LES JOINTS DE GRAINS DE LA THÉORIE À L'INGÉNIERIE Louisette Priester
métallurgie I matériaux
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LES JOINTS DE GRAINS DE LA THÉORIE À L'INGÉNIERIE Louisette Priester
métallurgie I matériaux
LES JOINTS DE GRAINS DE LA THÉORIE À L’INGÉNIERIE
Louisette Priester
17, avenue du Hoggar Parc d’activités de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
ISBN : 2-86883-872-3 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. c EDP Sciences 2006
Avant-propos
La plupart des ouvrages actuels ont tendance à présenter les connaissances sur les interfaces dans les matériaux cristallins en considérant simultanément les interfaces homophases ou joints de grains et les interfaces hétérophases situées soit entre deux cristaux d’un même matériau mais de structures différentes, soit entre deux matériaux différents (métal A/métal B, métal/oxyde, métal/semi-conducteur...). Nous avons volontairement fait le choix de nous limiter aux joints de grains. Bien que situées entre deux cristaux de même structure et de même composition, ces interfaces ne sont pas pour autant simples. De nombreuses questions concernant leurs structures, leurs défauts, leurs organisations dans le matériau restent en suspens. Nous nous efforçons, dans chaque partie, de mettre en exergue ce questionnement après une présentation « sélective » des connaissances bien établies. Sont en particulier soulignées les difficultés pour aller du joint de grains idéal (analogue au cristal parfait) au joint de grains réel (analogue au cristal avec défauts) puis du joint de grains isolé dans un bicristal à celui inclus dans le réseau d’interfaces existant dans un polycristal (joint contraint aux jonctions avec d’autres). Deux idées majeures ont prévalu dans la conception de cet ouvrage. La première idée est implicitement contenue dans le titre puisqu’il s’agit de connaître pour contrôler, voire améliorer. Dans cette optique, nous nous intéressons non seulement au présent des joints de grains, mais amorçons leur devenir. La question toujours sous jacente est la contribution des joints de grains aux propriétés des polycristaux dont l’amélioration est la finalité en Sciences des Matériaux. L’ingénierie des joints de grains, rêve des années 1980, semble se profiler à l’horizon du XXIe siècle. En effet, avec l’apparition de nouvelles techniques expérimentales et de simulation, de réels progrès sont apparus qui permettent de remplir le fossé entre les échelles, d’effectuer des va-et-vient du monde de l’atome à celui de l’objet. C’est pourquoi, nous ne nous limitons pas ici à l’exposé des connaissances, mais tentons aussi d’entrer à petits pas dans la voie de l’ingénierie en considérant tout d’abord les échanges du joint avec d’autres défauts cristallins et, surtout, en plongeant le joint dans son environnement « pratique » c’est-à-dire greffé à d’autres pour former un réseau de joints de grains.
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AVANT- PROPOS
La seconde idée, étroitement associée à la précédente dans le contexte du livre, recouvre un effort constant à dépasser la dichotomie entre le Tout et la Partie et, à ce titre, a sa propre raison de vivre commune à tous les domaines de la Science. Elle peut se traduire par De l’individuel au collectif ou encore De l’élément à l’ensemble et ne débouche pas nécessairement sur un aspect ingénierie. Concernant les matériaux, les deux idées se rejoignent car l’objectif à long terme est une meilleure conception et une meilleure réalisation d’un objet utile. Pour avancer dans la voie de l’Ingénierie, il reste évidemment à connaître non seulement les réponses individuelles des joints à diverses sollicitations, mais aussi les propriétés collectives des réseaux de joints de grains. Cependant, la considération des propriétés est volontairement exclue de ce livre pour plusieurs raisons énoncées ci-après. Les mécanismes élémentaires aux joints sont souvent identiques à ceux intervenant dans les cristaux pour des propriétés comme la diffusion, la déformation plastique. . . Le lecteur en trouvera une présentation dans des ouvrages spécifiques dédiés à ces propriétés dont nous donnons les références en fin d’ouvrage. Bien que les comportements des joints isolés aient été et sont toujours largement étudiés, il n’existe pas de consensus sur les processus élémentaires dans le cas de la migration, de la corrosion, du mouillage. . ., et l’on sait peu de choses sur les propriétés électriques et magnétiques des joints. Les joints ont des propriétés qui varient avec leur géométrie, mais là encore des controverses demeurent sur la spécificité de certains comportements, hormis ceux de la macle cohérente. La chimie du joint gomme le plus souvent les particularités liées à la géométrie. La difficulté, dans de nombreuses expériences, d’atteindre la composition chimique dans la région intergranulaire entraîne des résultats contradictoires pour une même sollicitation, un même matériau et, a priori, un même type de joint de grains. Si certains effets sont communs à tous les joints, on arrive vite au « cas par cas ». Une des raisons majeures, non pas pour abandonner, mais pour remettre à plus tard et dans un ouvrage exclusif la considération des propriétés des joints est l’absence, jusqu’à ces dernières années, de données sur les propriétés des ensembles de joints. Or, depuis peu, la situation change progressivement grâce aux approches des réseaux de joints par la théorie de la percolation ou par la simulation des textures locales. Finalement, bien qu’aucun chapitre de ce livre ne soit explicitement consacré aux propriétés, celles-ci ne sont pas totalement absentes. En effet, toutes les bases pour aborder le comportement mécanique des joints sont données lorsque nous parlons des échanges entre dislocations et joints de grains ainsi que de l’évolution des contraintes intergranulaires avec le temps et avec la température. Certaines approches de propriétés associées aux réseaux de joints de grains font également l’objet d’une présentation succincte. Les exemples donnés dans cet ouvrage touchent différents matériaux cristallins : métaux et alliages, céramiques, roches, semi-conducteurs, supraconducteurs. Si les études des joints de grains se sont surtout développées, dans un premier temps, dans le domaine de la Métallurgie, des avancées conceptuelles ont été obtenues grâce aux observations en Microscopie électronique en transmission à haute résolution de bicristaux de semi-conducteurs. Seuls les résultats des expériences ou des simulations sont donnés ici. Pour la compréhension des images électroniques
AVANT- PROPOS
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ainsi que des structures calculées des joints de grains, le lecteur devra se reporter aux références générales citées en fin d’ouvrage. Cette documentation scientifique générale concerne non seulement les méthodes, mais inclut des livres dédiés évidemment aux joints de grains puis à certaines propriétés auxquelles il est fait référence de manière répétée dans cet ouvrage. Quant aux références ponctuelles, elles sont données à l’issue de chaque partie et peuvent donc être reprises d’une partie à l’autre. Pour aller De la Théorie à l’Ingénierie, il faut franchir trois grandes étapes qui constituent les trois parties de ce livre. La première étape passe par la conception du joint de grains parfait, c’est-à-dire à l’équilibre, en posant la question fondamentale du maintien de sa cristallinité. Les notions d’ordre et de désordre ont toujours soulevé de nombreuses interrogations, y compris d’ordre philosophique. À l’ordre est traditionnellement lié le Beau. Les scientifiques n’échappent pas à cette connotation éthique. Il est noble de travailler sur un bel objet. Dans le domaine des joints de grains et pendant de nombreuses années, les études s’intéressent aux joints possédant symétrie et pureté. Elles utilisent des outils nobles dont la microscopie électronique en transmission à haute résolution et les simulations atomiques. Elles visent à apporter une petite touche dans la structure de l’édifice « joint de grains » qui peut le rendre plus noble, c’està-dire plus ordonné. Loin derrière dans cette hiérarchie du « Beau », se situent des joints « laids » et « impurs », ce sont les joints réels qui, souvent majoritaires dans les polycristaux, contribuent certainement le plus aux propriétés globales du matériau. Dans cette première partie sont nécessairement présentés les notions de « bicristallographie » et les modèles de structure en termes de dislocations et d’unités d’atomes. . . Mais un accent est mis sur les limites des descriptions et un débat est amorcé sur les raisons pour lesquelles un joint adopte une structure d’équilibre donnée, sachant qu’ordre et énergie ne sont pas associés. La seconde étape nous entraîne dans le joint de grains fauté. Elle tente de dégager l’influence de la structure du joint de grains sur ses défauts, leur formation, leur relaxation. Deux types de défauts, ponctuels et linéaires, sont principalement considérés. Les atomes interstitiels et substitutionnels, en surplus ou en manque dans un joint via le phénomène de ségrégation, modifient considérablement son comportement, qu’ils induisent ou non un changement de sa structure. La présence de ces éléments peut masquer les différences entre joints liées à leurs paramètres cristallographiques. Elle est à l’origine de la formation préférentielle d’une seconde phase aux joints de grains qui joue notoirement sur leurs réponses à des propriétés comme la corrosion, la migration, la déformation. . . Le phénomène de précipitation aux joints mérite donc le détour que nous effectuons dans ce chapitre vers les défauts 3D. Finalement, l’interaction d’un joint de grains avec les défauts linéaires, les dislocations des cristaux, entraîne de fortes perturbations de sa structure. Les mécanismes élémentaires d’entrée des dislocations de matrice dans un joint et ceux de relaxation des contraintes à grandes distances associées sont spécialement détaillés dans cet ouvrage. Ils constituent les piliers pour développer une compréhension des propriétés mécaniques des joints de grains isolés, puis inclus dans un ensemble.
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AVANT- PROPOS
La dernière partie du livre s’intéresse justement à des ensembles de joints de grains, depuis la configuration élémentaire que constitue la jonction triple jusqu’aux réseaux réels dans les polycristaux. À notre connaissance, aucun ouvrage n’a jusqu’ici tenté de faire le point sur les approches qui se développent, depuis quelques dizaines d’années, dans la direction de l’ingénierie. En dépit de nos insatisfactions, nous avons pris le risque de sélectionner des études menées, aux échelles mésoscopiques et macroscopiques, sur les joints de grains en considérant qu’elles font progresser notre vue des joints dans le matériau d’emploi. C’est parce qu’un rapprochement entre les connaissances de la « partie » et du « tout » semble maintenant concevable que nous avons décidé de cette incursion, sachant que le but visé demande encore beaucoup d’efforts. Il reste en particulier à s’attacher aux joints vraiment généraux et à ceux des matériaux nanocristallins auxquels le confinement spatial semble conférer des organisations atomiques et des propriétés spécifiques. Ces joints semblent échapper à l’ordre, mais avec le développement de la science du chaos, une sensibilité nouvelle émerge et ces objets auparavant indignes commencent à susciter de l’intérêt. Un objet désordonné peut-il faire l’objet d’une science ? Auquel cas, est-il vraiment désordonné ? Peut-on l’apprivoiser ? Dans le domaine des joints de grains, l’attitude des chercheurs reste généralement « classique » : c’est la recherche de l’ordre caché derrière le désordre apparent. Les approches développées dans ce domaine ne sont pas du ressort du désordre déterministe. Ce livre s’adresse aux étudiants en thèse, aux ingénieurs et aux jeunes chercheurs en Science des matériaux en tentant de leur donner les connaissances de bases sur les joints de grains et en leur ouvrant la voie à de nombreuses orientations de recherche dans ce domaine. Il vise également à intéresser toute la communauté scientifique à un élément constitutif des matériaux dont la primauté s’accroît avec la diminution de la taille des cristaux et le développement incontrôlable, et souvent incontrôlé, des nanomatériaux. Que les connaissances présentées et/ou les idées développées dans cet ouvrage puissent servir de bases aux recherches futures sur les interfaces : c’est notre objectif.
Remerciements
Ce livre n’aurait pu exister sans le soutien indéfectible et les encouragements du compagnon de ma vie depuis le début de mon engagement scientifique : À Pierre vont mes tout premiers remerciements.
Cet ouvrage est non seulement le fruit d’une réflexion personnelle, mais aussi le résultat des travaux menés avec des étudiants dans le cadre de leurs thèses et/ou en collaboration avec plusieurs collègues. À tous, je suis redevable de m’avoir accompagnée dans mon itinéraire « joints de grains », soit un bout de chemin soit jusqu’à la fin de ma route. Sans être exhaustive, je citerai certains d’entre eux et, en premier lieu, Danièle Bouchet, non pas pour respecter un ordre chronologique, mais parce que ses travaux ont été indirectement à l’origine de mon orientation vers les joints de grains. En effet, la découverte que le comportement électrochimique des alliages fer-chrome est étroitement fonction de la microstructure liée à la chimie des « régions » intergranulaires m’a incitée à pénétrer plus avant dans ces régions pour comprendre leur géographie, leur histoire, leur devenir. Mon voyage ne m’a pas déçue. C’est le professeur R.W. Balluffi, alors à Cornell University, qui m’a ouvert la frontière de cette contrée. Je le remercie vivement pour son accueil dans son laboratoire et sa disponibilité pour m’aider dans mon initiation. À mon retour à l’Université d’Orsay, j’ai eu la joie de travailler avec deux thésards qui ont fortement contribué au lancement de la thématique « Joints de grains » : Sylvie Lartigue Korinek et Omar Khalfallah. Les nombreuses questions qu’ils ont soulevées et leur enthousiasme à en débattre ont affermi ma volonté d’établir un petit groupe de recherche sur ce sujet. Au fil des temps, nous avons toujours gardé une forte collaboration avec le développement de thèmes originaux : calculs élastiques de force image sur une dislocation au voisinage des joints avec Omar, structure et comportement des joints de grains dans l’alumine rhomboédrique avec Sylvie. À partir de leurs travaux, se forgeait la préoccupation majeure de toute mon activité scientifique : l’interaction des dislocations avec les joints de grains. Mon incursion dans le monde de la céramique fut limitée, Sylvie en devint
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R EMERCIEMENTS
la spécialiste. Cette chercheuse intransigeante est restée ma plus fidèle collaboratrice, nous n’avons pas cessé d’échanger nos expériences et nos idées et de cela je la remercie très vivement. J’ai retrouvé ensuite les métaux avec une approche multi-échelle, mettant en œuvre simultanément plusieurs techniques de microscopie électronique en transmission. Dans cette démarche, j’ai été accompagnée par Brigitte Décamps à laquelle je suis particulièrement reconnaissante. Ensemble, nous avons encadré deux étudiants en thèse que je ne veux pas oublier dans mes remerciements, Sophie Poulat et Jean Philippe Couzinié, car leurs résultats ont permis, entre autres, une avancée très prometteuse vers les joints généraux. C’est par la connaissance de ces joints qu’on peut espérer aller vers une ingénierie des joints de grains. Enfin, j’ai fortement apprécié la collaboration de deux collègues français, Jany Thibault et Olivier Hardouin-Duparc, avec qui j’ai toujours eu des échanges fructueux, en particulier au cours de la rédaction de ce livre. Qu’ils soient remerciés pour les réponses rapides et documentées qu’ils ont toujours données à mes questions. J’ajoute une reconnaissance spécifique pour leurs contributions à nos travaux récents sur le nickel et le cuivre. Les résultats, obtenus conjointement, sur les structures atomiques des joints de grains, par microscopie électronique en transmission à haute résolution et par simulation, illustrent largement les deux premières parties de ce livre. D’autres collègues, français et étrangers, ont également croisé mon parcours en lui apportant leurs contributions qui ont certainement enrichi le contenu de cet ouvrage et pour lesquelles je les remercie collectivement.
Liste des sigles et définitions
Bien que ce livre soit écrit en français, de nombreux termes et leurs abréviations sont donnés en anglais, car ils sont utilisés habituellement sous ce sigle par la communauté scientifique internationale. La traduction en français (si elle existe) est précisée. CAD CGBD c.n.i.d. CSL CC, CFC DSC DSCP EAM EBSD EGBD GBCD GBD GBMD
Coincidence Axis Direction Coïncidence unidimensionnelle Coincidence Grain Boundary Distribution Distribution des joints de grains de coïncidence Cell of Non Indentical Displacements Maille des déplacements non identiques Coincidence Site Lattice Maille de coïncidence Cubique Centré, Cubique Faces Centrées Displacement Shift Complete 1 Displacement Symmetry Conserving 2 Densité de Sites de Coïncidence Planaire Embedded Atom Method Méthode de l’atome enchassé Electron Back Scattering Diffraction ou Backscattered ? Diffraction des électrons rétrodiffusés Extrinsic Grain Boundary Dislocation Dislocation extrinsèque du joint de grains Grain Boundary Character Distribution Distribution des caractéristiques des joints de grains Grain Bounday Dislocation Dislocation intergranulaire Grain Boundary Misorientation Distribution Distribution des désorientations (*) des joints de grains
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IGBD ISDF LDFT
MDD MDF
L ISTE
DES SIGLES ET DÉFINITIONS
Intrinsic Grain Boundary Dislocation Dislocation intrinsèque du joint de grains Intercrystalline Structure Distribution Function Fonction de distribution des structures intergranulaires Local Density Functional Theory Théorie de la fonctionnelle de la densité dans l’approximation locale Murs de Dipôles de Désinclinaisons Misorientation Distribution Function Fonction de distribution des désorientations
MEB
Microscope Électronique à Balayage
MEBT
Microscope Électronique à Balayage/Transmission
MET
Microscope Électronique en Transmission
METHR MFA
Microscope Électronique en Transmission à Haute Résolution Mean Field Approximation Modèle de champ moyen Nearest Neighbour Relationship Relation de plus proche voisin Orientation Coherence Function – Orientation Correlation Function Fonction d’orientation de cohérence ou Fonction de corrélation Orientation Distribution Function Fonction de distribution des orientations cristallines Oxygen Free Electronic (copper) Cuivre sans oxygène à haute conductivité pour l’industrie électronique Orientation Imaging Microscopy Microscopie à imager les orientations Structural Unit Unité structurale Yttrium Aluminum Garnet Grenat
NNR OCF ODF OFE
OIM S.U. YAG
∗ Le terme « Désorientation » indique strictement une seule des relations d’orientation relative entre cristaux retenue par convention comme caractéristique de la classe des rotations équivalentes par symétrie. Cependant pour des raisons de simplification du texte, il est utilisé ici pour toute relation d’orientation. 1, 2 La définition 1 est celle d’origine, la définition 2 est plus explicite.
Sommaire
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Liste des sigles et définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Partie 1
De l’ordre au désordre intergranulaire Introduction : bref historique du concept d’ordre intergranulaire . . . . . . . . . .
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Chapitre 1 : Ordre géométrique 1. Géométrie des joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1. Les paramètres cristallographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2. Rotations équivalentes – Désorientation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3. Vecteur de Rodrigues et quaternions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1. Le vecteur de Rodrigues R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.2. Les quaternions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Bicristallographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1. Méthodologie générale : du complexe bicolore au joint de grains . . . . . . . . . . 2.1.1. Le complexe bicolore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2. Bicristal idéal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3. Bicristal réel – Joint de grains réel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2. Réseau bicolore – Réseau de coïncidence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3. Réseau DSC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5 6 8 9 10 10 10 11 11 13 13 14 16
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S OMMAIRE
2.4. Extension de la notion de coïncidence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1. Coïncidence planaire ou bidimensionnelle (2D) . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2. Coïncidence unidimensionnelle (1D) ou modèle du « Plane Matching » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3. Coïncidence exacte et coïncidence approchée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5. Généralisation de la coincidence : réseau-0 et réseau-02 . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.1. Réseau-0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.2. Réseau-02 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6. Intérêt et limite de l’approche de Bollmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Les différents types de joints de grains : terminologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1. Terminologie basée sur les paramètres macroscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2. Terminologie basée sur les paramètres microscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3. Distinction pratique entre joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17 17 19 21 23 23 25 25 26 26 28 28
Chapitre 2 : Ordre des contraintes mécaniques 1. Approche continue – Équation de Frank et Bilby . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Approche discrète – Modèle de Read et Shockley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Approche discrète de Bollmann – Dislocations intrinsèques . . . . . . . . . . . . 3.1. Dislocations intrinsèques primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2. Dislocations intrinsèques secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3. Intérêt et limite du modèle « dislocations intrinsèques » . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Dislocations intergranulaires partielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Champs de contraintes associés aux dislocations intrinsèques . . . . . . . . . .
31 34 35 35 39 45 48 48
Chapitre 3 : Ordre atomique 1. Modèle des sphères dures – Construction géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Modèle des unités structurales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1. Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2. Hiérarchie des descriptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3. Multiplicité des descriptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4. Construction géométrique de la structure intergranulaire . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5. Algorithme de construction de la structure intergranulaire . . . . . . . . . . . . . . 2.6. Détermination de la structure intergranulaire par la méthode de la bande 3. Intérêts et limites du modèle des unités structurales : « à tout modèle ses exceptions » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1. Joints de grains de flexion à trois dimensions (3D) dans les métaux . . . . . . 3.2. Joints de grains de flexion asymétriques dans les métaux . . . . . . . . . . . . . . . .
52 54 54 58 62 63 65 68 70 72 76
S OMMAIRE
3.3. Joints de grains de torsion dans les métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4. Joints de grains dans les matériaux covalents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5. Joints de grains dans les matériaux ioniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Modèle Unités Structurales/Dislocations intrinsèques (SU/GBD) . . . . . . 4.1. Principe du modèle SU/GBD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2. Caractérisation des dislocations associées aux unités structurales . . . . . . . . . 4.3. Application du modèle SU/GBD aux joints de flexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4. Limite du modèle SU/GBD pour les joints de torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Modèle Unités Structurales/Désinclinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
xiii
79 80 83 88 88 89 92 93 95
Chapitre 4 : Ordre ou désordre à haute température ? 1. Changements de phases solide/solide au joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . 97 2. Fusion au joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Chapitre 5 : Ordre et énergie intergranulaires 1. Énergie interfaciale : aspect thermodynamique et facteurs de l’énergie 103 2. Degrés de liberté macroscopiques et énergie intergranulaire . . . . . . . . . . . 105 2.1. Variation de l’énergie intergranulaire avec l’angle de désorientation . . . . . . 105 2.2. Variation de l’énergie intergranulaire avec l’inclinaison du plan du joint 111 3. Degrés de liberté microscopiques et énergie intergranulaire . . . . . . . . . . . . 119 3.1. Variation de l’énergie intergranulaire avec la translation rigide dans le plan du joint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 3.2. Variation de l’énergie intergranulaire avec l’expansion normale au plan du joint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 3.3. Variation de l’énergie intergranulaire avec les relaxations individuelles locales des atomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 4. Existe t-il des critères géométriques d’énergie minimale ?. . . . . . . . . . . . . . . 123 4.1. Le critère « faible valeur de Σ » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 4.2. Le critère « grande valeur de Γ » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 4.3. Le critère « grande valeur de d » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 4.4. Le critère « grande valeur de Γ pour d constant » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 5. Énergie et classification des joints de grains – Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 5.1. Classification fondée sur l’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 5.2. Classification des joints fondée sur la distance interplanaire . . . . . . . . . . . . . 130
xiv
S OMMAIRE
Chapitre 6 : Ordre ou désordre intergranulaire : quelle conclusion ? Références Partie 2
Du joint de grains idéal au joint de grains réel Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Chapitre 1 : Les défauts de la structure intergranulaire 1. Les défauts ponctuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 2. Les défauts linéaires : dislocations extrinsèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 2.1. Définition d’une dislocation extrinsèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 2.2. Caractéristiques géométriques d’une dislocation extrinsèque . . . . . . . . . . . . . 154 2.3. Origine d’une dislocation extrinsèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 2.4. Cœur d’une dislocation extrinsèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 2.4.1. Modèle de Peierls-Nabarro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 2.4.2. Degré de localisation du cœur d’une dislocation intergranulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Chapitre 2 : Ségrégation intergranulaire 1. Forces motrices de la ségrégation d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 1.1. Interactions élastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 1.1.1. Effets de taille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 1.1.2. Effets liés aux modules d’élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 1.2. Effets électroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
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2. Approches thermodynamiques de la ségrégation d’équilibre . . . . . . . . . . . . 166 2.1. Isotherme d’adsorption de Gibbs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 2.2. Ségrégation en solution solide régulière sans interaction . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 2.2.1. Modèle de Langmuir-McLean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 2.2.2. Modèle de Seah et Hondros . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 2.3. Modèles de ségrégation en solution solide avec interactions . . . . . . . . . . . . . . 171 2.3.1. Modèle de Fowler et Guggenheim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 2.3.2. Modèles de McLean et Guttmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 3. Modèles de ségrégation fondés sur la mécanique statistique . . . . . . . . . . . . 174 3.1. Modèle de solution régulière avec l’approximation de Bragg-Williams . . . . . 175 3.2. Modèles de champ moyen (MFA pour Mean Field Approximation) . . . . . . . 175 4. Ségrégation « moyenne » aux joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 4.1. Influences de la température et de la concentration en matrice du soluté . . . 176 4.2. Influence du terme d’interaction sur la ségrégation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 5. Relation entre ségrégation et structure du joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . 180 5.1. Ségrégation et paramètres géométriques du joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 5.1.1. Anisotropie de ségrégation observée et mesurée expérimentalement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 5.1.2. Anisotropie de ségrégation quantifiée par les grandeurs thermodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 5.1.3. Changement des paramètres géométriques sous l’effet d’une ségrégation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 5.2. Ségrégation intergranulaire et dislocations intrinsèques du joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196 5.3. Ségrégation intergranulaire et structure atomique du joint de grains . . . . . . 199 5.3.1. Anisotropie de la ségrégation d’un site à l’autre dans la région intergranulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 5.3.2. Changement de structure induit par la ségrégation . . . . . . . . . . . . . . 207 5.3.3. Mise en évidence expérimentale de la ségrégation à l’échelle atomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 5.4. Ségrégation intergranulaire et structure électronique du joint de grains . . . . 210 5.4.1. Changement des liaisons électroniques sous l’effet de la ségrégation dans les métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 5.4.2. Changement des liaisons électroniques sous l’effet de la ségrégation dans les oxydes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 5.4.3. Modification des structures de bande des semiconducteurs . . . . . . . . 217 6. Rôle des dislocations extrinsèques dans la ségrégation d’équilibre . . . . . 218 7. Ségrégation hors d’équilibre aux joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Chapitre 3 : Précipitation intergranulaire 1. Aspect énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230 2. Différents types d’interfaces et de précipités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
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2.1. Interface cohérente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 2.2. Interface semi-cohérente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 2.3. Interface incohérente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 2.4. Les différents types de précipités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 Condition d’équilibre d’un germe à un joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Construction de Wulff généralisée et diverses formes de germes aux joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 4.1. Principe de la construction de Wulff généralisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 4.2. Formes d’équilibre des germes à deux dimensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240 4.2.1. Germe sans facette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240 4.2.2. Germe avec une facette dans un seul cristal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241 4.2.3. Germe avec deux facettes dans un seul cristal . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242 4.2.4. Germe avec facettes dans les deux cristaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243 4.3. Influence du plan du joint sur la forme des germes intergranulaires . . . . . . 244 4.4. Forme d’équilibre des germes intergranulaires à trois dimensions . . . . . . . . . 246 4.5. Phénomène de « plissage » du joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 Croissance des précipités intergranulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 5.1. Migration d’une interface courbe incohérente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248 5.2. Migration d’une interface plane (cohérente ou semi-cohérente) . . . . . . . . . . . 249 Localisation des précipités intergranulaires sur les dislocations extrinsèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Chapitre 4 : Interactions entre dislocations et joints de grains 1. Interaction élastique à longue distance : force image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256 2. Configurations de dislocations au voisinage d’un joint de grains . . . . . . . . 260 3. Interaction à courte distance entre les défauts, linéaires et plans . . . . . . . 261 3.1. Simulation de l’interaction entre une dislocation de matrice et un joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 3.2. Processus de combinaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268 3.3. Processus de décomposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269 3.4. Processus de transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273 3.5. Entrée d’une dislocation dissociée dans un joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . 277 3.5.1. Modèle d’interaction d’une dislocation dissociée avec un joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278 3.5.2. Observation de l’interaction d’une dislocation dissociée avec un joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279
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Chapitre 5 : Relaxation des contraintes intergranulaires 1. Modèles d’accommodation des dislocations extrinsèques . . . . . . . . . . . . . . 284 1.1. Délocalisation du cœur de la dislocation extrinsèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284 1.2. Décomposition de la dislocation extrinsèque et arrangement des produits . . 286 1.3. Incorporation de la dislocation extrinsèque dans la structure intrinsèque . . 288 2. Évolution des champs de contrainte des dislocations avec la distance au joint de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292 2.1. Modèle d’un mur désordonné « au hasard » de dislocations . . . . . . . . . . . . . 292 2.2. Modèle du joint de grains « quasi équidistant » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295 2.2.1. Mur infini de dislocations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295 2.2.2. Mur fini de dislocations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296 3. Dépendance des champs de contraintes avec le temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297 4. Études expérimentales de l’accommodation des dislocations extrinsèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300 4.1. Accommodation dans les joints symétriques de flexion des semi-conducteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300 4.2. Accommodation dans des joints singuliers, vicinaux et généraux des métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302 4.2.1. Accommodation dans des joints proches de Σ3 {111} . . . . . . . . . . . . 303 4.2.2. Accommodation dans des joints de proche coïncidence avec réseaux intrinsèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 4.2.3. Accommodation dans des joints généraux asymétriques, sans réseau intrinsèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 4.2.4. Interprétation des phénomènes observés d’accommodation sur la base des modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311 4.3. Étude de la cinétique d’accommodation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315 5. Conclusion sur les phénomènes d’accommodation des dislocations extrinsèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318
Références Partie 3
Du joint de grains libre au joint de grains contraint Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329
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Chapitre 1 : La jonction triple 1. Géométrie d’une jonction triple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332 1.1. Paramètres géométriques et classification des jonctions triples . . . . . . . . . . . . 332 1.2. Tricristallographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 2. Équilibre d’une jonction triple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337 2.1. Approche thermodynamique – Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337 2.1.1. Règle d’équilibre d’Herring . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337 2.1.2. Observation d’une jonction triple à différentes échelles : quel équilibre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 2.2. Équilibre en termes de dislocations intrinsèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344 2.3. Équilibre en termes d’unités structurales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346 3. Énergie d’une jonction triple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 3.1. Calcul de l’énergie d’une jonction triple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 3.2. Détermination expérimentale de l’énergie d’une jonction triple . . . . . . . . . . . 352 4. Défauts d’une jonction triple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354 4.1. « Défauts intrinsèques » d’une jonction triple – Approche géométrique . . . . . 354 4.2. « Défauts extrinsèques » d’une jonction triple – Approche mécanique . . . . . . 358 5. Du tricristal au polycristal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362
Chapitre 2 : Le réseau de joints de grains (texture des joints de grains) 1. Les critères de distribution des joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367 1.1. Le critère « désorientation » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368 1.2. Le critère « plan du joint de grains » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370 1.3. Critères non géométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371 2. Calculs de la distribution des désorientations entre cristaux . . . . . . . . . . . . 373 2.1. Les fonctions de distributions des orientations et des désorientations . . . . . . 373 2.2. Distributions théoriques des désorientations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375 2.2.1. Approche analytique des probabilités d’existence de joints CSL et CAD dans un polycristal aléatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376 2.2.2. Approches par simulation des distributions des joints CSL et CAD dans un polycristal aléatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378 3. Distributions expérimentales des désorientations des joints de grains . . 383 3.1. Différents types de distributions expérimentales des désorientations . . . . . . . . 384 3.2. Effets de la structure et de l’énergie de faute d’empilement du matériau . . . . 385 3.2.1. Matériaux du groupe I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385 3.2.2. Matériaux du groupe II. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 3.2.3. Matériaux du groupe III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391
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3.3. Effets de la pureté du matériau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392 3.4. Effets des traitements thermomécaniques – Relation avec la texture cristalline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 396 3.4.1. Matériaux du groupe I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 397 3.4.2. Matériaux du groupe II. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 3.4.3. Matériaux du groupe III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 Distributions des plans de joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 Distribution des cinq paramètres macroscopiques des joints de grains . . 420 5.1. Approche théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 420 5.2. Approche expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Distributions des joints de grains selon leurs propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . 425 6.1. Distribution des joints de grains selon leur diffusivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425 6.2. Distribution des joints de grains selon leur énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427 6.2.1. Distribution déterminée après gravage thermique . . . . . . . . . . . . . . . 427 6.2.2. Distribution déterminée après mouillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427 Distributions des jonctions triples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 428 7.1. Limites d’application de la règle de combinaison des indices de coïncidence 429 7.2. Approche théorique de la distribution des jonctions triples . . . . . . . . . . . . . . . 434 7.3. Distributions expérimentales des jonctions triples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 440 7.4. Distribution des énergies des joints de grains à partir de la distribution des angles dièdres aux jonctions triples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 442 Texture locale des joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 444 8.1. Divers types d’amas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 445 8.2. Configurations d’amas observées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 447 8.3. Configurations d’amas simulées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 452 Concept de percolation appliqué aux réseaux de joints de grains . . . . . . . 458 9.1. Réseau infini de joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459 9.1.1. Seuils de percolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460 9.1.2. Structures fractales des amas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463 9.2. Réseau fini de joints de grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463 9.3. Percolation corrélée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464
Références
Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Bibliographie des ouvrages spécialisés du domaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 479 Crédits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483
Première partie De l’ordre au désordre intergranulaire
« Les invariances physiques appuyées sur la structure des groupes nous paraissent donner une valeur rationnelle aux principes de permanence à la base des phénomènes physiques » (G. Bachelard).
Ce titre se veut provocateur dans la mesure où les connaissances actuelles autorisent plus aisément de dire qu’on est passé du désordre à l’ordre dans la conception de la structure intergranulaire. La plupart des joints de grains étudiés jusqu’à présent ont en effet des structures périodiques. Cependant, la description de certains joints en termes de quasi-cristaux ou l’observation de contraintes intergranulaires délocalisées ou encore la présence, révélée par simulation, de couches atomiques fortement perturbées au cœur de quelques joints soulève un questionnement sur la possibilité d’existence de joints généraux amorphes. D’ailleurs, la définition même de l’état amorphe a évolué depuis le premier modèle des joints de grains décrivant ceux-ci comme des couches de ciment amorphe entre deux cristaux. Les structures cristallines et quasi-cristallines définissent des états ordonnés à grande distance alors que l’état amorphe n’est ordonné que localement. Cependant, il n’est pas exclu que, pour certaines propriétés, la périodicité puisse être secondaire devant l’ordonnancement du motif. Dans la première partie, nous tenterons de montrer comment un pseudo « vaet-vient » dans la conception de la structure intergranulaire est intervenu : du tout amorphe au strictement périodique puis retour vers l’état quasi cristallin qui peut être considéré comme intermédiaire entre les deux états précédents. Des efforts doivent être entrepris pour connaître les joints de grains vraiment généraux, sans doute majoritaires dans les matériaux réels, afin de confirmer ou d’infirmer l’existence d’un état intergranulaire amorphe, du moins à haute température. Ces préoccupations se retrouvent tout au long de cette partie et expliquent la chronologie des chapitres qui la constituent.
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JOINTS DE GRAINS
Introduction : bref historique du concept d’ordre intergranulaire Pendant la première moitié du XXe siècle, l’idée que le joint de grains constituait une couche amorphe entre deux cristaux (ou grains) a prévalu [1] jusqu’à la découverte vers les années 1950 de certaines de ses propriétés vectorielles. C’est la découverte de la forte anisotropie de pénétration intergranulaire de certains éléments en fonction de la direction dans le joint de grains [2] qui a infirmé la nature amorphe de celui-ci, même si une description des joints de grains comme constitués de régions de « bon accord » séparées par des régions de « mauvais accord » était apparue préalablement [3]. Les premiers résultats et modèles de diffusion intergranulaire ont été obtenus en même temps que se développait, avec le modèle de Read et Shockley (1950) [4], la première description théorique de la structure d’un joint de grains en termes de dislocations. Cette description a précédé historiquement les approches géométriques présentées en premier dans cette partie. Les modèles géométriques et en termes de dislocations des joints de grains, décrits dans les chapitres 1 et 2, sont fondés, d’une part, sur la préservation de la symétrie cristalline [5, 6] et, d’autre part, sur les modes possibles de relaxation des contraintes intergranulaires [6–8]. Ce ne sont pas des modèles physiques en ce sens qu’ils ne précisent pas l’arrangement des atomes dans la région intergranulaire. La description à l’échelle atomique du joint de grains fait l’objet du chapitre 3. Tout d’abord prédite d’une manière rigide en respectant les tailles et les coordinations des atomes [9], la structure d’un joint de grains sous forme d’arrangements polyèdres d’atomes est ensuite déduite des calculs de l’énergie intergranulaire, après minimisation de celle-ci. La structure calculée est alors, autant qu’il est possible, comparée à la structure observée en microscopie électronique à haute résolution. L’organisation des atomes en un nombre restreint d’unités polyèdres se confirme et la disposition périodique de ces unités est formalisée dans le modèle des « Unités Structurales » [10]. Parallèlement, une étroite corrélation est établie entre ce modèle et la description du joint de grains en termes de dislocations intrinsèques : c’est le modèle unifié « Dislocations Intergranulaires/Unités structurales » (connu sous le sigle de son appellation anglaise « SU/GBD »). Mais la nature du joint de grains est plus rebelle et ne se laisse pas ranger sans remous dans la catégorie « ordonnée ». En effet, alors même qu’il appuyait l’existence d’un ordre à l’échelle atomique pour un grand nombre de joints de grains, le modèle des unités structurales remettait cet ordre en question avec son extension aux joints de grains quasi-périodiques. Par ailleurs, l’expérience révélait l’existence de joints de grains à trois dimensions (joints 3D) non-prédite théoriquement. Enfin, plus-récemment, les joints amorphes semblent avoir fait leur réapparition. Ces contradictions justifient le titre retenu pour l’ensemble de la première partie De l’ordre au désordre intergranulaire. Le chapitre 4 est dédié à l’évolution de l’ordre intergranulaire avec la température. On traite en particulier de la possibilité de changements de phases propres aux joints de grains et celle d’une préfusion de la région intergranulaire. L’effet d’un
D E L’ ORDRE
AU DÉSORDRE INTERGRANULAIRE
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élément d’alliage ou d’une impureté sur la transformation de la structure d’un joint de grains est analysé longuement dans la partie 2. Inhérente aux calculs de structure, donc associée aux caractéristiques microscopiques du joint de grains, l’énergie intergranulaire apparaît comme un facteur qui peut déterminer le comportement du joint de grains. Les considérations énergétiques font l’objet du chapitre 5, avec une question sous-jacente : celle de la prédiction des évolutions de l’énergie en fonction de paramètres macroscopiques, les seuls disponibles pour la plupart des joints réels. En fait, nous montrons qu’aucune relation biunivoque n’existe entre l’énergie et la géométrie du joint de grains. De plus, les considérations énergétiques ne permettent généralement pas de prédire les propriétés intergranulaires. Les problèmes que pose toute classification des joints de grains fondée sur leur énergie sont alors soulevés. Enfin, dans le dernier chapitre, on tente de faire le point sur la question fondamentale suggérée dans le titre de cette partie : quelles sont les limites de l’ordre intergranulaire ? la structure des joints de grains réels peut-elle être désordonnée ? Les réponses que l’on peut apporter à cette question sont d’une grande importance pour toutes les préoccupations soulevées dans les parties suivantes. On ne peut en effet aborder les défauts d’une structure sans référence à la structure parfaite. On ne peut étudier les jonctions de plusieurs joints de grains apparaissant dans les polycristaux sans connaître la structure de chaque joint constituant.
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Ordre géométrique
L’idée à la base d’un ordre géométrique dans les joints de grains dérive d’une loi générale en physique : entre deux objets physiques (ici deux cristaux) ou entre deux quantités physiques en relation l’un(e) à l’autre, il existe toujours un invariant. Plus précisément, on postule que l’interpénétration de deux structures périodiques doit donner lieu à une « bistructure » également périodique. Établir un ordre géométrique, c’est alors rechercher les invariants entre le cristal I et le cristal II désorientés et/ou translatés. La description des modèles géométriques qui se sont développés sur la base de cette invariance implique, tout d’abord, de préciser les caractéristiques géométriques des joints de grains puis de déterminer les opérations de symétrie du bicristal formé par deux cristaux adjacents interpénétrés, c’est l’objet de la bicristallographie. On présentera ensuite une terminologie des joints de grains qui repose sur leurs caractéristiques géométriques à laquelle on fait référence tout au long de l’ouvrage.
1.
Géométrie des joints de grains
Un joint de grains sépare deux cristaux de même nature et de même structure reliés l’un à l’autre par une équation de forme générale [11] : xII = (A/ττ)GI xI
(1.1)
xI et xII sont des vecteurs définissant deux points homologues dans les cristaux (I) et (II), A est une transformation linéaire homogène, τ est une translation rigide du cristal (II) par rapport au cristal (I) et GI représente toutes les opérations de symétrie du groupe d’espace du cristal (I). L’opération ponctuelle A suivie de la translation τ est appelée « opérateur d’interface » ou « isométrie » : α = (A/ττ). A est une matrice 3 × 3 et τ est un vecteur colonne. La translation rigide n’est unique (à une translation du cristal près) que pour les groupes d’espace symorphiques, ne possédant qu’un atome par maille primitive. En cas contraire, il existe une translation associée à l’opération ponctuelle dans le groupe d’espace (axe hélicoïdal par exemple), cette translation ne peut être annulée par une translation du référentiel, l’opération qui relie deux
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points homologues devient alors (A/ττ)(GI /t) = (AGI /ττ + GI t). Par la suite nous ne considérerons que la translation τ . Dans un cristal, il existe un ensemble de points équivalents à un point x donné, ces points sont obtenus en appliquant à x toutes les opérations de symétrie du groupe d’espace du cristal, cet ensemble est appelé « orbite G » de x. En conséquence, n’importe quelle isométrie (A′ /ττ ′ ) qui relie un point de l’orbite GI de xI à n’importe quel point de l’orbite GII de xII est équivalente à (A/ττ ) [11] : (A′ /ττ ′ ) = (A/ττ ).GI = α GI
(1.2)
L’infinité d’isométries équivalentes (A/ττ) G est le complexe (ou co-ensemble) associé à l’interface. Les opérations inverses qui relient tout point du cristal I à un point homologue du cristal II s’écrivent GI (A/ττ)−1 ou (A/ττ )−1 GII . Les groupes GI et GII sont reliés entre eux par la relation de conjugaison : GII = (A/ττ)GI (A/ττ)−1
(1.3)
Cette relation exprime, en considérant les opérations de la droite vers la gauche, que si on applique à un point xII du cristal II l’opération inverse (A/ττ)−1 on obtient un point homologue xI du cristal I, puis un point équivalent à xI par GI . Ce dernier subit alors une opération directe (A/ττ) qui aboutit à un point quelconque de l’orbite GII du cristal II. En remplaçant (A/ττ) par α : GII = α G Iα −1
et
GI = α −1 GIIα
(1.3 bis)
Dans les expressions précédentes, A est généralement une transformation complexe impliquant une rotation R et une déformation D. Elle peut être réduite à une rotation pure, sauf dans le cas de cristaux énantiomorphes, ou à une déformation pure dans le cas d’interfaces semi-cohérentes entre deux phases. Dans la suite de l’ouvrage, qui s’intéresse plus particulièrement aux joints de grains dans les matériaux de structure cubique, l’opération d’interface n’implique qu’une rotation R accompagnée ou non d’une translation rigide τ . Si cette translation intervient seule, l’interface est une faute d’empilement ou une paroi antiphase. Cependant, l’approche des joints de grains dans les structures de symétrie moindre peut nécessiter, en plus de la rotation, une déformation des réseaux comme nous l’expliciterons pour les matériaux de structure hexagonale ou rhomboédrique.
1.1.
Les paramètres cristallographiques
Un certain nombre de paramètres sont nécessaires pour caractériser cristallographiquement l’objet « joint de grains ». Ces paramètres constituent les degrés de liberté géométriques du joint de grains [12]. Ils peuvent être séparés en deux groupes : six sont indispensables pour décrire l’opération d’interface (R/ττ) prise en compte dans l’expression (1.1), avec A = R dans ce cas et trois sont nécessaires pour préciser l’orientation et la position du plan du joint. On peut aussi les séparer en paramètres macroscopiques et paramètres microscopiques (Tab. 1.I).
C HAPITRE 1 – O RDRE
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GÉOMÉTRIQUE
TAB . 1.I – Les neufs degrés de liberté d’un joint de grains : six pour l’opération d’interface et trois pour l’orientation et la position du plan du joint. Cinq paramètres sont macroscopiques. Chacun des quatre paramètres microscopiques a une intensité inférieure à une période du joint de grains.
Paramètres macroscopiques Paramètres microscopiques Nombre Type Nombre Type 2 [uvw] 2 τ 1 et τ 2 Axe de rotation Translation dans le plan du joint Opération d’interface 1 2 Plan du joint
θ Angle de rotation n Orientation du plan du joint
1 1
τ3 Expansion |d| < |n| Position du plan du joint
Les degrés de liberté macroscopiques sont au nombre de cinq : – L’angle θ de la rotation R entre les deux cristaux. – L’axe de rotation [uvw] défini par deux cosinus directeurs. – L’orientation du plan du joint définie par les deux cosinus directeurs de sa normale n. Il y a quatre degrés de liberté microscopiques : – Trois définissent la translation d’un cristal par rapport à l’autre : c’est le vecteur de translation rigide τ . – Un vecteur normal au plan du joint, dont l’intensité |d| est nécessairement inférieure au vecteur unitaire |n|, indique la position de ce plan. Un joint de grains possède donc neuf degrés de liberté géométriques, cependant, les paramètres microscopiques résultent des processus de relaxation et ne sont donc pas indépendants des paramètres macroscopiques. Finalement, les cinq degrés de liberté macroscopiques sont des variables thermodynamiques qui suffisent à donner une description géométrique complète du joint de grains. D’autres définitions des paramètres géométriques proposées par D. Wolf [13], mettent en avant l’importance du plan du joint. Quatre d’entre eux précisent les vecteurs unitaires n1 et n2 qui définissent l’orientation des normales au plan du joint dans les cristaux I et II, le cinquième donne l’angle de rotation α entre les deux cristaux autour de la normale au plan du joint (angle de torsion). Pour des structures non cubiques, l’établissement d’une relation entre cristaux nécessite d’exprimer ces cinq paramètres macroscopiques dans un système de coordonnées adéquat. La construction d’un joint de grains est schématisée sur la figure 1.1.
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(a)
(b)
(c)
JOINTS DE GRAINS
(d)
F IG . 1.1 – Différentes étapes de construction d’un joint de grains : (a) interpénétration des deux cristaux désorientés (b) translation rigide d’un cristal par rapport à l’autre ; (c) introduction d’un plan de joint (différentes positions possibles pour une même désorientation) ; (d) rejet des atomes du cristal I et de ceux du cristal II d’un côté et de l’autre du plan de joint, respectivement.
Les paramètres macroscopiques sont imposés dans les simulations des structures des joints de grains, les paramètres microscopiques sont alors déduits après minimisation de l’énergie intergranulaire. En revanche, dans les études expérimentales, les valeurs exactes des paramètres macroscopiques ne sont pas connues, car il existe des incertitudes sur les mesures. Ces paramètres sont quelconques, « imprévisibles », pour les joints réels des polycristaux tandis que l’on tente de contrôler leurs valeurs lorsqu’on élabore des bicristaux. Dans ce dernier cas, sauf pour les semi-conducteurs, le joint de grains obtenu s’écarte toujours plus ou moins de la relation d’orientation et du plan désirés.
1.2.
Rotations équivalentes – Désorientation
Dans la relation (1.2) qui définit le complexe associé à l’interface, considérons que la transformation ponctuelle A qui relie les cristaux I et II est réduite à une rotation R, c’est le cas pour les matériaux cubiques. L’orientation relative des deux cristaux peut être exprimée par différentes rotations déduites l’une de l’autre par l’une des opérations de symétrie S du groupe d’espace G du cristal. Si on fixe une base de référence dans le cristal I, alors toute rotation R a pour équivalente R′ = RSi avec i = 1 à n (n est le nombre d’opérations lié à la classe de symétrie du cristal). La rotation peut aussi être exprimée dans une autre base, équivalente par symétrie : R′ = Si −1 RSi . De plus, chacun des deux réseaux peut être considéré comme le réseau de référence : R′ = R−1 . Finalement, les descriptions par R ou R′ sont équivalentes si : R′ = Si RSj
ou
R′ = Si −1 RSj
(1.4)
Les N rotations différentes et équivalentes forment une classe. N = 1152 pour un joint de grains dans un matériau de symétrie cubique (24 × 24 × 2). Pour tout système cristallin, il existe un nombre fini de descriptions géométriques équivalentes d’un même joint de grains, par exemple N = 72 dans le cas de la symétrie rhomboédrique (6 × 6 × 2). Il est toujours possible de choisir une rotation dont l’axe [uvw]
C HAPITRE 1 – O RDRE
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GÉOMÉTRIQUE
est contenu dans le triangle stéréographique standard avec u ≥ v ≥ w ≥ 0. Parmi les rotations équivalentes dont l’axe est situé dans ce triangle, celle qui correspond au plus petit angle caractérise la classe des rotations équivalentes : elle est appelée désorientation. Dans le système cubique, l’angle de la désorientation est toujours inférieur à 62◦ . Par exemple, la désorientation d’un joint de macle dans un matériau cubique est 60◦ 111, mais ce joint peut aussi être décrit par un angle de 70◦ 32 autour d’un axe 110. La désorientation n’a pas de signification physique particulière, elle permet simplement d’avoir une dénomination « conventionnelle » d’un joint de grains. On doit en particulier remarquer que, parmi toutes les descriptions, il en existe le plus souvent une dont l’angle de rotation est 180◦ autour de uvw, elle indique le plan de symétrie du bicristal qui est normal à cet axe de rotation. Par exemple, un joint de grains de désorientation 38◦ 14 autour de 110 possède deux descriptions équivalentes d’angle 180◦ , l’une autour de 221, l’autre autour de 411. Les plans {221} et {441} sont les plans de symétrie de ce joint de grains [14]. Les composantes rij de la matrice de rotation R (avec i, j = 1, 2, 3) s’expriment en fonction de l’angle de rotation θ et des composantes t1 , t2 et t3 du vecteur unitaire t sur l’axe de rotation [uvw], pour les matériaux cubiques : 2 0 −t3 t2 100 t1 t1 t2 t1 t3 R = rij = cos θ 0 1 0 + (1 − cos θ) t2 t1 t22 t2 t3 + sin θ t3 0 −t1 (1.5) −t2 t1 0 001 t3 t1 t3 t2 t32
avec Det R = 1. Réciproquement, si on connaît la matrice de rotation, l’angle et les indices de l’axe de rotation peuvent être déduits : cos θ =
trace R − 1 2
(1.6)
Les composantes t1 , t2 et t3 du vecteur élémentaire sur l’axe de rotation sont déduites en résolvant une série d’équations obtenues à partir de l’expression (1.5) connaissant R et θ. Les matrices des rotations équivalentes sont obtenues par changement de signe d’une colonne ou d’une ligne et par permutation des colonnes et des lignes de la matrice R de telle manière que le déterminant reste égal à 1. En particulier, par de tels échanges, on peut amener les plus grands coefficients de R sur la diagonale d’une matrice R′ qui représente alors la désorientation.
1.3.
Vecteur de Rodrigues et quaternions
En dehors de la matrice de rotation ou du couple formé par l’angle et l’axe de rotation, il existe deux autres manières pour définir un joint de grains qui sont signalées ici très brièvement :
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1.3.1.
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Le vecteur de Rodrigues R R = t tgθ/2
(1.7)
t est le vecteur élémentaire sur l’axe de rotation défini dans l’expression (1.5) par ses composantes qui sont aussi ses cosinus directeurs. Par exemple, le couple angle/axe 70◦ 5 [110] est représenté par le vecteur de Rodrigues (1/2, 1/2, 0). L’ensemble de toutes les rotations possibles peut être représenté dans un espace à trois dimensions qui constitue la carte de Frank-Rodrigues. Initialement définie pour décrire la position d’un point dans un système de référence et utilisée pour rendre compte de la texture d’un matériau, la représentation de Rodrigues s’est avérée très utile pour approcher la distribution des désorientations des joints de grains dans un polycristal (partie 3, Sect. 2.5).
1.3.2.
Les quaternions
La représentation du joint de grains par des quaternions a été particulièrement utile pour trouver les descriptions équivalentes d’une rotation dans le système cubique. La rotation θ autour d’un axe [uvw] est donnée par le quaternion : Q = (e1 , e2 , e3 , e4 ) = (t1 sin θ/2, t2 sin θ/2, t3 sin θ/2, cos θ/2)
(1.8)
Les quatre composantes e1 , e2 , e3 , e4 sont reliées par l’équation : e12 + e22 + e32 + e42 = 1 Les quaternions ne sont pas utilisés dans la suite de cet ouvrage. Nous définissons généralement un joint de grains par une des rotations relatives entre cristaux avoisinants (pas nécessairement la désorientation) et par son plan moyen.
2.
Bicristallographie
On a rappelé précédemment que la plupart des lois en physique sont des lois d’invariance et que la recherche de cette invariance entre deux cristaux est à la base de l’approche géométrique des joints de grains. Le premier invariant est évidemment le cristal. Le second invariant a été introduit par Friedel en 1926 [15] avec le concept de coïncidence, c’est-à-dire l’existence d’un réseau multiple commun à deux réseaux désorientés. Le concept de coïncidence initialement appliqué aux macles, a été étendu à tout joint de grains dans des matériaux de structure simple par Ranganathan [16], puis par Bollmann [5]. Ce dernier a introduit des outils « bicristallographiques » spécifiques, réseau DSC, réseau 0. . ., à partir de la seule considération de la symétrie de translation. Cette approche, qui permet de déterminer les nœuds équivalents entre deux réseaux, présente l’inconvénient de n’être directement applicable qu’aux structures dont le groupe d’espace est symorphique (un atome par maille) alors que de nombreux matériaux cristallins présentent une maille primitive à plusieurs atomes (motif). La méthode demande alors d’être complétée en plaçant les
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GÉOMÉTRIQUE
atomes du motif cristallin sur des sites des réseaux. Cette approche proposée par Pond et Vlachavas en 1983 pour décrire la symétrie d’une interface est détaillée dans [12]. La recherche de la symétrie bicristalline généralisée à tout joint de grains dans tout matériau, quelle que soit sa structure, (et même à toute interface entre deux phases) exige de prendre en compte les groupes d’espace des cristaux qui ne sont généralement pas le produit direct de la symétrie d’orientation par la symétrie de translation. C’est cette méthodologie que nous présentons succinctement dans un premier temps, toujours avec l’objectif de montrer l’extension de l’approche géométrique à toute interface. Puis, nous nous étendons plus longuement sur le formalisme de Bollmann basé sur la notion de réseau [5, 6] qui a été le plus utilisé jusqu’à présent pour décrire les structures des joints de grains.
2.1.
Méthodologie générale : du complexe bicolore au joint de grains
Cette méthodologie est construite en introduisant directement la symétrie du système formé par les deux cristaux appelé « complexe bicolore ». Les étapes suivantes concernent la création du bicristal par l’introduction d’un plan d’interface dans le complexe bicolore, puis la recherche des symétries préservées dans ce bicristal qui sont aussi celles du joint de grains. Le tableau 1.II résume les différentes étapes pour décrire la symétrie bicristalline. TAB . 1.II – Différentes étapes pour décrire la symétrie bicristalline.
COMPLEXE BICOLORE ⇓ SYMÉTRIE DU BICRISTAL IDÉAL ⇓ SYMÉTRIE DU BICRISTAL RÉEL
2.1.1.
+ plan du joint + relaxations atomiques
Le complexe bicolore
Le complexe bicolore est formé par les cristaux I et II désorientés et interpénétrés (bicolore car les cristaux sont considérés colorés différemment). Cet ensemble présente deux types d’éléments de symétrie : les éléments du premier type laissent les deux cristaux invariants et sont obtenus par l’intersection des groupes d’espace des deux cristaux : H = GI ∩ GII (1.9) Cette symétrie, dite « coïncidente », relie les sites de même couleur entre eux. Les éléments du second type de symétrie dite « antisymétrie » échangent les deux réseaux cristallins. Ils relient les sites d’une couleur (un cristal) aux sites d’une autre couleur (autre cristal) et sont obtenus par l’intersection du co-ensemble
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αG de toutes les opérations transformant le cristal I en cristal II avec le co-ensemble Gα−1 qui correspond aux transformations inverses : H′ = αG ∩ Gα−1
(1.10)
Finalement, le groupe de symétrie S du complexe bicolore est donné par l’union des deux groupes d’intersection [11] : S = H ∪ H′ .
(1.11)
On montre que H′ = εH avec ε, n’importe quel élément de symétrie qui échange les cristaux. Le complexe bicolore pour un joint de grains dans une structure cubique diamant est représenté sur la figure 1.2. Les éléments d’antisymétrie sont indiqués par la symbole (′ ). La considération d’un motif atomique entraîne des pertes d’éléments de symétrie par rapport au réseau bicolore (Sect. 2.2) qui ne prend en compte que le groupe de symétrie du réseau cristallin.
(a)
(b)
F IG . 1.2 – Projections dans un plan {001} du réseau et du complexe bicolores d’un joint de grains de désorientation 36◦ 9 autour de [001]. Les symboles ◦ et • correspondent à des nœuds du cristal I et du cristal II, respectivement. La différence de taille entre les symboles indique une différence de cote des nœuds correspondants. (a) Réseau CSL (ici réseau bicolore particulier ) pour un matériau de structure CFC ; (b) Complexe bicolore pour un matériau de structure cubique diamant (les symboles représentent maintenant des sites atomiques). Les traits fins indiquent le réseau DSC attaché à Σ = 5 (voir Sect. 2.3).
Pond a bien montré comment les diverses manières de rompre la symétrie du complexe bicolore permet de décrire tous les défauts interfaciaux [17]. La connaissance du groupe de symétrie du complexe bicolore apporte des informations physiques utiles sur les propriétés des joints de grains [18]. La notion d’extrema dictés par la symétrie (symmetry dictated extrema) explicite dans quelle mesure la symétrie peut aider à détecter une propriété spéciale. Les fonctionnelles
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GÉOMÉTRIQUE
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d’énergie présentent des extrema dépendant de la symétrie, ces extrema ne sont pas forcément des minima, mais leur identification permet d’extraire les valeurs possibles des paramètres physiques qui peuvent conduire à un minimum. Comme pour toute règle, des exceptions à ce principe existent, en particulier nous verrons que des minima d’énergie intergranulaire peuvent être associés à des joints non symétriques. Le complexe bicolore le plus symétrique est le précurseur pour les approches atomistiques par simulation de la structure du joint de grains. La minimisation de l’énergie conduit alors à la détermination de la translation rigide et des relaxations locales qui permettent de préciser la structure atomique adoptée par un joint de grains (cf. Chap. 4).
2.1.2.
Bicristal idéal
Un bicristal est créé en plaçant un plan de joint de grains dans le complexe bicolore, en rejetant d’un côté de ce plan les atomes du cristal I et de l’autre côté les atomes du cristal II. Les opérations de symétrie du bicristal idéal non relaxé sont celles du complexe bicolore qui laissent invariante la normale au plan du joint. Le plan du joint de grains peut toujours être choisi de telle manière qu’il ne contienne aucun vecteur de translation du complexe bicolore (plan quelconque) même lorsque une forte symétrie à trois dimensions existe.
2.1.3.
Bicristal réel – Joint de grains réel
En pratique, trois types de relaxations atomiques peuvent intervenir : une translation rigide τ d’un cristal par rapport à l’autre, un déplacement du plan du joint d’un vecteur d le long de sa normale (voir Tab. 1.I) et finalement des relaxations locales individuelles des atomes. Ces relaxations collectives ou individuelles dépendent des forces interatomiques, elles entraînent une diminution de l’enthalpie libre du joint de grains. Le vecteur translation rigide a deux composantes dans le plan du joint τ 1 et τ 2 , qui impliquent l’existence d’une périodicité à deux dimensions dans ce plan. Les intensités des vecteurs « planaires » τ // doivent être inférieures à une période de manière à conduire à la formation de structures différentes du joint de grains. Tous les vecteurs possibles, non équivalents par adjonction d’un vecteur de translation du bicristal, forment la maille des déplacements non identiques ou « c.n.i.d » (cell of non identical displacements) (Fig. 1.3) [19]. Le « c.n.i.d. » peut être défini comme la maille de Wigner-Seitz du plan vectoriel formé par les vecteurs du réseau DSC contenus dans le plan du joint (Sect. 2.3). Le concept de « c.n.i.d. », de même que la technique de la surface-γ (voir Chap. 5, Sect. 3.1), étroitement greffée à ce concept prennent une importance particulière pour l’analyse des processus de relaxation des contraintes associées aux dislocations intergranulaires (partie 2). La troisième composante τ 3 ou τ ⊥ de la translation rigide est perpendiculaire au plan du joint et correspond à une pure expansion (Tab. 1.I). Dans l’approche de Bollmann [5, 6] la translation rigide est considérée nulle (ττ = 0).
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F IG . 1.3 – La maille des déplacements non identiques (c.n.i.d.) dans un réseau bidimensionnel.
Le dernier degré de liberté microscopique, le déplacement de l’interface d, n’est distinct de l’expansion rigide τ ⊥ que pour les joints de grains entre cristaux ayant plusieurs atomes par motif. Dans ce cas, le déplacement du plan du joint entre deux plans atomiques parallèles entraîne la formation de différentes mailles « c.n.i.d. » pour un joint de grains donné. Finalement des relaxations atomiques locales, qui varient d’un atome à l’autre, peuvent être nécessaires pour minimiser l’énergie libre du joint de grains. Elles ne se produisent qu’à proximité étroite de l’interface tandis que les translations rigides s’étendent loin de celle-ci. Les relaxations individuelles des atomes réduisent encore la symétrie bicristalline.
2.2.
Réseau bicolore – Réseau de coïncidence
Le réseau bicolore est obtenu simplement en remplaçant dans les relations (1.9) à (1.11) les groupes d’espace des cristaux par les groupes de symétrie des réseaux cristallins. Bien que ce réseau soit un sous-ensemble du complexe bicolore, nous lui consacrons un paragraphe particulier car il a donné lieu à l’approche la plus utilisée pour l’étude des joints de grains dans les systèmes cubiques et même, moyennant des approximations, dans les systèmes non cubiques. Le réseau CSL est un cas particulier de réseau bicolore (Fig. 1.2) introduit dans l’approche de Bollmann [5,6] où seuls les sous-groupes de translation TI et TII des groupes de symétrie de réseau sont pris en compte. L’intersection des sous-groupes de translation, si elle n’est pas vide, définit un réseau à 1, 2 ou 3 dimensions originellement appelé réseau de sites de coïncidence (CSL pour Coincidence Site Lattice selon l’usage répandu de l’abréviation de la terminologie anglaise) : CSL = I = TI ∩ TII
(1.12)
Le réseau CSL peut aussi être défini comme le plus petit réseau inclus dans les réseaux des deux cristaux. On doit remarquer ici qu’il n’y a aucun site commun entre les cristaux mais seulement des nœuds communs entre les deux réseaux de translation et qu’il aurait été plus judicieux d’appeler ce réseau CL Réseau de coïncidence. Nous utiliserons cependant par la suite la terminologie CSL consacrée.
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GÉOMÉTRIQUE
Le réseau CSL existe en trois dimensions si tous les éléments de la matrice de la transformation A = RD qui relie les cristaux sont rationnels, A et D étant respectivement une matrice de rotation et une matrice de déformation [20]. Un indice de coïncidence Σ, nombre entier, caractérise alors le réseau CSL : Σ=
1 Volume de la maille de coincidence =− Volume de la maille primitive du cristal ρ
(1.13)
ρ est l’inverse de la densité de nœuds communs aux deux réseaux cristallins dans le réseau CSL. Dans les matériaux de symétrie cubique, les indices de coïncidence sont tous impairs et sont reliés à l’angle et à l’axe de rotation, θuvw, entre les cristaux par les expressions suivantes [16] : Σ = [n 2 + m 2 λ2 ]α (1.14) √ avec m et n deux nombres entiers premiers : λ = u 2 + v 2 + w 2 et α généralement égal à 1 ou 1/2 De plus, l’indice Σ est relié aux indices du plan du joint (hkl ) : tg(θ/2) = mλ/n
Σ = n(h 2 + k 2 + l 2 )
et
avec
n = 1 ou
1/2
(1.15)
L’indice de coïncidence varie d’une manière discontinue avec l’angle de rotation entre les cristaux autour d’un axe donné. Le tableau 1.III présente un exemple de ces variations pour des joints de grains de matériaux cubiques d’axe de désorientation 110 qui servent souvent de modèles de structures intergranulaires dans l’ouvrage. TAB . 1.III – Exemples, dans le cas de structures cubiques, de certaines valeurs prises par l’indice de coïncidence Σ pour des rotations entre cristaux autour de 110 d’angles inférieurs à 70◦ 53.
θ◦110
0 26,53 31,59 38,94 50,48 58,99 70,53
Σ 1 19 27 9 11 33 3
L’évolution de l’énergie intergranulaire des joints de flexion symétrique 110 en fonction de la désorientation θ (Fig. 1.4) montre qu’aucun rapport biunivoque n’existe entre la valeur de Σ et l’énergie [21]. En particulier, l’énergie du joint Σ9 est plus élevée que celle de Σ11 et, pour une même valeur de Σ, l’énergie dépend du plan du joint : très basse pour Σ3 {111}, elle a une valeur élevée pour Σ3 {211}, comparable à celle des joints généraux voisins.
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F IG . 1.4 – Évolution de l’énergie intergranulaire (en mJ. m−2 ) calculée à 0 K pour des joints de flexion symétrique 110 de l’aluminium en fonction de la désorientation θ. (D’après G. Hasson et al. [21].)
On peut toujours définir des relations de coïncidence dite « exacte » entre cristaux dans la mesure où la rotation qui relie l’un des cristaux à l’autre s’exprime par une matrice rationnelle. Pour les matériaux cubiques, cette condition implique seulement un axe de rotation rationnel. Des tables donnant toutes les relations de coïncidence dans les systèmes cubiques ont été établies par Warrington [22] et Grimmer [23]. Une liste reportant ces relations jusqu’à la valeur Σ = 101 a été fournie par Mykura [14]. Le réseau de coïncidence peut être réduit à une ou deux dimensions, quelle que soit la symétrie des cristaux. Par ailleurs, l’établissement de relations de coïncidence, c’est-à-dire la détermination d’une maille multiple commune à deux cristaux désorientés, dans des structures de symétrie moindre que cubique devient complexe et exige souvent une déformation complémentaire. Dans ces matériaux, la rotation seule ne peut pas, dans la plupart des cas, donner lieu à une coïncidence exacte mais seulement à une coïncidence approchée. Ces notions de coïncidence réduite dans l’espace et de coïncidence approchée seront traitées ultérieurement dans la section 2.4.3.
2.3.
Réseau DSC
Le réseau DSC complète l’approche de la symétrie du biréseau. À partir de deux réseaux interpénétrés en coïncidence, translatons l’un deux d’une manière quelconque, il n’y a plus de maille multiple commune caractéristique de la coïncidence antérieure. Cependant, pour certains vecteurs de translation, cette maille est reproduite avec simplement un déplacement de son origine. L’ensemble des vecteurs de translation qui possèdent cette propriété est appelé le réseau DSC pour Displacement Shift Complete, selon l’appellation originelle de Bollmann, puis d’une
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GÉOMÉTRIQUE
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manière plus explicite, Displacement Symmetry Conserving selon Pond et Bollmann [24]. Il n’y a pas d’équivalent français, seul le sigle DSC est utilisé. Mathématiquement, le réseau DSC est le réseau union des sous-groupes de translation des deux réseaux cristallins : DSC = U = TI ∪ TII .
(1.16)
Il peut aussi être défini comme le réseau le plus large qui contient les réseaux des deux cristaux. Il est formé par les combinaisons linéaires de tous les vecteurs de base de translation d’un nœud du cristal I à un nœud du cristal II, les deux réseaux étant en position de coïncidence. Les vecteurs du réseau DSC sont souvent donnés sous forme matricielle, de manière consistante, c’est-à-dire que le produit vectoriel des deux premiers donne le troisième. Par exemple : Σ3 Σ11 3 −7 2 −1 2 2 a/22 −2 1 6 a/6 2 −1 2 −3 −4 −2 1 1 −2 ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ b1 b2 b3 b1 b2 b3 Le réseau de coïncidence et le réseau DSC correspondant à Σ11 dans les matériaux de symétrie cubique sont représentés sur la figure 1.5 mettant en évidence les vecteurs de base dans le plan de projection (101) : b1 = a/22 [3-2-3]I et b3 = a/11 [13-1]I . Cette construction sera utilisée lorsque nous présenterons des exemples de défauts linéaires des joints de grains (partie 2, Chap. 4) Les intensités des vecteurs élémentaires du réseau DSC diminuent lorsque l’indice de coïncidence Σ augmente et deviennent infiniment petits lorsque Σ tend vers l’infini. Cependant, lorsque la coïncidence est réduite à deux (ou une) dimensions, des vecteurs peuvent conserver une longueur non négligeable lorsque Σ augmente. En particulier, si la coïncidence n’existe qu’à une dimension, deux vecteurs tendent vers zéro mais le troisième, sensiblement parallèle à l’axe de rotation, peut rester à peu près constant bien que Σ tende vers l’infini. La considération des vecteurs du réseau DSC (pas nécessairement élémentaires) prend toute son importance dans la description en termes de dislocations d’un joint de grains à grand angle proche d’une désorientation de coïncidence (Chap. 2, Sect. 3.2). Les réseaux DSC ont été déterminés, conjointement aux réseaux de coïncidence exacte et rationnelle, pour différents systèmes cubiques et, dans le cas des systèmes non cubiques, pour différents rapports paramétriques [6].
2.4. 2.4.1.
Extension de la notion de coïncidence Coïncidence planaire ou bidimensionnelle (2D)
Le joint de grains étant généralement un défaut à deux dimensions, seule la périodicité dans son plan peut avoir une signification physique. La périodicité 3D entre
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F IG . 1.5 – Réseaux CSL (traits pleins) et réseaux DSC (traits pointillés) pour un joints de grains Σ = 11 50◦ 48 110 dans un matériau CFC.
les réseaux interpénétrés n’est qu’une référence géométrique qui permet, entre autres, de dériver les relations d’orientation possibles entre deux phases dans le cas d’une interface. Par ailleurs, lorsque la période perpendiculaire au plan du joint augmente considérablement, Σ tend vers l’infini et seul un réseau de coïncidence bidimensionnelle peut exister. Une notion complémentaire doit alors être introduite : c’est la densité de sites de coïncidence dans le plan du joint de grains (DSCP) qui dépend de manière critique de l’inclinaison de ce plan [25]. Si l’interface est commensurable, cette densité planaire de sites de coïncidence Γ est une fraction rationnelle de Σ et est égale à 1 lorsque tout site dans le plan du joint est un site de coïncidence (le plan du joint est alors le plan miroir ou plan de macle). Pour un joint de coïncidence Σ = 9, elle peut prendre les valeurs 1, 1/3, 1/9 et 0 (aucun site commun dans le plan du joint). La coïncidence bidimensionnelle est définie par un indice de coïncidence planaire : σ = 1/Γ
(1.17)
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σ est aussi égal au rapport de la plus petite maille commune aux deux cristaux sur celle de la maille primitive dans le plan du joint. Dans un premier temps, on peut penser que la position du plan du joint qui influence fortement cette coïncidence planaire aura des conséquences importantes sur les propriétés intergranulaires. Cependant la pertinence physique de cette coïncidence en tant que critère énergétique fait l’objet de polémique. En particulier, il faut distinguer entre les plans denses du réseau CSL (DSCP = 1), qui ont le plus souvent des indices de Miller élevés, et les plans denses des cristaux. Seule la macle Σ = 3 dans les matériaux CFC, possède un plan commun {111} qui est en même temps le plan dense du CSL et du cristal. Pour tout autre joint de grains se pose la question de la configuration privilégiée dans la formation de l’interface : plan dense du cristal ou plan dense du CSL ? La densité de coïncidence planaire est souvent calculée en faisant l’hypothèse qu’une surface courbe peut toujours être décomposée en facettes planes et qu’on peut toujours approximer une surface quelconque à une surface voisine de faibles indices. Une coïncidence bidimensionnelle exacte peut théoriquement exister dans les systèmes cubiques si l’axe de rotation n’est pas rationnel. Elle se rencontre surtout dans les matériaux non cubiques ne présentant pas de coïncidence rationnelle à trois dimensions. Le plan {1-102} de la macle rhomboédrique de l’alumine en est un bon exemple. Mais, très souvent dans ces systèmes, la coïncidence bidimensionnelle n’est qu’approchée.
2.4.2.
Coïncidence unidimensionnelle (1D) ou modèle du « Plane Matching »
Initialement proposé par Pumphrey [26], le modèle dit Plane Matching (accord de plans) est équivalent à une coïncidence unidimensionnelle autour d’un axe dans le plan du joint aussi appelé CAD pour Coïncident Axial Direction [27]. De part et d’autre d’un joint de grains, il existe au moins deux familles de plans de mêmes indices, de densité atomique relativement élevée, qui sont en bon accord. Les traces de ces plans dans le plan du joint correspondent à des rangées très légèrement inclinées les unes par rapport aux autres et/ou dont les espacements diffèrent quelque peu (Fig. 1.6). Ces rangées ayant une forte densité atomique, des relaxations interviennent nécessairement dépendant de la périodicité dans le plan du joint. Les champs des contraintes périodiques sont observables en microscopie électronique en transmission comme un phénomène de « pseudo-Moiré », les lignes opaques correspondant aux régions présentant le plus grand désordre atomique dans le plan du joint. Ce modèle est équivalent à celui de la semi-cohérence pour les interfaces interphases. Un tel phénomène a été observé dans des joints de flexion, de torsion ou mixtes pour un bon registre des plans {200}, {220} et {111} dans les matériaux CFC et seulement {110} dans les matériaux CC. Il concerne des joints de grains éloignés de toute coïncidence tridimensionnelle. C’est le cas dans l’or pour un joint de flexion θ = 42◦ {001} présentant un écart supplémentaire de torsion de 4◦ dont la périodicité a pu être expliquée par un bon accord des plans {200} (Fig. 1.7) [28].
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F IG . 1.6 – Schéma permettant d’expliquer le modèle de coïncidence unidimensionnelle ou « accord de plans » : (a) traces légèrement désorientées dans le plan du joint des plans de mêmes indices dans cristaux I et II (traits fins) et franges de pseudo-Moiré distantes de d qui en résultent (traits gras), (b) les espacements, dans le plan du joint, des traces de deux familles de plans dans chaque cristal diffèrent.
F IG . 1.7 – Géométrie d’un joint mixte ayant une composante fondamentale de flexion de θ = 42◦ [001] et un écart supplémentaire faible de torsion α montrant le bon accord des plans {200} des cristaux adjacents.
Le modèle précédent équivaut, selon la méthode du réseau CSL, à une coïncidence selon un axe dans le plan du joint lorsque simultanément Σ → ∞ et σ → ∞. Dans ce cas, les intensités des vecteurs b1 et b2 du réseau DSC situés dans un plan perpendiculaire à l’axe de rotation fondamental s’annulent mais le vecteur b3 , sensiblement parallèle à cet axe est indépendant de la valeur de Σ, sa longueur
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reste voisine d’une distance interréticulaire. La réalité physique du modèle dépend donc uniquement des indices de l’axe fondamental de la rotation entre les cristaux. Cette coïncidence a un intérêt considérable dans les matériaux polycristallins où elle a une plus grande probabilité de se manifester que la coïncidence tridimensionnelle, en particulier dans les matériaux texturés. Notons que tout phénomène périodique peut, a priori, être interprété sur la base du formalisme de Bollmann.
2.4.3.
Coïncidence exacte et coïncidence approchée
La plupart des ouvrages sur les joints de grains restent très discrets sur la notion de coïncidence approchée bien que de nombreux matériaux ne sont pas de structure cubique. Pour pallier ce manque et parce que cette coïncidence plus complexe implique une spécificité dans la description en termes de dislocations des joints de grains de nombreux matériaux hexagonaux (zinc, titane, cobalt. . .) et rhomboédriques (hématite, alumine. . .), attachons-nous maintenant à entrer un peu plus profondément dans les problèmes que pose la notion de coïncidence. Lorsque deux réseaux de symétrie hexagonale (ou rhomboédrique) sont désorientés et interpénétrés, seules des rotations autour de l’axe de symétrie sénaire (ternaire si symétrie rhomboédrique) peuvent donner lieu à des réseaux de coïncidence à trois dimensions, quel que soit le rapport c/a. Ces rotations « communes » à tous les matériaux hexagonaux sont dites « exactes » (analogie avec la notion de coïncidence dans les systèmes cubiques). Elles sont décrites par des matrices rationnelles dans un système de coordonnées ayant pour base le réseau du cristal I ou celui du cristal II. Pour tout autre axe de la rotation reliant un cristal à l’autre, il n’y a aucun angle de rotation permettant de faire correspondre exactement deux mailles non primitives des cristaux I et II. Cependant, pour certaines rotations dites « spécifiques », deux de ces mailles multiples M1 et M2 peuvent être approximativement superposées. La maille sensiblement « commune » ainsi définie a un indice de multiplicité (ou de coïncidence) défini comme précédemment pour le système cubique. Deux indices Σ1 et Σ2 sont alors requis pour définir la coïncidence. À ces rotations spécifiques sont associées des coïncidences dîtes « rationnelles » ou de « proche coïncidence ». Une relation exacte exige une matrice de rotation rationnelle, or pour un joint de grains d’un matériau hexagonal, celle-ci dépend du rapport c/a. Seules certaines valeurs de ce rapport, correspondant à un matériau idéal « fictif », autorisent une parfaite coïncidence. Pour un matériau réel dont le rapport c/a est voisin du matériau idéal, ces rotations spécifiques amènent les mailles multiples en coïncidence approchée, une déformation de ces mailles est nécessaire pour parfaire leur superposition. La transformation qui relie la maille M1 à la maille M2 consiste alors en une rotation suivie d’une déformation : A = R.D
(1.18)
La manière de dériver les réseaux CSL correspondant à des joints de grains de coïncidence d’indice Σ et pour différents systèmes cristallins a été explicitée en
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particulier par Warrington [29], Grimmer [20] et Bonnet et Cousineau [30]. Des tables de coïncidence ont été établies pour le système hexagonal en prenant en compte différentes valeurs du rapport c/a [31, 32]. Une approche plus complète de la détermination des relations de coïncidence a ensuite été développée pour les systèmes hexagonaux [33] puis pour les systèmes rhomboédriques [34]. La figure 1.8 illustre un cas de coïncidence approchée bidimensionnelle dans l’alumine pour un joint asymétrique, le plan (0001)I étant parallèle à (1011)II . Deux mailles multiples communes peuvent être sélectionnées [35] :
F IG . 1.8 – Représentation schématique de deux mailles possibles de proche coïncidence dans le plan du joint (0001)I // (1011)II dans l’alumine. Les indices de coïncidence dans le plan du joint sont : pour la maille en traits pleins (UU′ ), σI = 87 σII = 26 et pour la maille en traits pointillés (VV′ ), σI = 87 σII = 26. (D’après S. Lartigue et L. Priester [35].)
– La maille M1 construite sur les vecteurs (U, U′ ) correspond à des indices de coïncidence élevés σI = 87, σII = 26, mais à des petits désaccords des vecteurs de base de la maille : δ = 0,014 pour les vecteurs UI // UII et δ = 0,002 pour U′ I // U′ II . – La maille M2 construite sur les vecteurs (V, V′ ) présente des indices de coïncidence plus petits σI = 39 et σII = 12, mais des déformations plus grandes : δ = 0,069 pour VI // VII et δ = 0,039 pour V′ I // V′ II .
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Cette intrusion dans les notions plus complexes de coïncidence a surtout pour objectif d’attirer l’attention du lecteur sur le fait que la transformation A, pour obtenir une coïncidence, est souvent le produit d’une rotation par une déformation (expansion, contraction ou cisaillement). On peut approximer un joint réel à différentes coïncidences rationnelles de désorientations voisines moyennant différentes déformations. La déformation peut être choisie la plus petite possible au détriment d’une valeur élevée de Σ. La question qui se pose alors est : quelle est la description la plus proche de la réalité, grand indice de coïncidence mais petite déformation ou l’inverse ? Seule la détermination de la structure de dislocations du joint peut permettre de répondre à cette question (voir Chap. 2, Sect. 3.2).
2.5.
Généralisation de la coincidence : réseau-0 et réseau-02
L’approche de Bollmann est à la base de la description de la structure du joint de grains en termes de dislocations. Selon cette approche, tout joint de grains qui s’écarte d’un invariant, monocristal ou réseau CSL, a tendance à retrouver cette configuration, soit par une translation du réseau du cristal, soit par une translation du réseau DSC. Des défauts de translation interviennent alors pour construire la structure du joint de grains : ce sont les dislocations intrinsèques ou structurales (Chap. 2, Sect. 3). Leur description nécessite d’introduire un concept de coïncidence généralisée, ou « réseau-0 » [5, 6]. Ce concept est inclus dans la cristallographie standard, son outil essentiel est la théorie des groupes.
2.5.1.
Réseau-0
Le réseau CSL n’existe que pour certaines désorientations des joints de grains. Considérant que l’invariant monocristallin doit être préservé quelle que soit l’orientation relative de deux cristaux, Bollmann étend le concept de coïncidence avec l’introduction du « réseau-0 » [5]. Contrairement au réseau CSL, le réseau-0 est réellement un réseau de sites de coïncidence. C’est le lieu de tous les points en bon accord séparant les régions en mauvais accord entre les deux cristaux voisins. Les sites de coïncidence appelés points 0 peuvent avoir des coordonnées internes aux mailles des cristaux I et II ; en conséquence et contrairement au réseau CSL (Tab. 1.III), le réseau-0 varie continûment avec l’angle de rotation θ entre les cristaux. Lorsque le réseau CSL existe, il est un sous-réseau du réseau-0 (Fig. 1.9). L’appellation « réseau-0 » vient du fait que chaque point 0 peut être considéré comme origine de la rotation qui relie les deux cristaux. Un point x appartient au réseau-0 s’il reste invariant lorsqu’on lui applique la transformation qui relie le cristal I au cristal II (équation (1.1)). L’équation fondamentale du réseau-0 est donc : x0 = (A/ττ )GI x0
(1.19)
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F IG . 1.9 – Réseau-O pour un joint de grains Σ = 5, 36◦ 87 [001] (310) dans un matériau de structure cubique diamant. Les mailles des cristaux sont en traits fins. Le lieu 0 est constitué de plans (traces en traits pleins) et de droites (traits pointillés). Sur les côtés de la maille CSL (ABCD) sont indiquées les cotes des traces et lignes du réseau-0.
Dans le formalisme de Bollmann (G = T et τ = 0, l’équation (1.19) devient : x0 = (A)GI x0 = Ax0 + Bm
(1.20)
Bm est un vecteur de translation du cristal I (l’indice m indique matrice). D’où l’équation fondamentale du réseau-0 valable quelle que soit la symétrie du matériau, A pouvant être une rotation ou une déformation seule ou encore le produit d’une rotation par une déformation : (I − A−1 )x0 = Bm
(1.21)
où I est la matrice identité. Si A est une expansion ou un cisaillement, le réseau-0 est constitué de points ou de plans respectivement. Pour les joints de grains du système cubique centré et faces centrées : (I − R−1 )x0 = Bm
(1.22)
où R est la matrice de la rotation qui relie le cristal I au cristal II. C’est sous cette forme que nous l’utiliserons ultérieurement et, dans ce cas, le réseau-0 est formé de lignes. La pluralité des descriptions (rotations équivalentes) décrivant la même relation d’orientation entre cristaux conduit à l’existence de plusieurs réseaux-0. Cette ambiguïté sera discutée lorsque nous décrirons le joint de grains en termes de dislocations.
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2.5.2.
GÉOMÉTRIQUE
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Réseau-02
Un joint de grains à grand angle présente généralement un écart angulaire ∆θ autour d’un axe [u ′ v ′ w ′ ] par rapport à une désorientation de coïncidence proche définie par θ[uvw]. Considérant que le second invariant, le réseau de coïncidence, tend également à être préservé, Bollmann introduit un second réseau-0 [5]. De la même manière que le réseau-0 précise les sites invariants entre les deux réseaux de translation des cristaux désorientés de l’angle θ, le réseau dit « réseau-02 » précise les sites invariants entre les réseaux DSC de translation du bicristal tournés de l’angle ∆θ autour de [u ′ v ′ w ′ ]. Dans le cas des systèmes cubiques, une équation similaire à (1.22) définit le réseau-02 : (1.23) (I − D−1 )x02 = bDSC(I) dans laquelle D est la matrice écart entre la rotation réelle entre les cristaux et la rotation de coïncidence exacte la plus proche et bDSC est un vecteur de translation du réseau DSC, pas nécessairement élémentaire. L’ensemble des points-02 qui satisfont cette équation sont les points invariants entre le réseau DSCI du réseau I, choisi comme réseau de référence, et le réseau DSCII obtenu à partir de I par la transformation D = Rréel . R−1 coin. . Le réseau-02 existe toujours et varie continûment avec l’écart angulaire ∆θ à la désorientation de coïncidence. Contrairement au réseau-0 qui diffère selon le choix de la rotation relative entre les cristaux parmi les rotations équivalentes, le réseau-02 est unique car la matrice D est unique. En effet on choisit toujours pour déterminer D la rotation de coïncidence la plus voisine de la rotation réelle et l’écart entre les deux rotations est toujours le même. Pour les joints dans des structures de symétrie non cubique, la matrice écart doit prendre en compte la relation de coïncidence approchée et elle est alors le produit d’une rotation par une déformation.
2.6.
Intérêt et limite de l’approche de Bollmann
Le formalisme de Bollmann ne prédit que les relations d’orientation favorisées entre les cristaux et non les plans préférentiels des joints de grains desquels dépendent les structures en termes de dislocations et l’énergie interfaciale. Une relation d’orientation particulière n’implique pas forcément un plan particulier et réciproquement. Plusieurs critères ont été avancés pour prédire le plan du joint, ils sont présentés dans le chapitre 5 en même temps que l’énergie intergranulaire. Les réseaux-0 et -02 sont utilisés pour décrire les joints en termes de dislocations structurales dites le plus souvent « intrinsèques ». Ces dislocations sont mathématiquement nécessaires, elles doivent se localiser à mi-distance entre les régions de bon accord prédites par les lieux 0 et 02. Mais les dislocations physiques, présentes réellement dans un plan de joint de grains, peuvent ou non correspondre aux dislocations géométriques selon les relaxations locales mises en jeu pour minimiser l’énergie intergranulaire qui dépendent des interactions atomiques.
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Malgré ces restrictions, une bonne connaissance de la bicristallographie, dont le modèle de Bollmann n’est qu’un aspect particulier, est une plate-forme nécessaire, que l’on approche le joint en termes de dislocations ou que l’on s’intéresse à sa structure atomique.
3.
Les différents types de joints de grains : terminologie
Nous ne visons pas ici une classification des joints de grains, qui sera abordée après la présentation de tous les modèles structuraux, nous voulons simplement familiariser le lecteur avec une terminologie propre aux joints et soulever quelques ambiguïtés inhérentes à celle-ci. Dans le prologue, nous avons identifié les interfaces homophases aux joints de grains. En réalité, les interfaces entre deux cristaux de même phase comprennent également les parois des domaines d’ordre et les fautes d’empilement obtenues en réduisant l’opération d’interface à τ dans l’expression (1.1). La terminologie présentée ici s’intéresse uniquement aux joints de grains. Il faut tout d’abord souligner qu’aucune dénomination des joints n’est vraiment satisfaisante, car elle dépend de l’échelle à laquelle on se place ou, ce qui est équivalent, de l’instrument d’observation. Une distinction des joints de grains à l’échelle macroscopique/mésoscopique est basée sur les paramètres géométriques « moyens » tels qu’ils sont mesurés en rayons X, diffraction des électrons rétrodiffusés ou par microscopie électronique en transmission conventionnelle. Pour chaque type de joint, on précise quels sont ses degrés de liberté macroscopiques. Une distinction à l’échelle atomique repose sur la connaissance des paramètres géométriques microscopiques, déterminés en microscopie électronique en transmission à haute résolution et/ou obtenus par simulation. Les observations des joints de grains à différentes échelles entraînent des ambiguïtés de terminologie.
3.1.
Terminologie basée sur les paramètres macroscopiques
On distingue en tout premier lieu les joints de grains de faible angle, généralement θ < 15◦ (cette limite peut différer quelque peu selon les matériaux) et les joints de grains de grand angle. Les sous-joints de grains sont des joints de faible angle, cette appellation étant réservée aux parois qui se forment à l’intérieur d’un grain par arrangement des dislocations suite à un écrouissage. Au contraire, on parle d’un joint de grains à faible angle pour un joint entre deux cristaux faiblement désorientés provenant directement de l’élaboration du matériau : solidification, frittage. . . Parmi les joints de grains à grand angle, ceux qui correspondent à une relation de coïncidence sont dits joints coïncidents. S’ils s’écartent un peu de cette position, ils sont de proche coïncidence ; on réserve le terme général à des joints éloignés de toute coïncidence d’indice Σ relativement faible. Cette appellation, fort utilisée pratiquement, ne présume en rien de la périodicité et de l’énergie du joint car
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elle n’est basée que sur la notion de coïncidence sans prise en compte du plan du joint de grains. Un joint de grains est dit de flexion ou de torsion selon que l’axe de rotation est contenu dans le plan du joint ou perpendiculaire à ce plan. Pour tout autre orientation de l’axe de rotation, il est dit mixte « flexion/torsion ». Pour bien mettre en évidence les degrés de liberté de ces différents joints, on se réfère aux définitions de ces paramètres données par D. Wolf (voir Sect. 1.1). Un joint de flexion est parfaitement défini par les deux normales à son plan nI et nII , l’axe de rotation est l’axe de zone des deux plans et l’angle de rotation est l’angle entre les deux plans. Pour décrire un joint de flexion, on a donc besoin généralement de quatre degrés de liberté. Un joint de torsion possède trois degrés de liberté : deux pour la normale au plan (axe de rotation), commune aux deux cristaux, et un pour l’angle de torsion θ. Seuls les joints mixtes impliquent les cinq degrés de liberté, on les assimile parfois aux joints vraiment « généraux » (voir discussion ultérieure). La distinction flexion/ torsion n’est pas sans ambiguïté, par exemple dans un matériau centrosymétrique, tout joint de flexion symétrique de plan {hkl } peut être décrit comme un joint de torsion de 180◦ autour de [HKL]. Un joint de torsion asymétrique peut être vu comme un joint de flexion asymétrique qui a subi une rotation supplémentaire autour de la normale à son plan. Cette ambiguïté est inhérente à toute définition géométrique d’un joint de grains. Un joint de grains de flexion est dit asymétrique si le plan du joint possède des indices de Miller différents dans les deux cristaux {hkl }I = {hkl }II ; dans ce cas, le joint possède bien quatre degrés de liberté. Si le plan du joint a des indices de Miller identiques {hkl }I ≡ {hkl }II , le joint est dit symétrique ; le nombre de degrés de liberté nécessaire pour le décrire est réduit à deux. Nous adoptons par la suite la dénomination habituelle suivante : un joint de grains de flexion symétrique (ou joint symétrique de flexion) est défini par θ uvw {hkl } ou, s’il est coïncident, par Σ {hkl } ; s’il est asymétrique, les indices des plans sont donnés dans les deux cristaux {hkl }I // {hkl }II . Un joint de torsion est défini par θ uvw ou par Σ {hkl }. Un joint de grains symétrique de flexion est aussi connu sous le nom de macle, son plan médian étant un plan miroir pour chacun des cristaux, s’ils sont centrosymétriques. Il ne faut pas confondre le plan médian (objet mathématique) avec le plan moyen du joint {hkl }, ce dernier étant simplement tourné de θ/2 par rapport au plan miroir. Par exemple la série des joints de grains symétriques de flexion autour de [1-10] a pour plan médian (110) qui n’est confondu au plan du joint que pour Σ = 1 (monocristal). Dés qu’une rotation θ entre les cristaux intervient et si le joint est symétrique, un des cristaux est tourné de +θ/2, l’autre de −θ/2 par rapport au plan médian. Le plan moyen du joint est alors obtenu en considérant les deux plans de mêmes indices initialement confondus avec (110). On obtient une série de joints de grains symétriques dont les indices des plans s’écrivent tous (hhl ) : avec θ croissant, on a successivement (331), (221), (332). . . (111). . . Cette suite correspond à Σ = 19, Σ = 9, Σ = 11, Σ = 3, respectivement. Dans les systèmes cubiques, seuls les plans {100} et {110} peuvent être des plans médians ce qui restreint les possibilités pour les indices des axes de flexion des joints symétriques.
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Notons que la distinction « symétrique/asymétrique » concerne jusqu’à présent le plan du joint de grains défini macroscopiquement et ne tient pas compte du phénomène de « formation de facettes » qui apparaît souvent dans les joints réels. Seule l’orientation moyenne du plan est ici considérée. Un joint de grains asymétrique peut être commensurable ou incommensurable selon qu’il existe ou non une périodicité dans le plan du joint, dans une direction au moins. Dans les matériaux de symétrie cubique, un joint de grains est incommensurable si le rapport (h21 + k21 + l21 )/(h22 + k22 + l22 ) = A1 /A2 est irrationnel, hi , ki et li étant les indices de Miller du plan du joint dans le cristal i ; par exemple le joint de grains de plan (111)1 parallèle à (331)2 est incommensurable. Si le joint est commensurable, l’indice de coïncidence Σ est égal à (A1 /A2 )1/2 . Dans les matériaux de symétrie moindre, on doit tenir compte des rapports paramétriques, par exemple c/a dans le système hexagonal.
3.2.
Terminologie basée sur les paramètres microscopiques
Les paramètres dits « microscopiques », définis section 1.1, ont en réalité des dimensions bien inférieures au micron, puisqu’elles sont inférieures à une période du réseau d’un cristal. À cette échelle un joint de grains est symétrique, non seulement s’il possède des plans de joint identiques dans les deux cristaux mais si, de plus, aucune translation rigide d’un cristal par rapport à l’autre n’entraîne une perte de symétrie des positions atomiques de part et d’autre du plan du joint. Un joint de grains considéré comme symétrique précédemment peut être asymétrique à l’échelle atomique. On doit donc bien préciser à quelle échelle on se place lorsqu’on parle de symétrie d’un joint de grains. La commensurabilité à cette échelle est traduite par la maille des déplacements non identiques ou « c.n.i.d. » (Chap. 1, Sect. 2.1). Si le joint est commensurable, il possède une périodicité dans son plan, on définit alors une maille du « c.n.i.d. » dont les dimensions sont liées à la densité planaire Γ de sites de coïncidence. Pour un joint incommensurable, la taille du « c.n.i.d. » est égale à zéro.
3.3.
Distinction pratique entre joints de grains
Il nous semble utile d’introduire ici une distinction pratique entre joints de grains selon le degré de connaissance des paramètres que l’on peut atteindre. Les joints étudiés par simulation sont des joints exacts en ce sens que leurs paramètres macroscopiques sont parfaitement fixés, les simulations visant, entre autres, la détermination de leurs paramètres microscopiques. On peut également considérer que les joints symétriques de flexion obtenus par croissance de bicristaux dans les semi-conducteurs sont quasi « exacts », car les paramètres macroscopiques obtenus dévient fort peu de ceux visés dans l’élaboration en raison, en particulier, de la grande pureté des matériaux. En revanche, dans le cas des métaux, les joints fabriqués par diverses techniques d’élaboration de bicristaux (solidification progressive ou soudage/diffusion), dévient toujours plus ou moins des joints désirés, avec une exception pour la macle cohérente. Il est donc nécessaire de vérifier la relation
C HAPITRE 1 – O RDRE
GÉOMÉTRIQUE
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d’orientation et le plan du joint de grains après élaboration d’un bicristal. De plus ces caractéristiques varient généralement avec la position dans le bicristal de la portion de joint examinée. Cependant, bien que différents des paramètres visés, les caractéristiques macroscopiques d’un joint fabriqué et son caractère flexion/torsion peuvent être obtenus avec précision. La dernière catégorie de joints de grains, sans doute la plus importante du point de vue pratique, est celle des joints réels des polycristaux. Les paramètres de ces joints sont incontrôlés et sont généralement déterminés avec moins de précision que ceux des bicristaux. De plus, ces joints sont rarement observables par microscopie électronique à transmission en haute résolution. Une question doit maintenant être soulevée au sujet de l’attribution à un joint de grains dans un polycristal d’un caractère de flexion ou torsion (ou mixte) sur la base de la détermination d’une relation d’orientation. Dans les cas des joints exacts ou des joints fabriqués, ce caractère est fixé, théoriquement dans un cas, expérimentalement dans l’autre. En revanche, la genèse d’un joint réel dans un polycristal n’est pas connue (sauf croissance colonnaire sur substrat). Pratiquement, on obtient une des relations d’orientation entre cristaux parmi toutes les descriptions équivalentes, puis on en déduit souvent la désorientation. Le plan moyen du joint peut ou non être indexé selon le mode d’observation ; notons que cette indication manque souvent dans les études sur polycristaux. Même si le plan est connu, quelle description utiliser pour affirmer que l’axe de rotation est dans le plan moyen du joint ou non ? Dans les études à l’échelle mésoscopique, la relation de rotation et le plan du joint sont déterminés dans un référentiel expérimental (angles d’Euler par exemple) ; alors que le plan du joint est unique, aucune des descriptions de la relation d’orientation ne permet de caractériser le joint (flexion/torsion/mixte) sans examen de son contenu en dislocations (à défaut de sa structure fine). Tout joint de flexion symétrique peut en effet être considéré comme un joint de torsion dont l’axe est celui de la description équivalente d’angle 180◦ (Sect. 1). Par exemple, un joint Σ3 de plan {111} peut être un joint de flexion d’angle 70◦ 32 autour de 110 ou un joint de torsion d’angle 60◦ autour de 111. Pour ce joint, il n’y a aucune conséquence du choix de la description sur sa structure intrinsèque, la macle cohérente étant dépourvue de dislocations. En revanche, l’exemple suivant permet de mieux situer les conséquences de ce choix sur la structure intergranulaire. Les caractéristiques géométriques d’un joint de grains d’un polycristal sont déterminées expérimentalement : la relation d’orientation entre grains est voisine de 63◦ 211, correspondant à un joint proche de la coïncidence Σ11, son plan de joint est proche de {332} dans chaque cristal. Dans cette description, le joint a un caractère mixte flexion/torsion. Si on considère la description équivalente 180◦ 332, c’est un joint à caractère fondamental de torsion, enfin le choix de la description 50◦ 48 110 lui confère un caractère majoritaire de flexion. Seule la connaissance de la structure de dislocations de ce joint, écarté de la coïncidence exacte, peut permettre de lever l’ambiguïté. De cette structure dépendra la réponse du joint à toute sollicitation : mécanique (fluage), thermique (migration/recristallisation) ou autre. La prudence s’impose donc lorsqu’on établit une distribution des caractères des joints de grains dans un polycristal (voir partie 3).
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Jusqu’à présent, les connaissances sur les structures des joints de grains et sur les relations entre structures et propriétés intergranulaires concernent essentiellement les joints symétriques de flexion ne possédant que deux degrés de liberté. Récemment, quelques joints de torsion (trois degrés de liberté) et des joints de flexion asymétriques et incommensurables (quatre degrés de liberté) ont été étudiés expérimentalement en METHR et leurs structures ont été simulées en utilisant des valeurs approximantes de celles des joints rationnels les plus proches. En revanche, il n’existe pas (ou très peu) d’indication sur les structures des joints « généraux » dont la description nécessite cinq paramètres macroscopiques. Une structure unique correspondant aux cinq paramètres semble peu probable. De tels joints peuvent toujours être formés de portions ayant des caractéristiques plus simples, comme le révèle la formation de facettes. Signalons l’existence d’une classification des joints de flexion symétriques et asymétriques qui, bien qu’uniquement géométrique, est proposée ultérieurement car elle nécessite, pour sa bonne compréhension, la connaissance de la construction de la structure atomique des joints (voir Chap. 5, Sect. 5.2). En conclusion générale de ce premier chapitre, insistons sur la nécessité de connaître la biscristallographie avant d’étudier un joint de grains tant par l’expérience que par la simulation. Mais l’ordre intergranulaire à grande distance prédit par le cristallographe est-il respecté lorsqu’on aborde le joint de grains avec d’autres concepts ? En particulier, y a t-il un ordre des contraintes mécaniques qui nécessairement se développent dans une région défectueuse par rapport au cristal ? Cette question est au cœur du second chapitre.
2
Ordre des contraintes mécaniques
Cet aspect mécanique est particulièrement important pour comprendre le comportement d’un joint de grains lors de la déformation plastique ou de la recristallisation, opérations mettant en jeu des interactions entre défauts plans et défauts linéaires. Deux types d’approches de cette description du joint de grains existent : – L’approche « continue » de Frank [7] et Bilby [8] décrit toute interface comme une surface de dislocations caractérisée par une densité de vecteur de Burgers ou par un tenseur du second rang de surface de dislocations. Cette approche est analogue à la théorie élégante développée ultérieurement par Kröner pour rendre compte des contraintes, des énergies et des courbures introduites dans un matériau par des sources de contrainte interne [36, 37]. – L’approche « discrète » de Bollmann [5, 6], qui repose sur la bicristallographie, considère des dislocations aux centres des régions perturbées entre des régions ordonnées. Elle généralise à tout joint de grains la première idée de l’existence d’un ordre intergranulaire, avancée par Read et Shockley [4]. Elle s’appuie sur les notions de symétrie introduites au chapitre 1.
1.
Approche continue – Équation de Frank et Bilby
À la suite de Frank qui décrit la distribution des dislocations dans un joint de faible angle [7], Bilby introduit un traitement de la distribution des dislocations dans une surface qui délimite deux grains I et II présentant entre eux une discontinuité de distorsion [8] : (1.24) εijk nl βIsj − εijk nl βII sj = αks avec αks le tenseur de densité de dislocations de surface, k et s se réfèrent au vecteur de Burgers et à la ligne des dislocations, n est la normale au plan du joint pointant du grain I vers le grain II et εijk est le tenseur de permutation (εiij = 0). Cette approche est, pour la distribution en deux dimensions, équivalente à l’approche généralisée en trois dimensions par Kröner dans laquelle la distribution continue des dislocations est décrite par un tenseur de densité de dislocations
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α relié à la distorsion β par [36, 37] : rot β = α
(1.25)
L’expression (1.24) reformulée par Christian en notation matricielle conduit à l’équation connue sous le nom d’équation de Frank et Bilby qui donne la densité de vecteurs de Burgers B nécessaire pour réaliser la compatibilité à l’interface entre les deux cristaux I et II : −1 B = (S−1 I − SII ).X
(1.26)
SI et SII sont les transformations affines qui génèrent les réseaux des cristaux I et II à partir d’un système de référence (Fig. 1.10), X est un vecteur, de relativement grande intensité, dans le plan de l’interface et B est le contenu en vecteurs de Burgers de toutes les dislocations traversées par le vecteur X. Si cette équation est satisfaite, l’interface est dépourvue de contraintes à longue distance.
F IG . 1.10 – Schéma explicitant comment les réseaux des cristaux I et II constituant un bicristal sont générés à partir d’un système de référence XYZ par les transformations SI et SII , respectivement.
L’équation (1.26) est valable pour toute interface. Bien qu’ayant restreint notre approche aux joints de grains, il nous a semblé particulièrement important à ce stade de montrer sa généralité. Pour les joints de grains dans les systèmes cubiques, une relation simple relie les réseaux SI et SII à la rotation R entre les cristaux : R = SII .S−1 I . L’équation (1.26) devient alors équivalente à celle du réseau-0, dans laquelle I est la matrice identité : B = (I − R−1 )X
(1.27)
Dans les équations (1.26) et (1.27), B n’est pas considéré comme une somme de vecteurs de Burgers discrets appartenant au réseau de translation du cristal ou au réseau DSC. Une telle discrétisation dépend des processus de relaxation et n’a aucune signification lorsque la densité de dislocation est élevée.
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DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
33
B peut être déterminé en utilisant le circuit de Frank analogue au circuit de Burgers pour les dislocations du cristal mais entourant le joint de grains (Fig. 1.11). Un vecteur X = XII est tracé dans le plan du joint, indexé dans le réseau II, il est obtenu par la rotation R d’un vecteur XI dans le réseau I : XI = R−1 XII .
F IG . 1.11 – Circuit de Frank : un vecteur XI = XII est tracé dans le réseau I, puis il est entouré d’un circuit fermé commençant et finissant à l’origine de ce vecteur. Le même circuit est reproduit autour du plan du joint de grains : il commence à l’extrémité de XII , vecteur dans le plan du joint obtenu par rotation θ du vecteur XI , passe par l’origine ◦ des deux vecteurs dans le plan du joint et se termine à l’extrémité de XI . Ce circuit présente un défaut de fermeture B donné par l’équation (1.27) en remplaçant X par XII .
Pour des joints de grains symétriques, si un réseau médian entre ceux des deux cristaux est considéré comme système de référence, les réseaux I et II sont déduits de cette référence par des rotations égales et opposées (±θ/2) autour d’un axe ρ, l’expression (1.27) prend la forme bien connue de la formule de Frank : B = 2 sin(θ/2)(X ∧ ρ)
(1.28)
et si de plus X est perpendiculaire à l’axe de rotation : B = 2 sin(θ/2)|X|.
(1.29)
L’absence de contraintes à longue distance autour de l’interface peut être traduite par l’existence de deux distributions continues de dislocations ayant des densités vecteurs de Burgers opposées qui s’annulent. L’une générant des contraintes est formée de dislocations dites de cohérence, l’autre annihilant ces mêmes contraintes
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est formée de dislocations d’anticohérence. Pour une description détaillée de cette approche, nous suggérons au lecteur de se rapporter au livre de Sutton et Balluffi [12] et aux articles de Olson et Cohen [38] et de Bonnet [39, 40].
2.
Approche discrète – Modèle de Read et Shockley
Les études sur les murs de dislocations coin dans un cristal, reconnus plus tard comme des joints symétriques de flexion de faible angle, se sont développées une vingtaine d’années avant le premier modèle explicite de la structure de tels joints dû à Read et Shockley [4]. Ce modèle relie l’angle de désorientation θ du joint de grains à l’espacement d et au vecteur de Burgers b des dislocations coin formant un réseau périodique dans le plan du joint (Fig. 1.12) : d=
|b| θ
(1.30)
F IG . 1.12 – Schéma d’un joint de grains symétrique de flexion selon Read et Shockley. L’axe de flexion est perpendiculaire au plan de la figure.
La formule classique de Read et Shockley donne l’énergie intergranulaire en fonction de l’angle de désorientation, dans la limite des faibles angles : γθ = γ0 θ(A − ln θ)
(1.31)
γ0 = µb/4π(1 − ν) et A = ln b/r0 avec µ, le module de cisaillement, ν le coefficient de Poisson et r0 le rayon de cœur des dislocations. L’équation (1.31) s’obtient aisément en faisant la somme des énergies élastiques des dislocations coin (de longueur unité) contenues dans une unité de surface du joint de grains (le nombre de dislocations N = 1/d). Ce calcul peut se faire dans la mesure où les dislocations sont suffisamment éloignées l’une de l’autre (faible angle θ) et en considérant que l’extension de leurs champs de contraintes est égale à leur distance. Initialement établie pour θ < 15◦ , cette équation est fondamentale. En effet, peu après avoir établi leur modèle, Read et Shockley prédisent
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DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
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son efficacité pour des joints de grains à grand angle formés de dislocations (ou de plusieurs réseaux de dislocations) uniformément espacées. En 1989, D. Wolf propose, en remplaçant θ par sin θ, une extrapolation empirique de cette formule à des joints de grains à grand angle de flexion et de torsion, ayant le même plan moyen [41]. En 1947, Lacombe et Beaujard [42] révèlent l’existence de sous-joints dans des monocristaux d’aluminium grâce à leur attaque préférentielle sous forme d’alignements de figures de corrosion. Mais aucune relation ne fut alors établie entre ces figures et les dislocations intergranulaires. En 1950, Shockley et Read suggèrent une possible corrélation entre leur modèle et les observations précédentes. Mais il faut attendre 1953 pour qu’une réelle vérification de la validité du modèle « Dislocations » pour les sous-joints soit obtenue sur un bicristal de germanium par Vogel et al. [43].
3.
Approche discrète de Bollmann – Dislocations intrinsèques
L’approche de Bollmann généralise le modèle « Dislocations intergranulaires » de Read et Shockley à tout joint de grains. Elle repose sur les équations (1.22) et (1.23) qui définissent le réseau-0 et le réseau-02. Le terme intrinsèque, qui provient du latin intrinsecus signifiant « de l’intérieur », indique que ces dislocations sont inhérentes à la structure du joint. Ce dernier n’existe pas en leur absence, ce sont bien des dislocations « structurales ».
3.1.
Dislocations intrinsèques primaires
Dans l’équation du réseau-0, (I − R−1 ) x0 = Bm , le vecteur Bm peut toujours être considéré comme la somme de vecteurs de Burgers Σbm du cristal I. L’équation (1.22), ou (1.21) pour les matériaux non cubiques, peut être vue comme la forme quantifiée de l’équation (1.27) de Frank-Bilby pour les joints de grains dans laquelle x0 est un élément du réseau-0. Les différents éléments « 0 » sont entourés par les murs des mailles de Wigner-Seitz. Les intersections du plan de l’interface avec ces murs forment le réseau-b, elles définissent les lignes des dislocations géométriquement nécessaires dites intrinsèques primaires (IGBD) localisées dans les régions de plus mauvais accord entre les cristaux. Le terme primaire indique que les dislocations rendent compte de l’écart au premier invariant du système, le monocristal (θ = 0). Le terme secondaire sera utilisé pour expliquer l’écart au second invariant du biréseau, le réseau CSL. Les dislocations intrinsèques primaires ont un vecteur de Burgers bm des dislocations parfaites du cristal et sont arrangées en réseau de même périodicité que le réseau-0 (Fig. 1.13). Leur distance diminue lorsque l’angle de désorientation
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F IG . 1.13 – Schéma montrant la localisation des dislocations intrinsèques primaires dans un joint de flexion de faible angle de désorientation. A, B et O sont des nœuds du réseau-0. PI et PII (QI et QII ) sont des nœuds homologues assimilés à une seul nœud. D représente une zone de mauvais accord où se localise une dislocation primaire.
augmente selon l’expression dérivée de la formule de Frank (1.29) lorsque |X| = d : d=
|bm | 2 sin θ/2
(1.32)
Pour une valeur faible de θ, on retrouve l’expression (1.30) du modèle de Read et Shockley. La distribution uniformément espacée des dislocations primaires prédites mathématiquement par la formule (1.32) n’est généralement pas respectée. En effet, physiquement, un espacement entre deux dislocations doit être compatible avec la période du réseau du cristal. Seul l’espacement moyen mesuré sur un arrangement de plusieurs dislocations respecte cette formule. Illustrons l’application de l’équation (1.22) à la prédiction du contenu en dislocations primaires d’un joint de flexion puis celui d’un joint de torsion, tous deux de faible angle de désorientation θ = ε. Soit un joint de flexion autour de [011] d’angle θ petit, égal à ε avec cos ε # 1 et sin ε # ε. La matrice de la rotation entre les deux cristaux est : 1 −ε ε R = ε 1 0 (1.33) −ε 0 1 I − R−1
0 −ε ε = ε 0 0 −ε 0 0
(1.34)
Tout vecteur dans le plan du joint (01-1) a pour indices [xyy]. Le produit (I − R−1 )X dans l’équation (1.22) permet de définir les trois composantes du vecteur « contenu en dislocations » B : Bx = 0
By = εx
Bz = −εx
(1.35)
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DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
B est donc perpendiculaire à l’axe de rotation et au plan du joint (Fig. 1.14). Par ailleurs : B = nbm et bm = a/2[01-1] Les dislocations ont un caractère coin. Il n’y a de solutions exactes pour les relations (1.22) que pour les vecteurs X = x0 = [xyy] tels que : x = ±bm /ε
x = ±2bm /ε
x = ±nbm /ε
(1.36)
Les vecteurs X coupent donc les dislocations intergranulaires selon [100], les lignes de ces dislocations perpendiculaires à [100] dans le plan du joint sont [011]. Le joint de flexion de faible angle est bien décrit par des dislocations coin parallèles à l’axe de rotation et distantes de d = b/θ, comme prédit par Read et Shockley. Dans cette description, la distance entre dislocations est grande puisque θε est un angle très petit.
F IG . 1.14 – Schéma montrant la géométrie du réseau de dislocations primaires coin D (b = a/2 [01-1] dans un joint de flexion [011] de faible angle de désorientation).
On peut décrire le même joint de grains en utilisant une rotation relative équivalente entre cristaux : θ = (ε + π) alors cos (ε + π) # − 1 et sin (ε + π) # − ε. L’application de la procédure précédente amène à prédire des dislocations également parallèles à l’axe de flexion mais dont le vecteur de Burgers est b = a [100]. De plus la distance entre ces dislocations est maintenant très petite (θ = ε−π grand). À titre d’exemple, pour un joint de désorientation ε = 2◦ dans le cuivre, la première description conduit à une distance entre dislocations d’environ 7 nm donc observables en microscopie électronique conventionnelle. Dans la seconde description, cette distance chute à 0,12 nm, ces dislocations ne sont plus distinguables individuellement, ce qui met en cause la réalité physique de la description en termes de
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dislocations. Il s’agit plutôt dans ce cas d’une distribution continue de déformations. Il semble raisonnable de considérer que la première description a plus de probabilité de se réaliser. Ce point est discuté longuement ultérieurement. La figure 1.15 présente un réseau de dislocations primaires dans un joint de grains de faible angle, 2◦ autour de 111, dans un alliage fer-molybdène de structure cubique centrée [44].
F IG . 1.15 – Micrographie électronique d’un joint de flexion 111 d’angle 2◦ dans un alliage Fe-1% Mo montrant un réseau de dislocations coin primaires. (D’après S. Lartigue [44].)
La même approche pour un joint de torsion de faible angle de plan {001} conduit à une structure intergranulaire constituée de deux réseaux de dislocations vis perpendiculaires entre elles et de vecteur de Burgers b = a/2110 dont la distance est compatible avec l’observation (Fig. 1.16) [45]. Comme précédemment, d’autres descriptions existent dont le sens physique est questionnable. On doit insister ici sur le fait que, quelle que soit la description choisie d’un joint de grains donné, le contenu en dislocations rend totalement compte de l’orientation relative des cristaux : ces dislocations sont géométriquement nécessaires. Mais la structure réelle dépend de relaxations et seule l’observation permet de préciser quelle description est physiquement significative. Par ailleurs, quelle que soit la description utilisée, lorsque la désorientation augmente, la distance entre dislocations devient si petite qu’elle n’est plus compatible avec la périodicité du réseau du cristal et les champs de contraintes des dislocations se chevauchent. Cependant, le réseau-0 est une fonction continue de la désorientation entre cristaux, c’est dire que, d’un point de vue strictement géométrique, les dislocations primaires doivent exister. Cette continuité est confirmée par l’observation d’un cliché de diffraction des électrons ou des rayons X
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F IG . 1.16 – Micrographie électronique d’un joint de torsion 001 dans l’or (θ # 4◦ ) montrant deux réseaux de dislocations vis primaires alignées selon les directions 110 (à 45◦ de g) et distantes de d # 40 nm [45]. Les bulles sont des artéfacts (régions mal soudées) résultant de la préparation du bicristal et les perturbations des réseaux (telles EF) indiquent des dislocations extrinsèques (partie 2).
(synchrotron) propre au plan du joint [46]. En effet, la distribution périodique des déformations dans le plan constitue une grille optique dont on peut, en sélectionnant une tache de diffraction, obtenir une image en microscopie électronique. La distance des rangées dans ce réseau « reconstruit » satisfait bien l’équation (1.32). En résumé, l’équation donnant le contenu global B en dislocations dans un joint de grains est mathématiquement valable quelle que soit la désorientation θ entre cristaux mais, pour les grandes valeurs de θ, elle recouvre le concept physique de densité de dislocations. Une autre description discrète de la structure intergranulaire peut cependant être proposée en se référant au second invariant préservé dans l’interface, le réseau CSL.
3.2.
Dislocations intrinsèques secondaires
À la recherche d’un invariant autre que le monocristal, Bollmann postule que le joint de grains adopte autant que possible la structure du joint de coïncidence voisin moyennant des relaxations sous forme de dislocations intrinsèques secondaires. Les dislocations secondaires sont localisées dans les régions de plus mauvais accord entre deux réseaux DSC du joint de coïncidence θC tournés l’un par rapport à l’autre de l’écart angulaire entre le joint réel et le joint de coïncidence.
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Elles correspondent à l’intersection de l’interface avec les murs du réseau-02 prédit par l’équation (1.23). Le terme secondaire provient du fait que ces dislocations sont considérées comme des défauts qui brisent la périodicité des dislocations primaires. Elles forment un sous-joint dans le joint de grains. Le joint est alors constitué de portions de joints de coïncidence délimitées par des dislocations secondaires (Fig. 1.17).
F IG . 1.17 – Schéma montrant la disposition périodique des dislocations secondaires (⊥ ) dans le réseau primaire (⊥).
Contrairement à la pluralité des structures de dislocations primaires pour un joint de grains donné, une seule structure de dislocations secondaires est prédictible par l’équation (1.23). En effet, quelles que soient les rotations équivalentes choisies pour le joint réel et pour le joint de coïncidence le plus proche, la matrice D traduisant l’écart angulaire est identique. Diverses structures peuvent cependant exister, pour des raisons non-mathématiques mettant en jeu les relaxations atomiques dans le joint. Les caractéristiques des dislocations secondaires dépendent du caractère de l’écart à la coïncidence. Dans un joint de flexion, par exemple, l’écart peut être de pure flexion autour de l’axe fondamental ou autour d’un autre axe, il peut être de pure torsion ou mixte. Selon le cas, la structure intergranulaire est constituée d’un seul réseau de dislocations secondaires coin ou de deux réseaux de dislocations vis ou de plusieurs réseaux de dislocations mixtes. De même un joint de torsion peut présenter des écarts de torsion, flexion ou mixte. Dans tous les cas, les lignes de dislocations sont les intersections du plan du joint avec les murs du réseau-02. Les vecteurs de Burgers des dislocations secondaires appartiennent au réseau DSC, ce ne sont pas nécessairement les vecteurs élémentaires de ce réseau.
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Pour trouver le vecteur de Burgers d’une dislocation secondaire, un circuit fermé tracé dans le joint autour du défaut doit être reproduit dans le réseau DSC du joint coïncident le plus proche. Une construction fort utile pour analyser les images obtenues en microscopie électronique en transmission à haute résolution permet de déterminer le vecteur de Burgers de la dislocation et la hauteur de la marche associée (Fig. 1.18) [47]. Une dislocation secondaire provoque une translation du réseau CSL. On peut définir un vecteur marche s reliant un nœud de coïncidence initial à un nœud de coïncidence après translation. Si le cristal I est fixe et le cristal II translaté, alors la marche est définie dans le référentiel du cristal I soit sI et réciproquement pour sII si le cristal II est fixe. Il y a plusieurs choix de vecteurs marches, tous reliés par un vecteur du réseau DSC, on choisit habituellement le plus court. La hauteur de marche associée à la dislocation est hI = sI n dans le grain I et hII = sII n dans le grain II. On a alors : b = sI −sII h = n(sI +sII )/2
(1.37)
où n est la normale au plan du joint (pointant du cristal I vers le cristal II).
F IG . 1.18 – Construction dans le réseau DSC d’un joint de grains Σ5 de trois vecteurs marches possibles s, s′ et s′′ associés à une dislocation de vecteur ±b1 . Les symboles pleins et vides correspondent au cristal I et au cristal II, respectivement ; les symboles triangulaires représentent des sites qui sont à une cote ±a/2 [100]. (a) Réseau de coïncidence en position initiale ; (b) déplacement du cristal II par rapport au cristal I d’un vecteur + b1 ; (c) déplacement du cristal I par rapport au cristal II d’un vecteur – b1 . (D’après A.H. King et D.A. Smith [47].)
Les vecteurs de Burgers des dislocations secondaires doivent être nécessairement indexés dans un référentiel propre au réseau de translation du bicristal, c’est-à-dire dans le réseau DSC. Si au contraire, chaque vecteur si est indexé dans le référentiel du cristal i (analogie avec un monocristal), on obtient le vecteur de Burgers primaire du défaut.
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La distance moyenne entre dislocations secondaires est donnée par une formule similaire à (1.32) |bDSC | (1.38) d= 2 sin ∆θ/2 La distance entre dislocations diminue lorsque l’indice de coïncidence Σ augmente (|bDSC | diminue) et/ou lorsque l’écart angulaire ∆θ à la désorientation de coïncidence augmente. Il en résulte qu’au delà d’une certaine valeur de Σ ou au delà d’une certaine déviation ∆θ d’un joint proche d’une coïncidence donnée, les dislocations ne sont plus distinguables expérimentalement. De plus, lorsque |bDSC | diminue, les contrastes associés aux dislocations en microscopie électronique en transmission diminuent. Donc, même pour un espacement d sensiblement constant, les dislocations secondaires sont de moins en moins visibles lorsque Σ augmente. La figure 1.19 illustre cet effet pour une série de joints de torsion 001 dans l’or [48]. La figure 1.20 présente un réseau simple de dislocations secondaires dans un joint de flexion qui compense totalement la déviation ∆θ = 0,09◦ 112 de ce joint par rapport au joint de coïncidence Σ3 {111} [49]. Les dislocations A ont leurs lignes parallèles à la direction 112, leur vecteur de Burgers est le vecteur du réseau DSC de Σ3 normal au plan du joint, b = a/3 111, et leur distance est en accord avec la distance calculée de 130 nm. Les joints proches d’une coïncidence unidimensionnelle présentent un réseau de dislocations secondaires dont les lignes sont parallèles aux traces dans le plan du joint des plans des deux cristaux en bon accord. Pour un joint de grains de coïncidence approchée, la structure en termes de dislocations secondaires doit rendre compte de la rotation et de la déformation nécessaires pour amener en coïncidence deux mailles multiples des cristaux. Or, selon le choix de la valeur rationnelle du paramètre (c/a)2 qui donne une approximation de la valeur réelle, ces deux composantes (rotation et déformation) diffèrent. Seule, la structure intergranulaire observée permet de comprendre le mode de relaxation choisi par le joint. À titre d’exemple, considérons un joint de grains voisin de la macle rhomboédrique, type de joints souvent présent dans les polycristaux d’alumine ou d’hématite, de structure rhomboédrique. Lorsque le joint a un plan strictement parallèle au plan de macle {01-12}, il se décrit par une coïncidence bidimensionnelle exacte. Mais, le plus souvent, le joint observé a un plan qui s’écarte de {01-12}. Il se décrit alors par une coïncidence tridimensionnelle approchée, par référence à des rotations spécifiques θ autour de 02-21 associées à des valeurs rationnelles de (c/a)2 les plus voisines possibles de la valeur réelle, soit (2,730)2 pour l’alumine. Les rotations spécifiques avec les déformations correspondantes sont données ci-dessous pour l’alumine [34] : Σ7
c/a = 2,739
θ = 85◦ 90
ε = 0,003
Σ29 Σ36
c/a = 2,728 c/a = 2,730
θ = 86◦ 05 θ = 86◦ 052
ε = 0,001 ε = 0.
C HAPITRE 2 – O RDRE
DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
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F IG . 1.19 – Réseaux de dislocations intrinsèques secondaires dans des joints de torsion 001 dans l’or montrant la diminution du contraste lorsque Σ augmente : (a) Σ = 1, b = 0,289 nm (b) Σ = 5, b = 0,129 nm (c) Σ = 13, b = 0,080 nm (d) Σ = 17, b = 0,070 nm [48]. (D’après T. Schober et R.W. Balluffi [48].)
Les déformations décroissent lorsque Σ augmente, ceci est également vrai pour l’hématite (c/a = 2,733). Quelle est, parmi les descriptions précédentes, celle correspondant à la structure adoptée par le joint : indice de coïncidence élevé (Σ = 36) avec déformation nulle ou indice de coïncidence faible (Σ = 7) moyennant une déformation ? Seule l’expérience permet de répondre à cette question. Les vecteurs des réseaux DSC des différentes descriptions sont tels que les intensités de deux d’entre eux, b2 et b3 , sont sensiblement identiques alors que celle du troisième vecteur b1 décroît lorsque Σ augmente. Un réseau de dislocations secondaires peut être observé dans un joint de grains de désorientation très voisine
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F IG . 1.20 – Micrographie électronique en champ noir (le cristal C1 est en condition d’extinction) montrant un réseau A de dislocations secondaires dans un joint de flexion voisin de Σ3 {111}. (D’après S. Poulat et B. Décamps [49].) (B est une dislocation extrinsèque qui sera analysée dans la partie 2).
de celle d’une macle rhomboédrique dans l’alumine (θ = 85◦ 5) dont le plan du joint est écarté de 8◦ par rapport au plan rhomboédrique (Fig. 1.21). Le vecteur de Burgers de ces dislocations intrinsèques a été identifié comme une combinaison linéaire des vecteurs quasi identiques (b2 et b3 ), quelle que soit la description du joint. Dans ce cas, aucune description de proche coïncidence ne semble être privilégiée. Cependant, dans un joint de plan très voisin de {01-12} dans l’hématite, les dislocations secondaires observées en microscopie électronique en transmission à haute résolution ont comme vecteur de Burgers le plus petit vecteur du réseau DSC correspondant à la coïncidence Σ7 [50]. Dans les joints de grains de désorientation θ = 90◦ 10-10 qui apparaissent fréquemment dans le carbure de tungstène de symétrie hexagonale, les dislocations secondaires ont des vecteurs de Burgers du joint d’indice de coïncidence Σ2 avec une déformation ε égale à 0,024 alors qu’une description voisine de coïncidence Σ39 ne nécessite qu’une déformation égale à 0,0016 [51]. Des conclusions semblables ont été obtenues pour les macles (01-12) dans le zinc de structure hexagonale. Pour décider quelle est la coïncidence approchée la plus adaptée à la structure du joint, les orientations des lignes de dislocations sont déterminées, elles correspondent aux intersections du plan du joint avec les murs du réseau-02 associé à la description d’indice de coïncidence le plus faible, en l’occurrence Σ13. Cette description nécessite une déformation non négligeable de 0,5 % environ [52]. Donc, généralement, la structure adoptée par un joint de coïncidence approchée semble s’adapter à celle du joint d’orientation spécifique voisine de coïncidence rationnelle Σ la plus petite au prix d’une plus grande déformation de la maille de coïncidence.
C HAPITRE 2 – O RDRE
DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
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F IG . 1.21 – Mise en évidence d’un réseau C de dislocations secondaires intrinsèques dans un joint de grains voisin de la macle rhomboédrique dans l’alumine. (D’après H. Grimmer et al. [34].) (les dislocations extrinsèques B sont décrites ultérieurement).
3.3.
Intérêt et limite du modèle « dislocations intrinsèques »
En résumé, la structure d’un joint de grains à faible angle de désorientation est décrite par des dislocations primaires dont le vecteur de Burgers est celui des dislocations de matrice. De même un joint de grains à grand angle de pure coïncidence contient uniquement des dislocations primaires, mais le faible espacement de ces dislocations ne leur confère aucune réalité physique, ces joints peuvent donc être considérés comme libres de dislocations. Enfin, un joint de grains à grand angle non coïncident contient des dislocations primaires qui rendent compte de la structure de référence (joint de coïncidence) et des dislocations secondaires qui accommodent la déviation angulaire entre le joint réel et cette référence. Le plus souvent, seules les dislocations secondaires sont observées, car les distances entre dislocations primaires sont trop faibles. Les courbes de la figure 1.22 montrent les évolutions des distances entre dislocations primaires ou secondaires en fonction de la désorientation θ ou de l’écart ∆θ aux différentes orientations de coïncidence pour des joints symétriques de flexion 001 dans l’or [53]. Les points reportés sur ces courbes indiquent des espacements de dislocations observées en microscopie électronique en transmission conventionnelle. On constate bien que plus l’indice de coïncidence est faible, plus l’écart ∆θ autorisé pour la visualisation des dislocations secondaires est grand. Les possibilités d’observer simultanément les dislocations primaires et secondaires sont restreintes, cependant quelques expériences ont réussi cette performance, comme c’est le cas pour un joint de flexion [001] écarté de 1◦ au plus de la
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F IG . 1.22 – Courbes montrant les espacements d (nm) en fonction de la désorientation θ des dislocations dans des joints symétriques de flexion 001 dans l’or. La courbe en trait plein correspond aux espacements des dislocations primaires. Les courbes en traits pointillés montrent les espacements pour les dislocations secondaires. Les points indiquent les joints dans lesquels des dislocations périodiques ont été observées. (D’après E. Kwan et R.W. Balluffi [53].)
désorientation de coïncidence Σ13 {320} (Fig. 1.23). Les dislocations primaires de vecteur de Burgers a/2 [110] sont distantes de 0,77 nm (distance calculée 0,75 nm) et les dislocations secondaires de vecteur de Burgers a/13 [320] du réseau DSC sont des dislocations coin distantes de 7 nm en accord avec l’écart théorique de 7,1 nm [53].
F IG . 1.23 – Micrographie électronique d’un joint de flexion symétrique [001] proche de Σ13 {320} dans l’or (g = 200). Les contrastes périodiques fins sont dus aux dislocations primaires de vecteur a/2 [110], les contrastes étalés (flèches) sont attribués aux dislocations secondaires de vecteur de Burgers a/13 [320]. (D’après E.P. Kwan et R.W. Balluffi [53].)
C HAPITRE 2 – O RDRE
DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
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Le formalisme de Bollmann ne prétend pas décrire la réalité du joint de grains, mais constitue une approche possible pour sa connaissance. Bollmann lui-même insiste sur le fait que l’utilisation des réseaux-0 permet seulement une sélection discrète possible des éléments du vecteur déplacement B caractéristique du champ continu de déplacement de la transformation A. C’est un premier modèle « approximatif » de relaxation linéaire dans l’interface où le fait qu’il soit linéaire est de pure commodité. Par ailleurs, quelle que soit l’expression utilisée pour décrire la structure d’une interface en termes de dislocations : densité de vecteurs de Burgers selon FrankBilby ou dislocations discrètes selon Bollmann, il existe un très grand nombre de transformations S (ou R) équivalentes en raison des opérations de symétrie des cristaux, c’est-à-dire selon le choix de la maille unitaire dans le réseau de référence. Un exemple en a été donné pour le joint de flexion [011] de faible angle de désorientation (Sect. 3.1). Les matrices équivalentes sont obtenues en multipliant SI , SII ou R par une matrice unimodulaire U correspondant à une opération du groupe ponctuel de symétrie du réseau I ou II. Il existe donc un très grand nombre de descriptions possibles de la structure d’une interface donnée. Bollmann privilégie une description particulière appelée NNR pour Nearest Neighbour Relationship qui correspond à la densité minimale de dislocations en arguant du fait qu’elle doit correspondre à un minimum énergétique (E proportionnel à b2 ) [54]. Cet argument s’appuie sur la considération des champs de déformations élastiques à grande distance, or les distorsions locales dues aux dislocations intrinsèques s’annulent à longue distance. Un joint de grains à l’équilibre n’engendre que des déformations à courte distance dont la distribution dépend des mode de relaxation intergranulaire et ne peut pas être prédite par un modèle géométrique. Les équations de Frank-Bilby et de Bollmann sont « déconnectées » de l’énergie intergranulaire. Finalement, une interface est un objet physique unique donc avec une structure et une énergie bien précises. Parmi toutes les structures possibles, aucune ne peut être sélectionnée a priori. Une discussion approfondie de ce problème sera abordée dans l’ouvrage lors de la description de l’ensemble de trois joints de grains contraints à une jonction triple (partie 3, Chap. 1), là où ce problème prend une importance toute particulière. En dépit de sa nature géométrique, le modèle de Bollmann a été appliqué avec succès pour identifier les dislocations intrinsèques primaires et secondaires dans de nombreux joints de grains dans divers types de matériaux. Il est par exemple remarquable qu’une discrétisation en dislocations périodiques ait été observée, par microscopie électronique à haute résolution, dans des joint de flexion symétrique d’indices de coïncidence élevés (tel Σ = 337) dans le silicium mais, dans ce cas, les vecteurs de Burgers ne correspondent pas à des vecteurs élémentaires des réseaux DSC [55]. Quelle que soit la description d’un joint de grains, un réseau de dislocations signale l’existence d’un état préféré ordonné qui tend à être préservé. Les raisons de cette préférence font l’objet d’un questionnement pour le physicien du solide. Cependant, les joints ayant un indice de coïncidence élevé et présentant des dislocations périodiques ne sont pas des joints vraiment généraux, ils présentent
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généralement des désorientations autour d’axes d’indices simples et ont souvent des plans symétriques. Qu’en est-il pour les joints de désorientations quelconques et de plans d’indices élevés ? Ces joints ne présentent pas de réseau de dislocations à l’échelle de la microscopie électronique conventionnelle et ne sont pas observables en haute résolution. Répondent-ils à une description discrète ou continue ? Une réponse partielle à cette question est avancée lorsque nous abordons la structure des joints de grains à haute température (Chap. 4), puis les phénomènes de relaxation des joints portés dans un état hors équilibre (partie 2, Chap. 5). En conclusion, les dislocations prédites par les équations (1.22) et (1.23) sont géométriquement nécessaires, mais le contenu en dislocations d’un joint de grains dépend des relaxations locales des contraintes interfaciales. La structure est dictée par la minimisation de l’énergie et aucune prévision basée sur la géométrie seule ne peut traduire la réalité. C’est la physique qui détermine le mode réel de relaxation, une description physique de la structure d’un joint de grains requiert une approche atomistique (Chap. 3).
4.
Dislocations intergranulaires partielles
Les joints de grains peuvent également contenir des dislocations partielles, généralement associées aux translations rigides τ , donc non-prédites par le formalisme géométrique tel qu’il vient d’être présenté. Bien que non-périodiques, elles peuvent faire partie de la structure du joint [56]. Leur vecteur de Burgers peut être déterminé en utilisant la méthode proposée par Pond dite circuit mapping [17]. Ce circuit, analogue au circuit de Frank mais tracé dans le complexe bicolore, prend en compte toutes les opérations de symétrie du groupe d’espace et pas seulement les translations. Les dislocations partielles résultent d’une translation rigide ou de l’existence de variants dans la structure intergranulaire. Si des régions de structures différentes le long du joint sont reliées par une opération de symétrie, elles sont énergétiquement dégénérées. Des dislocations partielles séparant de telles régions ont été observées dans le germanium [57] et dans un alliage cuivresilicium [58]. Des dislocations partielles se situent souvent à la jonction entre deux facettes d’un joint de grains, mais on peut également en trouver dans une partie rectiligne du joint. Elles peuvent résulter de la dissociation de dislocations intrinsèques du réseau DSC, comme cela a été observé dans un joint Σ3 {211} où une dislocation parfaite du joint de vecteur 1/3 111 est révélée dissociée en deux produits de vecteurs a/9 111 et 2a/9 111 [56].
5.
Champs de contraintes associés aux dislocations intrinsèques
Le champ de contrainte d’un joint à faible angle a été calculé par Hirth et Lothe dans le cadre de l’élasticité linéaire isotrope [59] en additionnant les champs de contrainte des dislocations périodiques constituant le joint. Les dislocations sont
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DES CONTRAINTES MÉCANIQUES
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mixtes, trois composantes de leur vecteur de Burgers (bx by bz) et donc trois arrangements périodiques sont considérés (Fig. 1.24).
F IG . 1.24 – Schéma montrant les trois réseaux périodiques considérés pour calculer le champ de contrainte élastique d’un joint de grains de faible désorientation. Le vecteur de Burgers des dislocations mixtes est décomposé en deux composantes coin selon Ox (a), Oy (b) et une composante vis selon Oy (c).
Dans le cas d’un joint de flexion symétrique formé de dislocations coin, de vecteurs de Burgers bx , parallèles à l’axe z et séparées d’une distance D selon y (Fig. 1.24a), les composantes de la contrainte (dans des régions telles que x ≫ D/2π) décroissent exponentiellement avec la distance x alors que le champ de contrainte d’une dislocation isolée décroît proportionnellement à l’inverse de la distance à la ligne de dislocation. On peut comparer par exemple les expressions de la composante de cisaillement σxy pour les deux défauts, linéaire et plan, respectivement : σxy =
x(x 2 − y2 ) µb 2π(1 − ν) (x 2 + y2 )
(1.39)
σxy =
2πx −2πx 2πy µb exp cos (1 − ν)D D D D
(1.40)
avec µ le module de cisaillement du matériau et ν le coefficient de Poisson. L’expression de σxx pour le joint de grains est similaire à celle de σxy avec sin 2πy/D au lieu de cos 2πy/D. Pour la valeur x = 2D (y = 0), la composante de cisaillement σxy due à l’arrangement périodique est approximativement 1 % de celle de la dislocation isolée. Dans le plan du joint (x = 0) et pour des distances y < D/2π d’une dislocation donnée dans l’arrangement, plus de 90 % de la contrainte σxx du joint de grains est dû à la dislocation origine. À mi-distance entre deux dislocations, la contrainte de compression d’une dislocation est annihilée par la contrainte de tension de l’autre. Il n’y a donc aucun champ de contrainte à longue distance induit par un joint de grains de flexion symétrique.
50
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Si on considère maintenant le champ de contrainte dû à un arrangement de dislocations coin de vecteur de Burgers by (Fig. 1.24b), la composante σyy ne s’annule pas à grande distance, en contradiction avec la condition d’équilibre donnée par les équations (1.26) ou (1.27). L’équilibre du joint de grains impose donc qu’il n’y ait aucun vecteur de Burgers total parallèle au plan du joint associé à des dislocations coin. Pour la dernière composante du vecteur de Burgers bz (Fig. 1.24c), les dislocations ont un caractère vis. Pour un arrangement unidimensionnel de dislocations parallèles à Oz , la contrainte de cisaillement σyz tend exponentiellement vers zéro avec la distance au joint mais la contrainte σxz conserve des valeurs non négligeables à longue distance. Un simple arrangement de dislocations vis est donc incompatible avec l’équation d’équilibre (1.27). Dans un joint de torsion pure, l’équilibre est établi par la formation de deux réseaux perpendiculaires de dislocations vis dont les champs de contraintes s’annihilent et qui produisent seulement une rotation autour de la normale x. Plus généralement, trois réseaux de dislocations de vecteurs de Burgers non coplanaires rendent compte de la désorientation d’un joint de grains quelconque. Pour un joint de grains qui satisfait la formule de Frank-Bilby, l’analyse des champs élastiques, montre que, même si l’un des réseaux donne lieu à des contraintes à grande distance, la combinaison des champs de contraintes des trois réseaux conduit à leur annihilation. Dans ces calculs, les constantes élastiques du cristal sont utilisées or les constantes élastiques des joints de grains peuvent différer de celles du cristal, comme l’ont montré des études par simulation [60]. Bien que le tenseur des constantes élastiques d’un joint n’est pas connu, ces constantes peuvent varier fortement dans le plan du joint [61]. Un autre modèle de calcul des champs de contrainte est basé sur la description du joint de grains en termes de désinclinaisons [62]. Contrairement au modèle précédent, il prend en compte l’énergie de cœur de la désinclinaison et peut s’appliquer au joint à grand angle (voir Chap. 3, Sect. 5). Des situations plus complexes que celle décrite précédemment par Hirth et Lothe ont été abordées, en particulier en considérant des réseaux non strictement périodiques à l’instant initial et en étudiant l’évolution de leurs champs de contraintes avec le retour vers la périodicité. Ces approches seront présentées dans la deuxième partie lorsque se pose le problème de l’évolution d’un joint de grains hors d’équilibre vers un joint équilibré. En conclusion, pour traiter de l’énergie intergranulaire, la connaissance de la contribution élastique ne suffit pas, celle de la structure de coeur du joint de grains s’impose. C’est l’objet du prochain chapitre qui sera centré sur la question de l’ordre à l’échelle atomique.
3
Ordre atomique
Le modèle de structure du joint de grains en termes d’arrangement de dislocations intrinsèques ne permet pas de rendre compte, d’une manière satisfaisante, des différences d’énergie entre joints et de certaines de leurs propriétés, en particulier fonctionnelles. Il ne prend pas en compte les degrés de liberté microscopiques et les relaxations locales conduisant à des structures plus stables. Par ailleurs, il ne considère pas les différents types de liaisons entre atomes selon les matériaux, métalliques, ioniques ou covalents. Selon ce modèle, les joints de grains des matériaux ayant le même réseau de Bravais devraient avoir la même structure, or on peut signaler, à titre d’exemple, que le joint de grains de flexion Σ9 est de faible énergie dans le silicium alors qu’il est d’énergie élevée dans les métaux de structure CFC. Il est donc nécessaire pour décrire la structure intergranulaire de s’intéresser aux interactions entre atomes dans la région de cœur du joint de grains, c’est-à-dire implicitement de calculer l’énergie de cœur des dislocations intrinsèques. Dans cette démarche, la progression de l’idée d’ordre intergranulaire est particulièrement intéressante. S’attachant à l’arrangement local des atomes, le concept d’unité polyédrique ne recouvre, à l’origine, aucun souci d’ordre à grande distance. Celui-ci apparaît ultérieurement puis se développe avec les simulations de la structure intergranulaire et le modèle dit des « unités structurales » qui prédit les structures de plusieurs séries de joints de grains dans la mesure où leurs paramètres géométriques sont rationnels et qu’un seul d’entre eux varie dans une série. L’extension de ce modèle à des joints irrationnels aboutit à l’existence de joints quasi-périodiques pour lesquels il n’y a plus de symétrie de translation mais l’ordre à grande distance est maintenu. Enfin, des simulations récentes révèlent qu’une couche amorphe peut apparaître au cœur d’un joint de torsion dans les semi-conducteurs. Notons que, dès l’origine et plus encore dans leur développement récent, les modèles de structure atomique des joints de grains sont étroitement associés à celui des dislocations intergranulaires. Pour des raisons de clarté, nous présentons tout d’abord les modèles atomiques sans utiliser le langage des dislocations bien que les interprétations des structures sous-tendent la nécessité de relaxations locales. Nous développons ensuite le modèle le plus récent et le plus performant qui allie unités structurales et dislocations intrinsèques (dit « SU/GBD » pour Structural Unit/Grain Boundary Dislocation).
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1.
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Modèle des sphères dures – Construction géométrique
En 1959, Hornstra conçoit l’idée que, dans les semi-conducteurs en raison de la coordination tétraédrique des atomes, un ensemble bien défini d’atomes (unité polyédrique ou structurale) est attaché au cœur d’une dislocation intergranulaire. En utilisant un modèle de « boules et bâtons », il construit les structures de cœur de plusieurs joints de grains de flexion d’axes 110 [9].
Les premiers modèles de structure atomique du joint de grains postulent que, pour tous les matériaux, le cœur du joint est constitué d’un arrangement d’unités polyédriques d’atomes construites en optimisant le nombre de coordinations locales et en évitant les répulsions atomiques [21, 63, 64]. Ces polyèdres ont la forme de deltaèdres, c’est-à-dire que toutes les faces sont des triangles équilatéraux ; ils sont en nombre limité (Fig. 1.25), cinq d’entre eux étaient déjà connus comme étant les unités dans le modèle des sphères dures de la structure des liquides [65]. On retrouve là un certain mouvement de « va-et-vient » entre la conception du joint comme état cristallin et comme état « amorphe ». Ce modèle s’attache plus à décrire le meilleur arrangement local des atomes dans un polyèdre que la répétition
F IG . 1.25 – Les différents polyèdres pouvant constituer les unités structurales des joints de grains. (D’après V. Vitek et al. [19].)
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53
ATOMIQUE
d’un motif qui entraînerait une périodicité. Il n’est pas concerné par la structure d’ensemble du joint, à longue distance. Il ne considère que les relaxations locales. Sur la base de cette description, les volumes d’excès des joints de grains de flexion symétriques [110], [100] et [111] et les tailles des sites possibles de ségrégation d’un soluté, en substitution ou en insertion dans les polyèdres, ont été calculés (Fig. 1.26). Les volumes d’excès varient entre 0 pour la macle cohérente jusqu’à
(a)
(b) F IG . 1.26 – Description du joint de flexion symétrique Σ17, 28◦ 07 [100], de plan (053) dans le modèle des sphères dures. Le joint consiste en une séquence de prismes trigonaux coiffés chacun contenant un trou de taille 0,82 séparés par des canaux à 5 côtés contenant deux autres sites interstitiels (a). Le site de substitution le plus large a une taille de 1,12 (b). Le volume d’excès de ce joint est de 0,44. (D’après H.J. Frost et al. [66].)
environ 0,5 pour les joints de flexion [111]. Presque tous les joints contiennent un site interstitiel de taille 0,6 ou plus large (rappelons que dans les cristaux CFC, la
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taille maximale du site d’insertion est 0,414). Les tailles des sites de substitution ne dépassent pas 1,2 dans les joints de grains de plan non dense [66]. Ce modèle a aussi été utilisé pour expliquer les premières structures de joints de grains observées en METHR dans les semi-conducteurs. Cependant, il a vite été limité pour la compréhension de joints de grains des métaux, en l’absence de liaison covalente, et surtout il n’a aucun caractère prédictif. Le modèle des unités structurales va tenter de répondre au besoin de prédire la structure d’un joint de grains quelconque et ainsi de servir de guide potentiel aux investigations expérimentales et aux simulations.
2.
Modèle des unités structurales
Le modèle s’appuie sur les simulations qui permettent d’associer une structure intergranulaire à un minimum énergétique, contrairement au modèle précédent essentiellement géométrique. Il faut noter toutefois qu’un critère de minimisation de l’énergie n’était pas absent dans la considération des polyèdres mais aucun contrôle de cette énergie ne le justifiait. Le grand apport de ce modèle par rapport au précédent est son dessein de prédictibilité.
2.1.
Principe
Le modèle débute, comme précédemment, en considérant une configuration caractéristique d’un petit groupe d’atomes dite unité structurale, mais il s’intéresse maintenant à l’arrangement ordonné de ces polyèdres dans tout l’espace bidimensionnel du joint de grains. Il décrit les changements systématiques de la structure intergranulaire lorsqu’un degré de liberté macroscopique, la désorientation ou l’inclinaison du plan du joint, varie continûment. L’idée de base du modèle est attribuée à Bishop et Chalmers [67]. C’est avec son extension et le formalisme actuel dû à Sutton et Vitek [10] que nous le présentons. Ce modèle résulte de calculs d’énergie pour un grand nombre de joints de grains de flexion symétriques ou non et pour certains joints de torsion dans les métaux de structure CFC et CC. Le principe du modèle des unités structurales peut être formulé comme suit : Tout joint de grains de longue période et de désorientation θ [uvw] peut être décrit par un arrangement séquentiel d’unités structurales associées à deux joints de courte période, de désorientations θi et θj situées de part et d’autre de θ, possédant le même axe de rotation [uvw] et le même plan médian (hkl)m (Fig. 1.27). Une première description de la structure d’un joint utilise comme références des joints dits favorisés constitués d’un seul type d’unités structurales insécables en unités plus petites qui peuvent être représentés, par exemple, par AAA. . . ou BBB (Fig. 1.27). Une formulation plus restrictive du principe précédent peut être avancée : un joint intermédiaire entre deux joints favorisés est composé d’un mélange bien défini de deux unités structurales dont l’une au moins est une unité de l’un des joints favorisés. Les joints favorisés ne sont pas toujours associés aux plus petites valeurs de l’indice de coïncidence Σ et ne possèdent pas nécessairement une
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ATOMIQUE
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F IG . 1.27 – Schéma montrant la description atomique de tout joint de grains de désorientation θ en termes d’unités structurales (A et B) de joints de courte période dont les désorientations encadrent θ.
énergie minimale. Le terme « favorisé » se réfère uniquement à la structure du joint de grains. Par ailleurs, un joint favorisé dans un métal donné ne l’est pas forcément dans un autre métal de même structure et, a fortiori, dans un matériau de nature différente possédant des liaisons covalentes ou ioniques. Le choix d’une unité favorisée, sa structure et son utilité pour décrire des joints de désorientations voisines dépendent des potentiels interatomiques choisis dans la simulation. Le choix des unités structurales possibles peut reposer sur la considération du complexe dichromatique, mais les formes finales sont dictées par les déplacements autorisés lors de la relaxation. Aucun critère géométrique ne peut permettre de prédire quels sont les joints favorisés, seules des propriétés dépendant uniquement de la structure de cœur du joint, comme l’autodiffusion intergranulaire, peuvent servir de guide pour sélectionner ces joints de grains de référence. Les seuls joints favorisés dans tous les matériaux de même réseau de Bravais sont les plans atomiques des cristaux correspondant à Σ = 1. Par exemple, les joints de grains de désorientation 0◦ ou 180◦ autour de 110, de plan {001} ou {110}, peuvent être choisis comme références pour décrire la série des joints de flexion symétrique autour de l’axe 110 dans tous les matériaux cubiques. La macle cohérente Σ = 3, 70◦ 53 110 {111} est aussi un joint favorisé pour les matériaux CFC, ainsi tout joint de grains de flexion 110 peut être encadré par un des joints Σ = 1 et le joint Σ = 3 {111}. Un joint coïncident de bas indices est souvent formé d’une séquence simple de deux unités comme AB pour le joint θ3 (Fig. 1.27). Les joints intermédiaires de période plus longue tels ceux de désorientations θ4 et θ5 sont considérés comme généraux. Dans les joints de grains proches du joint favorisé de désorientation θ1 , les unités A sont majoritaires et inversement pour les joints dont la désorientation est supérieure à θ3 . Par convention, la période d’un joint de grains perpendiculaire à l’axe de flexion est décrite en encadrant les unités qui la composent entre deux barres verticales,
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JOINTS DE GRAINS
|AAAB| par exemple pour le joint de désorientation θ4 . Si une période se décompose en deux demi-périodes identiques mais déplacées l’une par rapport à l’autre le long de l’axe de flexion, on utilise un point pour symboliser ce déplacement. Ainsi la période d’un joint favorisé n’est pas toujours représentée par une seule unité A, elle peut être décrite par |A.A|, de même la période d’un joint général peut s’écrire |AAAB.AAAB|. Par ailleurs, deux unités identiques peuvent être disposées symétriquement par rapport au plan du joint, on les distingue alors par l’exposant plus ou moins : A+ A− . . . La taille de l’unité structurale dans le plan du joint est déterminée par la symétrie de translation du joint. On peut choisir différentes formes de l’unité dans le réseau bidimensionnel pourvu que sa translation génère le réseau, la forme retenue l’est simplement pour des raisons de commodité. Dans un joint de flexion, la forme choisie pour l’unité dans le plan du joint est un rectangle dont les côtés sont les vecteurs périodes du joint, parallèle et perpendiculaire à l’axe de flexion. C’est la coupe par le plan du joint de la maille de coïncidence correspondant à l’indice Σ. À titre d’exemple l’unité structurale C du joint de flexion symétrique Σ11 [1-10] (113), respectant la périodicité dans le plan du joint, peut être délimitée par les vecteurs unitaires 1/2 [1-10] et 1/4 [33-2] (Fig. 1.28) qui correspondent bien aux vecteurs de la maille du réseau CSL (Fig. 1.5).
F IG . 1.28 – Schéma montrant la structure d’un joint de flexion symétrique Σ11 {113}, 50◦ 48 [110]. Deux prismes trigonaux coiffés, décalés l’un par rapport à l’autre selon l’axe de flexion, constituent la période du joint. Les vecteurs unitaires attachés à une unité structurale sont les vecteurs de base du réseau CSL : 1/2 [1-10] et 1/4 [33-2] (voir Fig. 1.5). (D’après A.P. Sutton et V. Vitek [10].)
La dimension normale au plan du joint est arbitraire, on retient habituellement la plus petite taille qui identifie bien l’unité. Dans la représentation graphique des unités structurales des joints de flexion, les positions atomiques sont projetées parallèlement à l’axe de flexion. Les atomes situés dans des plans atomiques à des cotes différentes le long d’une période de l’axe de flexion sont distingués par des symboles différents (croix, cercles, triangles. . .). Ainsi, l’alternance de la position
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57
ATOMIQUE
des atomes dans les plans (2-20) successifs sur la figure 1.28 indique que la période du joint Σ11 (113) est formée de deux unités décalées l’une par rapport à l’autre selon l’axe de flexion et s’écrit |C.C| [10]. Cette unité est un prisme trigonal coiffé. Le tableau 1.IV reproduit une partie des premiers résultats obtenus par simulation des structures des joints symétriques de flexion autour de [1-10] dans l’aluminium qui illustre bien l’application du principe à la base du modèle des unités structurales [10]. Dans cette série, les joints Σ11 (113) et Σ27 (115) sont des joints favorisés. Le vecteur période d’un joint est obtenu par une simple composition vectorielle : p = muB + nvC dans laquelle uB et vC sont les dimensions des unités structurales B et C. Par exemple la période du joint Σ89 dans le tableau 1.IV est : pBBBC = 3 uB + 1 vC ou 1/2 [99-4] = 3/4 [55-2] + 1/4 [33-2]. Les lettres attribuées aux unités dans le tableau 1.IV sont celles adoptées par Rittner et Seidman [68] dans une étude exhaustive des joints de grains de flexion dans les métaux CFC à laquelle nous nous référons spécialement dans cette partie. TAB . 1.IV – Périodes et structures en termes d’unités structurales d’une série de joints de flexion symétrique autour de [110] dans l’aluminium [10]. Le plan du joint a pour indices (hhl) dans le cristal I et (−h, −hl) dans le cristal II. Le vecteur période est parallèle à [uu-w] dans le cristal I et à [uuw] dans le cristal II (2hu = −lw).
θ◦ 34, 59 33, 79 34, 89 37, 22 38, 94 40, 83 42, 18 44, 00 50, 48
Σ 27 107 89 491 9 411 139 57 11
Plan du joint (11 5) (3 3 14) (2 2 9) (5 5 21) (1 1 4) (5 5 19) (3 3 11) (2 2 7) (1 1 3)
Vecteur période 1/2 [55-2] [77-3] 1/2 [99-4] 1/2 [21 21 -10] [22-1] 1/2 [19 19 -10] 1/2 [11 11 - 6] 1/2 [77-4] 1/2 [ 33-2]
Structure |B.B| |BBBBBC| |BBBC| |BCBCB. BCBCB| |BC| |CBCBC. CBCBC| |CCB. CCB| |CCCB| |C.C|
Puisque fondée sur la symétrie de translation du bicristal, la période d’un joint de désorientation donnée est la même pour tous les matériaux de même réseau de Bravais, seul le motif de l’unité structurale change. Un exemple de la similitude des séquences d’unités dans une période, unités dont par ailleurs les arrangements atomiques diffèrent, est donné pour les structures à basse température des joints Σ11 {332}, 129◦ 52 110 dans le silicium (structure cubique diamant) et le nickel (structure CFC). Les périodes de ces joints sont décrites par |M− T M+ T| et |E− D E+ D| pour le silicium et le nickel, respectivement [55, 69]. Chacune d’elles est composée de deux unités de Σ3 {111}, 109◦ 47 110 et de deux unités de Σ9 {221}, 141◦ 06 110 (Fig. 1.29). Le modèle des unités structurales repose sur le principe que la structure change le plus continûment possible entre deux désorientations voisines. Afin de satisfaire ce principe de continuité, les unités minoritaires doivent être distribuées le plus
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 1.29 – Les périodes des structures atomiques des joints Σ11 {332} du nickel (a) et du silicium (b) sont similaires mais les formes des unités structurales dépendent du matériau [55, 69].
régulièrement possible entre les unités majoritaires : une période constituée de trois unités A et de deux unités B s’écrit AABAB et non AAABB. Les translations rigides de deux joints favorisés doivent être compatibles pour qu’il n’existe pas de contrainte à grande distance, les unités majoritaires peuvent forcer la formation d’unités minoritaires métastables pour remplir cette condition. Les unités composant un joint non favorisé sont inévitablement distordues, des relaxations interviennent alors pour minimiser ces distorsions. Lorsqu’un joint intermédiaire est trop éloigné d’un joint favorisé, l’unité de ce dernier est déformée au point où son identification devient arbitraire. C’est probablement le cas pour les unités B dans le joint de désorientation θ4 (Fig. 1.27). L’utilisation d’un autre joint de référence dit délimitant permet alors d’améliorer la description et entraîne l’existence d’une hiérarchie des descriptions. Par ailleurs, l’unité structurale d’un joint favorisé peut avoir plusieurs configurations conduisant à des énergies très voisines de ce joint. L’existence de différentes structures de référence engendre une multiplicité de structures stables pour les joints de grains intermédiaires.
2.2.
Hiérarchie des descriptions
Le joint de désorientation θ3 , formé d’une séquence simple de deux unités ABABAB. . ., (Fig. 1.27) peut aussi être décrit à l’aide d’une seule unité composée (ou multiple) C = AB. Ce joint constitue alors un joint délimitant pour les structures comprises entre θ3 et θ1 ou θ3 et θ2 . Ainsi le joint θ4 peut être décrit par une alternance d’unités C caractéristiques du joint délimitant de désorientation θ3 et de deux unités A associées au joint de désorientation θ1 . La première description relève du niveau 1, la seconde du niveau 2 de la hiérarchie. On peut ainsi augmenter le niveau de la description (Fig. 1.30). Un exemple de hiérarchie des descriptions du joint de flexion symétrique Σ73 001 (830) dans l’or est donné sur la figure 1.31 [70]. Au premier ordre
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ATOMIQUE
F IG . 1.30 – Principe de la hiérarchie des descriptions atomiques des joints de grains en termes d’unités structurales. Les unités A et B sont des unités élémentaires (non sécables), les unités C et D sont des unités multiples ou composées.
(a)
(b)
(c)
F IG . 1.31 – Hiérarchie des descriptions en termes d’unités structurales du joint de flexion symétrique Σ73 001 (830) dans l’or. (a) Unités minoritaires de Σ1 (110) plus unités majoritaires de Σ1 (100) ; (b) unités minoritaires de Σ1 (110) plus unités majoritaires de Σ5 (210) ; (c) unités minoritaires de Σ5 (210) plus unités majoritaires de Σ5 (310) [70]. (D’après E.P. Kwan et R.W. Balluffi [53].)
de la hiérarchie, ce joint est décrit en utilisant les joints Σ1 de plans (100) et (110) mais on constate une forte distorsion des unités du cristal. Au second ordre, les joints délimitants sont Σ1 (100) et Σ5 (210), les unités minoritaires (100) étant encore déformées. Enfin sa désorientation est cernée entre celles de Σ5 (210) et Σ5 (310), avec préservation de la forme de chaque unité constituante. Les indications parallèles en termes de dislocations sont explicitées ultérieurement (Sect. 4.1).
60
L ES
JOINTS DE GRAINS
Une règle de sélection des joints délimitants précise qu’un d’entre eux, au moins, doit être centré afin que tous les joints intermédiaires puissent se décomposer en unités structurales de ces joints. C’est le cas des joints de flexion autour de 110 dont les indices du plan du joint sont tous impairs (Tab. 1.IV). L’unité de structure d’un joint délimitant se répète dans chaque demi-période de ce joint (par exemple |B.B|) mais les deux unités sont décalées l’une par rapport à l’autre le long de l’axe de flexion. Le choix des joints délimitants ne repose donc pas que sur leur énergie. L’utilisation de joints délimitants, dont les unités ne sont pas simples (pas sécables), permet de diminuer les distorsions [68]. Plus le nombre d’unités combinées pour former l’unité multiple d’un joint de grains délimitant augmente, plus le domaine angulaire des structures que l’on peut construire en utilisant cette unité multiple se restreint. Parallèlement, la description devient plus précise, car les unités constituantes sont moins distordues. Quel que soit ce choix, (par exemple pour le joint θ4 : trois unités A et une unité B élémentaires ou une unité C multiple et deux unités A ou une unité D et une unité A), l’ensemble de la configuration nécessaire pour caractériser le joint constitue toujours la période du joint de grains. Cette période doit être compatible avec la symétrie de translation du joint de grains définie par la maille des déplacements non identiques (c.n.i.d.). Le joint Σ9 {221} (θ = 141◦ 06), généralement de haute énergie dans les métaux, est choisi comme joint délimitant pour la description des structures des joints de flexion 110, de plan médian {110}, dont les désorientations varient entre celle du joint favorisé Σ3 {111} (θ = 109◦ 47) et celle du joint favorisé Σ1 {110} (θ = 180◦ ) (Fig. 1.32) [68]. Ces structures ont été obtenues par simulation pour des métaux CFC à faible énergie de faute d’empilement. L’unité E du joint Σ9 n’est pas insécable, elle peut être vue comme la jonction d’une unité A de Σ1 {100} (θ = 0◦ ) et d’une unité A’ de Σ1 {110} (θ = 180◦ ) fortement déformées. A et A′ ne se distinguent pas morphologiquement, seules leurs orientations diffèrent de 90◦ ; dès qu’elles sont tournées et/ou distordues dans un joint de grains, on utilise indifféremment l’une ou l’autre. Alternativement, le joint Σ9 {221} peut être décrit comme composé d’une unité déformée de Σ1 et d’une unité D de Σ3. Notons que l’unité D est elle-même formée par la jonction de deux unités A (ou A′ ) tournées par rapport à leur orientation dans Σ1 [69]. Les structures observées dans la plupart des joints intermédiaires autre Σ1 et Σ3 (Fig. 1.32) sont conformes au modèle des unités structurales avec le joint Σ9 choisi comme joint délimitant. Des simulations récentes en dynamique moléculaire trempée ont conduit à des structures atomiques de plusieurs joints de flexion symétriques 110 du nickel, identiques à celles de la figure 1.32 bien que ces calculs utilisent une énergie de faute d’empilement relativement élevée, proche de celle déterminée expérimentalement [71]. La structure |E− D E+ D| du joint Σ11 {332} du nickel a d’ailleurs été observée par microscopie électronique en transmission à haute résolution (Fig. 1.33). Les joints de la série compris entre Σ9 et Σ1 (110) se décrivent en unités E et A mais de grandes distorsions de l’unité E interviennent, même pour un écart de désorientation faible par rapport au joint Σ9 (7◦ 35 pour le joint Σ27 {552}). Par ailleurs, l’unité E est tournée de 180◦ formant une unité E′ pour le joint Σ73 (661),
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ATOMIQUE
61
F IG . 1.32 – Structures des joints de flexion symétrique 110 simulées en utilisant un potentiel EAM pour les métaux ayant une faible énergie de faute d’empilement. En pointillé, on donne (m) une configuration détaillée de l’unité D de Σ3 montrant qu’elle est composée de deux unités de Σ1 désorientées de 109◦ 47 et (p) une décomposition de l’unité structurale E de Σ9 en deux unités A/A′ de Σ1 fortement déformées. (D’après J.D. Rittner et D.N. Seidman [68].)
résultat a priori incompréhensible dans le cadre du modèle des unités structurales. De même, la rotation dans Σ33 (441) de l’unité A′ normalement favorisée pour des joints proches de θ = 180◦ ne s’explique pas. De tels écarts à la continuité du modèle des unités structurales sont discutés dans la section 3. La distinction entre unité non-sécable (joint favorisé) et unité multiple (joint délimitant) n’est pas aisée, elle dépend du degré de distorsion des unités élémentaires raisonnablement admissible et donc du type de matériau. La distinction est généralement plus aisée dans un matériau à liaison covalente que dans un métal dont l’élasticité autorise des distorsions plus grandes. Par exemple, l’unité structurale du joint délimitant Σ9 {221} dans le silicium et le germanium ne peut pas être décomposée en unités C et T des joints Σ1 et Σ3 (Fig. 1.29).
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(a)
JOINTS DE GRAINS
(b)
F IG . 1.33 – Structure atomique du joint de grains Σ11 {332} du nickel : (a) observée par METHR (b) simulée par dynamique moléculaire. (D’après O. Hardouin-Duparc et al. [69].)
2.3.
Multiplicité des descriptions
Un joint favorisé est composé d’un seul type d’unités structurales, mais on peut trouver différentes configurations pour l’unité, résultant de différentes translations rigides ou relaxations locales, qui conduisent à des énergies sensiblement égales. En général, plus la taille du « c.n.i.d. » est grande, c’est-à-dire plus il y a de possibilités de translations rigides, plus la multiplicité des structures du joint favorisé augmente. Un joint non favorisé peut alors être décrit par différentes combinaisons des unités favorisées (Fig. 1.34).
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63
ATOMIQUE
j
n
i '
"
'
m
"
F IG . 1.34 – Principe de multiplicité des descriptions d’un même joint de grains (voir texte).
Si les joints favorisés Σ1 et Σ2 ont chacun plusieurs structures stables (i et j respectivement), alors le joint composé de n unités de Σ1 et de m unités de Σ2 a un nombre N de configurations donné par [72] : N = in j m
(1.41)
À titre d’exemple, le joint favorisé Σ5 [001] (210) peut être décrit par deux unités B et B′ conduisant à des énergies intergranulaires voisines EB′ /EB = 1,04. Le joint Σ17 [001] (530), composé de deux unités de Σ5 et d’une unité de Σ1 (110), unité du cristal donc unique, présente alors quatre structures possibles (N = 22 11 ) (Fig. 1.35). Les rapports des énergies des différentes structures du joint Σ17 sont dans l’ordre 1,07, 1,09 et 1 pour EBBA , EAB′ B′ et EABB′ ≡ EAB′ B respectivement. Toutes les descriptions ne sont pas stables, elles doivent être comparées à la description locale des contraintes (Sect. 4) et aux images obtenues en microscopie électronique en transmission à haute résolution. Par exemple dans le silicium et le germanium, une unité métastable P peut décrire un joint Σ3 de haute énergie et, bien que cette unité soit instable à basse température dans le joint favorisé, elle peut intervenir dans les structures stables de joints intermédiaires (Sect. 3).
2.4.
Construction géométrique de la structure intergranulaire
À chaque unité structurale est associé un vecteur dont l’intensité est égale à la dimension de l’unité non distordue dans la direction perpendiculaire à l’axe de flexion : 1 0 vB = (1.42) uA = 0 1 Un joint constitué de m unités A de vecteur uA et de n unités B de vecteur vB , A et B étant les unités des joints délimitants, a une période donnée par : p = muA + nvB
(1.43)
On construit un réseau dit de décomposition ayant pour base les vecteurs uA et vB , l’angle entre ces vecteurs étant égal à la moitié de l’écart angulaire entre les deux
64
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F IG . 1.35 – Structures B et B′ du joint favorisé Σ5 [001] (210) (EB′ /EB = 1,04) et du joint intermédiaire Σ17 [001] (530), situé entre Σ5 et le monocristal Σ1 (110). L’ordre des énergies E(a)/E(b)/E(c, d) des structures (a) = BBA, (b) = B′ B′ A, (c) B′ BA ≡ BB′ A est le suivant 1,07/1,09/1 [72].
désorientations θA et θB (le joint de grains symétrique est en effet créé par des rotations égales et opposées autour de l’axe de flexion). À chaque nœud P de ce réseau est attaché un vecteur qui correspond à une période (ou une demi-période si le joint est centré) d’un joint intermédiaire entre les joints délimitants. Les angles entre ce vecteur OP et les vecteurs élémentaires du réseau de décomposition sont (θ − θA )/2 et (θB − θ/2), respectivement (Fig. 1.36). La période d’un joint représenté par le point P (m, n) a pour longueur : p = muA cos
(θ − θA ) 2
+ nvB cos
θB − θ 2
(1.44)
avec m = 3 en n = 2 pour le point P (3,2) sur la figure 1.36. Par rapport à la formule (1.43), l’expression précédente traduit le fait que les unités structurales dans le joint intermédiaire sont distordues et que leurs longueurs diffèrent donc de celles qu’elles ont dans les joints délimitants.
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ATOMIQUE
65
F IG . 1.36 – Réseau de décomposition pour une série de joints de flexion symétrique. Chaque joint est représenté par un point P dont les coordonnées (x, y) donnent le nombre d’unités A et B dans une période du joint P. Les vecteurs élémentaires attachés aux unités sont uA = (1,0) et vB = (0,1). Le vecteur OP forme avec les vecteurs de bases des angles égaux à (θ − θA )/2 et (θB − θ)/2.
En exprimant la longueur de TS = muA sin((θ − θA )/2) = nvB sin((θB − θ)/2 (Fig. 1.36), on peut en déduire le rapport des nombres d’unités structurales [73] : vB sin((θB − θ)/2) m = n uA sin((θ − θA )/2)
(1.45)
Il reste à déterminer comment ces m unités A et ces n unités B se répartissent dans la période du joint de grains. Par exemple, en tenant compte du principe de continuité, la structure du joint défini par le point P (3,2) se décrit par |AABAB| (voir Sect. 2.1).
2.5.
Algorithme de construction de la structure intergranulaire
L’algorithme de construction de la structure intergranulaire repose sur le principe que la structure doit changer aussi continûment que possible quand la désorientation augmente entre deux joints délimitants. En particulier, il est exclu que la coupure des unités majoritaires n’engage plus qu’une unité minoritaire [74]. Considérons un joint X formé de m unités A et de n unités B (n < m) et cherchons la séquence d’arrangement de ces unités dans une période du joint. Le rapport n/m est encadré par les deux rapports rationnels les plus voisins, ce qui
66
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revient à encadrer la structure du joint X entre celles de deux joints délimitants : n < m
1 p
⇓
⇓
⇓
B.(p + 1)A
X
B.pA
1 p+1
<
(1.46)
Appelons C la période du premier joint délimitant C = B.(p + 1)A et D celle du second D = B.pA. La période du joint X préalablement décrite par p = mA.nB s’écrit maintenant p = r C.sD avec r et s facilement déduits des inégalités précédentes : r = m − np
s = n(p + 1) − m
(1.47)
On encadre à nouveau le rapport r /s entre deux rapports rationnels les plus voisins : r < s
1 q
⇓
⇓
⇓
C.(q + 1)D
X
C.qD
1 q+1
<
(1.48)
et de même jusqu’à ce que le nombre d’unités minoritaires soit égal à 1. Un exemple est donné ci-dessous concernant le joint de flexion symétrique Σ = 1881 de désorientation 38◦ 06 autour de [1-10], de plan (10,10,41). Ce joint, appartenant à la série du tableau 1.IV, est composé de 11 unités A et de 9 unités B des joints favorisés Σ27 et Σ11, respectivement. Pour homogénéiser la présentation, nous retenons les mêmes lettres que précédemment pour identifier les unités, soit A et B, mais dans la série du tableau 1.IV, elles correspondent à B et C, respectivement. Encadrons la période du joint X entre celles des joints délimitant respectivement représentées par AAB et AB et considérons ensuite des unités multiples C = AAB et D = AB : 1 2
<
9 < 1 11
⇓
⇓
⇓
AAB
X
AB
⇓
⇓
C
D
C HAPITRE 3 – O RDRE
67
ATOMIQUE
La composition du joint basée sur les joints délimitants C et D est maintenant de r unités C et de s unités D avec r et s déduits des équations (1.47) : r = 2 et s = 7. 2 < 7
1 3
⇓
⇓
⇓
CDDDD
X
CDDD
1 4
<
⇓
⇓
E
F
À l’étape suivante, l’utilisation d’équations similaires à (1.47) conduit à une égalité des nombres d’unités E et F dans la période du joint Σ = 1881 dont la structure peut alors être décrite par : EF = CDDDDCDDD = AABABABABABAABABABAB Cette structure respecte bien le principe de distribution la plus régulière possible des unités minoritaires B dans les unités majoritaires A. Si le joint est irrationnel, le rapport du nombre des unités peut toujours être écrit sous la forme : n nB = +λ (1.49) R= mA m λ est un nombre irrationnel qui, en simplifiant le problème, est considéré sous forme quadratique : λ2 − λ − 1 = 0 (1.50) La séquence des unités structurales peut alors être obtenue en substituant de manière récursive une séquence d’unités à une unité A ou B (auto-similarité) [74]. Nombre d’itérations 0 1 2 3 4 ↓ ∞
Séquence des US
R
AB ABA ABAAB ABAABABA ABAABABAABAAB
1/1 1/2 2/3 3/5 5/8
quasi périodique
1/τ
avec τ, le nombre de l’or. Les joints généraux quasi-périodiques [75] apparaissent comme les limites des joints de coïncidence lorsque la période augmente. La méthode suivante développée pour les quasi-cristaux permet également de déterminer, de manière élégante, la composition exacte de la période de tout joint de grains.
68
2.6.
L ES
JOINTS DE GRAINS
Détermination de la structure intergranulaire par la méthode de la bande
Une autre méthode pour déterminer la séquence d’unités structurales est basée sur le principe de « coupe et projection » utilisé pour décrire la structure des quasicristaux, également appelé « méthode de la bande » [76]. Pour un joint de grains de flexion d’axe rationnel mais dont le plan peut être rationnel ou non, on considère un réseau bidimensionnel construit sur les vecteurs uA et vB , définis précédemment, formant une maille K. On trace une droite E de pente m/n, rapport des nombres d’unités favorisés dans le joint de grains, la séquence de ces unités étant inconnue. Une bande est alors construite en translatant la maille unitaire K le long de la ligne E, elle contient une ligne brisée unique passant par les nœuds du réseau. La projection orthogonale de ces nœuds sur la ligne E détermine la séquence des unités A et B (Fig. 1.37). Si la pente de la ligne E est rationnelle, la distribution des unités A et B est périodique. Un exemple est donné pour le même joint (Σ = 1881) que celui dont on a précédemment déterminé la structure au moyen de l’algorithme, les unités B et C des joints délimitants [68] étant ici simplement notées A et B. Ce joint est bien composé de la séquence : AABABABABAABABABABAB.
F IG . 1.37 – Détermination de la séquence des unités structurales dans un joint de grains par la méthode de la bande (voir texte).
Cette construction élégante permet aisément d’étendre le modèle des unités structurales à des joints irrationnels. Il suffit de considérer une pente irrationnelle de la ligne E (m/n irrationnel), pour que la structure obtenue par projection soit
C HAPITRE 3 – O RDRE
69
ATOMIQUE
quasi-périodique. Notons que cette extension du modèle est restreinte à des joints de pure flexion symétrique d’axe simple dont les indices du plan du joint sont irrationnels mais dont le plan médian est commun à toute la série de joints composés des unités favorisées A et B. La structure observée en microscopie électronique à transmission à haute résolution d’un joint incommensurable {111}I // {331}II dans le nickel a été trouvée en accord avec celle simulée, en utilisant un approximant [71]. La structure quasi périodique unidimensionnelle du joint de grains de flexion 90◦ [001], (100)I // (110)II dans l’or a été étudiée plus en détail [77]. À partir de l’image obtenue en microscopie électronique en transmission, un cliché de diffraction calculé numériquement présente des pics allongés sous forme de bâtonnets perpendiculaires au plan du joint et caractéristiques de celui-ci. L’image directe et l’image filtrée sur ces bâtonnets de diffraction révèlent que ce joint n’est pas périodique (Fig. 1.38). La structure de ce joint √ a été simulée en utilisant des rapports approximant le rapport irrationnel 1/ 2, soit 12/17 ou 29/41 (dans ce dernier cas, le désaccord paramétrique est seulement de 3.10−4 ) (Fig. 1.39). L’image simulée en utilisant les positions atomiques déduites de cette simulation est bien similaire à l’image expérimentale (Fig. 1.40).
(a)
(b)
F IG . 1.38 – (a) Image en microscopie électronique en transmission d’un joint de grains non périodique 90◦ autour de [001] plan (100)I // (110)II dans l’or ; (b) image de Fourier filtrée en utilisant des bâtonnets de diffraction propres à l’interface. (D’après J.M. Pénisson et al. [77].)
70
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F IG . 1.39 – Structure simulée du joint √ (100)I // (110)II en utilisant un approximant du rapport paramètrique irrationnel 1/ 2. (D’après J.M. Pénisson et al. [77].).
F IG . 1.40 – (a) Image expérimentale du joint (100)I // (110)II ; (b) image simulée en partant des positions atomiques de la structure simulée. (D’après J.M. Pénisson et al. [77].)
3.
Intérêts et limites du modèle des unités structurales : « à tout modèle ses exceptions »
L’intérêt majeur du modèle des unités structurales réside dans ses possibilités de prédire les structures intergranulaires. Dans son principe, ce modèle ne s’applique qu’à des séries de joints de grains pour lesquelles un seul des degrés de liberté macroscopique varie. La plupart des simulations de structure portent sur des joints de grains dont la désorientation varie autour d’un axe simple en préservant un plan médian commun. Parmi elles, celles des structures de joints symétriques de flexion pure sont de loin les plus nombreuses et les plus systématiques. Les changements liés à la désorientation seule sont également étudiés pour des joints de torsion pure, des joints de flexion asymétriques et, à l’extrême, des joints dont les indices de plans sont irrationnels. Bien que beaucoup moins exploité dans les calculs de structure intergranulaire, le changement d’orientation du plan médian pour une désorientation fixe entre les cristaux a aussi fait l’objet d’investigations, les résultats sont souvent utilisés pour comprendre le phénomène de formation de facettes. Des structures de différents joints asymétriques de même désorientation ont été analysées en termes d’unités structurales grâce à l’utilisation de conditions
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aux limites non-périodiques dans les simulations, avec des surfaces libres dans la direction perpendiculaire au plan du joint [78]. En général, quels que soient les potentiels interatomiques choisis pour la simulation, les minima énergétiques interviennent pour les mêmes désorientations et correspondent aux mêmes structures intergranulaires, seules les valeurs des énergies diffèrent selon le potentiel utilisé. Cependant, des structures erronées peuvent être obtenues si le potentiel retenu dans les simulations ne reproduit pas certaines propriétés importantes du matériau, en particulier son énergie de faute d’empilement dans le cas des métaux. Bien que d’un point de vue théorique, et en considérant un seul degré de liberté, le modèle des unités structurales soit toujours applicable, il ne s’est avéré réellement utile – c’est-à-dire avec un caractère prédictif – que pour un nombre limité de joints de grains. La structure et, dans certains cas, une propriété comme l’autodiffusion ont été prédites essentiellement pour des joints de flexion pure, et de manière plus restreinte pour des joints de torsion pure, autour d’axes d’indices simples : 100, 110 et 111, voire 112 dans les systèmes cubiques [79]. On dispose de peu d’investigations expérimentales systématiques de l’évolution de la structure atomique d’un joint de grains avec sa désorientation. Les études les plus détaillées de ce point de vue ont porté sur les joints de flexion symétriques 100 et 110 dans les semi-conducteurs [80, 81]. Plus rares sont les simulations pour des systèmes de moindre symétrie et plus rares encore les observations de joints de grains dans ces systèmes. Même dans le cas des joints symétriques de flexion autour d’un axe simple, des restrictions dans le modèle des unités structurales peuvent apparaître. En effet, lorsque les distorsions des unités deviennent trop importantes, leurs contraintes ne peuvent plus se relâcher localement, le joint peut alors adopter un autre mode de relaxation : changement de translation rigide, unité supplémentaire non-prédite, formation de facettes, dissociation du joint (structure 3D), marche. . . On peut distinguer formellement les restrictions d’origine géométrique de celles liées au matériau mais, quelle qu’elle soit, une restriction du modèle est générée par une incompatibilité entre unités structurales, elle évite le développement de contraintes à grande distance. Parmi les restrictions dépendant du type de joint, la limitation du modèle lorsque l’axe de rotation a des indices égaux et a fortiori supérieurs à 221 ou lorsque le joint a un caractère mixte (flexion/torsion) s’explique par l’exigence d’un nombre important de joints délimitants, les données nécessaires dépassent alors les informations qu’on en tire. Le modèle peut toujours être appliqué, mais le contenu des prédictions est réduit [79]. Une autre condition géométrique d’applicabilité du modèle est la compatibilité des translations rigides des joints délimitants. Par ailleurs, la prédiction des structures des joints asymétriques se heurte au fait que ces derniers sont souvent composés de facettes. Concernant les joints de torsion, des unités supplémentaires dites « fillers » non prévues par le modèle sont nécessaires pour combler des vides entre les unités prédites. Une restriction importante dépendant du matériau est liée à son énergie de faute d’empilement qui entraîne une délocalisation des relaxations associées aux
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distorsions et une dissociation du joint de grains, comme cela a été observé dans les métaux. On doit aussi évoquer les relaxations spécifiques aux matériaux ioniques pour éviter que deux ions de même signe soient proches voisins et l’expansion normale au plan du joint qui en résulte. Dans les matériaux covalents, c’est la formation de la liaison covalente qui détermine la structure, la question qui se pose alors est la possibilité ou non d’existence de liaisons pendantes. À ces restrictions d’applicabilité du modèle des unités structurales, il faut greffer celles liées aux méthodes de simulation : choix du potentiel – conditions aux limites - terme d’entropie souvent négligé – questionnement sur l’obtention du vrai minimum d’énergie. . . Des structures intergranulaires complexes, qui n’obéissent pas ou que partiellement au modèle des unités structurales, sont présentées ci-après. Les exemples sont volontairement extraits d’études portant sur des matériaux différents (métal, oxyde, semi-conducteur) et les raisons d’écart au modèle recouvrent les différentes restrictions énoncées précédemment.
3.1.
Joints de grains de flexion à trois dimensions (3D) dans les métaux
Les structures des joints de flexion symétriques 110 dans l’aluminium (Tab. 1.IV), totalement en accord avec les prédictions du modèle des unités structurales, concernent un métal à forte énergie de faute d’empilement. Lorsque cette énergie diminue, les structures calculées sont beaucoup plus complexes. La comparaison des figures 1.41a et 1.41b montre l’effet de cette énergie sur les évolutions de période et de structure atomique de joints symétriques de flexion autour de [1-10] de désorientations variant de θ = 0◦ (Σ1) à θ = 50◦ 48 (Σ11), le plan médian de symétrie étant (110) [68]. Les joints Σ1 (001) et Σ11 (113) sont favorisés dans les deux cas, le joint Σ27 (115) l’est également dans les métaux à haute énergie de faute (aluminium), mais pas dans les métaux à faible énergie de faute (cuivre, argent. . .) où deux unités supplémentaires, A de Σ1 et C de Σ11 se greffent à la structure. Les joints intermédiaires, par exemple Σ33 (118) et Σ19 (116), s’élargissent dans les métaux à faible énergie de faute d’empilement et présentent une structure « arbitraire » par rapport aux joints favorisés qui les encadrent. La description se poursuit pour les métaux à faible énergie de faute d’empilement jusqu’à la désorientation θ = 93◦ 37 avec l’apparition d’une dissociation de certains joints (Fig. 1.42) [68]. Les auteurs incluent le nickel dans les métaux présentant les précédentes structures de joints alors que ce métal possède une énergie de faute non négligeable (de l’ordre de 130 mJ.m−2 ) comparée à celle du cuivre (45 mJ.m−2 ). Cependant, des simulations récentes, utilisant une valeur de l’énergie de faute d’empilement voisine de la valeur déterminée expérimentalement, retrouvent des structures identiques à celles de la figure 1.42 [71]. Les unités des joints favorisés Σ11 (113) = 50◦ 48 et Σ3 (111) θ = 109◦ 47 (ce dernier est décrit sur la figure 1.32) apparaissent bien dans les joints intermédiaires du nickel, mais les structures de ces joints sont imprévisibles, car des fautes d’empilement sont générées dans les cristaux adjacents.
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(a)
(b) F IG . 1.41 – Structures atomiques des joints de flexion symétriques 110, entre θ = 0◦ et θ = 50◦ 48, simulées avec un potentiel EAM : (a) basées sur une haute énergie de faute d’empilement (aluminium) ; (b) basées sur une faible énergie de faute d’empilement (cuivre, argent). Les unités structurales sont dessinées en traits pleins. Seules, les structures des joints de référence Σ1 (001) et Σ11 (113) sont identiques (elles sont reproduites ici une seule fois en (a) ou (b)). (D’après J. Rittner et D.N. Seidman [68].)
Le phénomène de dissociation du joint est observé et analysé dans le cas de la macle incohérente Σ3 (112), θ = 70◦ 53 dans le cuivre [82] ; il est également explicité pour les trois joints simulés Σ33 (225), Σ3 (112) et Σ17 (223) dans l’or
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F IG . 1.42 – Structures atomiques de joints de flexion symétriques 110, entre θ = 50◦ 48 et θ = 109◦ 47 simulées avec un potentiel basé sur une faible énergie de faute d’empilement. Les unités structurales sont dessinées en traits pleins [68]. Les dissociations des joints Σ33 (225), Σ3 (112) et Σ17 (223) sont soulignées par des traits pointillés [82]. Pour la structure du joint Σ3 (111) θ = 109◦ 47, voir figure 1.32.
et le nickel [83]. Dans chaque cas, le joint de grains initial s’est dissocié en deux joints séparés par une région de largeur voisine de 1 nm. Les unités C propres à Σ11 (113) se trouvent sur le joint de gauche, à l’emplacement du joint initial, tandis que des unités D propres au second joint favorisé Σ3 (111) θ = 109◦ 47 se répartissent le long du joint de droite (Fig. 1.42). La forme des unités D du joint Σ3 (111) est explicitée pour Σ33 et Σ3 en termes de composition d’unités A (ou A′ ) de Σ1 [71]. La dissociation intervient par émission de fautes d’empilement bordées par des dislocations partielles de Shockley dont les cœurs peuvent être associés aux unités structurales de Σ3 (111). Les fautes sont d’autant plus rapprochées que la désorientation du joint intermédiaire s’éloigne de celle du joint Σ11 (113). Leur distance correspond à trois unités C de Σ11 dans le joint Σ33 (225), elles s’intercalent entre deux unités C dans le joint Σ3 (112), et ne sont pas séparées dans Σ17 (223). Dans la région entre joints, les plans (111) sont courbés [83]. Dans le cas du joint Σ3 (112) dans le cuivre, la région entre les deux joints a été considérée comme une seconde phase de structure métastable 9R, un polytype de la structure CFC avec une faute d’empilement tous les trois plans {111}, structure décrite par ABCBCACAB (Fig. 1.43) [82]. Généralement la largeur de cette région dissociée observée en microscopie électronique à transmission en haute résolution est quelque peu inférieure à celle prédite par simulation (Fig. 1.44) [83]. Se posent ici deux questions : quelle est la valeur limite de l’énérgie de faute d’empilement entraînant ou non une dissociation du joint de grains ? quels sont
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F IG . 1.43 – Structure relaxée du joint symétrique de flexion {112} dans le cuivre [81]. La région intergranulaire sous forme d’une couche 9R s’étend entre le joint initial (marqué pas des triangles) et le joint à faible angle (ligne en pointillé). Les fautes d’empilement bordées, par des dislocations partielles, sont indiquées (traits pleins) tous les trois plans {111} à l’intérieur de la phase 9R. (D’après U. Woff et al. [82].)
F IG . 1.44 – (a) Image simulée à partir de la structure calculée du joint Σ33 {225} dans l’or ; (b) image obtenue en METHR montrant un bon accord qualitatif avec l’image simulée mais la largeur de dissociation est moindre. Les dislocations partielles étant délocalisées, il est difficile de déterminer exactement la position du second joint. (D’après J.D. Rittner et al. [83].)
les autres facteurs qui influent éventuellement sur cette dissociation ? Notons que la considération d’une énergie de faute relative, par rapport au module de cisaillement (ou de compression), traduit mieux les différences de comportement des joints de grains des métaux. En effet, l’ordre des rapports (Efaute /µ)M avec M = Al, Ni, Cu, est respectivement 10/12−1,5/2−1 (les deux valeurs mentionnées tiennent compte des imprécisions sur les valeurs de µ pour Ni et Cu, métaux anisotropes). Le phénomène de dissociation qui touche également les joints asymétriques est favorable énergétiquement [82]. Il peut prendre de l’importance pour les matériaux métalliques réels où la présence d’impuretés ou de solutés diminue
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généralement l’énergie de faute d’empilement et se répercuter alors sur le comportement mécanique du joint.
3.2.
Joints de grains de flexion asymétriques dans les métaux
Avant d’aborder les joints asymétriques, rappelons qu’un seul degré de liberté doit être considéré pour que le modèle des unités structurales soit applicable. Jusqu’à présent, on a fait varier l’indice de coïncidence Σ qui dépend de θ en laissant constant le plan médian du joint. Le paramètre ξ définit un système dans lequel tous les joints ont le même plan médian. ξ varie donc avec l’inclinaison de ce plan. Pour les joints de flexion [1-10], les plans médians ayant toujours pour indices {hhl}, le nombre ξ est égal au rapport l /h. Les deux paramètres Σ et ξ sont deux paramètres indépendants qui, pour un axe de flexion donné, définissent de manière unique un joint de grains. Lorsque ξ est constant et que Σ varie, la relaxation s’effectue par l’introduction de dislocations intrinsèques secondaires. Ce point est explicité à la section 4, dans laquelle le modèle des unités structurales (SU) est étroitement greffé à celui des dislocations intergranulaires (GBD) dans un modèle unique « SU/GBD » (selon le sigle en langue anglaise généralement adopté). Lorsque Σ est constant et que ξ varie, la relaxation a lieu par formation de facettes. Le modèle des unités structurales s’avère bien adapté pour décrire les structures des joints asymétriques de flexion [1-10], appartenant à un même système ξ = 1 de plan médian (111), dont les désorientations varient entre 109◦ 47 et 141◦ 06, ces deux angles correspondant respectivement aux joints favorisés Σ3 (001)I // (221)II et Σ9 (115)I //(111)II . Les unités de base sont plus complexes que celles des joints symétriques, mais le principe de continuité des structures s’applique aux joints intermédiaires [10]. Si le plan médian varie pour une désorientation donnée, les simulations qui utilisent le plus souvent des conditions aux limites périodiques ne permettent pas d’atteindre la structure intergranulaire mais peuvent rendre compte du phénomène de formation de facettes [10]. La décomposition d’un joint asymétrique en portions symétriques de même désorientation a été prédite par simulation d’un joint Σ5 (36◦ 87 100) dans l’aluminium. Le joint présentant un angle d’asymétrie proche de 8◦ est formé de facettes symétriques {210} en alternance avec des facettes symétriques {310}. Mais, la décomposition n’a plus lieu dès que le degré d’asymétrie dépasse une certaine valeur [84], au-delà des structures plus complexes apparaissent. Merkle et al. ont étudié des joints de grains de désorientations fixes θ = 38◦ 9 (Σ9) et θ = 50◦ 5 (Σ11), le plan du joint étant libre de choisir n’importe quelle inclinaison α, symétrique ou asymétrique [85]. Tous les joints examinés présentent des facettes d’inclinaisons bien précises, sauf le joint symétrique {113}, seul joint favorisé de la série Σ11, qui reste rectiligne. Selon les calculs effectués pour l’or et le cuivre, les facettes asymétriques Σ11 {225}I // {441}II et {557}I // {771}II , peuvent avoir des énergies inférieures à celles des joints symétriques {332}, mais aucune description de ces joints en termes d’unités structurales n’est donnée [85]. Pour un même métal, l’ordre des énergies peut être remis en cause avec le choix d’un potentiel différent dans les calculs.
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Des simulations, par dynamique moléculaire avec des conditions aux limites laissant libres les deux surfaces dans la direction perpendiculaire au plan du joint, permettent de proposer les structures atomiques de quelques joints asymétriques de même coïncidence ou de proche coïncidence [71]. La figure 1.45 présente la structure en termes d’unités structurales du joint asymétrique {225}I // {441}II dans le nickel, obtenue en utilisant un potentiel qui reproduit bien l’énergie de faute d’empilement relativement élevée de ce métal [86].
F IG . 1.45 – Structure du joint de grains asymétrique {225}I // {441}II du nickel, simulée par dynamique moléculaire [86]. Le joint est constitué périodiquement des unités des joints symétriques Σ33 {441} et Σ33 {225} avec apparition du côté {225} d’une faute d’empilement similaire à celle obtenue pour le joint symétrique dans un métal à faible énergie de faute [68].
Ce joint est formé des unités AEA (1/2 période) du joint symétrique Σ33 {441} (Fig. 1.32) et des unités CD du joint symétrique Σ33 {225} (Fig. 1.42). En particulier, la faute d’empilement qui apparaît dans le cristal du côté {225} du joint est similaire à celle obtenue par simulation de la structure du joint {225} pour des métaux à faible énergie de faute d’empilement [68]. En réalité, les bicristaux de flexion symétrique d’énergie élevée sont difficiles à fabriquer dans les métaux, le plus souvent le plan moyen s’écarte de la position symétrique. C’est le cas lorsqu’on tente de fabriquer un joint de grains Σ11 {332} de nickel : à part dans la région très voisine du germe, le bicristal obtenu présente différentes facettes asymétriques, le plan du joint étant souvent un plan dense {111} dans un cristal. La facette {111}I // {331}II semble privilégiée bien qu’elle n’appartienne pas à la famille des joints Σ11, la désorientation entre cristaux étant de 131◦ 47. Cette facette incommensurable est fort probablement décrite par un arrangement quasi-périodique d’unités structurales. Proche de cette orientation, la facette commensurable {111}I // {13 13 5}II appartient à la famille Σ11 (θ = 129◦ 52). Les énergies de ces deux facettes asymétriques et celles des joints symétriques compris entre Σ3 et Σ19, dont {13 13 5} et {331}, sont calculées ;
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leurs structures sont simulées afin de tenter de comprendre le développement de la facette {111}I // {331}II (Tab. 1.V) [69, 71]. Pour simuler ce dernier joint incommensurable, un approximant 5/2 est utilisé moyennant un désaccord paramétrique très faible δ = 0,0066. TAB . 1.V – Description en termes d’unités structurales de plusieurs joints de flexion 110, symétriques et asymétriques, avec leurs énergies respectives dans le nickel. Pour simplifier, l’orientation (+ / −) des unités a été omise [69, 71]. Plan du joint
Σ
θ◦
Période
{331}I // {331}II
19
153,47
{13 13 5 }I // {13 13 5 }II
363
149,47
|EAEA| |EAAAEAAAEA.EAAAEAAAEA|
{552}I // {552}II {221}I // {221}II {332}I // {332}II {111}I // {111}II {111}I // {331}II
{111}I // {13 13 5 }II
27 9 11 3
148,41 141,06 129,52 109,47
Incomm. 131,47
11
129,52
|E E1 AE E1 AEA.E E1 AE E1 AEA| |EAAAEAAA|′ |E E1 AE E1 A|′ |EE| |EDED| |DD| |EAAAEAAAA| |E AAAEAE1 A| |EAAAAAAAAAA.EAAAAAAAAAA|
Énergie (mJ.m−2 ) 1095 1161
1149 1146 970 42 1074
1094
|EAAAAAE1 AAA.EAAAAAE1AAA|
Malgré les structures complexes des deux joints asymétriques, des arrangements séquentiels peuvent être déterminés. Ils se composent des unités A et E des joints symétriques de la même série (voir Fig. 1.32). Le choix des descriptions en termes d’unités structurales des joints de grains des métaux, symétriques et asymétriques peut avoir un caractère « arbitraire ». Ainsi, le tableau 1.V, établi à partir des résultats de simulations, présente, pour certains joints, deux descriptions dont l’ordre hiérarchique diffère, une unité E distordue appelée E1 étant équivalente à deux unités A (ou A′ ) déformées. La seconde description est plus conforme au principe de continuité du modèle des unités structurales qui implique que la proportion d’unités E augmente depuis 1/2 dans le joint Σ19 jusqu’à 1 dans le joint Σ9. Par exemple, la période du joint {13 13 5} symétrique est mieux décrite par |EE1 AEE1 AEA.EE1 AEE1 AEA| que par |EAAAEAAAEA.EAAAEAAAEA|, car le pourcentage d’unités E est plus grand dans la première description, en accord avec la proximité de la désorientation du joint Σ363 de celle du joint Σ9. Les joints suivants dans le tableau 1.V peuvent également être décrits avec des unités E1 . La période du joint Σ27 {552} décrite par [EE1 AEE1 A| est alors similaire à celle du même joint dans le silicium [LLCLLC]. Mais, quelle que soit la description choisie, le joint symétrique {13 13 5} est bien constitué de deux périodes de Σ27 {552} et d’une période de Σ19 {331} : Σ27EA.Σ27EA.
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Les énergies des deux joints asymétriques sont voisines l’une de l’autre, comparables à celle du joint {331}, significativement plus élevées que celle du joint symétrique Σ11 {332}, mais légèrement inférieures à celles des autres joints symétriques. La période du joint {111} // {311}, beaucoup plus petite que celle du joint {111} // {13 13 5}, s’avère être celle observée expérimentalement, la configuration reportée sur la figure 1.46c est en effet identique à la seconde description impliquant l’unité E1 (Fig. 1.46b). Une analyse détaillée des images calculées et expérimentales permet de mieux décrire les arrangements des unités structurales dans les joints asymétriques {hhl} // {111}. Du côté {111} du joint de grains, quel que soit le plan en vis-à-vis, un arrangement régulier d’unités A est clairement mis en évidence. Rappelons que l’unité A peut être vue comme demi unité D du joint symétrique Σ3 {111}. Les séquences proposées dans le tableau 1.V apparaissent sur les images simulées du côté {331} et {13 13 5}, respectivement (Fig. 1.46). Le nombre supérieur d’unités A du côté {hhl}, comparé à leur nombre dans le joint symétrique {hhl}, pourrait résulter de l’addition nécessaire d’unités A comme seconde moitié des unités D du plan {111} en vis-à-vis [69].
(a)
(b)
(c)
F IG . 1.46 – Structures simulées de joints asymétriques de flexion : (a) joint Σ11 {111}I // {13 13 5}II ; (b) joint proche de Σ11 {111}I // {331}II (deux unités A hachurées constituent une unités E distordue appelée E1 dans le Tab. 1.V) ; (c) image expérimentale d’une facette {111}I // {331}II de structure conforme à (b) [71].
En conclusion, les simulations et les observations des joints asymétriques de flexion semblent converger pour décrire ceux-ci en utilisant les unités structurales qui apparaissent dans les joints symétriques de mêmes plans.
3.3.
Joints de grains de torsion dans les métaux
Le modèle des unités structurales a été appliqué dès ses débuts aux joints de grains de torsion [87]. Ceux-ci étant difficilement observables en METHR, les
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informations sur leurs structures proviennent souvent de simulations. Le pavage du plan du joint par les unités structurales des joints délimitants n’est jamais parfait, des unités supplémentaires appelées « fillers » interviennent pour remplir les vides laissés par l’arrangement des unités de base (Fig. 1.47) [88].
F IG . 1.47 – Structure relaxée d’un joint de torsion Σ85, 8◦ 8 001 dans le cuivre. Les vecteurs du réseau CSL 1/2 760 délimitent la période du joint. Vingt-cinq unités A de Σ1 composent majoritairement la période, en accord avec le faible angle de désorientation du joint. Au coin de la maille période se trouve une unité B de Σ5. Les unités « filler » se localisent entre deux unités B le long du carré formé par les unités A. (D’après D. Schwart et al. [88].)
La structure d’une unité « filler » ne peut pas être déterminée par simulation, en revanche sa taille peut l’être puisqu’elle dépend de celles des unités A et B. Le modèle des unités structurales ne peut pas prédire totalement la structure d’un joint de torsion (et mixte a fortiori). Plus larges sont les unités « fillers », moins le modèle est prédictif.
3.4.
Joints de grains dans les matériaux covalents
Dans les matériaux covalents, la structure atomique d’un joint de grains est étroitement liée à sa structure électronique. C’est la formation de liaison covalente qui détermine la structure atomique du joint de grains. On ne peut cependant pas exclure la possibilité de liaisons pendantes associées à des états électroniques dans le gap d’énergie fondamentale. Les joints de grains de flexion dans les semiconducteurs, particulièrement dans le silicium et le germanium, ont été les premiers étudiés en microscopie électronique en transmission à cause de leurs paramètres relativement grands et, sans doute aussi, grâce au fait qu’on peut les obtenir avec un degré élevé de pureté laissant espérer une bonne adéquation entre le joint fabriqué et le joint visé dans l’élaboration. Dans tous les cas, les atomes
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ont été trouvés tétra coordonnés : il y a reconstruction du joint de telle manière qu’il n’y a pas de liaisons pendantes. Il n’y a pas d’états électroniques intrinsèques localisés aux joints de flexion. Cependant, les unités structurales allant par paires dans les semi-conducteurs, le principe de la continuité du modèle correspondant n’est pas toujours strictement applicable. Le tableau 1.VI montre l’évolution des structures pour la série de joints de grains symétriques de flexion 110 dans les semi-conducteurs [81]. Pour partie, elle est similaire à celle des métaux (Tab. 1.V) avec un joint favorisé supplémentaire Σ9 {221} de faible énergie, dont l’unité ne peut pas être décomposée en une unité de Σ1 {110} et une unité de Σ3 {111}. Rappelons que dans les métaux, ce joint d’énergie non négligeable peut constituer un joint délimitant. TAB . 1.VI – Périodes et structures en termes d’unités structurales d’une série de joints de flexion symétrique autour de 110 dans le silicium et le germanium [81]. (La période du joint Σ123 peut également être composée de deux séquences identiques d’unités avec les signes inverses.)
θ◦ 180 163,9 153,47 148,41 141,06 129,52 126,41 124,12 109,47
Σ 1 51 19 27 9 11 A 11 B 123 41 3
Plan du joint {110} {551} {331} {552} {221} {332} {775} {443} {111}
Structure |C.C| |L+ CCL− CC| |LC.LC| |L+ L− C L− L+ C| |L+ L− | ou |M+ M− | |M+ TM− T| + |M TM− P+ M− TM+ P− | − + − + |M P P M T.M− P+ P− M+ T| |M+ P− P+ M+ M− TT| |T.T|
L’unité C du joint Σ1 {110} est composée de deux cycles de six atomes ; deux unités, translatées l’une par rapport à l’autre selon l’axe de flexion de τ = a/4 110, sont nécessaires pour décrire la période |C.C|. La période du joint Σ3 {111} est formée par deux unités T, chacune est un cycle bateau à six atomes ; il existe également une translation d’une unité à l’autre, le joint s’écrit donc |T.T|. Le joint Σ9 {221} a deux structures stables dont les périodes sont constituées chacune de deux unités L ou de deux unités M orientées de manière symétrique par rapport au plan du joint : |L+ L− | ou |M+ M− |. Chacune de ces unités est formée d’un cycle à cinq atomes et d’un cycle à sept atomes, mais la connexion des cycles diffère selon le type d’unité L ou M (Fig. 1.48) [55]. Les unités L et M interviennent respectivement dans les joints de désorientations supérieures et inférieures à 129◦ 52 (Tab. 1.VI). La présence d’une seule unité C ou T au sein d’une séquence provoque une translation le long de l’axe de flexion, la période du joint correspondant est alors doublée. Les joints intermédiaires entre Σ1 et Σ9 obéissent parfaitement au modèle des unités structurales. En revanche, une anomalie se manifeste dans la structure du joint Σ11 B {332} et dans les deux joints suivants de la série avec la présence d’une
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F IG . 1.48 – Forme des unités structurales des joints favorisés Σ1 (a) Σ3 (b) et Σ9 (c) dans le silicium et le germanium. (D’après J. Thibault et al. [81].)
unité supplémentaire P non-prédite par le modèle. Cette unité est aussi constituée de cycles de cinq et sept atomes, mais différemment connectés par comparaison aux unités M ou L. Elle a été trouvée dans un joint Σ3 de haute énergie. La structure A est associée à un plan miroir avec glissement alors que la structure B se trouve dans un pur plan miroir (Fig. 1.49). Dans ce dernier cas, l’unité supplémentaire P compense l’incompatibilité entre les translations rigides des joints favorisés d’unités M (τ = 0) et T (τ = 1/4 110). La structure Σ11A est stable dans le silicium à basse température alors que la structure B peut apparaître à haute température. La situation est inversée dans le cas du germanium pour lequel les deux structures ont été observées. Cette constatation est difficilement explicable par les différences d’énergie à basse température entre ces structures, respectivement en mJ.m−2 : 467 pour Σ11 A, 478 pour Σ11B dans le silicium et 373 pour Σ11 A, 366 pour Σ11B dans le germanium [89].
F IG . 1.49 – Structures simulées et observées des joints Σ11A et Σ11B dans le silicium et le germanium. (D’après J. Thibault et al. [55].)
Si on considère que l’unité P est une unité possible de Σ3, alors toute la série du tableau 1.VI vérifie le modèle des unités structurales, mais certaines structures déduites des calculs et des observations ne sont pas prédites par le modèle.
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Il est difficile de définir par simulation des unités structurales avec des atomes tétra coordonnés dans les joints de torsion des semi-conducteurs, (Sect. 4.4.). Ces joints sont relativement « désordonnés », leurs énergies sont d’ailleurs supérieures, dans un rapport de deux à quatre, aux énergies des joints de flexion.
3.5.
Joints de grains dans les matériaux ioniques
Les études expérimentales et par simulation des joints de grains dans les matériaux ioniques sont relativement moins nombreuses que celles développées dans le cas des matériaux métalliques et covalents principalement pour les raisons suivantes : – Les structures cristallographiques de ces matériaux sont généralement plus complexes (symétrie moindre et/ou un grand nombre d’atomes par maille). – La forte interaction répulsive entre ions de même signe entraîne des relaxations et des reconstructions pour éviter que ces ions soient proches voisins. Il en résulte une expansion non négligeable et des structures intergranulaires généralement plus ouvertes que celles des joints de grains dans les métaux. Les relaxations diffèrent selon le caractère du plan du joint : « échiquier » (alternance d’anions et de cations dans le plan) ou « double-couche » (plans alternativement composés uniquement d’anions ou de cations). Les interactions à grande distance rendent plus complexes les simulations par rapport à celles menées pour les métaux et les semi-conducteurs où les interactions se font sentir à distance relativement courte. – Le cœur du joint peut acquérir une charge qui doit être compensée par une charge d’espace s’étendant souvent à des distances importantes de part et d’autre du joint. La charge ionique peut aussi ne pas être constante dans le joint. Ces restrictions font que les accords entre les structures simulées et les structures observées des joints de grains dans les matériaux ioniques sont relativement rares par comparaison aux résultats obtenus pour les métaux. Elles expliquent aussi pourquoi la majorité des études ont porté sur les oxydes à structure cubique comme MgO ou NiO et, à quelques exceptions près, sur des structures avec une petite maille élémentaire. Les structures simulées des joints de flexion symétriques [001] dans NiO [90] sont souvent plus ouvertes que celles observées par microscopie électronique à haute résolution. Cette remarque est illustrée sur la figure 1.50 qui présente l’image simulée et l’image expérimentale du joint symétrique Σ5 (210). Cette dichotomie a été expliquée, à partir d’images électroniques, par une vacance des sites le long des colonnes atomiques parallèles à l’axe de flexion [91]. Cette vacance, qui peut atteindre 25 % dans certains joints, n’est pas considérée dans les simulations. On doit aussi remarquer que les structures observées sont obtenues par trempe depuis les hautes températures alors que la plupart des structures simulées sont celles à 0 K. Les autres joints de flexion 001 observés, symétriques et asymétriques, présentent pour la plupart des facettes avec un plan {100} dans un grain au moins [91].
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F IG . 1.50 – Structures du joint de flexion symétrique Σ5 [001], (210) dans NiO : (a) image simulée (colonnes atomiques en noir) à partir des calculs de D.M. Duffy et R.W. Tasker [90] ; (b) image en microscopie électronique en transmission montrant un arrangement plus dense des atomes dans le cœur du joint que celui déduit des simulations. (D’après K.L. Merkle [91].)
Ce dernier est le plan le plus dense pour les joints de flexion 001, quelle que soit leur désorientation. Finalement, Duffy et Tasker montrent que, si le plan du joint est de type « double-couche », l’expansion qui intervient au cœur du joint produit une charge positive d’un côté du joint et une charge négative de l’autre côté ; une différence de potentiel est ainsi créée qui peut atteindre sensiblement deux volts pour le joint symétrique {311} dans NiO [92]. Les défauts chargés présents dans les cristaux vont tenter de diminuer cette différence en formant des régions avec une charge d’espace de part et d’autre du plan du joint. Le plan « double-couche » joue donc un rôle de puits et source de défauts ponctuels. Lorsque l’oxyde a une structure plus complexe, les calculs d’énergie totale et de forces atomiques, par les méthodes ab initio de structure de bandes basées sur la théorie de la fonctionnelle de la densité d’état local (LDFT), se sont avérés quantitativement plus précis que les simulations atomiques. Ainsi, pour la macle rhomboédrique dans l’alumine, ils prédisent que l’interface de plus faible énergie se situe sur les lacunes interstitielles octaédriques du réseau. Deux structures métastables de ce type sont déterminées avec un net privilège pour la structure de symétrie n (axe d’ordre 2 avec glissement) ou « macle vis » qui ne présente aucune expansion et a une énergie très faible alors que la macle avec glissement a une expansion non
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nulle et une énergie plus élevée (Fig. 1.51) [93]. Dans la structure de symétrie n, les ions oxygène forment une configuration très voisine de celle qu’ils ont dans le cristal.
F IG . 1.51 – (a) Projection selon [12-10] de la structure initiale, considérée dans les simulations, de la macle rhomboédrique de plan lacunaire dans l’alumine ; (b) (c) projections selon [10-11] du joint de macle après relaxation pour deux états d’expansion τ⊥ différents : τ⊥ = 0 (b) et (c) τ⊥ = 0,03 aalumine . Les atomes d’aluminium sont représentés par des petites sphères noires, ceux d’oxygène par des grandes sphères grises avec des tailles décroissantes le long de l’axe de projection. (D’après A.G. Marinopoulos et C. Elsässer [93].)
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Ces prédictions sont en accord avec les interprétations des images obtenues en microscopie électronique en transmission, selon une approche basée sur les groupes de symétrie [94]. L’image obtenue par une technique de reconstruction de la phase de la fonction d’onde à la sortie du cristal et à partir d’une série d’images de différentes « défocalisations » montre directement que le joint de la macle rhomboédrique est situé sur les lacunes d’aluminium [95] (Fig. 1.52).
F IG . 1.52 – Image reconstruite à partir d’une série d’images électroniques avec différentes défocalisations, de la macle rhomboédrique dans l’alumine (voir texte). Le plan du joint est bien situé sur les lacunes d’aluminium. Une dislocation intrinsèque associée à une marche est également visible. (D’après C. Kisielowski et al. [95].)
L’utilisation de l’imagerie en contraste Z dans un microscope électronique à balayage, combinée avec la technique de spectroscopie des pertes d’énergies des électrons, a permis à Browning et al. de déterminer les structures d’un grand nombre de joints symétriques de flexion [001] dans l’oxyde mixte SrTiO3 [96]. Six unités élémentaires de joints favorisés permettent de construire les structures de tous les joints d’une manière totalement en accord avec le principe de continuité du modèle des unités structurales (Fig. 1.53). Les sites de certaines colonnes ne sont que partiellement remplis pour éviter les interactions répulsives entre ions de même signe dans les cœurs des joints, en accord avec ce qui avait été suggéré précédemment pour NiO [91]. Les structures des joints Σ13, 67◦ 38, Σ25, 73◦ 74 ont bien des périodes |E*H| et |E*HE*| constituées des unités, quelque peu distordues, des joints délimitants Σ5 et Σ1. Un affinement des structures par des calculs de valences de liaisons conduit à la neutralité et à la stœchiométrie des modèles pour tous les joints analysés, moyennant de très petits déplacements (< 0,02 nm) des colonnes des ions métalliques, un exemple en est donné sur la figure 1.54. En conclusion, bien que les diverses structures intergranulaires présentées dans cette section n’obéissent pas strictement au modèle des unités structurales, ce dernier demeure la référence à laquelle il est utile de se référer pour les décrire (c’est en particulier vrai pour les joints de flexion asymétriques), sinon les prédire.
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F IG . 1.53 – Les unités structurales des joints délimitants qui servent à construire les structures de tous les joints de flexion [001] dans SrTi O3 . Les unités E et E* correspondent aux désorientations 0◦ et 90◦ des plans (100) et (110) du monocristal, respectivement. Les unités F et F′ forment le joint Σ17 de désorientation 28◦ 07 de plan (410), les unités G et H sont attachées aux joints Σ5, 36◦ 87 (310) et 53◦ 13 (210) respectivement. (Les cercles hachurés indiquent des colonnes partiellement occupées par les atomes.) (D’après N.D. Browning et al. [96].)
F IG . 1.54 – Structure du joint de grains Σ13 − 67◦ [001] {320} dans SrTi O3 ; (a) dérivée des images en contraste Z ; (b) après affinement de la structure par des calculs de valences de liaisons (symboles identiques à ceux de la figure 1.53). (D’après N.D. Browning et al. [96].)
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4.
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Modèle Unités Structurales/Dislocations intrinsèques (SU/GBD)
Pour des raisons de clarté, nous avons fait choix de présenter à part le modèle appelé « SU/GBD » pour Structural Unit/Grain Boundary Dislocation qui fait le lien entre les unités structurales et les dislocations intrinsèques. Cependant, dès 1959, Hornstra associe une dislocation à une unité structurale [9]. Ce lien est également présent dans l’article original de Sutton et Vitek [10]. Ces auteurs non seulement calculent l’énergie intergranulaire conduisant à la définition de la structure d’un joint de grains, mais décrivent les champs des contraintes hydrostatiques révélant une forte relation entre les unités minoritaires et les dislocations secondaires.
4.1.
Principe du modèle SU/GBD
Le principe du modèle SU/GBD s’exprime ainsi. Dans un joint de longue période tel AAAAB. . ., chaque unité minoritaire B est le cœur d’une dislocation intrinsèque secondaire dont le vecteur de Burgers appartient au réseau DSC du joint délimitant composé des unités majoritaires A (Fig. 1.55).
F IG . 1.55 – Schéma montrant la relation entre les descriptions d’un joint de grains en termes d’unités structurales et en termes de dislocations intrinsèques. Le réseau de dislocations secondaires attachées aux unités B constitue un sous-joint dans le joint de grains favorisé d’unités A.
Le vecteur de Burgers bA d’une dislocation secondaire peut être exprimé par rapport à la longueur de l’unité structurale minoritaire vB et des angles de
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désorientation θA et θB des joints délimitants en se référant à la figure 1.36, aux expressions (1.44) et (1.45) et en appliquant la formule de Frank (1.29) à une période du joint : (1.51) bA = 2 vB sin((θB − θA )/2) Cette équation signifie qu’un choix doit être fait pour le joint délimitant A. Cette remarque est à rapprocher de l’intérêt, explicité à la section 2.2, d’encadrer le joint intermédiaire entre deux joints délimitants de désorientations les plus voisines possible de manière à réduire au mieux les distorsions des unités structurales. Les valeurs prises par le vecteur bA associé à une unité structurale B dans divers joints de flexion symétriques du silicium sont présentées ultérieurement (partie 2). Les dislocations intrinsèques secondaires localisent la déviation angulaire entre le joint intermédiaire et le joint délimitant composé d’unités majoritaires. Plus grande est la localisation des dislocations, moins les unités structurales sont distordues. Si cette localisation n’est pas réalisée physiquement dans un joint intermédiaire, alors le modèle SU/GBD n’est qu’une description géométrique sans relation avec les relaxations atomiques dans ce joint. Le joint de grains favorisé est libre de dislocations secondaires. Il peut même être considéré comme libre de toute dislocation s’il peut être décrit comme un plan invariant dans un cisaillement simple. Alternativement, un joint favorisé peut être décrit par un arrangement de dislocations primaires uniformément espacées et très proches l’une de l’autre, donc très difficiles à observer en microscopie électronique en transmission. Le joint Σ3 {111}, par exemple, décrit par une rotation de 70◦ 53 110 (ou 60◦ 111) est aussi obtenu par un cisaillement parallèle aux plans {111}. Bien que décrit comme libre de dislocations, un joint favorisé n’est donc pas libre de contraintes à courte distance. De la même manière qu’il existe une hiérarchie des descriptions des structures des joints de grains en termes d’unités structurales, il existe une hiérarchie des descriptions des joints en termes de dislocations. Sur la figure 1.31 (Sect. 2.2), la hiérarchie des structures de dislocations est associée à celle des unités structurales pour le joint de flexion Σ73 (001) [53]. Les dislocations dans les descriptions d’ordre 2 ou 3 peuvent être considérées comme des perturbations dans l’arrangement correspondant à l’ordre 1. Au premier ordre, apparaissent des dislocations secondaires dont les vecteurs de Burgers d’intensité a/2 [110] sont ceux associés aux unités majoritaires du plan (001) du monocristal, au second ordre, les vecteurs de Burgers sont a/5 [210] et au troisième ordre ils deviennent égaux à a/10 [310]. Seule l’observation des dislocations précise quelle est la structure adoptée par le joint.
4.2.
Caractérisation des dislocations associées aux unités structurales
On rappelle les expressions (1.37) donnant le vecteur de Burgers b et la hauteur h de la marche associés à une dislocation intergranulaire : b = sI − sII et h = n(sI + sII )/2 [47].
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Une méthode algébrique a été développée pour attribuer un vecteur de Burgers à chaque unité structurale. Un couple de vecteurs sI et sII est attaché à chaque unité, ce couple ne dépend pas du joint de grains dans lequel se situe l’unité. La longueur du vecteur est celle de la période de l’unité structurale. Il en résulte qu’une unité structurale peut être décrite par une matrice (2 × 2) dont les composantes sont celles des vecteurs sI et sII dans les systèmes de référence du cristal I et du cristal II respectivement [55] : sI = m1 a1 + n1 b1 sII = m2 a2 + n2 b2
(1.52)
m m L’unité structurale correspondante est définie par : SU = 1 2 n1 n2
(1.53)
Pour des joints de pure flexion, les unités de base peuvent être choisies de telle manière que leur somme soit égale à la période du joint Σ1. Par exemple a1 = 1/4 [2−11]I , b1 = 1/4 [21−1]I , a2 = 1/4 [2−11]II , b2 = 1/4 [21−1]II avec a + b = [100]. Cette méthode a été appliquée aux joints symétriques de flexion dans le silicium et le germanium. La figure 1.56 montre les couples de vecteurs (sI , sII ) pour les unités T de Σ3 et M+ de Σ9 et le tableau 1.VIII donne les différentes matrices associées aux unités structurales des joints délimitants pour la série des joints de flexion 110 dans ces matériaux [55].
F IG . 1.56 – Détermination du couple de vecteurs (sI sII ) pour les unités structurales T et M+ dans le silicium et le germanium. (D’après J. Thibault et al. [55].)
TAB . 1.VII – Notation matricielle des unités structurales dans quelques joints délimitants pour la série des joints de flexion 110 de plan médian {110} [55].
C+ 00 11
C− 11 00
L+ M+ 01 21
L− M− 12 10
P+ −1 0 21
P− 12 0 −1
T 01 10
Cette notation matricielle permet des opérations sur les unités structurales qui prendront un intérêt tout particulier pour l’introduction de défauts dans la structure intergranulaire (partie 2). La matrice liée à la somme d’unités structurales est
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la somme des matrices de chaque unité, en accord avec la règle de conservation des vecteurs de Burgers et des hauteurs de marche. Ainsi pour un joint de période AAAB, on a dans chaque grain i : si (AAAB) = si (A)+si (AAB). Un joint symétrique est défini par une période dont l’unité structurale ou le groupe d’unités est décrit par une matrice symétrique : p q période (SU) = q p
Le tableau 1.IX donne les matrices associées aux périodes de plusieurs joints symétriques de flexion. Lorsque les composantes p et q sont paires, la période résultante est faite de deux groupes de même contenu en unités structurales ou est doublée par rapport à la période du réseau CSL. TAB . 1.VIII – Notation matricielle des périodes de plusieurs joints de flexion 110 symétriques de plan médian {110}. Le symbole * indique que la période est constituée de deux unités identiques translatées l’une par rapport à l’autre le long de l’axe de flexion ; le symbole ** indique que la période est doublée par rapport à celle du réseau CSL (voir Tab. 1.VI) [55].
Σ1 11 11
Σ19* 24 42
Σ27 37 73
Σ9 13 31
Σ337 5 19 19 5
Σ59 14 41
Σ11A 15 51
Σ11B** 2 10 10 2
Σ3* 02 20
Un joint avec un plan miroir est fait de deux groupes d’unités structurales reliées par une symétrie miroir, sa période est telle que : p q m1 m2 n2 n1 + = q p n1 n2 m2 m1
C’est le cas du joint Σ9 fait de deux unités M+ M− ou de deux unités L+ L− . Utilisons maintenant les vecteurs sI et sII dans les équations (1.37) pour obtenir le vecteur de Burgers b d’une dislocation associée à une unité structurale. Si sI et sII sont indexés dans leur référentiel respectif et que RI est la rotation qui relie le cristal I au cristal II, alors le vecteur de Burgers primaire est (dans le référentiel du cristal I) : (1.54) b = sI − sII = sI − R−1 r sI
Dans l’expression (1.54), b étant un vecteur de Burgers parfait du cristal, sI doit appartenir au réseau CSL et donc la rotation Rr est celle d’un joint de référence (indice r pour référence). Notons cependant que même si l’unité structurale ne correspond pas à une dislocation de matrice, un « pseudo vecteur de Burgers » primaire peut être trouvé. Pour obtenir le vecteur de Burgers d’une dislocation secondaire bS , on doit définir les vecteurs s dans le bicristal, c’est-à-dire qu’il faut remplacer sII par Re sII (Re est la rotation entre cristaux pour le joint étudié proche du joint de référence), on a alors : (1.55) bs = sI − Re sII
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Si dans l’équation précédente Re = Rr alors bs = 0, ce qui est normal car aucune dislocation secondaire n’est associée à une période du joint de référence, c’est le cas pour tous les joints symétriques du tableau 1.IX. En revanche si le joint étudié diffère du joint de référence (Re = Rr ), en remplaçant sII dans (1.55) par son expression utilisée dans (1.54), on obtient une équation analogue à celle définissant le réseau-02 (1.23). −1 bs = sI − Re R−1 r sI = (I − D )sI
4.3.
(1.56)
Application du modèle SU/GBD aux joints de flexion
La localisation des dislocations secondaires dans un joint de flexion est déduite de la carte du champ des contraintes hydrostatiques dans ce joint. Les figures 1.57 et 1.58 donnent deux exemples de structures et de distributions des contraintes pour deux joints de flexion [1-10] dans l’aluminium : le joint favorisé Σ11 (113) et le joint général Σ89 (229) [10]. Sur ces cartes, la contrainte en chaque site atomique est représentée par une flèche pointant vers la droite pour un site en compression et vers la gauche pour un site en tension. La longueur de la flèche indique la valeur relative de cette contrainte. Pour le joint favorisé de période |C.C|, chaque unité C délimitée par les vecteurs 1/2 [1-10] et 1/4 [33-2] dans le plan du joint peut formellement être associée à une dislocation primaire de vecteurs de Burgers égale à un vecteur de matrice. Mais l’absence de surconcentration nette de contraintes dans le joint et l’espacement faible (d = a/4 [33-2]) des dislocations primaires font qu’il est préférable de considérer ce joint comme résultant d’un cisaillement (comme indiqué par les flèches sur la figure 1.57). Dans le joint Σ89 (229), les unités B du joint précédent sont minoritaires et espacées d’une distance égale à une période du joint général soit d = a/2 [99-4]. Leur localisation, à l’extrémité de plans {115} des deux grains révèle clairement qu’elles sont associées à des dislocations coin de vecteur de Burgers égales au double de l’espacement des plans {115} : d = 2a/27 [115]1 (Fig. 1.58a). Ce vecteur a une intensité double de celle du vecteur élémentaire du réseau DSC du joint de grains Σ27. L’emplacement des cœurs des dislocations secondaires est bien mis en évidence par la concentration locale des contraintes hydrostatiques (Fig. 1.58b). Dans les semi-conducteurs, le joint Σ27 {552} de période L+ L− C L− L+ C (Tab. 1.VI) est constitué d’unités C et L des joints favorisés Σ1 et Σ9 mais aussi d’une période LC du joint Σ19 et d’une période L du joint Σ9. Le joint Σ19 peut être considéré comme un joint de faible angle constitué de dislocations coin de Lomer a/2 110 caractérisées par un cœur L.
Au niveau de l’observation en microscopie électronique en transmission à haute résolution, si la localisation d’une dislocation intergranulaire et son association à une unité structurale est relativement aisée dans les joints de flexion symétriques elles deviennent problématiques dans les joints asymétriques et dans les joints généraux décrits comme quasi périodiques.
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F IG . 1.57 – Carte de champ de contraintes hydrostatiques pour le joint de flexion [1-10] Σ11 (113) dans l’aluminium (la structure de ce joint est donnée dans la figure 1.28). (D’après A.P. Sutton et V. Vitek [10].)
F IG . 1.58 – (a) Structure atomique et (b) carte de champ de contraintes hydrostatiques pour le joint de flexion [1-10] Σ89 (229) dans l’aluminium. (D’après A.P. Sutton et V. Vitek [10].)
4.4.
Limite du modèle SU/GBD pour les joints de torsion
Dans les joints de torsion, c’est la carte des contraintes de cisaillement qui indique la localisation des dislocations vis. La figure 1.59 montre la distribution des contraintes associées au joint de torsion Σ85 de faible angle (θ = 8◦ 8) autour de l’axe [001] qui doit être comparée à la structure de ce joint (Fig. 1.47) [87]. La répartition des contraintes montre que les unités fillers correspondent aux cœurs des dislocations vis de vecteur b = a/2 110 et que les unités minoritaires se situent à l’intersection de ces dislocations. Le modèle SU/GBD ne peut donc totalement prédire la structure du joint en termes d’unités structurales, mais les emplacements
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F IG . 1.59 – Carte des contraintes de cisaillement associées aux différents sites dans le joint de torsion Σ85 (001) (θ = 8◦ 8) (voir Fig. 1.47). (D’après D. Schwartz et al. [87].)
des dislocations vis sont déterminés par le fait qu’elles bordent les régions formées d’unités majoritaires et qu’elles se croisent à l’aplomb des unités minoritaires. Les joints de torsion 001 à faible angle du silicium présente une grille de dislocations vis de vecteur a/2 110 dont les intersections peuvent correspondre à plusieurs structures non tétra coordonnées d’énergies similaires suggérant que ces régions sont dans un état voisin de l’état amorphe. En revanche, dans le joint de désorientation 90◦ autour de 001, des unités structurales se localisent aux intersections des dislocations vis, les atomes étant coordonnés à quatre voisins [97]. Enfin, dans des joints de torsion de haute énergie (voisine de 1,4 J.m−2 pour Σ29 (100) dans le silicium et de 1 J.m−2 pour Σ11 (110) dans le palladium), équilibrés à haute température puis refroidis lentement, les simulations par dynamique moléculaire révèlent la présence d’une couche amorphe confinée d’épaisseur inférieure à 1 nm [98]. Les joints de torsion de plus faible énergie (par exemple 640 mJ.m−2 dans le silicium) sont cristallins. L’introduction d’une telle couche dans un joint de grains provoque un élargissement du cœur du joint et une diminution de l’énergie intergranulaire par rapport aux caractéristiques d’un même joint relaxé à 0 K. De plus, le joint de grains en présence de cette couche solide amorphe n’évolue pas comme un joint cristallin lorsque la température augmente (Chap. 4, Sect. 2). L’existence dans un joint de torsion Σ5 (100) du germanium d’une structure désordonnée, similaire à celle du germanium massif amorphe, a également été déterminée par des calculs entièrement basés sur la mécanique quantique [99]. La plupart des observations en microscopie électronique de joints de torsion 001 montrent que l’interface est relaxée avec des arrangements bien ordonnés de dislocations vis. Souvent, l’absence d’information expérimentale sur l’arrangement exact des atomes ne permet pas d’infirmer ou de confirmer le désordre local
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de certaines régions. Cependant, un désordre structural dans les premiers plans voisins du plan du joint a été observé en METHR pour certains joints de torsion (100) dans l’or. Les résultats contradictoires sur la structure des joints de torsion illustrent bien l’interrogation sous-jacente dans le titre de cette partie : De l’ordre au désordre intergranulaire. En effet, si l’on admet que des joints de torsion simple, de plan (001) dans le système cubique peuvent être désordonnés, qu’en est-il des joints de grains généraux des polycristaux de caractère mixte flexion/torsion et dont les énergies atteignent un ordre de grandeur élevé (γ > 1 J.m−2 ). Cette question fait l’objet du chapitre 6. En conclusion, l’utilité du modèle SU/GBD pour décrire les joints mixtes est très limitée, c’est dire que les cœurs des dislocations secondaires préservant le joint délimitant sont larges et que le minimum d’énergie pour chaque joint délimitant est trop faible pour être détecté. Il en est de même pour les joints de pure flexion et de pure torsion lorsque les indices de l’axe de rotation augmentent. Finalement, le modèle SU/GBD présente les mêmes restrictions que celui des unités structurales, il n’est réellement appliqué qu’aux joints de pure flexion et de pure torsion autour de 100, 110, 111 et majoritairement pour des matériaux cubiques. Le lien étroit qui associe l’unité structurale à une dislocation et à son vecteur de Burgers est approfondi ultérieurement lorsqu’un défaut linéaire de structure est introduit dans le joint (partie 2).
5.
Modèle Unités Structurales/Désinclinaisons
Ce modèle combine la description du joint de grains au niveau atomique en termes d’unités structurales et son approche mésoscopique en termes de désinclinaisons [62]. Bien que présenté pour les joints de flexion symétriques, il peut s’étendre à des joints plus généraux. Dans un joint de flexion, la jonction entre deux unités structurales, chacune étant caractéristique d’une désorientation d’un joint délimitant, est une ligne de désinclinaison. À chaque élément structural peut donc être associé un dipôle de désinclinaisons, le joint est alors décrit comme un mur de dipôles de désinclinaisons (MDD) (Fig. 1.60). La période H du joint est égale à la somme des longueurs uA , vB de tous les dipôles contenus dans H , correspondant aux régions de désorientations θA et θB respectivement. Dans ce modèle, H est déduit géométriquement en prenant en compte les distorsions des unités structurales dans le joint de désorientation moyenne θ [100] : H sin(θ/2) = m uA sin(θA /2) + n vB sin(θB /2)
(1.57)
d’où la désorientation moyenne d’un joint : sin θ/2 =
m uA sin(θA /2) + n vB sin(θB /2) m uA + nvB
(1.58)
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F IG . 1.60 – Schéma montrant la structure d’un joint de grains en termes de désinclinaisons localisées à la jonction entre deux unités différentes. Entre ces défauts, les arrangements d’unités identiques sont des dipôles de désinclinaisons et le joint est un mur de dipôles (MDD) [100]. (D’après V.X. Gertsman et al. [62].)
Combinant les descriptions aux échelles mésoscopique et atomistique du joint de grains, le modèle « désinclinaisons/unités structurales » s’avère intéressant pour dériver l’énergie intergranulaire (voir Chap. 5, Sect. 2.1).
4
Ordre ou désordre à haute température ?
Un joint est décrit comme une phase à deux dimensions distincte de celle des cristaux avoisinants [101]. La question qui nous interpelle à cette étape de réflexion sur la structure d’équilibre d’un joint de grains est l’existence de changements de structures propres à cette phase bidimensionnelle et la possibilité de perte de l’ordre intergranulaire lorsque la température augmente. Des changements de phases aux joints peuvent également résulter de variations de composition chimique, cet effet n’est pas considéré ici, il l’est longuement lorsque nous traitons du phénomène de ségrégation (partie 2). Les transitions de phases aux joints de grains peuvent se rattacher aux deux groupes généralement considérés [102] : – Les transitions de phases congruentes n’impliquent aucun changement des paramètres géométriques d’un joint de grains, elles se manifestent par des changements de sa structure de cœur. – Les transitions de phases non-congruentes s’accompagnent d’un changement de la désorientation et/ou du plan du joint de grains. D’un point de vue pratique, on distingue la transformation à un joint de grains de la phase solide d’équilibre à basse température en une autre phase solide et sa transformation en phase liquide. Les phénomènes d’adsorption et d’émission de lacunes par un joint de grains sont également considérés comme des transformations structurales locales, un désordre intergranulaire pouvant résulter de la production coopérative de lacunes. Ces phénomènes sont similaires à ceux qui interviennent dans les transformations « ordre/désordre » ou lors de la fusion d’une phase cristalline volumique [101].
1.
Changements de phases solide/solide au joint de grains
En termes d’unités structurales, les transformations de phases congruentes solide/solide sont liées à la multiplicité des structures (Chap. 3, Sect. 2.3). Tout d’abord proposée sur la base d’arguments purement thermodynamiques [101], l’existence de telles transformations dépend de la disponibilité de structures alternatives de joints
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délimitants et des différences d’énergie de ces structures [103]. Les processus lacunaires induisent, à toute température, le remplacement dans la structure d’un joint de certaines fractions des unités structurales trouvées à 0 K par des unités alternatives de faible énergie. Une transformation du type ordre/désordre peut alors intervenir à une température critique telle qu’il y a égalité des énergies libres des structures correspondant aux distributions ordonnées et désordonnées des unités possibles du joint. La transformation solide/solide peut également intervenir par un cisaillement provoqué par la coalescence des lacunes dans certaines régions du joint de grains. Une transformation structurale d’un joint Σ11 {332} est révélée par microscopie électronique en transmission à haute résolution dans des bicristaux de silicium et de germanium (Fig. 1.61) [104]. Deux structures A et B peuvent exister dans ce joint provenant de différentes translations rigides parallèles au plan du joint, égales à a/44 [311] pour τ A et nulle pour τ B (a est le paramètre de maille du cristal). Les composantes de la translation normales au plan du joint sont très petites dans le silicium. Les structures atomiques observées dans trois joints Σ11 {332} du germanium dépendent des traitements thermiques subis par le bicristal : brut d’élaboration, recuit à 850◦ suivi d’une trempe, même recuit mais suivi d’un refroidissement lent. Comme prévu par Vitek et al. [103], les deux premiers joints ne sont pas totalement composés des unités prédites par les simulations, certaines régions sont décrites par une nouvelle structure Σ11 E. Les unités de la structure A apparaissent après trempe depuis 850 ◦ C, A est donc la structure stable à haute température. Une transformation de cette structure en celle stable à basse température B (B′ et B′′ correspondent aux séquences |TM+ P− M+ | et |TM− P+ M− |) est intervenue lors du refroidissement lent de 850 ◦ C à la température ambiante. Nous avons déjà signalé que le contraire se produisait pour le silicium, la structure A étant stable à basse température. Dans les deux cas, le changement de la structure A à la structure B s’obtient bien par une translation rigide égale à a/44 [311]. D’autres transformations du type non-congruent interviennent comme la formation de facettes et la dissociation du plan du joint de grains. L’identification entre un changement de phases au joint de grains et le phénomène de formation de facettes a été clairement explicitée par Cahn qui a établi une règle des phases pour les joints de grains en faisant une exacte analogie entre l’orientation de la normale au plan du joint et la composition dans un système à trois constituants [102]. Une transition de phases de ce type peut se manifester sous la forme d’une transition rugueuse induite par une élévation de température. Initialement formé par une série de facettes d’équilibre, un joint de flexion asymétrique Σ3 111 d’aluminium porté à 230 ◦ C devient ondulé ou rugueux [105]. Cette transition peut éventuellement conduire progressivement à une structure désordonnée du joint.
2.
Fusion au joint de grains
La question qui se pose, étant donnée la moins grande densité atomique dans la région intergranulaire, est l’éventuelle transformation en liquide avant le point
C HAPITRE 4 – O RDRE
OU DÉSORDRE À HAUTE TEMPÉRATURE ?
99
F IG . 1.61 – Images en microscopie électronique à transmission en haute résolution montrant le changement de structure du joint 11 {332} dans le germanium : structure du joint obtenu après élaboration du bicristal (a), structure du joint après recuit du bicristal à 850 ◦ C suivi d’une trempe (b), structure du joint après recuit du bicristal à 850 ◦ C puis refroidissement lent (c). (D’après M. Elkajbaji et al. [104].)
de fusion normal du matériau. Ce phénomène appelé préfusion du joint de grains appartient à la catégorie des transitions congruentes. Il ne peut se produire que lorsque l’énergie du joint de grains est supérieure à deux fois l’énergie de l’interface solide/liquide, cette condition étant plus facilement réalisée pour les joints généraux de haute énergie. Dans une première série de travaux, les simulations des propriétés thermodynamiques des joints de grains mettent l’accent sur les calculs des grandeurs d’excès par rapport à celles du cristal, en particulier de l’énergie libre de Gibbs [106, 107].
100
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JOINTS DE GRAINS
Pour plusieurs joints de flexion symétriques, une discontinuité apparaît dans l’évolution de l’enthalpie libre et dans celle du volume d’excès avec la température traduisant une transition du premier ordre à température inférieure à TF . Dans cette transition, le joint cristallin est remplacé par un joint fortement désordonné « semblable » à une couche liquide, mais qui préserve cependant une bonne cohérence entre les cristaux avoisinants [106]. La température de transition est inversement proportionnelle au volume d’excès intergranulaire. Des expériences de glissement intergranulaire semblent indiquer deux types de comportements du même joint de grains selon qu’elles s’effectuent à température inférieure ou supérieure à une valeur critique élevée Tc (généralement supérieure à 0,8 la température de fusion TF ) [108, 109]. L’énergie d’activation du glissement intergranulaire pour T < Tc est comparable à celle de l’autodiffusion au joint de grains alors qu’elle devient voisine de celle de la diffusion en volume pour T > Tc [109]. Des résultats identiques ont été obtenus pour la migration des joints de grains mais, comme précédemment, l’effet d’un phénomène de ségrégation ne peut être exclu. La considération des valeurs prises par de nombreux coefficients d’autodiffusion aux joints de grains révèle une accélération de la diffusion au-dessus d’une certaine température [110]. Cet effet est compatible avec l’existence d’une grande concentration de défauts, similaire à celle qui intervient lors de la transition rugueuse d’une surface. Dans un article de revue des études par simulation des structures des joints de grains à température supérieure à 0,4 TF [111], un accord se dégage sur l’existence d’une transition de la structure périodique vers une structure désordonnée de plusieurs joints de grains symétriques de flexion à une température voisine de 0,5 TF , l’épaisseur de la région désordonnée augmentant avec la température. Mais les résultats ne concordent pas sur l’existence d’une préfusion, les divergences pouvant résulter de la prise en compte ou non dans les simulations des forces à longue distance de Van der Waals qui empêchent le mouillage des joints de grains. Alternativement, le désordre a été expliqué par un élargissement des cœurs des dislocations intrinsèques qui peuvent alors s’interpénétrer [112], mais l’observation de réseaux de dislocations dans des joints portés à des températures extrêmement voisines de la température de fusion semble contredire cette interprétation [105]. La comparaison des résultats des simulations et des expériences laisse penser que les transitions qui peuvent intervenir dans un joint de grains conduisent à un grand désordre intergranulaire mais sans affecter la cristallinité du joint. Cette conclusion doit être prise avec prudence tant que les structures des joints généraux ne seront pas élucidées par l’expérience. En effet, tout ce qui précède concerne des joints de grains cristallins à basse température or, on a vu que certains joints de torsion de grande énergie, en particulier dans le silicium, peuvent contenir une couche amorphe [98]. Cette couche solide confinée au joint subit, au-dessus de la températureTv de transition vitreuse, une transformation réversible en couche liquide confinée. La transition, contrairement à celle intervenant dans le silicium massif, est continue et thermiquement activée, débutant à Tv et se terminant à la température de fusion TF . La coexistence des phases amorphe et liquide dans une région δ d’épaisseur inférieure à 1 nm a un profond impact sur l’autodiffusion
C HAPITRE 4 – O RDRE
OU DÉSORDRE À HAUTE TEMPÉRATURE ?
101
intergranulaire. Notons que la couche de diffusion reste confinée, en opposition aux résultats favorisant une préfusion pour lesquels la largeur de la région de diffusion δ diverge à l’approche de TF . Les joints de torsion de faible énergie restent cristallins jusqu’à TF [98]. Finalement, au vu de l’ensemble des résultats, quel que soit le degré de cristallinité d’un joint de grains (voir Chap. 6), on peut raisonnablement conclure que la structure intergranulaire des basses températures se charge en lacunes et en désordres locaux lorsque la température augmente mais que la couche concernée reste d’épaisseur très faible jusqu’au point de fusion. Le joint maintient un caractère solide tant qu’une épaisseur macroscopique n’est pas atteinte. Le comportement des joints de grains à haute température est discuté à nouveau à la fin de cette partie où nous revenons sur un débat qui accompagne, en tout temps, l’état des connaissances sur la structure intergranulaire : – Les joints sont-ils tous cristallins, à l’instar de ceux qui ont jusqu’à présent fait l’objet de la plupart des études expérimentales et par simulation ? – Peuvent-ils être quasi cristallins comme le prédisent des considérations mathématiques (algorithme, construction géométrique. . .) ? – Enfin, existent-ils réellement des joints amorphes, comme envisagé il y a environ un siècle par Rosenhain [1] et dont l’idée est reprise, après un long déclin, au vu des résultats des simulations des joints de grains d’énergie élevée ?
5
1.
Ordre et énergie intergranulaires
Énergie interfaciale : aspect thermodynamique et facteurs de l’énergie
La présence d’une interface augmente l’énergie d’un ensemble préalablement monocristallin. Selon les variables thermodynamiques utilisées, on définit l’énergie interfaciale γ (par unité de surface) comme l’augmentation due à la présence de l’interface d’un terme énergétique associé à l’ensemble bicristallin. En faisant le choix des deux variables, température T et pression P (qui sont des variables expérimentales habituelles), l’augmentation de l’enthalpie libre de Gibbs G est donnée par : C dG = −SdT + V dP + Σµi dNi + γdA (1.59) i=1 avec Ni et µi la quantité et le potentiel chimique du constituant i, C le nombre de constituants, S l’entropie du système, V le volume du bicristal. D’où la définition de l’énergie libre de l’interface : γ=
∂G ∂AT,P,Ni
(1.60)
Si l’aire de l’interface augmente, la variation totale de l’énergie (dG = γdA+Adγ est égale au travail effectué par une force F (par unité de longueur) pour provoquer l’augmentation de surface soit F . dA. On a alors : F = γ + Adγ/dA
(1.61)
Si l’énergie de l’interface est indépendante de son aire (dγ/dA = 0), alors l’énergie libre γ en J.m−2 exerce une tension interfaciale égale à γ en N.m−1 . Bien que cette indépendance de l’énergie avec l’aire ne soit pas évidente dans le cas des interfaces entre solides, sauf au voisinage du point de fusion, on considère souvent l’équivalence F ≡ γ. Notons que la définition de γ est totalement similaire à celle de la tension de surface σ utilisée dans le domaine des recherches sur les liquides. Ici, pour éviter toute ambiguïté avec une contrainte, nous convenons d’utiliser la
104
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lettre grecque γ – et non σ – pour représenter la tension interfaciale, équivalente dans certains cas à l’énergie interfaciale. L’équilibre thermodynamique est celui de l’ensemble du système constitué par les cristaux et l’interface qui peuvent échanger de la matière et de l’énergie. On peut considérer que le bicristal est formé de deux régions homogènes (les cristaux) formant une seule phase et d’une région étroite les séparant considérée comme une seconde phase [101]. En utilisant des grandeurs thermodynamiques généralisées et en extrapolant l’application de la relation de Gibbs Duhem à la région interfaciale, on obtient deux équations couplées qui gèrent l’équilibre du système : −S I dT + V I dP −
−SdT + V dP −
i=1
i=1
NiI dµi − dγ = 0 Ni dµi − dγ = 0
(1.62)
l’exposant I indique que ce sont les grandeurs dans l’interface. Pour les joints de grains dans un système à un seul constituant (i = 1), on peut éliminer dµ1 entre les deux équations précédentes, on obtient alors : dγ = S I −
NI N1I SdT + V I − 1 V dP N1 N1
(1.63)
∂γ = −∆S ∂TP
(1.64)
d’où : ∂γ = ∆V ∂PT
et
∆V et ∆S sont les grandeurs d’excès dans la région intergranulaire par rapport à celles dans une région du cristal contenant le même nombre d’atomes. Elles sont généralement positives pour les joints de grains dans les matériaux compacts. On constate également que l’énergie intergranulaire tend à diminuer lorsque la température augmente. Mais l’énergie libre interfaciale n’est pas uniquement fonction de ces variables, en effet l’interface est dans un état déformé par rapport aux cristaux, de plus sa structure donc son énergie est fonction des cinq degrés de liberté géométriques macroscopiques. Finalement γ est une fonction complexe qui pour un joint de grains s’écrit : γ = γ(T , P , µi , εij , ρ1 , ρ2 , θ, nI , nII )
(1.65)
avec εij les déformations intergranulaires, ρ1 et ρ2 les cosinus directeurs de l’axe de rotation, θ l’ange de rotation et nI , nII les cosinus directeurs de la normale au plan du joint dans les deux cristaux. D’autres variations de l’énergie échappent à la thermodynamique classique, elles résultent des variations des paramètres géométriques microscopiques et des relaxations atomiques locales.
C HAPITRE 5 – O RDRE
2.
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
105
Degrés de liberté macroscopiques et énergie intergranulaire
Les évolutions de l’énergie intergranulaire γ avec les paramètres géométriques macroscopiques des joints de grains sont souvent étudiées dans deux cas extrêmes : – Seule la désorientation θ autour d’un axe donné varie, le plan du joint est fixé pour les joints de torsion alors que c’est le plan médian qui est invariable pour les joints de flexion. Dans ce dernier cas, le plan du joint change aussi avec la désorientation mais il est déterminé par celle-ci et par le plan médian. Ainsi dans la série des joints de flexion symétriques d’axe [1-10] (Tab. 1.IV), la valeur de l’angle de désorientation impose le plan du joint dans chaque cristal, le plan (001) étant le plan médian. – La désorientation (axe et angle) est fixée, le plan moyen du joint peut prendre n’importe quelle inclinaison, les deux paramètres variables sont les cosinus directeurs des normales nI et nII au plan du joint dans chacun des cristaux. Les résultats reportés ci-après permettent de donner des ordres de grandeur des énergies et de comparer les évolutions de ces énergies selon les matériaux et selon les types de joints de grains.
2.1.
Variation de l’énergie intergranulaire avec l’angle de désorientation
Rappelons que Read et Shockley ont dérivé la première formule (1.31) donnant la variation de l’énergie des joints de grains de flexion à faible angle avec leur désorientation, formule qui tient uniquement compte de la contribution élastique des dislocations intrinsèques primaires. Les évolutions de l’énergie ont ensuite été abordées en s’appuyant sur les différents modèles de la structure intergranulaire. La formule de Read et Shockley reste à la base des considérations énergétiques en termes de dislocations pour tous les joints de grains. Son application exige que les dislocations formant le joint et provenant des cristaux (b = bcristal ) soient disposées périodiquement. Simultanément, l’espacement des dislocations doit correspondre à une période du cristal. Cette condition ne peut être remplie que pour certaine désorientation rationnelle θ = 1/m (pour des rotations autour de 001 dans des cristaux cubiques). Pour des angles intermédiaires θ + δθ, on considère qu’un sous-joint est superposé au joint rationnel le plus proche. On retrouve le modèle des dislocations intrinsèques primaires dont la périodicité est rompue par les dislocations secondaires, de vecteur de Burgers |b/m|, formant le sous-joint. Généralement, l’énergie d’un joint est donc composée de deux termes γ et δγ. Le surplus d’énergie lié au sous-joint peut s’écrire [12] en dérivant l’équation de Read et Shockley : −γ0 δθ ln δθ (1.66) δγ = m Lorsque δθ → 0, la pente de la courbe donnant γ en fonction de θ devient infinie et les angles rationnels θ = 1/m correspondent à des minima prononcés situés sur
106
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la courbe représentative de l’équation simple de Read et Shockley (Fig. 1.62). Ces minima sont dits « primaires ». Des minima secondaires peuvent être envisagés si des dislocations tertiaires viennent rompre la périodicité des dislocations secondaires et ainsi de suite. . . L’existence de minima secondaires est controversée, en particulier le modèle de Read et Shockley ignore les contributions de l’entropie à l’énergie libre du joint qui peuvent délocaliser les cœurs de dislocations secondaires et diminuer leurs champs élastiques. Bien que n’ayant aucune justification physique, l’extrapolation empirique de la formule de Read et Shockley, dans laquelle sin θ remplace θ, s’applique assez bien à des joints de grains à grand angle de flexion et de torsion, ayant le même plan moyen [41] : (1.67) γθ = γ0 sin θ(A − ln(sin θ))
F IG . 1.62 – Courbe donnant l’énergie intergranulaire en fonction de la désorientation θ, tracée en tenant compte du terme δθ nécessaire pour respecter la périodicité du cristal (voir texte). Les minima primaires sur la courbe γ +δγ (trait plein) se situent sur la courbe déduite de la formule classique de Read et Shockley (trait pointillé) (1.31). Les minima secondaires entre deux minima primaires (détail) sont controversés.
Dans les considérations précédentes, la contribution de l’énergie de cœur des dislocations intrinsèques, c’est-à-dire de la structure de cœur du joint selon le modèle SU/GBD, est négligée. Cette contribution peut être déterminée en s’appuyant sur le modèle des unités structurales. Pour un joint X constitué de m unités A et de n unités B (n < m), l’énergie de cœur dépend des énergies d’interaction entre unités qui sont de deux types A-A et A-B-A, l’unité minoritaire B étant toujours située entre deux unités majoritaires. L’énergie associée à l’interaction A-A est prise égale à l’énergie par unité de surface du joint délimitant A, soit γA , multipliée par la longueur de cette unité dans le joint X, soit uA cos ((θ − θA )/2) (Sect. 2.4). L’énergie associée à l’interaction A-B-A est prise égale à celle du joint AB, soit γAB , multipliée par la longueur d’une unité multiple AB dans le joint X, soit wAB = uA cos ((θ − θA )/2) + vB cos ((θB − θ/2). Le joint X contient n liens A-B-A
C HAPITRE 5 – O RDRE
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
107
et (m − n) liens A-A, et la longueur de sa période est donnée par la formule (1.44) d’où l’expression de son énergie de cœur : (m − n)uA cos((θ − θA )/2)γA + n[uA cos((θ − θA )/2) + vB cos((θB − θ)/2)]γAB m uA cos((θ − θA )/2) + nvB cos((θB − θ)/2) (1.68) L’utilisation des formules (1.44) et (1.45) permet de simplifier l’expression précédente : 2 sin((θ − θA )/2) wAB (γAB − γA ) (1.69) γc = γA + bA vB γc =
bA étant l’intensité du vecteur de Burgers des dislocations secondaires associées aux unités B. Lorsque la désorientation du joint X est très voisine de celle du joint délimitant A, une simplification ultérieure peut être apportée : γc = γA +
θ − θA wAB (γAB − γA ) bA vB
(1.70)
L’énergie de cœur varie linéairement entre γA et γAB . À ce terme s’ajoute l’énergie élastique dérivée de la formule (1.31), l’énergie totale du joint de grains s’écrit alors : γ = γA + (θ − θA )
bA µbA 1 wAB (γAB − γA ) + − ln(θ − θA ) bA vB 4π(1 − ν) 2πr0
(1.71)
Le rayon de cœur d’une dislocation intergranulaire r0 n’est pas connu, il est souvent approximé à wAB /2 [113]. Par ailleurs, l’énergie élastique devant être positive, une valeur limite de la différence angulaire (θ − θA ) apparaît ; cette valeur est souvent faible, ce qui impose de considérer un grand nombre de joints délimitants pour pouvoir utiliser l’expression (1.71). L’évolution de l’énergie intergranulaire avec la désorientation a également été modélisée pour des joints de flexion à partir de leur description en termes de désinclinaisons/unités structurales [62]. Cette approche, comme la précédente, considère un joint constitué de m unités A et de n unités B dont les longueurs dans ce joint sont respectivement dA et dB , les énergies des joints de référence étant γA et γB . Les énergies élastiques et de cœur sont celles d’un mur de dipôles de désinclinaisons, chaque dipôle étant formé par l’unité structurale minoritaire B (Fig. 1.60). L’énergie de cœur d’un dipôle de désinclinaison de force ∆θ = θB − θA est égale à : αµb 2 (∆θ)2 (1.72) γc = 3 2π (1 − ν)
α est sensiblement égal à 1. L’énergie élastique d’un mur de dipôles de désinclinaisons (MDD) de période H est donnée par : µ(∆θ)2 H fn (dB , n, H et yi ) (1.73) γe = 32π3 (1 − ν)
108
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yi repère la position du dipôle le long du joint à partir d’une origine coïncidant avec l’extrémité d’une période (Fig. 1.60). Dans la formule (1.73), fn exprime une fonction complexe introduite par Shih et Li [114] qui prend une valeur minimale lorsque les dipôles sont distribués de manière uniforme, donc distants de H /n. Mais cette distance est rarement atteinte strictement, car elle doit être un multiple de dA , seule une distribution la plus voisine possible de la régularité est réalisée. Finalement, l’énergie totale du joint de grains est : γ = m dA γA + n dB γB + n γC /H + γe
(1.74)
Les deux premiers termes sont les énergies de surface des deux aires du joint, constituées respectivement d’unités A et d’unités B, ils sont fonction de la désorientation θ car dA = uA cos((θ − θA )/2) et dB = vB cos((θB − θ)/2). Cette approche a permis d’étudier l’évolution de l’énergie des joints de flexion symétriques [001] dans l’aluminium en considérant quatre joints favorisés Σ1 (110), Σ5 (210), Σ5 (310) et Σ1 (1-10), c’est-à-dire en découpant l’intervalle angulaire 0−90◦ en trois : 0−36◦ 9, 36◦ 9−53◦ 1 et 53◦ 1−90◦ . La courbe résultante (Fig. 1.63) est en bon accord avec quelques valeurs expérimentales obtenues antérieurement [115]. Elle présente un grand nombre de minima peu accentués en dehors de ceux correspondant aux joints favorisés.
F IG . 1.63 – Courbe donnant l’évolution de l’énergie des joints de flexion symétriques [001] dans l’aluminium avec la désorientation θ à partir de la modélisation du joint comme un mur de dipôles de désinclinaisons [62]. Des mesures expérimentales ont été reportées par des cercles [115]. (D’après V.Y. Gertsman et al. [62].)
Les simulations apportent la connaissance de la structure relaxée d’un joint de grains simultanément à son énergie associée. Il est remarquable de constater que les courbes γ en fonction de θ dérivées des simulations sont, de même que les courbes expérimentales, en assez bon accord avec les courbes prédites par les approches précédentes. Les figures 1.64, 1.65 et 1.66 [13] présentent des courbes d’évolution de l’énergie γ en fonction de l’angle de désorientation θ simulées pour des joints de pure
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ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
109
(a)
(b) F IG . 1.64 – Courbes donnant les évolutions de l’énergie des joints de flexion symétriques 110 avec la désorientation θ : (a) pour le cuivre et l’or, tous deux de symétrie CFC (b) pour le fer et le molybdène de symétrie CC. Les plans de joints correspondant à des minima d’énergie sont indiqués en haut de la figure. (D’après D. Wolf et S. Yip [13].)
torsion ou de pure flexion, symétriques ou non, dans les métaux CFC (cuivre et or) et CC (fer et molybdène). Les minima d’énergie sont en général peu prononcés pour les joints de torsion (Fig. 1.65) comparativement aux minima qui apparaissent pour les joints de flexion (Fig. 1.64). Généralement les joints asymétriques ont des énergies plus élevées que celles des joints symétriques de même désorientation (même indice de coïncidence) (Fig. 1.66) mais de nombreuses exceptions existent. Quel que soit le type de joint, torsion ou flexion, les énergies les plus
110
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(a)
(b) F IG . 1.65 – Courbes donnant les évolutions de l’énergie des joints de torsion symétriques : (a) autour de (111) pour le cuivre et l’or (CFC) ; (b) autour de (001) pour le fer et le molybdène (CC). Afin de comparer les courbes entre elles, les échelles des désorientations ont été multipliées par trois et par deux pour les joints (111) et (001), respectivement. Les symboles (•) et () correspondent aux valeurs obtenues par la formule de Read et Shockley étendue (1.67) et par simulation, respectivement [13].
faibles ne sont pas nécessairement associées aux indices de coïncidence les plus petits. Pour les joints de torsion symétriques ou non, un plateau d’énergie intervient entre θ = θ◦ (le monocristal) et l’angle θ = θmax , angle lié à l’ordre de symétrie de l’axe (θ = 90◦ pour 001 et θ = 60◦ pour 111). Pour les joints de flexion, les valeurs de l’énergie dépendent fortement du plan du joint. L’exemple le plus frappant est celui de la macle incohérente Σ3 {112} dont l’énergie est de 840 mJ.m−2 comparée à 22 mJ.m−2 pour la macle cohérente Σ3 {111} dans le cuivre [79].
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ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
111
F IG . 1.66 – Courbes d’évolution des énergies des joints de torsion symétriques (112) et asymétriques (112) // (552) dans le fer CC. Seuls les joints symétriques, θ = 0◦ (le monocristal) et θ = 180◦ correspondant au joint de flexion symétrique Σ3 sont vraiment de faible énergie [13].
Un autre exemple est celui des joints Σ11 {332} et Σ11 {113}, l’énergie du premier étant sensiblement le double de celle du second, 970 mJ.m−2 et 448 mJ.m−2 respectivement dans le cas du nickel [69]. Bien que l’énergie intergranulaire ne soit pas un critère de choix des joints favorisés car elle ne dépend pas uniquement de la structure de cœur, les minima d’énergie sont souvent associés à de tels joints : Σ3 {111} et Σ11 {113} sur la courbe correspondant aux joints de flexion symétriques autour de 110 (Fig. 1.4). En reportant sur un diagramme à trois dimensions les valeurs des énergies intergranulaires calculées pour différents angles de torsion et/ou de flexion, D. Wolf trace par interpolation une surface d’énergie qui pourrait prédire l’énergie des joints mixtes (Fig. 1.67) [116]. Les vallées profondes sur la surface 3D montrent l’importance des plans denses et de leurs orientations voisines (joints vicinaux). Cette représentation met clairement en évidence que, les joints de torsion avec θ = 180◦ sont identiques aux joints de flexion symétriques 110. Les joints de torsion 0◦ < θ < 180◦ peuvent donc être considérés comme de pure torsion ou comme des joints mixtes ayant une composante θflexion à laquelle s’ajoute une composante θtorsion . D’autres approches élastiques de la relation entre l’énergie et la désorientation sont évoquées lorsque nous nous intéresserons au retour à l’équilibre d’un joint de grains perturbé par un défaut linéaire (partie 2).
2.2.
Variation de l’énergie intergranulaire avec l’inclinaison du plan du joint
Une manière commode de représenter la variation de l’énergie intergranulaire γ avec l’inclinaison de l’interface ϕ (ou l’orientation de sa normale) est la construction
112
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F IG . 1.67 – (a) Énergies calculées pour des joints de grains produits par divers angles de flexion et/ou de torsion. Les courbes représentent les évolutions des énergies avec θtorsion pour cinq joints de pure torsion {110}, {111}, {112}, {113} et {100}. Pour θtorsion = 180◦ , les joints de torsion sont identiques à des joints de flexion symétriques ; (b) Surface courbe tracée par interpolation des courbes données en (a) pouvant prédire les énergies des joints mixtes. (D’après D. Wolf [116].)
de Wulff qui traduit l’anisotropie des énergies de surface (ou d’interface). À partir d’une origine, on trace un ensemble de vecteurs, chacun d’entre eux a une orientation correspondant à celle de la normale au plan d’un joint de grains et une intensité proportionnelle à l’énergie de ce plan. La surface qui passe par les extrémités de ces vecteurs est une représentation polaire de γ en fonction de ϕ. La figure 1.68 montre une section 2D d’une telle surface – pour simplifier, le plan de section est ici un plan (1-10). Des points de rebroussement correspondant aux minima d’énergie pour certaines inclinaisons des plans de joints apparaissent. Le diagramme de Wulff permet de prédire la forme d’un cristal enrobé dans une matrice si on connaît les énergies des interfaces entre ce cristal et la matrice. Soit A1 , A2 . . ., les aires des surfaces entourant le germe et γ1 , γ2 . . . leurs énergies respectives, la forme d’équilibre du germe est celle pour laquelle l’énergie interfaciale totale ΣAi γi est minimale. Pour chaque point A du diagramme polaire précédent, on trace le plan perpendiculaire à OA dit plan de Wulff. L’enveloppe interne des plans de Wulff donne la forme d’équilibre du germe. Si un net minimum énergétique existe pour une orientation donnée de l’interface, cette dernière se développe préférentiellement conduisant à un germe sous forme de plaquette ou de disque plat comme illustré sur la figure 1.69. Dans ce cas, la forme latérale du germe (plaquette ou disque) ne peut être connue que si l’on considère d’autres sections du diagramme polaire 3D. Quand un joint de grains est dans une position instable ou métastable (ce dernier état est souvent celui des joints dans un matériau polycristallin), des forces capillaires tangentielles et normales s’exercent sur chaque région du plan du joint. La force tangentielle FT tente de réduire l’extension du joint, elle existe toujours
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ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
113
F IG . 1.68 – Section (1-10) d’un diagramme polaire de Wulff envisageable pour un cristal CFC. La longueur OA représente l’énergie libre d’un plan qui lui est perpendiculaire en A (plan de Wulff), ainsi OB = γ(001) et OC = γ(111) . L’enveloppe interne des plans de Wulff donne la forme d’équilibre du germe.
F IG . 1.69 – Section d’un diagramme polaire de Wulff dans le cas où une orientation du plan du joint est nettement favorisée (très faible énergie) et forme d’équilibre de la section correspondante du germe.
car le joint de grains, en tant que défaut, a toujours tendance à diminuer sa surface. La force normale FN tente de faire tourner le plan du joint, elle existe quand l’énergie intergranulaire varie avec l’inclinaison du plan du joint et peut être réduite par rotation. Considérons une partie d’un joint de grains de largeur unité et de longueur OP = l. Des forces égales et opposées à FT et FN doivent s’exercer en O et P pour maintenir le joint en équilibre (Fig. 1.70a).
114
L ES
(a)
JOINTS DE GRAINS
(b)
F IG . 1.70 – Schémas permettant de définir les forces tangentielles et normales s’exerçant sur un segment de joint de grains.
La force tangentielle FT est la tension interfaciale égale à γ (Chap. 5, Sect. 1). La force normale FN peut être calculée en considérant que le point O est fixe et que le point P se déplace d’une petite distance δy (Fig. 1.70b), le travail effectué pour ce déplacement est égal à FN .δy. Ce travail doit contrebalancer l’augmentation d’énergie liée au changement d’orientation δϕ : FN .δy. = l
dγ δϕ dϕ
(1.75)
Comme δy = 1δϕ FN =
dγ dϕ
(1.76)
Cela signifie que si l’énergie du joint est dépendante de l’orientation du plan, une force dγ/dϕ doit être appliquée aux extrémités du joint pour éviter sa rotation vers une position de plus faible énergie, ce terme est donc un moment de torsion. Un joint relié à d’autres joints au niveau d’une jonction triple exerce une force égale et opposée à FN sur cette jonction (partie 3). Aucun couple ne s’exerce sur un joint de grains si son énergie est à un minimum de la courbe γ en fonction de ϕ. Cependant, le joint ne résistera à une force normale s’exerçant sur lui que si celleci est inférieure à dγ/dϕ. Si l’énergie d’un joint est indépendante de l’orientation du plan du joint, alors le moment de torsion est nul. L’énergie relative d’un joint de grains peut être déterminée en mesurant les angles que fait ce joint avec la surface libre qu’il intercepte. La méthode est basée sur les mesures des sillons d’attaque thermique d’une surface de métal préalablement polie (Fig. 1.71) [117]. La condition d’équilibre s’écrit : γJ = 2γSV . cos ψ/2
(1.77)
Lorsqu’un joint de grains a une orientation très voisine de celle d’un joint d’énergie minimale, il tente de préserver au mieux la structure de faible énergie en adoptant un profil en marches. Ce profil de joint est souvent observé dans l’alumine avec des facettes, plus au moins longues, parallèles au plan basal (0001) dans les deux cristaux ou dans l’un des deux au moins [118] (Fig. 1.72).
C HAPITRE 5 – O RDRE
115
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
F IG . 1.71 – Équilibre entre les tensions superficielles et la tension intergranulaire à l’intersection d’un joint de grains avec une surface libre.
(a)
(b)
F IG . 1.72 – Un joint de grains rectiligne de plan « moyen » basal dans l’alumine (a) présente, à plus fort grossissement, des facettes asymétriques de plan (0001) alternativement dans l’un et l’autre cristal (b). (D’après L. Priester et S. Lartigue [118].)
Une interface éloignée de toute orientation privilégiée énergétiquement peut également présenter un phénomène de formation de facettes, chaque facette ayant une énergie très faible afin de compenser l’augmentation de l’aire totale du joint. Les facettes observées sont le plus souvent celles prédites par le diagramme de Wulff. L’énergie totale du joint facetté est inférieure à celle du joint rectiligne en prenant en compte dans le bilan énergétique un terme associé aux jonctions entre facettes. Des marches peuvent également exister à l’échelle atomique, comme c’est le cas pour un joint vicinal proche du joint symétrique Σ11 dans l’or qui présente une alternance de facettes symétriques {113} séparées par des facettes asymétriques {111} // { 001} (Fig. 1.73) [91]. Une autre manière de réduire l’énergie intergranulaire est la dissociation d’un joint en trois joints entourant un cristal d’orientation différente de celles des grains initiaux [119]. Ainsi un joint asymétrique Σ9 {111} // {115} d’énergie élevée peut
116
L ES
(a)
JOINTS DE GRAINS
(b)
F IG . 1.73 – Observation à l’échelle atomique de joints facettés dans l’or : (a) Joint vicinal voisin de Σ11 présentant une alternance de facettes symétriques {113} et de facettes plus courtes asymétriques {111} // {001} ; (b) joint asymétrique Σ33 {113} // {771} composé de microfacettes alternativement symétriques {111} et asymétriques {111} // {001}. (D’après K.L. Merkle [91].)
se dissocier en trois joints d’énergie plus faible, comme observé dans un alliage cuivre-6 % at de silicium [120] et dans l’or [85] (Fig. 1.74). Seules les énergies relatives par rapport à l’énergie de surface peuvent être obtenues expérimentalement, l’évaluation des valeurs dites « absolues » des énergies (voir Sect. 2.2) passe par les simulations des structures intergranulaires. La figure 1.75 présente un exemple de l’évolution, avec l’inclinaison du plan du joint de grains, de l’énergie calculée pour le joint de flexion Σ9 dans l’or et le cuivre, avec des potentiels EAM et LJ, respectivement [85]. Les évolutions de l’énergie sont qualitativement similaires pour les deux métaux, avec en commun une énergie relativement faible pour le joint asymétrique {111} // {115}. Cependant, malgré cette situation favorable, le joint précédent se dissocie en accord avec le schéma et l’image de la figure 1.74. Notons que l’utilisation d’un potentiel à N corps [71] pour modéliser le cuivre conduit à des valeurs assez notoirement différentes de celles reportées sur la figure 1.75, ainsi l’énergie du joint symétrique {221} est de 670 mJ.m−2 au lieu de 756 mJ.m−2 , mais surtout le joint asymétrique {111} // {11 11 1} est nettement favorisé dans la série avec une énergie de 337 mJ.m−2 [86].
C HAPITRE 5 – O RDRE
117
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
(a)
(b)
F IG . 1.74 – (a) Schéma montrant la dissociation d’un joint asymétrique {111} // {115} en deux macles cohérentes et une macle incohérente ; (b) image en microscopie électronique en transmission à haute résolution d’un bicristal d’or Σ9 obtenu par dépôt d’une cristallite sur un substrat de surface {111} : le plan du joint à gauche est {114} // {114}, à droite {11,11,1} // {111} et au centre le joint {111} // {115} s’est dissocié en accord avec le schéma (a). (D’après K.L. Merkle et D. Wolf [85].)
F IG . 1.75 – Énergies calculées en fonction de l’inclinaison ϕ du plan du joint pour des joints de flexion 110Σ9 dans le cuivre (◦) et l’or (). Les potentiels utilisés sont du type EAM pour l’or et LJ pour le cuivre. Les plans de joint correspondant sont indiqués en haut de la figure. Les symboles pleins indiquent les énergies pour le joint dissocié {111} // {115}. (D’après K.L. Merkle et D. Wolf [85].)
118
L ES
JOINTS DE GRAINS
Un autre exemple d’évolution de l’énergie en fonction de l’angle d’inclinaison ϕ du plan du joint est obtenu sur une série de joints de grains Σ3 [01-1] dans du cuivre [82]. Les auteurs suivent, d’une part, l’évolution avec ϕ du rapport de l’énergie calculée à l’énergie de surface et, d’autre part, l’évolution du rapport de l’énergie réelle du joint à l’énergie de surface, rapport mesuré par la méthode de gravage thermique. Les valeurs relatives calculées et mesurées sont voisines sauf pour la macle cohérente Σ3 {111} (ϕ = 0) qui présente une énergie très faible (Fig. 1.76). Un second minimum apparaît dans la courbe pour la valeur ϕ = 82◦ correspondant à un plan moyen asymétrique {322} parallèle à {11 4 4}. Ce minimum est dû à la dissociation du joint de grains avec formation d’une phase 9R qui améliore l’accord atomique à l’interface, comme explicité pour la macle incohérente (Sect. 3.1.).
F IG . 1.76 – Évolution du rapport entre l’énergie intergranulaire et l’énergie de surface, calculé et mesuré en fonction de l’angle d’inclinaison ϕ pour les joints Σ3 [011] dans le cuivre. La courbe en trait plein représente la variation théorique de ce rapport. γS0 est l’énergie de surface calculée pour le plan {110}. (D’après U. Woff et al. [82].)
En conclusion, un suivi systématique de l’énergie en fonction de la désorientation ou de l’inclinaison du plan du joint de grains permet donc de détecter les structures intergranulaires qui font exception au modèle continu des unités structurales : formation de facettes, dissociation. Cependant les valeurs calculées peuvent présenter de grandes différences selon le potentiel retenu dans les simulations, ce qui conduit à mettre en cause leur caractère dit « absolu ». Les valeurs obtenues par des simulations ab initio, en principe les plus proches de valeurs réelles, dépendent également des paramètres utilisés pour modéliser le matériau (en particulier, le module de compressibilité pour les défauts). L’énergie calculée n’est donc « absolue » que par comparaison à l’énergie « relative » (fonction de l’énergie de la surface libre) obtenue par l’expérience. De plus, l’énergie est fonction des paramètres microscopiques, en particulier on se doit d’explorer les valeurs résultant de différentes translations rigides conduisant à différentes structures, parfois non reproduites explicitement.
C HAPITRE 5 – O RDRE
3.
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
119
Degrés de liberté microscopiques et énergie intergranulaire
Ces paramètres sont normalement pris en compte dans les exemples précédents puisque les énergies calculées sont associées aux structures atomiques des joints de grains. Ils s’imposent dès que les angles de désorientation dépassent une valeur telle que les cœurs de dislocations intrinsèques se chevauchent et que l’énergie de cœur du joint domine son énergie élastique. Bien que prenant en compte l’énergie de cœur, le modèle des désinclinaisons est aussi un modèle rigide qui ignore les relaxations atomiques. Les interactions atomiques diffèrent selon le type de matériau, métallique, ionique ou covalent. Les structures de cœur ont été plus systématiquement modélisées pour les joints de grains des métaux et des semi-conducteurs élémentaires. Seule, la simulation permet de dégager les effets des divers paramètres microscopiques sur l’énergie de cœur d’un joint de grains.
3.1.
Variation de l’énergie intergranulaire avec la translation rigide dans le plan du joint
La variation de l’énergie intergranulaire avec la composante τ // de la translation rigide est directement connectée à la taille et à la forme de la maille des déplacements non identiques (c.n.i.d.) (Chap. 1, Sect. 2.1.3) qui dépendent du type de périodicité, 1D ou 2D, dans le plan du joint ; généralement, la maille « c.n.i.d. » appartient à un sous réseau du réseau DSC dans ce plan. Si le joint est incommensurable, la taille du « c.n.i.d. » est nulle, l’énergie intergranulaire est alors indépendante de τ // . Si le joint est commensurable, alors l’énergie est une fonction périodique de τ // . Un simple raisonnement physique permet de prédire que l’énergie d’un joint ne doit pas changer beaucoup si son état de translation est peu modifiée. Donc si la taille du « c.n.i.d. » est petite, cas des joints généraux, une réduction d’énergie significative ne peut pas résulter d’une translation rigide mais implique des relaxations atomiques locales. Inversement, si la taille du « c.n.i.d. » est grande, des variations importantes de l’énergie avec τ // sont possibles ; le joint peut ainsi explorer une grande gamme de translations et atteindre des états d’énergie minimale pour des valeurs particulières de celles-ci, conduisant à une multiplicité des structures intergranulaires. Pour identifier toutes les structures stables d’un joint de grains non identiques par translation, la procédure utilisée est basée sur la technique de la « surface-γ » [121]. L’évolution de l’énergie intergranulaire en fonction des translations parallèles au plan du joint est déterminée à l’intérieur de la maille des déplacements non identiques (c.n.i.d.). L’énergie est calculée soit en considérant la relaxation totale de la boîte de simulation, soit sa relaxation dans la direction perpendiculaire au plan du joint seulement. Dans ce dernier cas, le joint étant partiellement relaxé, son énergie est généralement plus grande que celle du joint totalement relaxé, mais elle est calculée plus rapidement et avec une assez bonne
120
L ES
JOINTS DE GRAINS
précision ; c’est une fonction continue de τ // qui peut être représentée dans un espace en trois dimensions sous forme d’une surface ou, à deux dimensions, sous forme de courbes de niveau avec des maxima et des minima bien définis. Cette dernière construction appelée surface-γ est illustrée pour quatre joints de flexion [001] dans le composé intermétallique NiAl : un joint « formel » Σ1 (110), deux joints Σ5 (310) et (210), puis un joint Σ13 (320) [122]. Les divers contours correspondent à des variations d’énergie allant de 0,04 à 0,1 J.m−2 selon la complexité de la surface. Les translations selon τx et τy dans le plan du joint (τy parallèle à l’axe de flexion) sont mesurées en unités a (avec a le paramètre de maille). Les translations conduisant à des minima et des maxima sont repérées par des symboles pleins ou vides, respectivement, les valeurs correspondantes sont indiquées à côté de chaque surface-γ. Pour la plupart des joints, les minima et les maxima sont obtenus pour des translations le long de l’axe de flexion égales à zéro ou à 1/2 [001] = a/2. Seuls, quelques maxima peuvent apparaître pour des translations intermédiaires (Fig. 1.77d). Il en résulte que tous les états métastables des joints de grains [001] peuvent se déterminer sur les sections d’une surface-γ pour τy = 0 et τy = a/2 (Fig. 1.78).
F IG . 1.77 – Surfaces-γ pour quatre joints de flexion symétriques autour de [001] dans NiAl : (a) joint « formel » Σ1 (110) ; (b) joint Σ5 (310) ; (c) joint Σ5 (210) ; (d) joint Σ13 (320). Les distances sont mesurées en unités a (a = paramètre de maille). Les minima et maxima locaux sont indiqués par des symboles pleins et vides, respectivement. (D’après Y. Mishin et D. Farkas [122].)
Compte tenu de la similarité des surfaces γ pour divers joints autour d’un même axe, à savoir des minima d’énergie associés à des translations parallèles à l’axe de flexion, on explore le plus souvent un nombre restreint de translations rigides. À titre d’exemple, deux structures avec ou sans translation rigide ont été calculées pour le joint de flexion symétrique Σ11 {332} dans le nickel.
C HAPITRE 5 – O RDRE
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
121
F IG . 1.78 – Sections de la surface-γ d’un joint Σ13 (320) pour (a) τ y = 0 et (b) τ y = a/2. Les valeurs des énergies des joints totalement relaxés (o) sont montrées par comparaison. Les flèches indiquent les minima absolus de l’énergie intergranulaire. (D’après Y. Mishin et D. Farkas [122].)
La structure stable, observée expérimentalement (Fig. 1.33) présente une symétrie miroir avec glissement. La translation rigide mesurée sur la structure calculée est égale à 0,07 nm, elle correspond à 2/3 de la longueur du vecteur a/11 [113] du réseau DSC [69]. Cette structure a une énergie de 970 mJ.m−2 alors que l’énergie de la structure obtenue sans translation est de 1020 mJ.m−2 [85]. Une différence d’énergie de l’ordre de 5 % apparaît donc suffisante pour stabiliser un joint de grains. Finalement, on doit remarquer que, dans les expériences de dépôt sur substrat de billes de métal libres de prendre diverses orientations, les orientations qui sont sélectionnées correspondent souvent à des joints « bille/substrat » possédant des grandes mailles de déplacements non identiques (c.n.i.d.).
3.2.
Variation de l’énergie intergranulaire avec l’expansion normale au plan du joint
Pour déterminer l’effet de l’expansion rigide τ ⊥ sur l’énergie intergranulaire, on considère des joints de torsion à la limite d’incommensurabilité (c’est-à-dire que l’énergie en fonction de la désorientation a la valeur maximale) dont l’énergie est indépendante de τ // . L’expansion qui minimise l’énergie est calculée, sur les
122
L ES
JOINTS DE GRAINS
bases d’un modèle analytique, pour n’importe quelle paire de plans de joints de distances interplanaires dI et dII dans les cristaux I et II, respectivement [76]. L’expansion augmente et, parallèlement, l’énergie de clivage diminue lorsque la distance interplanaire diminue. L’expansion calculée n’est nulle que lorsque la distance interplanaire est égale à 0,6420 a (a : le paramètre de maille), la distance maximale des plans {111} dans un matériau CFC étant de 0, 5774 a. Une expansion est donc toujours prédite pour ces joints de torsion. La figure 1.79 montre l’évolution continue de l’expansion et celle de la fonction de liaison, qui détermine l’énergie de clivage, avec la distance interplanaire pour les joints de torsion à la limite d’incommensurabilité.
(a)
(b)
F IG . 1.79 – (a) Expansion d’équilibre calculée (♦) et trouvée par relaxation atomique (◦) en fonction de la distance interplanaire dhkl donnée en unités a (a = paramètre de maille) pour des joints de torsion à la limite d’incommensurabilité ; (b) fonction de liaison en fonction de dhkl pour les mêmes joints de grains [76].
La continuité dans les évolutions de l’expansion et de l’énergie de clivage pose problème. En effet, pour un joint de plan {hkl } de faibles indices, de distance interplanaire dhkl , le plan le plus voisin a des indices élevés par rapport à {hkl } et sa distance interplanaire est donc très inférieure à dhkl . Selon le modèle analytique, son expansion et son énergie de clivage doivent différer fortement de celles de {hkl }. Cette discontinuité est due au fait que, dans ce modèle, les plans ne peuvent se déplacer que rigidement dans une direction perpendiculaire au joint de grains. Or, les plans peuvent se courber localement (Sect. 3.3). Pour les joints mixtes asymétriques, c’est la distance moyenne (ou effective) d et le désaccord δ = 2(dI − dII, )/(dI + dII, ) qui sont les variables. Pour une distance moyenne fixée, l’expansion augmente d’une manière monotone et l’énergie de clivage diminue lorsque le désaccord δ décroît de 1 à 0. Le joint tel que dI = dII présente toujours la plus grande expansion. Ces prédictions s’expliquent aisément en considérant que l’expansion est déterminée par la balance entre les forces attractives et répulsives au joint de grains.
C HAPITRE 5 – O RDRE
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
123
Plus grande est la superposition des atomes, avant relaxation, plus grande est l’expansion requise pour atteindre l’équilibre et plus faible est la force attractive résiduelle au travers du joint. L’énergie de clivage associée diffère de l’énergie intergranulaire, car dans cette dernière entrent les énergies des surfaces libres des deux plans de joint.
3.3.
Variation de l’énergie intergranulaire avec les relaxations individuelles locales des atomes
Les relaxations individuelles des atomes prennent de l’importance lorsque la distance interplanaire moyenne diminue. Dans un joint de torsion, il s’agit de déplacements parallèles au plan induisant un petit changement local de l’angle de désorientation compensé par des dislocations vis. Ces relaxations ne sont favorables énergétiquement que lorsque la période du joint de référence (ou lorsque la dimension de la maille des déplacements non identiques « c.n.i.d. ») diminue et devient inférieure à une certaine valeur critique. Pour les joints de flexion, les déplacements sont perpendiculaires au plan du joint, ils provoquent un écart à l’angle de flexion du joint de référence compensé par des dislocations coin. Lorsque la distance interplanaire est relativement grande, ils sont concentrés dans les premiers plans voisins du plan du joint. Sinon, ils se traduisent par des oscillations dans les distances interplanaires qui décroissent exponentiellement avec la distance au plan du joint. Les forces de cohésion qui agissent au travers de l’interface, et qui diminuent lorsque l’expansion τ ⊥ augmente, sont à l’origine de ces relaxations locales. Ces dernières éliminent les discontinuités dans l’expansion et l’énergie de clivage prédites par le modèle analytique (Sect. 3.2). Elles peuvent réduire l’expansion de 25 % au moins pour les joints de grandes distances interplanaires. En conclusion, les énergies calculées reportées en fonction des paramètres macroscopiques (désorientation et plan du joint) sont les énergies minimales des joints dont la détermination implique de connaître leurs états de translation. Ce sont les paramètres microscopiques qui contrôlent l’énergie intergranulaire et donc, in fine, qui décident de la (ou des) structure stable d’un joint de grains.
4.
Existe t-il des critères géométriques d’énergie minimale ?
Il convient en tout premier de se poser la question suivante : que signifie physiquement l’énergie minimale ? Pourquoi rechercher les minima d’énergie lorsqu’on sait qu’ils ne permettent pas de sélectionner les joints favorisés dans une série de joints symétriques de flexion, la plus simple possible, et donc a fortiori pour tout autre série. Par ailleurs, des structures strictement périodiques peuvent correspondre à des énergies très élevées. Qu’est-ce qui est le plus important pour une propriété intergranulaire donnée : l’énergie, la périodicité, la structure locale ?
124
L ES
JOINTS DE GRAINS
Un joint de grains distingué comme « spécial » en raison de sa faible énergie n’a pas nécessairement une structure et des propriétés « spéciales ». Cependant, en l’absence d’une réponse absolue au questionnement précédent, une première sélection des joints de grains, basée sur leur énergie, permet de constituer un « vivier » dans lequel on peut penser extraire les joints à propriétés particulières. Cette hypothèse semble raisonnable pour les propriétés dépendant du cœur du joint de grains, mais elle a ses limites quand il s’agit de propriétés mécaniques associées aux paramètres élastiques de la région intergranulaire. La présentation des critères géométriques d’énergie minimale et la discussion qui l’accompagne s’inspirent largement de la revue qui en a été faite par Sutton et Balluffi [119]. Quatre critères sont généralement avancés pour prédire les minima d’énergie des joints de grains, par ordre chronologique : – Une forte densité volumique de sites de coïncidence ρ = 1/Σ donc une faible valeur de Σ [123] ; – Une forte densité planaire de sites de coïncidence Γ [25] ; – Une valeur élevée de la distance interplanaire dhkl , {hkl } étant les indices du plan du joint [124] ; – Une valeur élevée de Γ pour une distance interplanaire dhkl constante [124]. Un cinquième critère est aussi mentionné, c’est l’existence dans l’interface d’une rangée « commune » aux deux cristaux de forte densité atomique [125]. Il a surtout été utilisé pour les interfaces entre deux phases et ne sera pas discuté dans cet ouvrage consacré aux joints de grains. Les arguments sur lesquels il est fondé sont assez similaires à ceux avancés pour le critère Γ.
4.1.
Le critère « faible valeur de Σ »
La question d’une valeur maximale Σmax « physiquement significative » de l’indice de coïncidence fait toujours l’objet de nombreux débats. Par « physiquement significatif », on sous-entend que pour tout joint d’indice Σ inférieur à Σmax , un minimum plus ou moins prononcé apparaît sur la courbe donnant l’énergie intergranulaire en fonction de la désorientation du joint autour d’un axe donné. Or, nous avons vu qu’il n’y a aucune relation biunivoque entre la valeur de Σ et l’énergie intergranulaire (Chap. 2, Sect. 2.2). L’exemple le plus évident est celui de la macle cohérente Σ3 {111} d’énergie extrêmement faible alors que la macle incohérente Σ3 {112} est d’énergie élevée et ne correspond pas à un minimum net sur la courbe γ = fn (θ). Par ailleurs, un joint d’indice Σ donné peut avoir une énergie plus élevée que celle d’un joint d’indice supérieur au sien, c’est le cas de Σ9 {221} par rapport à Σ11 {113} dans les métaux (Fig. 1.4). Cependant, en dépit de ses sévères restrictions, le critère « faible valeur de Σ » [123] continue à être utilisé dans les études à caractère mésoscopique lorsqu’il s’agit d’établir expérimentalement, en particulier par rétrodiffusion des électrons (EBSD), la distribution dans un polycristal des paramètres des joints de grains. Dans ces études, la considération de l’indice de coïncidence Σ s’accompagne d’un critère nécessairement associé : c’est l’écart angulaire maximum critique ∆θmax autorisé par rapport à la désorientation
C HAPITRE 5 – O RDRE
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
125
exacte de coïncidence tel que si ∆θ < ∆θmax le joint puisse être considéré comme « spécial ». Le terme « spécial » se réfère ici à l’éventualité pour ce joint de posséder une périodicité et repose sur la possibilité de visualiser des réseaux de dislocations intrinsèques par microscopie électronique en transmission conventionnelle, ce qui est évidemment insatisfaisant. La déviation ∆θmax est donnée par : ∆θmax = b/p
(1.78)
avec b l’intensité du vecteur de Burgers possible des dislocations intrinsèques et p la période du joint de grains. b = bDSC = Σ−1/n
et
p = Σ−1/m
(1.79)
Différentes valeurs ont été attribuées à m et n conduisant à des critères plus ou moins restrictifs de la forme : ∆θmax = ∆θ0 Σ−p
(1.80)
avec ∆θ0 la limite de la désorientation des joints de grains à faible angle (8 ou 15◦ selon les auteurs) et p variant entre 1/2 et 1. Bien qu’il soit le plus laxiste (voir partie 3, Chap. 2, Sect. 1.1), le critère le plus fréquemment utilisé est celui de Brandon [126] : (1.81) ∆θmax = 15◦ Σ−1/2 Si on peut admettre à la limite qu’une sélection des joints de faibles valeurs de Σ et ∆θ permet de faire une première distinction entre les arrangements des joints de grains dans différents polycristaux d’un même matériau, il ne faut jamais oublier que le critère « faible valeur de Σ » n’a pas de sens physique puisqu’il néglige le plan du joint. Son utilisation soulève une question cruciale pour avancer dans la connaissance des joints de grains : comment concilier les approches à différentes échelles ? D’un côté, les études à l’échelle mésoscopique sont nécessaires pour aller vers les joints de grains réels dans les matériaux et les propriétés d’emploi, de l’autre, une meilleure compréhension de la structure du joint de grains et des phénomènes intergranulaires repose sur les études à l’échelle atomique qui ne concernent encore qu’un nombre très restreint de types de joints de grains. Le seul sens physique du réseau CSL à trois dimensions est qu’un joint dont le plan est parallèle à un plan rationnel de ce réseau a une structure périodique. Cette remarque conduit à considérer ce qui se passe dans le plan du joint.
4.2.
Le critère « grande valeur de Γ »
La densité planaire de sites de coïncidence Γ est inversement proportionnelle à l’aire de la maille élémentaire du réseau CSL dans le plan du joint. L’existence d’une faible énergie d’un joint de grains associée à une forte valeur Γ est basée sur deux hypothèses [25] : – Plus il y a d’atomes sur des sites partagés entre les cristaux, plus l’énergie de cœur du joint est faible.
126
L ES
JOINTS DE GRAINS
– Plus élevée est la valeur de Γ, plus petite est la période du joint, moins étendus sont les champs de contraintes qui respectent sensiblement cette période et, finalement, plus petite est l’énergie élastique du joint de grains. La première hypothèse est facilement réfutable, car elle ignore les translations rigides nécessaires pour que les autres atomes dans le plan du joint ne s’interpénètrent pas. De même, dire que les champs de contraintes s’étendent peu, c’est dire que la distance entre dislocations interganulaires est faible et alors que leurs cœurs peuvent se chevaucher, la considération de la période n’a alors aucun sens. Sous sa forme stricte, ce critère ne peut s’appliquer qu’aux joints de grains de même plan.
4.3.
Le critère « grande valeur de d »
Ce critère met l’accent sur la densité atomique dans le plan du joint, d’autant plus grande que celui-ci est formé par deux plans denses de la structure cristalline, donc de grande distance interplanaire d. Pour un joint non relaxé, la possibilité d’une faible énergie intergranulaire pour une grande valeur de d s’explique par le fait que cette dernière représente la distance la plus proche possible de deux atomes de part et d’autre de l’interface. Les relaxations atomiques parallèles et perpendiculaires au plan du joint empêchent l’établissement d’une relation quantitative. Cependant, les plans des joints de flexion symétriques 110 donnant lieu à des minima dans la courbe E = fn(θ) sont ceux qui possèdent les plus grandes valeurs de d, à l’appui d’une corrélation qualitative entre énergie intergranulaire et distance interplanaire (Fig. 1.80) [124]. Notons que les joints de grains ayant les plans les plus distants correspondent aux joints favorisés dans le modèle des unités structurales. Ce critère a été étendu aux joints généraux asymétriques en définissant une distance effective [124]. d(hkl)I + d(hkl)II (1.82) deff = 2 avec d(hkl)i la distance des plans parallèles au plan du joint dans le cristal i.
4.4.
Le critère « grande valeur de Γ pour d constant »
Le critère « grande valeur de Γ » pour tous les joints de torsion de même plan (d constant) est identique au premier critère (faible valeur de Σ) et revient à sélectionner les joints de torsion pour lesquels la taille du « c.n.i.d. » est grande. Ce critère s’avère être respecté pour les joints de grains dans les systèmes métalliques et ioniques [119]. Pour les joints de flexion symétriques 110 où il y a un site du cristal pour chaque site coïncident dans le joint, on a : Γ(hkl) = 1/A(hkl) = d(hkl) /Ω
(1.83)
C HAPITRE 5 – O RDRE
ET ÉNERGIE INTERGRANULAIRES
127
F IG . 1.80 – (a) Évolution de l’énergie des joints de flexion 110 du cuivre avec l’angle de désorientation 2θ ; (b) évolution des distances des plans parallèles au plan du joint en fonction de θ. La comparaison des deux courbes suggère une corrélation entre faible énergie du joint et grande distance interplanaire. (D’après D. Woff [124].)
avec A(hkl) l’aire du plan (hkl) associé à un site du cristal et Ω le volume atomique. Pour ces joints, il n’y a donc pas de distinction entre le critère de grande distance interplanaire et grande valeur de valeur de Γ. En revanche, les deux critères précédents diffèrent totalement dans le cas de joints de grains non périodiques. Ainsi des joints incommensurables {111} // {100} ont une densité planaire de sites coïncidents nulle tout en ayant une relativement grande distance interplanaire effective. De tels joints, de même que ceux de plans {110} // {111} et {110} // {100}, ne semblent pas privilégiés lors de la formation de joints de grains par dépôt de billes métalliques sur un substrat.
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En conclusion, les mesures d’énergie intergranulaire, les analyses des joints sélectionnés par la nature ou résultant du mode d’élaboration et/ou de traitements thermiques, enfin les observations de réseaux de dislocations périodiques ont été confrontés avec les précédents critères de faible énergie. En général, les résultats n’apportent aucun support à l’utilisation des critères faible valeur de Σ, grande valeur de Γ et grande distance interplanaire d pour prédire l’énergie intergranulaire. Chacun d’eux est autant de fois en accord qu’en désaccord avec l’expérience. Il semble cependant que le critère de grande distance interplanaire d soit un peu mieux en adéquation avec les résultats, comme en témoignent les observations et les calculs d’énergie pour les joints de grains symétriques et asymétriques de flexion autour de 011 dans l’or [85] et autour de 001 dans NiO [91]. En particulier, dans les deux matériaux, des joints asymétriques incommensurables dont les plans sont de faibles indices dans les deux cristaux sont couramment observés en microscopie électronique en transmission à haute résolution. Par ailleurs, dans certains cas, ce critère semble fonctionner pour prédire une faible aptitude d’un joint de grains à la ségrégation intergranulaire (partie 2). Enfin, on doit remarquer que dans les simulations récentes de la structure de plusieurs joints de torsion dans le silicium, le joint Σ31 de plan (111) est de plus faible énergie que les joints (110) et (311) et il est le seul à ne pas contenir de phase amorphe [98].
5.
Énergie et classification des joints de grains – Limites
5.1.
Classification fondée sur l’énergie
La classification généralement adoptée [12] est similaire à celle des surfaces, elle caractérise un joint de grains selon son énergie libre par rapport à un degré de liberté macroscopique, c’est-à-dire en se référant à une courbe γ = fn (η) ; η représente l’angle de désorientation θ ou l’angle d’inclinaison ϕ du plan du joint ou encore l’orientation de l’axe de désorientation. Jusqu’à présent, c’est surtout l’angle de désorientation qui a été utilisé comme variable. On distingue : – Le joint singulier dont l’énergie libre est située à un minimum local sur une, au moins, des courbes E = fn (η). – Le joint vicinal dont l’énergie est proche d’un minimum local sur une au moins, des courbes E = fn (η). La structure d’un tel joint consiste alors en celle du joint singulier voisin à laquelle se superposent des défauts linéaires (dislocations et/ou marches). – Le joint général dont l’énergie est à un, ou voisine d’un, maximum local par rapport à un ou plusieurs degrés de liberté macroscopiques. Cette classification établie par rapport à un degré de liberté au moins présente immédiatement ses limites car un joint peut être général par rapport à un paramètre et singulier ou vicinal par rapport à d’autres. Par exemple, sur la figure 1.4, les joints Σ3 {111} et Σ11 {311} sont singuliers, les joints présentant un faible écart
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angulaire par rapport à ces derniers sont vicinaux et un joint tel Σ11 {332} est général. Ce dernier est général si on choisit la désorientation comme variable, mais peut être considéré comme singulier si on trace l’évolution de l’énergie en fonction de l’orientation ϕ du plan du joint pour la désorientation fixe de 50◦ 5 110 (Σ11) (Fig. 1.81). L’énergie du joint asymétrique incommensurable de plan {111} // {331}, à 1◦ 57′ du joint {111} // {13 13 5}, est également reportée sur la courbe γ = fn(ϕ), bien que ce joint n’appartienne pas à la famille des joints Σ11 (θ = 48◦ 53) [69]. Cependant, la valeur de cette énergie apparaît raisonablement située entre celles des joints tels que ϕ = 0 et ϕ = 80◦ 05. Le joint asymétrique {111} // {115} apparaît également comme un joint singulier par rapport à l’inclinaison du plan du joint dans le cuivre et l’or (Fig. 1.75) [85].
F IG . 1.81 – Évolution de l’énergie des joints Σ11 50◦ 5 110 dans le nickel avec l’orientation du plan du joint. L’origine des angles ϕ correspond à l’orientation du plan symétrique {311}. La courbe est extrapolée au voisinage de ϕ = 90◦ à partir des énergies calculées de certains joints de cette série (•). L’énergie du joint {331} // {111} est également reportée (x) bien que ce joint soit écarté de la coïncidence Σ11 (voir texte) [69].
Par ailleurs, quelle est la limite de l’écart angulaire à la valeur particulière de η d’un joint singulier qui permet de décider si un joint voisin de celui-ci est vicinal ou général ? Enfin, l’évolution de l’énergie intergranulaire avec le paramètre « orientation de l’axe de désorientation » n’a pas été étudiée ; dans les systèmes cubiques, on considère généralement les axes rationnels 110, 100 et 111. Cette classification recoupe partiellement celle proposée dans le modèle des unités structurales dans la mesure où les joints favorisés et délimitants sont considérés comme singuliers, et que les joints intermédiaires sont des joints généraux. Elle s’applique surtout aux joints bien contrôlés dont un seul des degrés de liberté varie mais son utilisation pour classer les joints réels des polycristaux pose question.
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5.2.
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Classification des joints fondée sur la distance interplanaire
Paidar propose une classification des joints de flexion symétriques dans les systèmes CFC et CC sous la forme d’une construction géométrique exprimant la relation entre la distance interplanaire et l’orientation de la normale au plan du joint qui caractérise totalement la désorientation pour tout joint de flexion symétrique [127]. Bien que géométrique, le principe de cette construction et les renseignements qu’on peut en tirer ne peuvent se comprendre sans la connaissance du modèle des unités structurales (existence de joints favorisés) et sans la discussion préalable des critères géométriques de faible énergie. C’est pourquoi nous avons fait choix de la reporter ici en s’attachant particulièrement à l’exemple des joints de flexion symétriques de désorientation θ autour de [-101] dans un matériau de structure CFC (Fig. 1.82).
F IG . 1.82 – Dépendance des distances interplanaires d (en unités a/2) avec la désorientation θ autour de [101] pour les joints de flexion symétriques. Les pyramides de la classification sont données par des tirets pour tous les plans de joints marqués sur la figure. Les points correspondant aux autres plans sont sous la ligne en zigzag (trait plein). (D’après V. Paidar [127].)
Au premier niveau de la classification, on choisit le plan le plus dense de la série, (111) pour les matériaux CFC, et on le place entre deux plans médians correspondant au monocristal soit (010) et (101), en respectant sa désorientation. Tous les plans situés entre les précédents sur une même zone sont définis sur une projection stéréographique ; on situe chacun d’eux de telle manière que son abscisse corresponde à l’angle qu’il forme avec (010) ou (101). L’ordonnée de (111) cor√ respond à la distance entre les plans de cette famille d = a 3/3. Les ordonnées des plans délimitants tiennent compte des facteurs de structure, les distances reportées sont celles des plans (020) et (202). Une première pyramide est construite en joignant les abscisses des plans délimitants pour θ = 0◦ et θ = 180◦ au point représentatif de (111). Cette pyramide est subdivisée en deux autres dont les sommets
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sont obtenus par l’intersection des côtés de la première avec les droites joignant l’abscisse de (111) aux points (101) et 010) sur les axes verticaux. Les plans ainsi déterminés ont pour indices les sommes des indices des joints qui les forment : par exemple (131) = (111) + (020). Les joints symétriques de plans (131) et (313) constituent le deuxième niveau de la classification. Et ainsi de suite. . . Par exemple (121) est au sommet d’une pyramide dont un côté passe par l’abscisse de (111) et le point (131) et l’autre par l’abscisse de (131) et le point (111). On obtient alors les joints situés au troisième niveau puis au quatrième niveau de la classification (Tab. 1.IX). TAB . 1.IX – Classification des joints de grains de flexion symétriques autour de 110 selon la distance des plans parallèles au plan du joint pour les systèmes CFC.
1er niveau (101) Σ = 1
2e niveau
3e niveau
4e niveau
(515) Σ = 51
(717) Σ = 99 (414) Σ = 33
(212) Σ = 9
(737) Σ = 107 (535) Σ = 59
(121) Σ = 3
(353) Σ = 43 (373) Σ = 67
(151) Σ = 27
(141) Σ = 9 (171) Σ = 51
(313) Σ = 19 (111) Σ = 3 (131) Σ = 11 (010) Σ = 1 Cette classification diffère de celle fondée uniquement sur la densité de sites atomiques des plans réticulaires, estimée à partir des distances interplanaires seulement, car elle est basée sur la relation entre ces distances et la désorientation qui est une fonction discontinue. Elle met bien en avant l’importance du plan du joint de grains. La classification proposée ici est purement géométrique et ne peut en rien prédire les énergies et les structures des joints considérés. Cependant, on remarque que les joints favorisés de faible énergie déterminés par simulation des structures atomiques intergranulaires correspondent toujours à des joints situés aux niveaux 1 et 2 de la présente classification. Cette similitude peut se comprendre car les principes de construction utilisés ici, pour un axe de rotation donné, respectent les règles qui contrôlent la distribution des unités structurales des joints favorisés dans un joint général [10]. Par ailleurs, les joints des niveaux 1 et 2 semblent présenter des propriétés « spéciales », comme la diffusivité, même s’ils ne sont pas des joints favorisés dans le modèle des unités structurales. Le modèle de classification précédent a été étendu, par le même auteur, aux joints de flexion asymétriques en prenant en compte la désorientation θ entre cristaux autour d’un axe donné et l’orientation ϕ du plan du joint qui détermine ses
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indices dans chacun des cristaux [128]. Un exemple de la position dans l’espace θ/ϕ des joints asymétriques de flexion autour de [-110] possédant, dans chaque cristal, un plan dense des niveaux 1 et 2 précédemment définis est donné sur la figure 1.83. Les orientations ϕ des cinq plans (001), (113), (111), (331) et (110) sont reportées en abscisse et les désorientations autour de [-110] sont reportées en ordonnée. Chaque point de ce diagramme représente un joint de grains défini par ses paramètres θ et ϕ. Les points sur l’axe θ pour ϕ = 0◦ et ϕ = 90◦ correspondent aux joints symétriques. La trajectoire d’un plan atomique donné, dont les indices sont indiqués sur les axes horizontaux, a deux branches qui forment un parallélogramme. Si on se déplace sur ces trajectoires, on trouve tous les joints possibles possédant ce plan de joint dans un des cristaux. L’intersection des trajectoires relatives à deux plans différents indique la désorientation et l’orientation du plan d’un joint asymétrique construit sur ces deux plans. Compte tenu des symétries, on ne doit considérer que les intersections dans le demi-espace 0 ≤ ϕ ≤ 45◦ , celles dans l’autre demi-espace sont équivalentes. À titre d‘exemple, un joint de grains de plan (111) // (113) est représenté par le point P (θ = 29◦ 5, ϕ ∼ = 40◦ ) ou par le ′ ◦ ◦ ∼ point P correspondant au plan (111) // (11-3) (θ = 80 , ϕ = 14 75).
F IG . 1.83 – Trajectoires des plans des joints de flexion autour de [-110]CFC dans l’espace θ/ϕ des désorientations entre grains et des inclinaisons du plan du joint (voir texte). (D’après V. Paidar [128].)
Cette construction permet de définir tous les joints asymétriques que l’on peut générer en sélectionnant comme plans de joint les plans denses jusqu’au second niveau de la classification des joints symétriques. Le tableau 1.X résume, pour le système CFC, les paramètres θ et ϕ des joints asymétriques de flexion autour de [-110].
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Les joints asymétriques à plans denses peuvent être considérés comme candidats pour des propriétés particulières ; cependant, leur réseau CSL est souvent réduit à une dimension (les sites de coïncidence sont sur l’axe de rotation. De plus les joints asymétriques de plans (010) // (101) ainsi que de nombreux autres joints dans le tableau 1.X tels (111) //(313) sont incommensurables. La prédiction des joints asymétriques dans l’espace θ/ϕ ne permet pas de préciser quels sont les joints de courte période dans cet espace. On peut a priori penser que ce sont les joints possédant des désorientations rationnelles. Mais de nombreux joints dans l’espace θ/ϕ ont des désorientations irrationnelles et sont donc nonpériodiques bien que possédant de large distances interplanaires. La question de la particularité de ces joints reste totalement ouverte et mérite d’être explorée tant expérimentalement que théoriquement. TAB . 1.X – Liste des joints de flexion asymétriques dans le réseau CFC construits en sélectionnant des plans atomiques denses appartenant aux niveaux 1 et 2 de la classification des joints symétriques (voir Tab. 1.IX).
Plan du joint (001) // (110) (110) // (-1-11) (001) // (111) (111) // (113) (111) // (-1-13) (-1-11) // (331) (-1-11) // (33-1) (110) // (-1-13) (001) // (113) (110) // (-3-31) (001) // (331) (-1-13) // (331) (-1-13) // (33-1)
θ◦ 90 144,74 54,74 29,50 79,98 131,47 158,00 115,24 25,24 166,74 76,74 101,98 128,50
ϕ◦ 45 17,63 27,37 39,99 14,75 11,00 24,26 32,62 12,62 6,63 38,37 25,75 39,01
6
Ordre ou désordre intergranulaire : quelle conclusion ?
Les joints de grains singuliers et vicinaux dont on connaît les structures en termes de dislocations et d’unités structurales ne constituent généralement qu’un faible pourcentage des joints présents dans un polycristal. Quelques exceptions existent comme dans les métaux de structure CFC ayant une faible énergie de faute d’empilement où un nombre relativement important de macles Σ3 et de joints Σ3n peut apparaître par recristallisation. Certains processus d’élaboration, comme la solidification dirigée, favorise aussi la formation de joints particuliers ayant un même axe de désorientation d’indices simples. Mais les joints généraux, de caractère mixte « flexion/torsion » et de plan moyen quelconque, sont les joints réels qui contribuent fort probablement le plus aux comportements de l’ensemble polycristallin (croissance des grains, déformation plastique. . .). Or, ce sont précisément ces joints, d’énergie élevée, dont la connaissance reste très limitée. Une des principales questions qui se pose est celle du mode de relaxation de l’énergie adopté par un joint de grains général : – Se décompose-t-il en facettes élémentaires de structures cristallines connues et d’énergies plus faibles séparées par des jonctions où deux structures (deux phases) coexistent [102] et où des défauts linéaires se localisent ? Dans ce cas, la connaissance des structures élémentaires peut permettre d’approcher le joint général, avec difficulté certes car le tout n’est jamais la somme des parties. – Préserve t-il un plan moyen avec formation d’une couche d’épaisseur très faible (<1 nm) de phase amorphe ? Alors, les structures périodiques ne sont que des objets physiques intéressants, mais sans pertinence pour la compréhension des propriétés des matériaux réels. À l’appui du premier mode de relaxation, de nombreuses observations de joints de grains généraux symétriques et asymétriques dans des matériaux divers et à différentes échelles révèlent la formation de facettes dans nombreux d’entre eux. Ce phénomène peut se reproduire de l’échelle mésoscopique à l’échelle nanoscopique pour un même joint de grains. Ainsi, la figure 1.84 montre un joint général de désorientation 47◦ 211 de plan moyen {757} // {535} dans du nickel décomposé en facettes {767} // {212} de longueur moyenne comprise entre 40 et 50 nm, chacun des plans étant alternativement situé d’un côté et de l’autre du
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F IG . 1.84 – (a) Observation en MET de la décomposition d’un joint de grains asymétrique de plan moyen {757} // {535} en facettes de plan {767} // {212} elles-mêmes décomposées en nanofacettes ; (b) structure observée en METHR d’une facette précédente montrant qu’elle est composée d’une alternance de facettes asymétriques {331} // {111} et de facettes symétriques {332} de structure E− DE+ D. (D’après O. Hardouin-Duparc et al. [69].)
joint. Ces facettes se décomposent à nouveau en facettes asymétriques {331} // {111} de longueur voisine de 4 nm séparées par des nanofacettes symétriques de longueur 1 nm. Ces dernières correspondent à 1/2 période du joint de grains symétriques {332} (Fig. 1.33) dont la désorientation est à 5◦ environ du joint asymétrique observé [69]. La formation et la structure de la facette {331} // {111} ont été discutées précédemment (Chap. 3, Sect. 3.2). Dans l’or, un joint de grains de torsion de grande énergie 90◦ 110 se décompose en facettes, d’environ 1 nm de longueur, de plan {111} dans un cristal et {200} dans l’autre cristal. Chaque facette présente une assez bonne cohérence, deux plans {111} concordant avec trois plans {200} au travers du joint de grains (Fig. 1.85) [129].
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:
QUELLE CONCLUSION ?
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F IG . 1.85 – Un joint de grains de torsion d’angle 90◦ [110] dans l’or ne reste pas plan, mais se reconstruit à l’échelle atomique en facettes bordées par des plans {111} dans un grain et {200} dans l’autre grains. (D’après K.L. Merkle et L.J. Thomson [129].)
La formation de facettes est donc bien un phénomène habituel pour les joints de grains généraux. Mais il ne semble pas le seul mode de relaxation ; en effet, des études récentes par simulation de plusieurs joints de grains de haute énergie dans des bicristaux et des nanocristaux de silicium ont permis de révéler la présence d’une phase amorphe. La figure 1.86 montre la disposition simulée des atomes après relaxation d’un joint de grains de torsion Σ29 (100) du silicium dont l’énergie à 0 K est élevée, égale à 1464 mJ.m−2 [98]. Après relaxation à basse température, une structure planaire bien définie apparaît. Le même joint équilibré à haute température (croissance à partir du matériau fondu ou recuit à haute température) présente une phase amorphe confinée et un élargissement du cœur du joint. La comparaison des énergies d’excès par atome (excès par rapport à l’énergie de cohésion dans un cristal parfait) en fonction de la distance au plan du joint indique que l’énergie du joint contenant la couche amorphe est plus faible que celle du joint cristallin, mais supérieure à celle du silicium amorphe massif [130]. Les simulations de la migration et de la diffusion pour des joints de flexion de plan (310) et de torsion (110) et (113) du palladium ont également révélé indirectement la présence d’une couche amorphe [130]. Comme le souligne Cahn [131], la possibilité d’existence de joints amorphes ne constitue pas réellement une nouveauté. Cette idée avait été proposée au début du XXe siècle par Rosenhain [1], un des scientifiques à l’origine de la Métallurgie physique, mais elle avait rencontré alors un grand scepticisme. Elle avait été totalement abandonnée à partir des années 1950 suite au modèle des dislocations de Read et Shockley, puis au formalisme géométrique de Bollmann et enfin compte tenu des observations en microscopie électronique en transmission. Les simulations ont tout d’abord appuyé la périodicité intergranulaire avec le modèle des unités structurales. Leurs développements récents, permettant l’étude de joints
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F IG . 1.86 – Structures d’un joint de grains de torsion Σ29 43◦ 60 [100] dans le silicium. (a) Structure cristalline résultant d’une relaxation à 0 K ; (b) structure amorphe après relaxation à haute température ; (c) évolution plan par plan de l’énergie d’excès moyenne par atome en fonction de la distance au plan du joint pour chacune des structures, cristalline et amorphe (la ligne pointillée donne cette énergie dans le silicium amorphe massif). (D’après D. Wolf [130].)
généraux, dont les structures ne peuvent pas être déterminées par l’expérience, semble réhabiliter Rosenhain. Jusqu’à quel point ? Certains joints restent cristallins bien que leurs énergies élevées diffèrent peu de celles des joints précédents à caractère amorphe, c’est le cas du joint de torsion Σ31 (111) du silicium et du joint de flexion symétrique (123) dans le palladium. Un résultat très surprenant obtenu par simulation est l’existence d’une transition vers une couche liquide confinée à haute température pour les deux types de joints, qu’il soit cristallin ou essentiellement amorphe à basse température. La compréhension de cette curieuse similitude repose sur une meilleure distinction entre ordre à grande distance et ordre à courte distance. L’ordre à grande distance définit le degré de cristallinité, mais ne dit rien de l’énergie. Il peut être défini par le carré du facteur de structure planaire S(kα) avec α = 1 et 2 pour les cristaux I et II respectivement. Ce facteur est fonction de la distribution radiale des atomes. À 0 K, pour un cristal I parfait |S(k1) |2 = 1 et |S(k2) |2 = 0 et
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:
QUELLE CONCLUSION ?
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vive versa pour le cristal II parfait. Au contraire pour un liquide ou un amorphe, |S(k1) |2 et |S(k2) |2 fluctuent autour de zéro à toute température. La combinaison des carrés des deux facteurs de structure apporte une mesure quantitative du degré de cristallinité de chaque plan (Fig. 1.87). Le centre du joint de torsion Σ11 (110) du palladium est bien fortement désordonné puisque |S(k) |2 est sensiblement égal à 0,25 pour chacun des plans (dans I et II) voisins du plan du joint. Par comparaison, le joint de grains de flexion symétrique (123), bien que d’énergie peu inférieure à celle du joint de torsion précédent, préserve une cristallinité de 95 % dans le centre du joint [130].
F IG . 1.87 – Évolution du carré du facteur de structure planaire |S(kα) |2 en fonction de la distance au plan du joint dans les deux cristaux (gauche et droite) pour : le joint de torsion Σ11 (110) et le joint de flexion symétrique (123) dans le palladium. (D’après D. Wolf [130].)
La valeur de l’énergie du joint à 0 K est une mesure du degré de désordre à courte distance, elle prédit mieux les propriétés du joint, telle la diffusion, que le facteur de structure planaire. Plus l’énergie du joint à 0 K est élevée, plus la température de transition du solide confiné au liquide confiné est basse. Un certain degré de désordre local à basse T 0 est requis pour déclencher une transition vers une structure type liquide à haute température. Ce désordre local a deux origines : une origine statique présente à 0 K et une origine dynamique due au désordre thermique. Sous l’effet d’un traitement thermique depuis 0 K jusqu’au point de fusion, les joints de flexion et de torsion de haute énergie, du moins dans les nanocristaux, subissent une transition réversible d’une structure solide typique des basses températures vers une structure amorphe confinée avec une énergie d’activation sensiblement identique pour tous les joints. La température à laquelle la transition se produit augmente lorsque l’énergie du joint diminue jusqu’à atteindre la température de fusion du cristal. Les joints de faible énergie n’atteignent jamais
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le degré critique de désordre à courte distance qui provoque une transition en dessous de TF . Ces remarques concernent seulement les joints généraux à grand angle dont les cœurs des dislocations se chevauchent et donc avec une distribution plus ou moins homogène des désordres locaux le long de l’interface. En résumé, pour répondre à la question « ordre ou désordre intergranulaire », il faut tout d’abord réfuter toute confusion entre ordre et énergie. L’énergie n’est pas contrôlée par l’ordre à grande distance mais par l’organisation locale des atomes ou motif. De longue date, les expériences greffées aux simulations ont montré qu’il existe des joints strictement périodiques, d’indice de coïncidence faible comme Σ = 9 dans les métaux ou d’indice très élevé comme Σ = 351 dans le silicium, qui possèdent une haute énergie. Réciproquement et récemment, les simulations semblent révéler l’existence de joints désordonnés de plus faible énergie que les joints ordonnés de mêmes paramètres géométriques. Après le « tout amorphe » du début du XXe siècle et le « tout cristallin » de la seconde moitié de ce même siècle, il semble possible, à l’aube du XXIe siècle, de considérer que les deux types de joints de grains existent. C’est le temps pour développer des travaux sur les joints vraiment généraux afin de confirmer ou infirmer cette proposition. Quelles que soient les descriptions des joints, détaillées dans cette première partie du livre, elles concernent leurs structures à l’équilibre, or les joints réels, à l’instar des cristaux, ne sont jamais parfaits. Se poser la question de l’ordre c’est aussi considérer les désordres provoqués par ces défauts, c’est l’objet de la partie 2. Enfin, les structures proposées jusqu’ici décrivent toutes des joints considérés comme infinis, peuvent-elles représenter un joint fini contraint à ses deux extrémités ? C’est une question que nous abordons dans la partie 3 en même temps que nous tentons de situer les différents joints dans le réseau qu’ils constituent au sein du matériau. Ces préoccupations constituent des prérequis pour s’engager dans la voir de l’ingénierie des joints de grains.
Références
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Deuxième partie Du joint de grains idéal au joint de grains réel
« Ce sont les défauts qui donnent vie au matériau. Sans défauts, le cristal serait mort à l’instar de l’univers s’il était vide » (E. Kröner).
Introduction Par joint de grains « idéal », on entend joint de grains (singulier, vicinal ou général) sans défaut dont l’énergie ne contient que des termes de configuration. Cet état idéal n’existe théoriquement qu’à 0 K. Les dislocations intrinsèques ou structurales dont les cœurs sont les unités polyédriques d’atomes constitutives du joint de grains (partie 1) ne sont pas des défauts intergranulaires mais des défauts par rapport à la structure du cristal. À toute température différente de 0 K, un joint de grains « réel » contient des défauts cristallins qui introduisent des ruptures dans la structure intergranulaire périodique. Ce sont ces défauts qui confèrent au joint de grains la plupart de ses propriétés d’emploi. La densité de défauts ponctuels, lacunes et atomes en insertion ou en substitution (éléments d’alliages ou impuretés) est généralement plus grande aux joints de grains qu’en matrice, hormis pour la macle cohérente Σ3 {111}. Les défauts linéaires sont des dislocations non exigées pour accommoder la transformation qui relie deux cristaux voisins. Ces dislocations dites « extrinsèques » se superposent au réseau intrinsèque qu’elles perturbent. Les défauts plans sont soit des marches pures, soit des marches associées à des dislocations extrinsèques. Notons que les défauts plans formés par la dissociation d’un joint de grains et donnant lieu à une structure intergranulaire à trois dimensions ont été traités dans la partie 1 (Chap. 3, Sect. 3.1). En effet, cette structure 3D est un défaut particulier par rapport au cristal mais c’est la structure d’équilibre du joint de grains dérivée de calculs effectués à 0 K.
148
L ES
JOINTS DE GRAINS
Dans un premier chapitre, on décrit les défauts intergranulaires ponctuels et linéaires, comment ils sont introduits dans le joint de grains et les perturbations qu’ils y provoquent. On s’intéresse ensuite à la présence de solutés résultant du phénomène de ségrégation intergranulaire, car, non seulement la structure et l’énergie d’un joint de grains mais aussi ses défauts et leurs comportements sont profondément affectés par la présence de solutés. Finalement, c’est la chimie du joint de grains qui contrôle ses propriétés, pouvant gommer totalement les différences géométriques. Le phénomène de ségrégation intergranulaire mérite donc un long détour, le deuxième chapitre lui est consacré. Étroitement dépendante de la ségrégation, et difficile à différencier de celleci à ses tous débuts, la précipitation préférentielle d’une seconde phase aux joints de grains d’une phase-mère constitue un troisième chapitre, la précipitation jouant également un rôle important sur les propriétés d’emploi des matériaux. Le quatrième chapitre se concentre sur les défauts linéaires intergranulaires ou dislocations extrinsèques qui résultent souvent de réactions entre les dislocations de matrice et les joints de grains. La possibilité pour une dislocation d’entrer dans un joint de grains dépend tout d’abord d’une interaction élastique à longue distance, attraction ou répulsion, gouvernée par la force image. C’est cet effet, trop souvent négligé, que nous nous attachons à décrire en préalable. À courte distance, l’interaction entre les cœurs des défauts, linéaire et plan, est toujours positive, nous explorons les divers mécanismes qui peuvent alors se produire dans le joint de grains conduisant à la formation de dislocations extrinsèques. Dans un dernier chapitre, on s’attache à montrer comment un joint de grains perturbé peut revenir vers un état d’équilibre via un ensemble de mouvements et réactions de ses défauts qui constitue le phénomène d’accommodation des dislocations extrinsèques. Les différents processus de relaxation des contraintes liées aux défauts sont décrits ainsi que les modes de calculs de l’évolution de l’énergie intergranulaire au cours de cette relaxation. Toutes les réactions intergranulaires, depuis la formation d’une dislocation extrinsèque jusqu’à la totale relaxation de son champ de contrainte élastique à grande distance, sont modifiées par la ségrégation ou la précipitation aux joints de grains, ce qui justifie à nouveau la place donnée dans cette partie à ces deux phénomènes.
1
1.
Les défauts de la structure intergranulaire
Les défauts ponctuels
De même qu’une concentration d’équilibre en lacunes ou auto-interstitiels existe dans un cristal à toute température, provoquant une augmentation de son énergie interne, de même il existe une concentration d’équilibre de ces défauts dans un joint de grains. À cause du faible nombre d’atomes situés au cœur du joint, aucune technique expérimentale n’a pu révéler la présence de ces défauts. Cependant, les approches par simulation de joints de grains dans lesquels ont été introduits des défauts ponctuels ont conduit à des structures intergranulaires relaxées contenant de tels défauts. L’énergie attachée à chaque site et à chaque type de défauts sur ce site (lacune, interstitiel) diffère d’une situation à l’autre, il en résulte un grand nombre de configurations possibles [1–3]. La concentration à l’équilibre d’un défaut d sur un site i du joint est donnée par une relation similaire à celle utilisée pour le cristal : ieq.
Cd
= exp Sdif /k . exp −Edif /kT
(2.1)
où Sdif et Edif sont respectivement l’entropie de vibration et l’énergie interne de formation du défaut. À titre d’exemple, l’énergie interne de formation d’une lacune dans un joint de grains de flexion symétrique Σ5 [001] {310} dans du fer varie entre 90 et 128 kJ.mol−1 selon le site intergranulaire alors qu’elle est de 130 kJ.mol−1 sur un site du cristal. Pour un atome interstitiel et pour les mêmes sites, ces valeurs sont généralement plus élevées, entre 224 et 319 kJ.mol−1 pour 458 kJ.mol−1 sur un site de matrice. Le site le plus favorable à l’occupation par une lacune diffère de celui favorable à la présence d’un interstitiel, ce dernier dépend de contraintes stériques et des forces de liaison entre atomes. Les déplacements autour des défauts restent faibles bien que supérieurs, pour un type de défaut donné, à ceux qui interviennent dans le cristal (Fig. 2.1) [2]. Les interactions entre défauts ponctuels, lacunes et atomes auto-interstitiels, avec plusieurs joints de grains de flexion autour de 110 et 111 dans le cuivre et l’aluminium ont récemment été simulées en utilisant des potentiels EAM (atomes enchâssés) [3]. Les énergies de formation les plus faibles sont corrélées aux énergies des joints de grains dans les deux métaux. Pour le joint de macle, les énergies
150
L ES
JOINTS DE GRAINS
F IG . 2.1 – Champ des déplacements atomiques autour d’un atome intersitiel dans un joint de flexion symétrique Σ5 {310} du fer CC calculé en statique moléculaire : (a) vue selon l’axe de flexion 001 de la structure relaxée du joint avant insertion de l’interstitiel sur le site encerclé ; (b) relaxations atomiques autour de l’interstitiel, le déplacement de chaque atome est représenté par un vecteur projeté sur le plan du schéma (D’après A.P. Sutton et R.W. Balluffi [2]).
sont quasi identiques aux énergies de formation des défauts en matrice. Pour tous les autres joints, elles diffèrent d’un joint de grains à l’autre et d’un site à l’autre d’un même joint de grains, des tableaux récapitulatifs donnent les grandeurs calculées pour les deux types de défauts ponctuels dans le cuivre et dans l’aluminium [3]. La lacune est généralement très localisée, avec de petites relaxations des atomes vers le site lacunaire. Cependant, dans quelques cas, les relaxations sont plus fortes, la lacune devient délocalisée sur plusieurs sites entraînant un changement local de configuration atomique et du volume libre qui lui est associé (Fig. 2.2a). On peut même constater une instabilité de la lacune sur certains sites intergranulaires (Fig. 2.2b). L’atome auto- interstitiel peut exister sous trois formes structurales dans les joints de grains des deux métaux : localisé dans une position interatomique relativement ouverte, délocalisé dans une aire assez large ou divisé sous forme d’une configuration en « haltère » (dumbbell) perpendiculaire à l’axe de flexion (Fig. 2.2c). Cette dernière configuration exige une énergie de formation plus élevée que les deux premières. Ces résultats, communs à plusieurs joints du cuivre et de l’aluminium, peuvent fort probablement être généralisés à tous les
C HAPITRE 1 – L ES
DÉFAUTS DE LA STRUCTURE INTERGRANULAIRE
151
F IG . 2.2 – (a) Exemple de délocalisation d’une lacune au site 2 d’un joint Σ11 {332} dans le cuivre : l’atome 3 se déplace fortement à mi-distance entre les sites 2 et 3 ; (b) exemple d’instabilité d’une lacune au site 5 d’un joint Σ7 {415} de cuivre : l’atome initialement au site 9 remplit le site lacunaire tandis que l’atome en 9′ se déplace à mi-chemin entre les sites 9 et 9′ ; (c) exemples d’intersitiels sous une configuration d’haltère aux sites K dans deux joints Σ9 {411} et Σ13 {527} du cuivre. (D’après A. Suzuki et Y. Mishin [3].)
métaux CFC et s’expliquent par l’existence de contraintes internes et de régions alternativement en tension et en compression dans le cœur du joint de grains. Les défauts ponctuels peuvent se concentrer dans les joints sous forme de complexes. Ainsi, les simulations montrent qu’un joint Σ13 (32◦ 2 [0001]) de l’oxyde de zinc agit comme puits efficace pour les lacunes de zinc, pour les atomes interstitiels d’oxygène et pour les atomes substitutionnels de bismuth présents en tant qu’impuretés. Les défauts tendent à s’accumuler dans les sites sous-coordinés dans le cœur du joint et préfèrent former des amas. Cette ségrégation a un impact sur les caractéristiques électriques de l’oxyde [4]. Le rassemblement de divers solutés ou de complexes « lacunes/solutés » sera abordé de manière plus détaillée dans l’approche des phénomènes de ségrégation (Chap. 2). L’aptitude des joints de grains à agir comme puits et sources de défauts ponctuels joue un rôle important dans des phénomènes comme la restauration, le fluage, l’endommagement par irradiation. . . Les défauts ponctuels rendent compte de la diffusion rapide aux joints de grains qui contrôle la cinétique de nombreux processus dans les matériaux à haute température. La concentration en défauts ponctuels donnée par l’expression (2.1) correspond à un équilibre thermique, mais un tel joint pourra être porté hors équilibre par une surconcentration en défauts ponctuels et/ou par la présence de défauts d’un ordre supérieur, en particulier les défauts linéaires.
152
L ES
2.
JOINTS DE GRAINS
Les défauts linéaires : dislocations extrinsèques
Lorsque les dislocations des cristaux interagissent avec les joints de grains, des défauts linéaires isolés (en ce sens qu’ils ne sont pas arrangés en réseaux périodiques comme les défauts intrinsèques) se forment dans les joints. Ces défauts ou « dislocations extrinsèques » résultent le plus souvent de réactions mises en jeu dans deux situations pratiques : – Dans les tout premiers stades de la déformation plastique, lorsque des dislocations de matrice « mobiles » interceptent des joints considérés comme « immobiles ». – Lors de la recristallisation où des joints « mobiles » balaient des régions déformées contenant des dislocations considérées comme « immobiles » qu’ils incorporent. Ces dislocations sont pour le joint de grains réellement équivalentes aux dislocations des cristaux, elles constituent la réponse du joint de grains à toute sollicitation plastique provenant des cristaux avoisinants ou directement d’une contrainte appliquée. On s’attache ici à les décrire par référence aux modèles structuraux développés dans la partie 1. Les contraintes à longue distance générées autour d’elles ainsi que leur relaxation sont analysées ultérieurement.
2.1.
Définition d’une dislocation extrinsèque
Du latin extrinsecus signifiant « de l’extérieur », ce terme appliqué à une dislocation intergranulaire peut être interprété de deux manières : – Soit l’accent est mis sur l’origine de la dislocation : il signifie que la dislocation provient de l’extérieur du joint, le plus souvent d’un des cristaux avoisinants, le joint jouant un rôle de puits pour les dislocations de matrice. Dans certains matériaux où la contrainte de Peierls en matrice est élevée (par exemple l’alumine), des sources intergranulaires peuvent être activées directement. – Soit l’accent est mis sur la structure fautée du joint : extrinsèque signifie alors en dehors de la structure d’équilibre du joint de grains, quelle que soit l’origine de la dislocation. En termes élastiques, une dislocation extrinsèque détruit la périodicité de l’arrangement des dislocations intrinsèques (Fig. 2.3a,b) et induit un champ de contraintes élastiques à longue distance. Son vecteur de Burgers n’entre pas dans la densité de vecteurs de Burgers B donnée par l’expression de Frank et Bilby (1.26) pour une relation fixe entre cristaux : (2.2) B + b e = B′ B′ ne rend pas compte de la désorientation globale entre les cristaux, seul un changement extrêmement localisé de la désorientation se produit à l’aplomb de la dislocation.
C HAPITRE 1 – L ES
153
DÉFAUTS DE LA STRUCTURE INTERGRANULAIRE
En termes de cœur, une dislocation extrinsèque correspond à une rupture de périodicité de l’arrangement des unités structurales, provoquée par un manque ou un surplus d’une (ou plusieurs) de ces unités. La figure 2.3a précise le lien étroit entre la description d’une dislocation extrinsèque par référence au réseau de dislocations intrinsèques et sa description en termes d’unités structurales ; un exemple en est donné pour le joint Σ = 11 {332} du nickel (Fig. 2.3c) [5].
(a)
(b)
(c)
F IG . 2.3 – (a) Une dislocation extrinsèque D introduit une rupture de périodicité dans la structure d’un joint de grains décrite en termes de dislocations intrinsèques primaires (⊥) et secondaires (⊥) ou en termes d’unités structurales A et B, la dislocation D correspond à une unité B (ou A) en plus (ou moins) ; (b) une dislocation extrinsèque AB provoque un déplacement net du réseau intrinsèque de dislocations primaires parallèles à g = 110 dans un joint de torsion [001] de faible angle dans l’or ; (c) structure atomique du joint de grains Σ = 11 {332} du nickel : sa période est constituée de deux unité D du joint Σ = 3 {111} et de deux unités E du joint Σ = 9 {221}. Le manque d’une unité D à deux endroits dans cette portion du joint (voir flèches) indique la présence d’une dislocation extrinsèque de vecteur de Burgers égal à un vecteur du réseau DSCdu joint Σ = 11. (D’après S. Poulat et al. [5].)
154
2.2.
L ES
JOINTS DE GRAINS
Caractéristiques géométriques d’une dislocation extrinsèque
Les vecteurs de Burgers des dislocations extrinsèques parfaites sont des vecteurs de translation du joint de grains. Pour un joint de grains donné, ils sont égaux aux vecteurs du réseau DSC du joint de coïncidence le plus proche : be = bDSC ou be = ΣbDSC (en particulier ΣbDSC = bm , le vecteur de Burgers des dislocations du cristal). Le circuit de Frank, tracé dans le réseau DSC, permet de révéler la présence d’une dislocation extrinsèque (Fig. 2.4). On remarque qu’au défaut de translation du réseau DSC est associée une marche dans le plan du joint de grains : c’est une caractéristique importante de la dislocation qu’il convient de prendre en compte [6].
F IG . 2.4 – Construction d’un circuit de Frank dans le réseau DSC d’un joint de macle Σ = 3 {111} d’un matériau CFC : (a) joint de grains sans défaut ; (b) joint de grains contenant une dislocation extrinsèque de vecteur de Burgers b = a/3 111, une marche dans le plan du joint est associée à cette dislocation [5].
Une marche associée à une dislocation extrinsèque résulte du déplacement des atomes de part et d’autre du plan du joint. Si la dislocation intergranulaire est parfaite, la structure du joint reste inchangée de part et d’autre de la marche qui correspond alors à une translation de vecteur s de l’origine du réseau DSC (Fig. 2.5) [7]. La hauteur de la marche h est un paramètre essentiel. Les expressions (1.37) donnant h et b pour une dislocation intrinsèque secondaire sont applicables à une dislocation extrinsèque. Ainsi, la prévision des hauteurs minimales des marches associées à deux dislocations extrinsèques dans un joint de grains Σ = 1(113) d’un matériau CFC est explicitée sur la figure 2.5 [7]. Une dislocation extrinsèque de vecteur bI = a/11[113] provoque une translation du réseau d’un cristal par rapport à celui de l’autre cristal selon AB. Le vecteur marche peut être défini dans le cristal I et dans le cristal II : sI = [111]II et sII = [002]II .
C HAPITRE 1 – L ES
DÉFAUTS DE LA STRUCTURE INTERGRANULAIRE
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F IG . 2.5 – La translation du réseau d’un cristal par rapport à l’autre due à la dislocation extrinsèque est exprimée dans l’un et l’autre des référentiels. Le vecteur de Burgers et la hauteur de la marche associée à la dislocation sont déduits de cette construction (voir texte). (D’après C.M.F. Rae et D.A. Smith [7].)
En indexant tous les vecteurs dans le réseau DSC (voir partie 1, Chap. 2, Sect. 3.2), on obtient : √ (2.3) bI = sII − sI et hI = sI nI = 5a/ 11 De même, √ on peut déterminer hII pour une dislocation de vecteur bII = a/22 [332] : hII = 2a/ 11. À des vecteurs de Burgers égaux et opposés correspondent des marches de hauteurs égales : la combinaison de deux dislocations qui s’annihilent conduit alors à la formation d’une marche « pure » de hauteur 2h. Une marche pure dans le plan d’un joint de grains ne présente pas de caractère de contrainte. En dehors de la formation précédente, elle peut résulter de l’élaboration d’un bicristal par soudage ou de considérations thermodynamiques (diminution de l’énergie de surface). Son plan possède une grande densité de sites de coïncidence et passe par tous ces sites (Fig. 2.6). Les marches associées aux dislocations extrinsèques dites « marches structurales » ou déconnections doivent être prises en compte lorsqu’on aborde les aspects thermodynamique et cinétique de l’accommodation de ces dislocations. À titre d’exemple, la décomposition d’une dislocation intergranulaire peut être favorisée si on considère uniquement le gain d’énergie élastique de la réaction et ne pas se produire si les marches des produits susceptibles de se former entraînent une augmentation de l’énergie de surface. Ces marches constituent des freins au glissement intergranulaire, mais peuvent être des sites favorables à l’émission et l’absorption d’atomes lors de la migration du joint de grains.
2.3.
Origine d’une dislocation extrinsèque
Une dislocation extrinsèque peut résulter d’un transfert d’une dislocation de matrice d’un cristal à l’autre laissant dans le joint un produit. Elle peut aussi provenir
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F IG . 2.6 – Marche pure dans un joint de macle Σ3. Le plan du joint est composé entièrement de sites de coïncidence.
d’une décomposition d’une dislocation de matrice piégée dans le joint en dislocations dont les vecteurs de Burgers sont ceux du réseau DSC (Fig. 2.7). Le vecteur de Burgers bm du cristal peut être préservé (bm = ΣbDSC ), il s’agit alors d’une dislocation « fraîche » introduite dans le joint à température modérée et dont la ligne se trouve à l’intersection de son plan de glissement dans le cristal d’origine avec le plan du joint de grains. Lorsque les contraintes d’activation d’une source en matrice sont très élevées, des dislocations extrinsèques peuvent être générées par une source intergranulaire directement sous l’effet de la contrainte appliquée (Fig. 2.8) [8].
F IG . 2.7 – Schémas montrant la formation de dislocations extrinsèques par réaction d’une dislocation de matrice avec un joint de grains (a) transmission de la dislocation de matrice d’un cristal à l’autre avec résidu dans le joint, (b) décomposition d’une dislocation de matrice en plusieurs produits dans le joint.
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DÉFAUTS DE LA STRUCTURE INTERGRANULAIRE
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F IG . 2.8 – Source intergranulaire de dislocations extrinsèques dans l’alumine. (D’après S. Lartigue et L. Priester [8].)
2.4.
Cœur d’une dislocation extrinsèque
Les modèles (analogues à ceux utilisés pour les cristaux) qui décrivent la région de cœur d’une dislocation interfaciale en prenant en compte les forces de réseau n’ont qu’un intérêt qualitatif. Cependant ils donnent des informations sur le degré de localisation du cœur qui contrôle les réactions et les déplacements de la dislocation dans le joint de grains. Nous présentons ici, très succinctement, le modèle de Peierls-Nabarro pour une dislocation coin isolée [9] correspondant au cas d’une dislocation extrinsèque glissile dans un joint de flexion. Quelques résultats obtenus en microscopie électronique à haute résolution sont ensuite évoqués ; à cette échelle, la structure de cœur d’une dislocation intergranulaire est résolue, mais il est difficile de distinguer entre le caractère intrinsèque ou extrinsèque de
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la dislocation. Enfin nous discutons du rôle des paramètres microscopiques du joint de grains dans le degré de localisation du cœur d’une dislocation, cette discussion est cruciale pour aborder les processus d’accommodation des dislocations extrinsèques.
2.4.1.
Modèle de Peierls-Nabarro
Le modèle de Peierls-Nabarro considère le joint de grains comme une couche inélastique d’épaisseur d séparant deux milieux élastiques continus semi-infinis. Une dislocation coin de vecteur b égal à une période du réseau du cristal est introduite dans le joint (Fig. 2.9).
F IG . 2.9 – Configuration d’une dislocation dans un joint de grains prise en compte dans le modèle de Peierls-Nabarro. Deux semi-cristaux infinis modélisés comme des milieux élastiques continus sont séparés par une couche inélastique d’épaisseur d (le joint de grains). Une dislocation parfaite du cristal est introduite dans la couche inélastique.
En faisant l’approximation d’un cisaillement homogène, l’expression de la contrainte de cisaillement est : τxy = −
µb sin [4πu/b] 2πd
(2.4)
avec u le déplacement en un point (x, y). En remplaçant la dislocation par une distribution continue de dislocations infinitésimales, procédure souvent utilisée dans ce genre de calculs, on dérive les déplacements au cœur du joint (y = 0) b −1 tg (x/ζ) 2π
(2.5)
d 2(1 − ν)
(2.6)
u(x) = − avec ζ=
2ζ est la largeur de cœur de la dislocation et x la distance le long du joint.
C HAPITRE 1 – L ES
2.4.2.
DÉFAUTS DE LA STRUCTURE INTERGRANULAIRE
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Degré de localisation du cœur d’une dislocation intergranulaire
On rappelle que le cœur d’une dislocation extrinsèque peut être construit par l’ajout ou la suppression d’une unité structurale compatible avec la structure atomique d’un joint (Sect. 1.2.1). La question qui se pose alors est l’équivalence éventuelle des cœurs des dislocations intrinsèques et extrinsèques puisque les uns comme les autres sont associés aux mêmes unités structurales. Une étude effectuée en microscopie électronique en transmission à haute résolution sur une série de joints de flexion à petits angles autour de [011], de plan moyen {112}, montre que la largeur de dissociation des dislocations qui constituent ces joints dans le silicium dépend de l’angle de la désorientation [10]. Ce résultat suggère que le cœur de la dislocation intrinsèque diffère de celui d’une dislocation extrinsèque. De même, dans les joints à grand angle, le cœur d’une dislocation isolée n’est pas tout à fait celui de l’unité intrinsèque qui forme le joint délimitant. La comparaison entre cœurs de dislocations est difficile dans les métaux car les unités de base sont toujours extrêmement déformées dans les joints intermédiaires [11]. Toute dislocation a tendance à délocaliser son cœur pour diminuer son énergie, c’est d’autant plus probable pour une dislocation intergranulaire que, généralement, les forces de friction dans un joint sont plus faibles que celles dans un cristal. Mais, simultanément la région perturbée dans le joint de grains et donc l’énergie interfaciale augmente. La délocalisation est donc gouvernée par l’équilibre des deux termes énergétiques opposés. Cette idée est à la base d’un modèle de relaxation des contraintes intergranulaires qui sera exposé ultérieurement. L’élargissement du cœur d’une dislocation est équivalent à l’étalement de la distribution de sa densité de vecteur de Burgers et consiste en de très petites translations inférieures à la période du joint de grains. Le paramètre pertinent du joint de grains est donc sa translation rigide (partie 1, Chap. 1, Sect. 2.1). La composante de cette translation dans le plan du joint τ // doit être prise en compte pour comprendre l’élargissement du cœur de la dislocation conduisant à un cisaillement local du plan du joint. La composante perpendiculaire au plan du joint τ ⊥ ou expansion est déterminée par les forces de cohésion au travers de l’interface qui s’opposent en général à toute délocalisation pourvu que la température ne soit pas trop élevée et en l’absence d’éléments fragilisants. En revanche, les possibilités de délocalisation parallèlement au plan du joint dépendent étroitement de la structure du joint, périodique ou quasi-périodique (voire désordonnée) et font appel aux concepts de « maille des déplacements non identiques » (c.n.i.d.) et de « surface γ » [12] (partie 1, Chap. 5, Sect. 3.1). La résistance au cisaillement dans le plan du joint est donnée par la pente de la courbe représentant l’évolution de l’énergie intergranulaire en fonction de la translation rigide parallèle à l’interface. Lorsque le joint est périodique, la maille des déplacements non identiques a des dimensions finies, la courbe γ = fn (ττ// ) présente alors des maxima et des minima (Fig. 2.10a), il en résulte une résistance à toute translation à partir de l’état stable. Dans ce cas, les cœurs des dislocations intergranulaires ont tendance à rester localisés dans le plan du joint de grains. Le degré de localisation dépend de la taille et
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de la forme de la maille c.n.i.d., étroitement connectées à la périodicité du joint (1D ou 2D). Au contraire, lorsque le joint est quasi-périodique, la taille de la maille c.n.i.d. est réduite à zéro, γ est indépendante de τ // (Fig. 2.10b), l’état de translation du joint peut changer sans aucune résistance. Une dislocation introduite dans un tel joint devrait subir une délocalisation complète avec annihilation de la déformation et de la contrainte qui lui sont associées. En pratique, cette délocalisation ne se produit généralement que sous activation thermique car bien que la résistance moyenne du joint soit nulle, il existe des résistances locales à vaincre (Chap. 5, Sect. 4.2).
F IG . 2.10 – Évolution de l’énergie intergranulaire γ en fonction de la translation rigide parallèle au plan du joint de grains τ// : (a) cas d’un joint périodique ; (b) cas d’un joint quasi périodique.
En conclusion, si la considération de la translation rigide du joint permet de prédire le degré de localisation du cœur d’une dislocation extrinsèque, c’est la cinétique de l’ensemble des processus de délocalisation qui gouverne l’extension réelle du cœur de cette dislocation. Cette extension dépend de la température mais aussi, très fortement, de la chimie du joint dont nous allons maintenant explorer les conséquences sur la structure, les défauts et l’énergie intergranulaires avant de traiter du comportement des dislocations extrinsèques.
2
Ségrégation intergranulaire
La ségrégation est un phénomène d’enrichissement local en soluté (ajout contrôlé ou impureté) résultant d’une redistribution de celui-ci entre le cristal et certains sites fautés du réseau cristallin (dislocations, surfaces, interfaces) lors d’un traitement thermique ou thermomécanique. Cette interaction entre défauts ponctuels et défauts linéaires ou planaires entraîne une diminution de l’enthalpie libre du système et une relaxation des défauts. Lorsqu’on s’attache à décrire la ségrégation intergranulaire, on se doit de considérer également la ségrégation sur les dislocations, car le joint de grains est constitué de dislocations intrinsèques dont le rôle dans la ségrégation mérite d’être discuté même si les champs de contrainte associés sont à courte distance. De plus, les joints réels contiennent le plus souvent des dislocations extrinsèques qui possèdent des champs de contrainte à longue distance et qui, à l’instar des dislocations dans les cristaux, sont susceptibles de s’entourer de nuages de solutés ou atmosphères de Cottrell. La ségrégation intergranulaire modifie considérablement le comportement des joints de grains dont la concentration en éléments solutés peut atteindre des taux élevés même si ces éléments sont en quantités infimes dans les cristaux. Historiquement, la ségrégation a été mise en évidence et étudiée en corrélation avec ses effets remarquables sur les propriétés et les processus métallurgiques. L’effet des impuretés phosphore, arsenic et soufre sur la fragilité intergranulaire du fer a donné lieu à un premier rapport détaillé en 1894 [13]. Pour tout matériau polycristallin, les conséquences de la ségrégation interfaciale sur les propriétés structurelles et fonctionnelles sont considérables : fragilité ou consolidation, corrosion intergranulaire, glissement intergranulaire, modification des propriétés électriques. . . On distingue généralement deux types de ségrégation intergranulaire selon les forces motrices mises en jeu : – La ségrégation d’équilibre correspond à un enrichissement en soluté du joint de grains gouverné par les paramètres du système (joint/cristaux) à l’équilibre et non par son histoire. C’est un phénomène d’adsorption réversible dont la force motrice est la diminution de l’énergie du système. Seul le cœur du joint est fortement affecté par la ségrégation (1 à 2 distances interatomiques).
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– La ségrégation hors d’équilibre est généralement due aux gradients thermiques de concentration en lacunes qui apparaissent lors de changements brusques de température. Une trempe, par exemple, entraîne un mécanisme de transport de paires lacune-soluté de la matrice vers le joint de grains qui joue alors un rôle de puits pour les défauts ponctuels. Dans les alliages binaires, on peut observer un effet Kirkendall inverse. Également hors équilibre est le traînage de soluté par les joints de grains mobiles lors de la solidification, de la recristallisation et du grossissement des grains. Une ségrégation hors d’équilibre peut aussi résulter d’effets d’irradiation par les neutrons ou d’une déformation à grande vitesse. La ségrégation hors d‘équilibre affecte une zone relativement large de part et d’autre du joint de grains, pouvant atteindre quelques microns. Dans cet ouvrage, on considère plus longuement la ségrégation d’équilibre qui dépend fortement de la structure du joint de grains et qui est mieux connue bien que plus rare et plus difficile à observer. On présente tout d’abord les raisons fondamentales de cette ségrégation c’est-à-dire les facteurs physiques qui contrôlent le phénomène, puis les approches thermodynamiques et de mécanique statistique qui le quantifient (quantités en excès dans le joint, enthalpie de ségrégation. . .). Ces considérations concernant la ségrégation « moyenne », sans prise en compte explicite de la diversité des joints de grains, ont été largement détaillées dans un grand nombre d’ouvrages (livres et articles de synthèse) [2,14–17]. C’est pourquoi nous avons fait choix de ne reprendre que partiellement les descriptions des divers modèles théoriques de ségrégation intregranulaire ainsi que les résultats portant sur la ségrégation « moyenne » aux joints et de mettre l’accent sur l’anisotropie de la ségrégation d’équilibre d’un joint de grains à l’autre puis d’un site à l’autre d’un même joint de grains. Nous nous efforçons d’expliciter le lien entre structure et chimie, non seulement dans les alliages métalliques (souvent seuls considérés) mais également dans les solides ioniques et covalents. Le rôle des défauts de structure des joints de grains dans la ségrégation intergranulaire est ensuite abordé. Nous ne traitons pas ici de la cinétique de la ségrégation dont on peut trouver une approche dans le livre récent de Saindrenan et al. [17]. Par ailleurs, les effets de la ségrégation sur diverses propriétés intergranulaires sont simplement signalés. La ségrégation hors équilibre est décrite plus succinctement bien que ce soit un phénomène plus important pratiquement que la ségrégation d’équilibre, cependant, son approche théorique est moins avancée et elle semble ne pas dépendre (ou peu) de la structure intergranulaire. On décrit les faits majeurs accompagnant cette ségrégation qui ne sont pas déconnectés des traitements particuliers qui la provoquent et des propriétés qu’elle modifie. Quel que soit le type de ségrégation, la plupart des résultats concernent les systèmes métalliques (où les effets de structure électronique peuvent être négligés). Les informations sont moins nombreuses pour les systèmes ioniques où des effets de nuages de charges sont associés à la distribution du soluté et pour les solides covalents où la structure électronique locale joue un rôle important dans la ségrégation.
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
163
Un phénomène de déségrégation (terme anglais depletion) c’est-à-dire d’épuisement en soluté du joint de grains peut également exister, il ne fait pas ici l’objet d’un traitement particulier.
1.
Forces motrices de la ségrégation d’équilibre
La ségrégation aux joints de grains peut être vue comme un rejet de soluté de la part des cristaux. Une large part des effets se comprend donc bien à partir des limites de solubilité en volume données par les règles de Hume-Rothery [18] et qui sont gérées par deux types de facteurs, stériques et électroniques (valence, concentration électronique, différence d’électronégativité). Une fois le soluté dans le joint, des relaxations atomiques et électroniques couplées interviennent pour diminuer l’énergie. En principe au niveau fondamental tout est d’origine électronique, mais il est commode de séparer entre effets élastiques et effets électroniques, la considération des premiers étant souvent suffisante pour comprendre l’interaction et pour obtenir des énergies de ségrégation avec une bonne approximation.
1.1.
Interactions élastiques
Deux types d’effets sont à prendre en compte, les uns liés aux différences de taille, les autres aux différences de modules d’élasticité [19].
1.1.1.
Effets de taille
Dans cette approche, l’atome de soluté est considéré comme une inclusion ayant un désaccord paramétrique avec l’atome du solvant. L’effet de taille découle de la première règle de Hume-Rothery [18]. Lorsque la différence de taille entre deux éléments augmente (>15 %), leur solubilité mutuelle diminue, la contrainte associée au désaccord peut alors être relaxée, au moins partiellement, au joint de grains. L’énergie d’interaction pour la ségrégation est égale à la diminution de l’énergie de déformation élastique qui résulte du fait qu’un atome trop gros (ou trop petit) pour un site du cristal trouve un site dans le joint de grains qui lui est mieux adapté. Soit r0 , le rayon d’un site (en matrice ou intergranulaire) et r = r0 (1 + ε) celui de l’atome de soluté avant incorporation dans ce site, avec ε positif ou négatif selon que la dimension de l’atome de soluté est plus grande ou plus petite que celle du site. L’énergie totale de déformation a été obtenue par Sokolnikoff [20] : W =
6πKs r03 ε2 1 + 3Ks /4µ
(2.7)
Ks est le module de compression du soluté et µ le module de cisaillement de la matrice.
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L’énergie de ségrégation est définie comme la différence entre l’énergie de déformation lorsque le soluté est dans un site intergranulaire W j et celle lorsque le soluté est dans un site du cristal W : ∆Eseg = W j − W
(2.8)
si l’atome de soluté est totalement relaxé élastiquement au joint de grains, alors : ∆Eseg = −W
(2.9)
La valeur de ∆Eseg ainsi estimée est de l’ordre de quelques dixièmes d’électron-volt en accord avec les valeurs expérimentales déduites des isothermes d’adsorption. Lorsqu’un atome de soluté de taille différente de celui de la matrice est placé dans un champ hydrostatique de pression P généré par un joint de grains, un terme supplémentaire d’interaction intervient :
∆Eseg = P ∆V = 4πKs r03 ε P fn (Ks , K , µ) (2.10)
Ce terme peut être négligé dans la plupart des cas, tant que la pression P reste largement inférieure au module de cisaillement.
1.1.2.
Effets liés aux modules d’élasticité
L’atome de soluté est maintenant considéré comme une inhomogénéité élastique. Ces effets sont généralement moins prononcés que ceux liés à la taille, ils peuvent avoir trois origines selon la provenance des différences de constantes élastiques : – Entre le soluté et la matrice Le soluté et la matrice n’ayant généralement pas les mêmes constantes élastiques, une interaction est liée à l’énergie élastique emmagasinée par le joint dans le volume de soluté qui dépend du champ de contrainte du joint. Cette énergie peut être décomposée en deux termes, l’un dû à la dilatation Wd , l’autre au cisaillement Wc dont les expressions sont : Wd = Ke 2 /2
et Wc = µ s 2 /2
(2.11)
avec e = ∆V /V , K le module de compression de la matrice et s le cisaillement au joint. Selon que le soluté est plus ou moins dur que la matrice, il est attiré ou repoussé du joint de grains, respectivement. – Entre la matrice et le joint de grains Le joint est généralement considéré comme un milieu mou par rapport aux cristaux adjacents [21, 22], l’énergie de déformation associée à un soluté diminue donc s’il se localise dans le joint. L’énergie d’interaction attractive est inversement proportionnelle à d 4 avec d la distance entre l’atome de soluté et le joint.
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
165
– Entre les deux cristaux de part et d’autre du joint de grains dans un matériau anisotrope Finalement, dans le cas d’une matrice fortement anisotrope, les constantes élastiques diffèrent d’un cristal à l’autre en raison de leur désorientation. Une force image est alors créée qui attire ou repousse le soluté selon sa localisation, d’un côté ou de l’autre, à proximité du joint de grains. Cette force est analogue à celle qui s’exerce sur une dislocation au voisinage d’un joint de grains (Chap. 4, Sect. 1). L’énergie d’interaction est inversement proportionnelle à d 3 . Les trois effets liés aux modules d’élasticité sont donc tous fonction de la taille des grains d avec une énergie proportionnelle à d −n (n ≥ 1), l’effet de taille est généralement le plus important puisqu’il est inversement proportionnel à d. Quelle que soit son origine, la ségrégation crée souvent un appauvrissement en soluté au voisinage du joint qui engendre un gradient de concentration à longue distance dans une zone « dénudée ». Même si le moteur de la ségrégation est une interaction élastique à grande distance, une fois dans le joint, l’atome de soluté peut trouver un site plus ou moins favorable (configuration favorable de liaisons) à sa localisation. Le choix du site d’accueil de cet atome est dicté par l’interaction électronique à courte distance.
1.2.
Effets électroniques
La deuxième règle de Hume-Rothery porte sur les différences d’électronégativité entre le soluté et le solvant qui, si elles sont grandes, conduisent à la précipitation de composés définis et limitent donc la solubilité en matrice. Dans un métal, ce phénomène peut se produire de manière hétérogène aux joints de grains. La troisième règle, celle des valences, est moins générale, elle indique qu’un métal de valence élevée est plus soluble dans un solvant de valence faible que l’inverse laissant présager une tendance plus forte à la ségrégation de l’élément de faible valence. La dernière règle de Hume-Rothery qui porte sur la concentration électronique (nombre d’électrons de valence/atome : e/a) peut prendre de l’importance lorsque les deux premiers facteurs ne sont pas favorables à la ségrégation : des valeurs particulières de la concentration électronique conduisent à la formation de composés ou solutions intermédiaires qui diffèrent les uns des autres par leurs densités d’états électroniques. Or, les densités d’états locales dans l’interface et dans le volume diffèrent puisque les environnements atomiques diffèrent. Une énergie électronique plus faible peut alors être obtenue si le soluté est dans le joint de grains plutôt qu’en volume. Les relaxations électroniques peuvent être faibles ou fortes selon les différences d’électronégativité, le rapport e/a et le caractère angulaire des orbitales de valence. Elles sont faibles lorsque le soluté occupe un site dans le joint similaire à un site dans le cristal, c’est le cas pour la ségrégation des éléments dopants dans les semi-conducteurs. Elles sont fortes lorsqu’il y a formation de nouvelles liaisons,
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le site dans le joint diffère du site en matrice conduisant à une nouvelle densité d’états électroniques à l’interface.
2.
Approches thermodynamiques de la ségrégation d’équilibre
La phénoménologie de la ségrégation interfaciale est la même quel que soit le type d’interface, les différences apparaissent seulement dans les paramètres thermodynamiques associées aux différences de structures et de liaisons dans l’interface. En particulier, on utilise les lois et les concepts de la chimie des surfaces pour aborder la ségrégation intergranulaire. Les approches de la ségrégation d’équilibre que nous présentons ici ne sont pas exhaustives, elles retracent juste les grandes lignes de l’histoire du phénomène. Pour une connaissance approfondie des diverses équations de ségrégation qui ont été proposées selon les systèmes et les hypothèses, le lecteur peut se référer aux articles de synthèse et aux livres référencés [2, 14–17]. Nous présentons tout d’abord des approches dérivées de la thermodynamique classique qui sont validées par des résultats expérimentaux, essentiellement obtenus par spectroscopie des électrons Auger. Ces approches initialement développées pour décrire la ségrégation moyenne à des joints de grains non identifiés d’un polycristal ont été étendues à la ségrégation à un joint de grains bien caractérisé d’un bicristal. Nous abordons ensuite les modèles basés sur la mécanique statistique en signalant que, moyennant certaines hypothèses, on retrouve les équations dérivées de la thermodynamique classique. La division adoptée ici entre deux types d’approches de la ségrégation est tout à fait formelle : en effet dans les modèles rattachés à la thermodynamique classique, les notions de site favorable à la ségrégation et de champ moyen, au cœur des modèles de mécanique statistique, sont déjà prises en compte implicitement [2]. Les différentes approches tentent de prédire le niveau de ségrégation en fonction de la concentration du soluté en matrice et de la température : alors que les unes sont essentiellement utilisées pour exploiter les résultats expérimentaux, les autres sont à la base des simulations qui visent à relier la ségrégation à la structure atomique du joint de grains.
2.1.
Isotherme d’adsorption de Gibbs
L’isotherme d’adsorption de Gibbs a été établie pour une solution idéale suffisamment diluée pour qu’elle suive la loi de Henri : aS = kS XS , avec aS , l’activité du soluté S dans la solution solide et XS , sa fraction molaire. Le coefficient d’activité γS est ici appelé kS pour éviter toute confusion avec l’énergie interfaciale γ. Dans un tel système, l’enrichissement en élément S du joint de grains suit l’expression classique de Gibbs : ΓS = −
1 ∂ γ˜ ∂ ln XS T,V RT
(2.12)
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Cette expression relie ΓS , l’excès de moles nS de l’espèce S par unité de surface du joint de grains, à la variation de l’énergie intergranulaire γ (en J.m−2 ) en fonction de la fraction molaire de soluté en matrice XS . R est la constante des gaz parfaits. La pente de la courbe (∂γ/∂ ln XS ) pour X = 0 indique la tendance à la ségrégation du soluté S aux joints de grains, elle donne l’activité interfaciale (en J.m−2 .mole−1 %) par analogie à l’activité de surface souvent employée en chimie des surfaces. En pratique, l’utilisation de l’expression (2.12) est limitée car les mesures de l’énergie intergranulaire en fonction de la concentration en soluté et de la température sont difficiles. C’est pourquoi plusieurs approches ont été développées pour relier directement la composition du joint de grains à celle du volume et à la température.
2.2.
Ségrégation en solution solide régulière sans interaction
D’une manière générale, pour une solution binaire régulière et en faisant l’hypothèse que le soluté et le solvant occupent le même volume molaire partiel, l’équation qui décrit la ségrégation aux joints de grains en fonction de la composition et de la température de la solution solide a la forme suivante : J
XS
X 0J −
J XS
=
XS exp(−∆GS /RT ) (1 − XS )
(2.13)
J
XS est la fraction molaire en soluté S dans le joint, X 0J est la fraction molaire intergranulaire de soluté à saturation. L’enthalpie libre de ségrégation ∆GS de l’élément S doit être négative pour que l’élément S ségrège aux joints de grains ; ce terme énergétique a deux composantes : la différence d’enthalpie libre molaire standard de Gibbs ∆GS0 des phases prises séparément et l’excès d’enthalpie libre ∆GSE résultant de la ségrégation de l’élément S. L’équation (2.13) peut rendre compte de la ségrégation des atomes de solutés en substitution et en insertion dans la structure interfaciale. Elle a été déclinée sous différentes formes selon les hypothèses concernant principalement le recouvrement en soluté du joint de grains à saturation et l’expression de l’énergie d’excès.
2.2.1.
Modèle de Langmuir-McLean
Tout en conservant le traitement de la thermodynamique classique, McLean introduit le formalisme de la mécanique statistique avec la notion d’énergie de distorsion du réseau cristallin au voisinage du soluté [23]. La structure de l’interface est considérée comme composée d’un ensemble fini de sites distordus. L’énergie libre d’un atome de soluté dans un site distordu de l’interface diffère de son énergie libre dans un site du réseau cristallin, la différence définit l’énergie de ségrégation associée à un site du joint de grains. L’abaissement énergétique total dépendra donc de la proportion de sites distordus remplis par des atomes de soluté, une ségrégation de saturation correspondant à l’occupation de tous ces sites.
168
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Lorsque la ségrégation se produit uniquement sur les sites substitutionnels à partir d’une solution solide régulière (très diluée), l’enthalpie libre d’excès est nulle et la saturation est atteinte pour une monocouche de soluté au joint (tous les atomes de solvant sont remplacés par des atomes de soluté). Dans ce cas, l’expression (2.13) peut être écrite sous la forme simplifiée de la classique isotherme de ségrégation de Langmuir-McLean [23] : J
XS X S = exp −∆GS0 /RT J (1 − XS ) 1 − XS
(2.14)
Cette expression est formellement analogue à l’isotherme de Langmuir pour l’adsorption d’un élément sur une surface libre.
2.2.2.
Modèle de Seah et Hondros
Pour étendre cette approche à la ségrégation d’éléments en insertion dans le joint de grains (bien que pouvant être en substitution en matrice), il est nécessaire de partir de l’équation (2.13) dans laquelle la saturation du joint est atteinte pour un pourcentage de sites occupés X 0J différent de l’unité. En effet, les atomes du solJ vant occupent toujours les sites substitutionnels nsubst , la fraction de sites pouvant être atteint à saturation est alors : J
X 0J =
nint J
J
nint + nsubst
(2.15)
Les atomes de solutés ne remplissant pas nécessairement tous les sites interstitiels, un taux de recouvrement est défini [24] : J
XS X 0J L’équation de l’isotherme de ségrégation prend alors la forme suivante : J
θS =
(2.16)
J
θ XS S = exp −∆GS0 /RT J (1 − XS ) 1 − θS
(2.17)
D’autres raisons que la ségrégation en insertion dans le joint peuvent limiter la formation d’une monocouche à saturation. Récemment, l’existence d’une structure interfaciale ordonnée dans des alliages a été ainsi traitée [25]. Le joint est considéré comme formé de régions ordonnées dans lesquelles aucune ségrégation n’est possible et de régions désordonnées qui obéissent le formalisme de LangmuirMcLean. Finalement, Seah et Hondros [24] introduisent dans le traitement une solubilité limite de l’élément S en matrice soit XS∗ . L’équation de ségrégation devient : J
XS X = S∗ exp (−∆GS /RT ) J XS X 0J − XS
(2.18)
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
169 J
Pour des niveaux faibles d’enrichissement XS ≪ X 0J , l’expression précédente se réduit à : J 1 XS = exp (−∆GS /RT ) (2.19) X 0J XS XS∗ Le premier membre de cette équation est appelé coefficient d’enrichissement intergranulaire β. De même que l’activité interfaciale (∂γ/∂ ln XS ), il représente la propension d’un soluté à ségréger aux joints de grains. Lorsque la fraction molaire de l’interface couverte par l’élément ségrégé à saturation, est considérée égale à une monocouche (X 0J = 1), β est alors simplement le rapport de la concentration du soluté au joint sur sa concentration en matrice : J
β=
XS XS
(2.20)
Quelle que soit la valeur de X 0J , les expériences ayant montré que ∆GS est le plus souvent faible et de valeurs similaires pour différents systèmes, le coefficient d’enrichissement d’un soluté S à un joint de grains est considéré simplement comme inversement proportionnel à la solubilité limite de cet élément en matrice : β=
K XS∗
(2.21)
avec 1,8 ≤ K ≤ 10,8. Cette relation simple a été utilisée pour prédire la valeur du coefficient d’enrichissement intergranulaire pour un élément S connaissant sa limite de solubilité en matrice XS∗ . Les résultats donnant β en fonction de XS∗ sont reportés en coordonnées logarithmiques pour divers systèmes métalliques sur la figure 2.11[24]. Le rapport R = Lnβ/LnXS∗ , égal sensiblement à −1 pour un grand nombre d’alliages métalliques [24] peut cependant varier avec certains paramètres physiques comme l’épaisseur et le volume d’excès du joint qui influent sur la ségrégation [26]. La largeur du joint ne change le rapport R que si elle est inférieure à 0,4 nm, au-delà R tend vers une constante égale à −1 ; elle n’influe donc pas sur R, la largeur habituellement considérée étant de 0,5 nm. En revanche, on constate une forte dépendance de R avec la densité atomique du joint, traduite par le rapport d’une constante élastique dans le joint à la constante correspondante en volume : h11 = C′11 /C11 (similaire pour h44 = C′44 /C44 ) (Fig. 2.12). En effet, C′11 et C′44 dans le joint sont en général inférieures à C11 et C44 [22], et ce d’autant plus que le joint est moins dense [26]. Les deux cas extrêmes h11 = 1 et h11 = 0 traduisent une absence de ségrégation dans le cristal parfait et une ségrégation très forte à la surface libre d’un soluté dilué en matrice, respectivement. En considérant une densité atomique dans un joint de grains à grand angle de l’ordre de 5 à 15 % plus faible que celle dans le cristal, ce qui correspond à un rapport h11 variant de 0,3 à 0,4, alors les rapports R varient entre −0,8 et −1,1 (Fig. 2.12), en accord avec la valeur déterminée empiriquement voisine de −1 [24]. La valeur du paramètre K (relation 2.21) décroît lorsque la température et/ou lorsque la concentration en volume du soluté augmentent. Elle dépend également
170
L ES
JOINTS DE GRAINS
F IG . 2.11 – Courbes montrant (en coordonnées logarithmiques) la relation entre le coefficient d’enrichissement β mesuré pour différents solutés S dans les solvants Fe, Cu et Ni et la solubilité limite en matrice XS∗ du soluté. (D’après M.P. Seah et E.D. Hondros [24].)
F IG . 2.12 – Variation de R (en coordonnée logarithmique) avec le rapport des constantes élastiques du joint et du cristal h11 pour un joint de grains de 0,5 nm d’épaisseur dans de l’aluminium. (D’après J.O. Vasseur et al. [26].)
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
171
de la présence d’un troisième élément dans la solution solide qui, non seulement affecte la limite de solubilité du premier soluté mais également modifie les interactions entre atomes, favorisant ou non la ségrégation. Néanmoins, les coefficients d’enrichissement étant connus avec une précision d’un ordre de grandeur seulement, leur dépendance avec la solubilité limite reste valable dans une solution ternaire. Bien que permettant une approche satisfaisante de la ségrégation dans un grand nombre de systèmes binaires ou multiples, les modèles décrits précédemment ne rendent pas compte de la dépendance de la ségrégation avec la température dans plusieurs systèmes d’intérêt pratique (soufre, phosphore ou bore dans le fer et ses alliages, bismuth dans le cuivre. . .), lorsque de fortes interactions entre solutés et solvant ou entre divers solutés existent en matrice et dans l’interface.
2.3.
Modèles de ségrégation en solution solide avec interactions
Dans le cas où les interactions entre atomes ne peuvent pas être négligées, il est nécessaire de se référer à l’équation générale (2.13) de l’isotherme de ségrégation en utilisant une approximation adéquate de l’enthalpie d’excès ∆GSE .
2.3.1.
Modèle de Fowler et Guggenheim
Dans le modèle de Fowler et Guggenheim [27], l’interaction entre atomes de soluté J ségrégés est donnée par le terme dit « de Fowler » égal à 2 Z ωij XS /X 0J avec Z le nombre de plus proches voisins dans le joint et ωij l’énergie d’interaction de paire. Pour une solution solide binaire où le soluté peut se localiser sur un site i ou j du joint :
(2.22) ωij = A εij − 1/2(εii + εjj )
A est le nombre d’Avogadro, εij , εii et εjj sont les potentiels de paires entre atomes sur les sites i et j. L’équation de ségrégation prend la forme : J
XS
J
X 0J − XS
=
XS J exp − ∆GS0 + 2Z ωij XS /X 0J /RT (1 − XS )
(2.23)
Dans cette expression, les conventions de signe sont telles qu’une valeur positive de ω traduit une interaction répulsive entre atomes de solutés dans le joint de grains. La valeur de l’énergie totale de ségrégation ∆GS est augmentée (valeur absolue réduite), il en résulte que le taux de ségrégation est plus faible qu’en l’abJ sence d’interaction et qu’il diminue progressivement lorsque XS augmente.
2.3.2.
Modèles de McLean et Guttmann
Un pas important est franchi dans l’approche de la ségrégation avec les modèles de ségrégation multiple de McLean et Guttmann qui prennent en compte les interactions
172
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JOINTS DE GRAINS
mutuelles entre atomes dans un système à plusieurs composants [15,28]. Différents cas de ségrégation sont abordés. Le premier cas concerne une solution solide régulière de substitution avec compétition de sites. Il suppose que les atomes des solutés et du solvant sont distribués au hasard sur des sites équivalents, aussi bien en matrice qu’aux joints de grains, et que l’énergie d’interaction de paire entre proches voisins est constante. L’énergie d’interaction molaire αij entre deux éléments i et j est égale à Z ω où Z est le nombre de coordination et ω est donné par l’expression (2.22). Contrairement au modèle précédent, les sites i et j peuvent être remplis par des atomes de soluté ou de solvant. Dans un système ternaire constitué de la matrice M et de deux solutés S et S′ , le coefficient d’interaction nette α′SS′ entre solutés est égal à l’énergie d’interaction entre solutés en matrice diminuée de la somme des termes d’interaction de chacun des solutés avec la matrice : α′SS′ = αSS′ − αSM − αS′ M
(2.24)
L’équation de ségrégation pour le soluté S prend la forme : J
XS exp (−∆GS /RT ) XM J J ∆GS = ∆GS0 − 2αSM XS − XS + α′SS′ XS′ − XS′ XS
J XM
(2.25)
=
S′ = S, M
(2.26)
Et de même pour le soluté S’. L’expression (2.26) néglige le fait que les coefficients d’interaction en matrice et dans les joints de grains doivent différer en raison des différences entre nombres J de coordination et distances entre atomes ; elle considère que αij = αij (les indices i et j représentant aussi bien la matrice M que les solutés S et S′ ). Des expressions plus complexes peuvent être trouvées dans les références [15, 17]. Des termes d’interaction α′SS′ αSM et αS′ M positifs traduisent une interaction répulsive entre éléments. Ainsi l’enthalpie libre de ségrégation devient plus négative si les atomes de soluté S (ou S′ ) repoussent ceux du solvant (αSM ou αS′ M > 0) ou si les atomes de soluté S et S′ s’attirent dans le joint de grains, entraînant une augmentation des taux de ségrégation des solutés au joint. Une forte attraction entre les deux solutés S et S′ (α′SS′ ≪ 0) intensifie leur ségrégation même si l’un d’eux a une activité nulle dans le système binaire. Dans le cas d’une forte répulsion (α′SS′ ≫ 0), la ségrégation d’un des solutés peut provoquer la déségrégation de l’autre, même si les constituants sont faiblement actifs dans le solvant. Le second cas de ségrégation concerne des solutions solides régulières avec des solutés des deux types, substitutionnel et interstitiel, sans compétition de sites. Le réseau de sites du joint est divisé en deux sous-réseaux de sites, l’un est complètement rempli par les atomes du solvant et les atomes du soluté S en substitution, l’autre est partiellement rempli avec les atomes du soluté S′ en insertion dans le joint. Les proportions des deux types de sites sont données par a (substitution) et b (insertion) avec J a + b = 1. Les fractions atomiques dans les sous-réseaux sont YS pour le soluté
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
173
J
substitutionnel et YS′ pour le soluté interstitiel. Les interactions ayant lieu entre sous-réseaux, les coefficients α′ sont remplacés ici par des coefficients φ′ dont la signification est précisée en [15]. Nous utilisons ici le symbole φ au lieu de β [15] afin qu’aucune confusion ne puisse être faite entre ce coefficient d’interaction ternaire et le coefficient d’enrichissement défini précédemment [24]. Trois coefficients sont définis : φSM et φLS′ traduisent respectivement les interactions entre le soluté S et le solvant (matrice) dans le réseau substitutionnel et les interactions entre les atomes de soluté S′ et les lacunes (sites non occupés) du sous-réseau interstitiel, le dernier terme φ′SS′ exprime l’interaction entre les deux solutés ségrégés. J J L’équation de ségrégation a la forme (2.13) donnant le rapport YX /(1 − YX ) en ′ 0J fonction de ∆GX avec x = S ou S et Y = 1. Si on néglige les interactions entre les atomes de solutés avec ceux du solvant ou les lacunes, les expressions de ∆G sont : φ′SS′ J YS′ − YS′ b φ′ ′ J ∆GS′ = ∆GS0′ + SS YS − YS a ∆GS = ∆GS0 +
(2.27a) (2.27b)
Lorsque le coefficient φ′SS′ est négatif, l’énergie de ségrégation de chacun des éléments est abaissée par la présence de l’autre : l’interaction est attractive. Ce phénomène synergique de coségrégation d’équilibre se rencontre en particulier dans les systèmes où M et S sont des éléments de transition et S’ un élément métalloïdique [15]. Les comportements quasi-moléculaires avec compétition et sans compétition constituent les deux cas suivants approchés par McLean et Guttmann. Ils prennent en compte la formation dans le joint de grains d’amas stables de composés Sx S′y . En l’absence de compétition de sites, les amas des « quasi-molécules » peuvent occuper des sites substitutionnels ; les sites interstitiels sont remplis soit par des atomes libres de l’élément S, soit par des atomes de S associés à ceux de S′ ou à des lacunes et les amas n’interagissent pas. Au contraire, s’il y a compétition de sites, les amas du composé Sx S′y peuvent interagir. Finalement, de très fortes interactions peuvent conduire à la formation dans la région intergranulaire d’un film bidimensionnel dont la composition et la structure préfigurent le composé à trois dimensions [15]. Comme en matrice, ce composé peut apparaître sous forme d’îlots. Les modèles atomiques prédisent dans certains cas la formation dans le joint d’un environnement local de l’atome de soluté analogue à celui qu’il a dans un composé défini en matrice. En réalité, les enthalpies de ségrégation varient d’un joint à l’autre et d’un site à l’autre pour un même joint de grains. Cela signifie qu’en toute rigueur les équations précédentes permettant de déterminer ∆GS0 ne sont valables que pour la ségrégation d’un élément donné à un site donné d’un joint de grains dans un bicristal et en supposant un faible recouvrement du joint par le soluté. Cependant ces équations ont souvent été utilisées pour déterminer la relation entre la concentration « moyenne » en soluté aux joints de grains de polycristaux et la température.
174
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JOINTS DE GRAINS
Il est donc important d’étudier les comportements de joints de grains parfaitement caractérisés par leurs paramètres géométriques pour déterminer des valeurs significatives de ∆HS0 et ∆SS0 et pour analyser leur comportement spécifique à la ségrégation. En particulier se pose la question d’un critère géométrique pertinent pour prédire la ségrégation. À une échelle encore plus fine, on peut relier la ségrégation à la structure atomique du joint et chercher quels sont les sites d’une unité structurale les plus attractifs pour un soluté donné. Ce sont surtout des études par simulation qui ont avancé dans cette direction, la mise en évidence expérimentale restant délicate.
3.
Modèles de ségrégation fondés sur la mécanique statistique
Ces modèles permettent de prédire la distribution à l’équilibre, site par site, des atomes de soluté (s) et de solvant dans la région intergranulaire pour une température et une pression données. Ils considèrent généralement que tous les sites de l’interface sont occupés par des atomes, M ou S pour un système binaire M-S, ce qui limite le traitement à des solutions substitutionnelles. Les positions de sites ne sont pas fixées, le nombre d’atomes M et S n’est pas défini, en revanche les potentiels chimiques des atomes M et S le sont. Par ailleurs, on fait l’hypothèse qu’il n’y a pas de sites vacants. La distribution des atomes sur les sites de l’interface n’est en réalité pas constante, des fluctuations existent avec le temps. On considère alors la position et l’occupation moyennes de chaque site sur une large période de temps pour obtenir des valeurs qui convergent à l’équilibre. Soit pi la probabilité d’occupation d’un site i à un instant donné : pi = 1 si le site i est occupé par un atome S pi = 0 si le site i est occupé par un atome M la valeur moyenne dans le temps de pi est pi = ci , c’est la probabilité moyenne d’occupation d’un site à l’équilibre avec 0 ≤ ci ≤ 1. Si Ri est la position d’un site à un instant t, on définit ri = Ri . Dans l’ensemble du grand canonique (les nombres d’atomes M et S n’étant pas fixés), le grand potentiel Ω s’exprime : Ω = F ({ci }, {ri }) − TSc − µM NM − µS NS
(2.28)
F est l’énergie libre d’Helmoltz : F ({ci }, {ri }) = E ({ci }, {ri }) − TSv ({ci }, {ri })
(2.29)
Sc est l’entropie de configuration, Sv l’entropie de vibration et µi le potentiel chimique du soluté i dans la solution. L’état d’équilibre est obtenu en minimisant Ω avec l’utilisation de diverses approximations [2].
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
3.1.
175
Modèle de solution régulière avec l’approximation de Bragg-Williams
Dans ce modèle, on considère que l’entropie de configuration est celle d’un mélange idéal (sans interaction) d’atomes M et S. La minimisation de Ω entraîne la relation suivante pour l’occupation d’un site k :
c0 ck = exp −(1/kT ) ∂F /∂ck − ∂F /∂c0 (2.30) (1 − ck ) (1 − c0 )
Pour une solution solide désordonnée, l’occupation moyenne des sites en volume c0 est simplement la concentration en S de soluté dans la solution alors que pour une solution ordonnée, on ne doit considérer que les sites non équivalents dans la maille élémentaire. Si tous les sites dans l’interface sont équivalents mais différents de ceux de la matrice et si ∂F /∂ck ne varie pas avec l’occupation des sites, alors on retrouve l’expression de McLean (2.14). Cette approche a été étendue à un système ternaire, S et S′ étant deux solutés dans la matrice M, l’équation (2.30) devient :
c0S ciS
=
exp −(1/kT ) ∂F /∂ciS − ∂F /∂c0S S S′ S S′ 1 − ci − ci 1 − c0 − c0
(2.31)
L’expression est identique pour le soluté S′ .
3.2.
Modèles de champ moyen (MFA pour Mean FieldApproximation)
Ces modèles prennent en compte les interactions entre les atomes M et S dans l’interface décrites, dans un premier temps, par des potentiels de paire puis ultérieurement par des potentiels à N corps du type Finnis Sinclair. Dans l’approximation du champ moyen, chaque atome M ou S est remplacé par un atome hybride dont le caractère « M » ou « S » varie avec l’environnement atomique local d’une manière « auto-cohérente ». Ces modèles permettent d’analyser le lien entre la ségrégation et la structure atomique locale du joint de grains. Les énergies d’interaction entre SS MS atomes sont décrites par les potentiels de paire εMM ij , εij et εij . Ceux-ci varient avec r = (Ri − Rj ), Ri et Rj repèrent les positions des sites i et j. L’énergie d’interaction entre deux atomes M et S, l’un sur un site i et l’autre sur un site j est inchangée MS par inversion des sites : εMS ij = εji . En minimisant la valeur du grand potentiel, on obtient une isotherme reliant l’occupation ck d’un site k à la concentration en volume du soluté en fonction de la température :
c0 ck = exp − (1/kT ) (γk − γ0 ) (2.32) 1 − ck 1 − c0 γk est le champ local au site k qui dans l’approximation du champ moyen dépend de l’occupation des sites voisins du site k, γ0 est le champ local d’un site en volume dont l’occupation est c0 . Le champ local est la différence d’énergie associée à la
176
L ES
JOINTS DE GRAINS
différence de potentiel chimique entre un atome S et un atome M. La différence (γk − γ0 ) est l’énergie pour échanger un atome M au site k du joint de grains avec un atome S dans un site du cristal. Un rapprochement avec les modèles thermodynamiques pour une solution binaire peut être fait en considérant que seuls certains sites bien séparés sont favorables à la ségrégation, chacun d’eux a alors le même champ local et l’énergie de ségrégation ∆fseg = γk − γ0 est indépendante du site k et du degré de ségrégation. L’équation (2.32) prend alors la forme de l’isotherme de McLean (2.14). Si on prend en compte le nombre local de coordination z, alors l’expression de l’énergie de ségrégation contient un terme équivalent à celui de Fowler et les équations (2.32) et (2.23) sont équivalentes. Le rapprochement entre l’approche statistique en champ moyen et les modèles de ségrégation multiple n’est pas aussi direct, car ces derniers utilisent une énergie de ségrégation moyenne obtenue en considérant plusieurs sites possibles de ségrégation. Il est alors utile d’introduire le concept de densité de sites pour le champ local γk . Par ailleurs, les modèles dérivés de l’approximation de champ moyen sont limités dans la mesure où ils ignorent les corrélations entre les occupations des différents sites. Une amélioration significative a été apportée à l’approche de la ségrégation par la prise en compte des corrélations au même site ou approximation d’auto-corrélation. Dans tous les cas, les lacunes sont considérées en équilibre thermique (µL = 0), c’est-à-dire qu’on néglige l’énergie de relaxation de chaque lacune qui affecte l’équilibre des sites voisins occupés par des atomes. Pour un traitement plus complet des approches statistiques, le lecteur peut se référer au livre de Sutton et Balluffi [2].
4.
Ségrégation « moyenne » aux joints de grains
Quelle que soit la forme de l’équation de ségrégation, la concentration « moyenne » d’un soluté aux joints de grains dépend de sa concentration en matrice, de la température à laquelle le phénomène de transport de soluté des cristaux vers les joints intervient et de l’enthalpie libre de ségrégation.
4.1.
Influences de la température et de la concentration en matrice du soluté
Les évolutions du taux de recouvrement θ d’un soluté aux joints de grains d’un polycristal en fonction de la température, à concentration donnée XS , et en fonction de la composition du matériau, à température fixe, sont tracées schématiquement sur la figure 2.13, en considérant une enthalpie libre de ségrégation constante sans terme d’interaction entre matrice et soluté. Souvent, les isothermes de ségrégation déterminées à partir des données expérimentales diffèrent quelque peu des précédentes, comme le montrent les exemples suivants dans le fer ou un de ses alliages. L’influence de la température sur la ségrégation du phosphore aux joints de grains du fer est donnée sur la
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
177
F IG . 2.13 – Évolution schématique de la ségrégation d’un soluté dans un métal donné (∆GS constant) : (a) avec la température à XS constant ; (b) avec la concentration à température constante.
F IG . 2.14 – (a) Évolution, pour cinq températures, de la concentration (en mole %) de J phosphore aux joints de grains du fer XP en fonction de la concentration en matrice de cet élément XP [29] ; (b) même données reportées sur une seule courbe avec la teneur en phosJ phore aux joints XP en fonction de la concentration en matrice XP normalisée par référence à la solubilité limite à la température de ségrégation XP∗ . (D’après C.L. Briant [30].)
figure 2.14a [29]. La forme schématique de la figure 2.13b est tronquée, la ségrégation débute dès que le métal contient des traces infimes de phosphore. Les données des cinq courbes précédentes sont reproduites sur une seule en se référant à la concentration globale XS normalisée par rapport à la solubilité limite en matrice XS∗ à chacune des températures considérées (Fig. 2.14b) [30]. La concentration en phosphore des joints approche 80 à 90 %, niveau atteint pour des teneurs en matrice très inférieures à la solubilité limite. Cette constatation peut résulter soit du fait que les nombres de coordination aux joints ne sont plus très différents de ceux du cristal dès lors que de nombreux sites intergranulaires sont rapidement occupés, soit de la manifestation d’une force de répulsion entre atomes de phosphore ségrégés aux joints de grains.
178
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La ségrégation de l’antimoine dans un alliage fer-nickel diffère fortement de celle du phosphore dans le fer, le niveau de ségrégation est nettement plus faible et la ségrégation continue à augmenter au-delà de la limite de solubilité en matrice (Fig. 2.15). La force motrice de ségrégation de l’antimoine est donc inférieure à celle du phosphore et la tendance à la ségrégation n’est donc pas simplement reliée à la limite de solubilité. Par ailleurs, il est probable que des sites restent disponibles pour l’antimoine dans le joint même si la teneur de cet élément en matrice dépasse sa limite de solubilité [30].
F IG . 2.15 – Ségrégation d’antimoine aux joints de grains d’un alliage fer-nickel en fonction ∗ [30]. de la concentration en matrice normalisée par la solubilité limite XSb /XSb
4.2.
Influence du terme d’interaction sur la ségrégation
Dans de nombreux cas de ségrégation intergranulaire, il convient de prendre en compte un terme d’interaction entre solutés pour décrire l’enthalpie totale de ségrégation ∆GS . Les isothermes de ségrégation calculées à partir de résultats expérimentaux en utilisant l’équation de Fowler-Guggenheim (2.23) (qui se réduit à celle de McLean (2.14) lorsque le terme d’interaction ω tend vers 0) sont reportées sur la figure 2.16. Les systèmes considérés sont Fe-S où S est un soluté, par ordre de terme d’interaction croissant : le phosphore [29], le tellure et le sélénium [31] et un soluté A à forte énergie d’interaction dans le joint [32]. Lorsque l’énergie d’interaction entre atomes ségrégés dans le joint devient très fortement négative (très forte attraction), la courbe prend une forme en S indiquant un état métastable où deux phases de compositions différentes peuvent coexister dans le joint ; le sélénium présente un comportement juste à la transition vers une séparation de phases. L’utilisation du terme d’interaction αSM défini, par McLean et Guttmann, pour un soluté en position de substitution, conduit aux mêmes effets sur les courbes d’équilibre et sur les isothermes de ségrégation dans un système binaire.
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
179
En particulier, l’apparition au-delà d’une certaine température, d’un point de rebroussement dans la courbe d’équilibre indique que trois degrés de recouvrement peuvent être atteints par maintien isotherme (identiques aux trois points d’intersection d’une verticale avec la courbe en pointillés de la figure 2.16), correspondant à trois solutions de l’équation de ségrégation. Seule, la valeur de l’énergie que prend l’interface selon son degré de ségrégation peut discriminer les solutions.
F IG . 2.16 – Courbes isothermes de ségrégation calculées à partir de l’équation de FowlerGuggenheim (ou de McLean lorsque ω → 0) à partir des résultats expérimentaux obtenus pour le phosphore [29] le tellure et le sélénium [31] et un soluté A [32] dans les joints de grains du fer CC. En ordonnée est reporté le pourcentage X de sites occupés dans le joint de grains. En abscisse, le terme c0 /(1− c0 ) exp(−β∆f ) est tel que β = 1/kT et ∆f est l’énergie libre de ségrégation sans interaction (∼ =∆G 0 ). La valeur du paramètre d’interaction −2Z ωβ est indiquée pour chaque soluté sur la courbe correspondante. La forme en S de la courbe de ségrégation (tirets) pour une valeur très grande de ce paramètre (très forte interaction) indique une métastabilité avec deux phases de compositions différentes coexistant dans le joint de grains. (D’après S. Hofmann [32].)
Un modèle de courbe de ségrégation en fonction de la solubilité limite ne s’applique donc pas à tous les éléments susceptibles de ségréger aux joints de grains, même dans le cas d’une matrice commune. Ce sont les liaisons chimiques créées par chaque élément dans un joint de grains qui gouvernent sa ségrégation ; cellesci dépendent fortement de la structure locale de la région intergranulaire et varient donc d’un joint à l’autre ou d’une région à l’autre d’un même joint. La ségrégation dévie des isothermes conventionnelles lorsque la taille moyenne des grains devient inférieure à une dimension critique qui est fonction de la nature et de la composition de la solution solide ainsi que de la température. Elle dépend
180
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alors nettement de cette taille. C’est le cas pour la ségrégation de calcium dans des polycristaux d’oxyde de titane Ti02 dont la taille des grains varie entre 150 à 350 nm [33]. Dans ce régime, le rapport entre la surface occupée par les joints de grains et le volume du matériau est un facteur important pour le recouvrement des joints de grains par un soluté. Les joints de grains deviennent saturés en calcium lorsque le recouvrement atteint environ l’équivalent d’une demi-monocouche. Une augmentation de la solubilité totale à l’équilibre du soluté due à la ségrégation est également constatée. Cette influence de la taille des grains sur la ségrégation intergranulaire peut avoir des conséquences notoires sur l’élaboration, la microstructure et les propriétés des matériaux à grains ultra-fins.
5.
Relation entre ségrégation et structure du joint de grains
Pour un matériau donné, la quantité et la répartition d’un soluté à un joint de grains dépendent fortement des paramètres macroscopiques et microscopiques qui caractérisent ce joint et déterminent sa structure. Réciproquement, un joint de grains peut subir un changement de structure résultant de la ségrégation d’équilibre d’un élément. L’étude de la relation réciproque entre structure et ségrégation est fondamentale car c’est le couple « structure/chimie » qui confère aux joints leurs propriétés et donc leur contribution au comportement d’un ensemble polycristallin. De nombreuses expériences montrent une influence notoire de la présence d’un soluté dans un joint sur sa réponse à diverses sollicitations : corrosion, diffusion, glissement et rupture intergranulaires. . . Elles révèlent que cette influence varie d’un joint de grains à l’autre et elles appuient donc indirectement l’existence d’un lien étroit entre structure et ségrégation. Mais il existe relativement peu d’expériences directes visant à analyser cette relation, principalement en raison de la résolution spatiale exigée dans les analyses, la largeur d’un joint de grains étant de l’ordre de 0,5 nm. Des résultats très prometteurs associant structure atomique et nanoanalyse ont été obtenus pour quelques joints de grains et pour quelques systèmes solvant/soluté, mais il n’existe à ce jour aucune investigation expérimentale systématique établissant directement une relation entre la structure et la chimie des joints de grains. En revanche, de nombreuses approches théoriques et par simulation se sont développées ; elles permettent, entre autres, de déterminer les énergies de ségrégation pour des joints bien caractérisés, de prédire les sites des unités structurales favorables à la ségrégation d’un élément donné et les changements de structure d’un joint de grains susceptibles d’intervenir en présence d’éléments ségrégés. Les résultats acquis par les simulations et par les expériences convergent sur le constat de l’existence d’une grande anisotropie de la ségrégation intergranulaire, entre différents joints de grains d’une part et entre différents sites d’un même joint de grains d’autre part. Cependant cette anisotropie s’estompe lorsque la température augmente. Les investigations révèlent également l’existence de transformations de
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la structure du joint induites par la présence de soluté et appartenant aux deux groupes de transitions de phases définis dans la première partie [34] : – Les transitions de phases congruentes sont telles que les cinq paramètres macroscopiques du joint restent inchangés. Sous l’effet de la ségrégation et selon les échelles d’observation, on constate des changements de l’arrangement des dislocations intrinsèques ou l’apparition d’une unité structurale différente de celle qui caractérise le joint dans le solvant pur ou encore la formation d’une structure ordonnée « solvant-soluté » dans le joint de grains. – Les transitions de phase non-congruentes pour lesquelles un, au moins, des paramètres géométriques change, se manifestent par la formation de facettes dans le plan du joint (variation d’inclinaison) ou par la dissociation du joint (inclinaison et désorientation changent). Nous avons fait choix de présenter ici quelques résultats caractéristiques obtenus à différentes échelles d’investigation, en allant de la simple considération de la géométrie du joint de grains jusqu’à celles de sa structure atomique et de sa structure électronique en passant par sa description en termes de dislocations intrinsèques.
5.1. Ségrégation et paramètres géométriques du joint de grains On s’intéresse dans un premier temps aux différences de niveaux de ségrégation constatées expérimentalement et mesurées en fonction de la désorientation et/ou du plan moyen du joint du grains. Puis, l’anisotropie du phénomène de ségrégation est décrite quantitativement par les grandeurs thermodynamiques qui lui sont associées, calculées pour différents joints bien caractérisés géométriquement. L’évolution du caractère anisotrope de la ségrégation avec la température est discutée ainsi que les conséquences pratiques qu’elle entraîne. Enfin, dans une dernière section, on rend compte des changements de certains paramètres macroscopiques sous l’effet d’un soluté traduisant un changement de phase du joint de grains.
5.1.1.
Anisotropie de ségrégation observée et mesurée expérimentalement
L’existence d’une anisotropie de ségrégation est indirectement révélée par la grande dispersion des résultats obtenus sur polycristaux d’un alliage donné, principalement par spectroscopie Auger. Par exemple, la teneur en phosphore intergranulaire dans les aciers peut varier de plus ou moins 45 % d’un joint de grains à l’autre. Dans ce cas, la variation de soluté le long d’un même joint semble relativement faible par comparaison aux variations entre joints [35]. Les différences de réponse des joints à la ségrégation ont tout d’abord été attribuées aux différences de désorientation entre cristaux. Sachant que la ségrégation d’équilibre est localisée au cœur du joint de grains (sensiblement deux
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distances interplanaires) et compte tenu des variations en soluté observées le long d’un même joint, la prise en compte du plan du joint s’est vite avérée nécessaire. Des analyses par spectroscopie Auger, après rupture de divers joints de grains dans le fer, montrent une forte concentration en phosphore lorsque les plans des joints ont des indices élevés dans les deux cristaux alors que cette concentration est faible pour des plans de faibles indices [36, 37]. De plus, des quantités différentes de phosphore ont été détectées sur les deux surfaces de rupture d’un même joint de grains asymétrique selon les indices correspondant des surfaces [37]. Une approche détaillée du rôle du plan moyen du joint de grains dans la ségrégation a été menée dans le cas du système nickel-soufre [38, 39]. Une attaque électrochimique préférentielle des régions intergranulaires enrichies en soufre dans un polycristal de nickel permet d’estimer, de manière semi-quantitative, le contenu en cet élément d’un joint à l’autre et le long d’un même joint de grains ; la réponse du joint varie fortement selon le plan qu’il adopte localement (Fig. 2.17). L’ensemble des résultats conduit à proposer un critère géométrique de ségrégation basé sur l’espacement moyen dm des plans parallèles au plan du joint. Dans le cas d’un joint asymétrique, (khl )I = (khl )II, dm est remplacé par une distance effective deff définie dans la relation (1.82) [40]. La valeur réduite dm /a (a étant le paramètre de maille du cristal) semble devoir excéder une valeur critique (dm /a)c ≈ 0,150 pour que le joint de grains soit insensible (ou peu sensible) à la ségrégation [39]. La valeur de l’espacement moyen dm (ou deff ) donne une estimation de la densité atomique planaire [40].
(a)
(b)
F IG . 2.17 – Observation en microscopie électronique en transmission des facies d’attaque de joints de grains dans un polycristal de nickel, attaque associée à la présence de soufre : (a) variation d’un joint à l’autre autour d’une jonction triple ; (b) le long d’un même joint Σ3 (les valeurs moyennes de d/a sont reportées en italique). (D’après D. Bouchet et L. Priester [39].)
Pour les joints symétriques de flexion autour des axes 100, 110 et 111 dans les matériaux CFC, la densité de sites coïncidents en volume étant alors égale à la densité de sites atomiques dans l’interface (σ = 1), les plans répondant au critère dm /a > 0,150 sont : {111}, {100}, {110}, {311}, {210}, {211}, {511}, {531}, {221} et {310}.
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Tous appartiennent aux trois premiers niveaux de la classification des joints de grains proposée par Paidar (Fig. 1.82) [41]. Rappelons que le critère dm /a a également été utilisé pour distinguer les joints de grains du point de vue de leur énergie libre [40] et de celui de leur énergie de clivage [42]. Comme tout critère géométrique, il doit être utilisé avec prudence : s’il s’est avéré correspondre à de nombreux cas de ségrégation, il existe aussi plusieurs exemples contradictoires [43]. La valeur critique du rapport dm /ac ≈ 0,150 est par ailleurs trop laxiste, il n’en reste pas moins qu’une grande distance interplanaire est souvent associée à un faible niveau de ségrégation pour la plupart des joints de flexion ; cette constatation n’est plus vraie pour les joints de torsion. Il en est finalement de même que pour l’énergie, aucun critère universel n’existe pour prédire la ségrégation, aucune règle simple ne lie un paramètre géométrique du joint au degré de ségrégation. Les études du système nickel-soufre ont également permis de révéler l’effet « réciproque » du précédent, celui de la ségrégation sur les paramètres géométriques d’un joint de grains. Des traitements thermiques de désulfuration puis de sulfuration d’une même lame mince contenant un joint écarté de la position de coïncidence Σ3 entraînent des rotations du plan du joint telles que la valeur moyenne du rapport dm /a varie inversement avec la quantité de soufre dans le joint (Tab. 2.I). En revanche, l’écart angulaire ∆θ à la rotation de coïncidence exacte diminue continûment sous l’effet du traitement thermique, indépendamment de la teneur en soufre du joint de grains [44]. TAB . 2.I – Évolutions de la désorientation et de la distance interplanaire dans un même joint de grains de nickel en fonction de son contenu en soufre ; la teneur nominale en soufre dans l’échantillon est de 16 ppm [44].
Traitement thermique subi par l’échantillon Recuit 625 ◦ C + trempe + Désulfuration + Sulfuration
Niveau de ségrégation de soufre dans le joint Moyen Bas Élevé
∆θ
dm /a
9◦ 5 4◦ 5 2◦ 5
0,190 0,335 0,105
Des résultats analogues à ceux présentés ci-dessus concernant les métaux ont été obtenus pour les céramiques. Les nanoanalyses effectuées sur plusieurs joints de grains dans l’alumine montrent que, à part le joint de macle Σ3 (0001), tous les joints sont plus ou moins sensibles à la ségrégation selon le soluté. Celle-ci apparaît relativement indépendante de la désorientation entre cristaux, en revanche, non seulement la quantité, mais aussi la nature de l’élément ségrégé peut différer d’un joint à l’autre selon son plan moyen. Ainsi, dans une alumine polycristalline dopée à l’yttrium et contenant du silicium en tant qu’impureté, ce dernier se localise préférentiellement dans un joint de grains dont un des plans est un plan basal (0001) et l’yttrium dans un joint de plan rhomboédrique (01-12) (Fig. 2.18) [45]. Des résultats similaires ont été trouvés pour une alumine commerciale dopée au titane : pour une désorientation donnée, cet élément est nettement majoritaire dans la partie du joint de plan rhomboédrique laissant le silicium prédominer largement sur le plan basal (Fig. 2.19) [46].
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F IG . 2.18 – Profils de concentration du silicium et de l’yttrium obtenu par nanoanalyse au travers de divers joints de grains de l’alumine dont un des plans au moins est soit le plan basal, soit le plan rhomboédrique. (D’après D. Bouchet et al. [45].)
F IG . 2.19 – (a) Image en microscopie électronique en transmission d’un joint de grains courbe dans l’alumine dont le plan moyen (dans le cristal sombre) passe progressivement de l’orientation basale (0001) à l’orientation rhomboédrique (01-12) ; (b) variations des teneurs en titane et en silicium dans le joint en fonction de l’orientation de son plan. (D’après W. Swiatnicki et al. [46].)
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Une sélectivité de la ségrégation de l’yttrium est également signalée dans le cas des joints de macle de bicristaux obtenus par soudage/diffusion [47], mais, contrairement aux résultats précédents, l’yttrium est détecté dans la macle basale (0001) et non détecté dans la macle rhomboédrique (10-12). Cette différence peut résulter d’un contenu différent en impuretés d’un type d’alumine à l’autre, des phénomènes de synergie ou de rejet n’étant pas exclus. En particulier, une compétition entre solutés peut exister, l’un d’eux occupant les sites intergranulaires occupés, en son absence, par l’autre. Ce phénomène dépend de la structure du joint. On conçoit donc qu’un soluté puisse être préférentiellement attiré vers (ou repoussé d’) un type de joint dans un ensemble polycristallin. Par ailleurs, les joints observés dans les polycristaux sont généraux, d’énergies voisines, seuls leurs plans les différencient [45, 46], alors que les joints des bicristaux analysés (Σ3, Σ7, Σ13) sont symétriques mais d’énergies très différentes. Pour une concentration intergranulaire donnée en yttrium, les énergies de ségrégation J J J calculées sont dans l’ordre EY (Σ3) < EY (Σ7) < EY (Σ13) en accord avec les difJ férences d’énergie intergranulaires [47]. Les valeurs de EY préservent le même ordre pour les ségrégeants lanthane et scandium, mais elles augmentent avec la taille du soluté. Ce résultat suggère que la diminution de l’énergie élastique qui accompagne le tranfert d’un atome d’un site du cristal à un site du joint donne la contribution majeure à l’énergie de ségrégation, non seulement dans les métaux mais également dans les oxydes ioniques. Une interprétation de la sélectivité d’une interface donnée vis-à-vis d’un élément soluté particulier repose fort probablement sur la distribution des atomes dans les plans considérés de l’alumine et sur l’adéquation possible avec la structure d’un oxyde de silicium, d’yttrium ou de titane. Signalons qu’une telle sélectivité n’a pas été signalée jusqu’à présent dans les métaux bien qu’elle ne puisse pas être exclue ; en effet un composé bidimensionnel préfigurant le composé à trois dimensions peut apparaître à un joint de grains, cette formation étant en étroite corrélation avec les sites disponibles dans les unités structurales du joint. Or, pour un soluté donné, ces sites diffèrent avec la structure atomique du joint de grains, elle-même contrôlée par le plan de l’interface (Sect. 5.3). En conclusion, aux échelles mésoscopique et microscopique, quel que soit le matériau, c’est bien la relation réciproque entre le plan moyen du joint et la ségrégation qui semble prédominer.
5.1.2.
Anisotropie de ségrégation quantifiée par les grandeurs thermodynamiques
Une approche thermodynamique de cette anisotropie a été développée en étendant le modèle de Seah et Hondros avec deux considérations nouvelles : l’enthalpie de ségrégation dépend de la structure de l’interface au travers d’un paramètre Φ et la solution solide ne suit pas la loi de Henry mais une loi empirique aS = (XS )ν avec a l’activité du soluté en solution. L’enthalpie de ségrégation d’un soluté S dans une matrice dépend alors linéairement de deux termes indépendants,
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l’un reflète sa dépendance avec le type de joint de grains, l’autre sa variation avec la solubilité limite XS∗ à la température T [48] :
∆H 0 Φ, XS∗ = ∆H ∗ (Φ) + νR T ln XS∗
(2.33)
∆H ∗ (Φ), qui varie avec la structure, correspond à l’extrapolation de l’enthalpie de ségrégation pour une solubilité non limitée dans la matrice (XS∗ = 1). Le produit [T ln(XS∗ )] est quasiment constant avec la température et peut donc être déduit des données sur le maximum de solubilité [T ln(XS∗ )max ]. Le paramètre ν qui relie l’activité au titre molaire est considéré comme caractéristique de la matrice, il diffère peu d’un joint de grains à l’autre et pour différents solutés. Ainsi la valeur moyenne de ν pour la ségrégation du fer, du phosphore et du carbone dans le fer α, obtenue à partir d’expériences sur plusieurs bicristaux, est égale à 0,77 avec un écart type de 0,06. Sur la base de l’équation (2.33), des diagrammes ternaires de ségrégation intergranulaire ont été construits pour le fer α. Ils représentent la variation de l’enthalpie de ségrégation avec le produit [T ln(XS∗ )max ] et avec un des paramètres géométriques du joint de grains qui influe sur sa structure. Les courbes de la figure figure 2.20 ont été établies pour des joints symétriques de flexion autour de [100], le paramètre variable est l’angle de désorientation θ entre cristaux, le plan médian des joints de grains étant fixé. La figure 2.21 concerne des joints de désorientation donnée (36◦ 9 [100]), mais dont les plans de joint ont des orientations différentes, symétriques et asymétriques. Dans ce cas, la variable géométrique est l’angle ϕ entre l’orientation symétrique (031) et l’orientation quelconque du plan du joint de grains. On constate que l’anisotropie de l’enthalpie de ségrégation est qualitativement similaire pour les trois solutés, silicium, phosphore et carbone. Par ailleurs, la dépendance de l’enthalpie avec le terme [T ln(XS∗ )max ] est linéaire avec une pente constante νR qui diffère selon le joint de grains c’est-à-dire selon l’angle θ ou l’angle ϕ (Fig. 2.21). L’extrapolation des diagrammes ternaires pour le terme [T ln(XS∗ )max ] = 0 permet d’atteindre ∆H ∗ (Φ), en effet dans ce cas (XS∗ )max = 1, le système présente une solubilité mutuelle complète. Dans les systèmes base fer et en prenant la valeur moyenne de ν = 0,77, ∆H ∗ (Φ) varie de −8 kJ.mole−1 pour un joint général à +8 kJ.mole−1 pour certains joints dits « spéciaux ». Cette dernière terminologie étant ambiguë, il est préférable de dire que les joints de grains du fer pour lesquels ∆H ∗ (Φ) > 0 sont en principe imperméables (ou très peu perméables) à la ségrégation des solutés C, P et Si. La courbe de la figure 2.22 représente l’évolution de ∆H ∗ (θ) en fonction de θ qui met en évidence les valeurs extrêmes citées précédemment (±8 kJ.mole−1 ) et révèle que ∆H ∗ (θ) prend des valeurs positives pour les joints symétriques de flexion [001] correspondant à Σ13 {015}, Σ5 {013}, Σ 5{012}. La courbe (en pointillés) extrapolée pour les joints vicinaux ou généraux voisins de ces joints singuliers n’a pas de sens physique car il existe une interaction entre ces joints et un soluté. On considère donc que pour les régions voisines des positions de coincidence Σ13 et Σ5 telles que ∆H ∗ (θ) > 0, l’enthalpie de ségrégation ∆H 0 (θ, XS∗ = 1) est nulle. L’existence de joints vicinaux proches des joints de
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coïncidence précédents présentant peu ou pas de ségrégation semble être confirmée par l’expérience [49]. En fixant la valeur de ∆H ∗ (Φ) = −8 kJ.mole−1 , on peut prédire les valeurs de l’enthalpie de ségrégation ∆HS0 dans les joints généraux du fer α pour différents solutés S connaissant les valeurs correspondantes du terme [T ln(XS∗ )max ] (Fig. 2.23). Les valeurs expérimentales reportées sur cette figure sont en bon accord avec les prédictions à ±5 kJ.mole−1 près. Les diagrammes de ségrégation sont établis pour un solvant donné, car la solubilité d’un même soluté dans différentes matrices varie. La structure et l’énergie d’un joint de géométrie fixée peuvent également différer selon l’élément de base de l’alliage. Souvent l’anisotropie est représentée par la dépendance de l’enthalpie avec l’une des caractéristiques géométriques du joint de grains, mais des évolutions équivalentes de l’entropie sont également constatées. En effet, une relation linéaire (règle de compensation) existe entre ∆HS0 et ∆SS0 . Elle a été déterminée tout d’abord par simulation de la ségrégation du nickel dans différents joints de grains et à différents sites d’un même joint de grains du palladium [50]. Elle a ensuite été constatée expérimentalement pour la ségrégation du silicium, du phosphore et du
F IG . 2.20 – Variations des enthalpies de ségrégation du silicium, du phosphore et du carbone dans les joints de grains symétriques de flexion autour de [100] du fer en fonction du produit [T ln(XS∗ )max ] et de la désorientation θ entre cristaux. (D’après P. Lejeck et S. Hofmann [48].)
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F IG . 2.21 – Variations des enthalpies de ségrégation du silicium, du phosphore et du carbone dans les joints de grains Σ5 36◦ 9 [100] du fer en fonction de la solubilité maximale (XS∗ )max (en mole %) et de l’inclinaison ϕ du plan du joint. (D’après P. Lejcek et S. Hofmann [48].)
F IG . 2.22 – Évolution de ∆H ∗ (θ) en fonction de θ pour les joints de flexion symétriques dans le fer (o). La courbe en trait plein représente la dépendance de ∆HS0 en fonction de θ pour un système caractérisé par XS∗ = 1. (D’après P. Lejcek et S. Hofmann [48].)
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F IG . 2.23 – Valeurs prédites pour les enthalpies de ségrégation de divers éléments dans les joints de grains du fer (o) en fonction du produit [T ln(XS∗ )max ] et de la température correspondante. Quelques valeurs expérimentales (•) sont reportées pour comparaison. (D’après P. Lejcek et S. Hofmann [48].)
carbone dans plusieurs joints de grains du fer α [51]. Les résultats des expériences obtenues sur des joints de grains de bicristaux et de polycristaux dans des alliages de fer et pour différents solutés se groupent en deux ensembles donnant lieu à deux droites qui traduisent cette relation de linéarité (Fig. 2.24) [52] : ∆SS0 =
∆HS0 +σ τ
(2.34)
avec la même valeur de τ et σ pour chacune des droites. Le terme τ est équivalent à une température dite de compensation et le terme (−τσ) a la dimension d’une énergie. La branche notée « D » correspond à une entropie de ségrégation positive, la branche notée « O » à une entropie négative. En considérant que l’entropie est une mesure du désordre d’un système, une entropie positive suggère que la ségrégation du soluté entraîne un désordre dans le joint. C’est bien le cas des éléments phosphore, antimoine, étain et soufre donnant lieu à la droite D (pour Désordre) qui s’accumulent aux joints de grains sous forme de solutions solides désordonnées. Au contraire le silicium et l’aluminium forment des solutions solides ordonnées dans le fer et leur ségrégation doit conduire à un joint ordonné (« O ») ; en effet, un composé ordonné du type DO3 a été observé dans un alliage Fe-Si concentré en silicium [25]. Cette interprétation de l’existence de deux branches
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F IG . 2.24 – Évolution de l’entropie de ségrégation ∆SS0 en fonction de l’enthalpie ∆HS0 mesurée pour différents joints de grains de bicristaux (symboles pleins) et de polycristaux (symboles vides) dans divers alliages de fer cubique centrés. (D’après P. Lejcek et S. Hofmann [52].)
pour la relation linéaire entre ∆HS0 et ∆SS0 doit être pondérée, car ces valeurs de l’enthalpie et de l’entropie ne sont strictement valables que pour des solutions très diluées et ne peuvent traduire qu’une tendance à l’ordre dans un joint de grains. Le comportement à la ségrégation d’un joint de grains est donc caractérisé par deux grandeurs thermodynamiques couplées, c’est dire que des courbes similaires à celles des figures 2.20 et 2.21 peuvent être tracées avec l’entropie en ordonnée. Les valeurs de ∆HS0 et ∆SS0 , calculées pour différents joints de flexion autour de [100] dans le fer, le soluté S étant le silicium, le phosphore ou le carbone (voir Tab. 2.I, [52]), évoluent toujours dans le même sens soit avec la désorientation, soit avec l’orientation du plan du joint de grains. Les auteurs distinguent deux groupes de comportements à la ségrégation des joints de grains : des valeurs absolues élevées de l’enthalpie et de l’entropie, indiquant une forte ségrégation, caractérisent les joints généraux et inversement pour les joints dits spéciaux. Nous n’avons pas retenu précédemment cette distinction lorsqu’elle reposait sur des critères géométriques. Mais, dans la mesure où elle traduit ici deux réponses différentes à une sollicitation, on peut admettre sa pertinence tout en sachant que les joints réellement spéciaux, c’est-à-dire du point de vue de leurs propriétés, constituent un très petit sous-groupe de l’ensemble des joints dans les polycristaux, essentiellement les macles et de quelques rares joints singuliers. L’investigation des transitions de comportement des joints singuliers aux joints vicinaux puis de ces derniers aux joints généraux constitue un des principaux défis pour aller vers une ingénierie des joints de grains.
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Du couplage entre ∆HS0 et ∆SS0 , il en résulte que la dépendance avec la température de l’enthalpie libre de ségrégation ∆GS0 = ∆HS0 − T ∆SS0 diffère d’un joint à l’autre. Il y a donc intersection des droites représentant l’évolution de ∆GS0 avec la température pour différents solutés S (S = Si, P et C) dans le fer et il est remarquable que les points d’intersection se produisent pour des températures très similaires voisines de 930 K (Fig. 2.25) [52]. Le paramètre τ représente la valeur moyenne de toutes les températures pour lesquelles les énergies libres de ségrégation sont égales par paire de joints.
F IG . 2.25 – Variations de l’enthalpie libre de ségrégation standard calculée (∆GS◦ = ∆HS◦ − T ∆SS◦ ) avec la température dans le fer α et pour les solutés : (a) silicium ; (b) phosphore ; (c) carbone. (D’après P. Lejcek et S. Hofmann [52].)
L’existence de τ a plusieurs conséquences pratiques. À basse température, les joints généraux ont une enthalpie libre de ségrégation inférieure à celle des joints dits spéciaux, mais l’anisotropie s’estompe avec la température croissante. À des températures voisines de τ , la concentration d’un élément ségrégeant est la même dans les différents joints de grains. Au-delà de τ , la relation ségrégation/structure apparaît inversée. Les calculs à partir de l’équation (2.14) de la concentration en phosphore de différents joints de flexion symétriques [100] du fer montrent en effet que les différences s’atténuent avec la température pour s’annihiler vers 900 K, une petite tendance à une inversion est même détectée à 1000 K pour le joint Σ5, θ = 36◦ 9 (Fig. 2.26) [52]. Un phénomène d’inversion peut également permettre
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F IG . 2.26 – Dépendance de la concentration en phosphore avec la désorientation autour de [100] pour des joints de flexion symétriques du fer α pour 4 températures et pour une concentration en matrice égale à 0,01 at % P. (D’après P. Lejecek et S. Hofmann [52].)
de comprendre les maxima de concentration en silicium trouvés vers 923 K dans les joints symétriques {012}, {013} et {023} d’un acier inoxydable [53]. À la température τ , non seulement la concentration d’un élément est indépendante des caractéristiques géométriques des joints de grains mais, pour une série d’éléments donnant lieu à une de relation ∆SS0 = fn (∆HS0 ) (droite « D » ou « O »), la valeur de l’enthalpie libre de ségrégation est également la même quel que soit le joint. Par exemple pour les éléments phosphore et carbone dans le fer, ∆GS0 = −στ = −53 kJ.mol−1 (Figs. 2.25b et 2.25c) [52].
5.1.3.
Changement des paramètres géométriques sous l’effet d’une ségrégation
Le phénomène de formation de facettes appartient au groupe des transitions de phases non-congruentes [34]. Il peut être provoqué par un changement de composition du joint de grains. Un des exemples les plus frappants est fourni par la transition d’un joint de grains planaire dans le cuivre pur en joint à facettes sous l’effet de la présence de bismuth, le phénomène étant réversible (Fig. 2.27) [54]. Le joint de grains du cuivre pur présente une désorientation et un plan quelconques, les facettes du joint impur sont alternativement très voisines d’un plan {111} dans l’un ou l’autre cristal. Cet effet a été associé au fort degré de désaccord de taille entre l’atome de cuivre et celui de bismuth, ce dernier étant nettement plus gros. Sous l’effet de la température, les facettes s’estompent progressivement et disparaissent à environ 225 ◦ C (Fig. 2.27b), suggérant que le bismuth est susceptible de diffuser hors du joint à relativement basse température.
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F IG . 2.27 – (a) Présence de facettes dans un joint de grains du cuivre contenant du bismuth ; (b) le même joint sans facettes après retrait du bismuth sous l’effet de la température ; (c) les facettes réapparaissent après réintroduction du bismuth. (D’après T.G. Terence et R.W. Balluffi [54].)
Une transition dite « rugueuse » est également observée dans les joints de grains de l’alumine sous l’effet de différents dopants (Fig. 2.28) [55]. Les joints de grains formés entre une surface (0001) d’un cristal de saphir et des petits grains d’alumine pure sont rugueux. En présence d’ajouts de SiO2 (100 ppm) et de CaO (50 ppm), ces joints deviennent plans sur une assez grande distance même au travers des jonctions triples. L’ajout de 600 ppm de MgO à l’alumine, contenant déjà SiO2 et CaO, transforme les joints plans en joints courbes comme dans l’état pur. Le parallélisme du plan du joint avec le plan basal dans un cas et la courbure dans les deux autres cas sont vérifiés à l’échelle nanoscopique (Fig. 2.29). Les mêmes remarques sont faites pour les joints entre un cristal ayant subi une croissance anormale selon la direction basale et les autres joints du polycristal. Selon les auteurs, cette transition est susceptible de concerner d’autres joints singuliers que les joints (0001). En conclusion, le fait que la ségrégation observée ou calculée en fonction des paramètres géométriques du joint montre une forte dépendance avec le plan du joint de grains et, réciproquement, le fait que le plan du joint change sous l’effet d’une
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F IG . 2.28 – Observations en microscopie électronique à balayage des joints entre un cristal de saphir de surface (0001) et des petits grains d’alumine : (a) les joints apparaissent rugueux dans le cas d’une alumine polycristalline pure ; (b) les joints deviennent plans lorsque l’alumine contient 100 ppm de SiO2 + 50 ppm de CaO ; (c) ils reprennent une forme rugueuse lorsque 600 ppm de MgO sont ajoutés à l’alumine impure précédente. (D’après C.W. Park et al. [55].)
ségrégation indiquent que c’est la structure de l’interface qui, in fine, détermine les possibilités pour un joint d’accepter plus ou moins des éléments étrangers. C’est pourquoi les étapes ultérieures pour comprendre l’anisotropie de la ségrégation intergranulaire passent par l’analyse de l’interaction entre un soluté et la structure d’un joint de grains, cette dernière étant décrite soit en termes de dislocations, soit en termes d’unités structurales.
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
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F IG . 2.29 – Aspects des plans des joints entre un cristal de saphir de surface (0001)b et des petits grains d’alumine observés en microscopie électronique en transmission à haute résolution : (a) et (b) les plans des cristaux sont parallèles au plan basal du saphir dans un polycristal contenant 100 ppm de SiO2 + 50 ppm de CaO ; les micrographies au-dessus de (a) et (b) montrent à plus faible grossissement les régions A et B sur lesquelles ont été faites respectivement les observations. (c) L’ajout de 600 ppm de MgO rend le plan courbe (région C) même à l’échelle nanoscopique. (D’après C.W. Park et al. [55].)
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5.2.
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Ségrégation intergranulaire et dislocations intrinsèques du joint de grains
Très tôt après la description en termes de dislocations des joints de grains à faible angle, Friedel évoque l’idée que la ségrégation résulte de l’interaction élastique entre les atomes de solutés et le champ de déformation des dislocations intrinsèques [56]. Ces effets peuvent se concevoir tant que l’angle de désorientation θ entre cristaux reste faible, sachant que la distance entre dislocations primaires, et donc l’extension du champ de déformation élastique (égale à la période du joint), diminue rapidement avec θ. La force motrice de la ségrégation ne peut plus alors résulter de l’attraction élastique des dislocations. Il en est de même pour les joints de grains à grand angle qui n’ont pas de champs de déformation à grande distance, la distance entre dislocations secondaires étant généralement faible et les vecteurs de Burgers de ces dislocations (bDSC ) étant relativement petits. L’attraction qu’exerce les dislocations intrinsèques sur des atomes de soluté et l’influence de ces derniers sur la structure du joint ont fait l’objet de peu d’investigations expérimentales, c’est surtout les simulations qui ont permis de préciser cette action réciproque. Un changement de la structure de dislocations, d’un joint de grains à faible angle sous l’effet d’une ségrégation a été observé en microscopie électronique en transmission dans le cas du système fer-or [57]. Cette transition est du type congruent. Dans un matériau cubique, un joint de grains de torsion de faible désorientation autour de [001] présente normalement, une grille de dislocations vis parallèles aux directions 110. Dans le cas du fer pur (CC), c’est la composante vis du vecteur de Burgers b = a/2 111 qui doit être prise en compte pour rendre compte de la grille de dislocations. L’ajout de 0,18 % atomique d’or dans un bicristal de même géométrie fait apparaître, dans certaines régions du joint, un arrangement de dislocations vis de vecteur de Burgers b = a 100 (Fig. 2.30). Le contenu en or dans ces régions est double de celui où la structure normale est préservée. Les atomes d’or sont supposés décorer les cœurs des dislocations. Une transformation de structure d’un joint de torsion de faible angle se produit également dans la magnésie sous l’effet d’ajout de fer, mais, la transition dans ce cas est non congruente. En effet, le joint initialement plan dans la magnésie pure se dissocie localement en présence de fer en portions sinueuses encadrées par des sous-joints indiquant des changements locaux non seulement du plan du joint mais de sa désorientation [58]. Les parties planes du joint sont décrites par une grille de dislocations vis parallèles à 110, la magnésie étant de structure CFC, tandis que les régions qui ont basculé d’au plus 0,5◦ présentent un réseau hexagonal distordu de dislocations. Ce réseau est composé d’une famille de dislocations vis parallèles à 110 et de deux familles de dislocations mixtes parallèles à 120. Le degré d’oxydation du fer dans la magnésie semble jouer un rôle non élucidé dans la transition qui est favorisée en présence de Fe3+ . L’interaction élastique entre un joint de torsion de faible angle et un atome de soluté a été simulée en utilisant la méthode de Monte Carlo avec un potentiel EAM (pour Embedded Atom Method) et sur la base de la théorie élastique isotrope [59].
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
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F IG . 2.30 – Micrographies électroniques montrant des grilles de dislocations vis dans un joint de torsion θ = 1◦ 5 [001] dans le fer vu en incidence normale : (a) fer pur (b) Fe-0,18 % at Au (région de structure différente de celle du même joint dans le fer pur). (D’après K. Sickafus et S.L. Sass [57].)
Cette interaction provient de deux effets : la différence de taille entre l’atome de solvant et l’atome de soluté et la différence entre les modules d’élasticité donnant lieu à deux termes énergétiques : Emis (mis pour misfit ou désaccord) et Emod (mod. pour module). Une valeur positive de chacun de ces termes traduit une interaction répulsive. Plus précisément, un atome de soluté plus gros que l’atome du solvant est repoussé par une contrainte hydrostatique de compression (positive) et vice-versa. De même, une inhomogénéité élastique « dure » donne lieu à une interaction répulsive et vice-versa. L’angle de désorientation est limité de telle façon que des régions déformées élastiquement existent entre les dislocations formant la grille intrinsèque. Les formules d’élasticité linéaire ne sont pas rappelées ici, nous donnons simplement des formes simplifiées permettant de distinguer les paramètres importants : Emis = Kmis εa Dmis Emod = Kmod εµ Dmod
(2.35) (2.35bis)
Kmis et Kmod sont des constantes qui dépendent des paramètres du solvant (µ, ν, r : les modules d’élasticité et le rayon de l’atome, respectivement). εa est égal à a −1 (da/dc) avec a le paramètre de réseau du solvant et (da/dc) son changement avec la concentration en soluté, de même εµ = µ−1 . (dµ/dc). Enfin Dmis et Dmod sont des grandeurs spatiales fonction de la distance d entre dislocations, qui dépend de l’angle θ selon la formule (1.30), et de la position (x, y, z) de l’atome de soluté par rapport à un carré de la grille. La valeur prise par l’énergie d’interaction
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F IG . 2.31 – Évolution des fonctions spatiales Dmis (d, x; y; z) et Dmod (d, x; y; z) en fonction de la position de l’atome de soluté dans le plan (yOz) parallèle au plan du joint de grains et pour deux valeurs de x : (a) Dmis pour x = 0,5 b et (b) Dmis pour x = 1,5 b ; (c) Dmod pour x = 0,5 b ; (d) Dmis pour x = 1,5 b. La distance entre dislocations vis est de 10 b ; ces dislocations s’intersectent au centre de chaque carré, ce point est choisi comme origine mathématique des deux fonctions. (D’après D. Udler et D.N. Seidman [59].)
Eint = Emis + Emod donne la mesure locale de la concentration en atomes de soluté au point (x, y, z) et pour une distance d donnée. Les fonctions spatiales Dmis et Dmod ont des valeurs élevées le long des cœurs des dislocations et décroissent rapidement vers l’intérieur des mailles de la grille (Fig. 2.31). Le facteur Dmis prend sa valeur la plus grande à l’intersection entre les dislocations vis tandis que Dmod = 0 et atteint sa valeur maximale à mi-distance entre les intersections. Au centre des carrés de la grille, l’effet de module est strictement nul alors que l’effet de taille est minimal mais préserve une valeur finie. Les deux termes énergétiques Emis et Emod augmentent rapidement lorsque l’angle de désorientation θ diminue et atteignent des valeurs caractéristiques des dislocations vis individuelles pour une valeur de d égale à environ 10 b. Notons que ces calculs ne sont strictement valables que pour une solution très diluée et pour des régions au-delà des cœurs de dislocations. Or, l’interaction entre atomes de soluté et cœurs des dislocations peut être prépondérante, elle
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est constante le long d’une ligne de dislocation et indépendante de la position de l’atome de soluté dans la grille [9]. C’est seulement après saturation des cœurs que la ségrégation dans les régions « élastiques » voisines peut commencer. Une question doit alors être soulevée : peut-il y avoir une interaction élastique répulsive entre un joint donné et un soluté donné alors que l’interaction de cœur est attractive ? Dans le cas des joints de grains de torsion à grand angle, la ségrégation a un effet très faible sur le niveau des contraintes de cisaillement associées aux dislocations vis. On a vu que ces dislocations sont centrées sur les unités « filler » et qu’elles se croisent sur les unités minoritaires où se localisent les maxima de contrainte (Figs. 1.47 et 1.59) [60]. L’étude par simulation Monte-Carlo de dix joints de torsion [001] dans un alliage dilué Ni-Cu montre que dans tous les cas, la ségrégation du cuivre est bien maximale dans les unités minoritaires. Les contraintes hydrostatiques de traction sont réduites, l’atome de cuivre étant plus gros que celui de nickel, mais les contraintes de cisaillement, liées à la symétrie des sites atomiques dans le joint, sont quasi inchangées par la ségrégation du cuivre [61]. Plus généralement, la ségrégation semble plus liée à la structure de cœur des dislocations intrinsèques c’est-à-dire à la structure de cœur du joint de grains. C’est cette relation qui est maintenant abordée.
5.3.
Ségrégation intergranulaire et structure atomique du joint de grains
Les premières simulations de la ségrégation intergranulaire en relation avec la structure atomique du joint ont été faites à 0 K. Elles ont permis de déterminer l’énergie de ségrégation associée à chaque site du joint de grains, de mettre en évidence la grande anisotropie de ségrégation d’un site à l’autre, de prédire la formation d’un composé ordonné intergranulaire et l’intervention de transformations structurales dues à la ségrégation intergranulaire. Tous ces phénomènes avaient été prédits par les approches de thermodynamique classique et statistique décrites précédemment.
5.3.1.
Anisotropie de la ségrégation d’un site à l’autre dans la région intergranulaire
Les premiers exemples connus de cette anisotropie concernent les joints de flexion symétriques d’axe [001] dans les alliages de substitution Cu-Bi, Cu-Ag et Au-Ag [62, 63], avec une attention particulière pour le joint Σ5, 36◦ 87 [001] qui a l’avantage d’avoir été largement étudié expérimentalement. Le joint Σ5 de plan (210) possède deux structures métastables décrites par des unités B et B′ dont le rapport des énergies est de 1,04 en faveur de l’unité B [64]. Les calculs des énergies de ségrégation, site par site, sont faits pour un premier atome de soluté par maille en explorant tous les sites possibles de substitution. La figure 2.32 montre ces différents sites dans le joint Σ5 (210) de structure B avec la liste des énergies de ségrégation
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F IG . 2.32 – Structure B du joint de flexion symétrique Σ5 (210) avec les différents sites de ségrégation d’un premier atome de soluté marqués par des lettres. À droite du schéma, on donne la liste des énergies de ségrégation associées aux différents sites [63].
TAB . 2.II – Énergies de ségrégation pour différents sites du joint Σ5 (210) du cuivre dans le cas où deux atomes de bismuth entrent dans la maille élémentaire du joint. Le premier atome est placé sur un site B. Les sites Bz et Ez1 sont décalés en z par rapport à B et E1 [63].
Site 1 ES (eV/at)
B1 –3,00
Bz –1,15
C1 0,39
E 0,11
E1 –0,83
Ez1 0,42
ES0 correspondantes [63]. Les sites Z, J, K, bien que n’étant pas exactement symétriques par rapport au plan du joint aux sites C, E, G, respectivement, présentent les mêmes valeurs d’énergie de ségrégation. L’énergie ES0 est la plus fortement négative (la plus favorable à la ségrégation) pour les sites associés à une forte tension hydrostatique, ce qui suggère que la principale forme motrice pour la ségrégation est l’effet de taille, l’atome de bismuth étant plus gros que celui du cuivre. Un premier atome de bismuth étant placé dans un site d’énergie de ségrégation négative, on introduit un autre atome de bismuth sur un des sites possibles de ségrégation dans la maille jusqu’à trouver à nouveau le site le plus favorable à sa localisation. Les énergies de ségrégation du second atome de bismuth sont reportées dans le tableau 2.II. Cette procédure est répétée pour plusieurs atomes de bismuth, augmentant ainsi la concentration du joint en soluté. L’énergie de ségrégation reste négative tant que l’ajout de bismuth ne dépasse pas 13 atomes par maille élémentaire du joint, ce qui correspond à une concentration de 1,25 monocouche en accord avec le niveau de bismuth détecté expérimentalement sur un joint fracturé [65]. La structure résultante est ordonnée avec chaque atome de bismuth entouré de quatre atomes de cuivre et vice-versa. La formation de cette structure, stable bien que différente des structures B et B′ prédites pour le joint Σ5 (210) du cuivre pur, est étroitement liée à l’anisotropie de ségrégation par site intergranulaire. Si la ségrégation a lieu dans la seconde structure possible de ce joint, soit B’, elle débute sur un site dont ES0 = −1,6 eV/at, mais dès qu’un atome de bismuth est placé dans
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ce site, la structure B′ commence à se transformer en structure B ; le changement structural est complet lorsque deux types de sites sont remplis, ce qui correspond à une concentration de 0,19 monocouche de bismuth. La ségrégation peut donc réduire la multiplicité des structures possibles pour un joint de grains. L’influence prédominante du facteur stérique sur l’anisotropie de ségrégation intergranulaire dans le système Cu-Bi peut être généralisée à tout système métallique, mais les variations de site à site peuvent être plus faibles, comme c’est le cas dans les alliages Au-Ag [62]. En principe, l’anisotropie de ségrégation existant dans les joints favorisés peut se répercuter sur les joints intermédiaires [63]. En particulier, la ségrégation pourrait varier continûment avec l’angle de désorientation pour les joints de flexion symétriques 110 ou 100, de même plan moyen, qui obéissent au modèle des unités structurales. Cependant, ce raisonnement ignore trois faits, au moins, qui le rendent caduc dans de nombreux cas : – L’existence de joints de courtes périodes qui font rupture dans la continuité des descriptions d’une structure de référence à l’autre ; ces joints sont souvent choisis comme joints délimitants. – La déformation des unités structurales dans les joints intermédiaires : l’état des contraintes diffère pour un site donné d’une unité donnée selon que celle-ci se trouve ou non dans le joint favorisé. – La formation, dans les matériaux à faible énergie de faute d’empilement, de joints « 3D » (partie 1, Chap. 3, Sect. 3.1). Les exemples ci-après montrent combien la ségrégation est un phénomène très complexe, imprévisible sur la base de n’importe quel critère géométrique ; chaque cas nécessite une étude par simulation, autant que possible greffée à une investigation expérimentale. La largeur de ségrégation est limitée à une distance interatomique environ de part et d’autre du joint dans le cas des joints singuliers, mais peut s’étendre quelque peu dans les joints généraux et plus nettement dans les joints dissociés d’un matériau à faible énergie de faute d’empilement. La méthode de Monte Carlo a été utilisée pour simuler la ségrégation de palladium dans trois joints de grains de nickel où les atomes du soluté se concentrent avec des extensions très différentes. Le nickel est considéré comme un métal à faible énergie de faute d’empilement [50] malgré la valeur relativement élevée trouvée expérimentalement, hypothèse déjà utilisée pour le calcul de nombreux joints de flexion 110 dans le nickel (partie 1, Chap. 3, Sect. 3.1). L’atome de palladium est nettement plus gros que l’atome de nickel (10 %), mais a le même nombre d’électrons de valence, l’effet élastique est donc largement prédominant. Les figures 2.33 à 2.35 montrent la distribution du palladium dans les joints du nickel site par site (a) et en fonction de la distance au plan du joint (b) pour Σ11 {113}, Σ33 {441} et Σ33 {225}, respectivement. Deux types de sites peuvent être distingués : – les sites au cœur du joint qui concentrent généralement la plus forte concentration en palladium ;
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F IG . 2.33 – Distribution du palladium dans un joint Σ11 {113} du nickel : (a) site par site (à un site plus sombre correspond une plus forte concentration en palladium) ; (b) en fonction de la distance au plan du joint. (D’après J.D. Rittner et D.N. Seidman [50].)
F IG . 2.34 – Distribution du palladium dans un joint Σ33 {441} du nickel : (a) site par site (à un site plus sombre correspond une plus forte concentration en palladium) ; (b) en fonction de la distance au plan du joint. (D’après J.D. Rittner et D.N. Seidman [50].)
F IG . 2.35 – Distribution du palladium dans un joint Σ11 {225} du nickel : (a) site par site (à un site plus sombre correspond une plus forte concentration en palladium) ; (b) en fonction de la distance au plan du joint. (D’après J.D. Rittner et D.N. Seidman [50].)
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– les sites situés dans la région déformée élastiquement au voisinage du joint ; ces derniers contribuent notoirement au niveau de ségrégation totale dans le joint Σ33 {225}. La distribution du soluté, homogène et limitée à 0,3 nm autour du joint singulier Σ11, devient hétérogène et étendue autour des deux joints généraux. C’est particulièrement vrai pour le joint de plan {225} qui subit une dissociation avec émission d’une dislocation de Shockley d’un côté du joint. Le champ de contrainte qui en résulte implique que les sites « au-dessus » de la dislocation sont en compression et donc appauvris en palladium (sites blancs) alors que les sites « en-dessous » sont en tension et enrichis en soluté (sites noirs). Les deux régions sont séparées par le plan de glissement (111) de la dislocation. Une faute d’empilement est nettement visible entre le joint et la dislocation partielle, la ségrégation dans cette région est due à une attraction élastique et non à un effet Suzuki. Dans l’exemple précédent, plusieurs degrés de liberté du joint changent simultanément. Si on fixe maintenant la désorientation et que seule l’orientation du plan du joint varie, une forte anisotropie de plan à plan apparaît également, comme cela a été constaté, à l’échelle microscopique, pour un joint Σ3 dans le nickel [38] et pour un joint général dans l’alumine [46]. Le plan du joint a un rôle primordial dans la relation ségrégation/structure, c’est lui qui impose la structure atomique intergranulaire. Une étude récente, utilisant la technique de simulation en dynamique moléculaire trempée, décrit en détail les différences de comportement à la ségrégation de deux joints Σ11 (même désorientation) de plan soit {113}, soit {332} pour deux systèmes binaires solvant-soluté, Ni (Ag) et Ag (Ni) [66]. Les paramètres retenus pour caractériser un site i du joint de grains sont : – Le volume de Voronoï νi qui définit mathématiquement le volume atomique local ; une valeur positive de la différence νi − ν0 (ν0 étant le volume de Voronoï calculé dans le cristal parfait) traduit une dilatation au site i. – La pression hydrostatique locale pi . égale à −1/3 de la trace du tenseur des contraintes exercées sur l’atome i ; une pression positive traduit un site en compression. Les différents termes de l’énergie de ségrégation (élastique et de cohésion) sont calculés site par site afin de préciser quelle est la force motrice qui contrôle localement la ségrégation. La contribution élastique a été calculée de deux manières selon que, localement, le site est en condition de contrainte hydrostatique ou non, ce dernier cas étant attaché à un défaut étendu fortement anisotrope. Une telle analyse, rare, apporte un éclairage intéressant sur le phénomène de ségrégation. Nous ne reproduisons pas ici les tableaux donnant les valeurs des caratéristiques géométriques et physiques par site, pour les deux joints et dans les systèmes dits « direct » pour Ni (Ag) et « inverse » pour Ag (Ni), respectivement (voir [66], Tabs. I et II). Mais, comme c’est la considération détaillée des sens et des grandeurs des termes élastiques et de cohésion qui permet de discuter l’origine des forces motrices, nous extrayons ci-après quelques exemples de cette analyse.
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Les figures 2.36 et 2.37 montrent les structures atomiques des joints Σ11 {113} et Σ11 {332} avec divers sites atomiques possibles de ségrégation atomiques ; en parallèle, sont présentées les variations des énergies de ségrégation en fonction de la distance du site au plan du joint pour chacun des systèmes binaires Ni (Ag) et Ag (Ni). Comme précédemment pour le système Ni (Pd) (Fig. 2.33), la variation de l’énergie de ségrégation (ou de la concentration en soluté) est limitée à 0,5 nm environ et elle est régulière avec la distance au plan du joint pour le joint singulier Σ11 {113} (Fig. 2.36). En revanche, la valeur de l’énergie de ségrégation fluctue de part et d’autre du plan du joint dans le cas du joint Σ11 {332}, ces fluctuations sont particulièrement importantes pour le système Ni(Ag) (Fig. 2.37). Dans le joint Σ11 {113}, le site A est sous une forte tension, les sites B1 et B2 sous une faible tension. Il n’y a aucun site en forte compression dans cette structure. La ségrégation de l’atome d’argent plus gros que celui de nickel est donc favorisée par un effet stérique. Inversement le nickel ne ségrége pas dans ce joint de l’argent. Pour expliquer plus en détail le comportement à la ségrégation de chaque site, on doit se référer aux valeurs prises par ses différentes caractéristiques afin d’identifier et expliquer un rôle éventuel du facteur de cohésion dans la ségrégation. Nous donnons un exemple de cette analyse pour le site B1 du joint Σ11 {113} qui attire faiblement le nickel dans le système Ag (Ni). Cet effet est dû à son énergie de cohésion, de même grandeur mais de signe opposée à l’énergie associée à l’effet de taille. Dans le système Ni(Ag) le facteur de cohésion contribue aussi quelque peu à la force motrice totale mais il est de même signe que le facteur de taille. La valeur notoire de l’énergie de cohésion au site B1 provient de son environnement particulier, très différent de celui des autres sites (Fig. 2.36a) qui conduit à un état de contrainte éloigné du caractère hydrostatique. Des raisonnements similaires ont été faits pour expliquer les comportements singuliers des sites B′1 , B′4 et D′ dans le joint Σ11 {332}. En particulier, la forte compression au site D’ n’a pas d’équivalence dans le joint {113}. Les valeurs des énergies de cohésion à ce site dans les deux systèmes sont opposées aux valeurs des énergies élastiques et non négligeables. Pour les autres sites B′1 et B′4 , le facteur cohésif intervient dans l’énergie totale de ségrégation bien que pouvant être du même signe que le facteur de taille, c’est le cas de B′1 dans Ni (Ag). Plus généralement, les sites dans le joint général {332} sont plus distordus que dans le joint singulier {113} et la condition hydrostatique est rarement satisfaite. Les principales conclusions, tirées en particulier de l’étude précédente, sont les suivantes : – La différenciation entre effet de taille et effet de cohésion dans le calcul de l’énergie totale de ségrégation est valable pour tous les sites d’un joint de grains. – La seule considération du facteur stérique est le plus souvent suffisante pour rendre compte du degré de ségrégation par site ; l’effet de cohésion intervient vraiment lorsqu’il est relativement important et de signe opposé à l’effet de taille.
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F IG . 2.36 – (a) Structure atomique calculée du joint de grains Σ11 {113}. Le site A appartient au plan du joint, les sites B1 , B2 et C sont respectivement dans le premier, le second et le troisième plan parallèle au plan du joint ; (b) variation de l’énergie de ségrégation avec la distance au plan du joint (plan 0). La position des différents sites est reportée dans les plans ±1, ±2 et ±3. (D’après B. Lezzar et al. [66].)
– L’effet de cohésion est significatif pour les sites auxquels la relation linéaire entre le volume local et la pression locale n’est pas respectée. Cet effet s’explique par le caractère localement non-hydrostatique de la contrainte ou par une forte compression locale. Ces conclusions doivent cependant être relativisées, elles sont valables pour deux métaux de même structure modélisés par le même type de potentiel, mais ne peuvent pas être généralisées à des systèmes plus complexes. De ce point de vue,
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(a)
(b) F IG . 2.37 – (a) Structure atomique calculée du joint de grains Σ11 {332} (voir l’image expérimentale 1.33 pour Ni). Tous les sites sont à l’extérieur du plan du joint schématisé par la ligne verticale en pointillés ; (b) variation de l’énergie de ségrégation avec la distance au plan du joint (en 0) donnée en Angström. Seule la variation d’un côté du plan du joint est reportée pour un système donné : à droite pour le système Ni (Ag), à gauche pour le système Ag (Ni). (D’après B. Lezzar et al. [66].)
nous tenons à souligner que de nombreuses simulations concernent des systèmes modèles, pas nécessairement les plus intéressants d’un point de vue pratique. En particulier, la ségrégation d’éléments comme le soufre, le phosphore, l’antimoine, le bore aux joints de grains de plusieurs métaux (fer, nickel, cuivre. . .) dans lesquels ils ont une influence notoire sur les propriétés, reste peu étudiée au niveau atomique – même si ces systèmes ont été bien approchés aux échelles supérieures par l’expérience.
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5.3.2.
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Changement de structure induit par la ségrégation
Des transformations de phases congruentes induites par la ségrégation ont été évoquées précédemment, soit observées expérimentalement dans le système Fe-Au [57], soit obtenues par simulation dans le cas du bismuth pour la structure B′ d’un joint Σ5 dans le cuivre [63]. Elles dépendent fortement de l’anisotropie de ségrégation par site. Ce phénomène mérite d’être détaillé à l’échelle atomique, ce que nous nous proposons de faire au travers de quelques exemples. Un changement de phase du type congruent est obtenu par simulation de la ségrégation du palladium dans un joint Σ9 {221} du nickel [50]. L’unité structurale E est stable de 0 K et 800 K dans ce joint du métal pur. Une autre structure, d’énergie plus élevée, composée d’unités E′ est instable à haute température. La situation est inversée en présence de palladium, l’unité E se transforme, sous l’effet √ de la ségrégation, en l’unité E′ déformée et translatée par un vecteur τ = a0 2/4 le long de l’axe de flexion (Fig. 2.38).
F IG . 2.38 – La structure stable E d’un joint Σ9 {221} du nickel (a) se transforme en la structure E′ (b) sous l’effet d’une ségrégation de palladium. Les symboles blancs et noirs indiquent des atomes dans des plans {220} alternés selon l’axe de flexion 110. (D’après J.D. Rittner et D.N. Seidman [50].)
L’exemple suivant confirme qu’aucun paramètre géométrique ne peut prédire la sensibilité d’un joint à la ségrégation et, de plus, que celle-ci peut différer, pour un joint donné, selon le traitement de ségrégation. Le bismuth ne ségrége pas dans les macles cohérentes présentes dans le cuivre avant un traitement de ségrégation, mais si ces macles se forment par transformation sous recuit d’autres joints de grains contenant du bismuth, alors une couche atomique de bismuth est présente dans les facettes Σ3 {111}. Chaque atome de bismuth occupe une surface égale à trois fois celle que l’atome de cuivre occupe dans le plan {111}. Cette configuration correspond à l’empilement le plus dense des atomes de bismuth évitant leur superposition. L’espacement des atomes de bismuth dans l’arrangement bidimensionnel est voisin de celui qu’ils adoptent dans le bismuth massif de structure hexagonale [67]. Même une macle cohérente n’est donc pas à l’abri de l’introduction d’un soluté dans sa structure, la présence des impuretés dépendant aussi de l’histoire thermomécanique du joint de grains.
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Une transition de phase congruente explique également l’apparition d’un film intergranulaire observé lors de la ségrégation du phosphore aux joints de flexion symétriques Σ5 (310) et Σ9 (114) du fer α de structure CC [68]. Les atomes de phosphore, ségrégés sous forme d’une monocouche, provoquent une complète restructuration des joints. Initialement placés en substitution dans les unités structurales, ils occupent ensuite les centres de prismes trigonaux d’atomes de fer nouvellement formés dans les deux types de joints, en entraînant une diminution de l’énergie intergranulaire. La configuration obtenue est très comparable à celle du phosphore dans le composé tridimensionnel Fe3 P (Fig. 2.39), comme prédit par les modèles thermodynamiques [15].
F IG . 2.39 – Unités polyédriques d’atomes de fer dans des joints de flexion autour de [1-10] : (a) Σ5 (310) et (b) Σ9 (114) ; les différents symboles indiquent les différentes cotes le long de l’axe [1-10]. Lorsque des atomes de phosphore s’insèrent dans ces unités structurales, à raison d’un atome par unité, ils provoquent un changement de structure (déformation et déplacement des unités initiales) ; dans les deux cas, (c) Σ5 (310) et (d) Σ9 (114), chaque atome occupe un site interstitiel (marqué par une étoile) entouré de 3 atomes de fer pour former Fe3 P. (D’après M. Hashimoto et al. [68].)
L’ordre intergranulaire précédent apparaît en contradiction avec l’hypothèse faite par Lejcek et Hofmann d’une structure désordonnée d’un joint de fer contenant du phosphore [52]. Cette dichotomie peut s’expliquer par le fait que les joints impliqués dans les deux études diffèrent, elle appuie la nécessité d’un rapprochement entre les études effectuées à différentes échelles. Aux transitions congruentes, on peut rattacher celle qui se produit à un joint délimitant de désorientation θ décrit par des unités B. Pour des désorientations inférieures mais extrêmement voisines de l’angle θ, les joints sont décrits par un arrangement d’unités B, largement majoritaires et quelques unités A, par exemple. Pour des désorientations supérieures et extrêmement voisines de l’angle θ,
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les unités B restent largement majoritaires mais les unités minoritaires deviennent du type C. La discontinuité en énergie qui correspond au minimum dans la courbe E = fn(θ) (Fig. 1.4) révèle une transition de phases. Lorsque la ségrégation est similaire à l’apparition d’une phase à deux dimensions dans le joint de grains, peut-on toujours parler de ségrégation ou s’agit-il d’un début de précipitation ? Cette question reste totalement ouverte.
5.3.3.
Mise en évidence expérimentale de la ségrégation à l’échelle atomique
Une seule technique permet d’observer la ségrégation intergranulaire à l’échelle atomique, c’est la sonde atomique tomographique. La figure 2.40 présente une image 3D d’un joint général entre deux grains γ ′ dans un superalliage N18 révélant nettement la ségrégation du chrome, du molybdène et du bore au cœur de joint. La distribution des atomes ségrégés (chaque point est un atome) montre qu’ils forment un film continu d’épaisseur proche de 1 nm le long du joint. Simultanément, le joint est appauvri en aluminium alors que les particules γ ′ de grande taille (excédant celle du volume représenté sur la figure), voisines du joint, sont riches en cet élément [69]. La résolution de la technique permet de mettre en évidence la séquence des plans de type {001} dans le grain (à gauche) de la phase ordonnée γ ′ .
F IG . 2.40 – Images 3D obtenues en sonde atomique tomographique de la ségrégation du chrome, du molybdène et du bore à un joint de grains d’un superalliage N18 (chaque point correspond à un atome). Les régions de phase γ ′ voisines du joint sont riches en aluminium. Le volume est orienté de telle manière que le plan du joint et les plans {011} dans le grain gauche sont perpendiculaires au plan de la figure. (D’après E. Cadel et al. [69].)
Pour conclure, l’étude de la relation entre la ségrégation et la structure atomique du joint de grains a été peu étudiée expérimentalement. Les moyens performants exigés, mis à part les résultats obtenus au moyen de la sonde atomique tomographique (Fig. 2.40), sont en émergence. Jusqu’à présent le lien avec la structure atomique a été principalement établi par les méthodes de simulation numérique de la ségrégation à l’échelle atomique : minimisation de l’énergie à 0 K et, pour des températures finies, les techniques de dynamique moléculaire et de Monte
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Carlo. Seule cette dernière permet d’atteindre la répartition spatiale des espèces à l’équilibre lorsque celle-ci est hétérogène, comme, par exemple dans un bicristal. Le degré de réalisme des calculs dépend de l’utilisation d’un potentiel qui décrit bien les interactions entre espèces atomiques. Pour plus d’information sur les différentes approches par simulation de la ségrégation intergranulaire, le lecteur peut consulter l’article de V. Pontikis [70]. On doit remarquer que quelle que soit la méthode et quel que soit le raffinement dans les potentiels utilisés, tous les résultats des simulations convergent pour conférer à l’effet de taille le rôle prédominant dans la ségrégation intergranulaire. Par ailleurs, la ségrégation dans les sites atomiques d’une unité structurale est sensible à la distorsion de cette unité lorsqu’elle est incluse dans un joint intermédiaire, d’où des variations de concentration par unité structurale en fonction de la désorientation θ. Néanmoins, le modèle des unités structurales reste valable pour décrire les joints impurs. Généralement, le phénomène de ségrégation est mieux approché dans les systèmes métalliques d’espèces voisines Cu-Ni, Ag-Au etc. que dans les alliages où un soluté non métallique ségrége par exemple le soufre, le carbone, le phosphore dans les métaux. Or, ce sont justement ces interactions, impliquant des coefficients d’enrichissement élevés, qui ont des conséquences pratiques sur les comportements des joints de grains, fragilisation ou consolidation, et donc sur les propriétés des matériaux. L’effet de cohésion qui se fait sentir à certains sites des joints de grains dans les métaux, même secondaire par rapport à l’effet stérique, peut avoir des conséquences sur les comportements des joints et prendre une importance accrue dans les matériaux ioniques et covalents. L’approche de la ségrégation sur les bases de la structure électronique du joint s’impose alors.
5.4.
Ségrégation intergranulaire et structure électronique du joint de grains
L’effet de la ségrégation intergranulaire sur la structure électronique d’un joint de grains recouvre deux phénomènes : un changement des liaisons électroniques qui peut se produire dans tout matériau et une modification de la structure de bande dans les semi-conducteurs. Dans de nombreux alliages métalliques ou composés intermétalliques, la ségrégation provoque une diminution ou un renforcement de la cohésion des joints de grains, phénomène aux conséquences pratiques majeures. Pour expliquer ces effets, la connaissance des arrangements atomiques après ségrégation n’est pas suffisante, il faut considérer les modifications des liaisons électroniques apportées par les atomes de soluté dans le joint de grains. Dans les semi-conducteurs, les modifications des structures de bandes par des atomes étrangers peuvent changer les propriétés électroniques des joints de grains, problème crucial dans l’utilisation du silicium polycristallin dans les cellules photovoltaïques.
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5.4.1.
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Changement des liaisons électroniques sous l’effet de la ségrégation dans les métaux
La tenue des joints de grains à la rupture étant modifiée en présence d’éléments ségrégés justifie le fait que des calculs de structure électronique aient été greffés aux calculs de structure atomique dès les toutes premières simulations de la ségrégation dans les métaux. Malgré un assez grand nombre de travaux, l’explication théorique des effets d’un soluté non métallique (soufre, phosphore, bore. . .) sur les liaisons aux joints de grains des métaux et des composés intermétalliques reste controversée. Trois modèles sont proposés [71] : le premier met en cause directement la force de la liaison chimique « métal-soluté », le second suggère que c’est la nature de cette liaison chimique plus que sa force qui est modifiée, ainsi de métallique la liaison prendrait un caractère covalent, enfin un troisième modèle s’intéresse aux modifications des liaisons métalliques à proximité immédiate des atomes de soluté [68, 72]. C’est ce dernier modèle qui semble le plus utilisé pour expliquer les changements de cohésion aux joints de grains des métaux. Ainsi, les effets du bore et du phosphore sur les joints Σ5 et Σ9 dans le fer diffèrent totalement, consolidant pour l’un, fragilisant pour l’autre. Tandis que le phosphore induit un changement de structure (Fig. 2.39), le bore ne modifie que très peu l’unité structurale du joint pur, effets confirmés par l’établissement des cartes des contraintes hydrostatiques correspondantes [68]. Les calculs de la structure atomique relaxée sont suivis des calculs de densité d’états électroniques du joint qui indiquent clairement les effets de chacun des solutés. Dans le fer pur, les atomes aux joints comme en matrice sont faiblement liés avec les atomes environnants, ce qui n’influence donc pas la cohésion du joint. En présence de phosphore, les liaisons Fe-Fe entourant les amas Fe3 P sont affaiblies tandis que le bore forme des liaisons fortes avec le fer le long du joint sans affaiblir les liaisons Fe-Fe proches (Fig. 2.41). Cette différence expliquerait le caractère fragilisant du phosphore et le caractère consolidant du bore dans les joints du fer et de ses alliages. De même, dans le système Cu-Bi, la différence de densité de charge et celle des densités d’états entre le joint dopé en bismuth et le joint propre montrent que la présence de bismuth dans une macle conduit à une redistribution électronique entraînant une fragilisation des liaisons Cu-Cu [73]. L’exemple suivant, que nous détaillons particulièrement, met en cause simultanément les liaisons « métal-métal » et les liaisons « métal-soluté » pour expliquer l’influence d’un soluté sur la cohésion d’un joint de grains du nickel. La théorie de la fonctionnelle de la densité dans l’approximation locale (LDFT) greffée au modèle d’amas atomique polyédrique permet d’établir la différence de densité de charge électronique ainsi que les densités d’états pour un joint Σ11 {113} du nickel pur et pour ce même joint dopé soit au bore, soit au phosphore [74]. La densité de charge dans le joint avec bore reste similaire à celle du joint pur, mais elle diminue dans les interstices du joint contenant du phosphore (Fig. 2.42). Les densités d’états pour deux atomes dans le joint pur sont peu modifiées en présence de bore, mais elles se déplacent vers les énergies plus élevées et les largeurs de bandes deviennent plus étroites en présence de phosphore (Fig. 2.43). Dans les deux cas,
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F IG . 2.41 – Représentation schématique de l’effet d’une ségrégation de bore ou de phosphore sur l’état des liaisons dans le fer. Les lignes doubles, simples et pointillées indiquent, respectivement, des liaisons fortes, normales et faibles entre atomes. (D’après M. Hashimoto et al. [68].)
le soluté forme un lien fort avec le solvant, mais le bore n’affecte pas les liaisons entre atomes de nickel voisins alors que le phosphore diminue la tendance à la liaison des atomes métalliques et la stabilité du joint. De plus, l’hybridation des orbitales et donc le caractère covalent du lien entre l’atome de soluté et les atomes du solvant est plus faible dans le cas du phosphore que dans celui du bore. La tendance à la liaison entre l’atome de soluté et l’atome de solvant diffère par ailleurs selon que l’atome de nickel est dans le plan du joint (Ni1) ou hors du plan (Ni2), montrant un caractère directionnel de la liaison. Les énergies d’interaction pour différentes paires d’atomes de nickel (Fig. 2.42) dans le joint pur et dans le joint chargé en bore ou en phosphore sont reportées dans le tableau 2.III. Les liaisons entre atomes sont affaiblies dans les deux cas, mais relativement peu sous l’effet du bore en comparaison avec la forte atténuation de l’interaction « Nickel-Nickel » en présence de phosphore, et ce d’autant plus que la paire d’atomes de nickel est proche de l’atome de soluté. Les effets des solutés dans le joint Σ11 {113} du nickel semblent donc bien associés au modifications des liaisons « métal-métal », mais également au caractère de la liaison entre l’atome de soluté et les atomes métalliques. De plus une compétition de sites entre le bore et d’autres solutés (ou impuretés) explique que cet élément chasse l’azote, l’oxygène, le phosphore et le soufre des joints de grains du nickel [74]. La constatation d’une modification de la structure électronique
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F IG . 2.42 – Différence des densités de charge entre le joint Σ11 {113} du nickel pur et le même joint dopé : (a) avec du bore ; (b) avec du phosphore. Les espaces entre contours sont de 0,002 e/(u.a.)3 . Les lignes solides et en pointillés représentent, respectivement, un gain et une perte de charge. (D’après L.G. Wang et C.Y. Wang [74].)
F IG . 2.43 – Densités d’états des atomes de nickel, Ni1 et Ni2 (Fig. 2.42) dans un joint propre, un joint dopé au bore et un joint dopé au phosphore comparées aux densités d’états dans le cristal. (D’après L.G. Wang et C.Y. Wang [74].)
locale d’un joint de grains n’autorise pas cependant à en déduire son comportement vis-à-vis de la rupture intergranulaire qui doit dépendre aussi fortement de l’interaction entre les dislocations de matrice et les joints de grains.
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TAB . 2.III – Les énergies d’interaction (en eV) entre atomes de nickel dans le joint Σ11 {113} pur et le même joint dopé au bore ou au phosphore [74].
Paires d’atomes de nickel 1-4 1-6 1-3 4-5 6-9 7-9
5.4.2.
Joint pur – 1,63 – 1,20 – 1,50 – 2,13 – 1,82 – 1,57
Joint dopé au bore – 1,55 – 1,14 – 1,47 – 2,10 – 1,63 – 1,30
Joint dopé au phosphore – 1,28 – 1,01 – 1,01 – 1,73 – 1,30 – 1,06
Changement des liaisons électroniques sous l’effet de la ségrégation dans les oxydes
La ségrégation de différents cations X (X = Sc, Y, La) en position substitutionnelle dans les joints de grains de l’alumine α (corindon) est analysée pour trois joints de macles : prismatique Σ3 (10-10), rhomboédrique Σ7 (10-12) et pyramidale Σ3 (10-14). Les modifications de la structure atomique, de l’énergie intergranulaire et des liaisons chimiques X-O avec la présence et la quantité d’atomes du cation X sont investiguées en combinant les calculs ab initio de structure électronique et du modèle ionique empirique [47]. Dans les trois joints, les cations induisent une réduction de l’énergie intergranulaire d’autant plus intense que la taille ionique du soluté est grande. Comme en matrice, la relaxation provient principalement de l’augmentation des distances X-O entre le cation et les ions voisins d’oxygène par rapport à ces distances Al-O dans l’alumine pure. Par exemple, les distances entre proches voisins égales à 0,184 nm et 0,195 nm dans l’alumine pure augmentent à 0,209 nm et 0,226 nm, respectivement, lorsque l’atome d’yttrium remplace celui d’aluminium. Le joint constitue simplement une structure plus ouverte et plus déformable que la matrice, permettant au défaut ponctuel et aux atomes voisins de relaxer davantage. Les résultats sont analogues avec le scandium ou le lanthane comme soluté. Une relation linéaire existe entre, d’une part, la différence des rayons ioniques du soluté de l’aluminium et, d’autre part, la longueur de la liaison X-O ou l’énergie intergranulaire ou encore l’énergie de ségrégation (Fig. 2.44), relation qui s’étend aux solutés Ti et Ca. Par ailleurs la tendance à la ségrégation est d’autant plus faible que le joint est mieux ordonné (cas de la macle Σ3). Le changement de la structure électronique locale dans les joints Σ3 et Σ13 est représenté par la projection de la densité d’états sur les différents sites atomiques pour le soluté X, pour les atomes O localisés à des distances croissantes du défaut et, pour comparaison, pour l’atome d’oxygène dans le cristal. Un exemple de cette représentation est donné seulement pour le joint Σ3 (Fig. 2.45), les relatives positions et hauteurs des pics ainsi que l’hybridation entre les états atomiques du soluté et de l’oxygène étant très similaires dans les deux joints. Les structures électroniques pour les trois cations X et pour les trois environnements (Σ3, Σ13 et matrice) sont qualitativement et quantitativement
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F IG . 2.44 – Une relation linéaire relie le désaccord entre les rayons ioniques (rX − rAl ) (Å) à différentes grandeurs : (a) la longueur moyenne des liaisons X-O (Å) pour X = Sc, Y et La dans le joint Σ13 ; (b) l’énergie intergranulaire en Jm−2 pour les joints de grains Σ3, Σ7 et Σ13 ; (c) la valeur absolue de l’énergie de ségrégation en Jm−2 pour les mêmes joints [47].
équivalentes. Une certaine hybridation apparaît entre les états p des solutés et les états 2s et 2p des couches voisines d’oxygène, elle s’étend aux deux premières pour Sc et Y et jusqu’à la troisième couche pour le lanthane. Cependant, malgré le caractère covalent donné par cette hybridation, la liaison X-O préserve un fort degré d’ionicité. La redistribution des électrons résultant de la ségrégation peut être visualisée en reportant la différence des densités électroniques dans la liaison Al-O et dans la liaison X -O (Fig. 2.46). Compte tenu de la similarité entre les structures électroniques dans les deux joints, seule la redistribution provoquée par le cation Y ségrégé à la macle prismatique Σ3 est illustrée, elle est obtenue en coupant la densité d’états du bicristal par un plan basal (0001). Comme en matrice, le caractère covalent pris par la liaison Y-O est évident : la densité des électrons de valence augmente entre les atomes d’yttrium et d’oxygène et diminue dans le plan perpendiculaire à la liaison, mais cette modification ne concerne que les atomes d’oxygène les plus proches. En conclusion, le réarrangement structural induit par la ségrégation de différents cations dans différents joints de grains de l’alumine est gouverné par l’effet de taille. En effet, l’énergie de ségrégation dépend linéairement du désaccord entre les rayons ioniques du soluté et de l’aluminium, le concept de rayon ionique
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F IG . 2.45 – Projections des densités d’états pour les solutés Sc, Y et La, ségrégés au joint de macle Σ3 (10-10), pour les quatre couches d’oxygène les plus voisines et pour l’atome d’oxygène dans le cristal d’alumine pure. (D’après S. Fabris et C. Elsässer [47].)
F IG . 2.46 – Section (0001) de la différence des densités électroniques des liaisons Al-O et Y-O montrant la redistribution des électrons suite à la substitution d’un cation Al par un cation Y dans une macle Σ3 d’alumine. Les densités électroniques (e/Å3 ) sont données sous forme d’échelle de gris. (D’après S. Fabris et C. Elsässer [47].)
devant cependant être manié avec prudence car très simplificateur. Le degré partiel de covalence acquis par la liaison cation-oxygène aux joints de grains est similaire à celui qu’elle prend pour un cation isolé dans le volume d’alumine α.
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5.4.3.
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Modification des structures de bande des semiconducteurs
Dans le cas des joints de flexion Σ13 et Σ25, le nickel en position interstitielle dans le joint modifie peu la structure de bandes et le caractère semi-conducteur du silicium. En revanche, le nickel en substitution fait apparaître des niveaux dits profonds occupés de telle manière que le joint acquière localement un caractère semi-métallique (Σ13) ou métallique (Σ25) (Fig. 2.47) [75].
F IG . 2.47 – Diagrammes montrant la densité d’états électroniques (en trait plein) d’un joint Σ25 de silicium contenant un atome de nickel. Les traits en pointillé correspondent à la densité d’états du cristal parfait : (a) Ni en insertion dans le joint ; (b) Ni en substitution dans le joint. (D’après M. Torrent [75].)
Des calculs ab initio montrent que la ségrégation d’arsenic dans un joint Σ5 {310} 001 du silicium peut avoir lieu dans un joint sans défaut par l’incorporation « coopérative » d’atomes dont la tri-coordination (Fig. 2.48a) explique la perte d’activité électrique [76]. Des dimères ou des chaînes ordonnées d’atomes d’arsenic (ou de dimères) se forment le long des cœurs des dislocations intrinsèques de caractère coin. La structure relaxée de ce joint est constituée d’unité A (Fig. 2.48b). La figure 2.48c montre une coupe de la carte de densité de charges électroniques dans un joint, passant par le plan contenant des atomes d’arsenic aux sites b et c de la configuration A. Aucun changement significatif n’intervient
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F IG . 2.48 – (a) Schéma montrant comment les atomes d’un dimère d’arsenic placés en substitution dans deux sites voisins de silicium s’écartent l’un de l’autre en une configuration tri-coordinée ; (b) projection selon l’axe de flexion de la structure atomique relaxée du joint Σ5 {310} dans le silicium avec (en hachuré) l’unité constituante A ; (c) section de la carte de la densité d’états électroniques dans un plan contenant de l’arsenic en deux positions atomiques (b, c) de l’unité structurale A. Chaque atome d’arsenic est entouré de courbes de niveau de densité dont l’intensité décroît en s’éloignant de l’atome. (D’après A. Maiti et al. [76].)
entre les atomes proches voisins dans les dimères indiquant bien que chaque atome d’arsenic est tri-coordiné. En conclusion, la relation entre ségrégation et structure électronique reste relativement peu étudiée et qualitative. Dans les systèmes métalliques, la présence d’un soluté au joint induit des modifications des liaisons chimiques, en termes d’occupation d’états liants ou d’états antiliants, de type covalent ou ionique. Mais on doit se garder d’en déduire trop rapidement un effet sur la fragilisation ou la consolidation intergranulaire. Les oxydes ioniques préservent globalement leur ionicité, même si certains liens prennent un caractère covalent. La modification du diagramme de densités d’états électroniques au niveau du joint de grains, en termes de création d’états dans la bande interdite, peut parfois transformer localement un semi-conducteur en semi-métallique.
6.
Rôle des dislocations extrinsèques dans la ségrégation d’équilibre
L’approche de la ségrégation des défauts ponctuels sur les dislocations extrinsèques est similaire à celle de leur ségrégation sur les dislocations de matrice. Les champs élastiques de déformation et de contrainte s’étendent à grande distance
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dans les deux cas, leurs expressions en fonction de la distance à la ligne de dislocation prennent les mêmes formes. Notons ici que nous traitons bien d’une ségrégation d’équilibre bien que les dislocations extrinsèques soient des défauts « hors équilibre » dans le joint de grains. L’atome de soluté est considéré comme une sphère élastique de rayon r ∗ différent du rayon du site intergranulaire r0 dans lequel il se place, celui de l’atome solvant pour un défaut substitutionnel ou celui du site interstitiel dans le joint de grains. La relation entre r ∗ et r0 fait intervenir la déformation élastique ε associée au défaut ponctuel : r ∗ = r0 (1 + ε). Au voisinage de la dislocation extrinsèque, une interaction élastique s’établit entre les champs de contrainte des deux défauts, linéaire et ponctuel, dont l’énergie Ei est inversement proportionnelle à la distance R entre les défauts. Il en résulte que la concentration en solutés au voisinage d’une ligne de dislocation diffère de la concentration moyenne en volume C0 et de celle du joint de grains CJ où se situe cette dislocation. La forme générale donnant la concentration en soluté dans un site d’énergie Ei est : (2.36) C = C0 exp −Ei /kT L’énergie d’interaction entre un soluté et une dislocation étant le plus souvent négative, une force attractive dirige le soluté vers la ligne de dislocation : C > C0 . Mais il existe une limite à la valeur de C, elle ne peut être supérieure à un atome par site disponible. Lorsque la distance R entre les défauts diminue, C augmente jusqu’à une valeur limite qui fixe un rayon critique R0 , sensiblement égal au rayon de cœur de la dislocation. Le soluté s’est condensé sur la ligne de dislocation formant un nuage de Cottrell ou une atmosphère de Cottrell. L’énergie d’interaction a atteint une valeur minimale, il y a stabilisation de la dislocation. On dit que la dislocation est piégée par l’atmosphère de Cottrell. Bien que ces rappels ne soient pas propres à la ségrégation sur une ligne de dislocation extrinsèque, nous les jugeons nécessaire pour aborder deux aspects ultérieurs dans cette partie : – La précipitation intergranulaire sur les défauts des joints de grains ; – Les processus d’accommodation des contraintes intergranulaires liées aux dislocations extrinsèques dans lesquels les phénomènes de « ségrégation/ précipitation » et « stabilisation/déstabilisation » des dislocations jouent un rôle primordial. La figure 2.49 montre un exemple de la surconcentration en yttrium au voisinage immédiat de deux dislocations extrinsèques stabilisées dans un joint de grains général d’alumine. Dans la même étude, une variation de la teneur en yttrium a été détectée le long d’un même joint de grains de profil courbe : dans la région présentant plusieurs dislocations extrinsèques, le contenu en yttrium est nettement supérieur à celui de la région voisine dépourvue de défauts [45]. La relation entre la ségrégation et le défaut de structure du joint est elle aussi réciproque en ce sens que le défaut attire le soluté mais aussi que le soluté piégé sur la ligne de dislocation modifie la structure de cœur de cette dislocation.
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F IG . 2.49 – Spectres X obtenus par STEM sur un joint de grains d’alumine dopée à l’yttrium : (a) les pics d’yttrium sont associés à la présence de deux dislocations extrinsèques dans le joint de grains ; (b) ces dislocations sont observables par leur intense champ de déformation. (D’après D. Bouchet et al. [45].)
Un exemple de cet effet inverse a été révélé dans les expériences de ségrégation du soufre dans les joints de grains du nickel. Selon sa teneur en soufre, un même joint de grains proche de Σ3 contient des dislocations extrinsèques dissociées ou non. C’est seulement dans le joint le plus pur (voir Tab. 2.I) que des dislocations de vecteur de Burgers a/6 112 ont été observées. Dans tous les autres joints proches ou non de Σ3, les dislocations extrinsèques préservent le vecteur des dislocations parfaites de matrice [44].
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Notons que dans le cas d’une dislocation extrinsèque, l’enrichissement en soluté a deux origines et deux cinétiques : en provenance de la matrice par un mécanisme de diffusion en volume donc relativement lent et en provenance du joint de grains par un mécanisme de diffusion intergranulaire, donc en général plus rapide. Cette différence notoire entre la ségrégation sur une dislocation selon qu’elle se situe en matrice ou au joint de grains prend une grande importance dans les phénomènes de relaxation des contraintes intergranulaires et, plus pratiquement, dans toute propriété mettant en jeu la migration et/ou le glissement intergranulaire.
7.
Ségrégation hors d’équilibre aux joints de grains
Une ségrégation hors d’équilibre, dite encore cinétique, résulte généralement d’une interaction entre les atomes d’un des constituants d’une solution solide avec les lacunes thermiques en excès dans cette solution suite à une trempe ou à une grande vitesse de déformation et/ou avec les défauts interstitiels créés par irradiation. Elle accompagne également la migration des joints de grains qui se produit lors de la restauration et de la recristallisation d’un matériau ou sous l’effet d’un champ électrique. Il y a alors traînage des solutés par les joints en mouvement. Ces phénomènes complexes sont décrits ici sans entrer dans les détails des théories que le lecteur peut trouver dans la littérature [17, 77, 78]. Un phénomène de ségrégation hors d’équilibre est tout d’abord proposé par Aust et al. [79] pour expliquer l’augmentation ou la diminution locale de microdureté à proximité d’un joint de grains selon que celui-ci est enrichi ou appauvri en soluté après trempe. Peu après, Anthony [80] révèle directement et explique ce phénomène en considérant deux types de processus selon qu’il y a couplage ou non entre lacune et soluté. Dans un matériau porté à haute température puis soumis à une trempe, les lacunes en sursaturation dans la matrice migrent vers les puits que constituent les joints de grains pendant la trempe elle-même, si elle n’est pas trop brutale, et/ou pendant un recuit ultérieur. Si une interaction positive forte existe entre les lacunes et les atomes d’un soluté, les deux espèces migrent ensemble vers un joint de grains sous forme de « complexes » (ou paires « solutélacune ») ; il en résulte une accumulation de soluté qui peut s’étendre dans une région de plusieurs micromètres de part et d’autre du joint de grains. Si l’interaction est faible, les flux de lacunes et de soluté peuvent être en direction opposée, ce qui entraîne un appauvrissement en soluté proche du joint de grains. Des processus analogues peuvent se produire lors de l’irradiation mais dans cas, ce sont des complexes « soluté-interstitiel » sous forme d’haltères (dumbbells) qui se forment. Un autre phénomène est possible si les flux des atomes de solutés et des atomes de solvant sont tous deux opposés au flux de lacunes, la région intergranulaire peut être alors appauvrie ou enrichie en soluté selon que le coefficient de diffusion en volume de celui-ci est supérieur ou inférieur à celui du solvant [77]. En raison de sa similitude avec l’effet Kirkendall dans lequel des flux inégaux de solutés
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créent des gradients de concentration en lacunes, ce phénomène est appelé effet Kirkendall inverse. Un processus analogue peut se produire avec des interstitiels. Comme pour la ségrégation d’équilibre, la force motrice pour la ségrégation hors d’équilibre, est la diminution de l’énergie associée au transfert d’atomes du volume vers le joint de grains. Bien que l’énergie du matériau dans un état hors équilibre diffère de celle du même matériau à l’équilibre, cette différence est négligeable devant l’énergie de ségrégation d’un élément. Les deux types de ségrégation diffèrent essentiellement par leur cinétique qui dépend plus de la vitesse de la relaxation de la microstructure (hors équilibre ⇒ équilibre) que de la diffusion du soluté dans la matrice [17]. Il en résulte une très forte augmentation de la diffusivité apparente du soluté laissant présager un arrêt du phénomène (appelé pour cette raison « hors équilibre » ou « cinétique ») dès que l’excès de lacunes en volume a été éliminé. La ségrégation hors équilibre est donc un phénomène transitoire. Les profils de concentration en lacunes ou en complexes « lacune-soluté » dans la région intergranulaire ont été déduits d’études de la cinétique de ségrégation en résolvant la seconde équation de Fick pour des conditions appropriées aux joints de grains. En considérant la diffusion, dans l’étape quasi-stationnaire, des complexes « lacune-soluté », l’équation du phénomène prend la forme [81] : Cx − Cj x = erf Cg − Cj 2 (Dc ∆t)1/2
(2.37)
où Cx , Cj et Cg sont respectivement les concentration en complexes « lacune-soluté » à une distance x du joint de grains, au joint de grains et dans les grains à la température après trempe pendant le temps ∆t. Dc est le coefficient de diffusion en volume du complexe. Cette approche est souvent limitée par l’ignorance des grandeurs relatives à l’énergie et à la diffusion des complexes. Cependant, elle permet de prédire un mouvement inverse du soluté, du joint vers le grain, après un temps critique tc correspondant à l’appauvrissement en complexes du centre du grain qui peut intervenir au cours de la trempe elle-même ou au cours d’un vieillissement ultérieur si la trempe est très rapide. La ségrégation hors équilibre est alors réduite et les conditions de ségrégation d’équilibre sont restaurées au joint de grains. Une méthode plus rigoureuse pour approcher la ségrégation hors équilibre est la résolution numérique simultanée, grâce à l’ordinateur, des équations donnant les variations de concentration de toutes les espèces i impliquées dans le processus [82] : ∂2 Ci ∂Ci = Di 2 (2.38) ∂t ∂x avec i = l (pour lacune), s (pour soluté) et c (pour complexe). . . Cependant cette méthode néglige les effets de microstructure et la relation entre ségrégation et diffusion intergranulaire. Les paires « lacune-soluté » migrent plus rapidement que les atomes de soluté isolés, la concentration de ces derniers n’est donc pas affectée par la ségrégation hors d’équilibre. Les profils de concentration en soluté au voisinage du joint de grains diffèrent selon le type de ségrégation : équilibre, hors équilibre après trempe et hors équilibre après irradiation (Fig. 2.50) [78].
C HAPITRE 2 – S ÉGRÉGATION INTERGRANULAIRE
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F IG . 2.50 – Profils de ségrégation d’un soluté d’un côté d’un joint de grains selon le mode de ségrégation : (a) ségrégation d’équilibre ; (b) ségrégation hors équilibre due à une trempe ; (c) ségrégation hors équilibre due à une irradiation (o/s et u/s signifient que l’atome de soluté est plus gros et plus petit que celui du solvant, respectivement). (D’après R.G. Faulkner [78].)
Les paramètres qui influent les mécanismes de ségrégation après trempe sont : – La température de recuit initial qui détermine le pourcentage de lacunes avant trempe. – La vitesse de refroidissement qui permet à un nombre plus ou moins grand d’atomes d’atteindre la région intergranulaire. – L’énergie d’interaction entre lacune et soluté formant le complexe et l’énergie d’activation de la diffusion de ce complexe. Les résultats portant sur la ségrégation hors équilibre du bore dans un acier austénitique trempé depuis des températures supérieures à 800 ◦ C illustrent bien les influences des deux premiers paramètres (Fig. 2.51) [82]. Plus la température initiale est élevée, plus la concentration de soluté aux joints est grande en raison de la plus grande quantité de lacunes formées et trempées. Ce résultat différencie fortement la ségrégation hors équilibre de la ségrégation d’équilibre au joint qui est plus élevée à basse température. Par ailleurs, un maximum de ségrégation intervient toujours pour une vitesse de trempe qui dépend de la température initiale. Des effets de synergie ont également été découverts entre le bore et le molybdène, analogues à ceux trouvés entre le phosphore et le molybdène ou le phosphore et le bore dans la ségrégation d’équilibre.
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F IG . 2.51 – Évolutions du facteur d’enrichissement β du bore aux joints de grains d’un acier austénitique (taille des grains 150 µm) en fonction de la vitesse de refroidissement v et pour différentes températures de recuit T0 . (D’après L. Karlsson [82].)
Dans le cas où la ségrégation intervient lors d’un recuit postérieur à la trempe, les facteurs sont réduits à l’énergie d’activation de la migration des complexes et à la température du recuit. Ainsi l’accélération de la cinétique d’élimination des lacunes au cours d’un traitement isotherme d’un alliage Fe-40 % Al dopé au bore par rapport à celle de l’alliage non dopé peut s’expliquer par la formation de complexes « bore/lacune » qui migrent plus vite vers les joints de grains que les lacunes seules (Fig. 2.52) [83].
F IG . 2.52 – Cinétiques d’élimination des lacunes au cours d’un recuit isotherme à 380 ◦ C pour trois nuances d’alliages Fe-40Al : alliage non dopé (◦), dopé avec 40 (△) et 100 at ppm de bore (). (D’après A. Frackiewicz et al. [83].)
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La ségrégation hors d’équilibre est aussi caractérisée par une possibilité de « déségrégation » avec le temps résultant de la diffusion « retour » des espèces ségrégées dans leurs positions stables en matrice. C’est ce qui est observé dans le cas de la ségrégation du bore dans le composé intermétallique FeAl (Fig. 2.53). Après une forte teneur intergranulaire en bore due principalement à un mécanisme hors équilibre, la concentration aux joints de cet élément se fixe à une valeur faible correspondant à l’équilibre [83].
F IG . 2.53 – Influence du temps de maintien à 400 ◦ C sur la concentration moyenne en bore aux joints de grains d’un alliage Fe-40 Al dopé avec 200 at ppm de bore. (D’après A. Frackiewicz et al. [83].)
La ségrégation hors d‘équilibre induite par irradiation diffère de celle résultant de traitements thermiques en ce sens que des complexes « interstitiel-soluté » se forment en addition aux complexes « lacune-soluté ». Les approches décrites précédemment peuvent toujours être utilisées, l’amplitude de la ségrégation dépendant des vitesses relatives de diffusion des complexes et des solutés libres dans la matrice. On doit en plus tenir compte de l’accélération de la diffusion sous irradiation et de la forte énergie de liaison « interstitiel-soluté ». En règle générale, les complexes « lacune-soluté » se forment quand aucune différence n’existe entre les atomes des deux éléments. Au contraire, une forte liaison entre interstitiel et soluté s’établit lorsque l’atome de soluté est plus petit que celui de la matrice conduisant à une forte ségrégation induite par irradiation. Lorsque le soluté est plus gros que le solvant, un appauvrissement en soluté au joint de grains intervient sous l’effet de l’irradiation, c’est le cas par exemple du chrome dans un acier austénitique (Fig. 2.54) [84]. Avant irradiation, le chrome est fortement ségrégé dans le même acier soumis à une trempe, des complexes « lacune-chrome » pouvant se former. Pour une espèce et une énergie données des particules incidentes (en particulier neutrons), le niveau stationnaire de ségrégation induite dépend de leur flux (en déplacements par atome – dpa – par seconde) et de la température d’irradiation. À basse température et à fort flux, la sursaturation de défauts est élevée (forte production et une faible mobilité) : les recombinaisons « lacune/interstitiel » limitent le flux de défauts arrivant aux joints et la ségrégation induite est faible. Aux températures élevées et aux faibles flux d’irradiation, la sursaturation de défauts et leur flux vers les joints de grains sont à nouveau faibles. Ce n’est que pour
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F IG . 2.54 – Redistribution des constituants d’un acier austénitique, induite par irradiation par les neutrons dans un réacteur à eau légère au voisinage d’un joint de grains : (a) profils de concentration des constituants pour une dose donnée d’irradiation ; (b) répartition du chrome selon la dose d’irradiation : état initial (), après une forte dose (5 dpa) () et après une dose intermédiaire (1,5 dpa) () d’irradiation. (D’après S. Bruemmer et al. [84].)
des températures et des flux intermédiaires que la ségrégation atteint un niveau élevé : il existe donc une gamme de conditions d’irradiation donnant lieu à ce phénomène. Enfin, pour un flux et une température donnés d’irradiation sous neutrons, la ségrégation induite est d’autant moins importante que les défauts sont produits au sein de cascades plus denses : de nombreuses recombinaisons diminuent le taux effectif de défauts libres, capables de migrer à grande distance et seuls susceptibles d’induire une ségrégation hors équilibre [85]. La ségrégation sous irradiation a été tout d’abord modélisée dans le cas de solutions solides diluées en négligeant l’interaction directe entre solutés. Dans les solutions solides concentrées, l’hypothèse d’atomes de soluté isolés n’est plus réaliste. Un modèle de cinétique chimique configurationnelle, qui tient compte des effets de la chimie de l’alliage sur les propriétés des défauts ponctuels, sur la diffusion et sur la ségrégation d’équilibre aux joints de grains, est décrit dans les deux articles joints [85]. Il implique un nombre élevé de paramètres (énergies d’interaction de paire, fréquences d’attaque et énergies de liaison des cols) ajustés sur des propriétés d’équilibre et sur des données expérimentales de diffusion. Ce modèle rend bien compte de l’effet des interstitiels sur la ségrégation induite par irradiation dans les alliages Fe-Cr-Ni : ceux-ci accentuent l’appauvrissement en chrome et l’enrichissement en nickel au niveau des joints de grains, en bon accord avec les expériences. Une ségrégation hors d’équilibre peut aussi résulter d’une déformation à grande vitesse, lorsque des excès en lacunes sont générés par le mouvement non conservatif des crans sur les dislocations vis à basse température ou sur les crans thermiques à haute température.
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Une ségrégation hors équilibre se produit dans pratiquement tous les systèmes et il est parfois difficile de distinguer entre la quantité de soluté aux joints résultant d’un mécanisme d’équilibre et celle provenant d’un mécanisme hors équilibre. La ségrégation induisant une fragilisation ou un renforcement de la cohésion d’un joint de grains selon les paramètres géométriques de ce joint, la maîtrise de la résistance des joints à la rupture passe par la maîtrise de la ségrégation. On peut aussi jouer sur la compétition entre éléments ségrégeants pour favoriser la ségrégation d’un élément consolidant au détriment de celle d’éléments fragilisants. On entre alors dans le domaine de « l’ingénierie des joints de grains ». Qu’elle soit d’équilibre ou hors équilibre, la ségrégation intergranulaire constitue souvent un stade préliminaire à la précipitation. Il est parfois difficile de préciser la transition entre les deux phénomènes comme c’est le cas lorsqu’un film bidimensionnel de structure et de composition identiques à celles du composé à trois dimensions se forme dans l’interface. La précipitation affecte fortement les comportements des joints de grains, soit d’une manière complémentaire à la ségrégation, soit d’une manière opposée, comme c’est le cas en matrice pour la stabilisation des dislocations. Une approche de la précipitation intergranulaire est dont un préalable à la compréhension des propriétés des joints de grains et fait l’objet du chapitre suivant.
3
Précipitation intergranulaire
Plusieurs raisons fondamentales expliquent que la précipitation aux joints de grains se produit préférentiellement par rapport à la précipitation au sein des cristaux : – Une première raison thermodynamique est la diminution de la barrière d’activation de la germination hétérogène par rapport à celle de germination homogène. La germination à un joint de grains est spécialement favorisée lorsque la force motrice d’origine chimique est faible et que, simultanément, le rapport entre l’énergie du joint de grains et l’énergie interfaciale germe/matrice est grand. – Un coefficient de diffusion intergranulaire bien supérieur au coefficient de diffusion en volume qui permet aux atomes de solutés ségrégés de migrer rapidement vers tout germe critique de seconde phase dans un joint de grains. – Une forte ségrégation intergranulaire entraîne une saturation du joint en atomes de solutés et conduit à la formation de précipités. C’est le cas, par exemple, des précipités intergranulaires de grenats (YAG) dans un polycristal d’alumine dopée à l’yttrium (Fig. 2.55) [86]. La croissance des grains entraîne une redistribution de l’yttrium ségrégé aux joints de grains dont la teneur moyenne en yttrium augmente jusqu’à saturation, des particules de YAG se forment alors aux joints de grains. La taille critique des grains pour laquelle cette transition se produit diminue avec la teneur globale en yttrium dans l’alumine. En dehors de ces conditions qui concernent un joint de grains dans son ensemble, une précipitation locale peut apparaître sur les défauts du joint, dislocations et marches. Dans le cas d’une dislocation extrinsèque, la force motrice est d’origine élastique, la précipitation s’apparente totalement à celle se produisant sur une dislocation de matrice. Il n’est pas question dans ce livre de traiter de la précipitation intergranulaire de manière exhaustive, mais de donner quelques éclairages sur un phénomène qui, en modifiant localement la structure et la chimie des joints de grains, affecte notoirement les réponses des polycristaux à diverses sollicitations. C’est en particulier le cas pour la recristallisation et la déformation plastique des matériaux
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F IG . 2.55 – Évolution de la concentration d’yttrium aux joints de grains d’une alumine polycristalline lorsque la taille des grains augmente, donc que le volume occupé par les régions intergranulaires diminue. La saturation en yttrium correspond à l’apparition de précipités de grenats aux joints de grains, d’autant plus rapide que le taux de dopage en ytrrium est élevé. (D’après P. Gruffel et P. Carry [86].)
mettant en jeu la migration des joints de grains, en général freinée par la présence de précipités intergranulaires. C’est aussi le cas pour la corrosion, les particules de seconde phase ou les régions voisines appauvries en solutés constituant des piles électrochimiques locales. Par ailleurs, l’analyse de la morphologie et de la distribution des précipités à un joint de grains peut apporter des renseignements sur le plan, l’énergie, et les défauts de ce joint.
1.
Aspect énergétique
La formation d’un germe de seconde phase sur un joint de grains d’un polycristal d’une phase mère est favorisée énergétiquement par rapport à sa formation au sein d’un des cristaux : c’est le phénomène de germination hétérogène. La variation totale d’enthalpie libre ∆G qui accompagne l’apparition d’un germe de seconde phase s’écrit alors : ∆G = V ∆GV + Σ Aα/β γα/β − Aα/α γα/α
(2.39)
∆GV est la variation, par unité de volume, de l’enthalpie libre de volume (terme chimique éventuellement accompagné d’un terme de contrainte volumique, dû par exemple à des contraintes de cohérence). Aα/β est l’aire occupée par chacune des interfaces α/β et γα/β l’énergie de ces interfaces par unité de surface. Aα/α γα/α = ∆GD , est l’énergie gagnée par relaxation du défaut que constitue la
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231
partie du joint de grains sur laquelle s’effectue la germination. Le premier et le troisième termes sont négatifs donc favorables à la germination, le second terme est positif puisqu’il correspond à la création de surfaces, il s’oppose au changement de phase. La germination a lieu lorsque le terme ∆GT diminue avec l’augmentation de taille du germe. Considérons tout d’abord un germe de phase β dont l’énergie interfaciale est relativement élevée et indépendante de l’orientation de l’interface dans la matrice α. Un tel précipité est incohérent avec la matrice, sa forme d’équilibre dite « allotriomorphe » est constituée de deux calottes sphériques symétriques l’une de l’autre par rapport au plan du joint de grains (Fig. 2.56). Les termes traduisant la forme du germe dans l’expression (2.39), volume V , aire de l’interface Aα/β et aire du joint de grains Aα/α maintenant occupée par le germe, dépendent du rayon r et de l’angle ϕ de contact entre la surface du germe et celle du joint de grains.
F IG . 2.56 – Particule totalement incohérente, de forme allotriomorphe, à un joint de grains.
On montre que la variation d’enthalpie libre ∆Ghet accompagnant la germination hétérogène à un joint de grains est une fraction de ∆Ghom qui dépend uniquement de ϕ : (2.40) ∆Ghet = S(ϕ)∆Ghom avec S(ϕ) = 1/2(2 + cos ϕ)(1 − cos ϕ)2
(2.41)
∆Ghom = 4/3πr 3 ∆GV + 4πr 2 γα/β
(2.42)
et En dessous d’un rayon de courbure critique, le germe n’est pas stable, il s’agit alors d’un amas d’atomes de solutés qui se forme et se dissout dans la matrice sous l’effet de l’agitation thermique. En effet, dans l’expression (2.42), le terme positif de surface l’emporte pour les faibles valeurs de r, ∆G est positif et croît jusqu’à une valeur correspondant à r ∗ puis diminue (Fig. 2.57). En différenciant cette équation par rapport à r , on obtient le rayon de courbure critique r ∗ et la valeur ∗ correspondante de la barrière d’énergie ∆Ghom à vaincre pour former un germe stable de phase β : 2γα/β (2.43) r∗ = − ∆GV
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La valeur de r ∗ pour la germination hétérogène et évidemment la même, mais la ∗ valeur de la barrière de germination ∆Ghet diffère selon la valeur de l’angle ϕ, plus ou moins inférieure à celle de germination homogène (Fig. 2.57). Par exemple, si ∗ ∼ ∗ ∗ ∼ ∗ et si ϕ = 10◦ , ∆Ghet . Lorsque ϕ = 90◦ , ϕ = 45◦ , ∆Ghet = 0,1∆Ghom = 3.10−4 ∆Ghom les deux calottes sphériques dans les cristaux forment une sphère et il n’y a aucun gain d’énergie.
F IG . 2.57 – Variation schématique de l’enthapie libre totale en fonction du rayon de courbure de la sphère ou de la calotte sphérique montrant que la barrière de germination hétérogène est bien inférieure à celle de germination homogène pour une même valeur du rayon critique du germe.
Nous avons jusqu’ici fait l’hypothèse que le germe était incohérent avec la matrice et donc de forme « allotriomorphe ». En réalité la morphologie d’un germe β se formant à un joint de grains αI /αII dépend de plusieurs paramètres : – L’énergie du joint de grains qui résulte de sa structure à l’échelle atomique. – L’énergie de chacune des interfaces α/β qui dépend de l’existence ou non de relations privilégiées d’habitat entre la phase qui se forme et la phase mère, par exemple plans et directions denses parallèles pouvant conduire à une cohérence des réseaux. – L’orientation du plan du joint dans l’un et l’autre des cristaux α, selon que ce plan est parallèle ou quasi parallèle à un plan dense du germe β ou qu’il prend une orientation relative quelconque. – La présence de dislocations extrinsèques dont les champs de contraintes à grande distance peuvent attirer fortement les atomes de solutés. Il en résulte généralement une distribution non homogène des précipités intergranulaires d’un joint de grains à l’autre et le long d’un même joint de grains.
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Parmi les paramètres cités précédemment, seule l’énergie d’un joint de grains a été traitée précédemment dans l’ouvrage (partie 1, Chap. 5). Avant d’aborder la question de la morphologie des germes de seconde phase à un joint de grains, il est donc nécessaire de s’intéresser aux deux paramètres suivants. Ceci conduit à rappeler brièvement la classification des interfaces qui peuvent apparaître entre deux phases cristallines, classification fondée sur la notion de cohérence. Le rôle des défauts extrinsèques sera abordé ultérieurement.
2.
Différents types d’interfaces et de précipités
Trois types d’interfaces interphases sont généralement considérés : cohérent ou commensurable, semi-cohérent (ou discommensurate selon la terminologie anglosaxonne) et incohérent ou incommensurable.
2.1.
Interface cohérente
Une interface est parfaitement cohérente quand les deux cristaux s’accordent à l’interface plane de telle manière que leurs réseaux soient continus au travers de l’interface (Fig. 2.58). Quelles que soient les espèces chimiques, le plan de l’interface a la même configuration atomique dans les deux phases, ce qui requiert une orientation relative préférentielle des deux cristaux.
F IG . 2.58 – Schémas d’interfaces parfaitement cohérentes : (a) les espèces chimiques dans les deux cristaux diffèrent mais les structures ont identiques ; (b) les réseaux des deux phases diffèrent.
Le plus souvent, le plan de l’interface est un plan dense dans chacun des cristaux et les directions denses sont parallèles entre elles. Les distances entre
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atomes le long des rangées denses dans l’interface, soit dα et dβ , sont égales ou sensiblement égales. Si elles sont strictement égales, l’énergie interfaciale ne dépend que de la différence des espèces chimiques de part et d’autre de l’interface, alors γcohérent = γchimique . L’énergie d’une interface parfaitement cohérente est très faible, de l’ordre de quelques mJ.m−2 . Si les distances entre atomes dans les deux phases diffèrent quelque peu, la cohérence peut être maintenue grâce à des distorsions au voisinage de l’interface donnant lieu à des contraintes dites « de cohérence » (Fig. 2.59). Ces contraintes introduisent un terme en volume ∆GC qu’il faut introduire dans le bilan énergétique donné par la relation (2.39) :
∆GV = V ∆Gchimique + ∆GC (2.44) L’énergie d’une interface cohérente augmente alors jusqu’à des valeurs de l’ordre de 200 mJ.m−2 .
F IG . 2.59 – Schéma d’une interface cohérente entre deux cristaux présentant un léger désaccord des distances atomiques dans le plan de l’interface, ce qui entraîne le développement de contraintes élastiques de cohérence dans les deux phases.
Par rapport à la classification des joints de grains, on peut faire une analogie entre une interface parfaitement cohérente et un joint de grains parfaitement coïncident, dans la mesure où, aucune dislocation de désaccord, dans un cas, et aucune dislocation secondaire, dans l’autre cas, n’est présente. Cependant cette analogie se heurte à la question de l’énergie qui n’est pas faible pour tout joint coïncident. Les relations privilégiées qui s’établissent entre deux phases s’apparentent aux relations de coïncidence pouvant conduire à des joints favorisés mais, dans les deux cas, c’est le plan du joint qui décide de l’énergie.
2.2.
Interface semi-cohérente
Lorsque le désaccord entre les distances atomiques de part et d’autre de l’interface augmente, les contraintes qu’il engendre dépassent la limite élastique des cristaux, des dislocations périodiques dites « de désaccord » (misfit en anglais) apparaissent
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F IG . 2.60 – Schéma d’une interface semi-cohérente. Le désaccord parallèle à l’interface est accommodé par un arrangement périodique de dislocations coin.
alors dans l’interface (Fig. 2.60). Le désaccord est périodiquement compensé par ces dislocations analogues aux dislocations d’anticohérence (ou intrinsèques) des joints de grains. Le désaccord δ est donné par :
2 dβ − dα
(2.45) δ= dβ + dα
où d est la distance entre atomes sur les rangées « coïncidentes » dans l’interface (attention à ne pas confondre avec la distance interplanaire), α est la phase d’origine et β la nouvelle phase. Si δ est très petit, la distance entre dislocations est donnée par : |b| (2.46) D∼ = |δ| avec |b|, le vecteur de Burgers des dislocations interfaciales. L’accord dans l’interface est bon sauf autour des cœurs des dislocations, l’énergie de ce type d’interface s’écrit : γsemi-cohérent = γchimique + γcontrainte
(2.47)
avec le terme γcontrainte égal à l’énergie élastique des dislocations présentes par unité d’aire de l’interface. Pour des faibles valeurs de δ, l’énergie liée aux dislocations est sensiblement proportionnelle à leur densité c’est-à-dire à l’inverse de leur distance et donc proportionnelle au désaccord δ. Les interfaces semi-cohérentes sont équivalentes aux joints de grains vicinaux, leurs énergies se situent entre 200 mJ.m−2 et 500 mJ.m−2 environ. Comme dans le cas des joints de grains, l’accommodation des réseaux à l’interface peut également avoir lieu par la formation de marches pures ou de marches « structurales » ayant un caractère dislocation dites « déconnections ».
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Lorsque le désaccord augmente, la distance entre dislocations diminue. Audelà d’une certaine valeur de δ, en général ±0,25, les cœurs des dislocations interfaciales se chevauchent, il est alors difficile de distinguer les régions en bon accord de celles en désaccord dans l’interface qui devient incohérente.
2.3.
Interface incohérente
Une interface incohérente résulte généralement d’une orientation relative quelconque des deux cristaux (Fig. 2.61). Mais elle peut aussi apparaître entre deux cristaux présentant une relation d’orientation privilégiée si le plan de l’interface est quelconque (analogie avec les joints de grains où, pour une même coïncidence, le plan peut être symétrique ou asymétrique, constitué de plans denses des cristaux ou de plans quelconques).
F IG . 2.61 – Schéma d’une interface incohérente.
Les énergies des interfaces incohérentes varient entre 500 et 1000 mJ.m−2 et sont relativement insensibles à des variations de l’orientation du plan de l’interface. Une interface incohérente peut aussi être considérée comme celle où l’espacement entre les dislocations de désaccord est comparable à la largeur de leurs cœurs. Pour les deux raisons précédentes, une analogie étroite peut être faite entre les interfaces incohérentes et les joints de grains généraux.
2.4.
Les différents types de précipités
Selon les types d’interfaces qui entourent un précipité, on distingue trois types de précipités : – Les précipités totalement cohérents, dont toutes les interfaces sont cohérentes, ne peuvent exister généralement que dans les tout premiers stades de la
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237
précipitation, quand aucun changement de structure n’intervient. S’ils résultent d’une germination homogène, ces précipités ont une forme sphérique. – Les précipités partiellement cohérents présentent certaines interfaces cohérentes ou semi-cohérentes et d’autres incohérentes. Le plus souvent, une seule famille de plans dans le cristal β peut avoir la même configuration atomique qu’un plan dans le cristal α, il n’existe alors qu’une seule orientation de l’interface possédant une faible énergie relative. Cette interface plane confère à un précipité une forme dite « à facettes ». La prévision du nombre et de l’orientation des facettes des germes interganulaires sera discutée peu après. – Les précipités incohérents ont toutes leurs interfaces incohérentes. L’énergie interfaciale élevée et quasi identique de toutes les interfaces devrait conférer à ces précipités une forme sphérique en matrice et une forme d’allotriomorphe aux joints de grains. Cependant, ils prennent souvent un aspect polyédrique, car des différences d’énergie non liées au degré de cohérence peuvent intervenir, comme, par exemple, la présence de solutés qui généralement diminue l’énergie interfaciale.
3.
Condition d’équilibre d’un germe à un joint de grains
Si on reprend le germe de forme allotriomorphe (Fig. 2.56), l’équilibre des tensions ou énergies interfaciales (partie 1, Chap. 5) au point triple A nécessite que soit remplie la condition suivante : cos ϕ =
γα/α 2γα/β
(2.48)
La tendance au dépôt du germe β sur le support que constitue le joint de grains α/α est d’autant plus forte que ϕ tend vers 0 et donc que cos ϕ aussi appelé coefficient de mouillage m, tend vers 1. L’efficacité d’un joint de grains comme site de germination hétérogène dépend donc des valeurs relatives de son énergie et de celles des interfaces susceptibles de se former entre la seconde phase et la phase mère. Pour que la condition d’équilibre (2.48) soit remplie à un joint de grains d’énergie élevée, la germination d’un précipité incohérent de forme allotriomorphe est favorisée. Un cas particulier est constitué par les précipités intergranulaires d’une phase amorphe qui adoptent cette forme quelle que soit l’énergie du joint sur lequel ils apparaissent. Leurs dimensions relatives dépendent de l’angle de mouillage et permettent de remonter à l’énergie du joint de grains, selon : a − b γα/α = a+b γα/β
(2.49)
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F IG . 2.62 – Observation en microscopie électronique en transmission de précipités de SiO2 à deux joints de grains du cuivre : (a) Σ11 {311} et (b) Σ9 {122} (au centre, forme du précipité).
avec a et b les demi-axes de l’ellipse que forme l’image projetée du précipité (Fig. 2.62). Cette relation a été exploitée pour déterminer les énergies relatives de différents joints de grains de cuivre sur lesquels des précipités de silice SiO2 amorphe se sont formés (Fig. 2.62). Les énergies relatives obtenues avec cette méthode sont en bon accord avec d’une part les énergies calculées et d’autre part celles déduites d’autres expériences. Selon la relation d’équilibre (2.48), un précipité cohérent ou partiellement cohérent doit se former préférentiellement sur un joint de grains d’énergie relativement faible. Les interfaces cohérentes ou semi-cohérentes sont planes et confèrent au précipité une forme avec facettes. Plusieurs formes sont envisageables et observées selon le plan du joint de grains. Dans le cas le plus favorable, le plan du joint de faible énergie est un plan dense d’habitat entre précipité et matrice dans les deux cristaux, alors le germe de seconde phase s’étale comme un film des deux côtés du joint de grains (Fig. 2.63). Cette situation intervient entre une phase CC et une phase CFC, pour un joint de grains symétrique de plan {110} si la phase mère est CC et pour un joint de grains de plan {111} si elle est CFC, pourvu que les distances interatomiques soient voisines. Si le joint est asymétrique, avec un plan {110}CC ou {111}CFC dans un cristal seulement, l’énergie du joint est plus élevée, un film de précipité avec une interface cohérente peut cependant s’étendre parallèlement au plan dense d’un seul côté du joint de grains.
F IG . 2.63 – Un précipité prend la forme d’un film mince étalé le long d’un joint de grains symétrique dont le plan est le plan d’habitat du précipité avec la matrice.
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En dehors de ces deux situations extrêmes, un grand nombre de morphologies de précipités peuvent exister à un joint de grains selon les énergies relatives des différentes interfaces α/β et du joint de grains α/α ainsi que de l’orientation de la facette de faible énergie par rapport au plan du joint. Ces formes peuvent être déduites graphiquement sur la base de la construction de Wulff.
4. 4.1.
Construction de Wulff généralisée et diverses formes de germes aux joints de grains Principe de la construction de Wulff généralisée
De la même manière qu’on peut dériver la forme d’équilibre d’un germe se formant dans un milieu homogène en utilisant la construction de Wulff (partie 1, Chap. 5, Sect. 2.2), on peut déterminer la forme d’équilibre d’un germe, avec ou sans facette, situé à un joint de grains, en minimisant l’énergie libre totale interfaciale par rapport à un paramètre pertinent, tel l’angle de contact. Les calculs, entrepris à deux et trois dimensions, reposent tous sur la même hypothèse : l’énergie de déformation résultant des désaccords en surface et/ou en volume entre le germe et la matrice peut être négligée. Cette hypothèse est totalement vérifiée lorsque le germe a la forme d’un ellipsoïde et que les constantes élastiques des deux phases sont identiques (dans l’approximation élastique), l’énergie de déformation est alors indépendante de la morphologie. Même en cas d’anisotropie, pourvu que le désaccord soit petit, l’hypothèse précédente constitue une première approximation valable. Nous ne présentons pas ici les développements mathématiques qui permettent d’atteindre les formes des germes. Nous nous attachons à montrer comment, à l’aide d’une construction de Wulff généralisée, on peut prédire graphiquement les formes des germes intergranulaires. Cette construction de Wulff généralisée a été proposée à un an près par deux groupes d’auteurs, indépendamment les uns des autres [87, 88]. La première formulation de Cahn et Hoffmann introduit le vecteur capillarité ξ tel que ξ n = γ (n est le vecteur unitaire sur la normale au plan d’énergie γ) avec ξ .dn = dγ et n.dξξ = 0. La composante de ξ normale à une surface est égale à la tension (ou énergie) interfaciale de cette surface. La connaissance de cette approche fondée sur le concept de capillarité, bien que très utile, n’est pas absolument nécessaire pour comprendre le principe de la construction de Wulff généralisée que nous avons fait choix d’introduire en suivant l’approche de Lee et Aaronson [88]. Le principe consiste à tracer les constructions de Wulff donnant les formes des germes de phase β dans l’un et l’autre cristal de part et d’autre du joint de grains α/α. Les diagrammes polaires d’énergie (γ-plot) de centre OI et OII (pour les cristaux I et II respectivement), sont ensuite placés à une distance OI OII proportionnelle à l’énergie du joint de grains αI /αII (que nous noterons simplement α/α) dans une direction perpendiculaire au plan du joint de grains. La région de superposition des deux constructions de Wulff donne le forme d’équilibre du germe. La courbe polaire de centre OII a été appelée courbe polaire auxiliaire dans le
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sens où elle est ajoutée à la construction de Wulff normale pour trouver la forme du germe dans un cristal I couplé à un autre cristal II par un joint de grains. Mais on peut tout aussi bien considérer la courbe OI comme la courbe auxiliaire pour le cristal II. C’est pourquoi, dans ce qui suit, nous nous référons simplement aux courbes polaires de centre OI et OII .
4.2. 4.2.1.
Formes d’équilibre des germes à deux dimensions Germe sans facette
Ce cas le plus simple est illustré sur la figure 2.64. Les interfaces du germe, dans un cristal et dans l’autre, sont incohérentes. La construction de Wulff pour chaque cristal est donc réduite à un cercle de rayon proportionnel à γα/β incohérent (pour éviter une trop grande complexité dans les notations, on convient d’écrire γα/β inc pour γα/β ). L’intersection des deux cercles de Wulff définit bien un germe de forme allotriomorphe. L’existence d’un tel germe impose que les deux cercles se coupent (γα/α < 2γα/β ), alors cos ϕ < 1 et la condition d’équilibre (2.48) peut être réalisée. Notons que si γα/α ≥ 2γα/β , un mouillage complet du joint de grains intervient.
F IG . 2.64 – Construction de Wulff pour un germe allotriomorphe se formant à un joint de grains. La forme du germe est délimitée par un trait doublé de hachures (voir texte).
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Le plan du joint se localise à mi-distance entre OI et OII puisque les deux calottes sphériques sont symétriques l’une de l’autre par rapport au plan du joint. Il n’en est pas ainsi lorsqu’un germe à facettes est susceptible de se former, un problème essentiel de la construction de Wulff généralisée est alors de situer la ligne horizontale correspondant à la position du plan du joint de grains.
4.2.2.
Germe avec une facette dans un seul cristal
On considère que la facette se forme uniquement dans la partie du germe située dans le cristal I de la phase α. La forme dans le cristal II est un semi-allotriomorphe. Le germe de seconde phase est alors généralement monocristallin. Soit φ l’angle entre la facette et le plan du joint de grains (attention, le symbole φ est à bien distinguer de ϕ, angle entre la calotte sphérique et le plan de joint). Deux cas sont à distinguer selon que la valeur de l’énergie de la facette cohérente ou semi cohérente C est supérieure ou inférieure à 1/2γα/α . que nous dénoterons γα/β C – Cas où γα/β > 1/2γα/α
Il existe alors une gamme d’orientations φ telle que l’interface α/β ne coupe pas le plan du joint (l’intersection est à l’extérieur de la construction de Wulff généralisée). Au-delà d’un angle critique φ ≥ φC , la facette coupe le plan du joint. Notons C augmente fortement au-delà de 1/2γα/α , un autre angle que lorsque valeur de γα/β limite φext apparaît au-dessus duquel la facette se situe totalement à l’extérieur de la courbe polaire de centre OII , le germe prend alors la forme d’une calotte sphérique dans chaque cristal. Si φ < φC , la construction est simple puisque la facette ne touche pas le joint de grains (Fig. 2.65). Les angles de contact des interfaces avec le plan du joint sont tous égaux à ϕ et les conditions d’équilibre aux points triples A et C sont indépendantes de φ. Le plan du joint est toujours à mi-distance des centres des cercles C avec son orientation de Wulff. Il suffit de reporter le vecteur correspondant à γα/β et son intensité pour situer le point de rebroussement dans le diagramme polaire OI . Il existe un second point de rebroussement diamétralement opposé dans le diagramme polaire OI qui n’intervient pas ici sur la géométrie du germe intergranulaire. Lorsque φC ≤ φ ≤ φext , la facette aisément reportée dans la construction de Wulff C et l’angle OII OI H = φ) coupe le plan du joint. Le problème est alors de (OH = γα/β placer ce plan dans la construction de Wulff sachant qu’on a toujours (Fig. 2.66) : γα/α = OI OII = OI D + DOII = γα/β cos ϕI + γα/β cos ϕII
(2.50)
Une relation supplémentaire établie par Lee et Aaronson indique que, pour des raisons de continuité, la distance AC entre les jonctions germe/joint dans le cristal I doit être égale à la distance A′ C′ entre ces mêmes jonctions dans le cristal II [88]. Une telle condition requiert que CC′ = C′ P (= AA′ par construction). La seule manière de déterminer où se situe le point C’ est de construire une courbe équidistante de la facette BQ et de l’arc de cercle BPQ (en tirets sur la Fig. 2.66).
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F IG . 2.65 – Construction de Wulff pour un germe intergranulaire avec une facette pour C φ < φC et γα/β > 1/2γα/α ; φ est l’angle entre BC et AA′ . Le segment OH est proportionnel à l’énergie de la facette BC.
Le point C’est à l’intersection de cette facette avec le cercle de centre OII . La forme d’équilibre dans le cristal I est donnée par ABC, celle dans le cristal II par A′ TC′ . C – Cas où γα/β ≤ 1/2 γα/α
L’analyse précédente peut s’appliquer pour toute valeur de φ > 0. Même dans le cas extrême où φ tend vers 0, la facette étant confondue avec le plan du joint, C /γα/β , et si l’on substitue cette valeur dans l’équation on montre que cos ϕI = γα/β d’équilibre (2.50), on obtient : C γα/α − γα/β = γα/β cos ϕII
(2.51)
Cette relation est équivalente à la condition d’équilibre d’un germe liquide sur un substrat S : γα/s − γβ/s = γα/β cos ϕ avec ici le plan du joint équivalent au substrat.
4.2.3.
Germe avec deux facettes dans un seul cristal
Lorsque φ augmente, la facette opposée B′ Q′ dans le diagramme de Wulff du crisc /γα/β soit tal I rencontre également le joint de grains pourvu que le rapport γα/β
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F IG . 2.66 – Construction de Wulff pour un germe à une facette lorsque φ > φC et que C γα/β > 1/2γα/α (voir texte).
suffisamment petit. La forme d’équilibre du germe est donnée sur la figure 2.67. L’angle dièdre ϕII pour la partie du germe dans le cristal II est fixé par les conditions d’équilibre, il est donc possible de situer le plan du joint AC. Quant aux deux c facettes BQ et B′ Q′ , elles sont à des distantes du centre OI égales γα/β et forment un angle φ avec l’horizontale passant par OI (parallèle au plan du joint).
4.2.4.
Germe avec facettes dans les deux cristaux
La forme du germe de seconde phase dans l’un et l’autre cristal de la phase initiale se déduit de la même manière que précédemment. L’existence de facettes des deux côtés du joint de grains α/α implique que les relations d’orientation entre les phases α et β doivent être réalisées de part et d’autre, ce qui entraîne
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F IG . 2.67 – Construction de Wulff pour un germe de phase β à un joint de grains présentant deux facettes dans un des cristaux de phase α (voir texte).
généralement la formation de bicristaux de phase β. L’étude d’inclusions de plomb aux joints de macles du silicium illustre bien la formation de germe bicristallin ayant une morphologie composée d’octaèdres tronqués (Fig. 2.68) [89].
4.3.
Influence du plan du joint sur la forme des germes intergranulaires
L’orientation du plan du joint du grains est implicitement considérée dans la construction de Wulff, elle impose la valeur de l’angle φ que forme ce plan avec le plan habituel d’accolement entre précipité et matrice. Dans le cas extrême où l’angle φ est nul dans les deux cristaux, le germe forme un film mince des deux côtés du joint de grains (Fig. 2.63). Dans le cas où φ = 0 dans un seul des cristaux, l’équilibre répond à l’équation (2.51), le précipité forme un film mince le long du joint dans ce cristal. La forme du germe dans l’autre cristal dépend de l’orientation du plan de ce côté du joint par rapport au plan d’habitat. Selon la valeur de φ, le germe prend un forme globale semi-allotriomorphe avec ou sans facettes. L’exemple qui suit concerne un précipité d’austénite sur un joint de grains entre deux cristaux ferritiques (Fig. 2.69) [90]. La croissance du cristal a entraîné une évolution de la forme initiale du germe, cependant la section observée par microscopie électronique en transmission illustre assez bien la morphologie prédite
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F IG . 2.68 – (a) Présence d’inclusions de plomb à des joints de macle du silicium, chaque morphologie correspond à la coupe par le plan du joint des inclusions octaédriques caractéristiques des cristaux. (b) Quelques formes prises par les inclusions en supposant que les octaèdres ont la même taille dans l’un et l’autre cristal ; le schéma montre bien que chaque inclusion est bicristalline et préserve une relation de macle entre ses deux régions, de part et d’autre du joint initial. (D’après S. Hagège [89].)
F IG . 2.69 – Précipités d’austénite sur un joint de grains de ferrite. La forme semiallotriomorphe avec une facette EF inclinée d’environ 18/19◦ sur le plan du joint s’explique par la position de ce dernier qui est voisin de {110} dans le cristal C et voisin de {210} dans le cristal A (voir texte). (D’après N. Benfetima et L. Priester [90].)
par la construction géométrique de Wulff. Le plan du joint est à 5◦ d’un plan dense {110} de la ferrite dans le cristal C, il est voisin de {210} dans le cristal A. Le précipité s’est développé dans le cristal A où il présente une facette EF qui ne coupe pas le plan du joint. L’angle φ étant compris entre 16 et 19◦ , le plan de la facette est tel que {110}ferrite {211}austénite , en accord avec les relations de Kurdjumov-Sachs.
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4.4.
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Forme d’équilibre des germes intergranulaires à trois dimensions
Les calculs et constructions graphiques utilisés pour déterminer les formes des germes à deux dimensions restent à la base de la recherche des formes d’équilibre de germes tridimensionnels présentant une facette. Le joint peut rester plan ou « se plisser » afin que l’angle de jonction avec le germe soit plus proche de sa valeur d’équilibre. La figure 2.70 donne un exemple de construction d’un germe tridimensionnel : la forme du germe dans le cristal I est une calotte sphérique à facette déterminée à l’aide d’une construction de Wulff, la forme du germe dans le cristal II, sans facette, est obtenue par le calcul [88].
F IG . 2.70 – Formes d’équilibre pour les deux parties d’un germe tridimensionnel (γα/α = C 1,07γα/β et γα/β = 0,3γα/β ) avec une facette en contact avec le joint de grains dans le cristal I (φ = 15◦ ) : (a) forme du germe dans le cristal I déduite de la construction de Wulff ; (b) forme calculée du germe dans le cristal II. L’intersection de la facette avec le joint est indiqué par une flèche. (D’après J.K. Lee et H.I. Aaronson [88]).
Le calcul de l’énergie libre d’activation ∆G ∗ pour la germination montre que la mécanisme du joint plan est favorisé lorsque l’angle φ entre la facette et le joint est supérieur à 18◦ + φC alors que le plissement intervient pour des valeurs plus faibles de φ. L’énergie ∆G ∗ augmente rapidement avec φ, surtout lorsque l’énergie relative de la facette est faible. La formation d’une facette sur un joint général devrait donc normalement se produire avec une préférence marquée selon une direction parallèle à l’un seulement des plans d’habitat équivalents.
4.5.
Phénomène de « plissage » du joint de grains
L’équation d’équilibre au point triple de Young ne prend pas en compte les composantes des tensions perpendiculaires au plan du joint de grains. Cette restriction n’a aucune conséquence pour un germe allotriomorphe ou un germe avec une facette qui ne coupe pas le plan du joint car ces composantes s’annulent. En revanche, dans les cas d’un germe présentant une ou deux facettes coupant le plan de joint, l’équilibre aux jonctions entre les interfaces interphases et le joint de grains demande de réexaminer les constructions de Wulff antérieures. Dans le cas d’une facette (Fig. 2.66), au point A (A′ ) ϕI = ϕII , une balance des forces existe seulement dans la direction parallèle au plan du joint de grains tandis qu’au
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point C (C′ ) aucune balance n’existe ni parallèlement ni perpendiculairement à ce plan. Pour réaliser cette balance, le joint doit se « plisser » : un côté du joint monte ou descend relativement par rapport à l’autre côté. Par exemple, la partie du joint attenante à la jonction C se déplace vers le bas par rapport à l’autre partie proche de la jonction A (Fig. 2.71). Une condition supplémentaire doit être remplie pour que le joint préserve une courbure moyenne nulle, c’est-à-dire que le potentiel chimique reste constant le long d’un même joint : le joint « plissé » doit maintenir son orientation initiale aux jonctions avec le germe.
F IG . 2.71 – Construction de Wulff analogue à celle de la figure 2.66 modifiée pour tenir compte du phénomène de « plissage » du joint (voir texte).
Mais la réalité est plus complexe, pour un germe à trois dimensions, les jonctions triples sont des lignes et c’est un plan qui doit préserver une courbure nulle. Généralement, aucune solution exacte ne peut être trouvée pour remplir la condition de courbure moyenne nulle. La meilleure approximation conduit à décrire le joint plissé par une forme caténoïde dont nous ne donnons ici que la représentation d’une section (Fig. 2.72a) [88]. La position originelle du joint est représentée par des tirets tandis qu’une section à 90◦ du plan du joint est tracée en trait plein. Ce phénomène de plissage au voisinage d’un précipité intergranulaire et la forme que prend alors le joint sont en effet observés en microscopie électronique en transmission lorsque le plan du joint est positionné parallèlement au faisceau d’électrons (Fig. 2.72b) [90].
5.
Croissance des précipités intergranulaires
Un précipité, observé à l’échelle de la microscopie optique a rarement la forme originelle de son germe. D’une part, la croissance entraîne la perte de cohérence
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F IG . 2.72 – (a) Section perpendiculaire au plan du joint montrant son plissage aux jonctions avec un germe intergranulaire et la forme de caténoïde (cycloïde parabolique) qu’il adopte C = 0,3 γα/β ; (b) Précipités d’austénite (notés 2 localement : φ = 10◦ , γα/α = 1 ; 07γα/β et γα/β et 3) sur un joint de grains de ferrite. À l’aplomb du précipité 3, le joint semble présenter (repère A) un phénomène de plissage. (D’après N. Bentefima et L. Priester [90].)
de certaines interfaces et, d’autre part, des interactions avec des obstacles (dislocations, solutés, autres précipités) modifient cette forme. Seule la microscopie électronique en transmission à haute résolution peut permettre de visualiser la forme des germes. Cependant, les précipités intergranulaires observés en microscopie électronique en transmission conventionnelle, après une croissance limitée, présentent des morphologies qui s’expliquent bien sur la base de la construction de Wulff généralisée. C’est que les mécanismes de croissance dépendent fortement des types d’interfaces qui bordent le précipité. Sans entrer dans les détails des mécanismes et des diverses approches cinétiques de la croissance, on explicite ici succinctement pourquoi les formes des précipités intergranulaires peuvent, après croissance, hériter de la forme initiale du germe mais aussi pourquoi elles peuvent s’en éloigner.
5.1.
Migration d’une interface courbe incohérente
Pour qu’une interface incohérente migre, deux processus peuvent intervenir : le transfert des atomes au travers de l’interface et la redistribution du soluté de la matrice vers le précipité ou vice-versa. Le premier processus contrôle la croissance dans les tout premiers stades tandis que l’extension du précipité est gouvernée par la diffusion en volume. La vitesse de croissance est proportionnelle à (D/t)1/2 avec D le coefficient de diffusion du soluté dans la phase mère et t le temps de croissance. La loi de croissance en (D/t)1/2 n’est plus suivie dès que les champs de diffusion de plusieurs précipités se chevauchent. Les vitesses de croissance ont des ordres de grandeur très différents selon la sursaturation de la solution solide initiale en soluté et selon la température. Lorsqu’un germe allotriomorphe est situé à un joint de grains un mécanisme complexe appelé mécanisme de la plaque collectrice s’ajoute à la diffusion en volume vers le germe [91]. Ce mécanisme s’effectue en trois étapes : la ségrégation du soluté vers le joint de grains avec diminution de
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l’énergie libre du joint selon la loi de Gibbs, la diffusion rapide du soluté le long du joint de grains (DJ ≫ DV , surtout à température modérée et pour un soluté de substitution) et enfin la diffusion du soluté le long de l’interface précipité/matrice avec un coefficient de diffusion DI . Il en résulte que le précipité s’allonge plus qu’il ne s’épaissit (Fig. 2.73) et que les angles aux jonctions triples ne représentent plus l’équilibre du germe.
F IG . 2.73 – Croissance d’un précipité intergranulaire incohérent selon le mécanisme de « la plaque collectrice » (voir texte).
5.2.
Migration d’une interface plane (cohérente ou semi-cohérente)
Les faces cohérentes étant souvent des plans denses des cristaux, il est peu probable de greffer des atomes supplémentaires sur ces plans et le mécanisme de croissance par diffusion au travers de l’interface est peu probable. Les atomes de soluté s’adsorbent sur les marches qui sont le plus souvent présentes le long d’une interface en moyenne plane. La croissance se fait donc par déplacement latéral des marches (Fig. 2.74). La vitesse de déplacement des marches est proportionnelle au coefficient de diffusion en volume et à la sursaturation de la phase initiale en soluté. Elle est inversement proportionnelle à la hauteur h des marches et peut donc être relativement grande pour des marches nanométriques. Cependant, un déplacement latéral même rapide n’induit qu’un mouvement lent de l’interface dans son ensemble, perpendiculairement à elle-même. La vitesse globale ne dépend pas de la hauteur des marches, elle est inversement proportionnelle à leur longueur λ. Une interface sans marche est totalement immobile : c’est le cas d’une interface parfaitement cohérente. De plus, le nombre de marches ayant tendance à diminuer avec la croissance, celle-ci s’arrête s’il n’y a pas formation continue de nouvelles marches. Ce mécanisme appliqué à un précipité intergranulaire partiellement cohérent, ayant la forme d’un disque mince ou d’une plaquette mince dont les grandes faces sont parallèles au plan du joint de grains, explique que le précipité préserve longtemps la forme de son germe. Cependant, le rapport de l’aire occupée par les
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F IG . 2.74 – Schéma montrant que la migration d’une interface plane, cohérente ou semi-cohérente, se produit par déplacement de marches nanométriques. Le plan du joint « moyen » (en pointillé) se déplace lentement selon v.
faces cohérentes (ou semi-cohérentes) sur l’aire occupée par les petites faces incohérentes augmente excluant toute évaluation des énergies relatives des interfaces. En conclusion, la forme d’un précipité intergranulaire traduit souvent d’un point de vue qualitatif les caractéristiques du joint de grains sur lequel il s’est formé, en particulier l’orientation de son plan dans chacun des cristaux. De plus, une interface plane a une grande probabilité de conserver son orientation initiale. Mais, sauf cas particulier, on doit utiliser avec prudence les dimensions des précipités pour tirer des conclusions quantitatives sur les énergies relatives des interfaces et des joints de grains.
6.
Localisation des précipités intergranulaires sur les dislocations extrinsèques
Les dislocations extrinsèques associées ou non à des marches et les marches pures des joints de grains sont des sites préférentiels de germination. La germination sur une ligne de dislocation intergranulaire doit être favorisée par rapport à la germination sur une dislocation de matrice car une plus forte concentration de soluté existe dans le joint et la diffusion y est plus rapide, elle sera alors la conséquence de la ségrégation préférentielle sur la ligne de dislocation extrinsèque. Dans ce cas, la germination est doublement « hétérogène » : par rapport au cristal et par rapport au joint de grains. La germination d’un précipité sur une dislocation extrinsèque, de même que la ségrégation sur cette dislocation, se traite en considérant des processus identiques à ceux intervenant dans le cas d’une dislocation de matrice. Ainsi, il existe deux cinétiques de germination des précipités selon les énergies des interfaces entre le germe et la phase-mère et les constantes élastiques du matériau. Pour comprendre l’existence de ces deux cinétiques de germination, considérons l’expression donnant la variation d’enthalpie libre totale qui accompagne la germination sur une ligne de dislocation d’un germe ayant la forme d’un cylindre de rayon R autour de cette ligne. Par unité de longueur de dislocation, on a : (2.52) ∆GT = πR 2 ∆GV + 2πRγ − A. ln R
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251
F IG . 2.75 – Évolution de l’enthalpie libre totale d’un amas cylindrique de soluté entourant une ligne de dislocation avec le rayon R de l’amas. La courbe (a) est caractéristique d’un phénomène de germination et croissance avec R0 le rayon d’une atmosphère de Cottrell et RC le rayon critique d’un germe strable. La courbe (b) correspond à la germination spontanée sur la ligne de dislocation.
le terme A. ln R correspond à l’énergie élastique de la dislocation qui se retranche dans l’expression de l’enthalpie totale car le défaut est relaxé par la germination. A est une constante élastique fonction du matériau. Pour qu’il y ait effectivement germination, il faut que l’enthalpie libre totale diminue avec R. La figure 2.75 montre les deux évolutions possibles de ∆GT selon les valeurs relatives des termes ∆GV , A et γ. Si l’énergie diminue constamment, la germination sur la ligne de dislocation est instantanée. S’il existe un minimum local suivi par un maximum d’énergie, la première augmentation du rayon jusqu’en R0 correspond à l’étape de formation d’une atmosphère de Cottrell avec stabilisation de la dislocation puisque l’énergie diminue. Pour que R augmente à nouveau au-delà de R0 , condition nécessaire pour former un germe de seconde phase, il faut vaincre une barrière d’énergie égale à ∆GRC − ∆GR0 . Le germe se forme donc à partir d’un rayon critique RC . La formation du germe déstabilise la dislocation. La condition pour laquelle, la germination se fait instantanément ou après avoir vaincu une barrière d’activation s’obtient aisément en différentiant l’expression de ∆GT par rapport à R et en annulant le premier membre, on est alors conduit à trouver les solutions d’une équation du second degré : 2πR 2 ∆GV + 2πRγ − A = 0
(2.53)
Si |2A∆GV | < πγ 2 , il existe deux racines à l’équation précédente : ce sont les valeurs de R0 et RC . La germination avec barrière d’activation semble donc favorisée
252
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F IG . 2.76 – Images électroniques en champ sombre montrant des microprécipités de carbure de chrome Cr23 C6 alignés parallèlement aux lignes de dislocations extrinsèques dans des joints de grains de l’alliage Fe-9 %Cr-100 ppm de Carbone : (a) joint vicinal à 2◦ de Σ5 ; (b) joint général. (D’après S. Lartigue et L. Priester [92].)
F IG . 2.77 – (a) Précipités intergranulaires de NbC observés sur une réplique extractive d’un échantillon d’acier austénitique. Les particules s’alignent et s’allongent suivant une direction préférentielle : (b) image électronique en champ sombre montrant des particules de NbC associées avec des dislocations extrinsèques de faible contraste (le long de AB, CD et EF par exemple). (D’après A.R. Jones et al. [93].)
pour des énergies interfaciales relativement élevées, c’est-à-dire pour des germes incohérents avec la phase mère. Si, au contraire, |2A∆GV | > πγ 2 , l’équation (2.53) n’a pas de racines et l’énergie diminue continûment avec R. Pour des valeurs A et ∆GV caractéristiques d’un
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253
matériau, la germination instantanée se produit pour les faibles valeurs de γ c’est-àdire qu’elle implique préférentiellement des précipités cohérents ou partiellement cohérents. De nombreuses observations par microscopie électronique en transmission montrent des précipités qui se sont formés sur les lignes des dislocations extrinsèques. Plusieurs joints de grains dans un alliage Fer-9 % Chrome-100 ppm carbone présentent des microcarbures de chrome Cr23 C6 allongés parallèlement aux lignes de dislocations situées à l’intersection d’un plan de glissement d’un des cristaux avec le plan du joint de grains (Fig. 2.76) [92]. De même, l’association de carbures de niobium avec des dislocations extrinsèques a été révélée dans des joints de grains d’acier austénitique (Fig. 2.77) [93]. Des microprécipités de cuivre décorant des dislocations intergranulaires ont également été observés dans un joint de grains Σ25 du silicium introduisant une activité électrique non désirée [94]. En conclusion, les précipités intergranulaires ont une influence notoire sur toutes les propriétés intergranulaires, ils constituent, entre autres, des freins à la migration des joints de grains et des sites préférentiels de corrosion. Localisés sur les dislocations extrinsèques, ils épinglent celles-ci avec des répercussions sur tous les processus nécessitant le mouvement de ces dislocations soit dans le joint luimême, soit du joint vers les cristaux. Ce sont ces phénomènes que nous abordons dans les deux derniers chapitres de cette partie.
4
Interactions entre dislocations et joints de grains
Deux types de contraintes agissent sur une dislocation d’un cristal à proximité d’un joint de grains (Fig. 2.78) : – Les contraintes élastiques à longue distance : contrainte appliquée et contrainte interne résultant de l’interaction avec d’autres dislocations dans le cristal (Fd ) ou avec des dislocations extrinsèques dans le joint de grains. À ces deux types de contraintes habituellement considérées s’ajoute, dans le cas d’un matériau anisotrope (ou d’une interface entre deux milieux différents) une auto-contrainte (« self-contrainte ») liée à la présence du joint de grains. L’effet de cette contrainte est connu sous le nom de force image Fi . – Les contraintes à courte distance : contrainte de friction (Ff ) et contrainte liée à la structure de cœur du joint dont l’effet (Fc ) ne se fait sentir que lorsque la dislocation est à une très faible distance de l’interface, inférieure à la périodicité de celui-ci.
F IG . 2.78 – Schéma montrant les forces qui agissent sur une dislocation à proximité d’un joint de grains : (a) la distance entre les deux défauts, linéaire et plan, est supérieure à la périodicité du joint de grains ; (b) la dislocation est extrêmement proche du joint (voir texte).
Parmi ces contraintes, trois sont caractéristiques de la situation d’une dislocation au voisinage d’une interface. Tout d’abord, la force image peut aider ou freiner très fortement le mouvement de la dislocation vers le joint, et ce d’autant plus que la distance entre les deux défauts diminue. Cette possibilité de forte contribution de la force image à l’interaction entre dislocation et joint de grains justifie que
256
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l’on consacre un paragraphe à cette question, par ailleurs rarement abordée dans les ouvrages sur les interfaces. Ensuite, l’accumulation de contraintes à proximité ou dans le joint de grains conduit à la formation de configurations de dislocations dans les régions voisines de l’interface qui sont spécifiques de la déformation d’un bicristal ou d’un polycristal à température basse ou modérée. Cette action du joint de grains sur son environnement immédiat fait l’objet d’une courte présentation. Finalement, les interactions entre les cœurs des deux défauts, linéaire et plan, sont détaillées ; elles confèrent au joint de grains un rôle fondamental dans la déformation plastique à haute température.
1.
Interaction élastique à longue distance : force image
Une dislocation voisine d’une surface libre dans un solide est attirée par celle-ci par une force dont l’approche théorique requiert d’introduire, comme en électrostatique, la notion de « dislocation image » symétrique de la dislocation réelle et située hors du solide. La force image est alors la force d’interaction entre les deux dislocations. De même, une dislocation proche d’une interface dans un milieu non-isotrope est soumise à une force, attractive ou répulsive selon les constantes élastiques des demi-milieux de part et d’autre de l’interface et selon la géométrie des défauts. Dans ce cas, la référence à une dislocation « image » est caduque, la dislocation dans le cristal est considérée comme interagissant avec une distribution continue de dislocations infinitésimales dans l’interface. Pour les joints de grains, la différence des constantes élastiques provient de la désorientation entre cristaux et n’intervient que lorsque le matériau est élastiquement anisotrope. Théoriquement, le problème d’une force image sur une dislocation a été résolu quelle que soit l’orientation de la dislocation par rapport au plan du joint de grains [95,96], mais c’est seulement dans le cas d’une dislocation parallèle au plan du joint (Fig. 2.79) que des solutions numériques ont été obtenues. Elles reposent sur le théorème de Barnett et Lothe [95] :
EI/II − EI ∆E =− (2.54) Fi = − d d d est la distance entre la dislocation et le plan du joint de grains, EI est le facteur prélogarithmique de l’énergie de la dislocation dans un cristal I infini et EI/II est ce même facteur pour la dislocation dans le joint I/II. Pour une désorientation donnée entre les deux cristaux, le facteur EI/II dépend seulement de la direction t de la dislocation dans le plan du joint et non de l’orientation de ce plan. La force image est donc identique pour tout plan de joints de grains en zone avec la direction t. Pour calculer le facteur EI/II , il est nécessaire d’obtenir le facteur EII correspondant à la même dislocation dans le cristal II infini. La direction et le vecteur de Burgers de la dislocation dans le cristal I sont respectivement t et b. La rotation entre le cristal I et le cristal II étant décrite par la matrice R, t devient Rt et
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F IG . 2.79 – Configuration géométrique utilisée dans les calculs de force image pour une dislocation proche d’un joint de grains.
b devient Rb dans le référentiel du cristal II. EI , EII et EI/II ont des expressions de forme quadratique en b : EI , = b BI b
EII , = b BII b
EI/II , = b BI/II b
(2.55)
B est le bloc sud-ouest d’une matrice 6 × 6, soit N, qui joue un rôle central dans la théorie élastique anisotrope des défauts linéaires. Les méthodes de simulation de cette matrice ont été discutées par Condat et Kirchner [97]. La matrice NI/II est égale à 2[NI +NII ]−1 . Pour un vecteur de Burgers donné, le problème a cinq degrés de liberté : deux pour la direction t de la dislocation, deux pour la direction r de l’axe de la rotation entre les cristaux et un pour l’angle θ de rotation. L’axe r est le vecteur propre de la matrice de rotation R obtenu pour (R − I)r = 0 et l’angle de rotation est selon la formule (1.6) : θ = cos−1 [Tr R − 1]/2. Pour obtenir un ordre de grandeur de l’énergie d’interaction ∆E mise en jeu, on peut considérer le module de cisaillement en élasticité isotrope µ et rappeler que le terme prélogarithmique de l’énergie pour une dislocation vis est EI = µb 2 /4π. La différence entre EI et EI/II est fonction de l’anisotropie du matériau, mais si on prend EI/II = 0,9EI , on trouve une valeur de la force image Fi ∼ = 10−2 µb/d. Même à des distances d = 100 b, la valeur de la force image (Fi ∼ = 10−4 µb) est comparable à celle associée à la contrainte d’écoulement, à toute température, d’un métal de structure cubique à faces centrées. Le facteur EI/II peut avoir une valeur plus grande ou plus petite que celles de EI et EII ou une valeur intermédiaire entre celles-ci. Mais, dans l’interprétation de ces valeurs relatives, on ne doit pas oublier que la force image permet seulement à une dislocation de s’approcher ou de s’éloigner du joint de grains et se garder de toute conclusion sur la possibilité pour la dislocation de traverser le joint. En effet, cette traversée nécessite une réaction avec la structure du joint et ne relève plus d’une théorie continue. On ne doit donc considérer que la différence entre l’énergie de la dislocation dans le cristal initial et celle de la dislocation au joint de
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grains. La dislocation est attirée vers le joint de grains si EI > EI/II , en cas contraire elle est repoussée et une différence nulle indique qu’il n’y a aucun effet image. Une étude exhaustive de plusieurs configurations géométriques, impliquant des dislocations dont les vecteurs de Burgers et les orientations des lignes de dislocations diffèrent et pour différentes désorientations (axes et angles) des joints de grains, a été menée pour les matériaux de structure cubique [98–100]. Les principaux résultats sont les suivants : – La force image est nulle lorsque la ligne de dislocation t est parallèle à un axe de rotation r de haute symétrie : quaternaire 100 et ternaire 111. Ceci est vrai quel que soit le vecteur de Burgers de la dislocation, mais n’est plus vérifié lorsque t est parallèle à un axe binaire 110. – Dans le système CFC, Fi = 0 pour une dislocation vis lorsque b et t sont parallèles à un axe de rotation 110. – Les joints de grains coïncidents n’ont pas un comportement singulier du point de vue de la force image qui varie continûment avec l’angle de désorientation autour d’un axe donné et pour une dislocation donnée (Fig. 2.80). Chaque courbe d’évolution de l’énergie d’interaction ∆E avec l’angle θ présente une symétrie en accord avec l’axe de désorientation correspondant : quaternaire pour 100, ternaire pour 111 et binaire pour 110, ce qui réduit le champ d’investigation angulaire à θ ≤ 45◦ , θ ≤ 60◦ et θ ≤ 90◦ , respectivement. – Le rôle de la bicristallographie apparaît pour les joints symétriques de flexion des matériaux CFC : la force image est nulle pour toutes les dislocations parallèles au plan de macle [100]. – Pour un joint de grains donné θ[uvw] et une dislocation de vecteur de Burgers b fixe, les évolutions de ∆E avec l’angle ϕ entre b et t sont similaires pour différents métaux de même structure, CFC ou CC. Les valeurs maximales et minimales de ∆E correspondent toujours au même caractère de la dislocation (Fig. 2.81). – Pour les métaux de structure cubique, l’intensité de la force image pour une configuration donnée « dislocation/joint de grains » croît avec le facteur d’anisotropie H = 2C44 − (C11 − C12 ) et non avec le rapport d’anisotropie A = 2C44 /(C11 − C12 ). Cette force est répulsive pour la plupart des configurations lorsque H est positif (métaux CFC et nombreux métaux CC), et attractive lorsque H est négatif (certains métaux CC comme le chrome, le molybdène. . .) (Fig. 2.81 et Tab. 2.IV). – Lorsque H > 0 (cas le plus souvent rencontré), il est important de signaler que les dislocations vis sont repoussées de presque tous les joints de grains. Dans la mesure où les autres forces agissant sur ces dislocations ne peuvent vaincre cette répulsion, les dislocations vis sont confinées à l’intérieur de
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F IG . 2.80 – Évolution de l’énergie d’interaction ∆E entre une dislocation parfaite dans une structure cubique centrée b = a/2 [111] et un joint de grains du fer en fonction de l’angle de désorientation θ : r = [100], t = [011] (courbe 1), r = [110], t = [110] (courbe 2), r = [111], t = [010] (courbe 3). TAB . 2.IV – Valeurs du rapport d’anisotropie A et du facteur d’anisotropie H pour différents métaux de structures CC.
Métal Cr Nb Mo W K Na Ta Fe
A 0,69 0,51 0,91 1 6,35 8,15 1,56 2,36
H (1010 Pa) –10 –5,4 –2,4 0 0,44 1,03 5,9 12,9
chaque cristal. La force image apparaît alors comme un obstacle à la déformation d’un polycristal. – Enfin, dans la plupart des cas, l’intensité de la force image est du même ordre de grandeur que celles des autres forces agissant sur la dislocation et doit nécessairement être prise en compte dans l’analyse de l’interaction d’une dislocation avec un joint de grains d’un matériau anisotrope (argent, cuivre, nickel, chrome, fer, silicium. . .). De manière plus ponctuelle, des calculs de force image ont montré que celle-ci aidait ou freinait le déplacement d’une dislocation vers un joint [101, 102]. À titre
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F IG . 2.81 – Évolution, pour les métaux CC, de l’énergie d’interaction ∆E, entre un joint de grains donné θ = 45◦ [100] et une dislocation b = a/2 [111] en fonction de l’angle ϕ entre le vecteur de Burgers fixe de la dislocation et l’orientation variable de sa ligne. Les valeurs de ∆E sont rangées par ordre croissant des valeurs du facteur d’anisotropie H (voir Tab. 2.IV).
d’exemple, dans un alliage Fe-4 % Si, les valeurs de la force image pour des dislocations parfaites situées à 10 nm de joints de grains Σ3, Σ9 et Σ15 varient entre −4 et 100 10−4 N m−1 , en accord avec les estimations et sont du même ordre de grandeur que les forces entre dislocations. Ces effets ont certainement une importance accrue pour les interfaces interphases et, plus particulièrement, dans les cas de couches minces et de multicouches.
2.
Configurations de dislocations au voisinage d’un joint de grains
À température relativement basse (T < 0,4 TF ), le joint de grains joue majoritairement un rôle d’obstacle à la déformation. Des empilements de dislocations se forment le long des joints dans tous les matériaux dès les tout premiers stades de la plasticité. Ces empilements évoluent rapidement pour former diverses
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configurations habituellement observées dans les cristaux à des stades avancés de la déformation. Les études, par topographie des rayons X et par microscopie électronique en transmission, de bicristaux de silicium ayant subi une déformation tout juste supérieure à la limite élastique montrent bien les arrangements dus à la présence de joints de grains de flexion 110 de coïncidence Σ9 et Σ25 [103, 104]. Ce sont des empilements de dislocations plus ou moins longs (Fig. 2.82), des réseaux sous forme d’échelles liés à l’activation d’un second système de glissement et la formation de verrous (Fig. 2.83), des traces de glissements déviés dont la répétition peut activer des boucles prismatiques de dislocations (Fig. 2.84). Enfin, la contrainte résolue peut en cours de déformation s’inverser et provoquer un retour vers le centre du cristal d’une dislocation initialement en mouvement vers un joint de grains. La courbure d’une dislocation vers l’intérieur d’un cristal ne prouve donc pas son origine : traversée d’une dislocation en provenance de l’autre cristal, émission par une source intergranulaire ou « réflexion » par le joint. Toutes les configurations observées ne semblent pas se former « au hasard », mais tendent à préserver la symétrie du bicristal et à minimiser les contraintes à grande distance. Dans tous les cas, les régions voisines du joint de grains sont dans un état avancé d’écrouissage. Cette conclusion peut être étendue à d’autres types de joints et à divers matériaux. Même si la structure dense d’un joint singulier peut, en principe, en faire un obstacle plus fort, il semble que les différences de structures jouent peu sur le comportement mécanique intergranulaire à basse température. Les différences entre les régions voisines d’un joint de grains et les centres des cristaux voisins peuvent varier selon le nombre de systèmes de glissement du matériau et selon la valeur de son énergie de faute d’empilement, mais dans tous les cas le joint de grains contribue fortement au durcissement du polycristal.
3.
Interaction à courte distance entre les défauts, linéaires et plans
À basse température, le joint de grains constitue principalement une barrière à la déformation. Si la température et/ou la contrainte augmentent, les dislocations peuvent entrer dans le joint donnant lieu à la formation de dislocations extrinsèques (Chap. 1, Sect. 2). Le joint est alors porté à un état hors d’équilibre. L’entrée d’une dislocation dans un joint de grains ne peut généralement intervenir que si elle entraîne une diminution de l’énergie totale du système, impliquant l’énergie élastique et l’énergie de cœur associées aux deux défauts. De plus, l’incorporation d’autres dislocations dans le joint de grains implique la relaxation des contraintes des dislocations extrinsèques préalablement formées. Les mécanismes de relaxation envisagés jusqu’ici sont thermiquement activés et diffèrent selon les caractéristiques du joint de grains et selon celles de la dislocation incidente. Bien qu’impliquant les mêmes réactions, les processus d’entrée et les tout premiers stades de réaction d’une dislocation dans un joint de grains sont présentés séparément des modèles d’accommodation des contraintes conduisant ce joint vers un nouvel état d’équilibre (voir Chap. 5). Cette distinction est formelle puisqu’elle ne correspond
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F IG . 2.82 – Bicristal Σ9 de silicium déformé jusqu’à la limite élastique supérieure (ε = 8.10−3 , σcr = 33 MPa) : (a) deux longs empilements de dislocations dans les plans de glissement primaires des cristaux I et II stabilisés en A et B (cristal I) par des dislocations du système secondaire avec, simultanément, plusieurs empilements plus courts dans les plans primaires de part et d’autre du joint de grains ; (b) schéma des configurations observées. (D’après M. Martinez-Hernandez et al. [103].)
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F IG . 2.83 – Bicristal Σ9 de silicium ayant subi la même déformation que la précédente : (a) des réseaux sous forme d’échelles se sont formés au voisinage du joint de grains dans un cristal ; (b) schéma de la configuration montrant qu’elle est constituée de dislocations primaires (trait plein), de dislocations secondaires (parties courbes en tirets) et de dislocations verrous de Lomer Cottrell (parties rectilignes en tirets). (D’après M. Martinez-Hernandez et al. [103].)
F IG . 2.84 – Dislocations prismatiques créées par des glissements déviés répétés au voisinage d’un joint de grains Σ25 de silicium. Le plan de glissement primaire (trace parallèle au plan du joint) et le plan de glissement secondaire sont tous deux sensiblement perpendiculaires au plan d’observation en MET. (D’après A. George [104].)
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qu’à une différence d’état d’avancement de la relaxation. Elle permet cependant de mieux présenter les étapes de la relaxation, souvent incomplète dans la réalité. L’entrée d’une dislocation dans un joint de grains peut simplement s’expliquer par les différences des constantes élastiques entre joint et matrice et/ou par les différences de configuration de cœur. Certains auteurs considèrent que les dislocations intergranulaires isolées de vecteur de Burgers global identique à celui des cristaux sont des dislocations « piégées » en envisageant qu’elles peuvent s’extraire du joint. Cette considération se réfère probablement à la difficulté de distinguer en microscopie électronique conventionnelle entre une dislocation dans le joint et une dislocation très proche du joint. Cependant, des dislocations ayant vraiment réagi avec le réseau intrinsèque tout en ayant conservé leur vecteur de Burgers de matrice bm sont observées. Il nous semble donc inutile d’introduire une confusion terminologique, nous considérons ici toute dislocation isolée (non en réseau périodique) dans un joint comme « extrinsèque » quel que soit son vecteur de Burgers. Les dislocations extrinsèques qui conservent le vecteur de Burgers bm des dislocations de matrice sont analogues aux dislocations « fraîches » dans les cristaux. Sous l’effet d’une sollicitation thermique et/ou mécanique, trois types d’interactions de la dislocation extrinsèque avec le joint de grains peuvent intervenir entraînant une relaxation du système « dislocation/joint de grains » : combinaison, décomposition, transmission (Fig. 2.85) [105].
F IG . 2.85 – Schéma montrant trois types d’interactions entre une dislocation d’un cristal (bm ) et la structure intrinsèque d’un joint de grains pour former une EGBD (be ) : (a) avant réaction ; (b) combinaison avec une dislocation intrinsèque de vecteur bi ; (c) décomposition en deux dislocations, glissile bg et sessile bc ; (d) transmission de la dislocation du cristal I dans le cristal II avec bmI = bmII + be .
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Nous présentons tout d’abord quelques exemples de simulation de l’interaction avec un joint de grains d’une dislocation parfaite, puis de celle d’une dislocation dissociée. Chaque type de processus est ensuite explicité, avec résultats à l’appui. Nous abordons finalement quelques cas plus complexes d’entrée d’une dislocation dissociée dans un joint de grains, celle-ci impliquant une augmentation temporaire de l’énergie.
3.1.
Simulation de l’interaction entre une dislocation de matrice et un joint de grains
Une des premières simulations, par dynamique moléculaire, de l’interaction d’une dislocation parfaite avec un joint de grains a été réalisée pour un joint de grains Σ9 dans du fer CC [106]. La dislocation parfaite a/2 [111] est absorbée par le joint avec relaxation de son énergie de cœur, elle se décompose en deux dislocations du réseau DSC, l’une glissile b1 et l’autre sessile b2 . La dislocation glissile s’éloigne de la région où l’interaction s’est produite dans le joint (Fig. 2.86). Dans le même joint contenant des atomes de phosphore, la dislocation de matrice est repoussée du joint. Si elle est initialement placée dans le joint, elle ne se décompose pas, son cœur reste très localisé ; cet effet de la ségrégation sur le comportement des dislocations extrinsèques est confirmé par l’expérience, il a une grande importance pour les phénomènes de relaxation et influe notoirement sur la contribution des joints de grains dans la déformation à chaud des polycristaux.
F IG . 2.86 – Interaction d’une dislocation parfaite b = a/2 [111] avec un joint de grains Σ9 dans du fer : (a) la dislocation est absorbée dans le joint ; (b) elle se décompose en deux dislocations, b1 glissile et b2 sessile ; (c) la dislocation b1 se déplace par glissement dans le joint. (D’après Y. Ishida et M. Mori [106].)
D’autres simulations par dynamique moléculaire, utilisant le potentiel de l’aluminium obtenu dans le cadre de la méthode de l’atome entouré, montrent qu’une dislocation vis parfaite placée dans un joint Σ11 {113} se décompose en deux dislocations partielles glissiles de vecteur a/22 417. La réduction de l’énergie élastique est d’environ 45 % selon le critère de Frank ; de plus, l’énergie du joint de grains à l’équilibre n’est que très peu perturbée par la dislocation a/22 417 [107]. L’interaction de cœur a également été simulée pour une dislocation vis parallèle à l’axe de flexion 110 d’un joint de grains Σ9 {221} dans l’aluminium [108].
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F IG . 2.87 – Évolution de l’énergie d’excès du système constitué par une dislocation vis parallèle à l’axe de flexion d’un joint symétrique Σ9 {221} dans l’aluminium avec la distance dislocation/joint. Les trois courbes correspondent à des localisations différentes de la ligne d’impact du plan de glissement dans la période du joint de grains. (D’après A. Aslanides [108].)
L’évolution de l’énergie d’excès du système avec la distance entre la dislocation et le joint de grains est reportée sur la figure 2.87 pour différentes situations de la ligne d’impact du plan de glissement dans la période du joint. En deçà d’une certaine distance inférieure à la périodicité du réseau dans la direction normale au plan du joint de grains, la dislocation est toujours attirée par le joint ; au-delà, aucun effet de cœur ne se fait sentir. L’interaction de cœur est donc bien localisée. La valeur estimée de la contrainte nécessaire pour extraire la dislocation du joint de grains est très élevée, égale à 5.10−2 µ. L’interaction entre une dislocation dissociée et un joint de grains a été simulée à 0 K en utilisant un potentiel à N corps adapté à un métal pur CFC, le cuivre, puis à des composés intermétalliques également de structure CFC [109]. Les simulations se limitent aux joints de grains symétriques de flexion autour de [110] et à des dislocations vis ou 60◦ parallèles à l’axe de désorientation. Dans tous les cas, l’interaction est attractive et des contraintes élevées sont requises pour que la dislocation réagisse avec le cœur du joint de grains. Les mécanismes d’interaction sont fonction de la structure fine du joint de grains. Détaillons ce qui se produit dans le cas du cuivre pour les joints Σ3 {111}, Σ11 {311} et Σ27 {511}. Les dislocations vis, dissociées en matrice, se déplacent sous l’effet d’une contrainte résolue de 500 MPa.
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Dans le cas du joint Σ3 {111}, la première dislocation partielle est tout d’abord arrêtée par la macle cohérente. Sous l’effet de la contrainte, les deux partielles se rapprochent l’une de l’autre et entrent dans le joint pourvu que la contrainte résolue atteigne une valeur d’au moins 1500 MPa. Une transmission de la dislocation vis dans le plan de glissement symétrique du cristal voisin se produit alors. Après transmission, les deux partielles se séparent à nouveau. Dans le joint Σ11 {311}, la dislocation vis recombinée se décompose en deux dislocations du réseau DSC du type a/22 147 qui sont glissiles dans le plan du joint. Ces deux dislocations entraînent des marches de sens opposé et de hauteur égale à une distance interplanaire. Dans le joint Σ27 {511}, la situation est plus complexe, elle dépend de l’endroit où le plan de glissement de la dislocation de matrice coupe l’unité structurale. Si la dislocation arrive au milieu de l’unité, une transmission intervient sous une contrainte résolue de 1300 MPa ; la contraction des deux dislocations partielles de Shockley lors de la transmission est moins prononcée que celle intervenant dans le joint Σ3 et de fortes relaxations sont observées dans les unités structurales voisines (Fig. 2.88).
F IG . 2.88 – (a) Schéma montrant les différentes configurations de dislocations trouvées dans un joint Σ27 dans du cuivre ; (b) transmission de la dislocation vis au milieu de l’unité structurale (configuration 1) avec indication des fortes relaxations qui interviennent dans les unités voisines. Les différents symboles indiquent des atomes à différents niveaux le long de l’axe [110]. (D’après B.J. Pestman et al. [109].)
Si le plan de glissement coupe le joint à l’extrémité d’une unité structurale, la dislocation subit un glissement dévié à proximité du joint, puis la dislocation partielle de tête est absorbée dans le joint, la seconde partielle étant très proche à l’arrière. Quand la contrainte augmente, la seconde partielle entre également dans le joint tandis que le cœur de la première partielle s’étend dans l’autre cristal. Aucune transmission n’est observée même pour un niveau final de contrainte de 3000 MPa. Dans tous les cas, dislocations dissociées ou non, les contraintes calculées nécessaires pour la transmission aussi bien que pour la décomposition sont très grandes.
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Ces deux phénomènes sont donc rarement observés à basse température, ils nécessitent d’être activés thermiquement, en accord avec les résultats expérimentaux.
3.2.
Processus de combinaison
Une réaction de combinaison entre une dislocation de matrice et une dislocation intergranulaire peut aisément intervenir dans un joint de grains à faible angle où les dislocations primaires ont des vecteurs de Burgers du cristal. Dans un cristal CFC, la réaction de combinaison est analogue à celle qui conduit à la formation d’un verrou de Lomer, elle est très favorable énergétiquement puisque le vecteur de Burgers résultant est également un vecteur de matrice. Elle a été observée pour un joint de torsion 2◦ [001] dans un bicristal d’or déformé (Fig. 2.89) [110].
F IG . 2.89 – (a) Dislocation extrinsèque AB selon 110 dans un joint de grains de torsion [001] (θ = 2◦ ) dans un bicristal d’or déformé ; (b) schéma de la configuration de la dislocation AB [110].
Elle est plus rarement signalée dans les joints de grains à grand angle. Elle peut cependant se produire sans difficulté dans un joint général lorsque les vecteurs de Burgers sont très petits. En effet, l’augmentation faible de l’énergie élastique peut alors être compensée par la diminution, dans le joint, de l’énergie de cœur de la dislocation. Des réactions de combinaison, intervenant dans des joints de grains singuliers et vicinaux sous activation thermique, sont décrites ultérieurement (Chap. 5). Donnons ici un exemple de combinaison, observée dans le nickel, entre une dislocation de matrice bm et une dislocation intrinsèque bi dans un joint de flexion proche de Σ3 de plan (11-1) [111] : bm a/2[01-1]
+
bi
=
be
a/3[-1-11] = a/6[-21-1]
(2.56)
Cette réaction entraîne une forte diminution de l’énergie élastique. La dislocation intrinsèque appartient à un réseau de dislocations sessiles qui rend compte d’un écart de flexion entre le joint réel et le joint de pure coïncidence Σ3. Au contraire la dislocation extrinsèque glissile se déplace aisément sous l’effet des
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contraintes internes. Dans les joints de grains de faible angle ou dans les joints vicinaux proches de Σ3 lorsque les dislocations de matrice sont dissociées en partielles de Shockley, les réactions de combinaison peuvent conduire à l’annihilation des dislocations.
3.3.
Processus de décomposition
L’accommodation de la contrainte se produit dans l’interface elle-même par décomposition de la dislocation en produits dont les vecteurs de Burgers sont des vecteurs du réseau DSC. Le terme décomposition est préféré ici à dissociation pour bien distinguer ce phénomène de la formation de dislocations partielles dans les cristaux. En particulier l’application du critère de Frank est moins restrictive, car on doit considérer l’énergie de l’ensemble joint et cristaux. La figure 2.90 montre deux des premiers exemples de décomposition de dislocations observée en microscopie électronique en transmission conventionnelle dans deux joints coïncidents Σ3 [112] et Σ29 [113] selon : a/2[10-1] → a/6[2-1-1] + a/6[1-21]
(2.57)
a/2[110] → 3 × a/58[370] + 2 × a/58[10 4 0]
(2.58)
La décomposition dépendant de la structure intrinsèque, les produits sont a priori d’autant plus petits que le joint de grains possède un indice de coïncidence Σ élevé (ou est proche d’un tel indice) puisque les vecteurs élémentaires du réseau DSC diminuent avec l’augmentation de Σ. Cette hypothèse a conduit à considérer, pendant de nombreuses années, que la décomposition dans un joint général en dislocations de vecteurs de Burgers extrêmement petits était équivalente à une dispersion de la contrainte dans le joint. Elle semblait confirmée par l’observation d’un étalement du contraste de l’image électronique de la dislocation extrinsèque. Cependant des expériences en microscopie électronique en transmission à haute résolution montrent au contraire que les vecteurs de Burgers des produits de la décomposition ne sont jamais négligeables, mais sont obtenus par combinaison linéaire des vecteurs élémentaires du réseau DSC [114]. Les observations portent sur une large série de joints symétriques de flexion 110 dans le silicium dont la très grande pureté permet d’exclure des effets de ségrégation sur les interactions. Elles permettent de préciser les étapes de l’entrée d’une dislocation dans un joint de grains et d’interpréter des réactions intergranulaires à partir du lien entre unités structurales et dislocations intergranulaires. Les structures des joints, dont les indices de coïncidence varient de Σ3 à Σ337, ont été précédemment décrites en termes d’unités structurales (partie 1, Chap. 3, Sect. 3.4), le lecteur peut également se référer à l’article de synthèse [115]. L’entrée dans un joint de grains Σ9 {122}, à une température modérée (T ∼ = 0,6 TF ), d’une dislocation dissociée en matrice montre clairement le processus de décomposition dans le joint de la première partielle en deux produits : l’un glissile bg = a/18 411, l’autre sessile bc = a/9 122. Le mouvement rapide de la composante glissile loin du point d’impact, sous l’effet des contraintes internes, et le léger déplacement par montée de la
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composante sessile permettent à la seconde partielle b30 = a/6 211 de s’intégrer à son tour dans la structure intergranulaire (Fig. 2.91) [116]. Il est fort probable qu’un phénomène de relaxation analogue soit requis pour l’entrée d’une seconde dislocation dans les cas où les dislocations des cristaux ne sont pas dissociées. Dans un joint de grains Σ51, la décomposition se fait en deux étapes et les produits de décomposition ont des vecteurs de Burgers non élémentaires du réseau DSC (Fig. 2.92) [117]. La décomposition est contrôlée par la structure intergranulaire. Toute dislocation extrinsèque doit avoir un vecteur de Burgers compatible avec l’unité structurale (ou les unités) ajoutée ou supprimée dans la structure d’équilibre du joint (Chap. 1, Sect. 2.1). Il en résulte qu’à l’ajout (ou la suppression) d’une même unité à différents joints de grains est associée une dislocation extrinsèque dont le vecteur de Burgers varie (car l’angle entre SI et SII dans les relations (1.52) varie). Un exemple d’une telle variation est donné dans le tableau 2.V [114]. Il concerne l’effet de l’addition d’une unité T du joint favorisé Σ3 (Fig. 1.48) dans différents
(b) (a) F IG . 2.90 – Décomposition des dislocations de matrice dans un joint de grains : (a) deux dislocations A et B dans un joint Σ3 d’aluminium (en haut) se décomposent en deux produits (en bas) après un maintien d’un mois à température ambiante (d’après R.C. Pond et D.A. Smith [112]), (b) une dislocation de matrice A se décompose en cinq produits (partant du point X) dans un joint Σ29 d’un acier inoxydable. (D’après W. Bollmann et al. [113].)
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271
F IG . 2.91 – Décomposition d’une dislocation dans un joint de flexion symétrique Σ9 du silicium : (a) dislocation dissociée en matrice avant entrée dans le joint ; (b) décomposition de la dislocation partielle de tête b90 en une dislocation sessile bc et une dislocation glissile bg ; (c) la seconde dislocation partielle b30 est également entrée dans le joint, la dislocation sessile bc s’est légèrement écartée par montée du point d’impact des dislocations du cristal dans le joint, la dislocation glissile s’est largement déplacée hors du champ de la figure. (D’après M. Elkajbaji et J. Thibault-Desseaux [116].)
joints symétriques de flexion du silicium compris entre Σ9 (38◦ 9) et Σ3 (70◦ 55). Dans tous ces cas, le vecteur de Burgers des dislocations extrinsèques est perpendiculaire au plan du joint, son intensité peut donc être comparée à celle du vecteur du réseau DSC correspondant be , également normal au plan du joint. Le vecteur de Burgers de la dislocation extrinsèque br associée à une unité T décroît de sa valeur dans Σ9 (b/a = 0,333) à la valeur nulle dans le joint Σ3 où évidemment l’ajout d’une unité propre à ce joint ne crée pas de dislocation extrinsèque. L’addition d’une unité M du joint favorisé Σ9 aux mêmes joints de grains conduit à une augmentation du rapport b/a depuis 0,333, sa valeur dans Σ9, jusqu’à la valeur 0,7 dans Σ3. Cette dernière valeur correspond à une dislocation de vecteur a/2 110 qui peut toujours être vue comme une somme de vecteurs du réseau DSC.
272
L ES
JOINTS DE GRAINS
F IG . 2.92 – Décomposition en deux étapes d’une dislocation parfaite dans un joint de grains de flexion Σ51 dans du silicium : (a) décomposition en deux produits l’un sessile D1 , l’autre glissile D2 ; (b) décomposition de D1 et éloignement par glissement de D2 . Notons que les vecteurs de Burgers des dislocations produites par les décompositions successives ont des vecteurs non-élémentaires du réseau DSC. (D’après H.M. Michaud et al. [117].)
C HAPITRE 4 – I NTERACTIONS ENTRE
DISLOCATIONS ET JOINTS DE GRAINS
273
TAB . 2.V – Intensités des vecteurs de Burgers br liées à l’ajout d’une unité T du joint Σ3 dans différents joints symétriques 110 du silicium. Comparaison avec le vecteur élémentaire coin be du réseau DSC associé à chacun de ces joints (a est le paramètre de maille du silicium) [114].
Σ 9 187 337 59 11 123 41 3
θ◦ 38,9 42,88 44,8 46 50,5 53,59 55,88 70,55
br /a 0,333 0,292 0,272 0,260 0,213 0,180 0,156 0
br /be 1 4 5 2 1 2 1 0
Dans cette approche, les hauteurs des marches associées aux dislocations extrinsèques ont également été prises en compte. Une importante information est déduite de cette étude, c’est que l’intensité des vecteurs de Burgers n’est pas nécessairement négligeable dans les joints de grains d’indice de coïncidence élevé. Cette remarque contredit certaines conclusions des modèles géométriques (partie 1, Chap. 1, Sect. 2.3 et Chap. 2, Sect. 3.2) ainsi que l’interprétation de l’élargissement du contraste des images des dislocations extrinsèques en termes de dispersion de contrainte. L’information tirée du tableau 2.V doit cependant être considérée avec prudence car les observations en microscopie électronique en transmission à haute résolution ne concernent que des joints de flexion symétriques de structure périodique. Qu’advient-il dans les joints asymétriques de flexion, dans les joints mixtes flexion/torsion, dans les joints quasi périodiques et finalement dans les joints généraux possédant réellement cinq degrés de liberté macroscopiques. Ces derniers constituent certainement une large majorité des joints réels des polycristaux, là où les phénomènes d’élargissement du contraste des dislocations extrinsèques ont été principalement observés. L’incorporation des dislocations de matrice à l’intérieur des joints vraiment généraux reste mal comprise.
3.4.
Processus de transmission
L’accommodation de la contrainte associée à la dislocation extrinsèque se fait hors du joint de grains par transmission de la dislocation ou de l’un de ses produits de décomposition dans le cristal avoisinant. Ce phénomène dépend fortement de la configuration géométrique formée par la dislocation et le joint de grains. Deux types de transmissions sont généralement considérés (Fig. 2.93) : 1. La transmission dite directe qui impose que les traces des plans de glissement activés dans les deux cristaux avec le plan du joint de grains soient confondues ou quasi confondues. Si les vecteurs de Burgers des dislocations entrant dans et sortant du joint de grains sont parallèles, aucune dislocation
274
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 2.93 – Schéma montrant les deux types de transmissions de dislocations qui peuvent intervenir au travers d’un joint de grains : (a) transmission « directe » avec ou sans produit laissé à l’interface ; (b) transmission « indirecte » ou éventuellement réflexion sous l’effet d’une concentration de contraintes ( ).
ne reste dans l’interface et l’énergie du processus est simplement celle d’un glissement dévié. Le cas contraire, qui est plus courant, nécessite la formation d’une dislocation extrinsèque dans l’interface dont l’énergie est celle du transfert. Les systèmes de glissement du bicristal préférentiellement activés dans une transmission directe répondent à un critère géométrique ou facteur de transmission défini par [118] : M=
(II · III ) (bI · bII ) bI bII
(2.59)
où II , III sont les directions des traces des plans de glissement dans le plan du joint et bI , bII sont les vecteurs de Burgers des dislocations dans les deux grains. Plus M est élevé (voisin de 1), plus facile doit être la transmission. Ce critère a été explicité par Lee et al. [119], les trois conditions suivantes doivent être remplies afin qu’un transfert direct puisse se produire :
C HAPITRE 4 – I NTERACTIONS ENTRE
DISLOCATIONS ET JOINTS DE GRAINS
275
– L’angle entre les traces des plans de glissement dans le plan du joint de grains doit être le plus petit possible (idéalement nul). – Le vecteur de Burgers de la dislocation résiduelle intergranulaire doit être le plus petit possible (idéalement nul). – La contrainte résolue sur la dislocation émise par le joint doit être la plus grande possible. 2. La transmission dite indirecte peut intervenir même si aucune trace commune de glissement n’existe dans l’interface. Un empilement de dislocations contre le joint de grains se crée dans un cristal induisant une forte concentration de contraintes dans le joint et dans le cristal opposé. Une source de dislocations est alors activée dont il est difficile de dire si elle est réellement dans le joint de grains ou extrêmement voisine de celui-ci, mais quelle que soit sa localisation, elle résulte de la présence du joint de grains. Elle n’est pas nécessairement située en face de l’empilement. Dans certains cas, la source est activée dans le cristal origine donnant lieu à un phénomène de réflexion. Le mode de transmission « indirecte », qui n’exige aucune condition géométrique particulière, est évidemment le plus courant dans les polycristaux. Il est à la base d’une des interprétations de la loi de Hall Petch [120]. La situation la plus favorable pour une transmission « directe » se rencontre pour un joint d’indice de coïncidence Σ3 dans un matériau CFC ou CC lorsqu’une dislocation vis candidate à l’entrée dans le joint est parallèle à l’axe de désorientation. Dans ce cas, la dislocation peut passer d’un cristal à l’autre sans laisser aucun résidu dans le joint de grains. Pour autant, la transmission n’est pas aisée : par exemple, les bandes de glissement sont arrêtées au joint de grains Σ3 dans un bicristal d’alliage Fe-Si sollicité de telle manière que le facteur de transmission est idéal (M = 1) pour les systèmes de glissement primaire dans les deux grains [102]. Ce blocage temporaire du glissement peut être dû aux contraintes associées aux dislocations en tête de l’empilement qui affectent la distribution des dislocations glissiles dans le premier grain déformé et la formation des bandes de glissement dans le second grain. Il peut aussi, dans le cas d’un matériau anisotrope, être attribué à un effet de force image. De plus, la transmission directe n’est observée que si aucun mouvement de montée n’est autorisé, sinon la dislocation piégée tend à se décomposer et les produits s’écartent l’un de l’autre. Dans un joint Σ9 du silicium, des dislocations vis traversant le joint ont été observées lors d’expériences in situ en microscopie électronique haute tension à température relativement basse (environ 950 ◦ C). Dans ce cas, aucun résidu n’est détecté par microscopie électronique à transmission en haute résolution ; en revanche, des produits de décomposition sont observés si la déformation a lieu à température élevée (environ 1200 ◦ C). La décomposition d’une dislocation d’un cristal dans un joint de grains apparaît donc comme antagoniste à son transfert dans un cristal voisin [121]. Lorsque la dislocation n’a pas un caractère vis, la transmission « directe » opère en laissant un résidu dans le joint de grains. Ce mode de transmission a été observé pour un joint proche de Σ3 dans un bicristal de nickel brut d’élaboration [101].
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JOINTS DE GRAINS
Les défauts nombreux dans le joint, témoignant d’une forte déformation, sont visibles en microscopie électronique en transmission en conditions de faisceau faible (Fig. 2.94a). La similitude des deux configurations constituées, d’une part des dislocations F1 /F2 , d’autre part des dislocations E/B (Fig. 2.94b) ainsi que l’égalité des vecteurs de Burgers (bF1 = bE et bF2 = bB ) appuient l’intervention d’une décomposition d’une dislocation de matrice dans le joint suivie d’une émission d’un des produits.
F IG . 2.94 – (a) Micrographie électronique obtenue en faisceau faible d’un joint de grains proche de Σ3 dans le nickel contenant une grande densité de dislocations (g = [1-3-1]I = [113]II ). La dislocation F est décomposée en deux produits, la dislocation B semble émise dans le cristal I. (b) Schéma des configurations de dislocations (d’après S. Poulat et al. [101]).
Une analyse détaillée des forces en présence (force appliquée sur la dislocation B, force d’interaction entre E et B, force image sur B et force de friction) permet de préciser le sens de la réaction. Une dislocation du cristal II, analogue à C ou D, est entrée dans le joint, s’est décomposée en deux produits dont la dislocation B qui est ensuite émise dans le cristal I selon : + F2 F → F1 a/2[10-1]II a/6[-1-1-2]II a/6[41-1]II ⇓ a/2[1-10]I
(2.60)
C HAPITRE 4 – I NTERACTIONS ENTRE
DISLOCATIONS ET JOINTS DE GRAINS
277
Cette réaction de transmission est conforme à celle préalablement mentionnée par Smith [122], l’expérience permet de préciser de manière détaillée comment elle se produit au joint de grains. Notons que la décomposition seule n’est pas favorisée énergétiquement, le joint est intermédiairement et localement soumis à une forte contrainte, relaxée partiellement par l’émission d’une dislocation dans le cristal voisin. La contrainte résolue agissant sur la dislocation émise a été estimée plus de deux fois supérieure à la limite élastique d’un polycristal de nickel et donc très largement supérieure à la limite élastique d’un bicristal. Dans le cas où un petit angle existe entre les traces des plans de glissement dans le plan du joint, le transfert de la dislocation implique un glissement dévié dans l’un des cristaux à proximité du joint de grains. Ainsi un phénomène de glissement prismatique a été observé dans un acier austénitique permettant la traversée, par une dislocation de matrice, d’un joint de grains général d’axe de désorientation très voisin de 110 ; ce transfert n’est possible que si le résidu extrinsèque a un très petit vecteur de Burgers, ce qui semble exiger une déviation angulaire, entre traces de glissement, inférieure à 8◦ [123]. Finalement, dans les joints de géométrie favorable à la transmission directe, cette dernière n’intervient qu’en l’absence de montée des dislocations intergranulaires sinon l’accommodation se fait par décomposition et mouvement des produits dans le joint de grains. Pour le joint de macle Σ = 3, compte tenu de sa faible diffusivité (peu différente de celle du cristal) il existe une gamme intermédiaire de température où décomposition et transmission peuvent être en compétition. Mais, généralement, les processus d’accommodation des dislocations de matrice entrées dans un joint de grains ont lieu par décomposition dans le joint à haute température et par un mécanisme de transfert indirect dans un cristal à basse température.
3.5.
Entrée d’une dislocation dissociée dans un joint de grains
Dans les matériaux à basse énergie de faute d’empilement, la dislocation parfaite est dissociée en deux dislocations partielles de Shockley. Alors que le vecteur de Burgers d’une dislocation parfaite du cristal est toujours une combinaison de vecteurs du réseau DSC, donc compatible avec la structure du joint de grains, une dislocation partielle de Shockley peut avoir ou non un vecteur de Burgers bS appartenant au réseau DSC. Dans les cas favorables, les dislocations partielles peuvent entrer séparément dans les joints de grains et se décomposer directement, de la même manière que les dislocations parfaites, comme cela a été observé dans plusieurs joints de grains du silicium et rapporté précédemment [116]. Lorsque les dislocations partielles incidentes ont des vecteurs de Burgers qui n’appartiennent pas au réseau DSC, leur entrée dans ce joint requiert des processus plus complexes qui ont fait l’objet de modèles, de simulation et de quelques rares investigations expérimentales.
278
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F IG . 2.95 – Processus d’entrée, dans un joint de grains, d’une dislocation de matrice dissociée lorsque les deux partielles de Shockley n’ont pas des vecteurs du réseau DSC du joint : (a) deux partielles dans un cristal ; (b) processus de recombinaison par constriction (i), suivi de la décomposition en dislocations DSC dans le joint (ii) ; (c) entrée séparée de chacune des dislocations partielles avec formation de résidus non-DSC et d’une faute d’empilement (i et ii) (schéma d’après A.H. King et F.R. Chen [124]).
3.5.1.
Modèle d’interaction d’une dislocation dissociée avec un joint de grains
L’entrée dans un joint d’une dislocation dissociée en deux partielles incompatibles avec le réseau de translation du bicristal peut se faire selon deux types de mécanismes (Fig. 2.95) [124] : – Une recombinaison des dislocations partielles débute par une constriction dans le plan du joint qui est suivie ou non de la décomposition de la dislocation parfaite recombinée en dislocations du réseau DSC dans le joint. Ce mécanisme est équivalent à un glissement dévié avec, fort probablement, une barrière d’énergie inférieure pour deux raisons : le joint de grains est souvent considéré comme une région étroite de matériau « mou » par rapport à la matrice et le cœur d’une dislocation subit un élargissement dans le joint. – Chaque dislocation partielle entre séparément dans le joint où elle se décompose en une dislocation du réseau DSC et une dislocation partielle non-DSC avec formation d’une faute d’empilement dont l’énergie est supposée inférieure à celle d’une faute en matrice. Les dislocations non-DSC peuvent se combiner ultérieurement pour former une dislocation DSC et éliminer le
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DISLOCATIONS ET JOINTS DE GRAINS
279
défaut d’empilement. Ce mécanisme, exigeant moins d’énergie que la recombinaison, devrait être favorisé. Finalement, quel que soit le mécanisme, l’augmentation d’énergie n’est que temporaire, l’énergie totale de déformation du système « joint/matrice » décroît toujours par absorption d’une dislocation dans un joint de grains. Au contraire, la transmission dans un cristal qui laisse le plus souvent un résidu dans le joint intervient avec une augmentation de l’énergie totale [124]. Malgré les considérations énergétiques favorables au mécanisme de décomposition de chacune des partielles, l’entrée (simulée et observée) d’une dislocation dissociée dans un joint de grains d’un métal à faible énergie de faute comme le cuivre semble pouvoir, dans certains cas, procéder par recombinaison. Mais, la transmission au travers d’un joint de macle prévue par les simulations [109] n’est pas constatée expérimentalement [125].
3.5.2.
Observation de l’interaction d’une dislocation dissociée avec un joint de grains
Dans les cas où les vecteurs de Burgers des dislocations partielles sont compatibles avec la structure du joint de grains, les mécanismes qui peuvent opérer sont les mêmes que ceux envisagés pour une dislocation parfaite. Lorsque cette condition n’est pas remplie, les résultats des expériences demandent à être confrontés avec les modèles [124] et avec les simulations [109]. Les mécanismes ont été élucidés dans le cas d’un joint très voisin de Σ3 {111} dans le cuivre, grâce au couplage des techniques de microscopie électronique en transmission conventionnelle et haute résolution. Dans un joint de macle, les vecteurs du réseau DSC ne sont jamais des vecteurs de Burgers des dislocations partielles de Shockley, entrent dans le joint ; en effet ces dernières sont nécessairement situées dans un plan de glissement différent du plan {111} du joint de grains pour qu’il y ait intersection. Les mécanismes diffèrent alors selon que le plan du joint est un plan de glissement possible ou non pour la dislocation totale [125]. Si le plan du joint est un plan de glissement pour la dislocation parfaite du cristal, les deux dislocations partielles de Shockley se recombinent pour entrer dans le joint et se décomposent à nouveau en dislocations du réseau DSC, phénomène analogue à un glissement dévié demandant pourtant une augmentation temporaire importante de l’énergie du système « dislocation/joint ». Si le plan du joint n’est pas un plan de glissement pour la dislocation parfaite du cristal, l’entrée séparée de chacune des dislocations partielles semble favorisée, comme le suggère l’analyse d’un défaut étendu situé dans le plan de glissement (1-1-1) du cristal II près d’un joint de grains de plan (11-1) (Fig. 2.96). Le défaut a un vecteur de Burgers total b = a/3 [11-1]II , normal au plan du joint. Sa formation peut résulter des étapes suivantes : – Dissociation dans le plan (1-1-1)II d’une dislocation parfaite selon : a/2[01-1]II → a/6[-11-2]II + a/6[12-1]II
(2.61)
280
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F IG . 2.96 – Image en microscopie électronique en transmission à haute résolution d’une dislocation partielle de Shockley dans un plan (11-1) du cristal CII et à proximité d’un joint de grains Σ3 {111} dans du cuivre. Cette dislocation est repoussée du joint par une dislocation non-DSC dans (ou extrêmement proche) un joint de grains. L’ensemble de la configuration (Shockley + non-DSC) a un vecteur de Burgers normal au plan du joint (tirets) b = a/3[11-1]II (configuration sessile) (d’après L. Priester et al. [125]).
– Entrée dans le joint et décomposition de la première partielle de Shockley pour former une dislocation DSC, glissile dans le joint, et une dislocation non-DSC, de vecteur égal à celui d’une dislocation « stair-rod » en matrice : a/6[-11-2]II → a/6[-21-1]II + a/6[10-1]II
(2.62)
– La dislocation glissile s’écarte du point d’impact dans le joint ; la seconde partielle de Shockley à proximité du joint et la dislocation non-DSC forment une configuration de vecteur égal à celui mesuré sur la micrographie : a/6[12-1]II + a/6[10-1]II → a/3[11-1]II
(2.63)
C HAPITRE 4 – I NTERACTIONS ENTRE
DISLOCATIONS ET JOINTS DE GRAINS
281
La seconde partielle de Shockley est freinée dans son approche du joint par son interaction répulsive avec la dislocation « stair-rod » au joint. Alternativement, une configuration analogue à celle de la figure 2.96 peut provenir de la relaxation d’une dislocation extrinsèque du joint de vecteur a/3 111 associée à une marche avec production dans un cristal d’une partielle de Shockley, et maintien d’une dislocation stair-rod au joint. Cette dissociation a été observée dans un joint de macle de l’aluminium [126]. Mais, quelle peut être l’origine d’une dislocation extrinsèque de vecteur a/3 111 ? Elle résulte fort probablement de l’absorption dans le joint d’une dislocation parfaite de matrice, suivie soit de sa combinaison à une dislocation glisse du joint de grains soit de sa décomposition en deux dislocations du réseau DSC : a/6 {112} et a/3 {111}. Cette dernière réaction ne se produit pas en matrice, mais elle peut être favorisée dans un joint de grains. Dans le cas du cuivre, l’entrée d’une dislocation parfaite dans le joint nécessite au préalable une recombinaison des dislocations partielles. Quel que soit le schéma envisagé, la présence d’une dislocation de Frank dissociée près du joint résulterait in fine de l’incorporation d’une dislocation parfaite. L’existence de deux mécanismes d’entrée d’une dislocation dissociée, observés tous deux dans le joint de macle cohérent du cuivre selon le caractère, de glissement ou non, du plan du joint, peut être appuyée par les deux remarques suivantes. Dans le premier cas, il s’agit d’un glissement dévié, phénomène largement observé dans le cuivre. Dans le second cas, la configuration est totalement similaire à celle observée lors de l’entrée d’une dislocation dissociée dans un joint Σ3 du silicium, matériau également à faible énergie de faute d’empilement [127]. En conclusion, quel que soit le mécanisme par lequel des dislocations extrinsèques existent dans un joint de grains, soit laissées lors d’une transmission, soit produites lors d’une décomposition ou d’une combinaison, il en résulte un état hors équilibre du joint de grains. Le retour vers un état d’équilibre nécessite que les contraintes associées aux dislocations extrinsèques subissent une relaxation et ainsi que les processus par lesquels ces dislocations se sont formées puissent se renouveler. Cette relaxation est à la base des comportements des joints de grains en réponse à diverses sollicitations mécaniques et thermiques.
5
Relaxation des contraintes intergranulaires
Les processus de relaxation des contraintes aux joints de grains contrôlent le comportement mécanique des polycristaux à haute température et les phénomènes de recristallisation. Ils impliquent nécessairement des mécanismes coopératifs thermiquement activés (Fig. 2.97).
F IG . 2.97 – Les différents mécanismes d’accommodation des contraintes des joints de grains dans un polycristal.
Simultanément à l’absorption d’une partie des produits extrinsèques dans la structure du joint de grains, il y a rotation des grains adjacents et migration du joint. De plus, les produits glissiles provoquent un glissement intergranulaire. Des empilements de dislocations créés en certains endroits le long du joint de grains, marches et jonctions triples, sont relaxés par émission de dislocations dans les cristaux. Dans les cas extrêmes, la relaxation, principalement aux jonctions triples, a lieu par cavitation. Tous ces processus sont nécessairement couplés, mais ils peuvent être formellement séparés entre ceux mettant en cause des interactions avec les cristaux voisins et ceux qui interviennent dans le joint de grains lui-même. Ce sont ces derniers que nous nous attachons à décrire maintenant en montrant les évolutions de la structure et de l’énergie du joint de grains lors de l’accommodation des dislocations extrinsèques dans la structure intrinsèque, c’est-à-dire le
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JOINTS DE GRAINS
retour d’un joint de grains perturbé (hors équilibre) vers un état d’équilibre [128, 129]. Rappelons qu’initialement le joint à l’équilibre est décrit par l’équation B = (I − R−1 )X (1.27). Si n dislocations extrinsèques se forment dans le joint, la densité de vecteur de Burgers devient B′ = B + nbe (2.2) ; dans cette expression, be peut avoir différentes intensités avec toujours be = bDSC ou be = ΣbDSC (avec en particulier ΣbDSC = bm ). La structure du joint est alors perturbée, mais la désorientation initiale est globalement préservée. Un nouvel équilibre est atteint lorsque l’équation de Frank et Bilby est à nouveau satisfaite :
(2.64) B′ = I − R’−1 X avec R′ = R
L’accommodation des dislocations extrinsèques dans le joint s’accompagne d’un changement de la relation d’orientation entre les cristaux. Les dislocations extrinsèques s’intègrent à la nouvelle structure intrinsèque et perdent leurs champs élastiques à grande distance. Dans les équations précédentes, la densité de vecteurs de Burgers B ou B′ n’est pas discrétisée. La discrétisation dépend des processus de relaxation à l’intérieur du joint, c’est-à-dire qu’il existe une corrélation entre la distribution locale des contraintes et la structure relaxée adoptée par le joint de grains.
1.
Modèles d’accommodation des dislocations extrinsèques
Il existe plusieurs modèles d’accommodation des dislocations extrinsèques dans les joints de grains qui prennent en compte ou non la structure intrinsèque et sont donc plus ou moins applicables selon le type de joint de grains. On verra que la distinction reposant sur l’énergie entre joints singuliers, vicinaux et généraux est insuffisante pour comprendre les modes de relaxation différents des joints de grains. Il semble plus approprié d’envisager une séparation basée sur la périodicité : joints, symétriques ou non, strictement périodiques (les joints modèles majoritairement étudiés en détail jusqu’à présent), joints « quasi périodiques » ou « incommensurables », voire joints « amorphes », imaginés par Rosenhain [130] et « découverts » récemment [131, 132], qui peuvent former une population non négligeable dans les matériaux réels.
1.1.
Délocalisation du cœur de la dislocation extrinsèque
Ce modèle d’accommodation part du principe fondamental que toute dislocation a tendance à délocaliser la distribution de sa densité de vecteurs de Burgers afin de réduire son énergie élastique. Concernant une dislocation extrinsèque, cette diminution de l’énergie s’accompagne d’une augmentation de l’énergie du joint de grains. La délocalisation se poursuit jusqu’à ce que les deux variations énergétiques se compensent, ce qui intervient pour une certaine valeur s de la largeur de cœur de la dislocation (Fig. 2.98).
C HAPITRE 5 – R ELAXATION
DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
285
F IG . 2.98 – Schéma montrant l’évolution de l’énergie élastique accompagnant la délocalisation d’une dislocation extrinsèque dans un joint de grains.
Si une seule dislocation extrinsèque est présente dans un joint de grains, son accommodation est complète lorsque la délocalisation s’étend sur toute la longueur du joint. La dislocation délocalisée est équivalente à une distribution continue, dans une région ou dans tout le plan du joint de grains, de dislocations de vecteurs de Burgers infiniment petits. La largeur de cœur d’une dislocation dans un joint général, sans réseau intrinsèque de dislocations, a été déduite de l’équation intégrale de Peierls de la même manière que pour une dislocation dans un cristal [133, 134]. La structure du joint est considérée comme désordonnée par rapport à celle du cristal idéal, ce désordre variant périodiquement. Au-delà d’une certaine température, le cœur de la dislocation peut s’élargir avec le temps, car le champ de contraintes induit par la distribution de vecteurs de Burgers entraîne un flux de matière de la région du joint en compression vers la région en tension. En d’autres termes, les dislocations infiniment petites se repoussent mutuellement et se dispersent dans le plan du joint par montée. La délocalisation est donc un phénomène contrôlé thermiquement dont la cinétique est donnée par l’expression : ts = A
kTs s 3 µΩDj δ
(2.65)
avec ts le temps à la température Ts pour que le cœur de la dislocation atteigne une largeur s, µ le module de cisaillement du matériau, k la constante de Boltzman, Ω le volume atomique, δ la largeur de cœur du joint de grains (souvent prise égale à 0,5 nm) et Dj le coefficient d’autodiffusion intergranulaire à la température Ts . A est une constante qui semble dépendre du caractère du mécanisme impliqué [134].
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Le phénomène de délocalisation a souvent été tenu pour responsable de l’élargissement du contraste d’une dislocation extrinsèque, observé en microscopie électronique lorsque le joint est soumis à un traitement thermique. La largeur de l’image de la dislocation pour laquelle le contraste disparaît a alors été comparée à la largeur de cœur correspondant à la relaxation du défaut. Cette largeur de l’image, juste avant la disparition de son contraste, est de l’ordre d’une à deux fois la distance d’extinction ξg associée aux conditions d’observation en microscopie électronique en transmission. Mais, on se doit d’être prudent dans cette comparaison, de récentes observations en champ faible ont permis de révéler la présence de dislocations discrètes dans une région d’un joint où un élargissement de contraste avait été observé en champ clair [111]. Plus généralement, l’évolution du contraste n’est pas directement liée à l’évolution du cœur de la dislocation et le phénomène de « dispersion » du contraste reste quasi incompris. Néanmoins, l’étude en MET de la cinétique de dispersion du contraste des dislocations extrinsèques a été utilisée pour estimer les coefficients de diffusion et l’énergie d’activation de la diffusion dans les joints de grains [135, 136]. Les valeurs obtenues sont du même ordre de grandeur que celles déterminées par d’autres méthodes. On peut considérer le modèle des régions ou îlots « quasi fluides » d’un joint déformé [137] comme une extension du modèle de délocalisation. Les auteurs partent de l’hypothèse qu’un joint de grains peut exister sans ordre à longue distance. Lorsque des dislocations d’un cristal entrent dans ce joint à température élevée, une délocalisation continue de leurs coeurs intervient conduisant à un état excité de certaines régions appelées « quasi fluides » ou « quasi liquides ». À l’extrémité des parties du joint présentant cet état excité se produisent des concentrations de contrainte dont la relaxation s’effectue par émission de dislocations dans les cristaux. Au fur et à mesure que la déformation progresse, le nombre de dislocations extrinsèques augmentent, les régions « quasi fluides » se chevauchent et la majorité des joints sont dans un état « excité » global, un écoulement visqueux Newtonien se met alors en place (Fig. 2.99). Bien qu’aucune observation expérimentale ne permette actuellement de valider l’existence de régions visqueuses dans un joint déformé, ce modèle a permis d’expliquer quantitativement le rôle que jouent la formation et la relaxation des dislocations extrinsèques des joints généraux dans la déformation superplastique d’un matériau [137]. Il peut légitimement être pris en compte pour rendre compte de tout phénomène d’accommodation dans des joints généraux et, pour tout joint, au-delà d’un certain état de déformation.
1.2.
Décomposition de la dislocation extrinsèque et arrangement des produits
Le modèle de décomposition des dislocations extrinsèques a été initialement développé pour des joints de grains de flexion et des dislocations coin [138]. Une dislocation extrinsèque de vecteur bm se décompose en un certain nombre n de produits, de vecteur de Burgers bDSC , régulièrement espacés sur une distance H le long du joint de grains (Fig. 2.100).
C HAPITRE 5 – R ELAXATION
DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
287
F IG . 2.99 – Schéma du modèle « quasi visqueux » d’accommodation des dislocations extrinsèques : (a) formation d’îlots « quasi liquides » lors de la délocalisation des cœurs des dislocations extrinsèques, la variation des contraintes le long du joint est également reportée ; (b) émission de dislocations dans les cristaux ; (c) sous un flux de dislocations plus important (flèches), les régions excitées se recouvrent partiellement pour former un état « quasi visqueux » le long du joint de grains. (D’après V.N. Perevezentsev et al. [137]).
F IG . 2.100 – (a) Dislocation initialement isolée ; (b) décomposition en plusieurs produits situés à une distance h les uns des autres sur une longueur H du joint de grains (état instable) ; (c) l’équilibre est atteint lorsque la distribution régulière des produits s’étend sur toute la longueur du joint de grains H = L.
L’évolution de l’énergie du joint de grains de son état initial à un état déformé puis relaxé est suivie en considérant le mur de dislocations comme un dipôle de désinclinaisons coin de largeur H . D’une manière générale, l’énergie s’écrit : E = Eθ0 + ∆Eel + ∆EJ
(2.66)
avec Eθ0 l’énergie initiale du joint de grains sans défaut, ∆Eel l’augmentation de l’énergie élastique due aux dislocations extrinsèques et ∆EJ le changement d’énergie du joint de grains. ∆Eel est une fonction logarithmique de L/H avec L la
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longueur totale du joint et H la largeur du dipôle ou distance de dissociation. La variation ∆EJ est inversement proportionnelle au nombre n de produits (H = nh) qui, selon les auteurs, augmente lorsque l’indice de coïncidence Σ augmente. L’évolution de la différence entre l’énergie du joint de grains tout au cours du processus de relaxation et son énergie initiale est reportée sur la figure 2.101a. Chaque courbe correspond à un joint de grains différent : n est pris égal à 3 pour un joint de coïncidence Σ3 et égal à 100 pour un joint « général », considéré ici d’indice de coïncidence élevé. L’équilibre est atteint lorsque les dislocations produites par la décomposition sont distribuées régulièrement sur toute la longueur du joint de grains H = L et sont donc devenues intrinsèques. Pour un joint de grains vicinal ou général, l’énergie finale peut être supérieure ou inférieure à l’énergie initiale, car l’écart angulaire résultant du surplus de dislocations intrinsèques peut augmenter ou diminuer la désorientation initiale θ. De plus, la différence d’énergie est fonction du type de joint : l’énergie après relaxation des défauts dans un joint singulier est très différente de l’énergie initiale, elle en est peu différente dans le cas d’un joint général. Ces résultats sont en accord avec la courbe d’évolution, en fonction de la désorientation θ, de l’énergie des joints symétriques de flexion autour d’un axe 110 (Fig. 2.101b). Dans ce modèle, la cinétique de relaxation est contrôlée par la montée des dislocations sessiles dans le joint de grains et donc, comme précédemment, par la diffusion intergranulaire. Pour n ≫ 1 le joint est général (hypothèse équivalente à celle du modèle de délocalisation), la loi cinétique prend la même forme que l’équation (2.65), le temps de relaxation est proportionnel à s 3 , seul le coefficient numérique A diffère du précédent [138]. En plus du fait qu’il ne considère que des dislocations extrinsèques sessiles, le modèle de décomposition est doublement limité : – Dans le cas des joints singuliers et vicinaux, il ignore les réseaux intrinsèques primaires et/ou secondaires. – Dans les cas des joints généraux, il fait l’hypothèse que n est grand donc les vecteurs b extrêmement petits. Or, on a vu que dans un joint de grains d’indice de coïncidence élevé, les vecteurs de Burgers peuvent ne pas être négligeables (Chap. 4, Sect. 3.2).
1.3.
Incorporation de la dislocation extrinsèque dans la structure intrinsèque
Ce modèle débute comme le précédent par un processus de décomposition de la dislocation de matrice piégée dans le joint de grains, mais il a l’avantage de tenir compte de la structure du joint en termes de réseau intrinsèque et en termes d’unités structurales. S’il constitue un perfectionnement du modèle précédent, en revanche il en a la même limite. Il a été établi pour les joints de grains de pure flexion. De plus, les dislocations extrinsèques sont toutes parallèles au réseau
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DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
289
F IG . 2.101 – (a) Évolution de la différence entre l’énergie du joint E en cours de relaxation et son énergie initiale Eθ0 (en coordonnée sans dimension) en fonction du rapport entre la distance de décomposition d’une dislocation extrinsèque et la longueur totale du joint de grains (L = 103 b) – voir texte ; (b) évolution schématique de l’énergie calculée pour les joints symétriques de flexion en fonction de la désorientation θ montrant que les différences d’énergie (E0 −E) ou (E0 −E∗) associées à des petits changements de désorientation peuvent être faibles pour les joints généraux, elles sont grandes et toujours positives pour les joints singuliers en accord avec les variations prévues en (a).
intrinsèque [139]. Les auteurs considèrent trois composantes de la structure hors d’équilibre du joint de grains (Fig. 2.102) : – Les dislocations extrinsèques glissiles, de vecteur de Burgers bg , provenant de la décomposition des dislocations de matrice sont très mobiles (en accord avec les observations en microscopie électronique en transmission à haute résolution) et forment des empilements aux jonctions triples.
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F IG . 2.102 – Représentation schématique de la formation d’un joint de grains hors équilibre : (a) des dislocations d’un cristal entre dans le joint ; (b) les trois composantes de la structure non-équilibrée : dislocations glissiles, sessiles et désinclinaisons aux jonctions triples ; (c) le réseau désordonné de dislocations sessiles. (D’après A.A. Nazarov et al. [139].)
– Les composantes coin de vecteurs de Burgers bc peuvent aisément s’annihiler par réaction avec les dislocations intrinsèques de vecteur de Burgers opposés, la distance de montée étant inférieure à la distance h0 caractéristique du réseau initial. Ce processus est particulièrement opérant lorsque h0 est petit, donc pour des joints généraux. Il en résulte une diminution de la densité des composantes bc . La balance entre les dislocations +bc et −bc étant rarement réalisée, un surplus de dislocations apparaît dans le joint entraînant la formation de désinclinaisons aux nœuds triples. – Finalement, les dislocations extrinsèques sessiles qui se superposent au réseau intrinsèque forment avec lui un ensemble désordonné de dislocations intergranulaires parallèles. Cette configuration est choisie comme modèle initial d’un joint de grains non équilibré. Les contraintes associées aux trois composantes doivent être relaxées de manière que le joint de grains retourne totalement à un état d’équilibre. Seule la réorganisation du réseau désordonné formé par l’introduction des composantes sessiles contribue au changement de structure du joint de grains. Elle se produit par montée des dislocations sur des distances de l’ordre de leur espacement et
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DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
291
dépend donc des propriétés de diffusivité du joint de grains. Une équation similaire à (2.65) donne le temps nécessaire pour qu’un réseau périodique de dislocations se reconstitue, le coefficient numérique étant plus faible que ceux des deux modèles précédents [140]. Le réseau désordonné de dislocations dans le joint peut être décrit sur la base du modèle « dislocations intergranulaires/unités structurales » par la séquence suivante : (2.67) [m1 A] B [m2 A] B ......[mi A] B. Le degré de non-équilibre est donné par la variance D : Dm = m 2 − m02
(2.68)
où m0 est le nombre d’unités majoritaires dans la structure d’équilibre du joint de grains dont la période est [m0 A] B. On peut aussi traduire le degré de non-équilibre par la variance des espacements entre dislocations : Dh = h 2 − h02 = Dm dA2
(2.69)
avec h = mdA + dB (dA et dB sont les longueurs des unités structurales A et B, respectivement). Un retour vers l’équilibre doit mener à une structure décrite par un arrangement périodique d’unités dont la période [mf A] B différe de celle de l’arrangement initial [m0 A] B. Cependant, la réorganisation des dislocations sessiles ne conduit pas à une relaxation totale des contraintes à longue distance du joint de grains, il reste les deux composantes hors d’équilibre formées aux jonctions triples par les produits glissiles et par les dipôles de désinclinaisons. Ces défauts, qui contrôlent le dernier stade de restauration du joint, ont une importance notoire dans les propriétés des polycristaux. Le mouvement des dislocations glissiles induit un glissement intergranulaire dans chaque grain conduisant à des incompatibilités plastiques aux deux jonctions triples. Le relâchement des contraintes associées à ces incompatibilités implique des réactions avec les cristaux. Des mécanismes de relaxation ainsi que leurs cinétiques ont été récemment proposés à partir de modèles basés soit sur la théorie continue, soit sur l’approche discrète en termes de dislocations [141]. Quelle que soit la théorie, et pour les deux types d’arrangements de défauts, les mécanismes sont contrôlés par la diffusion intergranulaire. Leur cinétique est également donnée par une équation de la forme (1.65) avec une très faible valeur de la constante A (≈ 0,007) variant quelque peu selon le type d’approche et selon le type de dislocations. En conclusion, il est remarquable que tous les modèles de relaxation des contraintes intergranulaires dans le joint lui-même (excluant les processus aux jonctions triples) conduisent à une même forme de loi cinétique (1.65). Les différences entre les coefficients numériques A, de deux ordres de grandeur selon le modèle utilisé : délocalisation, décomposition et réarrangement des dislocations
292
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sans ou avec prise en compte du réseau intrinsèque, peuvent traduire le caractère plus ou moins à longue distance des processus diffusionnels impliqués. Par ailleurs, on doit noter que les produits DJ δ apparaissant dans l’équation (1.65) sont mal connus et qu’on devrait souvent considérer le produit P = kDJ δ dans lequel le coefficient k traduit un effet de la ségrégation sur la diffusion. De ces incertitudes, il en résulte que les temps calculés de relaxation, à une température donnée, diffèrent plus ou moins des temps déterminés expérimentalement, même en prenant la précaution de ne pas confondre manifestation du processus (variation de contraste des dislocations par exemple) et processus lui-même. Une révision récente des cinétiques des différents modèles a réussi à les réconcilier, une valeur unifiée de A = 0,036 est proposée, quelle que soit l’approche, continue ou discrète, du phénomène de relaxation ; cette valeur semble assez bien rendre compte d’un grand nombre de résultats expérimentaux [142]. Finalement, la compréhension des phénomènes de relaxation demande, au préalable, la connaissance de la distribution des contraintes à longue distance d’un joint hors équilibre en fonction de la distance x au joint de grains. Cette distribution évolue avec le temps quand le joint, sous l’effet d’un traitement thermique, retourne vers l’équilibre. Les deux paragraphes suivants développent les modèles d’évolution, avec la distance et avec le temps, des champs de contrainte liées aux dislocations extrinsèques. Ces approches mécaniques permettent de répondre « partiellement » à la question : comment se produit le changement de caractère d’une dislocation, d’extrinsèque à intrinsèque ? mais les processus physiques restent à préciser. Ces questions sont fondamentales pour aborder le rôle des joints dans la déformation plastique.
2.
Évolution des champs de contrainte des dislocations avec la distance au joint de grains
Deux approches ont été développées : l’une conduit à une diminution de la contrainte de cisaillement en x −1/2 [139, 143], l’autre à une proportionnalité avec x −3/2 [144]. La différence provient du degré de non-équilibre considéré : dans le premier cas, des désordres importants et réellement « au hasard » sont autorisés, dans le second, les dislocations sont très peu déplacées de leurs positions d’équilibre et un tel arrangement peut être vu comme un joint de grains « quasi équidistant ». Une autre différence provient du fait que dans un cas, des dislocations des cristaux sont introduites dans le joint de grains initial alors que, dans l’autre, seules interviennent des fluctuations de position des dislocations intergranulaires à partir de leurs positions d’équilibre.
2.1.
Modèle d’un mur désordonné « au hasard » de dislocations
L’arrangement désordonné de dislocations est modélisé comme un mur corrélé quasi uniforme de dislocations. Les dislocations intergranulaires sont considérées
C HAPITRE 5 – R ELAXATION
DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
293
comme des dipôles de désinclinaisons et la distribution pseudo au hasard des mi , donnée par la relation (2.67), est générée par la technique de Monte Carlo. Le joint de grains infini est divisé en période H , chacune contient un grand nombre N de dipôles de désinclinaisons (voir Fig. 1.60). La loi de diminution des champs de contraintes à longue distance est donnée par la dépendance de la variance du champ Dσ(x,y) avec la distance x du mur [139] : 2 Dσ(x,y) = σ2(x,y) − σ(x,y) (2.70)
σ(x,y) étant la valeur moyenne de la contrainte de cisaillement. La moyenne est obtenue sur un ensemble possible de réalisations de champs de contraintes « au hasard » liés aux dislocations intergranulaires distribuées « au hasard ». En considérant que la valeur moyenne de la contrainte est nulle, que les arrangements de dipôles ont la même probabilité le long du joint (direction y) et que la variance du champ élastique est uniforme dans un plan situé à une distance x du joint de grains, la formule précédente se simplifie : (2.71) Dσ(x,0) = σ2(x,0) Les calculs sont faits pour des distances x telles que h0 < x ≤ H (pour h0 voir Fig. 2.102a) afin d’éviter les effets à courte distance et les effets périodiques. La dépendance de Dσ(x,0) avec la distance x du joint de grains est donnée par [143] :
1/2 ≈ Abn [(ρGBD /x)]1/2 (2.72) Dσ(x,0)
où bn est la composante normale au joint de grains du vecteur de Burgers des dislocations intergranulaires, ρGBD est leur densité linéaire et A = µ[2π(1 − ν)]. Cette formule est valide uniquement pour les contraintes à grande distance (x ≥ ρ−1 GBD ). Considérons par exemple, dans un matériau de structure CFC, le joint de √ flexion√[001]Σ = 5 (θ = 36◦ 9) constitué d’unités A et B avec dA = a 2/2 et dB = a 5/2 (a est le paramètre de maille). En prenant N = 1200 et le nombre de réalisations du champ de contraintes égal à 1000, l’expression de la variance de la contrainte avec la distance x ≥ h0 = 4dA + dB ∼ = 4a est [139] : Dσ(x,0) = CDm (a/h0 )3 (a/x)
(2.73)
C est une constante aisément déterminée à partir de courbes expérimentales et Dm représente le degré de non-équilibre du joint selon l’expression (2.68). La variance du champ de contrainte en fonction de la distance au joint est représentée sur la figure 2.103 pour différents degrés de non-équilibre du joint lorsque m0 = 4. L’expression de la variance de la contrainte est également donnée en considérant la configuration désordonnée de dislocations de vecteur de Burgers b dont la distance moyenne est h. De plus, en faisant l’hypothèse que deux dislocations (une +b et une −b) sont absorbées pour n dislocations intrinsèques, la densité de dislocations extrinsèques est déduite ρ = 2/nh0 et une équation simple de la variance est alors :
1/2 ≈ 0,14[µb/(1 − ν)](3ρ/4x)1/2 (2.74) Dσ(x,0)
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F IG . 2.103 – Variance du champ de contrainte avec la distance au joint de grains pour différents niveaux de non-équilibre de la structure intergranulaire avec m0 = 4 ; les droites 1, 2, 3, 4, 5 et 6 correspondent à Dm = 0,1 - 0,3 - 0,5 - 0,7 - 1 - 2. (D’après A.A. Nazarov et al. [139].)
Pour fixer les effets du désordre provoqué par les dislocations extrinsèques, la densité de dislocations qui entrent dans un joint de grains après une déformation de 2 à 3 % à température ambiante est prise égale à 107 m−1 . En utilisant l’équation (2.74) pour un joint de grains dans l’aluminium, on trouve des contraintes internes supérieures à 10−4 µ jusqu’à des distances x ≈ 60 b donc susceptibles d’influencer le glissement des dislocations dans une région relativement épaisse ou « manteau » le long du joint. Les auteurs considèrent également l’énergie d’excès du joint de grains, égale à la différence entre l’énergie du joint non équilibré et celle du joint à l’équilibre, la désorientation étant la même. Avec les mêmes données que celles utilisées précédemment pour les contraintes, ils dérivent une expression simple de cette grandeur : γex =
3µb 2 ρ 8(1 − ν)
(2.75)
Pour l’aluminium déformé de 2 à 3 %, l’énergie d’excès est de 1,2.10−2 J.m−2 , ce qui correspond seulement à environ 2 % de l’énergie maximale des joints de flexion [001] (γ ≈ 0,6 J.m−2 ). En revanche, pour des niveaux élevés de déformation, l’énergie d’un joint non-équilibré peut atteindre deux fois la valeur de celle du joint à l’équilibre. Le joint semble alors dans un état voisin de l’état amorphe, état qui semble facilement atteint dans les matériaux à grains fins submicroniques.
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2.2. 2.2.1.
DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
295
Modèle du joint de grains « quasi équidistant » Mur infini de dislocations
Le terme « quasi équidistant » introduit pour définir ce modèle est dû à une première approche en élasticité isotrope des joints de flexion légèrement désordonnés [145]. Dans le modèle présenté ici, une distribution périodique, dans un mur infini, de dislocations identiques (vis, coin ou mixtes) parallèles constitue la configuration de départ. Les dislocations sont ensuite autorisées à se déplacer d’une petite distance h0 δi (avec h0 la distance d’équilibre entre dislocations ou période α de densité de dislocations inet δi ≪ 1) sans changer le tenseur « moyen » α terfaciales [146]. La configuration désordonnée est obtenue en superposant au réseau équilibré un réseau de dipôles de dislocations (Fig. 2.104), son champ de distorsion est alors la somme des champs du mur parfait et d’un mur de dipôles de dislocations distribués au hasard [144]. La valeur moyenne du champ de distorsion βd obtenue pour toutes les réalisations possibles du mur désordonné de dipôles β et pour une grande distance x > h0 est nulle (h0 est la distance des dislocations dans le mur ordonné). La déviation moyenne δ2 est en considérant que calculée (m) (n) = 0 ; m = n permet le désordre est petit et non-corrélé, c’est-à-dire que δ δ de repérer le dipôle et δ2 a une valeur finie.
F IG . 2.104 – Description d’un mur désordonné de dislocations : (a) mur ordonné ; (b) mur désordonné dipôles : (c) mur désordonné de dislocations obtenu en superposant (a) et (b).
296
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Alors la déviation standard du champ de contrainte (qui est la racine carrée de la variance) est égale à :
1/2
2 1/2 2 = Fij µ2π(1 − ν) (b/h0 )(h0 /x)3/2 σ2ij − σij δ
(2.76)
Fij est un coefficient qui a été calculé pour quelques configurations particulières. L’expression (2.76) est valable pour toutes les composantes non-nulles de la contrainte des joints « quasi équidistants » et pour n’importe quelle orientation du vecteur de Burgers des dislocations. Dans tous les cas, le champ élastique moyen reste égal à celui du mur strictement périodique, mais les fluctuations décroissent proportionnellement à x −3/2 . Chaque réalisation du mur désordonné conduit donc à un champ de contrainte qui décroît faiblement. L’ordre de grandeur des fluctuations a été calculé à partir de la formule (2.76) et pour des valeurs particulières de Fij correspondant à des situations physiquement significatives. Il en résulte par exemple pour 10−12 < b/h0 < 10−1 que toute composante du champ « fluctuant » des contraintes est supérieure à 2,5 10−4 µ à des distances x de l’ordre de 6 h0 . Cette situation peut exister à proximité des joints de grains à faible angle. Des approches unifiées, proposées par les deux groupes d’auteurs [147, 148], résolvent la dichotomie apparente entre les lois d’évolution des champs élastiques en x −1/2 et x −3/2 pour un désordre non-corrélé : la première correspond à un désordre fort, la seconde à un désordre faible. D’un point de vue physique, il semble que les dislocations extrinsèques formées lors de la déformation ou de la recristallisation d’un métal s’arrangent totalement « au hasard », le désordre tend donc vers l’infini et l’expression de l’évolution de la contrainte est en x −1/2 . Cependant, si la déformation a lieu à haute température ou si la relaxation des arrangements précédents est suffisamment avancée, le désordre diminue et un réseau pseudopériodique de dislocations extrinsèques existent dans le joint de grains, les composantes du champ des contraintes intergranulaires suivent alors une loi en x −3/2 . De tels réseaux pseudopériodiques ont été observés aussi bien dans les métaux [92, 107, 149] que dans les céramiques [150]. Dans les situations intermédiaires qui accompagnent l’évolution d’un joint d’un état fortement hors équilibre vers un nouvel état d’équilibre, les champs de contraintes sont fort probablement régis par d’autres lois.
2.2.2.
Mur fini de dislocations
On doit aux auteurs de l’approche précédente [144] de s’être également intéressés à des arrangements finis de dislocations qui correspondent mieux à des situations réelles. Un joint de flexion contient, sur une partie H de sa longueur (parallèle à Oy), un mur fini de n dislocations coin identiques (b perpendiculaire au mur) parallèles entre elles et à Oz et équidistantes de h0 (Fig. 2.105). Le champ de contrainte d’une telle configuration est celui d’un dipôle de désinclinaison. Le reste du joint est décrit par une distribution de dislocations infinitésimales.
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DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
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F IG . 2.105 – Mur fini de flexion selon yOz formé de dislocations coin parallèles à Oz de vecteur de Burgers b selon Ox et complété par une distribution de dislocations infinitésimales.
Les contributions des différentes parties à la contrainte de cisaillement σxy ont été calculées analytiquement. La figure 2.106 présente les évolutions de la contrainte calculée pour y = 0 avec la distance x du joint dans le cas d’un mur périodique infini (courbe a), pour un mur contenant localement 11 dislocations coin formant un dipôle (courbe b) et pour une seule dislocation de vecteur de Burgers 11 b (courbe c). La contribution du mur parfait décroît rapidement avec la distance dès que x > 2πh0 . Le mur se comporte comme une dislocation isolée de vecteur de Burgers nb pour des distances x > 2H . Pour des distances intermédiaires, la variation de la contrainte est contrôlée par celle du dipôle, elle passe par un minimum pour x ≈ h0 qui résulte de la combinaison de la diminution due au mur parfait et de la rapide augmentation associée au dipôle, elle présente aussi un maximum pour x ≈ π2 H .
F IG . 2.106 – Évolution de la composante de cisaillement σxy d’un mur contenant des dislocations coin dont le vecteur de Burgers est perpendiculaire au mur. La contrainte est exprimée en unités µb/2πh0 et la distance en unités 2πh0 avec h0 , la distance entre dislocations. Cas d’un mur infini (a), cas d’un mur fini de 11 dislocations (b) et cas d’une seule dislocation de vecteur 11 b (c). (D’après Saada et al. [144].)
3.
Dépendance des champs de contraintes avec le temps
Cette question prend toute son importance quand on tente de comprendre la dispersion progressive du contraste de l’image obtenue en MET d’une dislocation
298
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extrinsèque sous l’effet d’une activation thermique. Pour comprendre ce phénomène qui accompagne l’incorporation de la dislocation extrinsèque dans le réseau intrinsèque, l’évolution avec le temps des contraintes à longue distance d’un joint de grains contenant des dislocations extrinsèques est considérée comme analogue à celle d’un mur fini de dislocations dont la longueur augmente progressivement [140]. Un joint de grains de flexion contient un réseau de dislocations intrinsèques secondaires coin distantes de h auquel se superposent des dislocations extrinsèques coin arrangées périodiquement et distantes de H = 2Nh (Fig. 2.107). N très grand correspond à l’existence d’une seule dislocation extrinsèque dans le joint.
F IG . 2.107 – Structure initiale d’un joint de grains de flexion contenant un réseau intrinsèque de dislocations distantes de h et des dislocations extrinsèques distantes de H . (D’après A.A. Nazarov et al. [140].)
Sous l’effet des contraintes des dislocations extrinsèques et sous l’effet d’un recuit toutes les dislocations se déplacent par montée pour créer un nouveau réseau périodique. La figure 2.108 montre les évolutions avec la distance au joint de la contrainte de cisaillement σxy pour y = 0 (position d’une dislocation extrinsèque à mi-distance entre deux dislocations intrinsèques) au fur et à mesure que le processus de relaxation avance. Les courbes 1 à 9 correspondent à différents temps de relaxation, donc à différents états de réorganisation de toutes les dislocations depuis la perturbation initiale jusqu’au retour à la périodicité. Elles sont données en coordonnées sans dimensions et sont valables pour des valeurs de N inférieures à 100, ce qui est équivalent à une faible densité en dislocations
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F IG . 2.108 – Évolution avec le temps des courbes donnant la contrainte de cisaillement (pour y = 0) en fonction de la distance x au joint. Cette évolution est due au réarrangement des dislocations extrinsèques et intrinsèques dans un joint de grains donnant lieu à la relaxation des contraintes. Les courbes 1 à 9 correspondent à des temps croissants de relaxation. (D’après A.A. Nazarov et al. [140].)
extrinsèques. On remarque que pour des temps intermédiaires, les courbes prennent la forme de celle obtenue pour un mur fini de dislocations (Fig. 2.106). Pour des faibles valeurs de x, la contrainte décroît exponentiellement avec la distance. Puis les courbes passent par un minimum et un maximum et deviennent voisines de celle d’une seule dislocation lorsque x augmente. Lorsque le temps de relaxation augmente, le maximum de la contrainte se déplace vers les valeurs croissantes de x, mais simultanément son intensité diminue. Cette évolution de la contrainte de part et d’autre du joint de grains avec le temps à une température donnée est à rapprocher de l’évolution du contraste des dislocations extrinsèques (contraste dû à cette contrainte) et traduite par le phénomène de dispersion. La cinétique d’évolution a été calculée et prend la même forme que celle déterminée expérimentalement pour la disparition du contraste en MET des dislocations extrinsèques. Le temps trel nécessaire pour une complète relaxation de la structure intergranulaire est donné par une expression similaire à (2.65),
300
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mais dans laquelle H remplace la distance d’extinction s. Plus précisément, s est la largeur de l’image de la dislocation juste avant la disparition de son contraste (s ≈ 2ξg ). H est la distance entre dislocations extrinsèques, c’est un paramètre physique du joint de grains alors que s dépend des conditions d’observation . Même si les expressions donnant ts et trel sont similaires, le temps pour l’extinction de l’image de la dislocation ne traduit pas réellement l’achèvement du processus de relaxation et fort probablement sous-estime le temps réel. L’expression de la cinétique de relaxation déduite du modèle d’incorporation permet donc de s’affranchir du paramètre s. Elle conduit à des temps de relaxation du même ordre de grandeur que ceux déterminés expérimentalement.
4.
Études expérimentales de l’accommodation des dislocations extrinsèques
L’accommodation des dislocations extrinsèques a fait l’objet de nombreuses observations à des échelles différentes, mais le plus souvent sans corrélation les unes avec les autres. Les processus ont surtout été élucidés par des études en microscopie électronique en transmission conventionnelle et à haute résolution pour des joints bien caractérisés de bicristaux tandis que les cinétiques ont plus souvent été déterminées par recuit in situ dans le microscope de polycristaux. Pour aborder les processus de relaxation dans les joints réels, on se doit de caractériser les dislocations extrinsèques dans des joints dont la structure ne peut pas être décrite par le modèle « SU/GBD » et qui constituent certainement une forte proportion des joints dans les polycristaux. Comment s’effectue réellement, et par comparaison aux modèles, l’évolution vers une structure d’équilibre d’un joint de grains perturbé par des dislocations extrinsèques et quelle est la cinétique de cette évolution ? Nous tentons ici de répondre à ces questions en décrivant les phénomènes intergranulaires observés qui accompagnent le retour vers l’équilibre de divers joints de grains dans quelques métaux et semi-conducteurs.
4.1.
Accommodation dans les joints symétriques de flexion des semi-conducteurs
Les observations en microscopie électronique par transmission en haute résolution permettent de bien préciser les processus d’incorporation dans la structure intrinsèque de plusieurs joints symétriques de flexion dans les semi-conducteurs [116, 121, 151, 152], mais elles ne peuvent donner aucune information sur ces processus dans des joints mixtes et/ou de plan quelconque. L’expression (2.64) indique qu’un joint de grains déformé peut retrouver un nouvel état d’équilibre impliquant un changement de sa désorientation θ. Si les dislocations entrées dans un joint s’intègrent dans sa structure intrinsèque par un processus d’incorporation, le changement de désorientation peut être relié au nombre de dislocations introduites dans le joint. C’est le cas pour un joint de
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301
grains symétrique de flexion 110 dans un bicristal soumis à un essai de déformation selon un axe contenu dans le plan du joint. Les dislocations extrinsèques proviennent des plans de glissement primaires des deux cristaux symétriques l’un de l’autre par rapport au plan du joint. Une déformation par traction entraîne une diminution de l’angle de désorientation et inversement, la désorientation augmente par compression. En se référant à l’expression de Read et Shockley donnant la distance des dislocations primaires en fonction de l’angle de désorientation dans un joint de flexion à faible angle (d = b/θ), on montre que dN dislocations distribuées le long d’un vecteur unitaire t de ce joint modifient la désorientation de dθ = b dN . On peut étendre ce changement aux joints de flexion symétriques à grand angle. L’augmentation du nombre de dislocations provenant des deux cristaux est 2 dN par unité de longueur le long du joint. Seules les composantes à caractère coin des dislocations provoquent un changement de désorientation qui, dans le cas d’une déformation par traction, s’écrit : dθ = −2(b.n) dN
(2.77)
avec n le vecteur unitaire normal au plan du joint. La déformation dε associée à ces dislocations est : dε = (b.t) dN La variation angulaire totale est : 2(b.n) dε ∆θ = dθ = − (b.t)
(2.78)
(2.79)
Une telle évolution a été confirmée pour un bicristal de germanium déformé par traction à 490 ◦ C, la désorientation initiale du joint égale à 38◦ 9 autour de l’axe 110 (Σ9) décroît jusqu’à 20◦ [151]. Les processus d’incorporation dans un même joint Σ9 {122} du silicium ont été étudiés en fonction de la température [152]. La structure du joint perturbée après déformation de 1,7 % à 1120 K résulte en une distribution non homogène de dislocations extrinsèques (Fig. 2.109) dont les vecteurs de Burgers sont ceux déterminés dès les débuts de l’incorporation des dislocations de matrice (Fig. 2.91), les produits glissiles de sens opposé s’étant annihilés. À cette température, la relaxation est incomplète. En revanche, après une déformation de 1,5 % à 1470 K, un arrangement périodique de dislocations secondaires sessiles se superpose à la structure initiale entraînant un changement de désorientation ∆θ, analogue à un sous-joint dans le joint. La relaxation totale peut s’expliquer par la décomposition à haute température des dislocations b30 , l’annihilation des produits glissiles et la réorganisation par montée des produits sessiles. Si ce schéma d’évolution est bien conforme au modèle de Nazarov et al. [139], c’est que toutes les conditions du modèle sont réalisées dans les expériences : joint de pure flexion, dislocations extrinsèques sessiles parallèles aux dislocations intrinsèques ; ces conditions sont rarement remplies dans les cas pratiques.
302
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F IG . 2.109 – Après compression d’un bicristal de silicium, un sous-joint plus ou moins parfait se superpose au joint initial Σ9 : (a) déformation à 1120 K, distribution hétérogène de dislocations extrinsèques avec divers vecteur de Burgers du réseau DSC ; (b) déformation à 1470 K, configuration périodique de dislocations coin devenues intrinsèques. (D’après J. Thibault et al. [152].)
4.2.
Accommodation dans des joints singuliers, vicinaux et généraux des métaux
Bien que moins détaillées et moins précises que les études précédentes, les investigations effectuées à différentes échelles sur les métaux autorisent des comparaisons entre les phénomènes d’accommodation intervenant, d’une part, pour un métal donné, dans divers types de joints de grains et, d’autre part, pour un joint donné, dans des métaux différents. Elles permettent de montrer que les processus d’accommodation diffèrent selon les paramètres microscopiques du joint de grains et de mettre en question la nécessaire intervention d’un processus non diffusionnel.
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DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
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Les premières études des phénomènes de relaxation des dislocations extrinsèques effectuées sur des joints quelconques des métaux appuient le modèle de délocalisation [153, 154]. Récemment, les comportements des dislocations dans des joints de grains du nickel et du cuivre (singuliers, vicinaux ou généraux) ont été suivis en conjuguant plusieurs techniques de microscopie électronique en transmission : conventionnelle (champ clair et champ faible), in situ (en chauffage et/ou en déformation) et haute résolution, permettant ainsi d’avoir une vue multiéchelle des phénomènes [5, 111, 126, 155, 156]. Les métaux cuivre et nickel ont été choisis en raison de la différence de leurs énergies de faute d’empilement, dont on a vu l’impact sur l’entrée d’une dislocation dans un joint (Chap. 4, Sect. 3.5).
4.2.1.
Accommodation dans des joints proches de Σ3 {111}
Un joint de grains très proche de Σ3 {111} dans un bicristal de nickel contient un réseau de dislocations intrinsèques secondaires qui rend compte du faible écart de flexion ∆θ = 0,09 à la désorientation de coïncidence exacte. Ce réseau est coupé par deux dislocations extrinsèques de vecteur de Burgers égal à un vecteur du cristal (Fig. 2.110a). Notons que cette situation réelle n’est prise en compte par aucun des modèles existants. Sous l’effet d’un court recuit à température modérée, une des dislocations extrinsèques a nettement réagi avec une dislocation intrinsèque avec formation d’un court segment dont le vecteur de Burgers est la somme des vecteurs de Burgers des deux dislocations (Fig. 2.110b). L’évolution de la configuration d’interaction sous l’effet d’un traitement thermique prolongé, suivie par microscopie électronique in situ, est représentée schématiquement sur la figure 2.111. Les dislocations se déplacent par montée dans le joint. Tout d’abord, le segment MN se combine avec la partie B2 de la dislocation extrinsèque B pour former une dislocation de vecteur égal à celui de la dislocation intrinsèque A (Figs. 2.111b et 2.111c). Une dislocation de matrice L entre dans le joint (Fig. 2.111d), réagit avec la dislocation intrinsèque A pour former une dislocation glissile qui s’éloigne rapidement vers les extrémités du joint de grains. Finalement, après diverses réactions de combinaison et annihilation, la configuration se réduit à une seule dislocation extrinsèque B1 parallèle au réseau intrinsèque (Fig. 2.111e), situation prise en compte au début du modèle d’incorporation [139] qui peut maintenant opérer. En effet, la dislocation extrinsèque résiduelle se décompose en une dislocation sessile et une dislocation glissile qui s’écarte de la précédente par glissement (Fig. 2.111f) [111]. Lorsque, dans un joint, une dislocation extrinsèque n’est pas parallèle au réseau intrinsèque, le modèle de Nazarov [139] peut donc s’appliquer in fine, mais il requiert au préalable toute une série de réactions non-prédites par ce modèle. Cependant, le suivi de l’évolution du joint Σ3 pendant un temps prolongé à une température voisine de 0,7 TF ne révèle pas de réorganisation des dislocations en un réseau périodique, signe d’une relaxation incomplète des contraintes liées aux dislocations extrinsèques. Le joint Σ3 {111} perturbé ne retrouve donc pas aisément un nouvel état d’équilibre.
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(a)
F IG . 2.110 – (a) Image électronique en champ clair d’un joint de grains du nickel très proche de Σ3 contenant un réseau de dislocations intrinsèques A, A′ , A′′ (trait fin) coupé par deux dislocations extrinsèques B et B′ (trait épais) ; la dislocation extrinsèque B a réagi avec la dislocation intrinsèque A pour former le segment MN ; (b) schéma de la configuration d’interaction. (D’après S. Poulat et al. [111].)
Une étude similaire a été menée sur un joint très proche de Σ3 {111} d’un polycristal de cuivre [126, 155]. Contrairement au cas précédent, les dislocations dans le joint sont toutes glissiles et peuvent donc, en principe, se déplacer aisément dans le joint. Cependant, dans la plupart des cas réels, leur glissement est freiné par des configurations de dislocations intergranulaires formées par l’intersection dans le joint de dislocations émanant de différents plans de glissement des cristaux. La figure 2.112 montre des séquences de l’évolution sous recuit in situ d’un grand nombre de dislocations intergranulaires ainsi que quelques schémas correspondants. Les dislocations isolées F′ et D′ commencent à glisser dans le joint à une température de 420◦ (≈ 0,5 TF ) et se heurtent à l’obstacle formé par une configuration de dislocations. Elles arrivent à franchir cet obstacle via un mouvement
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DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
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F IG . 2.111 – Évolution sous l’effet d’un traitement thermique prolongé de la configuration d’interaction entre deux dislocations sécantes, une intrinsèque et une extrinsèque dans un joint Σ3 du nickel. Le chauffage et les observations ont été effectués in situ dans le microscope électronique [111] (voir texte).
de nœuds accompagné de nombreuses réactions entre dislocations dont nous ne donnons pas ici les détails. Après ce franchissement, l’état du joint apparaît moins perturbé indiquant un gain net d’énergie (comparer les figures 2.112a et 2.112d). L’évolution ultérieure après recuit de deux heures à 0,74 TF ne conduit pas à un état totalement équilibré du joint de grains, mais à des arrangements de dislocations glissiles fort probablement en mouvement vers une extrémité du joint (Fig. 2.113). Dans le cuivre et le nickel, les joints de macle contenant des dislocations extrinsèques ont en commun un mode de relaxation par réactions complexes de produits discrets avec une évolution nette vers des arrangements simples de dislocations, sessiles ou glissiles. Cependant, cette évolution ne conduit pas à une structure totalement rééquilibrée, même après des temps prolongés à des températures égales, voire supérieures, à 0,7 TF . Cette difficulté pour les dislocations à se réorganiser peut être attribuée à un coefficient de diffusion intergranulaire relativement faible, voisin du coefficient de diffusion en volume. Il apparaît alors probable que l’accommodation des dislocations extrinsèques dans les joints Σ3 {111} se produise par émission de dislocation dans les cristaux, ce processus exigeant un niveau élevé
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F IG . 2.112 – Évolution d’une configuration de dislocations dans un joint proche de Σ3 {111} dans du cuivre : (a) deux dislocations glissiles F′ et D′ s’approchent, après recuit d’environ 1h à 0,5 TF , d’une configuration complexe formée de dislocations intergranulaires glissiles et de dislocations de matrice partiellement entrées dans le joint ; (b) franchissement de l’obstacle par la première dislocation D′ ; (c) interaction de la seconde dislocation mobile F′ avec la configuration ; (d) après ce franchissement, le joint de grains apparaît moins perturbé qu’en (a). (D’après J.P. Couzinié et al. [155]).
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DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
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F IG . 2.113 – Arrangement de dislocations glissiles obtenu après environ 2 h à 0,74 TF dans un joint de grains proche de Σ3 {111} dans le cuivre. (D’après J.P. Couzinié [156].)
de contraintes locales. Dans tous les cas, les joints de macle constituent des barrières très efficaces à la déformation, malgré des facteurs géométriques favorables à la transmission des dislocations (Chap. 4, Sect. 3.4).
4.2.2.
Accommodation dans des joints de proche coïncidence avec réseaux intrinsèques
Des réactions semblables aux précédentes interviennent dans un joint vicinal symétrique proche de Σ11 {311} du nickel (Fig. 2.114). L’écart à la position exacte de coïncidence étant relativement élevé, le réseau de dislocations intrinsèques est très dense. La dislocation piégée dans le joint réagit alors avec un grand nombre de dislocations intrinsèques conduisant à la formation de petits segments bien discrétisés, révélés en microscopie électronique en champ faible. Observée en champ clair, la configuration présente un élargissement du contraste pouvant indiquer une dispersion de la contrainte : cet exemple est significatif des erreurs d’interprétation résultant du mode d’observation et renforce la nécessité d’investigations multiples. En réalité, la configuration s’explique par la décomposition de la dislocation extrinsèque en deux produits qui réagissent ensuite avec le réseau intrinsèque selon le schéma de la figure 2.115. En accord avec ce schéma, un aspect de réseau en nid d’abeilles de la configuration est bien observé après recuit ultérieur de la lame mince (Fig. 2.114d). Le maintien du joint pendant une heure à 0,4 TF conduit à un arrangement quasi-périodique des dislocations extrinsèques (Fig. 2.116) préfigurant le réseau
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F IG . 2.114 – Images électroniques en champ clair montrant : (a) une longue dislocation extrinsèque qui coupe le réseau dense de dislocations intrinsèques dans un joint vicinal voisin de Σ11 {311} et (b) l’évolution de la configuration sous recuit ; (c) image électronique en champ faible révélant les produits de l’interaction entre la dislocation extrinsèque et le réseau intrinsèque après un recuit de 40 min à 250 ◦ C ; (d) aspect en nid d’abeilles de la configuration après recuit ultérieur. (D’après S. Poulat et al. [111].)
F IG . 2.115 – Schéma d’interprétation de l’image observée après recuit (Figs. 2.114c et 2.114d) : (a) décomposition de la dislocation extrinsèque D en deux produits ; (b) et (c) configuration après réaction de ces deux produits avec le réseau intrinsèque (les segments NM′ sont ceux visibles en champ faible).
strictement périodique prévu par Nazarov et al. [139]. Contrairement au joint Σ3 très proche de la singularité, ce joint vicinal Σ11 atteint donc un état voisin de l’équilibre pour une température et pour des temps de recuit modérés.
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F IG . 2.116 – Image électronique en champ faible montrant, après un recuit d’environ 1 h à 0,4 TF , un réseau quasi-périodique de dislocations intergranulaires qui témoigne d’un état avancé de relaxation du joint vicinal Σ11 {311}, état proche de l’équilibre [111].
Un réseau de dislocations intrinsèques sessiles A, accommodant un écart de flexion à la coïncidence, coupé par une dislocation extrinsèque B est observé dans un joint général proche de Σ9 {221} dans un bicristal de cuivre ayant subi un recuit de 30 min à 300 ◦ C (Fig. 2.117) [126]. Le joint de grains Σ9 {221} est considéré comme général par référence à son énergie élevée (Fig. 1.4). Le joint observé ici est asymétrique et contient très peu de dislocations extrinsèques. La dislocation B présente un fort contraste continu en champ clair, mais en fait a réagi avec le réseau intrinsèque lorsqu’on l’observe en champ faible. Comme précédemment, l’interprétation de « dispersion » continue dans ce type de joint est mise en cause, elle résulte du manque de résolution de la méthode d’investigation. La configuration observée s’explique par la décomposition de la dislocation B en deux dislocations du réseau DSC qui réagissent avec chaque dislocation intrinsèque, de manière identique à ce qui est reproduit sur la figure 2.115. Cette configuration évolue vers un réseau périodique de dislocations, quasi-parfait après quelques jours à température ambiante, soit 0,2 TF pour le cuivre (Fig. 2.118). L’intervention d’une accommodation des dislocations extrinsèques dans des joints non identifiés du cuivre (sans réseau intrinsèque et, sans doute, généraux) a déjà été mentionnée pour des températures de l’ordre de 240 K, soit 0,18 TF [157]. Si les processus de relaxation sont les mêmes dans le joint vicinal du nickel et le joint général du cuivre, tous deux périodiques, en revanche, les cinétiques semblent différer. Par ailleurs, le retour vers l’équilibre apparaît mieux réalisé dans le joint proche de Σ9 que dans le joint Σ11. Cet aspect cinétique sera discuté ultérieurement (Sect. 4.3).
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F IG . 2.117 – Observation en microscopie électronique en transmission d’une dislocation extrinsèque B coupant un réseau de dislocations intrinsèques A dans un joint proche de Σ9 d’un bicristal de cuivre : (a) image en champ clair (contraste continu de B ; (b) images en champ faible montrant des produits des réactions de B avec les dislocations A. (D’après L. Priester et al. [125]).
4.2.3.
Accommodation dans des joints généraux asymétriques, sans réseau intrinsèque
Finalement, les observations du phénomène de relaxation des dislocations extrinsèques portent sur des joints généraux (le caractère général étant défini par rapport à plusieurs degrés de liberté), sans structure périodique intrinsèque à l’échelle de la microscopie électronique en transmission. Dans le nickel, un joint écarté de la coïncidence Σ11, fortement asymétrique (à 44◦ du plan symétrique {332}) contient deux familles de dislocations extrinsèques dont l’évolution sous recuit se traduit par un élargissement des contrastes, suivi de leur disparition (Fig. 2.119). Aucun produit discret n’a pu être révélé en champ faible, au cours de la relaxation du joint de grains. Un joint général dans un polycristal de cuivre a été soumis à une déformation in situ dans le microscope à température ambiante. Un empilement de dislocations aboutit sur ce joint. Chacune d’elles entre dans le joint sous l’effet de la contrainte appliquée, entrée accompagnée spontanément de la disparition totale du contraste de l’image de la dislocation. Aucune spécificité géométrique ne permet d’envisager un mouvement rapide de la dislocation dans le joint ou vers la surface libre. La contrainte semble donc se disperser instantanément dans le joint de grains (Fig. 2.120), mettant en question le caractère diffusionnel du mécanisme. Au vu de ces réactions, un mécanisme de délocalisation de cœur d’une dislocation entrant dans un joint général semble fort probable. Si, dans le cas du nickel, il peut être imputé à un phénomène diffusionnel, il semble plus difficile à interpréter sur cette base dans le cuivre.
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F IG . 2.118 – Micrographies électroniques montrant l’évolution de la configuration d’interaction entre la dislocation B et le réseau A : (a) situation initiale ; (b) après deux jours puis (c) après 15 jours à température ambiante, un réseau périodique de dislocations est quasi rétabli dans le joint. (D’après J.P. Couzinié et al. [156].)
F IG . 2.119 – (a) Image électronique en champ faible montrant deux familles de dislocations extrinsèques : e6 (contraste blanc) et e5 (contraste noir) dans un joint général asymétrique proche de Σ11 {332} ; (b) après un recuit de 15 min à 0,2 TF , les dislocations e5 ne sont plus visibles et le contraste des dislocations e6 est fortement élargi. (D’après S. Poulat et al. [111].)
4.2.4.
Interprétation des phénomènes observés d’accommodation sur la base des modèles
Avant de tenter de comprendre les processus mis en jeu dans les phénomènes d’accommodation, il est nécessaire de comparer les résultats obtenus, à l’échelle
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F IG . 2.120 – (a) Empilement de dislocations de matrice sur un joint général dans un polycristal de cuivre ; (b) les deux premières dislocations entrent successivement dans le joint sans provoquer le moindre contraste dans celui-ci ; (c) agrandissement de la région du joint au moment de l’incorporation des dislocations montrant nettement l’absence instantanée de contraste. (D’après J.P. Couzinié et al. [156].)
microscopique, sur les réactions et les évolutions de contraste des dislocations extrinsèques avec les caractéristiques des défauts résiduels intergranulaires observés à l’échelle atomique. La comparaison est possible, car il s’agit ici des mêmes joints de grains dans les mêmes métaux de haute pureté. Cette dernière condition est d’importance car la ségrégation d’un soluté, différente selon la structure du joint, entraînerait des modifications des réactions intergranulaires. La microscopie électronique en transmission à haute résolution apporte alors un éclairage supplémentaire et indispensable pour interpréter les observations précédentes. À cette échelle, les joints symétriques proches de Σ3 {111}, Σ9 {221}, Σ11 {311} et Σ11 {332} dans le nickel et/ou le cuivre présentent tous des défauts extrinsèques clairement identifiés par la présence ou l’absence d’une unité structurale du joint symétrique parfait ; ces défauts sont donc bien localisés dans le joint, comme on peut le constater pour le joint très voisin de Σ11 {332} symétrique du
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nickel (Fig. 2.3c). En revanche, un joint asymétrique Σ11 du nickel, similaire à celui observé en MET (Fig. 2.119), s’avère composé de facettes asymétriques incommensurables {111} // {331} en alternance avec une demi-période du joint symétrique {332} (Fig. 2.121). Chaque facette asymétrique peut être considérée comme un défaut par rapport au joint symétrique {332} parfait. La procédure proposée par King et Smith [158] permet de décrire cette facette comme une dislocation extrinsèque sessile de vecteur de Burgers égal à 2 b3 (b3 = a/22 332 est un vecteur du réseau DSC du joint Σ11) accompagnée d’une marche h de hauteur égale à une période du réseau DSC [5].
F IG . 2.121 – (a) Image en microscopie électronique à haute résolution de la structure d’un joint général Σ11 composée de facettes asymétriques {111} // {331} en alternance avec des facettes symétriques de longueur égale à une demi-période E+ DE− D du joint symétrique {332} (voir Fig. 2.3c) ; (b) détermination des caractéristiques du défaut que constitue une facette asymétrique selon [121] : bDSC = 2 b3 et h = 1 période du réseau CSL (5 mailles de ce réseau sont tracées dans chacun des cristaux). (D’après S. Poulat et al. [5]).
La comparaison des résultats obtenus à l’échelle nanoscopique avec ceux déduits de l’observation à l’échelle microscopique permet d’associer les dislocations discrètes observées dans tous les joints symétriques périodiques, de basse ou haute énergie, à des défauts intergranulaires dont les cœurs sont très localisés. Inversement, l’élargissement du contraste des dislocations dans le joint incommensurable
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semble aller de pair avec l’existence de défauts dont les cœurs ne peuvent pas être localisés. Mais, quelle que soit leur structure de cœur, les défauts ont tous des vecteurs de Burgers, élémentaires ou non, du réseau DSC. Les résultats indiquent clairement que le mode de relaxation des dislocations extrinsèques ne dépend pas de l’énergie du joint de grains mais semble fonction de l’existence ou non d’une périodicité de la structure intergranulaire. Cette proposition se comprend bien à partir de la notion de maille des déplacements non identiques (c.n.i.d.) et si on se réfère à la figure 2.10. Dans les joints périodiques, toute délocalisation du cœur d’une dislocation intergranulaire est freinée par une force analogue à la force de friction de réseau dans un cristal, la périodicité dans le joint étant celle du c.n.i.d. Les barrières d’énergie à vaincre pour déplacer une dislocation dans le plan d’un joint de grains sont traduites par la surface γ dont on trouve quelques exemples sur la figure 1.77. Dans les cas où une maille des déplacements non identiques existe, la relaxation relève d’un processus d’incorporation du type décrit par Nazarov et al. [139], tout en étant un peu plus complexe dans la réalité. En revanche, dans un joint quasi périodique (voire amorphe), l’extension du cœur d’une dislocation est plus aisée, car il n’entraîne aucune augmentation de l’énergie du joint. La relaxation est bien décrite par le modèle de délocalisation, incluant le modèle « quasi visqueux » [133, 137]. Alors que l’énergie de faute d’empilement joue un rôle évident dans l’entrée d’une dislocation dans un joint de grains et dans son émission dans un cristal (Chap. 4, Sect. 3.5), il n’est pas possible actuellement de se prononcer sur son rôle dans les modes de relaxation intergranulaire. Son influence sur les phénomènes de décomposition et de délocalisation peut cependant être envisagée dans la mesure où une faible énergie de faute d’empilement favorise l’élargissement des cœurs des dislocations. Rappelons que, pour un joint de grains, une dislocation extrinsèque est l’équivalente d’une dislocation dans un cristal. La question qui se pose à ce stade touche la prédiction du mode de relaxation d’un joint de grains connaissant seulement ses paramètres macroscopiques. Dans les expériences précédentes, les deux joints proches de Σ11 {332}, l’un symétrique et périodique, l’autre asymétrique et apériodique, ont tous deux des énergies élevées. Le premier est général si on se réfère à la désorientation et singulier par rapport au plan du joint alors que le second est général quel que soit le paramètre géométrique considéré. En réalité, ces deux joints considérés comme « généraux », selon la classification qui prévaut actuellement (partie 1, Chap. 5, Sect. 5.1), ont des modes de relaxation très différents. Nous ne retenons ici comme vraiment généraux que les joints mixtes flexion/torsion, de désorientation irrationnelle et/ou de plan irrationnel soumis à un mode de relaxation par délocalisation. Ces joints sont fort probablement en grande proportion dans la plupart des matériaux réels. Jusqu’à présent, leur structure fine n’a pas été observée expérimentalement. Certains joints généraux ont été modélisés en termes de quasi-périodicité. Plus récemment des simulations des structures de joints de torsion de bicristaux et de joints de grains dans du silicium nanocristallin [131, 132] suggèrent la formation d’une phase amorphe en équilibre thermodynamique dans des joints de haute énergie. On peut penser que ces résultats, qui remettent à l’honneur les idées de
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Rosenhain [130] d’il y a environ un siècle, s’étendent à une grande population de joints quelconques des polycristaux. Si on peut facilement concevoir que l’intervention d’un processus d’accommodation discret ou continu dépend de la présence ou non d’une symétrie de translation dans le plan du joint de grains, reste la question de la nécessité ou non d’un mécanisme diffusionnel. Jusqu’à présent tous les modèles d’accommodation impliquent la diffusion intergranulaire, mais celle-ci est mise en cause par la disparition instantanée du contraste des dislocations dans un joint de grains général du cuivre à température ambiante. Cette spontanéité du phénomène de relaxation ne s’explique pas si on prend en compte les paramètres de diffusion de ce joint (Sect. 4.3). Elle est fort probablement due à la structure quasi périodique, sans symétrie translationnelle dans le plan (volume du c.n.i.d. égal à zéro) du joint général (ce qualificatif signifiant ici d’énergie élevée et invariable avec tout degré de liberté macroscopique). Dans ce type de joints, la dislocation extrinsèque peut être vue comme une densité de déformation et la relaxation des contraintes comme la propagation d’une onde élastique de déformation [111, 159]. Pour conclure, quel que soit le mécanisme responsable de l’accommodation instantanée des contraintes associées aux dislocations extrinsèques, diffusionnel ou non, le phénomène confère aux joints de grains « généraux » un rôle de puits parfaits pour les dislocations de matrice. Cette remarque prend toute son importance dans la perspective d’un rapprochement entre les observations à l’échelle microscopique et les comportements à l’échelle macroscopique (premier stade de la déformation plastique, comportement au fluage. . .) et en vue d’aborder les propriétés des matériaux à grains fins, voire nanomatériaux, dans lesquels les proportions de joints généraux sont probablement très élevées.
4.3.
Étude de la cinétique d’accommodation
Rappelons que les cinétiques des différents mécanismes d’accommodation des dislocations extrinsèques dans les joints de grains ont la même expression (2.65). Par ailleurs, les expériences décrites précédemment montrent que le degré de relaxation atteint, après un revenu prolongé à une température donnée, diffère fortement selon le type de joint, singulier, vicinal ou général. Des études par microscopie électronique in situ ont permis de préciser l’évolution du contraste des dislocations extrinsèques en fonction du temps selon le caractère du joint de grains. Dans ces études, le détail des processus de relaxation n’est pas accessible, seule la disparition du contraste associé à la dislocation extrinsèque est prise en compte, que celle-ci résulte d’un élargissement de cœur ou d’une dissociation en petits produits. En général, la cinétique varie bien comme l’inverse du coefficient de diffusion intergranulaire (partie 3, Chap. 2, Sect. 1.3 et 6.1) [160]. Ainsi l’accommodation toujours partielle des dislocations extrinsèques dans un joint très proche de Σ3 {111}, malgré des traitements thermiques prolongés à haute température, s’explique bien par le fait que la diffusivité de la macle cohérente est sensiblement égale à celle de la matrice. La réorganisation des arrangements non équilibrés de dislocations s’effectue plus rapidement
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lorsque le joint s’écarte de la singularité. Les temps nécessaires pour la disparition des contrastes associés aux dislocations extrinsèques ont été utilisés pour évaluer les coefficients d’autodiffusion et les énergies d’activation de la diffusion dans divers joints de grains [160]. Les résultats sont en bon accord avec ceux obtenus par des méthodes plus classiques. Il reste à comprendre l’instantanéité du phénomène de relaxation observée précédemment dans un joint de grains général du cuivre à 293 K (0,2 TF ). Jusqu’à présent, toutes les observations portant sur l’élargissement du contraste des dislocations extrinsèques dans le cuivre, même à température aussi basse que 0,18 TF , indiquent que ce phénomène se fait toujours progressivement [157]. Pour estimer le temps ts nécessaire à la relaxation, nous utilisons la relation (2.65) développée en exprimant le coefficient de diffusion intergranulaire à la température Ts et en prenant la valeur unifiée 0,036 pour la constante A [142]. ts = 0,036
kTs s 3 J µΩD0 δ
exp
Q RTs
(2.80)
avec k = 1,38.10−23 J K−1 , R = 8,314 J.mol−1 .K−1 , µCu = 5.1010 Pa, Ω = bCu = 0,253 10−27 m3 . On fixe s = 100 nm, valeur raisonnable compte tenu des expériences et déjà utilisée dans d’autres calculs du même type. Les grandeurs caractéristiques de l’auto-diffusion intergranulaire « moyenne », facteur pré-exponentiel et énergie d’activation, pour du cuivre de pureté 99, 9998 sont respectivement : J D0 δ = 1,16 10−15 m3 .s−1 et Q = 84,75 kJ.mol−1 [161]. Avec ces données, le temps de relaxation des dislocations dans un joint non caractérisé du cuivre à température ambiante est d’environ 6 h. Ce temps est un peu supérieur mais du même ordre de grandeur pour un joint Σ9 {221} en utilisant des données de diffusion obtenues sur bicristaux [162]. Même en utilisant un coefficient A de deux ordres de grandeur inférieurs au précédent, le temps de relaxation reste supérieur à 1 min. On peut envisager une variation des propriétés diffusives d’une région à l’autre d’un même joint de grains, par exemple une augmentation locale du coefficient de diffusion peut se produire dans des îlots quasi fluides [137]. Il reste que l’instantanéité du phénomène observé en déformation in situ à 293 K dans le joint général du cuivre s’oppose à l’hypothèse de l’intervention d’une diffusion. Cela signifie que la réorganisation locale d’un joint de grains n’est pas nécessairement décrite avec les grandeurs macroscopiques DJ δ qui sont relatives à des mesures de flux sur de longues distances. Dans les cas où la diffusion est fort probablement le mécanisme qui contrôle la cinétique de relaxation des contraintes, celle-ci dépend fortement du niveau de ségrégation dans le joint, lui-même lié à la désorientation [163] et au plan du joint [164]. Ainsi, pour plusieurs joints de grains proches d’une même coïncidence Σ11 dans le nickel, le temps d’accommodation des dislocations extrinsèques augmente lorsque la distance interplanaire effective deff (Chap. 2, Sect. 5.1.1) diminue (Fig. 2.122). Ce résultat est à priori contradictoire avec l’hypothèse faite dans la partie 1 que la densité atomique dans le plan du joint augmente avec deff . L’augmentation du temps de relaxation est attribuée à la diminution du coefficient
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de diffusion intergranulaire sous l’influence de la ségrégation, cette dernière étant d’autant plus forte que la densité atomique est faible (deff petit). De plus, pour un joint de grains donné, cette cinétique varie avec la ligne de la dislocation, comme l’indiquent les temps de disparition des contrastes de deux familles de dislocations extrinsèques dans les joints de grains Σ11 du nickel (Fig. 2.122, Tab. 2.VI). Cette remarque peut appuyer l’existence d’une anisotropie intrinsèque de la diffusion intergranulaire, plus rapide le long de l’axe de flexion 110 que dans tout autre direction [165]. En particulier, la diffusion est lente dans la direction de montée des dislocations, perpendiculaire à 110. Elle peut aussi révéler une anisotropie de la ségrégation liée à une différence d’énergie élastique d’interaction entre le soluté et diverses dislocations.
F IG . 2.122 – Temps de disparition du contraste des dislocations extrinsèques (EGBDs) en fonction de la distance interplanaire effective lors d’un recuit à 250 ◦ C de différents joints de grains du nickel. (D’après W.A. Swiatnicki et al. [164].)
La cinétique d’accommodation des dislocations extrinsèques a été évaluée uniquement dans les joints de grains des métaux et alliages, mais des différences de relaxation d’un joint à l’autre ont également été trouvées dans l’alumine, entraînant des comportements intergranulaires différents lors d’une déformation à chaud [150]. Ainsi, certains joints de proche coïncidence sont seuls à présenter des dislocations extrinsèques après déformation à chaud d’une alumine à grains fins dopée à la magnésie. Ces joints semblent garder la « mémoire » de processus intervenant dans tous les joints [166], permettant ainsi de préciser le modèle « fluage/dislocation intergranulaire » [167]. L’ajout d’yttrium dans l’alumine
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JOINTS DE GRAINS
TAB . 2.VI – Temps de disparition du contraste td de deux familles de dislocations extrinsèques : X parallèle ou quasi parallèle à 112 et Y parallèle à 110 dans des joints de grains proches de Σ 11 (déviation ∆θ◦ ) [164].
∆ θ◦ Plan du joint deff /a Niveau ségrégation Ligne dislocation td (s) à 250◦ 0,50 {113} // {113} 0,300 Faible 112 // 112 40 011 // 011 320 2,20 {112} // {117} 0,170 Moyen 123 // 134 120 2,20 {116} // {112} 0,145 Élevé 257 // 123 160 011 // 011 1260 2,10 {225} // {114} 0,100 Élevé 347 // 235 630 011 // 011 5000 entraîne une diminution des coefficients de diffusion intergranulaire qui se répercute sur les processus de relaxation des dislocations et, finalement, sur le frittage et le fluage des polycristaux d’alumine [166]. Comme dans les métaux, une influence prédominante de la chimie sur la relaxation des contraintes aux joints de grains se manifeste dans les céramiques.
5.
Conclusion sur les phénomènes d’accommodation des dislocations extrinsèques
Sans même entrer dans la considération des résultats quantitatifs sur l’accommodation des dislocations extrinsèques, l’importance du phénomène doit être mis en exergue, quel que soit le matériau. En effet, la majorité des joints de grains dans les matériaux réels sont dans un état hors d’équilibre bien que seule une faible fraction d’entre eux présente des dislocations extrinsèques. L’absence de visualisation de défauts intergranulaires ne traduit pas l’absence de contraintes résiduelles dans un joint. Le degré de déséquilibre donc, à l’inverse, le degré de restauration d’un joint de grains peut affecter sensiblement ses propriétés (diffusion, ségrégation, migration, glissement intergranulaire, conduction électrique. . .). Le mode de relaxation des défauts intergranulaires intervient directement dans la réponse des joints à diverses sollicitations. Il convient donc d’approfondir la compréhension des modes de relaxation dans les joints « généraux », très présents dans les polycristaux. Puis, les mécanismes par lesquels les défauts intergranulaires jouent sur les propriétés sont à établir. Dans les polycristaux, la relaxation totale des joints passe par des phénomènes intervenant aux jonctions triples. Or, jusqu’à présent, nous avons principalement considéré un joint « libre » à ses extrémités et nous avons seulement évoqué l’existence de concentration de défauts à la jonction d’un joint avec ses voisins. Une meilleure approche du rôle des joints de grains dans les propriétés des matériaux
C HAPITRE 5 – R ELAXATION
DES CONTRAINTES INTERGRANULAIRES
319
passe maintenant par la connaissance de la structure et des défauts d’un joint « contraint » à une jonction triple. Finalement pour tenter de remonter des mécanismes élémentaires aux lois de comportement, on doit approcher les joints de grains aux échelles mésoscopique et macroscopique et s’intéresser en particulier à leur distribution globale et spatiale dans les polycristaux. Ce genre de préoccupations constitue un pas décisif vers une ingénierie des joints de grains : c’est pourquoi, dans la partie 3 de cet ouvrage, nous abordons les ensembles de joints de grains, depuis la jonction triple jusqu’au réseau complexe de joints dans un matériau réel.
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Troisième partie Du joint de grains libre au joint de grains contraint
« La vraie force de l’esprit se mesure au degré d’incertitude qu’il est capable de surmonter » (F. Nietzsche).
Introduction Jusqu’à présent, nous avons décrit le joint de grains idéal, considéré de surface infinie, puis le joint de grains fauté, localisé dans un bicristal où les contraintes interfaciales peuvent être relaxées aux extrémités du joint en contact avec les surfaces libres. La finalité en sciences des matériaux étant la compréhension des propriétés des polycristaux, forme habituelle sous laquelle les matériaux sont employés, la considération des comportements d’un joint isolé est évidemment insuffisante. Deux questions de la science des interfaces, incontournables d’un point de vue pratique, doivent donc maintenant être abordées : – Comment un joint de grains se raccorde-t-il à ses voisins ? – Comment les joints de grains sont-ils distribués dans un ensemble polycristallin, selon leurs caractéristiques géométriques, voire selon une (ou plusieurs) de leurs propriétés ? L’ensemble, non-exhaustif, des réponses que l’on peut apporter à chacune des interrogations précédentes constitue un des deux chapitres de cette partie dont l’objectif essentiel vise le passage « du bicristal au polycristal ». On sait que la réponse à une sollicitation donnée d’un cristal inclus dans un polycristal diffère de celle d’un monocristal de même orientation. De même le comportement d’un joint de grains doit différer selon qu’il est « libre » dans un bicristal ou contraint à une jonction triple (voire multiple) dans un matériau réel. La connaissance des propriétés des joints inclus dans un polycristal n’a d’intérêt que
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si elle permet de remonter aux propriétés globales. Or, les grandeurs qui caractérisent une propriété d’un ensemble ne sont jamais aisément déduites de celles inhérentes aux éléments qui le constituent. On connaît cependant le rôle fondamental que joue la texture cristalline dans de nombreux phénomènes, comme la déformation et la recristallisation, ainsi que dans de nombreuses propriétés d’un matériau (magnétiques par exemple pour les tôles d’alliage Fe-Si). Par analogie, on tente de comprendre l’influence d’un ensemble de joints de grains sur une propriété en caractérisant au préalable l’organisation de cet ensemble, c’est-à-dire en déterminant une texture de joints de grains. Les connaissances sur les jonctions entre joints de grains et sur leur distribution sont d’autant plus cruciales que le rôle fondamental des joints de grains dans les propriétés des matériaux est unanimement reconnu. On peut présumer que ce rôle augmente lorsque la taille des grains diminue, cependant l’extension des connaissances acquises sur les joints à leurs structures et leurs comportements dans les matériaux nanocristallins soulève de nombreuses controverses. Les questions concernant les ensembles de joints de grains sont débattues depuis de nombreuses années, depuis l’idée proposée par T. Watanabe en 1984 de contrôler la distribution des joints dans les polycristaux pour maîtriser les propriétés d’un matériau, idée connue sous l’appellation anglaise Grain Boundary Design [1] qui a évolué vers Grain Boundary Engineering ou Ingénierie des joints de grains. Notons que derrière cette idée d’ingénierie des joints de grains, perce le vieux concept réductionniste qui consiste à analyser le comportement d’un système en fonction de celui des éléments qui le constituent. La méthode prévaut, en sciences, pour de nombreux systèmes, mais la découverte du chaos révèle l’existence de certains systèmes dont le comportement complexe résulte d’interactions non linéaires simples d’un nombre très faible de constituants. Dans quelle mesure, une propriété d’un matériau relève de la vision classique ou non ? Quels sont les degrés de liberté pertinents du système ? Un phénomène mal compris intervenant dans les matériaux peut-il relever du chaos déterministe ? Les réponses à ces interrogations et à bien d’autres ne sont encore que des balbutiements en science des matériaux. C’est pourquoi, dans l’attente de mieux apprivoiser le désordre des matériaux cristallins hors équilibre, nous adoptons ici une approche traditionnelle. Les réponses apportées actuellement au vaste problème du rôle d’un ensemble de joints de grains dans le comportement global du matériau reposent sur de nombreuses approximations et simplifications au regard des connaissances fondamentales sur l’objet « joint de grains ». C’est pourquoi on se limite dans chacun des deux chapitres de cette partie, La jonction triple et Le réseau de joints de grains, à donner des éléments d’information pour avancer dans la direction de l’ingénierie sans en tirer de conclusions. Des perspectives réelles existent pour l’exploitation de toutes les connaissances acquises sur les joints de grains à des fins pratiques ; des efforts substantiels peuvent et doivent être réalisés en ce sens.
1
La jonction triple
La jonction triple est le défaut unidimensionnel qui apparaît dès qu’on considère un système connecté de cristaux et d’interfaces formant la microstructure de la majorité des matériaux cristallins utilisés dans l’industrie ; en ce sens, elle doit être vue comme la configuration élémentaire du polycristal. Bien qu’unanimement reconnue comme ayant une forte influence sur la plupart des comportements des matériaux, elle reste un défaut microstructural peu étudié par comparaison au joint de grains. Elle peut avoir des effets opposés sur les propriétés polycristallines : obstacle à la déformation du matériau à température ambiante, chemin préférentiel de corrosion, de mouillage intergranulaire ou de cavitation en fluage. Ce chapitre suit un plan similaire à celui adopté pour les joints de grains. Ainsi, d’une manière analogue à celle qui préside au déroulement de la réflexion sur l’ordre intergranulaire, la jonction triple est abordée successivement sous trois aspects : – Sa géométrie : degrés de liberté et cristallographie du branchement entre joints (Sect. 1). – Sa structure à l’équilibre en termes d’ordre des contraintes, puis en termes atomiques (Sect. 2). – Son énergie calculée ou déterminée expérimentalement (Sect. 3). Puis, les principaux défauts des jonctions triples sont décrits (Sect. 4). Finalement l’étape permettant d’aller du tricristal au polycristal est brièvement considérée (Sect. 5). Les propriétés inhérentes aux jonctions triples ne sont pas abordées ici ; plus que celles des joints de grains, elles font l’objet de controverses et sont finalement très peu connues alors qu’elles doivent avoir une contribution importante dans les propriétés (en particulier de transport) de l’ensemble polycristallin.
332
1. 1.1.
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Géométrie d’une jonction triple Paramètres géométriques et classification des jonctions triples
Une jonction triple est une ligne définie par la rencontre de trois cristaux ou par la rencontre des joints de grains entre ces cristaux. Dans le cas général, onze variables géométriques macroscopiques indépendantes sont nécessaires pour décrire la jonction triple : 6 pour les rotations de grain à grain (3 × 2 car la troisième n’est pas indépendante), 5 pour le placement de trois plans se rencontrant selon une ligne. Si la jonction triple est à l’équilibre, le produit des trois matrices de rotation exprimées par rapport à un même référentiel doit être égal à la matrice identité (Sect. 2.2). Une simple règle de combinaison des indices de coïncidence Σ s’applique alors à la jonction triple entre trois joints coïncidents : Σ1 .Σ2 = d 2 .Σ3
(3.1)
avec Σ3 la valeur de l’indice de coïncidence pour le joint 3 et d un diviseur commun à Σ1 et Σ2 . Ainsi si une jonction est composée de deux joints Σ3 et Σ9, le troisième joint peut avoir 2 indices : 27 ou 3 selon que d = 1 ou 3 (3.9 = 12 .27 ou 3.9 = 32 .3). La règle de combinaison des indices est en principe toujours valable pour les matériaux de structure cubique pour lesquels il existe toujours une position de coïncidence entre deux cristaux. Dans ce cas, les réseaux DSC de deux des joints de grains sont des sous-réseaux du réseau DSC du troisième joint d’indice Σ le plus grand. Dans la pratique, la considération d’une valeur limite de Σ (Σ < 25 ou 41. . .) restreint l’application de cette règle à trois désorientations expérimentales égales ou extrêmement voisines des désorientations exactes de coïncidence. En cas contraire, une règle sur les écarts aux désorientations admissibles doit compléter la règle (3.1) afin de définir la jonction ; cette question prend toute son importance lorsqu’il s’agit de classer les jonctions triples dans un polycristal (Chap. 2, Sect. 7). Chaque joint de grains impliqué dans une jonction triple possède N descriptions équivalentes liées à la symétrie bicristalline (partie 1, Chap. 1, Sect. 1.2), il en résulte qu’une jonction triple a N 3 descriptions équivalentes, (13824 = (242 )3 pour les systèmes cubiques. Par analogie avec la notion de désorientation des joints de grains, un ensemble de trois angles θ1 , θ2 , θ3 et d’un axe uvw peut être représentatif de l’ensemble des N3 descriptions. Cela conduit à distinguer les jonctions triples possédant un axe cristallographique commun de celles où la ligne triple est quelconque avec des indices différents dans les trois joints. À l’instar des jonctions entre deux cristaux qui peuvent souvent être quelconques (désorientations irrationnelles, plans asymétriques) dans les matériaux réels, les lignes de jonction entre trois joints de grains sont généralement quelconques dans les polycristaux. L’existence d’un axe cristallographique commun réduit à 9 le nombre de paramètres géométriques macroscopiques définissant une jonction. Certaines jonctions triples possèdent plus d’un axe commun possible, par exemple 311,
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210 et 211 pour la jonction Σ3, Σ5, Σ15. Actuellement, la plupart des études concernent uniquement les jonctions triples à axe cristallographique commun. Sur la base du concept de coïncidence, les jonctions triples sont parfois classées en trois types : la jonction générale entre trois joints généraux, la jonction mixte entre joints généraux et joints dits spéciaux (coïncidents ou de proche coïncidence) et la jonction spéciale entre trois joints spéciaux [2]. Notons de suite que la jonction entre trois joints de grains coïncidents peut être quelconque si ceux-ci n’ont aucun axe de rotation en commun (Σ3, Σ13a, Σ39b par exemple). Le terme « spécial » utilisé dans ce contexte a un sens très restreint, car l’orientation du plan du joint n’est pas prise en compte. Cela n’implique donc aucune propriété spéciale du joint de grains ainsi nommé et, a fortiori, de la jonction auquel il aboutit. On peut signaler cependant le blocage du glissement intergranulaire à certaines jonctions entre trois joints de proche coïncidence lors de la déformation superplastique d’une alumine à grains fins [3]. Les réserves émises sur la notion de spécialité appliquée aux joints de grains se retrouvent dans la classification d’une jonction triple qui n’est réellement « spéciale » que si elle possède des propriétés spéciales. Une autre distinction entre deux types de jonctions triples nommés « I » et « U », proposée par Bollmann [4], repose sur la considération d’une description privilégiée dite Nearest Neighbour Relationship (NNR) parmi les descriptions équivalentes de la structure d’un joint de grains (partie 1, Chap. 2, Sect. 3.3). Elle pose un problème fondamental sur la description d’un joint en termes de dislocations et sera discutée un peu plus loin dans ce chapitre (Sect. 2.2). Sur la base des définitions plus récentes des joints de grains (partie 1, Chap. 5, Sect. 5.1), on peut faire émerger une nouvelle classification des jonctions triples : jonction singulière entre trois joints singuliers, jonction vicinale entre joints vicinaux ou singuliers et vicinaux, jonction générale dès qu’un joint de grains général est impliqué dans la jonction. Des jonctions singulières ou vicinales, telles « Σ3-Σ3-Σ9 » et « Σ3-Σ9-Σ27 », ont été couramment observées dans les métaux de structure CFC possédant une faible énergie de faute d’empilement, plus généralement les trois joints de grains aboutissant à la jonction sont de la forme Σ3n . Dans ce chapitre, nous nous attachons essentiellement aux jonctions triples à axe cristallographique commun, dans les matériaux de symétrie cubique. Une attention particulière est portée aux jonctions ayant un axe de haute symétrie 100, 110 ou 111 et, parmi elles, les jonctions dites « symétriques » entre trois joints de flexion symétriques, jonctions qui peuvent vraisemblablement posséder des propriétés particulières.
1.2.
Tricristallographie
Puisqu’il s’agit de la rencontre de trois réseaux cristallins, l’approche des symétries de la configuration s’impose en premier lieu. La « tricristallographie » permet de prédire quels sont les éléments de symétrie ponctuelle d’un tricristal. Elle repose sur la théorie des groupes tricolores [5] qui est une extension de la théorie des groupes bicolores dont on a vu l’utilité pour la description de la structure des
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F IG . 3.1 – Réseau tricolore pour un matériau de structure CFC à partir duquel des jonctions triples d’axe de rotation 001 (au centre) sont générées. Seuls les atomes de deux couches sont représentés avec différents symboles selon le cristal auquel ils appartiennent : • pour le cristal I, ◦ pour le cristal II et pour le cristal III. Les traits pleins et les tirets correspondent aux plans miroirs « classiques » et « de couleur », respectivement (voir texte). (D’après S.G. Srinivasan et al. [8].)
joints de grains, mais elle est beaucoup moins développée que cette dernière. Son application est le plus souvent restreinte à la symétrie ponctuelle bidimensionnelle permettant l’approche des jonctions triples dans les couches minces. En l’absence de relaxations locales, on peut penser que les éléments de symétrie du tricristal tendent à être préservés lors de la formation d’une jonction triple. Cette hypothèse repose sur le principe de Neumann selon lequel les extrêmes sont dictés par la symétrie (symmetry dictated extrema) [6]. Ce type d’arguments peut permettre de localiser les variables géométriques décrivant les jonctions triples qui, par symétrie, doivent conduire à des extrema dans les propriétés, telle l’énergie qui est minimale à l’équilibre [7]. La figure 3.1 présente un exemple de réseau tricolore consistant en trois cristaux CFC interpénétrés, tournés les uns par rapport aux autres de 30◦ ou d’une rotation équivalente (60◦ , 120◦ ou 150◦ ) autour d’un axe 001 [8]. Deux types d’opération de symétrie sont clairement visibles sur cette figure : les opérations « classiques » qui transforment un cristal en lui-même (plans miroirs dont les traces sont dessinées en trait plein) et les opérations dites « de couleur »
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pour lesquelles un cristal d’une couleur donnée est transformé en un cristal d’une couleur autre (tirets). Pour générer un tricristal de symétrie ponctuelle désirée, on superpose au réseau tricolore un opérateur Y consistant en trois branches séparées par des angles de 120◦ , chaque branche représentant un joint de grains. On tourne ensuite l’opérateur Y autour de l’axe de rotation, pour aligner ses branches sur les éléments de symétrie souhaités pour l’objet tricolore, puis on place tous les points d’une même couleur, et uniquement, à l’intérieur d’une région située entre deux branches. Deux jonctions triples de symétries différentes ainsi obtenues sont schématisées dans la figure 3.2 : l’une est une jonction de symétrie ponctuelle 3m avec axe de symétrie ternaire, chaque plan de joint de grains étant un miroir pour l’ensemble de la configuration, l’autre jonction présente une symétrie ponctuelle m, un seul plan de joint est un plan miroir [8].
F IG . 3.2 – Jonctions triples 001, de symétrie 3m (a) et m(b), obtenues en superposant un opérateur Y au réseau tricolore et en plaçant les atomes dans leur cristal respectif. Pour la description des symétries, voir texte. Le plan miroir dans le cas (b) est le plan II/III. Seules deux couches d’atomes sont représentées (symboles de différentes tailles). Notons que par rapport à la figure 3.1, les atomes du cristal III sont ici symbolisés par des cercles vides bordés de traits épais. (D’après S.G. Srinivasan et al. [8].)
L’observation par microscopie électronique en transmission à haute résolution de jonctions triples dans des couches minces d’aluminium déposées sur un substrat monocristallin de silicium d’orientation (111) illustre bien le rôle de la symétrie [9]. La relation d’épitaxie entre le substrat et le film d’aluminium conduit à la formation de trois variants d’orientation {100} des grains d’aluminium. L’axe ternaire du silicium 111 est préservé comme axe de symétrie du tricristal dans son ensemble. Les facettes adjacentes aux jonctions sont des joints de flexion 100, symétriques ou non dont les plans tendent à se mettre parallèles à un plan {100} ou {110} du troisième cristal. Lorsque les joints sont symétriques, deux types de jonctions peuvent être observés (Fig. 3.3) : – La triple jonction symétrique possède des angles dièdres égaux à 120◦ . Elle est formée de trois joints de grains identiques dont chaque plan est parallèle
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F IG . 3.3 – Image en microscopie électronique en transmission à haute résolution de deux jonctions triples adjacentes entre grains d’aluminium déposés sur un substrat monocristallin de silicium d’orientation (111) et tournés l’un par rapport à l’autre du même angle de 30◦ autour de 100. La jonction TS présente une symétrie 3m avec trois joints de grains équivalents situés à 120◦ les uns des autres, chacun étant parallèle à un plan {110} du cristal opposé. La jonction TA présente un angle dièdre de 150◦ et deux de 105◦ séparés par un joint de grains, parallèle à un plan {100} du cristal opposé, qui est le seul plan miroir pour la configuration triple. (D’après N. Thangaraj et U. Dahmenn [9].)
soit à {100} soit à {110} du cristal opposé. Ces plans sont des plans miroirs du tricristal. Ce dernier cas est celui de la jonction TS équivalente à la configuration de symétrie ponctuelle 3m décrite sur la figure 3.2a. – La triple jonction asymétrique telle TA a deux angles dièdres de 105◦ et un de 150◦ . Un seul plan de joint est parallèle à {001} du cristal opposé, les deux autres sont parallèles à {110} d’un cristal adjacent. Seul le premier est un plan miroir de la configuration. D’une manière générale, si un joint entre deux grains est un plan miroir du troisième grain formant une jonction triple, ce joint est symétrique. Si le plan du joint est parallèle à un plan miroir d’un des grains adjacents, c’est un joint asymétrique.
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En raison de l’épitaxie entre la couche mince et le substrat, tous les joints de grains ont la même désorientation de 120◦ ou 30◦ (rotations équivalentes par symétrie autour de [100]). En réalité, le joint de grains parallèle à un plan miroir {110} du tricristal a une désorientation légèrement différente de 30◦ afin d’adopter la structure périodique d’un joint de coïncidence proche, par exemple celle du joint Σ53 (θ = 31◦ 9) {072}. Sa période est alors composée d’une unité du joint Σ5 (θ = 36◦ 9) en alternance avec une unité du joint Σ17 (θ = 28), en accord avec le modèle des unités structurales [10]. D’autres segments du même type de joint ont une désorientation de 30◦ 5 100 correspondant à une coïncidence Σ65 et un plan de joint symétrique {074}. Notons que des écarts de torsion peuvent apparaître lors de la croissance de la couche d’aluminium, les joints de grains n’étant plus perpendiculaires à la surface du silicium. Il est remarquable que les brisures de symétrie observées dans la couche mince d’aluminium interviennent seulement lorsque l’axe de symétrie ternaire est absent, indiquant un minimum d’énergie plus profond pour les jonctions de type TS de symétrie 3m que pour les jonctions de type TA ne possédant qu’un seul miroir m. Des arguments de cristallographie semblent donc expliquer la configuration de la jonction triple entre joints de grains dans les couches minces en relation d’épitaxie avec un substrat monocristallin. Leur extension aux matériaux à trois dimensions suscite de nombreuses questions concernant l’équilibre d’une jonction triple, depuis la considération à l’échelle mésoscopique des angles dièdres jusqu’à la description atomique de la jonction en passant par le raccordement, à l’échelle microscopique, des dislocations intrinsèques des trois joints de grains formant la jonction.
2.
Équilibre d’une jonction triple
Une forte dichotomie existe entre les approches de l’équilibre d’une jonction triple aux échelles mésoscopique et microscopique, prenant en compte des caractéristiques moyennes des joints de grains constituant la jonction, et l’approche à l’échelle nanoscopique qui considère les structures atomiques des joints à proximité immédiate de la jonction. Ces différentes approches sont exposées ci-dessous, la pertinence de chacune d’elle pour décrire l’équilibre à la jonction triple est confrontée à l’expérience, autant que possible.
2.1. 2.1.1.
Approche thermodynamique – Limites Règle d’équilibre d’Herring
La condition d’équilibre entre joints de grains à une jonction triple a été dérivée par Herring [11] : 3 3 σi ti + (∂σi /∂αi )ti ∧ n = 0 (3.2) i=1
i=1
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F IG . 3.4 – (a) Balance des tensions interfaciales à une jonction triple dans un état d’équilibre métastable ; (b) rotation de deux des joints de grains d’une jonction triple sous l’effet de forces normales, le troisième joint, entre les cristaux 2 et 3, étant considéré comme fixe.
où σi est la tension interfaciale du joint de grains i, ti est un vecteur unitaire dans le joint i normal à la jonction, n est un vecteur unitaire le long de la jonction et αi est un angle mesurant l’inclinaison du plan du joint de grains i par rapport à une référence quelconque. Notons que dans la partie 1, l’angle d’inclinaison (nommé ϕ était mesuré à partir de la position initiale du joint par rapport à la surface libre. Le premier terme dans l’expression (3.2) est équivalent à la force tangentielle FT qui s’exerce sur chaque joint lorsque la tension interfaciale est indépendante de l’inclinaison du plan du joint ; Dans ce cas, on a vu (partie 1, Chap. 5, Sect. 1) que la tension parallèle au plan du joint est équivalente à l’énergie γ du joint. La balance des énergies interfaciales γi à une jonction triple en équilibre (Fig. 3.4a) est alors donnée par : γ2 γ3 γ1 = = (3.3) sin α1 sin α2 sin α3 Si l’énergie du joint de grains est fonction de son orientation, une force normale au plan du joint FN s’applique à son extrémité provoquant sa rotation vers
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une position d’énergie plus faible. C’est l’origine du second terme dans l’expression (3.2). Si la position d’un des joints de grains à la jonction triple est fixe, cette force provoque le mouvement de la jonction de la position O à la position P (Fig. 3.2b), la formule (3.2) s’applique alors en considérant les angles β et δ mesurés par référence au joint fixe (β + δ = α1 ). Aucun couple de torsion ne s’exerce sur un joint de grains singulier lorsque son énergie est à un minimum de la courbe γ = fn (α). Cependant une force supérieure à FN agissant sur ce joint provoquera son déplacement. Notons que des forces normales doivent exister aux jonctions entre joints de flexion symétriques, telles que celles observées dans le film mince d’aluminium [9]. La stabilité de la jonction ne peut alors être établie qu’en comparant la géométrie dérivée de la symétrie à celle prédite par la balance des énergies des joints de grains. Une telle jonction n’est généralement stable que si l’énergie de chaque joint est fortement dépendante de l’inclinaison de son plan, favorisant ainsi les plans symétriques. Elle est alors soumise à un moment de torsion nécessaire pour la stabiliser, et possède donc un champ de déformation élastique. Différentes configurations (ou classes) de jonctions symétriques autour de 001 ont été prédites sur des bases purement géométriques et les forces agissant sur certaines de ces jonctions ont été calculées dans le cas de l’aluminium [12]. La formule (3.3), similaire à celle qui régit la jonction d’un joint de grains avec une surface libre, permet de déterminer les énergies relatives de trois joints de grains à une jonction, mais seulement dans les cas où l’énergie de chaque joint dépend peu de l’orientation de son plan. Elle est néanmoins souvent utilisée en négligeant l’existence de moments de rotation. En particulier, elle ne peut pas s’appliquer aux cas, souvent rencontrés dans les matériaux CFC, des jonctions entre macles cohérentes et macles incohérentes. Cette négligence peut conduire à de fortes contradictions entre les rapports des énergies des joints déduits des angles dièdres observés à la jonction et ceux des énergies intergranulaires calculés à partir de la connaissance des paramètres géométriques des joints de grains. De plus, les études sur les polycristaux ne font généralement référence qu’au caractère coïncident ou non des joints de grains. Or, on a vu qu’aucune relation biunivoque n’existe entre coïncidence et énergie. On doit donc utiliser avec prudence toute conclusion, même qualitative, sur les énergies des joints de grains, déduites des configurations des jonctions triples dans un polycristal et basées uniquement sur le critère de coïncidence (Chap. 2, Sect. 7). Notons enfin que des jonctions quadruples de joints de grains (à ne pas confondre avec un nœud quadruple) peuvent exister, de manière transitoire, lors de la croissance des grains, mais elles sont généralement instables et se dissocient en deux jonctions triples [13].
2.1.2.
Observation d’une jonction triple à différentes échelles : quel équilibre ?
Considérons quatre jonctions triples entre joints de grains singuliers et/ou vicinaux du type Σ3n , classification basée uniquement sur la désorientation
340
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F IG . 3.5 – Exemples de quatre jonctions entre joints de grains Σ3n dans un polycristal de nickel. La règle (3.3) est semi-quantitativement respectée dans les cas (a) et (c) mais pas dans les deux autres cas.
(Fig. 3.5) [14]. Ces jonctions ont été observées sur une plaquette fine polycristalline de nickel de haute pureté, après un recuit prolongé conduisant à une taille de grains supérieure à l’épaisseur de la plaquette et à des plans de joints tous sensiblement perpendiculaires à ses deux surfaces libres. Elles sont d’autant plus intéressantes à analyser que les joints de macles sont bien connus pour leur violation de la règle d’Herring et que des contraintes résiduelles peuvent se concentrer aux jonctions entre macles multiples. Dans le cas (a) la règle (3.3) semble vérifiée semi-quantitativement : elle conduit bien à une énergie extrêmement faible pour un des joints Σ3 probablement de plan {111}, l’énergie de l’autre macle Σ3 (certainement incohérente) est plus élevée mais inférieure à celle du joint de grains Σ9, effectivement de haute énergie dans les métaux. Son application à l’exemple (c) indique une énergie plus faible pour le joint de grains Σ27 que pour le joint Σ9, en accord avec les énergies relatives des joints de flexion 110 dans les métaux CFC. Cependant, elle conduit à l’égalité des énergies pour les joints Σ3 et Σ27, incompréhensible si ces joints sont proches de la singularité. Les angles dièdres dans les cas (b) et (d) ne peuvent aucunement s’expliquer par la seule considération de la désorientation. Le fait que la règle (3.3) ne s’applique pas dans les cas précédents ne peut pas être attribué à une modification des énergies intergranulaires par un effet de ségrégation, le nickel utilisé étant de très haute pureté. Il indique qu’il est nécessaire d’inclure les termes de torsion dans le bilan énergétique.
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F IG . 3.6 – (a) Image électronique d’une jonction triple Σ3 Σ3 Σ9 observée dans un polycristal de nickel de haute pureté ; (b) schéma précisant les plans moyens des joints de grains (L. Priester et D.P. Yu [14]).
On peut espérer que la connaissance des plans moyens des trois joints de grains formant une jonction permette une meilleure approche de l’équilibre de cette jonction. Dans cette perspective, toutes les caractéristiques des joints d’une jonction Σ3 Σ3 Σ9 ont été déterminées par microscopie électronique en transmission (Fig. 3.6) [14]. L’ordre des énergies semble respecté semi-quantitativement. Les valeurs des angles dièdres, comparées à celles mesurées à l’échelle macroscopique, se rapprochent des valeurs qu’impose l’équilibre : valeur nettement supérieure (150◦ ) pour l’angle en face du joint de grains 1/2 (Σ3 {111}) et valeurs similaires pour les deux joints 1/3 et 2/3 d’énergies probablement peu différentes. On peut penser que les joints dans la lame mince, étant plus libres de tourner que dans l’échantillon massif sous l’effet du moment de torsion, tendent vers une position d’équilibre plus stable. Cependant, si on applique l’expression (3.3), l’énergie de la macle cohérente 1/2 n’est que la moitié environ de celles des joints de grains asymétriques dont les indices de plans sont élevés, en contradiction avec les données habituelles sur les énergies relatives. On doit souligner ici que le plan déterminé à l’échelle microscopique, souvent facetté, diffère du plan moyen macroscopique, seul pertinent pour l’application d’une formule donnant un équilibre thermodynamique. Par ailleurs, il est probable qu’un joint « contraint » à une jonction n’adopte pas la même structure que le joint « libre » d’un bicristal, en particulier la translation rigide, qui conduit souvent à minimiser l’énergie, peut être empêchée à la jonction. Enfin, la présence de défauts dans un des joints au moins peut également entraîner un changement des angles dièdres. Pour aller plus loin dans la comparaison entre configuration de la jonction triple et caractéristiques des joints de grains, cette même jonction est observée
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F IG . 3.7 – Image en microscopie électronique en transmission à haute résolution de la jonction triple Σ3 Σ3 Σ9. Les plans {111} des trois cristaux et des deux joints de grains Σ3 sont perpendiculaires alors que le plan du joint Σ9 est légèrement incliné par rapport à la surface d’observation. Les plans de joint {111} semblent favorisés à proximité immédiate de la jonction triple imposant deux angles dièdres de 109◦ 5 de part et d’autre d’une macle parfaitement cohérente (verticale sur la figure) (L. Priester et D.P. Yu [14]).
à l’échelle nanométrique. On constate que les plans des trois joints de grains se réorientent pour être parallèles à {111} dans chaque cristal (sauf pour Σ9 où le plan est parallèle à {111} dans un seul cristal), ce qui impose deux angles dièdres de 109◦ 5 et un angle de 141◦ en face d’une macle strictement cohérente (Fig. 3.7). Les angles dièdres mesurés à cette échelle ne renseignent évidemment pas sur les énergies relatives « moyennes » des joints de grains. On note que le plan de la seconde macle présente des marches à proximité de la jonction. Un assez bon accord des plans {111} peut être observé à la jonction triple en dépit d’une légère inclinaison du plan du joint Σ9 par rapport au faisceau d’électrons incidents. Une configuration analogue à la précédente a été également observée en microscopie électronique à proximité d’une jonction triple de cristaux de grenats (Y3 Al15 012 ) initialement soudés avec des angles dièdres de 90◦ et 180◦ conférant au tricristal initial une forme en T (Fig. 3.8). Les plans de joints initialement {112}I/II , {112}I // {110}III et {111}II // {112}III ont tourné lors du recuit de diffusion pour former deux angles dièdres voisins de 105◦ à 115◦ , le troisième étant voisin de 135
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F IG . 3.8 – (a) Formation d’un tricristal de grenat à partir d’un bicristal et d’un monocristal ; (b) image en microscopie électronique en transmission de la jonction triple après recuit sous vide du tricristal à 1800 ◦ C sous une contrainte de compression de 1 MPa. montrant que GB1 et GB2 ainsi que GB1 et GB3 forment des angles dièdres d’environ 110◦ , l’angle entre GB2 et GB3 est d’environ 140◦ ; (c) image en microscopie électronique en transmission à haute résolution de la configuration (d’après A.L. Vassiliev [15]).
à 140◦ . La courbure des joints pour adopter leur configuration à la jonction triple s’étend sur environ 10 µm. Au-delà les joints sont rectilignes, ils suivent le profil en T initialement défini et leurs structures atomiques sont celles des joints dans les bicristaux correspondants. Aucune trace de phase amorphe ou de porosité n’est détectée à la jonction triple par microscopie électronique en transmission à haute résolution [15]. Ces observations des jonctions triples à différentes échelles soulèvent une question fondamentale : « qu’est ce qui gouverne la configuration du raccordement de trois joints de grains ? » Est-ce la considération de l’énergie globale du système ou l’adoption locale de plans de faible énergie (grande distance interplanaire) ou encore la réalisation d’une configuration symétrique ? Le fait que la condition sur les angles dièdres ne soit pas suffisante pour prédire l’équilibre d’une jonction triple a été soulevé par l’approche cristallographique et révélé par les observations à l’échelle microscopique de la jonction. C’est seulement lorsque la variation de l’énergie interfaciale avec l’angle dièdre pour chacun des joints de grains est faible que l’équation d’Herring sous sa forme simplifiée (3.3) peut être utilisée. Au sens strict, cette règle ne concerne donc que la jonction entre trois joints « généraux », caractère défini par rapport aux paramètres désorientation et orientation du plan du joint, l’équilibre se manifeste alors par trois angles dièdres égaux ou très voisins de 120◦ .
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2.2.
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JOINTS DE GRAINS
Équilibre en termes de dislocations intrinsèques
Une jonction triple est aussi le lieu où les réseaux de dislocations intrinsèques de trois joints de grains se rejoignent. En prenant la précaution de décrire le contenu en dislocations de chaque joint de grains d’une manière « auto-cohérente », on montre aisément que les réseaux de dislocations obéissent à la règle des nœuds de Frank et que le contenu en dislocations de la jonction à l’équilibre est nul. Pour cela, appliquons l’équation de Frank-Bilby (1.26) à chacun des joints de grains en tournant autour de leur ligne de jonction dans un sens donné. Si sont les matrices des transformations reliant les différents cristaux à un réseau de référence (voir Fig. 1.10), p est un vecteur le long de la jonction T et Bi/j représente la contenu en dislocations du joint i/j :
−1 SI − S−1 II p = BI/II
−1 SII − S−1 III p = BII/III
−1 (3.4) S − S−1 p = B III
III/I
I
0
= ΣBi/j
Si l’approche de Bollmann est utilisée (1.27), il faut également prendre soin de définir les rotations (ou plus généralement les transformations) d’une manière « auto-cohérente » : RI/II = SII S−1 I
RII/III = SIII S−1 II
RIII/I = SI S−1 III
(3.5)
et, pour la triple jonction : RI/II RII/III RIII/I = I
(3.6)
I − RI/II p = BI/II
I − RII/III p = BII/III
I − RIII/I p = BIII/I
(3.7)
I est la matrice identité. Alors :
0
= ΣBi/j
Le parfait raccordement des réseaux de dislocations intrinsèques secondaires d’un joint de grains à l’autre a été bien illustré dans le cas d’une jonction triple entre trois joints de proche coïncidence Σ3-Σ9-Σ27b dans un alliage cuivre-silicium (Fig. 3.9) [16]. L’utilisation d’une description non cohérente des désorientations entre grains formant une jonction, c’est-à-dire l’absence d’une référence unique ou encore la considération de n’importe laquelle des descriptions multiples du joint de grains, aboutit à une apparente rupture de l’équilibre nodal en dislocations [17]. En effet, une rotation équivalente d’un des joints de grains est obtenue en multipliant la rotation Ri/j par une matrice unimodulaire U (Det U = 1) représentant une des opérations de symétrie du cristal.
C HAPITRE 1 – L A
345
JONCTION TRIPLE
F IG . 3.9 – Images électroniques (a et b) montrant une jonction triple Σ3-Σ9-Σ27b dans un alliage de cuivre. Les réseaux intrinsèques de dislocations de chaque joint schématisés en (c) se raccordent bien à la jonction : exemple de raccordement entre une dislocation c de Σ9 et deux dislocations d et e de Σ27b (X), nœud entre b et c de Σ9 et d et e de Σ27b (Y), nœud entre b de Σ9, s de Σ3 et f de Σ27b (Z). (D’après L.M. Clarebrough et C.T. Forwood [16].)
Par exemple : Si alors
R′I/II = RI/II U R′I/II RII/III RIII/I = U
et
ΣBi/j = 0
ce qui est impossible s’il y a compatibilité entre les cristaux.
(3.8) (3.9) (3.10)
346
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JOINTS DE GRAINS
En particulier l’utilisation, pour chaque joint de grains, de la description particulière correspondant au moindre contenu en dislocations (NNR – voir partie 1, Chap. 2, Sect. 3.3) conduit à définir deux types de jonctions triples : les jonctions I et les jonctions U selon que le produit des rotations des trois joints est égal à la matrice Identité ou à une matrice Unimodulaire [4]. Dans ce dernier cas, la jonction triple est supposée prendre un caractère de désinclinaison. Or, on a vu que toutes les descriptions d’une même interface sont équivalentes, elles se rapportent au même objet physique. Elles conduisent toutes au même champ élastique à grande distance (s’il existe) dans un milieu élastique continu. À courte distance, le champ des déplacements dépend de la manière dont les défauts sont distribués dans l’interface et pas seulement du contenu total en défauts déterminé par l’équation de Frank-Bilby (1.26) ou de Bollmann (1.27). Ces équations « topologiques » du contenu en défauts ne sont pas simplement reliées à l’énergie interfaciale [17]. De nombreux travaux se sont appuyés sur la classification des jonctions triples en lignes I ou lignes U alors que cette distinction fait toujours l’objet de sérieuses controverses. Bollmann lui-même attire l’attention sur le fait que la notion de NNR, à la base de la distinction entre ligne I et ligne U, est purement géométrique et que les forces atomiques peuvent déterminer un mode de relaxation autre que celui suggéré par la géométrie seule. Certaines différences dans les propriétés des jonctions triples, attribuées à leur caractère différent, I ou U, peuvent résulter de la présence de réels défauts (voir Sect. 3), d’une déformation non homogène dans les cristaux ou d’une concentration d’impuretés dans la région commune à trois joints de grains. En conclusion, pour décrire « géométriquement » un seul joint de grains, on peut indifféremment utiliser l’une ou l’autre des descriptions équivalentes. En revanche, l’approche de l’interaction entre plusieurs réseaux de dislocations intrinsèques à une jonction triple nécessite de définir le contenu des joints d’une manière « auto-cohérente ». C’est la condition pour qu’aucune dislocation ne se termine à l’intérieur d’un matériau et le maintien d’une compatibilité entre grains.
2.3.
Équilibre en termes d’unités structurales
Les approches par simulation atomique des jonctions triples, peu nombreuses, concernent des jonctions singulières Σ3n formées de joints de grains symétriques de flexion autour de 110 dans des matériaux de structure diamant [18]. La jonction de deux macles cohérentes Σ3 {111} avec une macle cohérente de second ordre Σ9 {221} est souvent observée dans les films minces de diamant, les deux macles Σ3 formant un angle obtus de 109◦ 47 [19]. Les joints de grains du diamant possèdent des structures identiques à celles décrites pour le silicium (partie 1, Chap. 3, Sect. 3.4) consistant en deux unités T (anneau de 6 atomes) pour une période de Σ3 et de deux unités M+ M− orientées symétriquement par rapport au plan du joint pour une période de Σ9, chacune des unités étant constituée d’un cycle de cinq atomes connecté à un cycle de sept atomes. Les simulations de deux jonctions de ce type montrent un bon accord géométrique des unités structurales des joints au cœur de chacune des jonctions triples (Fig. 3.10). Cependant,
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JONCTION TRIPLE
347
F IG . 3.10 – Structures atomiques et distributions des contraintes hydrostatiques près de deux jonctions triples Σ3-Σ3-Σ9, à l’extrémité d’un joint Σ9 dans du diamant. L’axe 110 commun aux trois cristaux est perpendiculaire au plan de la figure. Le niveau des contraintes en eV/Å3 est respectivement : < 0,15 (•), de −0,15 à −0,05 (•), de −0,05 à 0,05 (❍), de 0,05 à 0,15 (•), > 0,15 (❍). (D’après O.A. Shenderova [18].)
les contraintes sont plus étendues à proximité des jonctions qu’autour du joint de grains Σ9 [18]. Une énergie d’excès apparaît à chaque nœud en accord avec les résultats des calculs effectués pour une jonction Σ3-Σ3-Σ9 dans le silicium [20]. Des zones de contraintes en compression sont observées près de l’anneau à cinq atomes et des zones en tension près de l’anneau à sept atomes aux extrémités du joint Σ9 proches des jonctions triples. Le bon accord des unités structurales à la jonction triple n’exclut pas la présence de liaisons pendantes, certains atomes n’ayant que trois proches voisins. Deux modèles de la structure atomique, avec cœur reconstruit, de la jonction triple (à gauche de la figure 3.10) sont illustrés sur la figure 3.11. Des motifs C sont introduits le long de l’axe de rotation pour satisfaire la tétracoordination des atomes. La reconstruction conduisant à la coordination totale des atomes exige une double périodicité le long de l’axe de flexion, similairement à ce qui a été observé pour les joints à grand angle des semi-conducteurs [21]. Le motif reconstruit le long de l’axe 110 consiste en un cycle à huit atomes alternant avec des cycles à cinq atomes. L’énergie du modèle (b) est plus élevée, de 0,67 eV/Å, que celle du modèle (a). Le raccordement des unités des joints Σ3 au cycle à sept atomes du joint Σ9, avec une seule liaison reconstruite, apparaît bien favorisé, en accord avec les considérations sur tous les modèles de cœur envisageables pour cette jonction [19]. Les résultats obtenus pour une jonction Σ3-Σ9-Σ27 sont similaires, mais la structure de cœur est plus complexe. En particulier, trois rangées atomiques, au lieu d’une seule précédemment, présentent des liaisons pendantes, le cœur de la jonction est donc plus étendu (Fig. 3.12) [18]. Plusieurs études théoriques indiquent que des joints de grains de structure idéale, d’énergie minimale, ne peuvent pas se joindre à une jonction sans former un désaccord atomique notoire à la jonction. Des jonctions triples à cœurs
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(a)
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(b)
F IG . 3.11 – Structures et distributions de l’énergie par site atomique pour deux modèles de la jonction triple (Σ3-Σ3-Σ9) (à gauche sur figure 3.10) avec cœur reconstruit. Le motif C est introduit le long de l’axe de flexion pour satisfaire la tétracoordination des atomes. (D’après O.A. Shenderova [18].)
F IG . 3.12 – Structure atomique d’une jonction triple Σ3 {211} -Σ9 {122} et Σ27 {255}. Les cercles pleins indiquent les atomes dans le plan de projection, les vides ceux situés selon l’axe de la jonction à une cote a/4 110. Les rangées atomiques marquées A, B et C contiennent des liaisons pendantes. (D’après O.A. Shenderova [18].)
« vides » peuvent être envisagées lorsque l’énergie de cœur est grande, il faut alors considérer la balance entre cette énergie et l’énergie de surface [22]. Les déterminations expérimentales des structures de cœur des jonctions triples sont extrêmement rares, elles concernent les jonctions de cristaux obtenus par
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dépôt d’un film polycristallin sur un substrat. Les observations en microscopie électronique à haute résolution révèlent la cristallographie fine de la configuration [9] mais, plus rarement, les structures atomiques des joints adjacents à la jonction [9, 19]. Des modèles sont alors proposés pour décrire le raccordement des unités structurales. Dans le cas de l’aluminium, on a vu que la structure d’un joint symétrique {720} aboutissant à une jonction symétrique telle TS (Fig. 3.3) et parallèle à un plan miroir du tricristal se décrit bien sur la base du modèle des unités structurales [10] : il s’agit d’un joint proche de Σ53 intermédiaire entre Σ5 et Σ17. En revanche, le joint asymétrique (001)I // (035)II , de désorientation quasi identique au précédent et proche de la même position de coïncidence, apparaît rugueux à l’échelle atomique [9]. Une jonction du type TS n’a pas donné lieu à une modélisation de cœur, mais on verra peu après que son énergie a pu être estimée. À partir d’observations de jonctions triples Σ3-Σ3-Σ9 dans un film mince de diamant, des modèles de cœur ont été proposés en considérant que les unités structurales doivent se raccorder avec le minimum de distorsion et le nombre le plus faible possible de liaisons pendantes [19], en accord avec les résultats des simulations. Les images obtenues en microscopie haute résolution sur les jonctions triples dans les matériaux massifs (Fig. 3.7) montrent un assez bon accord des plans denses d’un cristal à l’autre, mais ne permettent généralement pas de visualiser les unités structurales au voisinage des jonctions. La difficulté à atteindre la résolution à l’échelle atomique résulte probablement du fait que la jonction triple n’est pas rectiligne sur toute l’épaisseur de l’échantillon. Des variations des angles dièdres entre les joints de grains ont été observées le long d’une jonction par microscopie à champ ionique.
3.
Énergie d’une jonction triple
Une jonction triple possède un cœur avec des contraintes locales plus ou moins grandes, elle peut aussi contenir des défauts qui entraînent des déformations élastiques à grande distance. On peut donc, comme pour tout défaut linéaire, définir une énergie de ligne de la jonction. Cette énergie doit être plus grande que celle de l’état de référence, en l’occurrence le cristal, mais a priori, il n’y a aucune restriction sur le signe de cette énergie par rapport à celles des joints de grains qui la constituent. Il n’est pas exclu qu’une jonction triple puisse avoir une structure plus proche de celle du cristal que celles des joints de grains adjacents à cette jonction [19]. Une jonction ayant une énergie négative par rapport aux joints devrait s’étendre spontanément, mais cette expansion entraînerait aussi celle des joints de grains, une telle configuration peut donc résister à une croissance des grains. Le fait que les réponses des jonctions triples et celles des joints de grains à la ségrégation d’un élément soluté ou au mouillage par un liquide peuvent différer considérablement va à l’appui des énergies différentes des deux défauts. On constate souvent un enrichissement en soluté ou un mouillage plus important à
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JOINTS DE GRAINS
une jonction qu’aux joints de grains qui la forment, à l’appui d’une énergie de la jonction triple généralement supérieure aux énergies intergranulaires.
3.1.
Calcul de l’énergie d’une jonction triple
Les énergies de ligne calculées peuvent être positives ou négatives, selon que la jonction triple est considérée comme une ligne à l’intersection d’interfaces « nettes » (le terme anglais sharp est traduit par net, en opposition à diffus) ou une jonction entre interfaces diffuses, plus proches de celles rencontrées dans les microstructures des polycristaux. À la première catégorie, on peut rattacher les jonctions entre macles multiples dont on connaît bien les structures atomiques des joints constituants, en particulier dans les semi-conducteurs où elles ont l’avantage d’être nombreuses et propres. Les calculs de l’énergie d’excès totale de six jonctions triples, de symétries différentes, incluses dans une boîte constituée de sept cristaux et de joints de grains de désorientations 30◦ ou 60◦ ont conduit à des valeurs négatives [8]. De tels joints, observés dans des couches minces d’aluminium (Fig. 3.3), sont proches de position de coïncidence d’indices élevés Σ53 ou Σ65 (Sect. 1.2) et sont généraux du point de vue énergétique. L’énergie d’excès est définie ici comme la différence entre, d’une part l’énergie calculée pour une boîte de simulation du polycristal (Fig. 3.13) et, d’autre part, la somme de l’énergie d’un monocristal contenant le même nombre d’atomes et de l’énergie d’excès des joints de grains. Les simulations montrent que certains atomes à la jonction ont des énergies positives par rapport à leur énergie dans le cristal mais inférieures à celles de certains atomes dans un joint de grains. Bien qu’il s’agisse de la somme de six énergies, ce résultat indique qu’au moins une des jonctions triples a une énergie de ligne négative [8]. Ces calculs reposent sur l’hypothèse que les joints de grains et leurs jonctions ont une structure diffuse. En cas contraire, si chaque joint et chaque jonction triple sont « nets », considérés respectivement à deux dimensions et une dimension au sens mathématique, une énergie de ligne négative implique une microstructure instable. Des calculs d’énergie portant sur différentes configurations d’une jonction triple Σ3 Σ3 Σ9 dans le silicium ont été effectués en dynamique moléculaire. Les valeurs des énergies de ligne et des contraintes sont mesurées dans un cylindre entourant la ligne triple dont on augmente le rayon rTJ , ces valeurs convergent pour rTJ ∼ = 8 a0 (a0 est le paramètre de réseau du silicium égal à 0,549 nm). Les résultats diffèrent peu selon la configuration de la jonction, c’est-à-dire selon la position de la ligne triple dans l’une ou l’autre des unités structurales des joints adjacents. L’énergie d’excès est en moyenne égale à 0,35 eV/Å [20]. Cette valeur est inférieure de deux ordres de grandeur à celle déterminée expérimentalement pour une jonction triple dans le cuivre (Sect. 3.2), mais il faut noter qu’elle est similaire à l’énergie de ligne des dislocations dans les cristaux de silicium. Le volume d’excès est généralement négatif ou faiblement positif. Une carte des contraintes résiduelles à l’échelle atomique autour de la jonction est reportée sur la figure 3.14, elle concerne la composante principale σzz . Le lobe blanc indique
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JONCTION TRIPLE
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F IG . 3.13 – Schéma de la boîte de simulation périodique de six jonctions triples. Les joints aboutissant à la jonction 3m et le joint C(m)-P sont désorientés de 60◦ , les autres joints de 30◦ . Un schéma indique les angles dièdres des six jonctions. (D’après S.G. Srinivasan et al. [8].)
F IG . 3.14 – Carte de distribution de la composante principale σzz du tenseur des contraintes au niveau atomique autour d’une jonction triple Σ3 Σ3 Σ9. Les courbes en pointillé indiquent les contours de contrainte nulle. Le lobe blanc à gauche indique une forte contrainte de compression, tendant à rétrécir l’angle entre les deux joints Σ3, le lobe noir à droite indique une forte contrainte de tension qui tend à casser le joint Σ9. L’échelle de contrainte à droite est en kbar. (D’après S. Costantini et al. [20].)
une forte contrainte de compression qui tend à diminuer l’angle entre les deux joints Σ3, le lobe noir signale une forte contrainte de tension qui tend à casser le joint Σ9. La non-balance des tensions élastiques suggère que la jonction entre macles multiples est bien un défaut « singulier » par comparaison aux jonctions équilibrées entre trois joints généraux.
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Les énergies de ligne, les volumes d’excès et les contraintes au niveau atomique montrent que la jonction Σ3 Σ3 Σ9 est un vrai défaut linéaire et non simplement le lieu géométrique d’intersection de trois plans. Cette jonction est « nette » contrairement aux résultats précédents où la jonction avait un caractère diffus. Dans cette approche, l’énergie d’une jonction de macles multiples représente la limite supérieure de l’énergie de ligne de n’importe quelle jonction dans un polycristal [20]. À l’opposé, des simulations atomiques d’une structure nanocristalline comportant des joints de grains et des jonctions triples « au hasard » montrent que les joints de haute énergie et leurs jonctions ont une structure désordonnée, proche de l’état amorphe [23]. Dans ce cas, l’énergie d’excès de la jonction triple par atome est égale à l’énergie d’excès du joint de grains par atome, elle-même égale à la différence d’énergie entre le silicium amorphe et le silicium cristallin. En comparant les résultats précédents, on peut conclure que la rencontre de trois joints de grains de faible énergie donne lieu à des jonctions bien ordonnées, c’est-à-dire des défauts linéaires avec une énergie de ligne positive. Les jonctions entre trois macles ont des énergies de ligne élevées et des contraintes résiduelles. Les énergies de ligne des jonctions triples tendent vers zéro lorsque les énergies des joints constituants augmentent. Tandis que les jonctions de haute énergie entre joints de faible énergie sont étroites, les jonctions de faible énergie entre joints de grande énergie sont plus diffuses, mais leur épaisseur n’atteint jamais une valeur telle qu’elle conduirait à une énergie de ligne négative.
3.2.
Détermination expérimentale de l’énergie d’une jonction triple
Une estimation de l’énergie d’une jonction triple par comparaison aux énergies des joints de grains aboutissant à cette jonction a été obtenue à partir des mesures, par microscopie à effet tunnel, des profondeurs des sillons d’attaque thermique (Fig. 3.15a) [24]. L’analyse repose sur trois hypothèses : – Le terme de torsion de la tension interfaciale est nul ; – L’énergie d’excès de la jonction triple est constante ; – Les angles et les profondeurs des sillons d’attaque intergranulaire sont constants. Les caractéristiques des sillons (angle et profondeur) peuvent cependant différer d’un joint à l’autre, la figure d’attaque à la jonction triple a donc la forme d’un tétraèdre irrégulier. On mesure le rapport q entre la profondeur du sillon d’attaque à la jonction triple ZT et celle du sillon intergranulaire voisin le plus profond ZJ (Fig. 3.15b) : ZT (3.11) q= ZJ Ce rapport est fonction des énergies de surface, du joint de grains et de la jonction triple.
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F IG . 3.15 – (a) Profil topographique obtenu par microscopie à effet tunnel d’une jonction triple attaquée thermiquement ; (b) représentation schématique du modèle géométrique d’une jonction triple.
Le changement d’énergie ∆EZ lié à la formation d’un sillon de profondeur ∆Z est donné par : 6 3 ∆EZ = ∆ASi γSi − ∆AJk γJk − ∆Z .σ (3.12) i=1
∆ASi
k=1
est le changement d’aire de la surface i (les murs des sillons) et γSi , l’énergie de cette surface ; ∆AJk est le changement d’aire du joint de grains k (aire définie par les côtés du tétraèdre et la jonction triple) et γJ , l’énergie de ce joint de grain ; σ est la tension de ligne de la jonction triple (même unité que son énergie). En considérant une petite augmentation de la profondeur du sillon à la jonction triple telle que dEZ /dZ = 0, une valeur maximale qmax a été dérivée pour une jonction à l’équilibre constituée de joints de grains attaqués identiquement (même angle et même profondeur), la figure d’attaque à la jonction triple étant alors un tétraèdre
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régulier. La valeur de qmax dépend de l’angle θ d’ouverture des sillons aux joints, de la tension de ligne σ de la jonction triple et de la distance c entre la jonction et la région du joint où le sillon n’est plus affecté par la jonction (Fig. 3.15b). Il est évident que la valeur expérimentale du rapport q, se référant au sillon intergranulaire le plus profond, doit être toujours inférieure ou égale à qmax . Pour une tension de ligne nulle σ = 0, qmax prend une valeur maximale q0 = 1,33. Si le rapport q expérimental a une valeur inférieure à q0 , la jonction triple n’a pas d’énergie propre, seule la rencontre des trois joints de grains provoque la différence de profondeur. En cas contraire, la jonction triple possède sa propre énergie. Par exemple, pour un rapport q = 1,46, cette valeur est estimée à 5.10−4 mJ.m−1 , supérieure de deux ordres de grandeurs à celle de l’énergie de ligne associée à une dislocation de matrice (≈ 5.10−6 mJ.m−1 ). Au-delà de 5 µm de la jonction triple, les angles des sillons intergranulaires sont sensiblement constants (= θ∞ ). En revanche, des variations significatives de θ sont détectées à proximité de la jonction pour les trois joints de grains, témoignant des variations de leurs énergies. Ces dernières sont probablement associées à des réajustements des plans des joints de grains à l’approche de la jonction, comme il a été observé en microscopie électronique en transmission. Il est remarquable que, pour des distances très proches (< 100 nm) des jonctions triples telles que q ≤ q0 , les valeurs des angles des trois sillons intergranulaires convergent vers la valeur θ∞ . Elles divergent dans le cas des jonctions telles que q > q0 , pouvant indiquer l’existence de contraintes non compensées caractéristiques d’une désinclinaison.
4.
Défauts d’une jonction triple
Un désaccord à la jonction triple peut résulter d’une part de différences de déformation dans les cristaux formant la jonction et, d’autre part, d’un désaccord des rotations ou, plus généralement des transformations, entre cristaux. Cette deuxième composante est équivalente à une incompatibilité dans le branchement des joints de grains. Si seul ce dernier type de désaccord intervient, et par comparaison au raccordement des cristaux de chaque côté d’un joint, les défauts de la jonction triple peuvent être considérés comme « intrinsèques » dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire « venant de l’intérieur », sans préjuger de l’extension des champs de contraintes. Si des incompatibilités plastiques existent entre cristaux, alors de véritables défauts extrinsèques (dislocations ou désinclinaisons) peuvent se localiser à la jonction triple. Ces défauts jouent un rôle important dans les premiers stades de la déformation plastique, mais leur rôle devient négligeable lorsque le taux de déformation augmente.
4.1.
« Défauts intrinsèques » d’une jonction triple – Approche géométrique
L’équilibre des réseaux de dislocations intrinsèques est toujours réalisé à leur jonction, par similitude à la jonction à un nœud de dislocations dans le cristal et selon
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la règle de Frank. Cependant, bien que chacun des joints de grains soit équilibré dans le système qu’il forme avec les grains adjacents, une contrainte peut se développer à la rencontre des joints conférant à la jonction (triple ou multiple) un caractère de désinclinaison ou un caractère de dislocation [17]. – Une jonction avec un caractère de désinclinaison est obtenue à la rencontre de cinq macles observée dans les petites particules de structure CFC ou diamant [18]. Les cristaux sont bordés par des plans {111} et leur direction commune est parallèle à [110] (Fig. 3.16). Après avoir effectué une coupure de Volterra le long d’une des interfaces, on trace un circuit autour de la jonction selon la procédure proposée par Pond dite de circuit mapping [25]. Le caractère de désinclinaison de la jonction entraîne une augmentation de l’amplitude du défaut de fermeture de ce circuit avec sa distance à la ligne multiple (SF et S′ F′ par exemple). Il s’agit ici d’une désinclinaison coin de 7◦ 35 autour de la ligne commune [110]. Ce défaut peut être compensé par la montée de dislocations le long d’une des interfaces de façon à former un mur de dislocations coin se terminant à la jonction. Le√ vecteur de Burgers de ces dislocations est a/3 111 et leur espacement est d = a 3/2 sin 7◦ 35/2. Le contenu en défauts est donné par l’équation de Frank–Bilby (1.26). Le mur de dislocations n’est pas nécessairement confiné à une des interfaces, mais peut former un joint de grains à faible angle dans un cristal. La structure atomique du cœur de la jonction multiple, étudiée par simulation d’une nanoparticule de diamant, est en accord avec le caractère de désinclinaison de la jonction [18]. Le cœur est bien décrit en termes d’unités structurales et la distribution des contraintes, compression au centre de la particule et tension lorsqu’on s’éloigne de la jonction (Fig. 3.17) correspond bien à ce qui est prédit par la théorie des désinclinaisons à l’échelle mésoscopique [26]. – Une jonction avec un caractère de dislocation résulte de la rencontre de joints de grains présentant des translations rigides τ entre cristaux contigus. Dans la somme des transformations qui accompagnent le circuit autour d’une jonction triple, entre alors une somme des translations rigides qui peut être nulle ou non (Fig. 3.18). Si cette somme Σττ ij est différente de zéro, alors la jonction a le caractère d’une dislocation de vecteur b = −Σττij . Insistons sur le fait que le caractère de dislocation de la jonction triple résulte ici d’un défaut de translation qui trouve son origine dans les descriptions des structures d’équilibre des joints. Il existe même si les désorientations des joints de grains se compensent, il ne nécessite pas que les joints eux-mêmes soient fautés. Des jonctions à caractère de dislocation doivent intervenir d’autant plus souvent qu’elles sont constituées de joints de faibles indices de coïncidence Σ. En effet, si ceux-ci préservent leurs structures « infinies », il est peu probable que les translations rigides se compensent. Une relaxation par formation de dislocation est évoquée pour interpréter l’observation en microscopie électronique en transmission à haute résolution de l’une des intersections de deux macles cohérentes dans un film mince de diamant. La présence d’une dislocation coin de vecteur de Burgers b = a/9 221, vecteur du réseau DSC du joint Σ9 perpendiculaire au plan de joint, peut expliquer le fort contraste qui se développe dans le cristal I, à proximité de la jonction supérieure (Fig. 3.19) [19]. Il faut noter qu’une telle
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 3.16 – Schéma d’une jonction multiple produite à la rencontre de cinq macles dans une particule de matériau CFC. En raison du caractère de désinclinaison coin positive de la jonction, une défaut angulaire de fermeture de 7◦ 5 apparaît après mise en œuvre d’une coupure de Volterra. Le caractère de désinclinaison coin est nettement révélé par le fait que le défaut de fermeture d’un circuit entourant la jonction augmente avec sa distance à la jonction. L’introduction de matière permettrait de supprimer le défaut. (D’après G.P. Dimitrakopulos et al. [17].)
jonction n’est pas équilibrée, une balance des forces ne peut intervenir que si les trois interfaces ont une tension positive ; elle provient certainement d’un accident de croissance et constitue une configuration métastable. Un autre mode de relaxation peut intervenir pour éviter ou minimiser le désaccord des translations : un (ou plusieurs) des joints adjacents peut adopter une structure avec une translation
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JONCTION TRIPLE
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F IG . 3.17 – Illustration de la structure d’une particule pentagonale de diamant formée de cinq tétraèdres séparés par des joints de macle. La distribution des contraintes hydrostatiques par atome montre que les contraintes augmentent avec la distance à la jonction triple : de compression au cœur de la jonction, elles deviennent de tension à environ 0,8 nm du cœur. (D’après O.A. Shenderova et al. [18].)
rigide différente de celle attachée à sa structure « infinie » d’énergie minimale. Ce mode peut être actif si l’augmentation de l’énergie interfaciale qui en résulte est inférieure à l’énergie de la (les) dislocation (s) introduite (s) à la jonction. C’est ce mode de relaxation qui semble intervenir à la jonction inférieure (Fig. 3.19) où un changement de structure du joint de macle II/IV est attaché à une expansion de 0,06 nm normale au plan du joint, l’espacement des plans étant normal pour l’autre joint de macle. Enfin, la migration des joints peut constituer un troisième mode de relaxation. Selon King et al. [19], le mode d’accommodation du désaccord des translations dépend non seulement des caractères des joints formant la jonction (coïncidents ou non, valeurs des indices Σ. . .) mais, également, de la taille des grains du matériau. En particulier, pour les grandes tailles de grains, les joints tendent à préserver leur structure d’équilibre (joint infini) et le désaccord est compensé par une (des) dislocation (s) à la jonction triple. Les deux types de « défauts » précédents, désinclinaisons et dislocations, caractérisent la jonction triple (ou multiple), ils sont inhérents à sa structure puisqu’ils sont présents en l’absence de déformation de chacun des bicristaux constituant la jonction, pris individuellement. C’est pourquoi, d’une certaine manière, nous pouvons les considérer comme « intrinsèques ». D’autres défauts « extrinsèques » peuvent apparaître à la jonction, résultant du traitement thermomécanique subi
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 3.18 – Une jonction triple entre deux macles cohérentes {111} et une macle incohérente {221} : (a) les translations rigides sont nulles, la jonction ne présente aucun défaut ; (b) si les translations rigides existant à chaque joint de grains ne s’équilibrent pas, la jonction triple a un caractère dislocation. (D’après G.P. Dimitrakopulos et al. [17].)
par le tricristal (ou le polycristal) lors de son élaboration et/ou au cours de sa déformation.
4.2.
« Défauts extrinsèques » d’une jonction triple – Approche mécanique
Une jonction triple ne présente aucun défaut « extrinsèque » lorsque les trois grains sont libres de contraintes ou déformés de manière compatible. Mais le plus souvent, lors de la déformation plastique, des incompatibilités se concentrent aux interfaces. Ces incompatibilités peuvent éventuellement se traduire par la présence de dislocations extrinsèques dans les joints de grains. Chaque joint de grains acquiert une désorientation supplémentaire non accommodée et un désaccord angulaire sous forme d’une désinclinaison coin intervient à la jonction triple.
C HAPITRE 1 – L A
JONCTION TRIPLE
359
F IG . 3.19 – (a) Image en microscopie électronique à haute résolution de l’intersection de deux macles cohérentes (grains II et III) dans un film mince de diamant. L’intersection donne lieu à un joint de grains Σ9 et à deux jonctions triples (à comparer à l’image simulée sur la Fig. 3.10) (voir texte) ; (b) schéma indiquant la cristallographie des deux jonctions triples – le maillage correspond à la projection du réseau DSC de Σ9 dans le plan (110) de la figure. Les symboles carrés représentent des atomes dans le plan de projection, les cercles représentent des atomes déplacés de 1/4 [110] par rapport à ce plan (d’après A.H. King et al. [19]).
360
L ES
JOINTS DE GRAINS
Ce défaut fait l’objet d’une approche mécanique détaillée [27] dont on ne donne ici qu’une brève description. On a vu que les incompatibilités concentrées à un joint de grains peuvent être décrites par un tenseur de densité de dislocations de surface, tenseur sans dimension, selon l’expression (1.24). Sous une forme simplifiée, ce tenseur peut s’écrire [27] :
(3.13) BN = −N ∧ β
N est la normale au plan du joint de grains et β est le tenseur de distorsion plastique. La désorientation additionnelle ∆θ qui se forme alors au joint de grains peut être scindée en désorientations de deux types associées à la décomposition du tenseur de distorsion plastique β en deux parties, symétrique et antisymétrique, traduisant respectivement la discontinuité des déformations plastiques et la discontinuité des rotations plastiques :
ω] β = [εε] + [ω (3.14) ε ω (3.15) ∆θ = ∆θ + ∆θ ω], le vecteur représentant la rotation relative entre les cristaux et Avec ∆θ ω = −[ω ∆θ ε = −N ∧ [εε].N. Considérons une jonction linéaire de vecteur unitaire η entre trois cristaux et analysons le type de défaut qui peut se former à cette jonction en traçant un circuit fermé LK , dans le sens des aiguilles d’une montre, autour de la ligne triple (Fig. 3.20) [27]. Le contenu en dislocations de la jonction est donné en fonction l’expression (3.14), en fonction de du contenu de chaque joint Bi et, en
utilisant leur tenseur de distorsion plastique β i : Bη = −
3 i=1
(Ni ∧ η ) Bi = η
3
β i
(3.16)
i=1
Si les trois grains sont compatibles plastiquement et si un tour complet est fait autour de la jonction, les sommes des discontinuités sont nulles : 3
β i =0 i=1
3
ω ]i = 0 [ω
i=1
3
[εε]i = 0
(3.17)
i=1
et par suite Bη = 0. Soit maintenant une jonction, incompatible plastiquement, présentant un défaut supplémentaire de désorientation ∆θ des joints de grains adjacents, on peut chercher le défaut qui se forme à la jonction en séparant l’effet des composantes de rotation ∆θ ω de celui des composantes de déformation ∆θ ε . Le vecteur ∆θ ω est ω] est indépenentièrement gouverné par la différence des rotations plastiques, [ω dant de la normale N au plan du joint de grains. Il en résulte que : Ωω = ∆Ω
3 i=1
∆θ ωi = −
3 ω ]i = 0 [ω i=1
(3.18)
C HAPITRE 1 – L A
361
JONCTION TRIPLE
F IG . 3.20 – Jonction entre trois joints de grains et définition des paramètres pris en compte dans les calculs des champs élastiques des défauts. (D’après V.V. Rybin et al. [27].)
Les rotations plastiques, homogènes à l’intérieur de chaque cristal, n’entraînent donc aucun défaut de rotation à la jonction triple. En revanche, le vecteur ∆θ ε est gouverné par l’orientation du plan du joint et par l’incompatibilité des déformations plastiques au joint de grains. Il en résulte un défaut de désorientation à la jonction : 3 3 ∆θ εi = − Ni ∧ [εε]i .Ni (3.19) ∆Ω = i=1
i=1
Ce défaut linéaire de rotation est une désinclinaison coin avec pour axe de rotation ∆Ω . la ligne triple et un vecteur de rotation (vecteur de Frank) ∆Ω D = −∆ En général le vecteur ∆Ω n’est pas parallèle à la jonction triple, le défaut est alors composé d’une désinclinaison coin d’axe coïncidant avec l’axe de désorientation et d’un défaut de translation qui a deux origines possibles : l’écart ∆ R entre la jonction et l’axe de la désinclinaison, la composante de torsion de la désinclinaison. Ce défaut de translation, perpendiculaire à la ligne triple, n’a aucun contenu effectif en dislocations à la jonction même [27]. Le même traitement peut être appliqué à la jonction entre deux facettes le long d’un joint de grains ; la jonction triple est alors considérée comme un assemblage de double-jonctions. Il peut aussi s’étendre à une jonction multiple formée d’un nombre de joints de grains supérieur à trois. Cette désinclinaison est un défaut réel superposé à la structure d’équilibre de la jonction triple qui joue un rôle important dans la déformation plastique des polycristaux. Des jonctions à caractère de désinclinaison existent dans un polycristal avant déformation comme résultat de l’histoire thermomécanique du matériau. On pourrait ainsi expliquer des comportements différents de certaines jonctions,
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JOINTS DE GRAINS
attribuées à une éventuelle différence de caractère I/U (voir Sect. 2.2). On a vu que la déformation entraîne la formation de dipôles de désinclinaisons à deux jonctions triples adjacentes (partie 2, Chap. 5, Sect. 1.3). Lorsque la déformation augmente, ces jonctions peuvent émettre des désinclinaisons partielles à l’origine de la création de nouvelles interfaces dans les cristaux adjacents. Dans les matériaux cristallins, une désinclinaison, au sens de « coupure rotationnelle » ne peut pas exister. La description de la jonction triple en ces termes est formelle, des descriptions équivalentes en termes de dislocations peuvent toujours être proposées [28]. Elle s’est avérée cependant utile pour dériver les énergies dans les cas complexes de concentration de défauts, pour décrire l’état de déformation des matériaux nanocristallins et pour décrire un arrangement de dislocations dans un joint de grains en relation avec la structure atomique de celui-ci (voir partie 1).
5.
Du tricristal au polycristal
Un polycristal peut être considéré comme un arrangement de tricristaux ou un réseau de jonctions triples se connectant généralement à des nœuds quadruples. La configuration formée de quatre grains, de six joints de grains et de quatre jonctions triples (Fig. 3.21) est le maillon supérieur au tricristal dans la construction d’un polycristal. Lorsque les six joints de grains ayant en commun le point quadruple ont la même énergie (joints généraux), l’équilibre au nœud requiert un angle de 120◦ entre plans et de 109◦ 5 entre jonctions triples. La règle des nœuds de Frank peut être étendue à un polycristal. Bollmann prouve cet équilibre en considérant des jonctions triples dites « U » [4, 29]. Même si on ne souscrit pas au caractère des défauts qu’il décrit (Sect. 2.2), les six joints de grains de la configuration contiennent généralement des défauts intrinsèques et l’équilibre exige que ces défauts s’annihilent au nœud. Le problème se pose alors de la manière dont on doit appliquer la règle des nœuds à la jonction quadruple [4]. Tout d’abord, l’orientation de chaque grain doit être donnée par rapport à une référence unique, le grain 1 par exemple. La séquence des trois premières jonctions, celles adjacentes au grain 1, est choisie de telle manière qu’elle définit une vis à pas à droite lorsque les triples jonctions pointent toutes hors du nœud. Le nœud quadruple peut être considéré au centre d’un tétraèdre, les quatre lignes joignant ce centre aux sommets sont les jonctions triples qui précisent la situation des quatre cristaux (Fig. 3.22a). Il peut être schématisé en deux dimensions sur une coupe verticale du tétraèdre telle que les intersections du plan de coupe avec les grains, les joints de grains et les jonctions triples soient des surfaces, des lignes et des points triples, respectivement (Fig. 3.22b). La séquence des opérations au travers des joints de grains et autour des jonctions triples est donnée par des flèches, en partant d’une origine O dans le cristal 1 En considérant la séquence
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JONCTION TRIPLE
F IG . 3.21 – Schéma d’un nœud N formé à la jonction de quatre grains, de six joints de grains (a, b, c, d, e, f) et de quatre jonctions triples (A, B, C, et D). L’angle d’équilibre entre deux plans adjacents est de 120◦ , celui entre jonctions de 109◦ 5.
(a)
(b)
F IG . 3.22 – (a) Schéma d’un nœud quadruple ; (b) représentation topologiquement équivalente de la configuration au nœud résultant d’une coupe verticale de (a). Les flèches représentent les transitions séquentielles au travers des joints de grains.
des matrices de rotation, la condition d’équilibre s’écrit : (R41 )[R24 R32 R43 ](R14 )[R41 R34 R13 ][R31 R23 R12 ][R21 R42 R14 ] = I ⇓
autour de (d)
⇓
⇓
autour de (c) autour de (b)
⇓
autour de (a)
(3.20)
364
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JOINTS DE GRAINS
La condition (3.20) peut s’appliquer en remplaçant les matrices de rotation R par des matrices de transformation A (partie 1, Chap. 2, Sect. 1). Notons que si les jonctions triples contiennent des défauts extrinsèques résultant eux-mêmes d’une non balance des défauts des joints de grains, alors le nœud n’est pas en équilibre et peut se déplacer. Les études expérimentales portent généralement sur des polycristaux, état habituel des matériaux. Dans les approches fondamentales, un état intermédiaire est parfois considéré, c’est le multicristal qui, contrairement au polycristal, peut être conçu (pour le calcul des contraintes par exemple) ou fabriqué avec une organisation contrôlée des grains (et des joints de grains) en nombre limité (10 à 20). Par organisation contrôlée, on entend que les orientations et les formes de chacun des grains ainsi que les plans des joints de grains sont fixés. Au contraire du multicristal, le polycristal réel présente une distribution non contrôlée de ses grains et joints de grains qui dépend de son histoire thermomécanique. La distribution des orientations cristallines ou texture a fait l’objet de nombreux travaux et l’on sait comment elle joue sur les propriétés d’un matériau. Par analogie, on tente de comprendre comment l’organisation des joints de grains ou, plus précisément la distribution de leurs caractéristiques géométriques ou « texture des joints de grains », influe sur leur contribution aux propriétés de l’ensemble polycristallin. Mais cette approche est beaucoup plus complexe que celle de la texture cristalline et constitue un réel défi pour une ingénierie des joints de grains.
2
Le réseau de joints de grains (texture des joints de grains)
Tenter de comprendre le rôle, dans certaines propriétés d’un polycristal, de l’ensemble de ses joints de grains afin de promouvoir des comportements « spéciaux » du matériau nécessite le contrôle puis la maîtrise de l’organisation des joints dans cet ensemble [1]. C’est l’objectif visé dans de nombreuses études qui portent sur la détermination de la distribution des caractéristiques des joints de grains dans les polycristaux. Une texture des joints est alors établie qui résulte des effets interconnectés de plusieurs paramètres : la texture cristalline, l’énergie des joints, leur mobilité, leur possibilité de rotation et de glissement et leur interaction avec les solutés. Cette démarche repose sur le postulat que les propriétés d’un système peuvent se déduire de celles de ses constituants, démarche dont nous avons évoqué les limites au début de cette partie. Même dans l’hypothèse où ce postulat s’applique au réseau de joints de grains, la compréhension du « tout » ne peut être que limitée actuellement en raison du peu de relations bien établies entre les caractéristiques d’un joint de grains, pris individuellement, et ses propriétés. De plus, les paramètres macroscopiques d’un joint étant fixés, sa structure et ses propriétés peuvent varier sous l’effet de la température, de la présence de soluté ségrégé, de défauts extrinsèques. . . Certes, les différents joints de grains se comportent différemment, mais aucun critère géométrique ne permet de prédire, de manière satisfaisante, la réponse d’un joint donné à une sollicitation extérieure. Seul le joint de grains Σ3 {111} est un joint vraiment « spécial » du point de vue de toutes ses propriétés : pas de défaut intrinsèque, diffusivité proche de celle du volume, possibilité de ségrégation nulle, pas de corrosion intergranulaire. . . Bien que nous ayons, à plusieurs reprises, mis en garde le lecteur contre toute notion géométrique de « spécialité » des joints de grains, les nombreux calculs et les nombreuses expériences visant à déterminer l’organisation des joints dans différents polycristaux méritent d’être rapportés. On peut raisonnablement espérer que la collecte d’un grand nombre de données caractérisant les paramètres chimiques et thermomécaniques qui influent sur la distribution des joints de grains constitue une base empirique pour la maîtrise de certaines propriétés d’un matériau. Ces études se situent dans la perspective d’un rapprochement entre les échelles microscopique et macroscopique, mais elles se heurteront toujours au butoir épistémologique : « le tout n’est jamais la somme des parties ». Une propriété inhérente à un joint de grains bien identifié d’un bicristal peut être fortement
366
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JOINTS DE GRAINS
modifiée dès que ce joint est branché à d’autres joints de grains. Quels sont les échanges de matière, les interactions entre défauts, les transmissions de contraintes qui se produisent dans le réseau interconnecté de grains, joints de grains, jonctions triples, nœuds quadruples. . . ? Le questionnement est vaste. Dans le domaine des interfaces, comme dans tout autre domaine scientifique, les démarches visant à la connaissance basculent avec le temps entre celles qui relèvent du holisme et celles qui relèvent du réductionnisme. Elles constituent une approche dialectique de la réalité, mais un véritable dépassement des contradictions qu’elles recèlent pour aboutir à une synthèse semble peu réalisable à moyen terme. C’est à partir de ces réflexions heuristiques que nous présentons des travaux, parmi les plus représentatifs, sur les ensembles de joints de grains. Les études sur la distribution des caractéristiques des joints de grains (GBCD pour Grain Boundary Character Distribution) dans un polycristal se sont tout d’abord concentrées sur la détermination des proportions de joints de même désorientation (GBMD pour Grain Boundary Misorientation Distribution). Cette première distribution est suivie d’un regroupement des joints de grains en deux classes : les joints coïncidents, parfois dits spéciaux (désorientation de coïncidence exacte ou de proche coïncidence) et les joints généraux (désorientation au hasard), selon un des critères décrits ci-après (Sect. 2.1). Une distribution des joints de grains basée sur les pourcentages de joints coïncidents se généralise alors (CGBD pour Coincidence Grain Boundary Distribution). Ces deux modes de distribution GBMD et CGBD ne décrivent que partiellement, la « texture globale » des joints de grains. En effet, de même que chaque cristal est défini par les trois angles d’Euler qui fixent son orientation, chaque joint est défini par cinq paramètres géométriques macroscopiques rendant compte de sa désorientation et de son plan. Une véritable texture globale doit considérer la distribution, avec un aspect statistique, de ces cinq paramètres qui définissent les joints de grains dans l’espace polycristallin. Cependant, le caractère nécessairement statistique de la texture impose une détermination des paramètres des joints de grains à l’échelle macroscopique ou mésoscopique et restreint souvent la texture à la distribution des désorientations. Quelques travaux, effectués en microscopie électronique en transmission sur des polycristaux à grains fins, aboutissent à des distributions des désorientations et des plans de joints, souvent non-corrélées. Le nombre de joints considérés étant relativement faible, ces travaux ne peuvent donner qu’une tendance à l’organisation complète du réseau de joints de grains dans le polycristal. Plus récentes sont les approches statistiques de la distribution des plans des joints par la technique des coupes successives à différentes profondeurs d’un polycristal observé en microscopie électronique à balayage. Enfin, si une distribution des cinq paramètres macroscopiques des joints a été décrite théoriquement au milieu des années 1980, c’est seulement vers l’an 2000 que des distributions expérimentales simultanées des désorientations et des plans ont pu être établies. La distribution des désorientations qui peut être approchée sur le plan théorique (calculs ou simulations) et sur le plan expérimental, fait l’objet des sections 2 et 3, respectivement. En revanche, la « distribution » des plans de joints, présentée section 4, ne peut donner lieu qu’à des études expérimentales, le plan d’un joint
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RÉSEAU DE JOINTS DE GRAINS
( TEXTURE
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367
n’étant pas contrôlé par la géométrie des cristaux avoisinants. Dans la section 5, on s’intéresse à la distribution simultanée des désorientations et des plans de joints. Le but visé dans l’établissement de ces distributions étant une amélioration des propriétés d’un polycristal via la maîtrise de ses joints de grains, il est important de rappeler qu’aucun des paramètres géométriques ne peut servir actuellement de critère de « spécialité ». Partant de la constatation qu’un joint n’est « spécial » que s’il manifeste une propriété « spéciale », quelques tentatives se sont développées pour décrire la distribution des comportements intergranulaires en réponse à une sollicitation donnée, elles sont brièvement rappelées section 6. Quel que soit le critère de distribution retenu, on conçoit vite que la description d’un ensemble de joints de grains est insuffisante et que leurs connexions doivent être prises en compte. Les distributions des jonctions triples (voire des nœuds quadruples. . .), qui font l’objet depuis quelques années d’approches théoriques et expérimentales, sont décrites dans la section 7. Elles sont parfois associées à des distributions des énergies des joints de grains. Toutes les approches précédentes concernent la « texture globale » des joints de grains. Avec le développement des techniques, en particulier la microscopie à imager les orientations (O.I.M.), on s’intéresse de plus en plus, à la « texture locale », c’est-à-dire à l’arrangement spatial du réseau de joints de grains dans le polycristal. La jonction triple constitue le premier maillon dans l’établissement de cette texture. Un ensemble de grains bordés par des joints de grains de même désorientation branchés les uns aux autres forme, selon les auteurs, un ensemble, une colonie ou un amas. C’est ce dernier terme que nous retenons dans l’ouvrage. Une meilleure description géométrique du polycristal découle naturellement de la connaissance de la texture locale, même si elle est généralement moins statistique. Elle interroge sur la dimension pertinente dans un matériau : la taille moyenne des grains ou la taille moyenne des amas ? L’existence de tels amas doit avoir des conséquences sur les propriétés impliquant un phénomène de propagation au travers (déformation. . .) ou via les joints de grains (diffusion, rupture, corrosion intergranulaire. . .). La section 8 présente quelques études d’arrangements locaux de grains et de joints de grains souvent limités à l’échelle mésoscopique. En l’absence de cette vision microstructurale, la compréhension d’une propriété d’un matériau, prenant en compte les chemins interganulaires, peut être abordée par la théorie mathématique de la percolation, c’est l’objet de la dernière section de ce chapitre.
1.
Les critères de distribution des joints de grains
L’utilisation de critères géométriques pour établir une distribution des joints de grains dans un polycristal pallie l’impossibilité de déterminer toutes les énergies intergranulaires, c’est-à-dire les structures à l’échelle atomique de tous les joints constituant ce polycristal, pour atteindre une distribution qui serait significative, mais qui est utopique. L’aspect « significatif » de l’énergie n’est d’ailleurs pas universel, une faible énergie intergranulaire n’implique pas nécessairement un comportement « spécial » d’un joint de grains. On a vu par exemple que les processus
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de relaxation des contraintes intergranulaires diffèrent principalement avec le degré de symétrie du joint, ces processus étant les mêmes dans tous les joints périodiques, quelle que soit leur énergie. De plus, l’état énergétique d’un joint donné (paramètres macroscopiques fixés) contraint aux jonctions triples dans un polycristal n’est pas nécessairement celui qu’il a dans un bicristal. Malgré les restrictions précédentes, d’ordre fondamental ou expérimental, les critères géométriques sont à la base d’un grand nombre d’études de la texture des joints de grains bien qu’aucun d’entre eux ne soit entièrement satisfaisant. Ces critères ont déjà fait l’objet d’une présentation critique (partie 1, Chap. 5, Sect. 4), ils sont revus ici dans le dessein d’expliciter les limites de leur utilisation pour classer les joints de grains. L’utilisation des cinq degrés de liberté géométriques macroscopiques pour tenter de prédire l’énergie constitue un progrès pour les études mésoscopiques, mais elle ne permet pas pour autant de décrire l’état d’un joint de grains réel qui dépend également de facteurs chimiques, mécaniques, thermiques. . . C’est pourquoi certains critères de classification, basés sur les réponses diverses des joints de grains d’un polycristal à une sollicitation extérieure, sont également évoqués.
1.1.
Le critère « désorientation »
Généralement, la distribution des désorientations est suivie de la sélection des désorientations égales ou voisines d’une position de coïncidence, selon un critère d’écart angulaire fixé à l’avance et en limitant les indices Σ retenus à une valeur Σmax . On aboutit alors à une distribution des joints de grains selon le concept de coïncidence dont on a discuté les limites dans la partie 1. On rappelle, en particulier, qu’il n’y a aucune relation biunivoque entre l’énergie intergranulaire et l’indice de coïncidence. Cependant cette classification s’appuie sur les résultats de plusieurs études montrant, de manière empirique, une amélioration de diverses propriétés d’un matériau par augmentation de la fréquence des joints de grains de coïncidence de faible indice Σ et la possibilité de contrôler cette fréquence en jouant sur divers paramètres, allant de la pureté du matériau aux conditions d’élaboration. Une des premières études de ce type remonte à 1959 [30], de nombreux travaux se sont ensuite développés à partir des années 1980 et n’ont cessé d’alimenter des données visant un aspect appliqué de la science des matériaux. La valeur de Σmax , limitant les joints retenus comme étant de « bonne » coïncidence, varie d’une étude à l’autre, mais est souvent de l’ordre de 27 pour les matériaux cubiques. Pour définir les désorientations proches d’une coïncidence, le critère le plus utilisé est celui de Brandon [31] qui classe comme « spécial » un joint dont la déviation angulaire à l’angle exact de coïncidence est inférieure à une valeur maximale ∆θmax rappelée ci-dessous : ∆θmax = 15◦ Σ−1/2
(3.21)
La valeur 15◦ est la limite des faibles désorientations permettant de sélectionner les joints de grains Σ1. Ishida et McLean considèrent un critère plus restrictif avec une variation en Σ−1 , puis réduisent encore la déviation maximale autorisée en
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( TEXTURE
DES JOINTS DE GRAINS )
369
prenant comme limite des faibles angles une valeur de 8◦ [32]. Le critère s’appuyant sur une variation de l’écart angulaire maximum ∆θmax = 15◦ Σ−5/6 , proposé plus récemment par Palumbo et Aust [33], est utilisé dans un nombre croissant d’expériences. La déviation angulaire à la position de coïncidence est entièrement traduite par un angle ∆θd autour d’un axe Rd qui diffère de l’axe de la coïncidence exacte Rc et de celui de la désorientation expérimentale Re . Ces deux paramètres de la déviation peuvent être déduits analytiquement à partir de la matrice écart de rotation ou déterminés géométriquement à partir de résultats obtenus en microscopie électronique en transmission. Une première expression de la déviation totale ∆θd a été ainsi proposée par Kokawa et al. [34] : tg2 (∆θd /2) = tg2 (∆θx /2) + tg2 (∆θy /2)
(3.22)
∆θx = |θe − θc | ∆θy = ∆θ0 , l’angle
(3.23)
avec
(R1 Rc ) = (R2 Rc )
Une valeur plus précise de ∆θy = 2∆θ0 sin(θc /2) est ensuite rapportée, ∆θy est alors l’angle entre les axes de rotation R1 et R2 , chacun différant de l’axe exact de coïncidence. De plus, compte-tenu des faibles angles généralement impliqués, la relation (3.22) peut être simplifiée [35] : 1/2 ∆θd = ∆θ2x + ∆θ2y
(3.24)
Dans la plupart des travaux visant uniquement à classer les joints de proche coïncidence, seul l’angle de déviation ∆θx est pris en compte. Les joints de grains décrits par le modèle plane matching ou, ce qui est équivalent, par une direction axiale commune ou « CAD » (partie 1, Chap. 1, Sect. 2.4) sont traités séparément des joints coïncidents précédents. Rappelons que ce modèle correspond à un bon accord des plans {hkl} d’indices faibles, le plus souvent {200}, {220} et {111} pour les matériaux CFC et {110} seulement pour les matériaux CC. On définit un écart angulaire limite entre l’orientation d’un axe commun pouvant conduire à un assez bon accord de plans et celle d’un des axes cristallographiques simples : (3.25) ∆θmax = ∆θ0 (a/b)Π−1/2 avec Π = h 2 +k 2 +l2 , a le paramètre de maille du réseau et b l’intensité du vecteur de Burgers du cristal. ∆θ0 prend les mêmes valeurs que pour l’écart à la coïncidence Σ et la variation de l’écart angulaire ∆θmax peut être choisie en Π−1 . Le critère désorientation permet d’établir une distribution de joints de grains qui, sans aucun doute, est loin de représenter d’une manière significative l’ensemble des joints de grains en vue de remonter aux propriétés d’un polycristal. La prise en compte des plans de joints, qui impose la structure et l’énergie de ces joints, est nécessaire. Cependant, la distribution des désorientations peut indiquer
370
L ES
JOINTS DE GRAINS
une première tendance à l’organisation des joints de grains dans un matériau, et ce d’autant mieux qu’elle se base sur un critère de sélection des joints de proche coïncidence plus restrictif que celui de Brandon.
1.2.
Le critère « plan du joint de grains »
Le réseau de coïncidence n’a de réalité physique qu’à l’interface entre les deux réseaux cristallins considérés comme interpénétrés, la position où l’on situe le plan du joint dans ces deux réseaux est donc primordiale, elle détermine l’énergie intergranulaire. Or, la sélection des joints de grains lors de la formation d’un polycristal repose partiellement sur la diminution de l’énergie intergranulaire totale même si d’autres facteurs, en particulier les contraintes entre cristaux, interviennent fortement. Le rôle du plan du joint apparaît également fondamental dans la plupart des comportements intergranulaires. Notons que les propriétés des joints de grains ont été jusqu’à présent étudiées sur des bicristaux présentant non seulement une désorientation de coïncidence mais aussi, le plus souvent, un plan de joint de faible énergie, condition de stabilité du joint et donc d’obtention du bicristal désiré. Le choix du joint d’adopter des plans particuliers de faible énergie se manifeste dans les expériences de dépôt de billes sur des substrats monocristallins et dans la formation de facettes. Une énergie relativement faible est généralement associée à un joint de grains possédant, dans un cristal au moins, un plan dense de la structure donc de faibles indices {hkl}, même si celui-ci n’est pas un plan dense du réseau CSL. Si le joint est symétrique, l’énergie est souvent mais pas nécessairement inférieure à celle d’un joint asymétrique. Ainsi, pour les billes de cuivre et d’argent libres de tourner sur un support monocristallin {111}, {110} ou {100}, les plans d’interface nettement privilégiés sont respectivement {111} // {111}, {411} // {110} et {221} // {100}. De même, dans les structures CFC, les joints facettés adoptent souvent un plan {111} // {100}, pourtant incommensurable. Cette sélection est en faveur du critère grande distance interplanaire effective défini par D. Wolf [37] où deff est la moyenne arithmétique des distances entre plans moyens constituant le joint de grains dans l’un et l’autre des cristaux adjacents. Selon ce critère, un joint de grains est considéré comme « spécial » si la valeur du rapport deff /a est supérieure à une certaine valeur critique (a est le paramètre de la maille cristalline du matériau). La valeur critique dépend de la structure du matériau, elle est de l’ordre de 0,150 pour les métaux de structure CFC [38]. Des classifications géométriques des joints de grains basées sur ce critère ont été décrites précédemment [39, 40]. Rappelons qu’au premier et deuxième niveaux de chacune de ces classifications, on trouve des joints symétriques ou asymétriques dont les rapports deff /a sont relativement élevés (voir partie 1). Cette sélection des plans denses ne touche pas seulement les métaux et/ou les structures cubiques, elle se généralise à tous les matériaux, ainsi dans l’alumine de structure rhomboédrique, une forte proportion de joints de grains ont un plan basal (0001), dans un des cristaux au moins [41]. Plus un joint est proche d’une position de coïncidence exacte, plus son plan semble adopter une position symétrique ou asymétrique avec des faibles valeurs des indices {hkl} [36]. Cette constatation expérimentale suggère qu’une
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( TEXTURE
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371
classification des joints fondée sur leur désorientation, avec un critère très strict sur l’écart angulaire autorisé par rapport à la coïncidence exacte, peut indirectement renseigner sur la distribution des plans de joints. Le critère « faibles indices » ou « grande distance interplanaire » est un critère intrinsèque au joint de grains reflétant sa sélection éventuelle lors de l’élaboration ou la croissance des grains dans un polycristal. Mais un autre critère, que nous classons ici comme « extrinsèque », peut également conduire à une texture des plans de joints, c’est une orientation préférentielle des plans dans un repère lié à l’échantillon : surface libre pour les films minces ou pour les tôles dont l’épaisseur est inférieure à la dimension des grains, axe de sollicitation pour les polycristaux déformés ou soumis, par exemple, à un effet de champ magnétique.
1.3.
Critères non géométriques
Un des critères les plus utilisés est la présence de dislocations intrinsèques associée à une structure intergranulaire particulière. Il est à la base de la définition de l’écart maximal autorisé à la désorientation de coïncidence (relations (3.21) et (3.25)). Un second critère repose sur la présence de dislocations extrinsèques résiduelles après déformation à haute température, rendant compte d’un comportement mécanique particulier de certains joints de grains. La validité de ce critère est bien illustrée sur la figure 3.23 qui représente la quantité de glissement intergranulaire mesurée pour différents joints de grains d’un polycristal d’aluminium en fonction de leur écart relatif à la coïncidence ∆θ/∆θmax [1]. C’est seulement dans les joints où ∆θ > ∆θmax que le glissement intergranulaire s’accélère et que, simultanément, la présence de dislocations extrinsèques est observée. Le temps de relaxation des contraintes associées aux dislocations extrinsèques, inversement proportionnel au coefficient de diffusion intergranulaire Dj , peut également être choisi comme critère de spécialité [42]. Le temps de disparition du contraste tD d’une dislocation extrinsèque à une température TD , déterminé en microscopie électronique en transmission in situ, est relié à ce temps de relaxation [43] (voir partie 2) ; son expression en fonction de Dj et de la largeur du joint δ est donnée par une expression voisine de l’équation (2.65) : tD = ATD /Dj δ
(3.26)
De là, l’énergie d’activation Qj de la diffusion intergranulaire pour un joint donné a été déduite : Qj = RTD ln K tD /TD (3.27) Une distribution des joints de grains fondée sur ce temps d’accommodation est équivalente à une distribution des joints selon leur diffusivité ; elle a donc un sens physique évident par comparaison à celles établies sur des critères géométriques. Les trois critères précédents ne permettent pas d’établir des distributions vraiment statistiques des joints car leur utilisation exige des études fines en microscopie électronique en transmission des structures intergranulaires, nécessairement limitées à un nombre restreint de joints de grains.
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F IG . 3.23 – Relation entre la quantité de glissement intergranulaire et le degré d’écart angulaire à la coïncidence la plus proche donné par ∆θ/∆θmax avec ∆θ = θexp −θCSL et ∆θmax , l’écart maximal autorisé selon Brandon. Après fluage, aucune dislocation extrinsèque n’est observée dans les joints généraux. (D’après T. Wanatabe [1].)
Dans d’autres travaux, plus rares, c’est la distribution des réponses des joints à une sollicitation extérieure qui est répertoriée : – Réponses à un environnement agressif : mouillage [44] ou corrosion [45] ou surtout à l’attaque thermique [46]. Les distributions des joints s’appuient alors sur les caractéristiques des sillons d’attaque intergranulaire (angle d’ouverture, profondeur. . .). Leur établissement repose implicitement sur le postulat qu’un lien existe entre la réponse du joint à la sollicitation et son énergie. Malgré toutes les restrictions évoquées au chapitre 1, section 2.1, la règle d’Herring, sous sa forme simplifiée, (3.3) est souvent utilisée pour quantifier les comportements des différents joints au mouillage ou à l’attaque thermique. . . – Réponses à une sollicitation mécanique : cavitation [47], fracture et glissement intergranulaires [1]. La dépendance des comportements précédents avec la géométrie des joints est rapportée dans l’article de synthèse [48]. Dans tous les cas, l’utilisation de ces critères conduit à une distribution des joints de grains qui inclut leurs paramètres géométriques et chimiques et qui traduit donc mieux l’état réel des joints dans le polycristal. Cependant, sa quantification pose problème et toute comparaison entre distributions reste étroitement limitée à un même matériau.
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2.
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Calculs de la distribution des désorientations entre cristaux
Bien que la distribution des désorientations des joints de grains (GBMD ou CGBD) ne résulte que partiellement de la distribution des orientations cristallines, car elle est aussi étroitement liée à la structure intergranulaire, une première approche de cette distribution repose sur l’existence d’une relation de cohérence entre cristaux dans l’ensemble polycristallin. Il est donc utile, en premier lieu, de définir quelques fonctions associées à la texture cristalline, de préciser les sigles utilisés dans la littérature et les relations, existantes dans certaines conditions, entre les diverses fonctions qui décrivent la microstructure du matériau. La seconde partie de cette section concerne les approches théoriques de la distribution des désorientations des joints, calculée ou simulée à partir d’une distribution aléatoire ou non des orientations cristallines. Leurs résultats servent de référence pour analyser ceux obtenus expérimentalement.
2.1.
Les fonctions de distributions des orientations et des désorientations
La texture cristalline est décrite quantitativement par la fonction de distribution des orientations cristallines ou ODF pour Orientation Distribution Function, de même la distribution des désorientations des joints de grains (GBMD) peut être définie quantitativement par une fonction de distribution, dénommée MDF pour Misorientation Distribution Function, qui n’est pas déductible directement de la précédente. La fonction de distribution des désorientations donne la probabilité de densité d’une désorientation spécifique entre grains adjacents dans un polycristal [49,50]. La fonction ODF est censée décrire l’anisotropie d’une propriété physique « insensible » à la composante interfaciale de la microstructure. Ceci est vrai, en première approximation, pour les propriétés magnétiques, thermiques et élastiques, moins vrai pour les propriétés plastiques et, a fortiori, pour la rupture intergranulaire. La connaissance de la fonction MDF est donc complémentaire à celle de la texture cristalline pour tenter de comprendre les comportements d’un matériau. La microstructure d’un matériau est généralement non uniforme, c’est pourquoi sa caractérisation doit inclure des informations sur les orientations conjointement à des informations sur les positions. Une corrélation d’orientations signifie que des cristaux avec une relation mutuelle d’orientation particulière sont susceptibles d’être adjacents. La préférence pour que, dans un polycristal, des grains d’orientation spécifique se situent près d’autres grains ayant une autre orientation spécifique est décrite quantitativement par la fonction d’orientation de cohérence ou fonction de corrélation (OCF pour Orientation Coherence Function ou Orientation Correlation Function) [28, 51]. La fonction OCF = c (g , r, g ′ ) constitue la première approche pour relier la distribution des désorientations des joints de grains à la texture cristalline. Elle donne la probabilité, en termes de densité, de trouver simultanément un cristal
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d’orientation g en un point p et un cristal d’orientation g ′ en un point p ′ (g et g ′ représentent chacun un ensemble d’angles d’Euler), les points p et p ′ sont situés indépendamment l’un de l’autre dans un volume spécifique de mesure Vm et sont séparés par un vecteur r. La dimension du volume spécifique Vm , soit dm , est très supérieure à dc , la taille moyenne des cristaux. Les mesures de la fonction OCF doivent présenter une « stationnarité spatiale », ce qui signifie que la fonction ne doit pas être altérée par translation du volume de mesure. Pour un volume sphérique de rayon rm , la variable r = |r| est restreinte à 0 ≤ r ≤ 2 rm . Généralement la fonction OCF est construite pour quelques valeurs de r variant d’une fraction à quelques multiples de dc . D’un point de vue pratique, on définit une fonction OCF conditionnelle = c ∗ (g , g ′|r), plus accessible expérimentalement, de la manière suivante : c ∗ (g , g ′|r) dg , dg ′ est la probabilité pour qu’un point p se situe dans un grain d’orientation contenue dans l’intervalle (g , g + dg ) et pour que p ′ se situe de même dans un intervalle d’orientation (g ′ , g ′ + dg ′ ), p et p ′ étant séparés par le vecteur r. Les fonctions OCF et OCF conditionnelle sont reliées entre elles par : c(g , r, g ′) = c ∗ (g , g ′|r)R(r)
(3.28)
avec R (r) la probabilité de densité des vecteurs r utilisés dans l’expérience, égale à 1 dans tout l’espace considéré [51]. En cas d’isotropie de la microstructure, la fonction MDF peut être construite à partir de la fonction OCF conditionnelle. Soit ∆g la désorientation entre les cristallites d’orientations g et g ′ , en notation matricielle : [g ′ ] = [∆g ][g ]
(3.29)
L’écart ∆g est représenté en termes d’angles d’Euler dans les travaux à l’échelle mésoscopique ; c’est l’équivalent de la représentation « angle/axe » utilisée précédemment dans les approches microscopiques et par simulation. La fonction de distribution des désorientations MDF est donnée par f (∆g ) : c ∗ (g ; ∆g .g |r)dg (3.30) f (∆g ) ∝ Ω
avec r ≪ dc et le volume d’intégration Ω correspondant à un domaine où toutes les orientations sont physiquement distinctes dans un réseau cubique [49]. La condition r ≪ dc requise pour calculer la fonction MDF traduit intuitivement la propriété que toute cohérence disparaît pour des distances très supérieures à la taille moyenne des cristaux. C’est dire que les processus qui conduisent à la cohérence entre cristaux sont supposés n’opérer que sur des distances limitées. Si cette hypothèse est justifiée, ce qui ne peut être testé que par l’expérience, alors pour r ≫ dc : c(g , r,g ′ ) = f (g ).f (g ′ ) (3.31) où f (g ) est la fonction ODF. Plus généralement, pour des petites valeurs de |r|, la fonction OCF fournit les détails cristallographiques nécessaires pour établir la distribution des désorientations, elle peut être utilisée pour évaluer le dommage localisé des joints de grains
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et des jonctions triples ou pour étudier des mécanismes de recristallisation. Pour des valeurs plus élevées de |r|, la fonction OCF permet une description quantitative de la fonction locale de distribution des orientations. La dépendance en r de la fonction d’auto-cohérence c (g , r, g ) donne une information statistique sur la forme et la taille des grains en fonction de l’orientation cristallographique g . La fonction de corrélation OCF, pour une désorientation donnée, peut être obtenue en normalisant la fonction MDF expérimentale par rapport à la fonction MDF statistique. La fonction expérimentale fe (∆g ), est déterminée en prenant en compte la fraction de longueur des joints de désorientation ∆g . La fonction statistique fs (∆g ), est calculée à partir de paires d’orientations cristallines sélectionnées au hasard sans considérer leurs positions relatives dans la microstructure. On obtient la fonction OCF (∆g ) [49] : OCF(∆g ) =
fe (∆g ) fs (∆g )
(3.32)
La fonction OCF est égale à 1 lorsque aucune corrélation n’existe pour la désorientation (∆g ) et satisfait OCF (∆g ) > 1 (ou OCF (∆g ) < 1) si la désorientation ∆g est préférentiellement sélectionnée (ou rejetée) par comparaison à celle attendue à partir de la relative abondance des orientations. En présence d’une orientation de cohérence dans un polycristal, il semble approprié d’identifier une nouvelle échelle de la microstructure appelée mésostructure qui repose sur l’existence d’amas (ou agrégats) de grains. Cette première notion de mésostructure est incomplète, car l’existence d’un amas de grains n’implique pas l’existence d’un amas de joints de grains. En effet, même si chaque grain a plusieurs voisins avec lesquels il est lié par des joints de grains d’un certain type, ces derniers ne sont pas nécessairement connectés les uns aux autres. La prise en compte des amas de grains peut être importante pour comprendre les propriétés dépendant de la microstructure intragranulaire et du transport à travers les joints de grains (résistivité électrique par exemple). La considération des amas de joints de grains peut permettre d’analyser les propriétés sensibles à la propagation le long des joints (fracture, corrosion. . .).
2.2.
Distributions théoriques des désorientations
Les proportions théoriques de joints de grains dits « spéciaux », incluant joints à faible angle, coïncidents et CAD, ont été estimées essentiellement pour des matériaux de symétrie cubique et en considérant le plus souvent le critère de Brandon comme condition de spécialité. Quelques études très ponctuelles existent pour des matériaux non métalliques et/ou de symétrie non cubique. Il existe deux manières d’aborder les distributions théoriques des désorientations : – Le calcul des probabilités pour un cristal, dans un matériau polycristallin aléatoire, d’être dans une orientation par rapport à un cristal de référence telle qu’elle produit un joint CSL ou CAD.
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– La génération au hasard, sur ordinateur, d’une série de matrices de rotations simulant la formation des différents grains du polycristal aléatoire, puis la détermination des désorientations qui en résultent et leur comparaison avec les matrices références des joints CSL et CAD.
2.2.1.
Approche analytique des probabilités d’existence de joints CSL et CAD dans un polycristal aléatoire
Un joint de grains est défini par un vecteur V qui décrit la rotation (orientation de l’axe et valeur de l’angle) requise pour amener un cristal de référence en superposition (Σ = 1) avec un second cristal. Ce vecteur donné en coordonnées sphériques ν, θ et φ est situé à l‘intérieur d’une sphère de rayon θ = 180◦ . v est la déviation maximale autorisée par rapport à la désorientation de coïncidence exacte (v = v 0 Σ−1/n ). Une distribution des rotations se traduit par une distribution de la densité ρ des points « vecteur » dans la sphère. Une distribution aléatoire est celle qui reste inchangée lorsque n’importe quel autre cristal est choisi comme référence. La proportion de joints de grains de coïncidence Σ dans une distribution aléatoire est obtenue en multipliant le nombre de rotations équivalentes (ou régions équivalentes dans la sphère des paramètres) par la probabilité ρΣ de trouver une rotation au hasard à l’intérieur de la déviation permise à l’orientation de coïncidence. Les vecteurs V retenus dans le calcul de ρΣ ont leurs extrémités situées à l’intérieur d’une sphère de rayon v dont le centre est à l’extrémité du vecteur Vex correspondant à la coïncidence Σ exacte (Fig. 3.24) [52, 53]. La probabilité ρΣ est donnée par :
2π
ρΣ = 1/2π2 [(v − sin v)/2]v0Σ [− cos θ]π0 φ 0
(3.33)
avec 0 ≤ ν ≤ π, 0 ≤ φ ≤ 2π et 0 ≤ θ ≤ π. Le tableau 3.I donne, pour les matériaux cubiques, les pourcentages de joints de grains proches d’une valeur de Σ ≤ 25, incluant les joints de grains à faible angle (Σ = 1, θ ≤ 15◦ ), obtenus en utilisant l’équation (3.33) et pour deux valeurs de l’écart maximum autorisé [53]. On constate que les fractions de ces joints sont faibles et diminuent d’une manière non monotone avec la valeur de l’indice de coïncidence Σ, ce qui indique un effet de la symétrie du réseau de coïncidence. Le critère choisi influe fortement sur les fractions obtenues. La proportion de macles est très faible par rapport à celles habituellement rencontrées dans les matériaux. Cette constatation exclut une formation réellement aléatoire des polycristaux qui serait suivie d’un réajustement des angles des joints de grains durant la croissance ou la restauration pour minimiser l’énergie intergranulaire. Pour les matériaux de symétrie hexagonale, la fraction de joints de coïncidence exacte (axe de désorientation parallèle à l’axe c) est identique, généralement très faible, quel que soit le matériau, mais les pourcentages des différents joints de coïncidence rationnelle varient avec le rapport c/a (voir √ partie 1, Chap. 1, Sect. 2.4). Dans le cas d’une structure compacte avec c/a = 8/3, la proportion totale de joints de coïncidence 7 ≤ Σ ≤ 25 est égale à 0,9 %, elle atteint 1,67 % avec
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F IG . 3.24 – Schéma montrant la sphère paramétrique : une zone CSL est représentée par une petite sphère de rayon v à l’extrémité du vecteur de rotation Vex = 0P, une zone CAD est représentée par un cylindre centré sur l’axe de rotation [u, v, w]. TAB . 3.I – Probabilités d’existence de joints de grains de proche coïncidence dans un polycristal aléatoire, la déviation angulaire à la désorientation de coïncidence exacte étant inférieure à une valeur limite fonction du critère de « coïncidence » retenu.
Σ 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 Total 3 ≤ Σ ≤ 25
Probabilités Critère Σ−1/2 Critère Σ−1 (×10−2 ) (×10−2 ) 1,98 1,98 1,53 0,29 1,07 0,10 0,86 0,05 0,88 0,03 0,68 0,02 0,59 0,01 0,82 0,01 0,51 0,48 0,66 0,43 0,48 9 0,5
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√ c/a = 5/2 [54]. Dans le cas de l’alumine rhomboédrique, la proportion théorique de joints de coïncidence rationnelle est de 0,22 %, elle est de 1,05 % pour l’ensemble des joints 7 ≤ Σ ≤ 31) [3]. Généralement, le nombre relatif de joints de coïncidence décroît avec la diminution de la symétrie du réseau qui conduit à un nombre plus petit de descriptions équivalentes. Les vecteurs correspondant à des joints de grains proches d’une coïncidence unidimensionnelle (ou CAD) sont situés dans un tube centré sur un diamètre parallèle à l’axe de rotation CAD et qui coupe la sphère paramétrique (Fig. 3.24). La considération des symétries pour un cristal cubique conduit à de nombreuses intersections de ces tubes et donc au chevauchement des zones CAD. Les pourcentages de joints CAD ainsi obtenus doivent être comparés à ceux dérivés des simulations. Dans les limites de l’équation (3.25) avec ∆θ0 = 15◦ , la proportion de joints de grains proches d’une description CAD autour de 100 est de 12 % pour les structures CFC et de 9,3 % pour les structures CC. En considérant les rotations autour des axes 100, 110 et 111, ce pourcentage atteint 50 % dans les matériaux CFC et il est très sensible au moindre écart à la distribution au hasard. Cette proportion est très nettement supérieure à celle des joints proches d’une description CSL. Un pourcentage plus raisonnable de 5 % a été trouvé analytiquement en restreignant à 2◦ la valeur maximale de la déviation entre les axes, exact CAD et réel [3].
2.2.2.
Approches par simulation des distributions des joints CSL et CAD dans un polycristal aléatoire
Une série de matrices de rotation est générée selon une procédure proposée par Mackenzie et Thompson [55], puis ces matrices sont converties en matrices de désorientations et comparées aux matrices théoriques des joints CSL et CAD. L’étude de Warrington et Boon [53] porte sur deux ensembles de 400 rotations générées au hasard. Les résultats, comparés à ceux établis analytiquement, montrent une surestimation des joints de faible angle que les auteurs ont corrigé en divisant par trois le pourcentage obtenu pour ces joints. Pour les autres valeurs de Σ, les pourcentages diffèrent sensiblement d’un ensemble à l’autre et de ceux prévus par le calcul, mais la fraction totale de joints de grains proches d’une coïncidence 3 ≤ Σ ≤ 25 est de 68/800, soit 8,5 % donc très voisine de celle trouvée par le calcul (9 %). Cette proportion et son éventuelle variation pour des polycristaux non aléatoires semblent difficilement mesurables expérimentalement sauf en cas de texture extrêmement prononcée. Les pourcentages de joints de coïncidence unidimensionnelle obtenus par simulation sont également comparables à ceux calculés précédemment, atteignant un total d’environ 50 % pour les joints autour de 100, 110 et 111 dans un matériau cubique. La même procédure de génération de matrices que celle utilisée précédemment permet à Garbacz et Grabski d’établir la distribution aléatoire des joints dans un polycristal constitué de 10 couches de 20 × 20 grains soit 4 000 grains et 24 290 joints de grains [56]. La structure du matériau est cubique et l’espace tridimensionnel du polycristal est rempli avec des polyèdres de Kelvin identiques.
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Rappelons que ces polyèdres sont limités par huit faces hexagonales et six faces carrées et que l’empilement nécessite un décalage d’une couche par rapport à l’autre (Fig. 3.25). La considération des polyèdres de Kelvin constitue une approximation raisonnable d’un arrangement polycristallin réel.
F IG . 3.25 – (a) Polyèdre de Kelvin ; (b) modèle tridimensionnel d’un agrégat polycristallin construit avec des polyèdres de Kelvin (N polyèdres par côté). Les figures claires correspondent respectivement aux couches de base et à celles déplacées latéralement.
Les distributions des axes et des angles des désorientations sont tout d’abord déterminées afin de tester la validité du modèle. Elles sont toutes deux en bon accord avec celles qui ont été calculées analytiquement [52,53]. Plus de 50 % des axes de désorientation sont dans la zone V du triangle stéréographique standard et environ 25 % dans la zone IV, donc loin d’axes cristallographiques simples (Fig. 3.26). Les angles de désorientations ont une distribution normale avec un maximum vers 45◦ (courbe a sur Fig. 3.27). L’effet d’une texture de fibre sur la distribution des désorientations des joints est simulé avec l’hypothèse de non-corrélation entre les orientations de grains voisins, il en résulte une distribution bimodale des désorientations (Fig. 3.27) [57]. Les joints de grains relevant d’une description de coïncidence (1 ≤ Σ ≤ 65) en respectant le critère de Brandon sont ensuite sélectionnés. Leurs proportions calculées et moyennées sont regroupées dans le tableau 3.II. pour quatre types de polycristaux : aléatoire, avec une texture de fibre 100, une texture mixte 50 % 100/50 %111 et une texture 111 [56]. Par comparaison avec la distribution aléatoire simulée par Warrington et Boon [53], le pourcentage des joints à faible angle est ici notoirement plus faible (comparable à celui déterminé analytiquement), le pourcentage total de joints coïncidents (Σ ≤ 25) restant de l’ordre de 9 % (Fig. 3.28). La surestimation de la
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F IG . 3.26 – Triangle stéréographique standard découpé en zones dans lesquelles sont répartis les axes de désorientation, leur proportion dans chacune des zones est indiquée. (D’après A. Garbacz et M.W. Grabski [56].)
F IG . 3.27 – Distributions simulées à l’ordinateur des désorientations des joints de grains : la courbe (a) correspond à un polycristal sans texture, les courbes (b), (c) et (d) correspondent à des polycristaux présentant une texture de fibre 100, 110 et 111, respectivement. (D’après V.Y. Gertsman et al. [57].)
proportion simulée de joints Σ1 en [53] peut être attribuée au nombre insuffisant de matrices de rotation générées pour modéliser un polycristal aléatoire. L’influence de la texture sur la distribution des caractères des joints de grains est nettement révélée (Tab. 3.II). Parmi les joints de coïncidence, le pourcentage
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TAB . 3.II – Pourcentages moyens calculés de joints de coïncidence (selon le critère de Brandon) et de joints de grains de faible angle dans un polycristal aléatoire et dans trois polycristaux présentant une texture de fibre [56].
Polycristal aléatoire Joints Σ1–65 Joints Σ3–25 Joints Σ1
17,82 8,61 2,21
Fraction % de joints 100 % 100 50 % 100 50 % 111 42,92 27,77 14,57 11,37 22,71 10,31
100 % 111 35,54 13,08 17,05
F IG . 3.28 – Distributions comparées des désorientations des joints de grains (3 ≤ Σ ≤ 25) dans un polycristal aléatoire. (D’après A. Garbacz et M.W. Grabski [56].)
de joints Σ5 varie considérablement d’une texture à l’autre : 8,6 % pour la fibre 100 et 0 % pour la fibre 111 au lieu de 1,07 dans une distribution au hasard. Les proportions données dans le tableau 3.II diminuent si on introduit une corrélation entre orientations cristallines dans la simulation mais les différences principales entre matériaux texturés et non texturés demeurent (% de joints de faible angle nettement plus élevé quelle que soit la texture et % de joints Σ5 également plus grand pour la fibre 100) [57]. Dans les polycristaux de structure hexagonale, les angles de désorientation, dont la valeur maximale est 93◦ (au lieu de 62◦ pour les structures cubiques), ont une distribution aléatoire normale avec un maximum vers 60◦ /70◦ . La distribution aléatoire des joints de grains basée sur leur indice de coïncidence n’est pas unique
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dans ce système, les coïncidences rationnelles étant spécifiques à chaque matériau [54]. Il en est de même pour les matériaux de symétrie rhomboédrique [3] et, plus généralement pour tous ceux de symétrie non-cubique. Une classe particulière de matériaux a donné lieu à plusieurs modélisations de la distribution des joints de grains, c’est celle des matériaux susceptibles de maclage multiple. D’une part, ces matériaux font l’objet de nombreuses recherches et sont largement utilisés dans l’industrie, d’autre part ils ont des spectres de joints de grains spécifiques. Le principe de simulation des distributions est décrit brièvement ci-après [57]. La simulation débute toujours avec un monocristal ; un nouveau grain apparaît à chaque pas de simulation. Parmi les N grains formés au N e pas, un grain est choisi au hasard et un autre grain en désorientation de macle est ajouté contre le précédent, également au hasard. Ce nouveau grain est dénoté N + 1, toutes les désorientations avec les grains voisins sont recalculées. Dix réalisations aléatoires sont simulées à chaque pas et les résultats sont moyennés. On constate qu’au-delà de 50 pas de simulation, le spectre de distribution des joints Σ3n est quasi stationnaire, cependant il dépend quelque peu de l’écart angulaire à la désorientation de coïncidence Σ3 imposé dans la simulation (Tab. 3.III). TAB . 3.III – Pourcentages simulés des joints de grains Σ3n dans un matériau susceptible de maclage multiple en fonction du nombre de pas de simulation (à gauche) et en fonction de l’écart angulaire à la désorientation exacte Σ3 introduite dans le calcul (à droite) [57].
Désorientation Σ3 idéale Type de joint
Écart angulaire maximal ∆ θmax à Σ 3 idéal
Nombre de pas de simulation
Σ3 Σ9 Σ27 Σ81
1◦ 2◦ 3◦ 100 200 500 43,7 ± 2,7 43,2 ± 2,2 43 ± 1,3 44,8 ± 3,9 45,4 ± 4,0 42,8 ± 2,9 26,8 ± 2,6 26,6 ± 1,6 26,3 ± 1,6 25,2 ± 2,3 18,8 ± 2,4 17,8 ± 2,2 14,4 ± 2,4 14,3 ± 1,6 14,1 ± 1,3 7,3 ± 1,7 7,3 ± 1,6 7,4 ± 1,2 7,9 ± 1,6 7,8 ± 1,2 7,7 ± 0,9 1,2 ± 0,6 3,1 ± 1,3 5 ± 1,3
Les joints de désorientations Σ3n couvrent une grande fraction de l’ensemble des désorientations dans les matériaux cubiques à énergie de faute d’empilement faible ou moyenne. En effet, si une interaction entre joints de grains prend place simultanément au processus de maclage, il ne peut en résulter que des joints de la classe Σ3n en vertu de la règle (3.1) de combinaison des indices de coïncidence à une jonction triple. Cette règle prédit une proportion maximale de macles égale à 2/3 dans un polycristal ne contenant que des jonctions triples (c’est-à-dire à l’exclusion de toute jonction quadruple ou d’ordre supérieur), la microstructure résultante est dite limitée par maclage. Dans la pratique, les distributions expérimentales des désorientations peuvent s’éloigner fortement des distributions calculées, aléatoires ou résultant d’une texture cristalline, mais ces dernières servent de repères pour évaluer le degré d’équilibre du polycristal et appréhender sa mésostructure.
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Distributions expérimentales des désorientations des joints de grains
La distribution réelle des désorientations dans un polycristal bien recristallisé, dans un état d’équilibre métastable, dépend de la structure et de la pureté du matériau. De plus, la technologie d’élaboration du matériau et son histoire thermomécanique, entraînant une texture cristalline, peuvent aussi fortement influencer la distribution des désorientations. Cette distribution est le plus souvent traduite en nombre relatif de joints de grains d’une désorientation donnée soit fN (θ) ramené en % (θ), mais elle peut aussi être estimée en fraction d’aire occupée par un type de joints fS (θ), souvent obtenue sous forme de fraction des longueurs observées fL (θ). Les distributions expérimentales sont, en effet, généralement établies sur des sections planes des échantillons (lames minces ou surfaces polies), mais selon les simulations, il semble que la distribution des désorientations entre grains observés sur une section plane est représentative de celle existant dans le volume du matériau. Une comparaison entre la fraction mesurée de joints d’une désorientation donnée et celle qui devrait résulter de la connaissance de la texture du polycristal complète parfois l’analyse des distributions en l’appréciant en termes de corrélation. Si la distribution est traduite en termes de coïncidence, toute comparaison entre les divers résultats requiert de vérifier que le même critère de déviation maximale à la désorientation de coïncidence a été utilisé. C’est généralement le critère de Brandon bien que celui-ci soit très laxiste, particulièrement pour les joints Σ3. À titre d’exemple, un joint de grains dévié d’un angle total ∆θd = 7◦ 6 inférieur à ∆θmax associé à Σ3 (∆θmax = 8◦ 6 selon l’équation (3.21)) peut être décrit avec plus d’acuité comme dévié de 0◦ 8 de Σ81. L’utilisation du critère ∆θmax = 8◦ Σ−1 [32] ou même ∆θmax = 15◦ Σ−5/6 [33] permet d’éviter cette ambiguïté. Mais, quel que soit le critère retenu, les différentes données sont difficilement comparables directement, en raison des différences d’approche et des erreurs expérimentales qui empêchent une détermination vraiment fiable de tous les types de joints. Toute tentative de comparaison des distributions des joints de grains entre différents matériaux doit ne prendre en compte que les résultats portant sur des polycristaux dans des états microstructuraux comparables. On considère en particulier des états proches d’un équilibre stable : métaux complètement recristallisés (température élevée proche de la température de fusion TF et/ou temps prolongé de recuit), frittage conduisant à un taux minime de porosité pour les céramiques, solidification lente suivie de recuit pour les semi-conducteurs. . . C’est pourquoi, dans un premier temps, nous nous intéressons aux distributions des joints de grains associées à des polycristaux relativement équilibrés dans des matériaux dont la structure, la pureté et l’énergie de faute d’empilement diffèrent. Dans un second temps, les matériaux étant plus souvent dans un état hors équilibre dans l’industrie, nous considérons les influences de divers traitements thermomécaniques et des textures résultantes sur l’ensemble des joints de grains d’un matériau donné.
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Chaque effet est illustré par un nombre limité d’exemples. De nombreuses données provenant de travaux effectués dans les années 1980/1990 (début d’un considérable effort sur ce sujet lié au développement des techniques) sont extraites d’articles de synthèse [1, 57, 58], elles sont complétées par des résultats d’investigations récentes.
3.1.
Différents types de distributions expérimentales des désorientations
Dans cette section, les résultats variés, parfois contradictoires, sur les distributions des désorientations dans différents matériaux ont été regroupés en tenant compte de leurs points communs selon une classification proposée par L. Fionova pour les métaux [58]. Les résultats sur les métaux sont en effet et de loin les plus nombreux, en particulier pour les structures CFC. Nous tentons de situer dans ce schéma les quelques informations existantes sur d’autres matériaux (semi-conducteurs, oxydes. . .). Le groupe I rassemble des matériaux de structure CFC, ayant une énergie de faute d’empilement relativement faible, susceptibles de maclage thermique conduisant à des macles lamellaires. Aux métaux originalement situés dans ce groupe : cuivre, certains aciers inoxydables, nickel. . ., nous adjoignons les semi-conducteurs (silicium et germanium). Une seule caractéristique ne permet pas de classer un matériau dans un groupe : par exemple, le nickel a une énergie moyenne de faute d’empilement, mais il présente des macles lamellaires. Le groupe II est caractérisé par une distribution analogue à celle qui a été observée dans l’aluminium, métal CFC à forte énergie de faute d’empilement, des macles pouvant se former uniquement au coin des cristaux. Le groupe III concerne les métaux CC non soumis au maclage thermique et possédant une énergie de faute d’empilement relativement élevée. Une relation empirique a été obtenue pour chaque type de distribution, de la forme [59] : (3.34) FΣ = ki Σ−ni avec FΣ la fréquence d’apparition des joints de coïncidence Σ. FΣ est un sousensemble de la fonction MDF ou f (∆g ) selon l’équation (3.30). Pour le groupe I : Pour le groupe II :
kI kII
∼ = 100 ∼ = 20
Pour le groupe III : kIII ∼ =5
et nI ∼ =1 et nII ∼ = 1/2 et nIII ∼ = 1/3
Le regroupement des métaux selon la distribution de leurs joints de grains dans les polycristaux semble correspondre à une analogie de structure électronique. Si l’on applique aux joints de grains la formule de l’énergie intergranulaire EJ proposée pour les surfaces [60], on obtient : EJ ∼ = 0,25 Ec ZJ /Zv
(3.35)
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avec Ec , l’énergie de cohésion, ZJ et Zv , les nombres de coordination au joint de grains et dans le volume respectivement. Pour les métaux de structure électronique d avec un remplissage Nd de la couche d [60] : Ec = Ecmax =
Nd (10 − Nd ) 25
(3.36)
avec Ecmax l’énergie de cohésion pour Nd = 5. Le groupe I correspond à des métaux ayant une énergie de cohésion relativement faible avec Nd = 10 (Cu, Au, Ag) et Nd = 9 (Pt, Pd, Ni). Dans le groupe III au contraire, les énergies de cohésion sont plus fortes Nd = 4 (Nb), Nd = 5 (Mo) et à la limite Nd = 7 (Fe). L’aluminium, de structure électronique s.p., ne peut pas être considéré dans ce rapprochement. De même que les critères macroscopiques retenus pour définir les groupes (structure, énergie de faute d’empilement. . .), le critère électronique souffre d’exceptions. Il en résulte des recouvrements dans la classification, l’appartenance d’un matériau à un groupe nécessite la conjonction de plusieurs des critères précédemment cités.
3.2.
Effets de la structure et de l’énergie de faute d’empilement du matériau
Ces deux effets sont regroupés, ils permettent en effet de traiter les distributions des désorientations selon les groupes définis précédemment. Les résultats analysés ci-après proviennent majoritairement d’études sur des métaux et alliages métalliques bien recristallisés. Néanmoins, les comparaisons sont délicates car des traces de soluté peuvent modifier considérablement la distribution des joints dans le cas des métaux dits purs et les conditions de recristallisation (ou d’un mode d’élaboration quelconque) affectent cette distribution dans tous les matériaux. On s’efforce ici, autant que possible, d’analyser des résultats obtenus sur des matériaux de pureté contrôlée, ayant subi des traitements thermomécaniques comparables.
3.2.1.
Matériaux du groupe I
Les résultats sur les matériaux du groupe I sont de loin les plus nombreux. Ils portent sur différents métaux et alliages et différents traitements de recristallisation statique pour un même matériau. Les principaux traits communs aux différentes distributions, avec un nombre de joints de grains allant de 200 à 7 000 selon les méthodes d’investigation, sont résumés ci-après : – Les distributions sont essentiellement similaires quelles que soient la composition chimique et l’histoire thermomécanique des matériaux. – Les distributions ne sont pas monotones avec une large prédominance de joints de grains Σ3n , en particulier Σ3. – Les proportions des joints de grains autres que Σ3n sont sensiblement celles qui ont été prévues par les calculs pour un polycristal aléatoire.
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Remarquons de suite que la proportion des joints de Σ3 dans un matériau ne découle pas directement de son énergie de faute d’empilement mais, plus explicitement, du rapport entre l’énergie de sa macle cohérente Σ3 {111} et l’énergie moyenne des joints généraux. Cependant l’existence d’une relation entre l’énergie de faute et l’énergie de maclage (γSFE ≈ 2 γΣ3 {111}) justifie le critère de distinction retenu en [58]. Les proportions des joints de coïncidence Σ3n pour différents métaux et alliages sont données dans le tableau 3.IV [56, 57]. Elles ne sont pas fondamentalement différentes d’un matériau à l’autre et semblent relativement indépendantes de l’histoire de chacun d’eux (c’est particulièrement évident pour l’alliage Ni-Cr). Comparées aux valeurs déterminées par simulation (Tab. 3.III), elles sont nettement inférieures pour tous les indices de coïncidence à part pour Σ3. TAB . 3.IV – Pourcentages de différents joints de grains Σ3n dans quelques matériaux CFC susceptibles de maclage thermique et ayant subi un traitement de recristallisation statique [56, 57]. Alliage Recuit
Ni Ni-20 % Cr Acier 304 Acier 316L Cr16Ni15Mo 1 573 K 993 K + 1 273 K 1 366 K 1 123 K 1 423 K 1 423 K 1 373 K + 923 K 10 min 2 h 30 min 30 min 1h 1h 30 min 10 min 2h %Σ3 41 34,5 34,6 42 35,5 33,1 34,6 34,8 37,5 %Σ9 9 7,5 7,4 15 5,2 4,7 6 3,6 3,6 % Σ 27 5,9 5 3,1 4 2,4 1,2 5,3 2,7 3,6 % Σ 81 1,8 3 – – 2,9 1,2 3,8 – –
Une très légère augmentation de la densité de macles avec la température de recuit peut s’expliquer par l’augmentation de la vitesse de migration de tous les joints qui entraîne une fréquence plus élevée d’évènements de maclage. La densité de macles atteint une valeur maximale dans les premiers stades de la croissance des grains lorsque les vitesses de migration des joints sont les plus grandes. Lorsque la croissance se poursuit, le pourcentage de macles diminue quelque peu et se stabilise : ce phénomène peut être attribué à l’annihilation des macles par interactions de celles-ci avec les autres joints de grains [61]. Les proportions des longueurs, reliées aux proportions des aires occupées par les différents joints, sont reportées toujours à titre indicatif dans le tableau 3.V. C’est seulement pour Σ3 que cette proportion est nettement supérieure à celle du nombre de joints de même indice. Elle semble aussi plus sensible que le rapport des nombres à la nature du matériau (énergie de faute d’empilement) et à son histoire thermomécanique Les longueurs relatives pour les autres joints Σ3n sont plutôt faibles. Généralement la longueur relative des joints Σ3 excède 50 % et croît avec la durée du recuit. Cette dernière remarque suggère que le réseau de joints de grains tend vers un état d’équilibre plus grand en multipliant la longueur totale de joints Σ3, et non leur nombre, au détriment de joints de plus grande énergie. Les joints de grains Σ3n ne sont pas favorisés d’un point de vue énergétique, leur proportion
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TAB . 3.V – Longueurs relatives (%) des joints de grains Σ3n dans divers matériaux métalliques.
Σ 3 9 27
Nichrome 54,8 4,5 2,9
Acier 304 59,7 1,9 2
Acier 316L 48,7 1,8 1
relativement élevée est due uniquement à des raisons géométriques, ils assurent les connexions entre les joints Σ3 dans le processus de maclage multiple. Une tendance se manifeste également dans ces études concernant la déviation angulaire à la désorientation de coïncidence exacte : elle est généralement plus faible pour les joints Σ3n que pour les autres joints (Fig. 3.29) [56, 57]. Cette remarque est à rapprocher d’une autre tendance qui indique que plus l’écart à la coïncidence est faible, plus le plan moyen du joint a des probabilités d’être voisin d’un plan « spécial », symétrique et/ou de faibles indices [36].
F IG . 3.29 – Distribution des déviations angulaires à la coïncidence exacte dans l’acier 316L en utilisant le critère de Brandon ∆θmax = 15◦ Σ−1/2 : (a) déviations pour les joints Σ3n ; (b) déviations pour les joints différents de Σ3n . (D’après V.Y. Gertsman et al. [57].)
Parmi les joints de grains autres que Σ3n dont les pourcentages sont généralement voisins de ceux d’une distribution aléatoire, le cas des joints Σ11 mérite discussion. Alors qu’ils sont présents en grand nombre après frittage de petites billes de cuivre et d’argent sur un substrat monocristallin [62], très peu de joints de proche coïncidence Σ11 sont observés dans les polycristaux CFC [63]. L’explication avancée pour une telle différence est que le joint Σ11 manifeste une faible énergie dans un bicristal où il est libre de contraintes de rotation, ce qui est le cas dans les expériences de frittage mentionnées ci-dessus ; sa rare apparition dans un polycristal serait due aux contraintes qui empêchent la rotation des grains au
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cours du recuit. Notons que cette interprétation peut également justifier le faible pourcentage de tout joint autre que Σ3 {111}. L’énergie extrêmement faible de la macle cohérente Σ3 {111} explique sa sélection dans les polycristaux, même en présence de contraintes ; la formation des autres joints Σ3n en découle géométriquement. Bien que l’énergie calculée du joint Σ11 {311} dans les métaux CFC corresponde au second minimum dans la courbe E = fn (θ) (Fig. 1.4), elle est nettement supérieure à celle de la macle. L’absence de sélection des joints Σ11 dans les polycristaux semble montrer que l’effet des contraintes développées lors de l’élaboration du polycristal supplante la tendance à la sélection des joints de faible énergie. C’est l’évolution de l’énergie totale du système polycristallin qui gouverne la microstructure finale. Une comparaison des distributions des désorientations dans différents métaux et alliages métalliques, ayant tous subi un traitement de recristallisation statique, montre nettement que le pourcentage de joints de coïncidence Σ3 augmente lorsque l’énergie de faute d’empilement du matériau diminue (Fig. 3.30) [64].
F IG . 3.30 – Fréquences des joints Σ3 dans différents matériaux susceptibles de maclage multiple. Les moyennes sont obtenues pour environ 200 investigations sur des polycristaux bien recristallisés. (D’après V. Randle [64].)
Concernant les semi-conducteurs rattachés au groupe I, le silicium polycristallin massif recuit à haute température (0,9 TF ) présente un nombre relatif extrêmement élevé de joints de grains Σ3, sous forme de macles lamellaires, phénomène accompagné de maclage multiple [58]. Le rapport longueur sur épaisseur de ces macles est très élevé (50 à 100). Il en est de même pour les films minces de silicium. Le pourcentage de joints Σ9 n’excède pas ce qui a été prédit pour une distribution aléatoire [54]. Par comparaison, la distribution des désorientations dans le germanium également recuit à 0,9 TF est plus diversifiée et les écarts angulaires à la désorientation de coïncidence sont généralement plus grands que dans le silicium.
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Au groupe I, on peut aussi greffer le composé inter métallique TiAl, de structure L10 qui est susceptible de maclage thermique. En raison de sa symétrie rhomboédrique, ce matériau possède des joints de grains d’indice de coïncidence pair. Si on regroupe les joints de coïncidence Σ = 3n et Σ = 3n × 2, les pourcentages obtenus sont comparables à ceux indiqués dans le tableau 3.IV : 33,8 % pour les joints Σ3 + Σ6, 12,4 % pour les joints Σ9 + Σ18 et 3,1 % pour les joints Σ27 + Σ54. Même en l’absence d’un traitement thermique spécifique pour développer une texture cristalline, les matériaux du groupe I présente donc des distributions des désorientations des joints de grains très éloignées de celles prédites aléatoirement. Souvent, les joints Σ3, seuls à posséder des propriétés très particulières, sont mis à part dans la description des réseaux de joints de grains. Leur présence importante dans la microstructure laisse en effet augurer des propriétés particulières de l’ensemble polycristallin.
3.2.2.
Matériaux du groupe II
Lorsque le matériau a une forte énergie de faute d’empilement, la distribution des désorientations diffère totalement ; elle est diversifiée avec apparition de fractions non négligeables de joints de grains autres que Σ3n , d’autant plus que le recuit est effectué à basse température. Dans l’aluminium pur bien recristallisé à 0,9 TF , le pourcentage total de joints de proche coïncidence est inférieur à celui habituellement rencontré dans les matériaux du groupe I (25 à 35 % pour Σ ≤ 25), avec cependant la présence de joints Σ11, quasi absents précédemment. Les proportions des différents joints de coïncidence, hormis Σ3, sont très sensibles à la température et à la durée du traitement de recristallisation (Tab. 3.VI) [58]. Une augmentation des proportions des joints Σ9 et Σ11 et une moindre dispersion de la distribution résultent de l’élévation de la température du recuit. Ces distributions indiquent que les joints de coïncidence autre que Σ3n sont davantage sélectionnés lorsque la taille des grains diminue (recuit à plus basse T ◦ ) [65]. Cette remarque est également déduite d’une compilation de résultats montrant que la plupart des joints coïncidents ne sont plus favorisés au-dessus d’une certaine température relative de recuit (T /TF ≈ 0,8), alors que les joints Σ3n le sont pour toute température [66]. Cet effet s’explique par l’atténuation des différences de mobilité entre joints lorsque la température de recuit est très voisine de la température de fusion. D’autres résultats montrent que l’aluminium bien recristallisé présente une distribution des désorientations sensible aux traitements thermomécaniques. Si on procède à la recristallisation après une forte déformation d’une plaquette monocristalline d’aluminium, la distribution des désorientations dans le polycristal résultant dépend de l’orientation initiale du monocristal avant déformation (donnée par l’orientation de sa surface) et du taux de déformation préalable (compression de 60, 70 et 80 %) (Fig. 3.31) [67]. Deux tendances se manifestent avec le taux de déformation croissant : une diminution des joints de grains de faible angle et à une légère augmentation des joints de coïncidence. L’augmentation du pourcentage de joints de coïncidence avec le taux de déformation peut s’expliquer à partir du processus de migration des joints qui dépend
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TAB . 3.VI – Proportions des joints de coïncidence (Σ ≤ 17) dans de l’aluminium de haute pureté ayant subi différents recuits de recristallisation : ≈ 0,6 TF , 500 h et ≈ 0,9 TF , 50 h [58].
Σ 3 5 7 9 11 13a 15 17a 17b
Conditions de recuit ≈ 0,6 TF , 500 h ≈ 0,9 TF , 50 h 10,5 10 5 – – – 1,2 4,7 3,2 6,2 2,7 – – – 2,2 4,1 1,2 0,6
de l’absorption de dislocations de matrice. Cette absorption est favorisée lorsque la densité de dislocations augmente. Elle dépend du type de joints, relativement facile dans les joints généraux que coïncidents (partie 2, Chap. 5, Sect. 4.2) ; ces derniers peuvent donc migrer, se réorienter en joints coïncidents pour ensuite devenir plus stables.
F IG . 3.31 – Fréquences des joints de grains selon le taux de déformation (60, 70 et 80 %) avant recuit de monocristaux d’aluminium ayant quatre orientations initiales différentes, 1, 2, 3 et 4 (voir triangle stéréographique standard) : (a) joints Σ1 ; (b) joints de coïncidence 3 ≤ Σ ≤ 29 [67].
En résumé, les distributions expérimentales des désorientations des joints de grains dans les matériaux du groupe II diffèrent des distributions aléatoires et également de celles obtenues pour les matériaux du groupe I. Par rapport à ces derniers, on note principalement une plus faible proportion de macles, une dispersion plus grande des coïncidences et surtout une plus grande sensibilité aux conditions thermomécaniques d’obtention des polycristaux.
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3.2.3.
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Matériaux du groupe III
Pour les métaux C.C. à haute énergie de faute d’empilement, le pourcentage de joints de coïncidence est faible, allant d’environ 2 % dans le niobium à 10 % dans le fer et le molybdène de haute pureté recuits à haute température [58]. Cette dernière proportion est voisine de celle prédite théoriquement. Les déviations ∆θ à la coïncidence sont généralement élevées. Les distributions sont diversifiées, sans désorientations préférentielles, et sont très sensibles à la pureté du matériau et aux traitements thermiques qu’il subit. Les résultats sur les métaux et alliages CC (FerSi, molybdène, tungstène. . .) incluent presque toujours l’effet de la texture, ils sont majoritairement présentés plus loin (Sect. 3.4). Bien que non mentionné dans la classification des matériaux proposée par Fionova [58], nous suggérons de rattacher à ce groupe les métaux hexagonaux dont les distributions expérimentales des désorientations en l’absence de texture sont similaires à la distribution aléatoire. C’est le cas de plaques de zinc de haute pureté (99,999 %) recuit à 350 ◦ C pendant 30 h pour lesquelles la courbe f (θ), fréquence des désorientations, en fonction de θ ne présente aucun pic et dont le maximum, comme prédit théoriquement, se situe vers 60◦ [68]. Notons que, quel que soit le groupe de matériaux concerné, les statistiques précédentes ne portent pas sur les joints CAD qui apparaissent surtout en présence d’une texture cristalline (Sect. 3.4). Finalement, les différences entre les distributions des désorientations dans les matériaux recristallisés appartenant aux différents groupes ainsi que le rôle complexe des solutés sur ces distributions peuvent s’expliquer en prenant en compte les trois facteurs, énergétique, cinétique et géométrique, qui gouvernent la microstructure finale d’un polycristal [61]. Les facteurs énergétique et géométrique sont importants pour les métaux purs du groupe I : la sélection de la macle Σ3 s’explique en premier lieu par sa très faible énergie dans les matériaux de ce groupe (l’énergie de la macle étant généralement de l’ordre de 5 % de celle des joints généraux), la présence des joints Σ3n résulte alors des contraintes géométriques de branchement avec Σ3. Le facteur cinétique intervient aussi dans la fréquence des macles en favorisant, dans une certaine limite, leur présence lorsque la température et la taille des grains augmentent. Au contraire, et quel que soit le groupe auquel appartient un matériau, les proportions des autres joints de coïncidence augmentent lorsque les tailles de grains diminuent. Cette tendance a été détectée dans l’alliage Fe-3 % Si [1] et dans l’aluminium pur [65]. Des recuits à basse température conduisent simultanément à une microstructure à grains fins et à une quantité élevée de joints de coïncidence. Une température élevée entraîne une diminution de l’énergie d’activation pour la croissance des grains, les joints de coïncidence sont éliminés par les joints généraux plus mobiles, la microstructure qui en résulte est alors hétérogène [65]. Ce mécanisme de sélection peut être modifié en présence d’éléments ségrégés dans les joints généraux qui diminuent la mobilité de ces joints.
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3.3.
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Effets de la pureté du matériau
L’influence d’un soluté sur la distribution des joints de grains dans un polycristal d’un matériau donné diffère selon l’état chimique et la répartition de l’élément : en solution solide dans la matrice, ségrégé aux joints de grains, engagé dans des précipités intragranulaires ou intergranulaires. Les effets énergétiques et cinétiques qui interviennent peuvent s’opposer et se manifester plus ou moins selon le groupe auquel appartient le matériau. De nombreux éléments dissous en matrice provoquent une diminution de l’énergie de faute d’empilement qui favorise la formation de joints Σ3n , cet effet doit donc avoir un rôle important dans les matériaux du groupe I, voire II. En présence de ségrégation, un autre effet peut contrecarrer le précédent : les différences d’énergie entre joints s’estompent (effet analogue à une augmentation de température) et une des raisons de sélection de certaines désorientations disparaît. C’est ce qui est observé pour les métaux de structure CC (groupe III) : le pourcentage de joints de coïncidence, déjà faible dans le matériau de haute pureté, tend vers zéro quand la concentration en impuretés augmente [58]. Ségrégation et précipitation jouent généralement le rôle de freins dans la migration des joints conduisant à la microstructure finale après recristallisation. L’influence de la pureté sur le facteur cinétique est cependant beaucoup plus complexe. Elle dépend de la quantité de soluté en matrice, du degré de ségrégation qui varie d’un joint à l’autre, de la forme et de la localisation des précipités. Nous décrivons ici l’influence de la pureté du matériau sur la texture des joints de grains, en tentant de dégager la raison majeure qui impose un changement de cette texture. D’un point de vue historique, une des premières investigations sur le rôle d’un soluté sur les distributions des joints de grains, a été effectuée sur du plomb pur (obtenu par fusion de zone) contenant des traces d’étain. L’insuffisance de soluté, comme son excès, entraîne une augmentation de la proportion de joints généraux alors qu’une certaine teneur intermédiaire favorise les joints coïncidents [30]. De même, le pourcentage de joints de coïncidence (Σ ≤ 29) passe de 20 % dans l’aluminium pur recristallisé à 50 % dans le métal contenant 10 ppm d’étain ; l’addition de 100 ppm d’étain réduit la proportion précédente à 24 %. Une investigation plus précise révèle le rôle complexe du soufre dans la distribution des désorientations des joints de grains du nickel de pureté 99,999 % (Tab. 3.VII) [61]. Une très faible addition de cet élément (3 ppm) entraîne une légère diminution du pourcentage de joints Σ3 et une augmentation du pourcentage total de joints de coïncidence (5 ≤ Σ ≤ 25) autres que Σ3 et Σ9. La proportion de joints Σ9 reste sensiblement constante quelle que soit la teneur en soufre du nickel. Dans le tableau 3.VII, sont également reportés les pourcentages déterminés pour un nickel moins pur recristallisé à 1 573 K pendant 10 min, la proportion de macles est alors supérieure à celle trouvée après recuit de 2 h à 1 450 K. Cette différence s’explique par l’effet d’une élévation de température sur la mobilité des joints. Dans le nickel à 3 ppm et 10 ppm de soufre, on constate une fréquence de joints de grains Σ1 supérieure à celle prédite par une distribution aléatoire des désorientations utilisant le même critère de Brandon.
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TAB . 3.VII – Pourcentages de joints de coïncidence dans des polycristaux de nickel de différentes teneurs en soufre ayant subi le même traitement de recristallisation à 1 450 K pendant 2 h. Sont également reportés les pourcentages déterminés pour un nickel moins pur recristallisé à 1 573 K pendant 10 min (chiffres extraits de la référence [61] et arrondis à la première décimale).
Σ 1 3 5 7 9 11 27 5 ≤ Σ ≤ 25 (hors Σ9)
Ni-0,3 ppm S 1 34 1,5 0,8 8,3 3 4,2 9,4
Ni-3 ppm S 4,5 28,5 3 1,8 8,4 5,3 2,1 19
Ni-10 ppm S 3,5 30,1 0,7 3,5 9,1 0,7 2,8 11,9
Ni pureté 99,97 % 0 41 0,9 0 9 0,4 5,9 2,3
L’effet d’un soluté sur la distribution des joints de grains diffère, bien entendu, selon que cet élément peut, ou non, se concentrer aux joints de grains lors du traitement thermique conduisant à la microstructure observée. Ainsi, selon que la ségrégation intergranulaire du soufre dans des polycristaux de nickel se produit après ou simultanément au traitement de recristallisation du métal, les distributions de joints de grains diffèrent fortement (Fig. 3.32) [38, 48]. Les résultats reposent sur des expériences en microscopie électronique en transmission, le nombre de joints observés étant très inférieur à celui pris en compte pour établir le tableau 3.VII. On note cependant des similitudes entre les résultats : proportions assez similaires de joints Σ3 et de joints coïncidents (incluant Σ9) dans les échantillons massifs et dans les lames minces de nickel relativement pur (% S ≤ 3 ppm), et recristallisé. Lorsqu’un traitement de ségrégation a lieu après recristallisation, le pourcentage de joints Σ3 augmente, vraisemblablement sous l’effet du traitement thermique ; la présence de soufre ne nuit pas à ce développement. En revanche, si la ségrégation du soufre se produit lors de la sélection des joints, le nombre relatif de macles diminue considérablement, celui des joints généraux augmente et des joints de faible angle apparaissent. Cette tendance s’explique certainement par le fait que les différences d’énergie entre joints s’estompent fortement en présence de solutés ou d’impuretés. Dans le cas des matériaux recristallisés, l’effet des impuretés sur la distribution des désorientations des joints de grains, en particulier pour les matériaux du groupe I, peut s’analyser à partir des trois facteurs, énergétique, géométrique et cinétique, évoqués précédemment (Fig. 3.33). Le rôle du facteur énergétique, qui se manifeste surtout par la sélection des macles lors du maclage multiple, est significatif surtout pour les faibles taux d’impuretés. Mais, lorsque la teneur en impuretés augmente, la contribution de ce facteur au changement de texture globale des joints de grains diminue. Cette évolution est constatée non seulement pour le nickel mais pour le composé
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F IG . 3.32 – Histogrammes montrant les fréquences des joints de coïncidence Σ3, CSL avec Σ ≤ 19, Σ1 (LA) et généraux (G) dans des polycristaux de nickel selon la teneur en soufre globale et selon le traitement thermique : (a) nickel pur recristallisé à 1 050 ◦ C pendant 4 h ; (b) Ni-16 ppm S recristallisé comme (a) puis traité à 625 ◦ C, 2 h pour permettre la ségrégation du soufre : (c) Ni-8 ppm S ayant subi un traitement de recristallisation et ségrégation simultanées à 625 ◦ C pendant 12 jours. (D’après L. Priester [48].)
F IG . 3.33 – Contributions relatives des trois facteurs contrôlant la sélection des joints de coïncidence dans la distribution des désorientations des joints de grains en fonction de la teneur en solutés des polycristaux. (D’après G. Palumbo et K.T. Aust [61].)
intermétallique Ni3 Al et pour des superalliages base nickel. Le facteur cinétique a également une importance accrue en présence d’impuretés ou de solutés. Un effet maximal de ce facteur intervient pour des concentrations en solutés telles que la mobilité de certains joints de coïncidence est nettement supérieure à celle des joints généraux, ces derniers sont préférentiellement affectés par le phénomène de ségrégation. À très haute pureté ou, inversement, lorsque la ségrégation concerne tous les joints (excepté la macle de coïncidence exacte), les différences de mobilité entre joints sont faibles. La contribution géométrique, qui se traduit en particulier par la formation des joints Σ3n , peut être considérée comme indépendante de la pureté du matériau [61].
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Dans le cas des matériaux (métaux ou oxydes) frittés, l’effet d’un soluté ou d’un dopant sur les textures des joints de grains est relativement peu connu. Cependant un résultat intéressant concerne l’alumine rhomboédrique polycristalline (Fig. 3.34). L’alumine pure, brute de frittage, ne présente que deux catégories de joints : généraux et de coïncidence unidimensionnelle (CAD) avec une proportion d’environ 13 %. Après frittage d’une alumine dopée avec 500 ppm de magnésie, la fraction totale de joints coïncidents devient importante (∼ = 39 %), incluant une faible quantité de joints à faible angle (FA), 20 à 22 % de joints de coïncidence tridimensionnelle exacte ou rationnelle (CSL) et environ l5 % de joints CAD [3]. Le dopage simultané avec 500 ppm d’oxyde de magnésium et 500 ppm d’oxyde d’yttrium entraîne pour l’alumine frittée un pourcentage de joints CSL inférieur au précédent (∼ = 12 %), mais la fraction totale de joints coïncidents reste plus élevée (∼ = 27 %) que celle obtenue dans l’alumine pure. Ces résultats sont corrélés aux microstructures des polycristaux d’alumine. L’alumine pure présente une microstructure hétérogène avec, localement, des grains de grande taille et de forme très allongée bordés par des plans très rectilignes (voir Sect. 4). Le dopage avec 500 ppm de magnésie et le codopage avec 500 ppm d’yttrine entraînent une microstructure équiaxe à grains fins associée à une proportion élevée de joints de coïncidence, effet comparable à ce qui est observé dans l’aluminium et dans l’alliage Fe 3 % Si lorsque la taille des grains diminue.
F IG . 3.34 – Histogrammes montrant les fréquences des joints de faible angle (FA), de coïncidence tridimensionnelle (CSL) et de coïncidence unidimensionnelle (CAD) dans des polycristaux d’alumine après frittage : (a) alumine pure ; (b) alumine dopée avec 500 ppm MgO. (D’après S. Lartigue et L. Priester [3].)
Les influences des solutés ou impuretés sur la texture des joints de grains, évoquées précédemment, sont loin d’être exhaustives. Elles sont souvent difficilement dissociables des effets des textures cristallines sur lesquelles elles jouent profondément. Certains des résultats des effets des traitements thermiques, que nous présentons ultérieurement, incluent indirectement des effets de pureté.
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Par ailleurs, nous ne rendons pas compte ici du rôle d’un soluté engagé sous forme de précipités intragranulaires ou intergranulaires. Les particules de seconde phase jouent fortement sur la mobilité des joints et donc sur leur distribution finale dans le matériau, mais il existe peu d’études statistiques à ce sujet. Pour conclure, la compréhension du rôle des solutés (impuretés) dans la distribution des joints de grains passe par une appréciation des effets conjoints de l’énergie, de la géométrie et de la cinétique, sur la sélection et la mobilité des différents joints. Sachant que les solutés modifient également la distribution des orientations cristallines, il convient d’établir une relation entre leurs effets sur la texture cristalline et ceux qu’ils ont sur la texture des joints de grains. Des efforts d’investigation doivent être menés en ce sens, compte tenu du fait que les matériaux employés dans l’industrie sont généralement impurs.
3.4.
Effets des traitements thermomécaniques – Relation avec la texture cristalline
D’un point de vue rigoureux, la distribution des désorientations ne peut pas être déterminée de manière non-ambiguë à partir de la connaissance de la texture cristalline. En effet, la fonction mathématique de distribution des orientations (ODF), qui décrit la texture quantitativement, est une fonction de distribution à un seul point d’appui (one-point distribution function) sans information sur la corrélation des désorientations entre grains adjacents. La fonction MDF, qui quantifie la distribution des désorientations des joints de grains, est une fonction de distribution à deux points d’appui (two-point distribution function), elle donne la fraction de paires de grains adjacents ayant une désorientation donnée entre eux. D’un point de vue physique, une fonction à deux points d’appui n’est réductible à une fonction à un point d’appui que si le principe de superposition est valable, dans le cas présent, si les orientations des grains adjacents sont toutes aléatoires [57]. De ce principe résulte une influence directe prévisible de la texture cristalline, déterminée par simulation, sur les distributions des joints dans les matériaux de structure CC du groupe III, pour lesquels l’hypothèse de non-corrélation des orientations des grains adjacents semble raisonnable. En ce qui concerne les matériaux du groupe I, cette hypothèse ne peut pas être retenue dans les simulations car elle est en contradiction avec la formation de macles de recuit ; on s’attend donc à un effet moins direct et plus complexe de la texture sur les distributions de joints de grains. Les résultats expérimentaux montrent en effet que les matériaux CFC, d’énergie de faute d’empilement faible ou moyenne, peuvent avoir des distributions de joints de grains similaires alors qu’ils présentent différents types de textures et, vice-versa, que différentes distributions de joints peuvent correspondre à une même texture [57]. D’un point de vue pratique, les effets des traitements thermomécaniques sur la distribution des joints de grains sont diversifiés. En faire une synthèse exige un effort rigoureux de sélection des résultats afin d’extraire ce qui semble commun à plusieurs matériaux. C’est une étape nécessaire dans la marche vers le contrôle des propriétés des matériaux par les joints de grains (Ingénierie des joints de grains).
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Une relation entre les textures, des cristaux et des joints de grains, n’est significative qu’en cas de forte acuité de la texture cristalline. Un trait commun à tous les matériaux texturés apparaît alors : c’est le nombre non négligeable de joints de grains de faible angle (Σ1), comme prédit par les simulations (Tab. 3.II). Dans le cas de très fortes textures, les joints sont préférentiellement décrits pas des désorientations autour d’un axe normal au plan moyen des grains (cas des tôles) ou parallèle à l’axe moyen de direction des grains (texture de fibres). Cette orientation moyenne de l’axe de désorientation dépend de la dispersion autour de l’orientation principale de la texture. Cette section présente des résultats obtenus sur divers matériaux rassemblés, comme précédemment, en groupes (I, II ou III), sachant que les effets de corrélation des orientations peuvent fortement différer d’un groupe à l’autre. Les effets des traitements thermomécaniques englobent ceux résultant de l’élaboration, de la déformation et de la recristallisation du matériau. Dans ce dernier type de traitement, il convient de bien différencier les effets de la recristallisation primaire, de ceux de la croissance normale et de la croissance anormale ou recristallisation secondaire.
3.4.1.
Matériaux du groupe I
La texture cristalline devrait avoir peu d’influence sur la distribution des désorientations dans les matériaux du groupe I, lorsqu’une certaine corrélation d’orientation existe entre grains. Cependant une texture extrêmement forte peut réduire l’influence de la corrélation, en particulier dans le cas où une seule composante de texture se développe, les grains présentent alors des orientations similaires et la proportion de joints Σ1 peut considérablement augmenter . Un effet de la texture sur le composé intermétallique Ni3 Al non enrichi en bore est observé en corrélation avec la ductilité du matériau à basse température (Fig. 3.35). Les pourcentages de joints de grains Σ1 et Σ3 sont nettement plus élevés dans les matériaux texturés élaborés par solidification unidirectionnelle que dans ces mêmes matériaux ne présentant aucune texture, après déformation et recristallisation à 1 300 K [69]. Ces derniers sont plus fragiles à température ambiante. Les distributions des désorientations des joints de grains sont examinées sur des polycristaux de cuivre de haute pureté fortement déformés par laminage à froid de 95 % puis recuits successivement à 473 K (2 h), 773 K (2 h) et 973 K (1 h). Le premier traitement conduit à une microstructure du cuivre typique d’une recristallisation primaire avec une texture cube {001} 100 et de nombreux îlots maclés. Le pourcentage de macles est de 56 %, principalement dû à la contribution des îlots. Les traitements ultérieurs entraînent un grossissement des grains. Une rencontre des grains orientés cube se produit le long de joints de grains communs, la fréquence des îlots maclés diminue et la texture cube se développe avec 65 % de grains à moins de 15◦ de l’orientation cube idéale {001} 100. Avec le fort renforcement de la texture cube, le pourcentage de joints de faible angle augmente notoirement et simultanément, le pourcentage de joints de macle diminue (Tab 3.VIII [70]).
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(a)
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(b)
F IG . 3.35 – Fréquence des joints de coïncidence dans des polycristaux de Ni3 Al non dopé au bore : (a) après solidification ; (b) après déformation de 25 % et recristallisation à 1 300 K pendant 20 min. Le nombre de joints examinés dans chaque cas est voisin de 360. La texture cristalline de l’échantillon est donnée dans le triangle stéréographique associé à chaque histogramme. (D’après T. Watanabe et S. Tsurekawa [69].) TAB . 3.VIII – Distribution des désorientations de coïncidence dans du cuivre pur après croissance de grains résultant de recuits à 473 K, 773 K et 973 K [70].
Indice de coïncidence Σ1 (%) Σ3 (%) Σ5-Σ7 (%)
Température de recuit après recristallisation primaire 473 K ∼ 973 K ∼ = 0,34 TF 773 K ∼ = 0,56 TF = 0,7 TF – 23,3 53,9 56 32,5 23,0 – 5,8 4,6
L’étude d’alliages Fe-50 % Ni montre des effets de la texture de recristallisation sur les distributions des désorientations similaires aux précédents ainsi que des évolutions de la fonction de corrélation OCF [71]. Rappelons que, pour une désorientation donnée, cette fonction (3.32) est égale à 1 si aucune corrélation n’existe, elle est supérieure à 1 (ou inférieure) si la désorientation est favorisée (rejetée) par rapport à ce qui peut être prédit à partir de la texture. Comme dans le cas du cuivre, la composante cube domine la distribution des orientations cristallines. Après recristallisation primaire, obtenue par recuit à 0,5 TF , 37 % des grains sont proches de l’orientation {001} 100, les joints généraux à grand angle prédominent (60 %) car, contrairement au cuivre, la microstructure ne présente pas d’îlots maclés. Le pourcentage de grains cube augmente considérablement avec la croissance des grains atteignant 59 % puis 77 % sous l’effet d’une chauffe continue du matériau déformé jusqu’à 0,62 TF (800 ◦ C) et 0,68 TF (900 ◦ C), respectivement. Simultanément, le taux de joints généraux diminue pour atteindre 23 % et la fréquence des joints à faible angle (θ ≤ 15◦ ) augmente. La figure 3.36
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représente, pour chacun des états microstructuraux précédents, la distribution des désorientations ainsi que le degré de corrélation pour chaque désorientation. Les proportions des joints Σ1 et généraux changent considérablement avec la croissance, mais les degrés de corrélation restent quasiment constants. En revanche, une décroissance significative de l’indice de corrélation accompagne la diminution des proportions de joints de coïncidence Σ3 (de 23 % à 13 %) et Σ9 (de 4 % à 0,5 %) résultant de la croissance des grains. L’évolution du degré de corrélation pour les joints généraux, à faible angle et Σ3n (n = 1−3) est résumée dans le tableau 3.IX. TAB . 3.IX – Degrés de corrélation en relation avec la distribution des désorientations des joints de grains (généraux, à faible angle et Σ3n ) dans l’alliage Fe-50 % Ni après recristallisation primaire (φgrains = 5 µm) et après croissance des grains (φgrains = 12 et 15 µm) [71].
Échantillon taille de grains µm) (µ 5 12 15
Type de joints Généraux 0,7 0,7 0,6
θ ≤ 15° 1,3 1,7 1,4
Σ3 6,6 2,0 1,2
Σ9 3,5 1,4 0,5
Σ 27 1,8 0,9 0,1
Pour tenter d’expliquer les corrélations observées dans les différents échantillons, l’influence des orientations cristallines sur la distribution des paires de grains adjacents et sur la distribution des tailles de grains est analysée. Les images des orientations cristallines montrent que les joints à faible angle se forment préférentiellement entre les grains d’orientation cube rassemblés en amas. La formation des joints Σ3 est associée au voisinage de grains d’orientation cube {001} 100 avec des grains en orientation de macle par rapport à la composante cube {221} 122 ; cette corrélation « matrice-macle » a également été observée dans le cuivre faiblement texturé après recristallisation [70]. Les joints Σ9 se trouvent entre des grains en orientation macle-macle ou entre deux grains non identifiés dans la texture ou encore entre un de ces grains et un grain en relation de macle avec le grain cube. Par ailleurs, la taille des grains d’une orientation donnée est d’autant plus grande que l’orientation de ces grains est favorisée, que ce soit après recristallisation primaire ou après croissance des grains. Cette remarque explique les différences entre les fonctions de distribution des désorientations expérimentale et statistique et l’existence d’un certain degré de corrélation pour les joints Σ3 entre grains orientés cube et grains d’orientation {221} 122. Dans les métaux et alliages métalliques possédant une faible énergie de faute d’empilement, une certaine maîtrise des traitements thermomécaniques permet d’augmenter les fractions de joints de coïncidence Σ3n entraînant une amélioration du comportement du matériau en réponse à des sollicitations variées. Les efforts pour évoluer dans le sens de l’ingénierie des joints de grains se sont tout d’abord
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F IG . 3.36 – Distribution des désorientations des joints de grains et degré de corrélation pour chaque désorientation dans un alliage Fe-50 % Ni laminé à froid de 90 % : après recristallisation primaire à 600 ◦ C 15 min (a), après croissance des grains par recuit continu jusqu’à 800 ◦ C (b) et 900 ◦ C (c) à une vitesse de 1 000 ◦ C/h. Une échelle logarithmique est utilisée pour représenter les fréquences de joints de grains. Les barres blanches et noires correspondent aux distributions expérimentales et calculées, respectivement. L’évolution du degré de corrélation est représentée par la courbe (—•—). (D’après F. Caleyo et al. [71].)
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concentrés sur la manipulation des désorientations (ou changement de la fonction MDF) dont nous relatons certains résultats ci-après. Mais, pour mieux comprendre l’optimisation de la microstructure, une analyse de la connexité des joints de grains est nécessaire. Cet aspect est présenté ultérieurement en termes de réseau de jonctions triples dans le polycristal, d’amas de joints et finalement en termes de percolation (Sects. 7–9). Deux ensembles de procédés thermomécaniques séquentiels sont utilisés pour augmenter le pourcentage de joints de grains Σ3 et Σ3n [72] : – Une déformation faible du matériau (6 à 8 %) suivie d’une série de recuits à température suffisamment basse, évitant la recristallisation, entraîne seulement une réorientation des joints vers des configurations de plus faible énergie. Mais, ces recuits très longs (10 à 15 h) ne sont pas envisageables dans l’industrie, de plus ils conduisent à une croissance importante des grains. – Des traitements multi-cycles alternent des déformations à des taux modérés (ε < 30 %) et des recuits à température relativement élevée pendant des temps très courts. Ces cycles de déformation et recristallisation ne provoquent pas (ou très peu) d’augmentation de la taille des grains. Les résultats de chacun de ces types de traitement sur la distribution des désorientations des joints peuvent être comparés dans le cas du cuivre pur OFE à haute conductivité pour l’industrie électronique (OFE pour Oxygen Free Electronic) : – Dans le premier type de traitements, l’importance de procéder à des recuits séquentiels à basse température est illustrée par l’exemple suivant. Du cuivre initialement bien recristallisé puis déformé par compression de 6 à 7 % subit des traitements thermiques en deux étapes à des températures plus ou moins élevées (Tab. 3.X), les distributions des joints qui en résultent sont résumées sur la figure 3.37 [73]. Avant déformation, le pourcentage total de joints de coïncidence (Σ ≤ 7) est de 70 % environ, dont 55 % de joints Σ3, en accord avec cette fraction dans le cuivre pur (Tab. 3.VIII]. Après compression suivie de deux traitements thermiques dont l’un effectué à relativement haute température (0,63 TF ), la taille des grains augmente considérablement dans l’échantillon OFE-1, le pourcentage de joints de coïncidence diminue et surtout un nombre important de joints Σ1 se forme. Après deux traitements à plus basse température, les échantillons OFE-2 et OFE-3 voient leurs nombres de joints de faible angle décroître drastiquement, alors que les fractions de joints Σ3n deviennent supérieures à leurs valeurs initiales. Parallèlement, les écarts angulaires à la désorientation de coïncidence exacte diminuent : pour les joints Σ3, ils sont inférieurs au 1/10e du maximum autorisé par Brandon [31]. Cette dernière remarque prend de l’importance au vu de la constatation que le plan moyen du joint associé tend alors à être très voisin d’un plan de faible énergie [36]. – Le deuxième type de traitements consiste en une série de déformations de 30 % en compression suivie d’un court recuit de 10 min à 673 K (∼ = 0,5 TF ). Entre chaque traitement thermomécanique (déformation et recuit), les échantillons
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TAB . 3.X – Traitements thermomécaniques subis par divers échantillons de cuivre pur [73].
Procédure Déformation % Traitements Thermiques
OFE-1 −7 0,45 TF /8 h 0,63 TF /14 h
Échantillon OFE-2 −6 0,40 TF /14 h 0,48 TF /7 h
OFE-3 −6 0,37 TF /14 h 0,44 TF /6 h
F IG . 3.37 – Histogramme montrant les fractions de joints Σ = 1, de coïncidence Σ = 3n et généraux dans des échantillons de cuivre OFE selon les traitements thermomécaniques subis (Tab. 3.X). Les barres représentent successivement les pourcentages de joints pour des échantillons à l’état recristallisé, OFE-1, OFE-2, et 0FE-3. (D’après W.E. King et A.J. Schwartz [73].)
de cuivre sont trempés à l’eau, caractérisés par microscopie optique, puis la distribution de leurs joints est analysée automatiquement. La figure 3.38 montre les évolutions des pourcentages de joints Σ3, Σ3n et de l’ensemble des joints de coïncidence avec Σ ≤ 29 au cours de trois cycles de déformation/recuit [72]. Des évolutions similaires ont été trouvées pour l’inconel 600 recuit à bien plus haute température relative 1 273 K (soit 0,8 TF ). Une augmentation des pourcentages des joints Σ3n peut donc être obtenue par un choix judicieux des traitements thermomécaniques imposés au matériau. À l’extrême, une microstructure « limitée par maclage multiple » se forme, constituée entièrement de joints Σ3, Σ9 et quelques joints de faible angle. Il est remarquable que les fractions de joints de grains Σ3 dans les échantillons obtenus par recuits séquentiels à basse température (Fig. 3.37) soient très voisines de la limite 2/3 prévue théoriquement pour cette microstructure (Sect. 2.2). Généralement la fraction de joints de macle est inférieure à 2/3, une relation entre cette fraction et celles
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F IG . 3.38 – Distribution des désorientations de coïncidence dans du cuivre OFC déformé et recristallisé à 0,5 TF séquentiellement. (D’après M. Kumar et al. [72].)
des joints Σ1 et Σ9 a été proposée [74] : fΣ1 + fΣ9 ≥ fΣ3 − 1/3
(3.37)
Cette relation est obtenue en partant d’une microstructure idéale composée uniquement de jonctions triples ne comportant qu’un seul joint Σ3, auquel cas le pourcentage de joints Σ3 est 1/3. Si cette fraction est dépassée, les interactions macle/macle conduisent à la formation de joints Σ1 ou Σ3n dont principalement Σ9. Cette relation n’est pas vérifiée pour le cuivre OFE après recuits séquentiels (Fig. 3.38), le pourcentage de joints Σ3 restant inférieur à 1/3 tandis que la fraction de joints Σ9 atteint l’ordre de 12 % ; il en est de même pour l’alliage d’inconel 600. Cette remarque suggère que les joints Σ9 ne résultent pas simplement des interactions entre macles Σ3. En conclusion, la manipulation des joints Σ3n dans les matériaux du groupe I est possible via un choix approprié de traitements thermiques. Elle laisse espérer une amélioration du comportement à la dégradation (corrosion, fracture. . .) de ces matériaux via la résistance des joints de grains.
3.4.2.
Matériaux du groupe II
En principe, il existe nettement moins de corrélation entre grains adjacents dans les matériaux du groupe II que dans ceux du groupe I, on s’attend donc à un effet plus net de la texture cristalline sur la texture des joints de grains. Les changements de distribution des joints de grains dans de l’aluminium de haute pureté (99,999 % en poids) sont suivis au cours de la croissance des grains après forgeage ou laminage puis recuit à 473 K (0,5 TF ), 673 K (0,73 TF ), et 773 K (0,83 TF ) [75]. Après traitement à 0,5 TF , le pourcentage de joints généraux dans
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l’échantillon laminé, ne présentant pas de texture, est élevé. Un second recuit prolongé à 0,73 TF entraîne l’apparition d’une texture prononcée et une augmentation considérable du nombre relatif de joints Σ1 (Fig. 3.39).
F IG . 3.39 – Changements de la distribution des orientations cristallines et de la distribution des indices de coïncidence Σ des joints de grains dans un polycristal d’aluminium à l’état laminé puis recuit 5 min à 473 K (a) puis soumis à un second recuit à 673 K pendant 57 h (b). (D’après T. Shibayanagi et al. [75].)
Les mêmes tendances se retrouvent pour les échantillons forgés, mais les modifications sont moins prononcées (Fig. 3.40). La croissance des grains dans des alliages Al-Mg recristallisés, contenant 0,3 et 2,7 % en poids de magnésium, est étudiée en focalisant l’attention sur la relation entre le développement de la texture et la distribution des désorientations des joints de grains [76]. Pour l’alliage Al-0,3 % Mg, la fréquence des grains orientés cube (001) [100] et, simultanément celle des joints Σ1 augmentent dans les premiers stades de croissance puis décroissent (Fig. 3.41). Au contraire, pour l’alliage à 2,7 % Mg, la composante cube dans la texture diminue continûment avec la taille des grains et la distribution des désorientations change peu (Fig. 3.42). Des amas de grains d’orientation cube contenant les joints Σ1 sont détectés dans ces alliages (Fig. 3.43) ; leur distribution spatiale joue un rôle important dans le changement de la microstructure lors de la croissance des grains [76].
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F IG . 3.40 – Évolution de la fraction de joints de grains Σ1 durant la croissance des grains dans de l’aluminium laminé (cercles) ou forgé (triangles) recuit à 673 K (◦, ∆) ou 773 K (•, ). (D’après T. Shibayanagi et al. [75].)
L’influence du magnésium sur la microstructure s’explique par sa ségrégation aux joints de grains entraînant une réduction des énergies et des mobilités des joints. Ces effets sont surtout prononcés pour les joints généraux dont les différences avec les joints Σ1 s’estompent. La force motrice pour la croissance des amas de grains d’orientation cube, contenant majoritairement les joints de faible angle, diminue. L’observation de la microstructure de l’alliage à 2,7 % Mg obtenue après un traitement thermique conduisant à une taille de grains de 540 µm révèle bien la disparition des amas de grains cube et la faible fraction de joints Σ1 (Fig. 3.44a), surtout par comparaison avec la microstructure de l’alliage à 0,3 % Mg de taille de grains voisine (480 µm) qui présente toujours des régions formées d’amas et de joints de faible angle (Fig. 3.43c). La migration préférentielle des joints généraux est également freinée par le magnésium, ce qui empêche la formation d’une texture (Fig. 3.44b). En conclusion, la maîtrise des désorientations des joints de grains dans les matériaux du groupe II porte essentiellement sur l’augmentation des joints Σ1, associée à une forte texture. Certes, cette manipulation existe également pour les matériaux du groupe I, mais les efforts de contrôle de leur microstructure consistent surtout à trouver les traitements thermiques adéquats pour favoriser le processus de maclage multiple. Une grande différence apparaît donc entre ces deux types de matériaux pourtant de même structure ; elle met en exergue la très grande importance de l’énergie de faute d’empilement qui intervient non seulement dans de nombreux mécanismes élémentaires, mais également au niveau de l’organisation mésoscopique du polycristal. L’effet d’une déformation sur les textures cristallines se répercute également sur la texture des joints de grains. Les distributions des désorientations des joints, mixées
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F IG . 3.41 – Figures de pôle {111} d’échantillons Al-0,3 % Mg recuits dans différentes conditions : (a) 558 K − 1 h, d = 18 µm ; (b) 773 K − 200 s puis 558 K − 1 h, d = 160 µm ; (c) 773 K − 16 min puis 558 K − 1 h, d = 480 µm ( (001) [100], ♦ (001) [310], △ (123) [634]) ; (d) Variation de la fraction volumique de joints orientés cube et (e) changement de la distribution des indices de coïncidence avec la taille moyenne d des grains. (D’après K. Matsumoto et al. [76].)
F IG . 3.42 – Évolution des fractions de joints Σ1, CSL et généraux dans l’alliage Al-2,7 % Mg avec la taille moyenne des grains d en µm – à comparer la figure 3.41e.
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F IG . 3.43 – Distributions spatiales des grains et des joints de grains dans l’alliage Al-0,3 % Mg après les traitements thermiques (a), (b) et (c) précédents. Les grains orientés cube {001} 100 sont montrés en gris, ceux orientés {001} 310 sous forme de régions hachurées. Les joints de faible angle, généraux et coïncidents (Σ ≤ 51) sont tracés sous forme de lignes en gras, fines ou pointillées, respectivement. (D’après K. Matsumoto et al. [76].)
de manière aléatoire, ont été calculées à partir des fonctions ODF de trois échantillons d’aluminium : deux de pureté commerciale (99,5) laminés à des taux de 50 % et 90 % et un pur (99,996) laminé à 50 % (Fig. 3.45). Pour les taux de déformation de 50 %, les échantillons ont une faible texture quelle que soit la pureté de l’aluminium, les distributions des désorientations sont peu différentes de la distribution aléatoire avec un maximum vers 45◦ . Pour 90 % de déformation, la texture est plus prononcée et la distribution des désorientations se déplace vers les faibles angles. Les distributions expérimentales diffèrent considérablement de celles calculées. Elles sont nettement plus serrées après 50 % qu’après 90 % de laminage [77]. La forte présence de joints de grains à faible angle après déformation peut s’expliquer par la formation de cellules d’écrouissage à l’intérieur des grains. Même si on élimine ces interfaces du bilan, le pourcentage de joints de désorientation inférieure à 20◦ reste élevé (supérieur à 70 % pour l’aluminium pur déformé de 50 %). Cette grande différence avec la distribution prédite à partir de la fonction ODF suggère que les diverses orientations créées à l’intérieur des
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(b)
F IG . 3.44 – (a) Distribution spatiale des grains (d = 540 µm) et des joints de grains dans l’alliage Al-2,7 % Mg après un traitement thermique court à 773 K suivi d’un maintien d’une heure à 573 K (même représentation que dans Fig. 3.43) ; (b) figure de pôle associée à cet échantillon (mêmes symboles que dans Fig. 3.41). (D’après K. Masumoto et al. [76].)
grains originaux ne sont pas distribuées au hasard, des corrélations s’établissent entre elles suffisamment fortes pour affecter la distribution des désorientations. Les travaux concernant les liens entre texture cristalline de déformation et distribution des joints de grains sont rares. Non seulement, l’apparition de microcellules d’écrouissage perturbe les statistiques sur les joints Σ1, mais la désorientation d’un joint déformé peut varier considérablement d’une région à l’autre. Plus généralement, la considération de paramètres géométriques pour des joints nettement hors d’équilibre est problématique.
3.4.3.
Matériaux du groupe III
Plusieurs travaux expérimentaux révèlent nettement l’effet de la texture obtenue après élaboration pour des matériaux du groupe III. Des rubans d’alliage Fer-6,5 % en poids de silicium rapidement solidifiés, puis recuits à 1 363 K et à 1 473 K pendant 3 h présentent des textures de fibre {100} et {110}, respectivement. Le tableau 3.XI montre les proportions de joints de faible angle et de coïncidence pour des rubans texturés et pour des rubans présentant une distribution quasi aléatoire [78]. La distribution observée pour l’alliage de texture {100} est assez voisine de celle simulée (Tab. 3.II), en particulier pour les joints à faible angle. Par ailleurs, les différences entre pourcentages simulés et expérimentaux des joints coïncidents peuvent être réduites en limitant la valeur des
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F IG . 3.45 – Distributions calculées à partir des fonctions ODF des désorientations θ mixées au hasard (a, b et c) et distributions déterminées expérimentalement (d, e et f) pour : (a, d) Aluminium de pureté commerciale (99,5) laminé de 50 % ; (b, e) Aluminium commercial laminé de 90 % ; (c, f) Aluminium pur (99,996) laminé de 50 %. (D’après D.J. Jensen [77].)
indices retenus dans l’expérience à Σ25. Les joints de grains de coïncidence sélectionnés diffèrent selon le type de texture de fibre : joints de désorientation autour de 100 : Σ5, Σ13 et Σ25 ou autour de 110 : Σ3, Σ9, Σ1, Σ17 et Σ19 (Fig. 3.46).
Les effets des recristallisations primaire et secondaire sont comparés pour des alliages Fe- 3 % Si laminés et recuits à 850 ◦ C et 1 200 ◦ C, respectivement. Après recristallisation primaire, une texture de Goss peu prononcée {110} 001 apparaît, la proportion de joints Σ1 dans des tôles est de l’ordre de 15 %. La texture précédente se développe nettement et le pourcentage de joints de faible angle passe à 50 % après recristallisation secondaire (Fig. 3.47) [79]. Cette augmentation, intimement liée au développement de la texture de Goss, semble se produire même si les grains d’orientation de Goss ne sont pas les plus gros dans la texture de recristallisation primaire (Fig. 3.48) [80].
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TAB . 3.XI – Distribution des désorientations des joints de grains dans des rubans d’alliage Fer-6,5 % Silicium présentant différentes textures de fibre [78].
Distribution des désorientations Conditions Taille des grains Texture % de joints % de joints % de joints Σ29 de recuit (µm) Σ1 Σ 3-Σ généraux 1 473 K – 1 h 770 {110} 17 27,9 55,1 1 363 K – 1 h 600 {100} 24,8 20,4 54,8 ∼ 1 363 K – 10 min 37 = Aléatoire 3,4 10,3 86,3 ∼ 1 173 K – 1 h 46 = Aléatoire 5 7,6 87,4 Simulation Aléatoire 2,25 11,25 86,5
F IG . 3.46 – Fréquence des joints de coïncidence en fonction de Σ dans un ruban d’alliage Fe-6,5 % Si rapidement solidifié et recuit présentant une texture de fibre {110} (barres hachurées) à comparer à la fréquence simulée en l’absence de texture (barres blanches). (D’après T. Watanabe et al. [78].)
Deux types d’échantillons polycristallins de molybdène de haute pureté sont élaborés, les uns par frittage, laminage et recuit à 0,65 TF (1 873 K) pendant 4 h, les autres par fusion de zone, forgeage et recuit à 0,61 TF pendant 4 h. La distribution des désorientations des joints de grains pour chaque type de polycristal et la texture cristalline associée (sous forme de figure de pôle inverse) sont reportées sur la figure 3.49 [69]. Une nette augmentation des joints Σ1 accompagne l’apparition d’une texture des grains autour de {114} dans un type d’échantillons. Dans l’autre type, présentant
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F IG . 3.47 – Comparaison des fréquences des joints de coïncidence avant (barres blanches) et après (barres noires) traitement de recuit conduisant (a) à une recristallisation secondaire ou (b) à une recristallisation primaire. (D’après J. Harase [79].)
F IG . 3.48 – Microstructure de l’alliage Fe-3 % Si après recristallisation primaire, les grains gris sont en orientation de Goss (le symbole * dénote des microstructures reliées en ce point) ; les joints Σ1 sont indiqués en trait plus épais. (D’après R. Shimizu et J. Harase [80].)
des grains orientés au hasard, le pourcentage de joints à faible angle est similaire à celui prédit pour une distribution aléatoire. La distribution des coïncidences est également plus dispersée pour l’échantillon non texturé. Ces différences se traduisent par des comportements différents à la rupture.
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F IG . 3.49 – Histogrammes montrant la distribution des joints de coïncidence (Σ ≤ 29) dans des polycristaux de molybdène différemment élaborés : (a) frittage, laminage et recuit à 1 873 K pendant 4 h ; (b) fusion de zone, forgeage et recuit à 1 773 K pendant 4 h. La figure de pôle inverse pour chaque polycristal est également reportée [69]. Les barres blanches correspondent à une distribution aléatoire. (D’après R. Shimizu et J. Harase [80].)
Des études effectuées sur des barres cylindriques de tungstène montrent qu’une texture de fibre induit un pourcentage élevé de joints de grains décrits par le modèle plane matching ou « CAD ». Les échantillons obtenus par métallurgie des poudres, puis laminés et recuits sont tels que la plupart des grains ont une direction 011 appelée « axe primaire » sensiblement parallèle à l’axe 011 des échantillons, il en résulte un nombre important de joints de grains possédant un axe de coïncidence 011 [81]. Les fréquences de joints CAD 011 sont comparées à celles des joints de grains présentant des réseaux de dislocations intrinsèques dont le vecteur de Burgers est quasi parallèle à une direction 011 dans l’un ou l’autre des cristaux adjacents. Un tel vecteur est compatible avec un vecteurs b3 du réseau DSC, selon le modèle de coïncidence unidirectionnelle.
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En résumé, les possibilités de jouer sur la distribution des désorientations dans les métaux du groupe III, à l’instar de celles évoquées pour les métaux du groupe II, consistent essentiellement dans le développement d’une forte texture à laquelle est généralement associée une forte proportion de joints de faible angle. Les conséquences d’une telle texture sur les propriétés des matériaux ont été moins analysées que celles associées au maclage multiple dans les métaux du groupe I. Cependant, le contrôle des pourcentages de joints Σ1 semble un facteur clé pour améliorer la résistance à la fracture intergranulaire d’un matériau [69]. En conclusion, les distributions des désorientations des joints de grains établies expérimentalement complètent la texture cristalline pour donner une première vue d’ensemble de la constitution des polycristaux selon la nature et la pureté du matériau. Elles constituent un pré-requis pour aborder la texture globale des joints de grains, incluant la distribution des plans de joints et celle des jonctions triples. Mais, l’établissement de cette texture globale reste insuffisant pour remonter à la contribution des joints dans les propriétés du matériau qui requiert de connaître la texture locale des joints. Ces informations complémentaires font l’objet des sections suivantes. La plupart des statistiques sur les désorientations ont été établies en utilisant le critère laxiste de Brandon [31] et doivent donc être revues à la baisse, mais elles indiquent les tendances réelles d’organisation des grains proches voisins dans les polycristaux. Elles sont plus significatives pour les matériaux soumis au maclage multiple car les écarts expérimentaux aux coïncidences Σ3n sont généralement plus faibles que pour les autres coïncidences. Finalement, les perspectives de contrôle des désorientations concernent essentiellement : – Les matériaux à faible énergie de faute d’empilement en favorisant l’apparition des joints Σ3n par un choix judicieux des traitements de recristallisation. – Tous les matériaux en développant une forte texture cristalline qui impose la formation d’un nombre important de joints à faible angle.
4.
Distributions des plans de joints de grains
Bien que l’énergie intergranulaire dépende prioritairement du plan du joint de grains, les études des distributions des plans sont peu nombreuses en comparaison avec celles des désorientations, en raison des difficultés expérimentales de telles investigations. Elles ne représentent que 10 % environ de toutes les études des textures de joints de grains à la fin du XXe siècle. La détermination du plan moyen du joint repose sur l’observation des traces de ce plan sur deux surfaces, elle est directement possible sur un bicristal ou un multicristal unidimensionnel (un seul grain dans la largeur et dans l’épaisseur) mais elle n’est pas aisée dans les polycristaux à trois dimensions. Deux techniques existent : soit la microscopie électronique en transmission, mais le nombre de joints observés reste faible pour atteindre un point de vue statistique, soit le microscope électronique en balayage [82]. Le but est de mesurer les angles α et β sur deux surfaces de l’échantillon : l’angle α est directement mesurable sur la surface d’observation ;
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pour obtenir l’angle β il est nécessaire de couper l’échantillon verticalement ou de procéder à des sections parallèles successives en mesurant à chaque fois le déplacement de la trace du joint en surface et la profondeur de la section (Fig. 3.50). La méthode exige que le joint soit plan à l’échelle de l’observation ; la précision sur son orientation est de ±4◦ . Avec l’automatisation des techniques de coupes parallèles et de mesures des orientations des traces des joints, les études de distribution des plans se sont développées très récemment, mais la présentation des résultats portant conjointement sur les désorientations et les plans reste un défi.
F IG . 3.50 – Schéma montrant le principe de mesure en MEB de l’orientation du plan du joint.
Avant de donner quelques résultats sur les orientations moyennes des plans des joints de grains, rappelons que ceux-ci sont le plus souvent facettés à l’échelle microscopique, voire nanoscopique. Ce sont les facettes qui adoptent des positions de faible énergie, le plan moyen observé à l’échelle mésoscopique étant souvent quelconque. La signification de l’orientation moyenne du plan est donc questionnable. Cependant, dans des échantillons proches d’un état d’équilibre métastable, les facettes de faible énergie peuvent se développer majoritairement de telle sorte que le plan adopte une orientation moyenne très proche de celle de ces facettes. Il est également remarquable que les plans de joints favorisés dans les expériences de frittage de billes sur un substrat monocristallin [62] ainsi que ceux obtenus dans des polycristaux bien recristallisés [36, 82] correspondent souvent aux facettes qui se développent le long des joints de grains des bicristaux observés en microscopie électronique en transmission à haute résolution. Le bilan non-exhaustif des résultats, que nous présentons ici, est volontairement amputé de ceux portant sur le caractère de flexion ou de torsion des joints. En effet, sauf dans quelques cas exceptionnels de croissance de cristaux sous forme de colonnes orientées ou de fibres fortement allongées dans une direction cristallographique donnée, nous ne souscrivons pas à la possibilité d’attribuer un caractère univoque, flexion/torsion, à un joint de grains dans un polycristal. Dans le cas d’une croissance polycristalline plus ou moins isotrope, l’orientation finale du
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plan d’un joint résulte de l’effet complexe de contraintes énergétiques et géométriques ; elle ne peut être ni contrôlée par rapport au référentiel de l’échantillon, ni déterminée dans le système des cristaux avoisinants. En effet, la détermination expérimentale de l’orientation relative des deux cristaux ne donne qu’une possibilité géométrique parmi tout un ensemble de descriptions équivalentes du joint de grains. L’axe de rotation expérimental n’a aucune signification particulière, il en est de même de l’axe de désorientation (description d’un joint en termes d’angle minimum). La description physiquement significative d’un joint doit traduire sa structure atomique qui dépend de relaxations locales. À défaut de pouvoir atteindre cette structure de cœur, la détermination de la structure du joint en termes de dislocations peut renseigner sur le caractère de flexion ou de torsion de celui-ci. Mais une telle analyse est clairement impossible pour le grand nombre de joints de grains requis dans les études statistiques. Comment décider alors que la normale, bien définie, au plan d’un joint est parallèle ou non à un des axes de rotation entre cristaux choisi arbitrairement pour décrire le joint ? Cette question relève de la même ambiguïté que celle soulevée lors de la distinction entre jonctions triples I et U, appuyée sur le choix d’une description privilégiée (NNR) d’un joint de grains [17]. Une compilation établie par V. Randle fait état des distributions des plans des joints de grains dans des polycristaux de différents métaux [36]. Les observations portent en moyenne sur 150 plans, mais incluent aussi des résultats émanant d’expériences OIM qui elles concernent 104 à 105 joints. La sélection de plans particuliers dans un polycristal dépend de deux types de facteurs : – Les facteurs inhérents au matériau : sa structure cristallographique et la nature de ses liaisons, son énergie de faute d’empilement entraînant ou non la possibilité de maclage. – Les facteurs dépendant de l’échantillon : sa microtexture qui dépend des traitements thermomécaniques (celle-ci peut jouer en particulier sur la proximité des joints par rapport aux désorientations CSL), sa géométrie (effets de surface, effets d’un axe de contrainte etc.). De nombreux résultats portent sur les matériaux CFC du groupe I (énergie de faute d’empilement faible ou moyenne), les distributions de plans se rapportent donc principalement aux joints Σ3, Σ3n et Σ1. Dans le nickel, le cuivre, l’or et l’acier austénitique, à l’exception de la macle cohérente de plan symétrique {111}, la plupart des joints ont des plans asymétriques, voire irrationnels et les macles incohérentes {112} sont très peu observées. En revanche, les joints symétriques prédominent dans Ni3 Al et le silicium. Les joints généraux (dans le sens « noncoïncidents ») ont le plus souvent des plans quelconques [36]. L’adoption d’une position de symétrie dépend aussi de la pureté du métal. Une forte sélection des joints Σ3 {111} symétriques (≈ 65 %) se manifeste dans le cuivre pur ayant subi un recuit prolongé à moyenne température (Fig. 3.51) [83] ; elle s’explique par l’énergie remarquablement faible de ces joints, environ le tiers de celle de la macle cohérente dans le nickel. Dans le cuivre de très haute pureté recuit à température plus élevée (≈ 0,9 TF ), non seulement les joints Σ3 mais également les joints Σ11
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(peu nombreux) possèdent un plan symétrique, alors que les joints Σ9 restent asymétriques avec, le plus souvent, {111} // {115}. Dans des polycristaux de nickel recuits à 1 000 ◦ C pendant 2 h, les joints Σ3 apparaissent avec une fréquence de 46 % ; même s’ils présentent la forme rectiligne de macles de recuit, ils sont généralement asymétriques avec des plans en zone avec 110, comme {110} // {114} et {113} // {771 [82]. Calculs et expériences ont montré que les joints de flexion autour de 110 sont dans une vallée d’énergie : le joint symétrique {111} est au minimum (quelques dizaines de mJ.m−2 pour les métaux à faible énergie de faute d’empilement), les autres joints de la série ont une énergie qui augmente avec la déviation à la position symétrique {111} jusqu’à des valeurs de l’ordre de 600 mJ.m−2 dans le cas du cuivre (Fig. 3.51). Pour comparaison, l’énergie d’un joint général dans un métal comme le nickel ou le cuivre varie de 1 à 1,2 J.m−2 [84].
F IG . 3.51 – Histogrammes des orientations des plans des joints Σ3 dans du cuivre pur recuit 1 h à 900 ◦ C (barres blanches) puis porté à 540 ◦ C pendant 97 h (barres noires). La ligne en trait plein donne l’évolution de l’énergie calculée pour les joints de flexion autour d’une zone 110. (D’après V. Randle et al. [83].)
Les fractions de longueurs des différentes facettes des joints Σ3n sont également rapportées pour des polycristaux à grains fins de cuivre de pureté commerciale et d’acier inoxydable (Fig. 3.52) [36]. Les traitements thermiques qui agissent sur la réorientation des plans conduisent à une diminution de l’énergie totale des joints soit par une diminution de l’énergie interfaciale elle-même (sélection de facettes de faible énergie), soit par une diminution de la surface totale des joints. La formation de facettes de faible énergie est illustrée par les dissociations successives que subit un joint Σ9 {511} // {111} pour atteindre la position symétrique {211} (Fig. 3.53) [85].
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F IG . 3.52 – Longueurs moyennes des facettes de joints de grains les plus observées dans le cuivre et l’acier inoxydable pour les joints Σ9 (a) et Σ27 (b). (D’après V. Randle [36].)
F IG . 3.53 – Schéma, tracé à partir d’observations en microscopie électronique en transmission, montrant les dissociations successives d’un joint Σ9 dans du silicium. (D’après A. Garg et al. [85].)
La rotation d’un joint sous l’effet d’un recuit, conduisant à une réduction de sa surface totale, dépend évidemment de sa situation par rapport à la surface de l’échantillon ; elle n’est efficace que pour les joints aboutissant à une surface libre ayant moins de cristaux voisins et possédant donc plus de liberté pour se réorienter (Fig. 3.54) [36]. Ces derniers ne sont donc pas représentatifs du comportement du réseau de joints dans les polycristaux usuels à trois dimensions. Il n’existe actuellement que peu d’analyses statistiques des plans de joints pour les matériaux CFC du groupe II (aluminium et alliages), CC du groupe III (fer, manganèse, tungstène. . .) et pour les matériaux de structure non cubique. Cependant, quelques traits communs à ces matériaux ont été rapportés dans l’article de
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F IG . 3.54 – Fréquence des angles d’inclinaison ϕ des plans de joint par rapport à la normale à l’échantillon dans du nickel recuit : joints aboutissant à une surface libre (barres blanches), joints entre grains au cœur de l’échantillon (barres noires). Les tendances des inclinaisons pour les deux types de joints sont données sous forme de lignes en pointillés. (D’après V. Randle [36].)
synthèse [36]. Il semble que les plans sont généralement irrationnels dans l’aluminium. Dans des polycristaux de fer relativement pur, contenant seulement 40 à 100 ppm de phosphore, les plans de joints ne sont jamais parallèles aux plans denses {110} de la structure CC [48]. L’hypothèse que les joints adoptent la position d’énergie minimale, souvent symétrique, n’est évidemment pas respectée dans les polycristaux métalliques. La déviation du plan expérimental par rapport au plan d’indices simples est généralement plus élevée pour les joints asymétriques. Dans les céramiques, contrairement aux métaux, des joints de désorientation quelconque (non-coïncidente) présentent assez souvent des plans de bas indices. Les distributions des plans de joints dans de l’alumine frittée diffèrent fortement selon la chimie de l’oxyde (Fig. 3.55) [3]. La pureté de l’alumine favorise la présence des plans denses (0001) alors qu’elle n’entraîne aucune sélection des désorientations de coïncidence (voir Fig. 3.34). La raison première de cette différence a été attribuée à la différence de taille des grains. L’alumine pure présente une microstructure hétérogène ; dans les régions où la taille de grains est élevée (10 à 50 µm), une croissance préférentielle des grains sous forme de disques s’effectue, les grandes faces des disques étant parallèles au plan basal. La microstructure brute de frittage de l’alumine dopée à la magnésie est équiaxe avec une petite taille des grains (0,5 µm) et peu de plans denses. Une déformation par compression à 1 500 ◦ C de l’alumine dopée entraîne une augmentation locale de la taille des grains et, simultanément, l’apparition de joints facettés ayant un plan dense dans un des cristaux au moins. La sélection des plans denses {0001} résulte donc, fort probablement, de facteurs cinétiques de croissance plutôt qu’énergétiques.
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F IG . 3.55 – Histogrammes montrant pour des polycristaux d’alumine pure (a) et dopée avec 500 ppm de magnésie (b) les fréquences des plans de joints parallèles à des plans {0001} et autres plans denses de la structure rhomboédrique. (D’après S. Lartigue et L. Priester [3].)
Nous avons jusqu’à présent considéré les orientations des plans de joints dans des matériaux massifs à trois dimensions. Dans les cas de polycristaux à une dimension (certains fils) ou à deux dimensions (tôles fines ou rubans) (Fig. 3.56), les plans des joints peuvent, sous l’effet de recuit prolongé, se réorienter plus ou moins perpendiculairement par rapport aux surfaces libres conférant ainsi des propriétés particulières aux échantillons en réponse à certaines sollicitations.
F IG . 3.56 – Schémas des polycristaux : (a) à une dimension (b) à deux dimensions.
D’autres géométries peuvent entraîner une sélection des orientations des plans associée à une texture cristalline bien marquée. Il en est ainsi pour la microstructure « pancake » obtenue dans de l’aluminium conduisant à des joints de torsion de plans {hkl} ainsi que pour les échantillons à grains « colonnes » (inconel) ou « bambous » (fer et or) avec formation de joints de flexion d’axe hkl (Fig. 3.57) [36].
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F IG . 3.57 – Schémas des géométries des joints de grains en relation avec les géométries des échantillons indiquant les plans particuliers observés : (a) joints de torsion {hkl} pour la microstructure « pancake » (aluminium) ; (b) et (c) joints de flexion hkl pour les microstructures en « colonnes » (b – inconel) et « bambou » (c – fer et or). (D’après V. Randle [36].)
En conclusion, une tendance pour les plans de joints à adopter une position de grande densité atomique (plans de faibles indices) se manifeste nettement, quel que soit le matériau, lorsque la pureté et/ou le degré d’équilibre du polycristal augmente. Elle apparaît associée à la coïncidence pour les joints Σ3n dans les matériaux à faible ou moyenne énergie de faute d’empilement du groupe I (métaux CFC, Silicium, quelques composés intermétalliques. . .). Dans les autres matériaux, elle dépend des conditions de recristallisation (métaux et alliages) ou de frittage (céramiques). Une différence notoire existe entre les deux types de matériaux : aux joints non coïncidents sont quasi systématiquement associés des plans quelconques dans les métaux, alors que coïncidence et densité planaire semblent déconnectées dans une céramique. Dans les polycristaux massifs, seuls les plans de joints en contact avec les surfaces libres tendent à se réorienter sous l’effet d’un recuit pour minimiser leur surface totale ; à l’intérieur de l’échantillon, la diminution de l’énergie intervient plutôt par réactions entre joints ou par dissociation. Des plans particuliers, par rapport au repère macroscopique de l’échantillon et par rapport aux repères associés aux cristaux avoisinants, apparaissent dans les polycristaux à dimensions réduites (1D ou 2D).
5. 5.1.
Distribution des cinq paramètres macroscopiques des joints de grains Approche théorique
La distribution des caractéristiques des joints de grains (GBCD) a été approchée théoriquement par la description mathématique de la fonction dite « ISDF » pour Intercrystalline structure distribution function [86]. La traduction de « ISDF » par fonction de distribution des structures intergranulaires soulève une ambiguïté, cette fonction ne rend compte en effet que de la distribution des cinq paramètres macroscopiques des joints de grains qui ne traduisent pas leurs structures. Celles-ci
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dépendent également des relaxations atomiques locales qui, pour un joint donné dans un polycristal, diffèrent certainement selon son branchement avec les autres joints. C’est pourquoi nous ne retenons pas la terminologie française et n’utilisons ici que le sigle anglais ISDF. L’approche de la fonction ISDF couple l’analyse stéréologique de la distribution des orientations des normales par rapport au référentiel de l’échantillon [87] et la fonction MDF décrite précédemment [49, 50]. Soit SV l’aire totale occupée par les joints de grains par unité de volume d’un polycristal. La fonction ISDF est décrite par SV (Ω, ∆g ) où Ω est l’orientation de la normale au plan du joint et ∆g est la désorientation entre cristaux. La description de ∆g exige trois paramètres : les angles d’Euler α, β et γ qui amènent le référentiel d’un cristal en superposition avec celui de l’autre cristal ; Ω est donnée, par rapport à un référentiel macroscopique lié à l’échantillon, par deux angles polaires χ et η. Le rapport SV (Ω, ∆g )/SV représente la fraction surfacique d’interfaces orientées selon Ω dans une fourchette Ω + dΩ et désorientées de ∆g à d∆g près. dSV = SV (Ω, ∆g ) dΩ d∆g
(3.38)
L’intégration de la fonction dSV dans tout l’espace des désorientations et dans tout l’espace des orientations des plans de joints conduit à SV . La fonction ISDF est indépendante du choix du cristal d’origine et indépendante du sens de la normale au plan du joint, dans l’un ou l’autre grain, on a donc : SV (Ω, ∆g ) = SV (Ω−1 , ∆g ) et SV (Ω, ∆g ) = SV (Ω, ∆g −1)
(3.39)
Pour la représentation en séries de l’équation donnant la distribution ISDF et pour sa dérivation à partir des analyses des sections successives à différentes profondeurs du polycristal, le lecteur peut se référer à l’article [86]. Le principe de la méthode est brièvement décrit ci-après. La fonction SV (∆g ) peut être aisément déterminée sur une section plane d’un échantillon par des techniques de diffraction des rayons j X ou des électrons. On établit ensuite la fonction LA (ω) donnant la longueur par unité de surface dans la je section, des lignes (traces des plans de joints) dans une orientation donnée ω. On dérive ensuite l’équation intégrale fondamentale j reliant SV (Ω, ∆g ) à la fonction LA (Ω, ∆g ). De nombreux coefficients interviennent dans l’expansion en séries de la fonction ISDF, mais le nombre des coefficients indépendants peut être largement restreint si on prend en compte la symétrie ponctuelle du cristal et la symétrie du procédé thermomécanique. Dans la pratique, le développement en séries de la fonction est tronqué à un certain ordre Q . Cet ordre et celui du groupe de symétrie du procédé P , fixent le nombre de sections planes de l’analyse duquel découle le nombre d’équations linéaires indépendantes à résoudre simultanément pour obtenir les coefficients de la fonction ISDF. À titre d’exemple, si l’ordre de troncature Q est égal à 10 pour un polycristal laminé présentant une symétrie orthotropique, le nombre minimal de sections planes requises est 20, ce qui implique la résolution d’un système de 20 × 20 équations linéaires. Le nombre des mesures (nombres de portions de joints de structures différentes à analyser), qui doit être réalisé pour atteindre un niveau souhaité de résolution et une fiabilité statistique, dépend également de la symétrie du cristal.
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Pour le groupe ponctuel 0 (Q = 24) et pour un matériau sous forme de tôle laminée (P = 8), le nombre de mesures doit être sensiblement égal à 56 000 pour une résolution de 9◦ et une fiabilité de 80 %. Si l’on choisit de tronquer le développement en séries de la fonction à l’ordre Q = 18, alors 60 sections planes doivent être analysées. Cela revient à examiner environ 950 éléments de joints et à déterminer l’orientation d’environ 300 cristaux dans chaque section. Ces chiffres, donnés seulement à titre indicatif, révèlent clairement la nécessité d’une procédure automatisée pour collecter les mesures des orientations et les topographies corrélées des lignes sur les différentes sections planes. Par ailleurs, la représentation de la fonction ISDF à cinq dimensions sous une forme compréhensible reste un sérieux défi.
5.2.
Approche expérimentale
Le défi évoqué précédemment explique sans doute les informations encore limitées qu’apportent les résultats des investigations des distributions de joints basées sur la détermination expérimentale de leurs cinq paramètres macroscopiques. Mais ces études sont réellement prometteuses car signe d’un progrès net possible dans le lien entre échelle microscopique et échelle mésoscopique. La distribution des joints de grains en fonction de leurs cinq paramètres macroscopiques est analysée dans des polycristaux de magnésie obtenus par pression à chaud puis recuit, la taille de grains moyenne résultante étant de 109 µm [88]. Les paramètres sont mesurés sur 4.106 portions de joints de grains occupant une surface de 5,4 mm2 . La méthode des sections successives à différentes profondeurs du polycristal (distantes ici de 7 µm) est utilisée ; elle ne permet d’atteindre qu’une précision de 7◦ 5 sur les orientations des plans. La géométrie des grains ainsi que leurs désorientations sont contrôlées sur chaque section plane. À partir des informations sur plusieurs sections, la distance entre chaque section étant petite devant la taille des grains, il est possible de reconstruire la configuration géométrique d’un volume caractéristique de la microstructure de l’oxyde MgO. La fonction de distribution des joints de grains f (∆g , n) est la fréquence d’apparition d’un certain type de joints de grains caractérisé par ∆g et n, donnée en unités multiples (MRD) de cette fréquence dans une distribution aléatoire [88]. Par comparaison, la fonction SV (Ω, ∆g ) (3.39) donne la fraction d’aire occupée par les joints de grains de paramètres macroscopiques Ω et ∆g [86]. La présentation des résultats d’une fonction à cinq dimensions n’est pas simple. C’est pourquoi les auteurs commencent par examiner séparément la distribution des désorientations f (∆g ) moyennées sur tous les plans de joints et la distribution des orientations de plans f (n) moyennées sur toutes les désorientations (Fig. 3.58). Chaque désorientation ∆g est représentée par un vecteur de Rodrigues (partie 1, Chap. 1, Sect. 1.3) ; la normale dénotée n correspond à un vecteur unitaire dans la direction Ω . La distribution des désorientations révèle des pics d’intensité pour les faibles angles (≈ 14 fois le maximum dans une distribution aléatoire) ; pour les angles plus grands (> 15◦ ), les désorientations autour de l’axe [111] prédominent.
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F IG . 3.58 – Projections de la distribution des cinq paramètres des joints de grains dans un polycristal de magnésie. (a) Distribution des désorientations (vecteurs de Rodrigues) moyennées sur tous les plans de joints. Les différents triangles correspondent à des coupes au travers de l’espace tridimensionnel perpendiculaire à l’axe [001] (r3 ) ; (b) distribution des plans de joints moyennée sur toutes les désorientations, représentée sur une projection stéréographique avec les plans (010), (110) et (111) marqués par des cercles : noir, gris et blanc, respectivement (voir texte). (D’après D.M. Saylor et al. [88].)
La distribution des plans présente un maximum pour les plans {100}, mais elle montre des variations plus complexes pour une désorientation spécifique, comme illustré sur la figure 3.59 pour des joints de désorientation 5◦ autour de [110] avec les plans (1-10) nettement favorisés. Pour toutes les désorientations supérieures, les plans de joints dans la magnésie sont le plus souvent asymétriques avec un plan parallèle à {100} dans un des grains au moins.
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F IG . 3.59 – Distribution observée des plans des joints de grains de désorientation 5◦ [110]. Les populations sont normalisées et représentées, en termes de multiples d’une distribution aléatoire, sur une projection stéréographique. (D’après D.M. Saylor et al. [88].)
Dans l’analyse des résultats, on doit tenir compte du fait que la technique des sections parallèles révèle préférentiellement les plans perpendiculaires à la surface de l’échantillon. Dans le cas d’une forte texture axiale uvw, les plans en zone avec cet axe coupent le plan de surface plus fréquemment que les plans inclinés, une forte proportion d’une famille de plans en zone peut alors constituer un artéfact. Pour lever l’ambiguïté, il convient de procéder à une autre série d’analyses sur des sections perpendiculaires à une autre direction de l’échantillon. En conclusion, il est probable que la conjonction d’une coïncidence de bas indice et d’un plan dense entraîne des propriétés « spéciales » pour un joint de grains. Une texture des joints établie sur la considération des cinq paramètres géométriques doit donc permettre de mieux aborder la corrélation entre microstructure et comportement d’un polycristal. Cependant plusieurs constatations s’opposent à ce progrès vers une ingénierie des joints de grains, entre autres : – Des joints de grains de même coïncidence et de même plan peuvent posséder des énergies très différentes associées à des structures atomiques différentes résultant des relaxations locales. De plus, des énergies comparables de plusieurs joints n’impliquent pas nécessairement des réponses comparables à une sollicitation donnée du matériau (partie 2, Chap. 5, Sect. 4.2). – Les plans déterminés pour l’établissement d’une texture sont toujours des plans moyens, composés de plusieurs facettes. Or, ce sont les facettes qui présentent des propriétés spécifiques, souvent très variables de l’une à l’autre. Une question importante, sous-jacente à ces remarques, s’impose : Peut-on espérer remonter aux propriétés d’un ensemble de joints en ne connaissant que les caractéristiques « moyennes » de ceux-ci, sachant que ce sont généralement les structures à l’échelle atomique
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qui déterminent les comportements intergranulaires ? La section suivante expose des tentatives pour contourner cette question.
6.
Distributions des joints de grains selon leurs propriétés
Les distributions des joints de grains, basées sur leur géométrie, sont établies en présageant de comportements intergranulaires différents selon cette géométrie. Mais, ce lien entre caractéristiques cristallographiques et propriétés d’un joint est loin d’être élucidé. Toute distribution basée directement sur une propriété des joints a donc l’avantage sur les précédentes d’avoir une réelle signification physique, quoique circonscrite à la propriété considérée. On peut formellement distinguer : – Les distributions d’ordre cinétique, fondées sur une propriété de transport : diffusion, conductivité électrique. . . – Les distributions d’ordre « thermodynamique », reposant sur les énergies des joints : ainsi les réponses au gravage thermique et au mouillage ne sont que des manières indirectes d’atteindre l’énergie. – Les distributions d’ordre mécanique : cavitation sous fatigue, glissement intergranulaire, propagation d’une fracture. . . Les classifications des joints de grains selon leurs réponses à une sollicitation sont souvent « binaires » : les joints sont simplement « résistants ou non » à la corrosion, à la fracture, à la cavitation. . . Nous ne donnons ci-après que quelques résultats concernant des distributions de joints explicitement basées sur une de leurs propriétés. Mais d’autres relations entre les réponses des joints à une sollicitation et leurs géométries peuvent être exploitées pour classer les joints de grains dans une perspective « ingénierie ».
6.1.
Distribution des joints de grains selon leur diffusivité
Les expressions (3.26) et (3.27) sont utilisées pour classer les joints de grains dans un polycristal selon leur diffusivité [43]. La méthode repose sur le temps de disparition tD à une température donnée TD du contraste des dislocations extrinsèques dans un joint, phénomène lié à la relaxation des contraintes associées aux dislocations. Les processus impliquent le mouvement par montée des dislocations dans le joint et sont donc contrôlés par la diffusion intergranulaire. Des histogrammes des énergies d’activation de la diffusion aux joints de grains Qj d’un même acier austénitique soumis à différents traitements thermiques de recristallisation sont ainsi établis (Fig. 3.60) [89]. Un changement de répartition de ces énergies se produit entre 900 ◦ C et 950 ◦ C, suggérant qu’un changement d’état des joints est associé à la croissance des grains, mais les processus permettant d’interpréter une telle évolution sont complexes. De même, on constate un déplacement de la distribution des énergies vers les faibles valeurs, après un traitement de vieillissement d’un
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F IG . 3.60 – Histogrammes des énergies d’activation de la diffusion intergranulaire QJ (kJ.mol−1 ) dans des polycristaux d’acier inoxydable ayant subi divers traitements de recristallisation. (D’après W.A. Swiatnicki et al. [89].)
acier austénitique à haut taux de carbone (Fig. 3.61) [43]. Ce changement s’explique par la précipitation de carbures qui induit un appauvrissement en chrome des joints de grains et donc une augmentation de la diffusivité intergranulaire. Cet exemple illustre bien l’intérêt d’une distribution des joints fondée sur leurs comportements, car elle rend compte des états microstructuraux réels des joints incluant cristallographie, pureté, défauts. . . Dans la pratique, il n’est pas nécessaire de connaître les raisons pour lesquelles s’établit une distribution donnée des diffusivités, seul compte le comportement global des joints à la diffusion, que celui-ci soit dicté par la géométrie et/ou la chimie. Cette distribution a une bien plus grande représentativité que celle des caractéristiques géométriques en vue de remonter aux propriétés d’ensemble d’un
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F IG . 3.61 – Histogrammes des énergies d’activation de la diffusion intergranulaire dans des aciers austénitiques à haut taux de carbone : (a) après trempe depuis 1 100 ◦ C ; (b) après refroidissement lent et vieillissement à 750 ◦ C. (D’après W.A. Swiatnicki et M.W. Grabski [43].)
polycristal. Par exemple, on peut par différentes méthodes faire la moyenne des fonctions de répartition des diffusivité et obtenir un seul coefficient de diffusion intergranulaire qui, généralement, est d’un ordre de grandeur satisfaisant par rapport à celui déterminé par des mesures de radiotraceurs [90].
6.2.
Distribution des joints de grains selon leur énergie
Les méthodes de gravage thermique [91] et de mouillage par des métaux liquides [92] d’un matériau permettent de déterminer les énergies relatives de ses joints de grains par rapport à celle de sa surface à partir des mesures des angles des sillons d’attaque selon la relation (1.77).
6.2.1.
Distribution déterminée après gravage thermique
Les distributions des énergies relatives des joints de grains, grâce au gravage thermique, sont établies pour des polycristaux de nickel et d’acier austénitique légèrement déformés par compression puis recuits à températures croissantes (Fig. 3.62) [46]. L’augmentation de la taille moyenne des grains, résultant des recuits, est associée à un déplacement des énergies intergranulaires vers les valeurs élevées. Ce résultat s’interprète en termes de réactions entre joints, les joints de haute énergie étant plus mobiles. Cette sélection semble contradictoire avec la tendance normale d’un matériau à minimiser son énergie au cours du recuit, mais une analyse du bilan énergétique doit tenir compte de la modification de la taille des grains donc de la surface des joints.
6.2.2.
Distribution déterminée après mouillage
La mesure de l’angle de gravage du joint de grains par le métal liquide dans le cas d’un mouillage partiel peut également permettre de remonter à l’énergie relative du joint par rapport à l’énergie de l’interface solide/liquide considérée comme isotrope. Les distributions cumulées des énergies des joints ainsi déterminées dans
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F IG . 3.62 – Histogrammes des distributions des énergies relatives des joints de grains γJ /γS après recuits à 0,77 TF , 0,8 TF et 0,9 TF de polycristaux (TF = température absolue de fusion) : (a) Nickel déformé de 3 % ; (b) acier 316L déformé de 6 %. (D’après W. Przetakiewicz et al. [46].)
le cas de polycristaux de zinc 2D (lame mince) et 3D (plaque), en contact avec du gallium liquide, sont reportées sur la figure 3.63. Plus de 60 % des joints ont une énergie double de celle de l’interface Zn/Ga et sont donc susceptibles de mouillage [68]. Un autre mode de distribution des énergies des joints de grains, fondé sur la distribution des angles dièdres qu’ils forment aux jonctions triples, est abordé dans la section suivante.
7.
Distributions des jonctions triples
Les approches théoriques et expérimentales des distributions des jonctions triples s’appuient jusqu’à présent sur les désorientations des joints des grains qui les forment. Elles présentent donc les limites que nous avons évoquées pour les distributions des joints lorsque leurs plans sont négligés. Cependant, elles donnent un premier aperçu de l’organisation d’un polycristal éventuellement analysable en termes de percolation et, de toute façon, nécessaire pour s’engager sur le chemin
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F IG . 3.63 – Distributions cumulées des énergies des joints de grains déduites de leurs réponses au mouillage par le gallium liquide de polycristaux de zinc 2D () et 3D (). (D’après P. Volovitch et al. [68].)
de l’ingénierie des joints de grains. Les jonctions triples sont majoritairement distinguées selon le nombre de joints de coïncidence (ou de proche coïncidence) impliqués à la jonction [2]. Cette classification a les faiblesses inhérentes à toute sélection basée uniquement sur la cristallographie, en particulier elle ne fait pas la distinction entre joints singuliers et joints vicinaux et classe comme générales uniquement les jonctions entre trois joints généraux. Elle a néanmoins un intérêt particulier pour les jonctions de joints du type Σ3n . Une nouvelle classification des jonctions triples repose sur une distinction des joints de grains fondée sur leur énergie ; elle a donc une signification plus physique, mais elle est également insatisfaisante car l’énergie ne détermine pas à elle seule le comportement d’un joint. De plus, en l’absence d’une connaissance bien établie de l’énergie d’une jonction triple, on ne dispose que d’un critère énergétique associé aux joints qui la composent. Or, on a vu qu’une jonction entre trois joints de faible énergie n’est pas nécessairement de faible énergie. Dans cette classification « énergétique », les jonctions singulières et vicinales appartiennent à la classe des jonctions spéciales selon la distinction précédente [2] et toute jonction possédant au moins un joint général est considérée comme générale. La considération de jonctions singulières prend toute son importance dans l’application de la règle de combinaison des indices de coïncidence discutée ci-après, en préliminaire à toute distribution des jonctions triples.
7.1.
Limites d’application de la règle de combinaison des indices de coïncidence
La règle de combinaison des indices de coïncidence (3.1) contrôle la connexion des joints de grains à une jonction triple. Théorie et expériences montrent que cette règle a aussi une influence prédominante sur le réseau des joints de grains
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dans un polycristal. Dans la mesure où elle s’applique à toutes les jonctions, une distribution non aléatoire des joints de grains doit être établie analytiquement. Mais, cette règle n’est strictement valable qu’à une jonction singulière entre trois joints ayant chacun une désorientation de coïncidence idéale. En principe, pour un matériau de symétrie cubique, tout joint de grains peut être décrit en termes de coïncidence exacte, moyennant la prise en compte d’indices Σ élevés, la règle de combinaison peut alors s’appliquer à toute jonction. Mais généralement les joints d’indice Σ ≥ 29 ne sont pas retenus dans les classifications. Un joint quelconque est décrit en termes de joint écarté de la position de coïncidence la plus proche (avec Σ ≤ 29) ou, si l’écart à cette coïncidence devient trop important, il est considéré comme joint général. Par ailleurs, dans les matériaux de symétrie moindre (quadratique, hexagonale, rhomboédrique. . .), de nombreux joints ne correspondent pas à des désorientations de coïncidence exacte mais approchée. Au sens strict, les désorientations des joints de grains (a, b et c) formant une jonction triple sont reliées par une relation matricielle, toujours vérifiée : Ma Mb = Mc
(3.40)
Chacun des joints étant dévié de ∆θi de la désorientation de coïncidence Σi , la matrice de désorientation Mi est égale au produit de la matrice de coïncidence exacte MΣi par une matrice écart ∆i . L’équation (3.40) devient : MΣa ∆a .MΣb ∆b = MΣc ∆c
(3.41)
En tenant compte de la relation qui relie les matrices de coïncidence exacte selon (3.40), on a : (3.42) MΣa .MΣb = MΣc et, en combinant les équations (3.41) et (3.42), on obtient : −1 ∆a = MΣb ∆c ∆−1 b MΣb
(3.43)
Cette équation indique que ∆a et ∆c ∆−1 b sont des matrices similaires et donc que leurs traces sont égales : (3.44) tr(∆a ) = tr(∆c ∆−1 b ) En exprimant les composantes des matrices des écarts angulaires en termes de paires « angle/axe », en utilisant l’approximation des faibles angles pour chaque angle ∆θi et en négligeant les termes de second ordre dans les développements, une relation entre les déviations angulaires peut être établie : ∆θ2a = ∆θ2b + ∆θ2c + 2∆θb ∆θc H
(3.45)
H = ub uc + vb vc + wb wc = cos ϕ
(3.46)
avec : [ui , vi , wi ] est l’axe autour duquel le joint i dévie de la coïncidence exacte la plus proche ; ϕ, l’angle entre ces axes pour les joints b et c, peut prendre n’importe
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quelle valeur entre 0 et π et donc −1 ≤ cos ϕ ≤ 1. L’introduction des valeurs limites de H dans l’équation (3.46) conduit à une relation générale liant les valeurs des déviations angulaires [93] : ∆θlim ≤ ∆θ1 + ∆θ2
(3.47)
où ∆θlim est la plus grande des déviations parmi ∆θa , ∆θb ou ∆θc et ∆θ1 et ∆θ2 sont les déviations des deux autres joints. La règle (3.47) dite « des déviations limites » est mathématiquement toujours exacte, moyennant une approximation aux petits angles (∆θ < 20◦ ), et ce quel que soit le critère de déviation maximale retenu pour classer un joint comme étant de proche coïncidence Σ [31−33]. Des jonctions triples sont créées pour toutes les permutations permises dans l’équation (3.1) avec 1 < Σ ≤ 29, puis deux des joints de grains sont autorisés à dévier aléatoirement de la coïncidence exacte. À partir des matrices de désorientation de ces deux joints, la matrice du troisième joint ainsi que sa déviation à la coïncidence sont déduites. Les simulations portant sur plusieurs centaines de mille exemples numériques montrent que, dans la majorité des cas, la règle des déviations limites est respectée [93]. Si, théoriquement, la règle (3.47) est indépendante du critère de sélection, un tel critère intervient cependant dans le problème en restreignant le nombre des combinaisons possibles obéissant à la règle (3.1). Dés qu’on prend en compte un critère d’écart maximum à la coïncidence pour chaque joint constituant la jonction, des violations apparentes apparaissent dans la règle des déviations limites et dans celle de combinaison des indices. La dérivation de la règle des déviations limites utilise la relation matricielle entre matrices de coïncidence exacte (3.42) qui n’est pas totalement équivalente à l’équation (3.1). En effet, pour une paire de matrices MΣa et MΣb , il y a une seule matrice MΣc donc une seule valeur pour Σc , au contraire la règle de combinaison (3.1) suggère plusieurs possibilités pour cet indice. Le fait qu’à une jonction triple, trois valeurs d’indices Σ obéissent à l’équation de combinaison ne semble donc pas suffisant pour que la règle des déviations limites puisse lui être appliquée. Il faut tout d’abord prendre garde de ne pas attribuer une coïncidence erronée à un des joints de la jonction. Ainsi, on trouve des violations à la règle des déviations limites dans l’approche par simulation des jonctions triples lorsque les déviations expérimentales approchent les déviations maximales autorisées par Brandon [31]. Considérons le triplet Σ9-Σ27a-Σ3, fréquents dans les matériaux à faible énergie de faute d’empilement, et fixons un des joint comme étant de coïncidence idéale, par exemple Σ9 (∆θ = 0). L’application de la règle des déviations limites impose que les deux autres joints greffés au joint Σ9 dévient de la même valeur angulaire des joints Σ27a et Σ3 exacts, respectivement. Cette condition est respectée pour la majorité des exemples numériques simulés, mais des aberrations apparaissent lorsque la déviation commune précédente est grande Si Σ81 remplace Σ3 (Sect. 3), l’analyse numérique est répétée en utilisant la combinaison Σ9-Σ9-Σ81d à la place des triplets Σ9-Σ27a-Σ3 aberrants et la règle des déviations limites est strictement valide. La confusion entre l’une ou l’autre des combinaisons est d’autant plus facile que le critère de sélection des joints de coïncidence est plus laxiste. Par exemple,
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avec le critère de Brandon [31], un joint désorienté de 34◦ 110 peut être classé comme Σ27a avec un écart de 2◦ 42 (∆θmax = 2◦ 88) ou comme Σ9 avec un écart de 4◦ 95 (∆θmax = 5◦ ). Ce risque d’ambiguïté est fortement réduit avec l’usage d’un autre critère de déviation maximale à la coïncidence (Tab. 3.XII), chaque joint étant plus étroitement associé à une seule coïncidence. TAB . 3.XII – Déviations maximales à la coïncidence autorisées selon trois critères distincts [31–33] pour les joints Σ3n .
Σ
3 9 27
Selon Brandon [32] 8◦ 66 5◦ ◦ 2 88
Écart ∆θmax à la coïncidence Selon Ishida et McLean Selon Palumbo et Aust [33] [34] 2◦ 66 5◦ 97 0◦ 88 2◦ 40 ◦ 0 29 0◦ 96
Cependant, même en se référant au critère de Brandon pour classer les joints de coïncidence, les cas de violations de la règle des déviations limites sont rares, ils interviennent pour environ 0,2 % des jonctions simulées. Dans tous les exemples aberrants, l’équation (3.42) qui relie les matrices exactes n’est pas satisfaite, elle le devient lorsqu’on remplace le triplet erroné par la combinaison correcte, simultanément, la règle des déviations limites est respectée. Il est donc raisonnable de dire que la règle des déviations limites s’applique à tout ensemble de joints de grains qui obéissent à la règle de combinaison des indices de coïncidence. Cependant, des violations apparentes à la règle de combinaison des indices Σ peuvent intervenir : c’est le cas lorsque la somme des déviations ∆θ1 et ∆θ2 de deux joints conduit à une valeur de ∆θlim selon (3.47) qui excède la valeur maximale ∆θmax autorisée pour le troisième joint. Plus le critère de coïncidence est exigeant, plus les manquements à la règle de combinaison sont amplifiés. Par exemple, si les deux premiers joints d’un triplet Σ3-Σ9-Σ27 dévient de 0◦ 8 chacun de leur coïncidence respective, ce qui est autorisé par chacun des critères de coïncidence (Tab. 3.XII), et si le troisième joint dévie de 1◦ de Σ27, la règle des déviations maximales est respectée, mais la jonction triple ne peut être considérée comme « Σ3-Σ9-Σ27 » que si le critère de Brandon est utilisé pour classer les joints. Les fractions de jonctions triples qui respectent la règle de combinaison sont calculées analytiquement en considérant, pour deux des joints, des déviations aléatoires à la coïncidence, toutes inférieures aux déviations maximales autorisées par l’un des critères de coïncidence [31−33]. La proportion des combinaisons de deux joints Σ3 et Σ9 qui donnent lieu à un joint Σ27a répondant au critère de Brandon est d’environ 16 %, elle chute à environ 6 % si le critère de Palumbo et Aust est appliqué pour sélectionner les joints de proche coïncidence. Ces calculs, généralisés à d’autres jonctions et tenant compte de la permutation des trois joints, permettent d’estimer la fraction de jonctions triples Σa-Σb-Σc telles que les joints a, b et c peuvent légitimement être classés comme de proche coïncidence Σ ≤ 29 selon un des critères de sélection de la forme ∆θmax = ∆θ0 Σ−p . Le tableau 3.XIII indique
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ces fractions pour tous les triplets possibles de joints tels que 3 ≤ Σ < 29 avec ∆θ0 = 15◦ et p = −1/2 [31] ou p = −5/6 [33]. L’examen de ce tableau montre que, même dans le meilleur des cas, la règle (3.1) de combinaison des indices de coïncidence, appliquée sans informations précises sur les déviations ∆θ, n’est respectée que pour 50 % de la population des jonctions triples. Les pourcentages reportés dans ce tableau ne sont valables que pour une distribution aléatoire des déviations à la coïncidence et ne sont donc pas représentatifs de n’importe quelle microstructure. En particulier, l’hypothèse de déviations « au hasard » n’est pas justifiée pour les métaux présentant une faible énergie de faute d’empilement où la formation de macles de recuit entraîne l’apparition de joints Σ3 extrêmement proches de la coïncidence idéale. De même une forte texture peut générer des joints statistiquement très voisins d’une coïncidence donnée. Mais, dans tous les cas, une application naïve de la règle de combinaison des indices de coïncidence, sans connaissance des déviations angulaires, peut entraîner d’importantes erreurs dans la classification des jonctions triples. TAB . 3.XIII – Pourcentages calculés de jonctions triples Σa-Σb-Σc avec 3 ≤ Σ < 29 pour lesquelles les trois joints a, b et c sont légitimement classés comme coïncidents selon le critère de Brandon [31] ou selon le critère de Palumbo et Aust [33].
Jonctions triples % Σa-Σ Σb-Σ Σc 3 3 3 3 5 9 9 9 9 15 25
3 5 7 9 5 9 15 21 27 15 25
9 15 21 27 25 9 15 21 27 15 25
Critère de Brandon ∆ θmax = 15◦Σ −1/2 48 19 15 16 22 50 51 37 31 48 50
Critère de Palumbo-Aust ∆ θmax = 15◦Σ −5/6 19 11 7 6 9 50 39 25 39 44 50
En conclusion, la règle de combinaison n’est strictement obéie qu’à la rencontre de trois joints de grains de coïncidence exacte. Pour des joints de coïncidence approchée, les deux règles (3.1) et (3.47) doivent être considérées simultanément quand on analyse les jonctions triples en vue d’une classification. Quand il existe une valeur maximale à la déviation à la coïncidence, donnée par l’un des critères de classification des joints [31−33], l’application de la règle des déviations limites peut conduire à des déviations qui excèdent celles autorisées selon
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le critère retenu. Dans ce cas, seule une fraction des jonctions triples initialement répertoriées comme Σa-Σb-Σc correspond effectivement à cette combinaison des indices. Bien que la discussion précédente porte l’accent sur la nécessité d’appliquer la règle de combinaison des indices de coïncidence de concert avec celle des déviations limites, la majorité des travaux parus sur la distribution des jonctions triples ne prennent pas en compte cette précaution, la seconde règle ayant été proposée récemment [93]. Néanmoins, nous nous faisons l’écho dans le paragraphe suivant de plusieurs travaux sur les distributions des jonctions triples qui, bien qu’imparfaites, témoignent de l’importance des connexions entre joints et ouvrent la voie à une meilleure description du polycristal.
7.2. Approche théorique de la distribution des jonctions triples La règle de combinaison des indices de coïncidence indique clairement que la connectivité des joints de grains ne peut pas être abordée comme un problème de percolation au hasard. Des simulations de Monte Carlo, utilisées pour construire un réseau de joints de grains raisonnable physiquement, montrent que le caractère non aléatoire de la distribution des jonctions triples est associé aux contraintes cristallographiques à chaque jonction [94]. Les corrélations entre jonctions peuvent être étudiées en termes de connectivité du réseau, puis reliées au seuil de percolation pour les joints susceptibles d’endommagement (voir Sect. 9). Cependant, dans un premier temps, les approches des distributions des jonctions triples ignorent la règle de connectivité (3.1). Les premières distributions de jonctions triples dans les matériaux CFC, établies par simulation sans considération de la contrainte cristallographique à la jonction, sont reportées sous forme d’histogramme sur la figure 3.64 [95]. Elles concernent des polycristaux présentant ou non une texture cristalline de fibre. Les joints de proche coïncidence Σ ≤ 49 sont retenus selon le critère de Brandon [31]. Les jonctions sont dénommées ici i-CSL avec i = 0, 1, 2 ou 3 selon le nombre de joints coïncidents aboutissant à cette jonction. Peu de jonctions 3-CSL apparaissent, leur nombre relatif augmente quelque peu en cas de forte texture, mais reste très inférieur à ceux généralement trouvés dans les matériaux CFC susceptibles de maclage multiple présentant une forte proportion de joints de grains Σ3n . Le pourcentage de jonctions 2-CSL comportant deux joints coïncidents est très faible en l’absence de texture ou en cas de texture peu prononcée. Celui des jonctions présentant un seul joint de coïncidence varie peu avec la texture. Les jonctions générales dominent la population des jonctions triples dans les matériaux non texturés ou à faible texture, mais leur nombre diminue considérablement en présence d’une forte acuité de la texture de fibre. Les fréquences d’apparition de jonctions triples avec trois (3-CSL) ou zéro (0-CSL) joints CSL dans un matériau sans texture ont été estimées à 0,50 % et 58 %, respectivement. Elles sont du même ordre de grandeur que les valeurs (0,16 % et 69 %) déterminées par simulation des répartitions des joints de grains CSL (Σ ≤ 29) dans les grains, les jonctions triples et les nœuds d’un polycristal construit avec des polyèdres de
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F IG . 3.64 – Distributions des jonctions triples dans un matériau CFC dont les grains sont orientés au hasard et dans un matériau présentant une texture de fibre 100, 110 ou 111) forte (écart 3◦ ) ou faible (écart 15◦ ). Les quatre barres représentent successivement les fractions de jonctions i–CSL avec i = 3, 2, 1, 0, le nombre de joints CSL à la jonction (Σ ≤ 49). (D’après P. Fortier et al. [95].)
Kelvin [56]. Le tableau 3.XIV précise le rôle de la texture dans les connexions entre joints aux jonctions triples simulées pour deux types de textures : l’une, axiale, est représentative d’une texture de fibre ou de fil, l’autre donne une approximation de la texture obtenue à partir d’un monocristal déformé puis recristallisé. Pour chacune d’elle, différentes acuités de la texture sont considérées, par ordre décroissant 3◦ , 5◦ et 15◦ [56]. Les proportions de jonctions triples sont peu différentes entre un matériau faiblement texturé et un matériau présentant une distribution aléatoire des orientations cristallines, en accord avec la conclusion que les distributions des désorientations ne sont sensibles qu’à de fortes composantes de texture. Mais, la distribution spatiale des joints dépend fortement de la texture dès que celle-ci présente une acuité assez forte. Les fortes proportions de jonctions triples entre trois joints coïncidents après déformation et recristallisation d’un monocristal s’expliquent par de faibles différences d’orientation entre cristaux et la présence d’un grand nombre de joints à faible angle. Les simulations concernent également les jonctions entre joints de coïncidence unidimensionnelle (CAD) autour d’axes 100, 110 et 111. Les jonctions CAD ont été classées selon la valeur de l’indice Π commun aux trois joints
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JOINTS DE GRAINS
TAB . 3.XIV – Effet de la texture sur la distribution spatiale des joints CSL. La première colonne indique l’acuité de la texture, la seconde le type de la jonction triple : 0-CSL (sans joints CSL) ou 3-CSL (avec 3 joints CSL). Les colonnes 3 à 5 correspondent à un polycristal ayant une texture axiale autour de 100, 111 et 110, les colonnes 6 à 8 à un polycristal ayant une texture obtenue par déformation et recristallisation d’un monocristal. À titre de comparaison, les pourcentages de jonctions triples dans un polycristal aléatoire sont de 69,6 % pour 0-CSL et de 0,16 % pour 3-CSL [56].
Acuité de la texture ◦
3
5◦ 15◦
Type de jonction triple
0-CSL 3-CSL 0-CSL 3-CSL 0-CSL 3-CSL
Texture de fibre 100 9,1 22,1 26,6 7,2 61,4 0,6
111 15 13,9 34,9 3,9 66,9 0,3
110 15 6,7 44 1,7 67,9 0,2
Texture recristallisation 100 0 98,7 1,1 71,9 36,7 4,4
111 0,2 82,7 5 35,9 48,8 1,4
110 7,7 26,4 12,6 19,5 48,1 1,6
(relation (3.25)) soit Π 3, Π 4 et Π 8, correspondant respectivement à un bon accord des plans {111}, {200} et {220} [95]. Le pourcentage des jonctions CAD avec Π ≤ 8 augmente de manière significative en cas d’une forte texture de fibre, pouvant atteindre une valeur voisine de 89 %, mais diminue lorsque Π > 8 (Fig. 3.65), en accord avec la restriction du modèle CAD aux plans de faibles indices du système CFC. Les travaux plus récents prennent en compte la règle de combinaison des indices de coïncidence aux jonctions triples. Souvent, les réseaux de joints de grains sont simulés en considérant simplement quatre types de joints : les joints résultants du maclage multiple : Σ3, Σ9 et Σ27 et les joints généraux indiqués par R (pour Random) avec Σ > 29. Cette simplification correspond assez bien aux microstructures des matériaux du groupe I (Sect. 3.2) composées d’une majorité de joints du type Σ3n , dont en particulier Σ3, et pour lesquelles les autres joints coïncidents (Σ5, Σ7, Σ11 etc.) sont rarement observés. Elle ne prend cependant pas en compte les joints à petits angles, proches de Σ1, qui peuvent apparaître lors du maclage multiple. Nous ne retenons pas ici l’hypothèse que font les auteurs de ces simulations qui affectent aux trois joints Σ3n un caractère « résistant » au dommage et, aux autres joints, un caractère « susceptible » au dommage [94]. Nous avons vu en effet que prédire le comportement d’un joint sans la connaissance de son plan n’est pas réaliste (partie 1). Par ailleurs, on sait que l’énergie des joints de macle Σ3 est très inférieure à celle des joints Σ9, le rapprochement des comportements de ces deux joints porte donc à critique. Notre intérêt porte seulement sur la méthode d’approche de la distribution des jonctions triples.
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( TEXTURE
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F IG . 3.65 – Distributions simulées des jonctions triples CAD pour des polycristaux CFC présentant une distribution aléatoire des orientations cristallines et pour des polycristaux présentant une texture de fibre 100, 110 et 111. Seul le bon accord des plans {111} (Π = 3), {200} (Π = 4) ou {220} (Π = 8) est en augmentation en présence d’une texture cristalline. Pour Π > 8 (valeur limitée ici à 35), le pourcentage de joints CAD est faible et diminue avec la texture. (D’après P. Fortier et al. [95].)
Soit fΣ la proportion de joint Σ3n et A le rapport entre la proportion f3 de joints Σ3 et la proportion fΣ . Les fractions de joints des différents types sont alors données par : f3 = fΣ A f9 = fΣ (1 − A)A
(3.48a) (3.48b)
fR = 1 − fΣ
(3.48d)
f27 = fΣ (1 − A)2
(3.48c)
Les quatre types de joints donnent lieu à quatre types de jonctions triples Ji avec i = 0, 1, 2 ou 3 selon que la jonction comprend 0, 1 2 ou 3 joints Σ3n . La figure 3.66 présente ces quatre types de jonction avec, pour les jonctions J1 , J2 et J3 , les combinaisons possibles des différents types de joints. Si les jonctions triples sont arrangées aléatoirement dans la microstructure, sans égard à la règle de combinaison, les probabilités de former chaque type de
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 3.66 – Les quatre types de jonctions triples Ji (i = 0, 1, 2, 3) et toutes les combinaisons possibles des types de joints qui satisfont la règle de combinaison des indices. Les joints utilisés dans les simulations de Monte Carlo sont limités à quatre types : Σ = 3, 9 ou 27 et joints généraux avec Σ > 9.
jonctions sont données par : J0 = (1 − fΣ )3
(3.49b)
− fΣ )
(3.49c)
J1 = 3fΣ (1 − fΣ )
J2 =
J3 =
3fΣ2 (1 fΣ3
(3.49a) 2
(3.49d)
Les distributions au hasard des différents types de jonctions triples Ji (i = 0, 1, 2, 3) sont représentées sous forme de courbes de même que celles résultant de la contrainte cristallographique, liée à l’application de la règle (3.1), imposée à la microstructure dans les simulations (Fig. 3.67). Sont également reportés des points correspondant à des distributions expérimentales mesurées dans des polycristaux de cuivre et d’inconel. Pour ces dernières données, la fraction de joints fΣ a été déterminée à partir de la relation générale : fΣ = 1/3(J1 + 2J2 + 3J3 )
(3.50)
Les résultats expérimentaux ne sont pas décrits pas les relations (3.49) basées sur une distribution aléatoire des jonctions triples, en particulier le pourcentage de jonctions J2 est bien inférieur à celui prédit par l’équation (3.49c) alors que les jonctions J1 et J3 apparaissent plus fréquemment qu’il n’est envisagé par les relations (3.49b) et (3.49d). Ils s’expliquent à partir de la contrainte cristallographique contenue dans l’équation de combinaison qui suggère que si deux joints
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( TEXTURE
DES JOINTS DE GRAINS )
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F IG . 3.67 – Distributions des jonctions triples : établies analytiquement à partir d’une microstructure totalement aléatoire (- - - - -), simulées en utilisant un algorithme de Monte Carlo et en imposant une contrainte au réseau de joints de grains (—–), déterminées expérimentalement pour le cuivre et un alliage base nickel par différents auteurs (cercles, carrés ou triangles). La contrainte A imposée correspond au rapport entre le nombre joints Σ3 et le nombre de joints Σ3n [94]. (D’après C.A. Schuh et al. [94].)
de coïncidence se rencontrent à une jonction, le troisième joint doit également être coïncident. Les résultats des simulations prenant en compte la relation (3.1), sont données, pour J1 , J2 et J3 , sous forme de trois courbes correspondant à des rapports A différents du nombre de joints Σ3 par rapport au nombre de joints Σ3n (A = f3 /fΣ ). L’augmentation de A entraîne un écart de plus en plus grand à la courbe aléatoire. Il est intéressant de noter que les points expérimentaux, relatifs à différentes études, sont généralement plus proches d’une courbe obtenue avec des jonctions contraintes. Les jonctions J0 n’étant pas directement affectées par la règle (3.1), leurs distributions simulées et expérimentales sont plus proches du caractère aléatoire.
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Notons que les proportions des différentes jonctions triples i-CSL (i = 0, 1, 2 et 3) aux nœuds quadruples sont également déterminées par simulation, pour des matériaux texturés ou non. Elles sont assez voisines des celles des jonctions triples dans le cas d’un polycristal aléatoire avec 70,1 % de jonctions 0-CSL et 0,20 % de jonctions 3-CSL [56]. Les nombres de jonctions triples T et de nœuds quadruples Q dans un polycristal modélisé par des polyèdres de Kelvin sont reliés approximativement par T ≈ 1,5 Q , cette relation restant valable dans les matériaux texturés.
7.3.
Distributions expérimentales des jonctions triples
Les topologies microstructurales des polycristaux, incluant les distributions de leurs jonctions triples, sont spécialement étudiées pour les matériaux CFC à énergie de faute d’empilement faible ou moyenne. En effet, c’est surtout dans ce type de matériaux qu’on peut, au travers de divers procédés thermomécaniques, modifier la distribution des joints de grains en espérant ainsi améliorer les propriétés de l’ensemble du matériau. Les modifications résultent principalement du maclage multiple qui est une conséquence des interactions entre joints dans les polycristaux. L’établissement des distributions des jonctions triples, après traitements thermomécaniques séquentiels, fait suite à la détermination des distributions des joints de grains dans le cuivre OFE et dans un alliage inconel 600 [72]. Comme dans l’approche par simulation, quatre groupes de jonctions sont considérés : i-CSL avec i = 0, 1, 2 ou 3 selon le nombre de joints CSL (Σ ≤ 29) aboutissant à la jonction. Les résultats, similaires pour les deux matériaux, sont reportés dans le cas du cuivre OFE ayant subi plusieurs déformations par compression (30 %), chacune suivie d’un recuit à 400 ◦ C (Fig. 3.68). Une chute drastique du pourcentage de jonctions générales associée à une très forte augmentation de jonctions 3-CSL intervient dès le premier cycle du traitement. Les pourcentages des autres jonctions varient relativement peu. Les résultats expérimentaux concernant le cuivre et l’inconel sont ensuite compilés et reportés sur la figure 3.69 en fonction du pourcentage de joints de coïncidence dans les matériaux. Ils sont alors comparés à ceux des distributions analytiques des jonctions triples, établies pas des calculs de probabilités [56] ou résultant de simulations. Une corrélation nette apparaît, sur les courbes établies par le calcul, entre l’augmentation du pourcentage de jonctions triples 3-CSL et celle du pourcentage de joints de coïncidence ; simultanément, une décroissance du nombre de jonctions générales accompagne l’augmentation de la fraction de joints coïncidents. Les résultats expérimentaux manifestent des tendances similaires pour ces deux types de jonctions triples. En revanche, un désaccord important apparaît pour les jonctions 2-CSL et 1-CSL entre les distributions expérimentales et celles établies analytiquement ou simulées Les disparités entre calculs et expériences peuvent être dues à un effet de la texture du matériau sur les distributions expérimentales ou, alternativement, reflètent
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( TEXTURE
DES JOINTS DE GRAINS )
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F IG . 3.68 – Distribution des jonctions triples dans du cuivre OFE séquentiellement déformé et recristallisé à 400 ◦ C. Les jonctions composées de trois, deux, un et zéro joints de coïncidence (CSL) sont représentées respectivement par des cercles, des carrés, des losanges et des triangles. (D’après M. Kumar et al. [72].)
F IG . 3.69 – Distributions théoriques des différentes jonctions triples établies à partir d’une fonction de probabilité (trait plein) [56] ou établies par simulation de 1 000 jonctions isolées ne contenant que des joints Σ3n (n = 0, 1, 2, 3) (en pointillés) [72]. Les distributions expérimentales sont reportées avec les mêmes symboles que ceux utilisés dans la figure précédente.
le fait que les solutions analytiques ne contiennent pas d’information sur l’interconnexion des éléments individuels du réseau de joints de grains. Ce problème de connexité sera abordé à la section 8.
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7.4.
JOINTS DE GRAINS
Distribution des énergies des joints de grains à partir de la distribution des angles dièdres aux jonctions triples
La mesure des angles dièdres dans un polycristal peut fournir des informations sur les énergies relatives des interfaces internes ayant en commun une jonction triple. La méthode requiert deux conditions : – La connaissance des véritables angles dièdres α alors que ce sont leurs projections β qui sont déterminées à la surface de l’échantillon (Fig. 3.70). – La possibilité d’appliquer la règle simplifiée d’Herring (3.3) en négligeant le terme de torsion. Les angles dièdres mesurés sur une section d’un échantillon dépendent des énergies relatives des joints et de l’orientation de la ligne triple par rapport à la surface. Si l’effet de l’orientation est statistiquement de caractère aléatoire, tout changement dans la distribution des angles dièdres planaires βi peut être relié au changement des angles dièdres vrais αi (avec i = 1, 2, 3) et donc à la distribution des énergies.
F IG . 3.70 – Géométrie d’une jonction triple montrant les angles dièdres vrais αi entre trois plans de joints de grains πi et les angles dièdres βi projetés sur une section de normale η.
Les relations entre les angles mesurés sur une section plane et les vrais angles dièdres (Fig. 3.70) sont analysées numériquement en partant de l’hypothèse d’une distribution normale des énergies autour d’une valeur moyenne γm associée à une valeur moyenne des angles dièdres égale à 120◦ [96]. Dans ce cas, la variation de l’énergie intergranulaire est définie par les valeurs du rapport de la déviation standard ∆γ à la valeur moyenne γJ . Pour des rapports ∆γ/γJ supérieur à 0,4, les valeurs générées de γJ (j = 1, 2, 3) sont si différentes les unes des autres qu’aucune configuration d’équilibre de trois joints de grains ne peut exister. Dans la gamme 0 ≤ ∆γ/γJ ≤ 0,4 où un équilibre peut s’établir aux jonctions triples, les résultats des simulations montrent que la déviation standard à l’angle planaire ∆β est une fonction monotone de la déviation standard à l’énergie ∆γ (Fig. 3.71). La valeur
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( TEXTURE
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minimale de ∆β, égale à 22◦ , est observée pour ∆γ = 0, elle traduit la contribution du hasard dans l’orientation d’une jonction triple par rapport à une section plane. Il en résulte que des vraies variations dans les valeurs des énergies donnent lieu à des déviations angulaires ∆β supérieures à 22◦ . Cependant, les valeurs de ∆β dépendent peu de celles de ∆γ pour les rapports ∆γ/γj ≤ 0,1. Une dépendance linéaire est observée pour les valeurs supérieures de ce rapport. Compte tenu de l’hypothèse d’une distribution normale des énergies, une valeur de ∆γ/γj égale à 0,15 implique qu’environ 62 % des joints de grains (en excluant les macles) ont des énergies comprises entre 0,85 et 1,15 fois la valeur moyenne γJ [96]. Expérimentalement, les valeurs des déviations standard des angles dièdres varient entre 21◦ et 30◦ selon l’histoire thermomécanique du matériau. L’utilisation d’un tel modèle, qui n’exige que des mesures géométriques simples, permet d’expliquer les changements dans la distribution des angles dièdres en termes de changements dans la distribution des énergies intergranulaires.
F IG . 3.71 – Courbe déduite de simulations montrant l’évolution de la déviation standard ∆β (en degrés) des angles dièdres planaires en fonction de la déviation standard relative des énergies des joints de grains ∆γ/γj dans un polycristal. (D’après K.J. Kurzydlowski [96].)
En partant toujours de l’hypothèse d’une distribution normale des énergies des joints de grains dans un polycristal γJ = N (γJ , ∆γ), la largeur relative de cette distribution w = ∆γ/γJ est déterminée à partir de la distribution des rapports λ = sin αi / sin αj (proportionnel à γi /γJ ) où αi < αj sont des angles dièdres appartenant à une même jonction triple [97]. Le nombre nécessaire d’angles α pour établir la relation est de l’ordre de 100. Une distribution normale des énergies est révèlée par une distribution des valeurs des angles dièdres qui peut également être approximée par une loi gaussienne (120◦ , δ◦ ) à proximité du maximum. La méthode est appliquée à du zinc sous forme de plaques de 600 µm d’épaisseur (seuls les angles planaires β sont mesurables) ou de lames minces de 60 µm d’épaisseur (on considère alors que les angles β et α ont les mêmes valeurs) [68]. Pour les deux formes des polycristaux de zinc, les distributions des angles dièdres et celles des énergies ont la forme de gaussiennes. Lorsque les joints de grains sont perpendiculaires à la surface de l’échantillon, c’est le cas pour la lame mince, la distribution des angles dièdres est plus étroite et mieux centrée sur 120◦ que dans le cas d’une
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plaque plus épaisse (Fig. 3.72). Les largeurs relatives calculées des distributions des énergies sont de 0,15 pour la tôle et de 0,30 pour la plaque. En prenant une énergie moyenne des joints du zinc égale à 308 mJ.m−2 à 160◦ C et une décroissance de 0,4 mJ.m−2 par degré [98], les énergies de la plupart des joints varient entre 200 et 400 mJ.m−2 .
F IG . 3.72 – Courbes de distributions des angles dièdres aux jonctions triples de polycristaux de zinc sous forme de plaques d’épaisseur voisine de 600 µm ou de tôle mince (e ≈ 60 µm). (D’après P. Volovitch et al. [68].)
Ces approches basées sur les configurations des jonctions triples ne sont valables que pour des distributions normales des énergies des joints dans des polycristaux, ces dernières étant centrées sur une valeur moyenne. De plus les écarts à la valeur moyenne sont relativement faibles, ce qui autorise l’utilisation de la règle d’Herring simplifiée. Elles ne sont pas de mise lorsque la distribution des caractéristiques des joints est éloignée de l’aléatoire, en particulier dans le cas de microstructures résultant du maclage multiple ou d’une forte texture avec un nombre relativement important de joints de faible angle. Elles ne sont également pas applicables lorsque la distribution spatiale des joints de grains dans un polycristal est hétérogène. L’existence d’une concentration locale de joints d’un type donné dans certaines régions de l’échantillon est traduite par la notion de texture locale des joints de grains qui fait l’objet de la section suivante.
8.
Texture locale des joints de grains
À l’instar de la texture globale, une véritable texture locale des joints de grains doit être établie à partir de la connaissance des cinq paramètres macroscopiques de tous les joints dans une région donnée de la microstructure. La difficulté d’atteindre les orientations d’un grand nombre de plans avec une précision suffisamment bonne réduit généralement les approches à celles des distributions locales
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( TEXTURE
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des désorientations. Celles-ci peuvent permettre de mieux approcher les comportements collectifs d’un polycristal, moyennant toujours la même condition : une amélioration des connaissances sur les liens (statistiquement possibles) entre propriétés et désorientation d’un joint de grains. Les distributions expérimentales des désorientations des joints de grains sont généralement inhomogènes, en particulier en présence d’une texture cristalline où des îlots maclés ou de joints de faible angle peuvent apparaître (Fig. 3.43). Le caractère non aléatoire de la distribution spatiale des désorientations est prédit et quantifié par l’utilisation de la fonction OCF de « cohérence des orientations » [51]. Si la valeur de cette fonction diffère de 1, une corrélation d’orientations cristallines existe, il peut alors en résulter des rassemblements locaux de joints de grains de même désorientation. La production d’amas de grains, liés par des joints partageant la même désorientation, soulève la question de l’échelle de longueur pertinente dans un polycristal : la taille moyenne des grains ou la taille moyenne des amas, parfois appelée « taille de grain effective » ? Cependant, la présence d’amas de grains n’implique pas nécessairement la présence d’amas de joints de grains. Il convient dans un premier temps de bien distinguer les différents types d’amas (de grains ou de joints de grains) qui peuvent exister dans la microstructure d’un matériau cristallin.
8.1.
Divers types d’amas
L’importance des arrangements locaux peut être illustrée en considérant deux microstructures d’un même matériau identiques morphologiquement, possédant le même pourcentage de grains ou de joints de grains d’un type donné mais répartis différemment. Divers types d’amas peuvent apparaître dans ces microstructures entraînant des réponses différentes à une sollicitation extérieure : « amas de grains » qui concentrent certes des joints de grains de même désorientation, mais sans connexion (Fig. 3.73) et véritables « amas de joints de grains » dans lesquels les joints de même désorientation sont connectés entre eux localement (Fig. 3.74). Les amas allongés de grains forment un couloir au travers duquel une information intragranulaire peut se propager préférentiellement (Fig. 3.73b). Les joints entre les grains formant l’amas sont certainement de désorientation voisine (faible angle) mais ne sont pas connectés. Les amas de joints de grains peuvent être « en nodule » ou « en chaîne ». Dans le cas d’amas nodulaires de joints (Fig. 3.74b) et si ceux-ci ont tous le même indice de coïncidence Σ, une corrélation entre orientations cristallines existe nécessairement, on a alors affaire à un amas « double » de grains et de joints de grains. Les amas allongés « en chaîne » de joints de grains peuvent former un chemin continu qui traverse l’échantillon (Fig. 3.74c). Les amas de grains doivent jouer un rôle dans les propriétés qui dépendent principalement de la structure des cristaux (transmission du glissement. . .) et dans celles impliquant un transport au travers des interfaces (résistivité électrique. . .). Les amas de joints de grains influent fortement les propriétés qui sont sensibles à la propagation le long des joints comme les phénomènes de dégradation intergranulaire (corrosion, fracture . . .). Ainsi, une région « faible » peut se former au sein
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 3.73 – Représentation schématique de deux ensembles de grains morphologiquement identiques et possédant la même fraction de grains d’orientation A donnée (hachurés) : (a) les grains A sont répartis au hasard ; (b) les grains d’orientation A forment un amas allongé qui traverse le polycristal (voir texte).
F IG . 3.74 – Divers arrangements de joints de grains dans des polycristaux de même morphologie présentant le même pourcentage de joints de grains d’un type S (en gras) : (a) distribution aléatoire ; (b) les joints S forment un amas équiaxe ; (c) les joints S forment un chemin continu (amas allongé) permettant à l’influx en X de suivre le chemin intergranulaire jusqu’en Y ou Y ′ .
d’un polycristal et constituer un maillon où s’amorce, par exemple, une rupture intergranulaire. Alternativement, une chaîne de joints « perméables » (« résistants ») peut permettre (empêcher) le transport d’un signal de part et d’autre d’un échantillon. Dans tous les cas, la constitution des amas (grains et/ou joints de grains), leur forme mais aussi leur répartition spatiale sont des paramètres importants à prendre en compte pour analyser le comportement d’un matériau.
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8.2.
RÉSEAU DE JOINTS DE GRAINS
( TEXTURE
DES JOINTS DE GRAINS )
447
Configurations d’amas observées
Des amas de grains et de joints de grains ont déjà été observés à l’échelle mésoscopique dans le cas des matériaux texturés, quelles que soient leur structure et leurs propriétés plastiques (Sect. 3.4). Rappelons la présence d’îlots maclés dans du cuivre après recristallisation primaire [70], la formation d’amas de joints de faible angle dans un alliage Fe-50 % Ni après croissance des grains, rassemblements prédits par une valeur différente de 1 de la fonction de corrélation [71]. Des amas de grains d’orientation cube associés à des joints de faible angle sont également détectés dans un alliage Al-Mg texturé [76]. Les détails des branchements entre grains et/ou joints de grains peuvent être étudiés en microscopie électronique en transmission. Ainsi, des petits amas d’environ cinq grains d’orientation {111} (contraste sombre) ont été observés dans des films minces (0,1 à 0,2 µm) d’aluminium de haute pureté déposés sur un substrat monocristallin {111} de silicium. Les amas de forme équiaxe après déposition prennent l’aspect de « chaînes » après recuit (Fig. 3.75). Les grains sont séparés par des joints de grains de faible angle ou CAD d’axe 111 [99].
(a)
(b)
F IG . 3.75 – Amas de grains {111} dans des films minces d’aluminium de haute pureté : (a) amas équiaxe dans un film après déposition ; (b) amas sous forme de « chaînes » dans un film recuit. (D’après L. Fionova et al. [99].)
L’alumine α polycristalline dopée au magnésium et à l’yttrium présente une microstructure équiaxe à l’échelle mésoscopique ; cependant, observées à l’échelle microscopique, certaines régions rassemblent des joints de grains de faible désorientation, d’autres des joints dont les plans sont parallèles à un plan basal, dans un des grains au moins (Fig. 3.76) [100]. Dans un polycristal d’alumine dopée à la magnésie et déformée par compression, une chaîne de joints généraux (non coïncidents) sert de chemin de propagation à une rupture intergranulaire (Fig. 3.77) [3]. Les microstructures des matériaux à faible énergie de faute d’empilement présentent toutes une tendance à la formation d’amas de joints de grains Σ3n résultant du maclage multiple (Fig. 3.78) [63]. Les déviations des joints Σ3n par rapport aux désorientations de coïncidence exactes sont relativement faibles par comparaison aux déviations des autres joints de coïncidence.
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JOINTS DE GRAINS
F IG . 3.76 – Amas de joints de grains dans de l’alumine dopée à la magnésie et à l’yttrine : (a) amas de joints de faible angle ; (b) amas de joints ayant un plan orienté parallèlement à un plan basal (0001) dans un des grains au moins (flèche). (D’après S. Lartigue et al. [100].)
F IG . 3.77 – Micrographie électronique en transmission montrant la propagation d’une rupture intergranulaire dans une alumine dopée à MgO déformée par compression : la rupture suit le chemin des joints généraux connectés les uns aux autres sous forme d’amas en chaîne et devient intragranulaire à la rencontre avec le joint de coïncidence 2/3 (Σ17b). (D’après S. Lartigue et L. Priester [3].)
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Joint de grains A/B A/C A/D B/D B/E1 C/D C/E2
( TEXTURE
Σ 3 3 9 27b 81a 3 9
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∆θ◦ 0,04 0,08 0,01 0,04 0,11 0,08 0,1
F IG . 3.78 – Amas de joints de grains Σ3n dans l’acier 304 avec les paramètres cristallographiques correspondants. (D’après V. Yu Gertsman et al. [63].)
Plus récemment une étude, par diffraction des électrons rétrodiffusés (EBSD) d’un alliage inconel, non seulement décrit mais aussi quantifie les amas de joints constitués soit uniquement de joints généraux, soit uniquement de joints de coïncidence avec Σ ≤ 29 et une valeur minimale des joints de faible angle égale à 2◦ [101]. Les échantillons subissent des traitements thermomécaniques séquentiels analogues à ceux déjà évoqués dans l’analyse des jonctions triple [73, 94]. Les amas sont observés en deux dimensions sur des sections des échantillons ; environ 2 500 joints et 800 jonctions triples sont analysées dans chaque cas. Pour faciliter les comparaisons entre microstructures, toutes les grandeurs sont normalisées par référence à la longueur moyenne d’interception L qui remplace la dimension moyenne des grains pour une microstructure donnée. Un exemple d’identification des amas de joints de grains est présenté sur la figure 3.79.
450
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F IG . 3.79 – Schéma montrant le procédé d’identification des amas : (a) réseau complet de joints de grains, la longueur moyenne d’interception L est reportée ; (b) les joints généraux sont sélectionnés ; (c) exemple d’un amas de joints généraux interconnectés. (D’après C.A. Schuh et al. [101].)
C HAPITRE 2 – L E
RÉSEAU DE JOINTS DE GRAINS
( TEXTURE
DES JOINTS DE GRAINS )
451
Les mesures physiques qui caractérisent un amas de joints sont issues de la théorie de la percolation [102] : – La masse de l’amas de joints de grains s est définie comme la longueur totale (sans dimension) de joints contenus dans l’amas. Une masse proche de 1 représente un joint de grain isolé sans voisins du même type alors qu’une grande masse (plusieurs dizaines ou centaines) couvre plusieurs grains, mais la forme de l’amas n’est pas précisée. – Le rayon de giration Rg d’un amas de joints indique la distance moyenne d’un joint au centre de l’amas défini par le vecteur r0 : Rg2 = 1/N
N i=1
|ri − r0 |2
(3.51)
N est le nombre de joints ou de segments de joints dans un amas et ri est un vecteur qui indique la position du ie joint ou segment de joint. r0 = 1/N
N
ri
(3.52)
i=1
Une autre échelle de longueur est intéressante, c’est la dimension linéaire maximale Dmax d’un amas qui peut gouverner, par exemple, la longueur d’une fissure intergranulaire telle que celle présentée sur la figure 3.77. Les grandeurs précédentes décrivent un amas individuel. Des mesures moyennes portant sur la population totale des amas sont plus représentatives de la microstructure. La masse moyenne pondérée est donnée par : s 2 .ns s s =
s.ns
(3.53)
s
où ns , la fonction de distribution des masses d’amas, donne le nombre d’amas de taille s par unité de surface. De même, la longueur de corrélation ξ est le diamètre moyen pondéré de giration : R2g s 2 .ns 2 ξ2 =
s
s 2 .ns
(3.54)
s
Finalement, dans un échantillon donné, la distribution des masses d’amas donne la densité des amas de masse s : s.ns (3.55) ms = s.ns / s
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JOINTS DE GRAINS
Les évolutions des densités des masses des amas de joints coïncidents (dits amas « spéciaux ») et des amas de joints généraux sont reportées en fonction de la taille des amas pour l’alliage inconel recristallisé puis séquentiellement déformé et recuit, chaque cycle étant répété quatre fois (Fig. 3.80). La densité de gros amas de joints généraux, élevée dans l’état initial, diminue tandis que des amas plus petits apparaissent. Les évolutions des densités les amas de joints de coïncidence sont complémentaires de celles des amas précédents. La taille des amas de ces joints est multipliée environ par dix après quatre cycles de traitement. Ces évolutions sont précisées en considérant la masse maximale et la masse moyenne pondérée des amas (Fig. 3.81) puis le diamètre maximal et la longueur de corrélation (Fig. 3.82). En accord avec la tendance observée de réduction de la masse des amas de joints généraux lors des procédés d’ingénierie des joints, la taille de ces amas est réduite d’un facteur trois. Les résultats expérimentaux, qualitatifs et quantitatifs, sur les amas de joints sont limités. En dehors de la classification binaire et de la non-prise en compte du plan du joint de grains, la méthode d’analyse des amas présente d’autres restrictions : l’utilisation de sections bidimensionnelles pour décrire la topologie à trois dimensions (sauf pour films minces) et l’utilisation d’aires finies d’observation. Des artéfacts de troncature de plusieurs amas interviennent, augmentant artificiellement le nombre de petits amas aux dépens de celui des grands amas. Cet effet diminue généralement si la taille de l’aire d’investigation augmente. Ainsi si l’investigation porte sur 500 à 1 000 grains, les erreurs de troncature ne touchent vraiment que les plus gros amas (de masse supérieure à 100). Ces exemples d’amas, tous observés en laboratoire à une échelle mésoscopique ou microscopique montrent bien l’inhomogénéité des microstructures qui doit se retrouver à l’échelle des polycristaux dans l’industrie. Pour étendre la compréhension de cette hétérogénéité à des systèmes macroscopiques, une approche de choix est alors la simulation. Plusieurs travaux se sont développés dans cette direction dont un certain nombre débouche sur la notion de percolation (Sect. 9).
8.3.
Configurations d’amas simulées
Pour tenter d’approcher la distribution locale des joints de grains à l’aide de la simulation, ceux-ci ont été, dans un premier temps, divisés en deux catégories selon leur désorientation, supérieure ou inférieure à une valeur arbitraire fixée [103]. Cette classification binaire peut théoriquement être généralisée à n’importe quel nombre de catégories distinctes, la méthodologie ne présente donc aucune limite en ce sens. Dans une première série de travaux, elle est appliquée à un polycristal à deux dimensions formé par un pavement d’hexagones réguliers et à une microstructure présentant une texture de fibre, l’axe commun de rotation 001 étant perpendiculaire au plan de l’échantillon. Dans ce cas, seuls des joints de flexion se forment avec un angle de désorientation compris entre 0◦ et 45◦ , en raison de la symétrie du système. Les axes dans les plans de chaque grain peuvent prendre n’importe quelle orientation par rapport à un système externe de coordonnées. Le polycristal est généré au hasard, il en résulte une distribution uniforme des angles
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F IG . 3.80 – Description quantitative du changement du réseau de joints de grains au cours des procédés « d’ingénierie des joints de grains » d’un alliage d’inconel : (a)–(e) distributions des masses des amas des joints généraux après 0, 1 ; 2, 3 et 4 cycles de traitements, respectivement (voir texte) ; (f)–(j) distributions complémentaires des masses des amas de joints coïncidents. Chaque taille s reportée sur les axes x représente la limite supérieure d’une fourchette de tailles. (D’après C.A. Schuh et al. [101].)
de désorientation. La microstructure ainsi obtenue n’est pas dans l’état d’énergie le plus faible. Le système est libre d’évoluer par rotation des grains afin de minimiser son énergie interne. La structure stable obtenue est ensuite soumise à différentes sollicitations : température, déformation, champ (électrique ou dû à un gradient d’une quantité telle la température, la concentration en défauts. . .) et
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F IG . 3.81 – Changements dans les masses d’amas de joints en fonction des cycles de traitements thermomécaniques subis par le matériau (voir texte). La masse maximale des amas et leur masse moyenne pondérée sont analysées pour les joints généraux et les joints coïncidents. Les amas généraux dans l’échantillon recristallisé (cycle 0) ont des tailles qui s’étendent au-delà de la dimension du graphique, les points rapportés constituent une limite inférieure. (D’après C.A. Schuh et al. [101].)
F IG . 3.82 – Changements dans les longueurs caractéristiques des amas de joints en fonction des cycles de traitements thermomécaniques subis par le matériau (voir texte), incluant la dimension maximale et la longueur de corrélation des amas pour les joints généraux et pour les joints coïncidents. (D’après C.A. Schuh et al. [101].)
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l’évolution de sa microstructure est modélisée. L’énergie du système est calculée, à chaque pas de simulation, sur la base de la formule de Read et Shockley (1.31) avec sommation sur tous les joints du polycristal, à laquelle on ajoute, dans le cas d’une sollicitation extérieure, un terme d’interaction. Pour une description détaillée de la méthodologie, se référer aux articles I et II groupés [103]. L’angle séparant les deux catégories de joints de grains étant fixé à 10◦ , la microstructure obtenue après génération et relaxation est montrée sur la figure 3.83. Les grains reliés par des angles inférieurs à 10◦ forment des amas peu nombreux et composés de deux à 5 grains. Notons que cette approche considère en fait des amas de grains de même orientation séparés par des joints de faible angle et non réellement des amas de joints de grains.
F IG . 3.83 – Microstructure montrant les amas de grains séparés par des joints de faible angle (< 10◦ ) dans un polycristal à deux dimensions généré au hasard et relaxé. Les grains appartenant à un même amas sont connectés par des traits épais passant par les centres des grains. (D’après C.S. Nichols et al. [103].)
Les évolutions de cette microstructure sous l’effet de trois températures, 75 K, 300 K et 1 000 K, sont enregistrées en prenant des valeurs de paramètres de calcul caractéristiques des céramiques. L’échelle de temps pour chaque pas de calcul est nettement plus grande que celle des mouvements atomiques locaux. Les résultats, après 125 pas de calcul, montrent une nette augmentation du pourcentage de joints de faible angle et une augmentation de la taille des amas constitués par ces joints (Fig. 3.84). L’évolution des pourcentages par rapport à l’état initial est plus marquée après un traitement à 300 K comme l’indiquent les histogrammes de distributions des joints. Le trait (en pointillés) superposé à chaque histogramme donne la distribution des désorientations avant évolution, correspondant à la microstructure de la figure 3.83. On se doit de préciser que la distribution des orientations cristallines, avant et après évolution, ne montre aucune préférence pour une orientation particulière. La densité de joints de faible angle, plus faible après
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F IG . 3.84 – Microstructures simulées d’échantillons pour des systèmes céramiques autorisés à évoluer à partir de la configuration initiale de la figure 3.83 sous l’influence d’une température donnée : (a) 90 K ; (b) 300 K ; (c) 1 000 K. Les résultats ont été obtenus après 125 pas de calcul Monte Carlo. La distribution des désorientations associée à chaque microstructure est montrée en parallèle. (D’après C.S. Nichols et al. [103].)
recuit à 1 000 K, peut être attribuée aux fluctuations thermiques qui permettent aux amas de se former et de se résorber en des temps plus courts qu’à température ambiante. En maintenant la température à 90 K, l’effet d’une sollicitation mécanique uniaxiale sur l’évolution de la microstructure du système précédent est également
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simulé, pour des déformations en tension de 5, 25 et 50 % et pour une déformation en compression de 25 % (Fig. 3.85). Il est évident que pour des déformations en tensions ε ≥ 25 %, les joints de faible angle forment des amas allongés dans le sens de la déformation appliquée. Les distributions des désorientations diffèrent peu avec le mode et le taux de déformation ; de plus, elles sont très similaires à celle obtenue en l’absence de contrainte. La texture globale des joints de grains ne reflète donc pas la grande différence microstructurale entre un échantillon recuit à une température donnée et un échantillon déformé à cette même température. Cet exemple appuie clairement la nécessité de considérer la texture locale des joints de grains pour appréhender le rôle de ceux-ci dans les propriétés d’un matériau.
F IG . 3.85 – Microstructures simulées pour des systèmes autorisés à évoluer à partir de la microstructure initiale (Fig. 3.83) sous l’influence de diverses déformations à température constante 90 K : (a) 5 % en tension ; (b) 25 % en tension ; (c) 50 % en tension : (d) 25 % en compression. Les résultats ont été obtenus après 125 pas de calcul Monte Carlo. (D’après C.S. Nichols et al. [103].)
En conclusion, la formation et la répartition des amas de grains et/ou de joints de grains dans un polycristal peuvent être appréhendées par la simulation en considérant une microstructure simple, assez éloignée des microstructures réelles. Quant aux amas réels, ils peuvent être imagés et leurs caractéristiques expérimentales analysées. Grâce aux techniques récentes attachées au microscope électronique en balayage, un grand nombre de joints de grains peut être examiné, mais la détermination des arrangements locaux reste contraignante et n’a généralement pas le caractère statistique atteint par le simple établissement de pourcentages. À défaut de connaître les textures locales dans un matériau, et uniquement à partir des proportions calculées ou mesurées expérimentalement de différents
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joints de grains, la probabilité pour qu’un chemin continu de joints d’un même type traverse un échantillon de géométrie donnée peut être prédite par la théorie mathématique de la percolation. D’ailleurs, les caractéristiques des amas observés [101] ou calculés [103] précédemment sont celles utilisées dans cette théorie. Le concept de percolation appliqué aux joints de grains et l’approche qu’il autorise de certaines propriétés d’un ensemble polycristallin ont donc logiquement leur place dans l’étude des réseaux de joints de grains. Cependant, une grande différence existe entre l’approche de la microstructure en termes de texture locale et celle en termes d’amas « percolants » : cette dernière est une approche probabiliste qui ne tient généralement pas compte des corrélations possibles entre grains et/ou joints de grains dans les polycristaux.
9.
Concept de percolation appliqué aux réseaux de joints de grains
Le concept de percolation a été introduit par Hammersley en 1954 ; on peut en trouver une présentation accessible des axiomes et des notions de base dans le livre de Stauffer [102]. Il répond à la question : comment une connexion s’établitelle d’un bout à l’autre d’une assemblée d’éléments qui ne sont reliés entre eux que partiellement et de manière aléatoire ? La percolation fonctionne par « tout ou rien », c’est un phénomène de seuil. Elle postule l’existence d’une transition brutale au seuil de percolation pc pour laquelle un amas infini d’éléments connectés apparaît (ou disparaît) quand la probabilité p de ces éléments augmente (ou diminue). En dessous du seuil de percolation coexistent des amas de forme quelconque dont la taille moyenne augmente lorsqu’on s’approche de pc . Au seuil pc , si on utilise un ensemble de très grande taille, un réseau continu d’éléments apparaît, s’étendant « à l’infini » dans différentes directions de l’espace. Cet amas, qui est infiniment fragile juste à pc , se renforce au dessus de pc en incorporant progressivement des éléments d’amas finis. La théorie de la percolation peut fournir une analyse statistique d’un phénomène de transport dans un milieu désordonné dont les propriétés dépendent de la structure locale. La configuration d’un tel milieu est en effet caractérisée par un seuil de transition qui contrôle si le transport prend place ou non. Rappelons que percolare veut dire « filtrer » et que la première application de la percolation fut la perméation d’un fluide à travers un milieu poreux. On peut donc aisément augurer de l’intérêt d’une telle approche pour l’étude de phénomènes tels la diffusion intergranulaire et le mouillage des joints de grains par un liquide. C’est ce dernier phénomène, objet d’études relativement détaillées [97, 104–106], que nous avons choisi pour illustrer brièvement les possibilités de la méthode. Plus généralement, toute propagation d’une sollicitation (glissement, fracture, corrosion. . .) d’un joint de grains apparaît comme un problème abordable par la théorie de la percolation.
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9.1.
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Réseau infini de joints de grains
Concentrons nous donc sur les joints de grains en tant qu’éléments d’un ensemble microstructural dont il est quasi impossible de décrire avec précision l’arrangement spatial, en particulier dans un polycristal à trois dimensions. Dans un modèle simplifié, les joints sont divisés en deux catégories : ceux qui résistent mal à une sollicitation donnée appelés joints faibles et ceux qui y résistent ou joints forts. Se pose alors la question du pourcentage de joints d’un type donné requis pour qu’une sollicitation se propage au travers ou le long de ces joints. Si le pourcentage de certains joints augmente, la probabilité p pour que ces derniers forment des amas de tailles de plus en plus grandes augmente aussi. Lorsque ce pourcentage atteint le « seuil de percolation » pc , la probabilité de trouver un amas qui relie un bord à l’autre de l’échantillon est pratiquement égale à 1, et cela indépendamment de la répartition détaillée des joints. La valeur du seuil pc marque la frontière entre amas disjoints et amas percolant dans un réseau infini. Deux types de percolation de réseau sont généralement décrits, impliquant soit des sites, soit des liens dans le réseau. Tous deux sont utilisés pour analyser les amas de grains ou de joints de – La percolation de liens rend compte d’une connexion entre deux sites voisins (lien conducteur) ou non (lien coupé). Un lien peut être, par exemple, un joint de grains entre deux cristaux ou entre deux jonctions triples. Si les connexions sont suffisantes pour former un chemin continu, la probabilité de transfert via ces liens est égale à 1, le système atteint son seuil de percolation pc qui dépend de la forme du réseau. Dans un réseau cristallin, la valeur de ce seuil diminue régulièrement lorsque le nombre de coordination Z augmente selon [107] : d (3.56) Z .pc = d −1 avec d la dimension euclidienne du milieu. – Dans le cas de la percolation de sites, un site est soit « occupé » soit « vide ». Chaque nœud du réseau est occupé aléatoirement avec une probabilité p ou vide avec une probabilité 1−p. Ce cas peut aussi être considéré comme un point de vue complémentaire à la percolation de liens : un site est « actif » s’il est voisin d’un autre site actif (il y a alors un lien conducteur entre eux) ou « inactif ». Ce type de percolation s’applique bien à la connexion entre deux cristaux (sites) de même orientation (sites considérés comme actifs) reliés par un joint de grains de faible angle (lien conducteur). Le seuil de percolation de sites dépend aussi du nombre de coordination mais de manière moins claire que dans les cas de percolation de liens. Les problèmes de percolation ne dépendent généralement pas d’un seul processus, mais simultanément de propriétés de sites et de liens. À titre d’exemple, pour aborder le mouillage intergranulaire par la percolation, les joints de grains sont tout d’abord séparés en deux catégories : les joints pénétrables, d’énergie γJ > 2γLS , considérés comme des éléments pleins et les joints
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non accessibles par le liquide, d’énergie γJ < 2γLS , considérés comme des éléments vides. La probabilité de mouillage p correspond à la fraction de joints de grains dont l’énergie est supérieure à 2γLS . Si l’énergie intergranulaire est distribuée selon une loi de Gauss N (γJ , ∆γ) (Sect. 7.4), la fraction de joints pénétrables p peut être estimée comme la fraction de l’aire sous la courbe de distribution des énergies à droite de la ligne γJ = 2γLS [97]. Une preuve expérimentale de cette estimation découle de l’étude du mouillage dans le système NaCl-H2 0 où la transparence des échantillons permet d’évaluer la fraction de joints mouillés par l’eau à environ 30 %, en bon accord avec la valeur déduite du spectre d’énergies pour γJ = 75 mJ.m−2 , γLS = 40 mJ.m−2 et une largeur relative du spectre w = ∆γ/γJ = 0,3 (Fig. 3.86).
F IG . 3.86 – Courbe typique de la distribution des énergies intergranulaires en supposant que γLS est isotrope. La probabilité de mouillage est donnée par Q % (aire en gris/aire totale). (D’après V. Yu Traskine et Z.N. Skvortsova [97].)
La topologie adoptée par le liquide intergranulaire reflète donc le réseau de joints de grains de haute énergie. La propriété de transport du liquide au travers de l’échantillon est alors évaluée en se référant à la théorie de la percolation et en postulant l’existence, dans un système infini, d’une concentration critique de joints de grains mouillés pc (ou seuil de percolation) pour laquelle un amas infini de joints connectés apparaît (p ≥ pc ).
9.1.1.
Seuils de percolation
La valeur de pc dépend de la topologie du matériau. Quelques valeurs typiques en sont données dans le tableau 3.XV, elles peuvent être utiles pour des réseaux de joints de grains, à deux dimensions (d = 2) dans des couches minces ou des polycristaux bidimensionnels (plaquette fine dont l’épaisseur est inférieure à la taille des grains) et à trois dimensions (d = 3) dans des polycristaux massifs. Dans l’approche du mouillage intergranulaire, les paramètres de la distribution des énergies intergranulaires étant connus, la condition de propagation infinie du liquide (fraction de joints pénétrables égale au seuil) peut être définie par une crit /γJ [105]. Un exemple est valeur critique minimale de l’énergie interfaciale γLS
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TAB . 3.XV – Quelques exemples de valeurs des seuils de percolation de liens et de sites pour différents réseaux.
Système cristallin Hexagonal (nid d’abeilles) Carré Triangulaire Polygones de Voronoï Cubique diamant Cubique centré Cubique faces centrées Polyèdres de Kelvin
d 2 2 2 2 3 3 3 3
Z 3 4 6 6 4 8 12 14
pc (liens) 0,653 0,500 0,347 0,329 0,370 0,178 0,119 0,096
pc (sites) 0,696 0,593 0,500 0,500 0,450 0,245 0,198 0,154
donné sur la figure 3.87 qui représente la fraction de joints mouillés en fonction du rapport γLS /γJ pour différentes largeurs w de la distribution des énergies. Si les joints de grains d’un réseau ont tous la même énergie (w = 0), la condition crit /γJ = 0,5 est vérifiée quelle que soit la topologie du réseau. La valeur du γLS crit rapport γLS /γJ correspondant au seuil de percolation pc = 0,653 valable pour un réseau bidimensionnel en nids d’abeilles (lame mince) est inférieure à 0,5. Au contraire, ce rapport est supérieur à 0,5 pour un réseau tridimensionnel d’un polycristal avec un nombre de coordination Z = 10 et un seuil de percolation pc = 0,21. crit crit (2D) et γLS (3D) augmente avec la largeur La différence entre les valeurs de γLS de distribution des énergies [106]. Il en résulte que pour un même système, le comportement au mouillage d’échantillons 2D et 3D doit différer d’autant plus que les énergies des joints sont plus largement dispersées. À la même température, la pénétration du liquide peut se propager dans un polycristal tridimensionnel et être stoppée dans une lame bidimensionnelle. Les seuils de percolation ont été estimés pour un polycristal « idéal » constitué de grains identiques polyédriques avec 12 faces et 5 côtés par face et dont les joints de grains sont distribués aléatoirement. Différents sous-systèmes de percolation peuvent être envisagés pour une même structure selon l’élément mouillable. Si les éléments percolants dans une structure 3D sont les plans de joint et si le nombre de coordination Z est pris égal à 10 (intermédiaire entre Z = 8 pour le système CC et Z = 12 pour le système CFC), on utilise un seuil de percolation de sites égal à 0,21. Si les éléments percolants sont les jonctions triples, un système de percolation de liens dans un réseau diamant (d = 3 et Z = 4) est représentatif du réseau connecté avec un seuil pc = 0,37. Enfin, si le polycristal est une lame mince avec une seule couche de grains dans son épaisseur (d = 2), chaque plan peut être identifié à un lien dans un réseau nid d’abeilles, le seuil de percolation atteint la valeur 0,65, le chemin de percolation est considérablement plus court que dans un système 3D. Différents cas de connectivité des joints de grains dans une structure polycriscrit talline 3D sont présentés dans le tableau 3.XVI. Les valeurs de γLS sont données pour une distribution normale des énergies, une valeur moyenne γJ et une largeur de distribution égale à 0,3 [106].
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F IG . 3.87 – Fraction des joints de grains pénétrés en fonction de l’énergie relative intercrit faciale γLS /γJ pour différentes largeurs w de distribution des énergies intergranulaires. (D’après P. Volovitch et al. [106].) TAB . 3.XVI – Différents types de connectivité des joints de grains pour une structure polycristalline tridimensionnelle. La propagation du liquide au travers des éléments sélectionnés formant le réseau est infinie seulement si l’énergie interfaciale est inférieure à une valeur critique (voir texte). Les points de contacts sont indiqués par Q pour points quadruples et J pour jonctions triples [106].
Éléments formant le réseau Schéma
Contact par Seuil pc crit γLS
Jonctions triples (J )
Joints de grains
Joints de grains
Q 0,39 0,67 γJ
Q +J 0,16 0,65 γJ
J 0,21 0,62 γJ
L’utilisation du concept de percolation pour aborder, d’une manière pratique le mouillage intergranulaire apparaît donc prometteuse. Cependant, plusieurs problèmes limitent l’application du modèle : le choix du paramètre qui distingue entre faible et haute énergie est quelque peu arbitraire, la topologie du polycristal qui ne correspond jamais totalement à celle de référence, l’existence quasi inévitable d’une texture du matériau et d’une contrainte non nulle et surtout la taille
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finie de l’échantillon. Ce dernier paramètre joue un rôle majeur dans la perméabilité d’un réseau de joints. On constate généralement un déplacement du seuil de percolation à une valeur pc∗ > pc si les échantillons sont étroits et une valeur pc∗ < pc si les échantillons sont courts.
9.1.2.
Structures fractales des amas
Au voisinage du seuil de percolation, toute propriété X , en particulier la taille du plus gros amas, varie en moyenne avec le taux p, selon : X ∝ |p − pc |n
(3.57)
où n est l’exposant critique. Une valeur élevée de n indique que la propriété s’établit difficilement au-dessus de pc . Les différences entre les systèmes variés s’estompent au voisinage de pc , tous présentent un comportement universel. Leurs propriétés ne dépendent plus de leur structure détaillée, mais obéissent à des lois globales appelées « lois d’échelle ». Tous les problèmes de percolation 2D forment une famille unique, de même tous les problèmes de percolation 3D forment une autre famille. Lorsqu’on se trouve exactement au seuil de percolation, les amas forment un fractal : chaque portion d’amas agrandie est self-similaire à l’amas entier. L’exposant n dans la relation (3.57) détermine la topologie fractale des amas de percolation caractérisée par la longueur de percolation ξ et par la dimension fractale de Hausdorff d [102, 108] qui diffère de la dimension euclidienne. Ainsi, lorsqu’on est proche de pc , d = 1,9 (au lieu de d = 2) pour un système bidimensionnel et d = 2,5 (au lieu de 3) pour un système tridimensionnel. Pour un système à deux dimensions, le nombre de points requis pour établir une valeur fiable de la dimension fractale avec une précision de ±0,01 est estimé à 100.
9.2.
Réseau fini de joints de grains
Les seuils de percolation calculés précédemment supposent un système infini. En pratique, pour les systèmes finis tels les réseaux de joints de grains dans un polycristal réel, le seuil de percolation n’est pas étroitement défini. Toute valeur effective du seuil obtenue numériquement ou expérimentalement ne doit être extrapolée à un système infini qu’avec beaucoup de prudence. En effet, l’application de la théorie de la percolation dépend d’une manière cruciale de la dimension du système. D’une manière générale, on définit un seuil effectif de percolation pc∗ pour un réseau fini de longueur L par : |pc∗ − pc | ∝ L−1/ν
(3.58)
avec ν, l’indice critique de longueur de corrélation, égal à 4/3 pour les structures à deux dimensions et ν ≈ 0,9 pour les structures à trois dimensions [108].
464
9.3.
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Percolation corrélée
De nombreux problèmes de percolation se posent dans un milieu non aléatoire où l’occupation d’un site ou d’un lien peut influencer l’occupation de ses voisins. Un facteur de corrélation inhérent aux polycristaux est la désorientation θ entre cristaux qui influence, entre autres, la probabilité P de mouillage d’un joint de grains ou encore la fraction de joints mouillés. Dans ce contexte de mouillage, les valeurs des seuils de percolation pour une distribution aléatoire des angles θ sont comparées à ces valeurs pour un système corrélé de désorientations, obtenues par simulation à partir des orientations des grains voisins. La différence des valeurs des seuils décroît lorsque le nombre de coordination augmente. Dans le cas des lames minces, elle atteint une valeur maximale voisine de 0,02 (Fig. 3.88) [104]. Si la dépendance p (θ) est connue, on peut modéliser les propriétés de percolation des matériaux texturés.
F IG . 3.88 – Déplacement du seuil de percolation résultant du caractère corrélé des désorientations des joints de grains dans un réseau nid d’abeilles. (D’après V. Traskine et al. [104].)
Les polycristaux des matériaux à faible énergie de faute d’empilement constituent des systèmes où les joints de grains ne sont pas connectés d’une manière quelconque avec la présence d’un grand nombre de joints Σ3n contraints à respecter la règle de combinaison (3.1) aux jonctions triples. De nombreuses approches par percolation des propriétés de ces polycristaux existent, toutes partent de l’hypothèse d’une distribution aléatoire des joints de grains classés en deux catégories : joints « susceptibles » et joints « résistants » au transfert de l’information (corrosion, diffusion, fracture intergranulaire. . .). La catégorie des joints résistants est supposée être majoritairement constituée par ceux d’indice Σ3n . Cette hypothèse est très discutable car seuls les joints de macles Σ3 de plan {111} ont des propriétés de résistance vraiment différentes de celles des autres joints de grains. Malgré
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cette remarque, l’approche de Schuh et al. [94] mérite d’être rapportée : la simulation de Monte Carlo est utilisée pour construire des réseaux 2D de joints de grains en maintenant la distinction entre deux catégories de joints et en ajoutant la contrainte que représente pour un réseau de joints la règle de combinaison aux jonctions triples. Rappelons que cette contrainte est définie par le rapport A = f3 /fΣ où f3 est la fréquence de joints Σ3 et fΣ celle des joints de coïncidence, principalement Σ3n . Le seuil de percolation de liens est considéré ici comme celui associé au pourcentage de joints résistants dans un réseau hexagonal 2D : pc = fΣc = 1 − 0,653 = 0,347 [108]. Il existe donc un réseau infini de joints susceptibles (les joints généraux avec Σ > 29) si p < 0,347, ce réseau est détruit lorsque le pourcentage de joints résistants augmente (p > 0,347), bloquant la propagation du transport. La percolation est étudiée sur une grille hexagonale de 100 grains sur chaque côté, soit environ 3.104 joints de grains. Pour un ensemble de données fΣ et A, plusieurs centaines de réseaux sont construits et la fraction de réseaux Π contenant un amas percolant de joints susceptibles est calculée. La figure 3.89 montre l’évolution de ce rapport Π en fonction de la fraction de joints résistants fΣ . Le seuil de percolation pour une distribution aléatoire des joints de grains (courbe en trait gras) est égal à 0,347, en accord avec les résultats de la théorie classique de percolation ; il est repoussé vers les valeurs plus élevées lorsqu’une contrainte cristallographique est imposée : pc ≈ 0,5 pour A = 0,67 et pc ≈ 0,55 pour A = 0,5, le pourcentage de joints Σ3 représentant alors la moitié des joints coïncidents. Notons que le sens de ces déplacements est en accord avec la tendance révélée précédemment [104], mais l’amplitude est bien supérieure. Contrairement aux seuils calculés pour des systèmes infinis qui sont abrupts, chaque courbe Π en fonction de fΣ montre une certaine dispersion au voisinage du seuil de percolation, cet effet est dû à la taille finie du système. La mise en vigueur de l’équation de combinaison (3.1) et donc l’existence de contraintes locales ont un impact substantiel sur le comportement à la percolation d’un réseau de joints de grains [94]. Dans tous les cas, le pourcentage de joints « résistants » nécessaire pour rompre un chemin continu de joints « susceptibles » à une détérioration doit être supérieur (pc ≥ 0,5) au seuil de percolation de liens classique en 2D (pc = fΣc = 0,347). Les résultats précédents sont limités aux réseaux 2D, mais il existe des lois d’échelles qui relient les problèmes standard de percolation en deux et trois dimensions [108]. Ces lois ne sont applicables que si la microstructure, ici la distribution des joints de grains, est isotrope. C’est souvent le cas des microstructures dominées par les joints de macle pour lesquelles les travaux expérimentaux détectent une nette tendance à l’isotropie. Du point de vue de l’ingénierie, les réseaux de joints 3D des matériaux à maclage multiple doivent donc être appréhendés avec un critère bien plus exigeant que celui suggéré par la théorie de la percolation. Si un facteur vient influer sur la distribution des éléments, par exemple une texture dans le cas d’un polycristal, la percolation est dite dirigée. Ainsi, dans le cas du mouillage intergranulaire, un champ de contrainte peut inhiber ou accentuer le phénomène dans certaines directions, il en résulte une anisotropie du seuil de percolation qui peut conduire à une transition d’une géométrie 3D à une géométrie 2D impliquant une augmentation de pc .
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L ES
JOINTS DE GRAINS
F IG . 3.89 – Probabilité Π pour que des joints de grains susceptibles à une sollicitation dans un réseau hexagonal de côté 100 grains percolent, en fonction du pourcentage de joints résistants fΣ La courbe en gras illustre les résultats pour des joints non contraints, ils sont en accord avec ceux obtenus par la théorie classique de la percolation aléatoire. Les courbes en traits fins montrent le déplacement du seuil de percolation lorsque des contraintes cristallographiques sont imposées au système. (D’après C.A.´zSchuh et al. [94].)
En conclusion, la théorie de la percolation est purement probabiliste et ne repose sur aucune corrélation dans l’arrangement spatial des joints de grains. Dès qu’on veut appliquer ce modèle de percolation à la relation entre distribution des joints et une propriété de l’ensemble polycristallin, on se heurte à plusieurs complications : – Les solutions sont obtenues pour des réseaux idéaux (polyèdres de Kelvin identiques par exemple) ce qui est rarement le cas de l’organisation des grains. – Dans sa version la plus simple, le modèle de percolation repose sur une description binaire de la microstructure avec l’existence de deux catégories de joints de grains, faibles et résistants. Dans la pratique, on peut envisager des réponses plus nuancées des joints à la sollicitation, dépendant d’une manière plus complexe de leurs paramètres géométriques. – Dans la réalité, des joints faibles peuvent être préférentiellement associés à d’autres joints faibles (de même pour les joints forts) et alors une faible proportion de joints d’un même type est suffisante pour former un réseau continu. – La condition pour un réseau connecté de joints faibles d’être dispersés dans tout l’échantillon peut conduire à une surestimation de la résistance du matériau à la sollicitation. Pour rendre le matériau vulnérable, il suffit qu’un
C HAPITRE 2 – L E
RÉSEAU DE JOINTS DE GRAINS
( TEXTURE
DES JOINTS DE GRAINS )
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amas de joints faibles excède une dimension critique. À l’extrême, on sait que la rupture d’une céramique dépend de l’existence d’un maillon faible selon la statistique de Weibull, de même l’existence d’une portion de joints « faible » peut être suffisante pour provoquer la rupture intergranulaire ; il est alors caduque d’envisager une propagation via un chemin continu « de percolation ». – Le seuil de percolation peut différer selon le type de dégradation intergranulaire : chemin à une dimension pour la corrosion, chemin à deux dimensions pour la rupture intergranulaire. . . Par ailleurs, les considérations « fractales » au seuil de percolation sont appliquées essentiellement à la forme ou à la taille des amas, bref à des propriétés géométriques. La théorie pure de la percolation est très en avance sur les applications. Deux ordres de difficultés peuvent être signalées : – Il est rare de pouvoir procéder à des expériences conformes aux conditions théoriques dans lesquelles l’échelle microscopique où se produit la transmission entre éléments du réseau est réellement très petite par rapport à l’échelle macroscopique, celle du réseau entier. – Les aspects dynamiques sont difficiles à caractériser dans la pratique. Cependant, malgré toutes ces restrictions, la théorie de la percolation fournit un outil mathématique qui peut être utilisé pour prédire certaines propriétés macroscopiques des matériaux polycristallins quand la connectivité d’un des composants de la microstructure gouverne le comportement de l’ensemble : diffusion aux joints de grains à relativement basse température (lorsque la diffusion en volume est négligeable), corrosion intergranulaire, mouillage des joints de grains par un liquide, fracture intergranulaire. . . Toutes les remarques (avantages et limites) qui accompagnent l’approche par la percolation du mouillage aux joints de grains peuvent être étendues à tout phénomène de transport (diffusion, conduction électrique. . .) et à toute propagation d’une sollicitation via les joints. On a en particulier vu que la propagation d’une rupture intergranulaire (Fig. 3.77) dépend du type de joints de grains et que la connexion de certains joints, plus sensibles que les autres à la rupture, peut conduire à l’existence d’un chemin continu de fissuration. En l’absence d’une description détaillée du réseau de joints de grains, une approximation du pourcentage critique de joints susceptibles de transmettre une information peut permettre de prédire le comportement d’un polycristal. En ce sens, l’approche du mouillage intergranulaire par la théorie de la percolation constitue un exemple utile pour aller vers une ingénierie des joints de grains.
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Épilogue « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté » Ch. Baudelaire
Nous ne sommes pas arrivés au bout de notre itinéraire « Joints de grains », mais pour autant nous sommes loin de notre première étape. Celle-ci se déroulait dans un territoire connu, décrit dans de nombreux ouvrages, certes un peu aride avec ses éléments de « bicristallographie », ses contraintes à deux niveaux, intrinsèque et extrinsèque, ses unités structurales, mais territoire riche de toutes ses spécificités. Dans une seconde étape, nous avons traversé des domaines plus instables où les propriétés de chaque individu dépendent fortement des interactions avec ses voisins et nous avons tenté d’appréhender les changements qui en résultent. En fin de parcours, nous avons pris des risques en nous aventurant dans des régions où les comportements collectifs priment sur les comportements de chacun, là où la loi des réseaux prévaut. D’autres contrées n’ont pas été explorées, celles des propriétés, mais nous avons fait quelques incursions dans certaines d’entre elles. Nous avons également fourni les bagages et les renseignements suffisants pour entreprendre le périple. Nous espérons avoir rempli l’objectif sous-jacent dans toutes les étapes de l’ouvrage, celui d’inciter nos lecteurs à entreprendre un voyage vers une sorte d’Eldorado : Là où les chemins des différents explorateurs du domaine « Joints de grains » convergent, Là où s’estompent les frontières internes du monde des Matériaux. On peut être scientifique et rêver . . .
Bibliographie des ouvrages spécialisés du domaine
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Index
Cet index ne prétend pas être exhaustif. Nous pensons avoir répertorié les principaux mots et expressions caractéristiques de l’objet « joint de grains » sans avoir échappé cependant à certains recoupements avec le plan détaillé donné au début de l’ouvrage. A Accommodation des dislocations (ou relaxation des contraintes intergranulaires), 148, 219, 261, 264, 283–319 Amas (de grains ou de joints), 367, 375, 405, 423, 445–459, 463 Angle de contact, 231, 241 Attaque (ou gravage) thermique, 372, 425, 427 B Bicristallographie, 5, 10–26 C C.n.i.d. = maille des déplacements non identiques, 13, 14, 28, 119–121, 126, 159, 160, 314, 315 Cavitation, 283, 372, 425 Champs de contraintes élastiques aux joints, 48–50, 88, 92–95, 106, 152, 203, 292–300, 346 Changement (ou transition) de phases au joint de grains, 2, 97–99, 139, 140, 180, 181, 192, 193, 196, 207–209 Classification des joints de grains, 3, 26–30, 128–133, 368, 370, 371
Coefficient de diffusion intergranulaire, 100, 227, 248, 249, 285, 305, 316, 371, 427 Coefficient (ou facteur) d’enrichissement, 169, 170, 224 Coïncidence Coïncidence approchée, 21–23, 42–44 Coïncidence planaire ou bidimensionnelle, 17–19 Coïncidence unidimensionnelle ou « plane matching », 14–21, 42, 364, 372, 395 Concept et réseau de coïncidence, 10, 15, 18 Combinaison de dislocations, 264, 268–269 Complexe bicolore, 11–13 Construction de Wulff, 111–113, 239–248, Corrosion intergranulaire, 180, 365, 367, 372, 375, 403, 445, 452, 464, 467 Critères de faible énergie, 123–128 D Décomposition de dislocations, 264, 267, 269–273 Déconnection, 155, 235 Défaut ponctuel, 147, 149–151 Degré de liberté (ou paramètre) macroscopique, 6–8, 26–28, 30, 54, 105–118, 181–195
480
Degré de liberté (ou paramètre) microscopique, 6–8, 13, 14, 28, 51, 104, 119–123, 180 Densité d’états électroniques, 211–218 Densité de vecteur de Burgers, 31–33, 47, 152, 159, 284, 360 Désinclinaison, 50, 95, 96, 107, 108, 291, 346, 354–357, 361, 362 Désorientation (voir définition élargie p. 8), 8, 9, 15, 23, 25, 29, 34, 38, 39, 42, 45–47, 50, 54–59, 65, 66, 70–72, 76–84, 87, 89, 94, 95, 105–111, 118, 124, 125, 127–133, 152, 181–183, 192, 316, 337, 360, 362, 369, 422–424, 430 Dislocation intergranulaire De cohérence/anti-cohérence, 33, 34 De désaccord, 234–236 Extrinsèque, 147, 148, 152–160, 218–221, 229, 250–253, 261, 264, 270–274, 281, 284–292, 296–319, 362, 371, 372 Intrinsèque, 2, 25, 35–48, 88–95, 100, 147, 152, 153, 196–199, 290, 303, 304, 307–310, 344–346, 354, 371, 412 Intrinsèque primaire, 35–39, 45, 46, 105, 196 Intrinsèque secondaire, 39–46, 88–95, 105, 196, 296, 303, 307–310, 344 Partielle, 48, 277, 278, 280 Distance interplanaire effective, 122, 126, 127, 317, 370 Distribution Des caractéristiques des joints de grains (GBCD), 366 Des cinq paramètres macroscopiques, 366, 420–424 Des désorientations (GBMD), 366, 373–413, 422, 423, 455, 456 Des énergies intergranulaires, 427–429, 442–444, 460 Des joints de grains de coïncidence (CGBD), 366, 376–413 Des jonctions triples, 428–441 Des plans de joints, 413–420, 423, 424
I NDEX
E Énergie d’une jonction triple, 349–354 Énergie (enthalpie libre) de ségrégation, 164, 167, 171–173, 176, 185–192, 199 Énergie interfaciale (ou intergranulaire), 3, 15, 16, 25, 47, 50, 103–133, 159, 160, 166, 214, 229–237, 287–289, 338, 339, 343, 346, 352, 357, 370, 388, 416, 427–429, 442–444, 460 F Fonction (ou degré) de corrélation, 373–375, 398–400, 445 Formation de facettes, 28, 71, 76, 115–118, 135, 137, 192, 416–418 Force image, 255–260 Forces capillaires, 112–114 Fracture (rupture) intergranulaire, 367, 372, 375, 403, 411, 425, 446–448, 458, 464, 467 Fusion au joint de grains, 98–101 G Glissement intergranulaire, 100, 221, 283, 291, 318, 333, 371, 372, 425, 445, 458 I Ingénierie des joints de grains, 140, 190, 319, 330, 364, 396, 399, 424, 429, 453, 467 Invariance (invariant), 5, 10, 23, 25, 35 J Joint de grains Amorphe, 1, 2, 51, 100, 101, 135, 137–140 CAD = joints de coïncidence uniaxiale, 19, 20, 369, 375–378, 391, 395, 412, 436, 437 Commensurable/incommensurable, 28, 30, 69, 77, 129 CSL = joint coïncident (ou de coïncidence), 26, 39–45, 55, 332, 333, 375–413, 429, 432–441, 453, 454
I NDEX
481
Délimitant, 58–67, 81, 88, 89, 106 Favorisé, 54–63, 76, 81, 82, 86, 89, 108 (de) Flexion asymétrique, 27–30, 69, 70, 75–79, 83, 86, 109, 115–118, 126–129, 131–133, 136, 186, 313, 349, 416 (de) Flexion symétrique, 27–30, 34, 36–38, 46, 47, 49, 53, 56–61, 71, 72–75, 80–87, 90–93, 105, 108, 109, 112, 120, 123, 126, 130, 131, 139, 150, 182, 186–188, 192, 199–205, 208, 265–267, 271–273, 300–302, 346, 416 Général, 26, 55, 56, 128, 129, 135, 137, 138, 140, 147, 190, 284, 286, 288, 302, 303, 309–316, 318, 333, 343, 351, 390–394, 398, 399, 402, 403, 405–407, 410, 415, 429, 438, 447–450, 453, 454 Quasi-périodique (ou quasi-cristallin), 1, 2, 51, 67, 69, 77, 159, 160, 315 Singulier, 128, 129, 135, 147, 288, 302, 303, 333, 429 (de) Torsion, 27, 29, 38, 39, 42, 43, 50, 79, 80, 93–95, 109–111, 136–139, 196 -199, 268, 315 (à) Trois dimensions, 2, 72–75, 147 Vicinal, 128, 129, 147, 269, 288, 302, 303, 307, 308, 333, 429 Jonction triple, 283, 319, 330, 331–364 L Localisation (délocalisation) du cœur d’une dislocation, 159–160, 265, 266, 284–286, 310, 314 M Maille de Wigner-Seitz, 13, 35 Marche au joint de grains, 41, 89, 147, 154–156, 235, 273, 281, 342 Mouillage intergranulaire, 100, 237, 240, 349, 372, 427, 428, 459–462, 464, 465, 467 O Opérateur d’interface = isométrie, 5–7
Opération de symétrie, 5, 6, 8, 11–13, 47, 48, 334, 335 P Plan du joint Médian, 27, 54, 59, 69, 76, 10 Moyen, 27–29, 105, 115, 118, 135, 136, 181–185, 341, 370, 387, 401, 413–420 Percolation, 367, 401, 451, 452, 458–467 Précipitation intergranulaire, 148, 219, 229–253, 392 Q Quaternion, 9, 10 R Règle de combinaison des indices de coïncidence, 332, 429–434 Relaxation atomique locale au joint de grains, 14, 51, 104, 123, 424 Réseaux Réseau bicolore, 12, 14 Réseau de coïncidence (CSL), 14–23, 35, 39 Réseau de décomposition, 64–65 Réseau DSC, 16–18, 39–43, 48, 88, 153–156, 265, 269–273, 277–281, 284, 332, 333, 355, 412 Réseau-0, 23–25, 35, 36, 38 Réseau-02, 25, 40 Rotation (ou description) équivalente, 8, 9, 24, 29, 47, 332, 344, 346, 376, 415 S Ségrégation intergranulaire, 148, 161–227, 228, 317, 318, 392–396 Ségrégation d’équilibre, 161–221 Ségrégation hors d’équilibre, 162, 221–227 Structure atomique du joint de grains, 51–96, 199–210 Structure électronique du joint de grains, 210–218 Surface γ, 13, 119–121, 159, 314
482
I NDEX
T Température de compensation, 189, 191, 192 Tenseur de densité de dislocations, 31, 360 Tension interfaciale, 103, 338 Texture des joints de grains, 330, 364, 365–428 Translation rigide, 5–7, 13, 98, 119–123, 159, 160, 355 Transmission de dislocations, 261, 264, 273–277, 307
Tricristal, 331, 333–335, 343, 349, 362 Tricristallographie, 333–337 U Unité structurale, 2, 51, 52, 54–96, 106–108, 153, 180, 199–208, 267, 291, 346–349 V Vecteur de Rodrigues, 9, 10, 422, 423
Crédits
Figs. I.28, I.57, I.58: A.P. Sutton et al., Phil. Trans. R. Soc. Lond. A309, 1983, p. 1. c The Royal Society. Reprinted (Figs. I.32, I.41) with permission from J.D. Rittner et al., Phys. Rev. B54, p. 6999, 1996. Copyright 2006 by the Americal Physical Society. Reprinted (Fig. I.44) with permission from J.D. Rittner et al., Phys. Rev. B53, p. 4241, 1996. Copyright 2006 by the Americal Physical Society. Reprinted (Figs. II.48) with permission from A. Maiti et al., Phys. Rev. Letters 77, p. 1306, 1996. Copyright 2006 by the Americal Physical Society. Reprinted (Figs. III.10, III.11, III.12, III.17) with permission from O.A. Shenderova et al., Phys. Rev. B60, p. 7053, 1999. Copyright 2006 by the Americal Physical Society. Reprinted (Fig. III.14) with permission from S. Costantini et al., Phys. Rev. B63, p. 221, 2001. Copyright 2006 by the Americal Physical Society. Fig. I.50: Interface Science 2, 1995, p. 311, K.L. Merkle, figure 4, with kind permission from Springer Science and Business Media. Figs. I.73a, I.73b: Interface Science 2, 1995, p. 397, N.D. Browning et al., figures 7 et 13, with kind permission from Springer Science and Business Media. Reprinted with permission of Elsevier: Fig. I.82, Acta Metall. 35, V. Paidar, p. 2035, 1987. Fig. II.19, Acta Metall Mater. 43, W. Swiatnicki et al., p. 795, 1995. Figs. II.33, II.34, II.35, II.38, Acta Mater. 45, J.D. Rittner et al., p. 3192, 1997. Figs. II.39, II.41, Acta Mater. 32, M. Hashimoto et al., p. 13, 1984.
484
C RÉDITS
Figs. II.40, Acta Mater. 50, E. Cadel et al., p. 957, 2002. Figs. II.45, II.46, Acta Mater. 51, S. Fabris et al., p. 71, 2003. Figs. III.1, III.2, III.13, Acta Mater. 47, S.G. Srinivasan et al., p. 2831, 1999. Fig. III.20, Acta Metall. Mater. 41, V.V. Rybin et al., p. 2211, 1993. Fig. III.44, Acta Metall. Mater. 45, K. Matsumoto et al., p. 439, 1997. Fig. III.49, Acta Metall. 37, R. Shimizu et al., p. 1241, 1989. Figs. III.59, III.60, Acta Metall. 51, D.M. Saylor et al., p. 3663, 2003. Fig. III.79, Acta Mater. 51, C.A. Schuh et al., p. 687, 2003. Figs. III.83, III.84, III.85, Acta Metall. Mater. 39, C.S. Nichols, p. 1757, 1991. c Edpsciences. Fig. II.86: J. de Physique 46 (1985) C4-465, Y. Ishida et al. Fig. II.92: Microsc. Microanal. Microstruct. 4 (1993) 221, H.M. Michaud et al. c Edpsciences. Fig. II.109: Microsc. Microanal. Microstruct.1 (1990) 395, J. Thibault et al. c Edpsciences. Fig. I.19, I.22, I.23, I.31, I.38a, I.38b, I.39, I.40, I.43, I.47, I.59, I.61, I.60, I.63, I.76, I.77, I.78, I.83, II.1, II.27, II.28a, II.28b, II.28c, II.29a, II.29b, II.29c, II.30, II.42, c droits réservés. II.77a, II.77b, II.82, II.83, II.90a, II.91, II.88, III.67 :
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