et la revendication de l'enseignement du berbère à l'école. Des hemis opposent les supporters pour la plupart des jeunes de moins de 30 ans, à la police omniprésente mais aussi à un carré de supporters du FIS qui lançent des Allah ou Akbar, qu'ils conspuent durant tout le match. Trois chansons sont consacrées à la Jeunesse sportive de Kabylie. Elles sont l' des chanteurs Aït Menguellet, Lounès Maatoub et Lahlou. Ce sont des chansons apologétiques du club de football. Celle de Aït Menguellet allie la poésie, les métaphores et les images de la culture identitaire kabyle au football. Celle de Lounès Maatoub est une énumération des joueurs de football composant l'équipe avec quelques symboles. Elle se rapproche de celle dédiée à l'équipe 1 L'olivier, avec le figuier, est l'arbre symbolique
de la Kabylie.
221
nationale de football. Ces chansons permettent de «doper» les joueurs de la JSK qui deviennent investis d'une lourde responsabilité: ils sont les représentants d'un groupe identitaire, les Kabyles. D'ailleurs, d'autres symboles tel le burnous blanc en laine1 sont utilisés. Ainsi, dans les années 1980, pendant les matchs de la JSK, le Président du club n'hésite pas, à la mi-temps, à venir exhorter et encourager les joueurs, drapé d'un burnous blanc qu'il leur présente comme symbole pour lequel ils doivent se battre, selon témoignage d'un ancien joueur. Jusqu'à octobre 1988, sur le terrain berbère et plus particulièrement kabyle, le mouvement associatif et d'expression était inexistant légalement2. Le fait berbère va donc s'exprimer à travers la Jeunesse sportive de Kabylie. Les modalités sont nombreuses sur le plan culturel et politique. Officiellement, la langue, la culture kabyles et les Kabyles ne sont pas nommés3 Toute référence est illégitime et illégale. Grâce au stade et à la compétition sportive, la confrontation de la Kabylie et des Kabyles à l'Etat autoritaire central FLN se fait d'une manière indirecte jusqu'au «Printemps berbère» de 1980 lorsque la question est posée explicitement sur la scène politique algérienne. Indéniablement, la lutte culturaliste est timide, elle se situe surtout sur le plan de la chanson kabyle et autour de Mouloud Mammeri,un universitaire, un écrivain, anthropologue et linguiste et de quelques intellectuels. C'est la lutte de l'élite kabyle. Seulement, la lutte populaire et de la jeunesse se fera à travers le sport portée par les supporters de la JSK. Ce faisant le stade de football, champ de jeu et du jeu de mots, reste l'unique espace d'expression de l'identité régionale et ethnique où il est toléré de proclamer son choix régional et son sentiment d'appartenance ethnique dont l'expression est légalement et socialement interdite dans la vie quotidienne. Le pouvoir est alors piégé. Le jeu (le football) permet de jouer et les supporters se jouent des autorités. En supportant le club de football que nous aimons, nous exprimons en réalité notre amour de la Kabylie. Le pouvoir ne peut pas nous interdire de le faire. Dans le stade nous avons le droit d'affirmer notre préférence pour notre club
1 Le métier à tisser est le premier cadeau rituel qu'on offre à une grand mère en Kabylie. 2 En 1989 on recense 154 associations culturelles en Kabylie, créées. Le M CB tient ses assises à Tizi Ouzou en 1989. Le RCD est fondé en février 1989. Le FFS, créé en 1963, est reconnu l'année 1989. 3 Salem CHAKER, Dahbia ABROUS, Berbèrilé ou la dimension innommable in Revue de l'Occident musulman
et de la Méditerranée.
Aix en Provence.
n° 49.1988.
222
ethnique comme tous les autres supporters. Alors que dans les années 70, pour avoir arboré simplement un tee shirt avec des inscriptions en berbère, des jeunes ont été arrêtés et emprisonnés par la redoutable Sécurité militaire. Le port d'insignes, de symboles, de signes, d'objets, rappelant l'identité régionale kabyle est perçue comme une atteinte à l'intégrité nationale. Ce temps cyclique, des matchs de football, offre aux Kabyles une précieuse arme qu'ils vont utiliser pour défendre et exprimer leur particularisme, leurs signes identitaires et historiques, lorsque la réalité objective leur permet. Ces moments sont accordés à contre cœur par le pouvoir contraint qui ne cesse de traiter les Kabyles de régionalistes et de diviseurs. Le football est bien donc une arme politique aux mains de la résistance identitaire kabyle.
223
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE Le sport qui fut un puissant instrument de préservation identitaire et un médium politique de combat au service du nationalisme pendant la période coloniale, va jouer un autre rôle politique dans l'Algérie postindépendance. Du coté des décideurs étatiques et politiques, il est totalement instrumentalisé à des fins de formation et de socialisation politique des enfants et des citoyens. Cette instrumentalisation a nécessité une stratégie qui se voit principalement dans le système éducatif, dans les centres de formation de cadres du MJS, à travers une structure «la commune éducative », dans l'encadrement de l'émigration algérienne en France et en Europe et dans le sport spectacle commémoratif. Au reste, en permettant une expression libre et détournée, le sport va leur servir de succédané de la démocratie politique aux citoyens. En effet l'Algérie pays économiquement arriéré, mal développé, où il y avait une absence totale de démocratie politique du fait de la forme de l'Etat à parti unique jusqu'en 1989, exclut du processus de débat et de prise de décisions sociopolitiques la plupart des citoyens, non affiliés aux structures officielles (comme les organisations dites de masses). Ces citoyens manquant de pratique politique, ont beaucoup de réserves et de méfiance vis-à-vis des politiques. Les décisions concernant les affaires de la nation ont toujours émané de l'Etat pédagogue et tutélaire. Elles sont ensuite répercutées sur la base sous forme de textes ayant force de loi et pour application. Même au sein du parti du FLN hégémonique et au pouvoir et où le droit de tendance et la critique ne sont pas tolérés, les militants des cellules de base, organes de figuration, participent à cette représentation virtuelle sans remettre en cause leur statut. Aussi au niveau de la société civile, le discours sur le sport mord bien. Il arrive, lors de certaines rencontres sportives, à monopoliser le champ de discussion des citoyens tout en prennant l'allure de véritables joutes oratoires démocratiques, au moment des temps morts politiques. La confrontation pacifique sportive va servir à occuper ce vide de la communication politique. Mais ceci ne constitue en aucun cas un remplacement de la démocratisation de la vie politique. Seul le champ et les objets des débats changent.
TROISIEME
PARTIE:
DU COMPORTEMENT DES CITOYENS ALGERIENS FACE AU SPORT
Dans l'analyse du comportement global des Algériens face au sport, comme nous l'avons vu pendant la période coloniale, nous nous sommes appuyés sur deux registres: celui des usagers-pratiquants et celui de consommateurs passifs-spectateurs. Ainsi, nous verrons sucessivement la représentation1des Algériens de ce phénomène ludique corporel, les attitudes induites par le sport-spectacle et le comportement des supporters dans les tribunes des stades et dans les autres lieux publics d'expression.
1 Un sociologue note que
«
quand il veut savoir ce qui se passe dans la tête des gens, il lit la rubrique
sportive, c'est la plus politique; du 23 au 29 février] 984.
au sens où elle est la plus critique ". ln Algérie-Actualités
n° 928 semaine
CHAPITRE I : DES RESISTANCES
~ 1 La
pratique controversée
Dans la phase coloniale, le sport moderne, activité ludique spectaculaire, étrangère à la société traditionnelle algérienne, participant du choc culturel, a subi dans sa phase d'appropriation par la jeunesse musulmane, des tentatives de rejet de la part des religieux se référant à l'Islam. Ainsi, le football fut l'objet d'interdiction des fondamentalistes. Cette interdiction en recourant à la même justification a déjà concerné un sport traditionnel régional, la kora. L'ethnologue Germaine Tillon qui a travaillé sur l'Algérie, rapporte «les dires d'un «Grand vieux» qui considérait la kora avec grande suspicion parce que les paîens y jouérent avec les têtes des compagnons du prophéte, bien que reconnaissant sa nécessité pour le lait» 1. Dans l'Algérie indépendante, il suscite au commencement une indifférence d'une part importante des couches populaires préoccupées par la survie et une hostilité totale des traditionalistes conservateurs. Ces réticences et ces freins sont à la fois d'ordre culturel et religieux. Cependant, c'est essentiellement la pratique féminine qui en souffrira le plus à cause du statut des femmes dans la société algérienne. A La doctrine islamique et le sport 1) L'Islam, ensemble de règles et de normes de gestion de la cité, de mode d'être, de comportement de la personne musulmane, va être en effet, le premier frein de la pratique sportive. Pourtant en ce qui concerne les pratiques physiques traditionnelles et les jeux présportifs2, on ne possède pas de texte religieux qui les réglemente. L'héritage est très maigre. On ne dispose que de deux hadiths attribués au prophète Mohamed, l'équivalent de deux recommandations résumées en deux phrases dans lesquelles ce dernier aurait conseillé le tir à l'arc, l'équitation et la natation. Tout ce qui n'est pas évocation de
1 Germaine TILLON: Il était unefois l'ethnographie, 2000, p 150. 2 Pour cette période historique, on ne peut pas utiliser le terme sport au sens moderne.
Dieu est divertissement et distraction sauf dresser des chevaux, apprendre à nager. Les enfants sont en droit d'exiger de leurs parents de leur apprendre à lire, à écrire, à nager, à tirer à l'arc et à leur laisser un bon patrimoine. D'ailleurs ces hadiths attribués au prophète sont à prendre avec une grande réserve. Il peut s'agir de hadiths préfabriqués et apocryphesl Afin de le déceler, des techniques de détection de ces hadiths préfabriqués sont employées par les docteurs de la loi. Pour ce faire les questions posées sont: dans quelles circonstances? à quelle date? qui rapporte ce hadith? quelle est sa source ?, etc... Pour notre part nous utiliserons plutôt le contexte historique d'émergence du hadith. Ce faisant, il apparait anachronique qu'une société bédouine, née dans un espace où l'élément eau est rare, l'Arabie, puisse développer la pratique de la natation. On peut penser, qu'au fil des siècles ces hadiths sont nés du désir de conquête pour imposer «l'universalisme de l'islam ». Les Musulmans ont eu besoin de maîtriser la mer, la navigation2 pour prendre racine dans de très lointaines contrées où ils ont eu à traverser des mers. Nous constatons que dans les hadiths, il s'agit d'activités qui ont des objectifs militaires et nécessaires à la conquête: le tir, l'équitation et la nage. Il est possible aussi qu'ils soient venus à postériori justifier une pratique, soit empruntée à d'autres cultures, soit à d'autres espaces, conquis par les Musulmans. Après tout, même si ces hadiths sont positifs et incitateurs3 à la pratique sportive, ce ne sont pas ceux là qui seront évoqués, mais d'autres qui réduisent leur portée ainsi que certaines sourates du coran concernant le corps et le statut des femmes constituant un véritable «système d'interdits». Dans ce contexte, sont apparues les nombreuses interdictions, dans la pratique sportive, résultant d'une interprétation restrictive du texte sacré, le Coran, ainsi que des hadiths. Dans le Coran, il n'y a pas de prescriptions claires de pratique de culture physique ou pré-sportive, mais un ensemble de lois morales et religieuses plutôt freinatrices pour les femmes et 1 Il faut préciser que, comme l'écrit la sociologue Fatima MERNlSSI: manipulé,
mais sa manipulation
sociétés musulmanes
I>.
est une caractéristique
structurelle
«
Le texte sacré a toujours été
de la pratique
du pouvoir
dans les
Il existe d'ailleurs une science de la détection des hadiths fabriqués.
2 On peut citer de très grands navigateurs musulmans comme Ibn BATIUTA, SIND BAD le marin, Tarik IBN ZIAD, etc... 3 Une remarque s'impose, les pays musulmans n'ont jamais suivi à la lettre les hadiths incitateurs à la pratique des trois activités présportives. A notre connaissance, ces activités ne sont même pas développées chez eux. Sur le plan international, ils n'ont jamais eu de bons résultats ni en natation, ni en équitation, ni au tir à l'arc
232
condamnant la nudité du corps, si on se réfère à d'autres sourates. En revanche, pour les Musulmans modernistes qui «aiment le sport», des justifications de la pratique physique et sportive sont trouvées dans les hadiths et la vie du prophète Mohamed. Celui ci aurait été lutteur et athlète pratiquant la course à pied. D'ailleurs contre une de ses nombreuses épouses, la plus jeune et la préférée, Mcha, il faisait des courses de vitesse. Parmi cette catégorie de musulmans, certains voient dans la prière, une véritable gymnastique d'entretien et d'assouplissement dans les positions de fléxion du corps, de genuflexion et de prosternation alors qu'elle est essentiellement une expression de la foi. On se prosterne devant le créateur. Très simplificateurs et réductionnistes, ils vont jusqu'à affirmer, tout simplement, que le sport moderne, ensemble d'activités ludomotrices du 19ème siècle, à ne pas confondre avec les activités physiques traditionnelles, aurait donc existé à la naissance de l'islam. Il aurait été pratiqué par les Musulmans. Cette tendance refuse de reconnaître que c'est une appropriation, une récupération d'une activité fondamentalement occidentale moderne. Sur le plan canonique, la pratique sportive et la nature même du sport heurtent l'esprit général de l'Islam sur divers plans. Tout d'abord, le statut du corps fait problème car la pratique sportive met en scène et en jeu le corps. Sur le plan philosophique les activités physiques et sportives en s'adressant au corps soulèvent une question fondamentale. Le corps étant la référence centrale de la culture ethnico-religieuse, il est le carrefour, point ultime d'attraction, de constellation et de cristallisation de l'histoire de la société, des rapports sociaux, des enjeux politiques et religieux des partis politiques, des intégristes, des luttes de femmes, de l'éducation institutionnelle et familiale de la jeunesse. A juste titre, Michel Bouet parle du sport comme «présence majeure et actualité du corpS»I. En effet, le corps est le sujet propre de l'activité sportive. Le mouvement en est l'acte même. Mais cette présence a une signification et le corps d'un être humain est le portrait d'une culture et d'une politique. Il n'est pas une donnée naturelle immuable (y compris dans son fonctionnement), mais une œuvre culturelle, une histoire disait Merleau-Ponty2. La première évidence qui va être déterminante, c'est I Michel BOUET, Signification du sport, op cite, p.I8 2 Vera SCHMlDT et Annie REICH, Pulsions sexuelles
et éducation
233
du COlpS, 1979, P 14
qu'à partir du corps, vont se cristalliser et s'ordonner tous les tabous, tous les obstacles de la société islamique. Cela implique le sport, d'autre part comme pratique symbolique du corps. Or, cette pratique doit affronter la notion de aoura, la règle classique. Ce mot aoura veut dire le borgne, le louche, il signifie par extension débauche et moeurs dépravées. Dans le langage juridique, notamment en droit musulman, cette notion implique que l'on doit cacher une partie de son corps. Pour l'homme, c'est la partie comprise entre le nombril et les genoux, par contre la femme est entièrement «aoura», hormis ses mains et son visage. Ainsi chez la femme musulmane le corps est entièrement tabou. Ceci est très explicite dans les sourates du Coran qui sont des prescriptions absolues: Commande aux femmes qui croient de baisser leurs yeux et d'être chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu'elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges! (couvrir leurs seins de voile est une autre traduction). Qu'elles montrent seulement leurs atours), (de ne faire voir leurs ornements) qu'à leurs époux ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, à leurs fils..., à leurs frères ou à leurs serviteurs mâles que n'habitent pas le désir (charnel), ou aux garçons qui ne sont pas au fait de la conformation des femmes (aux enfants qui ne distinguent pas encore les parties sexuelles d'une femme). Que les croyantes ne frappent point (le sol) de leur pied pourmontrer les atours qu'elles cachent !Verset 31, Sourate XXIV1. On se fonde sur cette dernière phrase pour interdire la danse. 0 Prophète! Prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des Croyants de serrer sur elles leurs voiles (d'abaisser un voile sur leur visage). Cela sera le plus simple moyen qu'elles soient reconues et qu'elles soient point offensées (Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes). Verset 59, Sourate XXXIIP. Ainsi, aucune femme ne sortira si ce n'est voilée et pour un motif impérieux tel qu'assister à la mort de ses père et mère ou d'un proche ou autre motif légitime. Mais à ces occasions, elle ne sortira pas pour assister aux lamentations des pleureuses et aux concerts de flûte, de luth ou autres instruments de musique profanatrice. Exception est faite pour le tambourin dont on joue dans les mariages. Mais il y a
1 Le Coran, traduction 2 Ibid P 447
Régis Blachère, p 379
234
divergence d'opinions pour le tambour connu sous le nom de kabar. hadith.! Cependant la considération de la femme, être naturellement impur en islam, lui assigne une place secondaire dans la société et dans la famille. Les rapports de la femme à l'homme vont donc devoir s'établir sous forme de soumission très rigoureuse. La sujétion sociale de la femme apparaît très générale dans la société musulmane. L'homme, spontanément use de périphrases pour parler de sa femme sans la nommer: dâr (maison), ayla (personne à charge) ou il fait tout simplement précéder mention qui est faite d'elle, de la formule hachak (pardon à toi qui entends) qui est celle qu'on emploie pour parler d'un animal malpropre ou d'excréments. La femme est donc dévalorisée, c'est un «infrahumain »2. En Algérie, la domination masculine est quasi permanente. Elle se manifeste jusque dans la tenue vestimentaire et certaines attitudes corporelles. Aussi le paraître doit être discret selon le hadith3: Les femmes ne revêtiront point des étoffés minces qui permettraient de détailler leurs formes quand elles sortent. Au voile de pierre, (la maison) se rajoute le voile vestimentaire qui est le signe par excellence de l'inégalité et de la ségrégation entre le hommes et les femmes. En réalité, c'est une véritable misogynie islamique qui se trouve légitimée en se référant aux dires du prophète. La femme en suscitant le désir, la tentation et en exerçant la séduction, provoque lafitna (le désordre, l'émeute, le trouble, la discorde). D'une manière générale, ce sont certaines parties du corps qu'il faut cacher, ces parties sont appelées: les parties honteuses (sUr el aoura). Par conséquent, il est blâmable (makrouh) et non prohibé (hâram) de ne pas les cacher. Mais, il est ordonné de couvrir les parties honteuses. Pour l'homme, les vêtements qui doivent couvrir la partie inférieure du corps du croyant doivent descendre jusqu'à mi-jambe. La cuisse est comprise dans les parties honteuses sans toutefois avoir le même caractère sacré que les parties honteuses elles mêmes. Ainsi L'homme 1 El Quayrawani, La Risâla, traduction française par Léon Bercher, p. 137. 2 Pourtant la résignation et la docilité de ces mœurs infiniment rigides de la population algérienne et famille patriarcale algérienne, se trouvent remises en cause par la tradition de liberté de la jeune fille l'Oued Souf (Guémar), de la femme libre, hO/Ta de la société nomade saharienne, la condition femme libre, azriyya chez les Chaouïa de l'Aurès et du Sud constantinois et la prostitution déshonneur des Ouled Nails du Sud Algérois. 3 Ibid p. 136.
235
de la dans de la sans
ne doit pas laisser traîner son vêtement qui couvre la partie inférieure du corps (izâr) pour se donner des airs arrogants, ni son vêtement (thawb) par vanité hautaine. Que le thawb retombe jusqu'aux chevilles: ce sera plus propre et plus modeste à l'égard du Seigneurl. Si pour l'homme, la pratique sportive pose moins de problèmes sérieux qu'à la femme, en revanche le vêtement sportif (la tenue de pratique sportive règlementtaire), fait obstacle dans le cas des rigoristes et des intégristes qui appliquent à la lettre les prescriptions du Coran. Or, dans la pratique sportive pour des raisons d'aisance et de facilité motrice, on adopte un vêtement spécifique: le maillot de corps. et le short. Néanmoins étant assez court car ne couvrant pas les genoux, le short est interdit. Il sera remplacé par le bermuda beaucoup plus long. Pour les footballeurs islamistes il n'est plus question de porter le short réglementaire (conforme aux règles de la FIFA), mais un bermuda qui arrive jusqu'aux genoux2. En natation, dans les piscines et sur les plages3, le slip de bain disparaît totalement.. Alors, pour surmonter cet obstacle, les gouvernants des Etats islamiques font appel aux imams (docteurs de la loi) aux Oulémas (savants religieux de l'islam) et aux foukaha (juristes de l'islam) pour promulguer des fewtas (sortes d'autorisation prises au nom de Dieu) depuis la surmédiatisation du sport spectacle. D'autre part, le problème de la mixité se pose car selon les prescriptions islamiques, la mixité n'est pas tolérée4. La femme ne doit pas voir d'hommes, ni être vue d'eux. Aussi, il y a deux blocs distincts: la société des femmes et celle des hommes. «L'homme n'aura pas de tête-à-tête avec une femme qui n'est pas sa parente au degré prohibé. Mais il pourra voir cette femme pour raison légitime, comme par exemple, témoignage sur elle ou autre chose de ce genre, I Ibidem 2 Jusqu'à aujourd'hui, on peut aussi remarquer des joueurs portant des collants sous le short réglementaire pour être en conformité avec le hadith. Certains joueurs de football islamistes ne se laisseront même pas photographier avec leur équipe. 3 Les femmes quant à elles nagent avec un vêtement couvrant entièrement leur corp et un foulard sur la tête. 4 Bahran AFSHARZADEL, secrétaire général du Comité olympique iranien justifie la non-participation des athlètes féminines à Séoul en 1988 par le fait que « les valeurs de l'islam exigent des femmes que leur corps soit totalement recouvert en présence d'hommes ». « Les pays étrangers ne sont pas des endroits convenables pour nos soeurs et, il n'est pas juste qu'elles prennent part à tous les sports», déclare un autre responsable, chef de l'organisation nationale d'entraînement physique. Exception est faite pourtant, pour les championnes de tir qui sont totalement tchadorisées . Le Point - Le sport et les lvlusulmanes-
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ou encore quand il la demande en mariage. L 'homme doit préserver ses regards vis-à-vis de la femme car la fornication de I 'œil est déjà un péché grave. Quant à la femme qui n'inspire pas ou qui n'inspire plus le désir, l'homme peut voir son visage en toute circonstance». En revanche, les règles sont draconiennes en ce qui concerne le sport féminin. Lorsqu'il existe quelques rares tolérances, les équipes féminines doivent être entraînées par des femmes et soutenues par un public exclusivement féminin. Il n'est pas question de sortir de la salle sans voilel. Quant à la participation internationale des femmes musulmanes des pays islamiques, elle est presque inexistante2. La «licéité» de la pratique sportive se trouve d'autre part déterminée par le but visé. Tout d'abord, le sport est essentiellement un jeu, il est synonyme d'amusement. Or, le Coran considère le laëb ou amusement comme une expression particulière et insidieuse de l'indifférence humaine à l'égard du véritable devoir de l'homme, en ce monde d'agir en vue de son salut dans l'autre monde. Pour le cheikh Hamani, mufti membre du haut conseil islamique algérien, son explication simpliste est que la pratique sportive a de tout temps été conditionnée par le respect des préceptes religieux. Elle n'est pas totalement libre: tout ce qui est en rapport avec la religion est acceptable même pour le sport et tout ce qui ne va pas à l'encontre de celle ci ne peut être accepté3. Dans la Risâla ou Epitre sur les éléments du dogme et de la loi de l'islam selon le rite malikite Abou Muh'ammad Abdallah Ibnab Zayd Al-Qayrawni précise que le jeu de «nard» et le jeu d'échecs4. sont illicites On peut adresser le salâm à J Le Film iranien Ho/'s jeu (2007) de Jafar Panahi, montre comment une jeune fille déguisée en garçon dans une foule exclusivement masculine tente, ainsi que six autres femmes, d'entrer au stade de football, interdit aux femmes « à cause des jurons qu'on y profère et des risques de mélange corrompu entre les
deux sexes
»
selon les ayatollahs depuis la révolution islamique.
2 Pour la participation des féminines des pays musulmans aux jeux olympiques, le comité «Atlanta plus» créé par La Ligue du Droit International des Femmes et Terre des Femmes mène une bataille pour imposer à toute délégation de ces pays d'intégrer des femmes. En 1993, à l'initiative de l'Iran, la première édition, des jeux Islamiques exclusivement réservés aux femmes, se déroulant tous les quatre ans, est organisée à Téhéran par la fille du président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, Faezeh, 36 ans, responsable du sport féminin au sein du Comité olympique iranien. «
Ces jeux sont fermés à la presse sauf au moment de la sinistre cérémonie de remise des médailles à cles
sportives recouvertes du voile noir de la tête aux pieds, voile censé protéger leur pudeur des regards extérieurs »! Pour la deuxième édition un millier de sportives sont venues de 16 pays musulmans pour y participer avec l'accord du CIO. 3 El Walan du 15 février 1993. 4 Les Musulmans pratiquaient les jeux cie l'alea, le hasard, en arabe ::ha/'. Ce sont les Croisés, de retour en Europe qui ont ramené ce mot qui désigne originellement les jeux de clés et le jeu d'échec. L'expression échec et mat provient de l'arabe cheikh mal.
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ceux qui y jouent, mais il est blâmable de s'asseoir auprès des joueurs et de les regarder. Si la pratique physique et sportive est la recherche du plaisir, le divertissement, l'hédonisme, elle est profondément honnie. Or, le sport se caractérise par la recherche du plaisir, la gratuité, la liberté des règles, la beauté du geste corporel et la seminudité. Il entre en contradiction et en opposition frontale avec l'Islam rigoriste qui rejette en bloc et dans le détail. Les sociétés islamiques sont des sociétés de l'ascétisme, mais aussi de l'immobilisme du croyant, image de la sagesse. L'enfant qui court, s'amuse, bouge, est traité de Chitan, de diable. Le désir de l'esthétique et la recherche du plaisir, de l'hédonisme restent suspects de déviation morale, et sont profondément honnis. Seule la pratique sportive dans un but hygiénique est tolérée1 Même la chasse pratiquée dans un but ludique, ou sportif, est interdite. Le caractère utilitariste est permis. Chasser pour se divertir est blâmable, mais chasser dans un autre but que la distraction est licite, a le caractère d'indifférence légale2 Dans des périodes historiques, la licéité de certaines activités pré-sportives légales, est rationalisée par les Oulémas à cause de leur utilité pour la préparation militaire. La deuxième question est celle de l'existence d'un enjeu. Elle concerne surtout le sport de compétition qui comporte des enjeux soit matériels soit symboliques. Or si la pratique sportive comporte un enjeu (matériel ou argent), elle est assimilée au kimar Ueu d'argent) et condamnée par l'Islam, à l'instar des jeux d'argent et de hasard strictement interdits par le droit musulman. Cette interdiction est mentionnée par le Coran. Le jeu était conçu comme une transaction dans laquelle des biens changeaient de main arbitrairement et stérilement comme les paris sur les courses de chevaux. Le Coran indique clairement que ces jeux sont indésirables du point de vue
social et religieux, car « c'est quelque chose qui provoque des disputes et affecte le culte et l'accomplissement de la prière ». Pourtant des activités physiques et sportives importantes, le tir à l'arc, la course à pied, la natation, la lutte, ont été des moyens pour jouer. La aussi la
1 Pour le cas iranien:
« L'exercice
qui permet d'entretenir
la forme physique
améliore la santé de l'âme »,
écrivait l'imam KHOMEINY à l'occasion du ge anniversaire de son arrivée au pouvoir. Au sommet des tribunes du plus grand stade de Téhéran, un panneau rappelle aux spectateurs sport doit être au service de l'école de l'islam ». 2 AL QUA YRA WNI, La Risâla, 1953, traduction française par Léon BERCl-IER, p. 93.
238
que « le
réglementation est assez précise. Il n'y a pas d'inconvénient à faire des courses de chevaux et de chameaux et des concours de tir à l'arc. Si les deux compétiteurs se cotisent pour constituer un enjeu, ils devront faire intervenir un tiers concurrent. Si ce dernier gagne, il recevra l'enjeu; sinon, il ne devra rien. C'est là l'opinion d'Ibn al-Musayyib, mais pour Ibn Anas Mâlik, imam de l'une des grandes écoles juridiques, la malékite, la compétition n'est licite, quand un concurrent constitue lui-même l'enjeu, que dans les conditions suivantes: si c'est un autre qui gagne, cet autre recevra l'enjeu. Mais si c'est lui-même qui gagne, l'enjeu sera attribué au concurrent qui le suit immédiatement et, s'ils ne sont que deux concurrents et que le gagnant est celui qui a constitué l'enjeu, celui-ci servira à la nourriture des assistants. Dans le vade-mecum de la foi musulmane, nous voyons bien que, c'est principalement le jeu d'une manière générale et les jeux pré sportifs avec enjeu qui sont strictement codifiés. 2) L'islam officiel au service du pouvoir Le haut conseil islamique algérien, organe officiel du pouvoir en matière de religion, qui interprète, légifère à coups de fatwa, n'a jamais fait d'obstruction à la pratique sportive. Son président, le cheikh Hamani, mufti politique, ministère des affaires religieuses, membre suppléant du comité central du FLN, va recourir aussi bien aux textes qu'à un utilitarisme politique qu'il puise dans l'histoire et le contexte international. Ses premières manifestations dans les années 80, se bornèrent à demander le changement du déroulement des matchs de football et éviter le vendredi après midi à cause de la prière. Il recommande que les matchs de football se déroulent le jeudi à 16h au lieu de 14 h. Voici sa position résumée dans le message à la Conférence nationale sur le mouvement sportif national, à Alger, le 15 avril 1985. L'islam encourage la pratique du sport. Compte tenu du mois sacré du Ramadan et de la prière du vendredi, il serait souhaitable de programmer les rencontres de sport le jeudi aprèsmidi pour que les sport(fs puissent profiter des joies du sport. Le souci du Conseil islamique est de ne pas heurter le pouvoir en place. Mais il n'en demeure pas moins que le conseil a peur de voir le nombre des fidèles diminuer et les 12 000 mosquées algériennes à demi vides. Pourtant pour les fidèles, le spectacle sportif et la fréquentation assidue des stades n'ont jamais été un frein. C'est ainsi qu'on assiste
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fréquemment à des spectacles insolites sur les gradins des stades1 ou sur quelques espaces libres et «praticables». A la mi-temps, d'une manière improvisée, de nombreux jeunes spectateurs, après avoir fait leurs ablutions à quelques rares points d'eau du stade, accomplissent sommairement leur prière, et puis à la fin reprennent leur place dans les tribunes. Toutefois la demande du Conseil Islamique reste une remise en cause implicite de la sécularisation du sport dont les compétitions se déroulent le jour de repos légal hebdomadaire qui est en même temps le jour de la grande prière du vendredi2. Le religieux veut primer sur le séculaire. Sur un autre plan, il reste vrai que la pratique du jeûne (ramadan) et la pratique sportive. sont le plus souvent incompatibles3. Lorsque les compétitions internationales se déroulent pendant le mois sacré du ramadan, certains joueurs des équipes nationales algériennes sont totalement perturbés par le jeûne au niveau de leurs biorythmes, de leur entraînements et de leurs relations sociales. Pour cela, le Conseil supérieur islamique a de tout temps autorisé les joueurs à rompre le jeûne. Ce fut le cas des footballeurs de l'équipe nationale sans que cela ne pose le moindre problème4. Lors du Mundial de 1986 à Mexico, les joueurs de l'équipe algérienne de football qualifiée sont autorisés à ne pas respecter le jeûne du ramadan par le conseil islamique et personne ne trouve à redire. Cependant, durant les dernières années de la décennie 80, les sportifs font preuve de rigorisme religieux et moral. On peut citer à titre d'exemple les joueurs de l'équipe nationale de hand ball qui invoquent le ramadan pour refuser de participer à un stage se déroulant en France, préparatoire à la Coupe d'Afrique de 19895.
1 Au coup de sifflet de l'arbitre
à la mi-temps,
les points d'eau sont totalement
pris d'assaut
pour les
ablutions. Puis dans une agitation fiévreuse chacun étale une serviette, un bout de carton pour le rituel de la prière. 2 A la demande expresse du ministère du culte, le repos hebdomadaire 27 août 1976.
3 Dans une étude intitulée
passait du dimanche
au vendredi,
le
« Sport et ramadan », un médecin tunisien, I-J. FA Y AL, coordinateur scientifique de l'académie du CISM, soutient que le jeûne du ramadan représente pour l'organisme du sportif une épreuve qui est objective par une réduction des possibilités athlétiques. Le dérèglement alimentaire et la fatigue des veillées nocturnes traditionnelles s'ajoutent à cette baisse de rendement de l'activité sportive. ln Algérie -Actualités, n01229, semaine du 4 au 10 mai 1989_ 4 Le recours à la fatwa n'est pas réservé aux seuls sportifs. Les travailleurs des hauts fourneaux du complexe sidérurgique d'El Hadjar (Annaba) ont bénéficié d'une fatwa les autorisant à rompre le jeune pour pouvoir travailler. 5 Cet incident est relaté dans Algérie-Actualités, n° 1229, semaine du 4 au 10 mai 1989.
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B L'islamisme algérien et le sport: entre réthorique et action 1) Les islamistes algériens, réformistes pendant la colonisation, s'attachèrent principalement au caractère puritain de la doctrine religieuse. La morale, clef de voûte de la société, a une place prioritaire. Le respect de la morale islamique, dans cette optique et dans l'esprit constitue la préservation immunitaire contre les dangers et l'unique et absolu moyen de permettre à la société de se purifier en retrouvant sa force et son authenticité, pour dépasser la crise existentielle, identitaire, politique qu'elle vit:el islam houwa el hal (L'islam est la solution). Moralisateurs, leur lutte sera dirigée contre principalement l'alcoolisme, la prostitution, les jeux de hasard et les «spectacles immoraux». Aussi, ils ciblent la jeunesse et s'intéressent à ses problèmes. Dans les années 20 et 30, la jeunesse musulmane leur apparaissait alors sous les traits suivants «des jeunes ignorants, qui étaient la proie des bars, des cafés et de la rue ». Ceux d'entre eux qui trouvaient du travail, se considéraient comme de simples outils animés, en dehors de leur travail, ils ne portaient d'intérêt à rien pas même à leur propre personne, ni à plus forte raison à la chose publique1, Les maux dont souffraient ces jeunes musulmans algériens que les réformistes se proposaient de combattre étaient surtout les vices, l'ignorance mais aussi la «désintégration» qui accompagnent la francisation. Les réformistes s'efforcèrent de susciter à travers le pays un mouvement puissant en faveur de la protection morale de cette jeunesse par la création de cercles culturels et le scoutisme qui avaient une mission éducative et une action sociale destinée à détourner les jeunes musulmans des tentations immorales. Ils consacrèrent une grande partie de leurs activités à ces s éducatives et sociales destinées aux jeunes et arrivèrent à investir quelques comités directeurs de clubs sportifs. Mais ils ne parvinrent pas à obtenir des résultats appréciables dans le domaine du sport. 2) Dès l'indépendance de l'Algérie recouvrée, ce faisant, les islamistes fondamentalistes donnant plus d'importance à la pratique religieuse et à la façon de vivre plutôt qu'au raisonnement, reprennent la lutte et le programme de l'association des Oulémas de moralisation de la société algérienne. Mais cette fois le sport féminin va être une 1 El Shihab, mars 1933.
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des cibles privilégiées et il n'aura point de répit. Avec la réislamisation rampante, c'est tout le sport, et même le sport masculin, qui subit leurs critiques et leurs propres normes et réglementations. En novembre 1963, des incidents éclatent et des condamnations émanant des chefs spirituels de l'islamisme vont concerner le sport algérien renaissant. Les premières victimes sont surtout les femmes sportives encouragées par le premier pouvoir populiste benbelliste. Ainsi, à travers cet enjeu sportif, se déroule en toile de fond «une véritable lutte entre deux projets de société distincts des deux tendances: celle moderniste, marxiste révolutionnaire construisant le socialisme, et celle des traditionalistes conservateurs et pro capitalistes partisans de l'Etat théocratique islamique ». Cette crise qui pose à travers le problème de la femme celui de la religion, de la «personnalité algérienne», et de la culture algérienne mûrissait depuis le début de l'indépendance. Lors du Ramadan de 1963, l'opposition Ben Bella-Khider débuta et se révéla au grand jour à la veille du Ramadan 19641. Le 5 janvier 1964 se tient à Alger à la Maison du peuple, une réunion organisée par l'Association Al Qiyam El Islamiya (les valeurs islamiques). Son fondateur Hachemi Tidjani, diplômé en sciences humaines de l'Université de Bordeaux, est alors secrétaire général de la Faculté des Lettres d'Alger. Une série de résolutions inspirées d'un Islam militant qui recherche la moralisation, la purification de la société algérienne considérée comme la proie de la dépravation occidentale, est adoptée, s'inscrivant dans la continuité du mouvement islamiste réformiste badisien. Cette série de résolutions est dénoncée vigoureusement par une lettre de 24 personnalités (dont un bon nombre d'intellectuels), parmi lesquels M. Mourad Bourboune, président de la Commission culturelle du FLN, pour qui «le langage d'Al Quiyam confine au fanatisme le plus rétrograde qui s'inspire aux sources les plus sectaires et les plus médiévales de la réaction féodalo-bourgeoise, la forme la plus chauvine et la plus arriérée de la réaction...Rêvant d'un Etat théocratique mis au service de certains intérêts de caste et de classe, les promoteurs de cette réunion ne visent en définitive qu'à stopper net la marche de l'Algérie nouvelle et à bloquer la dynamique révolutionnaire qui l'anime »2 Il faut rappeler que monsieur Tidjani 1 Annuaire de l'Afrique du Nord. Année 1964, p. 176. 2 Cette lettre fut publiée le 17 janvier par 3 journaux: d'Oran.
Le Peuple, Alger Républicain
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el La République
s'est déjà illustré en 1963 à l'occasion d'une conférence sur Nos femmes et l'islam, en déclarant dans une interview: Ne confondons pas vêtement décent et mode de Paris. Après avoir loué le général Franco qui a interdit le maillot «deux pièces» surIes plages d'Espagne, il suggère la création de «plages séparées pour hommes et pour femmes»1. Ainsi donc, les femmes algériennes sont au coeur du combat des islamistes. Lorsqu'elles accèdent à la pratique sportive, semi-dénudant leur corps, elles font alors l'objet d'intimidations et de menaces. En février 1965, quelques mois juste avant le coup d'Etat du colonel Boumédiène, les islamistes s'exprime leur désapprobation lors d'un événement sportif: un match de la première équipe nationale féminine de volley-ball sur un stade d'Alger. M. Ben Bella exprime son soutien et loue le sport féminin hygiènique et intégrateur de la femme dans la vie sociale algérienne. Au-delà du développement de corps resplendissants de santé et d'optimisme, nous voulons, par la pratique sportive, former une femme nouvelle, à la fois vigoureuse, dévouée à la collectivité, intégrée à la vie sociale algérienne. Le 14 février, pour le «Cross national du Parti», sur 3500 athlètes présents à Alger, il y avait 1200 jeunes filles, soit le tiers. A la remise des prix par le président Ben Bella, des milliers de filles et de garçons scandent Algériennes, faites du sport! Des filles au stade!2. Le premier président algérien Ben Bella a donc des positions modernes, féministes et encourageantes vis-à-vis du sport féminin. Sous er
Boumédienne, à l'occasion de la célébration du 1 novembre 1954, commémorant la lutte de libération, les islamistes concentrent leurs critiques. L'exhibition de jeunes musulmanes en short ne peut être de er
leur goût. Au défilé officiel du 1 novembre des jeunes filles à mobylette, membres des «Algériades», montrent leurs genoux. Elles sont dénoncées au prêche du vendredi suivant, par Abdellatif Soltani, prédicateur d'une mosquée d'Alger, qui lance l'anathème contre leur «indécence». Un événement similaire se reproduit, vingt cinq ans plus tard, lors de la victoire historique au 1500 m féminin au championnat du monde d'athlétisme en 1991 à Tokyo, de Hassiba Boulmerka. L'imam de la mosquée de Kouba dans un prêche incendiaire, le vendredi qui a 1 Annuaire 2 Annuaire
de l'Ajhque
du Nord. Année 1963, p. 555.
de l'Ajhque
du Nord - Année 1965, p. 229.
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suivi cette victoire s'était indigné de la «tenue scandaleuse» de la championne algérienne et la condamna au seul motif qu'elle a couru en maillot et en short verts et qu'elle ne doit jamais montrer ses jambes. Dans ses prêches, Soltani se prononce contre la liberté des femmes. Il est pour leur retour au foyer et condamne sans appel celles qui travaillent dans les administrations ou ailleurs. Il y voit la source du mal et de la corruption. Du côté officiel, les réactions sont vives. Dans un éditorial intitulé «Tartufferies», EI-Moudjahid1 attaque les «attardés» et déclare qu'il faut parler clair et net. Le 19juin, il n'a pas été mis un terme au pouvoir personnel qui s'était accaparé la Révolution pour permettre à d'autres de s'accaparer et personnifier la religion... Qu'on ne s'attende donc pas à un retour en arrière, à une remise en cause de nos options. Quant à l'hebdomadaire AlgérieActualité, il dénonce la pudeur qui cache les genoux découvre de sordides appétits et la morale bornée mesurant au mètre le tissu qui bande les yeux des peuples2. Cependant, auprès de l'opinion publique, le sport n'est pas tout dans l'évolution de la femme, mais il complète la conquête des femmes. Aussi, elle attache la même importance à l'élection d'une femme, Mme Oudali, en février, à la présidence du comité de gestion du complexe algérien de menuiserie et d'ameublement. C'est en effet la première femme qui accède à un rôle aussi important dans l'économie socialiste algérienne.'Une décennie plus tard Soltani justifie sa position en cupabilisant aussi bien le pouvoir politique que les familles, en particulier les pères de famille qui ont autorisé leurs filles à participer au défilé. Il écrit, à propos de cette affaire d'exhibition des jeunes filles et de la femme en général: Plusieurs journaux ont donné à ceux qui défendent l'islam et sa morale un qualificatif de « tartuffe », en référence à une pièce de Molière qui ne correspond pas à la réalité. La raison en est que, le 5 novembre 1965, dans mon sermon du vendredi, j'avais évoqué le défilé militaire organisé à Alger le 1er novembre en commémoration de la révolution de 1954. Dans ce défilé, que nous avions vu à la télévision, nous n'avions pas nié la force de notre armée [...]. Ce que nous dénoncions, par contre, et nous demandions que cela ne se reproduise plus, c'est qu'on ait jeté au beau milieu de cette parade des
1 El Moudjahid du 15 novembre 1965. 2 Algérie Actualités du 14 novembre 1965.
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jeunes femmes vêtues de façon scandaleuse, une petite partie seulement de leur corps était couverte. En ejjèt, la jeune jèmme qui représentait chacun de ces pays et apparaissait au devant des troupes portait une jupe! Cela ne pouvait être admis ni passé sous silence. Qui doit en être blâmé? Celui qui dénonce l'inadmissible? Non, tout le blâme doit aller, avant toute autre considération, à celui qui a fait venir cette jeune femme pour la jeter dans cette énorme armée de jeunes hommes et devant les spectateurs. Son père, qui accepte de découvrir le corps de sa fille et de la laisser marcher quasiment nue devant les spectateurs et les carrément des télévisions étrangères, est tout autant à blâmer [..]. La vérité, c'est que certains gouvernements musulmans, faute d'une éducation religieuse islamique suffisante, ne sont pas à hauteur de leur umma...1 Pour stopper l'offensive des islamistes d'El Quiyam et autres groupuscules intégrites, un conseil supérieur islamique est créé en 19662. Il est chargé de réaliser un certain nombre d'objectifs dont l'affirmation du véritable visage de l'Islam, l'extirpation de toutes les falsifications et fictions introduites dans la foi islamique, et l'élaboration de fetwa religieuses pour les institutions officielles et autres. Malgré ces précautions contre les dérives intégrites, le harcèlement continu des islamistes ira en s'accentuant. Une véritable guérilla offensive est menée contre la mixité en vertu d'un hadith selon les dires des islamistes: Il ne peut y avoir de tête-à-tête entre un homme et une femme sans que le diable soit le troisième. Cette affirmation illutre donc la proximité avec une conception bestiale de l'homme qui ne serait plus pourvu de raison ni de volonté. Il ne serait que pur instinct. En présence d'une femme, il ne peut avoir un comportement d'homme éduqué, raisonnable socialisé, évolué, pouvant contôler ses pulsions, ses envies, ses instincts. Et par un tour de passe-passe, on attribue son incapacité de maîtrise libidinale au diable. Contrairement à la définition de l'homme donnée par Schopenhauer où tout en ce monde, phénomène d'une part et nécessairement déterminé par les lois phénoménales est d'autre part en soi volonté, et volonté absolument libre, «1'homme islamiste» serait totalement irresponsable. La femme est la tentation du diable contre 1 Dans: AI Ma=daqia hia'asl al ichtirak, le mazdaqisme est la source du socialisme, 1974. 2 Décret n° 66-45 du 18 février 1966. J.O.R.A du 22 février 1966, p. 162 et 163.
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publié au Maroc en
laquelle il ne peut rien. Selon les hadiths touchant à la concupiscence charnelle, Les femmes sont les rêts du diable, la femme auxiliaire du diable en raison de l'instinct sexuel. Jusque là, ce sont les chefs islamistes et quelques militants qui mènent le combat idéologique. La violence physique contre les femmes apparait à partir de 1966/1967 à Alger. Le passage à l'acte est opéré. Les premiéres attaques sont l'œuvre de jeunes endoctrinés, fréquentant régulièrement la mosquée d'El Harrach et, où le cofondateur d'El Quiyam, Cheikh Mesbah Houidek, un islamiste d'origine paysanne, officie en développant des prêches antiféminin. Ces jeunes fanatiques sont les premiers qui vitriolent aux jambes des lycéennes trop court vêtues à leur goût ou portant des jeans trop moulants. Le terrorisme de la vertu commence alors. Le thème de la tenue vestimentaire va là aussi trouver sa place dans la lutte idéologique des islamistes. En 1970, le pouvoir algérien décide d'intervenir, et le 11 février, il démantèle une organisation «d'intégristes» islamistes, les Djounouds d'Allah. Le 17 mars, c'est l'association El Quiyam qui est mise en hors la loi. Cependant, ces deux mesures ne vont pas effacer les ferments de contestation de la place de la femme algérienne dans la société. La femme restera la cible privilégiée des islamistes. En 1982, les islamistes qui ont bénéficié d'une réelle tolérance, voire d'une certaine complaisance pour diffuser leur idéologie auprès de la population, ont cru que le moment était venu d'afficher publiquement leur objectif de prendre le
pouvoir ou de « l'islamiser ». Dans leurs prêches, leurs tractes et leurs discours, on décèle un véritable programme qui passe par la formation d'un gouvernement islamique et l'abrogation de la Charte nationale pour laisser place au Coran élévé au stade de texte suprême philosophique, politique, économique et social. A cela se rajoute une série de mesures de purification de la société algérienne dont la suppression de la mixité dans les écoles primaires, l'interdiction de l'instructiondes filles dès l'âge de douze ans, le rejet intégral des valeurs occidentales et la prohibition de l'alcool. Après avoir utilisé la violence physique contre les femmes, les islamistes passent à l'action violente armée. Le 8 novembre 1982, des explosifs sont volés dans une carière à l'Est d'Alger. Le 17 novembre ce sont des gendarmes motorisés qui sont attaqués à l'armement. Le Président Chadli réagit, car les intégristes qui ont bénéficié de tolérance et de complaisance
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pour diffuser leur idées auprès de la jeunesse, ont dévoilé leur objectif de la prise du pouvoirl. Il s'en suivit une chasse aux intégristes armés en janvier 1983 qualifiés de « bande criminelle» et une répression des militants. Mais cette fermeté sera de courte durée car malheureusement en 1984, une concession de taille est faite aux islamistes qui se trouvent renforcés. Le code la famille est adopté, les femmes sont reléguées au rang de mineures à vie et d'incapables. C'est la légalisation implicite de toutes les violences et les injustices à l'encontre des femmes algériennes. Chadli les traitera de « femmes qui désirent faire le couscous au jambon », plus tard Abassi Madani «d'épervier du colonialisme» et Ali Belhadj de «femmes qui cherchent à épouser quatre hommes à la fois» puisqu'elles veulent l'égalité avec les hommes qui eux ont droit à quatre épouses. Une opposition pacifique à ce code est engagée par un noyau de femmes universitaires d'Alger avec le soutien de quelques moudjahidates, (combattantes de la lutte de libération nationale). Mais à travers toute l'Algérie, de nombreuses femmes sont victimes d'agressions physiques et morales dans les cités universitaires, dans la rue, sur leur lieu de travai12. Les chefs islamistes sont en pleine ascension et l'islamisme est sur le point de l'emporter sur les laîcs. En 1989, le 21 décembre, une manifestation islamiste sous la direction de la Ligue de la Daawa islamique (regroupant plusieurs organisations et partis politiques). rassemble quatre cent mille personnes dont plus de cent mille femmes en hidjab (voile) séparées des hommes par un service d'ordre rigoureux, dénonçant «la recrudescence des agressions contre l'islam ». Le sport, la mixité, et les associations féministes modernistes sont l'objet de véritables diatribes et de discours haineux, calomniateurs et fallacieux contre «celles qui revendiquent le droit d'épouser plusieurs hommes» de la part des responsables islamistes. Ils ne sont pas loin de l'injonction au passage à la folie meurtrière. Leurs militants vont jusqu'à brûler le domicile d'une femme divorcée à Ouargla, au cours duquel un de ses enfants périt carbonisé. Cet incident est un tournant et la scène inaugurale d'une guerre contre les civils, hommes, femmes, enfants sans distinction qui s'annonce au
1 Dans leurs tracts et leurs discours, les intégristes se prononcent pour la formation d'un gouvernement islamique et l'abrogation de la Charte nationale qui sera remplacé parle texte divin le Coran. 2 Devant cette aggravation de la situation et le laxisme de l'Etat, le 8 mars 1989 eu lieu un rassemblement devant l'APN algérienne,
pour dénoncer les actes d'intolérance
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et les agressions.
nom de la morale islamique, et du commandement de «bien tenir la corde de Dieu ». En plaçant au dessus de tout: «faire le bien et pourchasser le mal », il s'en suit une intolérance qui produit une violence barbare. Ce ne fut pas une erreur, un égarement, un incident de parcours mais un crime sans excuse, impardonable, résultat de cette vision manichéenne qui allait rythmer la vie quotidienne des Algériens. D'autres manifestations du FIS sont organisées dans lesquelles s'exprime une violence de masse. Beaucoup de participants y prennent part. Le nombre impressionnant de manifestants donne une illusion de puissance aux chouyoukhs (les chefs islamistes) qui utilisent une espèce de lyrisme violent: si nous lâchons nos jeunes, ils boufferont les chars, donnant l'impression que tout est possible, que tout peut basculer en faveur du FIS et que rien ne saurait résister à une foule puissante électrisée et endoctrinée. En 1990, lors des championnats d'Afrique de judo qui ont eu lieu à Alger, et en présence de l'un des leaders du FIS, à l'époque maire d'Alger, Kamel Guemazi, la Fédération de judo avait annoncé qu'elle allait adresser une demande à la Fédération Internationale pour rendre obligatoire le port du foulard sur le tatami. Durant cette période, les sports de combat en particulier le judo et le karaté se développent et suscitent un engouement auprès des jeunes en Algérie. La Fédération algérienne du judo est présidée alors par un sympathisant du parti islamiste Hamas dont il fut le candidat à la députation à Bab El Oued à Alger. En 1994, ce président de fédération est nommé ministre de la Jeunesse et des Sports. Le mouvement de manifestation d'intérêt pour les sports de combat est amorcé dans les années 80. Pendant l'année 1983/1984, on dénombre plus de 25 000 pratiquants de karaté. Rares sont en effet les communes qui ne possèdent pas de section de karaté, sans compter les «salles sauvages» sans contrôle du ministère de la jeunesse et des sports. La Fédération gère le karaté, le judo, l'aikido, le vo-veitnam. La Fédération de judo totalise 13 133 pratiquants toutes catégories confondues (minimes, cadets, juniors, seniors) dont 235 filles. Elle vient en 2e position après le football qui lui totalise 80 266 pratiquants et bien avant l'athlétisme 10 190, le volley ball 9158, et le handball 8120. La boxe a 4452 pratiquantsl. Après tout, le FIS ne se contente pas du sport féminin, il 1 Source: pour un développement des sports. Mars 1985.
sportif de masse: communication
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présentée
par le vice-ministre
chargé
va s'intéresser au sport des jeunes. La moitié des joueurs composant l'équipe nationale de football portent la barbe et le bermuda sur le terrain. Au cours de déplacements en Europe, ils expriment ostentatoirement «leur islamité ». En Italie pour la préparation du match de Coupe du monde contre l'Egypte en novembre 1989, les joueurs écoutent ostentatoirement des cassettes de prêches de l'imam du FIS, Ali Belhadj. Ils font la prière à l'aéroport de Venise. C'est le cas aussi de l'équipe de sport de combat et celle de hand-ball dont quelques joueurs refusent les stages de préparation en France pendant le mois de Ramadhan. En 1990 lors d'un match de football en présence du n° 2 du FIS, Ali Belhadj, ce dernier décrète que les applaudissements sont illicites (haram) et donc interdits. Il s'appuie sur les prêches du prophète et ses réunions, où il n'y avait pas d'applaudissement mais des cris d'Allah Oua K'bar. C'est la première fois dans l'histoire du football algérien que les spectateurs terrorisés par les injonctions des islamistes, ne peuvent manifester leur joie pour les belles actions de jeu, ni pouvoir supporter leur équipe. Des sportives vont subir des agressions, d'autres font l'objet de menaces de mort. Au mois de septembre 19941, au complexe sportif Mohamed Boudiaf à Alger, des joueuses de l'équipe nationale de tennis sont agressées à cause du port du short à l'entraînement alors qu'elles se préparent pour le championnat arabe de tennis au Liban. L'enjeu sportif, cristallisant un certain nombre de problèmes primordiaux de société n'a pas échappé aux islamistes postindépendance, les épigones des Oulémas, successeurs de moindre niveau. Le sport est aussi un terrain de lutte pour une société islamique. La pratique féminine est ainsi condamnée sans appel. Au fond, ils n'ont pas repris la même tactique en ce qui concerne la jeunesse masculine. Au contraire dans leur pratique politique, ils manifestent un réel intérêt au sport encadrement parce qu'il est un sérieux concurrent, et non un moyen éducatif. Tout d'abord, le sport spectacle, faisant désormais partie intégrante de la culture juvénile peut détourner les jeunes de leurs sollicitations. Cela s'explique car le «désir de sport» particuliérement le football est très fort chez les jeunes algériens. Très peu échappent à cette fascination. On peut même dire que le sport-football est la «deuxième religion» de certains Etats musulmans. Cette question qui semble apparemment secondaire 1 Le Matin du 21 décembre
1994.
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n'est pourtant pas absente de leurs préoccupations. D'autre part, le stade en donnant l'occasion aux jeunes de «s'éclater» sans restriction et en drainant les immenses foules peut faire diminuer le nombre des fidèles des mosquées. C Pratique sportive féminine et représentations sociales. 1) Le poids de l'environnement socioculturel Il n'est pas inutile de rappeler, qu'il constitue déjà au départ un des traits négatifs à la pratique sportive féminine. Frantz Fanon dit que la fille algérienne a honte de son corps, de ses seins, de ses menstrues. Elle a honte d'être femme devant les siens, elle a honte de parler devant son père, de regarder son père. Et son père a honte devant elle. .. Lorsque la femme se substitue à lafille au moment de la puberté, il y a une sorte d'accord tacite qui veut que le père ne se trouve jamais face à face avec sa fillel. Au moment où elle se trouve en présence de son père et de ses frères, elle se tient avec les bras croisés sur la poitrine. Sur le plan des pratiques sociales, elle se cache dès qu'un homme même de la famille, rentre au domicile. Ce faisant, dans l'espace sportif, le corps n'échappe pas à cette règle. Il devient indisponible. La tenue vestimentaire sportive fait obstacle car entre le voile et le short, il y a un monde à franchir. Le voile (haïk blanc algérois, oranais ou noir du constantinois, la mlaia) était encore porté par un nombre très important de femmes algériennes: le hidjab, (en arabe, il signifie tout ce qui empêche d'être vu) arboré par de jeunes femmes, concomitamment au développement du mouvement islamiste, vient renforcer ce trait. Se pose alors pour ces femmes un obstacle majeur qui consiste à se «dénuder» (l'expression est des femmes elles mêmes) pour se mettre en tenue sportive. Le port du short est considéré comme indécent car il révèle le corps de la femme en particulier leurs jambes. Ce corps, «érogène», suscite le désir et des phantasmes d'appropriation de l'homme. Se mettre en short revient ainsi à étaler sa propre intimité au regard d'autrui. Pour l'éviter, il faut cacher son corps, le dissimuler. Le vêtement (voile, etc...) devient alors l'instrument de la pudeur. Sa valeur symbolique dépasse le simple niveau utilitaire pour faire ressortir la constance de la pureté féminine. 1 Frantz FANON, Sociologie
d'une révolution,
Maspéro,
1972, p 92.
250
La virginité et le problème du mariage. Dans la famille algérienne, la virginité symbolise l'honneur de la famille. Le fétichisme de l'hymen est très développé. La pratique des exercices pouvant lui faire perdre sa virginité, condition fondamentale pour se marier, sera évitée par la jeune fille algérienne. Tout cet ensemble va donc conforter la notion de horma (décence). La femme ne peut se produire publiquement. L'homme (le père, le mari, le frère), défend la respectabilité et l'honneur de la famille. A cela se rajoute la constitution d'un « no women's land» et la réduction de l'espace social féminin dans les grandes villes. Dans la capitale, à Alger, là où les femmes maîtrisent le plus grand espace du fait d'une plus grande tolérance et de l'anonymat qu'offre la capitale, on constate qu'elles ne sont présentes dans la rue que dans la journée (respectant tacitement une sorte de «couvre-feu»). De plus, aller au café, au cinéma seule est une gageure. Le seul lieu qui lui est reconnu est la maison. Celles qui veulent sortir de «leur espace naturel» rencontrent la violence des hommes et parfois même l'agression physique et l'agressivité à leur encontre. Ainsi les lieux de pratique sportive, de par leur extériorité et leur mixité, leur sont implicitement fermés (qu'il s'agisse de pratique sportive ou de spectacle sportif). Les exercices physiques ne sont admis et tolérés que dans des espaces exclusivement féminins. Cette pratique est incluse dans un complexe qui renforce l'image de la femme mère, épouse au foyer enfermée dans le cercle de ses tâches domestiques. Ces réticences sociales s'expriment à travers les statistiques et le taux très dérisoire de la pratique féminine, mais aussi au sein des institutions du pays]. 2) De l'indépendance à la Réforme Au lendemain de l'indépendance, la pratique sportive féminine débute. Certaines compétitions sont mixtes, à l'exception de quelques sports comme le football. Que ce soit dans le secteur scolaire, universitaire ou civil, la pratique sportive féminine est satisfaisante pour un début. Le sport scolaire connait une participation féminine 1 Selon la presse, les articles 7 et 8 de la loi sur le sport en ] 989, ayant trait à la pratique éducative de masse en milieu scolaire donnèrent lieu à des résistances et à des débats houleux, à l'assemblée nationale. Un très grand nombre de députés dont des femmes paradoxalement, s'opposèrent aux articles favorables à la pratique du sport féminin. Cependant, il ne faut pas se méprendre: les problèmes de fond n'étaient pas posés, notamment ceux relatifs aux objectifs recherchés d'éducation, de santé, à la pédagogie, aux contenus, la méthodologie ou la qualité d'un bon enseignement.
251
relativement élevée. Le Code de l'EPS (1975) du tout Etat socialiste, précepteur et inlassable démiurge, reconnait quelques obstacles à la pratique sportive dus aux préjugés et tabous dont est victime l'Algérienne, «mais l'EPS est perçue comme l'un des moyens susceptibles de contribuer efficacement à la promotion et à l'émancipation de la femme». 3) La période de la Réforme à nos jours. Selon quelques observations de terrain, et quelques entretiens, faits à Alger, la pratique féminine dans le mouvement associatif est liée au niveau d'instruction, au niveau culturel et social et surtout à la perception du sport par les parents. Mais elle reste assez réduite. Avec le développement de l'islamisme radical et son triomphe, le taux va chuter brutalement pour remonter timidement à partir de 1996. En 1995, le nombre de licenciés toutes disciplines confondues est de 923 938 dont 13,71 % de filles. Dans le monde du travail, pour l'année 1978/1979 la Fédération Algérienne du Sport travailliste (FAST), révèle qu'il y avait 192 femmes sur 75 778 licenciés, ce qui équivaut au taux dérisoire de 0,25%. En 1988, il y a 572 femmes sur 37 472 soit 1,52% . En 1992, 191 femmes sur 22 985 soit 0,83%. Dans le secteur universitaire, l'activité démarre en 1976 avec une centaine de licenciées (103) sur un effectif de 5 436, représentant 1,96%, mais le développement est en dents de scie. A Alger, avec quelques collègues professeurs d'EPS, nous avons animé pendant deux années des cours de natation pour les étudiantes de la cité universitaire de Ben Aknoun. Nombre de licenciées1 1980 1984 1986 1318 1679 1056
1987 1408
1988 1190
1989 881
Après octobre 88 et la légalisation des partis islamistes, le déclin du sport féminin s'accentue. Après une chute brutale, on assiste en pleine guerre des islamistes contre les civils et les laîcs à l'arrêt total à cause de la situation sécuritaire et du terrorisme islamiste qui 1 Source:
MJS. Fédération
Nationale
du Sport Universitaire
252
(FNSU).
n'épargne pas les femmes. Finalement, après quelques années le sport reprend à l'université mais le nombre de licenciées est très réduit : 3646 étudiantes licenciées en 19951. Dans le secteur scolaire. En 1976, sur 36 245 licenciés toutes disciplines confondues. 7 282licenciés sont du sexe féminin. En 1984, une enquête auprès d'anciens collègues et d'anciens élèves professeurs d'EPS, exerçant dans les établissements publics d'enseignement, montre que de nombreux professeurs d'EPS (professeurs, professeurs adjoints, maîtres d'éducation physique et sportive) déclarent unanimement qu'ils se retrouvent souvent avec seulement quelques élèves. Tous les autres, ont ramené des certificats médicaux de complaisance attestant toutes sortes de maladies. A cet absentéisme se rajoute l'absence de moyens matériels et de bonne volonté de la part des responsables «concernés»2 Mixtes jusqu'aux années 80, les cours d'EPS sont de plus en plus séparés. Les filles pratiquent à l'abri des regards de leurs camarades garçons, en salle, dans les gymnases, en survêtement et parfois avec un foulard sur la tête. En 1994, si dans les petites catégories d'âge la pratique féminine est relativement fournie. A l'inverse dans les autres catégories, elle est presque inexistante3. L'islamisme a renforcé son contrôle et son influence sur la société algérienne et plus particulièrement sur les femmes. En 1995 le sport scolaire totalise 181 872 dont 37 331 filles soit 3,1 % de la population scolarisée. Pour la même année, le Président de la Fédération Algérienne des sports scolaires (FASS), Mr Si Mohamed Djamel, donne le chiffre de 7 millions d'élèves qui ne font pas de sport à l'école, bien que le caractère obligatoire du sport à l'école ait été à plusieurs reprises affirmé par les «textes fondamentaux de la Nation», le Code de l'EPS et la Loi de 89. La FASS estime à 201 136 licenciés pour 6900 ACSS réparties en 48 ligues scolaires4 La pratique libre, non institutionnelle se déroule principalement au centre féminin de Ben Aknoun à Alger. Inauguré en 1978, il est conçu au départ comme un centre destiné surtout aux enfants des écoles avoisinantes. 300 fillettes y sont inscrites. Mais 1 La Tribune du 24 juin 1996. 2 En 2005, dans le secondaire, seules 228 femmes sur 2.650 professeurs d'EPS, 413 élèves) assurent des cours d'EPS. Source: rapport CNES 2005. 3 El Watan du mercredi 12 avril 1995:Paroles d'enseignants: Mme Leïla d'enseignement fondamental/sport - BECHAR. 4 El Watan du mercredi 12 avril 1995.
253
(soit I enseignant
pour
MOULA Y, professeur
progressivement, il change de vocation. Il est mis essentiellement au service des femmes privilégiées, celles de la nomenklatura et des classes aisées qui bénéficient quant à elles de plages horaires réservées et de passe-droits pour la pratique de la natation, de la gymnastique, du sauna et de la musculation. Pour le reste, la fréquentation est payante. Ce sont des cadres féminins supérieurs et des cadres moyens essentiellement qui le fréquentent. Certaines viennent des environs de l'algérois et même de Blida, Rouiba et Médéa. En 1978, on donne le chiffre de 2000 adhérentes. Un court moment, il est ouvert aux étudiantes de la Cité Universitaire de jeunes filles, mitoyenne du centre et aux jeunes filles des écoles du sport d'Alger. Mais pour le discréditer, une véritable campagne d'intoxication est menée par la vox populi. Comme à l'accoutumée, la rumeur le transforme en un lieu de débauche «des puissants ». et que «son sauna serait équipé de caméras pour la production de films pornographiques ». Afin d'obliger les clubs à développer le sport féminin, dans les années 80, des mesures parfois très autoritaires sont prises par les décideurs algériens du ministère de la jeunesse et des sports comme l'injonction faite par les fédérations à tous les clubs de créer et d'engager au moins une équipe féminine. Cependant, malgré ces contraintes, il n'y a pas eu de grands résultats. Le seul club essentiellement féminin est la jeunesse sportive féminin d'Oran (la l.S.F.O). En 1991, le MlS prend une autre mesure incitative et d'encouragement de la pratique sportive féminine en décidant d'accorder une subvention aux associations sportives qui possèdent une section féminine senior. Là aussi, les résultats sont insignifiants. Le taux de pratique physique et sportive comme indice de la manifestation d'intérêt à ce fait culturel moderne et de liberté des femmes algériennes dans la société, reste un comportement minoritaire et insignifiant. La formation des cadres féminins reste très faible.En EPS, pour répondre aux besoins pressants des lendemains de l'indépendance, un programme d'urgence de formation de monitrices et de maîtresses d'EPS est mis en place pour doter les structures d'enseignement moyen et secondaire d'un minimum d'éducatrices.
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1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975
Monit H 165 182 153
F
44 266 323 281 127 193 120
0 9 25
Maît H 23 70 101 98 57 18 81 103 111 103 81 110
F
ProAdj H
F
Prof H
F
9 22 41 49 62 70
1 3 6 8 9 6
12 8 19 17 21 14
1 7 7 4
0 2 8 0 6
9 4 4 6 3
Mais jusqu'à la Réforme, la proportion des femmes formées: monitrices, maîtresses, professeurs adjoints ou professeurs d'EPS, reste très faible1. Seules les années 70 et 71 atteignent le plus gros chiffre de l'histoire de l'EPS féminine avec 76 et 68 monitrices et 19 maîtresses d'EPS. Le professorat ne dépasse pas le nombre de 7. Dans le domaine du sport, même avec la réforme de la formation des cadres, le nombre de femmes formées n'augmente pas. Il est même dérisoire. La formation spécialisée va accuser une chute. L'entrainement sportif n'attire pas beaucoup les filles contrairement à l'enseignement de l'EPS. Il oscille entre 2,3% et 6,5%. La profession est essentiellement masculine. En 1981-1982, 2 filles sur 84 techniciens supérieurs du sport, ont été formées, soit 2,3% ;10 filles sont en formation à l'ISTS d'Alger sur 154 conseillers du sport, soit 6,5%, et 8 filles sur 183 techniciens supérieurs du sport, 4 %. En 1982-1983, 8 filles sur 122 conseillers du sport sont à l'ISTS d'Alger soit 6%,et 20 filles sur 317 techniciens du sport pour les 4 ITS en Algérie soit 6%2 En refusant l'ordre de faire le silence total sur le corps des femmes, le sport établit un nouveau rapport corporel. Il permet de rejeter tous les préjugés envers le ludo-moteur, le culte du corps et les appréhensions irraisonnées de l'éducation physique et sportive. Il 1 Source El Moudjahid du 15-16 juin 1975, Conférence Mr Abdallah FADEL: bilan de la années- 1965- 1975. 2 Bilan des activités 1982. MJS Alger.
de presse du ministre de la jeunesse
255
et des sports,
établit une conception du corps comme lieu de plaisir et de jouissance et une esthétique qui n'est plus niée, cachée. La pratique physique et sportive a une valeur éducative. Elle permet de refuser une morale culpabilisante surtout chez les femmes et le port d'une tenue sportive appropriée. D'autre part, elle exerce une véritable révolution du comportement physique, social et de communication. Elle situe l'individu dans la trajectoire d'un devenir moderne et non plus dans des références obscures éculées. La réduction de l'espace social féminin dans le monde musulman1, conjuguée à l'absence d'une pratique d'activités physiques et sportives féminins confortent la femme dans son statut de dominée. En se trouvant donc exclue de certains espaces, c'est une limitation de sa liberté. Aussi, la conquête du stade, espace public, pose la question égalitaire de l'homme et de la femme et de la mixité face à cette activité ludique et hygiénique renforçant sa santé. Le regard de l'homme est neutralisé et cet espace public comme l'école, devient neutre par le dépassement de l'interdit de la pratique physique en présence du sexe masculin. La pratique sportive est une conquête d'une liberté ludomotrice sous contrôle comme la musique, l'art, la peinture et une remise en cause de cette influence prépondérante exercée par les institutions religieuses sur le corps social. Ainsi, comme au moment de son apparition et de son appropriation par les Algériens pendant la période coloniale, on est en pleine équivalence de la sécularisation2.
~ 2 La
résistance des»supporters»
au sport étatique.
La politique sportive des décideurs algériens n'a jamais laissé indifférent le monde du sport. Elle fut un réel terrain de confrontation entre le pouvoir et les dirigeants et particulièrement les supporters. Ces manifestations de refus et de désaccord s'expriment dans plusieurs registres. Nous aborderons un qui nous semble le plus pertinent: la signalétique plus particulièrement les noms et sigles des
1 Le café, la rue, etc... En Arabie Saoudite, les femmes ne peuvent même pas conduire de voiture. 2 Alors qu'en France le mouvement de sécularisation du sport n'a jamais pu déposséder les Eglises et les mouvements de jeunes chrétiens de la pratique du sport, ni de son caractère religieux. Seule la notion de salut a été remplacée par la santé et l'éducation.
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clubs de football. Leur évolution et les différentes modifications subies, génèrent une résistance au MJS et à la FAF. Tout d'abord, les clubs de l'indépendance vont subir une « dépolitisation» au sens où ils ne sont plus aux mains d'organisations politiques. Contrairement aux clubs de la période nationaliste qui étaient des «lieux politiques» et utilisés par les partis nationalistes, ils n'expriment plus une conviction militante. Ils perdent la fonction politique nationaliste de la période coloniale. Une nouvelle caractéristique apparaît. On assiste alors à une nouvelle orientation de l'objectif qui devient la recherche de la sociabilité, de la convivialité et du plaisir ludique. C'est une reprivatisation du mouvement sportif. Cependant, la rupture de cette neutralité s'opère avec la Réforme, ils se repolitisent en devenant des instruments du pouvoir politique. A Sigles des clubs et symbolisme 1) De 1962, date de l'indépendance et de la reprise des activités sportives, jusqu'en 1972, les clubs renaissent avec leurs anciens sigles: le MCAlger, l'USMAlger, la JSKabylie, le NAHusseinDey, l'USMBel Abbés, l'USMKhenchela, l'USMSétif, l'USMMaison Carrée, l'USMBlida, l'ESSétif, la JSDjidjelli, le MOConstantine, l'ASMOran, le MCOran pour ne citer que ceux-là. Ces noms de clubs et leurs sigles1 sont préservés car ils sont chargés positivement. Ils possèdent des significations sociopolitiques de résistance et de lutte d'une époque historique de l'ère coloniale. A l'inverse, les autres noms de compromission doivent logiquement disparaître. C'est le cas des noms hybrides franco-arabes, ou franco-musulmans dont les références ne sont plus de mise. Dès lors, même la lettre M des sigles des anciens clubs musulmans perd son signifié: «musulmane»2 En effet, l'Algérie ayant accédé à l'indépendance, serait uniquement arabe et musulmane et il n'est point nécessaire de le confirmer. Les clubs n'ont plus aucune
1 Pour les supporters, les «sigles» des clubs algériens sont la partie la plus visible de la transformation. 2 De toutes les appellations d'associations musulmanes, seule celle des scouts algériens ne changera
La particule
«
pas.
m », musulmane, est préservée, alors qu'il n'y a plus de scouts européens et juifs dans
l'Algérie indépendante. En effet, au congrès national de l'indépendance, le dimanche 7 octobre 1962, les scouts ont désigné leur comité et élu leur bureau. Ils ont voté une motion sur l'orientation religieuse. « L'islam est à la base de l'éducation morale du scoutisme algérien et tout scout en adhérant au mouvement accepte de respecter et d'observer les principes fondamentaux de l'islam ». Afin de donner toute signification à cette motion le mot «musulman» figurera dans le sigle de l'association « Scouts Musulmans Algériens ».
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raison de signifier leur appartenance ethnique et religieuse, puisque toutes les constitutions algériennes garantissent l'arabité et l'islamité de l'Algérie, appelées «constantes de la Nation». Il apparaît donc, que les noms des clubs ne sont plus déterminés par des choix politiques. Ils deviennent neutres et purement sportifs. Cependant, l'imaginaire populaire, la ténacité des mythes et l'attachement au club historique étant forts, les responsables et les supporters des clubs n'arrivent pas à accepter le changement. Ils gardent intégralement le nom et le sigle du club originel. Ils donnent alors une autre signification à la lettre M qui devient madinet, désignant en arabe la ville ...Ainsi, la JSMB, la Jeunesse Sportive Musulmane de Bougie s'appelle la Jeunesse Sportive Madinet Bejaîa. Le mot madinet, remplace le signifiant musulman, car pour l'histoire et les Bougiotes, c'est l'éternelle JSMB. Cette accommodation se fait pour l'ensemble des clubs algériens ayant existé avant l'indépendance. L'USMA, l'Union Sportive Musulmane d'Alger est l'Union Sportive de la Médina d'Alger. Pour les supporters, le sigle du club sportif auquel on se rattache est immuable. C'est l'éternel et réel lien social. Il peut remplacer le père, la mère, l'amante, la maîtresse et parfois même, Dieu. Ainsi à la volonté permanente des décideurs de rompre avec le passé s'affirme une effective opposition des supporters. 2) En 1972, une campagne d'arabisation forcenée touche l'ensemble de l'Algérie dans tous les domainesl. C'est une concession politique de taille qui est faite aux bâathistes du FLN (bâath :résurrection, parti socialiste arabe) et dans les flancs desquels se cachent les islamistes. Elle prend le caractère d'une véritable guerre sainte contre la francophonie: arabisation complète des écritaux publics, des devantures des édifices publics et usage exclusif de la langue arabe dans toutes les réunions, rendant «muettes» les élites francophones algériennes qui progressivement sont marginalisées et écartées de la scène nationale. Les clubs sportifs, pour leur part, sont sommés d'arabiser leurs sigles. Seulement le sport où on trouve très peu d'arabophones et beaucoup de francophones, tout en optempérant à l'injonction du pouvoir, va résister encore une fois à sa manière. En développant et en mettant en des capacités d'adaptation sans perdre le 1 Cette période fut inaugurée par la Réforme de l'Enseignement Supérieur, l'introduction nationale dans toutes les disciplines, et l'arabisation totale de plusieurs enseignements sociales (dans un premier stade, la philosophie et l'histoire)
258
de la langue des sciences
problème de fond, «réel rationnel », il va pratiquer un véritable «homéomorphisme». Ainsi donc le sigle du club de football en français est préservé, mais le nom change. Seule sa consonance est arabisée. La Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK) devient la Jamaa Serri Kawakabi. Le groupe ethnique disparaît de la dénomination. La Jeunesse Sportive de Jijel (JSJ) anciennement la Jeunesse Sportive Djidjellienne, devient le Jil Selb Jijel. La JSBordj Menaîel (JSBM) le Jil Sakanine Bordj Menaiel. L'ESM Guelma (ESMG), Etaradji Sari Mécanique Guelma. Néanmoins, cette résistance n'a pas la même intensité dans tous les clubs. D'anciens sigles disparaissent car ils sont entièrement arabisés. D'autres apparaissent. Les Unions sportives deviennent les lttihad comme l'Ittihad d'Alger, l'Union d'Alger pour l'USM Alger, l'Ittihad Bel Abbès pour l'USMBel Abbès, les Widad, tels le Widad de Tlemcen et le Widad de Sétif (Entente de Sétif), Hamra Annaba, l'ex- USM Annaba. En revanche tous les maillots sportifs ne portent que des inscriptions en arabe. Le pouvoir algérien refuse toute vue fonctionaliste et rejette arbitrairement les anciens sigles bien qu'ils renferment une véritable histoire commune faite d'événements renforçant le sentiment d'appartenance à des quartiers, aimantant une solidarité et une certaine fraternité entre les supporters, les joueurs et les dirigeants (communauté familiale, de voisinage). Il n'admet pas leur importance. Par là, il ne reconnaît pas cette attache très forte du groupe et le rôle du symbolique sportif dans la vie sociale et dans la construction du patriotisme. Il veut effacer totalement ces représentations. D'ailleurs, il va justifier son coup de force en faisant croire fallacieusement et naïvement que la langue, en l'occurrence l'arabe, va changer l'imaginaire des supporters algériens et «préserver le football de tous les maux et notamment de la division et de la violence »1. Cependant, la situation est assez désastreuse. Boumediène envisage alors, en avril 1977, une «pause de l'arabisation ». Il nomme Mostefa Lacheraf (un bilingue) à l'Éducation nationale et Abdellatif 1 Ce faisant, le pouvoir algérien ne prend pas en compte au niveau de la dimension cognitive, de la psyché, l'histoire collective transgénérationnelle des supporters et de l'encadrement que l'on retrouve, dans la théorie psychanalytique de Jung, sur les unités fonctionnelles dont se constitue l'inconscient collectif et qui sont les archétypes. Bien sûr, ces composantes ne doivent pas être concues comme des systèmes fixes ou statiques mais comme des systèmes dynamiques pris dans un processus ininterrompu d'interactions et de transformations. Sur le plan de la dimension pragmatique, c'est-à-dire du social historique, Bourdieu parle de l'incorporation des habitus et la transmission des comportements et des représentations. Il attribue au terme d'habitus la capacité de reproduction (mémoire du passé et production d'un avenir) et une capacité d'invention. « L'habitus est une machine transformatrice qui fait que nous reproduisons les conditions de notre propre production mais d'une façon imprévisible ».
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Rahal (un francophone) à l'Enseignement supérieur pour redresser le système d'enseignement. En fait cette pause est de courte durée. Après sa maladie et ensuite sa mort le 27 décembre 1978, l'arabisation reprend. Pour la parachever, une loi préparée par Mouloud Kassim Naït Belkacem (un kabyle)1 en 1989, sur le modèle français de la «loi Toubon» du 31 décembre 1975, est votée par les députés le 17 novembre 1990 et publiée au Journal Officiel le 16 janvier 1991. Elle impose sous peine de sanctions, la généralisation de l'emploi de la langue arabe pour 1993. 3) En 1978, durant la période de l'économisme avec la Réforme sportive et l'intégration des clubs sportifs dans le secteur économique, les sigles se transforment encore. De nouvelles dénominations apparaissent signifiant une autre appartenance, essentiellement économique. Ce sont les suivantes: Tableau des nouveaux sigles des clubs entreprises et les institutions étatiQues Sigle Nom du club JET La Jeunesse Electronique de Tizi Ouzou RSK Read Solb de Kouba
MAHDCNAN WOB
Mouloudia des pétroliers d'Alger des Union Sportive Mineurs d'El Harrach Chabab mécanique de Belcourt Milaha Athlétic Hussein Dey-CNAN Widad OFLA Boufarik
JSMB
Ji! Sakanine Bordj Ménail
MPA USMH CMB
1 Originaire de la Soummam, université Fouad [Odu Caire, ce libération nationale le conduit l'opinion publique allemande à sa formation d'arabophone.
sportifs suite à leur intégration
dans les
Société ou Institution de Rattachement ENIEM, Entreprise Nationale des Industries Elcctroménagères de Tizi Ouzou. EMB, Entreprise Nationale d'Emballage Métallique, restructuration de la SNS SONATRACH ENMR, Entreprise Nationale des Recherches minières, restruction de SONAREM EN.DVP, Distribution de véhicules particulier. restructuration SONACOME CNAN, Société Nationale des transports maritimes, SNTM ENAFLA, Entreprise Nationale d'approvisionnement et régulation des fruits et légumes, restructuration OFLA BCR, Entreprise Nationale de production de boulonnerie, coutellerie, robinetterie restructuration SONACOME
il a terminé ses études à Tunis. Licencié de philosophie de l'ancienne kabyle arabophone venait de s'inscrire à la Sorbonne quand la guerre de en France, en Allemagne fédérale et en Scandinavie pour sensibiliser la question algérienne. Cependant ce séjour en Europe n'influencera pas
260
GCRM
Ghali Chabab Rai Mascara
ESMBA
Electronique Sarir Madinet Bel Abbès
MPO
Mouloudia d'Oran
ASCO
Association Sportive des Chimistes d'Oran Widad Mouassasset Tlemcen Jamaat Chabibet Madinet Tiaret Entente des Plasticiens de Sétif Etaradji Sari Mécanic Guelma Wifak Khacheb Feline Collo Université Sportive Mostakbal Annaba Amal Madinet Ain M'Lila ChIef Saad Olym ie
WMT JCMT EPS ESMG WKFC USMA AMAM CSO
des
pétroliers
ENCB, Entreprise Nationale des constructions de barrages, restructuration SONAGHTER ENIE, Entreprise Nationale des industries électroniques restructuration SONELEC NAFT AL, Entreprise Nationale de raffinerie e de distribution de pétrole, restructuration SONATRACH ENEVA, Production de verre, restructuration de la SNIC Gérée par la Wilaya 18 entreprises participent au financement de cette ASP SNVI, Société Nationale de Véhicules Industri I restructuration SONACOME ENPC, Entreprise Nationale de Plastiques et de Caoutchouc, restructuration de SONATA ENPVD, Entreprise Nationale de Production de véhicules particuliers cycles, motocycles ENMGP, Entreprise Nationale de la Menuiserie Générale et du Préfabriqué Université de Annaba (9000 étudiants) Conseil Municipal des Sports APC et APW
Ce deuxième changement donne naissance à des appellations parfois pittoresques et à des travailleurs sportifs. Les sportifs deviennent des travailleurs prolétaires d'un genre nouveau, intégrés dans le procès de travail. Ce sont les «pétroliers» d'Alger, de Sétif, les «mécaniciens» de Belcourt, de Constantine de Guelma, les «chimistes» d'Oran, les «plasticiens» de Sétif, les «électroniciens» de Tizi Ouzou, les «mineurs» d'El Harrach. D'autres transformations concernent les maillots des clubs qui subissent un total changement. Ils perdent les anciennes couleurs symboliques et se conforment aux nouvelles couleurs et aux sigles des sociétés auquelles ils sont rattachées. Sur les maillots des joueurs sont affichés les noms des sociétés nationales. L'équipe du Mouloudia porte celui de la Sonatrach. Pour les décideurs politiques, cette reformulation aurait des aspects positifs dans la mesure où les sigles renvoient à des opérations
symboliques nouvelles qui font prévaloir « l'identité économique» sur l'identité
ethno-groupale
ou le sentiment
261
d'appartenance
régionale,
locale (l'esprit sectaire et de clocher; le sigle JSK signifie Je SUiS Kabyle). Après l'arabisation, l'économisme produit un bouleversement total qui se pose pour la première fois avec l'événement de la réforme sportive. En 1986, les responsables des comités des clubs qualifiés d'« esprits nostalgiques» par des tours de passe-passe, reprirent petit à petit leurs sigles originaux. Pour faire obstacle à cet état de fait, une directive du ministère de la jeunesse et des sports ordonne que l'ensemble des ASP doit impérativement changer de sigle pour l'année 87/88. Les anciens sigles donnés à la hâte par la réforme ne seront pas gardés et on ne reviendra pas jusqu'aux sigles issus de la loi de 1901. Cependant une solution intermédiaire est prise. L'ancien sigle est simplifié. On obtient l'U.A, c'est-à-dire, l'Union d'Alger, le M.A, le Mouloudia d'Alger, le M.O le Mouloudia d'Oran, de Annaba, l'E.S l'Entente de Sétif, la J.B la Jeunesse de Belcourt, la JMB la Jeunesse de Bordj Menaîel. Là aussi, il y a un gommage de l'histoire des clubs. Malgré tous ces changements autoritaires, les clubs de football restent «
la mémoire », c'est-à-dire «la vie toujours portée par des groupes
vivants ». A ce titre, cette mémoire est en évolution permanente. Le pouvoir algérien ne l'a pas ouverte à la dialectique du souvenir et de l'amnésie. Inconsciente de ses déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations susceptibles de longues latences, elle a été essentiellement marquée par de soudaines et permanentes revitalisations. La mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel!, nous dit Pierre Nora. Ce sont de véritables héritages.
B Illusions et désenchantements de la jeunesse sportive 1) La gestion, le financement et le contrôle sont touchés aussi par la Réforme qui ne concerne pas uniquement les signes manifestes et visibles. Toutes ces responsabilités sont assumées par des fonctionnaires nommés par le ministère de la jeunesse et des sports. Non élus, ce sont de nouveaux bureaucrates du secteur public. Cette transmission de pouvoir entraîne une conséquence majeure. Les supporters se voient retirer la légitimité qui fonde leur influence en tant que groupe de pression et de contre-pouvoir sportif formel. Les 1 Pierre NORA, sous la direction de, op. cité. La République,
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Tome I, p. 19.
citoyens sont dépossédés totalement de leur club sportif, puisqu'il va appartenir au secteur économique et aux institutions déconcentrées de l'Etat, des entités morales. On passe du sentiment d'appartenance locale du quartier, de la ville à un nouveau sentiment d'appartenance économique, industriel, technique, non accepté parce que sans fondement historique et sans imaginaire. En réalité, le but du pouvoir politique est de mettre fin à la liberté d'association des clubs dits privés qui seraient selon lui de véritables bastions du chauvinisme et du régionalisme, sources de la violence fratricide dans le sport. L'officieux journal du parti du FLN, El Moudjahid écrit, on sait oÙ nous a conduit la politique des clubs civils, sortes d'associations privées, fermées sur la grande masse des citoyens qu'on relégue au simple rang des spectateurs passifs et inertes dont on chatouille les fibres sensibles pour en faire des régionalistes, des chauvins, et partant des éléments nuisibles qui peuvent exploser d'un moment à l'autrel. Espérer assister à un transfert de rivalité du terrain régional au terrain économique, à de nouveaux enjeux, constitue une autre utopie du pouvoir. Toute l'histoire des clubs de football est effacée et leur neutralisation par la transformation de leur vocation première et de leur signification devrait entraîner une perte d'identité. Ils vont donc rentrer dans la bataille de la production en devenant de simples unités économiques. La référence à l'appartenance au quartier, à la commune et à la ville, disparait. Les Algérois, les Blidéens, les Harachis, les Koubéens, les Djidjelliens, les Oranais sont occultés. Même lorsqu'une concession est faite au rappel du quartier ou de la ville, ils restent les Harrachis de la Sonarem, les Koubéens de la Sidérurgie, etc... Ce changement s'observe aussi au niveau de la presse et des comptes rendus de matchs. Les clubs sont nommés principalement par rapport au rattachement à leur entreprise, parfois par rapport à l'entraîneur: les hommes de..., et accessoirement par rapport à une vedette du club, les coéquipiers de ...Ces changements de sigles ont des répercussions négatives sur le plan des représentations, de l'imaginaire et des pratiques des sportifs. Chez les supporters, on remarque un affaiblissement de leur participation, et parfois une véritable démobilisation et désaffection à cause des nouveaux sigles qui ont perturbé la symbolique des clubs. On nous a enlevé le goût du
1 El Moudjahid
du 17 août 1977.
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supporter disent-ils. Ils se plaignent ainsi du changement, à chaque match, de couleurs et de motifs des équipes. Ces signes ne représentent pluss un moment d'histoire. Electricité, mécanique, électronique. On dirait un magasin de pièces détachées, ironisent-ils. Ces supporters sont très attachés aux anciens sigles et aux couleurs des clubs. En réalité cette résistance au changement n'est pas totale. Une légère concession est faite car ils ne sont pas contre l'affichage des noms des sponsors sur les maillots des joueurs à l'instar des clubs européens qu'ils suivent à la télévision. De toute manière, le club reste celui qui a été créé historiquement. Ce tiraillement entre l'ancien et le nouveau se résume dans cette prise de position de ce supporter qui déclare quand on perd, je dis que l'USKA a perdu (la nouvelle appellation). Quand on gagne, je dis que c'est l'USMA (l'ancienne appellation). On la célèbrel. Dans les tribunes des stades, la résistance à la nouvelle dénomination des clubs se voit aussi sur les banderoles fièrement exhibées et qui s'entêtent à arborer les noms des anciens clubs: «Vive JSK» et «Allez MCA», malgré sept ans de réforme. L'histoire est tenace. Cette résistance n'est pas le monopole des seuls supporters. Certains comités directeurs tiennent ferme face au MJS et à la FAF et opèrent un retour aux anciens sigles. C'est le cas du club universitaire de Constantine créé en 1983 qui avait pour sigle AJ.C qui redevient le MOC (Maahid Ouloum de Constantine). L'arabisation des sigles va aider à la légitimation de ce retour et à son acceptation. D'autres clubs suivront: Relizane, Annaba, Bordj Ménael et Blida. La presse spécialisée nationale dénonce ce phénomène. Elle attire l'attention des responsables du sport sur les conséquences de ce retour aux anciennes appellations. Elle estime qu'il peut favoriser davantage des mentalités de clubards et de chauvinisme. Pour elle le sigle n'est pas une question de forme comme veulent le faire croire «certains nostalgiques» des clubs civils et peut avoir des conséquencs graves comme le retour des anciennes querelles. Constantine par exemple en adoptant le sigle de l'ancien Mouloudia peut pleinement remettre sur les tapis les divisions qui existaient avant entre les deux grands clubs constantinois, le CSC et le MOC d'autant plus que le club universitaire vient d'être confié à des personnes qui ont toujours
1 Algérie-Actualités
n0928, semaine du 23 au 29 février 1984.
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manifesté leur hostilité à la réforme sportive et ce pas plus tard qu'à trois mois de la conférence sur le mouvement sportif national1. Toutes ces oppositions et ces expressions, bien que se situant sur un terrain futile, marquent un désaccord avec le pouvoir politique. En 1986, le ministère de la jeunesse et des sports, fait quelques concessions mineures. Par la circulaire interministérielle du Il octobre 1986, il instaure des comités de supporters constitués par un bureau du comité pour un mandat d'une année (article 3) et par l'assemblée générale des supporters. Cette réapparition des comités de supporters2 va quant à elle, encourager à plus d'audace. On croit à une négociation avec les supporters, mais le parti unique autoritaire ne négocie pas. Il impose et se moque de la démocratie. Son monopole est intact. Néanmoins des comités de supporters subissent des dérives et se transforment en une espèce de corporation dans laquelle vont s'introduire des «opportunistes et des affairistes» qui se déclarent gardiens et dépositaires de l'histoire du club. Ils deviennent un enjeu et lors des élections pour le renouvellement des comités directeurs, on n'hésite pas à utiliser la violence physique. On peut citer le cas de celui du deuxième club historique algérois, l'USMA, qui renoue avec les bagarres, l'apparitions de couteaux, les chaises cassées, la peinture étalée par terre et d'autres procédés qui donnent une idée sur la moralité et le sens des valeurs humaines animant les personnes à la
tête du comité3.Pour leur faire contrepoids, on crée des « associations des amis de tel ou tel club », en réalité sans grand résultat. 2) La politique des islamites Avec l'instauration du multipartisme, à partir de 1988, la victoire du FIS aux élections communales de 1989, le sport en général et le football en particulier vont subir la concurrence de l'islamisme. Les préoccupations sportives et hédoniques des supporters commencent à passer au second plan. Une sorte de désacralisation du sport est perceptible. On constate une baisse de l'intérêt manifesté au sport spectacle. De nombreux indices révélateurs le montrent. Tout d'abord le sport est délaissé pour les pratiques ostentatoires islamistes 1 Algérie-Actualités n0699 - semaine du 10 au 16 mai 1984. 2 Ces comités de supporters iront jusqu'à s'immiscer dans le travail des entraîneurs de clubs dont quelques uns eurent maille à partie avec eux, à diviser les joueurs et verser dans la démagogie et le populisme. 3 Le Doyen n013 du mois de février 1992.
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du FIS, parti auquel les jeunes s'intéressent et adhèrent en masse, comme le montre le nombre important de jeunes fidèles aux prêches des imams des mosquées qu'il contrôle, à ses meetings, ses marches et ses rassemblements militants dans les stades. A Alger, celui du 5 juillet arrive à contenir plus de 100 000 personnes. D'autre part, le championnat national de football interrompu à maintes reprises, ne suscite pas la moindre réaction chez les jeunes. Leur passion jusque là inégalée déserte les gradins pour s'exprimer d'une autre manière dans les rues. Ils déambulent dans les manifestations de rues pour manifester leur rejet du «système politique» et du FLN. Dans la plupart des cas, ils utilisent la violence, avec jets de pierres, invectives et agressions en tout genre. Ce n'est que quelques années plus tard, avec la mise hors la loi du FIS et son aventure armée, que les jeunes qui n'ont pas rejoint les maquis ou le terrorisme, reprennent le chemin du stade renouant avec l'amour du football. Dans le comportement des Algériens face au sport en tant que supporters, on remarque que le club sportif, donnée réelle, ayant traversé le temps, lieu « d'être ensemble» pour les jeunes, est perçu aussi par eux à l'instar des anciens comme un «lieu de mémoire », expression que nous empruntons à Pierre NORA1 et faisant partie de l'héritage2 et du patrimoine3 pour avoir incarné la nouvelle fratrie.
1 Pierre NORA, sous la direction de, Les lieux de mémoire, Paris Gallimard, 1984,7 tomes. 2 Dans les pays arabes musulmans, l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe, le sport n'est pas un héritage, mais une construction nationale. Voir Youssef FATES, L'Islam récupère le ballon, Libération. Paris, 2526 juin 1994. 3 Voir déclaration de Mr Ahmed BENHOURA secrétaire général de la Fédération algérienne de football: le football algérien fait partie du patrimoine Football.
national dans le numéro spécial de septembre
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1969 d'Algérie-
CHAPITRE II: SIGNIFICATIONS DES VIOLENCES D'AUJOURD'HUI Comme pendant la période coloniale, le stade, espace de jeu clos, devient un lieu pertinent d'expression de nombreuses formes de violence de la société algérienne par jeunesse interposée. La violence d'aujourd'hui ou néoviolence dans le sport, en prenant parfois des aspects barbares modernes à l'issue de la pacification de l'espace social, au coeur du processus de civilisation en construction dans la nouvelle Algérie, ne cesse de perdurer tout en faisant des ravages entraînant mort d'hommes. Ne serait-elle que la survivance «de poches de barbarie au coeur de ce procès civilisationnel », comme le dit Norbert ELIAS. Est-elle un simple héritage, un des éléments de
permanence, de « tradition, de naturalité », pour reprendre l'expression de Claude Filleule, un retour du refoulé, un bis répétita de la violence sportive d'hier, anticoloniale assimilée? Ou bien a-t-elle une nouvelle signification? Devant le manque de sources fiables et accessibles, du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice ou du MJS (documents officiels, statistiques, rapports, dossiers de synthèse, informations d'institutions spécialisées sur la violence dans les stades, comme ceux de la période coloniale que nous avons pu consulter), notre objet d'étude porte sur un corpus essentiellement constitué de divers documents écrits dont les comptes rendus de la presse nationale, quelques numéros d'Algérie FootbalPque nous avons dépouillés, et sur les témoignages des cadres du sport, les entretiens avec des supporters de clubs ainsi que sur la participation ob servante de notre propre fréquentation des stades de 1962 à 1966 dans le Constantinois et de 1966 à 1990 à Alger. La projection rétrospective du phénomène étudié couvre une période de trente cinq années, de l'indépendance à la décennie 90, une 1 Algérie Football est l'organe officiel de la Fédération algérienne de football dont le n01 date du 5 janvier 1963. C'est la continuité de l'organe officiel Algérie Football publié de 1956 à 1961 par l'Union des Ligues algériennes de football sous l'autorité de la Fédération française de Football. Dans ce bulletin sont consignés les réunions des commissions, les ordres du jour, l'homologation des matchs, le bilan financier, les stages d'arbitres, les incidents des matchs, les sanctions et le calendrier de la coupe.
véritable tranche de temps de l'existence du phénomène. Dans cette période étudiée, seront appréhendées les formes, les modalités et l'intensité du développement des expressions de la violence dans le temps, c'est-à-dire selon une approche évolutive temporelle diachronique de cette praxis de la jeunesse. Toutefois, une réserve est à faire: nous n'avons pas pu disposer de données statistiques dans une chronologie homogène et sans rupture de 1962 à nos jours. L'étude de ce «comportement négatif », véritable mouvement social de la jeunesse dans l'espace sportif, comportant des infractions d'atteinte aux personnes et aux biens publics et privés et de ses formes illégales qui n'en restent pas moins des expressions dignes d'objet d'étude à l'instar d'activités légales, concerne 3 périodisations que nous avons retenues de l'histoire du sport de l'Algérie indépendante: la première: de la reprise sportive de 1962 à 1976, la seconde: de la réforme du sport de 1977 à 1988, la troisième: de «l'après octobre 1988 » à nos jours, celle de la loi de 89. De nombreuses théories explicatives de la violence dans le sport, existent et émanent de sociologues, d'anthropologues, de psychologues, de psychanalystes, de juristes et de journalistes. Aussi, pour notre part, nous partirons simplement d'une affirmation de Lucien Dubech qui dit: parce que tout le monde nia pas pratiqué, le public des spectateurs se compose non pas de connaisseurs, mais de fanatiques incompétents l, réduisant ainsi l'expression de la violence sportive à l'incompétence technique, à la méconnaissance des régIes de jeu et d'arbitrage, évacuant complètement tout autre sens. Or, les causes de la violence en Algérie sont multiples. Notre analyse ne porte pas sur la sociologie des acteurs de cette violence. Disons que ce sont les groupes de supporters fréquentant les stades et dont l'âge varie entre 12 et 30 ans. Ils sont nés après l'indépendance de l'Algérie, et appartiennent aux couches les plus pauvres2. Ils habitent les quartiers populaires périphériques. On trouve aussi bien des laissés pour compte du système scolaire que des étudiants, des scolaires, des petits trabendistes (contrebandiers) et des délinquants. En revanche tous possèdent un dénominateur commun: le sentiment d'appartenance à la houma (quartier). Ce sont des ouled 1 Lucien DUBECH, Où va le sport, 1930, p.22. 2 Ce sont principalement les petits trabendistes.et les hitistes «répliques» armés de l'éternelle boite à cirage ou du couffin de la période coloniale.
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des yaouleds
(enfants des rues)
el houma . Ils se sentent houmistes (attachés au quartier) ou jiranes (des voisins de quartiers). La presse et les autorités les stigmatisent et les désignent en des termes généraux, stéréotypés, péjoratifs et dévalorisantsl quand il y a des incidents: énergumènes, vandales, barbares, sinistres individus, pseudo-supporters, fous du stade, perturbateurs, fauteurs de troubles de tous ordres, retardés, mais jamais de hooligans. Ces acteurs sont diabolisés afin de servir d'épouvantail, de repoussoir et de créer une disqualification des jeunes en produisant une image négative: «un chahut de gamins» dira un responsable politique algérien à propos des évènements sérieux d'octobre 1988. Pourtant ces supporters ont une véritable organisation, le plus souvent analogue à celle des régiments, des bataillons militaires ou des groupes structurés. Ils se préparent comme s'ils allaient à la guerre. Ce sont des soldats avec des chefs. Parfois ils se transforment en véritable commandos de choc urbain à la sortie des stades. Plusieurs sont arrêtés d'ailleurs, pas très loin du stade du 5 juillet d'Alger, et détenus à l'école de police de Chevalley à la suite de vandalisme contre les transports publics et les magasins des rues empruntées par le fleuve des jeunes, véritable marabounta sociale 2 La répression qu'ils subissent renforce leur protestation, leur
1 En France, à propos des jeunes de banlieues, JP Chévènement parle de sauvageons, et Nicolas Sarkozy de la racaille qu'il faut nettoyer au karcher ou de voyoucratie. 2 A Alger, c'est pratiquement le même scénario qui se répète à l'identique depuis des décennies. La
violence liée au football dépasse toujours le stade pour atteindre les rues de la capitale.
«
Lundi soir, aux
environs de 20h, à l'issue du derby algérois, ayant opposé l'USMA au CRB, des énergumènes ont semé la terreur du côté d'El-Biar causant des dégâts à des automobilistes et blessant plusieurs personnes. Selon une source policière, plusieurs voitures ont été attaquées au passage des hordes de supporters. L'on dénombre aussi quelques passagers blessés en raison justement des débris de glace. Les services de police ont reçu des plaintes suite à ces agressions. En outre, des interpellations ont été également enregistrées à la sortie du stade du 5-Juillet parmi les supporters. Ces actes de vandalisme et de hooliganisme ne sont pas une nouveauté malheureusement en Algérie puisqu'il n'y a pas un week-end qui passe sans que la presse ne fasse état d'agissements de ce genre. Dans ces mêmes colonnes, nous rapportions dans nos précédentes éditions le calvaire d'une jeune automobiliste algéroise agressée par des supporters du côté de Lavigerie à la sortie du stade du 1er-Novembre. La jeune agressée avait raconté sous le couvert de l'anonymat par peur de représailles, comment un supporter agité l'avait attaquée avec une lame de rasoir pour lui "piquer le fric". Aujourd'hui, elle se retrouve avec un visage défiguré et comme elle le dit amèrement "avec une vie gâchée" Plus récemment encore, en plein centre d'Alger, à quelques encablures du commissariat central, un bijoutier a été délesté de son pactole également par des voleurs qui sont parvenus à se glisser au milieu de la cohue des fans. C'est dire que le phénomène prend de plus en plus d'ampleur dans notre société sans que les pouvoirs puissent trouver la parade. En effet, s'il est vrai que la violence à l'intérieur des enceintes footballistiques a pu être un tant soit peu endiguée en raison du renforcement des dispositifs de sécurité, il reste qu'en dehors des stades, au moment oÙ les projecteurs s'éteignent, au moment oÙ les policiers rejoignent leurs casernes, les bandes de voyous emportent tout sur leur passage ». ln Liberté du 15 mars 2006.
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conviction antiétatique et leur vision du caractère autoritaire, injuste et oppresseur de l'Etat algérien (Hogra). Ces limites étant précisées, nous nous bornerons à une approche anthropologique de cette violence afin de trouver ses signifiants pertinents. Nous priviligierons l'approche qualitative du répertoire des modalités d'action des jeunes des stades en nous limitant à deux types de manifestations: la violence physique et matérielle destructrice et la violence orale à travers les slogans, les chants, les incivilités, les clameurs et les bruissements du stade, véritable communication sonore de la jeunesse.
~ 1 La violence jeunesse.
physico-matérielle:
une réponse négative
de la
Nous considérons comme réponses négatives toutes les atteintes à l'intégrité physique, les agressions d'arbitres, de joueurs et des supporters de «l'autre camp» à l'intérieur du stade ou à l'extérieur avec lancers de projectiles de toutes sortes et de pierres entraînant des mini guerres de pierres tels les étudiants lanceurs de pavés en mai 68 en France ou les enfants de l'Intifada palestinienne. La profusion de cailloux et des pierres, même au centre ville, provenant de trottoirs cassés et de chaussées non entretenues, facilite l'armement des jeunes. Le vandalisme s'exprime dans la destruction des bus de la RST A, des panneaux de signalisation, des rares arbres et quelques fois des magasins privés, et du vol de tout ce qui peut être revendu. Signalons qu'en 1975 à l'ouverture au public du nouveau stade olympique du 5 juillet à Dely Ibrahim, un vol à très grande échelle de matériel en tout genre, glaces, lavabos, lampes, est commis par les jeunes à la fin du match de football d'inauguration. A Une expression brutale 1) Au commencement
est la violence
Dès la reprise des compétitions de football en Algérie, au sortir de la guerre de libération nationale, la violence refait son apparition. Elle se manifeste essentiellement lors d'incidents techniques de jeu dans plusieurs stades du territoire national. C'est une violence spontanée et passionnelle en réaction aux erreurs tactiques, aux 270
mauvais scores et à l'absence de résultats positifs. Trois mois après l'indépendance pendant le déroulement des premiers matchs de football, le dimanche 30 septembre 62, des projectiles et des bouteilles vides sont lancées sur le terrain de jeu de la partie qui pourtant n'était qu'une simple rencontre amicale, sans enjeu. Cet incident est condamné sans appel au nom de la Révolution: il est inadmissible qu'après 7 années de révolution, des individus comme ceux là existent en AIgérie1. En octobre 1962 avec la création d'un championnat, la violence se répand sur les stades. Le 4 novembre 1962, dans l'Est Algérien, à El Harrouch, durant le match ESSA-MCSA des joueurs et des supporters des 2 camps envahissent le terrain et s'affrontent à l'arme blanche. A la 7ième journée du championnat (critérium d'honneur) le 9 décembre 1962, la JSKabylie affronte en championnat pour la première fois le MCAlger, doyen des clubs algériens à qui elle doit une grande aide dans sa création. A la 75ème minute, à la suite d'un but contesté contre le Mouloudia d'Alger, des bagarres éclatent sur le terrain et dans les tribunes entre les partisans respectifs des deux clubs. La commission de discipline de la ligue algéroise de football sanctionne sévèrement ces premières violences sportives de l'Algérie indépendante par la suspension du terrain de la JSK pour 3 matchs, 20 000 F d'amende à la JSK pour attitude incorrecte et menaçante de ses supporters envers les arbitres, 2 joueurs du MCA sont radiés à vie. Le match sera rejoué à huis clos. D'autres incidents regrettables sur les différents stades de la ligue d'Alger ont marqué cette journée. Des arbitres ont été agressés, molestés et menacés. Le football algérien renoue bien avec la violence. Pour la sauvegarde du sport favori, les responsables de la Ligue reconnaissent que les événements survenus sur les stades dépassent leur compétence et mettent en garde les pouvoirs publics. Ils demandent que des renforts de police ou de l'armée, comme pendant la période coloniale, soient dépêchés sur les stades pour assurer l'ordre public. Une lettre est adressée aux clubs chatouillant le nationalisme des Algériens, invitant les spectateurs à plus de respect envers les arbitres. De plus, la violence ne doit plus être la continuité de celle entretenue par l'administration coloniale en vue d'animer la rivalité entre les clubs et utilisée à des fins politiques2. Malgré ces appels, l'unanimisme et l'unitarisme, forces de la lutte de 1 Alger Football. - 15 décembre 1962. 2 Alger Football- 15 décembre 1962
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libération nationale sous l'unique et autoritaire direction du FLN subissent les premières fissures avec les associations sportives de quartier ou des villes. Le fractionnement national réapparait comme survivance dans les structures mentales des Algériens des différentes catégories négatives: acabiyates, clanisme, tribalisme, wilayisme, régionalisme et comme rappel constant à l'inconscient collectif. L'esprit de clocher les anciennes divisions et querelles sont réactivés. Le sport n'est pas pacifié. Comme réponse à cette violence, les dirigeants rappellent que le football, qui de tout temps a été le sport favori en Algérie, doit occuper maintenant encore une place de choix. Il doit servir de trait d'union et ne plus être, comme par le passé, un jeu stérile utilisé le plus souvent à des fins politiques. La responsabilité de tous est engagée. Contradictoirement ils utilisent le registre politique. Ils se font pédagogues et éducateurs du peuple qu'ils flattent en lui reconnaissant des vertus et des qualités à l'instar des populistes. C'est le peuple-nation incluant tous les Algériens. Le discours de prévention fait référence au présent glorieux particulièrement à la mémoire vive et au capital de sympathie héritée de la guerre de libération nationale par l'Algérie au plan international. On agite aussi l'épouvantail du colonialisme. On déclare la rupture avec le passé, le football ne doit plus être un moyen du diviser pour mieux régnerl. Dans cet appel prémonitoire, il est fait référence à la jeunesse qu'il faut soutenir sinon elle sera acculée vers le désespoir et n'aura que déception et amertume...Les lignes datent de 1962, mais elles se vérifièrent en 1988 dans les événements d'octobre et dans l'aventure armée du mouvement islamiste de 1992.
2) Avec l'apparition des enjeux sportifs trap importants, le développement de la violence s'amplifie. Certes, elle exprime la volonté excessive d'une victoire à n'importe quel prix, le climat déloyal, cependant elle passe au stade d'organisation et de préparation. Dans la brèche commence à s'incorporer du politique. L'année 1964/1965 est caractérisée par de nombreux et graves incidents sur les terrains de football avec la création de la division 1 Alger Football-
15 décembre
1962
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nationale où les 3 régions: l'Est, le Centre, l'Ouest, sont représentées. De nombreux matchs sont joués à huis clos sur le territoire national. La veille du coup d'Etat du 19 juin 1965, au cours du match amical Algérie-Brésil, à Oran, des berlingots de lait (CLO, Centrale Laitière d'Oran) sont jetés en direction de la tribune officielle où se trouve le président de la République Ben Bella. C'est un défi au pouvoir politique. Un véritable mouvement de panique s'en suit dans le public. En 1967 pendant le match JSKabylie-WABoufarik du 16 mars, une bataille rangée oppose public, joueurs, supporters et prend l'allure d'une révolte populaire. Des véhicules sont endommagés. Cependant, ces débordements restent maîtrisables dans les limites des rivalités interquartiers et intervilles. Et la violence ne s'arrêtera pas. Pour éviter la répétition des incidents qui ont eu lieu durant l'année 1968, la Fédération Algérienne de Football lance un appel dans un numéro spécial d'Algérie-Football de Septembre 1969. Cette fois-ci, la dissuasion incrimine ces comportements et fait appel à la sacralisation du sport et au patriotisme. Tout d'abord le football algérien fait partie du patrimoine national, il faut le défendre avec les armes du sport. D'autre part, la violence dans les stades est le reflet le plus pertinent des contradictions sociales, mais surtout le retour du refoulé, des antagonismes régionaux locaux datant de l'époque coloniale. Pour l'Etat, elle demeure un moyen illégal d'expression car elle est fratricide, antinationale et ne sert pas le pays. L'année de la réforme 1977, selon les responsables, sera la tentative de transformation des mentalités génératrices de violence dans le mouvement sportif algérien. Mais ils n'y parviendront pas. Le 28 février 1977, au stade du 5 juillet à Alger au cours du match Algérie-Tunisie, le refus d'accorder un penalty flagrant à l'équipe algérienne par l'arbitre, provoque un désarroi parmi les joueurs et les spectateurs et un déferlement de violence contre l'entraîneur et les joueurs car la défaite de l'équipe nationale entraînerait l'élimination automatique de l'Algérie de la coupe du monde de 78. A la sortie du stade, les spectateurs s'attaquent à des voitures et aux bus de la RSTAlrencontrés sur leur chemin en descendant vers Bab El Oued, Belcourt, Hussein Dey et jusqu'à El Harrach, ainsi qu'au service 1 Personnellement, sur le chemin du retour de l'Université d'Alger, j'étais dans l'un de ces bus qui a été caillassé par une véritable horde de jeunes en colère. Nous avons dû nous mettre à plat ventre dans le bus pour éviter d'être blessé.
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d'ordre renforcé à cette occasion. Dans ce dernier cas de figure, en l'absence de provocation de l'autre camp des joueurs et dirigeants tunisiens, les jeunes ne cherchent pas l'affrontement avec eux. Ils s'attaquent alors seulement aux arbitres et aux joueurs nationaux qu'ils insultent et détruisent tout sur leur passage. Tous ces comportements délinquantiels apparaissent comme dépassant l'expression de la simple passion du sport mais comme signifiants car ils mélangent du social et parfois du politique implicite. B L'ascension aux extrêmes 1) Le temps de la contestation forte Avec la décennie 80, le démon de la violence va renaître avec force et amplification. La stratégie mise en place jusque là par le pouvoir ne semble pas avoir donné des résultats probants. La violence sportive coutumière et ordinaire est totalement dépassée. Les années
quatre-vingt sont « l'ascension aux extrêmes ». La violence sur les stades atteint son paroxysme avec le soulèvement de Aïn Beida. En effet, à la suite d'un match de football, entre l'équipe locale et une équipe visiteuse une véritable insurrection a lieu dans cette ville. L'armée algérienne, l 'ANP, doit intervenir pour rétablir l'ordre. D'autre part, en avril, à Alger, lors de la rencontre derby MAHusseinDey-CMBe1court dans le stade où sont entassés 30 000 supporters, des accrocs entre joueurs et supporters algérois se produisent, soulèvant une fois de plus la fureur du public. Dans l'Est algérien, le 28 décembre 1980, la rencontre entre la MBSkikda et la JSJijel est émaillée d'incidents violents. Compte tenu que l'équipe de Skikda est présidée par un homme politique, le coordinateur de la Wilaya de IUNJA, la FAF, décide d'infliger des sanctions minimales. Ainsi, le terrain de Skikda est suspendu pour une durée de 2 mois. Une amende de 2000 DA est infligée au MBS (récidiviste) pour jets de pierres et slogans obscènes envers les
officiels. Le bureau fédéral est persuadé que « les militants sportifs de Skikda sauront déjouer les manœuvres de tous les éléments nuisibles qui sous prétexte d'encourager leurs favoris portent préjudice à la renommée d'une ville citée en exemple pour sa sportivité »1
1 El Moudjahid
du 21 janvier 1981.
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L'année 1981 va confirmer cette tendance lourde de la non maîtrise de la violence dans le football. En janvier, à Dellys durant une rencontre, opposant deux simples clubs communaux (l'Association Sportive de Dellys et le Club Sportif de Boghni), les supporters du club local qui n'avait pas remporté le succès escompté provoquent des incidents extrêmement graves. Comme le rapportent M. Ramdane Lamri, arbitre principal et le juge de touche, désignés par la Ligue de Football de Wilaya pour diriger la partie: tout a commencé lorsque après le coup de sifflet final, unjoueur de Dellys, faisant mine de saluer l'arbitre a voulu l'agresser brutalement. Le service d'ordre étant intervenu pour protéger l'arbitre et les juges de touche, les joueurs fauteurs de trouble ont alors incité leurs supporters à pénétrer sur le terrain pour leur prêter main forte. Sous les coups et les jets de pierres de quelques centaines d'excités, l'arbitre perdit connaissance pour ne reprendre ses sens que dans les vestiaires où il fut assiégé durant trois heures et demie par une foule d'énergumènes qui prétendaient le brûler vif, après avoir mis le feu à sa voiture. Les services d'ordre ont finalement réussi à dégager M Lamri et les directeurs de jeu. Le délégué de match fut immédiatement hospitalisé alors que l'arbitre soufftant d'hématomes et de contusions multiples recevait un certificat de quinze jours d'arrêt de travail, cependant que la bande d'énergumènes continuait à sévir à Dellys, saccageant des bâtiments publics et même un hôtel restaurant qui a été très sévèrement endommagé. Par ailleurs, les joueurs de l'équipe de Boghni sont sortis indemnes de l'affaire1. On peut signaler aussi les incidents des matchs CMBelcourt et RCKouba en avril et ceux de ESOMM-USKA en mai causés par des bandes armées qui viennent au stade pour en découdre. En octobre 1982, à l'issue de cinq journées de la saison footballistique, la violence se caractérisant par le jeu dur, les affrontements violents sur le terrain, les injures et les obscénités du public est permanente. Dans l'Est algérien, le match LS.MAin Beida et le CMBelcourt a été très brutal. D'une manière générale, le stade semble être une jungle et un canyon où pullulent justiciers masqués et despérados selon un journaliste2.
1 El Moudjahid 2 El Moudjahid
du 23 janvier 1981. du 16 octobre 1982.
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L'année 1982 est caractérisée par un accident mortel dans l'histoire du sport algérien, «la tragédie du stade du 20 août »1, à Alger lors du match du 25 novembre entre Sétif et Kouba. C'est le 3ème du genre, après le stade Mohamed Guessab de Sétif qui a vu une partie des gradins s'effondrer en causant beaucoup de blessés, dont certains très graves et le stade de Kouba avec la destruction de la balustrade de la seule tribune existante qui avait cédé sous la poussée du public occasionnant des blessures corporelles. Le drame du stade des Anassers, selon les premiers constats a entraîné la mort de 10 personnes, les blessures de 500 personnes dont 40 dans un état grave. Le stade dont la capacité d'accueil est de 13 000 spectateurs a pour la circonstance accueilli le double. Des supporters pour suivre la rencontre n'ont pas hésité tout simplement à grimper sur le toit. Ceci a entraîné son effondrement sur les autres spectateurs. Les jeunes qui sont montés sur la toiture étaient évalués à 1000 à 14h. En fait, cette catastrophe aurait pu arriver sur n'importe quel stade algérien car les stades accueillent trop souvent beaucoup plus de jeunes qu'ils ne le peuvent2. En septembre, à Alger, à Bologhine, quelques 18 000 spectateurs assistent à une rencontre de football alors que 12 000 places seulement ont été vendues. En 1983 dans l'Oranie, dans la Wilaya de Mostaganem, même les plus petites équipes communales sont touchées par la « championnite» et ses conséquences. Selon la presse sportive le sport se trouve détourné de son véritable objectif et devient un instrument pour l'assouvissement de rancunes et de vengeances animées par d'autres motifs ou prétextes3. Une association communale, le WRBMazagran devant rencontrer le 18 mars 1983, l'association communale de Zemmora a reçu une lettre de menaces écrite en arabe, dans le jargon populaire et contenant des injures et des obscénités signée par 10 personnes se prétendant supporters de l'équipe. Malgré cela le match a lieu et les joueurs de Mazagran sont accueillis dès leur entrée sur le stade par une salve de pierres. A la fin 1 El Moudjahid du 26 novembre 1982. 2 Dans les jeux du cirque, ce genre de catastrophe remonte jusqu'à l'époque romaine. Tacite raconte la catastrophe survenue près de Rome, sous le règne de Tibère lorsqu'un amphithéâtre construit par un certain Atilius affranchi d'origine, s'effondra sous le poids de cinquante mille personnes réunies pour un spectacle de gladiateurs. Depuis un sénatus consulte défend « d'élever aucun amphithéâtre que la solidité du terrain n'eÙt été constatée". (Annales, Livre IV, chapitre 62 et 63). ln le Monde du 12 mai 1992. 3 El Hade! du 13 mars 1983.
276
du match, au dernier coup de sifflet, les spectateurs de Zemmora envahissent le terrain et leurs joueurs se transforment en véritables gladiateurs. Une dizaine de joueurs de Mazagran sont blessés. Un car de la SNTV loué par le WRBM est saccagé. Mais ce sont la plupart des stades du pays (Mascara, Alger, El Affroun, Birkhadem, Bologhine, Bérard, Sidi Moussa pour ne citer que ceux là) qui sont le théâtre de violence. Les matchs de football se transforment en véritables galas pugilistiques. Les agressions sont aussi nombreuses à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'enceinte sportive. En mail, à TiziOuzou, c'est une équipe africaine, celle de Dakar qui est agressée par des supporters racistes, violents, injurieux. En 1984, dans le Constantinois, le 24 février, le match Chelghoum El Aïd et AM.Ain M'lila comptant pour la 21ème journée du championnat de division nationale 2, groupe Est, voit l'entrée des joueurs de l'AMAM sur le terrain se faisant par le passage obligatoire d'un bain de foule de spectateurs hostiles et par des jets d'épluchures d'orange, boites de conserves et divers autres objets. Durant le match, la galerie de Cheghoum El Aid lance des slogans obscènes sectaires et régionalistes. Aprés le match, il a un envahissement de terrain indescriptible par défoncement du grillage de protection, et des blessés de joueurs et d'arbitres sont déplorés2. A la suite d'incidents survenus au cours du match ESMGuelma-JCMTiaret du 12 octobre, treize personnes sont placées sous mandat de dépôt à Guelma pour dégradation de biens publics et jets de pierres blessant plusieurs spectateurs et un agent de l'ordre public qui a été hospitalisé3. A Alger au mois d'avril, au stade du «5 Juillet », le match d'ouverture de la rencontre au sommet MPA-USMH, n'est autre que la finale de la coupe d'Algérie minime opposant les enfants de Birmandreis à ceux d'EI-Harrach. Prés de 25000 spectateurs, attirés par l'enjeu de la confrontation des deux poursuivants de Mascara, ont donc assisté aux exhibitions des minimes. A la fin de la partie, grande est la déception du public. En effet, les minimes le gratifient non pas d'un rituel traditionnellement joyeux et fair-play mais de toute une série de gestes indécents et insolents. Le même scénario, les mêmes gestes vulgaires et insultants se produisent le vendredi au stade du 20 1 Algérie Actualités na 942 - semaine du 3 au 9 novembre 2 El Hadefdu 10 mars 1984. 3 El Moudjahid du jeudi 18 octobre 1984.
1983.
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Août à l'issue du match entre les jeunes des écoles d'EI-Harrach et du MP A. De la part de minimes, ce type de comportement a de quoi ébranler et scandaliser l'adulte le plus tolérant. Mais où est donc passée la morale sportive que l'on doit inculquer aux jeunes esprits dès l'enfance? Où sont passés les éducateurs et responsables des petites catégories? Si une telle attitude malsaine s'empare aujourd'hui des enfants, qu'adviendra-t-il demain lorsqu'ils évolueront en juniors et seniors? Les stades vont-ils plonger dans quelques années dans l'engrenage de l'obscénité? se demande le reporter sportif1 En Kabylie, le 5 mai 1984 la brigade de Gendarmerie des Issers procède à l'arrestation de seize personnes parmi les supporters de l'USM EI-Harrach, pour dégradations de biens de l'Etat commises dans un train de voyageurs, agressions suivies de vol dont ont été victimes trois passagers parmi lesquels une femme, et pour coups et blessures volontaires. Ces individus ont été traduits devant la justice qui les a placés sous mandat de dépôt2 Dans l'Oranie, à Tiaret, des incidents provoqués durant le match OST-WMTiaret par des «énergumènes »3 n'ont pas pu permettre l'évacuation du terrain. Il a fallu l'intervention des forces de l'ordre pour que les visiteurs quittent Tiaret. Quant au trio d'arbitres retranché dans les vestiaires, il n'a pu partir qu'à une heure très tardive. En 1985, à Blida, plusieurs policiers sont blessés et une vingtaine de personnes arrêtées à la suite de incidents brutaux survenus à l'issue d'un match IRB-CSO de championnat d'Algérie de football de deuxième division, entre l'équipe locale et celle de ChIef. La rencontre, un match en retard, s'était déroulée sans heurts et dans de bonnes conditions. Ce n'est qu'au coup de sifflet final, les deux équipes se séparant sur un score nul (0-0), qu'elle a dégénéré, les supporters blidéens n'ayant pas admis que leur équipe soit tenue en échec chez elle. Ils ont pris d'assaut le terrain, détruisant sur leur passage une partie du mur du stade, qui avait déjà été endommagé précédemment et reconstruit. Les supporters blidéens ont tenté de s'en prendre à l'entraîneur et aux joueurs de leur équipe, à qui ils reprochaient leur manque d'efforts sur le terrain, mais se sont heurtés aux forces de l'ordre intervenues rapidement. Durant les 1 El Moudjahid 2 El Moudjahid 3 El Moudjahid
du dimanche du samedi]
29 avril 1984. 2 mai 1984.
du 23 janvier]
984 .
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affrontements, plusieurs policiers sont blessés par des jets de pierres et certains d'entre eux ont du être hospitalisés. Des actes de vandalisme ont également été perpétrés en dehors de l'enceinte du stade. De nombreux véhicules, dont celui de l'équipe de ChIef, sont saccagés1 En octobre lors du match Ain M'Lila-Collo, un joueur récidiviste de Ain M'Lila s'en prend au caméraman et au preneur de son de la télévision algérienne en brisant leur matériel de travail, et en les boxant, leur occasionnant des incapacités de travail. En 1986, la violence va dépasser le cadre d'affrontements sportifs entre supporters de deux clubs. Elle se déplace de l'intérieur des stades vers l'extérieur. Elle va s'installer dans la rue. Les événements de l'Est algérien, sont le révélateur de débordement d'espace. A Constantine, du 8 au 10 novembre 1986, les lycéens et étudiants manifestent contre le projet de modification des épreuves du baccalauréat (projet introduisant deux nouvelles matières: l'éducation islamique et l'éducation politique), et contre les conditions de vie dans les cités universitaires. Des violents affrontements avec la police ont eu lieu: quatre personnes auraient été tuées et de nombreuses autres blessées. Les dégâts matériels s'élèvent à plusieurs millions de dinars. La plupart des responsables des manifestations auraient été arrêtés et traduits devant les tribunaux de flagrant délit. 136 jeunes ont été condamnés à des peines de prison allant de 2 à 7 ans les 12 et 13 novembre. Le 15 novembre, une cinquantaine de condamnations sont prononcées. Sétif est également le théâtre d'émeutes les 11 et 12 novembre 1986. Les jeunes s'en prennent aux institutions symbolisant l'Etat: édifices publics, notamment le siège du parti du FLN, Air Algérie et à de nombreux magasins. Un cycle répression-mobilisation débute alors et dure jusqu'en mai 1987, moment où toutes les personnes arrêtées et condamnées pendant cette explosion sont libérées2. La violence contre les biens publics va servir de moyen de stigmatisation et de dénonciation des jeunes alors que le mouvement a un caractère nettement antiétatique car tous les objectifs visés, les véhicules brûlés, les devantures fracassées, concernent des organismes d'Etat. Ni les magasins privés, ni les bureaux d'Air France, ne sont touchés. C'est la traduction d'une exaspération face à la bureaucratie et 1 AFP du 9 mai 1985. 2 Taleb KACENTINI, Lulles étudiantes l'Afi"ique du Nord - Tome XXV 1986 .
à Constantine
Les événements
279
de novembre
1986, Annuaire
de
à l'emprise de l'Etat qui dépossède l'individu de lui-même sans pour autant empêcher les disparités sociales croissantes. L'agressivité est ainsi tournée contre l'Etat, non contre la société1 Juste après ces événements de l'Est algérien, le désir de renforcer et de verrouiller le dispositif autour de la jeunesse s'accentue. A la réunion du Conseil supérieur de la jeunesse, le gouvernement adopte un programme d'action en faveur de la jeunesse, baptisée: «opération jeunesse 2000». Les présidents d'APC doivent redoubler d'effort pour permettre à la jeunesse de trouver un cadre d'évolution propice. La population algérienne est caractérisée par l'écrasante proportion de la jeunesse. La population masculine (auteur de l'effervescence sociale) se répartit au niveau national comme suit: 10-14 ans: 1 492 000; 15-19 ans: 1 264000 : 20-24 ans: 984 000. A Alger seulement, on a dénombré pas moins de 700 000 jeunes âgés de 10 à 22 ans. Ce qui constitue une véritable poudrière. L'année 1987, est porteuse des prémices «d'octobre 1988». Dans l'Algérois, le 23 janvier 1987: à Tizi Ouzou, à la fin du match JETizi Ouzou-EPSétif, lorsque les supporters sétifiens rejoignent les cars stationnés prés du stade suite aux instructions du service d'ordre et s'apprêtent à partir vers Sétif, ils sont assaillis par des milliers de supporters de la JET avec des rejets de pierre et d'autres objets dangereux. Non contents d'avoir saccagé tous les cars et véhicules immatriculés 19, ils se ruent sur les supporters sétifiens en les matraquant, leur occasionnant de graves blessures nécessitant leur hospitalisation d'urgence. N'était-ce l'intervention et le renfort des services de sécurité, les dégâts auraient pris des proportions alarmantes. Pour fuir ce véritable guet-apens et carnage, les supporters se sont réfugiés à l'intérieur du stade et dans les vestiaires avec les joueurs. L'équipe est restée bloquée jusqu'à minuit et a rejoint l'hôtel dans les véhicules de la sûreté. Malgré la défaite de Sétif, la violence des supporters de Tizi Ouzou a été féroce telle que la décrit le président du comité des supporters de Sétif: Il ne suffit pas de perdre pour être épargné. On compte 30 voitures endommagées, 3 brûlées, 5 cars hors d'usage et 40 blessés. Ce fut le climat d'une révolte2. La journée du 27 février 1987, lors de la rencontre 1 Karim CHERGUI, 1987, p. 69170.
Novembre
1986 : la révolte des jeunes
2 Idem.
280
à Constantine.
Hérodote
(45) - Avril/juin
l'USMBlida-USKAlger du championnat national, voit la rencontre arrêtée par l'arbitre à la 42ème minute de jeu, le terrain ayant été envahi par des spectateurs alors qu'un joueur venait d'inscrire un but pour son équipe. Ce n'était pas beau à voir. En mars, au moment du match MPAlger-WOBoufarik, au stade du 5 Juillet à Alger, ce sont les joueurs et l'entraîneur du WOB qui manifestent un comportement scandaleux et antifair-play envers l'arbitre de la rencontre avant de quitter le terrain en l'injuriant, le menaçant, et tentant de l'agresser]. En décembre, durant le match Entente de Sétif-Mouloudia d'Alger, à la suite d'agression par jet de projectiles contre les joueurs, l'arbitre et les joueurs évacuent le terrain brutalement envahi par le public2. Dans l'est algérien la rencontre ESMGuelma/CMCConstantine se termine par des jets de pierres, des échauffourées sur le stade de Guelma, des dégradations de biens publics et des blessés. Dix-neuf personnes sont placées sous mandat de dépôt et quatre joueurs du CMC poursuivis en justice3. Au mois de février, à Annaba, l'arbitre est rudement secoué à la suite d'un but refusé pour hors jeu. Dans l'Oranie, à Oran, un autre arbitre est pris à partie par les joueurs de l'ESMGuelma aprés un penalty accordé au MPO. A ChIef, un véhicule de transmission de la télé est endommagé. En novembre 87, à l'occasion du match opposant le Rapid de Relizane au Mouloudia d'ORAN, le joueur international Belloumi est agressé par un autre qui lui fracture deux côtes. A la fin du match, le public envahit le terrain4 En résumé, lors de la saison sportive 1987-1988, les incidents sur les stades se sont soldés par 3 morts, 365 blessés (dont 98 policiers), 194 véhicules endommagés ou détruits, 516 interpellations. Cette violence dans le football n'est pas attribuée aux seuls mauvais supporters qualifiés de hordes de barbares et de vandales. Les joueurs en sont aussi responsables. Le comportement des jeunes dans les stades est résumé par le journal El Hadef: nos stades longtemps réputés pour être des lieux de rencontres sportives sont devenus des corridas où viennent se déplacer des névrosés, des chauvins, des 1 La télévision algérienne a montré l'entraîneur du ] mars 1987. 2 Moudjahid du 27 décembre 1987.
se défoulant
verbalement
3 Algérie Actualités n0l113 : semaine du 12 au 18 février ]987. 4 El Moudjahid du Mardi 10 novembre 1987.
281
contre l'arbitre - ln El Moudjahid
soûlards1. Les jeunes et les supporters auxquels sont attribués ces qualificatifs négatifs forts seraient donc de simples délinquants, des marginaux, des déviants, des asociaux, en définitive des rebuts de la société. Or contrairement à ces affirmations la violence des jeunes est un indicateur de leur expression sociale et politique. 2) L'Etat face à l'intensification de la violence Quelle va être la perception de cette violence par les décideurs politiques algériens? Au début des années 80 tous les incidents sportifs, constitués d'agressions entre joueurs, spectateurs et envers les arbitres ou les autorités politiques locales ou nationales sont appréhendés comme constitutifs de délinquance mais non pas comme expression sociopolitique. La violence, fait social n'est pas analysée en termes de recherche de causes et de signification. Elle est explicitée sommairement par le recours à la langue de bois du politique paranoîaque. Le débat autour de cette agravation va mobiliser les responsables du ministère algérien, les dirigeants des clubs et le corps arbitral. Au cours d'une réunion avec le ministre, ces derniers y voient, un simple regain de chauvinisme sportif. Elle est attribuée, d'autre part aux combines des clubs qui courent après un titre ou cherchent à échapper à la relégation ressentie comme dévalorisation, la rétrogradation étant humiliation, à la méconnaissance des règles et des lois du jeu par les joueurs et les entraîneurs, et enfin à des conflits de compétence en rendant l'entraîneur responsable de la contre performance de ses joueurs. Dans l'analyse, la thèse du complot comme la volonté de certaines forces ocultes de discréditer la réforme, la recherche de boucs émissaires, «responsables du malheur de la patrie ainsi que la manipulation des jeunes vulnérables », sont omniprésentes. On se
défausse donc sur de supposés auteurs qui seraient « les ennemis, les éléments nuisibles, les contre-révolutionnaires, les néoharkis, les réactionnaires à l'origine du sabotage du sport ». Ainsi donc comme le mal à éradiquer semble très grave, son traitement est vu sous l'aspect essentiellement sécuritaire et du tout répressif.
1 El Hadef:
semaine du dimanche
22 au samedi 28 février 1987.
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En 1987, le ministre de la Jeunesse et des Sports dans un entretien accordé au journal Algérie-Actualités1, fait quelques concessions. Il reconnait que les causes de cette violence sont l'oisiveté de la jeunesse et le manque d'encadrement. Mais il ne va pas jusqu'au bout de son analyse. La violence serait universelle et le drame du Heysel et le hooliganisme en Angleterre sont là pour servir d'arguments. Démagogique, il invoque l'Islam pour la condamner: Mais grâce à Dieu notre jeunesse ne peut ressembler aux hordes déferlantes. Notre religion faut-il le rappeler, réprouve la violence... Ainsi, il élude les vraies causes de la violence sportive. Concernant la violence verbale: grossièretés, injures envers les joueurs et les arbitres, outrages envers les personnalités, le ministre se prononce pour sa répression, car en fait, pour lui, «elle n'est que l'apanage des faibles, des lâches et de voyous qui utilisent la densité de la foule pour s'y cacher et distiller leur venin », donc d'une minorité issue de la majorité silencieuse. Pour la combattre, il compte sur l'ensemble des structures de base du parti du FLN (dont il est l'enfant) pour qu'elles soient le fer de lance au niveau de l'encadrement. Pour finir, péremptoire, il déclare l'Algérie ne sera jamais l'Angleterre. Or, en octobre 1988, les jeunes en libèrant la société algérienne de l'oppression étatique, ont joué un rôle éminement positif. Dans cette ligne tracée par le ministre et pour être politiquement correct, les pages des quotidiens et périodiques algériens ne désemplissent pas de commentaires et de comparaisons paradoxaux. Ils mettent l'accent sur la brutalité, la bestialité des Européens, de leurs hooligans, alcooliques drogués, chômeurs, et à l'inverse sur la sagesse, l'esprit de responsabilité de la jeunesse algérienne. D'autre part, ils insistent d'une manière péremptoire que l'Algérie ne sera jamais le théâtre de dérapage. Le supporter algérien n'est pas la brute asociale européenne de nature bestiale dont le comportement est dicté par ses instincts et sa pulsion de mort 2. Ni anges, ni démons. Ce refus de voir la vérité en produisant un délire antioccidental dans la description exagérée et hypertrophiée de la violence européenne considèrant le supporter comme un humain bestial, est proche du racisme ordinaire.
1 Algérie Actualités n01113: semaine du 12 au 18 février 1987. Comme dans le domaine politique où existent de grands inquisiteurs arabonationalistes poursuivant les francos antinationaux, les commissaires politiques du sport traquent ses détracteurs. 2 Algérie Actualités n0l113: semaine du 12 au ] 8février 1987.
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Le côté vision romantique et idyllique de la jeunesse algérienne est parfois utilisée par le FLN dans ses discours populistes typiques pour flatter démagogiquement la jeunesse algérienne. Les vertus critiques virtuelles qu'elle est supposée possèder la prémunissent contre tout excès.
N'ayant pas une vision anticipatrice, les mesures prises sont répressives et purement techniques1. S'il est possible que certaines causes sont recevables, il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont que des facteurs déclenchants. En aucun cas, il n'est fait référence au contexte sociopolitique, aux aspirations des jeunes et à leur problèmes sociaux. La recrudescence de la violence n'est pas vue comme symptomatique et annonciatrice des événements d'octobre 88. Comment est analysée cette violence par la presse? Les informations contenues dans les comptes-rendus de presse sont parfois très générales, résultat de la censure existant dans la presse du parti unique. La presse officielle et proche du pouvoir, utopique croyait naîvement que ce genre de situation avait disparu complètement des stades pour laisser place à un climat plus serein, où la discipline et le fair-play seraient les atouts maîtres de tous les athlètes dignes de mériter le statut de performance. Cependant à propos d'un match MAHD-CMB qui s'est passé au stade du 20 août, tout porte à croire que les racines du mal restent encore bel et bien ancrées dans certaines mentalités, et que la belle image «d'intégrité sportive» si décriée semble déjà être reléguée aux oubliettes. Sinon comment expliquer cette vague d'agressivité qui s'est emparée des joueurs alors que rien ne les poussait à agir ainsi. Comment qualifier cet état d'esprit qui transforma la partie carrément en un pugilat de rue et bafoua totalement toutes les vertus de la moralité sportive? Il est vrai que le MAHD et le CMB comptaient dans leurs rangs des joueurs qui ont su garder leur sang froid dans les moments difficiles. Ceux-là ne sont pas à incriminer et il faut leur rendre le mérite de s'être comportés en éléments sérieux et responsables. Les griefs vont, par contre, à tous les autres qui n'ont pu se maîtriser et se sont livrés à des scènes «grotesques» et gratuites qui ne leur font guère honneur2. Ainsi la presse aux ordres, afin de justifier ou banaliser la violence dans les stades, affirme qu'elle est une donnée universelle, 1 Algérie Actualités: 2Ef Moudjahid
semaine du 3 au 9 septembre
1987
du 30 avril 1980
284
même les pays les plus développés la Grande Bretagne, la France et l'Italie n'y échappent pas. Dans le monde arabe, c'est une véritable hystérie qui s'emparerait des foules en Libye et en Tunisie. En revanche pour le cas algérien, la renaissance de ce phénomène se limiterait à une dimension très réduite. Le public algérien semble ne pas s'attaquer aux étrangers. Cette violence serait donc une implosion plutôt qu'une explosionl et on reste sur le constat que la violence des stades est extrêmement difficile à extirper. D'autre part, il s'agirait d'une violence due « aux mentalités chauvines qui existent toujours, et continuent de semer la «pagaille» à un moment où la situation du mouvement sportif national semble résolument tournée vers le progrès ». La presse a donc une vision situant le phénomène sur le plan technique et éducatif (absence de fair play et de civisme). Les moyens proposés pour contrecarrer cette violence sont donc l'éducation des joueurs qui ne connaissent pas les lois du jeu, et le respect de l'arbitre inexistant aux sein des clubs sportifs. Quelques années plus tard, pour éradiquer «le mal de la violence», qui se manifeste par des excès de langage, des exactions, des attitudes agressives vis-à-vis de l'arbitre ainsi que de l'équipe visiteuse, on suggère de faire intervenir davantage le service d'ordre dans les tribunes et à l'instar de la Tunisie, sanctionner le club dont les supporters auraient été agressifs, à jouer à huis clos pendant 6 matchs et qu'en cas de récidive le huis clos serait appliqué à toute la saison2 On trouve aussi l'usage de l'image du bouc émissaire, celui d'une catégorie dangereuse, antimorale, qui profère des injures à la télévision et responsable du désordre et de la perturbation de la famille, valeur sacrée en Algérie. La presse trouve des têtes de turc et dénonce énergiquement les pseudosupporters qui sèment gratuitement la confusion et souille l'éthique sportive. On se demande dans quel but, on se rend le vendredi au stade. Si on y vient pour proférer des flots d'injures et mettre à exécution la dernière trouvaille dans le domaine des insanités qui affectent l'intimité des foyers quand le match est télévisé et si on trouve un malin plaisir à se défouler en versant quelque...dans la propension à nuire systématiquement à autrui par des actes inconsidérés, mesquins visant uniquement à créer
1 El Moudjahid du vendredi 29. Samedi 30 mars 1985. 2 Algérie Actualités n° 917 semaine du 12 au 18 mai 1983.
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des histoires1. Ces marginaux, ces excités qui très souvent n'ont qu'une très vague notion du sport, de ses vertus, créent le désordre et
sèment la panique dans les stades. « Les sportifs algériens,les vrais (il en existe beaucoup heureusement) ne participent et ne cautionnent jamais de tels actes ». Ce discours laisse supposer que les auteurs de la violence ne sont pas de vrais Algériens. Ce déni de nationalité vaut exclusion et condamnation sans appel, sans aucune autre forme de procès. Sur le plan langagier et argumentaire, on a recours à un prêt à parler politicosportif comme au FLN. On y retrouve des expressions récurrentes, expliquant l'émergence de cette violence par l'action de comploteurs obéissant à une œuvre de destruction planifiée hors des frontières de l'Algérie par les relais internes: les traîtres. La thèse du complot, du traître propres aux inquisiteurs nationalistes du FLN, explication standard se retrouve dans aussi le champ sportif des médias. Ainsi, dans un article intitulé Avis autorisé: la violence une entrave au sport2, un auteur ose plaider pour une action éducative généralisée et rejette le football « terreur, le football truand, le football genre loi de la jungle ». Au niveau des clubs les dirigeants très souvent passionnés aveuglement, inconscients et incompétents mettent le feu aux poudres en incitant les supporters manipulés dans la plupart des cas, à la violence et aux actes antisportifs causant beaucoup de dégâts au mouvement National sportif. Cet avis contradictoire déresponsabilise les jeunes supporters qui ne seraient pas maîtres de leurs actes et de leur volonté.
On a donc voulu un sport spectacle de masse de la jeunesse pour la pacifier et la démobiliser, d'autant que les jeunes expriment un engouement pour le football spectacle. Ce que voyant les gouvernements algériens ont développé le sport spectacle, particulièrement le football, «montrant par là aux jeunes et au peuple que ses plaisirs ont été pris en compte et n'ont pas été ignorés par la sollicitude des chefs »3. Occasion pour la jeunesse d'être en fête, de se défouler, chahuter, crier, hurler, et parfois même de troubler l'ordre public par de nombreux attroupements, déploiements de banderoles, 1 El Moudjahid du lundi 13 février 1984. 2 El Hade! du 10 mars 1984. 3 Ceci rappelle très bien les fonctions politiques
du spectacle décrites par Paul V eyne, op cit, p. 702.
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défilés sur la voie publique, cette socialisation normative de l'agressivité est la seule forme de violence tolérée par le pouvoir algérien. A la sortie des stades, on permet que les règles élémentaires de la sécurité et du code de la route (les voitures pleines à craquer) soient bafouées par les automobilistes. On assiste souvent à des débordements acceptés. Ainsi l'énergie de la jeunesse est canalisée. Ce spectacle sportif sert d'exutoire nécessaire à l'équilibre social et précipite les jeunes dans une «émotionnalité archaîque et régressive». Désamorcer les révoltes logiques et anticiper les débordements contestataires est l'objet central du pouvoir algérien. Il n'a pas abouti. Bien au contraire, on assiste à un engrenage et une gradation de la violence. Ainsi, les matchs de football, particulièrement, suscitent lors de mouvements collectifs effervescents parfois non réglés, des dérapages qui partent souvent vers la révolte.
2) L'ébranlement de l'Etat algérien L'année 1988 reste historiquement marquée par le début d'un changement sociopolitique de la société algérienne. Au plan sportif, la violence n'épargne personne: supporters, joueurs, arbitres, entraîneurs, journalistes et personnalités politiques. Elle est non seulement verbale: grossièretés, injures, outrages envers les hommes du pouvoir mais aussi physique. Pour la saison 1988/1989, les chiffres indiquent 178 blessés, 127 véhicules endommagés ou détruits, 451 interpellations1. Même le volley-ball, sport dit mineur est touché. Le 2 décembre 1988, le Mouloudia d'Alger est contraint d'abandonner le terrain à la suite de l'insécurité qui y régne. Les joueurs sont victimes de jets de pierre. D'aucuns sont blessés2. Un fait unique dans l'histoire du football algérien survient le 23 décembre 1988: la grève des joueurs du Wifak de Collo. Cependant en octobre 1988, les jeunes de Constantine, les supporters du CSC et du MOC ne sont pas descendus dans les rues en solidarité avec le mouvement des Jeunes d'Alger, d'Oran et de Annaba très proche. Au contraire, ils organisent une manifestation de soutien au Wa!i. Matkhafech ya sidi El Wa!i, ma kharjouch maâna fi 86, ma namchouch maâ houm el youm! N'ayez pas peur Monsieur le Préfet, ils ne nous ont pas soutenu en 86, nous ne marcherons pas avec eux aujourd'hui. 1 El Moudjahid, 2-3 juin 1989 (source DGSN). 2 El Hade!: semaine du dimanche 12 tëvrier au samedi 18 février 1989.
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L'aprés octobre 1988, va voir l'expression politique explicite envahir le stade. A juste titre, en ce moment on peut penser que des agitateurs politiques des différents partis politiques essentiellement les islamistes (le FIS), le pouvoir (le FLN) et à un degré moindre le Mouvement Culture Berbère (le MCB), investissent l'espace sportif (les gradins des stades) pour tenter de manipuler les spectateurs. Le journal Révolution Africaine, à propos d'un match à Constantine où le sang a coulé, constate qu'il y a un écart entre le fairplay sur le terrain et l'apocalyptique violence des supporters. Et comme d'autre part, il n'y avait pas d'enjeu sportif, il extrapole: il y a manipulation des jeunes, tous désoeuvrés et tous dégoûtés, et véritables proies pour tous les manipulateurs de l'ombre qui profitent du moindre rassemblement de foule, les agitateurs de tous bords ou plutôt d'un seul puisque la répétitivité du phénomène semble découler d'un plan organisé1. Le thème de la manipulation est récurrent. En 1989, la faiblesse de l'appareil d'Etat, ébranlé par les événements d'Octobre 1988 et son incapacité à faire respecter l'ordre dans les stades entraîne une recrudescence de la violence. L'année est très mouvementée et la violence est sans égale car la crédibilité de l'Etat a été largement entamée. Les stades sont transformés en «véritables arènes de combat ». Les week-ends de football se terminent rarement sans violence soit contre l'arbitre soit contre les spectateurs de l'autre camp avec envahissement de terrain et la ville plongée dans le cauchemar du vandalisme. Malgré les mesures prises par la FAF, le MJS et les services de sécurité, à travers tout le territoire national, d'autres incidents graves se produisent 2. C'est dans l'Algérois avec des supporters du Mouloudia dont certains ont participé à octobre 88, que va se concentrer tout le niveau de la violence. Ces marginaux, dénoncés par un appel d'autres supporters du Mouloudia signé par plus de 150 personnes, commettent des actes barbares et nihilistes. Ces agissements irresponsables et inconsidérés de ces énergumènes se disant supporters du Mouloudia traduisent beaucoup plus l'avidité d'assouvissement de leurs instincts3. En effet, ils n'ont pas hésité à agresser le car des joueurs du Mouloudia en 1 El Hadef: semaine du dimanche 25 décembre au samedi 31 décembre 1988. 2 Révolution Africaine n01312 du 28 avril 1989 . 3 Algérie Actualités du 11 au 17 mai 1989. Les supporters dénoncent entre autre le comité des supporters installé en 1987.
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détruisant toutes les vitres et en volant les ballons de compétition et d'entraînement ainsi que des effets personnels des joueurs. Les signataires de l'appel se réclament de la «fidèlité à l'esprit des doyens, de ces humbles militants, du sport et à leur image noble et exemplaire ». Fin janvier, les arbitres du Centre déclenchent une grève qui dure un mois. Le secrétaire général de l'association la justifie par un certain nombre de raisons, dont l'aspect sécurité et la recrudescence de la violence sur les stadesl. En février, c'est au tour du volley-ball d'être contaminé par la violence. Lors du match Bordj Ménaiel et Oued Koriche des incidents éclatent entre les supporters2. Le 27 février, à l'issue de la rencontre de football qui a opposé le Mouloudia d'Alger et Relizane à Blida :de violents accrochages entre supporters des deux clubs se sont déroulés à la fin du match, principalement prés de la gare de Blida. Les installations ont subi des dommages importants et les bureaux saccagés. Prés d'une centaine de personnes, en majorité des mineurs, ont été interpellées par la sûreté urbaine, qui renforce systématiquement sa présence en prévision des bagarres, devenues fréquentes depuis quelques temps lors des rencontres de football. Cinquante sept personnes ont été présentées au parquet de Blida et jugées pour troubles à l'ordre public et destruction des biens publics3 Le service d'ordre mis en place, contribue à «maîtriser une situation qui aurait pu être catastrophique si les supporters des deux équipes avaient pu, comme ils ont tenté de le faire, entrer dans la ville de Blida». Des mesures sont prises par les autorités sportives pour lutter contre la violence dans les stades, d'une ampleur jusqu'ici inusitée en Algérie. Parmi ces décisions figure d'ailleurs la suspension du terrain du Mouloudia d'Alger, dont les supporters se sont montrés ces dernières semaines particulièrement violents. Cet état de choses commence sérieusement à nous écoeurer, a déclaré M.Benzerrouk Mustapha, directeur administratif du vieux club algérois qui n'a pas caché son intention de se «retirer définitivement» si cette situation persiste. Pour sa part, Abdelhamid Kermali, l'entraîneur du Mouloudia, va plus loin. Si cette situation continue à l'avenir, il est personnellement pour l'élimination pure et simple du football des 1 El Hade/: semaine du dimanche 2 Idem. 3 AFP du l mars 1989.
12 février au samedi 18 février 1989.
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tablettes sportives nationales. Il faut que cette situation de marasme qui régne au sein du football national cesse, et surtout cette magouille qui s'est confortablement installée dans les rouages des structures régissant le football, ajoute-t-il. Le 10 mars 1989, les supporters du Flambeau de Skikda (FS), opposé à l'ESG (Sour El Ghozlane) ont été littéralement pris dans un guet-apens et agressés à l'arme blanche et divers projectiles par les supporters de Soul El Ghozlane juste après la fin de la partie. Sous l'égide du comité provisoire, présidé par l'ancien secrétaire général du MJS coutumier des solutions gadgets et utopistes, la FAF lance un mot d'ordre Koun riadhi1, (sois sportif) et une campagne de prévention et d'éducation qui devra se poursuivre d'une manière ininterrompue au sein des établissements d'éducation et de formation et des associations sportives. Ce mot d'ordre repris du régime de Vichy est une injonction en direction des jeunes pour l'arrêt de la violence, supposant que le problème des supporters peut se traiter à coups de slogans et de décisions hâtives et spectaculaires. Cette démarche angélique et simpliste occulte totalement des mutations du contexte sociopolitique et les événements d'Octobre qui ont bouleversé l'Algérie. Là aussi, on incrimine les comités de supporters qui ne font pas leur travail et les éducateurs (les entraîneurs) qui incitent leurs joueurs à contester l'arbitrage. A la suite de ce premier semestre de la saison footballistique, la réaction des responsables du sport est surtout répressive. Les sanctions sont très sévères: des joueurs lourdement sanctionnés, une multitude de terrains suspendus, des clubs pénalisés et des dizaines de supporters responsables ou non de troubles arrêtés. Pour le seul mois de mars 1989, on a 39 joueurs pénalisés, 16 joueurs suspendus pour un match, 15 joueurs expulsés, 4 éducateurs sanctionnés, 6 suspensions de terrain sur un total de 46 rencontres jouées. Le même constat se retrouve en Nationale II: 31 joueurs suspendus avec sursis, 15 joueurs suspendus pour un match, 10 joueurs expulsés, 2 suspension de terrain accompagnées d'amendes2. Cependant la violence concernant le club de Kabylie est exploitée par le pouvoir politique pour discréditer la région frondeuse et détourner l'opinion publique. Une grande publicité est faite aux incidents du match JETizi Ouzou-Mouloudia Club Algérois qui s'est 1 El Hadefn° 836 de la semaine du dimanche 2 El Moudjahid du 30 mars 1989.
2 au samedi 8 avril 198.
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déroulé en mars à Tizi Ouzou. Les supporters de la JET ont littéralement bombardé de pierres et de piles les joueurs du Mouloudia. A la suite de l'envahissement du terrain, il y a eu des bagarres entre les deux camps. En effet, à la même période des incidents se sont déroulés à Tizi Ouzou, à Alger et à Collo dans l'Est Algérien. Les médias les passent sous silence à l'exception de ceux de Tizi Ouzou qui sont largement commentés et mis en exergue, montrant un parti pris avec des arrières pensées politiques. Ainsi, malgré toutes les mesures ponctuelles prises suite à des analyses, la violence ira crescendo pour atteindre comme une traînée de poudre un nombre de plus en plus nombreux de stades. Et les événements tels qu'ils sont rapportés par la presse nationale sont affligeants: terrains envahis, injures, échauffourées, coups et blessures, déprédations et émeutes régulières marquent le championnat d'Algérie de football. Les équipes comme les supporters se considèrent comme des belligérants qui veulent en découdre quoi qu'il en coûte. Après octobre 88, pour la première fois, on ose chercher l'explication de la violence ailleurs que dans le sport même alors qu'elle était considérée jusque là comme un accident conjoncturel des enjeux et du spectacle sportifs. La presse du FLN identifie les véritables causes et reconnaît qu'elles sont d'ordre économique, social et éducationnel. Elle explique qu'elle n'est que la manifestation exacerbée des maux qui affectent la société: crise du logement, de l'emploi, crise d'identité, crise de nerfs et nel/s en crise à cause des pénuries, des coupures d'eau, de l'absence de loisirs, de la répression sexuelle et d'autres microbes qui agressent les jeunes et les moins jeunes. Il ne sert à rien de suspendre, d'emprisonner, de radier, si par ailleurs il n'y a pas de la part de l'Etat une prise en charge réelle des causes profondesl. Mais, ce discours reste rassurant et cette violence acceptable car heureusement, oui heureusement qu'elle s'exprime qu'à l'occasion des matchs de football. Si ça continue on arrête, le championnat. En avril, les bagarres qui sont survenues à Constantine et à El Mfroun dépassent l'entendement. A Constantine lors d'un match du vieux club Constantinois, le CSC et l'EPSétif, dans un stade 1 Révolution
ajhcaine
n01306 du 17 mars 1989.
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archicomble, des supporters armés de projectiles, de pierres, et de briques d'une murette qu'ils avaient détruite, sèment le désordre et la panique en envahissant le terrain. L'arbitre et deux joueurs sont blessés dont un au ventre de plusieurs coups de couteau. Leurs slogans n'épargnent personne, ni le gouvernement, ni le service d'ordre, ni les Sétifiens, ni les dirigeants du CSc. A la sortie, une maison de tolérance avec ses occupants verrouillés à l'intérieur, est incendiée1. Cet acte de violence prend signification forte. Il est le signe du résultat de la moralisation des moeurs et du développement de l'intolérance. Des scènes de destruction se répètent à El Attaf lors de la rencontre avec El Affroun. Joueurs, dirigeants et supporters de cette équipe ne doivent leur salut qu'à une fuite éperdue effectuée sous la protection des forces de l'ordre. La foule déchaînée se rue sur tout ce qu'elle rencontre. Elle n'hésite pas dans un réflexe de pur vandalisme, à saccager un collège, s'attaquer à des personnes à l'extérieur même du stade, à renverser puis à incendier des véhicules, à élever une barricade puis couper la route nationale Alger-Oran et à agresser plusieurs membres des services de sécurité2 Notons que ces événements se sont déroulés en plein mois sacré de ramadhan, bousculant les règles de la foi et de la piété et révélant l'hypocrisie de l'islamisation de la société. On est passé à un seuil intolérable de l'expression de la violence. Devant la gravité de cette situation, le comité provisoire de la FAF décide de suspendre pour une semaine du 15 au 21 avril inclus toutes les compétitions de football. Même la presse internationale, notamment le journal Libération, rapportera dans le détail cette situation3 Jeudi 6 avril de graves incidents ont lieu à Collo durant le match Wifak de Collo-Jeunesse sportive de Kabylie, et un véhicule de la radio nationale n'a pas pu échapper à la furie des supporters enragés. Le ministre de la Jeunesse et des Sports essaie de dédramatiser ces événements en manipulant les statistiques: il minimise cette violence en soutenant que sur les mille rencontres que connaît le pays dans tous les sports, l'ensemble des rencontres s'est déroulé dans des conditions normales. Il n'y a eu que quatre ou cinq rencontres qui ont connu la violence4 Pour remédier à cette violence, 1 Révolution
Africaine
n01312 du 28 avril 1989.
2Actualités de l'Emigration du 19 au 26 avril 1989. 3 Libération du mardi 18 avril 1989. 4 El Moudjahid du 17 avril 1989.
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il propose 5 mesures techniques dont «un plan ORSEC », c'est-à-dire l'organisation des secours en cas de faits graves, la mise en place de commissions, des voeux pieux et des formules gadgets naturellement. Au mois de mai, on dénombre de nombreux incidents à travers le territoire national à Bejaia, Hadjout, Ouled Moussa, avec envahissement de terrain et agression d'arbitres dont certains sont blessés. Un véhicule de la radio télévision algérienne (nommée l'Unique) est totalement endommagé. Le concept de «guerre» et les métaphores guerrières et militaires apparaissent dans les analyses des journalistes traduisant le haut niveau de violence. Nos jeunes vont au stade, non pas comme s'ils allaient à la fête, mais comme s'ils se rendaient à la guerre. Les emblèmes, les oriflammes, les costumes, les chapeaux et les serre-tête aux couleurs du club et les slogans criés à pleine poitrine font beaucoup songer à ceci qu'à celaI, peut on lire dans la presse officielle de l'Etat-FLN. A cette rhétorique de combat se rajoutent les problèmes de l'insécurité et du désordre, véritable anomie du sport. Dans les tribunes, c'est la pagaille, l'insécurité quasi-totale. Le service d'ordre dont l'autorité a été remise en cause par les événements d'octobre est inefficaceé 2. Ce faisant, les jeunes n'ont pas été définitivement neutralisés, désarmés, ni vaincus. D'autre part, en octobre 88 toute la violence ne s'est pas totalement exprimée, celle de l'année 1989 reste dans sa continuité, toute fraîche dans la mémoire des jeunes à cause de la répression qui s'en suivit. En effet, on a dénombré entre 500 et 600 morts, des arrestations et des cas de tortures parfois pour la simple et unique possession d'une paire de chaussures Adidas Stan-Smith, fabriquée en Algérie et provenant du «butin de guerre» amassé lors des pillages des magasins d'Etat et des galeries algériennes par les jeunes émeutiers. Une première analyse des incidents qui ont émaillé les rencontres sportives ces deux dernières années, fait ressortir que les actes de violence sont plutôt en augmentation. Ils ne sont plus circonscrits au football. Ils sont dans la Cité car ils ont lieu, tout en ne restant pas liés au seul sport, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur des stades. Avec la répétition de ces actes de brutalité, la violence sportive 1 El Moudjahid 2 El Moudjahid
du 11 avril 1989. du 30 mars 1989.
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ne peut pas être considérée comme «une hystérie collective produite par le seul fait du rassemblement, ni le résultat d'une quelconque mécanique des foules »1 C'est donc un usage social qui, en dernière analyse, a des significations sociales et parfois des conséquences politiques puisque cette violence accrue durant l'année 1989, risquait de compromettre le fragile processus de démocratie. Révolution Africaine met en garde contre les manipulations et la liberté d'expression dans les langues mal intentionnées qui représentent un réel danger pour la vie communautaire2. On peut donc dire que le caractère récurrent des actes de violence dans le football va ainsi faire partie non seulement de l'image mais aussi de la nature du football algérien. La violence sportive, montre aussi que l'esprit de clocher, le régionalisme, les anciennes divisions, les querelles d'antan, presque un demi siècle après l'indépendance n'ont pas encore été dépassés. La violence, une façon de dire de la jeunesse, est désormais partie intégrante de l'identité collective des jeunes qui ont leurs propres problèmes et qu'ils réactualisent dans les stades. Intégrée dans leur vécu en tant que transgression des lois et unique forme maîtrisable par le pouvoir de l'action de protestation, elle traduit en fin de compte l'échec de la politique du containment de la jeunesse car les multiples actions des stratèges gouvernementaux, des cadres du parti du FLN et des spécialistes institutionnels n'ont pas eu les résultats escomptés. Les événements que nous avons décrits durant les trois décennies semblent être la parfaite illustration de la non-domestication de la jeunesse citadine algérienne3. ~2 La violence verbale: indicateur de l'engagement
politique?
Après avoir vu et cerné les caractéristiques de cette violence quantitative physico-matérielle permanente, nous allons dans un second temps nous intéresser à la violence verbale et donner sa signification. Notre méthode d'approche utilise la sémantique 1 Alain EHRENBERG: Les hooligans ou la passion d'être égal, p.ll. 2 Révolution Aji-icaine n° 1306 du 17 mars 1989.
3 La jeunesse algérienne ne connaitra plus de répit. Le cycle émeute-répression touchera en 2008 de nombreuses wilayates (Tiaret, Tizi Ouzou, Chief). Cependant, les émeutes sociales contre l'injustice, le chômage avec destruction des biens étatiques et arrestations de jeunes n'ont pas encore atteint le stade national.
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diachronique qui s'intéresse à l'ordre d'apparition dans le temps des mots, mais aussi à l'évolution de leur sens. Dans son ouvrage Les Mots et les Choses, Michel Foucault montre l'irréductibilité du visible à l'énonçable et inversement: On a beau dire ce qu'on voit, ce qu'on voit ne loge jamais dans ce que l'on dit, et on a beau faire voir par des images, des métaphores, des comparaisons, ce qu'on est en train de dire, le lieu où elles resplendissent n'est pas celui que déploient les yeux mais celui que définissent les successions de la syntaxe 1. Ainsi, afin d'éviter l'impressionnisme, nous recourrons à l'analyse de contenu d'un corpus d'étude, constitué par l'ensemble des «mots du stade» des supporters de l'équipe nationale et des différents clubs de football sur la période allant de l'indépendance à nos jours. Rappellons tout d'abord, ce que nous désignons par les mots du stade. Ce sont les expressions, les énoncés et les phrases que les jeunes supporters utilisent à l'occasion des matchs de football qui s'accompagnent le plus souvent d'une expression du corps, de gestes et de mimiques. Ils se retrouvent essentiellement dans le langage constitué de signes vocaux et dans le système structuré de signes non verbaux: le paralangage, les graffitis et les graphiques des murs des cités et des quartiers populaires, (des houmas). Nous verrons ensuite le profil de quelques hommes orchestres, les fabricants, les émetteurs de ces mots. A Les mots du stade 1) L'évaluation du pouvoir des mots2 du stade Il reste vrai que cette évaluation, c'est-à-dire ce qui rend un énoncé efficace tout en lui conférant un caractère performatif est difficile à faire dans ce cas. Ce ne sont pas les stades, ni la rue, qui gouvernent, déclarent les décideurs algériens et encore moins les gamins. Ils sont donc sans influence, semblent-ils affirmer. Comme le dit Judith Butler, le langage est considéré «principalement comme une puissance d'agir, comme un acte et ses conséquences, une activité prolongée, l'accomplissement d'un acte qui a des effets ». Cette déclaration n'est pas réellement une définition. «Le langage est après 1 Michel FOUCAULT, Les Mots et les Choses, Paris Gallimard, 1996 p 25. 2 Pour reprendre le titre du livre de Judith BUTLER: Le pouvoir des mots. Politique Editions Amsterdam. Paris. 2004.
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du pelformatif.
tout considéré comme une puissance d'agir, c'est-à-dire qu'il est postulé comme ou considéré comme tel »1. Cependant, elle souligne qu'un acte de discours peut être un acte sans nécessairement être efficace, c'est-à-dire n'a pas le pouvoir de produire des effets. D'autre part, même s'il n'engendre pas un ensemble de conséquences et n'a pas d'influence, il reste une puissance et la puissance d'agir du langage trouve son origine dans le sujet. Or dans notre étude, les jeunes qui ont une identité assignée, dans la société patriarcale algérienne, sont des sujets agissant du langage. En ce sens, ils sont une puissance. Aussi, nous nous attacherons essentiellement à saisir non pas le résultat, l'effet et l'efficacité des mots du stade mais leur modalité et leur sens global qui peuvent être appréhendé en faisant crédit au discours des acteurs surtout quand ils s'adressent aux décideurs politiques dans un contexte particulier. 2) La diversité des modalités d'expression Dans l'ensemble hétéroclite des mots du stade, exprimés en arabe dialectal algérien ou en français, on trouve les slogans qui recourent à un langage simple, multiple, à des formules brèves et frappantes pour propager une opinion, soutenir une action. Sur le plan diachronique de leur usage, on observe deux périodes. La première période est celle des primo-slogans sportifs qui traduisent la rivalité d'antan entre les villes, le régionalisme, l'esprit de clocher et s'adressent directement aux supporters de l'équipe adverse, en utilisant beaucoup de quolibets. Les Belabèsiens sont traités par les supporters
des autres clubs de « fils de la Légion étrangère »2, raillerie injurieuse et même suprême insulte pour les Belabèsiens. Les kabyles sont appelés les zouaouas. Quant aux Djidjelliens, on se moque de leur accent et de leur tic langagier, ce qui n'est qu'une plaisanterie ironique, moins grave que celle adressée aux Belabésiens. L'équipe de Boufarik, «la capitale des oranges », est bombardée par exemple d'oranges lors de ses déplacements à Alger ou à Tizi Ouzou en Kabylie. Dans ce cas là, on est dans l'image et le symbolique. Cette violence verbale est essentiellement régionaliste. Elle a cependant des effets politiques car elle accentue la division entre Algériens et devient 1 Judith BUTLER, op cit 29. P 2 Bel Abbés était la capitale de la Légion étrangère pendant la colonisation club qui exista de 1906 à 1962 (le Sporting Club de Bel Abbés).
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et possédait
un prestigieux
un frein à la promotion de l'unité nationale selon le pouvoir politique. Seulement ces slogans sont vite dépassés et remplacés par d'autres. Les seconds slogans amorcent le début d'un contact direct avec les décideurs politiques présents ou non dans les tribunes officielles des stades. Cependant, ce premier contact est organisé par les flatteurs du prince (les courtisans du Président). Il est rarement spontané. Pendant la réforme sportivel, dans les gradins, les applaudissements étaient généreux et unanimes et les chants et les ovations étaient localisés en certains endroits de la vaste arène du stade du 5 juillet, à Alger, en particulier sur les gradins de haut à droite de la tribune officielle où sont placés les membres du gouvernement, du parti du FLN et de l'Armée Nationale populaire (ANP). Les spectateurs sont organisés et dirigés par un chef d'orchestre. Ils s'adressent directement au gouvernement. Ils chantent à l'unisson l'hymne à la Révolution Agraire:Aie mamia, ou twara ziraia, lancent des mots d'ordre d'alliance du peuple et de l'armée contre la réaction: Djeich, Chaab, dad el rajaîa et des slogans apologétiques à l'adresse du prince, yahia Boumédiène. On entonne des chants patriotiques et révolutionnaires. Il n'y a pas de remise en cause des gouvernants. Ce sont les mêmes slogans que l'on retrouve dans les meetings politiques de l'UGTA, de la JFLN, de l'UNJA, du parti du FLN. On ne fait pas preuve d'imagination, de créativité, ni de courage politique. La deuxième période correspond à l'appararition des «paroles de la révolte» et de la contestation dans les stades. C'est l'application du slogan de mai 68 en France: Enragez vous. Ces paroles apparaissent au début de 1977, après la mort de Boumédienne et l'accès au pouvoir de Chadli Benjeddid. Ce sont les Kabyles qui commencent à revendiquer leur identité culturelle et ethnique. Avec les années 1980, les jeunes nés après la guerre de libération nationale, rejetés par le système social, les exclus du système scolaire, constituant une nouvelle génération, une catégorie de «néodamnés » de l'Algérie postindépendance, interviennent plus fréquemment et sans peur. Dans les années 1986-1987, ils se mettent en rapport direct avec les dirigeants politiques, à l'aide de slogans socio politiques clairs, simples et concis. En effet grâce à ces slogans et mots d'ordre du stade, les jeunes s'approprient un mode des plus directs 1 Ce spectacle se répète selon le même scénario, surtout lors des événements internationaux: Jeux Méditerranéens de 75 d'Alger.
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d'interpellation des dirigeants politiques algériens qu'ils soient présents dans le stade ou absents physiquement. Ainsi, lors des manifestations sportives de grande importance, en s'adressant aux officiels, ils déplacent les pôles de la visibilité de la pelouse foulée par 22 joueurs vers les gradins où se trouvent des dizaines de milliers de jeunes. Oubliant un instant le match, la focalisation de l'intérêt, se fait sur à la tribune officielle. D'autre part, le match international de football, quand il se déroule en présence du président de la République, après l'hommage rituel et officiel qui lui est rendu, devient souvent l'occasion pour les jeunes de dialoguer avec lui, de manifester leur besoin d'écoute, et de lui présenter leurs revendications. Le 5 octobre 1988, en pleine insurrection, les jeunes des quartiers populaires de Oued Korish, du Climat de France, les jeunes hittistes, désoeuvrés de Bab El Oued reprennent tout simplement les slogans des stades qu'ils avaient assez souvent affutés. Ils ébranlèrent le parti unique du FLN et permirent le début de la libération de la société civile algérienne. Plusieurs deviendront des recrues pour les islamistes. Le terreau est fertile. Après cette césure, entrainant une véritable libération de la parole de la société civile, la politique devient dominante et le sport spectacle passe au second plan. A partir de là, la parole politique s'installe en permanence dans les stades car cette communication en visant aussi à faire légitimer comme «processus normal, allant de soi, une idée, une émotion, exprimée à travers un slogan, des cris, une action négative que la raison devrait condamner, n'empêche pas les jeunes de parler eux aussi de politique, à leur manière et en utilisant alors leur propre langage politique. Les chansons des stades, considérées comme un art mineur mais d'une importance majeure sont un des principaux médias de la jeunesse. Elles font partie de cette tranche de temps ludique. Utilisées pratiquement tous les dimanches d'abord et les vendredis après le changement du j our de repos, elles ont un grand effet d'entraînement. On en distingue deux sortes: les «officielles» apologétiques des clubs et chantées par des stars de la chanson, celle de l'USMA par Kamel El Harrachi, fils du célèbre Dahmane El Harrachi, de l'USMBlida par Chiekh Mahfoud, de la JSMSKikda, du CSConstantine, du MCA. «les fabriquées» des supporters dans lesquelles on y trouve d'abord les encouragements du Club.: Viva
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Mo uloudia, Allez, Allez, Allez, Allez, y a Chnouil, la revendication de la victoire, la fête, le défilé de la victoire dans les quartiers. Pour ces dernières, les spectateurs sportifs empruntent le contenu à différents terroirs. Ils les adoptent après les avoir adaptées à leurs risques et périls. L'humour, l'ironie, la satire, le disputent à la métaphore pour donner de très petits textes de 2 ou 3 phrases, d'un à trois couplets sur des rythmes et des thèmes puisés parfois à même les chansons des jeunes chanteurs de rai (des cheb et des chebat). Le calembour et les substitutions homonymiques, ainsi que les jeux de mots fondés sur une similitude phonique, sont utilisés. Ces techniques des chants mélées à la musique et aux danses, expriment à la fois, la fête des supporters, une véritable recherche du plaisir, de la jouissance éphémère qui rit dans le temps présent afin de conjurer le malheur, la misère, la révolte et la rébellion des jeunes à la Hogra, oppression. Cet hédonisme deviendra une véritable insoumission à l'autoritarisme de l'Etat. Le palimpseste verbal mobilisant des savoirs, des représentations, des valeurs dépasse toujours le registre éminemment culturel pour le registre politique. Ce faisant, les chansons du sport sont nombreuses. En 1963 il existait déjà dans l'Oranie, une chanson en français: cocotte minute, bien vacant, fêtant le progrès social des Algériens par l'acquisition de la cocotte minute et les appartements laissés par les Français d'Algérie. Celle de l'équipe de Sétif est Hela, Helala !, celle de Annaba fa Baba el Mansour. On emprunte aussi aux clubs européens et aux Anglais les cris Hé, ho, hé, ho, ainsi que la «hola», etc... Plus que dans les pays occidentaux: France, Italie, Grande-Bretagne, dont s'inspirent les jeunes grâce aux paraboles et où les chansons fusent des gradins des tribunes des stades de football, les airs, le rythmez de certaines chansons ainsi que les slogans repris en coeur dans les tribunes algériennes, sont systématiquement reproduites dans les manifestations politiques de rue. L'air est le même, en revanche le contenu change, il devient essentiellement politique.
I Le tel11le Chnaouas, (les Chinois) désigne les supporters du Mouloudia l'instar des Chinois. Ces fans du Mouloudia se retrouvent dans toute l'Algérie.
qui sont très nombreux
à
Z Le rythme joue un très grande rôle dans la mobilisation et la dynamisation des supporters. Il enflamme la foule. C'est la derbouka qui est le médium de la joie et de la fète. Qtmnt elle est absente, elle est remplacée systématiquement par les applaudissements des mains et leur tournoiement dans l'air.
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Les incivilités et la vulgarité sont très répandues dans l'expression de la colère des jeunes des stades. Il faut rappeler que les jeunes algériens ne se conduisent pas de la même manière lorsqu'ils sont isolés dans l'espace privé familial, dans la houma, le territoire du quartier ou dans l'espace public. Dans le premier cas, ils sont très pudiques. En revanche, lorsqu'ils sont en groupe, ce sont de véritables poudrières prêtes à exploser à la moindre étincelle. Ils se laissent souvent prendre par des émotions fortes, des mouvements affectifs extrêmes allant jusqu'à s'oublier ou à commettre des dérapages langagiers. L'obscénité est l'expression récurrente et l'arme de leur mécontentement ainsi que de leur masculinité. A Constantine durant le derby opposant le CSC et le MOC, le slogan des supporters du CSC est Ouach kharaj louliea men darha. L'équipe du MOC est traitée de femme qui tarde à quitter le domicile familial. A Alger le derby Mouloudia-USMA se joue aussi sur le statut des deux clubs. Le Mouloudia est radjal, homme, (slogan peint sur les murs), et l'USMA une femelette. Alors, on peut affirmer que les injures, les insultes, les obscénités, et la grossièreté essentiellement à connotation sexuelle, forme de blessures linguistiques, sont des invariants historiques de la violence verbale dans les stades algériens. Ces spectateurs, en franchissant facilement la frontière du tolérable, ne respectent plus rien et perdent le sens civique. La conséquence qui s'en suivit est la baisse du taux de fréquentation des stades par les personnes d'un certain âge ainsi que par les amoureux du football-spectacle qui préfèrent suivre les matchs à la télévision. Les jeunes se retrouvent pratiquement entre eux et en face des forces de l'ordre. Cependant, la violence verbale dépasse le stade clos et pénètre les foyers par le biais de la télévision. Ce public (toujours le même), loin de s'en tenir à chatouiller les normes prescrites de températures propose régulièrement aux (malheureux) présents, tout un récital d'obscénités et de vulgarités que l'on n'enseigne ni à l'école ni à l'université et encore moins dans les foyers algériens. Même ces derniers se trouvent parfois agressés le vendredi après-midi lorsque la RTA leur fait vivre à domicile les péripéties
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cinéma muet. Voilà un scénario qui se répète depuis l'antiquité et qui nous force à croire en son immortalité tant qu'aucune forme répressive n'y est apposée. Se boucher les oreilles est une forme de passivité que ces inconscients accueillent avec la plus grande satisfaction. Les conséquences, elles sont sérieuses et...seront demain très graves, car ça et là on enregistre déjà des constats de comportements antisportijs, qui plus est chez les juniorsl Cette violence banale au départ, tolérée et intégrée dans le comportement des spectateurs, finit par faire partie du sport quotidien. Un journaliste va jusqu'à déduire qu'elle exclut les Algériens des peuples policés et des nations cultivées, si on ose le raccourci2 alors qu'elle est universelle et qu'aucun stade de football ne lui échappe. Le paralangage est essentiellement exprimé en français. A coté du langage sonore, on trouve aussi des banderoles déployées dans les tribunes des stades où s'amalgament langage politique et langage sexuel: Vive le Maghreb berbère sur les banderoles des Kabyles dans le stade du 5 juillet à Alger et aussitôt enlevées par les forces de sécurité. Hamra, mon amour. Ce dernier slogan de déclaration d'amour et d'attachement affectif au club est le plus répandu. Il se retrouve aussi dans les chansons des supporters. Khadra, ya mon amour, Azizti Mouloudia, JSMSkikda ma chérie. Il exprime un véritable investissement passionnel dans de nombreux clubs qui deviennent une réalité autonome, fortement personnalisée avec laquelle les supporters entretiennent des relations passionnelles d'amour sublimé. En l'occurrence, le club est assimilé à une maîtresse qui invite à l'extase et à l'orgasme et pour laquelle on est prêt à consentir des sacrifices en temps et argent pour les déplacements et parfois des pertes de biens, telles que les voitures détruites lors d'incidents sportifs. En retour et en compensation, on bénéficie d'émotions fortes procurées par le spectacle. On éprouve de la joie puisée dans la victoire, de la jouissance dans la danse, les chants de la fête. On s'enivre comme si on était en boîte de nuit, au dancing. Grâce à toutes ces sensations, on combat la malvie, la misère sexuelle. En définitive, on a le sentiment d'exister. D'ailleurs, à l'instar des étudiants contestataires de mai 68 à Paris qui écrivent désobéir d'abord: alors écris sur les murs (loi du 1 El Moudjahid du 13 mai 1981. 2 ln Algérie Actualités n01274 .semaine du 15 au 21 mars 1990.
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10 mai 1968), Murs blancs, peuple muet, Ecrivez partout, les graffiti des jeunes sur les murs, se généralisent concomittament à la dégradation de leurs conditions socioculturelles. Ils sont peints à la peinture verte, rouge, blanche et noire au pinceau, au bâton et aux moyens de bord, grossièrement, contrairement à ceux des pays occidentaux faits le plus souvent à la bombe de peinture. On les retrouve presque partout, même dans les endroits les plus insolites, tels que le bord de mer, gravés1 sur les rochers afin d'éviter d'être effacés et les lieux de mémoire les plus respectés comme les cimetières. Parfois, ils côtoient des esquisses sommaires, des dessins de jeunes muralistes débutants. On peut les lire, aussi sur les murs des lycées2, des quartiers populaires et des quartiers généraux, des territoires des hittistes des cités: «quartier Londres », «Australie », « Miami» à l'instar des nouvelles appellations de certains quartiers
commerciaux
des
trabendistes,
« Quartier
Dubai »,
etc...Ces
inscriptions sont pratiquement toutes en français vulgaire avec de grosses fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe. Elles nous renseignent sur le niveau d'alphabétisation de ces jeunes purs produits de l'école fondamentale et du processus d'arabisation, qui ne se préoccupent pas du respect de la langue en appliquant le slogan de mai 68: l 'orthografe est une mandarine. Véritables «dazibaos» et cahiers de brouillon, ces graffitis mêlent d'une façon éclectique à la fois le football, l'amour, la poésie, la rêverie, la politique, la révolte, la haine, et I'humour. Les sigles de partis politiques côtoient les menaces et les défis au pouvoir politique. Ces inscriptions peuvent être des indicateurs d'appartenance politique des quartiers où football, politique et expression de mal de vie, s'amalgament. Nous avons trouvé sur le mur d'un terrain vague, un dessin figurant l'acte sexuel de sodomisation entre deux personnes de sexe masculin et des inscriptions exprimant l'homophobie et la condamnation de
1 La gravure dans la roche évite au graffiti d'être éphémère. Seule l'érosion naturelle et le temps long auront peut être raison de son existence. 2 Même au collège, au lycée et à l'université, les tables de cours et des amphithéâtres sont saturées d'inscriptions. Elles n'ont pas échappé à ce changement spectaculaire alors qu'avant, j'amour était dominant, «les adolescents en plus des noms des vedettes qu'ils inscrivaient, dessinaient des coeurs transpercés de flèches de part en part et à J'intérieur desquels des prénoms de jeunes filles étaient visibles ». Révolution Africaine n01461 du 27 février au 4 mars 1992.
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l'homosexualité qui se répand dans pratiquement toutes les villes1. En fait les mots les plus répandus sont ceux qui se rapportent au sport et particulièrement au football. Ils vantent les mérites de tel ou tel club, ainsi que les noms de leurs plus prestigieux joueurs. A Constantine, où il y avait une forte communauté juive, l'antisémitisme primaire est utilisé pour discréditer l'équipe de football du MOC. Sur les murs de la ville, on trouve les inscriptions MOC = juifs, l'autre équipe rivale soutient l'islamisme (CSC = votez Fis). On y trouve aussi des souhaits de bienvenue au chanteur Enrico Macias. La venue de ce dernier en Algérie avait soulevé des protestations des nationalistes conservateurs et des islamistes avec à leur tête le premier ministre Belkhadem. On tombe aussi sur ce fort désir de départ sur les murs dans bon nombre de villes algériennes. Dans les quartiers les plus défavorisés, d'Alger, de Bab El Oued, de Badjarah, d'El harrach et même des villes de l'Est algérien, Constantine, Jijel, Skikda, on peut voir des appels au chef d'Etat francais Jacques Chirac pour l'obtention du visa qui permet le voyage, l'évasion et la sortie de la condition de damné de l'Algérie. Parce que minorés, infantilisés par la société, leur rage d'exister se manifeste à travers les nombreuses signatures, les initiales, les noms et les prénoms de jeunes. D'autre part le langage du corps, est très souvent usité par les jeunes qui vont très facilement de la fête à la révolte, de l'allégresse à l'agressivité. Le passage de la joie à la violence, arrive assez souvent. Il se manifeste à travers le corps en mouvement. En effet comme dans les liturgies des Chrétiens d'Orient où les fidèles chantent, bougent et dansent sous la direction du prêtre qui officie à la fois comme chef d'orchestre et chanteur, les supporters lancent des cris du cœur dans un véritable exhibitionnisme corporel pour exprimer leur bonheur lors des moments de victoire. Ils se dénudent plus facilement le torse. Ils s'enlacent, s'étreignent, se tiennent par la main et s'embrassent, frôlant la connotation sexuelle inconsciente. Ils utilisent le contact physique qu'ils aiment. Leurs corps présentent alors une dimension sensuelle et érotique. Parfois, ils vont jusqu'aux pleurs car tout dépend de l'issue du match. Des jeunes, comme des adultes n'hésitent pas à pleurer à 1 Le thème de l'homosexualité est de l'ordre de ]'indécible, du non dit. Elle relève de la pathologisation, de la moralisation, de l'impureté et de l'illégalité. L'acte sexuel est perçu d'une manière totalement déséquilibré. L'actifn'est pas condamné alors que l'autre partenaire est méprisé.
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chaudes larmes lorsque leur club perd1, alors que dans la culture algérienne l'homme ne pleure pas. Il arrive qu'ils s'autodétruisent en se frappant la tête contre le mur. Ainsi les actes de discours sont aussi des actes du corps de ceux qui parlent, mais qui agissent également sur les corps de leurs destinataires. Le corps des jeunes dit toujours plus et autre chose que ce qu'ils veulent dire, et qu'ils ne sont pas toujours maîtres de ce qu'ils disent. 3) De quoi parlent les jeunes des stades, que disent-ils? Si ces mots du stade restent des indices, des symptômes ou des signes révélateurs d'un comportement et d'un état d'esprit, il n'en demeure pas moins que se sont des signifiants quantitatifs puisqu'ils émanent de tribunes de milliers de jeunes et se répètent dans le temps par leur fréquence qui suit le calendrier des matchs de football. En effet le calendrier des rencontres de football se déroule du mois de juillet de l'année considérée au mois de juin de l'année suivante entrecoupé d'une trêve hivernale. On dénombre des centaines de matchs de football par an, néanmoins le nombre précis de spectateurs reste inconnu. On y trouve le social. Al' époque du «socialisme », les slogans les plus fréquents sont de nature sociale: revendications d'emplois, de logements, d'infrastructures. Ceux de la dénonciation de la pénurie des produits de première nécessité comme la pomme de terre, le café, le beurre dont souffrent les Algériens et plus particulièrement les classes populaires, sont les plus nombreux. Donnez-nous el batata (la pomme de terre), on vous donnera Yamaha la mascotte de l'équipe nationale qui met de lajoie et de la gaieté chez les jeunes. Nous voulons des logements, des devises. Bien sur, à côté de ces revendications sociales, utilisant des phrases très courtes structurées par des rimes, il y a celles qui sont exclusivement sportives: Chadli, bedalna (change nous) Houhou, le ministre de la Jeunesse et du sport. Ce dernier est rendu responsable des défaites de l'équipe nationale de football. Cette revendication s'intéresse légitimement au ministre en charge de la jeunesse. A ce 1 Cette caractéristique de la jeunesse algérienne sera exploitée avec brio par les islamistes qui manipulèrent les jeunes lors des prêches incendiaires de Ali Belhadj le n02 du FIS pendant lesquels ils les firent pleurer à chaudes larmes ou lors de l'utilisation du laser au stade du 5 juillet leur faisant croire au miracle divin..
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moment là, les jeunes sont centrés sur l'équipe nationale de football. Cette revendication résume la remise en cause de sa politique sportive et plus particulièrement l'organisation, la gestion, le recrutement et le choix de l'entraîneur de l'équipe nationale de football qui reste jusqu'à nos jours un problème national. En fait, on peut y voir une condamnation sans appel de la politique publique sportive identifiée au seul football par les jeunes. C'est le management du football algérien qu'il faut changer. C'est aussi l'attachement au sport qui connote une idée positive. On trouve d'autres expressions, en particulier vis-à-vis de l'entraîneur de telle ou telle équipe de football, à qui on s'adresse par son prénom pour changer tel ou tel joueur ou pour sermonner tel ou tel autre. Mais il y a aussi un besoin d'éthique dans la dénonciation de la corruption des dirigeants et de la famille du président de la République, Chadli. Le premier homme politique qui est la cible préférée des jeunes est le responsable du parti du FLN, Messadia. Durant ses discours démagogiques en arabe classique à la salle Harcha, véritables monologues devant les syndicalistes, les jeunes et les militants du parti du FLN, il est littéralement chahuté et accusé de vol. Messadia, serraq el maliya, Messadia, voleur de biens publics. Le deuxième est le chef de l'Etat: On ne vous a pas demandé de nous ramener du poivre noir mais un président capable (en arabe, felfel khal rime avec raïs thaI). Chadli, assez de vices! Dis à ton fils de restituer les devises. Il s'agit du fils aîné Tewfik du président, associé du colonel de l'ANP, Senoussi responsable du complexe commercial « Riadh El Feth» et de Rachid Mouhouche, un jeune copain qui a escroqué la Banque Extérieure d'Algérie, à la suite d'une intervention personnelle de Larbi Belkheir, l'homme fort du régime et éminence grise du président, auprès du directeur de la BEA des Pins Maritimes, Tahar Yazid. Ce dernier s'est réfugié à Genève à la suite de cette affaire. Des milliards ont été subtilisés et la totalité de l'argent a été mise à l'abri dans des comptes à l'étranger. Seul Rachid Mouhouche a été officiellement reconnu coupable pour cette escroquerie et incarcéré à la prison d'El Harrach. Quant au fils de Chadli, il a été éloigné à Caracas au Vénézuela, auprès du nouvel ambassadeur, Slimane Bendjedid, un cousin de Chadli, un simple petit fonctionnaire de la compagnie aérienne Air Algérie dont il est devenu Directeur Général.
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On s'attaque également à lafemme du président. Une chambre, une cuisine, sont mieux que le château de Halima. Cette phrase exprime la rumeur incontrôlable qui court à Alger concernant la femme du Président qui aurait acheté le château de l'acteur Louis de Funès. D'autre part, la femme du Président est devenue trop visible dans l'espace public: Halima tahkam jina, Halima nous commande. Halima est maîtresse du pays. A cette époque, le président de la République associe son épouse à certaines réceptions protocolaires. Désormais elle l'accompagne dans ses déplacements à l'étranger et Chadli n'hésite pas à se montrer en public avec elle. C'est le premier président algérien qui a osé cette apparition. Ainsi, sous la pression et les critiques, Chadli cède très vite et revient au protocole traditionnel. Sa femme n'apparaîtra plus publiquement. Ce slogan, au-delà de son attaque du pouvoir, révèle en réalité l'antiféminisme des jeunes et le statut inférieur de la femme algérienne dans la société. Rappelons qu'avant la disparition de la télévision algérienne de la femme du président, une concession de taille est faite au courant islamiste moralisateur des moeurs, l'apparition publique avec un «foulard islamique» à la manière de Benazir Buttho, le premier ministre du Pakistan de l'époque. Le frère du président n'est pas épargné. A Constantine, en 1989, les supporters du grand club constantinois, le CSC insultent littéralement le wali de Constantine, Bendjedid qui est le frère de Chadli président de la République: Na a âl bouk, entâ ou khouk, maudit soit ton père, toi et ton frère. Depuis, les supporters du CSConstantine, (les Sanajirs, les nains) de retour des stades en passant devant le siège de la wilaya, lancent un grand chut: silence, ne faîtes pas de bruit, chut le wali dort, laissez-le dormir. Ce wali ne travaille pas, c'est un fainéant. Les jeunes ont soif de justice appliquant la maxime de mai 68: L'insolence est la nouvelle arme révolutionnaire. Ainsi, en nous référant à Paul Veyne, celui ci nous dit que les spectacles dans la Rome antique donnés par le prince ou en sa présence, permettent aussi au souverain de prouver à sa capitale qu'il a des sentiments populaires; ils ont aussi une cérémonie où le prince se fait acclamer. En Algérie, c'est le contraire qui se produit: c'est durant les matchs de football que le président de la République qui a perdu JJ
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son aura et sa légitimité1 se fait conspuer. En avril 1989, lors de la dernière session du comité central du FLN, le chef de l'Etat le Président Chadli soulève le problème de l'ampleur de la violence dans les stades et dont il devient la cible privilégiée. En effet, les «réactions du stade », avec ses slogans, ses clameurs, sont un véritable instrument de vérification et de mesure du sentiment populaire, du degré de ferveur manifestée par l'opinion publique lors de l'accueil au stade du chef de l'Etat, ou du ministre. Le culturel n'est pas oublié. Les jeunes n'ont pas beaucoup de loisirs et s'ennuient. Ils sont donc attirés par les modèles culturels de la forteresse Europe qu'on arrive maintenant à regarder grâce à la parabole: La 5, la 6, la 2, vive la parabole2 Ils sont fascinés par la culture occidentale de consommation et les marques de vêtements et
de chaussures de sport, « du made in » France, en Angleterre, etc... et les films de violence et de guerre qui sont censurés ou ne passeront jamais en Algérie. La valeur communicative jeunes des stades est très forte car ils envoient de véritables messages au pouvoir. Leurs paroles mélangent à la fois le sport, le social et le désir d'Occident qui se télescopent. Les jeunes crient régulièrement leur désarroi et leur désespoir3, dans les occasions de regroupement dans les stades. Rana dafn. Nous sommes perdus. Vous nous avez abandonnés. Le mot dayaï (abandonné, perdu, largué) revient très souvent dans les slogans des jeunes. C'est un véritable appel au secours, ouvrez les jènêtres de vos cœurs contrairement aux contestataires de mai 68 qui proclament: Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend, ou Ne me libère pas, je m'en charge. Ils ont peur d'être largués définitivement et de gâcher leur vie. Ils veulent vivre. La vie contre la survie, vivre au présent, Man t'nin ou ça tin, wou ha na man ci yin, mah gourin. Depuis 1962, nous sommes oubliés, opprimés. Manach moukharibin, rana day'in. Nous ne sommes pas des saboteurs, nous sommes délaissés. Mouloudia ou Serkadji. Le Mouloudia ou la prison de 1 El Moudjahid du 2 Depuis la fin des TV françaises, s'est 3 Dans les années
18 avril 1989. années 80, l'installation des antennes paraboliques généralisée et popularisée. 2000,
qui affrontent
les forces
de l'ordre
de suivre les chaînes des
pendant des manifestations, d~jà 1110r/s», Quant aux haragas, ils n'ont pas peur de mourir en mer: « Yakoulni el haut ouala eddoud JJ, Je préfère être mangé par les poissons plutôt que par les vers.
n'hésitent pas à leur crier:
les jeunes
permettant
Il vous ne pouve= pas nous tuer car nous sommes
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Serkadji. Il n'y a que deux voies qui leur restent, le club qu'on aime et la prison. Ils n'ont aucune autre perspective, semblent-ils trancher. Je suis fatigué et j'en ai marre. Dans mon pays, je suis opprimé. Maghroum, mahgour. Plus encore, ils expriment leur naufrage et leur douleur en clamant l'ultime recours qu'est pour eux la drogue ou l'exil: 6.15, 6.15, artane, phostan, nausinon, zitlal. Hassen, hassen tani, aatina zatla, natakifouha iinani makra fi lhoukouma. Hassen II, (le roi du Maroc), donne nous de la drogue, nous la fumerons publiquement en narguant le pouvoir. Ce slogan contient une double provocation: celle du pouvoir politique, puisqu'on est prêt à faire des alliances avec le propre ennemi du pouvoir algérien le roi du Maroc qu'on implore, et celle de la société et de l'Etat par la consommation de la drogue, un produit illicite. Trahison et illégalité ne leur font pas peur. La drogue permet le rêve, le voyage intérieur. Des jeunes interwiévés répondent: je me remplis la tête, Je mets l'oiseau dans ma tête. Ils sont comme les jeunes de mai 68, qui écrivaient: Le rêve est réalité. Désirer la réalité, c'est bien! Réaliser ses désirs, c'est mieux! Oubliez tout ce que vous avez appris. Commencez par rêver. Cette envie de départ pour un ailleurs mythique hante leur conscience2. Cette génération projette dans les rêves de départ pour un ailleurs de rêve son besoin de perspectives qui n'existent pas en Algérie. Le dernier plan quadriennal sous le Président Chadli avait pour ambition de rompre avec l'austérité de Boumédienne. Pour ce faire, un plan antipénurie le PAP, devait inonder le marché algérien de produits de consommation parfois futiles. Le slogan était: Pour une vie meilleure. Les jeunes l'ont complété en y rajoutant: Vivons ailleurs. Comme les slogans de mai 68 : Changez la vie, donc transformez son mode d'emploi, Soyez réalistes, demandez l'impossible, les jeunes osent et revendiquent ni plus ni moins que l'octroi de devises fortes, Aatouna devises, rouhou Langliz, donnez nous des devises, pour partir en Angleterre. A l'Est 1 Il s'agit de médicaments prescrits en psychiatrie, Mais ::ilta est une drogue que les jeunes se fabriquent eux mêmes, comme il le font avec le sembri/to qui est un succédané de boissons alcoolisées, mélange d'alcool à brûler additionné de limonade, (souvent du Sélecto, sorte de jus de pommes qui ressemble au coca-cola). Le sembritto est apparu à la suite de l'interdiction de l'alcool dans certaines wilayates et de l'augmentation trop forte du prix du vin, de la bière et de l'alcool. En 1990, il causa la mort de 20 jeunes gens à Zfizef (wilaya d'Oran). Ce slogan signifie: «Vive la drogue et l'exiI». 2 Cette aspiration se rapproche du slogan des contestataires de Mai 68 à Paris qui proclamaient: La vie est ail/eurs.
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algérien, dans les annéees 90, c'est El Harba vers la Libye, la fuite vers la Libye des jeunes de Ouenza, une ville où filles et garçons jurent par le tout puissant de quitter cette terre maudite1.11 est venu un bateau pour l'Australie. Le bateau2est le moyen priviligié de voyage de cette génération désenchantée et qui est dans la totale dénégation. Ce n'est pas l'avion qui est un appareil technologique plus récent, plus moderne et plus difficile à emprunter à cause de très nombreux contrôles policiers. C'est le symbole de tous les émigrants de la terre. Il a permis l'aventure et la découverte des contrées lointaines. La mer donne plus de liberté et le bateau de fortune a été la solution des premiers émigrants. Nous le retrouvons dans la chanson raï récente Ya el babor (le bâteau), y a mon amour, sors moi de la misère, toute ma vie, je suis mahgor (opprimé). Pour la France, le jeune algérien se contente de dire naktaâ Ge traverse la Méditerranée). Ainsi sont apparus les derniers émigrants clandestins: Les haragas, du mot harag brûler, en arabe dialectal signifie voyager sans payer. Les « brûleurs» sont des voyageurs clandestins, «des despérados» décidés à fuir par la mer dans des barques du rivage algérien. Les haragas de masse3, des dizaines en moyenne par jour tentent la traversée de la Méditerranée sur de petites embarcations, à l'instar des migrants clandestins africains subsahariens cherchant à gagner le sud de l'Europe, notamment les îles italiennes de la Sicile et de Lampedusa, ou les îles espagnoles de Ceuta et Mellila, à partir du littoral méditerranéen des pays du Maghreb qui leur sert de point de départ. Ignorant totalement les règles de la mer, ce sont parfois de
1 Alger Républicain, vendredi, samedi 27-28 septembre 1991. 2 Le lvfay FI01ver, est le symbole du bateau transportant les immigrants anglo-hollandais qui arrive en Amérique le 23 novembre 1670. Ces nouveaux arrivants, pour la plupart des puritains anglais déjà expatriés en Hollande dix années plus tôt en raison de l'intolérance du roi Jacques 1" Stuart, tentaient une nouvelle aventure afin de trouver, disaient-ils, une terre «où on eût la liberté de prier en paix". Ils conclurent un pacte avec une compagnie de commerce qui leur fournirait les capitaux, en contre partie, ils s'engageraient pendant sept années à vendre tout ce qu'ils produiraient au profit de la compagnie. En septembre 1620, cent deux pèlerins s'embarquèrent sur le May Flower; il s'agissait, pour la plupart, d'artisans et de petits paysans. La traversée fut mouvementée. lis affrontèrent de violentes et nombreuses tempêtes et le capitaine perdit si bien son chemin qu'ils abordèrent une côte américaine totalement inconnue pour eux, celle du Massachusetts. lis devaient fonder la colonie de Plymouth en NouvelleAngleterre. 3 Durant les trois dernières années, plus de 2400 émigrants clandestins ont été secourus en haute mer sans compter ceux qui ont réussi à rejoindre les côtes européennes, disparu ou péri en pleine mer (147 cadavres de harragas repêchés entre 2006 et 2007). Toujours selon des chiffres officiels, 1396 Algériens ont débarqué en Sardaigne (Italie) durant les neuf premiers mois de J'année précédente. Source: El Watan avri12008. Aujourd'hui leur nombre a augmenté d'une manière rapide et continue.
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piètres marins qui échouent sur le rivage algérien et sur la côte tunisienne ou disparaissent en pleine merl. Ils sont très éloignés de leurs ancêtres, les corsaires barbaresques qui écumaient la Mer Méditerranée et imposaient leur loi aux vaisseaux occidentaux. C'est la dernière forme de l'émigration algérienne, jeune, de la faim, du chômage et de la malvie. A l'occasion des voyages du Président Chirac, en 2002 et 2003 et celui de Sarkozy en 2007 à Alger, la demande principale des jeunes a été l'obtention du visa pour la France. Cette revendication se retrouve très souvent sur les murs des villes et villages. Le projet migratoire semble être la clée pour s'en sortir et pourquoi pas réussir socialement. Pour les footballeurs, c'est de jouer dans un club de football à l'étranger comme l'ont déjà fait leurs ainés de la génération coloniale et les joueurs professionnels de football. Lorsque la rumeur publique de facilitation d'obtention du visa circule, les consulats étrangers des pays occidentaux sont pris d'assaut par les jeunes, renforçant ce projet de départ. Analysés sur le long terme, le départ, l'exil, l'émigration sont des invariants historiques du comportement social des Algériens. Mais le départ de l'émigré colonisé de la première et la seconde génération vers un ailleurs proche, la France, est imposé à la fois par la misère en Algérie et le besoin de l'économie française pendant les Trentes
glorieuses. Ce sont des
«
émigrés indispensables» pour les deux pays,
jeunes et temporaires. Du coté algérien, le titre de la pièce de théatre de Kateb Yacine « Mohamed prends ta valise et va nous chercher des devises» la résume bien. Ainsi, une fois sur place en France, l'exil est ressenti comme un déracinement: el ghorba des travailleurs émigrés, une souffrance. La chanson culte de Dahmane El Harachi, Ya rayah, (celui qui part) reprise par Rachid TAHA, l'illustre fidèlement. Pour les islamistes, el hidjra en arabe qui a une très forte connotation religieuse, évoquant la fuite du prophète vers Médine, est temporaire. Ainsi, l'histoire de l'émigration algérienne en France montre qu'elle a commencé très tôt et qu'elle ne s'est arrêtée officiellement que dans les années 70 sous Boumédienne. Du côté algérien, cet arrêt est justifié par les actes racistes que subissent les Algériens en
1 En Avril 2008, pas moins de 13 cadavres de jeunes sont repèchés en mer. L'enterrement à Tiaret tourne à l'émeute pendant plusieurs jours.
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de sept haragas
France1, en riposte à la nationalisation des intérêts pétroliers français par l'Algérie. En fait, à l'arrivée au pouvoir de Giscard d'Estaing, avec la crise économique, le gouvernement de Jacques Chirac donne le coup d'arrêt de l'immigration le 3 juillet 1974. L'année 1974 est donc le point de rupture de la liberté de circulation des Algériens avec la France en instaurant la fermeture des frontières, ouvrant ainsi la voie à l'émigration clandestine. Les Algériens qui avaient été des citoyens français de 1947 à 1962 et des émigrants après l'indépendance, deviennent «des étrangers qui posent problème» conformément à la démarche de «stigmatisation de l'étranger comme délinquant qui viole les lois de l'hospitalité». Cela entraîne par la suite, le 27 septembre 1977, l'annonce par le Secrétaire d'Etat Lionel Stoléru de trois mesures majeures en matière d'immigration qui prennent effet dès le 1er octobre: «prime de retour de 10.000 francs»2, impliquant la perte de tous les droits sociaux acquis et qui inspire le film algérien: Prends 10 000 balles et casse toi, plus de nouvelle carte de travail, à l'exception des réfugiés et apatrides, des étrangers hautement qualifiés et des conjoints de résidents et de français, suspension de l'immigration familiale pour trois ans, sur l'habituelle toile de fond des mesures favorisant «le logement, la formation, la culture et le respect des droits»3. Cependant cette fois ci, les jeunes d'aujourd'hui, de l'Algérie indépendante, qui n'ont pas connu la culture française, ne rêvent plus exclusivement de la France comme leurs parents, mais d'autres «
Eldorado », plus
lointains,
du
Canada,
de
l'Australie
et
de
l'Angleterre. Ce sont de véritables condottières et des aventuriers qui ne sont pas génés par la distance, guidés par le désir d'Occident. Après la césure d'octobre 88, la politique devient dominante dans les mots du stade. Une année avant, en 1987, la mort du maquisard intégriste Bouyali suscite la colère des jeunes et enfamme les tribunes des stades algérois: Bauyali a été tué par les lâches. 1 Le 14 décembre de l'année 1973, le drame de l'attentat contre le Consulat algérien de Marseille fait quatre morts, dont un adolescent de 16 ans, et 20 blessés. Le 31 décembre, l'ambassadeur d'Algérie en France précise que plus de 50 algériens ont été assassinés en un an sur le sol français. 2 Cette mesure avait pour but le départ de 100000 étrangers vers leur pays d'origine de 1978 à 1980. Cette prime fut accordée d'abord aux seuls chômeurs, puis étendue à tout étranger établi en France depuis 5 ans. Cette procédure n'a pas connu de succès En effet sur 49116 propositions faites aux chômeurs, il y a eu 23 842 réponses se répartissant en 20 241 refus et 2601 acceptations. 3 Assemblée Nationale, 5/10/1977.
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Sans exprimer une forme de soutien réel à la lutte armée des islamistes radicaux, les jeunes trouvent l'occasion de fustiger le pouvoir algérien. Bab el Oued, Chouhada1 . Les jeunes rappellent que les morts pendant la révolte d'octobre 88 sont des martyrs de la démocratie. L'armée, le peuple avec toi, ya Abassi Madani. (Abassi Madani, leader du Front Islamique du Salut, FIS). C'est la reprise du slogan du PAGS transformé, des années révolutionnaires de « l'union de l'armée et du peuple contre la réaction ». Ce slogan invite à l'union de l'armée, du peuple et des islamistes. Il sert à décrier le FLN et donne même un chèque en blanc au Front islamique du salut par un soutien inconditionnel aux chefs du FIS. Avec l'année 1990, se renforce la propension à l'interpellation des politiques. On utilise les appels au secours inattendus, le besoin de justification, la menace et le langage politique. A Alger, au stade du 5 juillet, plein à craquer lors de la finale de la coupe d'Afrique de football en mars 1990, le Président Chadli est conspué par la foule des spectateurs. Hawzou Chadli. Renvoyez Chadli. Rana dayin, edouna el falestine. Nous sommes perdus, amenez nous en Palestine2. A Alger, là où le FIS est largement dominant chez les jeunes, les slogans des stades sont ceux des meetings et des marches des islamistes. Doula Islamiya. Etat islamique. Alyha namout, alyha nahya. Pour «elle»(la république islamique) je meurs, pour elle je vis. En juin 1991, après l'arrestation de Abassi Madani et de Ali Belhadj par les forces de sécurité algériennes, les tribunes des stades demandent leur libération. On crie «libérez Abassi et Belhadj». On les rassure aussi sur le sort du parti, Ya Ali, ya Abbas, El Jabha rahi labès, (ô Ali, Belhadj, ô Abbassi, le parti (le FIS) se porte bien), «Fl..l...IS». Cependant avec l'aventure armée du FIS et sa mise hors la loi, les jeunes qui n'ont pas rejoint les maquis ou le terrorisme urbain islamistes, reprennent progressivement le chemin du stade avec la passion supérieure du football, démarche résumée dans le slogan d'octobre 1988: djina, choufna, rohna. (Nous sommes venus, nous avons vus, nous sommes repartis), à l'instar de la citation de Jules César Veni, vidi, vici! (Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu), dont la concision exprime le génie militaire et l'esprit de décision du général 1 Chah id, Chouhada : martyrs; mot par lequel on désigne les morts à la guerre. Bab el Oued est un quartier populaire déshérité, dont beaucoup de jeunes ont manifesté et sont morts en octobre 1988. 2 L'Etat palestinien a été proclamé à Alger le 14 novembre 1988.
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et de celle des contestataires de mai 68 à Paris à la Sorbonne, Je suis venu, j'ai vu, j'ai cru. Paradoxalement à cette liberté conquise de parole des jeunes dans le stade, cet espace ludique est en même temps le lieu de manifestation de l'autoritarisme de l'Etat, et de la dissuasion par l'ostentation de la force et de moyens de coercition: répression physique, renforcement des brigades de police et de sécurité jusqu'aux alentours du terrain réglementaire. Malgré cela les forces de l'ordre subissent elles aussi la violence verbale. Les jeunes ne font nul cas de la police militaire (PM), constituée principalement de bérets rouges ressemblant aux anciens parachutistes français et symbolisant le fer de lance de la puissance étatique: l'armée que l'on conteste, mais qu'on compare à des allumettes, à cause de l'une des extrèmités des petits brins de bois imprégnée d'une matière inflammable rouge: Haoum djaou zalamettes (voilà qu'arrivent les allumettes). Cette manière de les accueillir a pour objectif de les tourner en ridicule. Les jeunes se moquent également des policiers et des CRS qui deviennent une autre cible stigmatisée: Djabou Zoubida !il polici tâana ou hab ya zouadj, (ils ont ramené Zoubida au policier, il a envie de se marier). Dans ce cas là, on a recours à la dérision vu le rapport de force. L'ironie est de règle. Les jeunes ne craignent plus les forces de l'ordre contrairement à leurs ainés qui étaient terrorisés par la redoutable Sécurité militaire (SM) et par l'armée au zénith de leur puissance. Mais ils ne cherchent jamais le contact physique et rejettent catégoriquement l'intention armée de quelques provocateurs aventuriers d'en découdre avec les policiers. Durant ce temps là, les services de sécurité filment à loisir le comportement des jeunes afin d'identifier les meneurs et ficher ceux qui lancent les slogans antiétatiques. Nous venons de voir que toutes ces formes d'expression des jeunes sont des témoignages vivants oraux ou écrits qui nous renseignent sur l'état d'esprit de jeunes Algériens. Ils nous révèlent, parfois leur côté sensible, émotionnel, sentimental ainsi que des aspects inédits de ceux qui les ont fabriquées. Ce faisant les jeunes dans les stades, parlent diversement de sport, de politique, de leur douleur, de leur soufrance, de départ, de drogue, de sexualité. Dans cet amalgame, on y trouve aussi des revendications sociales et la dénonciation de la corruption des dirigeants politiques.
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D'autre part, leurs mots du stade constituent une véritable mine et un stock terminologique pour les acteurs et les partis politiques. Le sport devient donc une source inépuisable de métaphores, d'arguments et de slogans inventés, forgés, affinés par les supporters des clubs dans les stades où une fois par semaine, le vendredi, ils les expriment. Les dirigeants politiques s'en inspirent et les reprennent parfois intégralement, comme d'autres registres auparavant. Ce faisant, les slogans politiques des jeunes partis politiques séculiers se nourrissent facilement des apports du répertoire sportif des stades de football. Pour exemple, à la manifestation de la commémoration du printemps berbère en Avril 1994 à Alger, les jeunes Kabyles entonnent: Nous ne sommes pas des Arabes sur les airs des refrains de matchs de football, One, two, three, viva l'Algérie, slogan de l'équipe nationale de football, lm azighen, slogan de la JSK. Lors d'un rassemblement unitaire de militants du RCD et du FFS le vendredi 30 septembre 1994 à Paris, Place du Trocadéro, les manifestants reprennent ces mêmes slogans. Ainsi les mots du stade permettent la communication du raccourci, du droit au but, de la concision et de la simplicité en étant accessibles au plus grand nombre. Et comme le dit Daniel Fabre, selon Turgot il est bien certain que moins un peuple a des termes pour exprimer les idées abstraites, plus il est obligé, pour se faire entendre, d'emprunter à chaque instant le secours des images et des métaphores et plus, en même temps, le champ de ses idées est nécessairement renfermé dans le cercle des objets sensiblesl. Dans la société algérienne « le registre sportivo-politique » des partis laïques et nationalistes dispute la place matricielle, au « registre
théologico-politique» des partis islamistes dont tout discours politique prend sa référence dans le coran (fel Koraan) ou dans les hadiths (fel hadith), les faires et les dires du prophète (kal Rassoul). Les jeunes se trouvent dans une situation d'extériorité par rapport aux institutions du pouvoir. Celles-ci sont complètement inadaptées à leur aspirations et servent plus de lieu où les dirigeants s' autocongratulent, se font mutuellement applaudir, acclament et manifestent leur loyauté et leur allégeance au chef de l'Etat (kal e Raîs). Ne disposant pas de mode d'actions classiques et autorisées, les jeunes se sentent refoulés dans I.Daniel FABRE, Proverbes, contes et chansons, T- III Les Frances - 2 Traditions, p.613.
ln Pierre NORA:
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Les lieux de mémoire
une position d'exclusion par rapport au politique. Rappelons que pendant l'époque du parti unique, la distribution sociale du droit à parler politique était détenue par le seul FLN. Il l'attribuait sélectivement à ses propres militants et acteurs adultes qui ont l'Assemblée Nationale (APN) et les institutions territoriales (les communes et les wilaya tes) et les organisations de masses (UGTA, UNF A, UNP A, JFLN) caisse de résonance du pouvoir. Ces décideurs politiques forment une véritable «classe politique »1 bénéficiant de privilèges par rapport à l'immense majorité des citoyens: logements, voitures de services, terrains à construire, devises, etc... Quant aux jeunes constituant l'immense majorité des citoyens, 70% de la population algérienne qui a moins de 30 ans, ils sont sous représentés dans les institutions politiques. Le pourcentage des jeunes adhérant à l'unique organisation de la jeunesse, (l'UNJA), fondée en 1971 après la dissolution autoritaire de l'Union nationale des étudiants algériens (UNEA) afin de se débarrasser de l'influence de l'organisation étudiante contrôlée par les communistes du PAGS, et de diluer les
étudiants dans « la jeunesse », est excessivement faible. Devant cet état de fait, les jeunes optent par défaut pour les stades qu'ils s'approprient et qu'ils envahissent chaque vendredi. Ils en font des arènes et des tribunes de communication avec le pouvoir politique dans lesquelles, ils s'attèlent à la déconstruction du discours officiel. Cette communication se fait sous forme d'interpellation directe des autorités sans discours élaboré. Parfois, elle n'est que simple chahut, tapage, et huées des dirigeants. Même, après l'instauration du multipartisme en 1989, on continue de défier le gouvernement: Roma oula ntouma, (Rome plutôt que VOUS)2et on n'hésite pas à brandir des drapeaux anglais3, canadiens, italiens et parfois français lorsque les jeunes savent que des responsables politiques assistent aux matchs. Ce dernier slogan est typique de la coupure totale entre les jeunes et le pouvoir. Il s'apparente à une manifestation de la crise de la représentation pour le parti présidentiel, les responsables et militants du FLN et leurs alliés. Il révèle une
1 Le sérail algérien est un groupe très hermétique. Les nouveaux qui arrivent à pénétrer les salons algérois du pouvoir ne sont pas légion. Quelques intellectuels supplétifs arrivent cependant à être intégrés. 2 Ce slogan de la jeunesse des stades inspire le titre du film du réalisateur Tarik Téguia sorti en 2006 sur l'état de la jeunesse algérienne. 3 On peut acheter facilement ce genre de drapeaux dans certains magasins de sport à Alger.
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véritable fracture générationnelle: génération postindépendance contre génération des «anciens moudjahidines» et des parvenus politiques. Dans leur provocation, dans le stade de Bel Abbès les jeunes vont jusqu'à soutenir le terrorisme et conspue l'Etat oppresseur: tahia el irheb, houkouma hagara. Ce faisant pour qualifier de démonstration et d'expression politiques, les actions et les comportements des jeunes dans les stades, nous nous sommes donc appuyés sur le contenu de leur expression orale et le sens pertinent que les participants eux mêmes donnent à leur action et qui les inscrit dans la nécessité d'un rapport aux décideurs politiques. L'utilisation des «mots et des chants du stade» comme mode de protestation et d'engagement politique, attribut de la jeunesse algérienne exclue de la participation de la démocratie représentative, exprime le refus de la politique instituée des grosses machines et des grandes agences institutionnelles classiques comme les partis, les organisations de masse et les mouvements de jeunesse. En effet un match de football, évènement ludique, spectacle de loisir des supporters, à première vue non politique, donne l'occasion d'émettre des signes forts d'une véritable crise sociopolitique de la représentation. Le stade s'avère être un lieu original de communication et d'expression politique de la jeunesse algérienne, faisant l'économie de moyens. Cette politique sans réthorique, sans débats d'approfondissement, celle de la suggestion et de la superficialité, est comparable à la politique spectacle et des petites phrases d'aujourd'hui1.
B Les hommes orchestres 1) La fabrication des mots du stade ne semble pas obéir à une stratégie très élaborée. Résultat beaucoup plus de la spontanéité et du ressenti immédiat, intègrant parfois le vécu historique, ils ne visent pas systématiquement à heurter, à choquer dans tous les cas. Dans les années 1980, avec l'institutionnalisation des comités de supporters, les clubs sont responsables de la production d'une ambiance joyeuse. Les supporters ont recours au grimage et à divers 1 Une enquête parue dans Le nouvel hebdo de la semaine du 29 août au 4 septembre 1990 montre le faible degré de politisation des jeunes: « 80% des enquêtés expriment des opinions partisanes qui l'emportent sur une vision objective. 75 % affirment tout ignorer des programmes des partis politiques ». Leur niveau de politisation amène à la révolte.
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artifices le plus souvent vestimentaires, écharpes, chapeaux, casquettes, maillots et drapeaux afin de s'identifier le plus possible aux couleurs du club, des confettis et fumigènes, articles rapportés de l'étranger et payés en devises fortes. Ils utilisent des instruments de musique, trompettes, tambours et des refrains repris en coeur dans la
tribune
«
du virage ». Cette joie s'exprime par des danses de jeunes qui
se libèrent totalement et osent certaines scènes, uniquement au stade. Avant, c'était le club qui payait les mises en scènes des supporters. Selon le témoignage du vice-président du comité des supporters de l'USMA, c'est lui-même qui fit un voyage en 1970, en Italie, auprès des fournisseurs de l'AC Milan pour préparer la finale de coupe contre le Chabab de Belcourt (CRB). Il avait ramené, dit-il, des milliers de chapeaux haut de forme et des redingotes en papier aux couleurs de l'Union1. En conséquence, beaucoup de psycho-sociologues et d'historiens n'ont vu dans ses manifestations qu'une catharsis et un exutoire à tous les désirs inassouvis et à toutes les tendances refoulées, se situant dans la ligne directe des instinctivistes. 2) Les figures de la mobilisation. Dans un autre domaine, on observe que le passage à l'acte, dans les tribunes des stades et à l'extérieur s'appuie essentiellement sur le sentiment de frustration, de misère sociale et d'oppression (de hogra). Il se fait le plus souvent dans certaines conditions, sous l'emprise d'un ordre, d'une invitation, d'une suggestion et dans une ambiance. D'aucuns affirmeront même qu'il est déclenché par les services de sécurité algériens dans certains cas. Le plus souvent, il est suscité par des meneurs ayant quelques atouts et disposant de véritables ressources, une ingéniosité et du prestige. Ces figures de la mobilisation dirigent des groupes informels et non officiels auxquels s'agrègent tous les passionnés de football et les jeunes amoureux de la fête. Ils organisent aussi des noubas avec de véritables orchestres, des chants et des danses. Les hommes orchestres des groupes et des foules traditionnellement sans chef, même s'ils n'ont pas la paternité de l'élaboration de l'ensemble des signes, de la chorégraphie et des mots du stade, ne deviennent pas moins les gestionnaires de ces mots, de leur d'expression et « les fabricants de l'ambiance festive». Ils sont les 1 Algérie Actualités
n0122S - semaine du 6 au 12 avril 1989.
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principaux artisans. Ils se déplaçent souvent d'une tribune à l'autre, animent, dirigent la fête. Ils dynamisent les groupes quand ils sentent une certaine fatigue ou une démobilisation: nodo ya ouled El Assima, nodo, (Réveillez-vous, Ô fils de la capitale, réveillez-vous!)l. Accédant au statut de leaders, ils jouent un rôle sans aucun rapport avec ce qu'ils sont réellement et socialement. Parmi les plus connus à Alger, le premier est Yamaha2, un lump en prolétaire, à la fois chef et bouffon. Il agrège autour de lui des centaines de jeunes supporters comme hypnotisés, grâce à beaucoup de théâtralité gestuelle et corporelle, ses déguisements, ses horribles grimaces et de véritable mise en scène. Son ascendance sur les jeunes dans la direction de la fête, de la recherche du plaisir mais aussi dans le lancement de slogans sociopolitiques, en s'adressant au Président tout en rejetant la politique et pour l'unique amour du sport, n'a pas échappé à l'islamisme intégriste violent. Il est assassiné le 11 juin 1995 à la veille d'une finale de coupe d'Algérie opposant le CR Belcourt, son équipe de quartier, à l'Olympique de Médéa, le 5 juillet fête de l'indépendance et de la jeunesse, par trois hommes armés3. 1 Le slogan:
«
réveillez-vous
est à double sens. Il peut aussi signifier un appel à la mobilisation et à
" l'action politique. C'est un invariant historique. On le trouve aussi bien dans les stades, chez les meddahs, et les gouwalins que chez le père du théâtre algérien BACHET ARZI dans ses premiers pas de chants. En 1919, avec la création de l'Amicale des Etudiants, on retrouve ce slogan. Bachtarzi le répétera dans ses pièces de théâtre ainsi que dans ses chansons: « 0 Algériens mes frères, il faut vous réveiller, voyez autour de vous ce que font vos voisins ». Bien sur, on ne sait pas à quoi il faut se réveiller: au rejet de l'oppression, au soulèvement, à la rupture ou bien à la modernisation, à l'intégration, aux arts et à la culture. ln Mahieddine BACHETARZI, Mémoires 1919 -1939, 1968, p. 21. Chez les Kabyles, c'est zwit-nvit (remuez-vous) qu'on retrouve dans les chansons du chanteur populaire !DIR. Cette démarche possède des similitudes avec celle des jeunes supporters des équipes de football de la RDA. Lors des matchs de football entre l'équipe soutenue par la STASI et celle des ouvriers, quand il y avait un mur de défense de joueurs à la suite d'un coup de pied de réparation, les supporters crient: « Virez le mur » en présence du chef de la Stasi en faisant allusion au mur de Berlin. 2 Yamaha, est le surnom d'une sorte de Quasimodo Algérois qui aimait les déguisements et les habits excentriques avec casquette et noeud papillon. Il tient son nom de la firme japonaise car lorsqu'il avait envahissement du terrain de football lors de victoire, il immitait la grosse moto japonaise Yamaha. C'était l'animateur fétiche du CR Belcourt et de l'équipe nationale de football. Rachid BOUDJEDRA dans son roman, La vie à l'endroit, paru chez Grasset en 1997, en fait un personnage auquel se compare constamment l'auteur et présente dans sa narration les évènements que vit Alger: coupe d'Algérie de football et terrorisme. Vincent COLONNA lui consacre un roman: Yamaha d'Alger, éditeur Tristram, paru en mars 1999, 128 p. Il interroge, «l'assassinat absurde de ce supporter charismatique de l'équipe de football de Belcourt, chef d'orchestre des liesses populaires. Ce fada idolâtré par la jeunesse a-t-il été supprimé par les Services, par les terroristes, par un supporter d'une équipe rivale? ». 3 En s'attaquant à ce symbole type du zaouali, (prolétaire, pauvre), qui n'a jamais rien demandé à personne, les assassins révèlent ainsi leur objectif. YAMAHA se contentait de représenter une jeunesse désinvolte, amoureuse du sport, jalouse de son quartier. Par une sorte de catharsis contre le chômage et la
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Rappelons que Belcourt, quartier populaire avait voté pour le Front islamique du Salut (FIS) à 90% lors des élections législatives de décembre 1991. La presse francophone est unamine à lui rendre un hommage. Il est élévé au rang de héros: «Voilà une voix que l'on a fait taire à tout jamais. N'empêche, il est mort en héros, en héros de quartier dont le souvenir restera à jamais vivace. Rouh fi lamane khouya Yamaha! (Va en paix, frère Yamaha) », titre le quotidien le Matin du 12 juin 1995. On ne peut faire le portrait de Yamaha sans évoquer celui d'un policier populaire chez les jeunes supporters de football à Alger: appelé affectueusement Aâmi Ahmed Dialna. «Un officier de police très populaire, ça ne se trouve pas facilement dans l'Algérie du système militaro-policier. Aâmi Ahmed est devenu un personnage familier du public Mouloudéen. A Bologhine ou au stade du 5 juillet, il ne rate aucun match du Mouloudia d'Alger pour rien au monde. On le voit partout, à l'entrée du stade, sur le terrain et dans les gradins. Il est toujours prêt à intervenir pour séparer les supporters qui se battent. Il appelle à l'apaisement, à la pondération des esprits survoltés. Il inspire confiance et quand il y a des échauffourées, au lieu de le fuir les supporters courent vers lui, car ils savent qu'il est capable de ramener l'ordre. Dans les moments difficiles, il surgit subitement pour supplier «ses enfants» de se tenir sages, d'éviter la grossièreté et de respecter l'arbitre et l'adversaire. Tous l'estiment car ils savent qu'il peut les protéger. Grâce à l'image positive auprès des jeunes lui manifestant de la déférence et de la sympathie, il a très souvent pu désamorcer des situations explosives. Aâmi Ahmed est décidément un policier pas comme les autres» 1. A la mort de Y amaha, en allant présenter ses condoléances à la famille, Aâmi Ahmed est accueilli chaleureusement. Ce policier sera promu commissaire en pleine lutte antiterroriste et deviendra l'interlocuteur priviligié auprès de l'opposition lors des marches et manifestations de rue. Yamaha déclare naîvement et sincèrement ne pas faire de politique. En réalité, Yamaha fait de la politique. Il a non seulement déclaré des positions politiques courageuses, mais a en outre entrai né des jeunes avec lui. Cette position ambivalente n'a pas été du goût des mal vie,(la léguia), il transcendait cela par le rire et la bonne humeur. Il plaisantait toujours de son physique ingrat et de sa voix éraillée par les chansons du stade. 1 Le Doyen n° 17 Juillet.-Août 1990.
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intégristes qui l'ont assassiné. Dans les stades, notamment au stade du 20 août, sous sa direction, les supporters du Chabab de Belcourt scandent des slogans politiques: Belcourt machi Kaboul, Belcourt n'est pas Kaboul. Manach FFS, Manach FLN, Sidi Errais aâtina la Coupe. Nous ne sommes pas au FFS, ni au FLN (les partis politiques parmi les partis d'opposition algériens, PT, FIS, MDA, JMC, ENNAHDA, LADDR, signataires du contrat de Rome de compromission avec l'intégrisme islamiste, sous la direction de la Communauté de San Egidio le 13 janvier 1995), Monsieur le Président donnez-nous la Coupe. Ces slogans rejettent la voie intégriste afghane, dénoncent les alliances politiques de certains partis algériens avec l'islamisme et magnifient la neutralité du sport. De son vivant, Yamaha avait été interviewé en 1995. par l'équipe du journal le Matin. Il révèle une certaine maturité politique et cristalise les problèmes de tout jeune algérien. « Yamaha disait déjà des choses pas si bêtes que ça », constate le journaliste du quotidien francophone d'Alger1, Ton vrai nom c'est quoi? Rocine Dahimi. Ton acteur préféré? Anthony Queen. Ton âge c'est...? 31 ans, même âge que Nadia. Bouteflika? Bof!!! Dis-moi, qu'est ce que tu aimes le plus dans ce monde? Ezzhoue (la fête) j'aime. La chanson? Oui! Boudjemaâ El Ankis et Khaled. Hamidou? C'est un ami donc. Yamaha, t'as une nana? Oui. Bien sûr. Belle? La Yadjouz (c'est interdit d'en parler). Dis moi, pourquoi on t'a surnommé Yamaha? Je ne m'en souviens plus. L'étranger, ça te dit? Non j'ai pas assez d'argent. T'aimes toujours autant le CRB? Oui. Les Algériennes? Depuis toujours. Cet amour dure depuis quand? ouakhate Bezaf (beaucoup). La réconciliation nationale? Chadli tu connais? Non! ce type nous a trop trompés. J'connais pas! c'est quoi? C'est pas grave, et le FIS? Je m'en fiche. Louiza Hanoune? C'est qui celle là encore? Ton parti? Le FLN. Kamel Belkacem? Connais pas. Hamrouche? Je l'em... Boudiaj? Ellah yarrahmou, radjel (que dieu ait son âme, c'est un homme). Qui l'a tué selon toi? La mafia. Quelques jours avant le déroulement de la finale de la coupe d'Algérie en 1995 qui devait opposer le CRBelcourt et l'Olympique de Médéa, le vice-président de la Fédération Algérienne de Football qui convoyait la coupe est arrêté à un barrage de l'Armée Islamique du Salut. Grâce à un stratagème qui se révéle payant, il échappe à la mort 1 Le Matin n° 1046 du lundi 12juin
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avec cependant la confiscation du trophée. A Belcourt, c'est Yamaha qui entreprend une démarche de négociation à la mosquée Kaboul de l'Aquiba auprès de ses amis d'enfance islamistes et des supporters du club afin de lui ramener la coupe au cas où le Chabab de Belcourt (CRB) l'emporterait. Le fanatique du spectacle sportif défie les islamistes intégristes fanatiques de dieu. Aussi, à la mesure du symbole, les funérailles de ce personnage ont été exceptionnelles. Une foule immense l'accompagne au cimetière. Sa houma et tout le quartier de Belcourt lui rendirent un vibrant hommage. Sur les devantures des magasins étaient accrochés les banderoles aux couleurs rouge et blanc du CR Belcourt. Aux balcons des immeubles et des maisons, les femmes lançaient elles aussi des slogans et des youyous. Dans la rue les jeunes supporters arboraient des casquettes, des teeshirts rouges et blancs des diables rouges de Belouizdad1, le front ceint de rubans aux mêmes couleurs, agitant le drapeau national tout en scandant, un mélange de slogans patriotiques et sportifs. Des policiers tirent des salves en l'air. Des youyous et des Allah Akbar, Tahia El Djazafr retentissent bruyamment. Les slogans de la lutte de libération nationale, et des manifestations populaires de Décembre 60 à Belcourt, fusent de partout ainsi que Ya CRB matebkich, Racine rah maywalich, (CRB ne pleure pas, Hocine est parti et ne reviendra pas). Le slogan historique utilisé et transformé par pratiquement toutes les forces politiques algériennes L'armée, le peuple sont avec toi, Racine, réapparait à l'occasion. Sport, islam, nationalisme, patriotisme et politique se mélangent. Pour exprimer leur désaveu des islamistes, les jeunes osent même la provocation. Ils prennent le contre-pied des intégristes dont la terreur n'a pas de prise sur eux. La chanson raï de Chabaa Zahounia faisant l'apologie de l'alcool et de l'amour est transformée par les supporters algérois. L'air est gardé en revanche le contenu change: Lïla tkoun guira2, Aujourd'hui, il va y avoir la guerre, il va se passer des choses. Ce sont une mise en garde et une déclaration de guerre aux intégristes. Ensuite viennent d'autres thèmes: une invitation à ceux qui aiment le mouvement et la fête, à venir rejoindre Belcourt, l'apologie du vin, de la bière et une sorte 1 Ils ont la même appellation que les diables rouges de Belgique. 2 Cette traduction est celle des paroles de la chanson. Elle nous a été rapportée par une jeune fille de 12 ans que nous avons interviewée. Elle contient à la fois la fête et la révolte à cause de l'assassinat par les intégristes islamistes de Yamaha, la mascotte du club CRBelcourt.
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d'hymne à Dyonisos le Dieu du vin, en fin de compte tout ce que les islamistes condamnent fermement et que l'islam interdit (Haram). Tous les Belcourtois, y compris les jeunes filles qui n'hésitent pas à enfreindre ce tabou, fredonnent cette chanson de circonstance de mélange d'arabe dialectal et de français. Lala zhor Ii ihab el haul idji el Belcourt. Rouge ou bira, lila tesra guira. Salem, salem ya mechrif Ouhdra la Tchi tchi. 95 l'aimée, la montée ou Allah ou mamin. La montée sera à Belouizdad. Viva, viva CRE. Au stade du 5 juillet, pendant le match de la finale, 90 000 spectateurs, dont l'immense majorité est constituée par les supporters du CRBelcourt, sont déchaînés1. Beaucoup huent le président de la République Liamine Zéroual. Ils crient et lui demandent des comptes. Pourquoi nous a t-on tué Yamaha? Il faut dire que la propagande islamiste trouve constamment des justificatifs à ses crimes, Yamaha serait «un indicateur de la police du taghout (de l'Etat tyran) ». Ce faisant les supporters en fêtant la victoire du CR Belcourt vainqueur de la finale de la coupe d'Algérie, vont braver le couvre feu instauré par les autorités algériennes pour lutter contre le terrorisme intégriste. Devant cette situation, il est littéralement levé par le pouvoir, à Alger, quelques jours après. C'est une grande victoire démocratique dont une partie revient au sport et au football. Pour l'équipe d'El Harrach2, la mascotte n'est rien d'autre qu'une vieille dame, appelée affectueusement khalti Mimouna: (tante Mimouna). Il faut souligner que c'est un cas original pour le football algérien. Cette inconditionnelle de l'équipe d'El Harrach est d'un certain âge, donc ménopausée et n'incite pas le désir sexuel de la jeunesse frustrée. Elle est pratiquement présente à tous les rendezvous, même dans les longs déplacements à l'intérieur du pays. Totalement prise en charge par les supporters, elle a une place centrale dans les tribunes au milieu des chants et danses des Harrachis. Et la chanson la plus en vogue chez les supporters de l'USMH est Khalti Mimouna...Dirina tamina. Tante Mimouna...fait nous un gâteau de semoule, mimouna rime avec tamina. A l'USM Alger, on trouve Ras el Kabous, (la tête de pistolet) qui fut victime de la féroce répression 1. Pour la première fois, Antenne 2 envoie une équipe de reporters et retransmet le match à la télévision française captée par les Algériens «parabolés ». 2 El Harrach est un quartier populaire de la périphérie d'Alger. Cette banlieue est réputée être un endroit chaud et ses jeunes des durs. Le club est très pauvre d'ailleurs comme ses supporters pour la plupart des lumpen prolétaires.
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d'octobre 1988. Il est torturé et castré par des tortionnaires de certaines services de sécurité algériens. Il est considéré comme l'alter égo de Yamaha, et Tchkiken, un autre bouillonnant et pittoresque animateur de la galerie. Hormis le cas de la vieille dame de l'USMH, même les hommes orchestres des différents clubs de football sont confrontés à la politique et parfois à leur corps défendant. Si la violence physico-matérielle peut être vue en terme de délinquance par la fréquence et la gravité des actes attentatoires aux biens et personnes, la violence verbale quant à elle, bien que se déroulant dans un lieu neutre politiquement, l'enceinte sportive, en puisant dans le registre du politique ses slogans et en s'adressant directement aux politiques, devient une modalité politique antiétatique. Devant la centralisation jacobine excessive du pouvoir politique algérien, son autoritarisme, sa main mise et son contrôle des jeunes, exclus du système social pour la plupart et de l'espace précis de la politique institutionnelle par le manque d'associations de la jeunesse autonomes et par l'absence de libertés démocratiques donnant des possibilités d'expression, le stade espace public clos, seul endroit, où les rapports de force permettent d'éviter la répression grâce à la loi du nombre, lieu de théâtralisation du malaise social des jeunes1, instrument pédagogique de la praxis de contestation devient l'école d'une nouvelle forme de fabrication de l'expression politique des jeunes. Il contribua au passage à l'acte de la remise en cause de l'ordre établi par le FLN. «Octobre 1988» trouva les bataillons de jeunes aguerris, formés et dopés par les différentes expériences de contestation durant les matchs de football où ils ont pu répéter, s'entraîner pour les manifestations urbaines décisives et acquérir une véritable culture protestataire. Par leur action, les jeunes des stades, ont été les accélérateurs de la transformation politique en Algérie après de nombreuses années de parti unique. Tout cela veut dire que la compréhension de la signification de la violence sportive permet de complèter les autres approches de l'expression du politique. 1 Youcef FATES Jeunesse, sport et politique in Algérie: vers l'Etat islamique, Peuples Méditerranéens, n052-53. Année 1990. Le stade, territoire de lecture sociopolitique dans la cartographie de l'espace protestaire, est aussi un bon baromètre social de l'Algérie. Il est l'équivalent des sondages des sociétés modernes. Pour connaître l'état de la société et de sa jeunesse, on peut s'informer sur les gradins des stades au moment des matchs de football. Les meilleures informations sont données par les spectateurs. Expression de la vox populi, un journaliste faisait remarquer à juste titre, à propos de la libération des
responsables du FIS dissous, en septembre 1994 que
«
les stades n'ont pas réagi ».
323
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE Hier espace de «la parole nationaliste» et de contestation anticoloniale à travers les chants (les nachids), les chahuts, les slogans, et les prises de paroles l, le stade de football de l'Algérie indépendante, se métamorphose en arène privilégiée de l'apprentissage de la contestation sociale, culturelle et politique des pouvoirs en place. Il devient l'équivalent de l'agora grecque et non du cirque romain que veut édifier le pouvoir politique algérien. En temps que lieu de rassemblement de masse, il est le seul espace de la mobilisation collective et protestataire de la jeunesse, toléré par le régime autoritaire de parti unique, afin de servir d'exutoire à la colère, aux rancoeurs, aux frustrations et à la mal vie des jeunes. Le recours systématique à la contestation du pouvoir politique montre que les jeunes ont pris le plein pouvoir de protestation contre le totalitarisme de l'Etat-FLN et que le sport est le vecteur le plus efficace d'éducation de masse. A ce titre, le stade est pour la jeunesse algérienne une école de la résistance et le football spectacle, une authentique propédeutique de la révolte, un espace d'élaboration de la parole politique jeune. Pour le cas de l'Algérie, nous sommes réellement en présence d'une nouvelle signification de la notion d'engagement politique. C'est la politique primaire d'expression des composantes du corps social puisqu'elle se réalise à travers une participation non institutionnelle fondée sur l'action directe. Cette forme d'engagement n'est pas une modalité expressive totalement inédite de la période postindépendance car elle présente quelques similitudes avec la période coloniale. Toutefois, on trouve des traits nouveaux dans cette évolution dans le temps (sur une période de soixante huit ans). Le principal est la dépendance de l'engagement des jeunes en fonction de la puissance de l'appareil d'Etat. A juste titre, les manifestations des jeunes à l'occasion, pendant et après les matchs de football, peuvent être appréciées comme un des indicateurs de l'engagement politique, voire l'un des plus pertinents que se sont appropriés les jeunes et qui a été 1 L'acte de prise de parole se faisait d'une manière organisée autour des leaders nationalistes, agitateurs propagandistes professionnels. La contestation de l'administration coloniale même dans le sport permettait de construire le sens commun de la lutte anticolonialiste.
préservé par leur «mémoire protestataire». Les réactions acquises par l'apprentissage pendant la période coloniale resurgissent presque à l'identique face au nouveau pouvoir contre lequel, la plupart des cas elles se cristallisent à travers :chants du stade, défilés, manifestations de rue après les matchs de football. Dans ce cas, le match de football en générant une violence contre l'Etat algérien devient la propédeutique de la lutte politique. Il marque la fin de la paix civile et de l'union et annonce aussi «la guerre civile». Sur ce dernier point, en effet, en nous référant à la pensée de Norbert Elias pour l'analyse du jeu sportif (Ie match de football ou de boxe) et la violence qu'il génère, nous nous plaçons dans le procès civilisationnel, afin d'éviter d'avoir des significations variées, pour montrer en quoi les dispositions psychologiques, sociales des Algériens de la période postindépendance, sujets historiques souverains, sont en effet un important facteur de civilisation. La compétition sportive, comme le dit Roger Caillois à propos du jeu1, est un moyen de suivre les progrès même de la civilisation, le niveau atteint dans la mesure où celle-ci consiste à passer d'un univers fruste, ne connaissant pas de limite dans l'usage de la violence pure, destructive, meurtrière et désocialisant les citoyens, à un univers administré de soi, reposant sur des règles de comportements sociaux et d'expérience de la violence atténuée, réglée et maîtrisée, limitant les hostilités dans le temps et l'espace. En nous appuyant sur ces deux auteurs, l'analyse de la récurrence de la violence sur une trentaine d'années nous confirme que tous ses signes, son intensité, ses modalités ainsi que le déséquilibre des tensions opéré à partir d'octobre 1988 et brutalement accéléré avec la tentative de prise du pouvoir par l'islamisme radical en 1991, sont de véritables tendances «décivilisatrices» qui s'expriment actuellement dans la brutalité du terrorisme intégriste islamiste et son agression des citoyens algériens. A ce titre, contrairement à une certaine théorie marxiste de la sociologie qui affirme que le sport entraîne «l'abrutissement et la crétinisation des masses», on constate qu'il joue un rôle plutôt positif pour le passage à l'acte et dans le sursaut démocratique de la société algérienne.
1 Roger CAILLOIS,
Les Jeux et les Hommes,
1991, p. 20.
326
CONCLUSION GENERALE
L'étude, sous l'angle de la science politique, du sport de compétition algérien, paradigme ludique, a éclairé la liaison sport et politique dans ses multiples rapports. Elle a montré la puissance relationnelle entre les deux activités, à travers les mises à jour successives des différentes connexions du sport et de la politique de la période postindépendance car lorsque l'approche se veut plus sensible au mouvant qu'au permanent, à la caractéristique individuelle qu'à l'essence, l'invariance indispensable à une connaissance objective, qui ne peut plus être ontologique, se réfugie dans la relationl. Cependant, le sport, activité éphémère2, en apparence de la banalité3, de par son essence non politique, absorbe, «se charge de politique» facilement et intensément, de diverses manières: non seulement relationnelles mais aussi expressives et instrumentales. En ce qui concerne le sport dans l'Algérie postcoloniale, la politique se constitue d'abord comme relation et se continue dans les rapports Etat-citoyens Ainsi les formes émergentes de la politique dans un espace de la société civile algérienne, le champ sportif, et le débordement de «l'aire de jeu» sur le dehors, nous met en présence d'une approche cumulative du politique et d'une autre manière d'exercice de la politique par de nouveaux acteurs agissant. Dans cette période postindépendance, la densité politique dont le sport se leste, le change, par conséquent, en une expression politique «pour devenir dans certains cas un véritable fait politique »4. N'étant pas a priori politique, il le devient a posteriori. Cette étude, fait surgir sur la scène publique une nouvelle catégorie collective protestataire, les jeunes. En s'intéressent particulièrement à leur mode de comportement dans les stades, les différents pouvoirs reconnaissent implicitement que ce sont des acteurs efficaces politisant le sport. Comparé au levain de la pâte qui lève la masse des supporters, le sport est un instrument efficace bien pris en compte dans leurs actions. En somme, les jeunes Algériens de la période postindépendance qui n'ont pas de participation politique 1 A. VIRlEUX-REYMOND: L'épistémologie, PUF, 1966, p. 28. 2 Le spectacle sportif est éphémère. Il ne dure que le temps du match. Toutefois, il laisse des traces. Ce sont les résultats ou les évènements qu'il suscite: victoire, défaite, violence. 3 Le sport, frivole et puéril divertissement est comme l'art que Durkheim rejette totalement hors du domaine des activités sociologiquement considérables et qu'il estime peu sérieuses. 4 Pour reprendre l'idée de Jean LECA, cité par Madeleine GRA WITZ, in Méthodes des sciences sociales, 1993, p. 245.
classique et réelle, soit parce qu'exclus par l'âge, soit par abstention volontariste et défiance, s'affirment en tant que groupe en opposition aux décideurs gérontocrates du parti unique FLN. Ce groupe manifeste dans le champ sportif des formes d'expression rebelle et d'opposition au pouvoir. Ceci constitue un engagement politique inédit visant à avoir une influence plus ou moins directe dans un certain nombre de domaines qui le touche en premier lieu. Contrairement à leurs aînés de la période coloniale qui faisaient des démonstrations politiques et des manifestations de masse autant dans le club que dans le stade, les jeunes expriment leur «participation non conventionnelle» dans le stade uniquement, espace d'un nouveau paradigme du redéploiement du politique. Cette participation politique non classique se fait synchroniquement, avec l'expression de leur agressivité car ils sont à la fois «problème social» et «source de tensions ». Leur combativité est orientée, tout d'abord vers la négativité: la destruction des biens et des personnes dans des conditions spécifiques et l'autodestruction par la drogue. Ensuite, sous l'influence du modèle dominant et violent du djihad pour la récompense future, renforcée par la propagande de l'islamisme à la tête duquel se trouvent parfois des personnalités dangereuses psychopathes manipulatrices, elle génère la violence sans limite, retour sauvage de l'horreur, phénomène de régression humaine niant la politique. Elle est alors une expression politique archaïque. La violence postindépendance du FLN au pouvoir à laquelle s'oppose celle de la jeunesse, génère le début du processus de démocratisation de la société algérienne mais aussi la violence du FISGIA après l'arrêt du processus législatif en 1992 et la «deuxième guerre d'Algérie» avec ses crimes, ses atrocités et sa barbarie contre les citoyens algériens. En nous appuyant sur une démarche inscrivant
judicieusement la place du sport dans la longue durée « du processus de civilisation »1 saisi dans ses écarts nationaux comme le préconise Norbert Elias, nous constatons, pour le cas algérien, la présence de multiples liens entre la violence sportive et le comportement politique. Le manque de repères et de frontières indépassables dans les modalités et l'intensité de la violence dans la politique par les acteurs envers tout destinataire, entraîne le même degré de violence dans le sport. L'Algérie indépendante qui a commencé à peine son processus 1 Nous empruntons
ce terme à Norbert Elias qui parle de civilisation
330
des mœurs.
de pacification
et de civilisation,
a régressé sur de nombreux plans. « décivilisés ». Ce faisant, pour ce pays, un stade avancé du «procès de civilisation », ne doit pas se cantonner uniquement à des valeurs universelles fondamentales. Au respect des droits de l'homme et à l'égalité entre les hommes et les femmes, il faut rajouter la généralisation de l'autocontrôle dont le fairplay sportif est un indicateur pertinent. La violence dans le sport!, façonne à sa manière le comportement sociopolitique de la jeunesse. Pendant la phase de construction nationale, l'Etat algérien saisissant les enjeux et les usages du sport, organise et s'approprie définitivement cette activité ludique. Il en fait un instrument politique d'encadrement, d'embrigadement de la jeunesse à travers sa politique publique sportive2. Ce faisant la jeunesse a été et reste toujours un enjeu permanent de pouvoir en Algérie. Toutefois à partir des années 80, à certains moments de la vie politique algérienne, les usagers à leur tour, les jeunes en particulier, en feront leur propre moyen de visibilité et d'expression politique. Ainsi, cette épaisseur politique, plus importante dans la période récente, élargit les frontières du pouvoir. A ce titre le sport joue un rôle éminemment positif. Organe de propagande dans la recherche de reconnaissance internationale, école de contestation de la jeunesse des différents pouvoirs autoritaires et antidémocratiques du parti du FLN, il ne peut être taxé de phénomène aliénant. Ce fût également un registre astucieux de lutte pour la reconnaissance de la culture berbère, de la citoyenneté et l'égalité des femmes et des hommes contre l'intolérance et le fanatisme intégriste. Aujourd'hui en voulant s'affranchir de la règlementation théologique et en redevenant affaire temporelle et privée, il pose à sa manière, la séparation du politique et du religieux. Il devient une sphère autonome du religieux qui n'est pas de la compétence des Oulémas de l'Islam. Le refus de l'Etat de se soumettre à l'hégémonie du fondamentalisme, qui veut faire la loi pour tous, même dans la
Certains pans de la société se sont
1 La violence sportive trouve aussi sa cause sur le plan pédagogique dans le processus d' entrainement et dans les consignes données par l'entraîneur qui insiste sur la nécessité d'arrêter l'adversaire. Même si le ballon passe, le joueur adverse doit être stoppé coûte que coûte. L'antijeu fait partie de la formation donnée aux joueurs. La virilité du joueur devient la référence, la triche une qualité et la ruse, intelligence. Tout doit être fait pour gagner. Même la violence peut être utilisée.
331
politique sportive, s'inscrit dans la diminution de la puissance religieuse. Il sépare le binôme théologie/politique. Partant de là, le sport devient un instrument pédagogique de la sécularisation. Compte tenu de tout cela et de l'attrait qu'il continue d'exercer sur l'ensemble du corps de la société, en tant que créateur de conduites passionnelles et de comportements de foules, le sport, phénomène dérisoire, trivial et labile, est une activité ludique humaine dense et pleine de
significations. De « petit objet» de la sociologie politique, il s'élève au stade d'objet pertinentl et d'analyseur de la société globale. Même s'il ne crée pas l'histoire, le sport n'en reste pas moins le reflet.
1 Ceci confirme la pensée de Philippe BRAUD qui explique que des faits marginaux la lumière des paradigmes dominants pourraient revêtir une grande importance, instruments. ln L'émotion en politique, 1990, p 8.
332
ou peu significatifs à rapportés à d'autres
Listes des abréviations
et des sigles
AAE Amicale des Algériens en Europe AFP Agence France Presse AG Assemblée générale ALN Armée de Libération Nationale APC Assemblée Populaire Communale APEL Association pour l'Egalité devant la Loi APS Algérie Presse Service AS Association Sportive ASP Association Sportive de Performance BAM Brevet d'Aptitude Militaire CA Conseil d'administration CNES Conseil national économique et social CEQ Commune éducative de quartier CFC Centre de formation de cadres CIO Comité International Olympique CONFEJES Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des Etats et des gouvernements ayant le français en partage DGSN Direction Générale de la Sureté Nationale DSAAE Direction des Sports de l'AAE EN Equipe Nationale EP Education Physique EPS Education Physique et Sportive FAF Fédération Algérienne de Football FAST Fédération Algérienne de Sport travailliste FI FA Fédération Internationale de Football-Association FIS Front Islamique du Salut FLN Front de Libération Nationale FSI Fédération sportive internationale GIA Groupe Islamique Armé JO Journal Officiel JO Jeux Olympiques MJS Ministère de la jeunesse et des sports ONU Organisation des nations unies PAGS Parti de L'Avant Garde Socialiste PCA Parti Communiste Algérien PPA Parti du Peuple Algérien
PRG Police des Renseignements Généraux RSTA Régie Syndicale des Transports Algérois, SM Sécurité militaire SMA Scouts Musulmans Algériens UA Union Africaine UEA Unités Economiques et Administratives UE Union Européenne UGT A Union Générale des Travailleurs Algériens UNE A Union Nationale des Etudiants Algériens UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture UNFA Union Nationale des Femmes Algériennes UNJA Union Nationale de la Jeunesse Algérienne UNP A Union Nationale des Paysans Algériens
334
Plan INTR 0 DU CTI ON PREMIERE INDEPENDANTE CHAPITRE SEMI LIBERTE
9
PARTIE: L'ALGERIE ET LA « QUESTION SPORTIVE» 33 I: QUE FAIRE?
ENTRE
CONTINUITE
DU SPORT
ET 39
9 1 L'Etat-FLN veut confisquer le sport
39
92 La transition sportive: les incertitudes
50
CHAPITRE II : DU TOUT POLITIQUE DESENGAGEMENT DE L'ETAT
9
1 La
consolidation
sportive:
l'ère
AU DEBUT DU 73 des
politiques
73
92 L'après Octobre 1988: les remises en cause CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE: PERMANENTE DU SPORT CHAPITRE D'INTERVENTION
certitudes
102 113
UNE SURPOLITISATION 115
I: LES MUL TIPLES PUBLIQUE MISES EN
MODALITES 119
9 1 Les dispositifs législatifs
119
92 Les autres mesures d'ordre politique
126
CHAPITRE II: LES ENJEUX POLITIQUES. LES USAGES DU SPORT CONTINUITE OU DISCONTINUITE HISTORIQUES? 147
9 1 Instrument
d'une pédagogie
politique.
92 Les nouveaux usages politiques du sport.. CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
150
181 225
TROISIEME PARTIE:
227
COMPORTEMENT ALGERIENS FACE A U SPORT
DES
DU
CITOYENS 227
CHAPITRE I : DES RESISTANCES
231
~ 1 La pratique controversée ~ 2 La résistance des»supporters» au sport étatique. CHAPITRE D'AUJO URD'HUI
II:
SIGNIFICATIONS
231 256
DES VIOLENCES 267
~ 1 La violence physico-matérielle : une réponse négative de la jeunesse. 270 ~2 La violence verbale: politique?
indicateur de l'engagement 294
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE
CONCLUSION
GENERALE
336
325
327
Collection «Espaces et Temps du Sport» dirigée par Jean Saint-Martin et Thierry Terret Editions L'Harmattan, 16 rue des Ecoles 75005 Paris Le phénomène sportif a envahi la planète. Il participe de tous les problèmes de société, qu'ils soient politiques, éducatifs, sociaux, culturels, juridiques ou démographiques. Mais l'unité apparente du sport cache mal une diversité aussi réelle que troublante: si le sport s'est diffusé dans le temps et dans l'espace, s'il est devenu un instrument d'acculturation des peuples, il est aussi marqué par des singularités locales, régionales, nationales. Le sport n'est pas éternel ni d'une essence transhistorique ; il porte la marque des temps et des lieux de sa pratique. C'est bien ce que suggèrent les nombreuses analyses dont il est l'objet dans cette collection créée par Pierre Arnaud qui ouvre un nouveau terrain d'aventures pour les sciences sociales.
Ouvrages
parus dans la collection
« Espaces et temps du sport»
- Joël Guibert, Joueurs de boules en pays nantais. Double charge avec talon, 1994. - David Belden, L'alpinisme, un jeu ?, 1994. - Pierre Arnaud (éd.), Les origines du sport ouvrier en Europe, 1994. - Thierry Terret, Naissance et développement de la natation sportive, 1994. - Philippe Gaboriau, Le Tour de France et le vélo. Histoire sociale d'une épopée contemporaine, 1995. - Michel Bouet, Signification du sport, 1995. - Pierre Arnaud et Thierry Terret, Histoire du sport féminin, 1996, 2 tomes. - André Benoît, Le sport colonial, 1996. - Michel Caillat, Sport et civilisation, 1996. - Thierry Terret, Histoire des sports, 1996 - Michel Fodimbi, Pascal Chantelat, Jean Carny, Sports de la Cité, 1996 -
Michel Vaugrand, Jean-Pierre Escriva, L'Opium sportif, 1996. Bernadette Deville-Danthu, Le Sport en noir et blanc, du sport colonial au
sport africain, 1996. - Paul Boury, La France du Tour, le Tour de France, un espace sportif à géographie variable, 1997. - Pierre-Alban Lebecq, Paschal Grousset et la Ligue Nationale d'Education Physique, 1997. - Sébastien Darbon, Du rugby dans une ville de foot, Le cas singulier du Rugby-Club de Marseille, 1997.
337
-
Pierre
idéologie
Arnaud,
Les Athlètes
républicaine,
de la République,
gymnastique,
sport
et
1998 (réédition).
Michel Bouet, Traité de sportologie, 1998. - Charroin Pascal et Terret Thierry, Histoire du water-polo, 1998. - Catherine Louveau, Annick Davisse, Sport, Ecole, Société. La différence des sexes, 1998. - Marc Barreaud, Dictionnaire des footballeurs étrangers du championnat de France professionnel, 1932-1992, 1998. - Jean-Paul Besse, Les Boxeurs et les Dieux, 1998. - Christian Vivier et Jean-Paul Loudcher, Le sport dans la ville, 1998. - Cyrille Petitbois, Des responsables du sport face au dopage, 1998. - Pierre Arnaud et James Riordan, Sports et relations internationales, les démocraties face aux régimes autoritaires, 1998. - Evelyne Combeau-Mari, Sport et décolonisation à La Réunion, 1998. - Maurice Baquet, Education sportive, initiation et entraînement, 1998. (Réédition de l'ouvrage paru en 1942). -
- Marc Durand, La compétition en Grèce antique, généalogie, évolution, interprétation, 1999. - Jean-Michel Delaplace, L'Histoire du sport, l'histoire des sportifs. Le sportif, l'entraîneur, le dirigeant, X1Xèmc_XXèmesiècles, 1999. - Kim-Min-Ho, L'origine et le développement des arts martiaux, 1999. - Vivier Christian, La sociabilité canotière, La société nautique de Besançon, 1999. - Delsahut Fabrice, L'empreinte sportive amérindienne, les jeux américains face au Nouveau Monde sportif, 1999. - Callède Jean-Paul, Fauché Serge, Gay-Lescot Jean-Louis, 2000. - Marianne Lassus, L'affaire Ladoumègue, 2000. -
Sport et identités,
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