Corinne Dubois
Le guide de
l’éolien, techniques et pratiques
Corinne Dubois
Le guide de
l’éolien,
techniques et pratiques
Conception Nord Compo
L’énergie éolienne est un moyen de production performant, efficace et durable. En termes de production d’électricité, elle est l’une des filières les plus propres, les plus sures et les plus rapides à mettre en place tout en étant renouvelable. Pourtant, parfois, cette technologie a suscité la polémique. Peu d’infrastructures de production d’énergie ont suscité autant d’avis contradictoires au sein même de groupes de pensée, et aussi peu d’objectivité scientifique et technique… Ainsi, cet ouvrage vous permettra de mieux comprendre cette technologie et toutes les étapes nécessaires à la réalisation d’un projet, « pour transformer une idée et du vent en électricité renouvelable ».
l’éolien, techniques et pratiques
Le guide de
DANS LA MÊME COLLECTION Philippe Guillet. – Le guide des piscines naturelles et écologiques, G12348, 2008. Michel Tissot. – Le guide de l’énergie solaire et photovoltaïque, G12332, 2008. Brigitte Vu. – Le guide de l’eau domestique, G12372, 2008. Brigitte Vu. – Le guide de l’habitat passif, G12365, 2008. CHEZ LE MÊME ÉDITEUR Léon-Hugo Bonte. – Réaliser et entretenir son mur végétal, G12342, 2008. Bertrand Gonthiez. – Utiliser l’eau de pluie, G12275, 2008. Paul de Haut. – Construire une maison non toxique, G12253, 2008. Bruno Herzog. – Le puits canadien, G12141, 2008. Éric et Tina Masson. – Jardiner écologique, sans pesticide, G12254, 2008. Emmanuel Riolet. – L’énergie solaire et photovoltaïque pour le particulier, G12221, 2008. Brigitte Vu. – L’isolation écologique, G12265, 2007. Brigitte Vu. – La maison à énergie zéro, G12089, 2007. Brigitte Vu. – Rénovation et Grenelle de l’environnement, G12318, 2008. Pascal Farcy. – Le compost, G12220, 2007. Paul de Haut. – 25 moyens d’économiser son argent et notre environnement, G12053, 2007. Paul de Haut. – Chauffage, isolation et ventilation écologiques, G12105, 2007. Emmanuel Riolet. – Le mini-éolien, G12143, 2007. Brigitte Vu. – 5 diagnostics immobiliers obligatoires, G12181, 2007. Brigitte Vu. – Choisir une énergie renouvelable adaptée à sa maison, G12142, 2007. Bruno Béranger. – Les pompes à chaleur, 2e édition, G12266, 2006. Brigitte Vu. – Gestion et récupération des eaux pluviales, G11949, 2006. Brigitte Vu. – L’habitat écologique et les aides de l’État, G12054, 2006. Brigitte Vu. – Récupérer les eaux de pluie, G11984, 2006.
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l’éolien, techniques et pratiques
Le guide de
Images © Corinne Dubois : 1.14, 2.1, 2.2, 2.3, 2.5, 2.6, 2.9, 2.10, 2.11, 2.12, 2.13, 2.14, 2.15, 2.16, 2.19, 2.23, 2.25, 2.26, 2.27, 2.28, 3.5, 3.16, 3.17, 3.18, 3.19, 3.20, 3.27, 5.1, 5.9, 5.12, 6.5
© Groupe Eyrolles, 2009 ISBN : 978-2-212-12431-6 ÉDITIONS EYROLLES 61, bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyrolles.com Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC) – 20, rue des Grands-Augustins – 75006 PARIS.
À mon père, qui a su me transmettre son attachement à la nature et sa curiosité pour les sciences, et à ma mère, qui m’a baignée dans le monde de l’énergie depuis mon plus jeune âge…
Sommaire Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Partie 1 – Les fondamentaux de l’énergie éolienne . . . . . . . . . . . 11 1> Une
énergie particulière . . . . . . . . . 12
Généralités sur l’énergie éolienne . . . . . . 12 Les différents moyens de production de l’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Les chiffres clefs de la production d’électricité (IEA 2008) . . . . . . . . . . . . . . . 15
Les prévisions en termes d’énergie et le productible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 La représentation énergétique en vue du micrositing . . . . . . . . . . . . . . . . 74 La représentation énergétique en vue d’une évaluation de productible . . . . 76
3> Récolter
l’énergie du vent
. . . . . . . 77
Survol des différents concepts d’éolienne . . . 78 Capter le vent : les pales . . . . . . . . . . . . . 80
Prospectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Chercher le meilleur du vent : le mât . . . . . 83
Comparaison entre sources d’énergie et impact potentiel de l’éolien . . . . . . . . . . 21
Vue globale du système fonctionnel nommé « turbine » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
L’apport de l’éolien contre l’épuisement des ressources énergétiques . . . . . . . . . . 22
Vitesse de rotation et couple mécanique : l’ensemble rotor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Le rôle de l’éolien contre le changement climatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 L’éolienne et le réseau . . . . . . . . . . . . . . . 28 Faire face aux variations de l’éolien . . . . . . 29 S’adapter à la production décentralisée . . . . 30 Notions de réseaux isolés ou interconnectés et comportement par rapport à l’éolien . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Cas de l’éolien sur des réseaux interconnectés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
En quoi consiste l’éolien ? . . . . . . . . . . . . 35 2> La
ressource en vent
. . . . . . . . . . . . 36
La ressource vent : son énergie et notre capacité à la capter . . . . . . . . . 37 Caractériser l’énergie du vent en un point . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 L’objectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Les méthodes d’acquisition des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Prédire le vent statistiquement . . . . . . . . . 61 L’objectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Les principes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 Prédire le vent sur une zone . . . . . . . . . . 64 L’objectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
6
Les modèles mathématiques de simulation du vent sur une zone . . . . . . . . . . . . . . . . 68
La transmission mécanique : avec ou sans boîte de vitesses . . . . . . . . . . 96 La transformation d’une rotation en électricité : la génératrice . . . . . . . . . . . 98 Le traitement et la transmission électrique jusqu’au point de raccordement . . . . . . . .108
Partie 2 – Les techniques de l’éolien en pratique . . . . . . . . 115 1> Les
différents types d’éoliens…
.116
Les éoliennes de pompage . . . . . . . . . .116 Les petites éoliennes . . . . . . . . . . . . . . .117 Les petites éoliennes à usage privé . . . . . .119 Les éoliennes « rurales » . . . . . . . . . . . . . .121 Les éoliennes « des îles » . . . . . . . . . . . . .121 Les éoliennes « urbaines » . . . . . . . . . . . . .122 Les éoliennes offshore . . . . . . . . . . . . . .124 Les éoliennes « mégawatts » terrestres . . .125 Les « multimégawatts » . . . . . . . . . . . . . .127 2> Développer
et construire une installation éolienne . . . . . . . .129 Le vocabulaire des professionnels de l’éolien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .130
Le développeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . .130 Le promoteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .130 L’investisseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .130 Le maître d’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . .131 Le maître d’ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . .131 Le propriétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131 L’exploitant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131 La société de projet . . . . . . . . . . . . . . . .131
La préfaisabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . .132 Définition de la préfaisabilité . . . . . . . . . .132 Les informations issues d’une étude de préfaisabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133 La durée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .134 Le coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .136 Mener soi-même la préfaisabilité . . . . . . .136
Le développement, terme sacré de l’éolien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .136 Définition du développement . . . . . . . . . .136 Contenu d’une étude de développement type . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .137 La durée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .141 Le coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .141
La gestion administrative, comptable, fiscale, juridique et financière . . . . . . . . . .157 La communication avec l’ensemble des acteurs liés à l’exploitation du parc éolien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .158
L’exploitation et la gestion technique d’un parc éolien . . . . . . . . . . . . . . . . . .158 Les différentes structures opérationnelles d’une exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . .159 La gestion de la production éolienne . . . . .162
L’entretien et la maintenance d’un parc éolien . . . . . . . . . . . . . . . . . .164 Les principaux cycles d’entretien et de maintenance . . . . . . . . . . . . . . . . .165 Les principales pièces touchées . . . . . . . .166 Statistique sur les principales défaillances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .166
Les coûts d’opération et de maintenance . . . . . . . . . . . . . . . .169 Les garanties et la couverture des risques d’exploitation . . . . . . . . . . .170
Mener soi-même le développement . . . . . .142
Partie 3 – Annexes . . . . . . . . . . . . 173
La préparation des travaux . . . . . . . . . .142
> Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .174
Les tâches de la préparation de construction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .142 La durée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .143 Le coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .144 Mener soi-même la préparation des travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .144
La construction du parc . . . . . . . . . . . . .145
Ouvrages généraux . . . . . . . . . . . . . . . .174 Publications professionnelles ou scientifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . .175 Sites Internet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .176 Les fondamentaux mathématiques et physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .176
Les corps de métier impliqués dans la construction d’un parc éolien . . . .145
Les techniques appliquées . . . . . . . . . . . .176
Le coût et la durée de construction . . . . . .154
Les sciences de la terre, du climat et de la cartographie . . . . . . . . . . . . . . .177
Mener soi-même la construction . . . . . . . .155
3> Opérer,
entretenir et assurer la maintenance d’une installation éolienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .156
La gestion d’un parc éolien comme une entreprise . . . . . . . . . . . . . .157
L’électricité et les réseaux . . . . . . . . . . . . .177
Les sciences et techniques de l’éolien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177 Les rubriques techniques et documentaires des associations de l’éolien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177 Le monde de l’énergie . . . . . . . . . . . . . .177
7
Préface Le changement climatique et la raréfaction des ressources sont maintenant bien présents dans tous les esprits. Il est nécessaire de changer nos habitudes et de mettre en avant toutes les démarches vertueuses pour inverser les tendances. Dans le domaine de l’énergie, les économies sont bien entendu indispensables, mais les sources d’énergies renouvelables devront également connaître une croissance sans précédent dans les prochaines décennies. En particulier, parmi toutes les ressources possibles (biomasse, soleil, vent, houle, etc.), l’énergie éolienne est aujourd’hui la plus accessible en termes de technologie et de coûts. Elle est donc tout naturellement appelée à prendre une place importante dans le « mix » énergétique mondial. D’ailleurs, avec 47 GW installés en Europe entre 2000 et 2007, l’éolien arrive désormais en deuxième position (derrière les centrales au gaz) en termes de nouvelles capacités électriques installées, et cette tendance ne va pas s’infléchir au cours des prochaines années ! Aujourd’hui, la puissance éolienne installée en Europe croît de 30 % par an ; cette hausse est comparable à celle qu’a connue le nucléaire dans les années 1970. Ce fort développement est dû évidemment aux qualités environnementales de cette forme d’énergie, mais également à d’autres facteurs économiques : rapidité d’installation, prévisibilité du coût sur le long terme, indépendance énergétique, etc. La France a pris relativement tard le train de l’éolien, mais il est aujourd’hui clair que cette énergie sera incontournable pour que ce pays atteigne les objectifs de réduction de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés. En 2020, si le programme éolien français est mené à bien (atteinte des objectifs du Grenelle), ce sont 16 millions de tonnes de dioxyde de carbone qui seront économisées annuellement, soit l’équivalent de 8 millions de voitures. Les éoliennes participeraient alors, proprement, à 10 % de notre consommation électrique.
8
Pour répondre à ce marché en forte croissance, la technologie éolienne a énormément évolué ces dernières années, permettant des rendements plus importants et une meilleure intégration dans les réseaux (où les éoliennes ne sont plus anecdotiques). Mais la technologie de l’éolienne ne fait pas tout le projet, et les étapes à franchir pour passer d’un site potentiel aux premiers électrons produits par un parc éolien sont nombreuses et périlleuses. Cet ouvrage permet de mieux comprendre la technologie et toutes les étapes nécessaires à la réalisation d’un projet. Il amène aussi à apprécier la technicité de tous les métiers et corps d’état qui interviennent pour transformer une idée et du vent en électricité renouvelable. Charles Dugué Consultant, 8.2 France Président de France énergie éolienne (association professionnelle regroupant les acteurs de l’éolien en France) Vice-président du Syndicat des énergies renouvelables Administrateur de l’Association européenne de l’énergie éolienne (EWEA)
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© LM Glasfiber
Par tie
1
Les fondamentaux de l’énergie éolienne Cette première partie traite des principes fondamentaux et des grandes lignes technologiques qui touchent à la transformation de l’énergie éolienne en électricité. Dans le chapitre 1, nous présenterons quelques lois politiques, économiques et humaines qui ont leur importance pour l’éolien, même si elles ne sont pas le centre de cet ouvrage dont le propos est avant tout technique. Ensuite seront abordées diverses lois physiques et mathématiques : le chapitre 2 réfère aux fondamentaux scientifiques, et le chapitre 3 à la technologie proprement dite.
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Une énergie › particulière
1
En chinois, l’idéogramme représentant le mot « crise » est la composition de deux autres idéogrammes, le premier signifie « danger », et le second « opportunité ». John F. Kennedy Un défi mondial sans précédent est lancé aujourd’hui aussi bien sur le front des ressources énergétiques que sur celui du changement climatique. Dans ce contexte, l’énergie éolienne est réapparue et prend peu à peu une place qui n’est plus négligeable au niveau des réseaux électriques. Dans ce chapitre, nous évoquerons tout d’abord la place des principaux types de production d’électricité à ce jour, et celle de l’éolien de demain. Nous verrons de quelle façon ce dernier peut représenter l’un des outils pour contrer l’épuisement des ressources énergétiques mondiales, et pour participer à la lutte contre le changement climatique. Nous examinerons brièvement la question de l’intégration de l’éolien au réseau. Enfin, nous donnerons un aperçu de l’ensemble des corps d’études et de techniques dont relève une démarche « éolienne ».
Généralités sur l’énergie éolienne Le vent est une force de la nature expérimentée par l’Homme depuis les temps anciens, bien avant que ce dernier n’ait vraiment compris 12
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
sa source physique et ses lois fondamentales. Les bateaux à voile, les cerfs-volants, les girouettes, les moulins à grains n’ont pas attendu les équations de Navier-Stockes ou les ordinateurs. Le vent est une source d’énergie propre, renouvelable quasi instantanément, et quasi infinie à l’échelle humaine et terrestre. Il doit ces caractéristiques à sa nature même : le vent naît de processus cycliques (rotation terrestre, convection chaud/froid, etc.) appliqués à l’atmosphère puis à l’air dans un contexte topographique défini.
D’où vient le vent ? Comme nous le verrons en chapitre 2, le vent est une masse d’air en mouvement dont le déplacement est provoqué par des différences de températures entre différents points de la Terre. Il y a de grandes convections bien connues des météorologues, et des convections plus locales dues à la topographie et aux effets de gradients thermiques locaux (en bord de mer par exemple). Certaines régions sont donc soumises à des vents plus ou moins violents de façon plus régulière que d’autres.
© Risø-DTU Wind Energy Division 2008
Fig. 1.1 – L’un des atlas mondiaux des moyennes annuelles de vitesses de vent (en m/s, à 10 m).
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les vallées, lorsque le vent souffle dans leur axe, peuvent aussi connaître des vents violents. Un des plus connus est le Mistral. Ce phénomène se retrouve également dans les déserts : les importantes différences de température qui apparaissent sont à l’origine de tempêtes de sable. De même, sur les océans, l’absence d’obstacle permet au vent d’atteindre des vitesses élevées et régulières. On citera aussi les zones des Westerlies (vent d’ouest) dans l’hémisphère Nord, les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants dans l’hémisphère Sud.
© NASA/JPL
Fig. 1.2 – Les vents marins du monde, vus par la NASA.
Les différents moyens de production de l’électricité Le but est ici de resituer les ordres de grandeur des différentes sources d’énergie qui permettent de produire de l’électricité. Il ne s’agit donc pas de traiter de l’énergie en général, qui est un concept beaucoup plus large, englobant les énergies utilisées pour le transport, le chauffage (non électrique), la cuisson des aliments, etc.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Quel que soit le monde de demain, une majeure partie des êtres humains consommera de l’électricité. Nous allons donc examiner les sources primaires de l’énergie électrique et leur durée de réserve estimée à ce jour.
Les chiffres clefs de la production d’électricité (IEA 2008) Il est parfois ardu de se représenter les ordres de grandeur dans le monde des chiffres de l’électricité. De plus, on peut trouver des valeurs très divergentes dans la presse. Les chiffres ci-après sont ceux fournis par l’IEA (ou AIE en français : Agence internationale de l’énergie). Il est aussi possible d’en trouver à l’IFP (Institut français du pétrole) ou bien auprès de RTE (Réseau de transport d’électricité) pour la France – ou leurs équivalents dans d’autres pays. Les chiffres sont toujours à considérer à une date donnée pour un cadre donné, ce particulièrement en matière d’éolien, qui est une technologie « jeune ». Sources primaires brutes de la production électrique mondiale en 2006 en gigawattheures (rappel : 1 GWh = 1 000 MWh = 1 000 000 kWh) Nucléaire
Hydro
Géothermie
Éolien / solaire
Tous combustibles fossiles
Cycles combinés et déchets
Monde
2 792 540
3 119 230
59 240
144 740
12 659 090 239 380
OCDE
2 355 570
1 361 520
38 090
129 120
6 445 940
204 760
436 970
1 757 720
21 160
15 620
6 213 140
34 620
Hors OCDE
L’IEA fournit régulièrement les détails de ces informations pour l’ensemble des pays de l’OCDE, et de temps à autre pour des pays hors zone OCDE.
15
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
L’OCDE
Fig. 1.3 – Les pays de l’OCDE.
L’OCDE, Organisation de coopération et de développement économique, comprend des pays aussi divers que la Corée du Sud, l’Australie, la France, les États-Unis… mais ni la Russie ni la Chine. Elle regroupe des pays au mode de vie occidental et – plus ou moins – libéral.
Les bouquets énergétiques nationaux varient considérablement d’un pays à l’autre. Sur la figure 1.4 sont représentés les bouquets énergétiques de cinq différents pays de l’OCDE. Il en ressort, entre autres, que le modèle français est une réelle exception en la matière. Fig. 1.4 – Bouquet énergétique de cinq pays ciblés, selon les données de l’IEA 2006, en gigawattheures par an. 1 200 000
1 000 000
Cycles combinés & déchets
800 000
Tous combustibles fossiles Éolien / solaire
600 000 Géothermie 400 000 Hydro 200 000 Nucléaire
16
ue
e
iq lg Be
Es
pa
gn
e an c Fr
ag m Al
le
Ja
po
ne
n
0
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Le graphique 1.5 permet quant à lui de visualiser ce que représente la production de ces pays en proportion de la production mondiale. Fig. 1.5 – Bouquets énergétiques globaux et comparés, selon les données de l’IEA (2006), en gigawattheures par an. 20 000 000 Cycles combinés & déchets
18 000 000 16 000 000
Tous combustibles fossiles
14 000 000
Éolien / solaire
12 000 000 10 000 000
Géothermie 8 000 000 6 000 000
Hydro
4 000 000 Nucléaire
2 000 000 0 Monde
OCDE
Hors Japon, France OCDE Allemagne, France, Espagne, Belgique
Cet aperçu du poids relatif des acteurs nationaux à l’échelle mondiale montre l’impact de leurs choix énergétiques : en l’occurrence, les cinq pays étudiés sont avant tout tournés vers les combustibles fossiles et le nucléaire. Les graphiques présentés dans la figure 1.6 mettent en évidence les différences substantielles des bouquets énergétiques de quatre de ces pays, qui ont pu être induites par leur propre politique.
17
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 1.6 – Détail des bouquets énergétiques de la France, de l’Espagne, de l’Allemagne et du Japon, selon les données de l’IEA (2006).
France Éolien /solaire : 0,5 %
Énergies fossiles : 10 %
Espagne Cycle combiné et déchets : 1%
Cycle combiné et déchets : 1%
Nucléaire : 20 %
Hydro : 11 %
Hydro : 10 %
Énergies fossiles : 60 % Nucléaire : 78 %
Éolien /solaire : 9%
Allemagne
Japon
Cycle combiné et déchets : 4%
Cycle combiné et déchets : 2% Nucléaire : 28 % Nucléaire : 26 %
Énergies fossiles : 61 %
Hydro : 4% Éolien /solaire : 5%
Énergies fossiles : 61 %
Hydro : 9%
Éolien /solaire : 0,16 %
Ainsi, en 2006, la position de l’éolien dans ces bouquets variait de l’état de traces (France, Japon) à une proportion de 5 à presque 10 % (Allemagne, Espagne).
18
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Prospectives L’Allemagne est souvent citée en référence pour l’éolien car, avec un gisement en vent ordinaire, ce pays a réussi à atteindre 5 % de production électrique. Il n’apparaît donc pas techniquement impossible d’obtenir cette proportion de 5 % en moyenne mondiale – et peut-être même plus selon certains experts de la profession, par exemple ceux du GWEC (Global Wind Energy Council). Mais l’industrie éolienne pourrait-elle suivre telle une montée en puissance ? Le graphique 1.7 représente la progression des puissances installées en éolien sur les quinze dernières années. Le graphique 1.8 illustre les prévisions de l’EWEA (European Wind Energy Association) au niveau de l’Europe, qui n’est qu’un « petit » marché par rapport au marché potentiel mondial. Fig. 1.7 – Progression des puissances installées en éolien sur les 15 dernières années dans le monde. MW
100 000
93 678
90 000 80 000
74 390
70 000 59 467
60 000
47 489
50 000
39 363
40 000
31 412
30 000
24 544
10 000
2 900 3 450 4 800 6 115
17 684 13 450 7 584 9 842 Source : Eurobsv’ER
20 000
00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07
20
99
98
19
19
97
96
19
19
95
94
19
19
19
93
0
19
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 1.8 – Prévisions des capacités installées et des productions éoliennes en Europe jusqu’à 2030. GW
250
800 700 600
200
500
150
400 300
100
200
50 2030
2028
2026
2024
2022
2020
2018
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2012
2010
2008
2006
2004
2002
0
100 2000
Source : rapport PurePower 2008, EWEA.
TWh 900
Production d’électricité terrestre Production d’électricité off-shore Capacité cumulée terrestre Capacité cumulée off-shore
300
0
Selon le GWEC, les industriels seront capables de mettre sur le marché mondial 172 GW avant 2010 et 240 GW avant 2014. À leurs yeux, cette puissance installée arrivera à produire 450 TWh d’électrique, et représentera déjà 3 % de l’électricité mondiale en 2014, avec une croissance constante aux alentours des 25 %. Fig. 1.9 – Prospective de progression de la production éolienne mondiale par rapport à la demande électrique actuelle. 2 000 000 1 800 000 Éolien mondial installé actuel Prévision GWEC éolien mondial installé 5 % Énergie monde actuel 10 % Énergie monde actuel
1 600 000 1 400 000 1 200 000 1 000 000 800 000 600 000 400 000 200 000
20
2019
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1993
0
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
L’industrie éolienne semble donc capable de suivre, voire de mener, une progression supérieure à ce que les politiques énergétiques des différents pays pourraient viser.
Comparaison entre sources d’énergie et impact potentiel de l’éolien Il s’agit maintenant de comparer l’éolien et les autres sources d’énergie électrique. La liste ci-dessous donne les équivalences des 3 % d’éolien de 2014, soit environ 450 TWh annuels. Les chiffres donnés représentent donc les économies réalisées pour chaque type de ressource, en ordre de grandeur : 600 000 millions de tonnes de fioul (rendement 40 %) ; ou 900 000 millions de tonnes de charbon ; ■ ou 17 000 milliards de tonnes d’eau qui chutent de 100 m ; ■ ou 12 000 tonnes d’uranium (avec la technologie actuelle, mais il y aura des progrès) ; ■ ou un carré d’environ 150 x 150 km recouvert de cellules photovoltaïques (toujours avec la technologie actuelle), ce qui représente tout de même une surface presque équivalente à la région Languedoc-Roussillon. L’éolien ne représentera sûrement jamais, par la contrainte même de trouver du vent, une part prédominante du bouquet des sources électriques. Néanmoins, il possède des qualités non négligeables pour combattre les deux grands fléaux de notre siècle que sont la pénurie des ressources énergétiques fossiles et le changement climatique. ■ ■
Une de ses qualités est le dynamisme réactif du secteur, capable de mobiliser rapidement des installations qui produisent des quantités non négligeables de kilowattheures. De plus, l’éolien étant réapparu au même moment que la prise de conscience de la nécessité de préserver l’environnement, tous ses rouages internes intègrent les impératifs du développement durable. Enfin, l’autonomie en matière d’éolien est totalement assurée si chaque pays veille à ce qu’un transfert de savoir-faire soit réalisé entre l’industrie locale et les fabricants de turbines ou les grands groupes énergétiques.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
L’apport de l’éolien contre l’épuisement des ressources énergétiques Comme nous l’avons vu, l’éolien est loin de représenter une part majoritaire de la production électrique actuelle. Cependant, une évidence pragmatique est à souligner : quelle que soit la quantité d’électricité produite par un parc éolien, cette production est consommée par un consommateur d’électricité. Ce consommateur aurait-il cessé de consommer si l’électricité issue des éoliennes n’avait pas existé ? Il est probable que non. En l’absence d’éolienne, l’électricité qui aurait été consommée aurait-elle été majoritairement « renouvelable », c’est-à-dire issue « d’une source non menacée d’épuisement à l’échelle d’un siècle ou deux » ? Probablement non, compte tenu de l’état actuel des bouquets énergétiques des pays. À ce jour, aucune source n’est la panacée. Chacune d’elles peut néanmoins représenter une pièce du puzzle.
1. Source : extrait de veille technologique internationale de l’ambassade de France en Allemagne. Bulletin électronique: www.bulletinselectroniques.com/ actualites/51447.htm.
L’étude allemande kombikraftwerk menée par l’Institut des techniques solaires de production d’énergie (ISET) de l’université de Kassel1 Fig. 1.10 – Complémentarité instantanée des ressources électriques d’origine renouvelable – un projet pilote allemand. Solaire
Consommateur Prévisions
Puissances instantanées cumulées
Vent
Prévisions
Prévisions Commande
Biogaz
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Hydraulique
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Il s’agit d’un système décentralisé de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables réparties sur l’ensemble du territoire allemand, l’objectif affiché étant de couvrir, à terme, 100 % de la demande électrique nationale. Combinant différentes technologies de production et de stockage de l’énergie à partir de sources renouvelables (éolien, solaire, hydraulique et biogaz), ce système pilote innovant, raccordé au réseau électrique en août 2007, relie et régule 36 centrales isolées. Le système est capable de fournir de l’électricité 100 % renouvelable en continu, en fonction de la demande, de manière fiable et indépendante des conditions météorologiques. Le concept consiste à combiner de manière optimale les avantages de différentes sources d’énergies renouvelables (d’où son nom de Kombikraftwerk ou « centrale-combi ») : centrales hydroélectriques à pompe et centrales à biogaz sont utilisées pour compenser les fluctuations de l’éolien et du photovoltaïque. Le système permet par ailleurs de compenser les inégalités régionales en termes de ressources énergétiques. Comme le souligne Frank Asbeck, président de SolarWorld, dans un communiqué : « Ce projet pilote permet de répondre aux besoins annuels en électricité d’une petite ville comme Stade qui compte 12 000 foyers, soit de fournir 4,15 millions de kilowattsheures. Il montre ainsi en petit ce qui est possible en grand, une couverture totale (des besoins en électricité) grâce aux énergies renouvelables. » « Le Kombikraftwerk montre que les énergies renouvelables fournissent assez d’électricité, qu’elles sont régulables à tout moment, peuvent fonctionner en association et se compensent l’une l’autre via le réseau », a renchéri Ulrich Schmack, président de la société du même nom. Le système a été mis en place à la suite d’une demande de la chancelière fédérale lors du sommet allemand de l’énergie en avril 2006.2
En 2000, la consommation énergétique mondiale était d’environ une dizaine de Gtep (tep = tonne équivalent pétrole, 1 tep correspond à l’énergie produite par la combustion d’une tonne de pétrole). Les combustibles fossiles représentent environ 8 Gtep.
2. Pour plus d’informations (en allemand), consulter le site Internet du projet : www.kombikraftwerk.de.
De très nombreux scénarii énergétiques sont élaborés chaque année par des organismes spécialisés dans le domaine de l’énergie. Ces scénarios pour la demande d’énergie en 2050 vont de 15 à 25 Gtep. Ils se basent sur différents paramètres tels que la croissance économique, l’augmentation de la population mondiale, l’accès progressif à l’électricité des 1,6 milliard de personnes qui en sont encore privés, les besoins croissants des pays en voie de développement, mais aussi la mise en place de politiques d’économies d’énergie afin de protéger 23
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
l’environnement. Les incertitudes relatives à l’évolution de ces différents paramètres expliquent l’important écart entre les scénarios extrêmes. Des crises économiques et financières peuvent venir ralentir pendant un temps la tendance, des spéculations ou des choix politiques peuvent venir l’accélérer dans un autre sens, mais, quoi qu’il en soit, il est raisonnable de prévoir que d’ici le milieu du siècle, la demande énergétique aura doublé. Peut-être sommes-nous aujourd’hui à la croisée des chemins où s’impose la coopération entre les capacités de production des différentes spécialités énergétiques, assortie d’une diminution massive de nos consommations outrancières. Les grands pétroliers, l’IEA ou l’IFP, s’accordent maintenant enfin sur le fait que les ressources en pétrole, gaz et autres sources fossiles, y compris l’uranium, sont susceptibles d’atteindre le point où elles ne pourront plus satisfaire l’intégralité de la demande bien avant la fin du siècle. Les impacts économiques, politiques et financiers sont quant à eux attendus bien avant encore, et d’aucuns voient déjà beaucoup d’évènements de l’actualité comme des impacts précurseurs de ces échéances. Chaque État décide donc de sa stratégie énergétique en conséquence : cela peut aussi bien déboucher sur des efforts de financement de recherche pour l’efficacité énergétique, la fission nucléaire, et l’ensemble des énergies renouvelables, que sur des moyens militaires accrus pour « sécuriser » l’approvisionnement en ressources qui se raréfient. Mais, au niveau des particuliers, chacun est aussi en droit d’établir ses propres plans d’action (et son bulletin de vote) en vue d’un « monde énergétique » plus sain et plus stable pour ses enfants. L’éolien est alors l’une des sources d’énergie qui est à la portée de toute personne capable de comprendre les quelques rouages techniques présents dans cet ouvrage. L’une des forces de l’éolien est cette capacité de démultiplication. Devons-nous croire que la manière de vivre de nos sociétés industrialisées, comme celle des civilisations disparues des temps anciens, porte en elle les principes de sa propre destruction ? Trop de confort étouffe, trop de facilité sclérose. Tant que les consommateurs d’électricité restent dans la bonne conscience de bâtir un monde « tout confort » pour leurs enfants, en épuisant ainsi tout espoir pour ces mêmes enfants de pouvoir entretenir ce monde, l’éolien n’y pourra certes pas grand-chose. Cependant, ce qui est « sauvé » est sauvé.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Le rôle de l’éolien contre le changement climatique Les effets combinés de tous les gaz à effet de serre (CO2, méthane, ozone…) équivalent aujourd’hui à une augmentation de 50 % du CO2 depuis le XIXe siècle (dont 30 % rien que pour le seul CO2). Il a été constaté une corrélation forte entre la présence de gaz à effet de serre et la température moyenne à la surface de la Terre. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a été créé afin de suivre le phénomène et d’en étudier les ressorts. En effet, depuis 1860, la température moyenne a augmenté de 0,6 °C. Différents scénarios prospectifs prévoient que, d’ici 2100, cette température devrait encore augmenter entre 1,5 et 6 °C selon le type de scénario retenu (notamment si les filières énergétiques et les habitudes de consommation actuelles sont ou non modifiées). Cette augmentation considérable s’accompagnerait, en particulier, d’une montée du niveau des mers de 20 cm à 1 m. Si l’évolution du climat apparaît irréversible, il est possible de la ralentir en diminuant de manière significative les émissions de gaz à effet de serre. Les puits naturels de CO2 que sont les sols, les arbres et les océans ne seraient capables de résorber qu’un peu moins de la moitié de la production de CO2 d’origine humaine. Afin de stabiliser la concentration de CO2 à son niveau actuel, il faudrait donc réduire immédiatement de 50 à 70 % les émissions de ce gaz. Si cette réduction brutale est impossible, il est cependant urgent d’agir, car on se trouve face à un phénomène cumulatif. En effet, la durée de vie du gaz carbonique dans l’atmosphère étant de l’ordre du siècle, il faudra plusieurs générations pour obtenir la stabilisation des concentrations de CO2 à un niveau acceptable. Le CO2 est, entre autres, produit par la combustion de tous les combustibles fossiles : pétrole, gaz et charbon. Les rejets de CO2 sont environ deux fois plus importants pour le charbon que pour le gaz naturel, ceux liés au pétrole se situant entre les deux. Au début des années 2000, la répartition par secteur des émissions de CO2 dans le monde était la suivante : production électrique 39 %,
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
transport 23 %, industrie 22 %, résidentiel 10 %, tertiaire 4 % et agriculture 2 %. Cette répartition est cependant très différente d’un pays à l’autre. Par exemple, en France, où seulement un dixième de l’électricité est produit à partir de combustibles fossiles, le secteur des transports est responsable de plus de 40 % du CO2 émis dans l’atmosphère. Fig. 1.11 – Répartition des 15,5 tonnes de CO2 émis par ménage et par an, selon l’Ademe. Transport des marchandises Déplacement des personnes
17 % 28 %
Industrie manufacturière, agriculture (hors chauffage)
24 % 18 % 9% 4%
Chauffage, ECS et électricité spécifique au travail
Chauffage des logements
Eau chaude, électricité spécifique domestique
La Terre s’en sortira sûrement car c’est un système physique qui s’autorégule. La question se pose plus au niveau des espèces, et notamment de l’espèce humaine, et de leur capacité d’adaptation dans le laps de temps requis. En 1997, le protocole de Kyoto a fixé comme objectif de réduire de 5,2 % les rejets de gaz à effet de serre du monde vers 2010 par rapport à 1990. L’Union européenne s’est engagée à une réduction de 8 % de ses émissions pour 2010, et chacun de ses membres
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
s’est vu attribuer son propre quota de réduction de ses émissions (en tenant compte des particularités de chaque pays). Plus de la moitié des pays s’y engageaient à réduire leurs émissions (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Italie, Luxembourg, Pays-Bas), certains pays devaient stabiliser leurs émissions (France, Finlande), tandis que d’autres sont autorisés à accroître leurs émissions (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Suède). Ainsi, pour cesser à l’horizon 2050 d’augmenter la concentration de gaz carbonique présent dans l’atmosphère, il faudrait diviser par deux les émissions actuelles au niveau planétaire, et donc les diviser par 3 à 5 dans les pays développés. À en croire certains experts, il faudrait revenir à un mode de vie du même type que celui d’un Brésilien « moyen » aujourd’hui. Chacun peut faire son bilan carbone personnel sur le site Internet de l’Ademe… cela n’incite pas à l’optimisme. L’éolien, comme on l’a vu, ne résout rien tout seul ; il ne peut produire une énergie constante, rien ne garantit qu’il sera là à l’instant précis où l’on en aura besoin… Mais, en termes d’impact C02, ses qualités par rapport aux autres énergies sont importantes. En fonction de la qualité du vent du site où elle va être implantée, une éolienne compense en cinq à dix mois de service l’énergie qu’il a fallu pour la construire (usine, chantier, etc.). Peut-on trouver mieux ? ■ Une éolienne a une durée de vie de 20 ans en moyenne, soit 19 ans de production totalement propre d’un point de vue CO2, mais aussi sans polluants autres, sans déchets, sans radioactivité, quasiment sans impact sur la nature environnante – à comparer à la grosse hydraulique, par exemple. Même si cette source d’énergie est un peu plus chère que d’autres – et cela n’est pas toujours le cas –, cela vaut la peine d’étudier la question. ■
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
3. Extrait d’un communiqué Internet de France énergie éolienne (branche éolienne du SER, Syndicat des énergies renouvelables).
L’énergie éolienne est effectivement variable… mais pas imprévisible3 La production d’électricité par les éoliennes dépend de la force du vent à un instant donné. Elle est par conséquent variable, mais pas imprévisible. Les sites éoliens sont sélectionnés à partir d’études approfondies (habituellement après l’évaluation du potentiel éolien du site à partir de mâts de mesure de vent) permettant de déterminer les caractéristiques de la ressource éolienne disponible, notamment sa puissance potentielle ainsi que son orientation à différentes périodes de la journée et de l’année. Ceci permet d’établir des prévisions du rendement exploitable, une information qui pourra être mise à disposition des gestionnaires du réseau d’électricité. Les prévisions de vent se sont considérablement améliorées ces dernières années, notamment grâce aux perfectionnements réalisés dans le domaine des prédictions météorologiques. Plus ces prévisions se rapprochent du temps réel, plus elles sont précises. En Allemagne, un système de gestion de la ressource éolienne, développé par l’Institut de recherche ISET, situé à Kassel, élabore des prévisions à 72 heures du niveau de production éolienne. Depuis 2001, la marge d’erreur dans les prévisions à la veille a été réduite à 6 % sur la totalité du parc éolien allemand. Pour des prévisions à 2 h, cette marge d’erreur est réduite à 2,5 %. (Source : Integrating Wind Energy into Public Power Supply Systems, German State of the Art, ISET.)
L’éolienne et le réseau 4. Ce bilan peut être consulté à l’adresse Internet suivante : www.rte-france.com/ htm/fr/mediatheque/ telecharge/bilan_ complet_2007.pdf.
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La plupart du temps, l’éolien et le réseau font même plutôt bon ménage, comme en témoigne le dernier bilan prévisionnel 2007 de RTE4. Quels sont les grands messages de ce bilan prévisionnel en ce qui concerne l’éolien ? D’une part, l’éolien est plutôt utile pour les moments de pics de consommation dus aux grands froids d’hiver, car en moyenne il y a autant de vent pendant ces périodes de froid que sur le reste de l’année (à la différence de l’hydraulique par exemple, qui voit sa production d’énergie baisser sur ces périodes).
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
D’autre part, le foisonnement des parcs éoliens répartis sur le territoire compense globalement les variations aléatoires de production. Une des conclusions est ainsi que l’installation d’éoliennes réduit les besoins en centrales thermiques.
Faire face aux variations de l’éolien En France, l’équilibre instantané entre la consommation et la production est une des missions de RTE. L’équilibrage instantané est une tâche classique de tout gestionnaire de réseau. Les industriels ici, les communes là-bas, et, pour caricaturer quelque peu le propos, tous les particuliers qui mettent en route en même temps leur four juste avant un match de football, ou bien à la mi-temps : les sursauts de consommation que les réseaux doivent absorber sont quotidiens. Les gestionnaires de réseau ont l’expérience pour faire face à ces contraintes, et peuvent donc sans difficulté intégrer le facteur éolien. Ils demandent simplement d’être dans le circuit de décision/information des parcs et de pouvoir imposer les caractéristiques techniques qui leur sont nécessaires. Bien sûr, plus elles deviennent nombreuses et puissantes, importantes dans la production, plus la variabilité des éoliennes demande à être étudiée de près. C’est ce que des spécialistes de plusieurs bords ont fait. En bref, ils en ont conclu qu’avec un réseau dit « interconnecté » assez large (autrement dit, avec des maillages importants qui passent les frontières, ou du moins s’étendent à un ensemble important de sites de production), statistiquement les éoliennes s’équilibrent entre elles plutôt harmonieusement. Dans les faits, il s’agit surtout de relier des zones qui n’ont pas le même comportement en vent, c’est-à-dire où les vents dominants ne sont pas les mêmes. C’est possible en France, pays qui possède des régimes de vents variés (sud/nord, ouest/est…) et totalement décorrélés. C’est d’ailleurs aussi assez souvent le cas dès que l’on travaille sur des zones de trois à quatre pays limitrophes – mais il faut alors coopérer avec les pays voisins. Une autre piste pour faciliter la tâche du gestionnaire de réseau est bien sûr de travailler sur la prévision météorologique. Là encore rien d’impossible, et beaucoup de choses intéressantes à étudier…
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
S’adapter à la production décentralisée La plupart des réseaux mondiaux n’ont pas été conçus pour voir apparaître des points d’injection d’électricité en des zones reculées. On trouve souvent les plus anciennes petites centrales sur les grandes urbanisations d’alors. Puis sont arrivées, par exemple en France, les centrales nucléaires, que l’on a placées avec la contrainte de trouver un cours d’eau suffisant pour le refroidissement, et, pour des raisons diverses, plutôt loin des urbanisations denses. De même, les centrales hydrauliques, telle celle de Manantali au Mali, se situent uniquement sur un grand fleuve avec un bon dénivelé. En somme, depuis le début de la production électrique, les réseaux se sont à chaque fois construits en « suivant », d’une part, les besoins dus à la multiplication et aux mouvements des consommateurs, et, d’autre part, les contraintes de construction des centrales de production devant faire face à ces nouveaux besoins. Même si, jusqu’à présent, le réseau a été très influencé par une structure de production très « centralisée », il a la capacité aujourd’hui de s’adapter à l’éolien, tout comme il s’est jadis adapté aux centrales à charbon, aux centrales nucléaires et aux centrales hydrauliques : c’est son rôle, techniquement parlant. Tout est question de proportion et de planification, et il semble normal que le gestionnaire du réseau se préoccupe de ces aspects.
Notions de réseaux isolés ou interconnectés et comportement par rapport à l’éolien On entend souvent parler d’« intégration » de l’éolien sur le réseau, ou de « taux de pénétration » admissible de l’éolien. Dans un premier temps, il s’agit ici de bien comprendre ces notions dans le cadre de ce que l’on appelle un « réseau isolé ». Un réseau isolé est, comme son nom l’indique, un réseau « fini » par rapport au cadre de référence dans lequel on travaille. Cette définition peut paraître compliquée (en général, on parle d’« un réseau non interconnecté avec un autre réseau »), mais elle illustre le fait que tout dépend de ce que l’on doit en faire. Par exemple, un réseau insulaire ou celui d’une oasis non relié au « reste du monde » par une ligne électrique est un réseau isolé. Un tel réseau ne dépasse pas a priori le niveau de tension qui est celui de la distribution électrique aux villages ou aux villes (de l’ordre des 20 kV dans la plupart des pays). 30
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
En revanche, le réseau de distribution de la métropole française par exemple s’accompagne d’un réseau dit de « transport » qui va rejoindre d’autres réseaux de distribution. On monte alors la tension de manière à pouvoir parcourir plus de distance tout en limitant les pertes énergétiques par effet Joule5. Parfois les réseaux de transport (225 kV, 400 kV, et même 1 000 kV au Canada, car les distances sont aussi grandioses que le paysage…) passent les frontières (entre la France et l’Allemagne, l’Espagne…), voire des bras de mer (France-Angleterre, Espagne-Maroc…). Ce sont des réseaux très interconnectés.
5. C’est-à-dire en « chauffage » de câbles
L’insertion d’éoliennes dans un réseau isolé pose des problèmes plus contraignants que dans un grand réseau continental interconnecté. Nous l’avons vu, la puissance fournie par les éoliennes est par nature aléatoire : les variations des vents se traduisent par de fortes variations de la puissance fournie. Or ces variations de puissance sont susceptibles de provoquer également des variations de tension, et ce d’autant plus que le réseau est faible. En outre, aux conditions limites, lorsque le vent dépasse une certaine valeur (différente selon le type d’éolienne), l’éolienne se déconnecte du réseau, faisant passer sa puissance injectée directement de sa puissance maximale à zéro. Si la proportion de variation dépasse la proportion admissible « de conception » du réseau en termes de valeur autant qu’en termes de temps de réaction des appareils de coupure, le réseau isolé peut « tomber », ou du moins avoir un fonctionnement dégradé allant du simple vacillement de tension à la coupure. C’est pourquoi on dit souvent que lorsque la part de production de l’éolien commence à devenir importante dans un réseau isolé, il est nécessaire ou bien de disposer de batteries calibrées pour les variations de l’éolien, ou bien d’augmenter la réserve disponible sur les autres moyens de production (hydrauliques ou thermiques), qui savent avoir des réactions « rapides ». Mais cette contrainte n’a plus vraiment de sens dès que l’on n’est plus en réseau isolé. La variabilité de la production éolienne est alors limitée par le foisonnement de l’ensemble des éoliennes raccordées sur le territoire. En effet, comme nous l’avons vu, dès lors que les vents ne sont pas les mêmes sur l’ensemble du territoire considéré, les éoliennes ne fonctionnent pas toutes en même temps et les variations sont fortement pondérées. Un autre aspect souvent mis en avant est que certains types de turbines6 se protègent des incidents réseau en se déconnectant dans des temps courts inférieurs au « temps de réaction » des autres installations présentes sur le réseau, qui n’ont donc pas la réactivité pour compenser immédiatement cette variation. Ainsi, un court-circuit sur une ligne HTB, qui crée un creux de tension généralisé, peut provoquer un défaut qui va entraîner la
6. Voir chapitre 3, p. 98.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
déconnexion brutale de l’ensemble des éoliennes de ce type présentes sur ce réseau. Il y a des moyens de pallier cette situation, mais il faut en tenir compte dès la conception du parc et du raccordement. Ces contraintes incitent les gestionnaires de réseau isolé à limiter à environ 30 % le taux instantané de pénétration d’énergie aléatoire dans l’énergie totale injectée sur le réseau. Ils vont donc limiter la puissance totale installée en éolien, par exemple, à 30 % de la puissance instantanée minimale consommée sur le réseau.
Cas de l’éolien sur des réseaux interconnectés Que deviennent ces notions de limite de la part de l’énergie éolienne dans le cadre d’un réseau interconnecté aussi immense que celui de l’UCTE ?
7. www.ucte.org
L’UCTE, Union for the Coordination of Transmission of Electricity, est l’alliance des réseaux de transport d’électricité des pays interconnectés de l’Europe au sens étendu, puisqu’on y trouve aussi des liens vers la Turquie ou le Maroc. Le site Internet de l’UCTE7 est l’une des meilleures références qui soit pour trouver des chiffres et des statistiques intéressantes, du moins concernant l’Europe. On y retrouve les grands projets d’extension du réseau : il y a là de quoi être optimiste sur les possibilités de foisonnement à grande échelle. Les figures 1.12 et 1.13 illustrent ce que sont des réseaux interconnectés. La « problématique d’intégration » de l’éolien ne saurait y avoir le même sens que dans un réseau isolé. En effet, sur quelle production faudrait-il tabler la limite de 30 % ? Le vent n’a pas de frontières, les réseaux tendent eux aussi à ne plus en avoir. Il ne peut donc être rationnel de raisonner de manière nationale sur une question de proportion maximale de production dite « aléatoire ». On s’aperçoit ici, avec une once de philosophie, qu’il est techniquement possible de faire beaucoup pour l’autonomie de chaque nation en matière de ressource primaire, à condition qu’ensemble elles sachent dialoguer et coopérer avec leurs voisins. Autonomes et solidaires à la fois.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Jouer sur la complémentarité Puisqu’il est souvent reproché à l’éolien d’être inconstant, deux axes de recherche principaux s’imposent, particulièrement lorsque l’on est en réseau isolé : – quel moyen de stockage de l’énergie utiliser quand il y a du vent, pour pouvoir la restituer quand il n’y a plus de vent ? – quel processus complémentaire pourrait absorber les surplus ponctuels de production ? À la question du stockage, un certain nombre de réponses ont été apportées jusqu’à ce jour, nous n’en citerons qu’une seule : les batteries à circulation de flux ionique. Elles présentent l’avantage d’être très rapides en réaction, de haute capacité et moins polluantes que les batteries acides, mais ont le défaut d’être encore trop peu répandues pour parvenir à un prix accessible aux petits projets non subventionnés. Elles sont en outre assez volumineuses. À la question du processus complémentaire, il est bien sûr possible d’apporter une multitude de réponses. En voici une qui rejoint l’une des autres problématiques mondiales de notre temps : la pénurie d’eau douce. La désalinisation est en effet un processus qui se combine bien aux énergies variables dans la mesure où elle n’a pas d’impératif de quantité de flux minimal. Dans le cas d’un système éolien-désalinisation, la part désalinisation est là pour écrêter les pics de production de l’éolien et absorber l’ensemble des surplus : il est alors possible de concevoir des installations éoliennes beaucoup plus importantes, pour un même réseau isolé, et donc de subvenir à une proportion plus importante aussi de la consommation.
© UCTE.
Fig. 1.13 – Carte des grands flux européens.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
© UCTE.
Fig. 1.12 – Carte du réseau UCTE.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
En quoi consiste l’éolien ? L’éolien n’est peut-être pas une panacée, mais il se révèle un outil de production d’électricité propre, renouvelable et rapide à mettre en œuvre. L’éolien a de plus la particularité d’éveiller la curiosité vis-à-vis de toutes sortes de sciences et de techniques. Les chapitres qui suivent aborderont petit à petit chacun de ces aspects, en essayant de rester le plus facile d’accès possible – sans toutefois aller jusqu’à des représentations trop simplistes, qui ont souvent tendance à dévoyer le sens profond des aspects scientifiques ou techniques abordés. Les concepts qui doivent être appréhendés le seront dans l’unique objectif d’obtenir une prévision hautement probable de l’énergie électrique qui sera injectée sur le réseau ou fournie au consommateur. Fig. 1.14 – Schéma des principes et des secteurs scientifi Schéma principe éolien et synthèse des ques secteurs scientifiques et technologiques impliqués dans l’éolien.et technologiques impliqués Lois de la mécanique des fluides
Représentation topographique Lois de l’aérodynamique Lois de la mécanique
Cl
im
at
ol
og
ie
Météorologie
Gé
olo
gie
Lois de mécanique des fluides Lois de thermodynamique Topographie cartographie Statistiques et modélisation mathématique
Énergie cinétique vent
Énergie mécanique rotor
Lois de l’électrique Lois de la thermodynamique
Science de l’environnement et du patrimoine
Statistiques et modélisation mathématique
Transmission mécanique
Énergie électrique
Électrotechnique
Automatismes et régulateur
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La ressource › en vent
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Le vent, on ne le voit pas : on voit les branches qu’il remue, la poussière qu’il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l’a vu. Jean-Claude Carrière On ne voit pas le vent, mais on voit sa trace sur le milieu ambiant. Il y a sa trace instantanée : les branches qu’il agite, les tressautements impatients de l’anémomètre, le cri de la girouette, etc. Mais il y a surtout la trace qu’il laisse sur un paysage longtemps caressé : les arbres sculptés, les rochers érodés, etc. Autant de témoignages non seulement de sa force, mais également de sa constance, de ses excès, de ses tendances, bref, de ses caractéristiques propres, qui intéressent tant lorsqu’on souhaite exploiter cette ressource. Tout le monde côtoie le vent chaque jour, ce qui donne parfois l’impression de savoir exactement ce qu’il est et de le maîtriser. Ce chapitre montre que définir un vent de manière rationnelle n’est pas si simple. C’est justement parce que le vent n’est pas le même ici et à 200 m d’ici, ni le même maintenant et dans 10 secondes, que nous avons besoin d’en connaître les caractéristiques de manière plus approfondie, plus travaillée que la simple donnée instantanée ou la trompeuse impression d’ensemble. « Ah l’ciel s’effiloche à c’te soir. Ça va souffieu d’main. » La sagesse populaire prend grand soin des prévisions météorologiques. Et pour cause, le temps de demain, c’est la récolte d’après-demain. Mais les financiers d’aujourd’hui ont plus de difficultés à asseoir leurs stratégies de semences sur des dictons anciens. Il faudra des campagnes de mesures, de longs calculs et des corrélations croisées avant de les convaincre que notre ressource en vent sur les vingt prochaines années est peut-être plus fiable que les évaluations sur les cours du pétrole ou les autres placements boursiers sur cette même période (par 36
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
exemple, le deuxième semestre 2008 enseigne beaucoup sur la fiabilité des prévisions financières mondiales). La première partie de ce chapitre va cerner ce qui nous intéresse dans le vent : son contenu énergétique. Il s’agira ensuite de caractériser le vent en un point d’une zone. Puis sera traité ce qu’il faut faire pour prédire le vent statistiquement en ce point donné, et nous étendrons cette prévision sur l’ensemble de la zone concernée. Enfin, nous en déduirons l’énergie électrique que l’on pourra statistiquement produire sur ce site ainsi que ses caractéristiques propres.
La ressource vent : son énergie et notre capacité à la capter Tout d’abord, oublions tous nos a priori sur le vent, et tentons de le redéfinir sous son angle physique simple. Le vent est une masse d’air en mouvement. Lorsque l’on a dit cela, il est déjà beaucoup moins impressionnant. « Une masse », « un mouvement » sont des éléments bien connus : E = ½.M.V2, beaucoup d’entre nous en ont encore un vague souvenir. Cette formule de l’énergie cinétique simple représente pourtant l’essentiel pour comprendre ce qui va particulièrement nous intéresser dans le vent. Continuons donc sur cette voie. Sachant que la puissance présente dans le vent durant le temps Δt en fonction de l’énergie s’exprime selon : E Pvent = Δt où Pvent est la puissance présente dans le vent durant le temps Δt. Et, en remarquant que la masse M de l’air qui passe en Δt à travers la surface A s’exprime en première approximation par : M = A × ρ ×V Δt 37
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
où A représente la surface du rotor que nous allons choisir, ρ la densité de l’air instantanée à l’endroit où sera l’éolienne. Alors, la puissance que l’on va capter est de la forme : 1 PCaptée = C p AρV 3 2 où Pcaptée est la puissance instantanée qui est captée « aérodynamiquement » par l’éolienne ; et Cp est un coefficient d’efficacité de transfert aérodynamique qui varie avec la vitesse d’entrée, Ventrée, qui n’a pas d’unité et qui va essentiellement dépendre de l’aérodynamisme des pales + rotor. Fig. 2.1 – Représentation d’une masse d’air qui « traverse » le rotor de l’éolienne.
Quelques précisions M/Δt (en g/s), la masse de l’air en mouvement qui passe à travers un disque de surface « A » (m2), arrivant à la vitesse de Ventrée (m/s), ressortant à la vitesse de Vsortie (m/s), et de densité « r » (g/m3) en ce point et durant Δt, est représentée par :
⎡V + Vsortie ⎤ M = A × ρ × ⎢ entrée ⎥ ⎣ ⎦ Δt 2 où A représente, par exemple, la surface de votre futur rotor (surface balayée par les pâles). Donc, selon la deuxième loi de Newton, la puissance captée se définit par :
Pcaptée =
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Enentrée – Ensortie Δt
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
⎡V + Vsortie ⎤ Enentrée 1 2 = Aρ × ⎢ entrée ⎥ × Ventrée ⎣ ⎦ Δt 2 2 ⎡V Ensortie + Vsortie ⎤ 1 2 = Aρ × ⎢ entrée ⎥ × Vsortie ⎣ ⎦ Δt 2 2 donc
Pcaptée =
⎡V + Vsortie ⎤ ⎡ 2 1 2 Aρ × ⎢ entrée ⎥ × ⎣V – V ⎤⎦ ⎣ ⎦ 2 2 entrée
sortie
Arrêtons-nous un instant pour tenter de voir quel phénomène physique constitue une donnée mesurable physiquement. Ventrée semble mesurable puisque ce n’est pas une donnée « perturbée » par notre éolienne virtuelle. Vsortie va, quant à elle, dépendre beaucoup plus de notre éolienne. Nous allons donc faire en sorte de mettre d’un côté Ventrée, et de l’autre une formule compliquée que nous enfermerons dans un savant coefficient. Ainsi, tout devient beaucoup plus simple à exploiter. 2
Pcaptée =
⎤ ⎡ V 1 1⎡ V AρV 3 × ⎢1 + sortie ⎥ × ⎢1 – 2 2 2 ⎣ Ventrée ⎦ ⎢⎣ V
sortie
entrée
entrée
⎤ ⎥ ⎥ ⎦
On regroupe sous le coefficient
Cp =
2 ⎡ 1 ⎡ Vsortie ⎤ ⎢ V ⎢1 + ⎥ × 1– 2 2 ⎣ Ventrée ⎦ ⎢⎣ V
sortie
entrée
⎤ ⎥ ⎥ ⎦
Nous obtenons alors la très célèbre formule pilier de l’éolien :
PCaptée =
1 C AρVentrée 3 2 p
On voit au passage que Cp est une fonction de Vsortie/Ventrée et représente donc bien une faculté à « capter ». Le lecteur notera aussi une limite intéressante, déterminée par la loi de Betz, qui prouve que Cp maximal = 16/27, c’est-à-dire ~ 0,59. Au-delà de la belle formule, ceci signifie qu’il est physiquement impossible de récupérer plus de 59 % de l’énergie cinétique du vent avec une éolienne simple. Mais 59 % d’une ressource qui ne vous coûte que le moyen de la transformer, c’est beaucoup mieux que la quasi-totalité des autres ressources énergétiques. Si les thermiciens les plus aguerris rapprochent ce chiffre des contraintes engendrées par la loi de Carnot valable dans toutes transformations thermiques, ils verront que, au mieux, il est possible de récupérer 50 % de l’énergie de ce que l’on brûle ou vaporise, quelle que soit la nature de l’échauffement.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Que signifie tout ceci, en termes simples ? la vitesse instantanée intervient au cube dans la puissance générée ; ■ la densité de l’air instantanée intervient elle aussi, mais au facteur 1 ; ■ la surface du rotor intervient, de même, au facteur 1. Nous venons de comprendre ici : ■
pourquoi les industriels qui fabriquent les éoliennes font des rotors (ensemble des pâles + leur point d’attache) de plus en plus grands ; ■ pourquoi ce n’est pas forcément en montagne que l’on trouve le plus de parcs éoliens (la densité de l’air diminue avec l’altitude, comme nous le verrons dans les paragraphes qui suivent) ; ■ pourquoi tant de personnes s’échinent à faire des mesures de vitesse de vent aussi précises. En effet, la question essentielle de l’éolien est que le vent en est le facteur le plus influent, mais aussi le plus « apparemment » variable, le plus « apparemment » capricieux, le plus « apparemment » imprévisible, et le plus intrinsèquement dépendant de son environnement topographique et saisonnier. ■
Mais méfions-nous des « apparences ». Dans les paragraphes qui suivent, nous tenterons de lever un à un les voiles du vent afin de mieux le comprendre.
Petites questions pour montrer l’importance de la vitesse du vent et de sa précision Toutes choses restant égales par ailleurs, que devient la puissance captable d’un site lorsque sa vitesse moyenne annuelle passe de 4 à 5 m/s (soit une augmentation de 25 %) ? La puissance est quasiment multipliée par 2… P (à 5 m/s) = P (à 4 m/s) x (1 + 0,25) 3, soit P (à 4 m/s) x (1,95). Quelle doit être la précision sur la vitesse moyenne du vent si on veut connaître la puissance captable avec une précision de 33 % ? Environ 10 %. Cela signifie, par exemple, que pour une vitesse moyenne de 5 m/s +/– 0,5 m/s, la production électrique peut varier de +/– 1/3 en moyenne… Quel être humain pourrait se vanter de déceler sans instrument une variation de 0,5 m/s dans une vitesse moyenne de vent ?
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Caractériser l’énergie du vent en un point Nous allons ici nous attacher à décomposer les facteurs qui influent sur l’énergie du vent d’un point de vue physique, et à voir comment il nous est possible de les observer et de les analyser avant d’en tirer, peut-être, des conclusions. On parle couramment de « vitesse du vent ». Mais vitesse sur combien de temps ? Vitesse moyenne ? À quelle hauteur ? Comment échantillonner la mesure, pourquoi ainsi et pas autrement ? Plus que la vitesse, pour caractériser le vent, il s’agit de connaître son « comportement » : son profil directionnel, c’est-à-dire les tendances probabilistes de direction du vent, la répartition des vitesses de vent selon ces directions, la répartition des énergies selon ces directions ; ■ son profil de vitesse, c’est-à-dire les tendances probabilistes de vitesse, la loi de répartition de probabilité de ces vitesses, la vitesse la plus souvent rencontrée, le créneau des vitesses les plus souvent rencontrées, les vitesses extrêmes et les vitesses de rafale, etc. ■ les variations annuelles et journalières (horaires) des vitesses moyennes ; ■ son profil énergétique, qui découle du profil de vitesse. Nous aborderons également les notions de turbulence, d’écart-type et de gradient en hauteur. Nous commencerons même à présenter la notion de rugosité. ■
L’objectif Nous avons vu que la puissance captée dépend, au cubique, de la vitesse du vent. Mais cette puissance captée instantanément ne répond pas totalement à nos besoins : il s’agit de connaître l’énergie captée tout au long de l’année. L’énergie, même avant d’être sous forme d’électricité, est de la puissance que multiplie du temps. Ou plutôt, pour déjà commencer à voir la démarche se dessiner, c’est l’intégration des puissances instantanées durant un temps « T ».
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Fig. 2.2 – Schéma simple d’une courbe P (t) dont surface = E (t).
Puissance instantanée P(t)
Énergie durant un temps T
temps t durant un temps T
Les lois physiques et mathématiques qui régissent cette énergie sont connues. Il existe des logiciels qui modélisent ces lois, et notre objectif, à l’aide de ces logiciels, va être d’appréhender au mieux et avec le plus de précision possible cette énergie captée. Mais nous allons, au préalable, simplifier et dissocier les paramètres et leur manière de varier, afin d’en obtenir des représentations dont la justesse pourra être contrôlée. Il y a deux raisons majeures à ces exercices préalables. Quelle que soit la qualité du logiciel utilisé, si vous lui donnez des informations erronées, partielles ou brouillées par un autre facteur non cerné, il y a de fortes chances que les résultats soient aussi faux que les données de base. Il s’agit donc de vérifier dans un premier temps la qualité des données à entrer ■ Nous préparons par la même occasion l’étape suivante qui sera d’établir des prévisions à long terme. ■
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Ne pas confondre puissance et énergie Une ampoule de 100 W qui éclaire pendant 2 h coûte 100 W x 2 h = 200 Wh sur la facture d’électricité. Une éolienne de 1 MW qui « tourne » pendant 2 h produit… ? Difficile de connaître la réponse avant de lire le tableau de l’éolienne une fois en service. En revanche, un parc éolien d’une puissance installée de 20 MW peut avoir, selon les résultats des études de vent, une production moyenne annuelle estimée entre 20 000 MWh, dans des conditions peu favorables, et environ 80 000 MWh, pour une zone très porteuse. Cela équivaut à 20 MW x 4 000 h, ce qui signifie grossièrement que votre parc éolien fonctionne à son maximum de puissance pendant presque la moitié de l’année (rappelons que 1 an = 365 jours x 24 h, soit 8 760 h). Par conséquent, en éolien, on parle en énergie (sinon cela ne veut rien dire), et on ne peut pas la comparer directement avec celle d’autres sources ou de consommateurs. En France, l’usage est de parler en nombre d’heures équivalentes (c’est-à-dire en nombre d’heures de fonctionnement continu d’une source de la puissance du parc, pour fournir une même quantité d’énergie annuelle). On parle de « site de 2 000 Heq, de 3 000 Heq », ce qui signifie un site où les éoliennes fonctionneraient à leur maximum de puissance pendant 2 000 ou 3 000 Heq (et ne fonctionneraient pas du tout pendant les heures restantes de l’année). Évidemment, cela ne se passe pas ainsi en réalité : les éoliennes fonctionnent la plupart du temps au niveau du début de leur courbe de puissance, et plutôt rarement en mode « maximum ».
0,25 y
0
Densité de probabilité d’occurrence de cette vitesse de vent (sans unité)
5
Fig. 2.3 – Courbe de densité de probabilité d’occurrence d’une vitesse de vent (dite courbe « de Weibull »).
Courbe de Weibull type
10
15
x
20
Vitesse du vent en m/s
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Fig. 2.4 – Exemple de facteur de puissance type selon la vitesse du vent en entrée.
Facteur de puissance en % de la puissance maximum
100 %
facteur de puissance type
90 % 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 %
−5
5
−0,1
10 15 Vitesse de vent en m/s
20
25
30
D’autres pays préfèrent parler de facteur de charge, ce qui est l’équivalent : Facteur de charge = heures équivalentes annuelles/8760 h
Les méthodes d’acquisition des données Il y a deux manières principales d’obtenir les données que nous allons détailler dans les paragraphes ci-dessous : ■ ■
par la mesure physique ; par le calcul et la modélisation.
La méthode physique Lorsqu’on veut connaître la valeur d’une variable physique mesurable, le plus simple, a priori, est de la mesurer soi-même. Cette méthode consiste donc à mesurer chaque variable « mesurable » durant au minimum un cycle. En ce XXIe siècle, où tout doit être rapide, il va falloir être patient : dans le domaine de la météorologie, un cycle dure au minimum une année.
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Les lois de la nature La nature suit des cycles, auxquels l’homme ne peut rien changer (heureusement pour sa sauvegarde peut-être). La température au long de l’année a tendance à respecter des lois qui suivent le rythme des mouvements Soleil/Terre/Lune. Mais, à l’échelle « éolienne », on distingue deux rythmes majeurs influents : la journée de 24 h d’une part, et l’année de 365 jours, soit 12 mois, d’autre part. De plus, les vents peuvent dans certains lieux du monde suivre des rythmes particuliers à l’intérieur même des cycles classiques de l’année (par exemple, le partage entre l’harmattan et les alizés au Sénégal, les moussons d’Asie, etc.) ou de la journée (des brises marines sur la côte, ou certains vents en bordure de désert, sont le matin dans un sens et l’après-midi dans l’autre).
Les données sont enregistrées, triées, nettoyées de leurs erreurs, concaténées, et enfin analysées pour en faire ressortir les caractéristiques voulues. Celles-ci sont ensuite modélisées statistiquement et corrélées avec des sources extérieures en vue des prévisions à long terme. Enfin, elles sont intégrées en données d’entrée pour le modèle de terrain du site final. Aujourd’hui, pour mesurer l’ensemble des données utiles, on dispose de plusieurs types d’outils : les mâts de mesure équipés de girouettes, d’anémomètres, de thermomètre et/ou de baromètre et/ou d’hygromètre, etc. ; ■ les Sodars, qui sont des radars à effet Doppler sur les longueurs d’ondes sonores ; ■ les Lidars, qui sont des radars à effet Doppler sur les longueurs d’ondes de la lumière (laser). ■
Les mâts de mesure équipés Le mât et son instrumentation Il s’agit d’installer un mât équipé de l’ensemble des appareils qui mesureront les paramètres que nous souhaitons analyser. On choisit sa position de façon qu’elle reflète le mieux possible l’ensemble du terrain qui nous intéresse. On détermine sa hauteur en fonction des moyens dont on dispose bien sûr, mais idéalement selon la hauteur de l’éolienne que l’on pense installer et suivant la complexité du terrain et de l’environnement proche de notre implantation.
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Le type de mât (de forme treillis ou tubulaire, haubané ou autoportant, etc.) ainsi que sa fondation (de simples ancrages ou un massif béton) dépendent des moyens disponibles, mais surtout de la durée de mesure prévue, de la hauteur désirée, de l’emprise disponible au sol, et des conditions climatiques locales.
Fig. 2.5 Mât de mesure tubulaire de 50 m de haut (ici, NRG systems), équipé de quatre anémomètres sur trois hauteurs et de girouettes, d’un thermomètre et d’un feu de signalisation aviation autonome au sommet (ici Carmanah). 1. Celle des NCEP – National Centers for Environmental Predictions – couvre toute la surface terrestre.
Plusieurs anémomètres et girouettes à différentes hauteurs sont positionnés sur ce mât, ainsi qu’au minimum un capteur de température, et/ou un capteur de pression, et/ou un hygromètre, et enfin, un enregistreur et une cellule solaire qui alimente le tout. Un ou deux anémomètres (pour doubler l’information la plus capitale) et une girouette sont placés au point le plus haut du mât. Les autres anémomètres sont distribués à des niveaux inférieurs au bout d’un bras horizontal : en déportant les appareils de l’axe moyen des vents dominants, la perturbation du mât est minimisée. Il est donc important de connaître la direction dominante du vent avant d’équiper ce mât. Cela peut se réaliser empiriquement en interrogeant les locaux, en regardant la végétation. Ou de façon plus scientifique, en consultant les bases de données météo1, voire en achetant les données de la station météo la plus proche puis en réalisant une petite modélisation préliminaire de principe. Comme tous les instruments de mesure, les anémomètres et girouettes demandent une attention particulière quant à leur calibration. La plupart des fabricants ne sont pas équipés pour établir des certificats de calibration conformes aux standards et à la norme IEC 61400-1. Il faut alors veiller à faire recalibrer les instruments par un organisme certifié. En effet, beaucoup de banques ou d’organismes de financement demandent maintenant des contre-expertises qui nécessitent les certificats de calibration en plus des fichiers de données brutes. D’autre part ces valeurs d’étalonnage permettront par la suite d’améliorer la précision des modélisations.
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L’enregistreur L’enregistreur est monté à la base du mât de manière à rester accessible. Les données sont stockées dans une mémoire non volatile et récupérées soit par collecte directe soit par GSM, afin de les traiter et de les analyser régulièrement. Les paramètres enregistrés Les mesures sont transmises sous forme de signal analogique ou de compteur à l’enregistreur, qui les échantillonne à une certaine fréquence (par exemple 1 Hz). Tous ces échantillons ne sont pas enregistrés tels quels (cela formerait une quantité énorme de données) mais subissent un traitement statistique. Ainsi, une série de données enregistrées se présente généralement sous forme de tableau, dont chaque ligne correspond à un intervalle de 10 min avec les informations suivantes : la date ; l’heure ; ■ la vitesse moyenne de chaque anémomètre ; ■ l’écart-type de la vitesse de chaque anémomètre ; ■ la vitesse maximale rencontrée sur l’intervalle pour chaque anémomètre ; ■ la direction moyenne du vent à chaque hauteur ; ■ la température moyenne ; ■ parfois l’humidité relative ou la pression atmosphérique. ■ ■
Fig. 2.6 Enregistreur NRG systems.
L’exploitation des données brutes Les données collectées sont appelées « données brutes ». Elles sont la marque du réel détenteur de l’étude ; légalement, leur propriété est de la plus haute importance. Ces données brutes sont ensuite traitées de manière à déceler les erreurs grossières de mesure et les pannes temporaires, ou tout simplement les valeurs impossibles et/ou inexplicables. On élimine ces valeurs erronées afin de ne pas en perturber les moyennes. Ensuite,
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
on vérifie la cohérence des sources : il n’y a aucune raison que les deux anémomètres supérieurs n’aient pas les mêmes tendances, par exemple. Puis, on calcule les caractéristiques du vent très exactement au point de mesure du mât. Les Sodars Les Sodars (SOnic Detection And Ranging) sont des radars basés sur l’effet Doppler qui mesurent en continu et de manière plutôt fiable, tout à la fois la vitesse du vent, sa direction, sa composante verticale, les turbulences, la structure de température et d’hygrométrie, et ceci sur des hauteurs allant de 15 à 5 000 m, selon le type d’antenne employée.
© Remtech
Ces mesures sont réalisées en émettant une impulsion acoustique forte dans la bande sonore et en enregistrant la dispersion de fréquence du signal reçu en écho. Ce décalage et étalement de fréquence de signal (appelé effet Doppler) ainsi que son intensité sont traités par de multiples voies de manière à obtenir bien plus d’informations que celles obtenues par des méthodes conventionnelles, telles que les mâts de mesure.
Fig. 2.7 Sodar Remtech.
Ces équipements sont utilisés aussi bien en aéronautique, en météorologie, en éolien ou dans les secteurs militaires. Ils demeurent encore un peu chers par rapport aux mâts de mesure (30 à 40 k€), et ont tendance à avoir un taux de données invalides plus important par temps pluvieux, neigeux, orageux et par ambiance acoustique chargée. Cependant leur facilité de mise en œuvre et leur discrétion en font des outils qui ne sont pas à négliger. Les Lidars : la Rolls Royce de l’appareil de mesure Tout comme les Sodars, les Lidars (Light Detection and Ranging) utilisent l’effet Doppler pour mesurer les vitesses et leurs caractéristiques. Mais, alors que la déformation des ondes sonores se notait « musicalement » en aiguës et graves, celle engendrée sur le faisceau laser est perçue dans les couleurs en retour.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Ondes sonores et ondes lumineuses La différence entre une onde sonore et une onde lumineuse n’est qu’une question de fréquence. Les effets Doppler sont donc constatés de la même manière sur ces deux types d’ondes, mais à des fréquences différentes : là où le Sodar renvoie une information en termes de sons plus ou moins graves ou aigus qui décrivent les directions et les vitesses, le Lidar renvoie une diffraction du faisceau laser selon les couleurs de l’arc-en-ciel, que l’on décode de la même manière.
Fig. 2.8 Lidar Windcube en opération en Espagne.
© Leosphere
Plus précis et non perturbé par les ambiances sonores, le Lidar n’en demeure pas moins sensible à la pluie, au brouillard et aux divers éléments perturbants du monde « réel ». Beaucoup de progrès ont été faits cependant, et nous verrons certainement leur fiabilité s’améliorer à l’avenir. Par ailleurs, tout comme les Sodars, leur mise en œuvre sur le terrain et leur discrétion sont tout à fait appréciables. Mais leur domaine d’action commence à environ 100 m, et leur prix culmine vers 200 à 300 k€. Aujourd’hui, ils ne sont donc pas destinés à toutes les bourses ni tous les projets. Les méthodes de modélisation numérique Nous les détaillerons davantage dans lorsque nous traiterons de la modélisation du vent sur une zone2, puisque le cœur de leur modélisation intègre par définition la modélisation du terrain. Mais donnons déjà quelques explications à ce niveau.
2. Voir p. 67.
Aujourd’hui, à partir du moment où l’on dispose de données de mesures météorologiques de plus ou moins bonne qualité, qui portent sur les vents, les températures, les humidités relatives, en un point « pas trop éloigné » de celui qui nous intéresse, il est possible de modéliser ce « micro-climat » localement. Selon le degré d’exigence de précision et la qualité des données qu’il est possible d’obtenir de cette manière, suivant notre qualité de modélisation du territoire qui entoure ces deux points (notre site et le point d’acquisition des mesures météo), et compte tenu de la présence ou non d’effets locaux complexes (bord de mer, etc.), peut-être sauronsnous modéliser un mât de mesure totalement virtuel afin de poursuivre notre étude sur la base des caractéristiques ainsi obtenues.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Dans certains pays, notamment en France, le service de météorologie nationale peut vendre des données de vents selon une grille de 2 ou 3 km de maillage, avec des valeurs toutes les 3 h. Dans d’autres, le maillage tend davantage vers 100 km, ce qui manque grandement de précision pour l’éolien. Les données de recalcul des vents de haute altitude (ou « vents globaux », plus aisés à appréhender par les météorologues que les vents locaux), ainsi que la couverture de mesures de vents de l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM), peuvent aussi se révéler des sources intéressantes de données d’entrée. Avec les progrès scientifiques en la matière, et l’immense montée en puissance des capacités de calcul informatique, il ne semble pas impossible qu’un jour on puisse éviter la mesure physique, dans la majorité des cas, pour les élaborations d’atlas de ressource en vents. Quant à l’évaluation du vent local pour chaque projet particulier, ces mêmes progrès contribueront à réduire le temps nécessaire aux mesures physiques, mais ils ne pourront certainement pas les remplacer totalement. Les données physiques qui caractérisent le vent Nous allons donc ici nous intéresser : à la vitesse mesurée (qui correspond à la vitesse moyenne sur 10 mn), à l’écart-type qui donne une représentation des « turbulences », et à la variation du vent sur la hauteur ; ■ au profil des vitesses du vent (lois de Weibull et de Rayleigh), aux rapports mathématiques existant entre les paramètres de la loi de Weibull, et aux vitesses moyennes, maximales et de rafale ; ■ à la rose des vents ; ■ à la vitesse moyenne, à la vitesse maximale et à la vitesse de rafale ; ■ et aux variations annuelles et variations journalières. ■
La vitesse mesurée, les turbulences et le gradient de hauteur Comment appréhender la valeur d’un paramètre qui change en permanence, et qui varie sur plusieurs gammes de fréquences de surcroît ? On sait qu’une mesure n’est pas « instantanée » mais se fait sur un temps T. La valeur mesurée (pour nous ici, la vitesse du vent) sera donc : 1 t +T VT (t 0 ) = VTx (t 0 ) = ∫ T 2 Vx (t 0 ) dt T t − 2 0
0
où x est la composante de la direction moyenne du vent sur la période considérée. 50
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Dans tous les cas, si nous voulons utiliser une donnée, il nous faut un intervalle d’acquisition. Nous devons déterminer un intervalle sur lequel la donnée sera le moins perturbée par des variations aléatoires non efficaces en énergie. Examinons les résultats d’un anémomètre sur une très longue période. On observe une sorte de loi de distribution des fréquences de variation qui ressemble à la courbe reproduite sur la figure 2.9. Fig. 2.9 – Distribution des fréquences de variation du vent. Fréquence x spectre d’énergie en (m/s)2
4 jours
1 minute une demi-journée
5 secondes
10-3
2 10-3
5 10-3
Périodicité de fluctuation en heure/cycle
0.01
0.02
0.05
10 5 2 1 0.5 0.2 0.1
100
1 000
1 heure
Cela amène aux conclusions suivantes. On constate un écart très net qui sépare les variations turbulentes du vent qui sont en dessous de la minute et les variations journalières. Et particulièrement, entre la période de 10 min et celle de 5 h, le contenu énergétique du vent atteint un de ses minima. On peut par conséquent être à peu près assurés que, en moyenne, les turbulences de fréquence inférieure s’y compensent. ■ Si l’on se positionne sur un rythme de moyenne de 10 min, tout en obtenant un bon échantillonnage par rapport à l’ordre de grandeur de 24 h, les données sont moins erratiques puisque l’on se situe dans la « période creuse » en variations. La mesure est donc plus fiable, et l’on peut obtenir une séquence d’apparence presque continue qui représente bien la valeur de la vitesse du vent de l’intervalle de temps. ■
51
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 2.10 – Représentation des variations de vitesse du vent sur 24 h, puis sur 120 min, et courbe des vitesses moyennes sur 10 min. 20
A
V (m/s)
15 10 5 0
2
4
6
8
10 12 14 Temps en heures
17
V (m/s)
16
16
18
20
22
24 B
en bleu: courbe des valeurs instantanées
ZOOM
15 14 13 0
en gris: courbe des valeurs moyennes sur 10 mn 40
20
60 80 Temps en minutes
100
120
Cependant, une bonne partie des appareils électroniques, électriques ou de contrôle, qui viennent juste derrière la transmission mécanique, ont des réponses bien en dessous des 10 min. Il est alors nécessaire d’obtenir une autre donnée en sortie des appareils de mesure, afin d’appréhender l’influence de l’écart entre la moyenne 10 min et la réalité. Il s’agit de l’écart-type « σ », dont les composantes sont : 2
σTx (t 0 ) =
1 t +T 2 V (t ) − VT (t 0 ) dt ∫ T t −T 2 x
σTy (t 0 ) =
1 t +T 2 V (t ) dt ∫ T t −T 2 y
0
0
0
0
(
(
)
2
)
2
1 t +T 2 V (t ) dt ∫ T t −T 2 z où y et z sont les composantes perpendiculaires à la direction moyenne du vent sur la période. σTz (t 0 ) =
0
0
(
)
Cet écart-type est une représentation des turbulences qui font du « bruit » autour du signal. 52
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
La composante horizontale σT (t) est celle qui est mesurée par les anémomètres placés « normalement » sur le mât de mesure. Par approximation, on estime qu’elle rejoint la plupart du temps le σTx (t) de la formule. Mais il n’est pas difficile d’imaginer que, dans certains environnements avec beaucoup d’obstacles et de perturbations, cette composante horizontale ne représente que la projection d’un vecteur sur l’horizontale. C’est pourquoi la norme IEC 61400-1 définit des règles « simplificatrices » de prise en compte de ces écarts types en fonction de la vitesse mesurée (moyenne 10 min), pour un fonctionnement « normal ». Il s’agit de dessiner sur un graphe l’ensemble des points correspondants aux mesures 10 min, avec en ordonnée l’indice de turbulence calculé à partir du rapport entre l’écart-type et la vitesse mesurée, et en abscisse cette même vitesse. Fig. 2.11 – Détermination de l’indice de turbulence des mesures à 50 m. Indice de turbulence
0,700 0,600 0,500 0,400
IA
0,300 0,200 IB
0,100 0,000 3,000
5,000
7,000 9,000 11,000 13,000 15,000 17,000 19,000 Vitesse moyenne 10 mn (m/s)
Il suffit alors de vérifier que l’on peut considérer être dans ce mode de fonctionnement « normal » en comparant les relevés des écarts types enregistrés par tranche de 10 min avec ceux indiqués par la norme. Si tel n’est pas le cas, on peut ajouter des anémomètres placés de manière à récolter la composante verticale, comme expliqué plus haut. Un autre facteur important doit être pris en compte car, en général et pour diverses raisons, les mesures ne sont pas prises à la hauteur où il faudrait idéalement le faire, c’est-à-dire à la hauteur du futur moyeu de l’éolienne. Or, une loi simple régit le profil vertical « normal » du vent : α ⎡H ⎤ V = V0 ⎢ ⎥ ⎣H 0 ⎦ où α est un coefficient dit de « rugosité » qui varie en général entre 0,1 et 0,4 selon la rugosité du sol, et sur lequel nous reviendrons3. Si l’on ne dispose pas d’informations particulières, la norme IEC-61400-1 conseille d’appliquer un coefficient 0,2, ce qui correspond à une rugosité de 0,10 m approximativement.
3. Voir Prédire le vent sur une zone, p. 64
53
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 2.12 – Profil vertical du vent en vitesse et en direction.
Vg
z (m)
Des mesures prises durant 12 mois à plusieurs hauteurs permettent de se focaliser petit à petit sur la valeur de α en cet endroit précis. En résumé, les appareils doivent enregistrer durant 12 mois au moins : les vitesses toutes les 10 min ; les directions de vent toutes les 10 min ; ■ les écarts types toutes les 10 min. Ces mesures se font à trois hauteurs différentes de manière à bien appréhender notre profil vertical. ■ ■
Approfondissements : notions de stabilité thermodynamique Revenons sur quelques données pour comprendre plus précisément le vent. 54
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Afin de modéliser les phénomènes de flux aux abords de la surface, on considère qu’il y a une hauteur en dessous de laquelle le vent est nul, quelle que soit sa direction d’origine. Cette hauteur peut n’être que de quelques centièmes de millimètre, par exemple dans le cas d’une immense étendue glacée, ou monter à quelques mètres, notamment dans des villes. Mais ceci reste bien sûr une modélisation de la réalité destinée à évaluer le phénomène, sans plus. Les grands courants de vent géostrophiques (c’est-à-dire les grands courants globaux, de 100 m de la surface à 11 km du sol environ) sont causés par les variations thermiques induites par la différence d’angle des rayons du soleil sur les différentes régions de la Terre : le soleil réchauffe les régions équatoriales bien plus qu’il ne réchauffe les autres parties du globe. Ayant une densité plus faible que l’air froid, l’air chaud s’élève jusqu’à une altitude d’environ 10 km. Ensuite, il s’étend vers le nord et le sud. Si la Terre ne tournait pas, les courants d’air iraient jusqu’aux pôles Nord et Sud avant de redescendre (suite au refroidissement), puis de retourner à l’équateur. Mais la Terre tourne, ce qui complique un peu les choses. L’air s’élève à l’équateur, et s’étend vers le nord et le sud dans la haute atmosphère. Il se crée alors des zones de basses pressions au niveau du sol attirant des masses d’air du nord et du sud. Dans les deux hémisphères, à approximativement 30° de latitude, la force de Coriolis empêche les courants d’air de suivre le circuit décrit précédemment, et c’est ainsi qu’apparaissent les anticyclones (zones de hautes pressions). Aux deux pôles, des anticyclones se produisent suite au refroidissement de l’air. On peut donc constater que les vents géostrophiques sont plutôt bien connus de nos jours. On parle ainsi des vents « macro », qui influencent des régions sur environ 1 000 km. Puis, en se rapprochant, on rencontre les vents dits « méso », qui œuvrent sur 500 à 10 km, par exemple les vents marins ou ceux liés à des chaînes montagneuses entières. Enfin, on rencontre nos petits vents, les « micro », qui se laissent influencer par de simples collines ou vallons. Ces distinctions montrent qu’entre les grandes vitesses des très hautes altitudes et la vitesse « 0 » de l’arrivée sur la glace, sur le sable ou sur le brin d’herbe, il y a très certainement une
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
loi physique que l’on peut exprimer. C’est la formule simplifiée typique du comportement du vent dans les couches superficielles terrestres : ⎡ ⎛ ⎤ H ⎞⎟ ⎥ + V = 2, 5 × u × ⎢ln ⎜⎜ Ψ ⎢⎣ ⎝ Hrugosité ⎟⎠ ⎥⎦ où V est la vitesse à la hauteur H, Hrugosité la hauteur de rugosité telle que définie plus haut, u une espèce de vitesse de friction turbulente (on ne la détaillera pas, mais elle s’exprime en fonction des σ de turbulences), et Ψ, la marque du mystère, qui représente l’instabilité thermodynamique de l’atmosphère en cette zone. Ce dernier paramètre, lorsqu’on simplifie le modèle en cas d’atmosphère « neutre », vaut zéro, ce qui a le mérite de simplifier le calcul – mais la plupart du temps, cela se révèle être une erreur. Bref, avec deux ou trois points de référence de mesure, la formule peut se simplifier et on obtient :
V (H ) = V (H 0 ) ×
⎛ ⎞ ln ⎜⎜ H ⎟⎟ ⎝ Hrugosité ⎠ ⎛H ⎞ ln ⎜⎜ 0 ⎟⎟ ⎝ Hrugosité ⎠
Ce qui, par une approximation qui simplifie encore plus, amène à la fameuse formule : ⎡H ⎤ V = V0 ⎢ ⎥ ⎣H 0 ⎦
a
où V et V0 sont respectivement la vitesse à la hauteur H et celle à la hauteur H0. La distribution statistique des vitesses du vent et les vitesses moyennes, maximales et de rafale Une autre grande caractéristique descriptive du vent est ce que l’on appelle la distribution des vitesses. Il s’agit de savoir, pour chaque vitesse moyenne sur 10 min, quelle est sa statistique d’occurrence, c’est-à-dire le pourcentage de fois où l’on va trouver cette vitesse, proportionnellement à l’ensemble. Par exemple, on peut avoir 12 % du temps une vitesse comprise entre 3 et 4 m/s, 15 % du temps une vitesse entre 5 et 6 m/s, etc.
56
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Ces statistiques sont données par les mesures, mais il a été remarqué que ce type de statistiques répond toujours à une loi qui les fait se rapprocher d’une fonction dite « de Weibull », dont la densité de probabilité peut quasiment toujours être assimilée aux relevés réels de vents d’où qu’ils viennent. Cette fonction s’exprime par : ⎛ ⎛ ⎞ k⎞ V f (V ) = exp ⎜− ⎜ ⎟ ⎟ ⎜ ⎝A⎠ ⎟ ⎝ ⎠ où f (V) représente la fraction de temps durant laquelle la vitesse moyenne à 10 mn dépasse V, A est le facteur d’échelle (qui n’est pas la vitesse moyenne globale sur le temps de mesure, mais qui y est lié par une formule donnée dans l’encadré ci-après), et k est le facteur de forme (qui représente la variation des valeurs de vitesse autour de A). Mais le point intéressant n’est pas tant la fonction de Weibull ellemême que sa distribution, autrement dit sa densité de probabilité : df (V ) dV
k ⎛V ⎞ = ⎜ ⎟ A ⎝A⎠
⎛ ⎛ ⎞ k⎞ V exp ⎜− ⎜ ⎟ ⎟ ⎜ ⎝A⎠ ⎟ ⎝ ⎠
k −1
car cette formule donne la possibilité de la rapprocher facilement des mesures physiques4.
4. Via anémomètres, Sodars ou Lidars.
Relation entre la vitesse moyenne et le facteur d’échelle ⎛ 1⎞ V = A × Γ ⎜1+ ⎟ ⎝ k⎠ où Γ est la fonction complexe gamma telle que :
n! nz n → +∞ z ( z + 1) ( z + n )
Γ ( z ) = lim
Rappelons que n ! est la factorielle de n (nombre entier positif), c’est-à-dire : n
n ! = Π i = 1× 2 × 3 × × (n – 1) × n i =1
57
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques 5. C’est-à-dire sur la vitesse au cube, en réalité, car cela se rapproche plus de notre sujet : l’énergie.
Sur la figure 2.13, les barres bleues représentent la distribution des vents mesurés à 50 m, et la courbe rouge correspond à la superposition de la loi de Weibull optimale ajustée sur un critère énergétique5.
Fig. 2.13 – Distribution du vent mesuré à 50 m.
16 % 14 % 12 % 10 % Mesures Weibull
8% 6% 4% 2% ,1 9 20 ,2 1 22 ,2 3 24 ,2 5
7
18
,1 16
,1
5
3 14
,1
9
,1 1
12
10
8,
7 6,
5 4,
3 2,
0, 1
0%
Dans cet exemple, les paramètres de la distribution de Weibull optimale que l’on obtient sont : A = 7,18 et k = 2,36. On entend aussi beaucoup parler de distribution de Rayleigh, car c’est la distribution recommandée par la norme IEC lorsqu’on ne sait rien d’autre sur un site, c’est-à-dire lorsqu’on fait des estimations grossières sans mesures et/ou sur des territoires très étendus. La distribution de Rayleigh n’est rien d’autre que la distribution de Weibull avec un facteur de forme k = 2. La rose des vents et la rose des énergies La rose des vents sert beaucoup dans l’analyse fine des vents du site, mais aussi dans le choix de la station météorologique de référence pour la corrélation. Il s’agit de diviser les directions de vent en 12 ou 16 secteurs, dans lesquels la distribution des vents est répercutée selon leur vitesse (il s’agit alors d’une rose des vents), ou selon leur énergie (vitesse au cube donc, il s’agit alors d’une rose des énergies). Cet outil très visuel est aussi intégré dans les nombreux logiciels experts qui aident à l’établissement des parcs éoliens.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Fig. 2.14 – Exemple de rose des vents. 20,00 % 15,00 % 10,00 % 5,00 %
V>10 m/s 6
0,00 %
3
La vitesse maximale et la vitesse de rafale Par définition, ces deux vitesses caractérisent les conditions extrêmes de vent. La vitesse maximale, comme son nom l’indique, correspond à la valeur maximale des vitesses mesurées, c’est-à-dire le maximum des vitesses moyennes 10 min (selon la définition de l’IEC 61400-1). La vitesse de rafale est la vitesse maximale instantanée qui aura été perçue par les instruments durant la période de mesure. Ces caractéristiques sont d’autant plus importantes qu’elles servent essentiellement à valider le type de turbines à choisir selon les critères de la norme. Leur établissement se fait sur la base des mêmes principes de mesure, corrélation, prédiction que nous verrons plus loin, mais appliqués aux valeurs extrêmes dont il est ici question. Les variations annuelles et les variations journalières Les variations moyennes sur l’année Ces variations servent elles aussi à définir le vent ou les vents (parfois bien différents) qui visitent régulièrement le site. On en déduit beaucoup sur les stations météorologiques à prendre en compte pour la corrélation. Cette mesure permet également de voir, selon ce que l’on souhaite faire de la production électrique des éoliennes, si cette production est, en moyenne, en phase ou non avec les consommateurs d’électricité, et avec d’autres formes de production d’électricité.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 2.15 – Exemple de variation6 des moyennes mensuelles de vitesse de vent sur plusieurs années. Moyennes mensuelles Linéaire (moyennes mensuelles) 7
6
5 y = -0.0124x + 4.8188
m/s
4
3
2
1
janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre janvier avril juillet octobre
0
6. Avec ici, vraisemblablement, un élément extérieur perturbant comme un arbre qui pousse en face du mât de mesure et filtre un vent dans cette direction durant certains mois de l’année.
Les variations moyennes dans la journée (et la nuit) Comme les courbes de variations annuelles, les courbes de variations horaires aident à choisir les stations météorologiques à prendre en compte pour la corrélation. Mais, avec les variations horaires, nous aborderons encore plus finement l’adéquation possible entre production et consommation puisque nous touchons au rythme de vie ou de travail. De ce point de vue, les sites sont très différents les uns des autres. Il existe néanmoins de grandes « lois » que n’importe quel habitant de la région peut donner sans calcul. Par exemple, le matin, en général, cela souffle de l’est car la plaine de l’est est plus froide au matin, ce qui donne prédominance à ce vent local, alors que cela souffle du nord ensuite, etc. Les instruments de mesure ne font souvent que quantifier ce que tout le monde sait dans les environs. Mais avec des chiffres, les corrélations sont plus objectives, surtout lorsqu’il s’agit de millions de données comme dans le cas de l’éolien.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Fig. 2.16 – Variations horaires de vitesses moyennes de vent. Vitesse moyenne (m/s)
7 6 5 4 3 2 1 0 00:00:00
04:00:00
08:00:00
12:00:00
16:00:00
20:00:00
00:00:00
Heure
Prédire le vent statistiquement L’objectif Prédire le vent statistiquement permet de savoir quelle sera la production du parc éolien ou même de la petite éolienne, durant les 20 ans de vie de l’installation. Il est ainsi possible d’élaborer un plan d’affaire et d’évaluer si l’investissement est rentable. Comme on l’a vu, les prévisions de rentrées financières futures dépendent beaucoup de la fiabilité du prix de revente du kilowattheure, mais ce paramètre appartient en général aux institutions et sort du domaine purement technique qui nous occupe. Par ailleurs, elles dépendent essentiellement du cube de la vitesse d’une part, et de la courbe de puissance de l’éolienne d’autre part. Nous nous intéressons donc à la vitesse du vent au niveau de l’éolienne durant les 20 ans à venir. Mais comment prévoir le futur ? La méthode la plus commune est simplement de supposer que ce qui a été sera, et que les mêmes lois statistiques qui s’appliquent depuis 10 à 20 ans dans cette zone continueront à s’appliquer dans les 20 ans à venir.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les mesures sont prises sur un cycle d’un an. Ensuite, elles sont comparées avec les données des vents d’une station météorologique choisie pour la qualité de sa corrélation avec les mesures enregistrées durant l’année, et pour laquelle il est possible de remonter dans le temps sur une durée aussi longue que possible. Ainsi, on saura selon quelle formule, statistiquement, les mesures de cette année sont représentatives de l’ensemble des années sur cette zone. Ce sont ces statistiques qui déterminent la faisabilité du parc éolien. Il est donc recommandé d’y prêter une attention toute particulière, et même, pour plus de sécurité, de faire contre-expertiser les résultats.
Les principes La méthode MCP Afin d’entreprendre cette prévision de manière scientifique, la première méthode, et celle qui est encore la plus utilisée à l’heure actuelle, est une approche standard dite MCP : mesure, corrélation, prédiction. Cette méthode consiste à établir, dans un premier temps, une corrélation entre les mesures sur site et les mesures d’une station météorologique de référence, ceci tout au long de la période de mesure. La corrélation est effectuée par la méthode des moindres carrés.
La méthode de corrélation la plus employée : les moindres carrés Fig. 2.17 – Droite de régression représentative d’un nuage de points di. Y d5
d3
d4
d1 d2
X
62
Pour constater objectivement le niveau de corrélation entre deux valeurs mesurables qui varient en fonction du temps, on positionne ces valeurs en représentant par un point chaque valeur à chaque instant t. On obtient ce que l’on nomme un « nuage de points » qui s’étale dans un repère xy, où « x » représente la première valeur et « y » la seconde. Plus le nuage se rapproche d’une droite fine, plus la corrélation est avérée ; plus les distances sont
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
importantes entre les points et la droite « moyenne » (aussi appelée « droite de régression »), moins la corrélation est bonne. La méthode des moindres carrés sert à déterminer les coefficients de la droite de régression, tels que l’on puisse écrire au mieux : y = ax + b. Cette droite va être la droite qui minimise les carrés des écarts des points représentatifs à cette droite. Sa pente peut se calculer de la manière suivante :
a=
∑ (X – X ) .(Y – Y ) ∑ (X – X ) 2
où chaque X est la coordonnée du point dont Y est l’abscisse, X et Y en sont les valeurs moyennes. Cette droite croise l’axe des abscisses au point b où :
b = Y – a.X Le coefficient de corrélation « r », quant à lui, s’exprime par :
r=
∑ (X – X ) .(Y – Y ) ∑ (X – X ) × ∑ (Y – Y ) 2
2
Fig. 2.18 – Exemples de deux coefficients de corrélation correspondant à deux nuages de points.
y
r = 0,6
y
x
r=1
x
Les coefficients de corrélation obtenus sur la période de mesure sont alors appliqués aux mesures enregistrées depuis plusieurs années par la station de référence, pour en déduire une distribution des vitesses « long terme » sur le site. La corrélation est établie par secteur directionnel de vent. 63
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La qualité de la prédiction dépend évidemment, d’une part du degré de corrélation entre le site et la station météorologique de référence, d’autre part de la quantité et de la qualité des données disponibles à cette station de référence. Le choix de la station météorologique de référence, en termes de matériel de mesure, de continuité de la mesure dans le temps, de stabilité des conditions de mesure, etc., est donc déterminant. Les prédictions issues de modèles Les modèles sont abordés en fin de ce chapitre, mais il faut évoquer dès à présent la particularité de l’usage de ces modèles : étant des modélisations d’une réalité, ils incluent intrinsèquement la prédiction. Autrement dit, sur chaque zone, il est souhaitable de valider à nouveau l’adaptation du modèle par deux ou trois points de validation fiables, sur une période plus ou moins longue. Mais, à partir du moment où le modèle est validé, il n’est plus besoin de corréler à nouveau avec une des sources du modèle : le modèle donne d’ores et déjà la moyenne prévisionnelle.
Prédire le vent sur une zone On appelle cela le micrositing, terme anglais qui se traduit littéralement par « micro-implantation ». Le micrositing va découler quasi directement de cette représentation du vent « long terme » sur la zone étudiée.
L’objectif Nous disposons à présent d’une bonne connaissance des diverses données de base qui permettent d’appréhender le vent en un point de mesure précis, et d’en faire une prévision plus ou moins précise sur plusieurs dizaines d’années. Mais un parc éolien, ou même une petite éolienne, ne se situe pas forcément sur le point exact de la prise de mesure. Beaucoup de phénomènes peuvent influer, qui vont impliquer des différences à reporter sur les prévisions.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Fig. 2.19 – Méthodologie WASP.
Cartographie du vent et du comportement climatique de la zone d'étude incluant le point de mesure et site, ainsi que station météorologique de référence.
Intégration de la topographie de la zone d'étude incluant point de mesure et site, ainsi que station météorologique de référence.
Intégration de la rugosité sur l'ensemble de la zone d'étude incluant point de mesure et site, ainsi que station météorologique de référence.
Intégration de la localisation exacte du point de mesure et dimensionnement des obstacles proches du point de mesure.
Intégration de la localisation exacte du site et dimensionnement des obstacles proches du site.
Intégration des données passées de la station météorologique de référence.
Prévision sur site durant le même temps T.
Choix d'une station météorologique de référence dans la zone d'étude.
Mesure en un point P durant un temps T.
Fig. 2.20 – Modélisation MAESTROWind, de source ATM-Pro. absorption, émission, diffusion IR + Solaire
nuages
absorption émission IR
champ de température
stratification émissivité albedo
turbulence
chg phase champ d’humidité
Prévision sur site sur cycle de vie du parc.
absorption, émission
condensation
précipitation
rayonnement
turbulence
champ de vent
FQ de mouvement FC latente humidité
FC sensible température
rugosité topographie
----- surface du sol -----
65
Schéma du bas : © ATM-Pro s.p.r.l. Les éléments présentés ici sont et restent la propriété d’ATM-PRO s.p.r.l. (
[email protected]/www.atmpro.be).
Corrélation
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La topographie générale et l’orographie On pense souvent qu’il est simple, de nos jours, de faire, de comprendre et de travailler sur une carte… Un petit test est proposé dans l’encadré Expérience sur une carte.
Expérience sur une carte Passez à la mairie et faites une copie de l’extrait du cadastre où se situe votre terrain. Prenez un papier-calque sur lequel vous le recopiez dans les moindres détails (ou bien, encore plus simple, scannez-le). Trouvez un plan IGN ou similaire de la même échelle (ou bien faites des agrandissements sans changement de proportion, avec le logiciel Photoshop par exemple). Essayez ensuite de superposer les deux plans…
7. Ce que l’on appelle le fichier de métadonnées.
Les professionnels de SIG (système d’information géographique) le savent bien : une carte ne peut servir à rien dans le cadre d’une modélisation, si elle n’est pas accompagnée d’une explication descriptive de ses principes d’établissement7. Les différences substantielles entre les coordonnées Lambert II et celles de l’UTM ne seront pas abordées ici. Nous éviterons de nous plonger dans les méandres des fichiers ASCII et des métadonnées. Le lecteur averti et curieux mènera son enquête. Mais il faut savoir que, dès que l’on veut confronter plusieurs cartes, établies par des organisations différentes (par exemple le cadastre de la mairie et un SRTM, Shuttle Radar Topography Mission, issu de la NASA, ou Google Earth-map, ou le français IGN, ou ces merveilleuses cartes russes si détaillées sur certaines zones du globe), on se heurte à l’infinie difficulté de leur faire « voir le monde » sous le même angle. En effet, derrière notre façon de représenter le monde, filtrent nombre de postulats, de non-dits culturels et de volontés de mettre en valeur telle ou telle information. Les cartes représentent une vision du monde, c’est pourquoi elles doivent souvent être « reformatées » pour convenir au voisin. Sous son apparence de géomètre informaticien, le topographe serait-il un philosophe politicien ?
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
La « rugosité » et les obstacles La rugosité, intuitivement, définirait des obstacles vus de loin, ou un ensemble de très petits obstacles ramenés à l’échelle du vent. Ces données sont empiriques. Il ne peut pas exister de formules de calcul assez précises pour représenter toute la variété mouvante et vivante des brins d’herbe, des arbres qui poussent et des villes qui se construisent. La rugosité et les obstacles doivent donc être représentés « à la main ». En pratique, on peut néanmoins optimiser le travail, mais cela tient du secret professionnel… Les « évènements » de thermodynamique Ce sont les variations de température, de pression et/ou d’hygrométrie. Ces trois variables sont liées par la fameuse loi des gaz parfaits : PV = nRT où P représente la pression, V le volume, n la quantité de matière, R une constante, et T la température T (en kelvin). L’hygrométrie caractérise l’humidité relative de l’air, c’est-à-dire la proportion de vapeur d’eau qu’il contient. Elle ne prend pas en compte l’eau présente sous forme liquide ou solide. Elle intervient dans la quantité de matière « n », exprimée en moles. C’est la manière dont ces « évènements » de thermodynamique sont traités par les différents modèles de terrain qui va les différencier le plus. Les interactions entre éoliennes Ces interactions, autrement appelées « effet de sillage », sont une variante de la notion d’obstacle : cette fois-ci l’obstacle est variable (durant la conception, il peut changer d’emplacement) et mobile (il tourne). D’ailleurs, lors de la conception, il est très plaisant de « jouer » sur l’emplacement des éoliennes, de déplacer les turbines les unes par rapport aux autres, puis d’admirer le résultat en temps réel sur l’énergie captée et le cumul parc. Mais le concepteur doit vite quitter cet agréable univers virtuel pour retrouver la réalité des cartes administratives, des impératifs dictés par les analyses de sols, ou des contraintes liées aux spécificités de l’éolienne, qui in fine décideront elles aussi de l’emplacement final.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les modèles mathématiques de simulation du vent sur une zone Il existe de nos jours de nombreux outils qui modélisent les terrains afin d’y implanter les éoliennes de manière optimale. Même s’il n’est pas question ici de détailler le fonctionnement de ces outils, il est intéressant d’en appréhender les principes clefs et de présenter sommairement les avantages et inconvénients de chacun selon ce que l’on veut en faire et surtout suivant l’étendue du territoire à scruter. Les modèles découlant de la seule mécanique des fluides Les outils qui sont encore les plus utilisés, car les plus simples à trouver dans le commerce et à mettre en œuvre par des généralistes de l’énergie, fonctionnent sur la base de la mécanique des fluides et principalement des équations de Navier-Stockes.
Les équations de Navier-Stockes Ces équations aux dérivées partielles non linéaires décrivent le mouvement des fluides en milieu continu. Elles ne sont pas détaillées ici, le lecteur curieux saura les retrouver dans les ouvrages de mécanique des fluides. Elles s’appliquent à l’écoulement de l’eau dans un conduit, mais également aux courants océaniques et à l’atmosphère. Aussi étonnant que cela puisse paraître, en des temps où l’homme sait résoudre toutes les équations qui le mènent dans l’espace, leur résolution reste l’une des grandes énigmes mathématiques non encore résolues aujourd’hui. L’Institut de mathématiques de Clay avait même posé leur résolution parmi les sept énigmes mathématiques du concours du millénaire qu’ils ont lancé avant l’an 2000… avec un prix d’un million de dollars à celui qui résout l’une d’elles. Effectivement, non seulement ces équations sont en dérivées partielles, mais l’accélération, pouvant elle aussi être détournée en direction, introduit une non-linéarité qui complique encore le problème. Dès lors, pour en élaborer une résolution approximée, il est nécessaire de négliger des facteurs qui sont souvent incontournables dans la réalité, comme les changements brusques de milieu ambiant (passage brutal d’un milieu marin à une falaise, d’une forêt dense à une plage de sable, reliefs chaotiques, etc.).
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Ce sont des outils tels WindPro, WindFarm ou Wasp. Ils sont prévus pour des terrains presque plats, homogènes, et en conditions de neutralité atmosphérique. Le langage des météorologues est aussi simple que leurs calculateurs sont modestes. Tentons donc un décryptage rapide. Lorsque l’on a des équations à multiples variables qui semblent trop compliquées à résoudre, on fait simplement comme si quelques-unes de ces variables étaient des constantes connues. Ce principe est appliqué par les logiciels susnommés. Ils considèrent que le milieu est stable et qu’aucune variation brusque ne vient perturber la linéarité. On obtient donc des simulations d’écoulement d’air en deux dimensions (il n’est pas supposé que l’air monte ou descende brusquement), sans variations internes de température et /ou de pression. C’est pourquoi ces modèles sont une bonne représentation pour les terrains peu vallonnés, et non soumis à des phénomènes météorologiques violents ou aux effets de brise marine (différence de température et de composition de l’air entre deux milieux qui se côtoient), etc. Mais, plus l’on s’écarte de ces conditions « douces », plus les erreurs induites par le modèle vont avoir des conséquences sur ce qui nous intéresse : la prévision d’énergie captée. Les modèles intégrant l’ensemble des conditions météorologiques À l’opposé de ces outils « simplifiés », arrivent de nos jours des batteries de calculs ultrasophistiquées, émanant des sciences météorologiques, et/ou des savants modèles d’écoulements de pollutions8, et/ou des simulations de résistance de structure architecturale (par exemple pour valider la résistance d’un pont ou d’un bâtiment lors d’un vent particulier).
8. Comme le calcul de risques Seveso.
On fera une différence entre les modèles de dispersion basés sur des modèles atmosphériques 3D et les modèles météorologiques de grande échelle, qui peuvent ensuite être ramenés vers le sol avec plus ou moins de précision. Les modèles météorologiques Les modèles météorologiques utilisés pour la prévision du temps à l’échelle d’un pays ou d’un sous-continent peuvent être une base d’étude pour un site éolien. Ces outils ont l’avantage d’être des modèles 3D météorologiques d’une portée phénoménale.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
En revanche, ils sont limités par leur relative imprécision quant à la représentation de la complexité du terrain (relief et occupation des sols). En effet, ils doivent, pour être valides, porter sur des domaines d’étude très importants. Étant donné le nombre de calculs à réaliser en fonction de l’ensemble des variables liées aux jeux d’équations de la mécanique des fluides mise en œuvre, on aurait des quantités astronomiques de données à traiter si on ne réduisait pas l’échantillonnage au niveau de la topographie. Ces outils de calcul se réfèrent donc à des mailles de calcul de 30 à 100 km environ. Ces dimensions sont nettement trop vastes pour intégrer la complexité locale du terrain dans laquelle les éoliennes viendront s’implanter. Augmenter la précision de ces mailles (autrement dit, les affiner) est très ardu pour ces outils, qui deviennent alors extrêmement gourmands en termes de temps de calcul. Le jeu d’équations mis au point pour représenter convenablement les mouvements de l’atmosphère à l’échelle « macro » (100 km de maille, le globe comme domaine d’étude) ou « meso-alpha » (10 à 5 km de maille, un pays ou un sous-continent comme domaine de calcul) n’est pas adapté à des mailles fines. Les phénomènes « sous-maille » sont paramétrés mais non résolus explicitement.
Fig. 2.21 et 2.22 – Deux modèles de Météo France avec des grilles de précisions différentes.
500
10
00
0 100 1500
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20
00
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15
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© Météo France
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Météo France présente ce genre de modèle sur des territoires ciblés (France, DOMTOM…), avec des résolutions de plus en plus fines allant de 2 à 15 km en grille topographique. Avec un peu de chance, un de leur point de grille est placé sur le site étudié, ou à proximité, de sorte qu’on peut le considérer comme un quasi « mât de mesure virtuel ».
Fig. 2.23 – Représentation classique d’une sortie de modélisation vent.
Mais cette approche ne rend pas compte de la complexité du terrain. Il reste donc une incertitude au niveau des vents locaux sur la zone réduite étudiée, qu’il faut modéliser. Cela peut être fait avec l’un des modèles simples basés sur Navier-Stockes. Les modèles atmosphériques 3D Les modèles d’écoulement des fluides en trois dimensions, dits CFD9, prennent en compte le plus de facteurs possible. Ce sont, par exemple, les logiciels MeteoDyn, Fluent, WindSim, etc. La CFD est l’étude des mouvements d’un fluide à partir de la résolution numérique des équations de Navier-Stockes étendues, c’est-à-dire en laissant plus de « liberté » aux variables : on y intègre notamment les aspects thermodynamiques, et le fameux Ψ vu précédemment.
9. Littéralement « Computational Fluid Dynamics », soit, en français, « mécanique des fluides numériques ».
Ces outils sont des modèles mathématiques de comportement de notre couche d’air de proximité, que l’on « force » aux frontières par des champs météorologiques. Ces derniers sont des données d’entrée du modèle : ils sont fournis soit à partir de modèles météorologiques de grande échelle (comme vu ci-dessus : Nasa, Météo France, etc.), soit par des interprétations d’observations au sol (campagnes de mesure, ou bien stations météorologiques « synoptiques » environnantes). Particulièrement performants, ces outils sont beaucoup utilisés, par exemple en analyse des turbulences générées par les pales autour de l’éolienne ou dans le cadre de micrositing en terrain très perturbé. Mais plus ils sont précis, c’est-à-dire plus ils utilisent des mailles de calcul fines, jusqu’à 10 m par exemple (voire moins !), plus ils sont gourmands en temps de calcul. Ces outils seront donc limités par la durée de calcul, lorsque l’on souhaite rester à des coûts raisonnables.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les outils « mésométéorologiques gamma » On voit également apparaître des outils intermédiaires adaptés aux mailles de calcul de 100 m à 25 km, et aux domaines de calcul de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres. Ces outils 3D météorologiques intègrent explicitement les équations de la mécanique des fluides adaptées à la météorologie et optimisées pour l’étude des vents locaux, et par voie de conséquence à l’estimation d’une production éolienne. Ils permettent des calculs qui couvrent tout à la fois une durée suffisante (8 760 h, soit un an) et la surface entière d’un parc éolien, d’une région, voire d’un petit pays, à des résolutions de 250 m à 1 km, selon l’importance globale de la zone visée.
Fig. 2.24 – À gauche : champ météorologique à l’échelle synoptique (10 x 10 km). À droite : champ météorologique à l’échelle locale (200 x 200 m).
20 km
320 km 55
50
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65
70
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© ATM-PRO s.p.r.l. Les éléments présentés ici sont et restent la propriété d’ATM-PRO s.p.r.l. (
[email protected]/www.atmpro.be).
L’avantage de ces outils est bien sûr leur temps de calcul, qui redescend à des durées non rédhibitoires aux projets, tout en recouvrant des domaines de temps et de surface compatibles avec les ordres de grandeur classiques de l’éolien.
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Les trois échelles des modèles météorologiques10 Dans le jargon des cartographes de la météorologie, on peut, en simplifiant, définir des modèles météorologiques sur trois échelles. Les modèles « macro » : échelle des modèles globaux Ils s’attachent à reproduire les grandes zones météo de hautes pressions, de basses pressions, les vents globaux, etc. Autrement dit, ils regardent l’échelle intercontinentale. La résolution des calculs est de l’ordre de 300, 100, 50 km… Les modèles « méso » : échelle des modèles régionaux Ils travaillent à une échelle inférieure. Particulièrement intéressante et très riche, cette échelle a été découpée et catégorisée en fonction de la taille des domaines : – alpha pour des régions type Europe, USA… c’est-à-dire quelque 1 000 km ; – bêta pour des régions de type pays (France, Espagne, Belgique…), soit quelque 100 km ; – gamma pour des régions de type province, commune, parc… soit quelque 10 km. Les catégories ci-dessus correspondent aussi à des résolutions de calcul : – alpha : 50, 25 km ; – bêta : 25, 10, 5 km ; – gamma : 10, 5, 1 km. 100 m. L’échelle gamma est celle qui correspond le mieux à l’éolien. Elle est proche des mouvements de l’air caractérisant les écoulements influant sur les vents locaux qui nous intéressent sur les sites éoliens. Les modèles « micro » : échelle des modèles locaux Il s’agit de l’échelle de l’instrument de mesure cette fois. C’est l’échelle des tourbillons, des panaches de pollution industrielle, des turbulences d’obstacle… c’est-à-dire de quelques mètres à 10 m.
10. Source : MAESTRO Wind : a decision maker tool for the wind energy sector, A. Dutrieux et G. Schayes. © ATM-PRO s.p.r.l. Les éléments présentés ici sont et restent la propriété d’ATM-PRO s.p.r.l. (
[email protected]/ www.atmpro.be).
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les prévisions en termes d’énergie et le productible Nous avons étudié, en tout début de ce chapitre, la forme de l’énergie du vent, puis nous avons vu les lois qui caractérisent ce vent et les prévisions que l’on peut faire sur son évolution, dans le temps et dans l’espace, sur la zone et selon la hauteur à laquelle on se place. Nous conclurons donc ce chapitre par l’énergie, comme nous l’avons commencé. Rappelons que la puissance que l’on va capter est de la forme : 1 Pcaptée = C p AρV 3 2 où Pcaptée est la puissance instantanée qui est captée « aérodynamiquement » par l’éolienne, A la surface du rotor que nous allons choisir, ρ la densité de l’air instantanée à l’endroit où sera l’éolienne, et Cp un coefficient d’efficacité de transfert aérodynamique qui varie avec la vitesse d’entrée, V. Ce coefficient Cp n’a pas d’unité, il va essentiellement dépendre de l’aérodynamisme des pales + rotor. Il s’agit donc ici d’appréhender non plus le vent, mais l’énergie qui pourra en être extraite en moyenne durant 20 ans ou plus. Il existe deux représentations possibles de cette énergie, selon l’objectif visé : la représentation énergétique en vue du micrositing ; la représentation énergétique en vue d’une évaluation de productible. ■ ■
La représentation énergétique en vue du micrositing Pour implanter des éoliennes sur une zone, on doit connaître la prévision d’énergie éolienne récupérable par n’importe quelle turbine sur cette zone. On cherche donc surtout à savoir quelles sont les énergies moyennes prévisionnelles sur une carte.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Dans la majorité des cas, on peut se satisfaire d’une carte des vents. Mais la carte énergie permet de juger plus finement du meilleur emplacement pour une éolienne. Et elle prend en compte la densité de l’air et ses variations, ce qui peut être déterminant.
Fig. 2.25 – Carte de micrositing : vitesses moyennes de vent.
La rose des énergies permet d’optimiser l’implantation des machines les unes par rapport aux autres. De même, la rose des vents peut suffire dans la majorité des sites. Cependant, il arrive que les vents soient puissants mais rares dans une direction, et constants mais faibles dans une autre ; cela peut amener à choisir une mauvaise implantation si l’on ne s’inspire que de la rose des vents, sans prendre en compte celle des énergies. Fig. 2.27 et 2.28 – Pour un même site, la rose des vents (à gauche) comparée à la rose des énergies utiles (> 3 m/s, pour le cas représenté à droite). 25,00 %
V>10 m/s 6
20,00 %
3
15,00 % 20,00 % 15,00 % 10,00 %
10,00 % 5,00 % 0,00 %
5,00 % 0,00 %
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La représentation énergétique en vue d’une évaluation de productible L’établissement du productible, c’est-à-dire la prévision de production électrique annuelle du parc éolien, est l’aboutissement des calculs de ce chapitre. On aura compris, à la lecture des pages précédentes, que le productible est une donnée statistique moyenne, que l’on obtient avec un taux d’erreur non nul, et qui suit donc les mêmes lois statistiques que l’énergie du vent. Cependant, le productible dépend aussi d’un élément qui n’a pas encore été introduit : l’éolienne elle-même. Il faut en effet connaître la courbe de puissance avant de pouvoir avancer. Mais, tout d’abord, précisons la distinction entre productible brut et productible net. Le productible brut est la prévision de production annuelle d’une éolienne, hors coefficients de pertes (que nous détaillerons ensuite), multipliée par le nombre d’éoliennes. Le productible net est le productible brut auquel on applique les coefficients de pertes de sillage, de pertes dues au « chaud » (dilatations, déclassement, etc.), au sable, ou au « froid » (givre, glace, etc.), de pertes électriques dans le réseau interne et dans les équipements électriques du parc, de pertes pour éventuelle absence de réseau (cas où on ne peut pas délivrer le courant car le réseau extérieur est hors service), ou toute autre cause d’arrêt possible pour maintenance, défaut, service, etc. Il peut ainsi exister une très sérieuse différence entre productible brut et productible net. On ne fait pas par exemple un plan d’investissement avec un productible brut : c’est évidemment le productible net qui se rapproche le plus de la production annuelle future. Il n’est donc pas nécessaire de chercher à définir le productible brut avec une précision excessive, alors que, par exemple, l’on ne sait pas garantir si le réseau extérieur sera présent à 95 ou 60 % du temps. La manière la plus naturelle d’appréhender le productible est de prendre la courbe de puissance donnée par le fabricant d’éoliennes et de l’intégrer sur la distribution de vitesse « long terme », obtenue à partir de la corrélation des mesures du site avec les stations météorologiques, ou bien directement issue de la modélisation. Chaque éolienne possède ses courbes de puissance propres. Un productible brut ne peut donc se définir que dans le cas d’une turbine déterminée.
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Récolter l’énergie ‹ du vent
3
Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. William Arthur Ward
Si l’on peut caractériser et prévoir statistiquement le vent sur une zone, au jour le jour il faut prendre le vent tel qu’il est. Puisque le vent ne peut être optimisé, le moyen d’action le plus efficace sur la production sera de jouer sur les choix d’équipements (qui font l’objet de ce chapitre) et sur la disposition de ces équipements sur la zone considérée1. Ces équipements vont tout d’abord être étudiés d’un point de vue fonctionnel : à quoi sert chacun des éléments qui les constituent, en quoi sont-ils nécessaires et comment fonctionnent-ils ?
1. Abordé au chapitre 2, p. 64, ce thème est complété dans la deuxième partie de cet ouvrage.
Afin de donner une idée des recherches dans le domaine, différentes technologies non encore produites à l’échelle industrielle seront ici présentées brièvement. Puis seront abordées, pour les turbines à axe horizontal, élément par élément, les fonctions qui transforment le vent en un courant triphasé 50 Hz2, 20 kV, 30 kV, ou même plus pour les très grands parcs, ou alors moins de 20 kV pour certains réseaux et/ou pour les plus petites installations.
2. 60 Hz dans certains pays.
Ce chapitre commence par l’étude des pales, qui ont pour fonction de capter le vent, puis du mât, qui permet d’aller chercher le meilleur du vent. Ensuite, le « système éolienne » sera abordé dans sa globalité, avec une attention particulière à :
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
la vitesse de rotation et le couple mécanique, c’est-à-dire l’ensemble rotor ; ■ la transmission mécanique, avec ou sans boîte de vitesses associée ; ■ la transformation d’une rotation en électricité, avec la génératrice synchrone ou asynchrone ; ■ et enfin, le traitement et la transmission électrique jusqu’au point de raccordement. ■
Survol des différents concepts d’éolienne Avant d’approfondir l’analyse fonctionnelle des éoliennes à axe horizontal, donnons ici un bref aperçu de différents concepts qui, malgré leur ingéniosité et/ou parfois leurs avantages, ne sont pas, ou pas encore, au stade de l’industrialisation. De multiples ouvrages et sites Internet développent plus en détail ces concepts d’éoliennes.
3. Du nom de leur inventeur, le Français Georges Darrieus.
Sont citées notamment les turbines à axe vertical, dont les plus connues sont appelées « Darrieus »3. Contrairement à une idée reçue, il semble qu’elles soient la plus ancienne des technologies éoliennes (elles sont apparues à la fin de l’Antiquité), alors que les axes horizontaux n’auraient été inventés qu’au Moyen Âge. Par ailleurs, autre préjugé à démentir, les premières éoliennes n’ont été créées ni au Danemark, ni aux Pays-Bas, ni même en Allemagne ou en Espagne, mais au Proche-Orient et au Moyen-Orient, au sein de l’empire perse, à la place de l’actuel Iran. Aujourd’hui, ces régions, tournées vers le pétrole, ont presque oublié l’éolien, mais peut-être que les traces de la grande intuition perse réapparaîtront un jour… Les turbines à axe vertical
4. Comme la Savonius, constituée de portions de cylindre qui tournent autour d’un axe. 5. Cas de la Darrieus, de forme classique en batteur.
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Les turbines à axe vertical présentent l’avantage majeur de ne pas être sensibles aux changements de direction du vent, et d’être beaucoup moins perturbées par les turbulences. En revanche, résoudre le problème du frottement mécanique au pied de l’axe y est une vraie gageure. De plus, ces technologies connaissent des problèmes de rendement4 ou de « démarrage difficile »5.
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Fig. 3.1 – De gauche à droite : Savonius, Darrieus H et Darrieus classique.
Les idées originales, à la frontière du futur Certains modèles d’éolienne ne sont pas encore validés aujourd’hui par suffisamment d’expériences pour que l’on puisse s’y fier. Mais peut-être dessinent-elles l’avenir. Des éoliennes carénées, qui défient la limite de Betz6, ont ainsi été imaginées. On peut également citer les éoliennes flottant en mer, confrontées aux tempêtes, ou les éoliennes flottant dans les airs, captant les hauts vents sans prendre d’espace au sol (voir figure 3.3). Plus proches de nous, sont envisagées des éoliennes qui peupleront notre architecture urbaine.
6. Voir figure 3.2, et chapitre 2 p. 39.
© CITA
© Ben Shepard
Fig. 3.3 – Éolienne flottant dans les airs, imaginée par Skywindpower.
Fig. 3.2 – Une éolienne carénée : la Cap Horn, de Cita-wind.
© Windela SA/ photo Ph. Deshoux
Fig. 3.4 – Lampadaire Windelux 100% autonome, développé par la société Windela SA.
Il existe encore de nombreuses autres idées, qui se développeront peut-être dans le futur. Mais recentrons-nous sur la technologie qui domine le marché aujourd’hui : l’éolienne à axe horizontal, munie de deux ou trois pales. 79
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Capter le vent : les pales Les pales sont les éléments les plus représentatifs de l’éolienne. Ce sont aussi les seuls éléments en mouvement. Elles constituent le point d’entrée de l’énergie apportée par le vent. Leur concept fait appel à une diversité impressionnante de principes, de formes et de matières. Car, si les pales d’hier étaient de simples rames à air, celles d’aujourd’hui sont devenues des ailes sculptées dont les lignes sont aussi travaillées que celles du monde de l’aviation. Afin de comprendre le rôle clef de la pale, nous allons présenter dans un premier temps l’action du vent sur la pale, comment il la « pousse », puis nous développerons ses principales caractéristiques. Ces différentes notions seront complétées lorsque nous traiterons du rotor, c’est-à-dire de l’ensemble des pales. Comment le vent pousse-t-il la pale ? Le fonctionnement d’une pale se base sur les mêmes principes que ceux de l’aéronautique. Le rotor, c’est-à-dire l’ensemble des pales reliées entre elles, fonctionne comme un rotor d’hélicoptère, mais dans le sens inverse : ce n’est pas le fait de tourner qui donne de la portance, c’est la force aérodynamique du vent qui fait tourner la pale, comme illustré ci-après. La force aérodynamique du vent se décompose en portance et traînée, la première étant perpendiculaire à l’axe du vent, la seconde parallèle à ce dernier. Fig. 3.5 – Action du vent sur une pale. Plan du rotor Angle de pas
Trainée Axe du rotor Axe du vent apparent Portance Axe de la corde
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Sur la figure 3.5, θ représente l’angle entre l’axe de la corde et le plan du rotor (ou plan d’entraînement) ; il est appelé angle de pas. C’est l’angle de calage mécanique de la corde par rapport au déplacement du profil dans le plan du rotor. C’est sur cet angle que l’on va « jouer » lorsque les éoliennes sont « à calage variable ». β est l’angle de vent apparent. Il correspond à l’angle que forme l’axe du vent apparent par rapport au plan du rotor. α est l’angle d’attaque. C’est l’angle que fait l’axe de la corde par rapport à l’axe du vent apparent. Sont également définies les trois composantes aérodynamiques : la portance ΔP, perpendiculaire à l’axe de vent apparent ; la traînée ΔT, colinéaire avec l’axe de vent apparent ; ■ le moment Δca. C’est l’angle donné à la pale ainsi que l’évolution de cet angle le long de la ligne d’attaque – caractéristique qui découle de la forme même de la pale – qui vont décider de la valeur cumulée de cette force aérodynamique au niveau du centre de gravité. Cette force ayant un point central contraint à l’immobilité (ou presque), c’est de sa composante radiale que provient le mouvement. La quantité de mouvement totale est alors égale à la quantité de mouvement qu’aurait le centre de masse de chaque pale, affectée de toute la masse de cette pale. ■ ■
La plus grande différence entre les pales des turbines actuelles porte sur la manière de « jouer » sur leur force aérodynamique afin de la stabiliser ou d’en maîtriser les variations. En effet, soit la pale présente un profil spécifique qui va permettre de « décrocher », au sens aérodynamique du terme, en cas de vent trop fort et/ou trop faible. C’est ce que l’on appelle stall en anglais, ou « pas calé » en français. Soit on se donne un moyen d’action sur cette pale : on en dirige l’angle de manière asservie, toujours dans l’optique de réguler sa marche en cas de vent trop fort ou trop faible. C’est le pitch control, ou « calage variable ». Les deux concepts peuvent être combinés : on asservit activement le décrochage naturel. C’est l’active stall. Le but est d’obtenir la vitesse de rotation voulue. Cet aspect sera détaillé dans la partie traitant du rotor dans sa globalité7. En 2008/2009, la grande majorité des éoliennes commercialisées en France sont de technologie pitch. Cette technologie s’est imposée
7. Voir chapitre 3, p. 90.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
pour deux raisons principales : d’une part l’augmentation de la taille des rotors, qui rend difficile la maîtrise du décrochage aérodynamique stall, et d’autre part la nécessité de gérer les à-coups brusques des décrochements sur la structure. Les pales dans leurs grandes lignes Les fabricants ou leurs fournisseurs ont presque tous développé leur propre profil en tenant compte des contraintes d’équilibrage, de performances et de bruit. Il devient de plus en plus rare, même sur les plus petites éoliennes, de rencontrer des pales cylindriques simples, c’est-à-dire de corde et de calage constants d’un bout à l’autre. Une pale d’éolienne, tout comme une aile d’avion, est le résultat d’une technologie très évoluée, même si sa « ligne » paraît pure et simple. Actuellement, le matériau employé est la fibre composite de résine coulée par imprégnation de tissus. Certains fabricants utilisent aussi du bois composite, ou des fibres naturelles. Les parties les plus exposées, comme la ligne du bord d’attaque, sont parfois renforcées à l’aide de kevlar.
Fig. 3.6
© LM Glasfiber
Profil d’une pale.
Les pales sont profilées d’un point de vue aérodynamique avec une forme évoluant du pied de la pale à son extrémité. Chacune est le plus souvent constituée de deux demi-coques moulées, qui sont savamment collées avec des renforts aux points les plus critiques, puis revêtues d’une couche de protection et passées en soufflerie. L’évolution technologique conduit aujourd’hui à fabriquer, pour les plus grosses turbines, des pales qui dépassent les normes de longueur en matière de transports routiers. Il est donc nécessaire de les couper en deux dans leur longueur pour les transporter, et de les ré-assembler sur site. Compte tenu des efforts exercés au niveau de ces points de jonction tournants, cela représente un réel défi pour les technologies de fixation.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Bruit et vitesse de la pale Le « bruit » que fait une éolienne vient de plusieurs sources : électronique de puissance, mécanique interne, frottement du vent, essentiellement. La composante du bruit induit par l’action aérodynamique de la pale sur l’air est un facteur 5 de la vitesse du bout de la pale. Cela explique en partie la limite classique de cette vitesse autour de 60 m/s. Sachant que Vbout de pale = ωrotation x 2π x longueur de la pale, les petites turbines peuvent tourner (en nombre de tours par minute) beaucoup plus vite que les grosses. D’autres raisons, qui s’ajoutent au simple bruit, sont données plus loin dans ce chapitre pour justifier que plus une pale est longue, plus il est préférable de la faire tourner lentement.
Chercher le meilleur du vent : le mât Le mât n’est pas un élément anodin dans l’ensemble que représente l’éolienne. Il joue un rôle dans la production d’énergie, et doit supporter des efforts importants, en toutes directions. Par vent extrême, sa fondation doit compenser un effet de levier considérable. Ainsi, si les pales, aériennes, nécessitent une précision de ligne et une finesse de comportement qui appartiennent au domaine du ciel, le mât, tout en structure et en force, ancre solidement l’éolienne à la terre. L’importance du mât dans la production d’énergie La vitesse du vent augmente globalement avec la hauteur, selon la formule présentée au chapitre précédent : ⎡H ⎤ V = VB × ⎢ ⎥ ⎣HB ⎦
α
où α est un coefficient « de rugosité » qui varie entre 0,1 et 0,4 selon la rugosité du sol8.
8. Voir chapitre 2, p. 53.
Comme la vitesse intervient au cube en termes de puissance captée, la loi de variation de puissance en fonction de la hauteur s’écrit : ⎡H ⎤ P = PB × ⎢ ⎥ ⎣HB ⎦
3α
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Exemple Un projet d’éolienne est envisagé dans une zone agricole de bocage (avec des obstacles de temps à autre). Le coefficient α a été mesuré à 0,259. Deux fabricants (virtuels) de turbines de même puissance nominale ont été consultés. Sans limite de hauteur pour l’instant, le fabricant A propose un mât de 50 m, le fabricant B un mât de 100. En première approximation, on constate que :
9. Voir chapitre 2, p. 53.
⎡H ⎤ PB = PA × ⎢ B ⎥ ⎣H A ⎦
3 × 0 ,2
PB = PA × 23 × 0,2 PB = 151 , × PA Le mât du fabricant B permet 51 % de production en plus, ce qui amène à réfléchir sur l’investissement supplémentaire. Quels seront les coûts engendrés par cette surélévation du mât ? Pour 50 m de tour en plus, en technologie tour acier, cela signifie deux sections en plus. Il faut donc deux autres camions pour les transporter. Une fondation plus volumineuse est à prévoir, et la mise en place nécessite une grue beaucoup plus importante. Le délai d’attente risque d’être particulièrement long étant donné le planning surchargé de ces quelques grues exceptionnelles. Il convient donc de prendre tous les éléments en compte avant de prendre une décision.
Comme il a été dit, les turbulences dues à la végétation et aux obstacles situés au sol sont sources de vibrations et d’efforts mécaniques sur le rotor. Elles fragilisent donc la structure, et introduisent un autre facteur de pertes de production. C’est pourquoi les mâts sont en général de plus en plus hauts. Mais, dans ces conditions, pourquoi se limiter à 100 ou 120 m ? Cette limite s’explique par un ensemble de contraintes : la limite induite par la taille des grues nécessaires à la construction (et au dépannage éventuel) ; ■ les coûts de transport ; ■ la limite liée aux efforts en base du mât ; ■ et, surtout, les limites fixées par les planchers aviation ou autres contraintes d’impact et/ou administratives. ■
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Les différents types de mâts
Fig. 3.7 Mât acier tubulaire sur le parc de Candeeiros au Portugal.
Parmi les mâts actuels, sont mis en œuvre des mâts treillis, des mâts en tube acier, des mâts en béton, des mâts haubanés, et des mâts combinant ces différentes technologies. Dans les mâts en tubes acier (voir figure 3.7), le mât est en tôles acier mécano soudées, amenées sur le site en plusieurs tronçons qui sont assemblés par boulonnage intérieur.
© Vestas Wind Systems A/S
Comme les pales, la structure d’accueil du rotor a évolué, et d’autres améliorations seront peut-être imaginées dans l’avenir.
© Vergnet SA
© Vergnet SA
Les haubans (voir figures 3.8 et 3.9) permettent de construire des mats et des massifs d’ancrage plus légers. Ils sont adaptés à des turbines de tailles moyennes et à des environnements « difficiles », qui nécessitent des escamotages occasionnels (repli avant ouragan, tremblement de terre, etc.).
Fig. 3.8 et 3.9 Mâts haubanés.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les mats en béton préfabriqué (voir figure 3.10), quant à eux, sont économiques et d’un transport aisé. Ils permettent de réaliser des structures immenses, pouvant supporter d’énormes turbines. Fig. 3.10
© Enercon GmbH
Mâts en béton préfabriqué.
Sur les grandes turbines, le choix du mât est fait par le fabricant de l’éolienne : ce n’est pas le client qui décide. Cependant, c’est l’élément que les fabricants sont le plus enclins à sous-traiter localement du fait de son volume, de son poids, et donc des difficultés de transport qu’il entraîne.
Ordres de grandeur des masses concernées Une pale peut peser, à elle seule, jusqu’à environ 6 tonnes. Un mât « acier » peut atteindre environ 100 tonnes (250 tonnes pour la plus grande tour en béton). Une nacelle avec son rotor et ses équipements intérieurs, de manière évidemment différenciée d’un type d’éolienne à l’autre, peut peser jusqu’à environ 500 tonnes. Une fondation en béton armé peut peser jusqu’à 3 000 tonnes.
Vue globale du système fonctionnel nommé « turbine » Avant de rentrer dans le cœur du système de production électrique, un schéma global (figure 3.11) permet de donner un aperçu des sous-systèmes qui vont être détaillés. 86
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Fig. 3.11 – Schéma global du système turbine.
2 3 4 7 1. Rotor
1
2. Pâles
6
3. Multiplicateur
5
4. Génératrice 5. Mécanisme d’orientation de la nacelle 6. Système hydraulique 7. Frein
2
Fig. 3.12 et 3.13 – Les différents éléments constitutifs d’une turbine à génératrice asynchrone, avec arbre de transmission de différentes technologies et multiplicateur. À gauche, turbine 2 MW ou 3 MW, Alstom Ecotecnia. À droite, turbine 1 MW, Vergnet SA.
87
Schéma de gauche : © Alstom Ecotècnia ; Schéma de droite : © Vergnet SA
Les images 3.12 à 3.15 donnent quelques exemples de turbines génératrices.
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© WinWind
© Areva-Multibrid
Fig. 3.14 et 3.15 – Les différents éléments constitutifs d’une turbine à génératrice synchrone à attaque directe. À gauche, turbine 1 MW ou 3 MW, WinWind. À droite, turbine 5 MW offshore, Areva Multibrid.
Il existe quasiment autant de systèmes différents que de marques de turbines. En simplifiant, on peut néanmoins représenter cet ensemble par le schéma 3.16. Fig. 3.16 – Schéma du fonctionnement d’une turbine. Conversion éolienne Rotor
Conversion de vitesse de rotation et de couple mécanique
Conversion mécanoélectrique
Vent Génératrice
Transformateur réseaux et ligne haute tension
Transmission mécanique
Supervision et contrôle
Énergie cinétique
88
Équipements de coupure et de protection
Énergie mécanique
Consommateur et/ou stockage
Énergie électrique (puissance active)
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Chaque élément de transmission ou de transformation est un sousensemble dont le rendement n’est pas de 100 %, et il est intéressant de noter les ordres de grandeur des rendements de chaque sous-système en matière d’énergie. Ceux-ci sont estimés sur le schéma 3.18. Avant de passer à l’étude de chaque sous-système, le schéma 3.17 propose une synthèse des interactions entre eux. Fig. 3.17 – Structure fonctionnelle d’une éolienne.
V
V ψ n
V
Calage des angles des β pales
MA
+
MW
−
ψ
Énergie éolienne
n
n ψ V Couple
Couple
Transmission n mécanique
Énergie mécanique
MA n Transmission − mécanique + MW Supervision et contrôle
Supervision et contrôle
Générateur (électrique)
n
n
Générateur (électrique)
Énergie électrique
Client réseau
Client réseau
Données électriques
Données électriques
ÉOLIENNE DE TYPE « PITCH OU CALAGE VARIABLE » MA = Couple Moteur de l’éolienne MW = Couple de charge de éolienne ψ = position des pales
ÉOLIENNE DE TYPE « STALL OU CALAGE FIXE »
n = Vitesse de rotation rotor V = Vitesse du vent β = Calage des pales
89
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 3.18 – Ordres de grandeur des rendements des systèmes internes de la turbine.
Puissance du vent au niveau du cercle rotor Pw 2493 kW
Axe de transmission mécanique η∞ = 0,968
Cp = 0,44
Génératrice η1 = 0,965
Rotor
1025 kW
Pm, b 1097 kW
Convertisseur de fréquence + filtre + cables de puissance
η0 = 0,975 Consommation des auxiliaires
Pm, a 1062 kW
28 kW 2,8 %
Pe 1000 kW
980 kW
η1 = 0,980 Transformateur
Réseau électrique
Vitesse de rotation et couple mécanique : l’ensemble rotor Il s’agit de la transformation primaire de l’énergie : les pales, poussées par le vent, tournent et entraînent une machinerie complexe. Il faut par conséquent réguler ce système pour qu’il puisse supporter les variations du vent. Cette partie va donc aborder les points suivants : faire face au vent : le rotor ; comprendre les forces en présence : vitesse de rotation et couple mécanique, le choix du λ; ■ gérer la vitesse du rotor ; ■ les classes IEC. ■ ■
Faire face au vent : le rotor L’énergie captée dans le vent par une éolienne est directement proportionnelle à la surface balayée par ses pales. Ce n’est donc pas tant le nombre de pales qui est important, mais le diamètre du cercle dessiné par leur rotation. Cependant, les éoliennes tripales (dont le rotor comporte trois pales) sont beaucoup plus courantes que les éoliennes bipales. La raison principale en est la problématique mécanique d’équilibrage du centre de gravité et du centre de rotation. S’ajoute sans doute une certaine 90
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
rationalisation industrielle, qui finit par imposer un procédé. Les bipales présentent pourtant des qualités techniques intéressantes, et mériteraient que l’on cherche à résoudre ces problèmes mécaniques. En effet, plus légères que les tripales, elles permettent des mises en place dans des lieux plus difficiles d’accès. Elles se prêtent aussi à des concepts innovants de levage et de mise hors risques en cas de tempête ou cyclone, que les tripales conventionnelles ne proposent pas10. Ainsi, chaque industriel ayant fait son choix, c’est au client de comparer les techniques, avec leurs avantages et leurs inconvénients selon le site retenu.
10. Peu de recherches sont engagées dans ce domaine.
Quel que soit le nombre de pales, le rotor constitue un élément central de l’éolienne. Selon les choix des concepteurs, différentes marges de manœuvre se dégagent d’un point de vue mécanique, et d’un point de vue régulation (automatisme). Comprendre les forces en présence : vitesse de rotation, couple mécanique, et choix du facteur de vitesse λ Sans entrer dans le détail des principes de transformation mécanique, on peut expliquer ainsi le rôle du rotor : il transforme une poussée irrégulière, dispersée (la poussée du vent sur la surface des pales), en une force en mouvement de rotation la plus régulière et la plus « puissante » possible. Commençons par un rappel sur les solides en rotation autour d’un axe central. La puissance transmise à l’axe (aussi appelé arbre) central se définit par : Pmécanique = TΩ où T est la résultante des forces aérodynamiques du rotor sur l’axe central, et Ω la vitesse de rotation. T est ce que l’on appelle aussi assez souvent le couple mécanique. Rappel sur les équivalences translation-rotation Translation Force : F (en N)
Rotation Couple : T (en N.m)
Masse : m (en kg)
Moment d’inertie : I (en kg.m²)
Vitesse : V (en m/s)
Vitesse angulaire :
Énergie : E = ½ mV² (en J)
Énergie : E = ½ I Ω² (en J)
Puissance : P = FV(en W)
Puissance : P = TΩ (en W)
Accélération : a = F/m (en m/s²)
Accélération angulaire : T/I (rad/s²)
Ω (en rad/s)
91
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
À vide, c’est-à-dire si la puissance mécanique n’était pas récupérée par l’arbre sous forme de mouvement selon les principes de l’action/ réaction, si la vitesse du vent augmente et si le calage des pales reste inchangé, alors la résultante des forces de poussée augmente, ce qui augmente la vitesse de rotation. Si l’axe transfère la charge, la puissance supplémentaire est absorbée. Ainsi, si le phénomène peut s’équilibrer à chaque instant, la rotation peut rester régulière, voire constante sur certaines plages de vitesse. C’est ce qui est recherché dans le cas de l’éolien : l’on s’efforce de récupérer le plus possible de cette puissance mécanique. Afin d’éviter que la machine s’emballe, on peut « jouer » sur la vitesse du rotor en modifiant la « prise au vent » (soit par décrochage stall, soit en régulant l’angle de calage des pales en pitch) – mais dans ce cas on accepte de se priver d’une partie de la puissance présente. On peut aussi intervenir sur la charge mécanique en réaction derrière la transmission : il est alors possible de récupérer une plus grande partie de la puissance présente dans la ressource en vent. On retrouve ces aspects en termes de coefficient de rendement de chaque sous-système, tels que présentés dans la figure 3.18. Il est aussi intéressant de connaître, à ce niveau, un facteur clef lié à la conception de l’éolienne : λ, le coefficient de vitesse spécifique de l’éolienne (sans unité). λ représente le rapport entre la vitesse du bout de la pale et celle du vent au niveau de l’axe rotor (on parle aussi de hub). On a donc : λ=
ΩR Vhub
où Ω est la vitesse de rotation et R le rayon, donc la longueur de pale jusqu’au centre du moyeu. Ce coefficient est l’illustration de la « réponse » spécifique de chaque éolienne au vent qui lui fait face. Des études sur plusieurs types d’éoliennes ont cherché à analyser les grandes lois de variation de ce facteur ; les résultats de deux de ces études sont présentés sur les schémas 3.19 et 3.20.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Limite de Glauert
Limite de Betz (Cp = 0,59)
0,6
3 pales
0,5 Coefficient de puissance
Fig. 3.19 – Les courbes des coefficients de puissance obtenues selon le type de machine et selon leur coefficient de vitesse spécifique λ.
2 pales
0,4 1 pale
0,3 Rotor Darrieus
0,2
Rotor multipales
0,1
Rotor Savonious
Coefficient de vitesse spécifique
La figure 3.20 illustre bien l’importance des choix technologiques pour obtenir un Cp le plus important possible. On comprend ainsi les raisons de la prédominance à ce jour des éoliennes tripales. Cp
Fig. 3.20 – Les courbes des coefficients de puissance obtenues selon l’angle de calage β des pales et selon le facteur de vitesse spécifique λ d’une éolienne type.
Coefficient de puissance
0,4 B β = 0°
0,3 2,5° 0,2
5°
0,1
10°
20°
A
0 0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
Coefficient de vitesse spécifique λ
93
Extrait de la norme IEC 61400-1 – classes d’éoliennes Classe d’éoliennes Vref (m/s)
I
II
III
50
42,5
37,5
A Iref (-)
0,16
B Iref (-)
0,14
C Iref (-)
0,12
S Valeurs spécifiées par le concepteur
Les valeurs des paramètres s’appliquent à la hauteur du moyeu. Vref représente la moyenne de la vitesse du vent de référence sur 10 min. A désigne la catégorie relative aux caractéristiques de turbulence plus élevée, B celle correspondant aux caractéristiques de turbulence moyenne, et C celle associée aux caractéristiques de turbulence plus faible. Iref est la valeur attendue de l’intensité de la turbulence à 15 m/s11.
11. Voir page suivante.
En résumé, il existe deux manières d’agir sur la rotation du rotor par rapport au vent. Ces deux processus complémentaires sont engagés en parallèle. 12. Le marché allemand ayant longtemps représenté un volume important, beaucoup de fabricants avaient opté pour la normalisation allemande « DIBt ». Aujourd’hui, tous ont au moins le référencement par rapport aux normes IEC, souvent en plus de la normalisation pour laquelle ils avaient opté à l’origine.
« Charger » de manière à récupérer cette puissance dans l’énergie cinétique, qui profite de cet accroissement de moment d’inertie. C’est le rôle de la boîte de vitesses lorsqu’il y en a une (voir p. 96), ou de la génératrice si sa conception le permet (voir p. 98). ■ Perdre du vent devant, en asservissant les pales. C’est dommage (une part d’énergie est perdue), mais nécessaire pour garder le contrôle. ■
Les classes IEC En vue de classer les types d’éoliennes selon les limites de sécurité relatives aux vents extrêmes, l’industrie éolienne a maintenant fait le choix quasi unanime de s’en remettre aux normes IEC12. La classification IEC définit une typologie d’éoliennes selon leur comportement dans des conditions de vents extrêmes. Ces classes indiquent donc au développeur de parc éolien les conditions externes extrêmes que la turbine est censée pouvoir affronter. C’est là un élément central et incontournable dans le choix de la turbine.
94
IEC 61400-1 ed.3.0 – Copyright © 2008 IEC Geneva, Switzerland. www.iec.ch.
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
De par sa conception, chaque turbine est classée selon les catégories de la classification IEC. En général, plus la voilure (surface du rotor) est grande, plus la turbine est productive13, mais plus elle est sensible aux vitesses maximales, et donc plus elle est référencée dans une classe élevée. Ainsi la classe I correspond à une plus petite voilure, plus robuste aux vents forts, alors que la classe III définit une plus grande voilure qui, elle, ne supporte pas les vents trop forts.
13. Voir chapitre 2, p. 37 et suivantes.
La classe S correspond aux inclassables. Elles doivent être clairement définies par ailleurs. Ce sont les éoliennes qui se rabattent au sol en cas d’ouragan ou de tempête, et plus généralement toutes celles qui ont des conceptions très particulières.
Classe A Classe B
4 σ1 m/s
Classe C 3 2 1 0 0
5
10
15 Vhub m/s
20
25
30
IEC 1246/05
0,5 Classe A 0,4
Classe B Classe C
0,3 0,2 0,1 0 0
5
10
15 Vhub m/s
20
25
30
IEC 1247/05
L’auteur remercie l’IEC (International Electrotechnical Commission) de lui permettre de reproduire des informations de son International Standard IEC 61400-1 ed.3.0 (2008). Ces extraits sont la propriété d’IEC, Genève, Suisse. Tous droits réservés. Des informations complémentaires concernant IEC peuvent être trouvées sur le site www.iec.ch. IEC décline toute responsabilité quant au contexte dans lequel les extraits et les contenus sont reproduits par l’auteur, de même que l’IEC n’est en aucune manière responsable du restant du texte.
95
IEC 61400-1 ed.3.0 – Copyright © 2008 IEC Geneva, Switzerland. www.iec.ch.
5
Fig. 3.22 – Intensité de la turbulence pour le modèle de turbulence normale (NTM).
Intensité de la turbulence
Fig. 3.21 – Écart-type de la turbulence pour le modèle de turbulence normale (NTM).
IEC 61400-1 ed.3.0 – Copyright © 2008 IEC Geneva, Switzerland. www.iec.ch.
Les lettres A, B et C décrivent davantage la qualité du vent que sa vitesse (qui est définie par les catégories I, II et III). Ces lettres indiquent les perturbations auxquelles la turbine est capable de faire face. C’est pourquoi il est nécessaire de relever et/ou d’analyser l’intensité de turbulences du site à partir de mesures physiques et/ou de modèles. On rapproche les courbes des écarts-types relevés (voir figure 2-11 du chapitre 2) des courbes données par la norme (voir figures 3.21 et 3.22) afin d’en déduire la classe de l’éolienne.
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
14. Rappel : la vitesse maximale correspond au maximum des vitesses moyennes sur 10 min.
15. Voir chapitre 2, figure 2.4. 16. Voir chapitre 2, figure 2.3.
Par exemple, la classe IIB indique que la turbine est adaptée aux sites d’une vitesse maximale14 de vent inférieure ou égale à 42,5 m/s, avec une intensité de turbulence comprise entre 0,12 et 0,14 à 15 m/s. Si le site révèle des caractéristiques de vent long terme telles que la vitesse maximale est par exemple de 37 m/s, mais avec une intensité de turbulence de 0,13 à 15 m/s, il est alors sans doute plus intéressant d’envisager une éolienne de classe IIIB, plutôt que de classe IIB ou IB. En effet, son productible sera certainement amélioré du fait d’une plus grande voilure. Ces conclusions apparaissent clairement dès que l’on intègre chaque courbe de puissance des éoliennes15 avec la courbe de densité de probabilité du vent local16. Lorsque les caractéristiques de vent se situent aux limites entre deux valeurs de la norme, le choix du type d’éolienne est plus délicat.
La transmission mécanique : avec ou sans boîte de vitesses La deuxième étape consiste à relier le rotor à une machine tournante qui fabrique de l’électricité : la génératrice. Comme nous le verrons, toutes les génératrices n’ont pas les mêmes besoins en termes de vitesse. Ainsi, certaines génératrices nécessitent une vitesse constante très précise, tandis que d’autres admettent des variations de vitesse aisément compatibles avec les variations maîtrisées au niveau du rotor. Il existe, par conséquent, plusieurs technologies de transmission mécanique. Ceci est d’autant plus vrai que, si l’aérodynamisme et l’électricité sont des sciences relativement récentes, l’art de transmettre un mouvement circulaire a largement eu le temps d’être approfondi depuis l’invention de la roue. L’arbre de transmission (ou arbre lent) Après des essais de positionnement de toutes sortes de la génératrice, la technologie actuelle converge vers une génératrice placée dans la nacelle, au plus près du rotor, afin de diminuer le plus possible la distance de transmission mécanique – qui est l’une des opérations les plus critiques du système. Il ne sera pas donné ici une liste exhaustive des différentes solutions employées par les constructeurs pour rapprocher de quelques centimètres ou mètres le rotor et la génératrice, et pour en changer la vitesse de rotation. Mais l’idée sous-jacente est la suivante : une force énorme 96
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
se focalise sur la pièce de transmission centrale, c’est pourquoi plus l’arbre d’entraînement est long, plus il court de risques mécaniques. La tendance est donc de condenser et de simplifier les processus. Tout ce qui est « mécanique » étant sujet aux vibrations et à l’usure, ces éléments sont particulièrement susceptibles de provoquer des incidents et des pannes. Aussi font-ils l’objet d’une surveillance attentive de la part des constructeurs de turbines. Les questions de transmission mécanique sont d’une grande importance, mais restent les mêmes que dans toutes les autres technologies qui les utilisent. En revanche, le multiplicateur est un enjeu majeur spécifique à l’éolien. Le multiplicateur : avec ou sans boîte de vitesses mécanique La rotation qui parvient en entrée de génératrice doit être adaptée à la fois au type de génératrice et au type de fonctionnement que l’on souhaite lui donner. En effet, la vitesse de rotation d’entrée a un rapport direct avec la fréquence du courant qui sort de la génératrice. Dans le principe, pour beaucoup de turbines actuelles, le multiplicateur est similaire à une grosse boîte de vitesses de voiture (en anglais, gearbox). On peut citer, par exemple, les technologies : à trois axes parallèles ; à deux entraînements planétaires plus un axe parallèle ; ■ à trois entraînements planétaires. Les éoliennes qui règlent leur fréquence à l’aide de convertisseurs n’ont pas besoin d’ajuster la vitesse en amont de la même manière, par exemple, que celles qui sortent directement du multiplicateur sur une génératrice asynchrone. ■ ■
Ne pas utiliser de boîte de vitesses mécanique est évidemment un atout majeur, car cela élimine la pièce mécanique qui est à l’origine de la plupart des pannes « graves ». La compacité de la nacelle en est de plus améliorée. En revanche, la solution alternative coûte cher puisqu’il s’agit de remplacer de la mécanique par une électronique de puissance. Le choix doit donc être fait en comparant les offres de machines. La question de l’utilisation ou non de la boîte de vitesses sera à nouveau posée dans les pages qui suivent, car elle est intimement liée aux caractéristiques de la génératrice.
97
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La transformation d’une rotation en électricité : la génératrice À ce stade, le support énergétique est modifié : il passe du mouvement à l’électricité, obtenue en faisant tourner des champs magnétiques. C’est, grossièrement, le rôle de la génératrice électrique. Les génératrices utilisées pour les éoliennes (excepté les toutes petites, de l’ordre de quelques kilowatts) sont des génératrices triphasées.
Le triphasé Le courant triphasé est composé de trois courants d’ondes identiques, décalés d’un tiers de cycle l’un par rapport à l’autre. De ce fait, il apparaît entre eux un différentiel de tension de 3 du différentiel de tension d’un pôle par rapport au neutre.
Fig. 3.23 – Représentation graphique des trois tensions du courant triphasé.
Ainsi, un triphasé distribue 400 V entre phases, ce qui est la tension usuelle d’alimentation de la climatisation d’un immeuble de bureaux ou de gros moteurs industriels. Et le même triphasé distribue 240 V entre phases et neutre, soit la tension usuelle alimentant les ampoules et les prises de courant classiques. Compte tenu des nombreuses qualités du triphasé par rapport au simple courant « monophasé » (moins de pertes joules, moins d’harmoniques émises, plus de compacité des équipements électriques, etc.), il est utilisé quasiment partout jusqu’à la distribution finale. Il n’est concurrencé par le courant continu que sur les distances très importantes et/ou les transports complexes (lignes sous-marines par exemple).
98
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Les deux grandes familles techniques de génératrices Il existe deux grandes familles de génératrices. Si elles ne sont pas spécifiques à l’éolien, ce dernier les a fait évoluer de manière à les adapter à ses contraintes propres. Les génératrices synchrones (MS) Ces machines sont constituées, schématiquement, d’un stator (pièce fixe) et d’un rotor (pièce tournante). Le rotor induit le champ magnétique tournant. Il peut s’agir d’un aimant permanent (générant donc un champ constant mais qui tourne). Dans ce cas, la tension délivrée par la machine n’est pas réglable ; sa valeur efficace et sa fréquence varient selon la vitesse de rotation. Le rotor n’a alors pas besoin d’être alimenté en électricité, ce qui, pour une éolienne, est un atout important. Un électroaimant alimenté par une source extérieure peut également constituer le rotor. Un système de régulation doit alors régler la tension et le déphasage du courant produit. Le stator est la bobine où se crée le courant électrique alternatif. Ce courant est induit par la variation du champ magnétique due au mouvement du rotor par rapport au stator. iA θ νA
Fig. 3.24 – Représentation du champ tournant du rotor alimenté par électroaimant qui induit un champ tournant engendrant lui-même un courant dans le stator, sur ses trois phases de sortie.
Ir
Cette machine est dite « synchrone » car le champ du rotor et celui du stator ne peuvent que tourner à la même vitesse. 99
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les génératrices synchrones, en résumé Le rotor induit le champ magnétique tournant. Les génératrices n’ont pas toutes besoin de courant pour démarrer. Le champ du rotor et celui du stator tournent à la même vitesse.
Les génératrices asynchrones (MAS) La machine asynchrone, parfois nommée machine à induction, est elle aussi composée d’un stator et d’un rotor. Les machines possédant un rotor « en cage d’écureuil » sont aussi connues sous le nom de « machines asynchrones à cage » ou de « machines asynchrones à cage d’écureuil ». L’adjectif « asynchrone » provient du fait qu’il n’y a pas obligatoirement un rapport direct entre la fréquence du courant qui traverse la machine et sa vitesse de rotation. La machine asynchrone, bien qu’apparue plus tard que la machine synchrone dans le domaine des grandes puissances (car il a fallu attendre les progrès de l’électronique de puissance qui y est associée), a été la première employée dans l’éolien moderne. À la différence de la génératrice synchrone, c’est ici le stator qui est à l’origine du mouvement : les courants dans le stator créent le champ magnétique tournant dans le stator lui-même. La vitesse de rotation de ce champ est donc proportionnelle à la fréquence de l’alimentation électrique venant de l’extérieur. La vitesse de ce champ tournant est appelée « vitesse de synchronisme ». Au niveau du rotor, l’enroulement voit donc passer des variations de flux du champ magnétique qui tendent à entraîner le rotor dans un mouvement rotatif. La machine est dite « asynchrone » car, sans la présence d’un entraînement extérieur, elle serait dans l’impossibilité d’atteindre la même vitesse que le champ au niveau du stator. La différence de vitesse de rotation entre le rotor et le champ magnétique du stator est appelée « vitesse de glissement ». Si l’on entraîne le rotor (ce qui est le cas de l’éolien) au-delà de la vitesse de synchronisme, la machine fonctionne en générateur alternatif. Mais il faut tout de même que le stator reste « en présence courant » du côté du réseau, afin de créer le champ magnétique nécessaire pour faire apparaître les courants au niveau du rotor.
100
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
C’est pourquoi les éoliennes consomment un peu de courant, même s’il ne s’agit que d’une très faible quantité. Elles sont aussi parfois exigeantes sur la qualité d’onde de celui-ci. Ces contraintes ne concernent que les éoliennes « à génératrices asynchrones ». Il est possible d’y remédier, soit à l’aide de condensateurs connectés sur le stator, soit en introduisant des dispositifs d’électronique de puissance et des batteries qui permettent un fonctionnement en génératrice autonome.
Les génératrices asynchrones, en résumé Le stator induit le champ magnétique tournant. Les génératrices ont besoin de courant sur le stator pour induire le champ initial et « donner la fréquence ». Une machine asynchrone ne devient une génératrice que si le rotor tourne plus vite que la vitesse de synchronisme – sinon c’est un moteur. Le champ du rotor et celui du stator tournent à des vitesses différentes. La différence entre ces vitesses est appelée « vitesse de glissement ».
Mais, dans le domaine éolien, les génératrices sont plutôt classées en fonction du type de contrôle de la vitesse du rotor, car il s’agit là de la donnée d’entrée du système (c’est de là que vient la matière première !). Parmi les éoliennes, on distinguera donc ci-après celles qui tournent « à vitesse constante », et celles qui tournent « à vitesse variable ». Les machines de technologie « à vitesse constante » Le principe Ce sont les machines les plus anciennes et les moins complexes au niveau de la génératrice. Mais, comme cela a été précisé, ce système nécessite un ensemble fonctionnel mécanique de boîtier de vitesses en amont, afin de réguler la vitesse de rotation d’entrée. Cette technologie est en voie de disparition sur les plus grandes éoliennes car une part conséquente du productible est perdue, comme le montrent leurs courbes de puissance. Les génératrices employées sont aussi bien asynchrones que synchrones, chacune gérant différemment les écarts par rapport à sa « vitesse constante » de conception. 101
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Le cas particulier de la machine asynchrone à double stator Cette configuration d’éolienne à vitesse fixe permet de fonctionner à deux vitesses. On réalise un double bobinage au stator, qui induit un nombre variable de paires de pôles, et donc deux plages de vitesses différentes. Il est en effet possible d’imposer deux vitesses de synchronisme en changeant le nombre de pôles. On dispose alors d’un premier stator de faible puissance à grand nombre de paires de pôles pour les petites vitesses de vent. En effet, la puissance est donnée par : Ptr = Γ.Ωs où Ptr est la puissance transmise par la génératrice, Γ le couple électromagnétique, Ωs la vitesse de synchronisme. À une faible puissance correspond une faible vitesse, la vitesse étant liée au nombre de paires de pôles par : ω Ωs = p où ω est la fréquence du réseau (exprimée en cycles/seconde), p le nombre de paires de pôles. À une faible vitesse correspond donc un nombre de paires de pôles élevé. Un second stator, de forte puissance, correspond à une vitesse élevée. Il est alors associé à un faible nombre de paires de pôles pour les vitesses de vent élevées. Fig. 3.25 – Schéma de la connexion au réseau de l’éolienne avec une machine asynchrone à double stator. Turbine Vent Multiplicateur
MADS
Réseau de distribution
Commutateur Transformateur
102
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Le cas particulier du fonctionnement en vitesse fixe et en mode autonome (non relié à un réseau) Les éoliennes non raccordées au réseau fonctionnent en mode autonome. Elles alimentent des charges isolées avec éventuellement un ou plusieurs groupes électrogènes en appoint. Pour cette configuration, le recours à un système de stockage présente un intérêt significatif en cas de vent faible, notamment en l’absence de groupes électrogènes. Les batteries sont un moyen envisageable de stockage d’énergie à long terme. D’autres systèmes de stockage peuvent être envisagés, comme le stockage inertiel à court terme. Ce procédé évite l’utilisation de batteries, qui présentent un caractère polluant. L’énergie se présente sous forme d’énergie cinétique stockée dans un volant d’inertie. La génératrice utilisée peut être une machine synchrone à aimants permanents ou une machine asynchrone à cage munie de capacités indispensables pour son excitation.
Fig. 3.26 Schéma général en mode autonome pour une petite éolienne à vitesse fixe.
Stockage Vent
Turbine Multiplicateur Génératrice
Charge
Les machines de technologie « à vitesse variable » Pour optimiser la puissance débitée en fonction du vent, il est préférable de pouvoir régler la vitesse de rotation de l’éolienne. La problématique à régler par une éolienne « à vitesse variable » est d’avoir un générateur à fréquence aussi fixe que possible tout en partant d’une vitesse de rotation variable. Ce type de système, en fonctionnant pour une large gamme de vents, permet de récupérer une quantité maximale de puissance tout en réduisant les nuisances sonores lors du fonctionnement à faible vitesse de vent. 103
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
En technologie « à vitesse variable », on régule le système de façon à ce que, pour chaque vitesse de vent, l’éolienne fonctionne à puissance maximale. La puissance maximale est atteinte pour une vitesse de rotation de la turbine donnée par la caractéristique de l’éolienne P (Ω).
17. Rappel : le rotor de la génératrice est la partie de bobinage qui est en rotation.
La figure 3.27 présente, pour une petite éolienne, plusieurs courbes de puissance en fonction de la vitesse de rotation du rotor de la génératrice17, ainsi que les deux courbes possibles des vitesses « de conception » au niveau du rotor de l’éolienne : vitesse fixe et vitesse variable. La valeur de la puissance dépend aussi de la force qu’exerce le vent sur les pales, comme nous l’avons vu au chapitre 2, c’est pourquoi on a sur ce graphique une courbe différente par vitesse de vent. Fig. 3.27 – Puissance dégagée en fonction de la vitesse de rotation du rotor de la génératrice, pour plusieurs vitesses de vent au niveau du rotor de l’éolienne.
Puissance (W)
200 000
vent de 4 m/s vent de 6 m/s vent de 8 m/s vent de 10 m/s vitesse fixe vitesse variable
150 000
100 000
50 000
0 0
500
1 000 1 500 2 000 Vitesse de rotation (tr/min)
2 500
La vitesse de rotation de la machine peut en général varier du simple au triple. Les systèmes à vitesse variable nécessitent des convertisseurs de fréquence pour ramener la sinusoïde à une fréquence de 50 Hz (ou 60 Hz outre-Atlantique).
104
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Les convertisseurs de fréquence Avec une technologie « à vitesse variable », la fréquence et l’amplitude de la tension, en sortie de la génératrice, sont variables. Pour satisfaire aux conditions du réseau, et donc retrouver la fréquence et l’amplitude de la tension du réseau, on utilise des convertisseurs de puissance agissant comme des convertisseurs de fréquence, intercalés entre la machine (synchrone ou asynchrone) et le réseau. Le dispositif règle la fréquence du courant, transforme ce courant alternatif en courant continu, et filtre enfin ce courant à travers un onduleur pour l’amener à la fréquence du courant du réseau. Le générateur ainsi équipé peut subir sans crainte les rafales, et les sollicitations mécaniques y sont considérablement réduites. La chaîne de conversion électrique comprend alors la génératrice d’une part et les convertisseurs d’autre part, qui vont d’abord redresser, puis onduler à la fréquence adéquate. Les turbines sont donc en deux parties. – Une partie pour la transformation alternatif/continu ou redresseur commandé (repère 1 sur la figure 3.28). On utilise un redresseur à diodes pour les machines synchrones. Un redresseur à MLI est utilisé pour les machines asynchrones ; il permet par ailleurs de fournir la puissance réactive magnétisante. – Une partie pour la transformation continu/alternatif ou onduleur (repère 2 sur la figure 3.28). C’est un convertisseur statique qui règle la valeur de la tension ou du courant efficace et la fréquence du courant ou de la tension pour réaliser la connexion au réseau. On utilise de préférence un onduleur de type MLI car c’est la structure d’onduleur qui génère le moins de courants harmoniques (perturbations qui induisent des fréquences plus élevées que le 50 ou le 60 Hz).
Fig. 3.28 – Convertisseurs statiques de fréquence. 2
1 Bus continu =
~ =
~
La gestion du transfert de puissance entre le redresseur et l’onduleur se fait en régulant le bus continu. Ce bus est notamment constitué d’un condensateur qui lisse et filtre la forme de l’onde – qui sera ainsi « parfaite » pour le réseau.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Cas le plus courant de génératrice asynchrone utilisée en vitesse variable Avec les génératrices asynchrones, la variabilité de la vitesse s’appuie sur la possibilité d’effectuer un glissement de vitesse, c’est-à-dire une légère variation de la vitesse de rotation du générateur par rapport à son entraînement. Le type de génératrice le plus utilisé en grand éolien est la machine asynchrone à double alimentation, ou Mada (voir figure 3.29). Cet ensemble peut aussi être associé à un double convertisseur MLI. Cette variante de la configuration précédente est illustrée par la figure 3.30. Fig. 3.29 – Schéma de la connexion au réseau d’une éolienne avec machine asynchrone équipée d’une résistance variable.
Vent
Turbine Multiplicateur
Réseau de distribution
MADA
~
Transformateur =
Redresseur
106
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Fig. 3.30 – Schéma d’une machine asynchrone associée à un double convertisseur MLI. Vent
Turbine Réseau de distribution
Multiplicateur MADA
~
= =
Transformateur
~
Convertisseur statique de fréquence Filtre
Cas le plus courant de génératrice synchrone utilisée en vitesse variable Dans le cas d’une machine synchrone, l’amplitude et la fréquence sont fonction de la vitesse de rotation. Le raccord au réseau nécessite donc un convertisseur statique de fréquence, avec un redresseur et un onduleur (voir figure 3.31). Fig. 3.31 – Schéma d’une machine synchrone associée à un convertisseur statique de fréquence. Turbine Convertisseur statique de fréquence
Multiplicateur
~ MS
Réseau de distribution
= =
~ Transformateur
Filtre
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
On peut ne pas employer de multiplicateur, en prenant simplement une génératrice synchrone à grand nombre de pôles, pour bénéficier de la vitesse variable. Mais la technologie « à vitesse variable » la plus rencontrée en grand éolien est la machine synchrone à aimant permanent : le rotor est équipé d’aimants permanents à flux axial. La machine est alors plus compacte. En ce cas, la génératrice est reliée au réseau par un convertisseur de fréquence qui ramène la fréquence variable du courant généré à la fréquence du réseau. Diverses technologies mises en œuvre dans l’éolien ont été présentées ici. Cependant, le critère essentiel pour choisir une éolienne n’est pas son principe de fonctionnement, mais ses capacités – c’est-à-dire sa courbe de puissance, certifiée par un organisme compétent. Va être abordée à présent la façon dont le courant électrique généré est injecté sur le réseau.
Le traitement et la transmission électrique jusqu’au point de raccordement Quelle que soit la génératrice, il faut ensuite établir une connexion de qualité qui offre toutes les garanties de sécurité au réseau. Comme il a été dit précédemment, certaines éoliennes sont dépendantes de ce réseau et de la qualité de son courant. Le détail du contrat de raccordement avec le gestionnaire du réseau n’est pas abordé ici, mais ce sont ces aspects économiques et juridiques, entre autres, qui y sont définis – le contrat constituant un « accord de fonctionnement ». Va tout d’abord être abordé ce qui se passe entre la génératrice et le point d’injection sur le réseau. La technologie des équipements dont il est question sera, elle, présentée dans la deuxième partie de cet ouvrage. 18. 60 Hz outreAtlantique.
La grande majorité des éoliennes actuelles produisent du 690 V triphasé 50 Hz18. Il faut donc commencer par relever la tension de manière à atteindre celle du réseau à connecter : 20 kV le plus souvent, 33/35 kV dans certains pays, 11/15 kV dans d’autres. Le niveau de tension de la distribution électrique est donc obtenu en sortie de l’éolienne. Ceci nécessite un transformateur élévateur de tension, et ses protections électriques associées. L’ensemble des éoliennes doit ensuite être relié à un poste de regroupement par un réseau de câbles souterrains, à l’intérieur duquel la production est traitée de manière à lui donner les qualités requises pour s’accorder au réseau (ou simplement à vérifier que c’est le cas).
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Chaque côté (le réseau, les éoliennes) doit également être protégé des éventuels défauts de l’autre. Parfois, surtout dans le cas des grands parcs éoliens de plus de 50/100 MW ou en offshore, il faut élever à nouveau la tension produite afin de réduire les pertes en ligne et de pouvoir se connecter plus loin géographiquement, ou sur le réseau haute tension. Enfin, ce poste de regroupement est relié au poste du réseau19. Ce cheminement est beaucoup moins complexe et novateur que pour d’autres installations de production électrique, et plus simple que ce qui a précédé. Seules les grandes particularités seront soulignées.
19. En France, le poste de regroupement est appelé « poste de livraison », et le poste réseau « poste source ».
Le transformateur élévateur de tension Il s’agit d’un transformateur 690 V/20 kV, 35 kV, ou autre, dont la puissance est définie par celle de chaque éolienne, avec une marge de sécurité pour les fluctuations dues aux spécificités de l’éolien et/ou pour prendre en compte des dégradations thermiques, par exemple. Ce transformateur peut être logé à l’intérieur de la tour, pour des raisons d’esthétique et de compacité d’équipement, ou à l’extérieur dans un petit préfabriqué ou même un abri. Il est accompagné d’une cellule de protection du transformateur de puissance (un autre disjoncteur et/ou interrupteur de protection), dont les réglages définissent les défauts ainsi que les scenarii de coupure et de réenclenchement. Ces réglages, tout comme ceux liés aux autres protections présentées ci-après, ont des incidences sur la production d’une part, et sur la qualité du courant d’autre part. Les transformateurs utilisés dans l’éolien sont soit des transformateurs « secs » conçus spécifiquement par les fabricants pour être plus compacts (afin en particulier de les insérer dans les ouvertures du mât), soit des transformateurs silicones conçus exclusivement pour l’éolien. Il est néanmoins possible d’utiliser des transformateurs standards lorsqu’il n’y a pas à les intégrer dans la tour. Les transformateurs à huile sont aussi parfois utilisés : s’ils restent positionnés à l’extérieur, avec certains aménagements, et s’ils sont bien maintenus, ce sont les plus économiques – mais les risques de pollution sont plus importants. Le réseau haute tension interne au parc éolien Le dimensionnement et la nature des câbles influent sur la production effective enregistrée au compteur. En effet, plus ils sont de section faible ou plus ils parcourent de longues distances, plus les pertes sont élevées. Il faut donc prendre en compte les pertes en ligne, qui peuvent parfois 109
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
atteindre des niveaux non négligeables : de 1 à 5 % sur l’ensemble des équipements traversés, selon les distances entre les éoliennes et celles entre les éoliennes et le poste de livraison. Par ailleurs, juste à côté de ces câbles, cheminent les fibres optiques qui servent à la gestion technique des éoliennes. Le poste de livraison et ses équipements connexes Le poste de livraison a pour fonction de regrouper les contributions des différentes éoliennes et de gérer les entrées et sorties de courant électrique entre le parc éolien et le réseau. Il s’agit, le plus souvent, d’un ou de plusieurs locaux préfabriqués en béton aménagés de manière s’intégrer au mieux dans le paysage (revêtement en crépi, plantation d’arbustes, etc.). Il est judicieux d’utiliser parfois des structures préexistantes et d’y intégrer les équipements. Les principaux équipements du poste de livraison Chaque unité renferme différents éléments. Un tableau haute tension (20 kV, 35 kV ou autre). C’est l’équivalent d’un tableau électrique domestique, avec des équipements physiques plus conséquents, permettant de gérer du triphasé à 20 kV (35 kV ou autre).
■
Fig. 3.32
© Cegelec
Intérieur d’un poste de livraison (équipements Alstom).
110
Les fondamentaux de l’énergie éolienne
La fonction de ce tableau électrique étant de protéger les installations, on y trouve : – une cellule de protection générale (l’équivalent du disjoncteur central dans une maison), – une cellule arrivée réseau, pour protéger le parc éolien des défaillances du réseau, – une cellule de mesure de tension, – et éventuellement d’autres cellules associées à des équipements particuliers. Ce sont par exemple, selon les impératifs directement liés au réseau, une cellule descente de barre pour un éventuel départ vers un filtre, une protection de découplage, une protection contre les surintensités et contre les courants de défaut à la terre (communément appelés « courts-circuits »), une protection wattmétrique (en puissance). Un coffret basse tension relié au réseau pour alimenter les équipements auxiliaires du poste de livraison. ■ Un chargeur batterie (la plupart du temps 48 Vcc) pour l’alimentation des équipements fonctionnant à ces tensions. Il est, entre autres, dimensionné pour assurer une autonomie en cas de coupure du réseau. Il dépend donc de ce qui a été négocié avec le gestionnaire du réseau. ■ Et surtout le compteur, qui va mesurer la production d’électricité (en kilowattheures). ■
Les autres équipements éventuels du poste de livraison Le local technique et de supervision Le local technique étant généralement situé dans les environs des équipements du poste de livraison, on y implante également le poste de supervision du parc. Il est maintenant quasiment toujours fourni et dimensionné par le fabricant des éoliennes, sauf en offshore et dans les très grands parcs éoliens, où les SCADA20 arrivent à être compétitifs. Accessoirement, y sont aussi stockés les équipements généraux de sécurité, les petites pièces de rechange et les documents nécessaires à la conduite et à la maintenance du parc éolien qui ne sont pas spécifiques à chaque éolienne.
20. Supervisory Control And Data Acquisition – systèmes de contrôle commande indépendants.
Le dispositif de filtrage Selon les besoins du gestionnaire de réseau, un filtre destiné, en France du moins, à éviter la perturbation des signaux de tarification qui passent sur le support réseau, peut être installé. 111
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
De manière générale, le gestionnaire du réseau impose de générer le moins d’harmoniques possible. Celles-ci peuvent être produites par les dispositifs d’électronique de puissance, les convertisseurs par exemple. La plupart des éoliennes modernes ont considérablement réduit leur émission d’harmoniques, mais, dans certains cas particuliers, il faut recourir aux filtres. Ces filtres peuvent s’avérer fort coûteux au regard du budget d’ensemble du projet. Il ne faut donc pas se laisser imposer de tels équipements tant que la nécessité n’en a pas été prouvée. Les batteries de condensateurs Des batteries de condensateurs peuvent parfois être utilisées pour améliorer, lorsque cela est nécessaire, le facteur de puissance de l’installation. On peut connecter au réseau trois batteries monophasées de condensateurs couplées en triangle. Les batteries de condensateurs servent aussi en ce cas à compenser la puissance réactive consommée. Les génératrices asynchrones, par exemple, sont consommatrices d’énergie réactive. Les batteries de condensateurs, sources de puissance réactive, deviennent alors utiles pour magnétiser la machine, surtout si la puissance réactive fournie par le réseau ne suffit pas. En cas d’absence du réseau ou en mode autonome, les batteries de condensateurs deviennent indispensables pour la magnétisation de la machine. Le poste de transformation tension Dans le cas d’un très grand parc éolien, qui nécessite un raccordement au réseau de transport de l’électricité, un poste de transformation de tension est requis. Entre le poste de livraison et le réseau (poste source ou autre) La responsabilité décisionnaire et technique du professionnel éolien s’arrête au poste de « livraison ». Même si le promoteur participe aux frais, paie la totalité, ou même s’occupe intégralement de cette connexion, elle n’en demeure pas moins sous la gestion du réseau. D’ailleurs, dans certains pays, elle peut être intégrée dans le maillage du réseau existant. Le dimensionnement, le cheminement et les équipements de la connexion qui sont « du côté du réseau » sont donc de la responsabilité de ce dernier. En pratique, c’est ce qui est négocié dans le contrat de connexion, et cela ne doit être préjudiciable ni à l’une ni à l’autre des parties.
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Les fondamentaux de l’énergie éolienne
Au travers de cette étude, il est clair que toutes les éoliennes ne se valent pas, même à puissance et à dimensions physiques égales. En revanche, leurs caractéristiques électriques ainsi que leur comportement face au vent et face au réseau vont être déterminants dans l’efficacité du parc éolien. Aucun aspect ne doit être négligé : de la taille du rotor à la manière de régler les protections électriques, tout a une incidence sur la production. Le choix du type d’éolienne ne répond pas toujours en premier lieu à des raisons scientifiques et techniques. Néanmoins, même si ce ne sont pas les arguments décisifs, ces aspects techniques sont d’une réelle importance et il faudra en tenir compte tout au long de la construction et de l’exploitation du parc éolien. Après cette présentation des bases scientifiques et technologiques de l’éolien, la mise en pratique va être abordée par une définition de ce qui est à faire techniquement pour qu’un parc éolien, ou même une petite éolienne isolée, fonctionne longtemps.
© LM Glasfiber
Par tie
2
Les techniques de l’éolien en pratique Cette seconde partie est dédiée à la mise en œuvre pratique des techniques dont il a été question en première partie. Elle revêt donc un caractère plus opérationnel, et peut parfois se rapprocher d’une check-list des tâches à effectuer. Nous avons ici cherché à faciliter le travail du lecteur qui veut vraiment mettre en œuvre un projet, ou comprendre comment ce projet peut être mené par d’autres. Cette démarche pratique et technique a ainsi pour but de faciliter les démarches quotidiennes du porteur de projet potentiel.
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Les différents › types d’éoliens…
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Qu’entendons-nous par le terme « éolien » ? En effet, on trouve de multiples applications dites « éoliennes » à travers les âges et de par le monde. Pour certains, ce terme évoque un petit moulin multipale d’au plus 8 m de haut, quand d’autres imaginent d’immenses champs de grandes machines plantées en pleine mer. Nous allons donc présenter les différentes machines concernées et préciser leurs caractéristiques majeures, car toutes sont des éoliennes à leur manière. Nous aborderons ainsi les éoliennes de pompage, les petites éoliennes (à usage privé, « rurales », « des îles », « urbaines »), les éoliennes offshore, les éoliennes « mégawatts » terrestres et les « multimégawatts » terrestres.
Les éoliennes de pompage Nous n’évoquerons pas les moulins à graines ou à huile car il n’est pas envisagé actuellement de revenir à ces techniques anciennes. Les éoliennes de pompage, en revanche, sont aujourd’hui encore très présentes dans certains pays. Si elles sont peu utilisées dans les pays de l’OCDE, ailleurs elles constituent parfois la ressource principale pour la fourniture de l’eau. Évidemment, ni l’étude de vent, ni l’étude d’implantation, ni le contexte de mise en œuvre, ni la technologie ne peuvent être ici comparés avec l’éolien dit « électrique ». En effet, en matière de pompage, pas de problématique d’intermittence rapide : on pompe l’eau lorsqu’il y a du vent, et on la stocke. On ne réalise pas toujours une étude de vent ou d’implantation – à tort. Cette étude serait bien nécessaire, mais il faut alors la faire en vue d’une 116
Les techniques de l’éolien en pratique
optimisation de l’emplacement, et non pas en termes de rentabilité d’investissement. Ici la question est toute autre : à quel prix évaluer les heures passées à puiser l’eau par un enfant qui n’étudie pas pendant ce temps ? Par une femme qui va avoir le dos cassé à 30 ans ? Un vrai défi pour les économistes. Dans ce cadre, l’étude doit porter sur l’optimisation en termes de production d’eau, mais aussi de robustesse d’utilisation, de simplicité de réparation, etc. Des critères presque aux antipodes de ceux utilisés pour le grand éolien. Cet ouvrage ne traite pas de l’éolien de pompage. Cependant, cette technique fait appel aux mêmes lois physiques que celles présentées au chapitre 2. Les enjeux climatiques et énergétiques dépeints au chapitre 1 sont tout aussi applicables, et on pourrait ainsi s’étonner de trouver encore des groupes diesel utilisés pour alimenter des pompes au milieu du désert ou sur les îles. Les principes technologiques sont très différents de ceux décrits en chapitre 3, mais, d’un point de vue théorique, les pales, le mât, le rotor et les arbres de transmission gardent des principes de fonctionnement identiques. On pourra s’inspirer des chapitres qui suivent sur le développement, la construction et la maintenance, mais en les simplifiant, car, étant plus directement destinés au « grand éolien », ils sont un peu complexes pour une petite éolienne de pompage. Il existe aussi des éoliennes de pompage « électriques » : la pompe est branchée sur une micro ou une mini-éolienne. Elles peuvent alors être assimilées aux petites éoliennes dont il est question ci-après.
Les petites éoliennes Sont classées dans ce groupe les éoliennes qui produisent de l’électricité pour des usages allant de l’équipement particulier (< 1 kW) à la consommation domestique (quelques kilowatts), voire à celle du petit industriel (entre 10 et 500 kW). Il s’agit donc de puissances maximales comprises entre 1 kW et quelques centaines. En Europe, on rencontre très peu de petites éoliennes. En effet, lorsqu’il devient intéressant d’installer une éolienne dans ces pays, d’une part viser directement le grand éolien est souvent préférable, d’autre part le contexte réglementaire, administratif et social est très contraignant. Mais il y a des exceptions1.
1. Voir en page suivante l’encadré consacré au projet « Les moissonneurs du vent ».
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
2. Source Krug sarl.
Extrait du projet « Les moissonneurs du vent » de la société Krug sarl2 Le contexte Aujourd’hui, une demande très forte de la part des exploitants agricoles est constatée. Ils sont intéressés par des éoliennes de 20 kW (10 m de diamètre et 30 m de haut) qui peuvent être gérées au niveau de l’exploitation et dont ils pourront avoir l’entière maîtrise. Ces éoliennes sont destinées à produire de l’énergie électrique qui sera vendue au réseau électrique national. Pour les exploitants, l’investissement dans l’éolien représente une possibilité de diversification simple, fiable, en accord avec leur volonté de préservation d’un espace rural dont ils connaissent la valeur. Ces éoliennes existent, mais leur fabrication n’est faite qu’en petite série et leur coût de production est encore trop élevé. La rentabilité d’une telle installation, bien que confirmée lorsque le gisement éolien est correct, reste trop faible. Les conditions d’achat de l’énergie ne sont pas suffisamment incitatives pour favoriser l’investissement. L’idée Après avoir consulté les différents fabricants d’éoliennes de 10 m de diamètre dans le monde, on constate qu’une économie de 20 à 40 % sur le prix d’achat pourrait être obtenue si les éoliennes étaient commandées en quantité suffisante (de 20 à 50) pour permettre aux fabricants d’utiliser tous les bénéfices d’une réelle industrialisation. Il paraît donc judicieux de créer un groupement d’achat, qui regrouperait 20 à 50 agriculteurs, afin de pouvoir négocier avec les fabricants des conditions d’achat préférentielles.
Fig. 4.1 Éolienne 20 kW installée sur un mât haubané à 30 m de hauteur, dans l’Aude.
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Les techniques de l’éolien en pratique
Où en est-on dans le programme ? Au moment de l’écriture de cet ouvrage, 130 exploitants agricoles sont inscrits au programme : - la moitié ont déposé une demande de permis de construire ; - quatre éoliennes 20 kW sont déjà installées. Et le rythme de constructions futures est évalué à un ou deux par mois. Un projet à suivre…
En revanche, ces éoliennes prennent toute leur mesure dans des pays où le réseau électrique est faible ou incomplet, l’électricité chère ou inconstante, les groupes diesel nombreux et disséminés. À condition, bien sûr, que la ressource en vent le permette. Si le petit éolien n’est pas au centre de cet ouvrage, il veille cependant à ne pas l’exclure. D’ailleurs, les enjeux et les lois physiques sont les mêmes que pour le grand éolien, et les bases technologiques aussi, même si les technologies retenues en petit éolien sont en général plus rustiques (cela tend à devenir de moins en moins vrai d’ailleurs, car les petits apprennent aussi des gros). L’ensemble de la partie I de cet ouvrage est donc applicable, y compris les études de vent et les aspects quantification et qualification de la ressource, dans la mesure du raisonnable. Quant aux chapitres qui suivent, consacrés au développement, à la construction et à la maintenance, bien que destinés au grand éolien, ils sont applicables au petit éolien si l’on fait preuve de mesure et de bon sens. Les petites éoliennes se déclinent en quatre types : les éoliennes pour un particulier ou un petit industriel ; celles visant l’électrification rurale de sites éloignés, souvent traitées en système hybride diesel avec parfois le solaire en plus ; les éoliennes « des îles » qui sont, elles aussi, isolées du reste du monde mais dans des conditions bien particulières ; et les éoliennes « des villes », situées dans des conditions spécifiques d’un point de vue des vents.
Les petites éoliennes à usage privé Le petit éolien industriel, par exemple, aurait tout à fait sa place partout où les petits ateliers sont alimentés par un réseau incertain qui les oblige à se doter de groupes électrogènes et à acheter un diesel à prix d’or (et dont les fluctuations sont imprévisibles et incontrôlables). Encore mieux, dans certains pays où le vent est favorable, les calculs montrent que, à courte échéance, le kilowattheure éolien est moins onéreux
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
que le kilowattheure acheté à la compagnie électrique, même avec un réseau d’excellente qualité et bien distribué. La problématique du petit éolien « privé » est celle du bilan de puissance. Expliquons-nous et décrivons tout d’abord le contexte : le réseau électrique alimente l’installation de manière constante, ou même intermittente pour des raisons diverses (délestages, pannes, etc.) ; ■ la consommation est variable durant la journée (24 h) et durant l’année (365 jours), du fait de la variabilité des activités ; ■ la ressource vent est variable selon des lois statistiques propres au site. Quoi qu’il arrive, il faut trouver un moyen de mettre en accord les courbes instantanées d’alimentation et de consommation, et faire des choix sur la manière de les rapprocher : compensation à l’aide d’un groupe diesel, de batteries rapides – c’est-à-dire qui savent suivre le rythme de l’éolien – ; mais aussi délestage de certaines unités de production en cas de panne réseau en même temps qu’une absence de vent. Les solutions sont multiples et s’étudient au cas par cas. ■
Il faut donc établir un bilan de puissance instantanée « statistique » afin de déterminer la puissance la plus rentable à installer en éolien. Ce bilan tient compte des coûts de chaque kilowattheure consommé, mais aussi de ceux des kilowattheures non consommés du fait de l’arrêt de l’outil de travail par exemple : nombre de personnes payées sans pouvoir travailler, nombre d’équipements en cours d’amortissement en attente, pénalités de retard de livraison, frais fixes, etc.
Divertissement Supposons que, dans un des pays de l’OCDE, entre le 23 et le 24 décembre, un centre commercial Leclerc, Carrefour ou Auchan subisse une heure de coupure de courant sans groupe électrogène. Entre le prix du kilowattheure consommé sur un groupe électrogène et celui du kilowattheure qui n’a pas pu être consommé (et se chiffre donc en perte d’exploitation pour le centre commercial), lequel serait le plus élevé ? On pourrait répondre intuitivement qu’il n’y a pas l’ombre d’un doute… Encore une preuve comme quoi le pétrole n’est pas assez cher dans les pays de l’OCDE !
L’avenir des petites éoliennes reste donc ouvert dans beaucoup de pays. Mais il semble que l’infrastructure commerciale pour vendre de telles installations, ainsi que les problématiques de compétences locales pour
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Les techniques de l’éolien en pratique
leur étude, leur construction et leur maintenance surtout, soient aujourd’hui un frein important à l’expansion de ces technologies vers les pays qui en auraient le plus besoin.
Les éoliennes « rurales » Il s’agit ici en tout premier lieu d’électrification, avec tout ce que cela implique en termes d’infrastructures techniques non standards, d’absence de réseau interconnecté (par définition), mais aussi, par conséquent, soit d’absence de consommation « standard » préexistante, soit d’existence d’une consommation mais purement basée sur de la production locale via un ou plusieurs groupes diesel qu’il faut approvisionner régulièrement en fioul. Les éoliennes prévues dans les programmes d’électrification rurale sont, de par le caractère variable de leur production, conçues comme un élément dans l’ensemble global que constitue le système hybride de production d’électricité. Derrière ce système, il y aura peut-être un réseau de distribution isolé, avec les contraintes décrites en chapitre 1 limitant la proportion d’éolien à 25 ou 30 % de la puissance minimale en creux de consommation. Peut-être ce système sera-t-il directement branché sur un consommateur, peu importe. La grande particularité de ces systèmes est que la totalité de la production instantanée de l’éolienne doit être consommée localement. Autrement dit, il n’existe pas d’évacuation possible sur un réseau extérieur si la production ne peut pas être consommée intégralement dans l’instant. De plus, sauf conditions très particulières de fonctionnement ou équipements électriques spécifiques, la complémentarité instantanée des autres moyens de production (groupes électrogènes, solaire photovoltaïque, batteries etc.) doit se faire dans les temps de réaction rapides des éoliennes. Cela pose de sérieux dilemmes technico-économiques : si on peut (presque) tout résoudre techniquement, encore faut-il cadrer dans les budgets. L’aspect financier est souvent un point faible des projets hybrides d’électrification rurale : tant que la qualité de la ressource en vent ne permet pas de concurrencer le prix de revient de l’électricité par groupes diesel, les systèmes hybrides n’ont aucune raison de s’imposer dans la logique qui est la nôtre jusqu’à maintenant.
Les éoliennes « des îles » Sous ce titre se cachent des éoliennes très similaires aux éoliennes « rurales », si ce n’est quelques aspects particuliers que nous souhaitons ici souligner.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Tout d’abord, les « îles » auxquelles il est fait référence sont des terres entourées d’eau d’une taille suffisante pour contenir de deux, trois villages à plusieurs villes, mais sans plus. Il est aussi convenu que, s’il existe une interconnexion maritime du réseau électrique « au continent », ce n’est plus tout à fait une île électriquement parlant. La position îlienne, ainsi définie, favorise les vents dits « marins », qui sont particulièrement locaux et rythmés, et très abrasif en sel. Une contrainte supplémentaire des îles est l’espace limité. Enfin, certaines îles sont sujettes aux cyclones et autres tempêtes désastreuses. Toutes ces contraintes peuvent être résolues d’un point de vue technique, mais, là encore, plus on va vers des équipements particuliers, plus les prix s’en ressentent. Les freins principaux restent ainsi économiques et administratifs. Beaucoup d’îles font par ailleurs face à une sérieuse pénurie d’eau douce à certaines périodes de l’année, voire sont dans l’obligation d’affréter des bateaux entiers pour les alimenter en eau douce venant du continent. La désalinisation de l’eau de mer est un processus très gourmand en énergie, mais qui a l’avantage de ne pas être « gourmet » : il est moins attaché à la qualité ou la régularité de l’énergie dont il a besoin. Les techniques ne sont peut-être pas encore totalement parfaites, mais les études en cours laissent espérer un débouché pour des systèmes complémentaires éolien/ désalinisation, l’usine de dessalement œuvrant dans les périodes de vent non consommé par les îliens, ce qui optimise les deux systèmes.
Les éoliennes « urbaines » Les éoliennes urbaines, beaucoup en rêvent, certains étudient sérieusement la question techniquement, et un ou deux prototypes équipent déjà certaines villes. Fig. 4.2 – Exemple d’éolienne « urbaine ».
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Les techniques de l’éolien en pratique
Extrait des conclusions officielles du programme Wineur3
3. Extrait de la documentation Wineur Petites éoliennes en milieu urbain, mars 2007.
DR
Suite aux différentes expériences Fig. 4.3 – Exemple de modélisation des menées dans le cadre du projet européen Wineur, les conclusions que l’on vents soufflants autour d’un bâtiment. peut tirer à l’heure actuelle sont les suivantes. – Le vent soufflant autour d’un bâtiment va être dévié en atteignant le haut du bâtiment. Afin d’utiliser de manière optimale le vent soufflant audessus du bâtiment, il faut une certaine marge entre le bord du bâtiment et la flèche de l’éolienne. Cela doit être calculé pour chaque site. – La turbulence en milieu urbain en dessous du toit peut pousser les éoliennes à axe horizontal à chercher le vent sans réussir à capter un flux d’air lui permettant de générer de l’électricité. – Là où les vents dominants convergent, l’utilisation d’éoliennes à axe vertical fixe peut être possible, cependant elles doivent être placées de manière à récupérer le vent au-dessus du bâtiment, donc pas trop bas. – Lors de la sélection d’une éolienne, la courbe de puissance doit être évaluée en considérant le profil du vent. Cependant, une vitesse de vent moyenne ne permet pas forcément d’obtenir des informations adéquates, même si elle est mesurée à un endroit précis pour une installation spécifique. Idéalement, la durée relative à une gamme de vent doit être considérée avec la courbe de puissance. Les bureaux d’études donnent ainsi plusieurs recommandations : – choix d’un toit avec une hauteur bien plus importante que la hauteur moyenne du toit des bâtiments environnants (environ 50 %) ; – choix d’un site bien au-dessus du toit ; – prise en compte des influences mises en évidence par la rose des vents locale ou l’orientation du bâtiment ; – le rendement énergétique au niveau du toit peut varier facilement d’un facteur 2 à 5, d’où la nécessité de sélectionner soigneusement le site ; – le rendement énergétique varie de 200 à 400 kW/m2/an sur les bons sites.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Produire l’électricité au cœur de son lieu de consommation le plus intensif est une immense tentation pour l’esprit rationnel technique, qui y voit la diminution des pertes en ligne et l’optimisation des espaces de production. 4. Voir sur le site www.urbanwind.org, le programme Wineur, financé par la Communauté européenne.
5. Voir chapitre 2, p. 68 à 73.
Des démarches intéressantes existent en ce sens4, mais elles demandent encore des efforts techniques conséquents avant d’atteindre un niveau satisfaisant. La problématique technique de l’éolien urbain est de travailler avec des degrés de turbulences très élevés : les vents sont extrêmement localisés et dépendants des obstacles environnants. Une étude très détaillée de chaque implantation est donc nécessaire. C’est aussi, compte tenu de la localisation de la turbine, d’étudier concrètement l’échelle « micro » des écoulements du vent5, d’autant plus que seules certaines turbines peuvent s’adapter à de tels niveaux de turbulences potentiels et de proportions de vents ascendants. La démarche de recherche en ce sens est en cours, gageons que nous pourrons prochainement rencontrer des solutions acceptables sur le marché. Malheureusement, les éoliennes citadines ne sont pas forcément les bienvenues dans les mairies ou les quartiers, et il semble que les obstacles qu’elles ont aujourd’hui à franchir soient autant du côté administratif et légal que de celui de la performance technique.
Les éoliennes offshore À l’opposé de la petite éolienne de pompage, au stade du site offshore, on ne parle plus d’éolienne mais de parc éolien en mer. Il faudrait un ouvrage entier pour traiter ce sujet, car ces équipements industriels n’ont plus grand-chose à envier en technicité aux plateformes pétrolières, la dissémination en sus (il y a des dizaines d’éoliennes au lieu d’un point précis d’arrimage pour une plateforme). Mais nous ne les aborderons que brièvement puisque ces parcs éoliens sont réservés aux grands groupes de promoteurs électriques ou aux fabricants de turbines eux-mêmes. Les éoliennes offshore sont un concept qui plaît beaucoup, car elles semblent ne gêner que peu de monde, avec une possibilité de se multiplier en grand nombre – puisque l’homme n’a pas encore entièrement colonisé les océans. Cette situation rappelle celle des XVIe et
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Les techniques de l’éolien en pratique
siècles, lorsque notre terre était infinie et que les grands espaces découverts étaient porteurs de promesses mirifiques. XVIIe
L’éolien en mer est donc promis à un grand avenir, malgré les difficultés techniques qu’il implique, et les fabricants et industriels l’ont bien compris. Il y a deux grandes sortes d’éoliennes offshore : celles qui sont des adaptations d’éoliennes terrestres, adaptées pour l’environnement marin, et les éoliennes conçues d’entrée pour la mer. Dans un cas comme dans l’autre, l’éolienne offshore doit affronter l’océan, plus ou moins profond (d’ailleurs, on distingue l’offshore proche d’une côte et l’offshore de haute mer), le sel, l’éloignement (d’un point de vue raccordement, mais aussi sur le plan construction et maintenance). C’est moins l’éolienne elle-même qui va se différencier de sa sœur terrestre que le processus de développement, de construction et d’exploitation. La partie I de cet ouvrage s’applique donc bien sûr à ces installations, car les techniques sont les mêmes à quelques nuances près. En revanche, les chapitres qui vont suivre, qui traitent des processus, ne sont pas directement applicables.
Les éoliennes « mégawatts » terrestres Cet ouvrage traite essentiellement de ces fameuses grandes éoliennes terrestres, d’une puissance de l’ordre du mégawatt, et de leurs grandes sœurs, les multimégawatts, qui seront abordées juste après. Sont classées dans cette catégorie « mégawatt » les éoliennes entre 600 kW et 1,5 MW. Après une grande popularité lors de la première vague de maturité de l’éolien, dans les années 1995 à 2000, ces éoliennes ont subi très durement la concurrence des multimégawatts, arrivées progressivement sur le marché entre 2002 et 2005.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 4.4 – Croissance de taille des éoliennes entre 1980 et 2003.
5000 kW
5000 kW
4000 kW 150 m Ø 124 m
3000 kW
1000 kW 500 kW 100 kW 50 kW
100 m
2000 kW Ø 80 m
2000 kW
Ø 15 m 50 kW
1980
Ø 20 m 100 kW
1985
Ø 40 m 500 kW
1990
Ø 50 m
50 m
600 kW
1995
2000
2003
Beaucoup de fabricants ont dès lors mis à l’écart leurs gammes « mégawatts » afin de tirer le meilleur profit de leurs outils de production de plus en plus sollicités. Et les licences ont souvent été rangées dans les cartons ou sont parties en Asie, où l’intérêt grandissant pour l’éolien se satisfaisait fort bien du délaissement de ces turbines par l’Europe. Cependant, certains ont maintenu ces gammes en les destinant à des marchés ciblés. D’autres, qui entre 2003 et 2005 avaient franchement pris le parti du gigantisme, n’excluent maintenant plus de remettre en route certaines versions « relookées » de leurs plus modestes machines. Il existe en effet des projets qui ne supportent pas les trop grandes machines, souvent pour des questions de servitudes aéronautiques (plancher aviation), de logistique (qui va passer des convois du type A380 dans Dakar ? Où trouvera-t-on les grues pour hisser des turbines à plus de 120 m ?), ou même de législation (par exemple, une hauteur de mât dépassant 50 m implique en France un lourd processus d’enquête publique). Il y a donc encore une large place dans les futurs projets pour ces machines plus modestes, pour lesquelles quelques fabricants (certainement d’un esprit plus modeste aussi, même lorsqu’ils sont dans le « top 10 » mondial) ont su garder un intérêt.
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© EWA/Garrad Hassan
kW
Les techniques de l’éolien en pratique
Les « multimégawatts » Nous finissons cette exploration des différentes interprétations du terme « éolienne » par leurs plus immenses représentantes actuelles, les multimégawatts, qui, comme on peut le supposer, produisent de 2 MW à… entre 6 et 7 MW en prototype à ce jour. L’EWEA prévoit des capacités qui pourront aller jusqu’à 10 MW environ. Ces éoliennes occupent aujourd’hui une place centrale dans le secteur. Elles incluent en effet des éléments qui auparavant étaient indépendants, comme les transformateurs releveurs de tension, ou les systèmes SCADA, qui contrôlent l’ensemble du parc éolien.
Fig. 4.5 – Analyse du marché mondial des fabricants d’éoliennes pour 20076, par BTM Consult. GAMESA (ES) 15,4 %
ENERCON (GE) 14,0 %
GEWIND (US) 16,6 % SUZLON (Ind) 10,5 %
SIEMENS (DK) 7,1 %
ACCIONA (ES) 4,4 % VESTAS (DK) 22,8 %
GOLDWIND (PRC) 4,2 % Autres 10,5 %
NORDEX (GE) 3,4 %
SINOVEL (PRC) 3,4 %
© BTM Consult ApS Market Update 2007 (from March 2008)
Ainsi, que cela soit apprécié ou déploré, il est maintenant avéré que la maîtrise du processus de production d’électricité en éolien est sous le contrôle quasi total du fabricant de turbine, au même titre que les domaines de la cogénération ou des turbines à gaz.
6. La Chine est notée PRC (République populaire de Chine). Repower est inclus dans Suzlon en 2007.
Que cela signifie-t-il ? À l’heure actuelle, c’est la capacité de production de ces turbines qui dimensionne le marché annuel, et non la demande – qui, au niveau mondial, serait bien supérieure. Les délais d’approvisionnement stagnent à plus de 12 mois pour quasiment tous ces grands moulins, et cela depuis 2006 environ. Aussi les fabricants sont-ils plutôt timorés pour répondre à la demande d’un petit parc de quatre ou cinq machines, pour un client qu’ils ne verront qu’une seule fois. Quant à aller dans un nouveau pays où l’éolien n’a pas encore de structure d’accompagnement… La limite basse de
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
garantie de marché est évaluée chez eux à environ 500 MW potentiels, avec un premier contrat à 50 MW. En conséquence, les parcs éoliens composés de multimégawatts sont de moins en moins accessibles à des investisseurs « débutants », qui n’appartiennent pas au monde des grandes compagnies de production électrique. De plus, soit les parcs éoliens sont de plus en plus « grands », avec de plus en plus de turbines toujours plus puissantes, soit les contrats d’achat de turbines sont passés par centaines et en amont des projets par les grandes compagnies de production électrique, ce qui bloque le marché pour les clients plus modestes. Ceci explique aussi, sans aucun jugement de valeur, l’avènement de l’ère de l’éolien industriel, avec des impératifs industriels, une fiabilité industrielle, mais aussi les exigences et les contraintes économiques et sociales de l’industrie. L’éolien des multimégawatts de nos jours est un monde qui ne laisse plus de place pour l’artisanat. Notons néanmoins que ceci ne lui enlève pas les qualités écologiques qui forment ses racines. L’intégralité de cet ouvrage, avant tout orienté sur les éoliennes mégawatts, est néanmoins applicable à ces multimégawatts et aux parcs éoliens qui en sont composés. Il faut simplement interpréter avec rigueur, en « grand » et en « multiplié », tout ce qui y est cité.
Les techniques de l’éolien en pratique
Développer et construire une installation éolienne
2
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Il faut être rameur avant de tenir le gouvernail, avoir gardé la proue et observé les vents avant de gouverner soi-même le navire. Aristophane Nous avons observé les vents et étudié notre objectif. Nous voici donc arrivés au moment de gouverner. Nous quittons ici toute théorie et toute philosophie pour aborder le chapitre fondamental des métiers de l’éolien, autrement dit ce qu’il faut mettre en œuvre pour qu’une installation éolienne quelle qu’elle soit voie le jour. Après quelques définitions des métiers de l’éolien, nous suivrons l’évolution d’un projet pas à pas, en détaillant chaque lot technique à mettre en place : la préfaisabilité, le développement et les études, la construction et la préparation des travaux (la voierie, les plateformes et accès, le génie civil des fondations, l’éolienne, son transport et son levage, les transformateurs de tension et les équipements de raccordement au réseau, le raccordement au réseau).
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Le vocabulaire des professionnels de l’éolien Il est nécessaire de bien comprendre le vocabulaire du métier, en particulier dans ce domaine déjà mature mais encore en évolution.
Le développeur C’est la personne ou l’entreprise qui fait les études projets : les études du gisement en vent, du productible, les définitions techniques et les démarches administratives et foncières qui amènent au permis de construire, au financement du projet et à la construction. Le développeur est donc une sorte d’homme-orchestre avec plusieurs spécialités très différentes les unes des autres. Parfois, plusieurs sociétés travaillent en collaboration : on appelle cela le « co-développement ».
Le promoteur Comme dans le domaine de l’immobilier, ce terme évoque la personne ou l’entreprise qui porte le projet et/ou investit dans l’étude jusqu’à la construction afin, soit d’en devenir exploitant propriétaire, soit de revendre le projet et/ou l’installation par la suite. À la différence du développeur, ce n’est pas forcément un professionnel de l’éolien ou un technicien, mais avant tout un porteur de projet. Par ailleurs, l’argent investi ne vient pas obligatoirement de lui à la source.
L’investisseur C’est celui qui met l’argent sur la table au moment de la construction. Vu les montants considérables, dans le cas d’un parc éolien connecté au réseau, on parle plus souvent de « groupement d’investissement ». L’investisseur peut aussi être l’une des grandes sociétés de production d’électricité, ce qui tend à être de plus en plus le cas en « très grand éolien » depuis qu’il est arrivé à des tailles du même ordre que les centrales classiques. 130
Les techniques de l’éolien en pratique
Le maître d’œuvre Ce terme n’est pas propre à l’éolien mais concerne toute construction. Il est souvent confondu avec « maître d’ouvrage ». Le maître d’œuvre est le chef d’orchestre de la construction, dans laquelle peuvent être incluses les études de conception finales ainsi que celles de réalisation.
Le maître d’ouvrage Le maître d’ouvrage est le destinataire final de l’ouvrage durant sa construction. Une fois l’ouvrage réceptionné, il devient le propriétaire de l’installation.
Le propriétaire Définir le propriétaire permet de mieux le différentier de l’exploitant. Le propriétaire est la personne, le groupement de personnes, la collectivité, l’organisme, l’entreprise, etc., à qui appartiennent les installations une fois construites. Le propriétaire d’un parc éolien, par exemple, peut très bien être une personne privée qui n’est aucunement un technicien de la production électrique.
L’exploitant L’exploitant est celui qui « exploite », c’est-à-dire qui « fait fonctionner » l’installation. Il s’occupe de la surveillance des comptes, mais aussi assure la vigilance technique, l’entretien, la maintenance et les relations avec le réseau électrique. Ce métier nécessite évidemment des compétences professionnelles et techniques dans le secteur éolien.
La société de projet La société de projet est créée de manière officielle au registre du commerce en vue de l’exploitation du parc éolien.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Elle est souvent établie très en amont afin de porter dès que possible les contrats, les engagements fonciers, les réservations ou certificats administratifs, les accords, les permis, et bien sûr, les dépenses. C’est le jeu des participations au capital de ces sociétés, quand elles existent, qui décide de la répartition des rôles décrits ci-dessus entre les différents acteurs.
La préfaisabilité Avant la préfaisabilité, il y a la prospection éolienne, comme la prospection pétrolière ou minière. Il s’agit de mettre en œuvre des stratégies de recherche sur des territoires étendus, en vue de découvrir la « mine d’or » parmi les régions porteuses. Notre démarche ici commence avec l’étude de préfaisabilité : le projet est-il réaliste en termes administratifs, techniques et légaux ? Est-il économiquement viable ? 1. Voir partie I
Seul le développement complet du parc peut assurer tout ceci avec plus ou moins de certitude1. Mais il est impossible d’attendre un an et plus, d’investir dans ces études, sans avoir appréhendé les chances du projet. La préfaisabilité sert à cela : évaluer rapidement les risques d’écueils, estimer les espoirs en production, rechercher des interlocuteurs « organisés », et déterminer des ordres de prix et des conditions. Ainsi un verdict approximatif, établi très en amont, permet de filtrer les projets, avant que les grosses dépenses ne commencent à être engagées.
Définition de la préfaisabilité La préfaisabilité n’est pas une étape très technique, mais c’est peut-être celle qui nécessite le plus de « métier » et de méthodologie pratique. On y valide l’absence d’obstacles majeurs au projet à travers plusieurs actions. Une recherche et une analyse documentaire de ce que l’on appelle les « servitudes », c’est-à-dire les contraintes extérieures imposées au projet. Une liste non exhaustive en est dressée plus loin. ■ Un survol du site en vue de relever ses caractéristiques les plus saillantes sur le terrain, car « la carte n’est pas le territoire » et il arrive ■
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Les techniques de l’éolien en pratique
encore souvent qu’une documentation complète ne traite pas d’un détail local qui peut avoir de l’importance en termes d’éolien (un immeuble se construit juste à côté du terrain par exemple). ■ Éventuellement, une première évaluation de la qualité de la ressource en vent, qui se base sur les données suivantes (des plus incertaines aux plus sûres) : – l’atlas éolien de la région, s’il existe, – des données météo achetées aux organisations de météorologie nationale, mais sans considération d’intégration de topographie, – des résultats, ou même de données de vent brutes (c’est-à-dire sorties tout droit de l’instrument), récupérés ou achetés à d’autres porteurs de projet dans les environs, – des données de vent brutes récoltées sur le site dans le cadre de précédents projets. On voit déjà qu’il y a plusieurs niveaux d’incertitude dans une première approche de préfaisabilité. Nous sommes dans une démarche statistique, ne l’oublions pas… Et plus on demande un niveau d’incertitude faible, plus le prix et la durée de l’étude seront élevés. Certaines études de préfaisabilité sont déjà presque des études de développement, au risque de les avoir mises en œuvre pour prouver que le projet n’est pas viable, du moins dans les conditions actuelles. En revanche, il le sera peut-être d’ici deux ou trois ans. Les critères évoluent rapidement en matière d’énergie ces derniers temps… D’autres études de préfaisabilité ne sont qu’une simple collecte de données et d’impressions, mais, selon le pays ou le gisement de la région, elles peuvent s’avérer suffisantes pour prendre une décision : commencer directement une étude de développement, ou non.
Les informations issues d’une étude de préfaisabilité Liste non exhaustive des contraintes à cerner Certaines contraintes sont identifiées en amont des projets, afin d’identifier les trop flagrantes impossibilités de développement.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Le raccordement au réseau ■ ■
La capacité d’accueil du poste électrique le plus proche. La distance au poste électrique le plus proche.
Les contraintes techniques Zones des planchers aviation. Couloirs et zones stations radioélectriques, y compris radars météo. ■ Distance minimale vis-à-vis de l’habitat. ■ Zones de protection et d’exploitation des forêts. ■ ■
Les contraintes environnementales Zones de protection écologiques (pour la France par exemple : Znieff, Zico, Natura2000, etc.). ■ Zones de protection patrimoniales (Unesco, patrimoine, co-visibilité, etc.). ■
Les enjeux liés à l’avifaune et aux chiroptères ■ ■
Avifaune. Chiroptères (communément appelés « chauves souris »).
Résultats attendus En sortie de cette étude, il faut avoir au moins : la liste des personnes et des sources contactées pour avis ; la description des risques d’écueils du futur projet ; ■ un premier jet de plan d’implantation (il changera de nombreuses fois ensuite, en fonction de diverses contraintes, mais cela « ancre » le projet et permet de le présenter de façon plus concrète) ; ■ une grossière estimation de la puissance installée possible ; ■ une grossière estimation de la future production. Cette démarche reste probabiliste. Il est impossible de tout savoir avec une étude de préfaisabilité qui, comme son nom l’indique, demande à être suivie d’une étude plus approfondie. ■ ■
La durée Une étude de préfaisabilité dure en général entre un et trois mois, et ne devrait jamais être plus longue. En effet, au terme des trois mois, s’il n’est pas possible de tirer une conclusion sur la poursuite du développement, c’est sûrement pour l’une des causes suivantes. Une servitude bloque et/ou ne donne pas de réponse et donc empêche d’avancer, auquel cas le projet s’engage mal. ■
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Les techniques de l’éolien en pratique
Une personne ne fait pas son travail et vous ne l’avez pas relancé car vous pensiez que cela allait tout seul. Vous êtes là aussi mal engagé : l’expérience apprend que « rien ne va jamais tout seul dans l’éolien ». ■ Vous faites beaucoup plus qu’une « préfaisabilité », vous êtes déjà dans la phase de développement sans avoir fait le point, emporté par une vague d’optimisme. Quel que soit le cas, il est temps de prendre une décision claire. ■
En revanche, il est évident que la durée de l’étude dépend beaucoup de la maturité de la démarche éolienne dans le pays et/ou la région. En France, en général, les schémas éoliens sont matures, la réglementation est claire et communication peut en être faite à chaque agence locale Ademe et/ou auprès de toute association éolienne2. Il est de plus en plus simple d’obtenir des renseignements et des données de base sur les sites Internet des préfectures et des régions. En contrepartie, les procédures sont de plus en plus complexes, fouillées, et en constante en évolution. Tout l’art consiste à rester à jour.
2. Le SER, Syndicat des énergies renouvelables, la FEE, France énergie éolienne, Planète éolienne, etc.
Ainsi, si demande est faite à un expert d’effectuer cette étude de préfaisabilité – avec éventuellement une enquête vents auprès de Météo France, et en intégrant la topographie dans un modèle, relativement imprécis à ce stade évidemment –, il n’en aura pas pour trop longtemps. À l’inverse, dans un pays où la procédure n’est pas claire, les démarches de recherche et/ou les interviews nécessitent tout d’abord une réelle dissémination d’information sur ce qu’est l’éolien. On commence par le b.a.-ba, et cela peut durer des années si l’on ne fait pas le choix volontariste de prendre des décisions avant d’avoir l’ensemble des avis. Quoi qu’il en soit, et quel que soit le pays, l’expérience prouve qu’un expert saura évaluer correctement au bout de trois mois ce que les résultats d’une étude de préfaisabilité signifient, et prendre une décision en conséquence.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Le coût En France, un expert, sur cette unique prestation, se fait généralement payer de 2 000 à 5 000 € (en 2008) selon la localisation exacte du site. En revanche, les prix sont d’un autre ordre lorsqu’il s’agit de « débroussailler » la démarche éolienne dans un pays qui n’est pas encore réglementé, ou même réglementé mais n’ayant encore aucune procédure pratique adaptée. Cela sera du cas par cas. Seul l’expert pourra vous dire les difficultés spécifiques qu’il aura à affronter, et donc vous donner un prix. En exemple, on peut citer que le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) a financé des études de préfaisabilité à plus de 50 000, voire 100 000 $. Pourtant, le Pnud n’est pas le plus riche payeur du monde… Mais ceci est aussi un autre thème.
Mener soi-même la préfaisabilité Si vous avez des compétences au sein des tâches à réaliser dans la liste ci-dessus, il faut effectuer ces parties vous-même. Cependant, il est conseillé de se faire appuyer dès le départ en matière d’expertise éolienne – du moins pour un premier projet. Et si vous avez l’ensemble des compétences requises… vous êtes tout simplement un expert vous-même.
Le développement, terme sacré de l’éolien Le développement est la phase « noble » de formation du projet. En données d’entrée : une zone et un espoir. En données de sortie : des plans techniques et un plan d’affaire (souvent appelé business plan).
Définition du développement Le « développement » d’un parc éolien couvre à la fois les études du gisement en vent, du productible, les définitions techniques et les
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Les techniques de l’éolien en pratique
démarches administratives et foncières qui amènent au permis de construire, au financement du projet et à la construction. Il se compose donc d’un savant mélange d’« ingrédients » aussi divers que l’électricité, le BTP, la météorologie, les sciences de l’environnement et du patrimoine, etc., mais également d’entretiens publics et privés, de formulaires à remplir, de dossiers à monter, de négociations, de contrats, de finances. Qualités de communication et capacité à l’échange sont également précieuses. C’est un métier à part entière.
Contenu d’une étude de développement type Organigramme des tâches de développement Une fois un site particulier validé par une étude de préfaisabilité, le développement porte sur les aspects suivants, qui seront repris un par un par la suite : ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■
effectuer l’étude du gisement éolien ; définir le productible ; préparer l’étude environnementale pour l’étude d’impact ; élaborer le dossier permis de construire (ou équivalent) ; élaborer l’implantation définitive des éoliennes ; préparer la maîtrise du foncier ; concevoir les installations techniques ; gérer le raccordement au réseau ; préparer les éléments de dossiers administratifs ; préparer la consultation des fabricants d’éoliennes ; préparer les consultations pour la construction ; conclure le dossier foncier final ; finaliser le dossier sur les aspects juridiques et financiers.
Effectuer l’étude du gisement éolien Ici, il existe deux approches différentes : ■
la mesure directe sur le site même, qui consiste en : – la fourniture et la pose du mât de mesure, – la collecte des données durant 12 mois, – le traitement et l’analyse des données (voir partie I de cet ouvrage),
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
– le démontage (ou non) du mât de mesure, – l’achat des données de base (topographie, orographie, rugosité, données climatologiques), – l’établissement des caractéristiques aérologiques du site (profil, turbulences…) à partir de calculs de flux et de corrélations statistiques ; la reprise en simulation, via un progiciel adapté, de données météorologiques (déjà traitées ou non) venant d’organismes experts en météorologie : ■
– achat des données de base (topographie, orographie, rugosité, données climatologiques), – caractéristiques aérologiques du site (profil, turbulences…). Définir le productible Cela consiste à : établir un tableau comparatif entre les différentes éoliennes ; définir des coefficients de correction (sillage, densité de l’air, disponibilité et autoconsommation, perte réseau…) ; ■ calculer le productible (la production) brut et net (une fois que l’on a enlevé les pertes probables). ■ ■
Préparer l’étude environnementale pour l’étude d’impact 3. Certains points peuvent ne pas être requis ou d’autres s’ajouter, selon les exigences réglementaires ou usuelles des pays.
Cette étude comprend, entre autres3 : ■ ■ ■ ■ ■
une une une une une
revue du contexte socio-économique ; étude faune/flore ; étude de l’impact sonore ; étude paysagère et impact visuel ; proposition d’élaboration de mesures compensatoires.
Élaborer le dossier permis de construire (ou équivalent) Cela demande : une préparation des documents techniques ; une préparation des documents administratifs ; ■ un suivi des procédures administratives (très différentes selon les pays). ■ ■
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Les techniques de l’éolien en pratique
Élaborer l’implantation définitive des éoliennes Il faut : réaliser, à l’aide d’un progiciel, ce que l’on appelle le micrositing (c’est-à-dire le « réglage » du positionnement des éoliennes en prenant en compte tous les facteurs qui influent sur la production future) ; ■ faire une première étude des accès du site ; ■ faire une première étude de sol ; ■ regrouper si besoin les éléments nécessaires à l’étude paysagère ; ■ concevoir les installations techniques les plus importantes. ■
Préparer la maîtrise du foncier Les affaires foncières sont propres à chaque pays, et même aux us et coutumes locales au sein des pays. Il ne s’agit pas de faire ici une analyse juridique, mais de lister les principes et les concepts importants. Maîtriser le foncier, c’est tout d’abord être conscient que l’on va travailler sur la terre d’autrui (sauf si, bien sûr, nous sommes le propriétaire exploitant de l’ensemble des terres qui sont amenées à recevoir à la fois le parc éolien, le poste de livraison, la ligne de raccordement jusqu’au réseau et les routes d’accès, mais c’est rare…). Préparer cette « maîtrise foncière » consiste à : obtenir des plans cadastraux ; identifier les contraintes administratives ; ■ analyser, présenter et s’assurer de l’accord des riverains, propriétaires et exploitants terriens, pour les éoliennes, les accès et les servitudes ; ■ rédiger les différentes autorisations et contrats. ■ ■
Gérer le raccordement au réseau Cela comprend : les démarches et demandes auprès du gestionnaire du réseau ; la gestion des dossiers administratifs et techniques en vue du raccordement ; ■ les études techniques en collaboration avec le gestionnaire du réseau ; ■ la définition des moyens de mise en œuvre pour la connexion au réseau. ■ Cette étape est particulière selon le statut du gestionnaire de réseau et l’état de la politique électrique du pays. En France, à ce jour, toutes les procédures sont décrites sur le site Internet d’EdF (RTE). ■ ■
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Préparer les éléments de dossiers administratifs Cela correspond aux : demandes d’autorisation d’exploiter ou de concession d’exploitation ; ■ négociations de la convention de raccordement, d’exploitation et du contrat d’injection, du contrat de rachat de l’électricité, et/ou tout contrat contenant des éléments technico-économiques propres à l’éolien ; ■ démarches de permis de construire. Ces démarches sont aussi différentes selon le pays. En France, toutes les dernières mises à jour des procédures sont disponibles auprès de l’Ademe ou du Syndicat des énergies renouvelables, ainsi qu’auprès des schémas régionaux, préfectoraux, ou autres instances. ■
Conclure le dossier foncier définitif Comme il a été dit précédemment, le foncier est une affaire de procédures locales spécifiques. Mais, d’une manière ou d’une autre, il faut fiabiliser l’acceptation des éoliennes et des installations par les propriétaires exploitants des terres durant la durée de vie du parc éolien. Cette sécurisation, qu’elle soit un engagement oral des patriarches (dans certains pays) ou un dossier de plusieurs centaines pages bardé de tampons officiels, se déroule souvent en deux étapes afin de suivre les évolutions du projet tout en s’assurant que les interlocuteurs sont toujours partants. Dans un premier temps, donc, il faut : définir les modalités de répartition des indemnisations foncières ; rédiger, négocier et signer les protocoles fonciers avec les propriétaires et les exploitants terriens. Et, au final : ■ ■
rédiger les baux emphytéotiques (ou équivalent local), la résiliation des baux ruraux précédents (ou équivalent local) ; ■ entériner et signer ces conventions par actes notariés certifiés. ■
Finaliser le dossier sur les aspects juridiques et financiers Ce dossier, qui a commencé tôt dans le projet, s’achève par : des analyses des contraintes juridiques et économiques ; le montage juridique ; ■ l’étude financière (estimation des coûts d’investissement, des charges d’exploitation, simulations économiques du business plan, etc.) ; ■ ■
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Les techniques de l’éolien en pratique
■ ■ ■ ■
les consultations des banques, bailleurs et assureurs éventuels ; la sélection des partenaires d’investissement ; la rédaction du contrat de financement ; la rédaction du contrat d’assurances éventuel.
La durée Un développement éolien peut durer entre quelques mois et cinq ans sans que cela soit anormal. La majorité des projets qui voient leur construction aboutir en ce moment ont démarré en développement il y a quatre à six ans ; mais, maintenant que les techniques éoliennes sont de mieux en mieux connues, on peut espérer que les délais vont diminuer. Fig. 5.1 – Schéma synthétique d’un planning de développement de parc éolien « simple ». Année 1
Année 2
Tâche • •
Année 3
• • • • • • • •
1) Enquêtes préliminaires. Concertation et communication : 2) Études techniques : • 2.1) études d’évaluation du productible • 2.2) études et processus de raccordement électrique au réseau • 2.3) études d’impact • 2.4) études de conception du parc • 2.5) constitution dossier relevé cadastral XXXX • 2.6) validation plans implantation projet 3) Dossiers permis de construire 4) Dossier turbines 5) Dossiers préparation chantier construction parcs 6) Chantier 7) Dossier foncier 8) Dossier juridique et financier 9) Dossier administratif et gestion pour mise en exploitation 10) Organisation, planification, suivi global et coordination
Durée > 18 > 17 16,5 6,5 10 5 3,25 0,5 3,75 13 5,75 6 >5 5 3,25 >
Le coût Les coûts de développement sont la donnée professionnelle dont le secret est le mieux gardé. Le mystère réside dans « qui » doit intégrer le risque de non-issue du projet. Si, après cinq ans, par exemple, à poursuivre, approfondir ou reprendre une étude, le projet échoue pour une raison ou une autre, qui va payer les pertes, et comment seront-elles réintégrées dans ses prix ? En moyenne, le développement peut néanmoins être évalué entre 5 et 20 % du coût global d’investissement. Ce pourcentage tend bien sûr à baisser quand les projets grossissent en taille.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Mener soi-même le développement Comme dans le cas de l’étude de préfaisabilité, si vous avez des compétences parmi les tâches à réaliser listées dans la page précédente, vous pouvez effectuer ces parties vous-même. En revanche, il est déconseillé à plusieurs titres de vouloir tout gérer et tout faire soi-même, ne serait-ce que pour des besoins de contreexpertise et d’objectivité. De plus, les compétences demandées en développement sont extrêmement précises, et différentes selon les pays et les sites mêmes.
La préparation des travaux L’idéal est de commencer les études techniques en même temps que le développement, dès que le gisement éolien semble annoncer une issue favorable.
4. Voir les procédures sur le site Internet d’EdF-RTE, http://www. rte-france.com.
Néanmoins, ces études coûtent cher elles aussi. En France par exemple, l’étude de raccordement doit en quelque sorte être « achetée » à EdF, qui fait une enquête préalable et annonce son prix de raccordement, dont il faut payer une partie en guise de réservation sur le poste électrique où EdF aura choisi de vous connecter4.
Les tâches de la préparation de construction Afin d’expliquer en quoi consiste la préparation d’ensemble en vue de la construction, nous avons pris ici le cas où le maître d’œuvre choisit de s’adresser directement à chaque professionnel en découpant les différents corps de métier. Ainsi nous pouvons mieux les appréhender un à un. Bien sûr, il existe aussi le cas où le maître d’œuvre choisit de regrouper les corps de métier de la partie construction en un seul contrat, voire ne s’adresse qu’au fabricant d’éoliennes, qui devient alors maître d’œuvre de l’ensemble. Les deux volets présentés ci-après sont alors intégrés en une même démarche.
142
Les techniques de l’éolien en pratique
Préparer la consultation des fabricants d’éoliennes Cela comprend : la rédaction des spécifications techniques des éoliennes ; le montage du dossier de consultation fabricant d’éoliennes ; ■ l’émission et le suivi des appels d’offres réalisés auprès des fabricants d’éoliennes ; ■ la simulation de business plan avec chaque type d’éolienne (car si les prix ne sont pas les mêmes, les productions relatives non plus, ni les conditions de garantie) ; ■ la négociation et le contrat avec le fabricant d’éoliennes ; ■ le contrat exploitation maintenance, souvent inclus dans le contrat avec le fabricant d’éoliennes (ce qui est fortement recommandé). ■ ■
Préparer les consultations pour la construction Il s’agit de préparer la part des infrastructures autour des éoliennes. Cet aspect du travail est étroitement lié au point précédent et interagit sans cesse avec les choix en termes d’éoliennes autant qu’avec les choix découlant du développement. En pratique, cela comprend principalement : les études de sol détaillées ; les calculs de validation des fondations génie civil ; ■ la réalisation de l’étude des liaisons internes du parc ; ■ la réalisation des études relatives au poste électrique du parc (en France, on l’appelle « poste de livraison ») ; ■ la rédaction des spécifications techniques VRD, génie civil et génie électrique ; ■ la rédaction des dossiers de consultation VRD, génie civil et génie électrique ; ■ l’émission des appels d’offres VRD, génie civil et génie électrique ; ■ les négociations et contrats VRD, génie civil et génie électrique. ■ ■
La durée Si la gestation des études de développement peut paraître interminable, la préparation technique se règle en quelques semaines si elle a été amorcée correctement durant le projet. Le choix de l’éolienne est crucial et tout en dépend, mais il est délicat de le faire trop tôt car, une fois qu’il est arrêté, vous n’avez plus de levier concurrentiel.
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Aussi, c’est souvent aux entrepreneurs qu’il est demandé de rattraper le retard et de presser la cadence de réponse, même si cela doit les obliger à chiffrer « trop vite et mal ». Essayez de les impliquer en amont, comparez les effets de différentes turbines sur le prix des infrastructures. Ils disposeront ainsi de plus de temps. 5. Voir chapitre 4, p. 127.
Il faut compter trois à six mois pour la négociation turbine, et beaucoup plus encore pour un non-Européen !5 Puis il faut ajouter trois à quatre mois pour passer l’ensemble des contrats. Ces démarches gagnent à être amorcées le plus en amont possible. L’idéal est d’être prêt à signer les contrats dès la levée de tout recours sur le permis de construire, et/ou l’obtention de toutes les autorisations nécessaires selon les pratiques du pays.
Le coût Ici, il vaudra mieux consulter les bureaux d’études professionnels afin d’avoir des devis. Ce rôle s’appelle souvent « assistance à maîtrise d’ouvrage », et déborde fréquemment sur la maîtrise d’œuvre. La nuance entre ces deux termes porte essentiellement sur la responsabilité durant les travaux. Le prix est sujet aux aléas dus au site, au pays, aux conjonctures de temps et de lieu. En France, à la fin 2008, l’échelle de prix irait d’environ 30 k€ à plus de 200 k€ selon la taille du parc éolien et le contenu réel des prestations.
Mener soi-même la préparation des travaux S’il s’agit de « petit éolien », vous pouvez l’envisager, mais ce n’est pas conseillé si vous n’êtes pas un électricien patenté doublé d’un sérieux mécanicien. Pour le moyen ou le grand éolien, la réponse est définitivement non, ou alors uniquement sur la partie de votre propre profession.
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Les techniques de l’éolien en pratique
La construction du parc Enfin, le chantier commence. C’est l’ultime confrontation des rêves (plans, accords, promesses, photomontages…) à la lumière crue et brute de la réalité. En effet, comme l’a écrit Alfred Korzybski, « une carte n’est pas le territoire » ; les experts en SIG (système d’information géographique) soulignent cela encore de nos jours. Mais le propos n’est ni de détailler ici la multitude de soucis induits par la construction du parc, ni de développer l’organigramme technique des tâches unitaires de chaque corps de métier. Cependant, pour chacun d’eux, nous allons brosser un portrait rapide, et déterminerons les points clefs ainsi que le planning d’ensemble.
Les corps de métier impliqués dans la construction d’un parc éolien Ces différents corps de métier sont détaillés ci-après. Si l’on exclut l’éolienne elle-même, ce sont tous des métiers connus et courants, qu’il s’agit ici de présenter avec leur spécificité « éolienne ». La fonction « OPC » (organisation, planification, coordination) C’est le métier du maître d’œuvre, parfois renforcé par une maîtrise d’ouvrage déléguée qui, comme son nom le suggère, appuie techniquement la maîtrise d’ouvrage (celle-ci ne possède pas nécessairement de connaissances techniques suffisantes). Les travaux de voierie, plateformes et accès Ce sont tous les travaux liés à la nécessité d’amener les « grandes et lourdes » éoliennes à pied d’œuvre et de les mettre debout. On va adapter les routes, créer, élargir ou renforcer des chemins, créer des plateformes de levage en compactant et/ou traitant le sol de manière à ce qu’il puisse supporter le poids des éléments d’éolienne et des grues qui les montent.
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Fig. 5.2 Voierie d’accès à un parc éolien (parc Erelia).
Enfin, après le montage, ce lot inclura le réaménagement de l’ensemble du parc et des routes qui auront servi durant les travaux. Réaménagement ne signifie pas forcément destruction : il faut prendre en compte la possibilité d’avoir à intervenir en maintenance durant l’exploitation. Le génie civil des fondations Supporter les éoliennes n’est pas anodin. Le lot génie civil prend en charge cette tâche en effectuant tous les calculs et les travaux visant à dimensionner et à construire un ouvrage qui ancre à terre l’éolienne. Il s’agit donc d’excaver, voire de sceller des pieux ou des micro-pieux, de tresser un savant ferraillage qui arrime la grille ou la virole fournie par le fabricant d’éoliennes et sur laquelle viendra se monter le pied du mât, de couler enfin un béton dont le poids assurera la stabilité de l’ensemble. Le tout sera recouvert de terre jusqu’à ne plus laisser dépasser du sol, dans la majorité des cas, que le strict minimum de l’ancrage du mât (d’un type spécifique à chaque éolienne).
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Les techniques de l’éolien en pratique
Fig. 5.3
© INEO, filiale de GDF SUEZ
Coulage de la semelle du massif.
Fig. 5.4
© INEO, filiale de GDF SUEZ
Mise en place de l’ancrage.
Fig. 5.5
© INEO, filiale de GDF SUEZ
Remblaiement au-dessus du massif.
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L’éolienne, son transport et son levage Comme indiqué dans la première partie de cet ouvrage, l’éolienne est composée d’un mât, d’une nacelle et d’un rotor lui-même constitué de plusieurs pales. Une éolienne est un équipement industriel qui suit donc un procédé industriel – à ceci près qu’après la fabrication en usine, il reste encore un lot de travail assez conséquent à mener. Tout d’abord, le transport d’une éolienne n’est pas simple. Ce ne sont pas encore tout à fait les pièces de l’A380, mais, si l’on considère que la plupart du temps le parc se situe en pleine campagne, brousse ou vallons escarpés, l’étude de faisabilité logistique d’accès s’impose. Quant au levage, effectué sous la surveillance inquiète du fabricant, il nécessite à la fois un terrain préparé et des conditions météorologiques calmes (mais, évidemment, les meilleurs endroits pour l’éolien sont ceux où le vent ne baisse que fort peu). Fig. 5.6
© LM Glasfiber
Levage du rotor.
Il existe plusieurs types d’éoliennes, et donc plusieurs techniques privilégiées de mise en œuvre. Un mât béton implique une construction locale en préfabriqué, alors qu’un mât acier nécessite deux grues (une standard et une « grande ») dès le premier tronçon de mât. Des fabricants d’éoliennes ont pensé que certains pays auraient sans doute des difficultés à transporter les énormes grues nécessaires jusqu’au
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site. Ils ont donc imaginé et construit une éolienne qui possède son propre moyen d’élévation de nacelle et ne nécessite donc qu’une grue standard. Il faut néanmoins faire attention. Les fabricants d’éoliennes proposent chacun un certain nombre de types d’éoliennes de puissances, de technologies et de caractéristiques très différentes, et qui sont plus ou moins adaptées aux caractéristiques du site éolien en question. Rares sont les sites dans le monde où plus de deux ou trois turbines se font réellement concurrence en production, à l’heure actuelle du moins. Demain, peut-être, le monde des fabricants d’éoliennes sera plus concurrentiel… Le génie électrique Il comprend plusieurs postes. Les transformateurs de tension Les techniques sont en constante évolution dans ce domaine et les différences de points de vue sont nombreuses. Certains fabricants d’éoliennes placent d’office le transformateur élévateur de tension6 dans la nacelle en haut du mât. Cette fourniture, alors indissociable de l’éolienne, ne pourra pas (ou plus difficilement) sortir des standards de niveau de tension (c’est-à-dire 20 ou 30 kV).
6. Voir chapitre 3, p. 109.
Pour la majorité des autres fabricants, la transformation 690 V/20 kV, 690 V/35 kV ou autres tensions éventuellement nécessaires pour rejoindre celle du réseau électrique environnant, se fait via l’installation d’un transformateur et d’une cellule de protection adaptée, positionnée soit directement dans le mât (figure 5.7), soit dans un cabanon situé à côté (figure 5.8). Fig 5.7
© Cegelec
Pied de mât.
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Fig. 5.8
© Cegelec/Equitao
Transformateur de tension positionné dans un cabanon placé à côté du mât.
Les réseaux électriques et signaux entre les éoliennes Le système électrique du parc éolien peut être structuré de manière très simple, comme illustré sur la figure 5.9. Fig. 5.9 – Exemple de réseau électrique de petit parc éolien. E1
E2
E3
E4
E5
cables HTA enterrés POSTE DE LIVRAISON
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Les techniques de l’éolien en pratique
Enterré et discret, par souci esthétique, un réseau haute tension relie les éoliennes entre elles et au poste électrique dédié au parc (poste de livraison).
Fig. 5.10
Dans la tranchée, il est accompagné d’un réseau de fibres optiques qui transportent les informations sur l’état et le fonctionnement des éoliennes et des équipements électriques, ainsi que les commandes qui émanent de la gestion centrale.
© Cegelec
Trancheuse et dérouleuse.
Les câbles électriques doivent être dûment dimensionnés afin de ne pas induire trop de pertes en ligne par surchauffe, ni, à l’opposé, de surcoût de matière (section et longueur). Leur pose nécessite la plupart du temps des passages sous voirie, sous ouvrage d’art ou autres obstacles qui requièrent des adaptations. Leur arrivée dans les fondations (vers l’éolienne) est une problématique technique intéressante, traitée de diverses manières par les fabricants et les entrepreneurs. Les équipements de raccordement au réseau (poste de livraison) Le réseau interne du parc aboutit donc au poste de livraison, souvent agrémenté d’un poste de gestion du parc (une pièce close avec un simple ordinateur la plupart du temps). Pour des parcs éoliens de taille moyenne (10 le poste de livraison est souvent composé de briqués (un par tranche, c’est-à-dire par ligne plusieurs éoliennes, qui seront donc protégées de protection).
à 50 MW installés), plusieurs abris préfad’arrivée regroupant par la même cellule
Ces équipements techniques doivent être strictement conformes aux normes électriques en vigueur et aux recommandations du gestionnaire de réseau auquel le parc est raccordé.
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© INEO, filiale de GDF SUEZ
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Fig. 5.11 Poste de livraison préfabriqué (type BM9).
Pour des parcs éoliens plus importants, ou même dans certains pays pour de petits parcs, un poste électrique à part entière remplace le simple abri. Il ressemble souvent beaucoup à ceux du gestionnaire de réseau. Leur fonction est la même : protéger des défauts engendrés par les uns ou les autres. Par ailleurs, le gestionnaire de réseau peut imposer des équipements de filtrage (passifs ou actifs) afin de préserver son réseau des défauts types du courant injecté, et vice versa. N’oublions pas que certains parcs éoliens sont aussi de temps en temps des « consommateurs », et que dans ce cas ils se passent difficilement de leur connexion à une présence tension. Le raccordement au réseau En France, le raccordement au réseau est jusqu’à présent l’affaire d’EdF qui s’occupe de (presque) tout. Les procédures à suivre sont publiées sur leur site Internet. Il n’en est pas de même dans tous les pays et il est utile de comprendre le souci technique réel qui sous-tend un si grand nombre de données contractuelles et d’annexes techniques.
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Les techniques de l’éolien en pratique
Dans le cas où le gestionnaire réseau n’a pas encore écrit les procédures, normes et standards à suivre, la démarche de raccordement doit au moins comporter certains points. Ainsi, en fonction de la puissance installée du parc éolien et des caractéristiques du réseau sur lequel il est appelé à être raccordé, le gestionnaire du réseau doit donner les dispositions techniques (réglages, caractéristiques imposées, etc.) et opérationnelles (quand couper, dans quelles limites, comment, etc.) du raccordement. Ces informations sont nécessaires car le réseau qui doit recevoir la production du parc éolien est lui-même soumis à des contraintes. D’une part, il doit pouvoir maintenir la qualité de tension dans les limites d’exploitation avec et sans la présence de la production du parc éolien. D’autre part, la puissance totale des producteurs électriques raccordés à ce point ne doit pas dépasser la puissance des transformateurs HT/MT du poste électrique du réseau (appelé « poste source »). Certains gestionnaires exigent même que cette puissance ne dépasse pas une limite qui tient compte d’une situation dégradée pour laquelle un défaut apparaît à un endroit quelconque du réseau ; mais on peut aussi décider d’un commun accord que le parc soit coupé dès l’apparition d’un défaut réseau quelconque (il faut alors intégrer cette donnée dans les prévisions de production sur lesquelles se base l’investissement). On comprend donc que ces procédures ont une incidence directe sur la production moyenne du parc éolien, car il est rare que le vent soit « en panne » en même temps que les équipements du réseau. De plus, le supplément de puissance injecté sur le réseau doit pouvoir être accepté par les équipements de ce dernier, qui n’étaient pas forcément prévus pour cela au départ. En conséquence, le raccordement peut nécessiter des renforcements du réseau. Une participation financière à ces travaux peut donc parfois être demandée au promoteur éolien. En fonction de ces critères, le gestionnaire du réseau fixe le mode de raccordement de l’installation de production au réseau de distribution. Chaque cas doit faire l’objet d’un examen particulier qui tient compte des conditions réelles rencontrées, car le couplage des éoliennes sur le réseau peut entraîner des fluctuations de tension inacceptables (particulièrement certains types d’éoliennes sur certains types de réseaux7).
7. Voir chapitre 3, p. 108.
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Fig. 5.12 – Schéma simplifié d’un raccordement au réseau.
HTA/HTB ou HTA/HTA
DEPART HTA (1)
PROTECTION COMPLEMENTAIRE GESTIONNAIRE DU RESEAU
PARC EOLIEN
Détection de la tension homopolaire
(2) PROTECTION GENERALE
HTA/HTA ou HTA/BT
(3) COUPURE DE SECURITE
(4) PROTECTION DE DECOUPLAGE
Il faut donc au moins spécifier : les équipements électriques du parc éolien, y compris les caractéristiques électriques des éoliennes et des protections ; ■ la localisation exacte du point de livraison (et de l’équipement de comptage de l’électricité délivrée). Ensuite, sont à négocier avec le gestionnaire de réseau les éventuels équipements que ce dernier exige d’ajouter sur ses installations en vue du raccordement du parc, ainsi que, parfois, le cheminement même de la ligne de raccordement. ■
Le coût et la durée de construction Nous atteignons là des fourchettes de prix qui n’ont plus rien à voir avec les précédentes. Les valeurs actuelles du marché, selon la taille des projets et les dimensions des machines, oscillent entre 1 000 et
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2 500 € par kilowatt installé (soit, pour un parc de 10 MW, entre 10 et 25 millions d’euros). Les petites éoliennes coûtent plus que les éoliennes de la gamme « mégawatts » si on ramène le prix au kilowatt installé. Mais on ne constate pas forcément le même phénomène entre les gammes « mégawatts » et « multimégawatts ». Ceci est certes dû à l’offre et la demande, mais pas uniquement. Ces dernières nécessitent plus d’infrastructures et d’environnements annexes (transport, levage, équipements électriques, etc.). La construction d’un parc éolien est généralement très rapide en comparaison de sa durée de développement : de quelques jours pour une éolienne moyenne seule, à six à huit mois de chantier pour un parc éolien d’environ 10 à 20 éoliennes, et jusqu’à un an ou un an et demi pour de grands parcs.
Mener soi-même la construction La réponse est non, même pour une petite éolienne – à moins d’être au milieu du désert et de ne rien risquer autour de vous. Parlez-en aux professionnels avant de vous lancer, cela vous épargnera beaucoup de soucis, et évitera à l’image de l’éolien d’en pâtir.
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Opérer, entretenir › et assurer la maintenance d’une installation éolienne
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Candide : Il faut cultiver notre jardin. Voltaire Un parc éolien, comme une exploitation agricole, peut produire même sans être entretenu. Mais cela ne dure qu’un temps, et le rendement obtenu n’est pas optimal. Par ailleurs, un parc éolien est une entreprise officielle : il est déclaré aux autorités, au fisc, à la chambre de commerce. Il faut rendre des comptes aux communautés, aux fournisseurs, aux propriétaires des terrains, etc. C’est une entreprise qui vit, avec ses difficultés et ses réussites. Il faut la gérer et l’exploiter, assurer l’entretien et la maintenance, selon des règles opérationnelles et techniques de plus en plus rigoureuses. Ce chapitre aborde d’abord la gestion classique du parc éolien en tant qu’entreprise. Sont ensuite étudiées son exploitation et sa gestion technique. Puis les aspects d’entretien technique et de maintenance sont abordés, en dissociant dans cette dernière la maintenance d’ensemble et la
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maintenance de l’éolienne elle-même. Enfin est donnée une idée des coûts d’exploitation et de maintenance.
La gestion d’un parc éolien comme une entreprise L’ensemble des aspects administratifs et réglementaires liés à l’exploitation d’un parc éolien sont présentés ci-après, car ils constituent une part des dépenses courantes du parc éolien, plus ou moins importante selon le lieu d’implantation.
La gestion administrative, comptable, fiscale, juridique et financière Voici une liste des principales tâches à effectuer dans ce cadre : organiser une comptabilité journalière, veiller à la tenue des comptes et à la préparation des comptes annuels et des états financiers et comptables ; ■ établir des tableaux de bord, des budgets et des prévisions de différentes natures ; ■ gérer le système informatique ; ■ établir les déclarations fiscales obligatoires ; ■ gérer le personnel (s’il y en a) et préparer des bulletins de paye, ainsi que toutes les pièces liées aux obligations déclaratives en matière sociale ; ■ payer les cotisations pour le personnel que la société éolienne emploie éventuellement ; ■ gérer les contrats éventuels de surveillance, de maintenance, d’assurance, les baux locaux des compteurs, les éventuels pactes d’actionnaires, les baux fonciers, etc. ■
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La communication avec l’ensemble des acteurs liés à l’exploitation du parc éolien Où qu’il soit implanté, un parc éolien est une infrastructure qui se remarque, et ne laisse pas indifférent. Son mode de fonctionnement étant souvent méconnu des acteurs locaux ou nationaux, des correspondances, explications et communications sont indispensables pour répondre à la curiosité de chacun. Ainsi, il est important d’échanger avec les différentes administrations, les clients (réseau électrique ou clients privés), les organismes bancaires (dont les banques et organismes bailleurs), les contractants et les fournisseurs (notamment le fabricant de turbines, le groupe d’assurances et les fournisseurs spécifiques). Une importance particulière doit être donnée à la communication avec les communes, les communautés rurales, les associations foncières, les propriétaires et exploitants agricoles et les institutions (collectivités territoriales, organismes spécialisés et/ou ministères impliqués, collectivités locales, etc.). Cette communication est une responsabilité majeure vis-à-vis des autres parcs éoliens, actuels et à venir. En effet, chaque parc éolien est un représentant à part entière de ce secteur : les informations, les explications transmises (pourquoi certaines éoliennes sont parfois arrêtées, etc.) vont alimenter l’image qu’aura l’éolien dans l’avenir.
L’exploitation et la gestion technique d’un parc éolien De nombreuses tâches techniques sont à accomplir afin d’exploiter et de gérer correctement un parc éolien. Les fabricants d’éoliennes, comme il a été dit précédemment, sont de plus en plus présents au sein du processus de construction et d’exploitation. Sont ainsi présentées ci-après différentes manières de structurer le travail avec ces acteurs très particuliers. 158
Les techniques de l’éolien en pratique
Ensuite seront données les grandes lignes de la gestion technique de parc éolien, en précisant les indicateurs et les méthodes de contrôle de ces indicateurs (et donc du vent). Avant de passer à la question purement technique de la maintenance, la gestion de celle-ci au niveau de l’exploitant sera examinée.
Les différentes structures opérationnelles d’une exploitation Elles s’articulent dans un éventail de possibilités oscillant entre tout prendre en charge ou tout déléguer. Il n’y a pas de solution unique, mais une répartition différente des responsabilités en fonction des compétences de chacun. Les déterminants de la structure Plusieurs principes, basés sur le bon sens, vont déterminer le choix d’une structure d’organisation d’exploitation. Les compétences des acteurs Il s’agit de distribuer les tâches entre les acteurs selon des compétences qu’ils peuvent prouver : ils ont déjà fait la même chose, ou déjà pris en charge des équipements techniques très similaires dans leur fonctionnement et dans leurs modes de défaillance. Les moyens des acteurs Il faut également prendre en compte dans la structuration des tâches les moyens (équipements, outils, temps disponible et droits) dont disposent les acteurs. Les équipements et outils spécifiques Certaines interventions d’entretien, de maintenance et de contrôle nécessitent des outils spécialisés et/ou de gros engins (notamment des grues). Sont-ils disponibles, ou peuvent-ils facilement et rapidement être mis à disposition ? La disponibilité en termes de temps de travail (planning) Il faut prendre en compte, entre autres, l’éloignement, la dispersion des équipes en astreinte. Les droits et certificats requis Le secteur électrique est soumis à des certifications de travail dans de nombreux pays1. Dans le cadre des équipements électriques, il
1. La certification C18501, par exemple, en France.
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faut donc vérifier pour tout travail, même s’il ne s’agit pas d’un travail d’électricien, que les intervenants disposent des certificats nécessaires. Il en est de même pour les travaux en hauteur. La volonté des acteurs Cela recouvre une dimension plus commerciale, ou même humaine, que technique. S’impliquer soi-même dans la maintenance et l’exploitation, dans la mesure où l’on a une base solide de savoir-faire et la capacité de se former si besoin, est toujours possible. Cela représente cependant des efforts et un investissement personnel conséquent sur une longue période. En revanche, pour une entreprise, l’investissement en maintenance revêt un caractère stratégique. Le plus souvent, le fabricant de turbines propose d’autant plus facilement la maintenance de ses turbines que ce service est pour lui facile à organiser (autres maintenances de parcs éoliens dans les environs par exemple), et qu’il sait l’assurer à des prix raisonnables et aisés à évaluer. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, il peut advenir que les fabricants ne soient pas enthousiastes pour proposer leurs services ; tout est alors question de conjoncture. Les risques pris en charge par chaque acteur Il faut considérer les risques financiers que chacun des acteurs est prêt à assumer et les capacités qu’ils ont à assurer concrètement les réparations. De là découlent les contrats de maintenance, avec des engagements sur performances par exemple. Seuls les fabricants des turbines, jusqu’à ce jour, prennent des engagements sur les performances de leurs propres machines. S’ils n’acceptent pas de prendre ce risque, pour des raisons de localisation, d’environnement ou autre, c’est au propriétaire ou à l’exploitant de le prendre vis-à-vis de ses bailleurs. C’est pourquoi, dans les pays où les banques sont prudentes quant aux engagements dans les infrastructures techniques, la structure dite « tranquille », présentée ci-après, rencontre plus de succès, alors que dans d’autres pays il n’y a pas le choix : seul l’affrontement du risque des pionniers est possible, car personne ne veut le faire en lieu et place des acteurs locaux. La structure la plus « tranquille » Elle s’enchaîne derrière une construction « clef en main » par un fabricant d’éoliennes, qui continue à s’occuper de tout (ou presque) après la mise en service et après la période de garantie. Dans certains
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pays, la garantie dure deux ans, avec des possibilités d’extensions payantes. Il arrive que, dans les pays plus « nouveaux » pour les fabricants, aucune garantie ne soit proposée. La structure est donc très simple : le fabricant des éoliennes prend en charge l’ensemble du parc, de son nettoyage aux échanges standards de pièces complètes (pale, multiplicateur, génératrice ou transformateur) en cas de panne avérée ou même de présomption de panne. L’exploitant n’a alors qu’un seul interlocuteur, comme s’il s’adressait à son responsable de production. Les banquiers et les assureurs apprécient particulièrement cette structure, car ils estiment qu’elle amoindrit beaucoup leurs risques. Évidemment, cette tranquillité se paie au prix fort. De plus, le fabricant d’éoliennes, qui possède une expertise certaine dans l’évaluation son propre matériel, n’offrira pas cette prestation si les risques paraissent trop importants. Ce type de structure d’exploitation se prépare dès l’appel d’offres de construction. La structure des « pionniers » Elle est employée lorsque l’éolien débute dans un pays. En France, certains projets se sont montés ainsi dans les années 1980 et 1990. Dans cette structure, le propriétaire exploitant du parc doit avoir les compétences, la volonté et les moyens pour tout faire lui-même. Il s’agit donc d’une société « professionnelle » de l’éolien, avec un service achats, un service maintenance composé de techniciens compétents (et habilités) en électromécanique, électricité, traitement du signal, analyse des procédés, etc., et un service exploitation avec des gestionnaires techniciens efficaces, une gestion de stocks, etc. Une telle structure se bâtit avec un solide business plan, qui envisage plusieurs parcs éoliens, sur plusieurs dizaines d’années. Elle possède sa raison sociale propre, et doit être préparée dès les premiers développements de parcs éoliens. Les structures intermédiaires Entre ces deux extrêmes, de multiples combinaisons sont possibles. Une formation ou un petit investissement supplémentaire peuvent permettre de les faire correspondre exactement aux acteurs en présence. Ainsi, quelle que soit la structure ad hoc, elle implique des spécificités en temps et en coûts qui doivent être anticipées dès l’élaboration du plan d’affaires du parc.
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La gestion de la production éolienne Indépendamment de la structure retenue pour l’exploitation du parc éolien, un certain nombre de tâches sont incontournables pour en assurer un fonctionnement technique optimal. Le suivi d’exploitation du parc éolien Le suivi d’exploitation correspond au pilotage concret de la production. On y décide les grands objectifs aussi bien que les redressements quotidiens. Il consiste à : programmer et gérer les modifications du logiciel de gestion/maintenance du parc ; ■ suivre en temps réel les indicateurs de fonctionnement du parc et la disponibilité contractuelle du fabricant ; ■ analyser les rapports mensuels et trimestriels du fabricant des turbines et les courbes de puissance, de disponibilité, d’acoustique, des incidents et des interventions ; ■ comprendre et analyser les différents rapports de synthèse (vents, productible, énergie produite, énergie consommée, incidents…) ; ■ établir les bilans mensuels et trimestriels avec le fabriquant de turbines en vue de calculer des indemnisations éventuelles ; ■ établir le bilan annuel et l’arrêté des comptes avec le fabricant de turbines pour statuer sur l’ensemble des informations et données (disponibilité, puissance, productible, historique de maintenance, pénalités, bonifications, indemnisation, location, fabrications, contacts…) nécessaires au suivi des obligations et au bon déroulement du contrat ; ■ plus généralement, faire tout ce qui s’impose au quotidien pour assurer le bon fonctionnement du parc éolien. ■
Le suivi des mesures locales d’accompagnement Elles ne sont pas détaillées ici, car d’une part ce ne sont pas des tâches directement liées aux techniques « dures » de l’éolien, et d’autre part elles se révèlent d’une grande diversité. Mais ce suivi dépend fortement de l’issue de l’étude d’impact, réalisée durant le développement du projet, et des engagements définis lors de cette démarche. Ces mesures sont indissociables de l’éolien. Elles se traduisent par des solutions de suivi, voire d’amélioration, des impacts sur la végétation, le paysage, la faune, l’économie locale, et répondent à des doléances potentielles diverses.
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Les études des vents contradictoires Le suivi du parc mis en œuvre avec le fabricant d’éoliennes consiste à déterminer quelques éléments clefs qui servent d’indicateurs pour le bon fonctionnement et l’optimisation du parc éolien. En effet, l’objectif du suivi est d’obtenir une amélioration progressive des indices relevés. Les indicateurs et les procédures dépendent essentiellement des pratiques du fabricant d’éoliennes et de sa politique d’offre technique post-montage (définie contractuellement avec l’exploitant). Il faut tout d’abord s’équiper d’outils de mesure en investissant dans l’implantation et l’exploitation des données d’un ou plusieurs mâts de mesure munis d’anémomètres et de girouettes correctement étalonnés. Ensuite, durant toute la durée de vie du parc éolien, les données sont relevées systématiquement, puis comparées et corrélées avec les données météorologiques de la météo nationale. Il faut également veiller au contrôle et à la traçabilité de l’étalonnage de l’ensemble de l’instrumentation. Ces mesures de vent sont analysées et exploitées mensuellement d’une part, afin de déterminer de plus en plus précisément le productible éolien du site. Elles sont d’autre part comparées mensuellement, trimestriellement et annuellement avec les données des anémomètres du fabricant d’éoliennes (le plus souvent placés en haut des nacelles, derrière les pales, et dont les données sont donc perturbées par celles-ci). Les mesures servent également à optimiser progressivement la procédure de conduite du parc, en concertation avec les équipes du fabricant d’éoliennes, et du gestionnaire de réseau. Le suivi de la maintenance du parc éolien La plupart du temps, la maintenance fait l’objet d’un contrat de soustraitance au fabricant d’éoliennes et/ou à des entreprises spécialisées en maintenance d’installations de production électrique. Mais la sous-traitance de cette tâche ne dégage pas l’exploitant de ses responsabilités d’encadrement, de contrôle et de gestion technique et légale de ces contrats, qui, comme il a été vu, induisent souvent une comparaison contradictoire entre les engagements pris par le fabricant sur la production, et la production effective du parc.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
À cette fin, l’exploitant doit donc : établir des bilans mensuels, trimestriels et annuels des actions de maintenance préventive et corrective pour chaque éolienne, et en déduire des évolutions futures ; ■ vérifier les manuels de suivi de maintenance et les référentiels qualité, ainsi que les mises à jour des documentations techniques ; ■ contrôler la gestion des pièces de rechange en stock ; ■ valider les pénalités/bonifications par rapport aux obligations du fabricant en termes de courbe de puissance, de disponibilité, de conformité acoustique ; ■ et aussi, gérer les aspects et les procédures administratives auprès des assurances en cas de maintenance corrective sur force majeure ou sur incident grave. ■
L’entretien et la maintenance d’un parc éolien Au cours de la conception d’un parc éolien, ou même au moment de sa mise en service, il n’est pas simple d’obtenir des données statistiques « utiles » en vue de l’organisation de la maintenance, c’est-à-dire des données à la fois fiables et applicables en termes de prévention et de statistiques prévisionnelles de pannes. Cela s’explique bien sûr en premier lieu par le peu de communication des industriels sur le sujet. D’autre part, la technologie éolienne, jusqu’à aujourd’hui, a progressé plus vite que l’installation de parcs éoliens. De nombreuses éoliennes actuellement en fonctionnement sont déjà obsolètes par rapport à ce qui est envisagé lors de la conception d’un nouveau parc. Il est donc difficile de considérer que les statistiques portant sur plusieurs milliers d’éoliennes de 600 à 1 300 kW, de technologie majoritairement « à pas fixe » par exemple, puissent avoir une corrélation fiable avec une future éolienne de 2 ou 3 MW, de dernière technologie, « à pas et à vitesse variables ». Quoi qu’il en soit, une éolienne moderne est conçue pour fonctionner pendant environ 120 000 heures au cours de ses 20 années de durée 164
Les techniques de l’éolien en pratique
de vie. Ces 120 000 heures de « fonctionnement » correspondent à une valeur moyenne évaluée par les fabricants ; les éoliennes sont donc estimées « à l’arrêt total » pendant environ 30 % du temps. Les raisons potentielles de ces « arrêts » sont les temps de maintenance, d’entretien, et surtout les périodes de vents inférieurs à la vitesse minimale d’enclenchement (voir les chapitres 2 et 3) ou supérieurs à la vitesse maximale de sécurité. Logiquement, on en déduit que, sur un site très bien venté, une éolienne fonctionnera à plus de 70 % du temps, et sera donc peut-être sujette à une usure plus rapide qu’une éolienne qui ne fonctionne que 50 % du temps. La durée de vie « type », fixée à 20 ans, est ainsi un compromis économique utilisé pour guider les ingénieurs qui conçoivent les éoliennes. En pratique, ils doivent minimiser la probabilité de défaillance sur cette durée. Les procédures d’entretien et de maintenance sont définies par chaque fabricant. Elles comportent des actions cycliques préventives, ainsi que des actions de veille et d’entretien courant.
Les principaux cycles d’entretien et de maintenance Chaque type d’éolienne étant différent, la liste des opérations de maintenance et d’entretien à effectuer est spécifique à chaque constructeur. Il fournit cette liste lors de la vente. Cependant, dans un cadre général, on peut établir que les « grandes opérations » d’entretien et de maintenance se font au bout d’environ 500 heures (opérations purement mécaniques), 2 ans et 5 ans. Elles comportent : ■ ■ ■ ■ ■
le resserrage complet de tous les boulons ; le graissage complet ; l’ensemble des tests électriques ; le changement des filtres ; une vérification visuelle d’ensemble.
Il faut également assurer annuellement : l’entretien et la maintenance des appareillages HTA (haute tension) ; ■ le contrôle des pales ; ■
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
et, si besoin, une nouvelle opération de nettoyage profond de ces pales. De plus, il est conseillé (voire obligatoire dans certains contrats de garantie sur le matériel) de faire tous les six mois : ■
un resserrage partiel ; les tests électriques basiques ; ■ un graissage si besoin ; ■ une vérification sommaire. Et, au quotidien, ou du moins selon les rythmes de visites nécessaires : une vidange en fonction des résultats des analyses d’huile. ■ ■
Les principales pièces touchées Certains composants sont plus sujets que d’autres à l’usure ou aux impacts physiques venant de l’extérieur. 2. Principalement du fait des impacts répétés des poussières, des sables, d’objets divers, des insectes, voire du sel en ambiance marine, et de la foudre.
Il s’agit surtout des pales du rotor2 et du multiplicateur. Même si ce n’est pas forcément lié à un phénomène d’usure, la génératrice est elle aussi un organe sensible aux pannes. Le prix d’un nouveau jeu de pales, d’un multiplicateur ou d’une génératrice s’élève normalement à environ 15 à 20 % du prix initial de l’éolienne. Il convient donc de se préoccuper des signes de faiblesse que ceux-ci peuvent émettre pour effectuer des réparations avant qu’ils ne cassent définitivement. Parmi les équipements de moindre importance, mais présentant néanmoins les taux statistiques de pannes bénignes les plus importants, sont à surveiller les transformateurs élévateurs de tension, dont il faut vérifier régulièrement les niveaux de température.
Statistique sur les principales défaillances Une étude réalisée sur une centaine de turbines par la société 8.2, qui assure une majeure partie des opérations de tests des turbines des parcs éoliens allemands, révèle la nature des différentes pannes détectées. La figure 6.1 montre les niveaux de gravité des problèmes détectés lors des interventions, quelles qu’en soient les causes. On y constate la prédominance des soucis mineurs dans le quotidien du responsable maintenance. Toutefois, mineur ou non, un problème qui engendre un
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Les techniques de l’éolien en pratique
arrêt machine est un manque à gagner en production, et donc peut très vite revenir coûteux lorsque l’on n’y remédie pas. Fig. 6.1 – Détection de pannes toutes causes confondues. 2% 6%
85%
Aucun problème
Mineur
Majeur
Urgent
Base de données partielle 8.2
7%
La figure 6.2 indique les pourcentages de pannes repérées sur les multiplicateurs, par rapport au nombre de turbines inspectées. Il ressort que le multiplicateur a été mis en cause dans 11 pannes sur 93 (7 % des cas étant non justifiés), mais la moitié de ces pannes étaient des problèmes majeurs : un incident sur le multiplicateur a de forts risques d’être grave. Fig. 6.2 – Pourcentages de pannes repérées sur les multiplicateurs, par rapport au nombre de turbines inspectées. 5%
89%
Aucun problème
Mineur
Majeur
Base de données partielle 8.2
6%
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
La figure 6.3, enfin, présente les pourcentages de pannes sur les génératrices, par rapport au nombre de turbines inspectées. De même que pour les multiplicateurs, on constate que la génératrice a été mise en cause dans 9 pannes sur 93 (7 % des cas étant non justifiés), avec la même tendance vers une forte proportion de cas dits « majeurs » : un incident sur génératrice présente aussi de forts risques d’être grave. Fig. 6.3 – Pourcentages de pannes sur les génératrices, par rapport au nombre de turbines inspectées. 4%
Base de données partielle 8.2
5%
91%
Les statistiques de pannes donnent une indication générale sur les taux de disponibilité des éoliennes. C’est d’ailleurs sur ces chiffres que chaque fabricant base ses engagements contractuels à l’égard des investisseurs. Comme nous l’avons vu, les fabricants, grâce à leurs programmes qualité et à leurs propres statistiques, sont les mieux placés pour évaluer les risques pris dans leurs propositions contractuelles. Résultats globaux sur les disponibilités des machines.
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Taux de disponibilité
84,5 %
Supérieur à 97 %
10,5 %
Entre 90 et 97 %
3,3 %
Entre 70 et 90 %
1,7 %
Inférieur à 70 %
Source 8.2
Pourcentage d’éoliennes
Les techniques de l’éolien en pratique
Les coûts d’opération et de maintenance Les coûts d’opération et de maintenance incluent le locatif, les assurances, les frais administratifs, les services (télécoms, EdF, etc.), les consommables, les réparations, etc. Dans les pays européens les plus expérimentés, la fourchette estimée des coûts d’opération et de maintenance se situe entre 1,2 et 1,5 c€/ kWh3. Pour les machines de plus de 10 ans, ces coûts se rapprochent davantage de 1,5 à 2 c€/kWh.
3. Source EWEA, The Facts.
Pour les éoliennes modernes, en Europe, les coûts annuels de maintenance correspondent à environ 1,5 à 2 % de l’investissement initial. Il est prévu que le coût d’exploitation annuel, quant à lui, passe d’environ 2,5 % du coût d’investissement en 2007 à 2 % approximativement en 2015, compte tenu des améliorations techniques promises aujourd’hui par les fabricants. Cela représente une baisse de 30 % des charges d’exploitation par mégawatt installé – un autre indice du dynamisme de la recherche et développement de ce secteur. De 1997 à 2001, l’institut DEWI a mené une enquête statistique sur les parcs éoliens allemands. De cette étude, se dégage une structuration des coûts moyens d’opération et de maintenance pour une machine de la classe « mégawatt » (voir figure 6.4). On constate un bon équilibre entre les divers postes de frais. On notera surtout que, parmi ces frais, les charges techniques d’entretien/maintenance et pièces détachées, sur lesquelles on se focalise souvent, ne représentent qu’un peu plus du quart du coût total. Fig. 6.4 – Décomposition des coûts d’exploitation. 5% 13 %
26 %
Prestation d'entretien/maintenance et pièces détachées Frais de gestion administrative
Divers Charges Assurances
21 % 18 %
Consommation d'électricité
Source EWEA, The Facts
Loyers des terrains
17 %
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Dans un pays ne disposant pas encore d’infrastructure de marché éolienne, les coûts et les proportions sont susceptibles de varier. Ces chiffres peuvent néanmoins être pris en compte s’ils sont adaptés en amont des plans d’affaires.
Les garanties et la couverture des risques d’exploitation Selon les pays et selon les structures d’exploitation adoptées, le propriétaire et l’exploitant du parc éolien ne sont pas exposés aux mêmes risques d’exploitation. Le schéma 6.5 représente en synthèse les grandes lignes de couverture des risques, autant d’un point de vue « technique » (en jaune orangé) que d’un point de vue « contractuel » (en vert bleuté). Au centre de toutes les garanties et de tous les contrats durant l’exploitation, la qualité, la rapidité et la transparence des données issues du SCADA du parc (qui est très souvent le SCADA du fabricant des éoliennes) vont avoir un impact majeur sur la couverture des risques de production. Ces données se négocient en amont du contrat avec le fabricant des éoliennes. Il importe de veiller à en obtenir un traçage en temps réel afin de pouvoir y appuyer l’ensemble des contrats. Ici encore, l’équipement de mesure est essentiel pour confronter prévisions et réalité.
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Les techniques de l’éolien en pratique
Fig. 6.5 – Mécanismes de couverture de risques durant l’exploitation.
GARANTIES DE CONSTRUCTION DE L’OUVRAGE
GARANTIES INDUSTRIELLES DES ÉOLIENNES
SCADA DONNEES DE TELESURVEILLANCE ET DE TELECONTROLE DU PARC EOLIEN
GARANTIE DE PUISSANCE DES ÉOLIENNES GARANTIE DE DISPONIBILITÉ DES ÉOLIENNES
GESTION TECHNIQUE
CONTRAT D’ENTRETIEN / MAINTENANCE DES ÉOLIENNES
CONTRATS D’ASSURANCE
CONTRAT D’ENTRETIEN / MAINTENANCE DES ÉQUIPEMENTS DU PARC ÉOLIEN
Par tie
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Annexes
Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
› Références Ouvrages généraux Siegfried Heier, Grid integration of wind energy conversion systems, John Wiley & Sons Inc, 2006. Paul Gipe, Wind power : renewable energy for home, farm, and business, Chelsea green publishing co, 2004. J. L. Rodriguez Amenedo, J. C. Burgos Diaz, S. Arnalte Gomez, Sistemas eolicos de produccion de energia electrica, Editorial rueda s.l., 2003. Tony Burton, David Sharpe, Nick Jenkins, Ervin Bossanyi, Wind energy handbook, John Wiley & Sons Inc, 2002. M. Castro Gil, A. Colmenar Santos, C. Sanchez Naranjo, Energìa Eòlica, Progensa, 2001. Paul Gipe, Energìa eòlica pràctica, Progensa, 2000. Collectif, Guide de l’énergie éolienne, Fondation énergies pour le monde, 1998. Paul Gipe, Wind energy come of age, John Wiley & Sons Inc, 1995.
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Annexes
Publications professionnelles ou scientifiques Électricité de France-Réseau de transport d’électricité (EdF-RTE), Énergies renouvelables & Réseaux de transport d’électricité, juillet 2008. Global Wind Energy Council (GWEC), Global wind 2007 report, mai 2008. European Wind Energy Association (EWEA), Pure power – Wind energy scenarios up to 2030, avril 2008. Union for the Co-ordination of Transmission of Electricity (UCTE), Memo 2007, avril 2008. EurObserv’ER, Le baromètre de l’éolien, Systèmes solaires, n° 183, février 2008. European Wind Energy Association (EWEA), Wind energy – The facts, 2008. International Energy Agency (IEA), Electricity information 2008 with 2007 data. Électricité de France-Réseau de transport d’électricité (EdF-RTE), Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, édition 2007 et actualisation 2008. BWE, Wind Energy Market 2007/2008. International Energy Agency (IEA), Wind energy annual report 2007. 8.2, Jürgen Holzmüller, Error statistics for the gearbox in drive trains of WEC, novembre 2006. 8.2, Jürgen Holzmüller, Dietmar Obst, Jochen Ziehmann and Rüdiger Kipke, « Damage on Wind Turbines », Windtech International, octobre 2006. « Variabilité de l’éolien et le mythe de l’intermittence », Renouvelle, n°18, 4e trimestre 2006. Syndicat des énergies renouvelables (SER), L’énergie éolienne – pour répondre aux bruits et rumeurs sur le bruit des éoliennes – témoignages et expertises, avril 2006.
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Le guide de l’éolien, techniques et pratiques
Armines, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Jérôme Gosset & Thierry Ranchin, Bilan et prospective de la filière éolienne française, février 2006. Krug sarl, Les moissonneurs du vent, Projet de valorisation des ressources éoliennes sur les exploitations agricoles, 2006. Ministère de l’Écologie et du Développement durable, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Guide de l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens en 2005. Institut für Solare Energieversorgungstechnik (ISET), Berthold Hahn & Kurt Rohrig, Assessment of the annual available wind energy, juin 2003. Électricité de France-Réseau de transport d’électricité (EdF-RTE), Les chemins de l’électricité. Søren Krohn, « The energy balance of modern wind turbines », WindPower Note, n°16, décembre 1997.
Sites Internet Ces sites permettent d’en savoir plus, de se remémorer, ou de se tenir au courant.
Les fondamentaux mathématiques et physiques www.bibmath.net galileo.cyberscol.qc.ca/InterMet/main/menu_par_sujet. htm et bien sûr la section sciences de Wikipedia : fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Sciences
Les techniques appliquées www.techniques-ingenieur.fr www.lei.ucl.ac.be www.volta.ieec.uned.es (site en espagnol)
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Annexes
L’électricité et les réseaux www.ucte.org www.rte-france.com
Les sciences de la terre, du climat et de la cartographie www.brgm.fr climat.meteofrance.com/
Les sciences et techniques de l’éolien www.nrel.gov/wind www.windpower.org
Les rubriques techniques et documentaires des associations de l’éolien www.ewea.org www.canwea.org www.afriwea.org www.awea.org www.wwindea.org
Le monde de l’énergie www.electron-economy.org www.planetenergie.org www.mediaterre.org/energie/ www.energybulletin.net
Remerciements Un grand merci à : Charles Dugué, qui a eu la patience d’assurer une relecture intégrale de l’ouvrage, et l’audace de le préfacer. Nicolas Martin-Granel et Christophe Buthion, dont les esprits savants et méthodiques ont su scruter les chapitres plus scientifiques ou techniques. Franck, mon frère, qui s’est fendu de relire l’ensemble de l’ouvrage en (faux) candide et de le commenter selon une vision extérieure. Gilles Vairel, de qui est né le contact avec les éditions Eyrolles. Imane El Bergui, mon assistante au sein d’Equitao, qui m’a appuyée pour les corrections successives. Et bien sûr aussi à tous ceux qui ont pris le temps de me recevoir ou d’envoyer des illustrations, articles, extraits et autorisations de toutes sortes, et en particulier les sociétés Météo France, Cegelec, Vergnet, Ineo-Suez, ATM-PRO, Winwind, Alstom Ecotècnia, Krug. Et à toutes les sociétés ou organismes cités au fur et à mesure des illustrations qui les concernent. Merci aussi à Florian et Anne, des éditions Eyrolles, pour leur aide et leur patience. Félix, quant à lui, m’a formellement interdit de le remercier publiquement pour ses sarcasmes critiques et ses moqueries constructives, ou même pour avoir supporté une compagne crispée sur son écran durant bien des soirées et week-ends. Donc je ne vais sûrement pas me risquer à lui désobéir…