Stratégie
Manuel Cartier Hélène Delacour Olivier Joffre
Conseiller éditorial : Christian Pinson Professeur à l’Inse...
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Stratégie
Manuel Cartier Hélène Delacour Olivier Joffre
Conseiller éditorial : Christian Pinson Professeur à l’Insead
© Dunod, Paris, 2010 ISBN 978-2-10-055063-0
Les auteurs remercient Christian Pinson pour l’aide apportée dans la rédaction de cet ouvrage, associant relectures précises et conseils pertinents.
Table des matières Avant-propos
1 I. Introduction
1. Les décisions stratégiques 1. La nature des décisions stratégiques 2. Les deux niveaux de la stratégie
2. La stratégie dans différents contextes 1. Les déterminants des contextes stratégiques 2. Les stratégies selon les contextes
3. Les origines de la stratégie
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1. La stratégie militaire 2. Les jeux de stratégie
4. Les processus stratégiques 1. Les stratégies délibérées ou émergentes 2. L’organisation apprenante
5. Les parties prenantes 1. L’approche par les parties prenantes 2. La gouvernance d’entreprise
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II. Le diagnostic stratégique
6. L’analyse du macro-environnement 1. Le modèle pest 2. Les tendances structurelles
7. L’analyse de l’industrie 1. Le modèle des cinq forces 2. Les limites du modèle des cinq forces
8. Les domaines d’activité stratégique 1. Les fondements de la segmentation stratégique 2. Les frontières de la segmentation stratégique
9. La chaîne de valeur 1. La structure de la chaîne de valeur 2. L’analyse de la chaîne de valeur 3. De nouvelles configurations de création de valeur VII
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Table des matières
10. Les ressources de l’entreprise 1. Les actifs de l’entreprise comme unité d’analyse 2. La gestion dynamique des ressources
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III. Les choix stratégiques
11. La gestion de portefeuille 1. Les matrices d’analyse de portefeuille 2. Les intérêts et limites des matrices
12. Les stratégies de diversification 1. Les différents types de diversification 2. Les implications des stratégies de diversification
13. La stratégie de recentrage 1. Les raisons et intérêts d’une stratégie de recentrage 2. Les phases du recentrage 3. Les limites de la stratégie de recentrage
14. Les stratégies génériques 1. Les trois stratégies alternatives 2. La compatibilité et durabilité des stratégies génériques
15. Les stratégies d’internationalisation 1. Les motivations de l’internationalisation 2. Les stratégies internationales 3. Les modalités d’internationalisation
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IV. Les modes de croissance
16. La croissance interne 1. Les motivations de la croissance interne 2. Les limites de la croissance interne
17. Les fusions-acquisitions 1. Le choix des fusions-acquisitions 2. Les obstacles aux fusions-acquisitions
18. Les alliances stratégiques 1. Une typologie des alliances stratégiques 2. Les motivations pour nouer une alliance 3. Les causes d’échecs des alliances
19. L’externalisation 1. Faire ou faire faire 2. Les problèmes posés par l’externalisation
VIII
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Table des matières
20. Les stratégies d’innovation 1. Les enjeux des différents types d’innovation 2. La diffusion de l’innovation
78 78 79
V. La stratégie et l’organisation
21. Les structures classiques 1. L’approche par les structures-types 2. L’approche par les configurations organisationnelles
22. Entreprise et réseaux
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1. L’entreprise-réseau 2. Les réseaux d’entreprises
23. Les business models 1. La présentation du business model 2. Les business models et l’introduction de changement
24. Les relations clients-fournisseurs 1. La déconsidération de la chaîne clients-fournisseurs 2. Vers l’optimisation de la chaÎne clients-fournisseurs
25. Internet et la stratégie d’entreprise 1. Un changement des sources de l’avantage concurrentiel 2. Une stratégie renouvelée
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VI. La stratégie et le changement
26. La conduite du changement 1. Les déterminants du changement et la capacité à changer 2. Accompagner le changement pour lever les freins
27. La dynamique industrielle et l’hypercompétition 1. Le cycle de vie d’une industrie 2. L’hypercompétition
28. La stratégie en pratique
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1. Les stratèges 2. Les activités stratégiques
29. Les stratégies de pionnier et suiveur 1. Les avantages du pionnier ou du suiveur 2. Les facteurs influençant le timing d’entrée
30. La gestion des risques
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1. Évaluer les risques 2. Traiter les risques IX
Table des matières
VII. Les prismes du management stratégique
31. Les théories de la complexité et la gestion de l’instabilité 1. La complexité : de l’interdépendance à l’instabilité 2. La gestion de l’instabilité
32. La théorie néo-institutionnelle et le comportement des entreprises 1. Le champ organisationnel comme niveau d’analyse 2. La tendance à l’isomorphisme 3. La recherche de légitimité
33. La théorie des jeux et l’interaction stratégique 1. Les jeux et leur dimension stratégique 2. La portée et les limites de la théorie des jeux
34. L’écologie des populations et la mort des organisations 1. La présentation de l’écologie des populations 2. Les limites de l’écologie des populations
35. Les approches cognitives et les biais dans les décisions stratégiques 1. La formulation d’un but et l’identification du problème 2. La génération de solutions 3. La sélection d’une solution
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VIII. Conclusion
36. Le dirigeant
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1. Le rôle du dirigeant 2. L’efficacité du dirigeant
37. La culture d’entreprise 1. Les différents niveaux de la culture d’entreprise 2. Les déterminants de la culture d’entreprise 3. Les limites de la culture
38. La responsabilité sociale de l’entreprise 1. La présentation de la rse 2. La rse et la construction d’un avantage concurrentiel
39. La gestion de crise 1. Les types de crise 2. La gestion de la crise 3. Les stratégies de communication de crise
40. Stratégie d’entreprise : entre déterminisme et volontarisme 1. L’importance du hasard 2. L’importance du jugement et de l’intuition
Bibliographie Index
146 146 147 148 150 150 151 154 154 154 156 158 158 159 163 165
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Avant-propos
Le Maxi Fiches de Stratégie se présente sous forme de 40 fiches synthétiques, claires et structurées, de 4 pages chacune. Chaque fiche peut être étudiée séparément. De nombreux renvois en couleur permettent de naviguer facilement de fiche en fiche pour approfondir les thèmes transversaux. Plusieurs outils pédagogiques sont à la disposition du lecteur dans chaque fiche : –– Les points clefs, en début de fiche, font ressortir l’intérêt du sujet et ses principaux enjeux. –– Des exemples récents accompagnent systématiquement chaque concept, et permettent de relier la théorie et l’actualité des entreprises. –– Un cas d’entreprise, en fin de fiche, illustre l’ensemble du thème traité. Cet ouvrage constitue un outil efficace de révision pour réussir les examens et les concours.
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Les décisions stratégiques
Points clefs Les décisions stratégiques se distinguent des autres types de décisions prises dans l’entreprise, principalement en raison de leur orientation long terme et de leur complexité. Généralement, deux niveaux de décisions stratégiques sont mis en évidence dans l’entreprise : la stratégie globale et la stratégie par domaines d’activité stratégique.
1. La nature des dÉcisions stratÉgiques Selon Grant, « la stratégie est une sorte de lien entre l’entreprise et son environnement ». Une décision stratégique se distingue d’une décision tactique ou opérationnelle par de nombreux points : a) Orientation à long terme Une décision stratégique engage l’entreprise sur une longue période, notamment en termes d’allocation des ressources (financières, humaines, matérielles, etc.), contrairement aux décisions tactiques qui ont une visée de court terme. Il est donc nécessaire de ne pas remettre en cause souvent cette allocation. Exemple : Quand le groupe E. Leclerc décide de faire des opérations ponctuelles pour vendre l’essence à prix coûtant, il s’agit d’une décision tactique avec un horizon court terme qui n’engendre pas une réallocation forte des ressources. En revanche, l’ouverture de supermarchés à l’étranger, comme en Italie, est une décision de nature stratégique nécessitant une allocation de ressources sur le long terme. b) Complexité et globalité Les décisions stratégiques sont de nature complexe. En effet, elles sont prises en s’appuyant sur une vision globale de l’entreprise et ne portent pas sur une fonction en particulier, à la différence de la stratégie marketing ou financière. Exemple : Quand le groupe Procter&Gamble a décidé de lancer sur le marché le système d’attrape-poussière électrostatique Swiffer en 1999, il s’agissait d’une décision stratégique. En revanche, quand P&G a décliné cette nouvelle technologie en différentes offres comme le nouveau kit-balai Swiffer en 2006, cela correspondait à une décision marketing. c) Satisfaction des parties prenantes Les décisions stratégiques, tout en cherchant à préserver et développer un avantage concurrentiel, visent à satisfaire les attentes et attentions des différentes parties prenantes (v. fiche 5). Exemple : Afin de répondre aux critiques de l’ONG Greenpeace qui considérait dans son classement « pour une high-tech responsable » l’entreprise Apple comme l’un des fabricants informatiques les plus pollueurs de monde, les nouveaux Ipod ont été conçus de manière à réduire leur empreinte écologique. Les écrans LCD sont désormais fabriqués sans mercure ni arsenic, et les écouteurs n’utilisent plus de PVC.
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Fiche 1 • Les décisions stratégiques
d) Situation d’incertitude Les multiples acteurs sur un marché, la complexité des sociétés dans lesquelles s’insèrent les organisations et les changements constants des variables de l’environnement, comme la technologie, les variables macro-économiques et la démographie impliquent que les décisions stratégiques sont prises en situation d’incertitude. Exemple : L’éditeur américain de jeux Electronic Arts (EA) ne s’est pas allié à Nintendo et n’a pas produit de jeux pour les consoles DS et Wii. « EA a commis l’erreur de ne pas y croire », analyse Pierrick Fay, un blogueur spécialiste de jeux vidéo. EA a enregistré une perte de plus de un milliard de dollars pour l’exercice 2008-2009 alors que les ventes mondiales de jeux ont augmenté de 18 % dans la même période, notamment grâce au succès de la Wii. e) Introduction de changement Suite à une décision stratégique, des changements tant au niveau interne qu’externe peuvent être attendus. Niveau interne. Les décisions stratégiques peuvent avoir des répercussions, non seulement au niveau organisationnel, mais aussi au niveau culturel. Exemple : Effective depuis 2009, la fusion entre l’ANPE et les Assedic, qui doit permettre de simplifier les démarches des demandeurs d’emploi en réduisant le nombre d’interlocuteurs auxquels ils doivent s’adresser, rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre. Les différences de culture entre l’ANPE, institution publique, et les Assedic, organismes privés, représentent une contrainte importante. Niveau externe. Les décisions stratégiques peuvent avoir des conséquences au niveau externe et modifier, par exemple, les relations entre l’entreprise et ses fournisseurs. Exemple : Le Groupement des Mousquetaires qui détient notamment l’enseigne Intermarché a progressivement opté pour une stratégie d’intégration. Les produits conçus en interne représentent 35 % des ventes (moyenne supérieure à ses concurrents) et permettent de limiter les situations de quasi-monopole, comme sur le marché de l’eau avec ses eaux minérales de Luchon et d’Aixles-Bains. 2. Les deux niveaux de la stratÉgie Les décisions stratégiques concernent deux niveaux dans l’entreprise, ce qui implique des différences en termes de responsabilité et d’autorité. Les deux niveaux de la stratégie Stratégie globale
Stratégie par domaines d’activité stratégique (DAS)
Direction générale
DAS 1
DAS 2
DAS 3
a) Stratégie globale La stratégie globale ou corporate strategy concerne l’organisation dans son ensemble. Les décisions sont prises par la direction générale et concernent les choix réalisés par une entreprise pour détenir un avantage concurrentiel sur un ou plusieurs marchés en même temps et optimiser ainsi la création de valeur de l’entreprise. Définition du périmètre d’activités. L’une des questions fondamentales que doit se poser l’équipe dirigeante est la définition du périmètre d’activités de l’entreprise, à savoir si l’en3
Fiche 1 • Les décisions stratégiques
treprise possède une seule activité ou, au contraire, si elle est présente sur plusieurs activités reliées ou non. Exemple : Si, au départ, le groupe Pernod Ricard avait défini son périmètre autour d’une seule activité, les boissons anisées, celui-ci a progressivement été élargi à d’autres boissons par le biais d’acquisitions comme la marque Absolut Vodka en 2008. Aujourd’hui, le pastis ne représente plus que 5 % du chiffre d’affaires. Allocation des ressources. L’un des objectifs de la direction générale est d’allouer les ressources de l’entreprise de manière optimale. Dans le cas où le périmètre de l’entreprise est composé de plusieurs activités, elle devra répartir ses ressources entre ses activités grâce à des règles de décision et d’arbitrage. Exemple : L’entreprise familiale Mars a racheté en octobre 2008 le leader du chewing-gum Wrigley (Freedent) afin de faire face au ralentissement de ses autres activités en raison des campagnes anti-obésité pour le chocolat (Mars, Twix). De plus, les marchés de ses activités traditionnelles sont l’Europe et les États-Unis alors que le chewing-gum peut se lancer plus facilement dans les pays émergents, à forte croissance. L’entreprise devra également décider quelles sont les ressources qui peuvent être partagées entre ses activités. Exemple : L’entreprise Grosfillex, grâce à sa maîtrise technologique d’un matériau (la résine de synthèse), a décliné son offre à destination des particuliers, des institutionnels mais aussi des professionnels en proposant des portes, fenêtres ou sièges de gradin, le tout en PVC. b) Stratégie par domaine d’activité stratégique La stratégie par domaine d’activité stratégique (DAS) ou business strategy fait référence aux choix réalisés par une entreprise pour détenir un avantage concurrentiel sur un domaine d’activités homogènes par rapport à ses concurrents (v. fiche 8). Ces décisions sont le fait de la direction générale et des responsables de DAS. Définition d’une stratégie pour chaque DAS. Chaque DAS répond à une combinaison de facteurs clefs de succès (FCS) spécifiques et à une allocation de ressources et compétences. Cela conduit à définir une stratégie particulière pour chaque DAS (domination par les coûts, différenciation et focalisation, v. fiche 14). Des questions comme « sur quel marché se développer ? », « quel produit proposer ? », « quelle opportunité saisir dans l’environnement ? » sont traitées à ce niveau stratégique. Exemple : Si Danone a pu lancer l’eau minérale Taillefine enrichie artificiellement en calcium et magnésium en 2001, une directive européenne de 2006 a interdit ce procédé. Le groupe a arrêté sa production en 2009. Liens entre les DAS. Si chaque DAS peut être géré de manière autonome, il est cependant nécessaire de veiller à leur cohérence et de gérer au mieux le portefeuille d’activités (v. fiche 11). Exemple : Le groupe Lafuma, présent sur le marché de l’outdoor, est composé de plusieurs DAS complémentaires permettant de lisser l’activité sur l’année. À côté d’Owbow, spécialisé dans le surf et donc dans des activités plutôt estivales, le groupe a repris en 2008 l’entreprise Eider, spécialisée dans le ski. Des modifications survenues au niveau d’un DAS peuvent entraîner une réévaluation de la stratégie opérée dans d’autres DAS, voire dans son ensemble. Ainsi, une entreprise peut être amenée à se réorganiser afin de suivre l’évolution de ses différentes activités. Exemple : Si dans les années 1980, les constructeurs d’ordinateurs différenciaient fortement les offres destinées aux particuliers des professionnels en raison des serveurs utilisés, cette distinction s’est progressivement estompée pour n’avoir qu’une seule division PC. Ensuite, du fait des évolutions technologiques, une nouvelle activité s’est créée et a amené les constructeurs à se réorganiser. Il s’agit des ordinateurs portables, dont les ventes dépassent depuis 2003 celles des ordinateurs de bureau. Si des modes de croissance et d’expansion sont spécifiques à un type de stratégie, comme la stratégie de diversification qui modifie le périmètre d’activités de l’entreprise et fait ainsi 4
Fiche 1 • Les décisions stratégiques
référence à la stratégie dite « globale », d’autres choix stratégiques, comme les stratégies d’internationalisation, peuvent concerner toutes les entreprises, qu’elles soient présentes sur un ou plusieurs DAS. Les liens entre les stratégies et les modes de croissance
– Diversification (v. fiche 12) – Fusions et acquisitions (v. fiche 17) – Alliances stratégiques (v. fiche 18)
STRATÉGIE GLOBALE
– Recentrage (v. fiche 13) – Stratégies internationales (v. fiche 15) – Croissance interne (v. fiche 16) STRATÉGIE PAR DOMAINE D’ACTIVITÉ
– Stratégies génériques (v. fiche 14)
Club Méditerranée : des villages au Club Med World Fondé en 1950 par Gérard Blitz sous forme d’association à but non lucratif, le Club Méditerranée ouvre son premier village aux Baléares, Akudia. Suite à la crise économique, conséquence de la guerre du Golfe, l’entreprise se transforme en société à directoire et conseil de surveillance. En 1998, Philippe Bourguignon devient le nouveau président du directoire et engage un plan de refondation de l’entreprise. Pour se redéployer, le groupe crée de nouvelles activités dans le domaine des loisirs en s’appuyant sur ses trois actifs majeurs : la marque Club Med, les GO (gentil organisateur) et les GM (gentil membre). Le Club Méditerranée invente ainsi un nouveau concept de loisirs en ville, Club Med World, dont le premier a ouvert dans Bercy-Village à Paris (12e arrondissement) en juin 2000 et le second à Montréal en 2001 (fermé deux ans plus tard). Ce nouveau DAS qui élargit le périmètre d’activités du groupe, permet de segmenter l’image du Club Med autour de cibles différentes et va progressivement élargir son offre : de l’agence de voyage pour la préparation de prochaines vacances, aux restaurants, bars, discothèques, salles de spectacle et concerts, en passant par des activités pour les enfants, des boutiques ouvertes jusqu’à 22 heures et enfin l’organisation d’événements professionnels (conventions, séminaires, déjeuners, etc.). Cependant, ce complexe, présenté comme le fleuron de la politique de diversification de Philippe Bourguignon, n’a jamais rencontré le succès et a accumulé des pertes de 40 millions d’euros depuis son ouverture. Il a fermé définitivement ses portes le 31 octobre 2009 car il ne s’inscrit plus dans le cadre de la stratégie de repositionnement du groupe sur son activité de villages décidé par l’actuel PDG, Henri Giscard d’Estaing.
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La stratégie dans différents contextes
Points clefs La stratégie de l’entreprise est soumise à de multiples contraintes (structure, technologie, concurrents, État, etc.). Compte tenu de leurs poids relatifs, il est possible de mettre en évidence des enjeux prioritaires pour l’entreprise : dilemme de la taille pour les PME, arbitrage global/local pour les multinationales ou paradoxe service public/profit pour les entreprises publiques. Selon son contexte, l’entreprise dispose d’options stratégiques spécifiques.
1. Les dÉterminants des contextes stratÉgiques a) Le contexte de la PME Les entreprises de moins de 250 salariés, appelées petites et moyennes entreprises (PME), contribuent chaque année pour 40 % à la valeur ajoutée produite par l’économie française. Sur les 2,8 millions d’emplois créés entre 1988 et 2008, 2,3 millions l’ont été dans les PME. Les caractéristiques suivantes découlent de leur petite taille. Une capacité d’adaptation à l’environnement. La structure des PME, généralement simple et flexible, permet une bonne réactivité aux évolutions de l’environnement économique. Exemple : Face à la crise, la société Traitement des métaux de Normandie, PME de 60 salariés spécialisée dans les traitements de surface, a modifié l’organisation de sa production à la suite d’une négociation directe avec les employés. Le fonctionnement des machines pendant la nuit, en heures creuses, a permis de réaliser 40 000 euros d’économies entre 2008 et 2009. Une vulnérabilité en matière de financement. Lorsqu’elle envisage de financer des projets de croissance, la PME rencontre traditionnellement les réticences des banques à accorder des crédits et des investisseurs à apporter des fonds propres. Exemple : Face aux difficultés rencontrées par les PME pour se financer en période de crise, Nicolas Sarkozy, président de la République française, a annoncé le 5 octobre 2009 que deux milliards d’euros seraient consacrés à la consolidation des fonds propres des PME. b) Le contexte des multinationales Une multinationale est une entreprise implantée dans de nombreux pays par le biais de filiales. En 2008, les 82 000 entreprises multinationales font travailler 78 millions d’employés. Le contexte transnational implique : La valorisation d’un investissement. La multinationale exploite à une échelle mondiale une technologie, une marque, un savoir-faire ou des moyens financiers, ce qui se traduit par un investissement. Exemple : À la différence des investissements de portefeuille, les flux d’investissement étranger direct (IED) impliquent une prise de contrôle de la part de l’entreprise étrangère. Sur la base de cette mesure, les investissements des entreprises multinationales se sont élevés à 1 700 milliards de dollars en 2008. Les risques d’une production à l’étranger. L’entreprise qui s’installe dans un pays étranger doit surmonter des difficultés liées à la distance culturelle, à l’accès aux infrastructures et aux réseaux marchands et aux enjeux politiques. Exemple : Au Venezuela, suite au vote du 6
Fiche 2 • La stratégie dans différents contextes
Parlement qui a eu lieu le 7 mai 2009, l’armée a pris le contrôle d’installations appartenant aux compagnies pétrolières étrangères. c) Le contexte des entreprises publiques Une entreprise publique est une entreprise qui exerce une activité industrielle ou commerciale et qui est soumise au contrôle des pouvoirs publics. Cette définition implique une double contrainte : Une mission de service public. Les entreprises publiques doivent remplir des objectifs d’intérêt général : soutien à l’industrie, sauvegarde de l’emploi, réduction des disparités ou encore défense de l’intérêt national. Exemple : La SNCF, transporteur ferroviaire français, a pour missions de service public l’exploitation de lignes régionales et de banlieue parisienne, la prise en compte de la politique d’aménagement du territoire dans le cadre de certaines grandes lignes et l’application de tarifs sociaux. Des critères de performance économique. Insérées dans un contexte économique et en concurrence avec des entreprises privées, les entreprises publiques sont également évaluées sur leur efficience. Exemple : L’actionnaire principal de Thalès, spécialiste de l’électronique de défense et de sécurité, est l’État français avec 27 % du capital au 31 mai 2009. La marge opérationnelle courante est positive et s’élève à 6,9 %, mais elle reste faible comparée à ses concurrents américains Honeywell et Rockwell qui dégagent une marge supérieure à 15 %. 2. Les stratÉgies selon les contextes a) Les stratégies de PME Si la stratégie de focalisation constitue une première étape inévitable pour les PME, il conviendra par la suite d’envisager l’intérêt des stratégies d’alliance et de partenariat. La stratégie de focalisation. Afin de limiter l’accessibilité du marché, notamment aux grandes entreprises, la PME est amenée à se concentrer sur un segment restreint. Exemple : L’entreprise provençale Sibell, qui commercialise des chips sous les marques Sibell, Lucky Chips et Quality Chips, a fait progresser son chiffre d’affaires et ses effectifs de 300 % entre 2003 et 2008. Sibell a construit son succès en proposant des produits composés d’ingrédients de qualité sur des segments peu exploités par la concurrence : chips au sel de Camargue, à la feta, chips sans sel remplacé par des herbes de Provence, chips cacher, ou encore chips bio. Les stratégies d’alliances ou de partenariat. Les alliances (entreprises de même secteur) et partenariats (entreprises non concurrentes) permettent à une PME d’accéder à des ressources et compétences qu’elle ne pourrait acquérir ou développer seule. Exemple : Ostrea Marine, une PME de 15 salariés située dans le Bassin d’Arcachon, construit des petits voiliers inspirés des modèles en vogue aux États-Unis dans les années 1930. Grâce à un partenariat avec la maison de luxe française Lancel, la liste d’attente des commandes est remplie jusqu’au deuxième trimestre 2010. b) Les stratégies des entreprises multinationales Les entreprises multinationales sont confrontées au dilemme stratégie globale/stratégie locale : La stratégie locale. Elle consiste pour l’entreprise multinationale à s’adapter aux conditions des marchés qu’elle occupe, en termes de gestion des ressources humaines, de production ou de marketing. Exemple : En 2008, Bongrain, 5e groupe fromager dans le monde, emploie 17 700 personnes dans 29 pays. Si partout, la matière première reste le lait, le groupe français adapte son offre aux traditions culinaires locales. Il propose le camembert Président en France, les pâtes molles Milkana en Russie, les pâtes fraîches Romaduzec en République 7
Fiche 2 • La stratégie dans différents contextes
Tchèque, les fromages fumés Pannonia et Karavan en Hongrie, le célèbre fromage blanc Toska en Pologne, ou encore les pointes de brie et crèmes à tartiner Alouette aux États-Unis. La stratégie globale. Elle consiste à commercialiser les mêmes produits ou services standardisés partout dans le monde. Ceux-ci sont conçus et fabriqués dans des implantations centrales, généralement choisies pour le coût de la main-d’œuvre. Exemple : En 2009, l’entreprise italienne Geox distribue ses modèles de chaussures à travers 940 boutiques situées dans 68 pays. Geox fait travailler 10 000 personnes dans le monde, la production étant réalisée dans des usines en Roumanie, au Brésil, en Chine et en Inde. La stratégie « glocale » (néologisme issu des termes « global » et « local »). Elle consiste à gérer des actifs standardisés à travers le monde (marques, vastes programmes de R&D) tout en accompagnant cette globalisation d’une adaptation aux conditions de certains marchés. Exemple : Unilever, bien que gérant des marques globales comme Sun pour les produits ménagers ou Lipton pour le thé, prend en compte les spécificités de certains marchés. En Inde par exemple, les futurs managers du groupe débutaient par une période de plusieurs mois dans les villages les plus reculés où ils partageaient la vie des habitants. Le marketing, pour promouvoir les produits, organisa sur les foires et marchés des spectacles fondés sur le folklore local. Enfin, un savon spécifique pour corps et cheveux fut développé pour les indiennes qui ne pouvaient s’offrir deux produits distincts. c) Les stratégies des entreprises publiques L’État étant le principal décisionnaire dans le cadre des entreprises publiques, les stratégies sont soumises aux préférences idéologiques des gouvernements. Les stratégies interventionnistes. Dans certaines activités (transports, services postaux, télécommunications, énergie…), une situation de monopole naturel est nécessaire car les infrastructures ne peuvent être rentabilisées dans le cade d’un prix de vente fixé par la libre concurrence. Pour éviter qu’une entreprise privée n’abuse de la situation de monopole, il appartient à l’État de le prendre en charge. Exemple : En octobre 2003, le gouvernement de Tony Blair a décidé de renforcer son contrôle sur les transports ferroviaires britanniques, suite à la multiplication d’accidents meurtriers. La Network Rail, entreprise propriétaire du réseau ferroviaire financée par l’État, ne devra plus sous-traiter l’entretien des voies à des entreprises privées, qui avaient délaissé la sécurité pour minimiser leurs coûts. Les stratégies de privatisation. Le changement d’échelle lié à la mondialisation des marchés, ainsi qu’à l’élargissement du marché unique européen remet en cause la théorie du monopole naturel. Les directives européennes imposent la privatisation des télécommunications et des services de distribution d’énergie. Exemple : Le marché de l’électricité aux particuliers s’est ouvert le 1er juillet 2007. Au 30 juin 2009, Électricité de France (EDF) garde une avance considérable sur ses concurrents (Poweo, GDF-Suez, E.ON) qui ne comptent que 1 035 000 sites sur un total de 29,6 millions. Les privatisations sont également l’occasion de renflouer les finances publiques. Exemple : En 2006, le gouvernement français a privatisé pour un montant d’environ 14 milliards d’euros les concessionnaires d’autoroutes ASF, Sanef, APRR. D’ici à 2032, durée de la concession des autoroutes, on estime que ces sociétés auront engrangé 40 milliards d’euros de bénéfices. Un calcul d’actualisation montre que l’opération sera profitable si les taux d’intérêt ne dépassent pas 4 % par an.
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Fiche 2 • La stratégie dans différents contextes
France Télécom : une mutation difficile À l’origine, les Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) sont chargés d’acheminer le courrier et de développer le téléphone dans toute la France, jusque dans les campagnes les plus reculées. Les réformes de l’État donnent progressivement naissance à deux entreprises de service public : en 1990, France Télécom perd son statut d’administration et, le 1er janvier 1991, La Poste devient un établissement public à part entière. Sous l’impulsion des directives européennes qui amènent le 1er janvier 1998 l’ouverture de son marché à la concurrence, France Télécom passe d’une administration en situation de monopole à une entreprise de droit privé. En 2004, l’État passe sous la barre fatidique des 50 % du capital et, en 2005, suite à une augmentation de capital de France Télécom, perd sa minorité de blocage. Longtemps, la stratégie internationale de France Télécom est caractérisée par une certaine prudence. Certes, l’opérateur procède à quelques prises de participations à l’étranger, mais ce sont les alliances qui sont privilégiées. À partir de 1999, France Télécom intensifie sa présence internationale à travers la croissance externe, en privilégiant l’accès aux marchés du Royaume-Uni (Orange) et de l’Allemagne (MobilCom). Le rachat en 2000 de l’opérateur de téléphonie mobile britannique à Vodafone, pour la somme de 40 milliards d’euros, marque une étape importante dans l’émergence d’une multinationale. La marque, ainsi que les pratiques associées à son utilisation, sont harmonisées dans les différentes filiales nationales du groupe. M. Didier Lombard, président de France Télécom, va même affirmer en 2009 qu’Orange est « une marque au niveau de Coca-Cola » et que « France Télécom s’appellera sans doute un jour Orange ». En 2009, les deux tiers des 30 pays où France Télécom s’est implantée, ont adopté la marque unique Orange pour l’Internet, la télévision et le mobile. Mais, entraînée dans une course à la taille avec ses concurrents, l’entreprise doit faire face à un lourd endettement, lié au surinvestissement. Elle est contrainte de vendre l’annuaire des Pages Jaunes en 2002. Les mutations du groupe ont également des conséquences au sein de l’entreprise : le 15 octobre 2009, la direction du groupe est confrontée au vingt-cinquième suicide d’un de ses salariés en moins d’un an. Les syndicats dénoncent un « management par la terreur ». Cette situation amène à s’interroger sur l’efficience des marchés, au regard des prestations attendues par l’usager (par exemple, la mise à disposition de tous d’une connexion Internet).
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Les origines de la stratégie
Points clefs Appliqué à l’entreprise de manière systématique depuis la matrice SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces) inspirée en 1962 par Ansoff, le concept de stratégie a des origines plus lointaines. Présente dans le domaine militaire, à travers les stratégies d’encerclement ou d’attaque par le flanc par exemple, ou dans les jeux dits « de stratégie », comme les échecs ou le go, cette discipline dispose depuis longtemps de fondements applicables au monde des affaires.
1. La stratÉgie militaire Le terme de « stratégie » trouve son origine dans les mots grecs stratos (armée) et ageîn (conduire). Contrairement à la tactique dont l’enjeu est local et limité dans le temps (gagner une bataille), la stratégie a un objectif global et à long terme (gagner la guerre). a) La domination réelle Carl Von Clausewitz était un officier et théoricien militaire prussien. Son traité majeur, De la Guerre (1831), rédigé après les guerres napoléoniennes, est une des œuvres les plus réalistes et complètes en matière de stratégie. Pour Clausewitz, la guerre est un duel, « un acte de violence dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Les extraits suivants permettent de comprendre les apports de Clausewitz à la stratégie d’entreprise. –– « Il ne faut s’engager sur un champ de bataille qu’avec un rapport de force de trois contre un. ». Exemple : Avec 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2007 (pour 20 milliards de profit), Microsoft a pu dépenser en 2008 la somme de 10 milliards de dollars en R&D, dans ses cinq laboratoires de recherche et ses 110 centres d’innovation. Microsoft ne s’engage sur un nouveau marché (comme celui des consoles avec la Xbox ou des lecteurs MP3 avec le Zune) qu’avec des moyens colossaux. –– « Lorsqu’on esquisse son plan d’attaque, il faut se fixer un grand but : l’attaque d’une grande colonne ennemie ou la victoire totale. » Exemple : TPS et Canalsat cohabitent depuis 1995 sur le marché de la télévision numérique. En 2005, Canalsat obtient les droits de diffusion du football français pour 600 millions d’euros par an. Cette victoire a eu des conséquences catastrophiques sur TPS, qui a même alors arrêté de communiquer son nombre d’abonnés. En 2006, TPS est absorbé par son concurrent Canalsat, alors cinq fois plus valorisé en Bourse. –– « Quand la supériorité absolue n’est pas possible, vous devez rassembler vos ressources pour obtenir la supériorité relative au point décisif. » Exemple : Devant la domination de McDonald’s, Quick a concentré son développement dans huit pays, principalement en France. Grâce à une adaptation aux goûts locaux, à l’affichage de la composition des produits sur les emballages, à une gamme de produits « diététiques » et à des techniques de cuisson saines (comme le partenariat avec Lesieur pour une nouvelle huile de friture), Quick conserve en 2008 une part en valeur de 27 % sur ce marché.
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b) La domination virtuelle Sun Tsu, stratège chinois qui vivait à l’époque des Royaumes Combattants (cinq siècles avant J.-C.), signe un manuscrit calligraphié sur du bambou, L’Art de la guerre. Ce traité contient des préceptes permettant de remporter une guerre sans combat, par la ruse et la duperie. En voici quelques extraits : –– « Toute duperie exige le secret, les espions les plus pénétrants ne peuvent fureter et les sages établir de plans contre vous. » Exemple : La fusion réussie entre Asea et Brown Boveri s’est faite en 1987 dans la plus grande intimité : un groupe de cadres dirigeants de chaque société n’a eu qu’une heure pour lire des documents simples et valider l’accord. Si la nouvelle de la fusion avait été découverte, le gouvernement et les syndicats auraient bloqué l’initiative. Le PDG du géant créé, ABB, raconte en 1991 : « Nous n’avions pas le choix, nous devions agir rapidement et dans le plus grand secret. Il n’y avait aucun avocat, aucun auditeur. Nous étions simplement persuadés des mérites stratégiques de la fusion. » –– « Ne manquez jamais d’offrir un appât à l’ennemi pour le leurrer. » Exemple : Dans les années 1980, Pepsi a instauré dans le monde entier le Pepsi challenge, un test à l’aveugle destiné à démontrer les qualités gustatives du Pepsi. En 1985, le New Coke est lancé et est, d’après la direction du groupe, « bien meilleur que le Coca-cola ordinaire ». Pourtant, le New Coke s’est avéré être un échec retentissant, à la plus grande surprise des responsables de son lancement. L’entreprise fut submergée de lettres de mécontentement, dont voici quelques extraits : « changer le goût du Coca-cola revient à me dire que Dieu n’existe pas », ou « je ne serais pas plus choqué si quelqu’un venait brûler le drapeau américain dans mon jardin ». Coca est tombé dans le piège posé par Pepsi : accepter la concurrence au niveau des caractéristiques du produit alors que c’est l’histoire et la marque de Coca qui sont à la source de son succès. –– « Ne cherchez pas à dompter votre ennemi au prix des combats, mais subjuguez votre ennemi sans donner bataille, simulez l’infériorité pour encourager son arrogance. » Exemple : En 1990, McDonald’s a entamé des poursuites judiciaires à l’encontre de militants Greenpeace distribuant un tract portant le titre « What’s wrong with McDonald’s ». Ce procès en diffamation a duré sept ans, et c’est McDonald’s qui a dû répondre à de multiples accusations allant de problèmes liés aux conditions de travail à l’intoxication alimentaire. Si McDonald’s a finalement gagné son procès (100 000 $ de dommages et intérêts), le tract d’origine est devenu une pièce culte, diffusée à plus de trois millions d’exemplaires et relayée par les médias. –– « Avec de nombreux calculs, on peut remporter la victoire, redoutez leur insuffisance. » Exemple : Le spécialiste de l’électroménager Hoover avait décidé d’offrir en Angleterre deux billets aller-retour pour une destination en Europe à chaque client achetant plus de 100 livres sterling de produits de la marque. Le succès de l’opération a largement dépassé les prévisions : un procès de quatre ans, 50 millions de livres sterling perdues et des consommateurs mécontents sont l’épilogue de ce manque de réflexion. 2. Les jeux de stratÉgie a) Les échecs Le jeu d’échec est un exercice combinatoire, de réflexion pure et à information complète. On retrouve, dans ce jeu, les fondements de la stratégie d’entreprise : un joueur (le dirigeant), un adversaire (le concurrent), un plateau (le marché) et des pièces (les ressources de l’entreprise). Un bon stratège mène une stratégie à plusieurs coups, en acceptant des sacrifices pour occuper une bonne position (comme un entrepreneur prêt à investir pour dominer un 11
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marché dans l’avenir). Une bonne stratégie repose sur l’utilisation simultanée de plusieurs pièces (toute organisation crée des synergies entre ses différentes ressources). Si l’analogie est facile, elle comporte des limites, dont voici les principales : Les règles du jeu concurrentiel peuvent évoluer. Alors que les règles sont stables aux échecs, l’entreprise est soumise au changement. Exemple : Le succès de la marque automobile Hummer (proposant à l’origine des véhicules militaires de grand gabarit) s’est construit sur deux éléments, l’absence de taxe sur les véhicules de plus de deux tonnes aux États-Unis (destinée à aider les transporteurs routiers) et le patriotisme américain. Mais la hausse du prix du pétrole et l’enlisement des États-Unis en Irak ont entraîné la cession de la marque à un groupe chinois en 2009. La valeur des ressources est fluctuante. Si un fou ou une tour ont les mêmes capacités au cours d’une partie, les valeurs des ressources contrôlées par une entreprise sont au contraire incertaines. Exemple : Annoncé en 1980 comme un blockbuster, le film Popeye, avec Robin Williams, est l’un des plus gros échecs financiers de l’histoire du cinéma. Le lieu de tournage, la Crète, fut frappé par de violentes tempêtes, les maçons locaux se révélèrent incapables de construire un décor original et le réalisateur, Robert Altman, eut des problèmes liés à l’alcool qui le conduisirent à quitter Hollywood. Le contrôle des ressources est imparfait. Si le joueur d’échec maîtrise chacun de ses mouvements, la stratégie d’une entreprise est en partie émergente et dépendante de la volonté et de la motivation des différents détenteurs d’influence (actionnaires, employés, banques, etc.). Exemple : Les trois suicides au Technocentre de Renault entre octobre 2007 et juin 2008 sont un symptôme dramatique de la problématique du stress au travail, découlant en partie de la stratégie ambitieuse du groupe incarnée par le plan Renault contrat 2009. b) Le jeu de Go Le jeu de Go aurait été inventé en Chine il y a environ 4 000 ans par un empereur pour former son fils à la stratégie. Chaque joueur dispose de pions noirs ou blancs qu’il place afin de conquérir le territoire le plus vaste. Un territoire est acquis quand il est délimité par une série ininterrompue de pions de même couleur. Le jeu de Go donne les quelques clés d’une bonne stratégie d’entreprise. Coexistence. Il est impossible de détruire l’adversaire. Même en cas de victoire, les pions adverses sont toujours sur le plateau. Toutes les entreprises sont contraintes de composer avec l’existence de concurrents. Exemple : Microsoft est contraint par les lois antitrust de publier les informations relatives aux protocoles et aux interfaces de programmation utilisées dans Windows. En 2007, le groupe a été condamné au versement d’une amende de 497 millions d’euros. Par ailleurs, des concurrents contestent toujours l’hégémonie du leader, avec des offres en partie gratuites, comme Mozilla avec le navigateur Firefox ou Sun Microsystems avec OpenOffice. Adaptation permanente. Une partie de Go n’est pas un processus linéaire tendant vers une victoire certaine. Les joueurs établissent des zones d’influence, consolident des positions et en abandonnent d’autres : chaque pierre posée est un paramètre de plus à prendre en compte. Exemple : En 2007, Starbucks prévoyait de posséder 40 000 cafés. En janvier 2008, le groupe a annoncé la fermeture de 300 points de vente. En juillet 2008, 600 fermetures supplémentaires limitent à moins de 17 000 le nombre de cafés du groupe. La crise est à l’origine de cette adaptation : les ventes ont chuté de 10 % aux États-Unis et de 3 % dans le reste du monde. Encerclement. Le jeu de Go consiste à occuper l’espace de façon non prévisible et à vaincre sans tuer, par étouffement. Exemple : En France, McDonald’s a mené une stratégie de 12
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croissance ininterrompue pour compter en 2008 plus de 1 100 restaurants dans l’hexagone. Burger King a été victime de la stratégie d’encerclement de son concurrent et contraint de quitter le territoire en 1997. Par exemple, le restaurant de la porte de Clignancourt a vu s’installer un premier concurrent à quelques centaines de mètres, boulevard Ornano, puis un second, proche du marché aux puces. Les manœuvres d’attaque et de défense dans la vie de l’entreprise Attaque frontale : PepsiCo vend en 1934 une bouteille de 12 onces (contre 6 pour Coca) au même prix que son concurrent avec un slogan « Twice as much for a nickel ». Cette stratégie, d’abord efficace, est remise en cause par la hausse du cours du sucre. Attaque par le flanc : 7 up, boisson gazeuse à base de limonade, a été lancé en 1929, malheureusement deux semaines avant le crack boursier, sous le slogan « the uncoke » (l’anti-Coca) en misant sur ses aspects diététiques (purement fictifs) liés à sa transparence. Évitement : en 1998, PepsiCo rachète Tropicana et se lance ainsi dans le jus de fruit, alors que son rival domine le marché des colas (avec aux États-Unis une part de marché de 43 %, contre 32 % pour Pepsi). Guerilla : Rolls-Royce mène dans le segment des voitures de luxe une guerre non conventionnelle : faibles volumes (1 212 unités en 2008), production en partie artisanale (ateliers traditionnels d’ébénisterie et de cuir) et forte adaptation (20 % des clients exigent des aménagements et accessoires personnels). Défense de position : Levis et son célèbre 501, labélisé « the orignal », a une stratégie immuable face à la concurrence. Contre offensive : face à l’avance de Gillette sur les rasoirs multi-lames, Wilkinson a lancé à son tour des produits à trois (Xtrem 3) puis à quatre lames (Quatro). Défense d’avant-poste : pour empêcher l’arrivée de concurrents sur le marché des lingettes électrostatiques, Procter & Gamble a saturé le marché avec une large gamme de produits Swiffer (balais, plumeaux, lingettes humides, etc.). Défense mobile : Intel, dont le slogan est « Leap ahead » (bond en avant), lance de nouveaux microprocesseurs alors que ses anciens produits sont encore en phase de croissance. Cette stratégie de la terre brûlée permet à Intel de disposer de 82 % des parts de marché contre seulement 17 % pour AMD. Repli stratégique : face au TGV, AirFrance a interrompu la liaison entre Orly et Lyon et réduit les fréquences d’Orly à Marseille et Strasbourg. Par ailleurs, Air France et Veolia travaillent sur le lancement d’une filiale de trains TGV privés, rivalisant avec ceux de la SNCF.
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Les processus stratégiques
Points clefs Quels sont les processus qui donnent naissance à des stratégies dans les organisations ? Deux visions s’affrontent : celle de la stratégie délibérée issue d’un processus rationnel et réfléchi, résultat des décisions prises par les dirigeants, et celle de la stratégie émergente, mélange de contexte, d’expérience et de complexité. Si ces deux visions peuvent paraître antagonistes, elles n’en sont pas moins dépendantes, voire complémentaires, dans le cadre de l’organisation apprenante.
1. LES StratÉgies dÉLIBÉRÉes ou Émergentes a) Des stratégies délibérées : l’intention La stratégie délibérée est l’expression de l’orientation intentionnellement formulée ou planifiée par les managers. Elle se construit grâce aux outils, techniques et modèles stratégiques et peut résulter de différents processus. Les leaders stratégiques. Ils peuvent être les fondateurs, les propriétaires ou les leaders charismatiques à qui les décisions stratégiques échoient. Exemple : En 18 ans, Anna Wintour est passée du statut de simple pigiste à celui de pythie adulée et redoutée de la mode. Actuellement rédactrice en chef du Vogue américain, elle mène à la baguette son staff et décide personnellement de tout ce qui apparaîtra dans le Vogue à venir, du contenu de la série mode à la mise en page des news du mois, en passant par la typographie de tel ou tel titre. Lorsqu’on l’interroge sur son aura glaciale et sa réputation de dictatrice, elle répond que toutes les critiques qui portent sur sa manière de gérer son équipe ne l’atteignent pas, car le résultat est là : Vogue est indétrônable. La planification stratégique. C’est l’élaboration et la coordination systématique, ordonnée et séquentielle de la stratégie. La planification suit plusieurs étapes, plus ou moins mises en valeur selon les entreprises : les directives initiales, les plans locaux, le plan global, la traduction en objectifs. Exemple : Shell est célèbre pour son utilisation de la planification stratégique à travers l’utilisation de la méthode des scénarii qui lui a permis d’anticiper le choc pétrolier de 1973 et a même pu se renforcer dans l’intervalle, pour devenir la deuxième plus grande major par la taille et la première par la profitabilité. Le paramètre principal de l’activité de Shell est le prix du pétrole. Si la demande est prévisible, sur la base de la consommation d’énergie et du développement industriel, région par région, l’offre l’est moins. Pierre Wack et son équipe ont élaboré des scénarii précis pour chaque hypothèse sur le futur politique de la zone Moyen-Orient et son impact sur l’offre de pétrole, soutenus par des tableaux de production et de prix. La stratégie imposée par les parties prenantes. Les actionnaires majoritaires, les gouvernements, ou même le contexte de développement international peuvent fortement orienter la stratégie de l’entreprise. Exemple : Les collaborations entre les entreprises d’armement françaises et allemandes (Thomson et DASA, par exemple) se sont détériorées après que l’État français ait imposé des décisions stratégiques aux entreprises françaises (report de programme, annulation de coopération, modification des formations, etc.) sans consulter les partenaires. 14
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b) Des stratégies émergentes : l’évolution Les stratégies peuvent être le fruit d’un processus incrémental et donc se modifier au cours du temps : L’incrémentalisme logique. C’est l’élaboration d’une stratégie au travers d’expérimentations et d’engagements ponctuels. Exemple : Quand Renault rachète Dacia, le constructeur automobile roumain, c’est pour s’implanter en Europe de l’Est. L’importation parallèle de la Logan oblige Renault à la commercialiser en Europe de l’Ouest. Fort du succès de ce véhicule, Renault sort en 2009 un nouveau modèle low cost, la Sandero. Les routines d’allocation de ressources. La stratégie émerge à partir de la manière dont sont utilisées et allouées les ressources dans l’organisation. Allocation qui repose elle-même sur les négociations entre les niveaux hiérarchiques de l’entreprise. Exemple : Nokia était dans les années 1980 une entreprise fabriquant des bottes en caoutchouc, des pneus et des tuyaux. À la suite de plusieurs opérations de rachats, elle se retrouve avec une division « câbles ». Les compétences de Nokia et la chute de ses ventes suite à l’éclatement de l’URSS ont entraîné la révolution « Connecting people » qui propulsa Nokia à la première place de la téléphonie mondiale en 2000. Les processus politiques et culturels. La stratégie résulte souvent de marchandages et de jeux politiques au sein des organisations. Exemple : La lutte entre les intérêts divergents de Bernard Tapie et du Crédit Lyonnais lors de la session d’Adidas a bien failli coûter la vie à l’entreprise avant son rachat en 1994 par Robert Louis-Dreyfus. La stratégie peut également résulter de la culture. Exemple : Durant la crise financière asiatique de 1997, Toyota a enduré quatre années successives de pertes sans se séparer d’un seul de ses employés, l’ordre émanant de la direction de Toyota : « Coupez tous les coûts mais pas un seul emploi. » Ce comportement a valu à Toyota une baisse de sa notation auprès des organismes de crédit, sans effet sur sa détermination à protéger ses salariés. 2. L’organisation apprenante Une organisation apprenante est capable de se renouveler grâce à la mise en valeur de ses connaissances, de ses expériences et de ses compétences individuelles. L’intention stratégique commune est ici orientée vers l’émergence dynamique des stratégies. Les connaissances communes excèdent souvent la somme des connaissances individuelles et la tâche des managers doit être de faciliter le partage des informations et des savoirs. Les managers deviennent des facilitateurs, l’expérimentation est la norme et les réseaux sociaux sont la structure organisationnelle. Exemple : Un dicton de l’entreprise Idéo est « pour réussir plus tôt, il faut échouer plus souvent » ; chez 3M, on aime à dire « qu’il faut embrasser de nombreux crapauds pour découvrir le prince charmant ». a) La mémoire organisationnelle Grâce à un knowledge manager (manager des connaissances) ou à des outils comme l’intranet, les organisations peuvent être dotées d’une mémoire, d’une capacité à transmettre à leurs filiales et à leurs employés les connaissances développées par d’autres. Avec la notion de routines, Nelson et Winter insistent sur l’inertie des ressources d’une organisation. En effet, les routines, qu’elles soient formelles (règle, procédure) ou informelles (croyance, code, culture) sont profondément ancrées. Ainsi, les produits passés, les modes opératoires, les technologies maîtrisées conditionnent les possibilités d’évolution de l’entreprise, créant une dépendance à l’historique de l’entreprise, appelée « dépendance de sentier ».
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b) La gestion des connaissances Ensemble des initiatives destinées à identifier, analyser, organiser et partager des connaissances entre les membres d’une organisation, le Knowledge Management est une pratique courante dans les entreprises. Il convient de gérer les connaissances explicites (articulées autour de documents écrits ou de systèmes informatiques) et les connaissances tacites (savoirfaire, expériences ou représentations mentales). Quatre modes de conversion de la connaissance existent au sein d’une organisation : La socialisation ou la transformation du tacite en tacite. Partage d’expériences et création de savoir-faire ou de schémas mentaux, la socialisation naît de la résistance à la codification. Exemple : La Société Générale, SFR ou encore L’Oréal ont lancé des réseaux sociaux internes en Web2.0 dont l’objectif est de permettre aux employés d’échanger sur leurs pratiques et leurs expériences. L’externalisation ou la transformation du tacite en explicite. L’externalisation requiert un effort de structuration pour exprimer ses connaissances en une forme compréhensible pour les autres. L’écriture est un exemple du phénomène individuel d’externalisation, l’institutionnalisation de règles en règlements intérieurs également. Exemple : McDonald’s édite un livre de procédure de 500 pages à l’intention de ses managers de restaurant, décrivant chaque détail de la fabrication des produits. La combinaison ou la transformation de l’explicite en explicite. Les individus échangent et combinent leurs connaissances au travers de mécanismes comme les réunions, les conversations téléphoniques ou des séminaires de formation. Les NTIC (intranet, bases de données) ont accéléré ces possibilités. Exemple : Toutes les grandes entreprises disposent aujourd’hui d’un wiki d’entreprise, ce sont des sites d’informations collaboratifs agencés comme des dictionnaires où les lecteurs peuvent également devenir des auteurs. L’intériorisation ou la transformation de l’explicite en tacite. Visant l’adoption de certaines règles et de comportements nouveaux dans l’organisation, les retours d’expérience, les cas, les anecdotes, les success stories, les best practices, sont autant d’outils destinés à faciliter l’intériorisation des connaissances. Exemple : Le mythe fondateur de Coca-cola est très présent et fait l’objet de séminaires lors du recrutement des nouveaux employés.
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Fiche 4 • Les processus stratégiques
L’implantation de Honda aux États-Unis dans les années 1960 Le récit du succès de Honda selon le Boston Consulting Group (BCG) Le rapport commandé par le gouvernement britannique au BCG, suite au déclin de la part de marché de BSA, Triumph et Norton sur le marché américain donne les conclusions suivantes. « Le succès des constructeurs japonais a pour origine la croissance de leur marché national dans les années 1950. Grâce à cette base arrière, ils ont bénéficié d’une structure de coûts très compétitive. La stratégie marketing de Honda était claire dans le rapport annuel de 1963 : vendre en priorité au grand public qui n’a pas envisagé jusqu’ici de s’acheter une moto. Honda s’implanta sur le marché américain avec son modèle Super Cub, un petit cyclomoteur économique et fiable. Ceci contraste avec l’image de Hells Angels du motard américain. Le département de R&D de Honda comprenait 700 designers et ingénieurs, contre 100 personnes chez les concurrents. Honda utilisait 125 distributeurs et dépensait 150 000 dollars en publicité aux États-Unis. Leur message publicitaire était destiné aux jeunes ménages, avec le slogan : “On rencontre les gens les plus sympas en Honda.” Il s’agissait d’une démarche délibérée visant à dissocier la moto de l’image des blousons noirs. Selon le BCG, Honda obéit à une démarche cohérente, fabrication en grande série, productivité élevée et stratégies commerciales agressives. » Le récit du succès selon les expatriés de Honda Trois employés de Honda ayant effectivement participé à l’implantation de l’entreprise aux États-Unis donnent une version différente. « Pour tout dire, nous n’avions pas de stratégie en dehors de la curiosité de voir si nous pouvions vendre quelque chose aux États-Unis. C’était une nouvelle frontière, un nouveau défi qui s’inscrivait bien dans la culture du “succès malgré tout” cultivée par monsieur Honda. Nous savions que nos produits d’alors étaient bons, mais pas franchement meilleurs que ceux des concurrents. Monsieur Honda était particulièrement confiant dans les chances de succès des modèles 250cc et 305cc, car il pensait que leur guidon en forme de sourcils de Bouddha était un très bon argument de vente. Après quelques discussions et sans véritable critère de sélection, nous avons constitué notre stock de départ avec 25 % de chacun de nos quatre modèles : le Super Cub 50cc et les motos de 125cc, 250cc et 305cc. Nous avions si peu de cash que nous partagions tous les trois un meublé, loué 80 dollars par mois. Il n’y avait qu’un lit, alors deux d’entre nous devaient coucher par terre. La première année, nous étions complètement dans le noir. Nous ne savions pas que le marché américain de la moto se limitait à une courte saison, entre avril et août. Notre arrivée avait coïncidé avec la fin de la saison 1959. Dès la première semaine d’avril 1960, nous avons commencé à recevoir des rapports signalant que nos machines présentaient des fuites d’huile et des ruptures d’embrayage. Nous utilisions les Super Cubs nous-mêmes lorsque nous allions faire les courses et ils attiraient beaucoup d’attention. Un jour, nous avons même reçu un coup de téléphone d’un acheteur de la chaîne de magasins Sears. Cependant, nous hésitions toujours à promouvoir nos 50cc de peur qu’ils détériorent notre image sur le marché très viril de la moto. Mais lorsque nos grosses machines ont commencé à casser, nous nous sommes dit que nous n’avions plus le choix. Au printemps de 1963, dans le cadre d’un cours de marketing de l’université de UCLA, un étudiant proposa un slogan : “On rencontre les gens les plus sympas en Honda”. Encouragé par son professeur, cet étudiant envoya son devoir à un ami qui travaillait pour l’agence de publicité Grey, qui essaya de vendre l’idée à Honda. »
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Les parties prenantes
Points clefs Au-delà des attentes des actionnaires en matière de valorisation financière, l’entreprise fait l’objet de sollicitations et de contributions en provenance d’acteurs de son environnement, appelés « parties prenantes ». Freeman définit, en 1984, une partie prenante (stakeholder) comme « un individu ou un groupe dont les intérêts peuvent affecter ou être affectés par la réalisation des objectifs d’une organisation ».
1. L’approche par les parties prenantes La survie à long terme d’une organisation dépend de sa capacité à identifier et à satisfaire ses parties prenantes. Elle doit les prendre en considération dans ses décisions. a) Les différents types de parties prenantes De multiples individus ou groupes gravitent autour de l’entreprise : actionnaires, banquiers, salariés, syndicats, clients, fournisseurs, etc. Selon l’importance qu’on leur accorde, il est possible de les classer en deux catégories : Les parties prenantes primaires. Ce sont les parties prenantes dont le rôle est déterminant quant à la poursuite des objectifs de l’entreprise, comme les actionnaires, les salariés, les clients (ou distributeurs) et les fournisseurs. Elles attendent que l’entreprise génère de la valeur conformément à leurs intérêts. Exemple : En 2008, General Motors a vu ses ventes chuter de 9,3 à 8,3 millions de véhicules. Les grosses cylindrées proposées par le constructeur automobile ne répondaient plus aux attentes des clients soucieux de réduire leur consommation d’essence pour faire face à la hausse du prix du pétrole. En juin 2009, General Motors est placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites. En septembre 2009, 19 000 employés de General Motors au Brésil ont déclenché une grève pour obtenir de meilleurs salaires, alors que la demande d’automobiles est en hausse, septembre étant le dernier mois où s’appliquent des réductions de taxe dans le cadre d’un programme gouvernemental. Les parties prenantes secondaires. Ce sont les parties prenantes dont le rôle n’est pas crucial pour la survie de l’entreprise, comme les associations de consommateurs, les collectivités territoriales, les médias, les organisations non gouvernementales (ONG), etc. Cependant, ces acteurs peuvent épisodiquement avoir une influence et doivent également être pris en compte par les entreprises. Exemple : Greenpeace est née au début des années 1970 pour protester contre les essais nucléaires américains. En France, l’association écologiste milite actuellement contre les lignes à très hautes tensions, les convois de combustibles, le stockage de déchets nucléaires et le programme EPR. EDF a créé en 2007 une filiale « Énergies nouvelles » reposant sur la biomasse, le solaire ou l’éolien. Par ailleurs, le groupe EDF était en septembre 2009 soupçonné d’avoir chargé l’entreprise Kargus Consultants, de surveiller les modes d’action de Greenpeace en piratant son système informatique. b) La responsabilité sociale de l’entreprise L’entreprise peut adopter deux principales attitudes à l’égard de ces différentes catégories d’acteurs : Se limiter aux obligations minimales. L’entreprise se contente alors de respecter les contraintes réglementaires et contractuelles nées de ses relations avec ses parties prenantes. Exemple : Selon 18
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un rapport d’Amnesty International publié en mai 2009, la pollution engendrée par l’industrie pétrolière au Nigeria a détruit en toute légalité l’écosystème du delta du Niger, privant les populations locales de moyens de subsistance. Adopter une conduite exemplaire. Respecter les règles ne suffit pas toujours à satisfaire les parties prenantes, de nombreuses entreprises se lancent dans des projets ambitieux tournés vers ces dernières. Exemple : En 2009, le distributeur Nature&Découvertes a reçu de l’institut Great place to work le « prix du développement durable comme élément fédérateur des employés », et FedEx le « prix de la formation ». Les attentes de certaines parties prenantes sont susceptibles d’entrer en conflit avec l’activité de l’entreprise. Afin d’éviter toute mauvaise publicité, l’entreprise peut chercher à les prendre en compte, de manière préventive. Exemple : Dans le cadre de son partenariat avec WWFFrance, la principale ONG de protection de la nature, Pierre&Vacances, numéro un européen des résidences de vacances, a fait le choix d’aller au-delà des normes en vigueur, en matière de performance énergétique des bâtiments. Depuis 2008, tous les nouveaux projets immobiliers du groupe sont conformes au label « THPE » (très haute performance énergétique) qui correspond à une consommation d’énergie inférieure de 20 % à la consommation de référence fixée par la réglementation thermique (RT 2005). 2. La gouvernance d’entreprise La gouvernance d’entreprise a pour objet d’analyser les moyens dont disposent les parties prenantes d’une entreprise pour exercer une influence sur les décisions des dirigeants. a) Le modèle de gouvernance centré sur l’actionnaire Afin de maximiser leur profit, les actionnaires (shareholders) vont contrôler les dirigeants à travers quatre principaux mécanismes de gouvernance : Le contrôle par le conseil d’administration. Dans les sociétés anonymes, le conseil d’administration (ou le conseil de surveillance), nommé par l’assemblée des actionnaires, est chargé d’évaluer la gestion des dirigeants (ou les membres du directoire). Il les nomme et peut les révoquer. Exemple : L’équipementier allemand Continental, touché de plein fouet par la crise du secteur automobile, a réuni son conseil de surveillance, le 12 août 2009, pour remplacer Karl-Thomas Neumann par Elmar Degenhart. Le droit de vote des actionnaires lors des assemblées générales. Les actionnaires sont invités, lors des assemblées générales annuelles, à voter l’approbation des comptes ainsi que diverses résolutions. Ils peuvent ainsi sanctionner la politique menée par les dirigeants. Exemple : Réunis le 29 avril 2009 en assemblée générale, les actionnaires de Bank of America ont voté une résolution séparant les fonctions de président et de directeur général. Ils souhaitaient sanctionner Kenneth Lewis, qui ne conserve que son poste de directeur général, pour avoir autorisé le versement de 3,6 milliards de dollars de primes à des cadres supérieurs de Merril Lynch avant que les deux banques fusionnent. Merril Lynch avait pourtant enregistré 15,84 milliards de dollars de pertes au quatrième trimestre 2008. L’intéressement du dirigeant. En liant la rémunération des dirigeants au résultat de l’entreprise, les actionnaires souhaitent les inciter à maximiser la valeur de l’entreprise. Dans la pratique, l’intérêt de ces modes de rémunération est de plus en plus contesté. Exemple : Le 19 mai 2009, lors de l’assemblée générale du groupe pétrolier et gazier Shell, 60 % des actionnaires ont voté contre la résolution attribuant des actions de performance aux directeurs exécutifs du groupe. La surveillance mutuelle. Les dirigeants de l’entreprise sont évalués en permanence sur le marché du travail et leur valeur sur ce marché est dans une certaine mesure liée aux résultats 19
Fiche 5 • Les parties prenantes
de l’entreprise. Exemple : Richard Teversham, le directeur Europe de la stratégie pour la Xbox, a été recruté par Apple en mai 2009. Il pourra apporter à la branche jeux vidéo dédiés à l’iPhone, le savoir-faire qu’il a démontré avec la console de Microsoft : entre 2007 et 2008, les ventes de Xbox360 ont doublé en Europe sur la période de Noël. b) Le modèle de gouvernance étendu à une pluralité de parties prenantes Si des dispositions sont prévues par la loi française pour contraindre l’entreprise à prendre en compte les intérêts de certaines parties prenantes, les obligations restent principalement informatives. Dès lors, chaque partie prenante se doit de mobiliser des moyens qui lui sont propres. Le droit de grève des salariés. En France, ce mode d’action est reconnu dans la Constitution depuis 1946. La cessation collective du travail permet de faire pression sur les dirigeants en bloquant l’activité de l’entreprise. Exemple : Les grèves des cheminots, qui ont eu lieu en octobre et novembre 2007, auraient coûté environ 300 millions d’euros à la SNCF, soit « 30 % à 40 % du résultat annuel » selon Guillaume Pepy son directeur général. La loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE). La loi NRE de mai 2001 demande aux entreprises cotées de communiquer dans leur rapport annuel les informations « relatives aux conséquences sociales et environnementales de leur activité ». Néanmoins, en l’absence de sanctions prévues par la réglementation, la responsabilité sociétale ne présente pas de véritable caractère obligatoire. Exemple : Un rapport établi par le cabinet Alpha en 2006 montre que, sur les 36 entreprises du CAC 40 étudiées, seules cinq d’entre elles « jouent le jeu et publient des informations sociales exhaustives et de bonne qualité ». L’appel à l’opinion publique. Lorsque les parties prenantes ne disposent pas de moyens de pression prévus par la loi, elles peuvent mener des actions spectaculaires afin de sensibiliser la société civile et les pouvoirs publics. Exemple : Pour dénoncer la baisse du prix payé par les transformateurs pour leur lait, les producteurs français ont lancé une série d’actions spectaculaires à partir de mai 2009, notamment en déversant des millions de litres de lait dans des lieux publics. Le soutien du mouvement dans la population a amené le gouvernement français à nommer deux médiateurs pour encadrer les négociations au sein de la filière laitière.
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Fiche 5 • Les parties prenantes
Paris Saint-Germain : des acteurs puissants à tous les niveaux Le Paris Saint-Germain (PSG) est un club de football français fondé en 1970. L’équipe première, qui évolue en Ligue 1 depuis juillet 1974, a remporté deux titres de Champion de France, sept Coupes de France, trois Coupes de la Ligue et une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes. Depuis le 9 septembre 2009, le PSG est dirigé par Robin Leproux, président du directoire, Sébastien Bazin étant à la tête du conseil de surveillance. Ils représentent le fonds d’investissement américain Colony Capital qui détient 95 % du capital depuis juin 2009. Colony Capital possède également partiellement Neverland, l’ex-propriété du chanteur Michael Jackson. Le PSG, qui compte 160 salariés (joueurs compris), est confronté à une augmentation de sa masse salariale qui est passée de 41 millions d’euros pour la saison 2004-2005, à 51,8 millions d’euros pour la saison 20072008. Les joueurs de football professionnels, adulés par le public, peuvent négocier des salaires mirobolants : Claude Makelele, le capitaine de l’équipe, touche, par exemple, 285 000 euros brut par mois. La Ligue de Football Professionnel, qui gère les intérêts des clubs professionnels auprès des diffuseurs (télévisions), a reversé 34,7 millions d’euros au PSG pour la saison 2008-2009. Le PSG perçoit également des recettes liées aux abonnements et à la billetterie (20 millions d’euros en 2008). Spectacle à forte exposition médiatique, le football draine d’autres sources de revenus. L’équipe est ainsi sponsorisée par Nike (pour 5,5 millions d’euros en 2008), Emirates (3,25 millions d’euros), Afflelou (960 000 euros), Orange (800 000 euros) et Poweo (400 000 euros). La relation avec la ville de Paris est plus complexe. Le club remplissant des missions d’intérêt général, comme l’éducation de jeunes joueurs en centre de formation, ou la lutte contre le racisme, celui-ci reçoit chaque année une subvention de 2,15 millions d’euros de la mairie (à laquelle s’ajoutent 150 000 euros pour la fondation PSG). Le Parc des Princes, où joue le PSG lors des matchs à domicile, est la propriété de la ville de Paris qui lui en donne l’usage au titre d’une concession d’exploitation. Sébastien Bazin, s’il veut mener à bien son projet de réaménagement – « nous voulons ouvrir le stade aux riverains, qui ne doivent plus voir dans cet équipement une source de nuisance mais un lieu familial et de convivialité » – devra obtenir l’aval de la ville de Paris qui est aussi l’autorité délivrant les permis de construire. Enfin, le PSG devra composer avec l’immixtion des supporters dans la gestion des clubs de football. Ces derniers ne se considèrent pas comme des simples clients mais comme dépositaires de l’esprit du club. Les « ultras » de la tribune de Boulogne, comme les Boulogne Boys, sont un soutien au club mais également une source de difficultés : stades vandalisés, bagarres, banderoles et slogans insultants ou racistes. À l’opposé du Parc des Princes, la tribune d’Auteuil affiche un visage métissé et une culture R&B. Luis Fernandez, ancien joueur international et ancien entraîneur du PSG, désire accroître encore le pouvoir des supporters pour limiter les dérives mercantiles du club : « En Espagne, il y a les “socios” [supporters et propriétaires du club, au nombre de 70 000 par exemple au Real Madrid]. Non seulement ils sont abonnés, mais en plus, ils votent tous les quatre ans pour élire le nouveau président. »
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L’analyse du macro-environnement
Points clefs L’analyse du macro-environnement est appréhendée à travers le modèle PEST (politique, économique, socio-culturel et technologique). Ce modèle permet de déterminer les grandes tendances, au niveau de l’économie générale, pouvant avoir une influence sur l’activité présente et future d’une entreprise et, ainsi, de préparer une analyse SWOT.
1. Le modÈle pest Avant de pouvoir identifier les opportunités et menaces auxquelles une organisation doit faire face, il est nécessaire de comprendre l’environnement général dans lequel elle opère. En effet, les grandes tendances présentes au niveau du macro-environnement peuvent avoir un impact sur les choix stratégiques des organisations. Le macro-environnement est composé de quatre éléments interdépendants – politique, économique, socio-culturel et technologique – connus sous l’acronyme PEST. L’important n’est pas d’identifier isolément ces facteurs mais de comprendre leur dynamique. a) Politique Le premier élément concerne les conditions politiques et légales. Relations entre l’État et les entreprises. L’État peut décider ou non d’intervenir et ainsi nouer des relations particulières avec les entreprises. Exemple : En 2002, le gouvernement américain qui avait poursuivi Microsoft pour violation des lois antitrust et infligé une amende de 497 millions d’euros pour abus de position dominante, a réalisé de nombreux tests sur les versions bêta de son nouveau logiciel Windows Vista, afin de s’assurer que Microsoft respectait bien les précédents accords. Stabilité gouvernementale. Quand une entreprise décide d’entrer sur un nouveau marché, la question de la stabilité gouvernementale peut être cruciale. Exemple : En 2007, le Venezuela a parachevé la nationalisation de sa région pétrolière de l’Orénoque en obtenant de plusieurs multinationales qu’elles lui cèdent le contrôle de co-entreprises. Des entreprises comme Total ont accepté une augmentation de la participation de la compagnie nationale, Petroleos de Venezuela, dans les co-entreprises pétrolières de 39 % à 78 %. En revanche, deux compagnies pétrolières américaines, Conoco Phillips et Exxon Mobil, ont préféré se retirer de l’Orénoque. Contraintes réglementaires. L’existence de mesures protectionnistes peut rendre un pays ou une zone inintéressants pour des entreprises étrangères. Exemple : Depuis sa création en 1992, l’Union européenne favorise le commerce entre les pays membres, notamment à travers la libre circulation des hommes et des marchandises. De plus, de nombreuses entreprises mettent en place des stratégies de lobbying afin d’orienter l’élaboration des textes en leur faveur, comme en témoignent les demandes des restaurateurs français pour une baisse de la TVA à 5,5 % depuis 2002. Politique fiscale. Afin de conserver ou d’attirer sur son territoire les entreprises, des pays peuvent choisir d’adopter des conditions fiscales avantageuses. Exemple : L’Allemagne a réduit en 2001 son taux d’impôts fédéral sur les sociétés de 40 à 25 %. b) Économie Le deuxième élément concerne le climat économique, c’est-à-dire l’état de santé général du système économique dans lequel l’entreprise évolue. 22
Fiche 6 • L’analyse du macro-environnement
PIB. Le produit intérieur brut est un indicateur économique qui permet de mesurer le niveau de production d’un pays. Un pays est considéré comme « développé » lorsqu’il dépasse les 20 000 dollars US de PIB par an et par habitant. Exemple : En 2008, le PIB par habitant en dollars US était de 33 800 pour la France (33e au niveau mondial) et de 6 900 pour l’Ukraine (117e). Taux d’intérêt et inflation. Afin de lutter contre une hausse des prix (des prix pétroliers, par exemple) qui entraîne un taux d’inflation élevé, il est possible d’augmenter les taux d’intérêt afin de soutenir l’économie. Exemple : En avril 2009, la Banque d’Indonésie a baissé à 7,50 % son taux directeur afin d’aider la première économie de l’Asie du Sud-Est à faire face à la crise. Cette décision fait suite aux chutes des exportations de 33 % et des importations de 42 %. « Il y a de la marge pour de nouvelles baisses des taux d’intérêt car l’inflation devrait continuer à reculer en raison de la contraction des prix des matières premières », a expliqué le vice-gouverneur de la banque centrale, H. Sarwon. Taux de change. Les variations du taux de change peuvent avoir des conséquences positives ou négatives sur le résultat d’une entreprise. Exemple : Au cours du premier semestre 2008, Nestlé a vu les taux de change impacter négativement ses ventes à hauteur de 8,3 %. Nestlé a dû relever ses tarifs pour contrebalancer l’augmentation du prix des matières premières. Coûts salariaux. Les coûts salariaux vont avoir un impact sur la compétitivité des entreprises et de ses coûts de production. Exemple : Si le tourisme suisse peut compter sur une situation économique et des taux de change favorables, les prix proposés restent 12 % plus chers en moyenne comparés à l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie et la France. Le secteur doit composer avec des coûts salariaux unitaires plus élevés de 26 % par rapport à ses voisins. Revenu disponible. Le revenu disponible est un indicateur du pouvoir d’achat des consommateurs dans un pays. Exemple : Suite au recul de ses ventes de 7 % au Japon en 2008, le groupe LVMH, qui réalise 11 % de son chiffre d’affaires consolidé au Japon, a pour la première fois dû baisser de 7 % en moyenne le prix de vente des produits de sa marque vedette Louis Vuitton au Japon. c) Socio-culturel Le troisième élément à prendre en compte correspond aux influences au niveau social et culturel. Démographie. La distribution des individus dans une société en fonction de leur âge, de leur sexe, de leur statut marital, de leur revenu, de leur religion et d’autres attributs personnels peut déterminer leurs comportements d’achat. Exemple : Dans l’industrie automobile, l’Austin Mini est aujourd’hui la cible privilégiée des nouveaux riches : les Bourgeois-Bohèmes. Aux États-Unis, pour faire face à la croissance de la population hispanique, les préférences pour des saveurs à caractère latino-américain ont alimenté l’augmentation des ventes de viande assaisonnée, de poivrons, de citrons, de fines herbes et d’épices, de fruits et de porc. Rôle des hommes et des femmes dans la société, mobilité sociale ou géographique. Une répartition plus ou moins égalitaire des rôles entre les hommes et les femmes, l’existence ou non d’une mobilité sociale ou géographique sont autant de phénomènes sociaux qui vont avoir une répercussion sur la consommation de certains produits ou services. Exemple : Le développement des magasins de surgelés Picard, passant de 440 points de vente en 2000 à 766 en 2009, témoigne d’une évolution des modes de vie, d’une urbanisation grandissante et d’un travail féminin en essor. Comportement par rapport au consumérisme ou à l’environnement. La prise de conscience et la sensibilisation des individus aux questions environnementales et à leur mode de consom23
Fiche 6 • L’analyse du macro-environnement
mation favorisent le développement de certains marchés et produits. Exemple : Dans un marché des produits laitiers en berne, seuls les yaourts bio affichent une croissance record de 28 % en 2008. Le lancement par Danone de la marque de yaourts « Les deux vaches des fermiers du bio », est « autre chose qu’une démarche marketing. C’est quasiment une démarche sociétale », a annoncé Frank Riboud, le PDG du groupe lors du lancement en France. Temps et argent accordés au loisir et niveau d’éducation. La répartition entre le temps de travail et de loisir et le niveau d’éducation dans une société orientent les individus vers la consommation de certains biens. Exemple : En progression de 10 % par an, le marché du soutien scolaire dominé par Acadomia et Complétude, est très convoité. Cette progression est liée à une augmentation de la demande ainsi que des prestations déclarées par rapport au travail non déclaré. Ce développement et cette professionnalisation témoignent de l’importance accordée à la réussite scolaire des enfants. d) Technologie Le quatrième et dernier élément à prendre en compte concerne la dimension technologique. Lancement de nouveaux produits et taux d’obsolescence. Le taux d’obsolescence indique à partir de quel moment un produit doit être remplacé car usagé. La situation idéale correspond à une égalité parfaite entre le taux d’obsolescence et le taux de remplacement des équipements, ce qui peut être perturbé par des lancements soutenus de nouveaux produits. Exemple : Une innovation technologique comme la possibilité de télécharger de la musique sur Internet représente une opportunité pour des entreprises comme Apple avec la création d’iTunes mais une menace pour les entreprises traditionnelles de ce secteur comme les maisons de disque. Investissement public et privé en R&D. Le niveau d’investissement en R&D, public ou privé, est un indicateur du niveau de compétitivité d’un pays ou d’une entreprise et illustre sa capacité à maintenir son avantage concurrentiel. Exemple : En octobre 2008, Microsoft a décidé de renforcer ses investissements R&D en Europe par la création d’un centre technologique européen, déployé dans trois villes : Paris, Londres et Munich. Ce centre, dont la mission est d’innover en termes de recherche sur Internet, vient renforcer sa présence déjà significative en Europe avec 40 centres de R&D employant 2 000 chercheurs et ingénieurs pour un investissement de plus de 600 millions de dollars par an. Vitesse de transfert des technologies. Le développement des technologies de l’information et de la communication a rapidement permis des délocalisations en réduisant les distances et le temps. Exemple : Si l’Inde fut sans doute le premier cas important de délocalisation tertiaire en accueillant les services de réservation de la compagnie aérienne Swissair dans le début des années 1990, des acteurs de la téléphonie (Orange, SFR, Bouygues), de l’accès à Internet, du commerce électronique (fnac.com), de la presse (Reuters) et de l’assurance (Axa) ont, par exemple, tous testé, au moins ponctuellement, les services délocalisés. 2. Les Tendances structurelles Aujourd’hui, les deux principales tendances structurelles fortes sont la globalisation et la présence d’événements internationaux. a) Globalisation La globalisation correspond à l’évolution des différents marchés géographiques vers une forte concentration conduisant à proposer des produits et services standardisés (v. fiche 15). Convergence de la demande. Cette globalisation peut s’expliquer par la convergence de la demande. Exemple : Les produits proposés par Boeing. 24
Fiche 6 • L’analyse du macro-environnement
Soutien des États. Cette libéralisation des échanges commerciaux dans le monde a été favorisée par l’intervention des gouvernements qui peuvent aussi jouer un rôle dans la création de standards. Exemple : Si l’Union européenne s’est mobilisée autour du standard GSM pour la téléphonie mobile, les États-Unis ont préféré développer le standard CDMA. Effet sur la concurrence. Le fait de devenir global pour une entreprise peut inciter ses concurrents à adopter le même comportement quand la demande est homogène afin de tirer profit des mêmes avantages. Exemple : Toutefois, dans le cas des téléphones portables, le développement technologique et les usages étant différents, le premier Iphone d’Apple lancé en 2007 était un produit répondant plus aux demandes des consommateurs américains qu’européens (car pas de norme 3G) ou japonais (car peu de services annexes proposés). b) Événements internationaux Conséquences au niveau économique. Des événements spécifiques, non prévus, ont des implications importantes en termes commerciaux. Exemple : Suite aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, les compagnies aériennes ont mis plusieurs années avant de retrouver un équilibre après la chute de fréquentation observée. Parallèlement, en 2003, le Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) avait ralenti la croissance des pays asiatiques pendant deux trimestres. Le secteur du tourisme, l’un des plus touchés avec celui des transports, avait mis près d’un an pour retrouver une activité normale. Au final, l’épidémie avait coûté près de 60 milliards de dollars à l’Asie, selon les estimations de l’Oxford Economic Forecasting Group. Pour certains pays comme Singapour, le coût s’élevait à 9 % du PIB. SNCF : un environnement favorable au transport de passagers par rail Si on applique le modèle PEST au secteur français du train pour particuliers, on peut noter que la plupart des dimensions du macro-environnement sont, en 2008, favorables à la SNCF (en situation de monopole au sein du secteur).
Politique Choix des lignes (+/−) Arbitrage voiture/train (+) État actionnaire (+) Ouverture des marchés au niveau européen (+/−)
Économie Augmentation du cours du pétrole (+)
SNCF Technologie Réduction des niveaux de pollution sonore (+) Réduction des temps de trajet en train (+)
Socio-culturel RTT (+) Goût pour les voyages en France (+) Augmentation de la distance domicile-travail (+)
Si l’évolution de nombreux facteurs interdépendants (socio-culturel, technologique et économique) joue en faveur de ce moyen de transport moins polluant, l’ouverture du marché décidée par l’Union européenne va mettre fin au monopole de la SNCF et introduire de la concurrence.
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L’analyse de l’industrie
Points clefs Le modèle des cinq forces de Porter permet d’effectuer un diagnostic de l’environnement concurrentiel de l’entreprise (diagnostic externe) en précisant les fondements de la concurrence au sein d’un secteur d’activité (ou « industrie »). L’attrait potentiel du secteur est fonction du jeu des forces exercées par cinq grands types d’acteurs économiques : plus leur intensité est importante, moins le secteur sera attractif.
1. Le modÈle des cinq forces L’entreprise est non seulement soumise à la concurrence directe des autres entreprises du secteur, mais aussi à la pression de quatre grands types d’intervenants, qui sont susceptibles de capter une partie du profit du secteur : les fournisseurs, les clients, les nouveaux entrants et les substituts. Ce sont donc cinq forces qui s’exercent sur l’entreprise : Le modèle des 5 forces de Porter
Menace de nouveaux entrants
Pouvoir de négociation des fournisseurs
Rivalité entre concurrents directs
Pouvoir de négociation des clients
Menace des substituts
a) La rivalité entre concurrents directs La rivalité entre concurrents directs dépend de plusieurs facteurs : Le taux de croissance de l’activité. Sur un secteur en déclin, la conquête de parts de marché va se faire au détriment des concurrents. Exemple : La baisse de la demande sur le marché de l’automobile génère une concurrence accrue qui se traduit par des remises importantes, ainsi que des offres spectaculaires comme celle du concessionnaire belge Cardoen qui propose « une voiture achetée, l’autre offerte ». La structure concurrentielle. Lorsque les concurrents sont nombreux et de taille comparable, on assiste généralement à une vive concurrence. Exemple : Dans le secteur des PC portables, Acer, Toshiba, HP et Lenovo rivalisent pour proposer des prix plus attractifs. 26
Fiche 7 • L’analyse de l’industrie
La différenciation des produits. Plus les concurrents proposent des produits ou des services similaires, plus la concurrence est forte. Exemple : Les prix des mémoires vives DRAM utilisées dans les ordinateurs individuels sont passés début 2007 sous leur coût de fabrication. Les barrières à la sortie. La présence d’actifs irrécupérables peut provoquer une crise de surcapacité au sein d’un secteur (ex. : sidérurgie). b) Le pouvoir de négociation des clients Le pouvoir des clients (qui ne sont pas nécessairement des consommateurs) sera d’autant plus fort que ceux-ci sont concentrés et achètent en grande quantité, et que les produits sont peu différenciés. Exemple : En 2007, trois enseignes (Leclerc, Carrefour, Intermarché) se partagent 851 des 1 432 hypermarchés français. Dès lors, les fournisseurs doivent se soumettre aux conditions draconiennes imposées par les distributeurs (réductions de prix, délais de livraison, marges arrières). c) Le pouvoir de négociation des fournisseurs Les fournisseurs vont, de leur côté, chercher à augmenter leur concentration, la différenciation de leurs produits (et donc à augmenter le coût de transfert d’un fournisseur à un autre pour le client) de façon à élever leur pouvoir de négociation. Exemple : La fusion en 2006 entre le groupe à capitaux indiens Mittal Steel, et l’Européen Arcelor, permet au nouvel ensemble sidérurgique de peser face à ses clients comme l’industrie automobile. d) La menace des nouveaux entrants La menace de nouveaux entrants dans le secteur dépend essentiellement de l’existence de barrières à l’entrée, c’est-à-dire d’obstacles qui vont rendre difficile l’établissement de nouveaux concurrents : Barrières financières. L’intensité capitalistique, qui correspond à la masse critique en capitaux nécessaire pour exercer l’activité peut constituer un obstacle considérable. Exemple : Dans l’édition de jeux vidéo, le budget de développement d’un titre de premier plan sur les nouvelles plates-formes (X360, PS3) peut désormais atteindre 15 millions d’euros. Barrières techniques. Les entreprises en place peuvent préempter des ressources rares, comme l’accès à certaines matières premières. Exemple : Les gisements de diamants se situant essentiellement dans quatre pays (Russie, Botswana, Australie République démocratique du Congo), le contrôle des mines par un cartel dominé par De Beers réduit de manière significative toute menace de nouvel entrant. Barrières commerciales. Dans des secteurs où l’image de marque est déterminante pour fidéliser les clients, les entreprises investissent des sommes considérables en publicité et en promotion (ex. : Nike, Adidas et Reebok sur le marché des chaussures et des vêtements de sport). L’accès aux canaux de distribution peut également être problématique pour un nouvel entrant qui doit, par exemple dans la grande distribution, consentir des remises supplémentaires pour prendre la place d´un fournisseur concurrent. Pour des entreprises menant des stratégies d’internationalisation, des mesures protectionnistes (quotas, droits de douane) et des barrières légales peuvent bloquer l’accès à un marché national. e) La menace des substituts Les produits de substitution ne font pas partie du marché mais représentent une alternative potentielle à l’offre existante. 27
Fiche 7 • L’analyse de l’industrie
Exemple : En 2002, alors qu’apparaissaient les premiers modèles LCD et Plasma, les écrans à tube cathodique représentent la quasi-totalité du marché des téléviseurs en France. En 2009, ils sont remplacés par les écrans LCD, dont le rapport qualité-prix n’a cessé de s’améliorer. 2. lES Limites du modÈle des cinq forces Le modèle de Porter présente l’industrie comme donnée qui s’impose à l’entreprise. Or, les entreprises peuvent engager volontairement des stratégies remettant en cause le modèle dominant. a) Remise en cause de la stabilité de la structure du secteur Les structures de l’industrie peuvent être modifiées par des manœuvres stratégiques des concurrents : S’intégrer en amont ou en aval dans la filière pour modifier le rapport de force client-fournisseur. Exemple : Dans l’industrie nucléaire, les fournisseurs d’uranium enrichi sont concentrés (il y a quatre principaux acteurs) et détiennent une ressource vitale sans laquelle le cycle nucléaire est impossible. Pour contrer ce fort pouvoir de négociation, les fabricants de centrales comme Areva font de l’intégration amont en investissant dans l’extraction et l’enrichissement de l’uranium. Établir des barrières à l’entrée pour limiter l’arrivée de nouveaux entrants. Les barrières peuvent être générées par les entreprises en place elles-mêmes. Elles peuvent ainsi définir des prix suffisamment bas pour empêcher les nouveaux entrants de réaliser des profits. Exemple : Le laboratoire Glaxo Wellcome France (aujourd’hui GlaxoSmithKline) a été condamné en 2007 par le conseil de la concurrence pour avoir vendu, entre 1999 et 2000, un antibiotique injectable, le Zinnat ® à un prix inférieur à son coût de production, afin d’empêcher l’entrée des médicaments génériques sur le marché hospitalier. Neutraliser la concurrence en coopérant. Les concurrents peuvent engager des stratégies coopératives modifiant les rapports de force au sein de l’industrie. Exemple : En 2006, l’alliance Oneworld, pilotée par les transporteurs aériens British Airways et American Airlines, a permis de générer 250 millions de dollars d’économies en groupant les achats auprès des fournisseurs. b) Remise en cause du secteur comme unité d’analyse Les stratégies déployées par les concurrents peuvent remettre en cause les frontières du secteur : Création d’interdépendances diagonales. Au-delà des interdépendances horizontales et verticales entre entreprises, il convient également de prendre en compte les interdépendances diagonales qui tissent des liens entre des entreprises de secteurs différents. Exemple : La livraison de colis en Points Relais Kiala associe Mondial Relay (plate-forme logistique du groupe 3 Suisses International) avec des commerces de proximité (bureau de tabac, librairie, pressing…) pour concurrencer la Poste. Formulation d’une stratégie Océan Bleu. L’entreprise peut chercher à se créer un espace compétitif où elle est seule. Exemple : Apple, The Body Shop, Swatch ou Ebay ont su, à partir de leur espace de marché connu, ouvrir et conquérir des espaces stratégiques encore vierges et créer une demande entièrement nouvelle. La stratégie « Océan Bleu » met ainsi l’entreprise au défi de sortir de l’Océan Rouge, du sang de la concurrence. Exemple : Avec le lancement de la Wii et sa wiimote, Nintendo a rendu les jeux vidéo accessibles à des joueurs occasionnels, créant ainsi un nouveau marché à côté de celui traditionnel des hardcore gamers. Dès lors, il n’est pas rare de voir une Wii côtoyer une PS3 ou une X360 au sein du même foyer. 28
Fiche 7 • L’analyse de l’industrie
Le marché français de la téléphonie mobile en 2008 ENTRANTS POTENTIELS Nouveaux opérateurs virtuels ? Opérateur bénéficiant d’une nouvelle licence (mais limitée) de téléphonie mobile (Free) � Fortes barrières à l’entrée (licences, infrastructures). Tributaire de l’attribution d’une 4e licence 3G par l’État. Menace faible FOURNISSEURS (en terminaux) Une vingtaine de fabricants (Nokia, Samsung, Sony Faible pouvoir Ericsson, LG...). de négociation � De plus en plus concentrés, ils doivent 2/5 rechercher la différenciation, mais celle-ci est peu durable, même si certains tirent ponctuellement leur épingle du jeu (ex : Apple avec l’iPhone).
2/5 CLIENTS
CONCURRENTS Trois principaux opérateurs Pouvoir (SFR, Orange, Bouygues de négoTélécom) + opérateurs virtuels ciation (Virgin mobile) modéré � Le marché arrive à saturation (taux d’équipement de 80%), et les trois principaux concurrents ont des offres et tailles comparables. Forte intensité 4/5 Menace faible
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Consommateur par le biais des distributeurs (Auchan, Carrefour, Darty, FNAC...) ou des réseaux propres d’agences (France Télécom...) � Le pouvoir de prescription des distributeurs est contrebalancé par le réseau d’agences (intégration aval)
SUBSTITUTS Dans une certaine mesure, la téléphonie fixe et la téléphonie par Internet. � En rapport qualité/prix, les substituts peuvent concurrencer les portables en termes de temps d’appel, mais pas de mobilité.
La principale force qui s’exerce sur le secteur est la rivalité entre les entreprises existantes. Dès lors, il n’est pas étonnant que SFR, Orange et Bouygues Télécoms se soient, selon le conseil de la concurrence, entendus sur leurs parts de marché respectives entre 1997 et 2003. Les trois opérateurs ont été condamnés à une amende de 534 millions d’euros.
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Les domaines d’activité stratégique
Points clefs Un domaine d’activité stratégique (DAS ou Strategic Business Unit) correspond à un sous-ensemble de l’entreprise dédié à un type de produit (ou de service). Une entreprise peut être composée d’un seul ou de plusieurs DAS.
1. Les fondements de la segmentation stratÉgique La segmentation stratégique est une démarche qui consiste à mettre en évidence, au sein de l’entreprise, des pôles homogènes de produits (ou de services) appelés DAS. Exemple : En 2009, sur son site Internet, le groupe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy), leader mondial du luxe, présente six DAS : Parfums et cosmétiques (Dior, Guerlain) ; Mode et maroquinerie (Louis Vuitton, Kenzo) ; Vins et spiritueux (Moët&Chandon, Veuve Clicquot) ; Montres et joaillerie (Tag Heuer, Dior) ; Distribution sélective (Séphora, DFS Galleria) ; et Médias (Les Échos, radio classique). La segmentation stratégique relève d’une démarche heuristique, car le DAS doit émerger d’une double perspective : celle de système d’offre de l’entreprise et celle du système d’usage du client. a) La perspective du système d’offre de l’entreprise Pour produire un type de bien (ou de service), l’entreprise doit gérer un système de tâches mobilisant un ensemble de ressources et de compétences. Dans une logique patrimoniale, ces « actifs » nécessaires à la réalisation de l’activité sont la propriété de l’entreprise. Mais l’entreprise a également la possibilité de faire appel à des prestataires dont elle assure seulement la coordination. Exemple : le leader mondial de la chaussure de sport, Nike, sous-traite la totalité de son activité de production. Le système d’offre désigne ainsi la totalité de l’infrastructure sur laquelle repose la production du produit (ou du service). Dans cette optique, un DAS repose sur un système d’offre distinct. La segmentation stratégique consiste, dès lors, à regrouper, ou à l’inverse, à diviser l’ensemble des activités qui partagent les mêmes ressources et compétences. b) La perspective du système d’usage du client Les clients de l’entreprise disposent également de ressources et de compétences qui leur permettent de transformer le produit (ou le service), de manière à générer une valeur d’usage conforme à leurs attentes. Exemple : Le groupe d’ameublement Ikea transfère une partie de la prestation au consommateur qui réalise l’assemblage des meubles en contrepartie de prix plus favorables. La répartition des tâches entre l’entreprise et le client définit ce que l’acheteur est prêt à prendre en charge et, inversement ce qu’il a l’intention de faire effectuer par l’entreprise, c’est-à-dire le produit (ou le service) dont il souhaite disposer. Dans cette optique, un DAS correspond à un système d’usage distinct. La segmentation stratégique consiste, dès lors, à regrouper ou, à l’inverse, à diviser l’ensemble des activités qui répondent aux mêmes éléments de valeur pour l’acheteur. 30
Fiche 8 • Les domaines d’activité stratégique
c) Opérationnalisation Deux types de critères doivent être pris en compte pour apprécier l’homogénéité du DAS : Critères de segmentation interne (relatifs à l’offre) incluant la technologie et la concurrence. Critères de segmentation externe (relatifs à la demande) comprenant le type de clientèle, la fonction remplie et le réseau de distribution. Cette liste n’est pas exhaustive et de nombreuses propositions ont été faites pour la compléter. Néanmoins, les trois critères communément retenus sont : Technologie utilisée. La manière dont l’activité est assurée peut nécessiter la mise en place d’un système d’offre distinct par l’entreprise. Exemple : À côté des montres colorées à quartz qui ont fait son succès dans les années 1980, Swatch développe désormais son activité dans l’horlogerie mécanique comprenant les marques de luxe Omega, Blancpain, Breguet, Jaquet Droz et Glashütte. Celle-ci représente 61 % de ses ventes en 2006. Clients concernés. Cette clientèle peut être définie en termes de localisation géographique ou de critères sociodémographiques (âge, catégorie socioprofessionnelle). Exemple : En 2004, Kodak, qui a fait du numérique sa priorité pour les marchés américains et européens, vend sur le marché chinois des appareils photo argentiques bon marché. Un appareil plus quatre pellicules valent 99 yuans, c’est-à-dire environ 10 euros. Fonction remplie. Les besoins des clients peuvent définir un usage spécifique du produit. Exemple : En 2009, les buggys Yamaha se déclinent en quad pour les passionnés de conduite sportive dans les grands espaces et en voitures de golf pour les amoureux des greens. Deux DAS sont considérés comme distincts s’ils ont au maximum l’une de ces trois dimensions en commun. En outre, la présence de concurrents spécifiques à un même DAS est un signe probant d’existence d’un DAS autonome. Exemple : Les concurrents d’Oméga (groupe Swatch) dans l’horlogerie de luxe sont Oyster (Rolex), Tag Heuer (LVMH) et JaegerLeCoultre (groupe Richemont). Les critères de segmentation stratégique Clients concernés
Fonction remplie
Technologie
2. Les frontiÈres de la segmentation stratÉgique a) Segmentation marketing et segmentation stratégique La confusion entre segmentation stratégique et segmentation marketing est fréquente, car : Les deux démarches prennent en compte des dimensions liées à la clientèle. Alors que la segmentation stratégique porte sur l’activité globale de l’entreprise, la segmentation marke31
Fiche 8 • Les domaines d’activité stratégique
ting se fait au niveau d’un DAS. Exemple : Au sein de son pôle Produits Laitiers, Danone a lancé en 2009 « Les deux vaches des fermiers du bio » pour toucher un nouveau segment marketing, les consommateurs sensibles au label AB, complétant ceux déjà visés par d’autres marques du groupe comme Danacol (anticholestérol) ou Danonino (enfants). La segmentation stratégique constitue une alternative à la segmentation marketing. Lorsque l’entreprise se lance à la conquête de nouveaux clients, le décideur est placé face à un choix important : doit-il procéder à un simple ajustement de l’offre et de son prix, et donc réaliser une segmentation marketing, ou doit-il constituer un nouveau DAS reposant sur un système d’offre spécifique, et donc opérer une segmentation stratégique ? Exemple : Pour proposer une offre de location de matériel de chantier en France, le loueur automobile Hertz n’a pu se contenter d’une segmentation marketing, il a dû mettre en place un réseau de distribution distinct. En 2008, 10 nouvelles agences se sont ajoutées aux 90 déjà créées. Les différences entre segmentation marketing et stratégique Segmentation marketing
Segmentation stratégique
Concerne un DAS de l’entreprise.
Concerne les activités de l’entreprise prises dans leur ensemble.
Vise à diviser les consommateurs en groupes de comportements d’achat homogènes (ex. : âge, sexe, catégorie socio-professionnelle).
Vise à diviser ces activités en groupes homogènes dédiés à un type de produit (ou de service).
Permet d’adapter les produits à la demande et de définir le marketing-mix.
Permet de révéler des opportunités de création et des nécessités de développement ou d’abandon de DAS.
Provoque des changements à court terme.
Provoque des changements à long terme.
b) Niveau d’analyse pertinent La définition d’un niveau d’analyse pertinent peut se heurter à deux principales difficultés : La segmentation stratégique revêt en partie un caractère arbitraire. La justification du périmètre des DAS amène généralement à privilégier certains critères plutôt que d’autres. En effet, la dimension subjective de l’identification des DAS va de pair avec l’existence d’une politique d’entreprise : la rationalité des choix des décideurs ne peut être dissociée de leurs préférences. Exemple : Le groupe Michelin est présent dans plusieurs DAS liés au pneumatique : première monte vs renouvellement (pour le client, constructeur ou garage), automobile vs poids lourds (pour le marché), hiver vs été (pour la technologie), etc. Mais Michelin est également présent dans les cartes et guides (touristiques et de restaurants) qui sont conçus à l’origine pour augmenter le nombre de kilomètres parcourus (avec les inscriptions « mérite un détour » et « vaut le voyage ») mais qui représentent à présent une activité chère au groupe. Le niveau de segmentation n’a de limite que le nombre de clients. En ce sens, une segmentation trop poussée risque d’obscurcir l’analyse. La segmentation s’avère pertinente si elle offre un niveau de détail favorisant la prise de décision. Il s’agit bel et bien d’identifier des ensembles pertinents de produits (ou de services) destinés à un marché spécifique et qui répondent à la même logique stratégique d’allocation de ressources. Exemple : LVMH présente les montres, la joaillerie et les stylos de luxe au sein du même DAS. En effet, ces activités partagent un réseau de 15 filiales de distribution auprès de détaillants sélectionnés. 32
Fiche 8 • Les domaines d’activité stratégique
Jean-Paul Gaultier Ce serait après avoir regardé le film Falbalas de Jean Becker, qui met en scène un couturier nommé Clarence, que Jean-Paul Gaultier aurait trouvé sa vocation. Sa carrière commence en 1970, lorsqu’il entre dans la prestigieuse maison de couture Pierre Cardin. En 1982, il crée la société Jean-Paul Gaultier SA, qui se consacre à des lignes de vêtements dans le prêt-à-porter féminin, puis masculin. Ces articles haut-de-gamme sont distribués dans les grands magasins et dans les boutiques spécialisées. La plupart des grandes marques de prêt-à-porter de luxe ont recours à une délocalisation au moins partielle de leur production dans des pays à bas salaires. En 1991, une licence d’exploitation des parfums et cosmétiques Jean-Paul Gaultier est concédée à Beauté Prestige International (BPI) qui lance de nombreux parfums signés Jean-Paul Gaultier, dont Fragile, Madame, et Le Mâle, le parfum Homme le plus vendu en 2008. 1997 marque un tournant important pour l’entreprise car Jean-Paul Gaultier se lance dans la haute couture, avec Gaultier Paris. Il s’adosse à la maison Hermès qui prend 35 % du capital de Jean-Paul Gaultier SA en 2000, puis 45 % en 2008. Les entreprises de haute couture pratiquent des prix très élevés (certaines robes se négocient plus de 100 000 euros) qui destinent leurs créations à une centaine de clientes dans le monde. Cette activité implique l’usage de tissus onéreux et le long travail de confection est réalisé à la main. De nouveaux segments marketing sont exploités par la maison Jean-Paul Gaultier. En 2009, un accord de licence confère ainsi au Groupe Zannier la fabrication et la distribution d’une ligne de prêt-à-porter Jean-Paul Gaultier destinée aux enfants. L’accord prévoit que les vêtements seront vendus dans un réseau de distribution haut-de-gamme.
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La chaîne de valeur
Points clefs La chaîne de valeur permet de comprendre comment l’entreprise crée de la valeur pour ses clients en produisant ses produits ou services et ainsi, d’identifier ses sources d’avantage concurrentiel. L’objectif est donc de définir une chaîne de valeur optimale qui crée plus de valeur qu’elle n’engendre de coûts.
Activités de soutien
1. La structure de la chaÎne de valeur La chaîne de valeur décompose l’entreprise en deux types d’activités : les activités principales qui créent directement de la valeur et les activités de soutien qui permettent aux premières de fonctionner. L’analyse ne se limite pas à l’étude de chaque activité mais au lien qui les unit. En effet, c’est l’interdépendance de toutes ces activités qui crée (ou, au contraire, détruit) de la valeur et de la marge.
Infrastructure de l’entreprise Gestion des Ressources humaines
MA
RG
E
Développement technologique, R&D Approvisionnements
GE
Logistique Logistique Commercialisation Services Production interne externe et vente
MAR
Activités principales
a) Activités principales Les activités principales servent à délivrer le produit ou service au client et sont directement impliquées dans la création de valeur. Logistique interne et externe. Cela concerne le transport, la distribution, la réception, le stockage ou la manutention tant dans l’entreprise qu’à l’extérieur, chez le client. Exemple : Wall-Mart a réussi à devenir leader de la grande distribution en possédant une grande maîtrise au niveau logistique et une supply chain adaptée qui lui permet de délivrer plus rapidement ses produits à un moindre coût par rapport à ses concurrents. Production. La maîtrise de la fabrication, de l’assemblage ou de l’emballage peut permettre à une entreprise de créer de la valeur pour son client. Exemple : Afin de garantir la qualité des produits finis, bénéficier d’un savoir-faire artisanal et du label « made in France », l’entreprise Louis Vuitton s’appuie sur six ateliers de production en France pour son activité maroquinerie et ne délègue pas à des sous-traitants externes. Marketing et commercialisation. La force de vente ou la publicité sont des moyens utilisés par les entreprises pour présenter leur offre aux consommateurs et construire une image de marque. Exemple : Grâce à la construction d’une très forte image de marque, Nike vend un T-shirt environ 20 euros alors qu’il coûte moins d’un dollar à produire et à transporter. 34
Fiche 9 • La chaîne de valeur
Service. Afin de créer de la valeur, une entreprise peut s’appuyer sur son service après-vente (installation, réparation, formation, pièces détachées, suivi). Exemple : Avec un chiffre d’affaires de 790 millions d’euros en 2008, KPMG, premier cabinet français d’audit, d’expertise comptable et de conseil, accompagne notamment les petites entreprises et les professions libérales à chaque étape de leur développement, de la création à la transmission ou cession grâce à une gamme de services adaptés. b) Activités de soutien Les activités de soutien permettent aux activités principales de fonctionner de manière efficace et efficiente. Approvisionnement. L’achat de certains actifs dont les matières premières sont source de création de valeur pour une entreprise. Exemple : Tropicana a dû une année stopper la production de son jus d’orange sanguine car la qualité des fruits proposés par les producteurs n’était pas jugée satisfaisante. Recherche et développement. La technologie, à travers la conception et le développement de nouveaux produits permet à l’entreprise d’être toujours innovante. Exemple : Selon Jean-Paul Agon, directeur général de L’Oréal : « Depuis un siècle, le succès de L’Oréal repose sur cinq principes fondamentaux dont la quête permanente de l’innovation et de la qualité. » L’Oréal dépose ainsi chaque année des centaines de brevets (628 en 2008). Gestion des ressources humaines. Le recrutement, la formation, la rémunération ou la progression des individus dans l’entreprise peuvent générer de la valeur. Exemple : Afin de valoriser sa culture d’innovation, Google a mis en place des pratiques favorisant l’émergence de nouvelles idées au sein de l’entreprise, comme le 20 % time off (une journée de temps libre par semaine pour travailler sur un projet personnel). Par ailleurs, afin de dénicher les meilleurs talents, les recruteurs représentaient 7 % des effectifs, taux record pour le secteur en 2005. Infrastructures et systèmes. Ce sont les systèmes de gestion de la qualité, de traitement de l’information, de planification, de contrôle. Exemple : L’introduction de progiciel, comme l’Enterprise Resource Planning (ERP), a permis à une entreprise comme Les Salaisons du Val d’Allier, entreprise auvergnate leader et spécialisée dans le saucisson, d’avoir un suivi en temps réel des stocks, d’optimiser le calcul des coûts de revient, d’améliorer son système de traçabilité et, ainsi, d’améliorer sa compétitivité en ayant un modèle de production plus performant. 2. L’analyse de la chaÎne de valeur L’analyse de la chaîne de valeur permet d’opérer des choix au niveau stratégique afin de renforcer l’avantage concurrentiel de l’entreprise. Cette analyse a également des répercussions au niveau de la structure de l’organisation. a) Renforcement de l’avantage concurrentiel En comparant sa chaîne de valeur à celle de ses concurrents, l’entreprise peut analyser les sources de son avantage concurrentiel et la pertinence de ses frontières. Déterminer les sources de l’avantage concurrentiel. Cette comparaison avec les concurrents permet à l’entreprise de comprendre où se crée sa valeur ajoutée et quelle stratégie générique adopter (v. fiche 14). Exemple : Renault, avec une usine localisée en Slovénie pour certains de ces modèles (Modus, Twingo…) a réduit ses coûts de production et peut rivaliser avec ses concurrents en proposant des voitures moins chères. Externaliser les activités non-génératrices de valeur. Certaines fonctions de la chaîne de valeur peuvent ne pas créer de valeur, voire même en détruire, comme une logistique 35
Fiche 9 • La chaîne de valeur
défaillante. L’entreprise peut alors décider d’externaliser les activités principales ou de support concernées (v. fiche 19). Exemple : Depuis 2008, le groupe Virgin Megastore a lancé le projet CALLAS (centralisation, approvisionnement, linéaires, logistique, assortiment) afin d’optimiser sa chaîne logistique et centraliser près de 60 % des flux. Toutes les familles de produits, exceptés les livres et la musique, sont depuis livrés par un prestataire exclusif, Kuhne+Nagel, qui dispose d’un entrepôt central à Bondoufle pour la France. Ce projet permet au groupe de réduire ses stocks de 20 à 15 %. b) Réorganisation des activités au sein de l’entreprise L’analyse de la chaîne de valeur peut conduire à une réorganisation des activités de l’entreprise. Reconfiguration de la chaîne de valeur. Afin de rendre plus difficile l’imitation et la diffusion des meilleures pratiques au sein d’une industrie, une entreprise peut chercher à configurer sa chaîne de valeur de manière différente de celle de ses concurrents. Exemple : Le succès d’Ikea s’est fondé sur une nouvelle configuration de chaîne de valeur par rapport à ses concurrents. En demandant au client d’assurer le montage du meuble, cela lui permet de réduire les coûts au niveau de la production (moins de main-d’œuvre nécessaire) et de logistique (meilleur taux de remplissage) et in fine, ses prix. Ceci est rendu possible grâce à l’interdépendance entre les différentes fonctions. Ce procédé est également un facteur de différenciation et de valorisation pour le client final. Business Process Reengineering. L’analyse de la chaîne de valeur peut conduire l’entreprise à remettre en cause fondamentalement et à redéfinir les processus organisationnels. Traduit en français par « réingénierie des processus de gestion », le Business Process Reengineering permet d’améliorer de manière spectaculaire les coûts, la rapidité, le service et la qualité. Afin d’être plus efficace, il s’agit de constituer des équipes qui sont en charge de l’intégralité d’un processus et non de raisonner en fonction de chaque activité de la chaîne de valeur. Exemple : La branche crédit de l’entreprise IBM s’est aperçue que le traitement d’un dossier ne nécessitait que 90 minutes, alors que les réponses n’étaient données qu’entre une et deux semaines. L’entreprise décida alors de reconfigurer transversalement l’organisation afin d’améliorer la rapidité en simplifiant le processus et en introduisant un nouveau système informatique. Cela a permis de traiter un dossier en 4 heures en moyenne aujourd’hui. 3. De nouvelles configurations de crÉation de valeur Afin de faire face à l’une des limites de la chaîne de valeur, surtout utile pour les entreprises qui sont intégrées, de nouvelles configurations de création de valeur sont proposées. Système de valeur. En plus de celle de l’entreprise, il peut être utile d’analyser les chaînes de valeur de ses fournisseurs, distributeurs et clients afin d’identifier les sources d’avantages concurrentiels qui émergent des liens privilégiés avec ces différents partenaires. Exemple : Le développement de la musique en ligne a entraîné des modifications au niveau de la chaîne de valeur et l’arrivée de nouveaux acteurs. Si les artistes, majors et éditeurs ont conservé leur rôle créatif, les fournisseurs d’accès à Internet ou les grandes marques assurent désormais une partie de la distribution de musique. De même, des acteurs de l’électronique grand public comme Apple avec iTunes se diversifient dans ce secteur alors qu’ils n’étaient auparavant pas partie prenante dans la distribution de musique. Réseau de valeur. Quand l’entreprise assure l’interface entre plusieurs entreprises, l’unité d’analyse pertinente est le réseau de valeur. C’est au sein de ce réseau de valeur qu’une rente va être générée et partagée entre les différents acteurs du réseau. Exemple : Lorsqu’Intel décide d’implanter le nouveau processeur Intel Pentium E6300, l’entreprise doit assurer la 36
Fiche 9 • La chaîne de valeur
compatibilité de son processeur avec les ordinateurs qu’elle devra équiper comme Dell mais aussi avec les fabricants de logiciels comme Windows de Microsoft. Intel devra en outre tenir compte de la concurrence de son rival actuel AMD et enfin, s’assurer que ses fournisseurs sont capables de l’aider à délivrer son produit. Chanel : toute une chaîne pour Chanel N° 5 En 1921, Coco Chanel lance sa marque de parfum et, pour ce faire, confie de nombreuses activités de la chaîne de valeur à des prestataires externes. Ces prestataires, sélectionnés avec soin, vont chacun contribuer à apporter de la valeur au produit fini. Tout d’abord, la conception du parfum Chanel n° 5 est confiée à Ernest Beaux, nez à la cour des tsars de Russie. Afin d’assurer un approvisionnement de qualité en rose et jasmin, Chanel s’est associé à des producteurs de Grasse car la rose est très exigeante. On ne peut la cueillir qu’à la main, le matin avant le lever du soleil et uniquement durant le mois de mai. L’original du flacon fut dessiné par Coco Chanel et sa réalisation fut confiée des prestataires externes. À titre d’exemple, la fermeture du flacon (baudruchage) nécessite d’abord une fine pellicule afin de garantir l’étanchéité. Ensuite par un geste minutieux qui exige une longue formation, un cachet de cire à l’ancienne fourni par l’entreprise Herbin est apposé. Enfin, Coco Chanel confia la fabrication et la distribution de ses parfums à Pierre Wertheimer, homme d’affaires alors propriétaire de la société Bourjois. Devenu mythique depuis que Marilyn ait confessé en porter quelques gouttes comme unique tenue de nuit, son succès ne s’est jamais démenti. Au niveau marketing, Chanel va recourir à des visages célèbres pour ses campagnes publicitaires dont Catherine Deneuve, Carole Bouquet, Nicole Kidman et aujourd’hui Audrey Tautou. Cela lui permet de valoriser son image de marque, source de différenciation et d’avantage concurrentiel. Enfin, afin de ne pas détruire la valeur créée lors des étapes précédentes, Chanel a opté pour un réseau de distribution sélective (grande parfumerie et grands magasins comme Les Galeries Lafayette) qui lui garantit la mise en valeur du produit à travers des présentoirs adaptés et du personnel qualifié.
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Les ressources de l’entreprise
Points clefs Constituées de marques, de routines ou de brevets, les entreprises ne sont pas des boîtes noires, au sens économique du terme, elles sont singulières. Pfeizer et son brevet sur le Viagra, LVMH et la réputation de ses marques, comme Veuve Cliquot, Kenzo ou Dior, UPS et sa maîtrise de la chaîne logistique, la stratégie consiste à exploiter et développer des ressources idiosyncratiques afin de constituer des compétences différenciatrices à l’origine de la performance des entreprises.
1. Les actifs de l’entreprise comme unitÉ d’analyse Si une bonne analyse de l’environnement procure une rente monopolistique, Edith Penrose en 1959 puis Jay Barney en 1991, développent une approche opposée, selon laquelle la performance d’une entreprise découle des actifs spécifiques qu’elle possède. Exemple : La chaîne de restaurant « Dans le Noir » fondée à Paris en 2003, prend à contre-pied tous les facteurs clés de succès du secteur de la restauration en proposant une offre simple : manger dans l’obscurité. Créée à partir d’une association d’aveugles, cette entreprise dispose d’un actif spécifique, son personnel, capable grâce à son handicap de faire vivre aux clients une expérience nouvelle. a) Les ressources de l’entreprise Les ressources sont les actifs spécifiques possédés par une entreprise. Les ressources doivent être valorisables. Exemple : Les actifs permettant aux entreprises de justifier un positionnement bio apportent de la valeur au client, 56 % des consommateurs français acceptant par exemple en 2007 de payer 15 % plus cher un produit comportant le label Agriculture Biologique. Elles doivent être rares. Exemple : Le groupe Ferrero achète pour fabriquer le Nutella 90 % de la production turque de noisettes, soit environ 50 000 tonnes, réputées les meilleures du monde. Elles doivent être non substituables. Exemple : Le groupe Danone, avec les marques et les sources associées à Évian ou Volvic, bénéficie de ressources qui ne peuvent être remplacées. Le groupe Coca-cola n’a ainsi pas réussi à pénétrer le marché européen de l’eau embouteillée avec sa marque Dasani, proposant une eau du robinet filtrée. Enfin, les ressources doivent être difficiles à imiter. Exemple : Le mélange exact d’extraits végétaux contenu dans le Coca-cola reste la formule secrète la plus célèbre du monde, conservée dans un coffre-fort de la Trust Company of Georgia, à Atlanta. Six catégories de ressources peuvent être distinguées : Ressources physiques : accès aux matières premières (ex. : mines, terrains pétrolifères, etc.), réseau de distribution (ex. : réseau d’agences bancaires ou d’hypermarchés) ou infrastructures (ex. : antennes pylônes pour un opérateur de téléphonie mobile). Ressources technologiques : brevets (ex. : jusqu’en 2012 et l’expiration de sa protection légale, la molécule du Viagra devrait contribuer au chiffre d’affaires de Pfizer à hauteur d’environ deux milliards de dollar par an) ou maîtrise d’un standard (ex. : Sony et le Blu-Ray). 38
Fiche 10 • Les ressources de l’entreprise
Ressources financières : aura sur les marchés financiers (ex. : Yahoo a tenté de racheter Facebook un milliard de dollars en octobre 2006 ; un an plus tard, l’entreprise était valorisée 15 milliards de dollars) ou avantages fiscaux (ex. : la majorité des deux cents filiales regroupées sous l’étendard Virgin sont domiciliées dans le paradis fiscal des îles anglo-normandes). Ressources humaines : capacité à attirer les talents (ex. : en 2008, Google est arrivée en tête du classement du Great Place to Work Institute, grâce au cadre de travail, aux équipements et services offerts aux salariés ou à la place accordée aux projets personnels), à les retenir (ex. : Procter&Gamble ne recrute personne ayant plus de 4 ans d’expérience et affiche un des taux de turnover les plus bas du secteur) et à les développer (ex. : grâce à sa politique de formation, 3M a été désignée en 2008 « entreprise la plus performante en matière de développement de ses cadres » par le baromètre Top Companies for Leaders). Ressources organisationnelles : routines opérationnelles, fortement codifiées, permettant un lien de continuité dans les activités de l’entreprise (ex. : chaque exploitant de McDonald’s dispose d’un manuel de procédure de 500 pages précisant les ingrédients à utiliser, les mesures d’hygiène ou de contrôle de la qualité) ou savoir-faire tacites (ex. : dans un hôpital, un acte médical repose sur l’expérience partagée par le corps médical, infirmier et administratif). Ressources réputationnelles : image de marque pour les consommateurs (ex. : la marque Disney a été valorisée par la société de conseil Interbrand à plus de 29 milliards de dollars en 2008), légitimité pour les distributeurs (ex. : l’introduction d’un nouvel alicament par Danone en grande surface est facilité par les succès passés du groupe) ou signal pour les concurrents (ex. : les comportements prédateurs passés de Microsoft, contre Netscape par exemple, peuvent dissuader l’entrée de nouveaux concurrents). b) Les compétences Les compétences représentent ce qu’une entreprise fait mieux que les autres. Elles constituent le cœur de l’entreprise, son métier. Exemple : Le groupe américain Zodiac, fabricant de ballons dirigeables au début du xxe siècle, a dû, face à la chute de son marché concurrencé par l’aviation, redéfinir son métier. Zodiac est devenu fabricant de pneumatiques au sens large : bateaux, toboggans d’évacuation d’avion, piscines hors sol, airbags, etc. Disséminées dans l’organisation, les compétences n’appartiennent pas à un individu mais sont collectives. Exemple : La supériorité de Toyota en termes de fiabilité est liée au système de production, à la technologie mais aussi à la philosophie du groupe. Les compétences peuvent s’articuler autour : • d’un domaine industriel. Exemple : Chez Honda, chacun des employés sait que le premier produit réalisé par le fondateur Soïchiro Honda était en 1928, un moteur. Avec le temps, Honda est devenu le leader mondial de cette industrie, présent sur tous les marchés, depuis les bicyclettes électriques en passant par les équipements de jardin comme les tondeuses ou débroussailleuses jusqu’à la Formule 1. • d’un domaine commercial. Exemple : Zodiac ayant grâce aux toboggans d’évacuation démontré aux constructeurs aériens ses compétences en termes de qualité et de fiabilité, l’entreprise propose aujourd’hui des équipements de cabines d’avions, des systèmes de sécurité des conteneurs d’avions-cargos et même des chariots et meubles de cuisine pour les avions moyen-courriers. 2. La gestion dynamique des ressources David Teece s’intéresse en 1997 à l’aptitude d’une organisation à créer, protéger et diffuser ses ressources, dans le but de conserver ou d’accroître son avantage concurrentiel. 39
Fiche 10 • Les ressources de l’entreprise
a) La fondation des ressources Une organisation doit être capable d’accroître simultanément son stock de ressources disponible tout en évitant leur érosion. Création des ressources. La capacité d’absorption d’une organisation repose sur l’assimilation de ressources (ex. : Toyota entretient des partenariats avec des Universités, comme le Advanced Power and Energy Program de Berkeley, lui permettant d’acquérir des connaissances fondamentales), la transformation de ressources (ex. : Toyota a été le premier constructeur à intégrer l’énergie électrique au sein d’un véhicule hybride) et l’exploitation de ressources (ex. : la technologie hybride a pu être intégrée sur des modèles milieux de gamme, comme la Prius, et haut de gamme, comme la Lexus). Protection des ressources. Si la loi peut permettre de protéger certaines ressources, comme les technologies brevetées ou les marques, cette protection est temporaire (ex. : en 2010, le Plavix, médicament vedette de Sanofi Aventis, sera génériqué, entraînant probablement une baisse de 80 % de ses ventes) et contournable (ex. : en 2008, 6,5 millions de produits contrefaits ont été saisis par les douanes françaises). Le culte du secret (ex. : autour des scénarii des séries télévisées produite par NBC), la nature ambiguë des ressources (ex. : le pagerank de Google permettant le référencement des pages Web repose sur des algorithmes qui ne sont pas explicites) ou une fuite en avant (ex. : les principaux fabricants d’appareils photo numériques augmentent continuellement le nombre de pixels) permettent de protéger durablement les ressources d’une organisation. b) La transmission de ressources existantes L’avantage concurrentiel d’une entreprise est d’autant plus important que ses ressources peuvent apporter de la valeur à plusieurs produits ou être diffusées à plusieurs sous-unités organisationnelles. Transmission inter-produits. Par définition, les ressources et compétences peuvent donner de la valeur à plusieurs offres d’une entreprise. Ainsi, une marque commerciale peut par exemple avoir le statut d’ombrelle (ex. : Bic appose sa marque à des stylos, briquets, des planches de surf, etc.), une technologie peut être déclinée dans plusieurs gammes (ex. : L’Oréal intègre chaque nouvelle molécule successivement aux cosmétiques de sa gamme professionnelle, luxe, puis grand public). Transmission intra-organisationnelle. Il est essentiel pour une organisation de diffuser ses ressources à ses filiales ou à ses divisions. Exemple : Le système de franchise, dans la restauration ou la distribution par exemple, permet à une organisation de partager des ressources comme la marque de l’enseigne ou le système de gestion des commandes.
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Fiche 10 • Les ressources de l’entreprise
Pixar : de l’idée à la créativité collective Au début des années 1990, Pixar était le pionnier de l’animation par ordinateur, par opposition au dessin animé classique. Cette ressource technologique donna naissance à Toy Story en 1995, puis dans les 13 années suivantes, à 1 001 pattes, Toy Story 2, Monstres et Cie, Nemo, Les indestructibles, Cars, Ratatouille, Wall E et Là-haut. Si Pixar n’est pas à l’abri d’un échec, le cas ne s’est pour l’instant pas présenté. Pixar détient en particulier le record de recettes d’un film d’animation avec les 865 millions de dollars de Nemo. Comment ? Grâce à une remise en cause perpétuelle et à une créativité intacte. Les consommateurs sont à la recherche de sensations nouvelles à chaque fois qu’ils vont au cinéma, Pixar leur propose donc des idées qui ne sont pas évidentes, comme celles d’un robot dans un monde post-apocalyptique plein d’ordures (Wall-E) ou d’un rat qui souhaite devenir chef dans un restaurant (Ratatouille). Selon Ed Catmull, cofondateur des studios Pixar, un film ne se résume pas à son concept initial, « il contient des dizaines de milliers d’idées, dans la forme de chaque phrase, dans la conception de chaque personnage, dans les couleurs ou l’éclairage ». Durant les 4 à 5 années de réalisation d’un film, chacune des 200 à 250 personnes impliquées dans le projet est incitée à remettre en cause la position de ses supérieurs. L’implication personnelle est ancrée dans une culture forte. En effet, alors qu’en 1996, lors de la réalisation de Toy Story 2, tous les créatifs travaillaient déjà sur 1001 pattes, les équipes à l’origine du projet parvinrent à faire revivre Woody le cow-boy et Buzz l’éclair dans une épopée originale et réussie (aux yeux du box-office manifestement, avec 485 millions de dollars de recettes, soit 33 % de plus que le premier opus). Et ceci alors que Disney souhaitait faire de la suite de Toy Story une production réservée à la sortie en DVD. Pixar a par ailleurs eu la capacité d’attirer des talents construits chez Lucasfilm (à l’origine de Star Wars et du studio qui sera racheté par Apple en 1986 pour devenir Pixar), Warner (comme Brad Bird qui réalisera Les indestructibles et Ratatouille), Disney (comme John Lasseter, qui sera directeur artistique de Pixar entre 1991 et 1999). Au côté des hommes, la technologie est au cœur de la créativité, avec l’infographie 3D, comme le logiciel développé en interne, PhotoRealistic RenderMan qui permet de générer des images réalistes et de haute qualité. John Lassater aime à rappeler à ses collègues que « la technologie inspire l’art et que l’art défie la technologie ». Ensuite, tous les processus visent à favoriser la créativité : publication des recherches et participation à des conférences encouragées, formation en interne au sein de la Pixar University, etc. Par ailleurs, le bâtiment principal de l’entreprise est conçu symétriquement pour maximiser les chances de rencontres inter-département. Pour éviter le cloisonnement, les toilettes ou les salles de réunion sont localisées en un point unique. À l’intérieur du bâtiment se trouvent des salles de Yoga et des baby-foot, à l’extérieur une piscine et des tables de ping-pong. Ces divertissements sont considérés par John Lasseter comme une « bouffée d’oxygène » pour les employés. Malgré le renouvellement constant au sein de Pixar, des constantes existent, comme le bêtisier à la fin du film introduit dans 1001 pattes. De même, John Lasseter déclarait en 2007 que « les films Pixar suivent le thème du développement personnel. Avec l’aide d’amis ou de la famille, un personnage s’aventure dans le monde réel, et apprend à apprécier ses amis et sa famille ». Des connexions se trouvent enfin entre les films : Nemo apparait en tant que jouet dans Monstres et Cie, et Rex, le tyrannosaure de Toy Story, apparaît dans Wall E.
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La gestion de portefeuille
Points clefs Les années 1970 sont marquées par un mouvement de diversification de la plupart des entreprises, ce qui entraîne une complexification de leur gestion. Les matrices de portefeuille répondent à la nécessité de redéfinir la stratégie des grands groupes ayant plusieurs activités. Bien que critiquées, les matrices restent un outil indispensable du management stratégique au niveau de l’organisation.
1. Les matrices d’analyse de portefeuille Une entreprise qui est présente sur plusieurs activités, plusieurs marchés, voire seulement plusieurs produits, ne peut analyser ces derniers les uns indépendamment des autres, mais doit avoir une vue globale. Pour ce faire, de nombreux cabinets de conseil ont proposé des outils adaptés : les matrices. a) La matrice BCG Le Boston Consulting Group (BCG) propose dès la fin des années 1960 d’analyser le portefeuille d’activités d’une entreprise à partir de deux indicateurs : la croissance du marché (taux de croissance sur l’année) et la part de marché relative (part de marché de l’entreprise divisée par celle du leader, ou du challenger si l’entreprise considérée est elle-même leader). La matrice BCG Création de liquidités
>10 % Taux de croissance <10 %
VEDETTE
DILEMME
Équilibre des ressources
Déficit de ressources
Maintenir
Renforcer ou abandonner
VACHE A LAIT
POIDS MORT
Excédent de ressources
Équilibre des ressources
Traire-rentabiliser
Abandonner
>1
<1
Part de marché relative
Utilisation de liquidités
Plus la croissance du marché est forte, plus l’activité consomme de liquidités (investies en communication, R&D, etc.). Parallèlement, plus la part de marché relative est élevée, plus l’activité dégage de liquidités (hypothèse d’économie d’échelle et d’effets d’expérience permettant de bénéficier de coûts inférieurs à ceux des concurrents). Si l’on croise les deux dimensions de la matrice BCG, quatre types d’activités se distinguent : Les « vedettes ». Situation idéale dans laquelle l’entreprise est leader sur un marché en croissance. Il convient, dans ce cas, de maintenir la position jusqu’à ce que la maturité du marché 42
Fiche 11 • La gestion de portefeuille
transforme cette activité en « vache à lait ». Exemple : Dans les produits laitiers frais, le groupe Danone conforte ses positions de leader en investissant en Asie, en Amérique du Nord ou au Moyen-Orient. Les « poids morts ». C’est la pire des situations. Il ne reste à l’entreprise qu’à abandonner ces activités. Exemple : Danone a cédé en 2007 à Kraft Food l’activité « biscuit », avec des marques comme LU, marché en déclin sur lequel le groupe n’était que numéro 2 mondial. Les « vaches à lait ». Ces activités mûres et dominantes dégagent des liquidités qu’il convient d’investir, notamment dans les activités « dilemmes ». Exemple : Avec Volvic ou Évian, Danone est leader de l’eau embouteillée en Europe de l’Ouest, marché en baisse de 6 % en 2008 et affiche une marge opérationnelle de 12,8 %, ce qui lui permet de soutenir sa croissance en Asie et notamment en Chine. Les « dilemmes ». Pour devenir des « vedettes », ces activités en croissance mais dotées d’une part de marché inférieure à celle du leader nécessitent des investissements. L’entreprise est donc face à une alternative : allouer des ressources ou abandonner. Exemple : Danone, numéro 2 mondial de la nutrition infantile depuis l’acquisition de Numico, marché en forte croissance (5 % par an entre 2009 et 2014 contre 1 % pour l’agroalimentaire en général), a réalisé en octobre 2009 une offre d’achat de 12 milliards de dollars sur la filiale de l’Américain Bristol Myers Squibb spécialisée dans ce domaine. Danone souhaite ainsi ravir à Nestlé la place de numéro 1 mondial. b) Les matrices alternatives Aux côtés de la matrice BCG, sous le feu des critiques et de la concurrence, d’autres cabinets de conseil ont développé de nombreuses matrices, dont voici les principales : La matrice Mc Kinsey. Version sophistiquée de la matrice BCG, cette matrice développée pour le conglomérat General Electric enrichit l’analyse sans en changer la logique. Pour chaque dimension, il convient de déterminer l’évaluation (de 1 à 5) et la pondération (de 1 à 3) de facteurs multiples. Pour appréhender l’avantage concurrentiel, on pourra ainsi utiliser la qualité des produits, l’image, la compétitivité prix ou l’intensité de la R&D. Pour l’attrait du marché, la taille, la solvabilité des clients ou la vulnérabilité à l’inflation peuvent être utilisées. On calcule ensuite un score global et on place les activités dans la matrice suivante. La matrice Mc Kinsey
Fort
Moyen
Faible
Faible
Investissement croissance
Investissement sélectif
Sélectivité
Moyen
Investissement sélectif
Sélectivité
Moisson / Désinvestissement
Fort
ATOUT DE L’ENTREPRISE
ATTRAIT DU MARCHÉ
Sélectivité
Moisson / Désinvestissement
Moisson / Désinvestissement
Exemple : À partir de cette analyse, General Electric (GE) a fortement investi au cours des années 2000 dans le secteur des infrastructures nécessaires à la production d’énergie (turbines 43
Fiche 11 • La gestion de portefeuille
pour éoliennes, par exemple). Parallèlement, GE a investi de manière sélective dans les services financiers, avec GE Capital, en développant le crédit mais en quittant l’assurance. Enfin, GE envisageait en 2009 une introduction en Bourse du studio NBC Universal pour récolter les fruits de ses investissements passés compte tenu des difficultés du secteur des médias. La matrice Arthur D. Little. Dans cette version des années 1970 de l’analyse de portefeuille, la position concurrentielle de l’entreprise est évaluée de manière globale, par des experts. Cinq positions sont possibles : faible, acceptable, favorable, forte et dominante. Le marché est caractérisé par l’une des quatre phases du cycle de vie dans laquelle se trouve l’activité : embryonnaire, croissance, mature et vieillissement. Les vingt types d’activité possibles, des activités dites « gagnantes » aux activités « perdantes », en passant par les activités « profitables » et « d’avenir » donnent lieu à des recommandations spécifiques, comme le développement naturel, le développement sélectif, la réorientation des activités ou l’abandon. Exemple : Canon a utilisé la logique de cette matrice pour décider de développer son activité dans les appareils photos numériques, sur les compacts d’abord, puis sur les bridges et enfin sur les reflex. 2. LES IntÉRÊtS et limites des matrices Trop simplistes, trop réductrices, les matrices ont été vivement critiquées depuis les années 1980. Elles conservent néanmoins un intérêt et forment aujourd’hui encore le squelette de la méthodologie d’intervention de nombreux consultants. a) Intérêts des matrices Préalable au diagnostic. Les matrices permettent d’étudier un portefeuille à partir de deux dimensions : l’attrait de l’activité et la position concurrentielle au sein de cette activité. Elles permettent de démarrer un diagnostic et de fédérer autour d’objectifs communs. Exemple : En 2006, le PDG du groupe LG avait communiqué dans la presse sur l’intérêt pour le groupe d’utiliser sa position favorable sur le marché mature de l’électroménager pour développer sa part de marché dans le secteur des téléphones mobiles (6 % seulement, contre 31 % pour Nokia). En 2009, LG a atteint la 3e place mondiale, dernière Nokia et Samsung, avec une part de marché de 10,7 %. Financement des activités. Les matrices permettent de comprendre comment les activités peuvent se financer et procéder à des transferts de ressources entre ces dernières. Exemple : Au sein du groupe Bouygues, l’activité construction (75 % du CA en 2008) a permis de financer l’activité Télécom (15 % du CA et une 3e place sur le marché pour 7,9 milliards d’euros d’investissement entre 1996 et 2006). Objet de comparaison. Les matrices permettent de confronter des mesures et des opinions. Qu’elle repose sur des données brutes (matrice BCG) ou subjective (matrice McKinsey), l’analyse d’un portefeuille d’activités permet de comparer, sur les mêmes critères, les activités d’une entreprise conglomérale, souvent disparates et gérées en zones de profit distinctes. Exemple : Au sein du groupe Virgin, rien ne relie Virgin Atlantic, Virgin Mobile, Virgin Radio ou Virgin Wines. Une matrice permet de comprendre la contribution de chacune des 63 activités du groupe à son développement. b) Limites des matrices Vision statique. Elles sont des photos instantanées et n’anticipent pas les évolutions des marchés ou de la position concurrentielle des entreprises. Exemple : En 1994, Kodak bénéficiait d’une part de marché sur le marché mondial des films photos de 42,8 %, contre 24 % pour son principal concurrent, Fuji, sur un marché en croissance de 11 % par rapport à 2003. En 44
Fiche 11 • La gestion de portefeuille
quinze ans, Kodak et son activité star ont vu le cours de leur action passer de 53 à 6 $ et ont dû licencier plusieurs dizaines de milliers de personnes suite à l’avènement de la technologie numérique. Mode de financement inadapté. Elles reposent sur l’hypothèse erronée d’équilibre de flux financiers (une entreprise doit autofinancer ses activités et réinvestir les cashflows dégagés). Exemple : La financiarisation de l’économie moderne permet aujourd’hui aux sociétés cotées de réaliser des augmentations de capital permettant de financer des activités « dilemmes » et de distribuer des dividendes à partir d’activités « vaches à lait ». De nombreuses solutions (capitalrisque, fond public d’investissement) existent également pour les entreprises non cotées. Faible prise en compte des synergies. Elles n’intègrent pas la notion de synergies autres que financières. Malgré le niveau d’analyse, le portefeuille d’activités, le renforcement mutuel des activités d’une entreprise n’est pas pris en compte. Exemple : Les différentes activités de Sony (lecteurs de DVD de salon, consoles de jeux, ordinateurs, production de film) ont toutes contribué au succès de la technologie de stockage de données Blu-Ray. Se séparer de l’une d’entre elles, fût-elle un « poids mort », aurait pénalisé les autres. Pernod Ricard : des marques fortes sur des marchés émergents Pernod Ricard est une entreprise française spécialisée dans la fabrication et la distribution de vins et spiritueux. C’est le deuxième groupe mondial dans ce secteur, derrière Diageo. Le succès de Pernod Ricard repose sur une stratégie efficace, visant à accélérer la croissance des ventes et à obtenir de fortes parts de marché. Le renforcement de ses positions sur les marchés émergents porteurs permet au groupe de générer de la croissance. Pernod Ricard adapte son offre afin de répondre au mieux aux évolutions du marché mondial des vins et spiritueux, et notamment à une montée en gamme. La croissance externe permet également de renforcer la position du groupe sur ces marchés en croissance, comme en témoignent les intégrations de Seagram en 2001 et d’Allied Domecq en 2005. L’acquisition du groupe suédois Vin & Sprit (V&S), annoncée en juillet 2008, lui permet de profiter de la croissance du marché des vins du Nouveau Monde. L’objectif de Pernod Ricard est de construire sur chaque couple de produit-marché (alcool-zone géographique) des marques bénéficiant d’une part de marché supérieure à celle des concurrents. La concentration des investissements sur 15 marques à vocation mondiale (Absolut, Ricard, Ballantine’s, Chivas Regal, Kahlúa, Malibu, Beefeater, Havana Club, Stolichnaya, Jameson, Martell, The Glenlivet, Jacob’s Creek, Mumm et Perrier-Jouët) vise à obtenir pour chacune d’elle une position dominante. À elles seules, ces 15 marques représentaient en 2009 plus de 55 % du total des ventes de Pernod Ricard. Cette même année, près de 75 % des investissements publi-promotionnels du groupe leur ont été consacrés. Mais Pernod Ricard compte aussi un portefeuille de 30 marques locales occupant des positions de leaders dans leur catégorie sur leur marché domestique respectif (vodka Wyborowa en Pologne, amer Becherovka en République tchèque, whiskies Royal Stag et Blender’s Pride en Inde, etc.). Sur le marché français des anisés, en perte de vitesse, la marque Ricard (37,7 % de PdM en 2008) devance la marque Pastis 51 (9,8 %) également détenue par le groupe. Les 18 marques de Whisky (Chivas mais aussi Four Roses, Aberlour, etc.), font de Pernod Ricard le leader mondial de cet alcool (qui représente 34 % des ventes de spiritueux dans le monde avec 1,2 milliard de litres en 2008) mais ce segment perd du terrain face à la Vodka (19 %) et le Rhum (11 %). Alcools anisés et whisky sont les « vaches à lait » du groupe. Avec les marques Absolut et Wyborowa, Pernod Ricard est le troisième acteur sur le marché de la Vodka, en hausse de 12 % par an entre 2006 et 2009 (contre 2 % par an pour l’ensemble des spiritueux). Sur le marché du Rhum, en hausse de 8 % par an sur la même période, Pernod Ricard se place avec la marque Havana Club derrière Bacardi (28 % de PdM au niveau mondial). Vodka et Rhum sont les « dilemmes » du groupe.
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Les stratégies de diversification
Points clefs La diversification consiste pour l’entreprise à élargir son portefeuille d’activités. Le développement peut s’effectuer soit en conservant un lien avec l’activité d’origine de manière à générer des synergies, soit en ne cherchant pas à conserver de lien avec l’activité d’origine pour répartir les risques.
1. Les diffÉrents types de diversification La diversification peut prendre différentes formes selon les avantages dont l’entreprise souhaite tirer profit. a) Intégration verticale L’entreprise développe des activités qui se situent en amont ou en aval dans sa filière afin de générer plusieurs types d’avantages. Bénéficier des profits réalisés à chaque stade de la production. L’intégration verticale permet de s’approprier les marges bénéficiaires qui étaient celles des fournisseurs et/ou des clients. Exemple : Le fabricant de composants électroniques Samsung s’est intégré en aval en développant de nouvelles activités dans l’électronique grand public (téléphone portable, téléviseur LCD, photographie numérique). Cette stratégie lui permet de réduire ces coûts et ainsi, de bénéficier de marges plus élevées que ses concurrents sur les produits proposés. Augmenter son pouvoir de marché. L’intégration verticale permet d’augmenter le pouvoir de négociation vis-à-vis des clients et des fournisseurs, en supprimant des interlocuteurs intermédiaires. Exemple : Après avoir opéré une double intégration vers l’amont en devenant producteurs et vers l’aval en étant distributeurs de films, les exploitants de salles Gaumont, Pathé et UGC sont devenus des interlocuteurs incontournables dans l’industrie du cinéma français. Néanmoins, en cas de détérioration des conditions économiques, l’ensemble de la filière peut être touché et les pertes s’accumuler à chaque maillon. Exemple : Aux États-Unis, suite à la crise financière, les filiales de prêt des constructeurs automobiles ont suspendu toute opération de leasing à leurs clients. Or, plus de 70 % des voitures américaines étant achetées à crédit, les ventes d’un constructeur comme Chrysler ont chuté de près de 40 % au mois de novembre 2008, à la suite de cette mesure. b) Diversification liée Dans le cas de la diversification liée ou concentrique, l’entreprise s’engage dans une activité nouvelle en s’appuyant sur son métier d’origine. Il s’agit de générer des économies de champ. Les économies de champ permettent de réduire les coûts en regroupant plusieurs activités au lieu de réaliser ces différentes activités de manière indépendante. Exemple : À côté des opérations postales courantes, la Poste a successivement introduit dans ses 17 000 agences de nouveaux services : financiers (la Banque Postale), de proximité (comme les cartes postales), et à la personne (comme les chèques emploi service) et ainsi, créé des synergies. Plusieurs facteurs permettent de générer des économies de champ. Clientèle. Exemple : Que ce soit pour la vente de ses consoles de jeux ou de ses jeux vidéo, le fabricant et éditeur Nintendo vise la même clientèle. 46
Fiche 12 • Les stratégies de diversification
Technologie. Exemple : Les quarante-cinq technologies de base, maîtrisées en 2008 par la société 3M, sont appliquées dans six métiers, à travers plus de 75 000 produits sous des marques à forte notoriété comme Scotch, Scotch-Brite, Post-it ou Nexcare. Distribution. Exemple : La majorité des espresso bars McCafé lancés par la chaîne de restauration rapide McDonald’s en 2007 sont installés à l’intérieur des restaurants existants. Compétences de gestion. Exemple : En complément des produits bancaires classiques, les banques proposent des services d’assurance qui mettent en jeu les mêmes outils de modélisation du risque comme la banque Caisse d’Épargne et ses nombreux services d’assurance tels que MonAuto&Moi pour l’automobile ou encore Garanties Santé, une complémentaire santé. Marque. Exemple : En plus de la vente de billets pour assister au tournoi de Roland-Garros, les produits dérivés (vêtements de sport, chaussures, raquettes, etc.) portant la griffe RolandGarros ont généré 120 millions d’euros de chiffre d’affaires lors de l’édition 2009 du tournoi de tennis. c) Diversification non liée Dans le cas d’une diversification non liée ou conglomérale, l’entreprise se lance dans de nouvelles activités sans rapport les unes avec les autres et notamment sans lien opérationnel avec son activité d’origine. Plusieurs raisons justifient le recours à ce type de diversification. Répartir les risques liés à la conjoncture. En constituant son portefeuille avec des activités n’ayant pas de lien apparent entre elles et donc, n’étant pas soumises aux mêmes influences macro-économiques au même moment, cela permet de répartir les risques. Exemple : C’est en 1953, à partir d’un modeste journal australien que Rupert Murdoch a bâti le deuxième groupe de médias au monde, le conglomérat News Corporation. À côté de l’activité presse écrite, il est présent sur tous les supports médiatiques : télévision hertzienne et câblée (FoxNews), édition, radio, Internet (MySpace) et multimédia, cinéma (Twentieth Century Fox) et ce, sur les cinq continents. Financer les investissements d’une activité. Grâce au revenu généré par une activité, il est possible de financer les investissements nécessaires à l’achat et/ou au développement d’une autre activité. Exemple : Au sein du groupe Bouygues, les deux activités rentables que sont les routes (Colas) et le BTP (Bouygues Construction) ont permis de financer le développement de la nouvelle activité de télécommunication (Bouygues Télécoms), qui nécessitait de lourds investissements en infrastructures réseau (600 millions d’euros par an pour développer son réseau). Améliorer la rentabilité. En s’orientant vers de nouveaux marchés et de nouvelles activités plus porteurs, la diversification non liée permet d’améliorer la rentabilité et de prévenir le risque de déclin de la demande d’une activité donnée. Exemple : Le conglomérat japonais Toshiba, qui fabrique aussi bien des réacteurs nucléaires que de l’électronique grand public, a décidé de se développer dans les nouveaux éclairages à diodes électroluminescentes (LED) et de s’attaquer aux marchés étrangers. « Nous prévoyons que notre division de nouveaux systèmes d’éclairage génère en 2015-2016, un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros », a déclaré Masashi Muromachi, un directeur général adjoint de Toshiba. 2. Les implications des stratÉgies de diversification Les stratégies de diversification, compte tenu de leurs formes différentes, ont des implications diverses tant au niveau de la performance globale de l’entreprise que de la gestion de l’incertitude.
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Fiche 12 • Les stratégies de diversification
a) Diversification et performance Une question essentielle concernant les diversifications concerne l’existence ou non d’écart de performance entre les différentes formes de diversification. Si aucune étude n’a permis d’affirmer de manière significative qu’une forme de diversification est en moyenne plus performante qu’une autre, des travaux montrent, notamment à travers la méthode chop-shop qui consiste à comparer la performance du portefeuille d’une entreprise diversifiée avec celle d’une entreprise virtuelle dont le portefeuille est composé d’entreprises spécialisées dans chacun des domaines d’activité, qu’il est préférable de se développer dans des secteurs identiques ou proches que dans des domaines sans lien entre eux, et que les entreprises faiblement diversifiées sont plus performantes que celles qui le sont fortement. Ainsi, si le caractère lié de l’activité n’explique pas à lui seul la performance, il peut constituer un facteur important car des activités liées sont associées à la présence de synergies potentielles, mais qui restent à réaliser. Par ailleurs, les résultats en termes de niveau de diversification suggèrent qu’une trop grande complexité pénalise l’organisation (v. fiche 13). Exemple : Défini comme « une société diversifiée de technologies et de services qui se consacre à la création de produits qui améliorent la vie », le conglomérat industriel américain General Electric a dû recentrer en 2008 son activité autour de quatre pôles clés (au lieu de six aujourd’hui) par souci de simplicité et d’efficacité. « Nous avons structuré la compagnie de manière à utiliser au mieux notre forte équipe de direction, tout en maximisant les synergies », a justifié son PDG Jeff Immelt, en réponse aux critiques récurrentes sur la difficulté de gérer un groupe aussi important et complexe. b) Diversification et incertitude Si Henir Proglio, PDG du conglomérat Veolia Environnement déclare que « dans un monde incertain, notre entreprise crée, davantage que d’autres, une valeur réelle et durable », la diversification non liée ne garantit pas l’entreprise contre l’incertitude. En effet, des entités parfaitement autonomes obtiendraient les mêmes résultats en dehors de toute attache au conglomérat, permettant ainsi d’éviter les coûts générés par le siège du groupe. En outre, les effets positifs dont bénéficie l’entreprise au niveau du groupe, sont plus que contrebalancés par les effets négatifs observés au niveau des entités du groupe. L’adage populaire suggère qu’il est vain de vouloir courir plusieurs lièvres à la fois. De la même manière, il semble présomptueux d’espérer détenir toutes les expertises permettant de répondre aux problèmes particuliers de chaque métier. Au final, la diversité accroît l’incertitude pour les dirigeants. Exemple : Time Warner, le plus grand groupe de médias au monde (Warner Bros, CNN, Time, etc.) est une holding financière vendant et achetant des actifs dans le cinéma, la télévision, la presse, la radio, la musique. Devant les difficultés rencontrées par certaines filiales, le conglomérat a annoncé la scission de Warner Cable en 2008, puis d’AOL en mai 2009. En privilégiant la profusion d’entités sans synergie, Time Warner avait relégué au second plan le développement de pôles d’excellence dans ses métiers.
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Fiche 12 • Les stratégies de diversification
Danone : du verre à l’agroalimentaire En 1919, Isaac Carasso crée en Espagne un petit négoce destiné à vendre des yaourts d’abord en pharmacie. Celui-ci est appelé Danone, en référence au surnom de son fils « Danon » (petit Daniel en Catalan), auquel il a ajouté un « e ». En 1967, Danone fusionne avec Gervais (fromage frais) pour donner naissance à Gervais-Danone. Au début des années 1970, la route de Danone croise celle de BSN (Boussois-Souchon-Neuvesel), groupe français spécialisé dans l’industrie du verre. Pressentant le déclin de son secteur d’activité, son PDG Antoine Riboud fait le choix de s’orienter vers le contenu des verres creux et de reconvertir BSN dans l’agroalimentaire. Il prend ainsi le contrôle d’Evian, de Kronenbourg et de la Société européenne de brasserie. Désormais leader français de la bière, des eaux minérales et de l’alimentation infantile, BSN fusionne en juin 1973 avec Gervais-Danone pour former BSN-Gervais Danone, numéro un de l’agroalimentaire en France, qui prendra le nom de Danone en 1994. En 1996, Franck Riboud prend la succession de son père et décide de focaliser le développement du groupe sur trois métiers : les produits laitiers frais, les biscuits et les eaux. Il cède toutes les marques qui ne rentrent pas dans cette stratégie et à l’inverse, procède à une cinquantaine d’acquisitions. En 1997, Danone est numéro un mondial des produits laitiers (33 milliards de francs de chiffre d’affaires), numéro un mondial des biscuits sucrés (17 milliards), numéro deux mondial des eaux minérales (15 milliards). Parallèlement, de nombreuses innovations sortent des laboratoires de Danone. En 1987 est lancé Activia, un lait fermenté au bifidus qui aide à réguler le transit intestinal et en 1994 Actimel, qui participerait au renforcement des défenses naturelles de l’organisme. Plus récemment, Danacol est devenu leader sur le marché de l’hypercholestéromie. 2007 est une année charnière pour le groupe : Danone vend sa branche biscuits à Kraft Foods et dans le même temps, fait l’acquisition de la société d’origine néerlandaise Royal Numico, leader de la nutrition médicale et de la nutrition infantile. Désormais, le groupe se donne pour mission d’« apporter la santé au plus grand nombre par l’alimentation » et concentre 80 % de ses projets de R&D sur la nutrition et la santé.
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La stratégie de recentrage
Points clefs La stratégie de recentrage correspond au mouvement inverse de la diversification. L’entreprise décide de se séparer de certaines activités afin de conserver uniquement celles dans lesquelles elle possède un avantage concurrentiel.
1. Les raisons et intÉRÊts d’une stratÉgie de recentrage Depuis les années 1980, une tendance à la réduction de l’éventail d’activités des entreprises est observée. Cette stratégie de recentrage correspond plus à une recherche de cohérence entre les différentes activités du portefeuille qu’à une stricte spécialisation. Cette stratégie ne s’oppose donc pas à une stratégie de diversification reliée (v. fiche 12). a) Les raisons motivant une stratégie de recentrage Les stratégies de recentrage succèdent à des événements importants dans l’environnement concurrentiel mais aussi dans le mode de gouvernance. Relâchement des politiques antitrust. Dans les années 1980, l’assouplissement du gouvernement américain à l’égard de sa politique antitrust a permis aux entreprises d’opter pour une stratégie de recentrage sans être menacées d’abus de position dominante. Exemple : La fusion entre America OnLine, Inc. (AOL), le plus important fournisseur d’accès à Internet et Time Warner, Inc., le numéro 2 du câble, a pu être autorisée en 2001. Changement de direction. Exemple : Comme le PDG de Valeo, Thierry Morin, s’opposait à une stratégie de recentrage, en mars 2009, le conseil d’administration de Valeo a décidé à l’unanimité de se séparer de ce PDG. Le Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) qui détient 2,3 % du capital de Valeo, s’est dit « satisfait de la clarification » que représente l’arrivée d’un nouveau management. Activisme ou arrivée d’un nouveau bloc d’actionnaires. La globalisation financière a accéléré la remise en cause des stratégies conglomérales avec un pouvoir plus important donné à l’actionnaire et une attention accrue portée aux performances financières de l’entreprise. Exemple : En 1998, suite à sa privatisation et à l’arrivée de nouveaux actionnaires, Elf Aquitaine a imposé de nouvelles conditions de rentabilité à sa filiale, Elf Sanofi, sous peine de céder sa participation à une autre entreprise. Afin de répondre à ces nouvelles exigences, Sanofi a cherché à développer sa capacité de recherche pour des médicaments blockbuster et s’est ainsi désengagé de l’essentiel de ses activités bio-industrielles et une partie de ses activités cosmétiques. Difficultés financières. Exemple : Un article du Figaro titrait en 2009 : « General Motors se mutile pour continuer d’exister ». Face à une dette de près de 30 milliards de dollars, le constructeur américain a décidé un recentrage sur quatre marques : Buick (notamment implantée avec réussite en Chine), Cadillac, GMC et Chevrolet afin d’obtenir une enveloppe de soutien financier de la part des acteurs politiques et financiers des plus hautes instances américaines. Echec d’une OPA. Exemple : En 1968, l’échec d’OPA de BSN, le second fabricant français de verre sur son principal concurrent, Saint-Gobain afin d’acquérir une taille critique 50
Fiche 13 • La stratégie de recentrage
a conduit l’entreprise à se recentrer sur l’aval et à se tourner vers l’agroalimentaire. Antoine Riboud, ancien PDG de Danone (ex-BSN) a déclaré : « J’en étais là de mes réflexions quand une opportunité fantastique s’est présentée : celle de prendre en même temps le contrôle de la SEB et de Kronenbourg. Je l’ai saisie et c’est comme cela que BSN alimentaire est né au début des années 1970 ». Nouveau plan de rémunération et d’incitation. Afin d’accroître son pouvoir, un dirigeant peut rechercher à diversifier les activités de l’entreprise. Or, c’est à l’actionnaire que revient la tâche de diversifier son portefeuille d’actions et non à l’entreprise. Ainsi, pour inciter un dirigeant à procéder à une stratégie de recentrage, un actionnaire majoritaire actif peut lui assurer des compensations en termes de salaires et de maintien de sa position. Exemple : En 2008, IBM a su se recentrer sur les marchés les plus rentables, ce qui assure à Sam Palmisano, son Chairman et CEO, des revenus confortables (20,97 millions de dollars selon les calculs de l’agence Associated Press). Cette rémunération se compose de quatre grandes parties : un salaire fixe, de 1,8 million de dollars, qui représente environ 10 % de sa rémunération, une prime de 5 millions de dollars accrue cette année de 500 000 dollars, l’objectif fixé étant dépassé, un bonus calculé par rapport à la performance financière de l’action (environ 40 % de la rémunération), et un certain montant payé en actions (17 %). b) Les intérêts d’une stratégie de recentrage Trois objectifs principaux sont recherchés à travers une stratégie de recentrage. Correction d’une diversification excessive. La stratégie de recentrage apparaît comme un mouvement de correction suite aux excès des dirigeants recherchant l’augmentation de leur pouvoir à travers une stratégie de sur-diversification. Exemple : Longtemps loué pour son développement et sa diversification réussis, l’assureur américain AIG, présent dans l’assurance-vie, l’assurance dommage, la gestion d’actifs et les produits financiers, a été obligé de se recentrer en 2009 suite à la crise financière et contraint de « mettre en œuvre l’un des plus grands programmes de restructuration de l’histoire », selon Edward Liddy, actuel président de la compagnie. « AIG a longtemps été un modèle pour tous les assureurs du monde entier, qui voulaient tous être AIG », explique un professionnel. « Aujourd’hui, plus personne ne veut lui ressembler ». Meilleure cohérence stratégique et organisationnelle. La stratégie de recentrage sur le cœur de métier qui peut être différent de son métier d’origine, est un moyen pour revenir aux objectifs de performance financière de l’entreprise et à une cohérence stratégique, servant ainsi les intérêts des actionnaires. Exemple : À l’origine spécialisé dans l’aérospatiale puis ensuite diversifié, le groupe Lagardère, sous l’impulsion d’Arnaud Lagardère, s’est progressivement recentré sur les médias pour devenir aujourd’hui un groupe 100 % média. Grâce à Hachette Filipacchi Média, au rachat de 40 % d’Editis (ex-Vivendi Universal Publishing) en 2004, ou encore de la marque Virgin Stores en 2001, Lagardère figure parmi les leaders mondiaux avec 8,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2008 et un résultat net de 593 millions d’euros. Recherche d’une position forte sur les marchés. Afin de faire face aux contraintes de performance et rechercher une position concurrentielle forte sur les marchés, les entreprises sont incitées à se recentrer quand elles ne disposent pas d’avantage concurrentiel sur un marché, d’une taille critique ou que leur activité est en fin de cycle de vie. Exemple : Après l’explosion de la bulle sur les marchés boursiers et la très forte concurrence des médicaments génériques qui a frappé durement le secteur pharmaceutique dans son ensemble entre 2000 et 2002, le laboratoire suisse Roche a décidé de mettre en place une stratégie de recentrage sur la pharmacie de prescription, notamment ses traitements contre le cancer ou le diagnostic in-vitro. En 2008, le laboratoire Roche détient la plus forte capitalisation boursière, estimée 51
Fiche 13 • La stratégie de recentrage
à 95,2 milliards de dollars et ce, même si l’entreprise se situe au 5e rang mondial en termes de chiffre d’affaires. 2. Les phases du recentrage Deux étapes sont distinguées dans la stratégie de recentrage. a) Retrait de certaines activités L’objectif de cette phase initiale est de se séparer des activités n’ayant pas de lien avec le cœur de métier afin de dégager des fonds pour financer la deuxième phase. Cette phase peut être assimilée à la restructuration et avoir des conséquences importantes au niveau social, comme des vagues de licenciements massifs. L’entreprise peut choisir de céder l’activité à un partenaire ou un fournisseur qui souhaite se renforcer. Exemple : En 2001, le groupe pétrolier BP a entamé une politique de recentrage sur ses activités pétrolières et a décidé de céder toutes ses participations dans ses filiales de fabrication de plastique. Ainsi, BP a revendu les 51 % d’Arjobex, co-entreprise fondée avec l’entreprise spécialisée dans le papier, Arjo Wiggins Apleton, à cette dernière. b) Renforcement du métier de base Grâce aux fonds dégagés, l’entreprise peut de nouveau investir et renforcer sa position sur son cœur de métier, à travers des alliances ou le rachat de concurrents par exemple. Exemple : Afin de financer sa politique de recentrage sur ses quatre piliers : les produits laitiers, l’eau, la nutrition infantile et médicale, Danone a, dans un premier temps, vendu sa division biscuits Lu (Petit LU, Mikado, TUC, Cracotte, Prince, Pépito, Paille d’Or, etc.) en 2007 à son concurrent américain Kraft Foods pour un montant de 5,3 milliards d’euros. Cette vente a permis de financer en partie l’acquisition de 98,85 % du groupe néerlandais Numico (leader mondial du lait infantile) la même année pour 12,2 milliards d’euros et ainsi, renforcer son orientation santé. 3. Les limites de la stratÉgie de recentrage a) Existence de barrières à la sortie Les difficultés à trouver un acquéreur, les résistances sociales par crainte des restructurations et de suppressions d’emploi sont autant de raisons qui compliquent la cession d’une activité pour se recentrer. Exemple : Le constructeur automobile américain en difficulté General Motors (GM) a abandonné sa part majoritaire dans sa filiale Opel/Vauxhall, en échange d’une garantie publique pour ses activités en Europe. Le groupe américain ne réalise pas de profit sur cette transaction, puisqu’il a investi 500 millions d’euros dans les opérations d’Opel. L’objectif principal était d’éviter qu’un dépôt de bilan de GM rejaillisse sur Opel, qui dispose de suffisamment de liquidités pour poursuivre ses activités. b) Sentiment d’échec La décision de recentrage est souvent difficile à prendre car elle nécessite, pour l’entreprise, de constater un échec et une réduction de pouvoir du dirigeant. Elle est souvent retardée, même si ce retard engendre des pertes accumulées importantes pour l’entreprise. Exemple : Jean-René Fourtou, successeur de Jean-Marie Messier à la tête de Vivendi, a cédé en 2003 de nombreuses activités acquises par son prédécesseur : studios américains, chaînes de télévision, parcs d’attraction, édition et portails Internet. Il déclarait pourtant cette même année lors de l’assemblée générale des actionnaires : « Universal Music Group n’est pas à 52
Fiche 13 • La stratégie de recentrage
vendre, elle reste le pilier du groupe ». Cinq ans plus tard, l’activité musique ne représentait que 18 % du chiffre d’affaires du groupe (contre 55 % pour la téléphonie, avec SFR et Maroc Télécom) et 13 % de son résultat opérationnel (contre 76 % pour la téléphonie). Thomson : un recentrage risqué Depuis 2000, le groupe Thomson a commencé à se déployer sur les marchés « Media & Entertainment » en utilisant ses compétences technologiques. Pour cela, Thomson a réalisé plusieurs acquisitions dont Technicolor, les activités d’équipements vidéo professionnels de Philips, et Grass Valley et conclu de nombreux partenariats avec des sociétés spécialisées dans les technologies numériques, comme France Télécom pour le développement conjoint de produits et services multimédias innovants. Parallèlement, Thomson a commencé à céder ses activités produits grand public et composants qui généraient l’essentiel de son chiffre d’affaires avant 2000. Depuis 2004, la quasi-intégralité des activités Télévisions et Tubes a été vendue. En 2009, le groupe Thomson est considéré comme l’un des leaders sur les marchés de la duplication de DVD, des équipements et des services pour les groupes de médias et de télécoms. Cette stratégie de recentrage a été facilitée par une évolution importante de la structure de son capital. Depuis 1998, l’État français qui détenait indirectement mais entièrement Thomson, a progressivement réduit sa participation jusqu’à ne détenir que 1,95 % de son capital au 29 février 2008. Aujourd’hui, le plus gros actionnaire de l’entreprise est le fonds Silver Lake Partners LLP qui détient 9,09 % du capital. Pourtant, la réduction de son périmètre d’activité place Thomson dans une situation incertaine. Avec une prévision de chiffre d’affaires inférieure à 4 milliards en 2009 (contre 9,1 milliards en 2000) et des fonds propres négatifs, le groupe a été classé dans la catégorie des « investissements à risque » par les agences financières de notation.
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Les stratégies génériques
Points clefs Une entreprise peut mettre en place trois stratégies génériques, en fonction de la source de l’avantage concurrentiel (coûts moins élevés ou différenciation) et du champ concurrentiel (large ou étroit).
1. Les trois stratÉgies alternatives a) La domination par les coûts Cette stratégie consiste à réduire au maximum le coût de revient d’un produit ou service, en en réduisant éventuellement la valeur (on parle alors de stratégie d’épuration). Cette domination peut s’obtenir par : L’effet volume permettant d’amortir les coûts fixes. Exemple : Avec 26 millions d’exemplaires vendus, la Golf est l’un des plus grands succès automobiles, la Golf VI lancée en France en octobre 2008 devra compter sur de gros volumes pour amortir les 2 milliards d’euros investis dans son usine mexicaine. L’effet d’expérience entraînant la baisse des coûts variables. Exemple : Les observations faites dans l’aéronautique américaine dans les années 1930 montrent que le nombre d’heures de travail nécessaires pour chaque nouvelle unité baissait de 20 % à chaque doublement de la production cumulée. La chasse aux gaspillages. Exemple : Les dépenses de télécommunication représentaient en 2002 en moyenne 2 500 euros par salarié et par an, selon une étude menée auprès de 200 entreprises françaises. Depuis, nombreuses sont les entreprises ayant externalisé la fonction Télécom, permettant une renégociation des contrats avec les opérateurs et la baisse des coûts cachés, comme le traitement des factures. La délocalisation, ou le transfert d’activités, dans des zones bénéficiant de coûts de maind’œuvre inférieurs. Exemple : Salomon réalise aujourd’hui ses chaussures de ski en Roumanie, Amora une partie de sa production en Espagne et en République tchèque. La suppression d’éléments de l’offre ayant un rapport coût/valeur élevé, ou no frills strategy. Exemple : Ford, pour sa Ka destinée au Mercosur, a tout simplement supprimé le cendrier, la clé sur le bouchon d’essence, le désembuage et les appuis tête arrière ; aux États-Unis, l’hypermarché Save-a-lot a une surface maximum de 1 400 m2, n’ouvre que de 9 h 00 à 18 h 00, n’accepte pas les cartes de crédit et est en partie nettoyé par ses managers. b) La différenciation L’entreprise propose aux clients des produits et services ayant des caractéristiques différentes de l’offre de la concurrence et une valeur perçue supérieure. Dans le secteur informatique, la différenciation de l’offre peut par exemple s’obtenir par : La technologie. Exemple : Sony compte sur sa maîtrise du standard Blu-ray pour différencier ses modèles. Le design et l’ergonomie. Exemple : Asus propose des modèles à plus de 2 000 euros avec parement cuir ou signature de Lamborghini, mais également des modèles avec écran tactile. La fiabilité et la qualité. Exemple : Les portables de Fujitsu-Siemens bénéficient de claviers 54
Fiche 14 • Les stratégies génériques
waterproof, et s’appuient sur des distinctions comme the International Industrial Excellence Award, pour garantir leur qualité. L’écologie. Exemple : Dell propose, depuis fin 2008, le modèle Studio Hybrid qui utilise 70 % d’énergie de moins qu’un ordinateur de bureau standard et possède un emballage constitué à 95 % de matériaux recyclables. Le service. Exemple : Dell a étendu sa gamme de service en proposant à ses clients le classique support matériel (garantie de 1 à 4 ans) mais aussi le support logiciel, une protection contre les dommages accidentels, une installation à domicile, des services de formation et la sauvegarde de données en ligne. La distribution. Exemple : Si le modèle de Dell de vente directe n’est plus différenciant, la distribution exclusive d’Apple, avec 415 Apple Stores ouverts en 2008 dans 10 pays, est une stratégie unique dans le secteur. c) La focalisation L’entreprise se concentre sur une niche de marché. Cela implique un accès au marché restreint. Exemple : La chaîne de restauration rapide In and Out Burger, présente uniquement en Californie, Nevada et Arizona, n’aura jamais la taille de ses concurrents mondiaux. Cela implique également des investissements suffisamment spécifiques pour ériger des barrières à l’entrée. Exemple : Siafu a créé un ordinateur destiné aux aveugles. Il est sans écran, fonctionne par commande vocale et est constitué d’une surface qui a la propriété de se modifier en trois dimensions afin de recréer le texte en braille. La stratégie de focalisation est parfois la seule manière de pénétrer un marché. Exemple : Face à Pepsi et Coca, bénéficiant à la fois de coûts faibles (d’embouteillage et de distribution) et d’offres différenciées (par la puissance de la marque), de nombreux concurrents optent pour l’attaque et la protection d’un territoire limité. Par zone géographique : Breizh Cola, et son slogan, le cola du phare ouest, est limité à la Bretagne, Corsica Cola, réalisé à partir d’herbes du maquis et de culture nationaliste, à la Corse. Par segment de consommateur : Mecca Cola s’adresse exclusivement aux consommateurs de confession musulmane. L’entreprise marque sa différence en reversant une partie du bénéfice à des associations humanitaires travaillant notamment en Palestine. Au Pérou, le Fuji-Cola a été lancé par les partisans du président Alberto Fujimori. Par les caractéristiques du produit : le Beuk (rot en breton) Cola est un cola bio, fabriqué en France. Il est composé de sucre roux du Costa Rica, de caramel et de noix de cola naturelles. 2. LA CompatibilitÉ et durabilitÉ des stratÉgies gÉNÉriques a) Domination par les coûts et différenciation sont-elles compatibles ? Comme l’écrivait Porter, « A firm that is stuck in the middle is in an extremely poor strategic situation��������������������������������������������������������������������������������� »������������������������������������������������������������������������������� . ����������������������������������������������������������������������������� Non seulement l’enlisement dans la voie médiane relève d’un non-choix stratégique, mais il repose sur deux stratégies a priori contradictoires. La baisse des coûts repose en effet en grande partie sur un effet volume, qui conduit à choisir une offre banalisée permettant de toucher le plus grand nombre de clients et de bénéficier d’un processus de production simple. Exemple : General Motors, avec des marques comme Hummer, Cadillac ou Saab a joué sur la différenciation, tout en essayant de contrôler ses coûts, éléments déterminants de compétitivité pour ses marques Chevrolet et Buick. Cependant, la différenciation retardée des produits (modifier les produits en bout de chaîne de production, comme l’application de la peinture à une voiture) ou la conception de produits modulaires (des composants identiques peuvent servir à la fabrication de produits différents, comme dans l’assemblage d’un ordinateur) peuvent permettre de mener des stratégies dites 55
Fiche 14 • Les stratégies génériques
hybrides, réconciliant domination par les coûts et différenciation. Exemple : Dell en produisant des ordinateurs en juste à temps, a simultanément réduit ses coûts (l’approvisionnement en composants se faisant deux à trois mois plus tard que les concurrents, soit à des prix environ 10 % moins élevés) et apporté un surcroît de valeur à ses clients (ces derniers pouvant configurer totalement leur machine). Ikea, en proposant des meubles en kit, a réduit le coût de fabrication des parties génériques de ses meubles (caissons, structure, etc.) tout en offrant aux consommateurs un large choix de couleur et de matière sur les parties visibles (portes, poignées, etc.). La société allemande Alho a conçu dans le domaine du bâtiment un système de production à partir de modules métalliques préfabriqués à 90 % en usine et individualisés sur site en quelques jours. b) Domination par les coûts et différenciation sont-elles des stratégies durables ? La différenciation peut s’avérer couteuse. Exemple : Rolls Royce estime à seulement 40 000 le nombre de personnes capables de s’offrir une voiture de la marque (entre 200 et 300 mille euros) et n’a vendu que 1 212 modèles en 2008. La différenciation peut devenir insuffisamment perçue ou valorisée. Exemple : Sony, avec son Walkman MP3 et sa qualité sonore supérieure concurrence peu l’Ipod d’Apple, les produits étant avant tout choisis pour leur design. Les facteurs de différenciation peuvent être imités. Exemple : Si Sony a proposé dès 2007 des ordinateurs portables en couleur (rouge « sangria », rose « dove », etc.), les concurrents, comme Dell, ont rapidement copié l’offre. Enfin, la différenciation sur un axe peut pénaliser l’entreprise sur d’autres. Exemple : Bang&Olufsen a découvert dans les années 1980 que l’accent mis sur le design entraînait chez les consommateurs une baisse de la qualité perçue des produits. La domination par les coûts peut entraîner une guerre des prix si elle est adoptée par plusieurs entreprises. Exemple : Dans l’informatique, Dell a baissé ses coûts de production et conduit HP, jusque-là leader, à réagir, à travers l’acquisition de Compaq et la délocalisation de sa production en Chine, entraînant une baisse des prix généralisée. Les gains de productivité peuvent être annulés par l’innovation. Exemple : Le laboratoire pharmaceutique Elly Lilly commercialise dans les années 1920 de l’insuline extraite de pancréas bovins et porcins. Dans les années 1980, l’insuline humaine obtenue par génie génétique annule l’avantage coût du laboratoire.
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Fiche 14 • Les stratégies génériques
LG : de la domination par les coûts à la différenciation 4 mondial dans les écrans plats, 3e dans les téléphones mobiles et 2e dans l’électroménager, LG est en 2009 un géant de l’électronique grand public. Proposant il y a 15 ans des produits banalisés sous le nom de Goldstar, le conglomérat coréen a changé son nom, en devenant LG, pour partir à l’assaut du monde. Mais en 2004, LG perd de l’argent : ses faibles marges ne lui permettent pas de compenser les investissements engagés. Fin 2006, Yong Nam, trente années de maison, est chargé par Bon Moo Koo, héritier du groupe, de redresser la barre. En 2007, le résultat d’exploitation est multiplié par 12. En 2008, le bénéfice dépasse 250 millions d’euros. Comment un tel miracle a-t-il pu se produire ? Tout d’abord, l’anglais a été décrété langue officielle du groupe, tandis que des cadres étaient débauchés de multinationales telles que IBM, Coca-Cola, Johnson&Johnson ou Toshiba. « L’ancien patron avait mis la pression sur les usines pour faire plus vite et moins cher. Le nouveau veut créer de la valeur », explique Éric Surdej, directeur général de LG France. LG a par exemple ouvert en 2009 un centre de design à Londres : 22 concepteurs européens y travaillent. Ensuite, le développement de produits s’est accéléré. Le téléphone Chocolate, salué par la presse du monde entier pour son look « noir, fin, sexy et fashion », a rencontré son public : 20 millions d’exemplaires vendus à un prix de 350 euros (hors abonnement). D’autres modèles ont suivi : le Prada, développé avec la célèbre marque de vêtements de luxe, le Viewty ou le Secret ont permis à LG de s’imposer comme l’un des leaders mondiaux de l’écran tactile. « Nous avons décidé de sortir 150 modèles par an car le téléphone est devenu un accessoire de mode qu’il faut sans cesse renouveler », explique à Séoul, Cha Gang Hui, vice-président chargé du style pour les mobiles. Des équipes de marketeurs dissèquent également le comportement des clients. Ces dernières adaptent les produits aux spécificités locales (la version américaine du Chocolate a été rallongée de 2 centimètres pour s’adapter aux larges mains américaines, les machines à laver chinoises sont munies de diodes et de touches tactiles, les Européennes de gros boutons), anticipent les besoins non exprimés (certains acheteurs de frigos américains ne disposant pas d’arrivée d’eau à proximité de leur réfrigérateur, certains modèles peuvent être reliés à une bonbonne d’eau), et segmentent la clientèle (par tribu dans la téléphonie, avec les « techno chics », les « super power » ou les « fashion seekers » ; l’Etna, un mobile permettant par exemple aux ados de taper des messages instantanés sur un clavier Azerty coulissant). La recherche est également au cœur de la stratégie de LG. Les écrans plats sont, par exemple, équipés de capteurs qui assurent le réglage automatique de la luminosité en fonction de l’éclairage de la pièce. En 2008, LG lançait un téléviseur 107 cm ultraplat (44 mm) après un teasing de plusieurs mois autour du nom Scarlet. Autre terrain d’innovation, les aspirateurs. Son produit sans sac, Kompressor (280 euros), compacte la poussière sous forme de galets. Sa machine à laver Steam Washer (900 euros) défroisse le linge et fait craquer les ménagères. LG compte 29 centres de Recherche et Développement dans le monde, soit 15 000 personnes. Enfin, l’accent est mis sur la production. Avec ses 30 lignes d’assemblage qui fonctionnent 20 heures sur 24, (deux équipes de 10 heures) l’usine géante de Pyeongtaek assemble par exemple un mobile en trente minutes. À quelques mètres des ateliers, des techniciens aidés de robots testent les prototypes : chutes de plus d’un mètre de haut, dizaines de milliers de pressions sur les touches, centaines de milliers d’ouvertures et de fermetures des clapets, haute température et humidité. « Une fois sur les lignes, le taux de rebut ne doit pas dépasser 0,01 % », précise le responsable de l’usine. e
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Les stratégies d’internationalisation
Points clefs La problématique de l’internationalisation est cruciale pour les grandes entreprises mais aussi pour les PME/ PMI. Il est nécessaire de définir les motivations, la forme sous laquelle l’entreprise souhaite être présente à l’international ainsi que la stratégie à mettre en place.
1. Les motivations de l’internationalisation a) Un environnement mondialisé L’internationalisation est un ancien phénomène depuis les premiers échanges de commerce international avec notamment la Chine qui commercialisait de la poudre au Moyen-âge vers l’Occident. Facteurs techniques. Le développement des transports internationaux permet de réduire les coûts et temps de transport. Exemple : Surnommé « Super Jumbo », l’Airbus A380 dans sa version cargo dont la sortie est prévue pour 2015, permettra de transporter des charges plus importantes à moindre coût. Parallèlement, l’amélioration des moyens de communication avec l’essor d’Internet permet une communication en temps réel n’importe où dans le monde. Facteurs économiques. La qualification et des niveaux de salaire différents selon les pays peuvent rendre plus compétitifs certains pays par rapport à d’autres. Exemple : Dans l’industrie graphique, les beaux livres sont plus sensibles aux phénomènes de délocalisation dans les pays à bas coût car ils reposent sur un processus de production plus long. La saturation de la demande dans les pays industrialisés incite les entreprises à s’internationaliser. Exemple : Le marché cible de la voiture Logan de Renault est l’Europe de l’Est car le marché de l’Europe de l’Ouest pour ce type de produits est trop restreint. Enfin, l’uniformisation partielle des modes de consommation peut être un facteur déclenchant. Exemple : Confiant dans l’américanisation de la consommation en Europe de l’Est, McDonald’s a ouvert son premier restaurant à Moscou en 1990, connu sous le nom de Pouchkine. Battant le record du nombre de clients servis le jour de son ouverture, il est encore aujourd’hui le McDonald’s le plus fréquenté au monde. Facteurs politiques. La réduction des barrières douanières, des obstacles non tarifaires ou la création de zones de libre-échange et de communautés économiques facilitent les échanges entre les pays avec, par exemple, l’élimination des droits de douane entre les pays membres de l’Union européenne. Les pouvoirs publics peuvent mettre en place des mesures incitatives afin de favoriser l’internationalisation des entreprises. Exemple : Placé sous la tutelle du ministère du Commerce extérieur, Ubifrance aide les entreprises et notamment les PME dans leur développement international. b) Les objectifs recherchés Une entreprise décide d’internationaliser ses activités pour des raisons internes ou stratégiques ou pour des raisons externes liées à ce qui se passe sur ses marchés. Accéder à de nouveaux marchés et clients. Afin d’exploiter un avantage dont elle dispose sur le marché national, une entreprise peut souhaiter commercialiser à l’international ses produits ou services afin de valoriser cette différence. Cela lui permet également d’accroître 58
Fiche 15 • Les stratégies d’internationalisation
son investissement immatériel. Parallèlement la taille du marché domestique oblige les entreprises à s’internationaliser afin de développer leurs ventes (ex. : la bière irlandaise Guinness, les jeux danois Lego ou encore les boissons autrichiennes Red Bull). Réduire les coûts. Afin de profiter d’économies d’échelle et d’économies de localisation, une entreprise peut choisir de s’internationaliser. Exemple : Depuis 2009, Dell a choisi de ne plus fabriquer d’ordinateurs dans son usine de Limerick en Irlande et a transféré toute la production pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient dans son usine polonaise située à Lodz afin de profiter de coûts salariaux plus avantageux. Diversifier les risques. L’internationalisation représente un facteur de risque mais aussi un moyen de le gérer. En étant présente sur plusieurs marchés, l’entreprise peut réduire l’impact des conjonctures locales, gérer au mieux les variations du taux de change ou encore développer une flexibilité proprement stratégique en fonction du mode de présence choisi et ainsi, pouvoir se retirer des marchés. Exemple : Afin de s’insérer dans l’économie mondiale, la plus grande entreprise russe majoritairement publique, Gazprom, s’internationalise à travers une diversification de ses marchés d’exportation en prenant pied aux États-Unis et en Asie, tout en consolidant ses positions dans l’Union européenne, qui reste le premier de ses débouchés. Renforcer la position globale de l’entreprise. La concurrence sur le marché domestique est souvent à l’origine de l’internationalisation et incite les entreprises à disposer d’une présence internationale plus forte que leurs concurrents afin d’avoir des zones de représailles possibles. Exemple : Afin de faire face à la concurrence française et internationale (Wal-Mart ou Tesco) et de contourner la législation qui limite le développement en France, Carrefour a débuté, dès les années 1960, une politique d’internationalisation et est devenu le numéro 2 mondial avec une présence dans plus de 30 pays. Cependant, aujourd’hui, Carrefour cherche à renforcer ses positions sur un plus petit nombre de pays comme l’Espagne, l’Italie et la Belgique et, bien sûr, la France qui représente son principal marché. 2. Les stratÉgies internationales Deux facteurs permettent de distinguer quatre stratégies internationales. Degré d’intégration ou de coordination globale. Les entreprises peuvent obtenir des avantages spécifiques en coordonnant l’ensemble de leurs activités situées dans différents pays. Tous les facteurs cités dans le paragraphe précédent comme les économies d’échelle ou l’existence de consommateurs multinationaux permettent d’obtenir ces avantages. Degré d’adaptation aux conditions locales. À l’inverse, de nombreux facteurs conduisent les entreprises à adapter leur offre aux conditions particulières des pays dans lesquels elles sont implantées. Exemple : La différence du taux de TVA sur les automobiles entre la France et l’Allemagne entraîne l’existence d’un marché parallèle qui nuit aux concessionnaires français frontaliers, quelle que soit la marque de voitures vendues. Les quatre stratégies internationales Élevé
Stratégie globale
Stratégie transnationale
Faible
Stratégie internationale
Stratégie multi-domestique
Faible
Fort
Degré d’intégration ou de coordination globale
Source : adapté de Goshal, S. et Nohria, N. (1993 : 27)
Degré d’adaptation aux conditions locales
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Fiche 15 • Les stratégies d’internationalisation
a) Stratégie internationale Cette stratégie qui consiste à exporter les produits, voire la production, est efficace quand l’entreprise possède un avantage concurrentiel sur ses concurrents locaux et quand les produits qu’elle exporte ne nécessitent pas une adaptation forte à la demande locale. Cette stratégie ne permet pas de réaliser d’économies d’échelle. Exemple : L’échec début 2000 de Mark&Spenser dans son expansion internationale est notamment dû à sa non-adaptation aux goûts différents des consommateurs outre-Manche. b) Stratégie multidomestique Cette stratégie consiste à adapter les produits et services à la demande locale. Elle entraîne une forte dispersion des activités de la chaîne de valeur, même si quelques activités restent concentrées comme la finance. Cette stratégie n’est pas adaptée quand le prix constitue un avantage concurrentiel. Exemple : Si le groupe Unilever cherche à s’adapter à la demande locale, cela tend parfois à la sur-adaptation. En Chine et à Hong-Kong, de nombreuses formules de shampoing ont été proposées alors que les types de cheveux et les usages étaient pratiquement identiques. Comme le reconnaît S. Clift, directeur marketing, « nous avons eu tendance à exagérer la complexité ». c) Stratégie globale Cette stratégie repose sur une forte concentration géographique et une intégration globale des activités qui conduit à proposer des produits et services standardisés. Cette stratégie permet de réaliser des économies d’échelle et de localisation car les adaptations aux spécificités locales sont faibles. Elle a pour devise : « le monde est notre marché » (ex. : le groupe Arcelor-Mittal dans l’acier ou Boeing dans l’aéronautique). d) Stratégie transnationale Cette stratégie consiste à concilier deux paradoxes : l’efficience globale à travers une forte intégration des activités et donc une recherche d’économies d’échelle et une forte adaptation des produits et services à la demande locale. Cette stratégie entraîne cependant des problèmes au niveau de l’organisation. Exemple : Parmi les vingt marques que possède le groupe Seb, six sont distribuées mondialement comme Tefal, Moulinex, Rowenta ou encore Krups. Les autres marques sont destinées au marché national, comme Regal pour l’Amérique du Nord ou Panex pour l’Amérique du Sud, voire plurirégional comme Seb pour la France et la Belgique. 3. Les modalitÉs d’internationalisation Confrontées à l’incertitude, les entreprises ont tendance à d’abord choisir les marchés plus proches en termes culturel et économique puis à mesure de l’expérience accumulée, à conquérir des marchés plus éloignés. Deux critères permettent de distinguer le mode de présence à l’étranger d’une entreprise : le degré de contrôle et le niveau d’investissement. Selon les pays, le mode présence n’est pas forcément identique. a) Exportation Elle peut être réalisée soit directement, soit par un intermédiaire ou un négociant international qui achète et revend les produits dans le pays étranger choisi. Exemple : En 2007, environ un tiers de la production vinicole française était exporté vers l’Union européenne (68 % des volumes commercialisés hors de France) et les États-Unis. 60
Fiche 15 • Les stratégies d’internationalisation
b) Vente internationale L’entreprise peut installer une filiale commerciale ou développer une franchise dans laquelle un franchiseur propriétaire d’un nom, d’une enseigne, d’un savoir-faire autorise un franchisé à l’exploiter moyennant rémunération. Exemple : La chaîne américaine de restaurants Subway, avec plus de 30 000 restaurants dans 87 pays, arrive en tête du classement mondial « Franchise 500 » réalisé par le magazine américain L’Entrepreneur en 2009. c) Production internationale L’entreprise peut décider d’installer des filiales à 100 % ou des succursales dont l’objectif est d’assurer la production. Exemple : En 2010, Renault va ouvrir une nouvelle usine au Maroc, près de Tanger. Avec des coûts de main-d’œuvre équivalents à ceux de la Roumanie (huit fois moins élevés qu’en France), les véhicules produits seront des dérivés de la Logan ainsi que de petits utilitaires Nissan. d) Multinationalisation, mondialisation La multinationalisation peut prendre la forme d’alliances avec des partenaires étrangers, de joint-ventures (v. fiche 18) et entraîne une division internationale du travail. Exemple : En 2007, la joint-venture General Electric-Hitachi Nuclear Energy, détenue à 60 % par GE et 40 % par le groupe Hitachi, Ltd, a été créée. Dirigée actuellement par GE, cette joint-venture internationale a pour objectif de regrouper leurs activités nucléaires afin d’être compétitive à l’égard des nouveaux projets de réacteurs à l’échelle mondiale. Nivea : à la conquête du monde Appartenant au groupe allemand Beiersdorf, Nivea dont le nom se comprend dans toutes les langues, détient 4,7 % de part de marché mondial en 2008. Créé en 1911, Nivea a commencé sa carrière internationale dès 1912 en Angleterre et en Autriche. En 1932, la marque possède quatorze filiales dans le monde dont la Belgique, le Portugal, la Chine, la Grande-Bretagne, la Suède et la France. Dans les années 1980, la marque est présente dans 94 pays. Tous les ans, 1,4 milliard de tubes, pots, flacons ou boîtes sort des onze usines du groupe à destination de 180 pays. En 2008, les ventes de Nivea ont augmenté de 10 %, pour dépasser 3,7 milliards d’euros. Si 72 % de son chiffre d’affaires est aujourd’hui réalisé en Europe, l’accent est mis sur la croissance en Chine, en Russie et au Brésil. La communication gérée par les agences TBWA et FCB s’adapte aux particularismes locaux tout en respectant les incontournables : la peau, le bleu, le blanc et des « vraies gens ». Seule entorse au refus de l’uniformisation, le slogan « Nivea prend soin de votre peau, de votre beauté et de vous » est, depuis 1999, le même dans tous les pays. Autre particularité de Nivea, la marque est considérée par les consommateurs comme une marque « nationale » dans chacun de ses marchés.
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La croissance interne
Points clefs Mode de développement naturel, la croissance interne ou organique correspond à l’émergence de capacités nouvelles au sein de l’entreprise. Elle résulte de la combinaison de moyens productifs, qu’ils soient préexistants dans l’entreprise ou achetés sur les marchés ( du travail, des biens d’équipement ou de la technologie, etc.)
1. Les motivations de la croissance interne Pour la plupart des entreprises, la croissance interne constitue la principale modalité de développement. En effet, ce choix apparaît comme naturel dans certaines situations de marché, du fait des avantages qui lui sont propres. a) Champs de la croissance interne Les entreprises vont privilégier la croissance interne dans les situations suivantes. Répondre à la demande du marché. Dans le cas où la croissance du marché permet de satisfaire les objectifs de tous les concurrents du secteur, la création de nouvelles unités de production et ainsi, une augmentation de la capacité de production, constituent une voie naturelle de développement pour les entreprises. Exemple : Face à la croissance continue de la consommation mondiale de viande, Adisseo, l’un des leaders mondiaux dans les additifs pour la nutrition animale, a décidé d’augmenter ses capacités de production de méthionine, un acide aminé destiné à l’alimentation des volailles. En attendant la construction d’une usine d’une capacité de 70 000 tonnes prévue en Chine en 2011, l’entreprise investit actuellement 20 millions d’euros pour augmenter de 25 000 tonnes la production de ses usines situées en France et en Espagne. Préempter un marché. Lorsqu’une entreprise souhaite introduire une innovation radicale, elle préfère généralement s’appuyer sur sa capacité d’innovation et une R&D interne qui lui permet de garantir la confidentialité de son innovation et d’être pionnier sur un marché (v. fiche 29). Exemple : Premier constructeur automobile à développer et à commercialiser un véhicule à motorisation hybride essence-électrique, Toyota possède une longueur d’avance sur la concurrence. Au premier semestre 2009, les voitures de la gamme Prius se sont vendues à 51 410 unités au Japon, contre 36 457 pour le principal concurrent Honda. Développer une niche. Dans les entreprises qui se focalisent sur une niche de marché, le développement de capacités spécifiques destinées à suivre au plus près les exigences de la clientèle est crucial et favorise ainsi une croissance interne. Exemple : Pour pouvoir livrer le bon modèle, le plus rapidement possible, Zappos, le leader de la vente de chaussures sur Internet, a développé son propre système logistique. En outre, pour assurer la fidélisation des clients, le centre d’appels téléphonique qui fonctionne toute l’année, 24 heures sur 24, est entièrement internalisé. b) Avantages de la croissance interne La croissance interne présente plusieurs avantages. Maîtriser le développement. La croissance interne permet aux entreprises de maîtriser 100 % du développement de leurs capacités et de leur renouvellement. Elles conservent donc 62
Fiche 16 • La croissance interne
un contrôle exclusif sur la technologie à développer, les marchés à pénétrer mais aussi l’intégralité des bénéfices, contrairement aux fusions et acquisitions (v. fiche 17) ou aux alliances (v. fiche 18). Exemple : Pour l’Iphone, Apple a fait le choix de s’appuyer sur ses ressources et compétences et développer en interne, pendant plus de deux ans et demi, ce nouveau type de smartphone. En plus de la création de son propre système d’exploitation, l’entreprise a déposé plus de 200 brevets afin de protéger les diverses technologies supportant les fonctionnalités spécifiques de l’Iphone. Pour le quatrième trimestre de son exercice fiscal en 2009, Apple a annoncé un chiffre d’affaires de 9,87 milliards de dollars (7,9 milliards en 2008) et des bénéfices et une marge brute en hausse grâce aux ventes de l’Iphone. Bénéficier de l’apprentissage organisationnel. Dans le cours de l’activité, des compétences collectives peuvent émerger d’un processus d’apprentissage organisationnel. Ces pratiques peuvent ensuite être diffusées au sein de l’entreprise et du fait de l’ambiguïté causale, sont plus difficiles à imiter par les concurrents. De fait, cela lui permet de préserver son avantage concurrentiel dans le temps. Exemple : L’entreprise 3M a développé une compétence organisationnelle en matière de gestion de l’innovation. Le dispositif mis en place permet notamment aux chercheurs de consacrer 15 % de leur temps à des projets personnels et à l’entreprise de conserver son avance technologique. Contourner les contraintes juridiques, réglementaires et économiques. Dans certains contextes, la croissance externe ne peut être choisie comme mode de développement en raison des lois antitrust pour éviter les situations de monopole par exemple ou encore, faute de cibles potentielles à acquérir. Ainsi, la croissance interne peut être un mode de développement privilégié afin de contourner ces contraintes de différentes natures. Exemple : Pour accroître son pouvoir de marché, le groupe de distribution français Les Mousquetaires qui détient notamment l’enseigne Intermarché ne peut se développer qu’à travers un mode de développement de croissance interne. En effet, la Société Civile des Mousquetaires (SCM) est détenue par 3 000 chefs d’entreprise indépendants qui sont aux commandes de milliers de points de vente. La structure juridique du groupe ne permet pas de réaliser une croissance externe qui nécessiterait l’accord de tous les adhérents. Étaler les investissements. De par son caractère incrémental, la croissance interne induit un étalement des dépenses liées aux investissements. Cela permet aux entreprises disposant de moyens limités de croître sans remettre en cause leur équilibre financier et leur indépendance. Exemple : Entreprise familiale depuis 1829, Jacques Bollinger a doublé son volume de ventes depuis les années 1990, atteignant 2,5 millions de bouteilles de champagne en 2007 et un chiffre d’affaires de 66 millions d’euros en 2008. L’entreprise prévoit de poursuivre son développement de 2 % par an jusqu’en 2015 en s’appuyant sur la croissance interne et des contrats d’approvisionnement auprès de vignerons. Motiver le personnel. En offrant des perspectives d’évolution de carrière, la croissance interne permet de créer un climat social motivant pour les salariés. Exemple : Bien que le bénéfice annuel de l’entreprise ait chuté en 2008 de 36 % par rapport à 2007, le groupe japonais Canon a décidé de maintenir ses effectifs et ses unités de production, pour intensifier son développement dans la robotique, l’imagerie médicale et le son. 2. Les limites de la croissance interne La disponibilité des moyens productifs sur un marché (du travail, des biens d’équipement, de la technologie, etc.) peut s’avérer insuffisante dans certaines situations de développement. Par ailleurs, la croissance interne connaît certaines limites.
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Fiche 16 • La croissance interne
a) Inefficacité de la croissance interne La croissance interne peut se révéler inappropriée dans les situations suivantes. Maturité du secteur. Sur un marché arrivé à maturité, la mise en place de nouvelles capacités de production est de nature à générer un affrontement commercial entre les concurrents. En effet, si une entreprise veut accroître son pouvoir de marché, les parts de marché supplémentaires doivent être prises chez les concurrents. Il est alors préférable dans ce cas de se développer par acquisition d’entreprises existantes. Exemple : Free a longtemps privilégié un développement interne à travers le déploiement d’infrastructures réseau et d’innovations. Confronté au ralentissement du marché de l’Internet haut débit, l’opérateur a déboursé 800 millions d’euros pour racheter Alice et ses 940 000 abonnés en 2008. Besoin de ressources critiques. Si l’entreprise n’est pas en mesure de développer certaines ressources et compétences en interne dont elle a besoin pour le développement de son activité, le recours à la croissance externe est obligatoire afin d’assurer sa survie. Exemple : Devant le succès mitigé de ses solutions Internet, l’éditeur informatique Microsoft s’est mis en quête de nouvelles compétences. Dans l’espoir de mettre la main sur les technologies de « del.icio.us » ou « flickr », Microsoft a fait, en février 2008, une offre de 44,6 milliards de dollars pour Yahoo !. b) Inconvénients de la croissance interne La croissance interne présente plusieurs inconvénients. Vulnérabilité à la conjoncture. Dans le cas où une entreprise souhaite accentuer son positionnement, par recours à la croissance interne, et à la spécialisation, cela peut l’exposer aux aléas de la conjoncture sectorielle. Exemple : Kindy, une PME de 400 salariés, qui fabrique des chaussettes pour la grande distribution, a rencontré des difficultés avec l’apparition des marques de distributeurs, puis avec la fin des quotas textiles. En 2005, l’entreprise a délocalisé sa production (Maroc, Turquie et Portugal) et fermé son usine de Moreuil (Somme). Délais et coûts de développement supérieurs. L’une de principales limites de la croissance interne concerne le temps nécessaire pour acquérir le savoir-faire, mettre des unités de production en service et former le personnel. Ces délais peuvent être beaucoup plus longs, au regard notamment de la dynamique de la concurrence et par rapport au mode de croissance externe. De plus, si les investissements peuvent être étalés dans le temps, les coûts de développement sont néanmoins tous supportés par l’entreprise et ne peuvent être partagés avec un partenaire extérieur, que ce soit pour la conquête de nouveaux marchés géographiques ou produits. Myopie stratégique. Si le projet initial peut être en phase avec la stratégie de l’entreprise et le contexte concurrentiel, l’entreprise peut, à force de privilégier ce mode de développement, ne plus être capable de se remettre en question, de développer de nouvelles capacités et au final, devenir inadaptée à l’évolution de l’environnement. Exemple : À partir des années 1920, l’entreprise Keuffel&Esser a commencé à produire les premières machines à calculer, un outil très basique qui peinait à effectuer des racines carrées et des calculs à exposants. Spécialisé sur les slide rules et leader, Keufel&Esser réalise alors des profits considérables. Cependant, l’entreprise n’a pas su développer de nouvelles capacités et prévoir l’avènement de la calculatrice électronique introduite par Texas en 1972. Ainsi, à la fin des années 1970, un manager de l’entreprise reconnut : « Si nous vendons maintenant 200 règles de calcul par an, c’est un maximum. »
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Fiche 16 • La croissance interne
Lafarge : un géant dans le ciment Le développement démographique et économique des pays émergents suscite des besoins croissants en infrastructures, immeubles de bureaux et logements. Lafarge, leader mondial dans le secteur de matériaux de construction (ciment, plâtre, béton et granulats) a décidé de s’appuyer sur la croissance interne du groupe pour tirer partie de ces opportunités. En réponse à la demande en ciment, qui augmente chaque année de 100 millions de tonnes dans le monde, le groupe envisage une capacité de production supplémentaire de 40 millions de tonnes pour 2010. La construction d’unités de production par le groupe permet d’avoir la mainmise sur les paramètres du projet (implantation, technologie, calendrier), et sur le recrutement. À cet égard, des usines-écoles forment depuis 2007 les nouveaux embauchés auxquels sont inculquées les compétences industrielles nécessaires à leur métier, mais aussi la culture de productivité du groupe Lafarge. Les jeunes diplômés bénéficient de perspectives de promotion liées à la croissance, mais aussi à la structure particulière du groupe composé d’une multitude de petites unités opérationnelles, qui représentent autant de postes à responsabilité potentiels. Les multiples implantations dans le monde sont également sources d’apprentissage organisationnel pour l’ensemble du groupe Lafarge. En Chine, une cellule de passation de marchés avec les fournisseurs chinois a été créée à Pékin, offrant une capacité de négociation accrue, des délais de livraison réduits et des temps de construction raccourcis. Fort de cette réussite, le groupe a déjà étendu cette pratique à d’autres pays. Dans la même veine, des matériaux nouveaux sont découverts constamment dans les différentes filiales du groupe. Des équipes japonaises ont ainsi mis au point un ciment sans poussière. Cette innovation radicale est maintenant commercialisée en France sous le nom de Sensium®.
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Les fusions-acquisitions
Points clefs Les fusions-acquisitions sont des opérations de croissance externe. Elles consistent, outre les implications financières, en la prise de contrôle par l’entreprise de capacités déjà existantes au sein d’une autre entreprise (savoir-faire technologique ou managérial, marque, etc.). En dépit d’avantages en matière de pouvoir de marché, de réduction de coûts et d’accès à des actifs complémentaires, les fusions-acquisitions restent des opérations risquées, aux synergies difficiles à mettre en œuvre.
1. Le choix des fusions-acquisitions Les fusions sont définies comme le rapprochement et la combinaison de deux entreprises sur une base de relative égalité. Les acquisitions sont, elles, définies comme le rachat d’une entreprise par une autre. Les opérations de fusions-acquisitions ont subi, en 2009, un ralentissement lié à la crise financière, avec une baisse au niveau mondial de 47 % en valeur par rapport à l’année précédente. Cette situation conjoncturelle ne doit pas occulter l’intérêt de ce mode de développement. En effet, ces dernières ont représenté, pour la seule Europe, plus de 251 milliards de dollars et 2 348 opérations sur les neuf premiers mois de 2009. a) Champs des fusions-acquisitions Les entreprises peuvent privilégier la croissance externe et ce, à travers des opérations de fusion-acquisition, dans les quatre modes de croissance décrits par Ansoff. Augmenter sa présence sur un marché. Lorsqu’un marché arrive à maturité, les parts de marché sont relativement inertes, les fusions-acquisitions constituent donc une alternative à la croissance interne. Exemple : Conclu le 9 décembre 2004, le rachat de la division « ordinateurs personnels » d’IBM par le chinois Lenovo lui a permis de quintupler sa part de marché, devenant ainsi le troisième acteur mondial du secteur. Se doter de nouveaux produits. Le développement d’une nouvelle offre peut être accéléré par le rapprochement d’une entreprise à la gamme différente. Exemple : Le premier groupe pharmaceutique mondial Pfizer a annoncé en janvier 2009 l’acquisition de son compatriote américain Wyeth pour 68 milliards de dollars. Cette acquisition lui permet de diversifier son portefeuille d’activités et d’accéder à un catalogue de vaccins et de médicaments injectables, considérés comme mieux protégés de la concurrence des génériques que les médicaments traditionnels présentés sous forme de pilules ou gélules. En effet, son principal blockbuster, l’anticholestérol Lipitor, tombera dans le domaine public en 2011. S’internationaliser. L’entrée dans une nouvelle zone géographique peut être facilitée par le rachat d’une entreprise locale qui bénéficie déjà d’une clientèle, d’un réseau de fournisseurs, d’accès à la main-d’œuvre, et de relations avec l’administration. Exemple : En achetant pour 80 millions d’Euros Maktoob.com, portail Internet basé en Jordanie, Yahoo ! capte, en 2009, un tiers des recherches réalisées en arabe. Se diversifier. Les ressources nécessaires au développement d’une nouvelle activité peuvent être difficiles à construire en interne, la migration vers un nouveau secteur passe ainsi souvent par la croissance externe. Exemple : Le rachat fin 2008 de son compatriote E-Ten a permis 66
Fiche 17 • Les fusions-acquisitions
au Taïwanais Acer, troisième constructeur mondial de PC, de prendre pied sur le marché des Smartphones. b) Avantages des fusions-acquisitions Les fusions-acquisitions présentent quatre principaux avantages. Augmenter son pouvoir de marché. L’accès à une taille supérieure permet d’augmenter le pouvoir de négociation vis-à-vis des clients, distributeurs et des fournisseurs. Exemple : La fusion de GDF avec Suez en 2008 a permis de constituer le 1er réseau de transport et de distribution de gaz en Europe. La taille du nouvel ensemble, qui peut aussi bien acheminer du gaz par pipeline que du gaz naturel liquéfié, lui assure un pouvoir de négociation accru vis-à-vis de ses fournisseurs comme Gazprom, Sonatrach ou StatoilHydro. Accéder à des ressources complémentaires. La croissance externe permet à l’entreprise de se doter rapidement d’actifs qui lui manquent, souvent longs à développer en interne, tels une technologie, un réseau de distribution ou une marque. Exemple : Afin de rattraper son retard technologique sur Google, Microsoft a acheté en 2008 l’entreprise norvégienne Fast Search&Transfer, spécialisée dans les moteurs de recherche, pour un montant de 1,191 milliard de dollars. En outre, des synergies peuvent naître de la combinaison de certaines ressources de la cible et de l’acquéreur. Saisir une opportunité de marché. Dans le cas d’une entreprise cotée, la perception du marché peut temporairement entraîner sa sous-évaluation au regard de sa valeur réelle. Lorsqu’il estime une cible sous-valorisée, l’acquéreur peut lancer une Offre publique d’achat (OPA). Exemple : Le 1er février 2008, Microsoft a lancé une OPA sur le capital de Yahoo ! cotée au Nasdaq. L’offre s’élevait à 31 dollars par action, alors que Yahoo ! cotait 20 dollars la veille. À la suite de cette annonce, le cours de l’action Yahoo ! est passé à 29 dollars rendant l’opération peu intéressante pour les actionnaires de la cible qui ont décliné l’offre. Lorsque le différentiel de valorisation boursière est plus favorable à l’acquéreur qu’à la cible, il est intéressant de payer l’acquisition par échange de titres dans le cadre d’une Offre publique d’échange (OPE). Exemple : En août 2009, Google, dont la capitalisation boursière a été multipliée par cinq depuis son introduction en bourse en 2004, a déposé une OPE sur On2, entreprise spécialisée dans la compression vidéo, dont le titre était passé de 35 dollars fin 1999 à 40 cents au moment de l’offre. Réduire les coûts de fonctionnement. Le regroupement d’activités identiques permet de générer des économies d’échelle en rationalisant les actifs au sein d’une même unité de production. Exemple : En 2009, le rapprochement entre la branche « composants électroniques mobiles » de STMicroelectronics et d’Ericsson Mobile Platform a donné naissance à ST-Ericsson. Le nouvel ensemble compte améliorer son retour sur investissement en R&D, activité qui mobilise 85 % de son effectif. Des activités différentes peuvent partager des actifs à un coût marginal, générant des économies de champ. Exemple : Dans le cadre de son rachat par Amazon en 2009 pour 850 millions de dollars, Zappos, leader américain de la vente de chaussures en ligne, va bénéficier des infrastructures technologiques et logistiques du géant du commerce en ligne. 2. Les obstacles aux fusions-acquisitions Les études menées sur la performance des entreprises impliquées dans des fusions-acquisitions montrent que la majorité des opérations sont des échecs en raison de gains attendus non atteints. Les stratégies de croissance externe peuvent se heurter à des obstacles en amont et en aval de l’opération. 67
Fiche 17 • Les fusions-acquisitions
a) Les obstacles avant la fusion-acquisition Les conditions dans lesquelles la fusion-acquisition est initiée peuvent déterminer dans une large mesure son issue. Contraintes légales. Les fusions-acquisitions peuvent être soumises à l’approbation des autorités de régulation de la concurrence. Si la Commission européenne ne s’est que rarement opposée à des opérations (Péchiney-Alcan en 2000), la plupart des cas soumis sont acceptés sous conditions. Exemple : En juillet 2009, la Commission européenne a autorisé l’acquisition dans la pharmacie de Wyeth par Pfizer, à condition de céder certaines activités dans les produits vétérinaires. L’opération doit également recueillir l’approbation des autorités de régulation américaines. Mauvaise évaluation de la cible. Les acquéreurs sont souvent trop optimistes lorsqu’ils évaluent les gains potentiels d’un regroupement. Exemple : Avec le rachat de AOL en 2001 pour 165 milliards de dollars, Time Warner avait pour ambition de réaliser des synergies entre les produits fournis par les médias traditionnels et les possibilités offertes par Internet. Or, celles-ci se sont révélées illusoires. Après avoir cumulé plus de 100 milliards de pertes, AOLTime Warner s’apprêtait fin 2009 à redonner son indépendance à sa filiale. b) Les obstacles après la fusion-acquisition Les études menées sur la performance boursière des fusions-acquisitions soulignent qu’il n’existe pas de création de valeur pour l’entreprise acheteuse à court terme et seule la cible voit une augmentation de la valeur de son action de 25 %. Exemple : Lors de la fusion en 2001 entre Hewlett-Packard et Compaq, afin de devenir leader dans l’informatique, la valeur de l’action de ces deux entreprises a chuté dans les deux jours suivant l’annonce de la fusion et une perte de 13 millions de dollars en termes de capitalisation, a été estimée. Au plus long terme, le management du processus d’intégration engage trois grands types d’enjeux. Prévoir et se préparer. La réalisation des synergies implique de préparer et cadrer le processus de création de valeur. Exemple : Dans le cadre de la fusion Air France-KLM, 70 groupes de travail franco-néerlandais, représentant les 1 000 principaux cadres du nouvel ensemble, ont élaboré des solutions pour identifier les synergies à mettre en œuvre. Clarifier et rassurer. Des phénomènes de désorganisation interne accompagnent nécessairement toute fusion. Exemple : La fusion des Assedic et de l’ANPE, le 1er janvier 2009, a donné naissance au pôle Emploi. La mise en place des 300 sites mixtes réunissant les personnels de l’ex-ANPE et des ex-Assedic a entraîné des dysfonctionnements d’ordre managérial et matériel (23 bureaux disponibles pour 30 salariés en moyenne nationale, selon la CFDT). L’incertitude liée à la redistribution des rôles provoque généralement une inquiétude chez les salariés qui peut entraîner des conflits sociaux. Exemple : Une étude du ministère du Travail canadien publiée en 2008 montre que, sur la période 2000-2007, les fusions-acquisitions ont constitué la principale cause de jours non travaillés en raison d’un arrêt du travail. S’accorder. Le sentiment d’appartenance à des cultures d’entreprise et nationales distinctes est source de division, voire d’affrontement entre les deux parties. Exemple : Le 1er décembre 2006, suite à la fusion entre le Français Alcatel et l’Américain Lucent, le nouveau groupe de télécommunication Alcatel-Lucent est resté divisé en deux parties distinctes. En 2008, les responsabilités au conseil d’administration étaient encore réparties entre six ex-Alcatel et six exLucent, défendant chacun les intérêts de leur camp. Parallèlement, l’une des raisons menant à l’échec de la fusion entre HP et Compaq concerne leur incompatibilité au niveau culturel. La 68
Fiche 17 • Les fusions-acquisitions
culture d’HP est largement basée sur l’ingénierie et le compromis alors que Compaq possède une culture plus orientée vers des valeurs commerciales. Imperial Tobacco : OPA sur Altadis En janvier 2008, le Franco-Espagnol Altadis accepte l’OPA du Britannique Imperial Tobacco au prix unitaire de 50 euros l’action, valorisant Altadis à 12,8 milliards d’euros. Bruxelles avait approuvé ce rachat en octobre 2007, à condition que certaines marques de tabac à rouler, de tabac pour pipe et de cigares soient cédées dans certains pays. Le nouvel ensemble constitue le numéro un européen, ainsi que le numéro quatre mondial du tabac, avec des marques comme Gitanes, Gauloises, Fortuna, Ducados, Davidoff, ou encore Peter Stuyvesant et le papier Rizla. Grâce à Altadis, Imperial Tobacco devient leader mondial du cigare avec des marques prestigieuses comme Montecristo, Cohiba, Partagas et Romeo&Julieta. Cette acquisition permet à Imperial Tobacco d’améliorer ses positions dans de nombreux pays européens, mais aussi de s’internationaliser en Italie, en Finlande, au Maroc, en Russie et en Pologne. Sur un marché occidental en déclin, marqué par un durcissement de la législation antitabac, le nouveau groupe cherche à réaliser des économies. Cette stratégie suppose une réduction du nombre de sites. Sur les 58 usines européennes, 6 usines doivent fermer. Ce plan de restructuration permettra de dégager 300 millions d’économies par an d’ici 2010, puis 400 millions à partir de 2012, pour un coût de 600 millions d’euros environ. En outre, avec la société Logista, filiale de distribution et de logistique d’Altadis, Imperial Tobacco se diversifie dans la distribution de médicaments, de colis postaux ou de produits de papeterie. La préparation du projet de fusion donne lieu à des consultations et des communications auprès de comités locaux dans les différents sièges géographiques. Les activités cigarettes d’Altadis sont intégrées dans celles d’Imperial Tobbaco, alors que l’inverse est mis en œuvre pour les cigares.
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Les alliances stratégiques
Points clefs Depuis le début des années 1980, les entreprises ont de plus en plus recours aux alliances stratégiques. Si les alliances représentent une forme légère de coopération par rapport aux fusions et acquisitions, elles impliquent néanmoins des comportements de coopération et de compétition pouvant conduire leur échec.
1. Une typologie des alliances stratÉgiques Une alliance stratégique est créée quand deux ou plusieurs organisations indépendantes coopèrent dans le cadre d’un projet de recherche, développement, production ou vente de produits ou services. Afin de définir plus précisément les alliances, une classification structurelle des alliances est proposée. a) Alliance avec prise de participation Les alliances avec prise de participation désignent des alliances dans lesquelles les organisations assortissent leur coopération d’un investissement en capital, qu’il soit unilatéral ou multilatéral (croisé). Exemple : En octobre 2008, les Aéroports De Paris (ADP) ont signé un accord de coopération industrielle à long terme avec le gestionnaire de l’aéroport d’Amsterdam. L’alliance s’est accompagnée d’une prise de participation croisée. ADP a ainsi pris 8 % du capital de Schiphol Group à travers une augmentation de capital représentant un investissement de 370 millions d’euros. De son côté, le groupe néerlandais a procédé à la même manœuvre à hauteur de 530 millions d’euros. Schiphol Group et ADP ont identifié des synergies combinées de revenus et de coûts d’environ 71 millions d’euros par an d’ici à 2013 et prévoient de réduire leurs dépenses d’investissement de 18 millions d’euros par an en moyenne à partir de 2013. b) Alliance purement contractuelle Dans ce type d’alliance, les entreprises acceptent de travailler ensemble pour le développement, la production ou la vente de produit ou service, en adoptant un mode de coordination excluant les prises de participation. Le contrat constitue donc l’unique outil de rapprochement. Exemple : En décembre 2008, Sanofi-Aventis a obtenu une licence exclusive mondiale avec Novozymes pour le développement, l’enregistrement et la commercialisation d’un nouvel antibiotique. c) Joint-venture Dans le cas d’une joint-venture (ou coentreprise), les organisations alliées décident de créer une structure indépendante dans laquelle toutes investissent en ressources humaines, financières et intellectuelles. Les profits générés par cette entreprise indépendante sont ensuite distribués entre les partenaires parents selon leurs investissements (ou apports). Exemple : Plus d’un an après l’entrée de l’assureur Groupama au capital de l’éditeur de progiciels lyonnais Cegid, les deux sociétés ont décidé de créer une joint-venture commune en novembre 2008. Dénommée JV Comptanoo, cette entité a pour principal objectif de développer 70
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des services Internet destinés aux dirigeants de TPE/PME et à leurs conseils, experts comptables, avocats et notaires. 2. Les motivations pour nouer une alliance Les alliances permettent de créer de la valeur pour une entreprise de différentes manières. a) Faciliter l’entrée sur un marché Pénétrer de nouveaux marchés géographiques. Ce mode de croissance externe est très utilisé pour l’expansion internationale d’une entreprise, un partenaire apportant le produit ou le service, l’autre la connaissance et la maîtrise du réseau de distribution local. Exemple : Michelin s’appuie sur le réseau de distribution d’Appollo Tyre, à travers une joint-venture, pour vendre ses pneus en Inde. Pénétrer de nouveaux secteurs et industries. Exemple : En février 2009, une joint-venture, Prepay Solutions, a été créée par les groupes Accor Services et MasterCard Europe, afin de lancer des cartes prépayées acceptées mondialement. Ces cartes qui servent notamment pour les cadeaux ou les frais professionnels, vont pouvoir être utilisées dans le réseau d’affiliés MasterCard comprenant plus de 28,5 millions de points de distribution dans le monde. Proposer de nouveaux produits par la mise en commun de ressources et de compétences des entreprises. Exemple : Les deux groupes automobiles, PSA Peugeot-Citroën et Mitsubishi Motors Corporation, ont signé des accords permettant de s’appuyer sur l’expertise de chacun. Un premier accord signé en juillet 2005 permet à PSA Peugeot-Citroën de proposer son premier véhicule de type SUV (Peugeot 4007 et Citroën C-Crosser), grâce à la plateforme de Mitsubishi. Depuis la mi-2007, PSA Peugeot-Citroën fournit à Mitsubishi son tout dernier moteur 2,2 l diesel à injection directe et ainsi, permet à Mitsubishi de proposer ce type de motorisation. b) Se protéger de concurrents plus puissants Créer un environnement compétitif plus favorable et rétablir les rapports de force. Exemple : Suite au lancement en 2000 de la carte UGC illimitée qui permet au détenteur de voir autant de films qu’il le souhaite chaque mois pour un montant forfaitaire, Pathé-Gaumont (Europlaces) se sont associés au groupe MK2 afin de proposer leur carte illimitée, le PASS et rétablir ainsi un équilibre dans l’industrie cinématographique française. Toutefois, cet équilibre a de nouveau été rompu car suite à des désaccords, MK2 a décidé de se retirer de cette alliance et de s’associer, depuis 2007, à UGC. Réaliser des économies d’échelle ou atteindre une taille critique uniquement sur les activités concernées par l’alliance. Cela permet de retirer les mêmes avantages que les concentrations sans en subir toutes les contraintes. Exemple : Évoluant dans un marché de plus en plus intégré, Air France, Aeromexico, Delta et Korean, ont créé en 2000, l’alliance SkyTeam qui, aujourd’hui, regroupe 11 membres ainsi que trois membres faisant l’objet d’un programme de coopération renforcé (Air Europa, Copa et Kenya Airways). Avec 19 % de part de marché, la deuxième alliance mondiale permet de développer ou de maintenir, en cas de conjoncture difficile, les dessertes de toutes les destinations du réseau de l’alliance. Dans ce dernier cas, celle-ci fonctionne comme un véritable amortisseur de chocs. Son réseau global s’articule autour des puissants hubs des compagnies membres, comme ceux d’Air France et de KLM à Paris-Charles de Gaulle et à Amsterdam-Schiphol.
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c) Partager les coûts et les risques Projets très coûteux ou risqués, notamment en matière de projets de recherche et développement ou d’innovations fortes. Exemple : Créée en juin 2002 par plus de 200 entreprises de l’industrie de la téléphonie mobile, l’Open Mobile Alliance (OMA) a pour objectif de faciliter l’adoption globale par les utilisateurs des services de données mobiles en assurant l’interopérabilité des services à travers des dispositifs, des prestataires de service, des opérateurs, et des réseaux tout en permettant aux entreprises de se concurrencer par l’innovation et la différenciation. Elle est notamment à l’origine du protocole de communication WAP dont le but est de permettre d’accéder à Internet à l’aide d’un appareil de transmission sans fil. Création d’un standard. Exemple : Lancé en 1982, un nouveau standard, le disque compact, qui a remplacé le vinyle, est né de la collaboration entre Sony Corporation et Philips. En 1980, un « livre orange » a précisé le partage des brevets entre les deux concurrents : à Philips, la conception du CD (sur la base de leur expérience de la technologie du Laserdisc) et des lentilles qui permettent la lecture ; à Sony, la définition du format utilisé pour numériser la musique et la méthode de correction d’erreurs. 3. Les causes d’Échecs des alliances Deux principales raisons peuvent être avancées pour expliquer le taux d’échec important des alliances. a) Opportunisme La première raison tient au détournement de l’alliance par l’un des partenaires qui va se révéler défaillant sur le plan technique (sélection adverse) ou moral (hasard moral). La sélection adverse correspond à l’incapacité de fournir des ressources pourtant promises lors de la création d’une alliance et résulte d’un comportement opportuniste. Dans le cas du hasard moral, l’un des partenaires adopte volontairement une attitude non-coopérative avec pour objectif de satisfaire ses intérêts propres au détriment de son partenaire. Exemple : Pendant près d’une décennie, les joint-ventures conclues entre Wahaha et Danone (par le biais d’une autre joint-venture, Jinjia Investment) sont considérées comme de véritables succès et ont permis au groupe Danone d’être présent en Chine et d’y réaliser plus de 10 % du chiffre d’affaires en 2006. Cependant, de nombreuses tensions sont apparues. Que ce soit Wahaha qui commercialise, de manière illégale à travers ses propres filiales, des produits qui étaient normalement uniquement le fruit des joint-ventures entre Danone et Wahaha ou Danone qui a pris des participations dans des concurrents directs de Wahaha, ces actions ont conduit à une situation difficile entre les deux entreprises et à une surenchère judiciaire et médiatique. En 2009, l’émergence d’une solution amiable s’est dessinée. b) Manque d’adéquation La deuxième raison tient aux difficultés de coordination qui ne sauraient tenir à l’opportunisme mais dérivent d’une inefficacité en raison du manque d’adéquation (fit) ou de compatibilité entre les organisations en présence. Des modes de fonctionnement très différents (organisations publiques et privées) et surtout des différences culturelles très prononcées sont des sources fréquentes d’échec prématuré des alliances. Exemple : En 1994, une coentreprise MCC (Mercedes City Car) est créée entre Swatch Group et le groupe Daimler-Benz qui possède la marque de voiture Mercedes, afin de lancer un nouveau concept automobile, la SMART. Cette coopération n’est cependant pas très équilibrée puisque Daimler-Benz possède 51 % des parts de MCC. De plus, la conception initiale proposée par Nicolas Hayek, président du groupe horloger Swatch, est largement révisée par 72
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Mercedes qui souhaite produire une petite citadine tendance et un peu chère, occultant totalement le côté écologique et le projet de location. Toutefois, si les débuts sont difficiles, la jointventure est parvenue à son équilibre financier après avoir perdu près de 4 milliards d’euros entre 2003 et 2006. Pour contrecarrer ces effets négatifs, les organisations doivent apprendre à tirer parti de la complémentarité des modes de coordination. Si les modes de contrôle formel (ou structurel) de l’alliance permettent de se protéger de l’opportunisme, ils doivent être complétés par des mécanismes relationnels faisant référence à la confiance ou l’implication que consentent les partenaires. Ces deux mécanismes ne sont pas substitutifs mais complémentaires. Sharp et Pioneer : une alliance réussie Le 20 décembre 2007, les deux entreprises concurrentes japonaises du secteur de l’électronique, Sharp et Pioneer, ont finalisé la création d’une vaste alliance stratégique qui combine une coopération technique et la prise de participations croisées. L’alliance prévoyait une augmentation de capital de 41,4 milliards de yens (257 millions d’euros) en émettant 30 millions de nouvelles actions de l’entreprise Pioneer à destination de Sharp, qui deviendrait alors actionnaire majoritaire avec 14,3 % du capital de Pioneer. En retour, Pioneer a acheté 10 millions d’actions Sharp pour un montant de 19,7 milliards de yens (121,52 millions d’euros), ce qui représente 0,9 % de son capital. Cet échange de capitaux a permis aux deux entreprises de mettre en commun leur savoir mais également de partager les investissements. D’un côté, Pioneer trouve un allié de poids dynamique sur le marché des écrans TV dans lequel Sharp est bien positionné grâce à sa technologie LCD, dont il est le pionnier. D’un autre côté, Pioneer apporte ses compétences à Sharp dans le domaine des systèmes de navigation. De nouveaux produits (lecteurs DVD, équipements de réseaux domestiques ou d’imagerie ou d’affichage) ont ainsi rapidement vu le jour afin de continuer à se différencier pour résister sur ces marchés très concurrentiels. Ces deux partenaires ont d’ailleurs créé un joint-venture en 2009 dans le secteur des disques optiques afin de faire face au ralentissement économique et poursuivre leurs efforts de recherche. Enfin, ces deux groupes ont également mis des moyens en commun afin de dégager des économies, en particulier dans leurs achats de composants. Ainsi, pour qu’une alliance puisse réussir, certaines conditions sont à respecter comme la sélection rigoureuse des partenaires, une confiance réciproque, une compatibilité en termes organisationnels, culturels et aussi, une ambition stratégique claire commune.
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L’externalisation
Points clefs L’externalisation désigne le transfert d’une fonction d’une organisation vers un partenaire externe. Si l’externalisation peut permettre de gagner en efficience et en flexibilité, elle peut aussi induire une perte de compétences clés et une forte dépendance de l’organisation qui la met en œuvre.
1. Faire ou faire faire a) Les champs de l’externalisation L’externalisation, outsourcing ou impartition, ne s’oppose pas directement à l’intégration verticale (d’un client ou d’un fournisseur). Si elle peut être définie comme le fait de transférer à un prestataire extérieur une activité autrefois réalisé en interne, l’externalisation ne suppose pas un changement des domaines d’activités stratégiques de l’entreprise. Ainsi, avoir recours à un distributeur, comme Dell qui est passé en 2007 d’une vente directe à des partenariats avec Wal-Mart, ou à des sous traitants, comme Nike pour la fabrication des chaussures, ne peut pas être directement assimilé à de l’externalisation, mais plutôt à de la désintégration verticale. Si l’externalisation s’est d’abord focalisée sur les activités de support à faible valeur ajoutée, elle porte actuellement sur des activités plus stratégiques, à forte valeur ajoutée. Exemple : Le baromètre Outsourcing 2008 d’Ernst&Young précise que 70 % des sociétés européennes y ont recours (63 % en France). Externalisation des activités de support. Au sein de ces entreprises, les principales fonctions externalisées sont les services généraux (76 %), la logistique (73 %), l’informatique et les télécoms (68 %), les ressources humaines (59 %), l’administration et la finance (56 %), puis la vente-marketing-communication (29 %). Au sein des services généraux, on retrouve par exemple l’entretien (55 %), la restauration (51 %), la maintenance (33 %) et la gestion des documents (25 %). Exemple : En 2005, Renault a confié son activité informatique à trois prestataires, pour un montant de 588 millions d’euros. HP a pris en charge la gestion des équipements, CSC, la gestion des réseaux et Atos Origin, le développement des applications. Externalisation des activités stratégiques comme l’innovation. Exemple : Aux États-Unis, 55 % de l’innovation dans les grandes entreprises provient de l’extérieur. Pfizer mandate un incubateur pour héberger et financer des projets de création d’entreprises, dans des domaines de recherche tels que les nouvelles classes de molécules thérapeutiques, les nouvelles techniques d’administration, les technologies destinées à prévoir les effets des médicaments, les nouvelles formulations. Le budget de cet incubateur est de 10 millions de dollars par an et permet l’accueil simultané de 5 à 8 start-ups. Par ailleurs, sur le TGV Lyon-Turin, Altran a permis à Alsthom de réduire les problèmes d’échauffement et d’acoustique que provoque la surpression lorsque le train emprunte le tunnel. Dans le cadre d’un partenariat technologique avec Renault F1, Altran a travaillé sur le châssis, puis sur les moteurs et la sécurité, par exemple en concevant un système permettant au pilote d’éviter le coup du lapin en cas d’accident. b) Les raisons de l’externalisation Réduction des coûts (49 % des opérations selon le baromètre Outsourcing 2008). La mutualisation avec d’autres clients chez le fournisseur permet des économies d’échelle. Exemple : 74
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Pour le directeur financier de Rhenus, société de logistique allemande, « la productivité en Allemagne est très élevée et la qualité des processus vraiment excellente. Si les sociétés envisagent l’externalisation, c’est parce que – idéalement – elles voudraient avoir la même qualité de processus à un moindre coût ». Meilleure qualité (33 %). Le prestataire de services peut disposer de compétences spécifiques pour traiter des problèmes complexes. Exemple : Dans le domaine du verre, le directeur financier d’Essilor déclare simplement : « nous voulions nous centrer sur notre cœur de métier et ne plus faire ce que d’autres pouvaient faire mieux que nous ». Dans les services financiers, l’externalisation a permis un service de meilleure qualité pouvant fonctionner jusqu’à 24 heures/24 au moyen de sites implantés sur des fuseaux horaires différents. Organisation (28 %). Les efforts de coordination d’une activité en interne sont souvent supérieurs aux coûts de transaction avec un sous-traitant. Exemple : En 2008, aucun groupe pharmaceutique, même dans le top 5 mondial, ne dispose d’une organisation capable de suivre toutes les pistes de recherche. Les grands laboratoires externalisent une partie des recherches sur les biotechnologies. Sanofi-Aventis a, par exemple, signé un accord avec Regeneron pour un montant de 560 millions de dollars en 2007. Souplesse (25 %). Externaliser revient à transformer des coûts fixes (personnel, équipement) en coûts variables. L’incertitude est ainsi supportée par le prestataire et permet à la grande entreprise de gagner en flexibilité. Exemple : Le PDG d’Allergan, leader en ophtalmologie, indique : « près de 50 % de nos essais sur les patients sont sous-traités pour gagner en souplesse, si un produit est arrêté, nos équipes ne sont pas mises à la porte ». 2. Les problÈmes posés par l’externalisation a) Les risques de l’externalisation Perte de compétences. Si elle concerne des fonctions clés, comme la R&D, l’externalisation peut entraîner la perte d’expertise et être ainsi irréversible. Exemple : Dans l’automobile, 20 % de la R&D est consacrée à l’électronique embarquée. En externalisant cette fonction, les constructeurs ont perdu leur savoir-faire, au profit de sociétés comme Altran ou Continental. Dépendance vis-à-vis du partenaire. L’abandon de l’autorité hiérarchique pour une gouvernance par le marché ne permet pas d’assurer un contrôle direct et autorise donc des comportements opportunistes du prestataire. Exemple : Les retards prévus pour l’A400M d’Airbus sont en partie dus aux sous-traitants, pour la construction de la cabine, du cockpit et des moteurs. Tension sociale. L’éclatement d’une communauté de travail, la perte du sens du collectif peuvent être des conséquences négatives de l’externalisation. Exemple : En 2007, SFR, avait décidé de transférer 1 877 employés de ses centres d’appels vers deux sous-traitants, par souci de qualité de service. La première conséquence de ce processus a été une grève longue, le délégué syndical CGT déclarant : « on nous traite comme des Kleenex ». Pour le PDG d’une société espagnole de prestation de services, « l’un des défis consiste à savoir comment se comporter vis-à-vis des employés concernés, le problème porte ici sur la façon de gérer la relation avec les employés. Selon nous, il est important de parler ouvertement au personnel dès le début des processus et de le préparer aux changements ». b) La mise en œuvre de l’externalisation Établir un cahier des charges précis. Contrôle, stockage, préparation, étiquetage, distribution, échanges d’informations, délais contractuels, qualité de service, inventaire, pénalités, obligations réciproques, assurances, clause de confidentialité, tout doit être prévu et contrac75
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tualisé dans une opération d’externalisation. Exemple : En 2008, dans l’industrie pharmaceutique, 94 % des tests précliniques sont externalisés. Ils répondent à des objectifs précis comme la toxicologie ou les métabolismes. Aux débuts du phénomène de l’externalisation, les contrats étaient totalement négligés. Le contrat signé par Kodak avec IBM et DEC en 1989, ne comportait que 6 pages. Tester le partenaire. Que l’entreprise fasse un appel d’offres ou utilise son réseau de connaissance, la sélection doit être rigoureuse. Exemple : Chez Airbus, le département qualité effectue un audit du prestataire en examinant sa politique de formation ou son niveau de certification ISO. Dans le cadre du TGV Corée, GEC Alsthom a développé un réseau de partenaires locaux qui ont été homologués par des audits qualité confiés à la société Véritas. Héberger ou non le sous-traitant. Une réflexion doit être menée afin de décider si les prestations être réalisées dans les locaux du donneur d’ordre. Le nombre de contacts nécessaires comme les coûts logistiques doivent permettre de trancher cette question. Exemple : Les ingénieurs de SSII, comme Altran, travaillent souvent dans les locaux de leurs clients. Chez Iris Bus, constructeur d’autocars, autobus et tramway, les prestataires chargés de l’aménagement intérieur sont regroupés dans un bâtiment à quelques centaines de mètres du bâtiment principal. Contrôler l’évolution des projets. L’externalisation doit comprendre des points de jalonnement, l’entreprise devant évaluer la qualité du service rendu. Exemple : Seuls 58 % des contrats d’externalisation conclus ont bénéficié de suivi en 2008. Lorsqu’un contrôle est en place, les sources utilisées proviennent à la fois des informations internes, des données brutes des prestataires et de la vérification interne des statistiques reçues. Aujourd’hui, l’entreprise est à la croisée du modèle d’organisation traditionnel et celui d’une structure fragmentée. L’ère de l’information permet à de nouveaux acteurs d’exploiter les différentes étapes de la chaîne de valeur. Les sociétés ont de plus en plus recours à des spécialistes de chaque segment pour optimiser leur capacité à maintenir leur compétitivité. Les sociétés auront tendance à conserver le contrôle sur leur cœur de métier mais on constate aussi que la confiance croissante placée dans le secteur de l’externalisation mènera à recourir à une gamme toujours plus large de processus.
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L’externalisation de l’eau de PSA à Véolia Environnement Depuis 2003, le groupe PSA s’est associé à Veolia Environnement concernant la prise en charge l’ensemble du cycle de l’eau des trois sites industriels du groupe. Les sites de Sochaux (Peugeot 307 et 607) et Mulhouse (Peugeot 206 et 307) sont les plus importants du groupe. Le site PSA de Vesoul est, quant à lui, le site stratégique en matière de logistique. Ces trois sites industriels sont des installations classées pour la protection de l’environnement, certifiées ISO 14001. PSA projetait de créer une filiale pour l’exploitation et la gestion d’activités liées à la maintenance et aux services techniques généraux : gestion des actifs immobiliers, fluides énergétiques, traitement des eaux et déchets, nettoyage des ateliers et des bureaux. Ce projet répondait à la nécessité pour l’entreprise d’affecter ses ressources en priorité au développement de son plan produit (avec le lancement de 53 modèles entre 2007 et 2010) et de son dispositif industriel tout en optimisant le fonctionnement de ses activités de services. Finalement, PSA a recherché l’appui d’un partenaire, spécialiste dans les métiers de l’outsourcing « multiservices ». Veolia Environnement a proposé un partenariat prenant la forme d’une filiale commune intégrée socialement au groupe PSA. Les activités filialisées représentent un effectif de 1 100 personnes. Ce contrat multimétier comprend la gestion des eaux industrielles et potables, des eaux déminéralisées, l’implantation de tours de refroidissement, de réseaux d’eaux usées, de traitement des eaux usées par voie physico-chimique. Ce contrat pluriannuel permet à PSA de réaliser une économie de 25 %. Il est basé sur des objectifs environnementaux ambitieux, au-delà du simple respect des normes en vigueur.
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Les stratégies d’innovation
Points clefs L’innovation, mise en œuvre d’une découverte, invention, d’un concept ou tout simplement d’une idée, permet de conquérir un marché ou d’améliorer le fonctionnement d’une organisation. La capacité d’une entreprise à se renouveler est une clé de son succès.
En 1976, 33 % du chiffre d’affaires des 500 plus grosses entreprises américaines était réalisé par des produits de moins de cinq ans. En 2008, ce ratio était de 49 %. 1. Les enjeux des diffÉrents types d’innovation a) Produit vs procédé L’innovation produit concerne l’offre qui est commercialisée, en termes de fonctionnalités ou de qualité. Exemple : 3M propose en 2009 une gamme de verres aux fonctions multiples : anti-effraction, anti-éclats, antibruit, filtre à UV, autonettoyant, etc. L’innovation de procédé caractérise la manière dont cette offre est réalisée et distribuée. Exemple : Dans l’industrie du verre, l’innovation de procédé float a été introduite par Pilkington dans les années 1960 (au lieu d’être étiré par des rouleaux puis poli, le verre flotte sur un bain d’étain, ce qui lui permet d’être transparent dès sa solidification). Au sein d’une même industrie, périodes d’innovations de produit et de procédé peuvent se succéder. Exemple : Dans l’industrie automobile, la concurrence du début du xxe siècle était focalisée sur le type de produit (véhicule électrique ou à essence, moteur à l’avant ou à l’arrière, trois ou quatre roues, etc.). Lorsqu’Henry Ford introduisit la Ford T, l’industrie se fixa sur un modèle dominant et la concurrence se déplaça vers l’optimisation de la chaîne d’assemblage. b) Tirée par la technologie vs poussée par le marché L’innovation tirée par la technologie. L’innovation peut découler d’efforts de scientifiques qui, via la R&D, permettent à une organisation de commercialiser de nouvelles offres. Les besoins sont ici bien connus et les facteurs clés de succès d’une politique d’innovation sont d’ordre technique. Exemple : Dans l’industrie pharmaceutique, le LEEM (association des entreprises du médicament) estime que pour qu’un médicament nouveau arrive sur le marché, 10 000 molécules doivent être criblées, 100 molécules confrontées à des tests pré-cliniques, 10 médicaments à des tests cliniques et 4 essayant d’obtenir l’Autorisation de Mise sur le Marché. Ainsi, le coût de développement d’un médicament dépasserait le milliard de dollars. L’innovation poussée par le marché. Dite market pull, elle insiste sur l’importance de l’utilisateur dans le processus d’innovation. Von Hippel a ainsi pu identifier de nombreuses industries (matériel sportif extrême, équipement chirurgical, logiciels, etc.) au sein desquelles ce sont les utilisateurs pilotes (ou lead users) qui introduisent des nouveaux produits (entre 10 % et 38 % des innovations selon les secteurs considérés). Exemple : Dans la communauté des adeptes du canyoning, de nombreuses innovations ont été introduites par les pratiquants, comme un produit chimique permettant de desserrer une corde bloquée dans un piton.
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c) Incrémentale vs radicale Graduelle, modeste, l’innovation incrémentale est associée à risque faible mais à une espérance de retour sur investissement limitée. Exemple : Dans l’informatique, la souris optique, puis la souris laser, plus légère et précise que la souris à boule, furent introduites sur le marché grand public avec succès en 1997 et 2004 par Logitech. À un prix légèrement supérieur aux souris classiques, les consommateurs adoptèrent rapidement ces produits. L’innovation radicale modifie profondément les conditions d’utilisation par les clients et/ ou qu’elle s’accompagne d’un bouleversement technologique. Risques et espérances de gains associés à ce type d’innovation sont importants. Exemple : En 1992, Nokia se sépare de toutes ces activités pour ne conserver que la téléphonie mobile. Après quatre années de pertes, Nokia parvient à démocratiser l’usage du téléphone mobile. Son cours d’action est multiplié par 25 entre 1996 et 2000. Pour être performante, l’entreprise doit être capable de réaliser fréquemment des innovations incrémentales, et de manière ponctuelle des innovations radicales. Exemple : Avec le plan Renault 2009, le groupe a introduit 26 nouveaux modèles en trois ans, la plupart étant des évolutions de véhicules existants (comme les nouvelles Twingo, Clio ou Scenic). De 2011 à 2012, Renault envisage cette fois une stratégie plus risquée, en lançant quatre véhicules électriques à partir des concepts cars Z.E. présentés en 2009 au salon de Franckfort. d) Modulaire vs architecturale Un produit peut être considéré comme un ensemble de sous-systèmes reliés ensemble par une architecture. Exemple : Un ordinateur est ainsi composé de micro-processeurs, cartes audio et vidéo, ou barrettes mémoires reliés à la carte mère. Une innovation modulaire modifie un sous-système sans altérer les liens qui l’unissent aux autres. En ce sens, elle est facile à introduire puisqu’elle ne remet pas en cause les autres modules ou l’architecture du système. Exemple : Michelin commercialise en 1949 le premier pneu à carcasse radiale, qui équipe presque tous les véhicules aujourd’hui. Cette innovation, qui s’adaptait sans difficulté sur les gentes existantes, fit de Michelin le 1er fabricant mondial de pneumatique, avec 20 % de part de marché en 2008. Une innovation architecturale modifie de nombreux modules et/ou les liens qui les unissent. Exemple : En 1996, Michelin commercialise le PAX System, un pneu indéjantable qui permet de rouler même en cas de crevaison. Ce pneu nécessite des gentes avec capteur de pression. Michelin a donc dû convaincre les constructeurs d’intégrer ce nouveau module à certains de leurs modèles, notamment en acceptant de céder une licence d’exploitation de la technologie à ses concurrents (Pirelli et Goodyear). 2. La diffusion de l’innovation a) Les modes de diffusion La vitesse de diffusion varie considérablement d’un produit à une autre. Exemple : pour atteindre un taux de pénétration de 20 % aux États-Unis, il aura fallu 55 ans à l’automobile, 14 ans au téléphone mobile et 3 ans à Internet. La vitesse de diffusion n’est pas constante, mais associée à une courbe en S : phase d’adoption lente, accélération et saturation à mesure que la demande est satisfaite. Le modèle épidémiologique. L’adoption d’une innovation se réalise par contact entre individus, par bouche à oreille. La diffusion sera progressive (courbe en S aplatie), le produit touchant, selon le modèle d’Everett Rogers, d’abord les innovateurs, les adopteurs précoces, la majorité précoce puis tardive et enfin les retardataires. La vitesse de diffusion d’une innovation dépend des caractéristiques intrinsèques de cette dernière (avantage relatif vis-à-vis 79
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des produits antérieurs, compatibilité avec les valeurs de la cible, complexité faible, possibilité de tester et visibilité). Exemple : Dans l’industrie cinématographique, le mécanisme de diffusion d’un nouveau film repose en grande partie sur le bouche à oreille, du cercle proche des spectateurs comme des critiques répertoriées dans les médias (sur le site allocine.fr par exemple). Les bandes annonces représentent un moyen classique pour les studios d’assurer la visibilité, le test de leur production et de démontrer leur adéquation aux attentes. Le modèle sociologique. Selon ce modèle, une innovation est ancrée dans un système social et technique complexe. La diffusion peut être autoentretenue par des externalités de réseau (utilité retirée d’un produit croissante avec sa diffusion). Exemple : La carte UGC illimitée permettant de fréquenter sans réserve les salles de cinéma du même nom prend d’autant plus de valeur pour une personne que ses amis la possèdent. Sa diffusion ressemble donc à celle du téléphone, plus ceux qui la possèdent sont nombreux, plus elle devient utile. Ainsi, un produit peut devenir un standard et dominer les innovations qui tentent de lui succéder, même si elles sont intrinsèquement meilleures. Exemple : August Dvorak a tenté depuis les années 1930 de remplacer les claviers Qwerty, conçus à l’origine pour éviter que les balais des machines à écrire ne se croisent, par un clavier ergonomique augmentant la vitesse de frappe de 25 %. En 1975, année de sa mort, il aurait déclaré : « Je suis fatigué d’essayer de faire quelque chose d’utile pour la race humaine. Ils ne veulent simplement pas changer ». Un produit verra sa diffusion facilitée s’il est compatible avec la base installée (ensemble des infrastructures dans lequel le produit s’insère). Exemple : La Prius, voiture hybride lancée par Toyota en 1997 et vendue à plus de deux millions d’exemplaires en août 2009, s’est facilement imposée sur le marché automobile. Contrairement à ses rivales électriques, elle ne nécessite pas de prise pour recharger ses batteries et est compatible avec le fournisseur actuel d’énergie, la pompe à essence. b) Quelles stratégies pour accélérer la diffusion ? Les entreprises disposent de plusieurs moyens pour diffuser leur produit, permettant à ce dernier de sortir victorieux de la phase de fermentation de la courbe en S en étant sélectionné comme le modèle dominant du marché : Construire des espérances. Exemple : Les laboratoires Pfizer annonçaient en 2006 dans une étude clinique qu’ils avaient financée, que le Champix (médicament de sevrage tabagique), entraînait la non-consommation de cigarettes entre la 9 e et 12e semaine de traitement dans 44 % des cas, contre un maximum de 30 % pour les produits concurrents. Être compatible avec le système social et technique existant. Exemple : Le Segway est un gyropod, moyen de transport électrique monoplace qui permet de se déplacer débout en inclinant le corps dans la direction voulue. Lancé en 2002, l’objectif de 40 000 unités vendues par an n’est pas atteint. En effet, ce véhicule n’a toujours pas obtenu aux États-Unis l’homologation gouvernementale, ni pour la circulation sur route, ni pour la circulation sur les trottoirs des grandes villes. Encourager les complémenteurs. Le succès d’un produit dépend de la volonté d’un certain nombre d’acteurs, comme les fournisseurs ou les distributeurs, de rendre l’offre intéressante et accessible. Exemple : Si Sony est parvenu à imposer son Blu-Ray face au HD-DVD (défendu par Toshiba), c’est notamment grâce au soutien de studios, comme Sony Pictures évidemment, mais également comme MGM, 20 th Century Fox et Disney en 2004, suivis par Vivendi Universal Games, Electronic Arts, Apple ou Warner Bros en 2005. Accepter la présence de substituteurs. À travers une gestion ouverte de sa technologie (cession de licence ou open source), une entreprise peut favoriser son développement. Exemple : 80
Fiche 20 • Les stratégies d’innovation
Mozilla Firefox est un navigateur libre développé et distribué par une fondation et des bénévoles. Il a atteint 24 % de part de marché en 2009, menaçant ainsi le leader historique Internet Explorer. Le Zune, un concurrent sérieux de l’Ipod ? La commercialisation du baladeur numérique Zune de Microsoft a débuté le 24 novembre 2006 aux ÉtatsUnis. Selon une étude menée par NPD Group, le Zune aurait capté 9 % du marché en première semaine, mais seulement 2 % en deuxième semaine. En 2009, la dernière version en date, le Zune HD, promet de devenir une plateforme de jeux et d’applications. Néanmoins, cette même année, on estimait à seulement trois millions le nombre de Zune vendus aux États-Unis depuis son lancement, à comparer aux trois millions et demi d’iPod écoulés chaque mois. De nombreux éléments permettent de comprendre cet échec, au niveau du produit lui-même et au niveau des relations avec les membres de l’industrie. Le Zune (30 Go) était vendu à 399 $ en 2007, soit le prix de l’iPod 60 Go. Avec son « iPod killer », Microsoft cible les 12-25 ans, une cible plus jeune que l’iPod. Reuters a interrogé, le 1er décembre 2006, 1 050 adolescents afin de connaître leur préférence en matière de baladeurs numériques. Ils sont 80 % à vouloir un Ipod contre 7 % pour le Zune. Enfin, l’atout principal du baladeur de Microsoft est de pouvoir partager des fichiers entre Zune via Wifi, mais le partage est limité à 14 jours, délai au-delà duquel le fichier est illisible. Les fabricants d’accessoires pour iPod ont été contactés en 2007 par Microsoft dans le cadre de la mise en place d’une licence à l’image du « Made for iPod », mais restent pour l’instant fidèles à Apple. Par ailleurs, Universal a fait part fin 2007 de sa volonté d’obtenir de Microsoft que l’entreprise reverse une partie des bénéfices liés à la vente du Zune. Ensuite, et cela peut faire sourire, le baladeur de Microsoft, n’était pas compatible début 2008 avec la dernière version de Windows, Vista. Enfin, le 31 décembre 2008, les Zune de première génération ont subi une panne bloquant le démarrage du lecteur, le 366e jour de cette année bissextile n’ayant pas été prévu par ses concepteurs. Si comme son concurrent Apple, Microsoft possède sa boutique de téléchargement de musique légal, le Zune Marketplace, cette dernière ne contenait en octobre 2009 que 5 millions de titres contre 10 millions pour Itunes, et n’a pas communiqué sur le nombre de titres vendus, alors qu’Itunes en annonce plus de 7 milliards.
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Les structures classiques
Points clefs Dans le cadre de son activité, l’entreprise est amenée à définir la nature et l’articulation des tâches à réaliser. La structure détermine les rôles respectifs des différentes unités de l’entreprise et les liens qu’ils entretiennent. Si l’organigramme donne une représentation de la structure formelle de l’entreprise, l’approche des configurations organisationnelles de Mintzberg permet, quant à elle, de rendre compte des dynamiques dans les interactions au sein de l’entreprise.
1. L’approche par les structures-types Traditionnellement, la structure d’une entreprise est représentée par un organigramme qui formalise les rôles respectifs des individus et/ou départements, ainsi que les liens hiérarchiques qu’ils entretiennent. a) Structure fonctionnelle Direction
Ventes
RH
Production
R&D
La structure fonctionnelle se caractérise par un regroupement des tâches selon le critère de la spécialisation. Ce type d’arrangement organisationnel implique : Un renforcement des compétences individuelles. Lorsque la taille de l’entreprise s’accroît, il devient difficile pour l’entrepreneur de maîtriser et de coordonner l’ensemble des tâches effectuées par ses subordonnés. La structure fonctionnelle permet de recourir quotidiennement à des experts. Exemple : En 2009, le Stade Rennais, club de football français, est une PME d’environ 150 salariés. Propriété de la famille Pinault, le club présente un organigramme constitué d’une direction générale (avec Frédéric De Saint-Sernin, président, et Pierre Dréossi, manager général), et de sept grandes fonctions : « encadrement technique », « exploitation et sécurité », « administratif et financier », « commercial et marketing », « communication », « centre de formation » et « cellule recrutement ». Un risque de conflit entre des logiques différentes. La spécialisation amène chaque fonction à envisager les problèmes selon sa propre logique, différente de celles des autres fonctions de l’entreprise. Cela peut générer des conflits entre départements, voire nuire à la stratégie de l’entreprise. Exemple : En 2001, la filiale française du groupe d’assurances et de produits financiers Allianz souhaite faire évoluer son métier de la vente vers le conseil, afin de fidéliser les clients. Deux années sont nécessaires pour convaincre les 3 800 conseillers patrimoniaux – rémunérés sur la base d’une partie fixe et de commissions – de privilégier le conseil au client à l’augmentation des chiffres de ventes.
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Fiche 21 • Les structures classiques
b) Structure divisionnelle Direction
Marketing
Division A
Division B
Production
R&D
Division C
La structure divisionnelle se caractérise par un découpage de l’entreprise en centres de profits distincts disposant de pouvoirs étendus sur leur produit, leur marché ou leur zone géographique. Ce type d’arrangement organisationnel implique : Le déploiement d’une stratégie de diversification. A. Chandler a montré l’émergence des structures multidivisionnelles (ou de « forme M ») dans les grandes entreprises américaines des années 1920. Celles-ci permettent de réunir différentes unités autonomes dans une entreprise coordonnée. Exemple : En 2009, les quatre divisions du groupe Lagardère présentent des résultats très contrastés face à la crise : Lagardère Publishing (éditeur de livres) améliore son résultat opérationnel de 61,6 %, Lagardère Active (média) subit la baisse de ses recettes publicitaires, Lagardère Services (distribution) voit ses activités de distribution de presse baisser d’environ 10 %, et enfin Lagardère Sports (événements sportifs) a bénéficié d’événements sportifs majeurs, mais non récurrents tels que l’Euro 2008 et la Coupe d’Afrique des Nations. Les effets pervers d’une concurrence entre divisions. Étant évaluée de manière indépendante, chaque division est amenée à privilégier son propre intérêt au détriment des autres. Cela peut générer des luttes pour l’obtention de nouvelles ressources auprès de la direction générale, ainsi qu’une absence de collaboration pour partager les ressources existantes. Exemple : En 2008, l’entreprise coréenne Samsung est organisée en quatre grandes divisions, « semi-conducteurs », « appareils électroniques », « télécommunications », et « écrans plats », qu’elle met volontiers en concurrence, notamment en matière de Recherche et Développement. Le phénomène est exacerbé par la rivalité entre les responsables de divisions, tous âgés d’une cinquantaine d’années et prétendants au poste de Chief Executive Officer. c) Structure matricielle Directeur Général
Projets
Fonction 1
Fonction 2
Projet 1 Projet 2 Projet 3
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Fonction 3
Fiche 21 • Les structures classiques
La structure matricielle est une combinaison de la structure par fonctions et de la structure par divisions (projets, produits, zones géographiques, etc.). Ce type d’arrangement organisationnel implique : La réalisation de projets complexes. La structure matricielle permet de mettre à disposition de plusieurs directeurs de projet, des spécialistes détachés de leur département d’origine. Exemple : Pour Boeing, produire une large gamme d’avions, tout en mobilisant des compétences de pointe, est un véritable défi. En 2009, le constructeur aéronautique et aérospatial, est organisé selon une structure matricielle : les deux grandes lignes d’activité « avions civils » (du 737 au 787) et « défense » sont soutenues par neuf départements spécialisés : « développement stratégique », « communications », « ingénierie et technologie », « finance », « ressources humaines et administratif », « international », « juridique », « gouvernance interne », « relations avec le gouvernement ». La remise en cause du principe d’unité de commandement. En mettant le salarié sous la responsabilité de plusieurs supérieurs hiérarchiques (un responsable de division et un responsable de fonction par exemple), la structure matricielle peut entraîner des conflits d’autorité et de communication. Exemple : Jusqu’en 1989, et la nomination d’Yves Dubreuil à la tête du projet Twingo, Renault avait expérimenté, sans succès, la structure matricielle. En plaçant un cadre supérieur d’un niveau équivalent à un directeur fonctionnel, la direction de Renault lui donnait suffisamment de pouvoir pour s’imposer face aux directeurs « métiers ». En avril 2009, la Renault Twingo II a été la voiture la plus vendue en France. 2. L’approche par les configurations organisationnelles La représentation de la structure de l’entreprise sous forme d’organigramme ne permet pas de rendre compte des flux d’échanges informels, et donc des relations effectives entre les salariés. Selon Mintzberg, les entreprises peuvent êtres classées en cinq configurations de base : La structure simple. Dans les entreprises de petite taille, la structure est souple, car elle repose sur les relations informelles de l’entrepreneur avec ses subordonnés. C’est donc la direction, appelée « sommet stratégique », qui constitue le centre nerveux de l’entreprise. Exemple : En 2005, les deux tiers des entreprises comptant moins de dix salariés (très petites entreprises) n’emploient aucun salarié. Un quart d’entre elles en ont entre un et trois. La bureaucratie mécaniste. Dans des entreprises où la production peut être industrialisée, les experts et spécialistes qui élaborent les procédures de travail – appelés technostructure – jouent un rôle prépondérant. Exemple : Afin de proposer le même service partout dans le monde, McDonald’s, qui est présent dans 118 pays en 2009, définit et impose aux employés les méthodes de travail à appliquer au sein de ses 31 000 restaurants. Celles-ci sont consignées dans un manuel appelé The operator’s manual. La bureaucratie professionnelle. Certaines professions nécessitent de laisser de l’autonomie aux salariés qui effectuent le travail de production ou de service (appelés centre opérationnel). Exemple : En 2009, le fonctionnement de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, qui regroupe 37 hôpitaux ou groupes hospitaliers, s’articule autour du binôme chef de service médecin-cadre supérieur infirmier : « le chef de service est le responsable de l’organisation générale du service et des traitements médicaux qui y sont dispensés. », « le cadre supérieur infirmier, collaborateur du chef de service, coordonne l’organisation et la mise en œuvre des soins infirmiers ». La structure divisonnalisée. Dans le cadre d’une entreprise exerçant des activités sur plusieurs marchés, les cadres intermédiaires (la ligne hiérarchique) sont responsables des résultats de leur division. Exemple : Le 14 janvier 2009, le groupe d’électronique Thales a annoncé la nomination de Jean-Georges Malcor, responsable de la division « naval », à la tête de la 84
Fiche 21 • Les structures classiques
division « aéronautique », à la place de François Quentin. La performance économique de cette division était jugée insuffisante par la direction générale du groupe. L’adhocratie. Dans le cadre de projets innovants, le travail à effectuer n’est pas défini à l’avance et émerge des interactions au sein d’une équipe de spécialistes. Les services internes (le support logistique) sont chargés d’assurer la stabilité de l’organisation. Exemple : En 2009, l’association Vieilles Charrues a mobilisé plus de 500 personnes salariées et 5 500 bénévoles pour son festival de musique annuel. Ceux-ci ont pour mission d’assurer la logistique et la sécurité autour des musiciens. L’événement terminé l’association compte une douzaine de salariés permanents. Nokia, ou l’influence de la stratégie sur les structures En 2002, Nokia est le plus grand constructeur mondial de téléphones mobiles avec une part de marché de 36 %. L’entreprise finlandaise a fondé son succès sur la démocratisation de la téléphonie mobile en baissant les prix de ses terminaux. À cet effet, Nokia s’est appuyé sur une organisation interne de type fonctionnelle : l’optimisation des départements production et approvisionnements ont permis de répondre à l’industrialisation de masse. Mais Nokia doit faire face à un ralentissement de la demande sur les marchés occidentaux (Europe, ÉtatsUnis), ainsi qu’à une concurrence plus vive avec le lancement de produits sophistiqués (écrans couleurs, etc.). En juin 2002, afin, de mieux répondre à une demande fragmentée, Nokia éclate sa structure en neuf divisions : « téléphonie mobile », « TDMA et CDMA », « produits mobiles d’entrée de gamme » pour les pays émergents, « image », « loisirs et média », « applications professionnelles », « équipements », et « services ». Chacune de ces divisions est tournée vers un marché spécifique et responsable de ses résultats. En 2007, Olli-Pekka Kallasvuo, Chief Executive Officer de Nokia, analyse en ces termes l’évolution du marché : « La convergence des secteurs de la communication mobile et de l’Internet ouvre de nouvelles fenêtres de croissance pour nous, dans la production de combinés mais également dans les services Internet et les solutions aux entreprises ». Afin de saisir ces opportunités de croissance, tout en améliorant l’efficacité du groupe, Nokia adopte une nouvelle organisation autour de quatre branches : les téléphones portables (« devices »), les services et offres Internet (« services »), les logiciels et solutions aux entreprises (« solutions »), et la branche approvisionnement, ventes, marketing (« markets »). Ces unités sont soutenues de manière opérationnelle par le département « Corporate Development ». Le groupe Nokia comprend également Nokia Siemens Networks, la co-entreprise spécialisée dans les réseaux, fondée avec l’allemand Siemens, et depuis 2008, la société NAVTEQ qui commercialise des cartes numériques pour les services de localisation dont la navigation GPS. En 2008, Nokia emploie plus de 110 000 employés dans le monde dont 30 000 en R&D. Conglomérat à ses débuts, l’entreprise de télécommunications a su faire évoluer sa stratégie, et reste le plus grand constructeur mondial de téléphones mobiles avec près de 39 % de parts de marché.
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Entreprise et réseaux
Points clefs Avec l’externalisation, l’entreprise peut devenir un simple nœud au sein d’un vaste réseau. L’appartenance à un réseau d’organisations diverses, en termes de taille et de compétences, dispersées dans le monde ou localisées dans un même territoire est l’une des clés de la compétitivité des entreprises.
1. L’entreprise-rÉseau a) Définition L’entreprise-réseau évoque une forme d’organisation basée sur la coopération et la coordination de partenaires multiples. L’entreprise réseau n’est donc régulée ni par le marché, ni par la hiérarchie. La franchise est, par exemple, une forme simple d’entreprise-réseau. Exemple : McDonald’s dispose dans le monde de plus de 30 000 restaurants franchisés. La gestion locale (choix de l’emplacement, gestion des ressources humaines, production) leur est déléguée tandis que les fonctions centrales (approvisionnement, innovation, communication) sont assurées par la maison mère. Mais le concept d’entreprise-réseau regroupe des formes diverses d’organisations, dont voici une typologie. L’entreprise éclatée. C’est une organisation dont la surface est non contiguë, pour des raisons géographiques ou sectorielles. Ces structures ont en commun d’avoir une identité marquée et un contrôle centralisé. Les problèmes sont souvent liés à l’éloignement, au multinationalisme et à la diversité des pôles d’activités. Exemple : Le groupe suisse ABB, leader mondial dans les technologies de l’énergie et de l’automation est présent en 2009 dans plus de 100 pays et emploi 120 000 personnes. Il possède une offre diversifiée composée, par exemple, de transformateurs, de câbles, de semi-conducteurs, de services clés en main destinés aux réseaux de transport, de robots industriels, pour 5 divisions et plus de 100 centres de profit. L’entreprise étendue. Le réseau devient un système réparti sur plusieurs entreprises, en relations étroites pour un certain type de fonction ou de service. L’un des nœuds est en général prédominant, soit par la taille (ex. : H&M face à ses petits fournisseurs), soit par sa fonction d’animateur de la structure (ex. : PSA face aux équipementiers automobiles), soit par sa position technologique (ex. : Apple face aux éditeurs de jeux sur téléphone mobile). L’entreprise virtuelle. Étendue à l’extrême, l’entreprise devient virtuelle, l’intégration verticale classique étant remplacée par une intégration électronique, au moyen des TIC (techniques de l’information et de la communication). Exemple : Nike ne possède aucune usine. En 2005, plus de 700 sous-traitants dans 51 pays, employant plus de 500 000 personnes ont assuré la production. Les 20 000 employés de Nike en Europe et aux États-Unis occupent principalement des fonctions logistiques, de marketing ou de design. Lors de sa stratégie d’internationalisation vers le marché américain, Nokia a décidé de créer une filiale comprenant seulement cinq personnes. Toutes les activités commerciales, de support technologique ou de logistique ont été confiées à des prestataires extérieurs. De nombreux avantages sont liés à cette structure, rejoignant ceux de l’externalisation, comme une plus grande flexibilité ou un pouvoir de négociation accru auprès des fournisseurs 86
Fiche 22 • Entreprise et réseaux
et des distributeurs. L’entreprise virtuelle permet également un développement nécessitant peu de capitaux. Exemple : Benetton a ainsi été fondé par quatre orphelins. En 2003, 90 % de la production étaient confiés à 450 sous-traitants de la région de Trévise, la distribution à 7 000 boutiques indépendantes et la conception des modèles à des designers free-lance. L’entreprise associée. Ce type de structure résulte de l’association d’entités, ayant une identité individuelle propre, dans des structures temporaires plus ou moins formalisées. Il peut s’agir de consortiums de R&D (ex. : Quaero est un programme collaboratif centré sur l’usage de contenus numériques multimédias piloté par Thomson et impliquant 23 partenaires) ou de coopératives (ex. : dans l’agriculture, l’association d’exploitants permet une mutualisation des outils de production, de la commercialisation des produits et de l’approvisionnement en engrais). Le « bazar ». Un cas intéressant de mode d’organisation de l’entreprise associée est celui du « bazar ». Il repose paradoxalement sur la désorganisation : absence de contrats, de formalisation et de centralisation des décisions. Exemple : Développé par des milliers d’informaticiens bénévoles, le projet Linux est basé sur la coopération d’individus et n’a pas de structure légale ou physique. Les règles du jeu de cette entreprise-réseau proviennent de la culture universitaire dont est issue la plupart des développeurs de la communauté, et d’Internet, qui structure les modes de communication. b) Les limites de l’entreprise-réseau Gouvernance. Le principal problème que pose la structure en réseau est lié au contrôle de ses membres. Exemple : En matière de contrôle social, Nike, cible privilégiée des campagnes « anti-Sweatshop » (ateliers de la sueur), dispose de 30 inspecteurs chargés par exemple de vérifier qu’aucun employé de ses sous-traitants n’a moins de 16 ans, et mandate l’auditeur PricewaterhouseCoopers pour mener des audits externes sur les conditions de travail. Maintien d’une identité. Une entreprise-réseau doit trouver des mécanismes intégrateurs lui permettant de maintenir une cohérence entre ses différentes composantes et partenaires. Exemple : Nike a su construire une très forte image de marque (d’après Brand Finance, la valeur de la marque Nike atteignait, en 2007, 84 % de la valeur totale de l’entreprise). De même, ce qui relie les activités éparses du groupe Virgin (cola, téléphonie, transport ferroviaire, distribution…) est simplement l’identité de la marque. Instabilité. Tant que le marché est porteur, tout le monde est satisfait des conditions de souplesse et de réactivité du système mais, à l’inverse, une récession peut entraîner des défections en chaîne au sein du réseau. Exemple : Chez Artezia, réseau spécialisé dans le recouvrement de créances, 18 des 31 franchisés ont quitté le réseau de 2004 à 2008 (par résiliation de contrat ou liquidation judiciaire) face à la montée des impayés. 2. Les rÉseaux d’entreprises Si l’entreprise-réseau, qu’elle soit éclatée, étendue ou associée est souvent transnationale, les réseaux denses d’entreprises sont souvent localisés géographiquement. a) Définition Les réseaux d’entreprises ancrés autour d’un territoire, dénommés clusters ou grappes industrielles, peuvent être définis comme une concentration d’entreprises interconnectées, de fournisseurs, de prestataires de services et d’institutions associées (universités, centres de recherche, collectivités territoriales). Au sein d’un cluster, la mise à disposition d’informations, la mutualisation des moyens (de R&D, de production ou de communication) et l’intégration de stratégies diverses sont créatrices de synergies. La polysémie du terme de cluster 87
Fiche 22 • Entreprise et réseaux
engendre un grand nombre de concepts proches, dont les deux principaux sont les districts industriels orientés vers la production et les milieux innovateurs, technopoles ou encore systèmes locaux d’innovation, agglomérations d’organisations relevant de la haute technologie. Les districts industriels. Les premiers systèmes productifs localisés de petites entreprises ont été mis en évidence en Italie. Dans les années 1980, au moment où les grandes industries de Turin et de Gênes étaient frappées de crises, les régions du centre du pays étaient très dynamiques, accueillant une multitude d’entreprises spécialisées dans la même branche (lunettes, prêt à porter, table et chaises). Exemple : La région italienne de l’Ombrie compte actuellement plusieurs districts. Le district de Marsciano, composé de 310 entreprises, est consacré à la métallerie et à la serrurerie. Celui d’Assisi, accueille le textile traditionnel depuis qu’un couvent se mit à vendre au xiiie siècle, pour subvenir aux besoins des pauvres, le travail de broderie des religieuses. À Città di Castello sont installées 135 entreprises spécialisées dans l’imprimerie, la plus ancienne ayant été créée en 1799. Enfin, le district de Deruta, célèbre pour ses céramiques et ses faïences remonte au Moyen-âge et doit son origine à la présence d’argile dans les environs. Les points forts des districts industriels sont l’internationalisation (les districts italiens exportaient en 2007 plus de 50 % de leur production), la formation (des écoles spécialisées étant souvent implantées au sein du district) et l’accès au crédit (par les relations de long terme avec les banques locales). Ses points faibles sont une faible capacité d’innovation et une forte vulnérabilité aux variations de l’environnement. Exemple : Le district italien de la chaussure situé en Toscane a souffert de la concurrence asiatique. Si la chaussure made in Italie existe toujours, elle est surtout le fait de grandes entreprises orientées vers la recherche, comme Geox. Les milieux innovateurs. Tournés à la différence des districts industriels vers l’innovation, ces types de clusters sont constitués d’organisations évoluant dans le domaine de la haute technologie. Exemple : La Silicon Valley se caractérise par des interactions entre grandes et petites entreprises. Cisco System a, par exemple, racheté plus de 50 start-up californiennes entre 1993 et 2007. La proximité des universités de Stanford et de Berkeley alimente un bassin de chercheurs dont l’expertise est reconnue. Les capitaux ont une très grande mobilité grâce au capital-risque. Enfin, la proximité des clients permet de comprendre rapidement les besoins et les tendances. En France, la technopole de Sophia-Antipolis développe depuis les années 1980 des compétences dans les domaines des technologies de l’information et de la communication, du multimédia ou des sciences de la vie. b) L’émergence des réseaux La compétitivité d’un réseau peut provenir de son territoire ou de son histoire. Il apparaît donc très difficile de créer à court terme des réseaux d’entreprises de manière volontariste, notamment par les politiques publiques. L’importance du territoire. Les ressources naturelles (ex. : les forêts pour les clusters du bois et du liège au Portugal) ou les infrastructures (ex. : le port de Québec pour le cluster maritime canadien, bassin d’emploi qualifié pour les réseaux de biotechnologie en Ile-de-France) sont essentielles à l’émergence d’un réseau d’entreprises. Exemple : Aux États-Unis, la route 128 avait pour objectif de désenclaver Boston et fut achevée en 1951. En 1962, 397 entreprises pouvaient être recensées sur le bord de cette route. Dans les années 1970, de nombreuses entreprises informatiques, comme Digital Equipement ou Data General, également attirée par la proximité de l’université du MIT, s’y installèrent. L’importance de l’histoire. Un point commun à tous les réseaux d’entreprises est la longueur du processus de démarrage. Le temps de maturation d’une technopole est d’au moins 88
Fiche 22 • Entreprise et réseaux
de 15 ans. Exemple : Le dynamisme actuel du réseau d’entreprises de biotechnologies de la région de Montréal a été initié dès 1983, par une loi de promotion de la biotechnologie agricole votée par le gouvernement fédéral. Le pôle de compétitivité Minalogic Définis par la loi de finance du 30 décembre 2004 comme « le regroupement sur un même territoire d’entreprises, d’établissements d’enseignement supérieur et d’organismes de recherche publics ou privés qui ont vocation à travailler en synergie pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l’innovation », les 71 pôles français ont pour objectif de créer, souvent ex-nihilo, des clusters spécialisés dans un secteur, comme le pôle Aerospace Valley autour de Toulouse, ou dans une technologie, comme le pôle Route des lasers autour de Bordeaux. Initié en 2005, ce programme bénéficie de fonds publics. Il cherche à favoriser les externalités positives de la recherche et du développement et à tisser des liens entre grandes et petites entreprises. Le pôle de compétitivité Minalogic anime dans la région de Grenoble un espace d’innovation dans la création et la production de produits et services autour de solutions miniaturisées pour l’industrie. Composé en 2009 de 98 entreprises comme Biomerieux ou Xerox (dont 77 PME), 3 centres de recherche, 3 centres de formation et 19 partenaires, il implique 2 270 chercheurs publics et 3 410 ingénieurs de R&D. Minalogic a depuis son lancement labélisé 150 projets, allant des packagings microporeux aux micro-électrodes pour l’enregistrement physiologique, pour un montant de 1,2 milliard d’euros. En 2008, trois projets ont été mis en place au niveau européen : MINimage (développement de caméras miniatures haute définition), IGlance (plateforme pour la télévision en 3 dimensions) et Nanosmart (développement de substrats pour la microélectronique).
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Les business models
Points clefs Concept intermédiaire entre la stratégie et la gestion opérationnelle, le business model permet de comprendre comment une entreprise génère des revenus et crée de la valeur. En plus de favoriser la créativité stratégique, ce concept permet d’adopter une lecture transversale de l’entreprise et de faire ainsi le lien entre ses nombreuses fonctions.
1. La prÉsentation du business model Popularisé dans les années 1990 avec la bulle Internet, le concept de business model traduit en français par modèle économique ou modèle d’affaires, reste très utile aujourd’hui et essentiel au succès d’une organisation, que ce soit pour une start-up ou pour une entreprise déjà existante. a) Composants d’un business model Un business model permet de répondre simplement à la question : « comment vais-je gagner de l’argent ? ». Pour ce faire, une entreprise s’appuie sur des leviers interdépendants. Les 3 composants d’un business model PROPOSITION DE VALEUR − Définition de la cible − Définition de l’offre
ARCHITECTURE DE VALEUR − Chaîne de valeur – Réseau de valeur
Revenus
Charges
GÉNÉRATION DE REVENUS
Proposition de valeur. Il s’agit pour l’entreprise de créer de la valeur à travers ce qu’elle propose à ses clients en termes d’offres de produit ou service. Pour cela, elle va devoir combiner des ressources et compétences valorisées à travers une ou plusieurs offres aux clients qu’elle aura choisi de servir. Exemple : Les sites Internet proposant d’acheter de manière groupée des biens de consommation comme Clust ou Letsbuyit ont rencontré un échec dans les années 2000, la création de valeur pour le client était trop faible par rapport au commerce traditionnel. Avec la crise, cette proposition de valeur est devenue plus intéressante pour les clients. Ainsi, de nouveaux sites comme gapwoo.com ou entreacheteurs.fr ont été lancés et sont toujours présents actuellement. 90
Fiche 23 • Les business models
Architecture de valeur. Cela correspond à la traduction concrète de la proposition de valeur au sein mais aussi à l’extérieur de l’entreprise. Cette traduction conduit à définir la chaîne de valeur de l’entreprise. Exemple : Pour réussir à proposer une valeur supérieure à un prix inférieur, Zara a choisi, contrairement à ses concurrents, de maintenir 50 % de sa production en Espagne, ce qui représente un coût supérieur de 20 % par rapport à l’externalisation. Cependant, les activités de conception, production, logistique et distribution fonctionnent en circuit court, une grande autonomie est laissée aux designers qui envoient directement leur modèle à la production pour en faire des prototypes et les réunions n’excèdent pas 20 minutes. Cette organisation permet une plus grande flexibilité et réactivité. Ainsi, en moins de 15 jours, un nouveau vêtement peut être conçu et livré à tous les magasins Zara à travers le monde. La rotation des stocks est ainsi améliorée (50 % de la collection stockée en début de saison, contre 80 % pour ses concurrents). Génération de revenus. La génération de revenus correspond à la manière dont l’entreprise combine in fine revenus et charges afin de réaliser des profits. Un business model permet d’envisager des sources de revenus alternatives à celle de la vente de produit ou service. Exemple : vente d’espace publicitaire pour un journal gratuit ou un site Web, vente de fichiers clients pour un distributeur, service après-vente pour un constructeur aéronautique, etc. La principale source pour le logiciel open-source Mozilla concerne les accords de liens publicitaires passés avec Google. b) Niveaux d’analyse des business models Il est possible de distinguer deux niveaux d’analyse dans les business models. Business models génériques. Des entreprises peuvent choisir d’adopter le même business model et de partager des caractéristiques communes, qu’elles appartiennent au même secteur d’activité ou non. Exemple : Le modèle low-cost a été adopté par Ryanair dans le transport aérien ou Formule 1 dans l’hôtellerie. Le modèle Freemium consiste à mettre à disposition gratuitement un service de base et à faire ensuite payer les utilisateurs pour avoir accès à des fonctionnalités plus sophistiquées. Exemple : Sun Microsystems a recours à cette technique en proposant une version open-source et une version commercialisée, plus évoluée pour son logiciel MySQL. Un modèle possible est basé sur les abonnements comme ressource générée. Exemple : Les opérateurs de téléphonie mobile comme Orange ou Bouygues Télécom l’ont adopté. Le modèle de désintermédiation permet à des grossistes de vendre directement au détail à des clients et à supprimer les intermédiaires de la chaîne de distribution (ex. : le site Internet cdiscount.com). Business model particulier. Une entreprise, par ses choix, peut également décider de créer son propre business model et se démarquer ainsi de ses concurrents dans la manière de générer du revenu. Exemple : Dell a, à l’origine, adopté un business model original dans l’industrie informatique en mettant en place une chaîne de valeur inédite qui offrait la possibilité de vendre directement au client final des ordinateurs sur-mesure. Aujourd’hui, l’entreprise Apple transforme l’industrie de la musique en proposant une nouvelle manière de connecter hardware et software en proposant simultanément des produits comme l’iPod pour stocker de la musique et un site Internet comme iTunes permettant le téléchargement légal de musique. c) Différences entre business model et stratégie Si les termes de business model et de stratégie sont parfois utilisés indistinctement, il existe de réelles différences entre ces deux concepts. Objectif de l’entreprise. Si l’approche stratégique dite classique a pour principal objectif de générer un avantage concurrentiel durable pour l’entreprise en s’appuyant sur ses ressources 91
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et compétences, l’approche par les business models cherche, elle, à comprendre comment les revenus sont générés au sein de l’entreprise et comment les ressources et compétences peuvent être combinées en vue d’offrir une rentabilité. Exemple : L’entreprise Nespresso a innové en mettant en place un nouveau modèle en termes de prix lui permettant une rentabilité plus élevée. Il s’agit de réaliser la marge non pas sur les machines à café Nespresso mais sur les capsules que les consommateurs sont obligés d’acheter régulièrement. Objet d’analyse. Dans l’approche stratégique, l’accent est mis sur le diagnostic de la situation actuelle de l’entreprise alors que dans l’approche business model, l’accent est mis sur le maintien ou la création de sources de revenus et sur la recherche de nouvelles activités. Exemple : En plus de ses sources traditionnelles de revenu comme les billets d’entrée ou les subventions, le musée du Louvre a développé une nouvelle activité en signant un accord en 2007 entre le gouvernement français et les Emirats Arabes Unis afin de créer le musée « Louvre Abou Dhabi ». Cet accord qui, en échange de l’utilisation du nom du Louvre et de l’organisation d’expositions avec des œuvres empruntées aux différentes collections de musées français, va générer une source de revenus d’un milliard d’euros sur trente ans. Niveaux de décision. Si l’approche stratégique opère une distinction entre stratégie d’entreprise et stratégie par domaine d’activités, le seul niveau de décision pris en compte par l’approche business model concerne les sources de revenus. Exemple : Le groupe Virgin s’appuie sur une marque très reconnue et sur son expertise pour redynamiser des activités dans des secteurs aussi différents que les médias, les télécoms ou les compagnies aériennes. Rôle de l’environnement. Dans l’approche stratégique traditionnelle, l’analyse de l’environnement revêt une place importante et permet d’expliquer en partie la création de valeur. En revanche, dans l’approche business model, l’attention est plus centrée sur des variables sur lesquelles un dirigeant peut intervenir directement comme les ressources et compétences à valoriser ou la structure de coûts. Exemple : Grâce à son algorithme qui identifie la signification d’une page Web ce qui permet ensuite d’afficher automatiquement des annonces publicitaires ciblées, Google est capable de générer du revenu, revenu qui croit avec le volume du trafic. Ce modèle a ensuite été décliné à des moteurs de recherche plus spécialisés comme Google earth. 2. Les business models et l’introduction de changement Le business model, en centrant l’analyse sur des variables actionnables par le dirigeant, est pertinent pour les organisations qui se développent de manière alternative, avec une stratégie reposant par exemple sur la gratuité, la réponse à de nouveaux besoins ou l’intermédiation. a) Créer de nouveaux business models pour une entreprise existante Afin de survivre et de continuer à générer des revenus, une entreprise peut remettre en cause son business model afin d’en proposer un nouveau, ce dernier pouvant venir en substitution ou en complémentarité du modèle existant. Exemple : La plus grande chaîne de librairie américaine, Barnes&Noble, a choisi pour continuer à se développer d’ouvrir son site Internet en 1997. Avec plus d’un million d’ouvrages disponibles, le stock de ce site est le plus important au monde et permet aux consommateurs d’acheter quand ils le veulent et ce, quelle que soit leur localisation géographique. b) Créer un nouveau business model pour une nouvelle entreprise Une nouvelle entreprise en arrivant sur un secteur peut bouleverser les règles du jeu et introduire une rupture par rapport aux modèles existants. Cela est d’autant plus facile pour cette entreprise qu’elle peut, dès son origine, créer un business model performant et proposer une 92
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réelle valeur pour les clients. Exemple : Le site Internet, Zepass.com, permet de revendre à des particuliers des billets de train ou des places de concert à un prix inférieur à sa valeur d’origine. Sur le modèle d’eBay, ce site est financé grâce aux revenus publicitaires et à une commission de 1,50 euro versée par l’acheteur. En conclusion, la création d’un business model évoque la stratégie d’Océan Bleu de Kim et Mauborgne (2005) (v. fiche 14) et les stratégies de rupture en proposant une nouvelle manière de créer de la valeur pour une entreprise par rapport aux modèles existants. Le Cirque du Soleil : un spectacle à part Arrivé en 1984, le Cirque du Soleil est considéré comme un nouvel entrant dans le secteur du cirque dominé par de grandes compagnies comme Ringlings ou Barnum & Bailey. Dans ce secteur à maturité dans lequel les profits restent faibles, les deux fondateurs québécois, Guy Laliberté et Daniel Gauthier, ont proposé une nouvelle offre valorisée par une nouvelle cible de clients. Du cirque traditionnel, ils ne conservent que les clowns, les acrobates et les tentes et créent des spectacles autour d’un thème comme O, La Nouba ou Zumanity avec des costumes féeriques. Cette nouvelle offre dont le prix des places est supérieur au cirque traditionnel (entre 45 et 150 dollars) s’adresse à un public inédit pour les cirques, les adultes. Au niveau de l’architecture de valeur, le Cirque du Soleil innove également. Après avoir créé un spectacle en interne comme Quidam en 1996 pour 5,9 millions de dollars, le spectacle est produit à Montréal et part ensuite pour une tournée mondiale qui a rapporté plus de 14,6 millions de dollars. Les revenus proviennent non seulement de la vente des tickets et des cd de la musique créée spécialement pour le spectacle par un label détenu par le groupe mais aussi des partenariats avec différentes entreprises pour chacun de ses spectacles et selon les villes où il se produit. Le cirque a, par exemple, noué un partenariat avec le groupe de loisirs américain MGM Mirage qui possède les plus prestigieux casinos à Las Vegas. Les Casinos MGN accueillent, en leur sein, les spectacles du Cirque qui attirent ensuite le public prêt à dépenser des sommes importantes aux casinos. Aujourd’hui, le Cirque du Soleil comprend plus de 4 000 employés de 40 nationalités différentes. Pour la seule année 2009, plus de 15 millions de personnes vont assister à un spectacle proposé par le Cirque du Soleil et son profit était de plus de 100 millions de dollars en 2008.
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Les relations clients-fournisseurs
Points clefs L’entreprise est insérée dans un réseau de relations de plus en plus étroites avec ses clients et ses fournisseurs. Cette imbrication croissante nécessite de dépasser une simple logique de rapport de force, pour mettre en place des systèmes coopératifs au sein de la chaîne clients-fournisseurs. En optimisant les relations entre ses principaux partenaires et ses fonctions clés, l’entreprise se donne les moyens de proposer au client final un produit en phase avec ses attentes. L’imbrication croissante des entreprises avec leurs clients et leurs fournisseurs amène à reconsidérer la relation client-fournisseur. Elles peuvent désormais leur transférer des tâches qui leur étaient traditionnellement dévolues.
1. La DÉCONSIDÉration de la chaÎne clients-fournisseurs La mondialisation, l’émergence des NTIC, ainsi que la protection des consommateurs amènent les entreprises à reconsidérer les relations au sein de la chaîne clients-fournisseurs : a) Impact de la mondialisation L’interdépendance croissante des économies ouvre de nouveaux enjeux dans la relation clients-fournisseurs : Allongement des transports. Le développement des échanges internationaux a pour conséquence une augmentation significative des distances de transport nécessaires à l’acheminement des marchandises. Ce phénomène implique une maîtrise des coûts et des délais au sein de la chaîne clients-fournisseurs. Exemple : D’après une étude de l’Association française pour la logistique (Aslog), les coûts logistiques, qui s’élevaient à 7,7 % du chiffre d’affaires des entreprises en 2001-2002, atteignaient environ 10 % de leur chiffre d’affaires en 2005-2006, et pour certains produits jusqu’à 15 % de leur prix en 2008. Délocalisation. L’ouverture d’économies jusqu’alors fermées comme la Chine, l’ex-URSS ou l’Inde, ainsi que la croissance démographique, ont multiplié par quatre la main-d’œuvre mondiale en vingt ans. Si les pays en développement offrent de faibles coûts de main-d’œuvre, ils rendent aussi les risques liés la relation client-fournisseur plus difficiles à anticiper (contexte politique, taux de change, cours des matières premières, défaillance d’un fournisseur, etc.). Exemple : En 2006, les biens ou services intermédiaires produits à l’étranger représentent 5 % de l’ensemble de la production des pays développés. Recentrage. La globalisation financière a accru le pouvoir des actionnaires et l’intérêt porté aux performances financières de l’entreprise. Les actionnaires poussent au recentrage car ils préfèrent effectuer la diversification des risques eux-mêmes. Cette tendance pose la question du recours à l’externalisation. Exemple : En juin 2009, les analystes financiers estiment que, du fait de ses nombreux métiers, le groupe de haute technologie Thalès (matériels de défense pour les armées, aéronautique, naval, solutions de sécurité, satellites, gestion du trafic aérien) constitue un ensemble disparate, qui gagnerait à être recentré sur ses activités les plus rentables.
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Fiche 24 • Les relations clients-fournisseurs
b) Émergence des NTIC Avec l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), les entreprises peuvent se doter de progiciels de gestion intégrée (ERP) permettant de coordonner efficacement leurs différentes fonctions (approvisionnements, gestion des ressources humaines, distribution, etc.). Ces technologies ouvrent de nouvelles perspectives en matière de collaboration clients-fournisseurs. Exemple : En 2008, Dans le cadre du projet SIFAC (Système d’Information Financier Analytique et Comptable), les Universités Henri Poincaré Nancy 1 et Nancy 2 se sont équipées d’une adaptation de SAP pour les établissements supérieurs. La mise en place de cet ERP permet de mutualiser les données relatives à la gestion des achats, à la comptabilité, à la gestion financière ou au contrôle de gestion. On peut ainsi connaître, par exemple, le coût d’un étudiant pour un diplôme donné. c) Protection du consommateur Préoccupation croissante des pays avancés depuis le mouvement consumériste des années 1960 aux États-Unis, la protection du consommateur fait l’objet de réglementations européennes et internationales. La chaîne clients-fournisseurs est particulièrement concernée par l’exigence de traçabilité, la logistique des retours, et le recyclage des déchets : Exigence de traçabilité. Afin d’informer le consommateur de la qualité du produit, la réglementation européenne impose qu’une étiquette soit placée sur l’emballage. Dans le cadre des denrées alimentaires et de certains biens de consommation, une identification permanente et automatisée des produits doit permettre de retracer le cheminement du produit au sein de la chaîne clients-fournisseurs. Exemple : Suite à la crise de la « vache folle », de nouvelles normes d’identification des bovins ont été mises en place en France, à partir de 1998. Afin d’assurer la traçabilité de la viande à tous les maillons de la chaîne alimentaire, les cheptels doivent porter un numéro (dit n° EDE du cheptel) à 8 chiffres. Logistique des retours. Le droit de rétractation, qui permet au consommateur d’annuler le contrat avec le commerçant sans justification, implique une organisation du flux de retour de marchandise. En outre, les législations européennes et américaines imposent à l’entreprise de mettre en place un rappel dans le cas où les produits vendus présenteraient un danger. Exemple : Au cours de l’été 2007, le numéro un mondial des jeux et jouets, Mattel, a procédé successivement à trois rappels d’articles suspectés d’être dangereux pour les enfants. 18 millions de jouets fabriqués en Chine contenaient des peintures toxiques du fait d’une haute teneur en plomb. Au total cette procédure devrait coûter 21,3 millions d’euros au géant américain. Recyclage des déchets. La collecte des emballages et des produits en fin de vie nécessitent une gestion des flux du consommateur vers le producteur. Exemple : En 2008, Tetra Pak, entreprise suédoise spécialisée dans les emballages en carton pour lait et jus de fruits, a recyclé plus de 25 milliards de ses emballages dans le monde. 2. Vers l’optimisation de la chaÎne clients-fournisseurs Afin de répondre à ces enjeux, les entreprises peuvent développer de multiples formes de collaboration avec leurs fournisseurs et leurs clients dans les domaines de la logistique, de la gestion de l’information, et du commercial.
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Fiche 24 • Les relations clients-fournisseurs
a) Logistique En matière de logistique, l’entreprise est confrontée aux questions du stockage (détention ou non d’entrepôts) et du transport (flotte de véhicules). Elle peut envisager diverses formes de relations avec ses fournisseurs et ses clients : L’externalisation de prestations classiques. La fonction logistique d’une entreprise est généralement effectuée au moins partiellement par des prestataires. Exemple : D’après une étude de Cap Gemini publiée en 2004, 80 % des entreprises d’Europe de l’Ouest ont recours à l’externalisation d’une partie de leur chaîne logistique. Ce sont le transport aval, l’entreposage, le transport amont, la gestion des formalités douanières, et le traitement des factures qui sont les activités les plus généralement confiées à des prestataires externes. La gestion des inventaires par le fournisseur. En confiant au fournisseur le soin de réapprovisionner le client quand il l’estime nécessaire, l’entreprise réduit non seulement ses coûts de stockage, mais améliore sa réactivité vis-à-vis de la demande. Exemple : À travers le Continuous Replenishment Process (CRP) initié en 1987, Wal-Mart a chargé Procter&Gamble de surveiller ses inventaires, et de prendre la responsabilité des décisions de réapprovisionnement. La gestion des stocks par le client. L’entreprise peut limiter son stock en le transférant chez le client qui peut y puiser à sa guide. Exemple : En 2009, en mettant en avant des promotions associées à l’achat de grosses quantités, l’enseigne d’hypermarchés Cora cherche à reporter le coût de stockage sur le consommateur final (qui doit achater un plus grand réfrigérateur, etc.). b) Information L’entreprise doit définir dans quelle mesure elle intègre ses clients et ses fournisseurs dans les dispositifs qui vont permettre de rendre accessible l’information pertinente (EDI, Internet, etc.). Elle peut envisager diverses formes de relations avec ses clients et fournisseurs : L’intégration des fournisseurs. Exemple : En 2009, le constructeur aéronautique EADS dispose d’outils de collaboration pour échanger les données relatives aux plans des produits conçus avec ses sous-traitants dans le monde. La participation du client. Avec Internet, le client final est sollicité pour saisir directement les données dans le système d’information de l’entreprise. Exemple : Voyages-sncf.com, première agence de voyage en ligne, délègue au client la charge de la saisie de ses données personnelles (nom, adresse, numéro de passeport, etc.) et de leur validation. c) Commercial L’entreprise doit prendre des décisions commerciales, telles la fixation des prix, le choix de la gamme de produits, l’offre de services complémentaires ou la publicité. Elle peut envisager diverses formes de relations avec ses fournisseurs et ses clients : Prévisions par point de vente. Dans le cadre de la CPFR (Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment), les fournisseurs partagent et réévaluent leurs prévisions de ventes sur la base des données transmises par chaque magasin. Exemple : En 2008, Carrefour et Coca-cola ont échangé des données relatives aux ventes promotionnelles afin d’ajuster les prévisions, et de livrer au plus juste. Livraison par le client. L’entreprise délègue une partie de la prestation commerciale au client. Exemple : Le Self check out (SCO) est un dispositif qui permet d’automatiser le passage en caisse des clients. Le magasin Carrefour d’Auteuil a inauguré le 13 mai 2009 des caisses automatiques, dont les clients apprécient les faibles temps d’attente.
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Fiche 24 • Les relations clients-fournisseurs
Ikea : de l’implication des fournisseurs à celle des clients En 2008, Ikea est devenu leader de l’ameublement en France devant Conforama. L’entreprise suédoise, qui a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 21,5 milliards d’euros, compte 123 000 employés dans 25 pays. Pour produire plus de 10 000 références, Ikea s’approvisionne auprès de 1 350 fournisseurs qui sont pour deux tiers d’entre eux localisés en Europe. La proximité géographique permet de réduire les coûts de transport, mais aussi d’entretenir des relations étroites avec les fournisseurs. Les salariés des 45 bureaux d’achat situés dans 31 pays se rendent fréquemment chez leurs fournisseurs afin d’améliorer les processus de production et de contrôler la qualité. L’objectif de cette collaboration est avant tout d’augmenter les quantités produites. Dès lors, Ikea n’hésite pas à s’engager dans des relations à long terme avec ses fournisseurs, allant jusqu’à investir dans l’outil de production. En outre, l’utilisation de paquets plats permet un remplissage optimal lors du transport des produits, limitant les coûts logistiques. Si l’optimisation de la relation fournisseur joue un rôle important dans la capacité d’Ikea à proposer des prix bas, la participation du client au transport et au montage de son meuble est, elle, décisive. Le stockage en kit permet à Ikea d’offrir une disponibilité permanente de toutes ses références dans tous les magasins du monde. En outre, Ikea réalise des économies du fait de la disparition d’un maillon dans la chaîne clients-fournisseurs : l’assemblage. Le concept Ikea nécessite des magasins mesurant au minimum 12 000 m2 de surface de vente, permettant de mettre en œuvre le libre-service, ainsi que le restaurant. Il requiert, par ailleurs, d’importantes plates-formes logistiques. En 2009, un site de 135 000 m² s’ouvre ainsi à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Ce sera le premier entrepôt français d’Ikea situé près d’un port. En effet, 80 % des marchandises y seront acheminées par conteneurs maritimes, 33 % de la production d’Ikea étant désormais confiée à des sous-traitants asiatiques.
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Internet et la stratégie d’entreprise
Points clefs En 2000, dans un article intitulé « Le management est mort, vive le e-management ! », Michel Kalika annonçait : « Tous les secteurs, tous les métiers, toutes les fonctions de l’entreprise ont été, sont ou seront bouleversés par Internet ». Près de dix ans plus tard, le constat est sans appel, Internet a modifié en profondeur la stratégie d’entreprise, dans les sources de l’avantage concurrentiel et dans la pratique même de cette dernière. De nouveaux géants sont apparus, comme Amazon ou Google, et toutes les organisations ont intégré ce nouveau média, comme simple canal de distribution, source d’information, outil de formation ou encore comme nouvelle source d’avantage concurrentiel.
1. UN Changement des sources de l’avantage concurrentiel L’avantage concurrentiel permet la création de valeur pour l’entreprise. Internet vient modifier les modalités de cette création de valeur en intensifiant la concurrence sur le marché mais également en faisant apparaître de nouvelles compétences. a) Intensification de la concurrence Les forces de la concurrence, comme décrites par Porter, sont redéfinies par l’arrivée d’Internet : Diminution des barrières à l’entrée. L’arrivée de nombreux pure players, acteurs du marché exerçant leurs activités uniquement en ligne, ainsi que la rapidité avec laquelle les entreprises réelles se sont développées en ligne, montrent bien la diminution des investissements de départ nécessaires à la création d’entreprise. Exemple : Alors que les médias traditionnels éprouvent de plus en plus de difficultés, on assiste à une recrudescence de médias pure players comme Slate, rue89 ou Mediapart. Plus de soucis de distribution, d’impression, ni même de contenu ou de rédaction puisque dans la plupart des cas, l’information est alimentée par les lecteurs. Reste la vérification de celle-ci et sa mise en valeur auprès des publics. Apparition de nouveaux produits de substitution. Internet permet de virtualiser de nombreux produits. Les logiciels sont devenus Web-based, la musique s’achète sur I-tunes ou se pirate sur e-mule, l’information se lie sur googlenews, etc. Exemple : En 2009, 75 % des mises réalisées sur Internet, en France, le sont sur des sites illégaux. Leur montant dépasserait 2 milliards d’euros par an. Le cabinet de conseil Arthur D. Little estime que le montant des mises sur le marché des jeux en ligne légaux atteindra 3,4 milliards d’euros en 2015. Hausse du pouvoir de négociation des clients. Internet redonne au client un pouvoir accru dans la négociation avec l’entreprise. Exemple : L’exemple de « Dell-Hell » est significatif du bouche à oreille négatif que peut exercer un client sur Internet. Jeff Jarvis, blogueur influent, a relaté en 2005 ses démêlés avec le service après-vente de Dell. Le PDG de Dell en personne a pris contact avec Jeff Travis qui a annoncé sur son blog le lancement d’IdeaStorm, une « plateforme pour être à l’écoute de ses clients ». Hausse du pouvoir de négociation des fournisseurs. Internet permet aux entreprises, de multiplier leur nombre de clients et de réduire les frais de distribution, grâce aux places de marché électroniques. Exemple : La place de marché marketo.com permet à de nombreuses PME de ne plus être dépendantes d’un seul donneur d’ordre. 98
Fiche 25 • Internet et la stratégie d’entreprise
Augmentation de la concurrence interne. Internet rapproche des entreprises jusqu’alors différenciées, par leur implantation géographique, par leur canal de distribution, leur personnel. Non seulement les offres se ressemblent, mais encore elles peuvent être facilement comparées par les clients, en surfant d’une offre à l’autre ou en utilisant des sites comparateurs. Exemple : Le site anglais mysupermarket.co.uk permet de faire constituer un panier de course online, puis d’évaluer le prix de ce dernier chez les concurrents Tesco, Asda, Sainsbury’s et Ocado, avant évidemment de choisir le moins cher. b) Apparition de nouvelles compétences Internet n’est pas uniquement synonyme de nouveaux marchés ou de nouveaux concurrents, mais permet également le développement de nouvelles compétences sur lesquelles faire reposer l’avantage concurrentiel des entreprises : La logistique. Les compétences liées à la livraison des produits et à la gestion des plateformes logistique sont essentielles. C’est un élément différenciant des offres de plus en plus homogènes en termes de prix et de qualité. Exemple : Une conférence intitulée « Comment optimiser la logistique du dernier kilomètre », s’est tenue à Paris le 12 novembre 2009. Des entreprises comme Monoprix, Chronopost, Kiala, Rue du commerce y ont discuté de l’usage des points relais dans la livraison, du développement d’une logistique « propre » ou des modes de livraison alternatifs. La réputation. En particulier dans les services où la qualité n’est pas « testable », l’atout réputationnel reste le principal élément différenciant. Internet est un relais de bouche-àoreille extrêmement performant. On parle de « e-réputation » et de « marketing Web social ». Exemple : Lancé en 2000, Tripadvisor est devenu l’une des figures emblématiques du Web 2.0, selon les avis de consommateurs sur les hôtels et lieux de séjours touristiques. Cité par tous les acteurs du tourisme comme une référence à suivre, ce site ne génère pas moins de 32 millions de visiteurs par mois. Selon le site compete.com, 88 % des utilisateurs de tripadvisor déclarent que le site a influencé leur choix de destination de voyage et 37 % consultent systématiquement le site avant chaque décision de voyage. La visibilité. Le « pignon sur rue » a été remplacé par le référencement sur Internet. Une compétence majeure pour une entreprise aujourd’hui consiste à réussir son référencement, en particulier sur Google. De nombreux cabinets de conseil se sont faits experts en référencement. Le budget moyen de référencement en France était de 10 000 euros, en augmentation de 17 % sur un an. Exemple : Aux États-Unis, Le Ventura Eye Institute de Los Angeles a vu ses consultations multipliées par 4 quand son nom est apparu en première page du référencement naturel sur Google. La sécurité financière. Une entreprise présente sur Internet doit assurer à ses clients une parfaite sécurité des paiements. Exemple : Fia-Net, l’un des spécialistes de la garantie des transactions par Internet, vient de mettre au point une évaluation des meilleurs sites marchands français. Il attribue désormais aux tout premiers le label Premium, garantie de leur sérieux. 2. Une stratÉgie renouvelÉE a) Des moyens au service de l’hyper-croissance Internet accroît les possibilités de croissance, même si les moyens à la disposition des entreprises restent inchangés, de la croissance interne aux fusions-acquisitions : La croissance interne. Internet offre des possibilités de croissance beaucoup plus rapide que dans l’économie réelle. Exemple : L’exemple de Facebook dont la croissance a atteint 132 % en 2008 est inédit. Ouvert en septembre 2006, le site comptait, 3 ans plus tard, plus de 300 millions de membres. 99
Fiche 25 • Internet et la stratégie d’entreprise
Les alliances. Pour développer leur activité dans des secteurs où elles ne sont pas leaders, les entreprises présentes sur Internet jouent la carte de l’alliance stratégique. Exemple : Amazon a racheté Zappos en juillet 2009 le géant américain de la chaussure en ligne. Zappos gardera cependant son équipe de direction et son fonctionnement ainsi que ses usines en Louisiane. Cette alliance vient clôturer une guerre concurrentielle qu’Amazon, malgré sa taille n’a jamais pu gagner sur le marché des chaussures en ligne. L’externalisation. La dématérialisation de nombreux service, encouragé par le développement de ces mêmes services en ligne, conduit à de nombreuses externalisations des fonctions de l’entreprise, en particulier l’utilisation de logiciel de gestion (comptabilité, recrutement, gestion des ressources humaines…) en mode SaaS (logiciels en ligne, non hébergés par l’organisation). Exemple : 52 % des entreprises françaises utilisent ou utiliseront le mode SaaS en 2010 pour au moins une activité de l’entreprise autrefois réalisée en propre. Les fusions/acquisitions. L’arrivée de concurrents sur Internet a donné lieu à de nombreuses opérations de rachat de la part d’entreprises réelles, dont le but est de rester leader sur le marché. Exemple : À partir de 2006, le groupe Lagardère a racheté le site médical Doctissimo, le site d’information Newsweb ainsi que la régie publicitaire en ligne ID Régie et la première agence de communication online Nextedia, et ce, afin d’être le premier groupe média français à remonter la chaîne de valeur de l’information vers la régie publicitaire. b) Des choix sous contraintes Internet peut toutefois représenter une limite aux stratégies des entreprises en multipliant les contraintes. Une limitation du périmètre d’activités. Après une forte vague de croissance, de rachat et d’alliances et une certaine dérive expansionniste, les entreprises présentes sur le Net tendent à se recentrer sur leurs compétences de base et éviter ainsi une trop forte dilution de leur image. Exemple : Google se recentre en 2009 et annonce la fermeture de plusieurs services et ses premiers licenciements. À commencer par Google Vidéo concurrent direct de YouTube. Jaiku ensuite, site de micro blogging, qui va passer en open source. Google Search Catalog qui permettait d’explorer les catalogues de vente, disparait aussi. Une gestion difficile d’activités concurrentes et complémentaires. De nombreuses entreprises doivent jongler entre leur activité réelle et une activité virtuelle, parfois complémentaire mais également concurrente. Exemple : La Société Générale profite du rachat de Boursorama pour doubler son taux de couverture en ligne mais cannibalise, de fait, son réseau traditionnel et ses propres agences. Une internationalisation piège. Internet permet l’internationalisation des activités en ouvrant les marchés. Cependant, les frontières géographiques ne disparaissent pas complètement et doivent être anticipées par les entreprises. Exemple : La pénétration du marché français par Amazon a débuté en août 2000 par de nombreux revers. Le modèle de prix cassé s’est heurté à la loi Lang limitant à 5 % le montant des baisses accordées sur le prix de vente conseillé sur les produits culturels. Ensuite, la constitution d’un catalogue de plus de 400 000 titres en français (l’anglais remportant en France un succès relatif) a été longue et coûteuse. Enfin, un puissant concurrent local, la FNAC, a limité l’accès d’Amazon au marché, en développant son propre site de vente en ligne.
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Fiche 25 • Internet et la stratégie d’entreprise
La saga des cybercourses L’essor de l’e-commerce dans de nombreux secteurs d’activités était basé avant tout sur des prix bas. Ainsi, grâce à des coûts maitrisés, les ventes de produits high-tech, culturels ou encore de voyages connaissent depuis les années 2000 une véritable révolution tarifaire. À l’inverse, les cybermarchés alimentaires font face à une structure de coût défavorable (entrepôt, stock de denrées périssables, constitution des paniers non automatisée, flottes de livraison, etc.). La cible a longtemps été plus restreinte que prévue. Mais pour s’affirmer, les cybermarchés ont trouvé d’autres axes de différenciation. Telemarket a été le premier, dès l’été 2006, à proposer un rayon composé des marques de distributeurs Monoprix. À partir de 2007, alors que Houra (groupe Cora) était alors le seul présent en dehors de Paris et Lyon, la conquête de la province et la recherche de la taille critique commença. Les nouveaux entrants, Ooshop (groupe Carrefour), Auchandirect ou Coursengo (groupe Leader Price) se sont lancés dans des stratégies de conquête, rivalisant d’offres réservées à leurs premiers clients (livraison gratuite, bouteille de champagne offerte, etc.). Mais un tournant a incontestablement été l’arrivée d’Intermarché dans la bataille. Reposant sur un système logistique différent (nommé picking), consistant à se reposer sur ses magasins physiques pour les stocks, la préparation des commandes et la livraison, le supermarché en ligne du groupe Les Mousquetaires a su se faire une place dès 2008, grâce à deux avantages : l’ouverture rapide de nouveaux points de vente partout en France (grâce à un réseau de supermarchés physiques très dense), et surtout, grâce à des prix comparables à ceux pratiqués en magasin. Ceci leur a permis d’arriver largement en tête (10 % moins chers que les autres acteurs) du baromètre des prix Supermarche.tv. Avec l’arrivée de ces concurrents d’un nouveau genre, les cybermarchés ont réagi. En mars 2009, Telemarket a décidé de supprimer totalement les frais de livraison. L’opération, prévue initialement pour mars et avril, a été reconduite jusqu’au 5 juillet. Peu de temps après, c’est Auchandirect qui a annoncé la baisse des prix sur pas moins de 500 produits. En mai 2009, ce fut au tour de Monoprix d’entrer sur le marché des courses en ligne en supprimant les frais de livraison. Ainsi, même si les prix (hors promotions) sont encore en moyenne plus élevés via Internet, l’arrivée d’Intermarché a obligé les acteurs du marché à changer leur politique.
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La conduite du changement
Points clefs Confrontée à un environnement en perpétuelle mutation, l’entreprise doit intégrer le changement dans ses modes de gestion. La conduite du changement désigne un ensemble de méthodes destinées à créer des conditions favorables pour mettre en œuvre le changement dans l’entreprise.
1. LES dÉterminants du changement et la capacitÉ À changer Il existe différents types de changements, selon leur ampleur (selon qu’ils impliquent ou non une modification de la culture) et selon leur nature (selon qu’ils peuvent s’appuient sur une évolution incrémentale ou nécessitent une transformation radicale). La performance et la survie d’une entreprise dépendent donc de sa capacité à changer, par adaptation, évolution, reconstruction ou révolution. La dynamique de changement peut néanmoins se heurter à des obstacles au sein de l’entreprise. a) Les déterminants du changement La nécessité d’un processus de changement peut provenir de différents facteurs : Redéfinition de la stratégie. Des mutations dans le contexte économique et concurrentiel peuvent nécessiter un changement de stratégie, source de transformations profondes dans l’entreprise, tel un changement de culture. Exemple : Face à la montée en puissance des concurrents proposant des appareils photo numériques, Kodak, le géant mondial de la photographie, s’engage en 2003 dans un processus de changement organisationnel. En 2007, le dernier laboratoire de Kodak consacré à la photo argentique en France ferme ses portes. Adoption d’une nouvelle technologie. L’entreprise peut être amenée à adapter ses structures aux évolutions technologiques. Exemple : En mai 2009, si seulement 5 % des entreprises ont adopté le cloud computing, 46 % d’entre elles envisagent d’y avoir recours, selon le cabinet Forrester. Ce mode d’externalisation des services informatiques permet aux entreprises d’accéder à distance aux ressources informatiques dont elles ont besoin, sous la forme d’une location, plutôt que d’investir dans des équipements et des logiciels. Structure inadéquate. Les structures et procédures peuvent au fil du temps devenir inadaptées au fonctionnement de l’organisation. Exemple : Confrontée à la nécessité d’augmenter sa production avec l’émergence du marché de l’énergie solaire, Tenesol, entreprise française spécialisée dans la fabrication de panneaux photovoltaïques doit développer en 2009 de nouvelles méthodes d’organisation pour passer d’une production artisanale à une production industrielle. Individus. L’attitude des salariés, comme par exemple un manque de motivation au travail peut être source d’absentéisme, de départs volontaires, et de grèves. De tels phénomènes vont nécessiter des changements en matière de gestion. Exemple : En octobre 2009, suite à une série de 25 suicides depuis février 2008, l’État, principal actionnaire, a demandé à la direction de France Télécom de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences permettant de donner une meilleure lisibilité aux mutations géographiques ou professionnelles des salariés.
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Fiche 26 • La conduite du changement
b) Les freins au changement Les origines de la résistance au changement dans l’entreprise sont de deux ordres : Les motifs organisationnels. Le changement peut se heurter à des structures et à des processus (décisionnels, d’information, de contrôle) rigides. La culture d’entreprise peut également constituer un frein. Exemple : En 2008, le groupe de vente par correspondance Camif s’est placé en cessation de paiement. Destinée à une clientèle d’enseignants pour laquelle le prix est devenu le principal critère d’achat, la Camif n’a pas su faire évoluer son mode de fonctionnement, par exemple en s’approvisionnant auprès de fournisseurs offrant des tarifs plus avantageux. Le syndrome de la tour d’ivoire (les dirigeants ne sont pas en prise avec la réalité), conduit à négliger le changement. Exemple : Le changement en 2009 de plus de 500 magasins Champion en Carrefour Market vise, d’après le PDG du groupe Carrefour à « attirer le client, gagner en notoriété, améliorer la performance commerciale et augmenter le chiffre d’affaires au mètre carré ». Les salariés, devant les changements d’horaires de travail imposés par l’ouverture le midi des magasins, ont poursuivi en justice en octobre 2009 leur employeur pour non-paiement des temps de pause. Les motifs individuels. Le changement génère un sentiment d’insécurité parmi les salariés. Il est associé à une disparition du passé et une remise en cause des routines et des accomplissements antérieurs. Exemple : Mårten Mickos, le PDG de la start-up suédoise MySQL, raconte que lorsqu’il a annoncé à ses salariés, en 2008, que leur entreprise était rachetée par l’Américain Sun, ceux-ci ont mis quinze minutes à le croire, avant de se mettre à pleurer ou à réagir violemment. Les individus risquent de se conformer en apparence à ce que prévoit le programme de changement sans pour autant y adhérer. Exemple : Chez GPN, filiale chimique du groupe Total, l’introduction dans le catalogue d’un produit destiné à limiter la pollution des déchèteries, bien qu’accepté par les commerciaux, n’a pas suffi à les impliquer, ces derniers étant habitués à vendre des engrais, notamment aux agriculteurs. 2. Accompagner le changement pour lever les freins a) Les acteurs du changement Trois catégories d’acteurs vont jouer un rôle clé dans le changement : Le leader du changement. Le leader, qui n’est pas nécessairement le dirigeant de l’entreprise, construit une vision stratégique qu’il fait partager aux collaborateurs. Exemple : Le charisme de Carlos Ghosn, qui a redressé le constructeur automobile Nissan, lui a valu d’être représenté en héros de manga au Japon. En 2006, il est nommé président de Renault, de Nissan et de Dacia. L’implication des managers intermédiaires. Ils peuvent être un frein ou moteur. Les managers traduisent la stratégie aux collaborateurs, et contrôlent sa mise en œuvre. Ils peuvent ajuster le changement au terrain, et tenir la direction au courant des risques de blocage. Exemple : Dès la fin des années 1980, IBM avait prévu d’axer davantage son développement sur le software et les services. Dans les années qui suivent, les managers, toujours évalués sur les ventes de hardware, vont ignorer cette stratégie. En 1993, « Big Blue » enregistre une perte de 8 milliards de dollars. Les intervenants extérieurs. Un nouveau directeur général, des managers, consultants ou parties prenantes externes (gouvernement, client, etc.) peuvent être impliqués dans le changement. Ils peuvent en effet apporter un regard vierge sur la situation et permettre de légitimer des décisions difficiles. Exemple : Tim Armstrong, PDG d’AOL a engagé des consultants 103
Fiche 26 • La conduite du changement
d’Alix Partners pour l’aider à décider qui doit être licencié lors de la restructuration de son entreprise. Ces derniers déclarent : « Dans le climat actuel, le changement radical est devenu la règle, et pour faire face à cette transformation, nos consultants seniors disposent de techniques éprouvées, ainsi que de l’expertise et du leadership nécessaire à faciliter un revirement réussi ». b) Les leviers du changement La mise en œuvre du changement sera facilitée si elle est déployée selon les principes suivants : S’appuyer sur un sentiment d’urgence. Celui-ci peut être lié à la situation de l’entreprise (crise, fusion-acquisition) ou suscité par la direction dans le cadre d’une nouvelle stratégie. Les salariés sont d’autant plus mobilisés autour du changement, qu’ils perçoivent celui-ci comme inéluctable. Exemple : Les consultants considèrent, qu’à la date d’annonce d’une fusion-acquisition, la direction dispose d’une période de 100 jours, pendant laquelle les changements sont plus facilement acceptés par les salariés. Contester les schémas de pensée établis. Les hypothèses implicites et les représentations collectives ancrées dans la culture de l’entreprise peuvent constituer des freins au changement. Prendre conscience de ces hypothèses constitue une première étape dans la remise en cause des schémas de pensée établis. En outre, changer les routines, c’est-à-dire les « manières de faire » propres à l’entreprise, est un moyen efficace de changer en profondeur les schémas de pensée. Exemple : Confronté à l’indifférence des différents services à l’égard des problèmes de l’entreprise, Bell Canada a mis en place entre 2005 et 2008 une plate-forme Internet, destinée à promouvoir une culture de collaboration. À l’image de l’émission télévisée American Idol, les salariés sont invités à voter pour les meilleures idées. Valoriser les symboles. Les symboles sont des objets, actes, événements ou individus qui expriment davantage que leur réalité intrinsèque. Ils peuvent jouer un rôle dans la construction des croyances et des aspirations des salariés, et dans la désacralisation du passé. Exemple : En 2009, Frédéric Rose, le PDG de Thomson a annoncé que le groupe, ancien emblème de l’industrie électronique française, allait accompagner sa restructuration d’un changement de nom, pour signifier son changement d’activité dans les technologies de l’image. Communiquer. Afin d’éviter la méfiance et les rumeurs qui diminuent l’implication des salariés, il est nécessaire de leur faire comprendre les choix effectués et de présenter régulièrement des résultats tangibles. Exemple : En 2001, Carlos Ghosn décrit en ces termes sa communication dans le cadre du plan de redressement de Nissan (Nissan Revival Plan) : « Dans mes explications, j’ai accordé une grande place à cet aspect : comment, précisément, les choses allaient se dérouler. Enfin, j’ai pris des engagements précis : j’ai dit que ce plan devait permettre, en un an, d’afficher des résultats positifs, de réduire la dette de moitié et de réaliser un profit équivalent à 4,5 % du montant des ventes ». Faire participer aux décisions. L’implication des salariés dans les choix liés au changement permet de remporter leur adhésion. Parties prenantes des décisions, ils peuvent difficilement s’en dissocier. Exemple : Dans le cadre de la fusion Sun-MySQL en 2008, des groupes de travail bipartites ont été constitués avant l’intégration de manière à adopter des pratiques communes en matière d’ingénierie, de produits, de marketing ou de RH.
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Fiche 26 • La conduite du changement
La Poste face au changement En 2009, La Poste est une entreprise en pleine mutation. Au-delà du changement de logo effectué en 2006, le processus de changement, engagé en 2003 avec la nomination de Jean-Paul Bailly à la tête du groupe, s’inscrit dans le cadre d’une redéfinition de la stratégie de l’opérateur postal français. Face à la libéralisation progressive du marché européen du courrier prévue pour le 1er janvier 2011, et à la baisse du trafic postal, La Poste a lancé une série de plans ambitieux pour améliorer sa compétitivité et devenir « un leader européen dans chacun de ses métiers d’ici 2012 ». Le programme de modernisation de l’outil industriel, baptisé « Cap Qualité Courrier » prévoit un investissement total de 3,4 milliards d’euros jusqu’à 2010. À terme, 70 % de la sacoche du facteur devra être le résultat d’un traitement automatisé. Autre priorité, le développement des services financiers est assuré depuis le 1er janvier 2006 à travers la Banque Postale, qui n’est plus un service public d’État depuis 2009, mais une SA. L’organisation des agences reste un chantier délicat. Les files d’attentes, problème fréquemment soulevé par les clients de La Poste, ont suscité la mise en place de formations d’accueil des clients auprès des agents pour un budget de 150 millions d’euros. Symbole de cette orientation, les hygiaphones sont progressivement bannis des bureaux de poste. Ces transformations ont lieu dans un climat social tendu, car elles suscitent de nombreuses inquiétudes parmi les agents. L’industrialisation du traitement du courrier fait craindre des réductions d’effectifs, ainsi que des mutations géographiques et fonctionnelles forcées. En outre, la mission de service public traditionnellement assurée par La Poste serait remise en cause par le passage de la notion d’« usager » à celle de « client ». Afin d’exprimer leur opposition à la transformation de leur entreprise en société anonyme, les syndicats ont lancé une journée de grève le 22 septembre 2009. Celle-ci a généré une forte mobilisation avec 21 % de manifestants selon la direction, et 40 % selon les syndicats. Jean-Paul Bailly, ancien PDG de la RATP, rompu au dialogue social, ne se décourage pas, et compte insuffler une véritable culture entrepreneuriale grâce à un renouvellement progressif des cadres du groupe.
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La dynamique industrielle et l’hypercompétition
Points clefs Si l’analyse de la structure d’une industrie reste statique, le modèle du cycle de vie suggère que les industries émergent à petite échelle, puis connaissent une phase de croissance qui se termine par une phase de sélection des meilleures. Suivent alors une phase de maturité et une phase de déclin. Mais lorsque la fréquence, l’amplitude et l’agressivité des interactions concurrentielles créent une situation de déséquilibre permanent, l’analyse classique par le cycle de vie n’est plus adaptée et laisse place à l’hypercompétition.
1. Le cycle de vie d’une industrie Si le cycle de vie n’est pas systématique et que la durée de chaque phase peut varier d’une industrie à l’autre, les entreprises doivent lors de chacune d’entre elles mettre en place des stratégies adaptées. a) L’émergence La phase d’émergence est une phase d’expérimentation. La concurrence est peu intense, même si les profits sont limités par les investissements et les offres différenciées. L’innovation est la principale clé du succès. Exemple : L’industrie des énergies renouvelables (14,1 % de la consommation d’électricité en France en 2008) se caractérise par des méthodes variées : hydraulique (87 %), éolienne (8 %), valorisation des déchets (2,5 %), bois énergie (1,8 %), solaire (1 %), etc. Si l’objectif est d’atteindre en Europe 20 % d’énergies renouvelables en 2020, nul ne peut prédire quelle source d’énergie réussira à s’imposer. b) La croissance La phase de croissance étant associée à une hausse de la taille du marché, l’intensité concurrentielle demeure faible, même si les barrières à l’entrée sont encore peu importantes. Exemple : L’industrie des nanotechnologies a atteint 700 milliards de dollars de revenu en 2009, mais est estimée à 1 000 milliards en 2015. Toutes les grandes entreprises s’y lancent. IBM a été la pionnière, puisque c’est dans ses laboratoires qu’en 1990 son logo a été dessiné avec 35 atomes de Xénon. Depuis, les Intel, Sony ou Toshiba sont dans la course. Michelin étudie l’introduction de nanocharges dans ses pneus pour limiter l’usure et le bruit, Bayer veut mettre des nanotubes dans ses plastiques, et même Ikea utilise des revêtements nanotechnologiques pour ses tables de cuisine. c) La sélection La phase de sélection débute lorsque le taux de croissance ralentit, ce qui déclenche généralement une guerre des prix ; l’intensité concurrentielle augmente, ce qui pousse les entreprises les moins compétitives à quitter l’industrie. Exemple : Darty, Free, SFR, Bouygues et Orange, tels sont les survivants de l’industrie du triple play (Internet, Téléphonie et Télévision). Club Internet et AOL France rachetés par Neuf Cegetel, lui-même racheté par SFR, Alice repris par Free, beaucoup d’entreprises n’ont 106
Fiche 27 • La dynamique industrielle et l’hypercompétition
pas résisté à la baisse de la croissance du marché (+9,4 % en 2008 sur le nombre d’abonnés, à 18,7 millions, contre une croissance et 13 % en 2007 et 23,8 % en 2006). d) La maturité Lors de la phase de maturité, le contrôle des réseaux de distribution, les économies d’échelle et l’expérience acquise érigent des barrières à l’entrée. L’offre se standardise et les parts de marché se figent. Les entreprises doivent alors tenter de se différencier sur de nouvelles dimensions, comme les services. Exemple : En France, le produit net bancaire réalisé par les banques de détail n’augmente depuis 20 que de 1 à 2 % par an. La seule entrée d’une banque étrangère, HSBC, s’est faite par le rachat du CCF en 2000. Les principaux acteurs, comme le Crédit Agricole, la BNP ou la Société Générale, se singularisent par leur relation client et commercialisent des nouvelles offres pour augmenter leurs marges, comme des assurances ou des packages (agglomération de plusieurs services, comme la carte bancaire, le découvert autorisé, etc.). e) Le déclin La phase de déclin se caractérise par une extrême concurrence, en particulier si les barrières à la sortie sont élevées. La maîtrise des coûts est clé. Exemple : La baisse des ventes mondiales de musique, tous supports confondus (- 11 % en 2007, - 8 % en 2008), oblige les majors à réagir. Warner Music Group présente dans son rapport annuel 2008 les pistes suivantes : retenir les artistes établis, développer la musique en ligne, diversifier les sources de revenu (en organisant des concerts par exemple), variabiliser la structure de coût (par l’externalisation des activités de production des CD et DVD) et contenir le piratage. Malgré cela, Warner affiche des pertes de 21 millions en 2007 et de 56 millions en 2008. 2. L’hypercompÉtition Les concurrents interagissent constamment : les baisses de prix entraînent des baisses de prix, les innovations des imitations, les alliances des contre alliances, etc. De plus, les concurrents interagissent simultanément à plusieurs endroits (zone géographique) et sur plusieurs dimensions (rapport qualité/prix, services, etc.). Lorsque ces manœuvres sont fréquentes, l’environnement est hypercompétitif. Les cycles d’attaques, ripostes et contre ripostes sont donc endogènes à l’industrie et se superposent au cycle de vie exogène qui guide son évolution. Alors que dans un environnement stable, les organisations doivent construire et préserver un avantage concurrentiel, un environnement hypercompétitif force les organisations à anticiper que leur avantage ne sera que temporaire. a) Les cycles de manœuvres stratégiques D’Aveni distingue en 1995 les caractéristiques d’une stratégie adaptée à l’hypercompétition : la satisfaction des parties prenantes, la surprise, la vitesse d’exécution, la capacité à prévoir les attentes futures des consommateurs, le changement des règles du jeu, la simultanéité de manœuvre et l’utilisation de signaux. On trouve ici les bases d’une stratégie en perpétuel mouvement. Exemple : À la veille de la remise des dossiers de candidatures pour la 4 e licence mobile prévue le 29 octobre 2009, Orange, SFR et Bouygues faisaient tout pour empêcher l’arrivée d’un nouvel opérateur en général, et de Free en particulier qui se présente comme le « Robin des bois » du mobile. L’inventeur de l’offre triple play à 29,99 euros, promet en effet de diviser par deux les prix du mobile en France, ce qui pourrait réduire les marges brutes (comprises 107
Fiche 27 • La dynamique industrielle et l’hypercompétition
entre 30 et 40 %) des opérateurs historiques. Les trois opérateurs menacent de plainte à la Commission européenne. Ils considèrent par exemple que le prix de la licence a été bradé (240 millions d’euros, contre 619 pour chacun des opérateurs en place), qu’entre 10 000 et 30 000 emplois qui seraient détruits par l’arrivée d’un concurrent qui fera pression sur les prix. Le 15 septembre 2009, Nicolas Sarkozy, après s’être déclaré pour plus de concurrence dans la téléphonie mobile, a déclaré son hostilité à l’arrivée d’un « trublion » du mobile. La réponse de François Fillon n’a pas tardé : « Monsieur le Président, les trois opérateurs dont vous avez parlé, ce sont bien ceux dont vous disiez il y a trois mois qu’ils se gavent ? » b) La concurrence multipoints La concurrence multipoints se réfère aux situations où les entreprises se concurrencent sur plusieurs territoires simultanément. Ces situations de forte interdépendance concurrentielle se retrouvent par exemple chez les compagnies aériennes au niveau de chaque ligne, chez les banques au niveau de chaque agence, chez les fast-foods au niveau de chaque restaurant ou encore chez les multinationales diversifiées au niveau de chaque domaine d’activité. Dans cette configuration, plus que jamais, la réussite de la stratégie d’une entreprise est dépendante de celle de ses concurrents. Exemple : La compagnie américaine America West mena en 1989 une campagne de promotion sur les lignes les plus fréquentées (au départ de Houston) de son concurrent, Continental Airlines. Au lieu de baisser les prix de ses vols au départ de Houston, ce qui aurait été désastreux pour la rentabilité de la compagnie, Continental Airlines baissa ses prix sur les vols au départ de Phoenix, où American West avait établi sa sphère d’influence. Ce dernier, face à ces représailles, supprima sa campagne de promotion. Les contacts multipoints peuvent donc être paradoxalement des antécédents d’une moindre interaction concurrentielle sur les territoires dans lesquels les entreprises se rencontrent. La concurrence multipoint conduit à des comportements stables et prévisibles dans le temps.
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Fiche 27 • La dynamique industrielle et l’hypercompétition
VimpelCom sur le marché russe de la téléphonie mobile En 1996, les analystes du New York Stock Exchange prévoyaient un taux de pénétration du téléphone mobile en Russie de 14 % à horizon 2007. Il fut en réalité de 120 %. Alexander Izosimov, PDG de VimpelCom, leader du secteur depuis 2006, appelle cela de l’hyper-croissance. Quand il a pris la tête de l’entreprise en 2003, chaque réunion était une réunion de crise et chaque décision était prise dans un sentiment de panique. Les campagnes de publicité étaient tournées en trois jours, moins d’une semaine avant leur diffusion. Alexander Izosimov décrit les règles qui ont permis à son entreprise de sortir en 2008 vainqueur des phases de croissance et de sélection de cette industrie (entre 1996 et 2008, la capitalisation de l’entreprise est passée de 607 millions à plus de 40 milliards de dollars). « Vendre d’abord, poser des questions ensuite ». Une fois que la croissance ralentit et que les leaders sont identifiables, les parts de marché ne changent plus beaucoup (les études en Europe de l’Ouest ont montré que la stabilité est atteinte lorsque le taux de pénétration a atteint entre 70 et 80 %). En Russie, entre 2003 et 2005, le taux de pénétration est passé de 20 % à 80 %. Chez VimpelCom, l’accent a été mis en 2003 sur l’acquisition de nouveau clients, avec des frais généraux qui représentaient jusqu’à 75 % des revenus. En 2004, l’accent a été mis sur l’EBE, afin de commencer à réduire les coûts. Fin 2005, une nouvelle définition de la croissance a été introduite, en mesurant le revenu par abonné. En 2006, il s’agissait de maximiser la rentabilité économique (résultat d’exploitation divisé par la somme des actifs immobilisés et du besoin en fond de roulement). « Ne pas trop innover ». La vision de marché en avance en terme de cycle de vie (UE, États-Unis et Japon) a permis à VimpelCom de se focaliser jusqu’en 2007 sur les fonctions essentielles du téléphone, sans investir sur la 3G ou le Wimax ni offrir à ses consommateurs de Vidéo ou d’accès Internet. « S’organiser comme McDonald’s ». En 2003, le leader historique Mobile TeleSystems utilisait sa trésorerie élevée pour financer des acquisitions. VimpelCom du se tourner vers la croissance interne, et créer une organisation à la fois évolutive et standardisée. Par exemple, chaque mois se tenait une réunion au siège et dans chaque unité du groupe où les participants devaient étudier les mêmes indicateurs. Si un manager était transféré d’une unité à une autre, il restait opérationnel. Pour Alexander Izosimov, gérer une entreprise dans une phase d’hypercroissance ressemble à un sport extrême, comme le surf ou le ski hors piste, il ne faut pas dominer l’environnement mais bouger avec lui.
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La stratégie en pratique
Points clefs D’où vient la stratégie ? Souvent présentée comme top-down, imposée aux membres d’une entreprise par ses dirigeants, la stratégie est en fait le résultat d’une activité sociale issue de codes, d’actions éparses et de jeux d’acteurs. Que se passe-t-il concrètement au sein des entreprises quand il s’agit de décider d’une stratégie ? Comment sont utilisés les concepts théoriques développés par les chercheurs et les recommandations formulées par les cabinets de conseil ? Qui prend réellement les décisions stratégiques ? Autant de questions auxquelles s’intéresse la stratégie en pratique.
1. Les stratÈges Il existe différentes catégories d’individus impliqués dans la mise en œuvre de la stratégie dans l’organisation et ce à différents niveaux de l’entreprise. a) Les dirigeants En fonction de son statut juridique, le dirigeant est plus ou moins au cœur des décisions stratégiques. Le directeur général est le « stratège en chef », il y consacre un tiers de son temps au moins. Le risque est ici la personnalisation excessive de la stratégie, chaque nouveau dirigeant désirant marquer de son empreinte la stratégie d’une entreprise. Exemple : Régis Schultz, 40 ans, est depuis octobre 2008 le nouvel homme à la tête de l’enseigne But. Il a commencé par remanier l’équipe de direction puis revu de fond en comble la gestion avec un retour à la politique du juste prix et une simplification de l’offre. Néanmoins, il déclarait en mars 2009 : « Je n’ai aucune intention de bouleverser le parcours remarquable de l’enseigne. Au contraire, je cherche à valoriser au maximum les avancées qui ont déjà été faites. » Les membres du comité de direction contribuent à la réflexion du directeur général en mettant à l’épreuve la vision stratégique du dirigeant. Exemple : Philippe Varin, PDG de PSA, a mis en place en juin 2009 une nouvelle équipe de Direction. Ce comité resserré de huit membres (cinq membres du directoire et trois directeurs, achat, ressources humaines et secrétariat général) a en charge de définir la stratégie et de fixer les objectifs de performance dans le cadre des ambitions fixées par son PDG : faire de PSA un groupe global (80 % du CA du groupe étant réalisé en 2008 en Europe), à l’avant-garde des produits et services (avec des modèles distinctifs, comme le coupé sportif 308 prévu pour 2010), et référence dans ses modes de fonctionnement (standardisation des interfaces, réduction du nombre de pièces et rapprochement du lieu où l’ouvrier doit prendre la pièce pour la poser sur la voiture en cours de montage sur la chaîne). Les administrateurs indépendants n’ont pas de responsabilités internes et donc une vision plus objective de la stratégie. Ils forment le conseil d’administration des sociétés anonymes. Exemple : Sébastien Bazin, Directeur Europe de Colony Capital, et administrateur de Carrefour, Accor ou du PSG, déclare qu’« il est plus difficile d’être un manager responsable qu’un investisseur actif ». Il s’attelle dans chacune des entreprises où il est partie prenante à redéfinir la stratégie et à contribuer à placer à leur tête de « bon managers ».
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Fiche 28 • La stratégie en pratique
b) La direction de la stratégie Composée d’individus dont la responsabilité formelle est de contribuer aux processus stratégiques, la direction de la stratégie élabore généralement les stratégies à trois ans, fait de la veille et aide les directions locales à décliner la stratégie générale. Plus fréquente dans les grandes organisations et les services publics, la direction de la stratégie a un triple rôle consultatif : Récolter et analyser l’information. Exemple : Alors que l’Internet mobile et l’attrait pour les réseaux mobiles haut débit commence à apparaître, les opérateurs et les équipementiers réfléchissent déjà à l’évolution des réseaux d’ici à 5 ans. En 2008, la direction de la stratégie d’Orange était chargée d’anticiper le développement respectif des technologies de transmissions de données de quatrième génération pour mobiles (WiMax et LTE). Faciliter les processus stratégiques. Exemple : Pour accompagner l’évolution de Voyagessncf.com, un poste de directrice de la stratégie a été créé en 2009 et confié à l’ex Directrice du Développement et de la Relation Clients. Cette dernière doit favoriser l’émergence de nouveaux services, comme les billets à imprimer, en intégrant les contraintes marketing, informatique, humaines et organisationnelles. Gérer des projets spécifiques. Exemple : La fusion GDF Suez a été préparée en 2006 par les comités de direction des deux groupes, aboutissant à une organisation de la future entité autour de six branches opérationnelles (Énergie France, Infrastructure, Environnement, etc.) et dix directions fonctionnelles (Recherche et Innovation, Audit et Risque, etc.). c) Les managers intermédiaires Ils sont de plus en plus souvent impliqués dans la fabrique de la stratégie. En effet, les structures de plus en plus décentralisées permettant de s’adapter à des environnements turbulents engendrent une stratégie bottom-up, qui émerge des acteurs opérationnels eux-mêmes. Ensuite, leur position clé dans l’organisation (relations avec le client, contrôle qualité, etc.) rend leur participation à l’élaboration de la stratégie nécessaire. Exemple : En 2003, IBM a développé une plate-forme qui permettait à tous ses employés (300 000 répartis dans 170 pays) de participer à des débats à propos de questions stratégiques. Sur le thème des valeurs d’IBM, plusieurs dizaines de milliers de commentaires furent échangés. Grâce à un logiciel d’analyse du langage, ces commentaires furent organisés en 65 idées clés. La direction en tira l’essence à travers trois valeurs fondamentales : l’innovation, le client et la confiance. d) Les consultants Il existe des cabinets internationaux spécialisés en stratégie comme McKinsey (17 000 employés), le BCG (7 000 employés) ou Bain (4 300 employés). Accenture est le plus grand cabinet de conseil généraliste au monde, avec environ 181 000 salariés, pour 23,4 milliards de dollars de chiffre d’affaire en 2008 et réalise des missions en stratégie comme en gestion de la relation client ou en intégration de systèmes informatique. Les cabinets en organisation ou en ressources humaines, comme Altedia ou Bernard Juliet, font également du conseil en stratégie. Les consultants aident : À la définition des objectifs et des priorités en poussant les dirigeants à analyser les situations d’un œil neuf. Exemple : Jean-Luc Fessard, PDG du cabinet de conseil Le Temps, propose de mieux gérer ses priorités grâce à la méthode du chou-fleur : il s’agit d’inscrire au centre d’une feuille blanche l’objectif poursuivi puis d’y relier d’un trait les questions et les réponses qui s’y rapportent, l’arborescence finale aura la forme du célèbre légume ; Au transfert des connaissances, en aidant à la dissémination des bonnes pratiques dans l’organisation. Exemple : Les logiciels de gestion des ressources humaines (Taleo, PeopleSoft, etc.) utilisés dans les organisations proposent des versions « best practice » des évaluations de 111
Fiche 28 • La stratégie en pratique
annuelles, cela permet un gain de temps mais également de profiter des expériences passées des consultants ; À la promulgation des décisions stratégiques, voire même à la prise de décisions stratégiques. Selon une approche critique, il est possible de considérer que les consultants procèdent en réalité de l’art de la mise en scène et s’instrumentalisent pour le compte des décisionnaires dans une logique de crédibilisation de leur action. Exemple : L’implication de McKinsey dans les affaires Enron et Swissair illustre une trop forte dépendance entre les entreprises et leurs consultants. Mc Kinsey avait en effet reçu plus de dix millions de dollars d’honoraires de la part d’Enron avant l’effondrement de celui-ci ; Au déploiement stratégique, en particulier la programmation et la conduite des sessions de formation liées aux changements stratégiques. Exemple : Monoprix a pris la décision stratégique de renforcer sa bonne image à travers le rôle commercial accru des anciennes caissières, aujourd’hui hôtesses de vente. Pour ce faire, la filiale de casino et des Galeries Lafayette a multiplié par dix son budget formation avec un programme qui mobilise chaque hôtesse de caisse une journée. Ce programme est assuré par un cabinet de conseil extérieur. 2. Les activitÉs stratÉgiques a) L’analyse stratégique Si dans la théorie, l’analyse est l’élément constitutif essentiel de la stratégie, dans les faits elle reste relativement sommaire et ne sert pas toujours à la prise de décision. Au final, les outils sont plus souvent des bases de discussion que de véritables supports stratégiques. Exemple : Gille Pélisson, PDG d’Accor diplômé de l’Essec et d’un MBA de Harvard, déclarait en 2006 : « ma formation de manager m’a appris l’importance de la planification à 5 ans, de l’analyse SWOT et des autres outils me préparant à toute éventualité pouvant impacter mon activité, mais l’intuition reste essentielle ». b) La prise de décisions stratégiques Trois éléments permettent a priori une prise de décision efficace : La multiplication des choix. Exemple : À la Barclays, la règle veut qu’une proposition stratégique ne soit jamais isolée mais accompagnée d’au moins deux alternatives. La récolte de l’information et la décision en temps réel. Exemple : Jonathan Schwartz, PDG de Sun Microsystem considère que « Via vidéo ou par le biais de 140 caractères sur Twitter, les dirigeants doivent entrer en contact avec les clients instantanément ». La recherche d’avis extérieurs. Exemple : Jeff Bezos, PDG d’Amazon, déclarait en 2007 « Amazon commença avec l’idée ridicule d’offrir un million de références. Chaque expert consulté nous conseilla de ne pas le faire. Nous avons eu de bons conseils, que nous avons ignoré et ce fut une erreur. Mais cette erreur s’avéra être la meilleure chose qui soit arrivée à notre entreprise ». c) La communication de la stratégie Une fois la décision prise, il est indispensable de la communiquer au reste de l’organisation dans les meilleures conditions. Pour ce faire, l’attention doit porter sur : La focalisation. La communication doit éviter les détails et se concentrer sur quelques éléments clés. Exemple : Jack Welch, PDG emblématique de General Electric, donnait ce conseil simple à ces directeurs de divisions : « Soyez numéro 1 ou numéro 2, mais ne bornez pas votre marché ». L’impact. Il est pertinent d’utiliser des slogans frappant les esprits, des images symboliques ou des récits signifiants. Exemple : Daniel Bouton, PDG de la Société Générale depuis 1997, 112
Fiche 28 • La stratégie en pratique
a choisi de démissionner en avril 2008, suite à l’affaire Kerviel. Cette démission est un acte de communication destiné à faciliter la recapitalisation de la banque. L’implication les salariés. Exemple : Le groupe NRJ a proposé un séminaire stratégique à toutes les directions lors de sa diversification vers la télévision, l’objectif était de véhiculer les nouvelles valeurs du groupe qui passait du son à l’image. Changement dans la pratique de la stratégie chez Michel et Augustin En 2005, des amis d’enfance, Augustin Paluel-Marmont (ex-ESCP, cadre supérieur chez AirFrance après un passage à la direction stratégique du Club Med) et Michel de Rovira (ex-ESCP, consultant en stratégie chez LEK Consulting) ont créé leur entreprise : Michel et Augustin. Sablés « ronds et bons », yaourts « vaches à boire », la start-up alimentaire au langage marketing décalé a dépassé les 10 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2009 (contre 500 000 euros en 2006). Si Michel et Augustin ont une vision stratégique claire, la croissance interne, ils doivent leur succès à leurs opérations de communication : ils ont même réussi à faire entrer des dizaines de journalistes, munis de leurs « vaches à boire » à la conférence d’un produit similaire de Danone ainsi qu’à poser sur leur produit sur le pupitre de Bill Gates au Palais des congrès lors d’une conférence face à 6 000 entrepreneurs. En mai 2008, le capital a été ouvert (2 millions d’euros levés) à Serendipity, le fond d’investissement de François Pinault et Martin Bouygues. « Ils ont été les seuls à accepter de nous accompagner sur le long terme tout en respectant notre identité », déclarent les deux fondateurs, qui restent par ailleurs largement majoritaires. En 2009, la directrice marketing vient de Henkel, le directeur commercial d’Unilver et le directeur financier de Fauchon. Selon Philippe Guezenec, associé général chez Close Brothers, ils se sont simplement entourés de professionnels. Parallèlement à ces recrutements, le back-office a été réorganisé. L’entreprise s’est dotée d’un système informatique pour gérer la facturation, la trésorerie et le reporting. La logistique a été confiée à Senoble, numéro 2 français de l’ultrafrais, qui livre les 10 000 points de vente qui référencent Michel et Augustin. Les premiers fournisseurs ont été remplacés par des PME capables de suivre la croissance annoncée (+ 50 % par an sur les trois prochaines années). Cette réorganisation à radicalement transformé le travail des fondateurs. Commercial, marketing, développement, jusque là, ils faisaient tout. Le travail restait artisanal, « on travaillait dans notre cave du xve arrondissement, entourés de stagiaires et de caddies roses », résume Augustin Paluel-Marmont. Cependant, il semble qu’Augustin Paluel-Marmont et Michel de Rovira essaient de préserver l’insouciance qui régnait à leur début. Pas de poste de président ou de directeur dans l’organigramme mais plutôt de Vizir (Augustin) et de Calife (Michel).
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Les stratégies de pionnier et suiveur
Points clefs Lors de la création d’un marché et/ou d’une nouvelle catégorie de produits, la question du timing d’entrée des entreprises est cruciale. Si de nombreux avantages sont liés au fait d’être pionnier, il peut cependant être difficile pour ces entreprises arrivées en premier de conserver leur avantage concurrentiel dans le temps.
1. Les avantages du pionnier ou DU suiveur Quand un nouveau marché se crée, qu’une nouvelle catégorie de produits ou de services est mise en vente, les entreprises ont le choix entre deux types de comportement : pionnier ou suiveur. Est pionnière, l’entreprise qui est la première à vendre une nouvelle catégorie de produits ou services. Est suiveuse toute entreprise qui vend son produit ou son service sur le marché, après l’entreprise pionnière. Ce délai peut être très variable, allant de quelques jours à plusieurs années. Exemple : Pour le marché des baladeurs numériques MP3, l’entreprise française Archos avec son Jukebox studio 10 lancé en juillet 2000 est pionnière. Apple, suiveur précoce, est arrivé quelques mois après, en septembre 2001 avec son Ipod. Enfin, Sony, suiveur tardif, est entré sur le marché en 2004, une fois le marché de masse pénétré. a) Les avantages du pionnier Deux types d’avantages sont liés au fait d’être pionnier. Les premiers sont de nature stratégique (Le Nagard-Assayag et Manceau, 2000). La préemption d’actifs rares. Préempter des matières premières, des autorisations administratives (ex. : les licences 3G pour la téléphonie mobile), les linéaires d’un distributeur ou encore d’un emplacement géographique privilégié (ex. : la chaîne de magasins, Sherpa, pionnier dans l’alimentation en montage avec, en 2008, 108 magasins) permet de limiter ces actifs pour les suiveurs et de réaliser des économies pour le pionnier. La protection relative des brevets. Exemple : Polaroïd a fait le choix de déposer un brevet longue durée pour son appareil photo à développement instantané, ce qui lui a permis de réaliser jusqu’à expiration de celui-ci, d’excellentes marges en fixant un prix de vente élevé. Le leadership technologique. Exemple : Free, le fournisseur d’accès à Internet, a, depuis son lancement en octobre 2002, lancé cinq versions successives de la Freebox en enrichissant à chaque fois les services proposés. Cela lui permet de conserver une longueur d’avance sur ses concurrents et d’être considéré comme un leader technologique. La maîtrise de la courbe d’expérience. Exemple : En 2008, Aiptek a lancé le plus petit vidéoprojecteur du monde qui tient dans la main, le Pocket Cinema V10. Aiptek a d’ailleurs dépassé ses objectifs de vente en vendant 5 000 unités au lieu des 1 500 espérées pour le dernier trimestre 2008. Cela lui permet de réaliser des économies d’échelle et des effets d’apprentissage et ainsi, de détenir une position plus favorable sur la courbe d’expérience. En plus des avantages de nature stratégique, les pionniers bénéficient d’un autre type d’avantage provenant de facteurs psychologiques liés à la perception des consommateurs. 114
Fiche 29 • Les stratégies de pionnier et suiveur
Structuration des préférences. Exemple : Dyson a été la première entreprise à commercialiser l’aspirateur à séparation cyclonique, sans sac. Ce modèle constitue la référence pour cette nouvelle catégorie de produit et modèle les critères de choix et les attentes des consommateurs. Notoriété plus élevée. Exemple : À travers sa filiale Nespresso, Nestlé a introduit un nouveau concept : la distribution de café en capsule avec les machines à café associées. En proposant quelque chose de radicalement nouveau, Nespresso bénéficie d’une attitude plus favorable de la part des consommateurs et d’une image d’innovateur par rapport aux suiveurs comme la Senseo de Philips. Inertie des consommateurs et coûts de transfert. Une fois le produit ou service adopté, le consommateur peut devenir captif. Il lui est plus difficile de changer de marque en raison des coûts de transfert. Exemple : Pour résilier un abonnement Internet, si cela se produit pendant la période d’engagement, des frais financiers sont à prévoir. De plus, le consommateur doit rechercher de l’information sur les offres concurrentes et se familiariser avec leurs modes de fonctionnement. b) Les avantages du suiveur La stratégie de suiveur offre trois types d’avantages. Capitalisation de l’expérience du pionnier. Exemple : En étant en situation de moins grande incertitude et en connaissant la taille du marché potentiel, l’Iphone d’Apple a su mieux répondre aux attentes des clients en proposant un produit simplifié par rapport à ses prédécesseurs comme le Blackberry qui dominait le marché des smartphones. Limitation des risques et des coûts. Exemple : En entrant plus tardivement sur le marché des appareils photo numériques et en n’ayant pas à supporter les coûts de recherche exploratoire, Panasonic a réalisé des efforts en recherche et développement (plus de 246 millions d’euros en 2006) vers des caractéristiques particulières valorisées par les consommateurs, comme le premier compact avec grand-angle de 28 mm en 2006 afin de faciliter la vie des photographes du dimanche. Cette stratégie lui a notamment permis de devancer le leader Canon en France. Inertie du pionnier. Exemple : Forte de son leadership dans les appareils photographiques argentiques, Kodak a éprouvé des difficultés s’adapter aux évolutions du marché suite à cette rupture technologique que représente l’arrivée du numérique. « Chez Kodak, l’engagement fort dans le numérique remonte seulement à novembre 2003 », explique P. Mourmant, responsable marketing de Kodak France, soit une dizaine d’années après l’introduction des premiers numériques. Ce retard a eu un coût : 15 000 emplois supprimés, 3 milliards d’euros supplémentaires consacrés au numérique, dont une part conséquente investie en publicité. Un pionnier peut toutefois mettre en place une stratégie afin de lutter contre cette inertie en proposant, avant les suiveurs, de nouvelles catégories de produit qui cannibalisent ses propres produits. Exemple : Microsoft lance régulièrement de nouvelles versions de son système d’exploitation Windows, de Windows en 1.0 en 1985 à Windows Mobile lancé en avril 2008, qui rend obsolète chaque génération précédente. 2. Les facteurs influençant le timing d’entrÉe De nombreux facteurs peuvent intervenir dans le choix de la stratégie à adopter.
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Fiche 29 • Les stratégies de pionnier et suiveur Les raisons influçant le timing d’entrée Avantages au pionnier
Avantages au suiveur
• Retours croissants d’adoption • Différenciation forte
• Maturité des technologies sous-jacentes • Disponibilité et quantité des ressources complémentaires • Ressources de l’entreprise
a) Maturité des technologies sous-jacentes Aujourd’hui, les constructeurs de télévision proposent des écrans plasma ou LCD offrant la haute définition (HD). Or pour profiter pleinement de cette technologie, il est nécessaire que les programmes télévisuels soient diffusés en numérique, ce qui implique un effort de la part des diffuseurs (comme la chaîne Canal + HD) et que l’image d’une résolution de 720×576 soit reçue par le satellite, le câble, ou encore via la TNT. Or ces différents moyens de transmission ne couvrent pas la totalité du territoire français et ainsi, il n’existe pas un réel avantage à être pionnier. b) Disponibilité et quantité de produits complémentaires Quand la valeur d’un nouveau produit est fortement corrélée à la disponibilité, à la quantité et à la qualité de produits complémentaires lors de son entrée sur le marché, cela influence fortement ses chances de succès. Exemple : Le succès du format Blu Ray de Sony sur l’HD DVD proposé par Toshiba s’explique notamment par le catalogue de films disponibles pour chaque format. Suite à l’annonce des studios Warner d’adopter le format Blu Ray, Toshiba a décidé de se retirer du marché en février 2008. c) Retours croissants d’adoption Exemple : En étant pionnier, le site d’enchères en ligne, eBay, a su construire plus rapidement sa base installée. En effet, plus il y a de contenus et donc de produits mis en vente sur ce site, plus ce site aura de la valeur pour un nouveau visiteur et deviendra incontournable par l’effet des retours croissants d’adoption. d) Ressources de l’entreprise Exemple : En entrant en 2001, Microsoft est un suiveur dans l’industrie des jeux vidéo. Cependant, ses ressources financières lui ont permis de consacrer un budget important en recherche et développement (500 millions de dollars) et même, de vendre à perte leurs premières consoles (perte évaluée entre 100 et 125 dollars par unité). Toutefois, la notoriété et l’image de marque auprès des consommateurs ainsi que des relations privilégiées avec les fournisseurs et les distributeurs ont permis à Microsoft de connaître un succès certain avec la Xbox. Il n’existe pas de relation stable entre ordre d’entrée et performance des entreprises. Si dans les années 1980-1990, l’existence d’un avantage pionnier était plébiscitée, des études plus récentes nuancent ces résultats et le taux d’échec des pionniers reste important. Cependant, la période de monopole transitoire pendant laquelle le pionnier est seul sur le marché, lui permet de pratiquer des prix élevés, de rentabiliser mieux ses investissements promotionnels et publicitaires. Plus cette période sans concurrence est longue, plus le pionnier bénéficiera une profitabilité élevée. Cependant, cet avantage en termes de prix s’arrête avec l’arrivée de concurrents, sauf en cas de différenciation forte. Pour survivre, le pionnier devra, pendant sa période de monopole transitoire, être capable d’établir des barrières à l’entrée suffisamment élevées par la préemption de ressources rares par exemple. 116
Fiche 29 • Les stratégies de pionnier et suiveur
Candia : de pionnier à suiveur En 1971, 12 000 éleveurs de vaches répartis dans toute la France ont fondé une coopérative chargée de collecter le lait de leurs fermes, de le pasteuriser et surtout de le commercialiser sous une marque nouvelle, Candia, alors qu’à l’époque, les grandes surfaces vendaient le lait dans des briques anonymes. Aujourd’hui, les représentants des éleveurs sont toujours présents et possèdent 20 postes du conseil d’administration de l’entreprise. Pionnier, Candia a progressivement construit une gamme complète avec des laits écrémés (Silhouette), enrichis en vitamines (Viva qui constitue son lait vedette), adaptés aux jeunes enfants (Croissance) ou encore parfumés au chocolat (Candy’Up). Leader sur son marché pendant plus de vingt ans, Candia a également inventé en 1993 la brique munie d’un bouchon à vis. C’est d’ailleurs sous cette forme que sont actuellement majoritairement vendus les produits de Viva ainsi que des marques de distributeurs. Cependant, cette même année, son challenger, Lactel a lancé la première bouteille en plastique de 1 litre qui est aujourd’hui devenu le format standard. Parallèlement, Lactel a progressivement construit une gamme autour du lait bio, du lait de chèvre, du lait des Alpes ou encore de Matin léger pour faciliter la digestion. Candia n’a réagi qu’avec retard en ralentissant notamment son programme d’innovations et en réduisant son budget publicité. Ainsi, Biolait ou GrandLait (léger et digestif), deux de ses nouveautés lancées en position de suiveur, n’ont pas réussi à percer. De même, Candia n’a proposé une bouteille d’un litre qu’en 2002. Cette bouteille portant le même nom, GrandLait, que la bouteille de 1,5 litre, avait également le même design avec une poignée. Suite à cette inertie du pionnier qui a conduit Candia à réagir avec retard, ses parts de marché ont chuté de 30,6 % à 18,6 % entre 1998 et 2007 et huit de ses usines tourneraient actuellement à 70 % pour le compte des grandes enseignes.
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La gestion des risques
Points clefs Si l’incertitude à laquelle doit faire face une entreprise peut être source de destruction de valeur, la gestion des risques permet, elle, d’identifier et de traiter les risques et opportunités potentiels pouvant avoir une incidence sur la création ou la préservation de valeur. La gestion des risques se trouve donc au cœur du processus de décision stratégique.
1. Évaluer les risques Comme le soulignent deux sociologues européens, Ulrich Beck et Anthony Giddens, « nous sommes dans l’ère du risque ». Il convient donc aux entreprises de maîtriser leurs risques. La gestion des risques permet d’évaluer les risques auxquels peut être confrontée une entreprise et de les traiter. Ce processus repose sur une posture anticipative. Chaque entreprise est confrontée à de nombreux facteurs de risques, qui seront appréciés en fonction de l’appétence au risque propre à chaque entreprise. Globalement, les entreprises sont exposées à quatre grands types de risque. a) Risques financiers Ce type de risque se réfère à la volatilité des marchés, des taux de change, des matières premières, etc. Le principal risque pour les grandes entreprises est le credit crunch, c’est-à-dire une diminution des crédits accordés par les établissements financiers, qui a un impact important dans la gestion d’actifs, d’immobilier, d’assurance et de produits bancaires, notamment dans les secteurs à forte intensité capitalistique. Exemple : D’après une étude de la BCE, 32 % des entreprises accusaient en septembre 2009 les banques de pratiquer une politique trop restrictive en matière de crédits ; plus de 50 % des entreprises faisaient état d’un renchérissement excessif des crédits. On estime par ailleurs qu’en 2009, plus de 30 % des demandes de prêt des PME françaises ont été refusés par les banques. Ainsi, les entreprises peuvent adapter leur business model et agir sur la structure de leur capital afin d’améliorer leur capacité d’autofinancement. b) Risques stratégiques Cela concerne les relations de l’entreprise avec ses fournisseurs, ses clients, ses investisseurs et aussi ses concurrents. Ce type de risque peut entraîner la perte rapide d’une partie de la clientèle et éroder la réputation de l’entreprise. Exemple : L’entreprise américaine Kryptonite commercialise des antivols pour vélo. En 2004, une vidéo amateur diffusée sur Internet a montré les failles de son système de sécurité grâce à l’utilisation d’un simple stylo BIC. Cet incident, qui a été traité avec retard par l’entreprise, a engendré 10 millions de dollars de pertes ainsi qu’une dévalorisation de sa réputation sur une longue période. Les risques stratégiques peuvent également être sources de coûts supplémentaires. Exemple : Devant l’inertie technologique de leurs fournisseurs et les besoins croissants d’énergie de leurs appareils, les fabricants de Smartphones Hitachi, Samsung et Sony ont décidé de s’associer pour travailler sur un nouveau système de batteries, sortes de piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène et au méthanol. 118
Fiche 30 • La gestion des risques
c) Risques de conformité Il s’agit des risques liés au système politique, juridique ou de gouvernance. Le plus important, selon une étude du cabinet Ernst & Young publiée en 2009, est le risque réglementaire. Les conséquences de ce risque peuvent être accentuées en raison de la crise actuelle dans la gestion d’actif, de banque et d’assurance. Exemple : Dans les télécom où l’innovation est forte et la demande en capital élevé (développement onéreux des infrastructures, nombreuses ruptures technologiques, développement des services), la réglementation doit permettre aux entreprises d’être rémunérées à leur juste valeur et d’assurer aux consommateurs de payer le juste prix. Ainsi, depuis le 1er juillet 2009, la Commission Européenne a régulé les tarifs des opérateurs de l’Union européenne, en harmonisant le coût des SMS passés depuis les pays de l’UE à 11 centimes, contre 29 centimes en 2008. d) Risques opérationnels Ces risques sont liés aux personnes (absentéisme, fraude, grèves ou départ de talents), les systèmes d’information (défaillance matérielle, bug informatique ou obsolescence), ou aux processus (non-respect des procédures, par exemple). Ils entraînent des conséquences sur les personnes et les processus de production et plus généralement sur la chaîne de valeur. Exemple : L’ancien trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, avait pris des positions à risque sur des contrats à terme portant sur des indices boursiers européens, pour des montants atteignant 50 milliards d’euros en janvier 2008. Si Jérôme Kerviel encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende, la Société Générale a enregistré une perte de 4,9 milliards d’euros. 2. Traiter les risques Si dans les années 1980, la gestion des risques consistait à garantir l’entreprise grâce à des polices et des primes d’assurance, les problématiques ont depuis évolué et se sont enrichies. Quatre techniques principales peuvent être utilisées pour traiter les risques, après les avoir identifiés et classés par ordre d’importance. a) Éviter Pour éviter un risque, une entreprise peut se défaire d’une unité de production, d’une ligne de produit, se retirer d’une zone géographique ou encore décider de ne pas s’y implanter. Exemple : En juin 2009, le gouvernement canadien a déclaré vouloir se retirer progressivement de la production d’isotopes médicaux (1/3 tiers de la production mondiale) qui permettent la détection de cancers et de maladies cardiaques. Cette décision a été prise en raison du vieillissement de son réacteur nucléaire de Chalk River dont les activités ne sont plus toujours fiables et prévisibles. b) Réduire Pour réduire les risques, plusieurs possibilités s’offrent à une entreprise, comme diversifier son offre, rééquilibrer le portefeuille d’actifs pour réduire l’exposition à certains types de pertes ou encore réaffecter le capital entre les différentes unités. Exemple : L’enseigne de prêt-àporter H&M affiche une hausse de 6 % de son chiffre d’affaires pour le premier semestre 2009 grâce à sa politique d’extension, comme cela est souvent le cas dans la distribution. Afin de croître, 229 magasins ont été ouverts en 2008 et l’offre a été plus segmentée. Cependant, à nombre de magasins comparables, la chaîne accuse un recul de 3 % de son chiffre d’affaires. À un niveau plus opérationnel, dans son magasin emblématique du boulevard Haussmann à Paris, les Galeries Lafayette ont réorganisé l’espace afin de pouvoir consacrer 6 000 mètres 119
Fiche 30 • La gestion des risques
carrés aux chaussures (le plus grand du monde). Les chaussures représentent une valeur sûre capable de générer du trafic et de booster les ventes en temps de crise. c) Partager Il s’agit de trouver un associé avec qui partager le risque. Cela peut prendre la forme d’un accord de joint-venture, des alliances de type co-branding, co-marketing, des licences ou de couvrir les risques par des instruments financiers et d’assurance. Exemple : Face à la possible pandémie de grippe H1N1, les risques de contamination ont été écartés des contrats des compagnies d’assurance comme pour les rassemblements sportifs ou les concerts. « Du fait de ce risque avéré, il ne relève plus de l’aléa et n’est donc plus assurable », explique Olivier Matos, du cabinet de courtage Aon France. Cependant, certaines assurances ont mis en place des mesures préventives comme le télétravail, les masques, le plan de continuité des prestataires afin de pouvoir continuer à fonctionner pour les activités essentielles, à défaut de pouvoir faire valoir la responsabilité civile opérationnelle. d) Accepter L’entreprise ne peut avoir d’autres choix que d’accepter certains risques qui correspondent à son degré de tolérance au risque. Elle peut également s’auto-assurer contre certaines pertes ou s’appuyer sur la compensation naturelle des pertes au sein de son portefeuille. En diminuant l’endettement de la société et en augmentant ses fonds propres, les dirigeants peuvent réduire l’exposition globale des actionnaires au risque. Exemple : En plus d’une politique opérationnelle adaptée, Microsoft utilise beaucoup ses fonds propres afin de faire face aux risques. Cette politique permet au groupe de ne pas accumuler les dettes et de disposer d’une trésorerie importante (18 milliards de dollars environ). Cette situation lui offre une grande flexibilité lorsque les coûts liés aux situations financières difficiles sont élevés. Cela permet aussi de réduire les risques supportés par quelques-uns de ses hauts dirigeants possédant une fraction substantielle de ses actions en circulation. Le fait qu’une entreprise décide de mettre en place un dispositif efficace de gestion des risques, ne lui permet pas d’avoir l’assurance absolue d’atteindre ses objectifs. En effet, plusieurs limitent peuvent entacher ce processus comme le jugement humain pouvant conduire à prendre de mauvaises décisions (v. fiche 35), des défaillances en raison d’une erreur humaine (comme l’oubli ou une investigation pas suffisamment approfondie d’un responsable d’un service comptabilité), ou encore le rapport coût-bénéfices relatifs aux traitements envisagés pour chaque risque. En effet, il n’est pas nécessaire de procéder au contrôle de stocks complexes si les coûts des matières premières restent faibles. Enfin, la direction peut elle-même décider d’outrepasser la gestion des risques afin d’augmenter le chiffre d’affaires, d’accroître artificiellement la valeur d’une organisation préalablement à une introduction en bourse ou de dissimuler une non-conformité aux exigences légales (ex. : ce fut pour le cas pour Enron).
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Fiche 30 • La gestion des risques
Séries américaines : la grève des scénaristes Le risque social a fortement touché l’industrie cinématographique américaine à travers la grève des scénaristes de séries et de films qui a duré plusieurs mois entre novembre 2007 et février 2008. Cette grève est le résultat de négociations qui n’ont pas abouti à propos de la grille de rémunération des scénaristes et notamment de son évolution concernant les nouveaux supports de diffusion comme les DVD ou Internet qui représentent aujourd’hui une part important du chiffre d’affaires. Or, les majors, fortes de leur sentiment d’invulnérabilité, ont rejeté cette demande. Si les chaînes de télévision ont eu plusieurs mois pour se préparer en raison des négociations en cours, elles ont toutefois dû modifier leur grille de programmation suite à la grève générale. Par exemple, elles ont plus eu recours aux émissions de téléréalité. En effet, les scénaristes des programmes de téléréalité ne sont pas soumis au même contrat que les scénaristes de séries et de films. Elles ont, en parallèle, été obligées de rediffuser leurs émissions de talk-show, les premières touchées par la grève. Enfin, quant aux séries télévisées comme Lost, Heroes ou Desperate Housewifes, elles n’ont pu compter que sur les quelques épisodes tournés par avance avant de devoir arrêter provisoirement la programmation, en attente de la reprise des scénaristes. Les pertes accumulées en raison de cette grève qui a pris fin le 12 février 2008 sont estimées à plus de deux milliards de dollars pour l’industrie du divertissement. Elle a touché aussi bien les petites structures que les grands studios hollywoodiens qui ont dû procéder à des licenciements, des abandons de projets, etc. C’est la troisième grève la plus longue dans cette industrie après celles de 1960 et 1988, portant également sur le partage des revenus.
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Les théories de la complexité et la gestion de l’instabilité
Points clefs L’avantage concurrentiel est-il toujours un concept pertinent ? La complexité d’un environnement mondialisé, fait d’éléments multiples et interconnectés, entraîne l’instabilité : changements de leadership, entrée de nouveaux concurrents, destruction d’industries. Les entreprises doivent revenir à une organisation simple, organique et réactive.
1. LA ComplexitÉ : de l’interdÉpendance À l’instabilitÉ a) Les théories de la complexité L’interdépendance. Issue de la biologie ou de la cybernétique, le principe de base de la complexité est que le comportement d’un ensemble ne peut être déduit aisément des propriétés de ses parties, à cause des interdépendances qui lient ces dernières. Exemple : Prenons l’exemple d’une foule réunie pour une manifestation. L’étude d’un individu isolé de ses voisins ne permet pas de prédire les mouvements issus d’une perturbation de son équilibre. Une charge de la police peut ainsi changer la structure de la foule, en termes de mouvements et de distance entre chaque personne. L’auto-organisation. Les théories de la complexité insistent sur l’auto-organisation, que l’on observe chez les poissons (ex. : dans la formation d’un banc), chez les automobilistes (ex. : lors d’un embouteillage), mais aussi chez les consommateurs (ex. : lorsque le bouche à oreille induit la diffusion d’un produit), les investisseurs (ex. : avec l’explosion d’une bulle spéculative) ou les organisations (ex. : lors de la formation de districts industriels). Les équilibres (et les déséquilibres) n’y sont alors pas déterminés par une autorité centralisatrice mais émergent d’agents décentralisés. L’appréhension de phénomènes macrocospiques. Les théories de la complexité permettent de comprendre comment des règles de comportement individuel simples peuvent aboutir à des phénomènes macroscopiques, parfois contre-intuitifs. Exemple : Dans le conte d’Andersen, « Les habits neufs de l’empereur », deux escrocs parviennent à duper un empereur, qui erre nu en s’imaginant porter des habits magnifiques ne pouvant être vus par les imbéciles. Sa cour, au sein de laquelle personne ne souhaite passer pour un idiot, feint de voir la splendide parure. La cascade d’acceptation de cette croyance est finalement brisée par le rire innocent d’un enfant devant l’empereur dénudé. Les mouvements boursiers de grande amplitude, les faillites brutales d’entreprises (Enron, Lehman Brothers), la disparition d’industries (photo argentique) peuvent être interprétés à travers cette métaphore. b) Les causes des interdépendances La mondialisation. À la fois culturelle (ex. : avec l’émergence de marques mondiales comme Sony ou L’Oréal), environnementale (ex. : avec des problématiques globales comme le réchauffement climatique de la planète), technologique (ex. : les réseaux sociaux) et économique (ex : avec l’UE ou l’ALENA), la mondialisation accroît les interdépendances entre les individus, les pays et les entreprises. Mobilité accrue des individus. Les individus communiquent, voyagent et travaillent de plus en plus hors de leur pays d’origine. Exemple : Un étudiant français peut faire une partie de 122
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ses études en Espagne (plus de 22 000 étudiants quittent chaque année la France pour un campus européen), faire un stage en Angleterre pour finalement commencer à travailler en Chine. Grâce à Facebook ou son téléphone portable, il restera connecté avec l’ensemble de ses relations. Importance des exportations. Les pays sont de plus en plus dépendants de leurs exportations et donc de la santé de l’économie de leurs voisins. La crise des subprimes et sa contagion à tous les pays (des États-Unis au reste du monde) et à tous les secteurs d’activité (des banques à l’industrie) montre à quel point la mondialisation rend les économies et les entreprises interdépendantes. Exemple : En janvier 2009, la production industrielle de la Corée du Sud a baissé de 25,6 % sur un an, ravagée par le recul des exportations de semi-conducteurs et d’automobiles. Interconnexion des entreprises. Les entreprises sont de plus en plus connectées, de véritables écosystèmes d’affaires se développent, communautés économiques ou clients, partenaires, fournisseurs et concurrents se confondent. L’échange de données informatisées (EDI) permet aux partenaires d’une même chaîne de valeur d’échanger des bons de commande, des factures ou des avis d’expédition sans nécessiter d’intervention humaine et ce, d’un bout à l’autre du monde. Exemple : Dans le nucléaire, Siemens est pour Areva un fournisseur (notamment d’îlots conventionnels de centrales nucléaires), un partenaire (Siemens détenant en 34 % de son capital) et un concurrent (à travers la co-entreprise de Siemens avec le russe Rosatom visant à construire des centrales). c) L’instabilité de l’environnement des entreprises La densité des liens à travers le monde affecte les entreprises en augmentant l’instabilité. L’effet papillon. Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? La sensibilité aux conditions initiales, ou effet papillon, est une nouvelle donnée stratégique. La fréquence et la nature des changements sont difficiles à prédire. Exemple : L’hiver froid aux États-Unis de 2007-2008 a fait s’envoler le cours du brut et ainsi augmenté les charges d’exploitation des compagnies aériennes du monde entier. De même, de simples activistes en Afrique du Sud réclamant des médicaments génériques peuvent menacer les profits des entreprises pharmaceutiques. Enfin, sur la seule année 2008, Natixis a perdu 90 % de sa valeur, à la suite du non-remboursement de ménages américains modestes. La pérennité de l’avantage concurrentiel. Les industries aux importants effets de réseaux, comme les secteurs des télécommunications ou des logiciels, sont soumises à des effets déstabilisateurs. Ainsi, un avantage concurrentiel peut durer une centaine d’années comme quelques heures. Exemple : Google, valorisée plus de 200 milliards de dollars début 2008, n’existait tout simplement pas dix ans plus tôt. L’émergence de la photographie numérique a entraîné en dix ans la division par trente de la valorisation boursière de Kodak. 2. La gestion de l’instabilitÉ L’instabilité implique un changement de stratégie. Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jason Jennings et Laurence Haughton paru en 2000, « ce n’est pas le gros qui mange le petit, mais le rapide qui mange le lent ». Les éléments suivants sont des clés de l’adaptabilité. a) Des règles simples Paradoxalement, la complexité de l’environnement exige une simplicité de prise de décision permettant des réponses rapides. La planification, reposant sur l’avis d’experts et l’analyse exhaustive de scénario et débouchant sur un cadre précis et souvent conservateur, est dans ce contexte une méthode inadaptée. 123
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Conserver sa flexibilité. Les règles doivent permettre à l’entreprise de conserver sa flexibilité. Exemple : Dans sa stratégie de croissance externe, Cisco n’envisage d’acquérir que des entreprises dont l’effectif est inférieur à 75 personnes, dont au moins 75 % d’ingénieurs. Chez Dell, les divisions sont systématiquement scindées lorsque leur chiffre d’affaire dépasse un milliard de dollars. Explorer de nouvelles possibilités. Ces règles simples doivent également orienter l’entreprise vers l’exploration de nouvelles possibilités plutôt que l’exploitation des ressources existantes. Exemple : Chez Intel, l’allocation des capacités de production est réalisée en fonction de la marge brute des produits et non de leur volume de vente, ce qui accélère le déclin des produits confrontés à une concurrence forte. Le programme de 3M, baptisé 3M Accélération pose une règle : faire que 40 % du chiffre d’affaires du groupe soient réalisés à partir des ventes de produits lancés depuis moins de quatre ans. Garantir une cohérence interne. Les règles doivent également être garantes du métier de l’entreprise, d’une certaine cohérence interne. Exemple : Chez Lego, un nouveau jouet doit, pour être lancé, avoir le look de la marque, être vecteur de créativité et source d’apprentissage. Chez Miramax, un nouveau film doit se centrer sur une émotion principale (comme l’amour pour The Crying game ou l’envie pour le talentueux Mr. Ripley) et posséder un héros avec des failles (tel Joseph Fiennes dans Shakespeare in Love). Pouvoir se retirer facilement. La simplicité doit permettre de quitter rapidement une activité, en évitant l’escalade de l’engagement. Exemple : Chez le Danois Oticon spécialisé dans les implants auditifs, un projet est immédiatement abandonné sur la décision d’un seul acteur. b) Une organisation organique Dans une organisation organique, il n’existe pas de procédure de contrôle hiérarchique, la décision est répartie sur l’ensemble des membres sans pilote. La forme de la structure est dynamique, elle émerge des interactions entre ses membres. Sur des marchés turbulents, la stratégie consiste donc juste à choisir une bonne équipe de managers et à leur donner une grande liberté. Exemple : Au sein des clubs de basket de NBA, de nombreuses équipes fonctionnent avec des systèmes de jeu figés, qui indiquent à chacun les positions à occuper et les actions à entreprendre. Le coach Phil Jackson a remporté neuf titres (avec les Chicago Bulls et les Los Angeles Lakers) grâce à un système de jeu, l’attaque en triangle, fondé sur la liberté donnée à chaque joueur d’évoluer sur le côté fort (car composé de trois joueurs) du terrain jusqu’à l’émergence d’une position de tir favorable. Chez Microsoft, les équipes sont, au maximum, composées de 200 programmeurs. Dans le pôle R&D de Cisco comme chez 3M, les ingénieurs ont 15 % de leur temps pour travailler un projet personnel. c) Un bon timing dans la prise de décision Adaptation à l’environnement. L’occurrence des changements est imprévisible. Une entreprise doit donc être capable de transformations rapides permettant de rester en cohérence avec son environnement. Exemple : Dans le secteur des télécommunications, Nortell impose à ses équipes un temps de développement pour chaque nouveau produit inférieur à 18 mois. Renault a lancé 8 véhicules particuliers entre 1945 et 1965, 17 entre 1965 et 1985, 14 entre 1985 et 1997 et 14 de 1997 à 2005 et 26 entre 2006 et 2009. Alternance de type de changements. Le monde de l’entreprise est fait d’une succession de changements mineurs et majeurs. Un bon timing consiste donc à alterner changements fréquents de faible amplitude et des changements rares d’importance. Exemple : L’entreprise Amazon a, au cours de son histoire, fait évoluer marginalement son business model : enrichissement de la base de livres disponibles, internationalisation ou développement de nouveaux 124
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outils de personnalisation du site. Mais Amazon a également effectué des mutations radicales : transformation en site généraliste vendant des livres comme du linge de maison, des accessoires pour animaux ou des services Web aux entreprises, dématérialisation du livre lui-même avec le Kindle (livre électronique qui permet de se connecter à Internet pour télécharger des livres numérisés, journaux et magazines, vendus en ligne). IBM : l’éléphant agile À l’origine, la force d’IBM réside dans sa créativité. L’entreprise a, par exemple, inventé le langage Fortran et le disque dur, la même année en 1957. À la fin des années 1980, Big Blue a 400 000 employés destinés à dominer l’industrie informatique. Mais dans le même temps, IBM n’est plus capable de fabriquer l’intégralité des composants de ses PC et doit passer commande de circuits intégrés à Intel, de logiciels et OS à Microsoft. De plus, IBM est le spécialiste des gros systèmes informatiques qui concentrent toute la puissance d’un parc d’ordinateurs dans une seule machine colossale, un marché en déclin. Dans les années 1990, pendant 8 années consécutives, l’entreprise accumule les pertes qui atteignent 8 milliards en 1993 et ses effectifs fondent à 250 000 personnes. Le marché a évolué si rapidement et s’est fragmenté en un si grand nombre de niches que la structure traditionnelle de planification et de contrôle d’IBM est devenue incapable de réagir assez vite. Big Blue fut alors qualifié de « pachyderme de l’informatique ». Ses stratégies de produits étaient avant tout développées par la maison mère américaine. Au sein de chaque filiale, les divisions commerciales n’avaient aucune flexibilité et des objectifs annuels de chiffre d’affaires, d’effectifs et de dépenses leur étaient imposés. Ainsi, en raison de cette hiérarchie écrasante, IBM voyait sa créativité diminuer et ses dirigeants étaient incapables de dessiner l’avenir du groupe. Dans les années 2000, Big Blue met le cap sur les services et les logiciels. Pour y parvenir, la croissance externe fut privilégiée. Entre 2000 et 2008, IBM a réalisé plus de 100 acquisitions (PWC Consulting, Lotus, Tivoli, Rational, etc.) et multiplié les partenariats (avec Dassault Systèmes sur la gestion du cycle de vie des produits, Samsung sur les puces informatiques, RealNetworks dans l’audiovisuel professionnel ou Philips pour les puces RFID). Les domaines d’activité stratégiques furent autorisés à expérimenter de nouvelles offres et à développer les caractéristiques entrepreneuriales nécessaires à l’innovation. Le pouvoir fut localisé au niveau opérationnel. Plus de 4 000 brevets furent déposés, dont 70 % dans le domaine des logiciels et des services. En 2008, IBM a réalisé plus de 8 milliards d’euros de profits et compte plus de 350 000 employés.
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La théorie néo-institutionnelle et le comportement des entreprises
Points clefs La théorie néo-institutionnelle souligne l’importance, pour une organisation, de ne pas seulement être efficace et efficiente mais aussi d’être considérée comme légitime. Pour cela, les organisations ont tendance à adopter des comportements similaires.
1. Le champ organisationnel comme niveau d’analyse L’une des idées de la théorie néo-institutionnelle est que l’ensemble des relations qu’entretiennent les responsables d’une organisation, dans l’exercice de leurs activités, avec les acteurs de l’environnement constitue un champ organisationnel. Ce niveau d’analyse permet de prendre en compte, non seulement les pressions économiques et concurrentielles mais aussi les pressions institutionnelles qui viennent influencer le comportement des organisations (DiMaggio et Powell, 1983). Prise en compte de la totalité des acteurs pertinents. L’intérêt de ce niveau d’analyse est de focaliser l’attention sur la totalité des acteurs pertinents ayant une logique de fonctionnement propre et d’être une notion plus large que le modèle des 5+1 forces de Porter ou le réseau de valeur. Exemple : Il est possible de distinguer, dans le cas de la presse quotidienne parisienne, cinq catégories d’acteurs. À l’instar de l’analyse Porterienne, sont pris en compte les concurrents (les éditeurs de presse quotidienne payante comme Le Parisien), les fournisseurs (les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) qui sont chargées d’assurer la distribution de la presse en France), les clients (les annonceurs publicitaires qui assurent le financement de la presse), l’État qui se tient garant de la pérennité de la presse à travers des aides directes et indirectes mais aussi un acteur qui est pris en compte dans cette analyse : le syndicat du Livre qui est une puissante institution représentant les ouvriers (Trouinard, 2004). Influence des organisations les plus importantes. Les organisations les plus importantes jouent un rôle prépondérant au sein de leur champ organisationnel puisqu’elles peuvent influencer les manœuvres des autres entreprises. Exemple : Dans le cas de la presse quotidienne parisienne, l’arrivée de nouveaux entrants en 2002 comme Metro ou 20 Minutes a remis en question la logique de fonctionnement de ce champ. Cependant, face aux pressions de l’organisation dominante qu’est le syndicat du livre, 20 Minutes a signé un accord avec Le Monde et Metro avec France Soir afin d’imprimer partiellement sur leurs rotatives leurs journaux. 2. La tendance à l’isomorphisme Le concept d’isomorphisme permet d’expliquer la tendance à la conformité des organisations qui sont confrontées aux mêmes conditions environnementales pour des raisons de nature différente de la compétition. Cela permet, de comprendre la stabilité d’un champ organisationnel (DiMaggio et Powell, 1983 ; Powell, 1991). Trois types d’isomorphisme sont identifiés.
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a) Isomorphisme coercitif Les organisations doivent se soumettre à des contraintes légales et réglementaires qui, in fine, conduisent à leur faire adopter des comportements homogènes. De plus, si elles refusent de s’y soumettre, elles peuvent être sanctionnées par un tiers comme une agence gouvernementale. Exemple : Le droit individuel à la formation (DIF) a pour objectif de permettre à tout salarié de se constituer un crédit d’heures de formation de 20 heures par an, cumulable sur six ans dans la limite de 120 heures. Même s’il n’est pas encore prévu de sanction dans le texte de loi instituant le DIF, les entreprises ont progressivement mis en place ce droit pour les salariés. b) Isomorphisme normatif Le phénomène de professionnalisation, à travers des dispositifs d’éducation ou la croissance des réseaux professionnels au travers desquels des modèles organisationnels se diffusent, conduit les entreprises à adopter les mêmes normes. Exemple : Dans le secteur comptable, l’association professionnelle qu’est l’Ordre des Experts Comptables (OEC) détient un pouvoir déterminant. Elle contrôle non seulement la formation à travers la validation des diplômes nécessaires pour devenir comptable ou expert-comptable, mais aussi l’évolution de la profession. Ainsi, les mêmes pratiques comptables sont apprises et diffusées auprès de toutes les entreprises, ce qui conduit à une normalisation des procédures. c) Isomorphisme mimétique En situation d’incertitude, les organisations ont tendance à adopter des réponses standards et à suivre un modèle, souvent une entreprise perçue comme légitime ou très performante (le leader du secteur, par exemple). Ce phénomène se rapproche des modèles plus utilitaristes d’herding behavior en finance. Exemple : Dans l’industrie musicale, il est très difficile de prédire un succès et de connaître à l’avance quels sont les disques qui vont plaire au public. Pour faire face à cette situation de grande incertitude, les programmateurs de radios musicales tendent à diffuser les mêmes chansons, que ce soient entre les grandes radios musicales comme NRJ ou Fun Radio ou les radios locales qui imitent le comportement des grandes radios qui, elles, testent les chansons. 3. La recherche de lÉGITIMITÉ La légitimité est définie comme un jugement social d’acceptation, de convenance par rapport à un système de normes, valeurs, croyances, et/ou de désirabilité. a) Différentes formes de légitimité Deux formes de légitimité organisationnelle sont identifiées (Aldrich et Fiol, 1994). Légitimité cognitive. Elle correspond au fait d’être considéré « comme allant de soi ». Par exemple, afin d’évaluer une nouvelle entreprise, notamment au moment d’une levée de fonds, la formation de l’entrepreneur est l’un des critères sur lequel s’appuient les investisseurs ou les banques. Exemple : Premier site musical en France, Deezer permet d’écouter de la musique en ligne gratuitement et de manière légale. Pour financer le développement de cette start-up, des actionnaires comme Xavier Niel (Free) ou les frères Rosenblum (Pixmania) ont accepté d’en devenir actionnaires et de faire confiance aux deux fondateurs dont Johnatan Benassaya, ancien étudiant de l’Essec. Légitimité socio-politique. Ce type de légitimité repose sur le consentement et correspond à la conformité d’une nouvelle forme aux principes reconnus ou aux standards et règles acceptés par les principales parties prenantes, public, leader d’opinion ou officiels. 127
Fiche 32 • La théorie néo-institutionnelle et le comportement des entreprises
Exemple : L’association Max Havelaar, qui n’achète ni ne vend aucun produit, gère un label apposé sur des produits de différentes marques qui assurent, au consommateur, le respect des critères du commerce équitable pour la production desdits produits. b) Acquisition de la légitimité La légitimité constitue une ressource particulière pour l’organisation et ce, pour trois raisons principales : elle favorise la survie de l’organisation, l’accès aux ressources et permet d’attirer la confiance des parties prenantes externes. Ainsi, les organisations ne cherchent pas seulement à être efficaces ou efficientes mais aussi à être considérées comme légitimes. Stratégie d’adaptation. L’organisation cherche à être en conformité avec les demandes et les attentes des structures sociales existantes. Exemple : Lors de la création d’une entreprise, il est recommandé aux entrepreneurs de choisir un nom, un statut juridique, de s’enregistrer auprès du Greffe du Tribunal de Commerce afin d’obtenir son numéro d’immatriculation (K ou Kbis) mais également auprès de la chambre de commerce et d’industrie qui contribuent à faciliter et à accélérer le parcours administratif des créateurs d’entreprise tout en les accompagnant dans leur projet. En suivant ces règles, il est plus facile pour une nouvelle entreprise qui évolue dans des structures sociales dans lesquelles les normes, valeurs, modèles sont déjà bien établis d’être considérée comme légitime. Stratégie de sélection. L’organisation sélectionne l’environnement qui lui est le plus favorable, c’est-à-dire celui dont les valeurs et les croyances sociales sont les plus proches des siennes, comme une localisation géographique particulière. Exemple : À la fin des années 1990, le quartier parisien du Sentier est devenu le symbole de la nouvelle économie française. En trois ans, environ 300 start-up se sont localisées dans ce fief historique de l’industrie textile. Rapidement labellisé « Silicon Sentier », le quartier a ensuite connu une phase de déclin suite à l’éclatement de la bulle Internet. Parallèlement, même si l’entreprise Apple Computer est présente mondialement, elle choisit son marché de produit en accord avec sa culture informelle. Que ce soit pour son premier Macinstoch ou aujourd’hui avec l’Iphone, Apple a sélectionné un domaine dans lequel elle pouvait réussir et a proposé des produits un peu décalés, au design original qui répondent aux attentes d’un certain public (Think Different). Stratégie de manipulation. L’organisation réalise des changements dans l’environnement afin d’apparaître en conformité avec celui-ci. Pour cela, elle peut s’appuyer sur des actions symboliques afin de créer une image de l’organisation conforme aux valeurs sociales. Exemple : Pour lever des fonds, les nouvelles entreprises de biotechnologie ne peuvent promettre des profits importants à court terme. Elles ont un chiffre d’affaires moyen trois fois moins élevé que la moyenne enregistrée pour les entreprises ayant une activité interne de R&D. Pour pallier cette difficulté, ces entreprises promettent des découvertes scientifiques importantes. Ceci a notamment été le cas pour la start-up de biotechnologies, TxCell, créée en avril 2001 à Valbonne (Alpes Maritimes), qui a eu besoin de quatre années pour prouver l’efficacité de ses lymphocytes T regulateurs sur le traitement de maladies auto-immunes comme la sclérose en plaque. Pour faire face aux nombreuses critiques soulignant le caractère déterministe, c’est-à-dire l’incapacité à prendre en compte l’action, et une vision statique avec peu d’intérêt porté au changement, un nouveau concept a été introduit par la théorie néo-institutionnelle, celui d’entrepreneur institutionnel. Exemple : La création et le développement de l’activité commerciale de l’observation de baleines sur la côte ouest du Canada n’est pas uniquement le résultat d’une évolution des mentalités (passant de la vision des baleines de Moby Dick à Sauvez Willy) mais aussi du rôle d’acteurs locaux qui ont joué le rôle d’entrepreneur institutionnel, comme John 128
Fiche 32 • La théorie néo-institutionnelle et le comportement des entreprises
Cyprus qui, au lieu d’utiliser des bateaux rapides pour réaliser des tours d’aventure, a plutôt favorisé l’utilisation de petits bateaux et développé l’écotourisme. Leclerc : des espaces culturels à la recherche de légitimité Créé en 1995, il existe aujourd’hui plus de 145 Espaces Culturels E. Leclerc en France qui emploient plus de 1 800 personnes pour un chiffre d’affaires en 2007 de 646 millions d’euros. Même si selon Michel-Edouard Leclerc, « nous avons mené naguère, par nos prix pratiqués, le combat contre l’élitisme. Nous continuons dans ce sens, celui d’un plus large accès du public à la culture, en lui offrant maintenant la dimension proximité », cette enseigne s’attache à être considérée comme légitime par les acteurs du champ et à en adopter de nombreuses normes et valeurs. Afin de ne pas être perçu comme un supermarché mais comme un lieu de culture et d’échange entre artistes et public, de nombreuses animations culturelles sont régulièrement organisées : séances de dédicace, débats littéraires, expositions, concerts à l’instar des chaînes comme la Fnac, Virgin ou les grandes librairies. Parallèlement, les Espaces Culturels parrainent des festivals au niveau national comme le festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Face à la moisson de prix littéraires dont le plus prestigieux est le Prix Goncourt, Les Espaces Culturels E. Leclerc ont créé deux prix : « Le roman des libraires E. Leclerc » en 2003 qui récompense un roman francophone sans exclusion de genre et « Le Prix Landernau » en 2008 qui reflète des valeurs d’ouverture. Concernant l’offre, les Espaces Culturels s’attachent à faire figurer dans leur catalogue quelques inédits comme les éditions Bragelonne spécialisées en science-fiction afin d’apporter de la diversité à côté des incontournables best-sellers. Enfin, concernant l’aménagement de l’espace, il a été fait appel à l’agence de design Carré Noir afin de réchauffer l’ambiance générale des magasins. Des coins lecture ou des bornes d’écoute ont été installés, à l’instar des réseaux de distribution spécialisés, et une mascotte a été créée afin que les plus petits puissent reconnaître l’espace qui leur est dédié, comme à la Fnac Eveil et Jeux.
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La théorie des jeux et l’interaction stratégique
Points clefs La théorie des jeux permet de modéliser les décisions et de prévoir leur résultat dans des conditions d’interaction stratégique. À partir de la compréhension des interactions entre différents joueurs sur un marché, une entreprise peut mettre en place des stratégies gagnantes. Un jeu, représenté sous forme de matrice ou d’arbre, comporte trois éléments : les joueurs, les règles (stratégies possibles) et les gains associés à chaque combinaison de stratégie.
1. Les jeux et leur dimension stratÉgique Boeing doit-il baisser le prix de son 747 face à la concurrence de l’A380 ? Apple doit-il entrer sur le marché du livre électronique suite à l’arrivée du Kindle d’Amazon ? Lorsqu’ils abordent de tels problèmes, Boeing et Apple doivent intégrer la réaction prévisible de leur concurrent. Dans ces circonstances, le « meilleur coup » que peut jouer le stratège dépend directement des actions choisies par l’autre joueur. a) Les jeux simultanés Les archétypes de jeux dans lesquels les joueurs prennent leur décision en même temps sont représentés par des matrices, en voici deux exemples : Dilemme du prisonnier 1er prévenu
2e prévenu Dénonce
Nie
Dénonce
(2,2)
(10,0)
Nie
(0,10)
(5,5)
Bataille des sexes Homme
Femme Football
Théâtre
Football
(10,5)
(2,2)
Théâtre
(0,0)
(5,10)
Dans le « dilemme du prisonnier », deux criminels présumés sont arrêtés par la police. Le procureur leur propose un marché : celui qui dénonce l’autre échappera à tout châtiment tandis que l’autre sera condamné à une lourde peine de prison. S’ils se dénoncent l’un l’autre, ils risquent tous deux de passer un bon nombre d’années en prison. Mais, la stratégie dominante, et donc l’équilibre de Nash, est une dénonciation mutuelle. Exemple : Nintendo a annoncé en septembre 2009 une baisse de 20 % du prix de sa console Wii. Microsoft et Sony ont également baissé les prix de leurs consoles, la Xbox 360 et la Playstation 3. Il s’agit d’une stratégie perdant-perdant (le coût d’une console étant en moyenne supérieur de 40 % à son prix de vente). Dans la « bataille des sexes », les joueurs veulent coordonner leurs actions, mais également imposer leur point de vue. Un mari et sa femme doivent décider comment organiser leur soirée. Le mari préfère assister à un match de football tandis que sa femme souhaite aller au théâtre. Mais, pour tous les deux, ce qui compte avant tout, c’est être ensemble. Exemple : Dans le cas de l’harmonisation des chargeurs de téléphones portables en Europe en 2010, les équipementiers veulent coordonner leurs standards respectifs, mais chacun souhaite que sa propre technologie soit retenue.
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Fiche 33 • La théorie des jeux et l’interaction stratégique
b) Les jeux séquentiels Un jeu dans lequel les joueurs prennent leur décision tour à tour est représenté par un arbre, qui clarifie la séquence des actions et l’information dont on dispose à chaque nœud. Dans ce type de jeu, il convient de pratiquer l’induction en amont (choisir sa stratégie en fonction de l’anticipation des réponses de l’autre joueur). 2 exemples de jeux séquentiels Monopole et entrant
Sponsoring
Gains Entrant Monopole potentiel
Pas d’entrée Accommodation Entrée Prédation
0
2
1
1
-1
0
Gains Entreprise 1 Entreprise 2 France
2
2
Irlande France
8
4
4
8
Irlande
1
1
France
Irlande
Dans le jeu du « monopole et entrant potentiel », le premier joueur décide d’entrer ou de ne pas entrer sur un marché. En cas d’entrée, le second décide de s’accommoder de l’entrée (sans modifier ses choix marketing par exemple), partageant ainsi les gains avec le nouvel entrant, ou de mener une politique de prédation (par une baisse de prix par exemple), détruisant ainsi de la valeur pour le nouvel entrant mais également pour lui-même. La stratégie du monopole est de dissuader l’entrant potentiel d’effectivement entrer sur son marché, à travers la menace de la prédation. Exemple : En 2000, des prix « anormalement bas » ont été pratiqués par GlaxoSmithKline France sur 43 marchés hospitaliers, pour la vente du Zinnat, un antibiotique utilisé avant les opérations chirurgicales. Selon le Conseil de la concurrence : « Cette politique de prédation s’est inscrite dans une stratégie globale d’intimidation qui visait à décourager les génériqueurs d’entrer sur le marché plus large des spécialités hospitalières, en se construisant une réputation d’agressivité sur les prix. » La crédibilité des joueurs est essentielle. S’engager à l’avance dans une action susceptible de devenir irrationnelle une fois que leurs concurrents auront bougé leurs pions implique de se forger une réputation (ex. : Microsoft engage systémiquement des ressources colossales pour pénétrer un nouveau marché ce qui limite la réaction des concurrents) ou de brûler ses vaisseaux (ce qui permet de rendre une décision stratégique irréversible, ex. : à la manière du conquistador Cortès qui coula sa flotte en 1519 après avoir prix pied au Mexique et obtenu ainsi la reddition des Aztèques, convaincus qu’ils ne pourraient échapper à une guerre destructrice). Dans le jeu du « sponsoring », les joueurs choisissent tour à tour une équipe de football à laquelle associer leur marque. Leur gain dépend de la visibilité de l’équipe (forte pour la France, faible pour l’Irlande dans ce jeu) et du nombre de sponsors présents par équipe (mieux vaut être le seul présent). Dans ce jeu, l’entreprise qui préempte la meilleure équipe en premier tire du jeu la plus grande valeur, l’autre n’ayant pas intérêt à faire le même choix. Dans le monde des affaires, il s’agit donc prendre une décision stratégique avant son concurrent. Exemple : Malgré le succès récent de la Smart fortwo du groupe Daimler (134 700 unités en 2008 pour une croissance annuelle de 39 %), aucun concurrent n’a attaqué le marché de la voiture deux places, occupé depuis 1996 par le groupe Daimler.
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Fiche 33 • La théorie des jeux et l’interaction stratégique
2. LA PortÉe et LES limites de la thÉorie des jeux a) L’étude des dynamiques de coopération Axelrod, dans son étude des jeux répétés (le même jeu, comme le dilemme du prisonnier, est réitéré plusieurs fois avec les mêmes joueurs), fait la description suivante de la guerre de tranchées de 1914-1918 : « Lorsque les positions se sont stabilisées, la non-agression s’est installée spontanément en de nombreux endroits du front. Au moment des repas puis entre 8 et 9 heures du matin, période réservée aux affaires privées. Durant l’été 1915, un soldat a fait remarqué que cela aurait été un jeu d’enfant d’attaquer la route qui menait aux tranchées de l’ennemi, encombrée de camions de ravitaillement et de citernes, et de faire un massacre. En réalité, le silence régnait. Car si l’on empêche l’ennemi de s’approvisionner, sa réaction sera simple, il en fera de même avec vous ». Les jeux répétés permettent d’établir les conditions favorables à une coopération tacite : Horizon de long terme. Une collusion entre les joueurs n’est intéressante que si le gain à court terme de la trahison peut être compensé par des pertes futures liées à une situation non coopérative. Exemple : Sur le marché de la trottinette, le cycle de vie « feu de paille » du produit lié à un effet de mode en 2000 (plus de 10 millions de produits vendus contre seulement 1,5 million en 1999 et 4 millions en 2001) a été la cause de trahisons multiples. Le pionnier MMS a, par exemple, contourné ses accords avec K2 pour faire produire ses modèles par un sous-traitant chinois, JDcorp, qui a ensuite rompu les contrats de sous-traitance en produisant sous sa marque les modèles de MMS. Stratégie donnant-donnant. Dans un jeu coopératif, un joueur est prêt à coopérer si l’autre coopère également. Pour atteindre cette dynamique vertueuse, un joueur ne peut pas être envieux (ne pas comparer ses gains à ceux de l’autre joueur mais à ceux que l’on aurait eus avec une autre stratégie), accorder le bénéfice du doute à l’autre joueur en commençant à coopérer, et pratiquer la réciprocité dans la coopération comme dans la trahison. Exemple : En juin 2007, le PDG d’Universal Music (filiale de Vivendi) a annoncé le non-renouvellement de son contrat avec iTunes : « le partage de la valeur entre Apple et les distributeurs et artistes est indécent ». En cas de rupture définitive, les deux entreprises seraient perdantes : Universal perdrait un important canal de distribution (70 % de la musique en ligne) et iTunes une part conséquente de son contenu (15 % des ventes de musique). Au lieu de céder, Apple a annoncé en août 2007 qu’Itunes ne distribuerait plus les vidéos de NBC Universal (dont Vivendi est propriétaire à 20 %). b) La rationalité limitée des joueurs En 1982, des psychologues ont inventé le jeu de l’ultimatum : 100 euros sont confiés à un sujet « A », qu’il doit partager avec un sujet « B ». « A » peut décider comme il le souhaite de la part qu’il va accorder à « B », mais si « B » refuse le partage, personne ne gagne rien. La théorie des jeux classique indique que « B » a intérêt à accepter n’importe quelle somme plutôt que de tout perdre. Sur les expérimentations réalisées, toutes les propositions inférieures à 40 euros furent refusées. Les notions de justice et d’équité sont donc prises en compte par les joueurs, qui peuvent prendre des décisions plus guidées par l’émotion que par la raison. Exemple : En avril 2006, Wahaha est accusé par Danone de créer des sociétés hors coentreprise et d’utiliser illégalement la marque commune. À la lumière des acquisitions par Danone de nombreux de ses concurrents, Wahaha a indiqué qu’elle avait été déçue du fait que Danone n’avait pas fait suite à son ordonnance d’exploration commune des marchés prévue dans le contrat de coentreprise. Dans ce contexte d’injustice ressentie de part et d’autre, aucune conciliation n’a 132
Fiche 33 • La théorie des jeux et l’interaction stratégique
pu voir le jour jusqu’en septembre 2009, après 37 cas portés devant les tribunaux chinois et internationaux, tous gagnés par Wahaha. Les résultats des jeux sont sensibles aux hypothèses émises par l’auteur du modèle. L’intérêt de la théorie des jeux est de donner une idée de la structure de l’interaction entre les participants. Il s’agit non seulement d’apprendre la bonne façon de jouer mais encore de comprendre les possibilités existantes et les conséquences de changement du jeu. Comment une organisation peut-elle changer le jeu ? Changer les joueurs Les joueurs peuvent être des concurrents, des fournisseurs ou des consommateurs. Favoriser l’entrée de nouveaux acteurs peut ouvrir des stratégies gagnantes. Exemple : Aux États-Unis, le brevet détenu sur l’aspartame par Monsanto (marque Nutrasweet) expira en 1992. Anticipant l’expiration du brevet, Coca-Cola incita quelques années plus tôt une entreprise hollandaise à construire une usine capable de fournir l’édulcorant nécessaire à son cola light. Le directeur marketing avait déclaré : « chaque entreprise aime avoir au moins deux fournisseurs ». Une fois l’usine prête, le nouvel entrant essaya sans succès faire affaire avec Coca, qui avait déjà renégocié un contrat de long terme avec Monsanto. L’entrée d’un fournisseur supplémentaire avait permis à Coca d’accroître son pouvoir vis-à-vis de Monsanto. Changer les règles Quelle que soit sa nature (économique, sociale ou juridique), aucune règle n’est immuable. Une entreprise peut contribuer, à travers des actions de lobbying, de communication ou de recherche, à changer les règles du jeu. Exemple : Dans les années 1980, Canon est entré sur le marché des photocopieurs, alors sous la domination de Xerox. Après avoir identifié trois règles de concurrence implicites suivies par Xerox (produire les machines les plus grosses et les plus rapides, offrir les services les plus fiables, faire des bénéfices sur le service après-vente), Canon a défini de nouvelles règles (produire les machines les plus petites et les moins chères, offrir les machines les plus fiables, faire des bénéfices sur les ventes des cartouches de toner jetables). En 2009, Xerox tente d’intégrer une nouvelle dimension au jeu : l’écologie. Xerox propose ainsi de l’encre solide (éliminant ainsi les cartouches) et du papier auto-effaçable (en une nuit, une feuille utilisée redevient vierge). Changer les gains Alors que de nombreuses interactions concurrentielles consistent en des jeux perdant-perdant, comme les guerres de prix ou les campagnes de communication, certaines décisions permettent d’enclencher des cercles vertueux. Exemple : À partir de 2010, AirFrance va remplacer sur ses vols 40 sièges de la cabine Économique par 22 sièges Premium Voyageur (inclinaison à 123°, assise de 48 cm et accoudoirs de 10 cm). Cela permettra à Air France d’augmenter le prix de ces 22 sièges et d’assurer un meilleur remplissage des sièges économiques restant. Par ailleurs, si les concurrents imitent l’action d’AirFrance, cette stratégie deviendra gagnant-gagnant, réduisant les surcapacités du secteur.
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L’écologie des populations et la mort des organisations
Points clefs Quelle est l’origine de la diversité des entreprises ? Au sein d’une population donnée, les entreprises sont sélectionnées par leur environnement. De nouvelles entreprises innovantes remplacent les anciennes devenues progressivement inadaptées, instituant de nouvelles formes d’organisation. Dans la théorie de l’écologie des populations, le changement est le résultat de la naissance et de la mort des entreprises. À cet égard, le rôle des phénomènes d’adaptation des entreprises semble sous-estimé.
1. La prÉsentation de l’Écologie des populations a) La métaphore biologique Inspiré des travaux de Darwin sur l’évolution des espèces biologiques, l’écologie des populations met en avant trois principaux mécanismes pour expliquer le changement dans les entreprises : La diversité génétique des entreprises. Quand elles naissent, les nouvelles entreprises amènent des caractéristiques différentes au sein de leur population. Exemple : En 2003, une nouvelle entreprise bouscule le marché des chèques cadeaux avec un concept innovant : des coffrets thématiques contenant des prestations de loisirs (courts séjours, restauration, instituts de beauté, etc.). Weekendesk (aujourd’hui Smartbox en France), qui avait réalisé 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2003 atteint 242 millions d’euros en 2008. Une faible capacité d’adaptation. Les entreprises éprouvent des difficultés à évoluer de manière suffisamment rapide pour s’adapter à l’environnement. Cette inertie peut être liée à des facteurs internes (rigidité de la culture et des structures de l’entreprise, actifs spécifiques non redéployables, blocages politiques) et externes (barrières à l’entrée et à la sortie, réaction des concurrents, etc.). Exemple : En février 2008, AOL a annoncé la fin de Netscape. Le premier navigateur Web représentait pourtant 80 % du marché en 2005. Mais il a été victime de la concurrence d’Internet Explorer. Le navigateur de Microsoft était intégré dans le système d’exploitation Windows, qui équipe 90 % des ordinateurs. La sélection naturelle. Au sein d’une population, des entreprises apparaissent et disparaissent constamment. Elles sont sélectionnées, en fonction de leur adéquation à l’environnement. Exemple : Dans un contexte de crise, la France devrait enregistrer 70 000 faillites et 400 000 créations d’entreprises fin 2009. b) Les populations d’entreprises Une population est un ensemble d’entreprises ayant des caractéristiques communes au sein d’un système délimité (défini par l’État, le marché, la géographie, etc.). De manière non exhaustive, il est possible d’identifier les populations, voire les agrégats de populations (communautés) suivants : Le secteur d’activité (ou industrie). C’est un groupe d’entreprises concurrentes proposant des biens ou des services remplissant les mêmes fonctions. Exemple : Le secteur des moteurs de recherche sur le Web est dominé en 2009 par Google, suivi de Yahoo Search, Baidu et Bing (Microsoft). Dans le secteur des moteurs de recherche d’entreprise, qui scrutent non seulement 134
Fiche 34 • L’écologie des populations et la mort des organisations
Internet mais aussi l’intranet, Google Search Appliance n’est qu’un concurrent parmi d’autres derrière FAST et Autonomy. Les groupes stratégiques. Un groupe stratégique est un sous-ensemble du secteur d’activité regroupant les entreprises qui poursuivent des stratégies similaires. Exemple : En 2009, le marché des moteurs de recherche d’entreprise compte trois groupes stratégiques : Vivisimo Velocity, Exalead et Sinequa qui se distinguent par leur rapidité d’exécution, FAST (Microsoft depuis 2008) et Autonomy qui ont une large couverture fonctionnelle (c’est-à-dire qu’ils analysent non seulement les documents et les mails, mais aussi les enregistrements audio et vidéo), et enfin, la suite open source Lucene, Nutch et Solr qui est peu onéreuse, mais doit être complétée par des extensions, notamment de sécurité. Les filières industrielles. Une filière industrielle désigne une chaîne d’activités aboutissant à la mise à disposition d’un bien ou d’un service. L’ensemble des entreprises de la filière sont en compétition pour le partage de la marge globale. Exemple : En septembre 2009, le gouvernement français a annoncé la création d’un fonds de 20 millions d’euros destiné au développement de la filière du bois. Cette dotation sera destinée à soutenir les secteurs de la scierie, de la construction et de la production d’énergie. Les marchés de la construction en bois et du bois de chauffage sont en croissance, notamment grâce aux qualités écologiques de ce matériau et combustible bon marché. Les professions. Une profession désigne un ensemble de personnes exerçant un même métier et organisées en groupe professionnel. Les individus composant ces groupes professionnels possèdent un savoir technique et doivent suivre un ensemble de règles. Exemple : Les expertscomptables français sont regroupés au sein de l’Ordre des Experts-Comptables depuis 1945. Pour bénéficier de ce titre, ils doivent être titulaires du diplôme d’expertise-comptable et respecter les normes comptables et déontologiques de la profession. Les communautés de populations. Dans le cadre des réseaux d’entreprises, des communautés d’entreprises s’engagent dans un tissu d’interactions compétitives ou coopératives. Exemple : Créé en 2005, le pôle de compétitivité Végépolys regroupe près d’Angers des entreprises spécialisées dans huit filières végétales (horticulture ornementale et maraîchage, arboriculture, semences, viticulture, cidre, plantes médicinales et aromatiques, champignons, tabac), et des centres de recherche et de formation. 2. LES Limites de l’Écologie des populations Dans le cadre de l’écologie des populations, les entreprises sont sélectionnées par l’environnement et ne peuvent pas véritablement influer sur leurs chances de survie. La réalité est cependant plus complexe. a) La mise en œuvre d’un changement interne Dans le cadre de l’écologie des populations, le changement organisationnel provient du remplacement d’anciennes entreprises par de nouvelles. L’examen empirique montre pourtant que le changement peut aussi être le fruit de transformations internes. Exemple : Fondée en 1993, l’entreprise d’informatique québécoise Novipro est, faute de contrats, au bord de la faillite en 2000. Elle profite de cette période d’inactivité pour acquérir des compétences dans le domaine de l’architecture de réseau d’entreprise, en embauchant des spécialistes, et en formant ses 10 employés. Cette expertise de pointe va permettre à Novipro de répondre rapidement aux besoins des entreprises canadiennes en matière de technologies de l’information et d’être leader sur son créneau en 2008.
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Fiche 34 • L’écologie des populations et la mort des organisations
b) L’influence sur l’environnement De même que l’homme apparait comme une espèce à part dans le règne animal par sa capacité à remodeler son environnement, les entreprises peuvent modifier les conditions dans lesquelles elles sont sélectionnées pour augmenter leurs chances de survie : Elles peuvent adapter leur stratégie à la concurrence. La sélection par l’environnement ne peut expliquer, seule, la vie et mort des entreprises. Les entreprises réajustent constamment leur rapport de force avec les concurrents par des manœuvres stratégiques. Exemple : Dans le cadre du lancement de la Playstation 3, fin 2006, Sony avait étudié les ventes de la Xbox 360 de Microsoft. Il était prévu que si la console de Microsoft ne rencontrait pas le succès escompté, la PS3 ne serait commercialisée qu’en 2007 aux États-Unis. Elles peuvent engager des stratégies coopératives. Lorsque des entreprises concurrentes décident de collaborer, elles peuvent neutraliser l’évolution de l’écosystème. Exemple : En mars 2009, SFR, Orange et Bouygues Télécom ont été condamnés en appel à une amende de 534 millions d’euros. Les opérateurs de téléphonie mobile ont été reconnus coupables d’échange illicite d’informations entre 1997 et 2003, destinés à restreindre de manière volontaire le jeu de la concurrence. c) Les frontières des entreprises L’étude des populations suppose d’identifier des unités différenciées. Or, les entreprisesréseaux, en tant qu’organisations non constituées ne permettent pas de délimiter de manière précise les frontières de chaque entreprise. Exemple : En 2008, le groupe néerlandais Philips confie à des sous-traitants comme Jabil Circuits ou Flextronics la conception et la fabrication de prés de 80 % de ses produits d’électronique grand public afin de se concentrer sur le design et le marketing.
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Fiche 34 • L’écologie des populations et la mort des organisations
La presse quotidienne : un écosystème bouleversé En 2002, le marché de la presse quotidienne a connu une véritable révolution en France avec l’arrivée des journaux d’information gratuits. Le journal Métro, distribué dans le réseau de transports qui lui a donné son nom, paraît simultanément sur Paris et Marseille le 18 février 2002. 20 minutes lui emboîte le pas, à Paris, à partir du 15 mars 2002. Progressivement, ces journaux sont diffusés dans les plus grandes villes françaises (Marseille, Lyon, Nantes, etc.). Mis à disposition dans les transports en commun, les quotidiens gratuits sont conçus pour une lecture rapide et visent un public jeune, urbain et actif, convoité par les annonceurs. Face à ces nouveaux venus, la riposte ne se fait pas attendre : en février 2002, Hachette Filippachi Médias (Le Journal du Dimanche) lance Marseille Plus. Plusieurs éditeurs de presse quotidienne régionale s’associent pour lancer des quotidiens gratuits : Lille Plus, Bordeaux 7, Lyon Plus. Le Monde, en association avec le groupe Bolloré lance Matin Plus, rebaptisé Direct Matin Plus en 2008. Bolloré Médias lance également Direct Soir, le premier quotidien gratuit du soir. Le modèle économique de ces journaux, qui repose sur un financement exclusivement publicitaire, capte une partie des ressources traditionnelles des quotidiens payants. En 2004, 9 % des investissements de publicité vont aux journaux gratuits contre 57 % pour les payants. L’offensive de cette nouvelle forme de presse quotidienne a fortement fragilisé certains quotidiens nationaux, comme France-Soir, Le Parisien, L’Humanité, Libération ou Le Monde. France Soir, qui est passé de 1,5 million à 26 000 exemplaires entre 1956 et 2005, enregistre 6 millions et demi d’euros de pertes en 2008. Libération, dont les pertes s’élèvent à 12 millions d’euros en 2006, doit mettre en place un plan de licenciement collectif qui concerne 76 des 276 salariés de l’entreprise. Si la presse quotidienne gratuite rencontre un grand succès auprès des lecteurs, la question de sa rentabilité économique reste en suspens. Malgré une diffusion à environ 733 000 exemplaires chacun en 2009, les deux titres les plus lus, Métro et 20 minutes, n’ont connu que des déficits depuis leur lancement en France. Début 2009, les principaux quotidiens payants français résistent toujours : Ouest France se vend à 772 058 exemplaires, Le Parisien à 322 240, Le Figaro à 320 003. Le propriétaire de Direct Soir, Bolloré Média, envisage même la création d’un nouveau quotidien payant. La mutation du secteur est loin d’être finie : les sites d’information en ligne comme Yahoo ! News, les blogs, ainsi que des sites d’information indépendants comme Rue89 sont maintenant accessibles sur les téléphones portables.
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Les approches cognitives et les biais dans les décisions stratégiques
Points clefs Lors du processus de décision stratégique, de nombreux biais interviennent dans la sphère cognitive et affectent la manière dont les décideurs prennent leurs décisions. Ces biais peuvent avoir des implications en termes stratégiques.
À chaque étape du processus de décision (formulation d’un objectif, génération de solutions et sélection de l’une d’entre elles), des biais peuvent influencer la manière dont une décision est prise. 1. La formulation d’un but et l’identification du problÈme Lors de la première étape du processus de décision qui correspond à formuler un but et identifier le problème, des biais spécifiques peuvent venir entacher ce processus. a) Biais d’hypothèse initiale À partir d’une hypothèse de départ erronée, les dirigeants prennent leur décision en dépit de nombreuses évidences signalant leur erreur. Un filtre perceptuel biaise leur appréhension de l’environnement. Ainsi, les décideurs qui estiment que la stratégie actuelle de leur entreprise est pertinente, ignorent les informations pouvant suggérer un écart entre performance attendue et réalisée. Exemple : Dans les années 1990, l’entreprise Motorola pensait qu’une idée intéressante, pouvant élargir la gamme des services proposés, était de construire un réseau de communication permettant d’offrir la possibilité à n’importe qui d’appeler de tous les endroits de la planète comme du désert du Sahara. Le projet Irridium a donc été lancé et a exigé un investissement de 7 milliards de dollars en plaçant 77 satellites en orbite autour de la Terre. Cependant, une fois le projet lancé, Motorola s’est aperçu qu’il n’existait pas un besoin si fort de la part des consommateurs pour ce type de service très onéreux. Motorola a dû assurer la maintenance des satellites pour 2 milliards de dollars par mois. b) Ajustement et ancrage En raison de l’influence du processus d’ancrage, les individus qui reçoivent de nouvelles informations soulignant un écart par rapport à la situation attendue, vont apporter des révisions uniquement mineures à la stratégie actuelle et non majeures car l’évaluation se fait toujours par rapport à la situation initiale. Exemple : Lors du lancement en octobre 2001 de l’Avantime, Renault et Matra visaient les clients des premières générations d’Espace qui souhaitaient conserver un véhicule de type monospace après le départ de leurs enfants. Les cadences de production devaient être comprises entre 80 et 100 véhicules par jour, mais la réalité fut tout autre. En décembre 2002, le niveau moyen des commandes était de 15 véhicules par jour. La cible visée n’était pas réceptive à ce nouveau type de coupé-space et très peu d’ajustements ont été apportés afin de relancer la demande. Ainsi, la production dut cesser rapidement.
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Fiche 35 • Les approches cognitives et les biais dans les décisions stratégiques
c) Escalade de l’engagement Même si les décideurs perçoivent des indices signalant l’échec probable du projet, ils interprètent ces indices comme une raison supplémentaire de continuer à allouer encore plus de ressources afin de sauver le projet et à ne pas réviser la stratégie en place. L’escalade de l’engagement a des ressorts plus psychologiques que financiers, les acteurs refusant d’admettre leurs erreurs et prenant tous les risques pour sauver une situation critique. Exemple : Les successives escalades de l’administration américaine dans le conflit de la guerre au Vietnam représentent l’exemple le plus célèbre de ce type de biais. Une fois les troupes envoyées et les premières pertes subies, il est difficile de se retirer. Au niveau des entreprises, cela peut se traduire par le désinvestissement d’une activité non profitable après le départ du dirigeant (v. fiche 13). Exemple : Dans l’industrie du cinéma, le film « Les Amants du Pont-Neuf » de Léos Carax relève aussi de ce processus. Malgré tous les signaux négatifs et les problèmes financiers suite aux destructions des décors en raison des intempéries, le film est sorti en 1991 et a engendré des pertes colossales pour ses différents producteurs et financiers. d) Raisonnement par analogie Le raisonnement par analogie conduit à une sur-simplification du problème rencontré afin de réduire l’incertitude de l’environnement et à une révision de la stratégie de manière non pertinente. Exemple : Avec Essensis, un nutricosmétique censé nourrir la peau de l’intérieur, Danone comptait ajouter un blockbuster à sa gamme, aux côtés d’Activia, Actimel ou encore Danacol. Ces produits, vendus beaucoup plus chers que les yaourts traditionnels, contribuent à la croissance des ventes du groupe et à des fortes marges. Après un démarrage poussif, Franck Riboud, le PDG de Danone, a fait retravailler les équipes de sa filiale française. Celles-ci ont imaginé une formule à boire, vendue dans des fioles identiques à celles d’Actimel. Cependant, les cibles ne sont pas les mêmes ainsi que les bienfaits espérés, le produit a donc été retiré des rayons en mars 2009. 2. La gÉNÉration de solutions Après la définition du problème stratégique, des solutions doivent être proposées afin de répondre au problème posé. En réalité, des biais de nature cognitive conduisent à ne pas rechercher de nombreuses alternatives. a) Focalisation sur une solution unique Au lieu d’étudier un ensemble d’alternatives possibles au problème rencontré, les décideurs vont se focaliser sur une solution unique. Exemple : Afin de répondre aux lancements successifs de l’A330 et de l’A340 d’Airbus, deux appareils dont les commandes étaient communes ce qui permet de réaliser des économies, Boeing a annoncé en 2004 une unique solution, la création du dreamliner 787. Si les très gros porteurs d’Airbus ont pour vocation d’alimenter les hubs, le 787 cherche, lui, à favoriser le transport direct, point to point. De plus, il est le premier avion de ligne construit non pas en aluminium comme c’est la norme mais en fibre de carbone, un matériau plus léger. Cependant, sa commercialisation accumule déjà deux ans de retard. « Plus le temps passe, plus le 787 perd son avance technologique », décrypte un expert.
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Fiche 35 • Les approches cognitives et les biais dans les décisions stratégiques
b) Inférences d’impossibilité Les décideurs vont déployer des efforts pour mettre en évidence les aspects négatifs des autres solutions et essayer de se convaincre eux-mêmes qu’il n’y a pas d’autres alternatives. Cela conduit au rejet prématuré de solutions alternatives. Exemple : Suite au décès du restaurateur Bernard Loiseau en 2003, son épouse Dominique Loiseau a dû prendre la décision de l’avenir du groupe. Plusieurs solutions s’offraient à elle : vendre le restaurant car elle n’était pas elle-même grand chef, le relocaliser car la ville de Saulieu apparaissait comme éloignée d’un axe autoroutier ou repositionner l’offre dans l’hôtellerie qui est devenue son métier. Au final, elle a choisi très rapidement de continuer à l’identique et justifie son choix par le respect de l’esprit du grand chef disparu. c) Refus du compromis Les décideurs tendent à surévaluer leur solution préférée en refusant tout compromis et en surévaluant les difficultés à implanter les autres alternatives. Exemple : Créé en 1963, le Quid, ouvrage de 2 100 pages qui promettait à ses lecteurs « tout sur tout, tout de suite », a été retiré du marché en 2007. Refusant de toucher un ordinateur, D. Frémy, le fondateur âgé de 72 ans, n’a pas souhaité s’adapter aux évolutions du marché et a continué de publier chaque année le Quid. En effet, il lui apparaissait comme trop difficile de développer et surtout mettre à jour un site Internet offrant encore plus de services que la publication annuelle du Quid. 3. La sÉlection d’une solution Quand plusieurs alternatives s’offrent à l’entreprise, des biais viennent entacher le processus d’évaluation. a) Biais de représentativité Ce biais se réfère à la tendance à imaginer que ce que nous voyons ou ce que nous verrons est typique de ce qui peut arriver. Ainsi, cela conduit un décideur à considérer une situation ou un exemple comme représentatif de la situation ou de la population et à en surestimer les conséquences. Exemple : À son ouverture en 1992, le parc Disney à Paris a été fondé sur des hypothèses issues de l’expérience américaine, en termes de consommation et d’hébergement sur place par exemple, sans tenir compte de la proximité de Paris et des habitudes culturelles européennes en matière de vacances. Ainsi, le public a boudé le parc (35 000 par jour au lieu des 60 000 attendus) qui devient fortement déficitaire. Au bout d’un an d’exploitation, c’est le Français Philippe Bourguignon qui prend le relais à la tête du parc afin de le franciser : attractions autour de Jules Vernes, prix adaptés à la saisonnalité, etc. Disney est devenu en 2008 le premier site visité en France, devant la Tour Eiffel. b) Illusion de contrôle Ce processus conduit à surestimer la capacité ou l’impact des décideurs à contrôler le résultat attendu d’une stratégie. Exemple : À la fin des années 1990, le PDG de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, avait l’ambition de devenir un acteur incontournable des médias et de la communication associant contenus et supports pour diffuser ces contenus. Cependant, les résultats catastrophiques de 2001 avec une perte de 13,6 milliards d’euros, un surendettement colossal lié aux nombreuses acquisitions réalisées ainsi que de multiples volte-face dans l’application de la stratégie ont conduit à l’implosion du groupe en 2002 et à la démission de son PDG. 140
Fiche 35 • Les approches cognitives et les biais dans les décisions stratégiques
c) Dépréciation des solutions partiellement décrites Entre plusieurs solutions proposées, les décideurs privilégient celle qui est la plus complètement décrite et ainsi, réduit l’incertitude. De fait, ils ont tendance à évaluer négativement les autres, notamment les solutions venant de l’extérieur, en référence au syndrome Not Invented Here (NIH). Exemple : Dans l’industrie de l’alignement photo-lithographique, Kasper Instruments qui dominait à l’origine le marché a dû se retirer suite à son refus d’adopter les nouveaux procédés de fabrication. Lorsqu’on proposa aux ingénieurs de Kasper cette nouvelle solution partiellement décrite et adoptée par leur concurrent Canon, ces derniers ont critiqué ce modèle et ont jugé, par manque de connaissances du modèle, qu’il copiait en moins bien le leur. Pour corriger ces biais cognitifs, l’entreprise peut faire appel à des consultants externes pour collecter ou interpréter les informations et ainsi, remettre en question ses routines et habitudes de pensée. Heinz : « Ez Squirt », un étrange ketchup Afin de conserver sa place de leader mondial sur le marché du ketchup, Heinz décide d’innover et, après une étude de marché aux États-Unis, lance le projet « Ez Squirt » en octobre 2000. Ce ketchup au packaging ludique a la particularité d’être vert, sans pour autant en changer la texture ou le goût du produit d’origine. « D’autres couleurs ont été testées, mais le vert était celle qui plaisait le plus aux juniors », explique Richard Wehry, chef de groupe chez Heinz. D’abord le produit est lancé sur le marché américain où il connaît un véritable succès auprès des enfants, responsables de 50 % de la consommation de ketchup, avec 10 millions de ventes les sept premiers mois. Le succès est tel que le condiment est ensuite proposé en violet, rose, orange et bleu. Cependant, à l’international, le produit est un échec cuisant au Royaume-Uni et en Belgique et ainsi, ne fut jamais lancé en France. Heinz, qui a toujours connu des succès, n’a pas prêté attention aux études préliminaires qui prédisaient des difficultés potentielles. En effet, en Europe, le ketchup est très associé à la tomate et donc à la couleur rouge, modifier cette dernière revient à toucher au cadre de référence personnel des consommateurs.
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Le dirigeant
Points clefs Le succès ou l’échec d’une entreprise est souvent attribué à une seule personne : le dirigeant. Aux dires de Steve Case, co-fondateur d’AOL-Times Warner, le dirigeant est au volant d’une voiture de course automobile : il regarde l’horizon en permanence tout en gardant un œil dans son rétroviseur pour observer ses concurrents. Si son efficacité est souvent remise en cause, son rôle reste prépondérant dans la construction et la mise en œuvre de la stratégie d’une entreprise.
1. Le rÔle du dirigeant a) L’agenda du dirigeant Le dirigeant occupe au sein de son organisation deux catégories de fonctions : stratégiques (souvent relayées par la presse économique) et opérationnelles (peu visibles mais occupant un rôle essentiel). Arbitrer. Le dirigeant doit définir l’allocation des ressources entre plusieurs projets concurrents ou valider des projets d’acquisition. Exemple : Chez PSA, la ligne DS Inside, signe en 2009 ce que Christian Streiff, président du directoire, a annoncé deux ans plus tôt : le renforcement de la gamme par le haut. Il avait alors préféré ces projets à la piste low-cost, empruntée par ailleurs par Renault. Organiser. Le dirigeant est un architecte, qui décide de la configuration et de la structure de son organisation. Le dirigeant choisit un niveau de découpage de l’organisation, qu’il soit fonctionnel ou divisionnel. Il choisit également le degré d’autonomie des acteurs, les critères de performance sur lesquels ils seront jugés ou encore les systèmes d’incitation. Exemple : en 2007, le ministre du Budget, Eric Woerth, a annoncé, la fusion de deux grandes directions de Bercy, les Impôts et le Trésor. L’objectif était à terme de disposer d’un guichet fiscal unique pour tous les contribuables. Par ailleurs, la Lolf (Loi organique relative aux lois de finances) du 1er aout 2001 pose l’obligation de résultat, une plus grande individualisation et une gestion par objectifs pour des catégories d’agents du secteur public. Négocier. Conclure un contrat commercial, un accord d’intéressement, une acquisition d’entreprise, ou plus simplement obtenir en interne l’adhésion à un projet, les occasions de négociations sont fréquentes pour un dirigeant. Exemple : Le PDG de General Motors, Rick Wagoner, a dû, par exemple, négocier, en 2009, la cession de la marque Hummer, un emprunt de 30 milliards de dollars à l’état américain, la vente de sites industriels, la suppression de 47 000 emplois ou la réduction du coût du travail et de la retraite. Entretenir les relations avec les parties prenantes. Le dirigeant doit entretenir des relations durables, reposant sur la confiance et veiller à instaurer un dialogue régulier avec les salariés, actionnaires, fournisseurs, clients, ONG et institutions impliquées dans son organisation. Exemple : Dans le rapport d’activité 2007 de Renault, Carlos Ghosn, président du groupe, a déclaré à ses actionnaires : « Vous pouvez compter sur la motivation des femmes et des hommes de Renault, soudés autour de la mise en œuvre de notre plan, pour faire de Renault, une grande entreprise mondiale et innovante, performante dans la durée. » Recevoir et diffuser de l’information. Le dirigeant doit guider ses troupes et en être le porteparole. Exemple : Stephen Case, lorsqu’il était président d’AOL Time Warner, avait déclaré : 142
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« En définitive, une vision sans une habilité à la communiquer n’est probablement qu’une hallucination. » b) Les missions du dirigeant Représenter. Le dirigeant est un mandataire social dont la mission est d’incarner une organisation. Son charisme, sa personnalité ont des retombées sur la visibilité et l’image de cette dernière. Exemple : Richard Branson, charismatique PDG de Virgin, est étroitement associé à l’image de la marque qui apparaît spontanément pour les consommateurs comme « innovante », « provocatrice » et « performante ». Son goût pour la publicité l’avait poussé à jouer dans la série américaine Friends et dans le film Casino Royal, mais également à tenter un tour du monde sans escale en ballon. Cette exposition médiatique et la sympathie qui en découle (Brandson est la personnalité préférée des Britanniques) bénéficie à tous les secteurs dans lesquels Virgin est présent : transport aérien, sodas, produits financiers, transports ferroviaires, téléphonie mobile, salle de sport, tourisme spatial. Permettre l’expansion. Selon Guy Barthell, associé du groupe Stratégie et opérations de Deloitte, « pour atteindre une croissance durable, il ne suffit pas de faire concurrence aux compétiteurs connus. La croissance passe également par l’innovation et par la recherche constante de nouveaux marchés ». Exemple : Xavier Niel, vice-président et directeur de la stratégie d’Iliad, groupe de télécommunications, a co-fondé en février 1994 le premier fournisseur d’accès à Internet grand-public en France, Worldnet. Il est à l’origine du service 3617 Annu lancé en 1996 et du développement en 1999 de la première offre triple play (Internet, télévision et téléphonie) sous la marque Free. En 2009, il envisage de pénétrer le marché de la téléphonie mobile. Restructurer. Aucune stratégie n’est pérenne indéfiniment. Un des rôles du dirigeant est la gestion du changement. En cas de difficulté, il doit choisir de nouvelles orientations et être l’architecte des transformations qui en découlent. Exemple : Louis Gallois a été appelé chez Airbus pour mettre en place en 2007 le plan Power 8. Ce plan consiste à réduire les coûts de structure (grâce aux suppressions d’emploi et au gel des salaires des cadres dirigeants), céder des sites industriels (comme celui de St-Nazaire) et mettre en place des partenariats stratégiques (impliquant une réduction du nombre de sous-traitants). 2. L’efficacitÉ du dirigeant a) Le contrôle du dirigeant La théorie de l’agence insiste sur les dérives possibles d’un agent (le dirigeant) imparfaitement soumis au contrôle du principal (l’actionnaire) dans l’exécution de sa mission. Alors que les dirigeants sont, dans le cas d’organisation à but lucratif, censés maximiser les profits de ses propriétaires, ils peuvent entretenir d’autres dessins. Maximiser leur intérêt individuel. Certaines actions du dirigeant peuvent priver les actionnaires d’une partie de la valeur créée (délits d’initiés, avantages en nature). Le contrôle effectué par le conseil d’administration, un salaire incitatif (intéressement, stock-options) sont censés éviter ces comportements déviants. Exemple : Un actionnaire du groupe Vinci a déposé en février 2009 une plainte visant son ancien président, Antoine Zacharias, pour « délit d’initié » concernant la vente d’actions alors qu’il savait le groupe en difficulté et « abus de biens sociaux ». A. Zacharias avait quitté ses fonctions, sous la pression du conseil d’administration de Vinci, avec une indemnité de 12,9 millions d’euros et avait assigné l’entreprise en justice pour obtenir 81 millions d’euros supplémentaires. Construire des empires. Le pouvoir d’un dirigeant se mesure plus au périmètre des activités de son entreprise qu’à son résultat. Il est par ailleurs plus facile de mener une stratégie 143
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de croissance qu’une restructuration, socialement déplaisante. Exemple : Après avoir dirigé la Compagnie Générale des Eaux, Jean-Marie Messier, passionné de musique, a orchestré le développement de Havas, Canal+ et SFR au sein du groupe Vivendi, puis le rachat de Seagram. Après avoir déclaré « le groupe va mieux que bien » en mars 2002 en annonçant à ses actionnaires la perte record de 13,6 milliards d’euros, il fut surnommé J6M, pour « JeanMarie Messier Moi-même Maître du Monde ». Limiter les risques. Le dirigeant est par nature averse au risque et cherche à conserver son poste, il tend donc à mettre en place des stratégies sûres, ce qui diminue l’espérance de gain des actionnaires, qui eux ne sont pas averses au risque puisqu’ils peuvent diversifier leur portefeuille d’actions. On peut ici trouver l’origine des parachutes dorés, qui assurent au dirigeant une rémunération confortable, même en cas d’échec. D’un point de vue éthique, ce principe peut évidemment être contesté. Exemple : Le parachute de 8,5 millions d’euros accordé à Noël Forgeard lorsqu’il quitte un EADS en crise en 2006 a été largement critiqué, notamment par les salariés qui ont touché au même moment une prime de 2,88 euros. b) Le style du dirigeant Rensis Likert distingue, en 1967, quatre formes de leadership : Paternaliste. Le dirigeant dispose d’une autorité incontestée et utilise un système de récompense comme moyen d’incitation (promotion, prime, félicitations). Exemple : Marcel Frydman, PDG septuagénaire de Marionnaud surnommé par ses employés « papy Marcel » déclare : « On n’est rien sans le personnel, il est le capital de l’entreprise et fait son succès, j’ai toujours misé sur une grande proximité avec mes collaborateurs. » L’enseigne affiche un turnover des employés inférieur à 2 %. Autoritaire. Le dirigeant prend seul ses décisions et veut avoir un contrôle absolu. Il laisse peu de responsabilités à ses subordonnés. Son pouvoir est fondé sur la contrainte et la peur. Exemple : Jack Welch, à la tête de General Electric (GE) de 1981 à 2001, était surnommé « Neutron Jack » (en référence à la bombe à Neutron) pour sa capacité à éliminer les employés (il imposait par exemple à chaque responsable de département de licencier chaque année 10 % de ses effectifs) tout en préservant les autres actifs de GE. Consultatif. Le dirigeant utilise aussi bien les sanctions négatives que les gratifications. La communication est aussi bien montante que descendante. Exemple : Guillaume Pepy, à la tête de la SNCF depuis février 2008 est un président « tout-terrain » lors des grèves : sur les quais le matin pour rassurer les clients, en négociation l’après-midi avec les syndicats. Participatif. Le dirigeant fait part du problème à résoudre aux membres de l’organisation et les associe à la prise de décision. Il a alors un rôle de coordination. Ce style développe l’esprit d’équipe et augmente l’implication des membres de l’organisation. Exemple : Philippe Camus, président d’Alcatel Lucent depuis octobre 2008 a déclaré : « Nous devons remotiver et impliquer les équipes d’Alcatel-Lucent. Je suis fier d’être président de cette entreprise et je veux que tous les employés éprouvent la même fierté. » S’il n’y a pas de hiérarchie en termes d’efficacité entre ces formes de leadership, elles restent adaptées à des entreprises et des contextes différents.
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Apple sans Steve Jobs ? Depuis juin 2008, chaque rumeur concernant l’état de santé de Steve Jobs a un impact sur l’entreprise. Le 9 juin, il apparaît amaigri, le cours d’Apple perd 5 % ; le 3 octobre, on annonce à tort son transfert à l’hôpital, le cours perd 9 % ; le 14 janvier 2009, il annonce que ses problèmes de santé sont complexes, le cours perd 9 %. Pourquoi l’avantage concurrentiel d’Apple est-il si lié à son dirigeant ? Comme Walt Disney ou Henry Ford en leur temps, le créateur d’Apple incarne son entreprise. La première fois que Jobs a quitté Apple, en 1985, le groupe a entamé une longue descente aux enfers, jusqu’à une perte de 816 millions en 1996 avec les ordinateurs Mac ne représentant que 3 % du marché. Depuis son retour cette même année, l’entreprise accumule les succès : un chiffre d’affaires record, un taux de profit de 15 % (contre 3 % pour Sony ou 5 % pour Dell) et 193 millions d’Ipod et 17 millions d’Iphone vendus. Steve Jobs a tout d’abord su changer le périmètre d’activité de son entreprise. Beaucoup de managers du groupe étaient contre la diversification dans des secteurs éloignés de celui des ordinateurs, comme celui des lecteurs MP3, de la distribution de musique et de la téléphonie. L’offre apparaît aujourd’hui cohérente, en termes de design comme de complémentarité produit. Steve Jobs est aussi un inventeur talentueux. Apple lui doit par exemple le « Dock », le menu horizontal des applications favorites, ou la technologie « Multitouch », qui permet de zoomer par un glissement de doigts. Steve Jobs a déposé 139 brevets en son nom. Le design est également un domaine dans lequel Steve Jobs excelle. Il a, par exemple, signé lui-même le packaging de l’Iphone, en relief et d’un noir satiné, inspiré d’un écrin de luxe de la marque Cartier. Steve Jobs, souvent décrit par ses collaborateurs comme un « tyran génial », n’a cependant pas organisé sa succession. Beaucoup de cadres dirigeants talentueux sont même partis : Peter Hoddie, l’architecte du logiciel Quick-Time, ou Tony Fadel et Jon Rubinstein, les créateurs de l’Ipod. Parmi ceux qui restent, aucun ne semble avoir l’étoffe du créateur d’Apple. Phil Schiller, le directeur marketing a démontré lors d’une conférence son manque de charisme. Tim Cook, l’actuel numéro 2, saura maintenir le train sur les rails mais pas prendre des options stratégiques cruciales et manque par ailleurs de créativité. Quant à Jonathan Ive, responsable du design des produits Apple depuis 1996, on le dit aussi piètre manager qu’excellent dessinateur. L’avenir d’Apple reste donc très lié à celui de son actuel président.
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La culture d’entreprise
Points clefs La culture correspond à un ensemble de significations partagées par les membres d’un groupe social. Facteur de stabilité, la culture d’entreprise guide les individus dans leurs comportements quotidiens. Mais, difficile à contrôler, la culture peut aussi devenir un facteur d’inertie pour la stratégie.
1. Les diffÉrents niveaux de la culture d’entreprise À l’image d’un iceberg, dont la plus grande partie reste immergée, la culture d’entreprise peut être appréhendée en distinguant d’une part, les manifestations visibles de cette culture, et d’autre part, les croyances et valeurs qui la fondent. a) Les manifestations visibles de la culture Des manifestations tangibles de la culture traduisent certaines significations associées à l’entreprise. Elles lui permettent d’affirmer sa spécificité vis-à-vis de l’extérieur. Ces manifestations peuvent prendre trois formes principales : Physiques. Des signes distinctifs (logo, vêtements, etc.) constituent des symboles de l’appartenance à l’entreprise. Exemple : La société Innocent, est une jeune entreprise fondée en 1999, qui détient, en 2008, 65 % du marché des « smoothies » en Grande-Bretagne. Certains de ses salariés montrent leur attachement à l’entreprise en se faisant tatouer le logo de la marque sur le corps. Comportementales. Des rites et des systèmes de récompense (ou de punition) fixent les normes de comportements qui doivent être suivies par les membres de l’entreprise. Exemple : Chez Google, les salariés sont incités à passer autant de temps que possible dans l’entreprise qui met à leur disposition de la nourriture gratuite à volonté, une infirmerie, et même une buanderie. Verbales. Les histoires de l’entreprise, racontées aux nouveaux salariés, peuvent mettre en scène des mythes cohérents avec les valeurs prônées. Exemple : Thomas Watson Jr., président d’IBM entre 1952 et 1971, se serait vu refuser l’accès à un immeuble de l’entreprise par le portier, car il ne portait pas le badge obligatoire, et cela, bien qu’il ait été au préalable reconnu. b) Les valeurs et croyances Au sein de l’entreprise, les comportements et les choix des individus sont guidés par des postulats implicites. On peut opérer une distinction entre les valeurs privilégiées par les membres de l’organisation, et les croyances sur lesquelles reposent ces valeurs : Les valeurs sont des préférences collectives qui s’imposent à tout membre de l’organisation. Les individus sont au moins partiellement conscients de ces valeurs, qui peuvent être intégrées au sein du discours de l’entreprise. Exemple : Au sein du groupe France Télécom, la stratégie d’opérateur intégré déployée depuis 2005 à travers la marque Orange, a donné lieu à la promulgation de cinq valeurs : simplicité, transparence, proximité, audace, dynamisme. L’entreprise danoise Bang&Olufsen affiche des valeurs d’entreprise en accord avec son positionnement dans le matériel audio-visuel haut de gamme : excellence, synthèse, originalité, passion. 146
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Les croyances sont les hypothèses générales sur la manière dont doit fonctionner l’entreprise. Enfouies au plus profond de la culture d’entreprise, elles opèrent de manière inconsciente dans l’esprit des individus. L’ensemble de ces croyances définit un paradigme stratégique, qui va guider la compréhension de la réalité par les dirigeants et les salariés. Exemple : En se limitant à un seul modèle de terminal avec l’iPhone, Apple s’est donné la possibilité de proposer des applications aisément compatibles, contrairement à ses concurrents qui commercialisent de multiples terminaux. Le choix de vendre des logiciels repose sur un paradigme stratégique propre à Apple : les clients de l’entreprise ne sont pas seulement les opérateurs, mais aussi les utilisateurs. 2. Les dÉterminants de la culture d’entreprise Chaque entreprise constitue un ensemble culturellement unique et profondément différent des autres, même quand ces dernières paraissent très similaires (comme par exemple des entreprises de même taille exerçant dans la même activité). En effet, plusieurs facteurs vont influer sur l’émergence d’une culture d’entreprise. a) La socialisation La socialisation est le processus d’intégration d’un individu à un groupe par l’intériorisation des connaissances sociales et des compétences nécessaires pour assumer un rôle dans ce groupe. Ces principes de fonctionnement, sont assimilés, transmis et partagés par les membres de l’entreprise. La socialisation présente plusieurs intérêts : Assurer un contrôle des comportements au travail. À partir des années 1980, l’intérêt pour la culture d’entreprise est suscité par le succès du management japonais. À côté des formes traditionnelles de contrôle bureaucratique par l’employeur, le contrôle par la culture, assuré par les collaborateurs, permet d’orienter les comportements au travail de manière plus rapide et discrète. Exemple : Partant du constat que les procédures diminuent la réactivité de son entreprise, Ricardo Semler, le PDG de Semco (PME brésilienne) laisse ses employés gérer leur travail. Le contrôle social est tel que ce sont les subordonnés qui évaluent leurs cadres deux fois par an. Favoriser le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Il s’agit de créer une cohésion, en établissant un lien entre le succès du salarié, et celui de l’entreprise. Exemple : SAS, société américaine d’informatique décisionnelle, a mis en place une culture de convivialité pour retenir son capital intellectuel : fruits frais le lundi, M&M’s le mercredi, les employés sont choyés, et bénéficient d’une certaine liberté dans leurs horaires de travail. En 2007, le turnover de SAS se situe autour de 6 %, contre 20 % pour les autres éditeurs de logiciels. b) La culture nationale et la culture des communautés professionnelles Au sein de l’entreprise, des individus ou des groupes d’individus peuvent également s’inscrire dans d’autres cadres de référence culturelle. On peut notamment identifier : La culture nationale. L’acceptation des inégalités, le besoin de règles, la pression du groupe social ou la valorisation de la compétition, sont autant de paramètres qui varient selon les cultures nationales. Dès lors, il est nécessaire de prendre en compte ces spécificités pour gérer les comportements au travail. Exemple : Chez Future Group, le leader de la grande distribution en Inde, les contes traditionnels font partie de la culture de l’entreprise. Des héros, comme Vikramaditya, l’équivalent indien du roi Salomon, servent à incarner l’image du leader avisé. La culture des communautés professionnelles. Les usages qui s’appliquent dans une profession, ou dans un secteur économique donnés ont tendance à façonner une culture propre 147
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à ces communautés. Une culture d’entreprise commune permet de transcender les cultures associées aux différents métiers, voire aux différentes activités qui coexistent dans l’entreprise. Exemple : Le groupe Total, qui compte 500 métiers en 2009 (ingénieur de forage de puits, employé de station-service, etc.), fédère ses 110 000 collaborateurs autour de la « culture de sécurité ». Les différences de cultures d’entreprise et de cultures nationales sont généralement avancées comme explication des difficultés de coopération dans le cadre de fusions-acquisitions, ou de collaborations interentreprises. Des études montrent que le lien entre culture et coopération est plus complexe. Exemple : Lors de la fusion, en 2000, entre l’opérateur téléphonique français France Télécom et le Britannique Orange, des équipes de travail constituées de binômes franco-anglais ont été chargées de mettre en œuvre l’intégration des deux entités. Au-delà de la question linguistique, qui constitue un frein évident à la coopération (la langue officielle de travail étant l’anglais), certains binômes ont attribué les tensions qu’ils vivaient à leurs différences culturelles. Dans le même temps, les binômes ne rencontrant pas de problèmes de coopération ne se sont pas plaints de ces mêmes différences culturelles. Cette observation suggère que les stéréotypes culturels peuvent également être mobilisés pour expliquer des problèmes relationnels entre individus. 3. Les limites de la culture Aucune étude n’a permis de prouver qu’une entreprise développant une « culture forte » est en moyenne plus performante qu’une autre. Cela peut s’expliquer par trois phénomènes : la myopie stratégique, la dissonance cognitive et l’identification à l’entreprise. a) La myopie stratégique Dans le cadre d’une entreprise à culture forte, il existe un consensus autour des « recettes » qui font le succès de l’entreprise. Face à des situations nouvelles, ces recettes peuvent se trouver inadaptées, et la culture d’entreprise inhiber toute remise en cause. Exemple : En décembre 2008, la deuxième plus grande chaîne de journaux américains, le groupe Tribune, éditeur du Los Angeles Times et Chicago Tribune, s’est déclaré en faillite. La vocation d’un journal étant de produire des contenus d’information, l’éditeur a éprouvé des difficultés à se concevoir comme un support publicitaire, en concurrence avec des portails Internet. b) La dissonance cognitive Le consensus autour d’une culture d’entreprise ne signifie nullement que les valeurs promulguées seront réellement mises en pratique. En effet, il n’y a donc pas de lien direct entre les valeurs d’un individu et son comportement. Lorsqu’un individu se trouve dans une situation qui provoque un conflit entre son comportement et ses valeurs, il va chercher à réduire cette dissonance cognitive. Exemple : Un individu qui fume (comportement), pour lequel être en bonne santé est important (valeur), et qui est confronté à l’inscription « fumer tue » (situation), a trois possibilités : • Modifier ses valeurs. Il peut considérer que sa santé n’est pas importante, et que fumer, est pour lui avant tout une source de plaisir. • Modifier ses comportements. La solution la plus simple est d’arrêter de fumer, même si elle est difficile à mettre en œuvre. • Modifier ses situations. Il peut réfuter les informations qu’on lui donne : « ces études médicales sont fausses », « ma consommation de tabac est faible », en surestimant d’autres risques pour la santé « je peux être écrasé par un bus demain ». 148
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c) L’identification à l’entreprise Les individus se définissent en partie à partir de leur appartenance à divers groupes ; ils peuvent se classer dans des groupes sociaux comme une génération, une communauté religieuse, ou une entreprise. Les salariés ne vont pas d’emblée s’identifier à l’entreprise. Il faut pour cela que l’image de l’entreprise contribue à améliorer leur estime de soi. Exemple : Afin d’être en phase avec les aspirations de salariés jeunes (33 ans de moyenne d’âge en 2008), et qui se veulent décontractés, Yahoo France, le deuxième moteur de recherche en France, a développé une culture à la fois studieuse et conviviale : les salles de réunions portent des noms de groupes de musique comme ABBA. Bouygues : d’un métier à une culture En 1952, Francis Bouygues crée l’Entreprise Francis Bouygues (EFB), spécialisée dans la construction de bâtiments. Celle-ci connaît rapidement une forte expansion. Confrontée à un marché du travail fortement concurrentiel, l’entreprise cherche à fidéliser les meilleurs employés. En 1963, Francis Bouygues dote son entreprise d’un corps d’ouvriers d’élite, l’« Ordre des Compagnons du Minorange », voué à ne jamais dépasser 10 % des effectifs. Les membres de l’Ordre qui portent des vêtements de travail de couleur particulière, constituent dès lors, le noyau stable au sein des équipes de chantier. Ils sont dépositaires des méthodes de travail et de la culture de l’entreprise. Un fort sentiment d’appartenance se développe au sein de l’entreprise, qui se conçoit comme une communauté au sein de laquelle les équipes doivent afficher leur solidarité. Du BTP, les activités de Bouygues s’étendent à l’Immobilier, la Route (construction et entretien d’infrastructures de transport), et en 1987, à la Télévision avec la privatisation de TF1. À l’image de Patrick Le Lay, qui prendra la tête de la chaîne en 1988, plus d’une centaine de collaborateurs venant d’autres filiales du groupe viennent apporter leurs méthodes de gestion, ainsi que la culture du groupe Bouygues. De même, lorsque l’État français accorde à Bouygues une licence de téléphonie GSM (Global System for Mobile communications), qui permet le lancement commercial de Bouygues Télécom en mai 1996, sur les 3 000 collaborateurs de la filiale, 500 viennent du BTP. Le groupe Bouygues s’organise en 2009 autour de cinq grands pôles : Bouygues Construction, Bouygues Immobilier, Colas, TF1 et Bouygues Télécom. Derrière ce conglomérat, qui, dans une logique industrielle, peut surprendre, se cache une logique managériale : la culture de l’entreprise de bâtiment Bouygues est très forte, combinant exigence dans la gestion et rigueur financière. Les qualités de ses managers peuvent donc s’exprimer dans d’autres secteurs d’activité. « La culture d’entreprise est une éducation » déclare Martin Bouygues, le PDG du groupe. En 2009, les 11 valeurs mises en avant par le groupe Bouygues gravitent autour de l’état d’esprit des collaborateurs : leur mérite doit les faire progresser au sein du groupe.
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La responsabilité sociale de l’entreprise
Points clefs L’idée de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) est de considérer les responsabilités de l’entreprise vis-à-vis de la société à travers la prise en compte des dimensions sociales, humaines, culturelles, politiques et écologiques. Cela a notamment comme conséquence l’adoption de stratégies particulières pour répondre à ces exigences.
1. La prÉsentation de la rse Milton Friedman affirme en 1970 dans un article du New York Times que la seule responsabilité des entreprises est d’accroître ses profits. Au contraire, selon la perspective adoptée par la RSE, l’entreprise doit répondre aux multiples exigences de ses parties prenantes aux objectifs contradictoires. Ainsi, elle doit répondre à ses obligations légales et économiques mais aussi au niveau social, humain, éthique, culturel, politique et écologique. a) Parties prenantes Afin d’assurer la crédibilité de leur démarche, les entreprises doivent montrer à leurs diverses parties prenantes leur engagement dans leur stratégie de développement durable. Parties prenantes internes. Les entreprises doivent fournir des preuves aux salariés et à leurs représentants de la prise en compte du développement durable. Exemple : Le groupe Danone a bâti une grande partie de son succès et de sa réputation sur sa politique humaine et sociale. À titre d’exemple, afin d’attirer et de retenir les talents, mais aussi de favoriser la motivation des collaborateurs, qui est un facteur clé en termes de performance, Danone cherche à être une entreprise où il fait bon travailler. Dans l’enquête Great Place to Work publiée en 2006, sept filiales sur quinze sont classées parmi les « best places to work » de leur pays. Parties prenantes externes. La RSE permet d’établir un lien avec les parties prenantes externes comme les associations de consommateurs ou les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et nouer avec eux des partenariats stratégiques. Exemple : Précurseur parmi les enseignes de grande distribution, le groupe E. Leclerc a commencé à supprimer les sacs de caisse jetables dès 1996. Si cette mesure a permis au groupe de réaliser de substantielles économies, elle a aussi été plébiscitée par les associations de consommateurs et les consommateurs eux-mêmes. b) Développement de la RSE À l’initiative de diverses organisations, à l’échelle mondiale ou nationale, de nouvelles obligations en matière de RSE ont été créées, voire imposées aux entreprises. Pacte Mondial des Nations unies. À l’initiative du secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, un code de conduite à l’intention des grandes entreprises incluant dix principes relatifs au droit de l’environnement, aux droits de l’Homme, au droit du travail et des travailleurs et à la lutte contre la corruption, a été lancé en 2000. Aujourd’hui, plus de 4 700 entreprises y adhèrent dans plus de 100 pays. Loi et décret sur les Nouvelles Régulations Économiques (NRE). En mai 2001, la loi NRE oblige les entreprises cotées en France à communiquer sur leur politique sociale et environnementale comme les mesures prises pour limiter les atteintes à l’équilibre biologique, ou sur le 150
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montant des indemnités versées au cours de l’exercice en exécution d’une décision judiciaire en matière d’environnement. En 2008, seules 9 entreprises françaises sont en conformité avec la loi : Alstom, EDF, Essilor, Michelin, PPR, PSA Peugeot Citroën, Société Générale, Veolia et Vinci. c) Obligations de la RSE Afin de se conformer aux exigences en termes de RSE, les entreprises doivent satisfaire à de nombreuses obligations. Reporting social. À partir des informations fournies sur la manière dont les entreprises prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités, le reporting social permet de mesurer leur performance en matière de développement durable et d’en communiquer les résultats aux parties prenantes. Le coût d’un rapport RSE varie généralement entre 100 000 et 300 000 euros. Exemple : Lancée en 1997 à l’initiative conjointe de l’ONG CERES et des Nations unies, la Global Reporting Initiative (GRI) propose des lignes directrices pour la production volontaire de rapport de développement durable. Avec plus de 1 500 entreprises qui ont adopté ce référentiel d’aide à l’auto-reporting comme Danone, Dexia, Renault ou Veolia Environnement, la GRI est devenue une référence incontournable. Normalisation. Les organismes normalisateurs s’intéressent à la RSE et cherchent à établir des référentiels. Exemple : En chantier depuis 2005, la norme ISO 26000 devrait voir le jour en octobre 2010 avec pour objectif de définir et de clarifier la notion de responsabilité sociale et de la rendre accessible à tout type d’organisation (entreprises, collectivités territoriales, associations, etc.), quelle que soit sa taille ou sa localisation en fournissant des principes directeurs partagés. Cette norme aborde des questions centrales comme les droits de l’Homme, l’environnement ou encore les bonnes pratiques des affaires, y compris la lutte contre la corruption. Agence de notation. Appelées organismes d’analyse sociétale ou agence de rating social et environnemental, ces agences ont pour objectif la production d’une information synthétique concernant les performances des entreprises en matière éthique, sociale, et environnementale. Exemple : Parmi la trentaine d’organismes qui existe dans le monde, Vigeo, dirigé par Nicole Notat, est le leader européen de la notation extra-financière. Son évaluation couvre 37 critères et 200 objectifs de la RSE. En termes de ressources humaines, cela comprend l’existence de dialogue social, les conditions de travail ou encore la valorisation des emplois et des compétences. Investissement Socialement Responsable (ISR). L’ISR rassemble toutes les démarches d’intégration de critères extra-financiers aux divers modes de gestion financière. Exemple : La série d’indices FTSE4Good de l’agence FTSE permet à des investisseurs de prendre des positions sur les entreprises qui répondent aux normes mondialement reconnues en matière de RSE. Parmi les entreprises recommandées, figure le groupe Total. 2. La rse et la construction d’un avantage concurrentiel Sous l’impulsion des consultants, les entreprises adoptent depuis quelques années des stratégies particulières afin d’être considérées comme « socialement responsables ». Selon 68 % des dirigeants interrogés dans une étude de KPMG en 2008, la RSE représente un enjeu majeur pour préserver et augmenter les parts de marché et la rentabilité de demain. Acquérir une légitimité et une réputation. Les entreprises communiquent beaucoup sur leurs points forts en matière environnementale avec l’idée que cela améliore leur image et leur réputation, surtout pour les entreprises du secteur commercial. Exemple : Le groupe pétrolier British Petroleum (BP) cherche à valoriser ses actions auprès de l’environnement comme en témoigne son initiative « targetneutral » qui permet à chaque automobiliste de 151
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calculer son émission de CO2 . Pour compenser ces émissions, les automobilistes, utilisant leur carte de fidélité BP, sont ensuite encouragés à adhérer à des projets qui réduisent la quantité équivalente de CO2 émise, BP versant également une contribution supplémentaire aux programmes pour chaque litre de carburant acheté. Exploiter de nouveaux débouchés. En se proclamant socialement responsables et en proposant des solutions à des problèmes sociaux et environnementaux, les entreprises peuvent favoriser leurs relations avec l’État et les ONG et ainsi, avoir accès à de nouveaux débouchés. Exemple : En 2001, Suez Environnement a fait un partenariat avec l’ONG française ESSOR afin de fournir un accès d’eau potable pour les populations les plus défavorisées. Cela s’est traduit concrètement par l’acquisition de nouveaux clients, l’extension du service de distribution d’eau local pour la filiale brésilienne de Suez (Arguas do Amazonas) et la régularisation des connexions au réseau de distribution d’eau (70 % des utilisateurs sont à jour au niveau du paiement de leur facture). Ériger des barrières à l’entrée. Par la mise en place de normes plus strictes en matière environnementale, par exemple, une entreprise peut contraindre ses concurrents actuels et futurs à les adopter, ce qui engendre des coûts supplémentaires pour eux. Exemple : Lafarge, leader de son secteur, a initié en 2006, dans le cadre du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), le projet efficacité énergétique des bâtiments (Energy Efficiency in Buildings, EEB). Ce projet vise à faire évoluer la façon d’envisager la construction, à tous les stades, de la conception à la démolition des bâtiments. L’objectif, d’ici 2050, est de construire des bâtiments autosuffisants en énergie et n’émettant plus de CO2 et ainsi, de réduire de 60 % la consommation d’énergie. Améliorer le rapport au travail et à l’entreprise. La RSE rend l’entreprise attractive pour les salariés futurs mais aussi actuels en diminuant le taux de turn-over et en améliorant la satisfaction au travail. Exemple : Le syndicat CFTC a apposé un label « statut du travailleur » à 20 accords d’entreprises proposant notamment des mesures innovantes en matière de sécurisation et de consolidation des parcours professionnelles et de qualité d’emploi et de travail. Diminuer les risques de mouvements de boycotts des consommateurs. À travers l’adoption d’un positionnement et d’un marketing distinctif, une entreprise peut valoriser fortement ses produits, augmenter son chiffre d’affaires et éviter qu’ils soient boycottés par les consommateurs. Exemple : Afin d’éviter le détournement des consommateurs, l’enseigne Monoprix a très tôt proposé des produits éthiques dans ses rayons, comme une gamme permanente de textiles en coton biologique et équitable labellisé BioRe. En 2006, le chiffre d’affaires de Monoprix lié à ces produits a progressé de 50 % et représente 15 % des ventes de t-shirts femmes et 15 % des ventes de sous-vêtements layette. Réaliser des économies. En cherchant à réduire le gaspillage par la diminution de la consommation énergétique par exemple, la RSE permet à l’entreprise de réaliser des économies et de se protéger des risques environnementaux. Le cadre législatif incite fortement les entreprises de l’industrie et du BTP à adopter ce type de comportement. Exemple : De nombreuses entreprises comme SFR, Orange ou Gaz de France proposent à leurs clients de ne plus leur envoyer leurs factures par voie postale sous format papier et de privilégier la mise en ligne sur Internet afin de réduire les coûts et protéger l’environnement.
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Alcan : une entreprise responsable Depuis 2002, Alcan, producteur mondial d’aluminium, publie un rapport sur la durabilité reposant sur les lignes directrices énoncées par la Global Reporting Initiative. Aujourd’hui, Alcan est considéré comme chef de file de l’industrie dans le dossier mondial des changements climatiques, avec notamment une réduction de près de 30 % ses émissions de Gaz à Effets de Serre (GES) depuis 1990. Alcan est d’ailleurs associé à une coalition de grandes entreprises et d’ONG afin de demander l’adoption de dispositions législatives visant une réduction des GES aux États-Unis et participe au groupe consultatif de l’ISO qui examine la faisabilité d’élaboration d’une norme de la RSE. « La durabilité est pour notre société une priorité. Nous avons jugé bon d’insérer nos objectifs économiques et sociaux dans notre plan d’entreprise », explique D. Gagnier, vice-président principal, chez Alcan Inc. Canada. Ainsi, Alcan parraine partout dans le monde de nombreux projets d’aide communautaire comme au Brésil, où l’entreprise offre un programme gratuit de soins dentaires dont ont déjà profité 3 500 enfants de la communauté d’Ouro Preto. Au sein de l’entreprise, un code de conduite mondial des employés et de l’entreprise établit les pratiques en matière de responsabilité dans le lieu de travail ainsi que les pratiques commerciales que l’entreprise veut que ses employés et ses sous-traitants adoptent. Cet engagement continu d’Alcan envers la durabilité lui a valu une reconnaissance internationale. Elle est classée première entreprise du secteur minier et deuxième entreprise en général parmi les 50 meilleures entreprises citoyennes du magazine Corporate Knights et sa côte est élevée dans le Dow Jones Sustainability World Index depuis 2002. Cependant, en 2003, Alcan a racheté le groupe Pechiney, considéré comme un gros pollueur des vallées alpines et pyrénéennes. Jusqu’à présent, aucun dommage n’a été prévu pour réparer les dégâts causés à l’environnement et aux hommes.
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La gestion de crise
Points clefs Aujourd’hui, les crises ne sont plus des phénomènes rares mais font partie du quotidien de toutes les entreprises. Elles peuvent nuire à la réputation d’une entreprise, voire même conduire à sa disparition. Il est donc important pour une organisation de mettre en place un dispositif de gestion de crise.
1. Les types de crise La crise est définie comme une situation critique qui suppose une prise de décision rapide et dont les implications peuvent être lourdes de conséquence. Il s’agit alors d’adopter un mode de gouvernance spécifique afin de revenir à une situation usuelle. Deux critères permettent de classer les crises : leur source (interne ou externe) et leur nature (technique/économique ou humaine/sociale). Les différents types de crise Interne
Externe
Technique/ Économique
Défaut de produit/service Accident industriel Panne informatique
Catastrophe naturelle Mauvaise performance économique Apparition d’un produit substitut
Humaine/ Sociale
Conflit social Sabotage Activité illégale Fraude Mauvaise communication
Terrorisme Disparition d’hommes clef Rumeur, diffamation Sabotage Comportement déviant (contrefaçon)
Deux types de crise sont en nette progression aujourd’hui : Délinquance en cols blancs. Exemple : Le 12 décembre 2008, Bernard Madoff, ancien PDG de la bourse Nasdaq, est arrêté et mis en examen par le FBI pour avoir réalisé le plus important montage financier frauduleux qui pourrait avoir entraîné la perte de plus de 50 milliards de dollars. Le nombre de ses victimes est élevé allant du réalisateur Spielberg à la banque BNP Paribas. Cybercriminalité. Exemple : McKinnon, un chômeur britannique de 42 ans, est accusé d’avoir piraté, voire endommagé, une centaine d’ordinateurs entre février 2001 et mars 2002. Il se serait attaqué aux serveurs de la Nasa, du Pentagone et aurait effacé des fichiers informatiques de la base navale d’Earle (New Jersey) qui gère les approvisionnements en munition de la flotte déployée en Atlantique. Il risque jusqu’à 70 ans de prison. 2. La gestion de la crise Appréhendée comme un processus, une crise suit plusieurs étapes d’évolution allant des signes avant-coureurs, à l’événement déclencheur de la crise et à la phase de rééquilibrage.
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a) Avant la crise Identification des signes avant-coureurs. Il s’agit pour une entreprise d’identifier quelles sont les dimensions critiques au niveau technique, humain, légal, politique, etc. qui peuvent être sources de crise. Exemple : Si le passage à l’an 2000 a pu représenter une source potentielle de crise pour des entreprises comme Microsoft avec la suite Office 2000 dans la gestion des dates de document, les entreprises ont su s’y préparer et le « bogue de l’an 2000 » n’a pas eu lieu. Prévention. Afin de pouvoir rappeler les produits, la mise en place d’une bonne traçabilité des produits est essentielle afin de déterminer rapidement à quel stade (conception, fabrication, distribution ou utilisation du produit) est survenu le problème. Exemple : Le manque de précision de sa numérotation (un même numéro identifiait la production de tout un mois) a obligé la société Paul Paulet, une filiale du groupe Heinz, à rappeler 2,3 millions de boîtes de conserve de maquereaux en octobre 1999, pour un problème concernant quinze minutes de production, soit 1 900 boîtes. b) Pendant la crise Évaluation de la crise. À partir du moment où l’événement déclencheur se produit, l’entreprise doit évaluer l’ampleur de la crise et prendre les mesures en conséquence. Exemple : En septembre 2008, l’entreprise japonaise Marudai Food, a annoncé que cinq types de petits pains industriels qu’elle commercialisait avaient été fabriqués avec du lait fourni par Yili, l’un des fabricants chinois dont certains produits contenaient de la mélamine, une substance chimique dangereuse. « Nous ne savons pas si les produits sont contaminés », a déclaré un porte-parole de Marudai Food, « mais nous avons décidé de rappeler ces produits pour des raisons éthiques ». Activation de la cellule de crise. L’entreprise doit mettre en place une cellule de crise afin de mettre en place un plan de gestion de crise ou encore de gérer les relations avec les médias. Exemple : Dans le cas de la lotion démaquillante Bleuet de Klorane suspectée de provoquer de l’eczéma, les laboratoires Pierre Fabre, non préparés à gérer une crise, ont eu beaucoup de mal à s’organiser et à rappeler les lots incriminés en 2008. Priorités de la gestion de crise, comme le rappel de produits si nécessaire. Exemple : En avril 2009, Philips a annoncé le rappel de plus de 7 millions de machines Senseo en raison d’un défaut de sécurité qui peut provoquer l’explosion de l’appareil. Toutefois, le porte-parole de Philips a déclaré que le risque était de moins de trois sur un million. c) Après la crise Amélioration du fonctionnement des procédures d’urgence. Les entreprises peuvent tirer profit de leurs crises passées et améliorer leur gestion de crise. Exemple : Suite au retrait en août 2008 de 220 produits en raison de la prolifération de la bactérie Listéria qui avait fait une vingtaine de victimes au Canada, l’entreprise Maple Leaf a décidé de rappeler de nouveau des charcuteries en février 2009, qui pourraient être porteuses de cette bactérie, pour un coût évalué à 20 millions de dollars. « Nonobstant le risque extrêmement faible que cette situation représente, nous prenons des mesures immédiates et nous ne tolérerons rien de moins que le respect intégral de nos protocoles », a déclaré le président de l’entreprise. Apprentissage des autres crises. Il s’agit dans ce cas de bénéficier de l’expérience d’autres entreprises ayant été confrontées à des situations similaires. Exemple : Suite aux tempêtes violentes de décembre 1999, EDF a su gérer au mieux la crise en capitalisant sur l’expérience de son homologue canadien, Hydro-Québec. En janvier 1998, Hydro-Québec avait dû faire face à des pluies verglaçantes qui avaient totalement détruit le réseau électrique de la province du Québec. 155
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3. Les stratÉgies de communication de crise La gestion de crise est un exercice souvent très rhétorique dont l’enjeu est de convaincre l’autre de sa version des faits. L’essor d’Internet et de l’information en continu offre une place de plus en plus importante aux médias et à l’opinion publique. Plusieurs stratégies s’offrent aux entreprises afin de conserver leur réputation. a) Reconnaissance Cette stratégie repose sur une communication claire et directe de l’entreprise. Reconnaître sa responsabilité. L’entreprise reconnaît directement les faits et assume les conséquences engendrées par la crise. Exemple : En novembre 1999, suite à un problème sur le dispositif de sécurité, repéré en interne, l’entreprise Benckiser a décidé de rappeler de grosses quantités de son déboucheur, le Destop. Si seulement quelques flacons étaient défectueux, l’entreprise a choisi, pour ce produit phare, de détruire les stocks, de communiquer dans les médias nationaux et les magazines de consommateurs et de mettre en place un numéro de téléphone spécial. Exprimer son incompréhension. Bien que reconnaissant les faits, l’entreprise n’explique pas comment cette crise a pu avoir lieu. Exemple : L’explosion de l’usine Grande-Paroisse de Toulouse a fait 29 morts. Les scénarii évoqués par Total-AZF sur la cause de cette explosion sont multiples. Se séparer des responsables. Face à la crise, l’entreprise décide de se séparer des personnes jugées comme responsables. Exemple : En juillet 1998, lors du tour de France, Willy Voet, le soigneur de Richard Virenque de l’équipe Festina, s’est fait arrêter avec des produits dopants dans sa voiture. En se séparant de Richard Virenque, le principal accusé dans l’affaire, Festina s’en est désolidarisé. Le bruit causé par l’événement a conféré à Festina une notoriété exceptionnelle (taux de notoriété assistée du sponsor de 67 % pour le tour de France 2000, contre 27 % en 1996). b) Diversion Cette stratégie cherche à faire modifier l’angle de vue de la crise, à déporter la crise en dehors du champ de l’entreprise, en s’appuyant sur des éléments tangibles. Contre-attaquer. Au lieu d’apparaître comme responsable, l’entreprise peut décider de contre-attaquer. Exemple : Pendant l’été 2000, de multiples accidents impliquant le 4×4 Ford Explorer, modèle phare du groupe, équipé de pneus Firestone, ont fait plus de 100 morts. Le PDG de Firestone a accusé directement Ford en affirmant que les produits de son groupe étaient exempts de tout reproche mais que le problème relevait du véhicule. Parallèlement, Ford a rejeté toute responsabilité car en principe, les pneumatiques sont exclus de la garantie du constructeur. Reporter la responsabilité à l’extérieur. Au lieu de plaider coupable, l’entreprise désigne un tiers extérieur comme responsable de la crise. Exemple : Dans le cas de la viande contaminée lors de la crise de la vache folle, l’entreprise Soviba, le fournisseur de viande de Carrefour, a démontré rapidement qu’elle avait été victime de l’escroquerie d’un marchand de bestiaux. Communiquer sur un autre registre. Au lieu de faire front face à la crise, l’entreprise peut choisir de répondre indirectement et de communiquer sur un autre registre. Exemple : En 2004, le film de Morgan Spurlock, Super size me, dirigé contre le groupe américain McDonald’s en particulier et la malbouffe en général, est sorti en France. Quelques semaines plus tard, McDonald’s propose de nouveaux menus équilibrés et communique sur le parrainage d’athlètes présents aux Jeux Olympiques d’Athènes. « L’entreprise ne s’est pas mise elle-même en position de défense comme l’aurait fait un coupable, détaille Didier Heiderich, 156
Fiche 39 • La gestion de crise
président de l’Observatoire international des crises. McDonald’s a décidé d’abandonner le terrain où l’entreprise était faible pour se reporter sur celui où elle excelle, c’est-à-dire la publicité. » c) Déni Cette stratégie consiste à affirmer qu’il n’y a pas de crise. Les conséquences d’une telle stratégie peuvent être extrêmement dommageables si les faits ressurgissent. Garder le silence. Une entreprise refuse de reconnaître qu’une crise a eu lieu et préfère la garder sous silence. Exemple : Cette stratégie a été choisie, au départ, par les autorités russes lors de l’accident nucléaire qui s’est produit le 26 avril 1986 de la centrale Lénine en Urkraine, plus connue sous le nom de Tchernobyl. Minimiser les effets de la crise. Il s’agit de reconnaître la crise mais d’en minimiser les conséquences. Exemple : Lors de la canicule de l’été 2003, le gouvernement français a choisi de minimiser les conséquences de cette canicule. Cependant, les statistiques fournies par les pompes funèbres ont contredit ces déclarations. Domino’s Pizza : d’un problème isolé à une crise majeure En avril 2009, deux employés de la chaîne de Domino’s Pizza ont fait scandale en se filmant pendant qu’ils préparaient des pizzas d’une manière répugnante. Sur la vidéo, ces deux employés s’amusent joyeusement à éternuer sur la pâte, à se frotter une éponge sur les fesses puis sur une poêle ou encore à se mettre des aliments dans le nez. Postée sur Youtube puis rapidement retirée, la vidéo a été remise en ligne par d’autres internautes et relayée sur Twitter et Facebook. Vue par des millions d’internautes à travers le monde, la direction de Domino’s Pizza a tenté en vain de faire disparaître ces vidéos puis s’est excusée et a porté plainte contre les deux employés qui ont été licenciés. La marque, qui doit désormais compter avec des résultats Google très négatifs, a voulu ignorer le buzz et a été rapidement dépassée. Quelques jours plus tard afin d’enrayer la polémique, Patrick Doyle, président de Domino’s Pizza aux ÉtatsUnis, s’est excusé publiquement à travers une vidéo publiée sur le site Internet Youtube et a déclaré que « le restaurant avait été décontaminé du sol au plafond » et qu’il s’agissait « d’un cas isolé ». P. Doyle remercie également la communauté du Web pour avoir donné l’alerte et promet de tout faire pour regagner la confiance des fidèles de son groupe. Cependant, sa vidéo a été beaucoup moins visionnée que celle de ses deux anciens employés.
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Stratégie d’entreprise : entre déterminisme et volontarisme
Points clefs Si le diagnostic stratégique reste utile, la réussite ou l’échec des organisations repose en grande partie sur le hasard, sur l’occurrence d’événements majeurs et imprévisibles. Dans ces conditions, le jugement ou encore l’intuition restent des éléments essentiels à l’heure de définir une stratégie.
1. L’importance du hasard Avant la découverte de cygnes noirs en Australie en 1697, l’Ancien Monde était convaincu que tous les cygnes étaient blancs. Selon Nassim Nicholas Taleb, un ex-trader, les événements les plus improbables finissent toujours par arriver. Ce genre d’événement, appelé Cygne Noir, « explique pratiquement tout dans ce monde, du succès des idées et des religions à la dynamique des événements historiques ». Les Cygnes Noirs présentent trois caractéristiques. Tout d’abord, ce sont des « aberrations », rien n’indiquait leur occurrence. Ensuite, leur impact sur l’existence des individus et des organisations est extrêmement fort. Enfin, la nature humaine pousse ex-post à élaborer des explications, afin de les rendre prévisibles. a) Des aberrations Si le Cygne Noir est une surprise totale pour l’observateur et apparaît comme exceptionnel, il est en réalité assez fréquent. Taleb distingue dans son livre deux provinces fictives : le Médiocristan et l’Extrêmistan. La première – celle de la distribution normale – est le lieu « où l’on doit subir la tyrannie du collectif, du routinier, de l’évident et du prévu » tandis que, dans la seconde, « on est soumis à la tyrannie du singulier, de l’accidentel, de l’inédit, de l’imprévu ». Exemple : Si 2,7 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour, la fortune de Waren Buffet était estimée à 64 milliards de dollars en 2008. Dans l’édition, si la plupart des auteurs n’espèrent pas voir leur œuvre tirée à plus de 10 000 exemplaires, la série Harry Potter a dépassé en juin 2008 les 400 millions. Cependant, il faut être humble quant à notre capacité à prévoir l’avenir sur la base des éléments passés. En effet, des erreurs de confirmation nous incitent à ne retenir que ce qui valide ce que l’on pense déjà et non notre ignorance. Exemple : Pour une dinde, chaque apport de nourriture va renforcer sa croyance que sa vie consiste à être nourrie quotidiennement par des humains. Quelques jours avant Noël, quelque chose d’inattendu va se produire et l’amener à réviser ses croyances. Se pose donc la question de savoir comment connaître l’avenir en se fondant sur ce que nous savons du passé ? Exemple : D’un point de vue historique, après les guerres napoléoniennes et la longue période de paix qui s’ensuivit, tout incitait les observateurs à croire en la disparition de conflits destructeurs. Or, la Grande Guerre est survenue et fut encore plus meurtrière que les précédentes. b) De grands effets Les Cygnes Noirs peuvent concerner des événements personnels (ex. : un coup de foudre amoureux), historiques (ex. : les attentats du 11 septembre 2001), technologiques (ex. : l’avènement d’Internet ou économiques comme la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers). 158
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Ces événements vont bouleverser le fonctionnement de la société dans son ensemble et des entreprises en particulier. Dans son livre, écrit en 2006 avant la crise financière, Taleb anticipe les bouleversements du système financier : « La mondialisation produit des Cygnes Noirs foudroyants. Nous n’avons jamais vécu sous la menace d’un effondrement général. Jusqu’à présent, les institutions financières ont fusionné, donnant naissance à un nombre plus restreint de très grandes banques. Maintenant, les banques, sont pratiquement toutes liées entre elles. Ainsi l’écologie financière est-elle en train d’enfler pour former des banques bureaucratiques gigantesques, incestueuses. La chute de l’une entraîne la chute de toutes les autres ». c) Une réécriture de l’histoire Il y a plus de deux mille ans, l’orateur romain Marcus Tullius Cicéron raconta l’histoire suivante. Dans une démarche prosélyte, on montra à un certain Diagoras, un athée, des tablettes peintes représentant des dévots qui avaient prié et survécu à un naufrage. Diagoras demanda alors : « Où sont les portraits de ceux qui avaient prié et qui sont morts ? » Ce que Diagoras démontre, c’est que l’être humain a une tendance dangereuse à vouloir réécrire l’histoire afin de lui donner une logique. Ce type de raisonnement cache in fine l’importance de l’imprévisible. Exemple : Le 14 décembre 2003, Bloomberg News diffusa à 13 h 01 l’information suivante : « L’arrestation de Sadam Hussein entraîne une augmentation des bons du Trésor américain. » À 13 h 31, en raison d’une chute du prix des bons, une explication totalement contraire était avancée : « Chute des bons du Trésor américain ; l’arrestation de Hussein accélère la perception du risque. » La narration, le spectaculaire ainsi que l’émotionnel imposent un schéma erroné de la probabilité des événements. 2. L’importance du jugement et de l’intuition Le caractère imprévisible des mutations les plus profondes de l’environnement ne signifie pas pour autant qu’il faille minimiser l’importance de la stratégie. Exemple : S’il était totalement imprévisible que le 16 janvier 2009 à New York, les deux réacteurs d’un A320 ingèrent des oies et s’arrêtent, cela n’a pas empêché son pilote d’éviter le crash en réussissant un amerrissage d’urgence dans l’Hudson. L’absence de fiabilité des prévisions amène à privilégier le jugement et l’intuition, au détriment du calcul économique. a) Stratégie et jugement Le jugement du stratège lui permet de trouver des réponses aux injonctions de l’environnement de l’entreprise, aux logiques des acteurs de cet environnement et d’inventer de nouvelles manières d’envisager la situation. Adaptation. Le jugement permet d’adapter la stratégie aux évolutions et aux hasards de l’environnement. À cet égard, le modèle SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats) appréhende les forces et les faiblesses de l’entreprise au regard des opportunités et des menaces de l’environnement. Exemple : Pour répondre à la crise et à la baisse du pouvoir d’achat, le directeur général de L’Oréal, Jean-Paul Agon, a annoncé le 17 février 2009 que l’entreprise allait proposer, pour chacune de ses gammes de produits cosmétiques, des articles d’entrée de gamme, plus simples et moins chers, destinés à une nouvelle catégorie de consommateurs. Accommodation. Les différents acteurs en lien avec l’entreprise ont des comportements difficiles à prévoir car ils ont chacun leur propre rationalité. Le stratège doit s’accommoder de leur liberté. Le modèle LCAG (du nom des auteurs Learned, Christensen, Andrews et Guth) qui 159
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propose un approfondissement de la matrice SWOT, complétait en 1965 l’analyse interne par les valeurs des dirigeants, et l’analyse externe par les valeurs de l’environnement et la responsabilité sociale. Exemple : Les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sont l’une des principales causes du réchauffement climatique, un phénomène dont les conséquences sur l’économie mondiale pourraient être dramatiques. En produisant l’électricité de ses usines avec du méthane issu notamment de décharges municipales, la société Interface a réduit de 70 % ses émissions de CO2 . Entre 2004 et 2009, l’entreprise a économisé 405 millions de dollars grâce à ses mesures destinées à répondre aux nouvelles contraintes environnementales. En 2009, Interface est toujours numéro un mondial du marché de la moquette. Interprétation. L’information peut être interprétée de différentes manières par le stratège. Le jugement peut amener à transformer les faiblesses en forces. Exemple : Le Viagra, développé initialement pour traiter l’angine de poitrine et les embolies pulmonaires, a obtenu sur ce terrain des effets quasi-nuls, mais a provoqué d’heureuses conséquences sur les érections des patients qui se sont prêtés aux expérimentations. Le processus de développement a été réorienté sur le marché du dysfonctionnement sexuel masculin. Les menaces peuvent également être transformées en opportunités. Exemple : Avec la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, Bouvet-Ladubay a décidé d’investir 12 millions d’euros dans une nouvelle usine. La maison, fondée en 1851, commercialise des vins effervescents (Saumur brut et crémant de Loire) à des prix nettement inférieurs à ceux des champagnes. La production devrait doubler entre 2008 et 2012, pour atteindre 8 millions de bouteilles. b) Stratégie et intuition Au-delà du raisonnement, la stratégie peut être guidée par l’intuition. Celle-ci se manifeste à travers l’intention stratégique et le « bricolage ». Intention stratégique. À la différence de la planification, associée à la précision et à la méthode, la vision privilégie l’image, l’évocation. À travers l’intention stratégique, le stratège engage l’entreprise dans un état futur qu’il imagine. Exemple : Le projet Desertec, lancé le 13 juillet 2009, prévoit la construction d’un réseau de centrales solaires en Afrique, pour un montant de 400 milliards d’euros. Il est prévu que cette énergie solaire couvre un septième des besoins d’électricité en Europe à l’horizon 2020 et permette de limiter le réchauffement climatique. « Bricolage ». En tant qu’« art pratique », la stratégie est une construction fondée sur des approximations successives, mettant en pratique la capacité à apprendre par soi-même. À travers l’action, le stratège découvre de nouvelles manières d’appréhender et de combiner les ressources dont il dispose. Exemple : L’entreprise allemande Bayer, géant de la pharmacie et de la chimie, est confrontée à une crise grave en 2001, avec le retrait précipité du marché de l’anti cholestérol « Baycol » qui devait assurer les revenus futurs du groupe. Les dirigeants vont, dans un premier temps, envisager différentes stratégies dont un désengagement de la pharmacie. Mais, faute de repreneurs, ils vont finalement se recentrer sur cette activité. En 2006, la pharmacie représente la moitié du chiffre d’affaires de Bayer.
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Fiche 40 • Stratégie d’entreprise : entre déterminisme et volontarisme
Iridium : du fiasco au renouveau En 1985, en vacances sur une plage des Bahamas, la femme du PDG de Motorola, pionnier de la téléphonie mobile, ne peut utiliser son terminal par manque de couverture réseau. On raconte que son mari, vexé, demande à ses ingénieurs de trouver une solution. Deux ans plus tard, Motorola participe à un consortium de 20 sociétés, Iridium qui vise à placer une constellation de 77 satellites en orbite basse (d’où le nom d’Iridium, 77e élément de la table de Mendeleïev). Après plusieurs années de déploiement, la mise en service commence le 1er novembre 1998. Mais l’imprévisible succès des téléphones mobiles aux États-Unis (avec plus de 70 millions d’abonnés en 1998, contre moins de 6 millions cinq ans plus tôt) entraîna la rapide extension des zones couvertes. Les couvertures GSM, iDEM, CDMA et TDMA totalisaient plus de 75 % de la population américaine en 1998. La technologie Iridium perdit donc de son intérêt. Ensuite, malgré toutes les simulations effectuées à partir de prototypes, les ingénieurs découvrirent, une fois les satellites en orbite, que le téléphone présentait des problèmes de réception lorsqu’on l’utilisait en mouvement rapide (dans un train ou une voiture, par exemple). Par ailleurs, la communication de lancement, avec un budget de 180 millions d’euros en 1999, fut mise en place par un partenaire commercial peu scrupuleux. On estime à 1,5 million le nombre de demandes d’information de clients potentiels restés sans réponse. Enfin, 800 km au-dessus de la Sibérie, le satellite Iridium 33 entra en collision avec le satellite russe Cosmos-2251 et fut détruit (la probabilité d’une telle rencontre est extrêmement faible d’après Thales Alenia Space, premier constructeur européen de satellites). Un demi-million de clients dans le monde était visé fin 1999 ; seuls 50 000 adoptèrent la technologie. En mars 2000, le consortium est liquidé et les 88 satellites (en comptant les engins de secours) devenus inutiles doivent être détruits (comme précisé dans les statuts de l’entreprise). Cinq milliards de dollars ont, au total, été perdus. Mais en décembre 2000, Iridium est racheté pour la somme de 25 millions de dollars. Le nouveau PDG, Matthew Desch déclara alors : « Nous devons acheter des fournitures pour les toilettes et tout recommencer de zéro. » Pourtant, dès le lendemain, l’administration américaine a signé un accord pour l’utilisation de 20 000 téléphones satellites. Il lui en coûte 3,5 millions de dollars chaque année. Ensuite, de nouvelles cibles furent conquises, comme les entreprises de transport routier et maritime. En février 2009, Iridium comptait 309 000 clients (dont 33 000 militaires américains). « Quand les troupes appellent d’Irak, c’est toujours sur l’un de nos téléphones », déclarait Matthew Desch. Cette même année, Iridium a levé 200 millions de dollars sur les marchés financiers devant permettre d’envisager le remplacement des satellites par une nouvelle génération. Depuis le 24 septembre 2009, la société Iridium, disposant désormais d’un futur radieux, est cotée au Nasdaq.
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Index A Acquisitions 70 Actifs 38 Actionnaire 19 Activités de support 74 Adaptation 124 Adhocratie 85 Alliances 63, 100 stratégiques 70 Apprentissage organisationnel 63 Architecture de valeur 91 Attaque 13 Avantage concurrentiel 35, 98, 151
B Barrières à la sortie 52 à l’entrée 28, 98, 152 Bataille des sexes 130 Biais dans les décisions stratégiques 138 Bureaucratie mécaniste 84 professionnelle 84 Business Models 90, 92 Process Reengineering 36
C Capacité d’adaptation 134 Chaîne de valeur 34 Champ organisationnel 126 Changement 113, 134 Clients 27 Cluster 87 Communautés de populations 135 Communication 112 de crise 156
Compétences 39, 75, 99 Complexité 122 Concurrence 99 multipoint 108 Concurrents 26 Conduite du changement 102 Configurations organisationnelles 82, 84 Consultants 111 Contextes 6 Coopération 132 Coûts 74 Croissance 106 externe 66 interne ou organique 62, 99 Culture d’entreprise 67, 103-104, 146, 148 des communautés professionnelles 147 nationales 68, 147-148 Cycle de vie 106
D Décision 112 Déclin 107 Défense 13 Délocalisation 94 Déterminisme 158 Différenciation 54 Diffusion de l’innovation 79 Dilemme du prisonnier 130 Dirigeants 14, 19, 110, 142 Dissonance cognitive 148 Districts industriels 88 Diversification 46, 50-51, 83 liée 46 non liée 47 Domaine d’activité stratégique 30 Domination 11 par les coûts 54 165
E Émergence 106 Entreprise associée 87 éclatée 86 étendue 86 réseau 86 multinationale 7 publique 7, 8 virtuelle 86 Exportation 60 Externalisation 74, 96, 100
F Filière 28 industrielle 135 Financement 44-45 Focalisation 55 Fournisseurs 27 Fusions 70 Fusions-acquisitions 63, 66, 100
G Génération de revenus 91 Gestion de crise 154 des connaissances 16 des risques 118 Gouvernance 87 d’entreprise 19 Groupes stratégiques 135
H Hasard 158 Hypercompétition 107
I Identification à l’entreprise 149 Identité 87 Incertitude 48
Index
Innovation de procédé 78 poussée par le marché 78 produit 78 radicale 62 tirée par la technologie 78 Instabilité 87, 123 Intégration verticale 46 Intention stratégique 160 Interdépendances 122 Internationalisation 100 Intuition 159 Isomorphisme 126
J Jeu d’échec 11 Joint-venture 70 Jugement 159
L Légitimité 127, 151
M Matrices 42 Maturité 107 du secteur 64 Mémoire organisationnelle 15 Milieux innovateurs 88 Modalité de développement 62 Modèle des cinq forces de Porter 26 PEST 22 Mondialisation 61 Monopole 131 Multinationales 6 Multinationalisation 61 Myopie stratégique 64, 148
N Niche 62 Nouveaux entrants 27 Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) 95
O Offre publique d’achat (OPA) 50, 67 Offre publique d’échange (OPE) 67 Organisation 15, 124 Outsourcing 74
P Parties prenantes 14, 18, 142, 150 Performance 48 Pionnier 114 PME 6, 7 Portefeuille 42 Pouvoir de marché 67 de négociation des clients 98 de négociation des fournisseurs 98 Processus 14 Produits de substitution 98 Professions 135 Proposition de valeur 90
R Rationalité limitée 132 Recentrage 94 Règles 123, 133 du jeu 12 Repli 13 Réputation 99 Réseau de valeur 36 Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) 18, 150 Ressources 15, 38, 64 Retours croissants d’adoption 116 Risques 144
S Secteur d’activité 134 Segmentation marketing 31 stratégique 30, 31 166
Sentiment d’appartenance 147 Socialisation 147 Spécialisation 82 Sponsoring 131 Stratégie coopérative 136 délibérée 14 de pionnier et suiveur 114 de recentrage 50 d’innovation 78 d’internationalisation 58 d’Océan Bleu 93 émergente 15 générique 54 globale 60 multidomestique 60 Structure classique 82 divisionnelle 83-84 fonctionnelle 82 matricielle 83 simple 84 Substituts 27 Suiveur 114 Symboles 104, 146 Syndrome de la tour d’ivoire 103 Synergies 45, 67-68 Système de valeur 36
T Territoire 88 Théorie de l’écologie des populations 134 des jeux 130 néo-institutionnelle 126 Timing d’entrée 115
U Unité de commandement 84
V Volontarisme 158