COLLECTION DE LA MAISON DE L'ORIENT MÉDITERRANÉEN ANCIEN N°5 SÉRIE ARCHÉOLOGIQUE : 4
LA GRANDE DÉESSE DE CHYPRE ET SON ...
20 downloads
709 Views
26MB Size
Report
This content was uploaded by our users and we assume good faith they have the permission to share this book. If you own the copyright to this book and it is wrongfully on our website, we offer a simple DMCA procedure to remove your content from our site. Start by pressing the button below!
Report copyright / DMCA form
COLLECTION DE LA MAISON DE L'ORIENT MÉDITERRANÉEN ANCIEN N°5 SÉRIE ARCHÉOLOGIQUE : 4
LA GRANDE DÉESSE DE CHYPRE ET SON CULTE
A TRAVERS L'ICONOGRAPHIE, DE L'ÉPOQUE NÉOLITHIQUE AU Vlème s. a. C.
par Jacqueline KARAGEORGHIS
Editeur : Maison de l'Orient 1 , rue Raulin - F - 69007 LYON
Diffuseur : Diffusion de Boccard 1 1 , rue de Médicis - F - 75006 PARIS
A CHYPRE J'affirme qu'il n'y a jamais eu une valeur de civi lisation, qui ne fût pas une notion de féminité, de douceur, de compassion, de non-violence, de faiblesse respectée . . . J'affirme que le premier rapport entre l'enfant et la civilisation, c'est son rapport avec sa mère et donc que le rapport d'une civilisation qui en serait vraiment une avec les hommes, c'est un rapport de la mère avec tous ses enfants . . . Romain Gary
La nuit sera calme.
AVANT-PROPOS "Le couple délivré de ses chaînes pesantes prenait son vol, lui vers la Thrace, elle vers Chypre. Elle allait à Paphos, l'Aphrodite aux sourires ! retrouver son enclos, l'encens de son autel ; et l'ayant mise au bain, les Grâces la frottaient de cette huile divine qui reluit sur la peau des dieux toujours vivants, puis elles lui passaient une robe charmante, enchante ment des yeux" {Odyssée, VIII, 360-366, traduction V. Bérard). Ainsi s'en revient Aphrodite à sa ville natale après la rencontre amoureuse interrompue. A Paphos, près du rocher où, née de l'écume, elle est un jour apparue, elle oublie les tracas d'une mésaventure, plus triom phante qu'en aucun temps ; à Chypre elle est maîtresse en tout lieu, Paphos, certes, mais aussi Salamine, Golgoi et ailleurs : Chypre est l'île d'Aphrodite dès les temps archaïques, et le reste à travers les vicissitudes de l'histoire. Aphrodite déesse de la beauté et de l'amour figure ainsi le don le plus pur de Chypre à l'hellénisme, déesse radieuse et trouble en qui les charmes de l'Orient sont un moment conjoints pour conquérir à jamais l'Occident. L'éblouissement d'une image, apparition soudaine sur la splendeur des vagues endormies, ne fait assurément que traduire en termes de myt hologie la passion humaine et son empire ; il n'exprime pas l'histoire. Aphrodite n'est pas cette création spontanée que les poètes ont rêvée. A Chypre même, avant que les croyances de l'Orient et la figure d'Astarté eussent abordé, la tradition était longue qui avait préparé cette accueil, dans une forme inconsciente où devaient se fondre un jour les tendances les plus diverses des anciens âges de l'Orient. Un sentiment d'inquiétude et de quête, exprimant à la fois la crainte et l'émerveillement devant les formes porteuses de vie, hante dès les premiers millénaires de l'occupation humaine sur cette terre la conscience religieuse chypriote. A mesure que les siècles passent, les aspects, certes, se transforment ; mais l'idée reste, constante, de représenter la maîtresse de toute vie, de toute naissance, la Grande Mère universelle à qui s'adresse l'appel d'une humanité inquiète de son avenir.
vu
De prime abord, rien ne distinguait pourtant à Chypre cette anxiété, cette attente, ou cette espérance, de ce que l'on rencontre ailleurs, forme trop générale pour que l'histoire des religions ou des mentalités y trouve matière à un discours particulier. Cependant, à mesure que l'explo ration archéologique progressait — et l'on sait à Chypre avec quelle ampleur depuis vingt années — les documents se sont accumulés, et apparaissent chaque jour, apportant des précisions nouvelles. A l'époque néolithique les forces de vie prennent une figure assez semblable à celle que présen tentles Grandes Déesses dans les pays environnants. Au début du 3ème millénaire au contraire, surgit une forme originale de divinité féminine ; ses traits vont se précisant au cours des 3ème et 2ème millénaires : les représentations figurées, les témoignages de culte, les offrandes se multi plient et suggèrent des interprétations de plus en plus vraisemblables. Avec le temps l'iconographie s'enrichit et se diversifie. Dès la période chalcolithique, l'expression du sentiment religieux a donné naissance à ces formes parfaites dans leur stylisation que sont les idoles en croix, sculptées dans la steatite. Par la suite, une même originalité profonde caractérise le Bronze Ancien, où l'art chypriote de la stylisation se retrouve dans les figurines plates en terre cuite, dont le symbolisme abstrait est si explicite. L'autre face du génie chypriote de la figuration, celle du réalisme expressif et volontiers caricatural, se manifeste de plus en plus au cours du 2ème millénaire, sans pour autant que les innomb rables figurines du Bronze Récent puis de l'Age du Fer perdent leur signification réelle et leur pouvoir magique. Ces figurines de femmes, du néolithique à l'âge archaïque, cons tituent une documentation d'une richesse extraordinaire à travers laquelle il valait la peine d'analyser les formes diverses qu'a prises le sentiment religieux à Chypre au cours des siècles ; de reconnaître aussi comment s'est dégagée la figure originale de la Grande Déesse. Madame Jacqueline Karageorghis s'est employée à décrire cette évolution, à en marquer les progrès, à en déceler les signes de continuité, mais aussi les tentatives avortées et les changements sous les influences venues du dehors. Avant que la déesse ait atteint à son nom grec, elle avait un long passé qui marque profondément son "action classique", déesse de toutes les formes de vie, ouranienne et populaire, telle que la chante Euripide ou la célèbre Platon. En vérité ces deux traditions sont vivantes à Chypre dès l'origine ; elles coexistent ensuite longuement : celle d'une religion populaire solidement enracinée dans la conscience collective et les rites, celle de la religion aristocratique, plus sensible aux événements politiques et aux influences extérieures. L'interaction constante de ces deux courants, souvent diffi ciles à démêler tant les formes en sont imbriquées, commande l'évolution de la Déesse de Chypre, depuis la Grande Déesse chalcolithique jusqu'à l'Aphrodite d'Homère : c'est elle que Madame J. Karageorghis s'est appliquée à définir.
VIII
Elle le pouvait mieux que tous ses devanciers : elle disposait en effet d'une documentation considérable, souvent inédite et toujours de première main. La contribution qu'elle apporte à la connaissance de la religion chypriote antique n'est pas seulement fondée sur les découvertes les plus récentes ; elle exploite une documentation exhaustive. Il reste sans doute à étendre le champ des comparaisons. Mais précisément, parce qu'elle apporte pour Chypre la totalité de la documentation disponible, Madame J. Karageorghis présente un ouvrage que personne ne pourra désormais ignorer s'il veut traiter des religions en Méditerranée orientale et de leurs origines. Jean POUILLOUX et Marguerite YON
IX
PRÉFACE
Cet ouvrage était à l'origine une thèse de 3ème cycle en histoire et archéologie qui a été soutenue devant l'Université de Lyon II le 17 mai 1975. Le texte original a été par la suite rectifié, modifié et enrichi à partir des remarques et suggestions qui ont été faites à son sujet lors de la soutenance par MM. les membres du jury ; il a été aussi augmenté de quelques données nouvelles tirées de publications ou de découvertes ré centes survenues depuis la soutenance. A l'occasion de la publication de cette étude, je voudrais ici exprimer ma profonde gratitude au Professeur J. Pouilloux qui m'a encouragée à reprendre mes recherches en archéologie depuis longtemps abandonnées, m'a constamment suivie dans mon travail en me guidant avec sollicitude et me faisant généreusement part de son immense savoir. Je voudrais aussi remercier le Professeur G. Roux, président du jury de soutenance, qui a accueilli cette modeste étude avec chaleur et sympathie, a jugé ce travail avec une grande bienveillance et a proposé de brillantes interprétations du matériel présenté, me donnant ainsi nouvelle matière à penser. Les autres membres du jury m'ont aussi apporté une aide pré cieuse : le Professeur J. Deshayes par ses observations m'a incitée à recon sidérer les données des époques préhistoriques et le Professeur L. Kahil m'a beaucoup appris par sa profonde connaissance de la mythologie grecque sur les rapports de la Grande Déesse de Chypre avec l'Aphrodite Grecque. Je remercierai encore tout particulièrement Mme M. Yon, Maître de recherches au CNRS et directrice de la mission lyonnaise de fouilles à Salamine et Larnaca de Chypre, qui, d'abord comme membre du jury m'a éclairée sur de nombreux points de mon étude par son juge ment sûr et sa grande science de l'archéologie chypriote, puis comme conseillère et amie, a travaillé avec moi à la révision du texte originel, enfin s'est chargée de tous les travaux relatifs à l'impression de cet ou vrage. Enfin je suis très redevable à Mme Th. Oziol d'avoir bien voulu se charger de la composition de VIndex des objets. Je voudrais dire ici combien je dois à mon mari, le Dr. V. Kara georghis, Directeur des Antiquités de Chypre, qui m'a fait connaître le matériel en rapport avec cette étude ainsi que les publications le concer nant,a eu la patience de discuter des différents problèmes qui se posaient
à moi, et en particulier de la datation des objets, a travaillé à la compos ition des planches et enfin m'a facilité la tâche par tous les moyens possibles ; sans lui cette étude n'aurait jamais pu être faite. Je remercierai encore mes enfants Clio et André qui ont aussi contribué à ce travail par leur aide matérielle, leur patience et leur compréhension. Pour la préparation de cet ouvrage auquel l'illustration d'un matér ielabondant était nécessaire, j'ai dû faire appel à la générosité de nom breux musées qui m'ont accordé la permission de publier les photo graphies d'objets de leurs collections. A ce titre, je dois beaucoup au Musée de Chypre à Nicosie auquel appartient la majorité des objets illustrés ici et qui en a fourni les photographies, ainsi qu'aux musées régionaux de Chypre. Je publie ici avec la permission du Metropolitan Museum of Art de New York les photographies des objets suivants qui y sont exposés: les figurines 74.51.1538, 74.51.1609 et 74.51.1610 (pi. 18, a ; 23, b , 24, d), le plat en bronze 4561 (pi. 26, b), le coffret de pierre 74.51.5163 (pi. 22, d), le vase 74.51.509 (pi. 32, b), le sa rcophage 74.51.1365 (pi. 33, b). Je remercie le Musée du Louvre pour la photographie de la figurine AM 1176 (pi. 7, b) et celle du col d'am phore MNB 322 (pi. 23, c), le British Museum pour la photographie de la figurine A 123 (pi. 24, f) et celle du vase C 838 (pi. 31, a) ; le Medelshavsmuseet de Stockholm pour les photographies des idoles de Pétra tou Limniti 42 et 72 (pi. 1, a et b), le Nationalmuseet de Copenhague pour la photographie de la figurine 3713 (pi. 18, b), le Musée de l'Institut Oriental de Chicago pour la photographie de la figurine X. 11161 (pi. 16, f). Je publie aussi de nombreux objets appartenant à des fondations ou collections privées de Chypre qui m'ont très généreusement accordé la permission d'étudier et de publier ces objets : le Comité du Musée de la Fondation Piérides de Larnaca pour les photographies des figurines illus trées pi. 9, c, d, pi. 10, a, pi. 17, b, pi. 24, b, du vase publié pi. 31, c et de la statuette de la pi. 34, d ; M. Chr. Hadjiprodromou de Famagouste de la collection duquel je publie de nombreux objets, les idoles 889, 890, 891, à la pi. 8, b, c, d, le pendentif à la pi. 9, b, le vase 682 à la pi. 14, b, la figu rine 341 à la pi. 17, f, les figurines 1333, 1334, 355, 1335 à la pi. 19, a, la figurine 353 à la pi. 20, b, l'applique murale à la pi. 24, a. De la collec tionG.G. Piérides de Nicosie, je publie le vase de la pi. 30, c ; et de la col lection K. Severis de Nicosie, la figurine 1539 à la pi. 17, e. Il me reste à exprimer toute ma reconnaissance au personnel du Musée de Chypre auquel je dois la préparation de toutes les photographies et cartes de cet ouvrage et qui m'a toujours aidée avec beaucoup de dé vouement. Il va sans dire que les imperfections et les faiblesses de cette étude ne sont dues qu'à l'auteur. J.K.
INTRODUCTION
Αίδοίην χρυοοστέφανον καλήν Άφροδίτην ασομαι η πάσης Κύπρου κρήδβμνα \é\oy\ev €ίναλίης, oui μιν Ζέφυρου μένος ùypòv άέντος ηνβίκεν κατά κύμα πολυφλοίσβοιο ΰαλάσσης άφρώ évi μαλακώ ... Hymne à Aphrodite II. 1-5 Έκ δ ' 'έβη αίδοίη καλή ΰεός , άμφί δε ποίη ποοοίν ύπο ραδίνοϊσιν αέζετο... Hésiode, Théogonie, 194-195
C'est à Chypre que la mythologie grecque avait fait naître Aphrod ite et ce grand mythe recouvre peut-être une vérité profonde. Les mythes donnent aux hommes une explication à la fois poétique et rationnelle des grandes réalités de l'histoire. Que savons-nous de la véritable Aphrodite chypriote ? Quels t émoignages a laissés de cette divinité tant vantée la civilisation de Chypre ? Sous quelle forme se présentait la déesse chypriote ? Quel rapport avaitelle avec la religion orientale et la religion grecque ? Le mythe d'Aphrodite correspond-il à une réalité religieuse et culturelle ? Il n'existe aucun textechypriote explicite qui nous renseigne sur le fond de cette religion, à l'exception de quelques inscriptions chypriotes postérieures au Vlème s. a.C. et qui sont souvent des dédicaces à la Grande Déesse. Mais Homère, les Hymnes Homériques, Hésiode, Hérodote citent la déesse chypriote. Le reste de nos informations nous vient de quelques textes orientaux, airisi que des renseignements fournis par les écrivains alexandrins ou plus récents. C'est donc sur l'étude des documents concrets que doit se fonder
INTRODUCTION
toute étude concernant l'Aphrodite de Chypre : les figurines et les repré sentations de figures divines (?) sur différents objets, vases, bijoux, cy lindres, sont les seuls témoignages authentiques de la pensée chypriote. Certes on connaît déjà depuis longtemps grâce aux travaux de E. Gjerstad et autres, de P. Dikaios, de Cl. F.A. Schaeffer, l'évolution génér ale de la religion chypriote. On sait que, dès l'époque néolithique, il y a eu des figures sculptées ou modelées qui représentaient sans doute des idoles, et que l'époque chalcolithique a vu une floraison de véritables figu rines féminines qui ont certainement une signification religieuse. Au Chyp. Ane. est apparu tout un bestiaire de serpents et d'animaux à cornes sur des vases rituels, qui semblent être des symboles religieux témoignant de l'épanouissement d'une religion fondée sur le principe de la fécondité. C'est à la fin du Chyp. Ane. que l'idole à forme humaine a réapparu pour ne plus disparaître du contexte religieux chypriote. Au Chyp. Moy. cette idole prend un caractère sexuel très marqué et s'épanouit bientôt en une image de déesse de la fécondité qui domine dès lors l'iconographie du Chyp. Réc. Le répertoire religieux s'enrichit de nouvelles représen tationssur bronzes, vases, bijoux, cylindres. Pour l'Age du Fer, les repré sentations sur vases et objets de métal, ainsi que les nombreuses figurines existantes, nous renseignent sur la pensée religieuse de cette époque. Bientôt la sculpture apporte aussi ses œuvres et le matériel illustré va s'accroissant jusqu'à la période classique, où, sous l'influence grecque, la culture et la religion chypriotes s'hellénisent et s'intègrent dans le contexte de la Koinè. Les recherches récentes ont, durant ces dix ou quinze dernières années, mis au jour un matériel nouveau. Les fouilles ont révélé de nou veaux sites comme les sites chalcolithiques de la région de Paphos, et de nouveaux sanctuaires, en particulier ceux de Kition. De nouveaux objets sont apparus, produits des fouilles, découvertes fortuites, acquisitions du Musée de Chypre, objets inconnus de réserves de musée. De nombreux chercheurs ont étudié le matériel chypriote. L. Vagnetti a donné une nouvelle typologie des idoles chalcolithiques. A. Caubet a étudié des objets inédits ou mal connus du Chyp. Moy. et Réc. J.C. Courtois a publié l'important matériel du sanctuaire du dieu au lingot d'Enkomi, complétant ainsi la publication des sanctuaires d'Enkomi donnée par Cl. F.A. Schaeffer et P. Dikaios. Les objets de bronze du Chyp. Réc. ont été étudiés par H. Catling qui a ajouté au matériel connu une impor tante Astarté-au- lingot. Les fouilles de V. Karageorghis ont révélé à Kition l'existence d'un quartier sacré remontant au XlIIème s. a.C. Pour l'Age du Fer, les fouilles de la nécropole de Salamine ont apporté beaucoup de matériel nouveau et en particulier des objets de métal ornés de représentations importantes. La publication récente de tous les vases chypriotes de style figuré de l'Age du Fer par V. Karageorghis et J. des
INTRODUCTION
Gagniers permet de nouvelles recherches sur l'iconographie de cette époque. L'étude des bijoux décorés (par V. Karageorghis) et d'objets de culte ornés d'Astarté (par A. Caubet et M. Yon) apporte de nouveaux éléments pour la connaissance de l'époque chypro-géomé trique. Enfin, le travail de M. Yon sur la sculpture chypriote de la période archaïque est le fondement de toute recherche sur l'iconographie de cette époque. L'enrichissement du matériel justifie* donc une tentative d'étude et de synthèse des représentations connues en rapport avec Aphrodite et son culte. O. Masson s'était déjà intéressé à la religion chypriote et avait déjà présenté au colloque d'Études Mycéniennes de Chypre une étude générale sur les sanctuaires et cultes à l'Age du Bronze Récent à Chypre ; son recueil des Inscriptions chypriotes syllabiques et autres travaux contiennent de très nombreuses informations sur les lieux de culte. On s'occupera ici spécialement des représentations et du culte d'Aphrodite à Chypre en s'efforçant de rassembler les illustrations les plus importantes à notre connaissance, figurines de terre cuite, bronzes, représentations sur bijoux, sur objets de métal, sur vases. Les représen tationssur cylindres seront seulement mentionnées, sans être étudiées, l'auteur n'ayant pas une connaissance assez précise de cette difficile catégorie d'objets. L'étude des représentations d'Aphrodite sera peutêtre de quelque utilité et viendra peut-être renforcer les travaux de M.J. Dugand ; ce linguiste a récemment émis l'hypothèse, en la justifiant par des arguments linguistiques convaincants et par l'évidence historique, que le nom d'Aphrodite a été emprunté entre le Xllème et le Xème s. a.C. par les Achéens venus s'installer à Chypre, où ils auraient précisément connu, adopté et adapté le nom oriental de la déesse, sinon la déesse ellemême. Le but de cette étude est l'examen du matériel actuellement connu sous l'angle de sa signification religieuse à l'égard d'Aphrodite et de son culte. On essaiera de définir la nature de la divinité chypriote et de discerner les influences venues d'Orient et d'Occident qui ont contri bué à l'élaboration de son image. On examinera si elle survit et comment elle survit à travers les âges et les vicissitudes de l'histoire de l'île. Peutêtre apparaîtra-t-il à la lumière de cette étude comment la culture chy priote a apporté du fond des temps des croyances très anciennes qui ont pu influencer les civilisations occidentales et comment elle a con tribué à transmettre des valeurs spirituelles reçues d'Orient, en Occident, et, d'Occident, en Orient.
PREMIER CHAPITRE
Premières traces d'un Culte de la Fécondité à Chypre
d'Europe de dans Vllème, forces parvenues corps l'argile, civilisations vieilles la les fécondité généreux, de Les par forces Vlème, jusqu'à centrale, croyances fécondité peuples des quide àmains ont Vème qui Chypre nous vie, d'Anatolie de ou fleuri puisque ont déjà nous millénaire laexprimant du (3), été vieille fond expertes, sur ont cette des sculptées les etlaissé des Europe a.C. bords "Vénus" du île simplement âges à qui en Moyen (2). des dans de (1). paléolithique témoignage seQuand époques la aux trouve Les laOrient, Méditerranée l'éternelle pierre formes civilisations donc au aussi d'autres héritières centre ou adoraient apparaît corpulentes lointaines foi modelées etde néolithiques des "Vénus" où toutes peut-être hommes un déjà Aphrod que culte dans sont les au le
ite,selon la mythologie, serait née ? On n'a retrouvé aucune trace d'occupation du pays à l'époque paléolithique ou mésolithique. Une civilisation surgit mystérieusement vers 5800 a.C. et avec elle, les premières idoles, témoignages les plus an ciens de la pensée religieuse chypriote. (1) R. Lantier, L'art préhistorique (Paris 1961), Fig. 4-10. (2) M. Gimbutas, The Gods and Goddesses of Old Europe 7000-3500 BC (Londres 1974), ci-après Gimbutas, Gods and Goddesses, fig. 2, 7, 138-144. (3) La question a été posée et brièvement étudiée par H.G. Buchholz, "Naissance d'une civilisation" et O. Masson, "Croyances et sanctuaires à l'époque préhistorique" dans Archéol ogieVivante, vol. II, n° 3 (mars-mai 1969), CHYPRE, ci-après AV Chypre, p. 19-28 et 53-56 respectivement.
CHAPITRE I
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE (5800-3000 a.C.) La première civilisation qui apparaît à Chypre est de caractère néolithique acéramique. Elle nous est surtout connue par le site de Khirok itiadans le Sud, mais elle était répandue un peu partout dans l'île, comme en témoignent les sites de Tenta-Mari dans le Sud, et, dans le Nord, les sites de Pétra tou Limniti, Troulli, Cap Andréas (4) (voir carte pi. I). Cette civi lisation se caractérisait par des habitations rondes (à Khirokitia en parti culier) ou plus rudimentaires (à Pétra tou Limniti), une riche vaisselle de pierre et des inhumations intra muros (5). La céramique y était inconnue, mais les vases de pierre avaient déjà des formes originales d'une facture raffinée. Cette première civilisation chypriote connue était déjà d'un niveau culturel avancé. Dikaios l'a datée par la méthode du carbone 14 de 5800 à 5250 a.C. (6). Un nouvel examen de quelques échantillons de matériel a confirmé cette première datation en donnant comme date du floruit de l'établissement le milieu du Vlème millénaire a.C. (7). C'est dire que cette civilisation néolithique chypriote est apparue deux ou trois millénaires plus tard qu'au Proche Orient et un millénaire plus tard qu'en Anatolie et en Grèce, à moins qu'il n'ait existé dans l'île une civilisation antérieure encore inconnue (8). On a tenté de rapprocher cette civilisation chypriote d'autres civilisations néolithiques précéramiques, mais en dépit de certaines ressemblances on a dû reconnaître qu'elle restait pro fondément originale. Ni l'Anatolie, ni la Syrie ne semblent être à l'origine de la civilisation néolithique chypriote (9). A cette culture néolithique acéramique (Néolithique la) aurait succédé vers la fin du Vlème millénaire une civilisation néolithique cé ramique (Néolithique Ib) dont on a retrouvé des traces à Philia-Drakos et
(4) H.W. Catling, "Cyprus in the Neolithic and Bronze Age periods", The Cambridge Ancient History I-II, ci-après Catling, Cyprus CAH, p. 6-15 ; K. Nicolaou, "The distribution of Settlement Sites in Stone Age Cyprus" Kypriakai Spoudai 31 (1967), p. 37-52 ; T. Watkins, "Some problems of the Neolithic anc Chalcolithic period in Cyprus", RDAC 1973, carte 1, p. 38 ; V. Karageorghis, La civilisation préhistorique de Chypre (Athènes 1976), ci-après Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 19-28. (5) P. Dikaios, Khirokitia (Oxford 1953), p. 196 et p. 337 sqq. La fouille de Khirok itia a aussi été publiée par P. Dikaios sous le titre "The Stone Age" dans SCE IV 1 A (Lund 1962), ci-après Dikaios, Stone Age. (6) Dikaios, Stone Age, p. 193 sqq. (7) Ν. Stanley Price, D. Christou, "Excavations at Khirokitia 1972", RDAC 1973, p. 1-33 ; N. Stanley Price, "On the dating of Khirokitia in Cyprus"', Proceedings of the Prehistoric Society for 1975", vol. 41, p. 46 sqq. (8) J. Deshayes, Les civilisations de l'Orient ancien (Paris 1969), p. 36 ; Watkins, RDAC 1973, p. 47 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 19. (9) Dikaios, Khirokitia, p. 334 ; Dikaios, Stone Age, p. 194 ; Catling, Cyprus CAH, p. 8 ; V. Karageorghis, Chypre (Archaeologia Mundi, Genève 1968), p. 36 ; Watkins, RDAC 1973, p. 47.
LES IDOLES NEOLITHIQUES
Troulli sur la côte nord (10). On pensait qu'une longue période de 1500 ans vide de présence humaine avait suivi, avant que réapparût une nouvelle civilisation néolithique céramique. Cette nouvelle culture était repré sentée dans les couches supérieures de Khirokitia et sur les sites de Kalavassos et Sotira dans le sud de l'île. L'analyse au carbone 14 la datait de 3500-3000 a.C. On l'appela civilisation du Néolithique II. Elle paraissait profondément différente de la civilisation du Néolithique I ; elle a laissé des maisons rectangulaires ou ovales, parfois à demi-enterrées, une cérami que noircie abondante et raffinée et des inhumations extra muros (11). Ce pendant des recherches récentes ont prouvé qu'il n'y avait probablement pas eu une telle discontinuité entre les cultures qui se sont succédé à Chypre du Vlème au IVème millénaire (12). La découverte des sites de Philia-Drakos et Dhali-Agridhi dans le centre de l'île, de Ayios EpiktitosVrysi sur la côte nord ainsi qu'une nouvelle étude de sites connus tels que Troulli (voir carte pi. I) ont permis de retrouver un lien entre les différentes cultures qui se seraient développées entre 5000 et 3000 a.C. (.13). A la culture précéramique représentée à Khirokitia, Cap Andréas, Pétra tou Limniti, Troulli (14), aurait succédé vers 5000 une culture céramique représentée à Troulli, Philia-Drakos Al et Dhali-Agridhi. Cette culture se serait développée ultérieurement sur les sites, ainsi sur le site de PhiliaDrakos où l'on a reconnu une évolution en quatre phases de cette culture entre 5000 et 3000. Le site de Ayios Epiktitos-Vrysi témoigne d'une évolution analogue de cette culture céramique entre 4000 et 3000. La culture de Troulli se serait également étendue sur une plus longue période. Le site de Sotira aurait été occupé, comme on le pensait déjà auparavant, entre 3500 et 3000 a.C. ainsi que le site de Kalavassos B. Il semble donc que Chypre ait été habitée de façon continue entre 5000 et 3000 a.C.
(10) Dikaios, Stone Age, p. 195 ; T. Watkins, "A la découverte des premières agglo villageoises", A V Chypre, p. 31 ; Watkins, RDAC 1973, p. 39-40 et 50 sqq. (11) Dikaios, Stone Age, p. 181 sqq. (12) E.J. Peltenburg, "Ayios Epiktitos-Vrysi, Cyprus : preliminary results of the 1969-1973 excavations of a neolithic coastal settlement", Proceedings of the Prehistoric Society for 1975, vol. 41, p. 17 sqq. et pour la succession et les concordances chronologiques, voir table 3, p. 43. (13) La chronologie de cette période peut devoir être changée si l'on suit la nouvelle datation obtenue par réajustement des dates données par le carbone 14. Cette datation placerait les cultures de Philia-Drakos, Vrysi, Sotira, Kalavassos et Erimi sept à huit siècles avant la date acceptée, voir Watkins, RDAC 1973, p. 54 et Peltenburg, Proceedings 41, table 3, p. 43, dates de droite. (14) La civilisation acéramique de Khirokitia paraît avoir disparu de façon assez énigmatique sans qu'aucune catastrophe naturelle ou autre cause de destruction soit intervenue. L'île s'est-elle alors complètement dépeuplée pour se repeupler par immigration ? D'après Watkins, RDAC 1973, p. 49, une culture céramique avait pu s'introduire à Chypre dès avant la fin du Néolithique la et coexister avec la culture acéramique. mérations
CHAPITRE I
C'est dans un tel contexte que sont apparues les premières idoles chypriotes. On en a recueilli sur les sites de Pétra tou Limniti, Khirokitia, Sotira et en quelques autres endroits qui ne sont pas des sites connus. Bien qu'attribuées à des périodes différentes du Néolithique, bien que dif ficiles à dater, elles présentent à première vue une certaine parenté entre elles. Les problèmes qui se posent à leur sujet sont, pour certaines d'entre elles, ceux de la datation, ceux de leur signification et fonction, et enfin ceux de leur rapport avec les autres idoles néolithiques du Proche et Moyen Orient et du monde égéen. I. LES IDOLES A. Les idoles de Pétra tou Limniti. Le site de Pétra tou Limniti établi sur un îlot au large de la côte nord de Chypre n'a pas connu la culture céramique ; l'existence de l'établissement a dû être limitée à quelques siècles (?) au Vlème mil lénaire. Trois idoles y ont été trouvées sur le sol de huttes à différents niveaux (niveaux III et IV). Ces idoles datent donc du Vlème millénaire (15). Ce sont les objets 42, 72 et 27. Elles ont la forme d'un galet ovale auquel on a à peine donné forme humaine en le divisant en deux parties dont l'une doit figurer la tête et l'autre le corps. Elles sont taillées dans la dolerite. Idole 42 (pi. 1, a) : l'idole a la forme d'un galet oblong aux extrémités arrondies, entaillé sur son contour d'encoches qui délimitent la tête, font ressortir deux petites excroissances représentant les bras et les séparent du reste du corps. Un creux dans la partie inférieure de la tête semble indiquer la bouche (h. 15 cm). Idole 72 (pi. 1, b) : l'idole dont la tête manque a aussi la forme d'un galet oblong avec deux protubérances marquant les bras et une encoche à la partie inférieure séparant des moignons de jambes (h. 15 cm sans la tête). Idole 27 (pi. 1, c) : l'idole apparemment plus évoluée se compose d'un corps oblong portant des moignons de bras, d'un large cou et d'une tête ronde aux sourcils, au nez et au menton en relief ; il se peut que le menton triangulaire porte une barbe. L'arrière de la tête est orné de lignes obliques incisées. L'idole est recouverte d'un enduit de chaux (h. 15 cm). Les idoles 42 et 72 ont été trouvées sur le sol III des huttes, l'idole 27 sur le sol IV. L'idole 27 doit être plus tardive que les idoles 42 et 72.
(15) La fouille de Pétra tou Limniti a été publiée dans SCE I (Lund 1934). Les idoles sont étudiées p. 10 et illustrées pi. VIII, 14.
10
LES IDOLES NÉOLITHIQUES
B. Les idoles de Khirokitia. Certaines ont été trouvées dans les couches de la période II de Khirokitia qui datent du Néolithique I, mais la plupart ont été découv ertes dans les couches de surface et ont été attribuées, à la phase III du site datée par Dikaios du Néolithique II. Il y aurait donc une dif férence de 2000 ans entre les idoles les plus anciennes de Khirokitia et les plus récentes. Pourtant elles reproduisent sensiblement les mêmes types sous des formes plus ou moins évoluées. Elles ont soit la forme d'un galet divisé en deux parties sur le contour duquel des encoches font naître des ébauches de bras et de jambes, soit la forme d'une pierre plate où se distinguent un corps et une tête, puis des bras et des jambes. Elles sont taillées pour la plupart dans l'andésite, mais parfois dans le calcaire. Elles ont été trouvées parfois à l'intérieur des tholoi, sur le sol, parfois à l'extérieur. Elles ne sont jamais associées aux inhumations (16).
1 . LES IDOLES LES PL US ANCIENNES DE KHIR OKITIA . a) Les idoles en forme de galet, dites en forme de violon : L'idole 1401 (pi. 1, d) est une des plus anciennes qui aient été trouvées sur le site ; la couche où elle a été découverte la date du début de la phase II de l'établi ssement. Elle a la forme d'un galet avec des encoches marquant la séparation entre la tête et le corps, et l'entre jambe. Elle mesure 9 cm. L'idole 135 a des ébauches de jambes. La partie supérieure manque. Elle est aussi du début de la phase II. b) Les idoles plates : L'idole 384 (pi. 2, a), brisée, a encore des jambes bien séparées, un haut torse plat et elle avait peut-être aussi des bras distincts le long du corps, dont il reste le point d'attache. Elle date du début de la phase II. L'idole 1 175B (pi. 2, c) est une haute figure de 18 cm taillée dans le calcaire. Elle a un long corps en forme de planche surmonté d'une large tête. Elle date de la fin de la période II (17).
(16) Les idoles ont été étudiées dans Dikaios, Khirokitia, p. 296-301 et illustrées pi. XCV-XCVIH et CXLIH-CXLIV. Elles le sont également dans Dikaios, Stone Age, p. 49 et 61 et fig. 24-25, XIV-XV. La datation est donnée dans Dikaios, Khirokitia, p. 300 et Stone Age, p. 61. De nouvelles fouilles sont en cours sur le site, qui livreront peut-être d'autres idoles. (17) Cette idole classée comme idole en forme de violon (Dikaios, Khirokitia, p. 296) est décrite comme ayant la forme d'une planche dans le catalogue p. 183.
11
CHAPITRE I
e) La grosse tête d'idole en argile : A la fin de la phase II appartient la grosse tête 1063 en argile crue, haute de 10,5 cm, trouvée sur le sol d'une tholos (pi. 2, b). Cette tête est rendue avec un certain réalisme. Le front est haut, les yeux sont indiqués par des incisions pro fondes, surmontés de paupières épaisses, le nez est en relief et la bouche est mar quée par un court trait incisé. Le visage s'élargit vers le bas, le menton est rond, le cou épais. Des lignes incisées au sommet de la tête indiquent la chevelure, des bandes ondulées garnissent les côtés et le derrière de la tête qui est aussi orné d'un motif incisé en arête de poisson. Le cou est creux et la tête était sans doute fixée sur un corps indépendant ou sur un pieu en bois. Cette tête semble avoir des traits féminins. De cette période de Khirokitia, nous avons donc deux types d'idoles en pierre : l'idole en forme de galet et l'idole haute et plate. Nous avons un exemple de tête en argile. 2. LES IDOLES PL US RÉCENTES DE KHIR OKITIA . Ces idoles ont été trouvées dans les couches supérieures ou en surface et sont donc toutes attribuées à la dernière période de l'établi ssement. a) Les idoles en violon : L'idole 938 (pi. 2, d) reprend la forme la plus ancienne du galet séparée en deux parties par une encoche profonde et pourvue d'ébauches de jambes. La forme en violon est raffinée et bien proportionnée. Les idoles 194 et 1102 ont un gros corps oblong et une tête moins large. b) Les idoles aux bras en croix : L'idole 1092 (pi. 3, a) haute et longue semble être une forme évoluée du type d'idole 1175 B avec une grosse tête et un corps long, mais avec une partie inte rmédiaire qui évoque des bras en croix. Le buste 1073 (pi. 3, b) et le corps sans tête 21 (pi. 3, c) ont aussi des bras en croix marqués par des projections. c) Les idoles stéatopyges : L'idole 680 datant de la phase III représente un type rare et primitif (pi. 3, d). Elle est accroupie ou assise, plate sur le devant, bombée dans le dos. Elle a une tête ronde sur un corps large, une encoche au niveau du cou et une encoche au niveau des hanches. Sur le devant un motif incisé représenterait les genitalia. Il y aurait un autre exemple d'idole stéatopyge (948). d) Les idoles plates aux bras le long du corps (?) et à la tête distincte : L'idole plate 967 est un très bel exemple de la phase III (pi. 4,b). L'idole comporte une tête, un cou, un corps et des jambes. Le corps rectangulaire avec des
12
LES IDOLES NEOLITHIQUES
bras verticaux incorporés est surmonté d'un cou épais et d'une tête arrondie dont les yeux et la bouche sont marqués par des cavités. Les jambes serrées l'une contre l'autre sont séparées par une rainure. L'idole a des lignes incisées sur le sommet de la tête avec des traces de rouge, des chevrons incisés sur l'épaule. La figurine brisée aux jambes mesure 19 cm et elle est déjà importante. C'est peut-être à des idoles de ce type à tête bien marquée, qu'appartiennent deux têtes en andésite 1068 et 1, d'assez grande dimension (7,5 et 9,5 cm) (pi. 4, a, c). Ce sont des têtes au menton triangulaire, dont l'une semble porter une barbe (tête 1), aux sourcils et au nez rendus en relief, aux oreilles perforées (?). La tête 1404 (pi. 5, a), ronde sur un cou étroit, avec les sourcils, les yeux, le nez et le menton en relief, paraît être une forme évoluée. La tête 1093 a les oreilles percées et une série de perforations sur le sommet de la tête. Les idoles de Khirokitia III sont donc de types divers, idoles rondes en forme de galet, idoles longues aux bras horizontaux, idoles à tête bien marquée, idoles stéatopyges. Les idoles rondes et les idoles hautes à grosse tête indifférenciée sont assez proches des types de Khirok itiaII. Les idoles du type 867 à tête bien marquée sont certes d'une facture évoluée. Selon la datation de Dikaios 2000 ans les séparent. Plusieurs hypothèses sont à considérer. La datation n'est peut-être pas très précise. Les idoles attribuées à la phase III viennent de couches de surface sans plus de précision. Ou bien la civilisation de Khirokitia II s'est conti nuée sans qu'il y ait eu de coupure, ainsi que semblent l'indiquer les dernières découvertes. Les types d'idoles se seraient donc perpétués. D'ailleurs on trouve sur un site comme celui de Sotira qui est daté avec certitude de la période 3500-3000 (Néolithique II) un type d'idole proche de ceux de Khirokitia II et III. C. Idoles trouvées sur différents sites du Néolithique II. Des idoles ont été trouvées accidentellement ou sur des sites fouillés. On les attribue au Néolithique II, mais la datation n'est pas toujours sûre. 1 . L 'idole de Sotira. Une idole en calcaire (Sotira 106) (18) a été trouvée dans une habitation sur le site fouillé (pi. 4, d). Elle est du type traditionnel en forme de violon, avec un corps oblong renflé à sa partie inférieure, elle-même divisée par une rainure indi quant peut-être les jambes.
(18) Dikaios, Stone Age, p. 95 et fig. 48 et XXXI.
13
CHAPITRE I
2. Les autres idoles Une autre idole trouvée dans la région de Paphos à Ayia Mavri (Musée de Paphos 1503) (19) n'est encore qu'une forme vague aux bras et aux jambes à peine ébauchés, mais pourvue d'un visage aux traits bien marqués par de larges rainures et des cavités. Elle est du type de l'idole aux bras en croix. Une idole provenant de Ayios Thomas dans la région de Limassol (20) (Musée dé Limassol 94,8) a toujours la forme du galet, mais elle est gravée de diffé rentes incisions délimitant, semble-t-il, les parties du corps : deux triangles sur la poitrine (les seins ?), lignes séparant les bras du buste, ligne à la taille, fente génitale, triangle pubien, traits en éventail sous le triangle pubien (pi. 5, b). Elle mesure 14 cm sans tête. Apparemment il s'agit là d'une idole féminine. Une autre petite idole de provenance inconnue est attribuée à la fin de la période néolithique. Cette petite idole (CM W 293) (21) a des attributs féminins nettement indiqués, triangle pubien, fente génitale, poitrine bien marquée et elle se tient les seins. L'incertitude concernant sa provenance réduit malheureusement l'importance de ce témoignage. Enfin citons une grande tête de 13,5 cm en andésite considérée comme datant de la fin du Néolithique (CM 1948/5-17/2) (22) trouvée à Omodos dans le massif montagneux occidental de l'île. La tête au long cou est ronde avec un nez et des sourcils en relief comme certaine tête de Khirokitia III. Telles sont les quelques idoles découvertes en divers endroits de la région sud-ouest de Chypre qui peuvent donner quelques indications sur l'iconographie néolithique à Chypre. Mais il reste à chercher quelle peut être la signification de ces idoles.
IL REMARQUES SUR LES IDOLES NÉOLITHIQUES CHYPRIOTES La typologie, la datation, la signification de ces idoles ainsi que leur relation avec les idoles des autres civilisations néolithiques donnent lieu à diverses remarques. A. Les formes. L'idole en forme de violon tirée du galet paraît la plus répandue. Elle comprend une tête et un corps très schématiquement représentés et
(19) H.G. Buchholz et V. Karageorghis, Prehistoric Greece and Cyprus (Londres 1973), ci-après Buchholz-Karageorghis, PGC, 1689. (20) ibid., 1694. (21) ÄV Chypre, p. 46 (50). (22) Dikaios, Khirokitia, pi. XCVII ; Buchholz-Karageorghis, PGC, 1690.
14
LES IDOLES NÉOLITHIQUES
parfois des ébauches de bras et de jambes. Aucun détail n'indique s'il s'agit d'une idole féminine ou masculine. Les bras et les jambes sont de plus en plus clairement représentés, devenant des protubérances de plus en plus nettes. Les bras prennent de plus en plus la position écartée hori zontale. Si l'on compare les idoles de Khirokitia 1401 (pi. 1, d) à l'idole 1092 (pi. 3, a) plus récente, puis aux idoles 1073 et 21 (pi. 3,b-c) on constate que l'idole en forme de violon semble s'être développée peu à peu en une figure aux bras en croix. L'autre type d'idole haute et plate semble avoir eu des bras abais sés le long du corps et des jambes séparées dès la période la plus ancienne (Khirokitia 384, pi. 2, a). La plus représentative de ce type est l'idole 967 de Khirokitia (pi. 4, b), aux formes massives, qui paraît plus masculine que féminine. Ce type reste, semble-t-il, assez rare. L'idole stéatopyge n'est représentée que par un seul exemplaire important (pi. 3, d). Le sexe de toutes ces figures reste incertain. Une idole de Pétra tou Limniti, bien que parmi les plus anciennes, est pourvue d'un visage aux traits bien accusés, avec des sourcils, un nez et un menton en relief. Le menton de forme triangulaire porte peut-être une barbe (pi. 1 , c). Les têtes de Khirokitia au menton triangulaire semblent aussi porter la barbe (pi. 4, a, c) et elles ressemblent de près à la tête de l'idole de Pétra tou Limniti. Ce seraient peut-être des têtes masculines. Notons qu'elles présentent des perforations au niveau des oreilles pour l'insertion de boucles. D'autres têtes paraissent féminines ; ce sont des têtes au cou mince et au visage rond (pi. 5, a). La tête d'argile rendue de façon si réaliste est un spécimen unique (pi. 2, b). Elle paraît plutôt féminine. Une autre tête fragmentaire de Khirokitia porte à son sommet une série de perforations ainsi qu'aux oreilles. Ces têtes devaient être ornées de bijoux, couronne, boucles. Il s'agirait donc de représentations assez proches du réel. Vers la fin de la période, les petites idoles comme celle de Ayios Thomas (pi. 5, b) acquièrent des caractéristiques féminines très marquées. On peut remarquer que les formes d'idoles néolithiques chypriotes ne sont pas stéréotypées, qu'il existe de nombreuses variantes et qu'elles ne sont ni nettement masculines, ni féminines. Certaines avaient des formes très schématiques, d'autres devaient avoir une apparence très riche. Elles mesurent en général entre 15 et 20 cm, mais les têtes isolées de 10 cm, ainsi que la grosse tête en argile, témoignent de l'existence d'idoles plus grandes et plus expressives. Le matériau le plus fréquem ment employé est l'andésite qui servait aussi à la fabrication des vases.
15
CHAPITRE I
Β. La datation. Si la datation du Néolithique I et du Néolithique II est correcte, deux millénaires au moins séparent les deux périodes. Or on remarque une continuité frappante dans le type de l'idole en violon. Ainsi les idoles 1401 et 938 de Khirokitia sont très proches parla forme, bien que séparées par une longue période (pi. 1, d et 2, d). L'idole 27 de Pétra tou Limniti et l'idole 106 de Sotira sont très semblables par leur contour et pourtant très éloignées dans le temps (pi. 1 , c et 4, d). La tête à menton triangulaire existait déjà à Pétra tou Limniti (idole 27) et se retrouve à Khirokitia III (idole 1068) (pi. l,c et 4, a). De même l'idole à partie médiane intermédiaire avec des tronçons de bras se continue de l'époque de Pétra tou Limniti (idole 42) à celle de Khirokitia III (idole 1092) (pi. 1, a et 3, a). Ou il faut admettre que la datation des idoles n'est pas absolument sûre (et pourtant la différence d'époque est assurée pour des sites comme Pétra tou Limniti et Sotira), ou il faut admettre que la culture du Néolithique I s'est continuée sans interruption majeure en évoluant progressivement jusqu'au Néolithique II. On pense certes que la culture du Néolithique I s'est éteinte sur les sites connus sans se per pétuer. On ne croit pas cependant qu'il y ait eu un dépeuplement complet de l'île et il semblerait qu'il y ait eu une certaine continuité de civilisation évoluant par elle-même ou sous l'influence d'éléments étrangers (23). La continuité que l'on remarque dans la forme des idoles du début à la fin du Néolithique pourrait appuyer cette hypothèse. C. La signification. Nous savons que les Chypriotes de l'époque néolithique façon naient dans la pierre des idoles à forme humaine (et quelques figures d'animaux), mais il est difficile de dire quelle était l'utilisation, la signi fication, l'importance de ces figures. Nous constatons que ces idoles n'étaient pas associées aux inhu mations ; certaines ont été découvertes à l'intérieur de tholoi, d'autres juste à l'extérieur (24). Il s'agirait donc d'objets de la vie quotidienne de la famille ou du clan. Théoriquement ces objets peuvent être des représen tationsd'une divinité, des représentations d'humains, des figures à valeur magique, des ornements ou même des jouets (25). Il ne semble cependant (23) Voir note 14 et p. 9 ci-dessus. (24) Dikaios, Khirokitia, p. 300. L'identification d'un objet fragmentaire en albâtre (882) trouvé dans une tombe comme étant une idole est peu sûre. (25) Ce sont les interprétations proposées pour les idoles néolithiques de Thessalie trouvées également sur le sol des habitations par G. Ch. Chourmouziadès, E Anthropinè Eidoloplastikè tes Neolithikès Thessalias (Volos 1973), ci-après Chourmouziadès, Eidoloplastikè, p. 199 sqq.
16
LES IDOLES NÉOLITHIQUES
pas que ces figures aient pu être des jouets pour enfants ou de simples ornements, car on imagine mal les hommes de cette civilisation fabriquant des objets pour le jeu ou l'art sans une raison précise. S'il s'agissait de représentations de divinités, il y aurait une certaine concordance dans les formes représentées illustrant un certain type de divinité. Au contraire nous remarquons une grande variété dans les types. Peut-être s'agirait-il de figures représentant les ancêtres. En effet les idoles sont indubitable ment associées aux tholoi, donc à une famille ou un clan. On sait que l'on enterrait alors les morts de la famille sous le sol de l'habitation, sans doute pour garder les ancêtres dans l'espace familial. On sait que le culte des ancêtres était pratiqué au Vlème millénaire et avant, dans l'Anatolie, la Syrie et la Jordanie (26). Peut-être en était-il de même à Chypre. Les idoles masculines et féminines représenteraient des membres de la famille auxquels on rendait peut-être un culte. C'est pourquoi certaines têtes ont une apparence proche du réel, étant peut-être ornées de bijoux. On n'a guère retrouvé de traces de culte dans les établissements néolithiques de Chypre. On avait cru découvrir dans certains objets étranges de Khirokitia en forme de pierres coniques, des objets de véné ration à signification sexuelle, mais ce sont peut-être des modèles d'habi tations en forme de huttes (27). Au contraire, on a découvert des phallus sur le site de Ayios Epiktitos-Vrysi qui semblent indiquer l'existence d'un culte (28) ; ces phallus dont l'un, haut de 50 cm, était recouvert de ce qui avait dû être un filet de roseau, se trouvaient dans une salle imposante contenant deux sièges en pierre et un foyer. Il est difficile de dire si la femme ou l'homme avait le plus d'importance dans cette iconographie. Cependant à la fin du Néolithique il semble que les formes féminines aient été plus en faveur. Les cultures néolithiques connaissaient et utilisaient toute une symbolique pouvant exprimer des conceptions abstraites (29). A Chypre l'utilisation de motifs symboliques est rare, mais il y a à Khirokitia un beau vase de pierre orné de croix et de chevrons en relief (30). On remar-
linéaire" Pamâtky (26) Voirarcheologické à ce sujet B.LVII Soudsky (1966), et I.p. Pavlu, 110, où"L'interprétation il est suggéré qu'ilhistorique existait àÇatal de l'ornement Hüyük, ville néolithique, des lieux de culte dans les maisons privées où l'on célébrait le culte des ancêtres ; les fresques murales contiendraient des symboles représentant les membres de la famille. (27) Dikaios, Khirokitia, p. 286 sqq. et pi. LXXXIX et CXXXVIII ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 24. (28) Peltenburg, Proceedings 41, p. 28 sqq. et fig. 5. Un phallus aurait aussi été trouvé à Khirokitia, haut de 24 cm (hauteur conservée), voir Chronique des fouilles 1968 dans BCH 93 (1969), p. 452, fig. 33 a-b. (29) Soudsky et Pavlu, Pamâtky Arch. LVII, p. 114 sqq. ; Gimbutas, Gods and Godd esses, p. 89 sqq. (30) Dikaios, Khirokitia, pi. LVI ; Buchholz-Karageorghis, PGC, 1657.
17
CHAPITRE I
que des chevrons sur l'épaule de l'idole 967. Or on pense que la croix est en rapport avec la représentation de la Mère qui accouche (31). La civi lisation chypriote connaissait sans doute certaines pratiques rituelles, mais le matériel qui subsiste est trop peu abondant pour que l'on puisse connaître le contexte cultuel. D. Rapports de l'iconographie chypriote avec celle des autres cultures néolithiques. Les idoles néolithiques chypriotes sont très différentes des idoles des civilisations néolithiques d'Europe, d'Anatolie et du Proche Orient, qui sont pour la plupart des figures féminines aux caractères sexuels très marqués, seins opulents, formes obèses, pubis évident, ou des créatures hybrides à corps d'oiseau ou tête d'animal (32). Les idoles chypriotes ne ressemblent ni aux idoles thessaliennes de Sesklo (33), ni à celles de la Grèce centrale et méridionale (34), ni à celles du Proche Orient (35). Pourtant il semble que la civilisation chypriote s'inscrit dans l'ensemble des civilisations d'Anatolie et du Proche Orient. Il est probable que l'île n'est pas restée complètement isolée durant les trois millénaires de la période néolithique. Vers 3000 a.C, les sites du Néolithique III sont abandonnés par suite, semble-t-il, d'une catastrophe naturelle. Peu de temps après, une nouvelle culture surgit, riche et vigoureuse, qui reprend de vieilles tra ditions locales. C'est alors que l'idole féminine commence à régner en maîtresse dans l'iconographie chypriote. C'est peut-être à cette époque qu'a véritablement pris naissance le culte de la Grande Déesse. ÉPOQUE CHALCOLITHIQUE (Chalcolithique I : 3000-2500 - Chalcolithique II : 2500-2300 a.C.) La civilisation qui se répand sur de nombreux sites à la fois dans le Nord et le Sud de l'île, à Erimi, Kalavassos Β, Lapithos, Kythréa et dans toute la région de Paphos (36) se révèle très différente de la culture (31) Soudsky et Pavlû, Pamàtky Arch. LVII, p. 114 sqq. ; Gimbutas, Gods and Godd p. 89-90. (32) ibid., flg. 2-5. (33) Buchholz-Karageorghis, PGC, 1173, 1178, 1180 ; Chourmouziades, Eidoloplastikè, pi. V sqq. (34) Buchholz-Karageorghis, PGC, 1172, 1175, 1179 etc. (35) Pour l'Anatolie, voir J. Mellaart, Çatal Hüyük, A Neolithic town in Anatolia (Londres et New-York 1967), fig. 4243. Pour la côte syro-palestinienne, voir par exemple le matériel néolithique de Byblos dans M. Dunand, Fouilles de Byblos V (Paris 1973), p. 77-78 (galets gravés du Vlème millénaire a.C.) sans rapport avec les idoles chypriotes. (36) Catling, Cyprus CAH, pp. 15-20 ; Nicolaou, Kypnakai Spoudai 31, p. 37-52 ; Watkins, RDAC 1973, p. 4345 et 52 sqq., cartes 4 et 5 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 32-56. esses,
18
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
de Sotira, de laquelle elle est pourtant assez proche dans le temps. La civilisation d'Erimi (37) est caractérisée par un retour aux vieilles tradi tions du Néolithique I. Les habitations sont rondes à nouveau, les inhu mations se font à nouveau sous les habitations ou à proximité. Une belle céramique au décor exubérant peint en rouge sur fond blanc envahit les sites, très nouvelle dans son ornementation, mais fidèle à de vieilles formes du Néolithique I. Il est certes possible que cette culture se soit développée sous des influences extérieures venues d'Anatolie, de Palestine ou même de Thessalie. Il y aurait eu des échanges avec l'Anatolie orient ale. Mais la culture d'Erimi garde un caractère très local. C'est dans le contexte d'une vieille culture chypriote régénérée et stimulée par des contacts avec l'étranger qu'apparaissent les premières véritables idoles féminines dont la suprématie s'affirme. Elles sont modelées dans l'argile ou sculptées dans la steatite ou le calcaire. Le nombre des idoles chalcolithiques découvertes s'accroît sans cesse et il semble qu'il y ait eu à cette époque une fabrication surabondante de figurines féminines qui témoigne d'un intense développement de la pensée religieuse. I. LES FIGURINES DE TERRE CUITE. Des figurines en fragments, des têtes et des torses principalement, ont été trouvées sur le site d'Erimi, mais aussi à Alaminos et Kalavassos (38). 1. Les têtes : une quinzaine de têtes ont été découvertes. Elles sont remarquables de réalisme malgré leur stylisation. On peut distinguer deux types. a) La tête aux yeux en relief : Le visage est plat, souvent ovale. Les caractéristiques faciales sont rendues en relief : sourcils épais, nez long et important, percé de deux narines, chevelure gonflant en bandeaux sur les côtés de la tête. La bouche n'est pas indiquée. Les yeux ont été rendus avec soin : ce sont des pastilles rondes (Erimi 423 et 617), parfois fendues d'une incision dans le sens de la largeur (Erimi 743) (pi. 6, a) ou percées d'un trou rond. Une tête d'Erimi (963) a même des yeux incrustés d'argile grise.
(37) P. Dikaios, "The Excavations at Erimi, 1933-1935", RDAC 1936, I, ci-après Dikaios, Erimi, p. 2-81 ; Dikaios, Stone Age, p. 113-132 ; A V Chypre, p. 46-48. (38) Dikaios, Erimi, p. 55-56. fig. 17 et pi. XXVIII, 1,2,3,6,7 ; Dikaios, Stone Âge, p. 127 et 132, fig. 62 et pi. XXXIX, 3 et p. 136, fig. 65 ; L. Vagnetti, "Preliminar Remarks on Cypriot Chalcolithic Figurines" RDAC 1974, p. 26 et pi. IV, 1-4.
19
CHAPITRE I
b) La tête aux yeux incisés : Le visage est large et plat. Les sourcils et le nez, long et mince, sont rendus en léger relief. Deux trous marquent les narines. Les yeux sont de longues fentes incisées d'un coup d'ongle, la bouche est une courte fente horizontale. La chevelure en léger relief est soulignée d'une ligne incisée. La belle tête d'Alaminos (CM 1933/ XII-13/7) est un bon exemple de ce style (pi. 6,b), ainsi qu'une autre de prove nance inconnue (CM 1945/VII-17/1). Plusieurs exemplaires aux yeux incisés sont caractérisés par un front creusé d'une dépression plus ou moins profonde, ainsi les têtes 376 et 1141 d'Erimi et la tête 46 de Kalavassos. Parfois les yeux incisés sont peints (Erimi 1141 et 1187). Une tête au visage très abîmé (Erimi 377) de 11 cm de hauteur se distingue par la présence de grosses cavités creusées à l'arrière où des ornements indiquant la chevelure étaient peut-être incrustés. Plusieurs spécimens se caractérisent par une position très inclinée en arrière (Erimi 377, 617, 1 141). Les documents actuellement connus sont d'une hauteur qui varie entre 4 et 12 cm. Ils appartenaient sans doute à des figurines allant de 15 à 30 cm environ de hauteur totale. Les têtes chalcolithiques sont caracté riséespar l'importance donnée aux yeux et au nez, parfois à la chevelure, ainsi que dans certains cas par l'inclinaison de la tête en arrière. Ce sont probablement des têtes féminines. Il existe en effet une figurine féminine presque entière dont la tête est du type aux yeux incisés (Louvre AM 1 176) (pi. 7, b). 2. Les torses : plusieurs fragments de figurines ont été trouvés à Erimi (39). Le site d'Alaminos a aussi donné un beau torse de figurine. A l'exception d'une dizaine de petits torses sans indication de sexe et d'une facture grossière, Erimi a livré de beaux fragments de corps féminins aux caractères sexuels nettement marqués. a) Les corps debout : L'un de ces corps fragmentaires représente le ventre et les jambes d'une figurine stéatopyge dont le pubis et la fente vulvaire sont marqués par de profondes lignes incisées (Erimi 856). Un autre fragment plus petit représente un beau corps de femme aux lignes douces avec le triangle pubien et la fente vulvaire incisés ; ce torse est peint de lignes verticales parallèles (Erimi 973). Un autre petit buste a conservé ses bras et ses mains repliés, semble-t-il, sur la poitrine (Erimi 904). D'autres fragments de buste sans jambes semblent plutôt appartenir au type de figurine assise.
(39) Dikaios, Erimi, p. 56-57, flg. 18 et pi. XXVIII, 5, 8, 9, 10, 11 ; Dikaios, Stone Age, p. 127 et 132, pi. XXXIX, 1 ; A V Chypre, p. 4648.
20
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
b) Les corps assis : Ce sont apparemment les plus nombreux. Un torse de 10 cm, cassé au haut des cuisses, présente un nombril marqué par un trou rond et une fente vulvaire profonde allant du nombril à l'entrejambe. Ce corps a des bras courts en moignons. Deux autres fragments d'Erimi (792 et 849) doivent être du type assis (pi. 6, c et pi. 7, c). L'un de ces fragments (849) est remarquablement intéressant car il est peint de groupes de lignes verticales parallèles sur le devant avec quelques traits obliques à la ceinture, et, sur le derrière, de groupes de gros zigzags parallèles horizontaux (pi. 6, c). Ces ornements peints devaient avoir une signification précise, représentant peut-être des tatouages ou une décoration peinte du corps. Ces torses mesurent 10 cm environ, appartenant à des figurines de 20 cm environ de hauteur. Des torses moins fragmentaires retrouvés sur d'autres sites nous donnent une idée du type complet. Un torse trouvé à Alaminos (40) reproduit le même type de figurine assise au corps marqué d'une profonde incision vulvaire ; mais cette figurine a conservé sa poitrine aux seins longs et tombants, curieusement ornés de lignes incisées alternant avec des pointillés qui recouvrent les seins dans le sens horizontal ; le bras droit conservé est replié sous la poitrine, la main droite soutenant le sein gauche (CM 1933/XII-13/6) (pi. 7, a). Cette figurine aux seins ornés était considérée comme unique en son genre, mais il a été retrouvé un autre exemplaire du même type au Musée du Louvre, AM 1176 (pi. 7,b) (41), encore plus complet et qui se présente sous la forme suivante : la femme est assise et tient sur ses cuisses un récipient creux (cassé) d'assez grande dimension : elle se presse les seins comme pour en faire venir le lait. Or ses seins sont exactement décorés comme ceux de la figurine d'Alaminos. La tête est aussi conservée : large, portée par un cou épais, elle ressemble de très près aux têtes connues d'Erimi, avec ses yeux incisés d'une longue ligne incurvée, son nez en relief percé de deux narines, sa bouche marquée d'une courte incision, sa chevelure rendue en relief aux bandeaux encadrant le visage. La position de la tête et du buste penchés en arrière rappelle aussi celle de certaines têtes d'Erimi (423, 1141) qui appartenaient peut-être à des figurines du même type. Cette figurine complète mesure 12,9 cm. Elle est sans provenance connue, mais on pense qu'elle provient de la région riche en sites chalcolithiques située dans le Sud de l'île (Erimi, Kalavassos, Alaminos). Il est désormais évident que les figurines féminines ont pris une place dominante dans l'iconographie chypriote. La représentation cons tante des caractères sexuels témoigne de l'importance donnée aux sym boles de la fécondité féminine qui sont ornés et peints. Ces figurines de terre cuite représentaient peut-être une divinité de la fécondité et seraient chargées de vertu religieuse ou magique. Il semble donc bien qu'au début du Illème millénaire a.C. les forces de fécondité étaient adorées à Chypre sous la forme d'une femme aux attributs sexuels bien marqués. (40) Figurine publiée par Dikaios dans Syria 1936, pi. LXVII, 22 ; voir aussi Λ V Chypre, p. 46 (51) et surtout, A. Caubet, "Une terre cuite chalcolithique chypriote au Musée du Louvre" RDAC 1974, p. 36 et pi. VII, 4. (41) Caubet, RDAC 1974, p. 35-37, pi. VII.
21
CHAPITRE I
Ces figurines chypriotes qui évoquent le culte de la fécondité bien connu en Grèce, en Anatolie et au Proche-Orient ne ressemblent guère aux autres images connues des déesses de fécondité. Elles restent profondé ment originales dans le détail du visage et le rendu des attributs féminins, témoignant d'un profond sens concret du réalisme, évoquant des femmes réelles de ce temps. Il semble qu'à cette époque, à partir de formes gros sières et indistinctes héritées d'un passé lointain, les Chypriotes aient créé des formes riches de signification qu'ils auraient peu à peu élaborées. IL LES FIGURINES DE STEATITE. L'étude de très nombreuses figurines de steatite conduit aux mêmes remarques. Aux côtés de figurines très grossières qui paraissent directement continuer les figurines préhistoriques (Erimi 810), on a retrouvé des idoles en forme de croix d'une forme et d'une facture très raffinées, d'une grande originalité, qui paraissent avoir peu à peu pris forme entre les mains des artisans chypriotes. On peut même déterminer le lieu d'origine de ces idoles : elles ont été trouvées principalement dans la région de Paphos (Souskiou-Vathyrkakas) (42), d'où provient préc isément la pierre dans laquelle elles ont été taillées, la steatite, pierre dure, mais plus plastique que l'andésite et le calcaire. Ainsi il semble probable que la région de Paphos a été le centre de production de ces figurines. Les quelques spécimens du même type qui ont été découverts ailleurs (deux à Kythréa et une tête à Ayia Irini) auraient été apportés là de Paphos. Ces idoles sont très nombreuses et les recherches dans la région de Paphos en mettent toujours de nouvelles au jour. La fouille régulière des restes de la nécropole de Souskiou-Vathyrkakas a permis d'attribuer avec certitude les idoles de ce type au Chalcolithique I. Une trentaine de figurines provenant de Souskiou se trouvent dans la collection Hadjiprodromou de Famagouste (43).
(42) Quelques figurines avaient été trouvées à Erimi, voir Dikaios, Stone Age, p. 127, où dix pendentifs en forme de figure humaine sont mentionnés, et pi. XXXIX, 5. L'origine de ces figurines a été précisée lorsque la nécropole de Vathyrkakas-Souskiou a été connue ; cette nécro polea livré de très nombreuses idoles et pendentifs, voir J.H. Iliffe, T.B. Mitford, Liverpool Bullet in 2, (1951), p. 50 sqq. ; Karageorghis, BCH 97 (1973), p. 635-638, 680-681 ; F.G. Maier, "Excav ations at Kouklia (Palaepaphos), RDAC 1973, pp. 193-194, ainsi que Vagnetti, RDAC 1974, p. 25 et 29-33, p. Vet VI. (43) La collection Hadjiprodromou à Famagouste comprend en effet de nombreuses figurines de Vathyrkakas-Souskiou ; ces objets avaient été achetés à des fouilleurs clandestins. La collection se trouve actuellement dans Famagouste occupée, mais une dizaine de figurines appar tenant à cette collection ont été retrouvées chez un antiquaire de Londres et ont été rendues à leur propriétaire. On ignore le sort des autres objets de la collection.
22
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
On peut se demander comment ce type d'idole s'est développé dans la région de Paphos. Peut-être ces figurines sont-elles une forme élaborée des idoles préhistoriques aux bras grossièrement ébauchés d'un type qui se rencontrait déjà à Pétra tou Limniti et à Khirokitia (pi. 1 , a-c et pi. 3, a-c). D'ailleurs quelques figurines d'Erimi (502, 810) évoquent encore des formes primitives de ce type. L'idole aux bras courts comme des moignons se faisait en terre cuite à Erimi (550). C'est peut-être du type primitif de l'idole aux bras courts qu'est venu le type de l'idole chalcolithique aux bras étendus. Cependant la figurine chalcolithique est de préférence assise, ainsi qu'on le constate dans les idoles de terre cuite. La steatite, matière très plastique, quoique dure, que les artisans chy priotes ont commencé à travailler, s'est peut-être particulièrement prêtée à la création du nouveau type de figurine très stylisée, mais très expressive par la douceur des formes. A l'exception d'une petite figurine aux seins percés et sans bras distincts (CM 1947/XII-1/2) (44), toutes les autres figurines suivent un type constant dont elles ne s'écartent que par des différences de détail. Très petites (1 cm) ou plus grandes (de 4 à 15 cm) elles sont taillées pour la plupart dans la steatite verte, mais parfois aussi dans la steatite brune, grise ou bleuâtre. On peut distinguer les idoles proprement dites des pen dentifs plus petits (45). A. Les idoles : Elles ont les bras en croix, les jambes pliées au niveau des genoux et séparées par une rainure profonde, et parfois des pieds distincts. Le sexe de ces idoles n'est pas souvent représenté, mais certaines ont des seins bien marqués ; il semble donc que toutes les figurines de cette classe sont féminines. Le cou est long et épais, surmonté d'une tête ronde avec ou sans caractéristiques faciales ; si les traits du visage sont marqués, ce sont les yeux et le nez rendus en relief ou par des lignes incisées selon un schéma très stylisé et caractéristique de la tête chalcolithique. Une classif ication des différentes variantes du type a déjà été établie par L. Vagnetti ; on ajoutera ici quelques autres variantes.
(44) Vagnetti, RDAC 1974, p. 27 et pi. IV, 7 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 53, n° 26. Une figurine d'andésite de provenance inconnue paraît être du même type, CM W293, publiée dans A V Chypre, p. 46 (50) et Vagnetti, RDAC 1974, p. 27 et PI. IV, 6. (45) Le matériel se trouve dans Dikaios, Stone Age, p. 127, fig. XXXIX, 4-5 ; Kara georghis, Chypre, 32-33 ; Karageorghis, The Cypriote Antiquities in the Pierides Collection, Larnaca, Cyprus, ci-après Karageorghis, Pierides Collection, 1-2 ; Buchholz -Karageorghis, PGC, 16991703 ; Vagnetti, RDAC 1974, pi. V et VI ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, 22-26 ; L. Vagnetti, "Some unpublished Chalcolithic Figurines", RDAC 1975, pi. I.
23
CHAPITRE I
a) L 'idole lisse : Sous sa forme la plus schématisée, l'idole de ce type a un corps et un visage parfaitement lisses, sans indication d'aucun détail. C'est le type dit de Kythréa dont il existe trois exemplaires : idole du Musée de la Fondation Piérides, Larnaca, (h. 9 cm) (pi. 9 d) ; idole 892 de la collection Hadjiprodromou (h. 3 cm) ; idole du Musée de Paphos 1258 de Salamiou (h. 4 cm). Ce type n'est pas très fréquent en idole, il l'est davantage en pendentif. b) L'idole au corps lisse, mais au visage en relief : Le corps est lisse, les bras sont plats sans indication de main. La tête cependant représente le nez, les yeux, les sourcils, les oreilles et les cheveux en relief. Les caractéristiques faciales sont très schématisées, le nez est un long rectangle en relief, les yeux sont des carrés en relief, le front en léger relief est marqué par la longue ligne des sourcils, selon une stylisation très caractéristique de l'art chalcolithique. Ce type est rare ; il est illustré par la très belle idole de Yalia (Paphos), haute de 15 cm (CM 1934/III-2/2) qui porte elle-même au cou un pendentif en forme d'idole cruciforme (pi. 8, a) (46). c) L'idole au visage en relief portant des ornements incisés : La figurine au corps lisse et au visage en relief porte deux bandes incisées d'un quadrillage en oblique sur les épaules, qui représente peut-être un vêtement. Sur la tête, un quadrillage incisé doit indiquer la chevelure. Un bel exemple de ce type se trouve au Musée de Chypre, CM W 290 (47) (h. 13,5 cm). d) L'idole au visage et aux seins en relief : La tête présente les yeux, le nez et la chevelure en relief, cernés de lignes incisées ; le corps est lisse, mais porte des seins protubérants rendus par une bosse séparée en deux par une profonde rainure verticale. Ainsi l'idole CM W 292 de provenance inconnue (48) (h. 8,8 cm). e) L'idole au visage en relief, au buste portant des seins en relief et au bras orné de bracelets : L'idole a le même visage en relief, le même corps lisse sans indication de mains ; mais au niveau des bras, le buste porte deux seins ronds protubérants ; le bras droit est orné d'un double bracelet de gros carrés en relief sculpté sur l'avant comme sur l'arrière du bras. Un bel exemple se trouve dans la collection Hadjipro dromou, 889 (h. 7,4 cm) (pi. 8, b) (49) ; l'idole a été trouvée à Souskiou.
georghis,
24
(46) Dikaios, RDAC 1934, n° 10, pi. VI, 1 . (47) V. Karageorghis, Treasures in the Cyprus Museum (Nicosie 1962), ci-après Kara Treasures, pi. Ill, 1. (48) Vagnetti,/?ZX4C 1975, pi. I, 1. (49) Vagnetti,/?ZMC1974, plV, 3.
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
f) L'idole au visage et aux seins en relief, ayant une main levée et une main baissée : L'idole de ce type se distingue par la position des mains qui terminent les bras avec des doigts bien marqués par des incisions ; la main droite est levée perpendi culairement au bras, la main gauche est baissée. Une idole fragmentaire du Musée de la Fondation Piérides à Larnaca (h. 4,5 cm) illustre ce type (pi. 9, c). g) L 'idole double : Cette idole d'un schéma curieux représente deux figures en une, l'une verti cale, l'autre horizontale : les bras de la figure verticale constituent en réalité une idole complète ; la main gauche de la figure verticale sert de tête à la figure hori zontale dont les jambes se confondent avec le bras droit de la première. Parfois l'idole horizontale est placée dans le sens contraire, tête à droite et jambes à gauche. La figure verticale a des seins en relief. Ce type est assez fréquemment représenté et on en possède plusieurs exemplaires : idole CM 1959/XI-3/6 trouvée à Salamiou (h. 10,5 cm) (50) (pi. 9, a) ; idole CM W 291 de la région de Paphos (h. 5 cm) (51) ; idole de la Collection Hadjiprodromou (888) (h. 8,25 cm) (52) ; idole fragmentaire du Musée de la Fondation Piérides (h. du fragment, 5,5 cm). Dans ces figurines on remarque que le visage a tendance à être de plus en plus stylisé ; le nez et les yeux sont devenus des rectangles et des carrés un peu bombés délimités par des lignes incisées. La double idole de la collection Hadjiprodromou a même les doigts de pieds marqués par des incisions. Le sens de cette double idole est difficile à interpréter. S' agit -il d'une mère portant un enfant dans ses bras ? S' agit -il d'une représentation d'un couple, peutêtre d'un hierosgamos ? h) L'idole au visage et aux bras couverts d'incisions : Ce type d'idole paraît être issu d'un désir extrême de stylisation. L'abstrac tion des caractéristiques faciales qui est déjà évidente sur les idoles doubles a pu conduire à la représentation d'idoles au visage recoupé de lignes incisées et aux bras recouverts d'un quadrillage incisé. Deux idoles de la Collection Hadjiprodromou trouvées à Souskiou (890 et 891) illustrent ce type (pi. 8, c, d). L'idole 890 a un visage incisé aux traits encore reconnaissables ; les bras ainsi ornés paraissent encore porter des bracelets, mais l'idole 891 au visage et aux bras entièrement quadrillés est devenue absolument abstraite (53).
(50) Karageorghis, BCH 84 (1960), p. 244, fig. 2. (51) AV Chypre, p. 45 (46). (52) Vagnetti, RDAC 1974, pi. VI, 2. Un autre exemplaire dans une collection de Haifa (Collection Reitler) n'est pas sûr. (53) Vagnetti, /?D/4C 1974, pi. VI, 3.
25
CHAPITRE I
i) L 'idole 887 de la Collection Hadjiprodromou : Elle a un visage stylisé aux traits incisés, mais est en position assise et n'a que des bras très courts (h. 7,7 cm). On dirait qu'elle imite les figurines assises de terre cuite (54). Il existe sans doute encore d'autres types de figurines dont la variété semble avoir été inépuisable, jouant avec le décor incisé ou en relief, la position des mains, l'association de deux figures en une. On citera encore l'exemple d'une idole fragmentaire, unissant deux ou trois figures en une en les assemblant par la base. Il s'agit d'une petite idole en forme d'étoile du Musée de la Fondation Piérides à Larnaca , sous sa forme actuellement conservée elle comporte deux figurines mais une troisième semble avoir été cassée au niveau des pieds (pi. 10, a). Des deux figures restantes, l'une est grande, pourvue de bras plus épais et dépourvue de cou. Il est regrettable qu'on ignore à jamais la forme qu'avait la troisième figure de cet étrange assemblage et dont la signification est difficile à interpréter. S'agit-il d'une figure féminine et d'une figure d'enfant ? Outre les grandes idoles de 6 à 16 cm, il y a eu aussi à cette époque une profusion de petits pendentifs de même forme. B. Les pendentifs : On a retrouvé en quantité encore plus importante des pendentifs en forme d'idoles cruciformes perforées. Ces pendentifs sont pour la plupart petits (1 à 2 cm), mais il s'en rencontre aussi de plus grands (8 cm). Nous savons même comment ces pendentifs étaient portés. L'idole de Yalia (pi. 8, a) porte précisément autour du cou un pendentif en forme d'idole cruciforme, fidèle reproduction de la grande idole. On a découvert aussi dans une tombe chalcolithique à Vathyrkakas-Souskiou (55), un collier entier en dentalia auquel pendaient encore sept figurines en croix (pi. 10, b) ; les figurines ne sont pas toutes exactement semblab les et le pendentif central plus gros est en forme d'animal. Il semble d'ailleurs que les pendentifs de toute sorte aient été particulièrement à la mode à cette époque : on trouve des pendentifs en forme d'idole cru ciforme taillés dans des coquillages (Collection Hadjiprodromou 924-925) comme on trouve des pendentifs en forme de simples pierres percées, ou en forme d'objets étranges qui sont peut-être des idoles très schématisées (56).
(54) Vagnetti, RDAC 1974, pi. VI, 1. (55) BCH 97 (1973), p. 635-638, fig. 69. (56) Dikaios, Stone Age, fig. XXXIX, 6-7 ; A V Chypre, p. 43 (37, 39, 40) ; Vagnetti, RDAC 1974, pi. VI, 4 (objet conique en forme de figurine schématisée).
26
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
Parmi les pendentifs en forme d'idole cruciforme, on peut distin guerplusieurs types qui correspondent aux types des idoles, comme si, en certains cas, l'idole avait été perforée pour servir de pendentif. Il existe des idoles en position assise, de facture soignée, et des idoles en position debout, simplifiées. 1 . LES IDOLES PENDENTIFS A UX JAMBES PLIE ES : a) L 'idole lisse : Semblable aux plus grandes idoles avec un visage large percé d'une petite perforation à son sommet : ces idoles ont en général les bras épais et courts, les pieds assez larges parfois tournés vers l'extérieur. Ainsi l'idole 412 de Kythréa (57) ; l'idole 901 de la collection Hadjiprodromou, provenant de Souskiou (h. 4,8 cm), ainsi que l'idole 893 de la même collection (h. 4,3 cm) ; l'idole du Musée de la Fondation Piérides de Larnaca perforée dans la partie arrière de la tête, (h. 7,5 cm) (58). b) L 'idole à la main levée et àia main baissée : Cette idole lisse a des bras se terminant par des mains dont l'une est levée et l'autre baissée, du même type que l'idole du Musée de la Fondation Piérides. Ainsi un exemplaire provenant d'une tombe de Vathyrkakas-Souskiou (59). c) L 'idole aux bras ornés d'incisions : L'idole au long cou et au visage inexistant entièrement perforé porte un quad rillage incisé, soit sur une partie, soit toute la longueur des bras. Ainsi les idoles 895 et 906 de la collection Hadjiprodromou (h. respectives 3,6 et 2,3 cm) de Souskiou ; l'idole en pricrolite d'Erimi (CM 379) (60). d) L 'idole au long cou et à la tête en anneau perforé : C'est le type le plus répandu. Les jambes sont toujours pliées au niveau du genou, mais plus ou moins nettement, les pieds sont serrés l'un contre l'autre ou écartés, les bras sont plus ou moins longs et plus ou moins plats, le cou est toujours très haut. Ce type est représenté par de nombreux exemplaires ; ainsi huit pendent ifs de la collection Hadjiprodromou, d'une hauteur allant de 2 à 8 cm ; l'idole 900 (h. 5,7 cm) illustrée ici (pi. 9, b) et les pendentifs 51, 1121 d'Erimi (61).
(57) (58) (59) (60) (61)
SCEl, pi. XIII, 412. Karageorghis, Pierides Collection, 2. BCH 97 (1973), p. 681, fig. 1 15. Dikaios, Stone Age, fig. XXXIX, 5 (379) et A V Chypre, p. 43 (36). Dikaios, Stone Age, fig. XXXIX, 5.
27
CHAPITRE I
2. LES IDOLES PENDENTIFS A UX JAMBES DR OITES : II existe aussi de nombreux pendentifs aux jambes droites et au corps plat qui paraissent être une forme très simplifiée des idoles assises. Sur certains, les pieds sont encore marqués distinctement, et une renflure à mi-jambe doit représenter les genoux. Parfois la forme s'est tellement estompée que l'idole n'a plus que la forme d'une simple croix. Ainsi plusieurs pendentifs de la Collection Hadjiprodromou (une dizaine). Tel est le matériel remarquablement abondant que constitue l'ensemble des idoles chalcolithiques connues jusqu'à présent. C. Remarques. a) L'usage de ces idoles : si les figures de terre cuite retrouvées à Erimi provenaient des sites habités, les idoles de steatite proviennent souvent de tombes, comme en témoigne le matériel fouillé des tombes de Vathyrkakas-Souskiou où a été aussi trouvé un collier avec pendentifs. Les pendentifs faisaient partie des possessions du mort ou de la morte et comme tels ils étaient enterrés avec lui. On remarquera que la figurine de Yalia porte au cou une idole non perforée qui était simplement maintenue par un cordon passant sous la tête du pendentif. Peut-être les petites idoles non perforées pouvaient-elles aussi servir de pendentifs. Les grandes idoles de 10 ou 15 cm avaient certainement un autre usage. On remarque que le dos de ces figurines n'est pas travaillé ; elles devaient donc toujours être vues de face. Elles ne peuvent être posées debout, n'ayant pas de base stable. Il fallait donc qu'elles fussent posées à plat sur le dos. Puisqu'elles ont été trouvées dans les tombes, elles devaient être des offrandes consa crées aux morts. L'offrande d'idoles aux morts est un fait nouveau qui n'était pas attesté avant l'époque chalcolithique. Cet usage existait dans le monde égéen, dans les Cyclades et en Crète, ainsi qu'au Proche Orient. Peut-être a-t-il été introduit à Chypre à cette époque, soit du monde égéen soit du Proche Orient (62). b) La signification de ces idoles : s'il paraît évident que ces idoles sont des offrandes funéraires, il reste difficile d'en trouver la signification. On a pu penser que ces figurines étaient de simples ushabti, c'est-à-dire des représentations de la femme ou de la compagne du mort qui devaient l'accompagner dans la tombe à défaut de la véritable femme. Mais on a la preuve par l'idole de Yalia que ces figurines étaient portées en pendentifs ; elles devaient donc servir d'amulettes et avoir un carac tèreplus ou moins sacré. (62) Vagnetti, RDAC 1974, p. 32.
28
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
S'agirait-il alors de représentations d'une divinité, et plus préc isément d'une déesse de la fécondité ? La figurine, lorsqu'elle est douée d'attributs, est représentée avec des seins bien marqués et l'on sait d'autre part par les figurines de terre cuite de cette époque que les attributs fémi nins avaient pris beaucoup d'importance. L'identification de ce type d'i dole à une divinité n'est pas communément acceptée (63) ; cependant elle paraîtrait assez plausible. Ces figurines représenteraient la Grande Déesse de la vie et de la mort. Cette petite image pouvait protéger les vivants qui la portaient en amulette et devait accompagner les morts pour leur donner des chances de survie.
.
Certains détails de leur représentation avaient sans doute un sens précis. On a vu que les bandes quadrillées sur les épaules, et peut-être la b Jo quadrillée sur la tête, pouvaient représenter un vêtement solennel ; les ornements quadrillés autour des bras évoquaient peut-être des bracelets. Ces détails feraient allusion à un costume d'apparat, attribut peut-être de la divinité. L'attitude si caractéristique des idoles, tête inclinée en arrière, bras écartés, jambes pliées, a certainement une signification : est-ce une attitude d'adoration avec la tête levée vers le ciel et le geste rituel des bras ouverts et des mains (parfois l'une des mains est tournée vers le haut, et l'autre vers le bas) ? Serait-ce la position particulière de la femme qui accouche ? Dans la symbolique néolithique en effet, la femme qui accouche est un des motifs les plus fréquents, représenté par une femme aux bras et aux jambes écartés, dont la représentation évolue jus qu'à devenir une simple croix (64). Il n'est donc pas impossible que les figurines chypriotes soient aussi en réalité des femmes qui accouchent, symbole de la divinité de la fécondité. La double figure peut aussi être i nterprétée comme une mère à l'enfant, synthèse de la femme qui accouche et de la mère. Elle pourrait aussi représenter un couple, dans la cérémonie du hieros gamos, mais l'interprétation la plus probable est celle de la mère à l'enfant, auquel cas il s'agit bien encore d'une image à sens de fécondité (65). La double ou triple figurine réunissant une idole à une autre plus petite évoque peut-être aussi la relation mère-enfant. Il paraît donc pro bable que les idoles chypriotes sont des figures de fécondité, femmes qui accouchent ou femmes-mères, représentation populaire des croyances dans les forces de vie. (63) R. Reitler, "Neolithische Statuetten aus Zypern", IPEK 20 (1960-63), p. 22-27. Reitler est d'avis qu'il s'agit de la représentation d'une divinité double, à la fois masculine et féminine ; la partie supérieure à long cou serait une représentation phallique, la partie inférieure serait celle d'une femme qui accouche. L'interprétation des idoles cycladiques (Vagnetti, RDAC 1974, p. 32, note 2) laisse peu de place à la signification religieuse. Cependant, le cas des idoles chypriotes doit être considéré séparément. (64) Soudsky-Pwlû, Pamâtky Arch. LVII, p. 104. (65) Vagnetti, RDAC 1975, p. 31.
29
CHAPITRE I
D'ailleurs la forme même de la croix devait avoir un sens ainsi que dans toute la symbolique chalcolithique des cultures de la vieille Europe et du Proche Orient. On se souviendra aussi que parmi les hiéroglyphes égyptiens, la croix signifie "vie" ou "vivant" et entre dans la composition de mots signifiant "santé" et "bonheur". c) L'originalité des idoles chypriotes. Les idoles chypriotes appartiennent certes à la grande classe des idoles cycladiques qui apparaissent dans les îles de la Mer Egée et la Crète au Illème millénaire a.C. Elles en ont la douceur du modelé, étant taillées dans une pierre qui évoque le marbre ; elles reproduisent le même genre de figure au cou démesuré qui tend la tête vers le ciel ; elles témoignent d'un même goût de l'abstraction esthétique. Cependant elles s'en disti nguent profondément par leur forme en croix. Alors que partout dans le monde égéen, l'idole prend la forme de la déesse (?) aux jambes raides et aux bras croisés, l'idole chypriote plie les jambes et écarte les bras. Des idoles cruciformes ne sont connues nulle part ailleurs que dans la région de Paphos. Il semble que l'idole chalcolithique chypriote soit en partie le ré sultat d'une évolution locale qui remonte peut-être même aux temps néoli thiques où étaient déjà apparues dans l'île des figurines aux bras en croix et au visage en relief. La culture chalcolithique chypriote a produit un art original et marqué par l'empreinte d'une religion certainement liée aux forces de fécondité. droit
Est-ce un hasard si ces belles idoles féminines sont apparues à l'en même où la légende a fait naître Aphrodite ?
III. LES STATUETTES DE CALCAIRE. 1. La statuette de Lemba. Des fouilles récentes faites par la Mission britannique de l'Uni versité de Glasgow (66) à Lemba ont mis au jour une statuette féminine en calcaire qui est la plus ancienne sculpture chypriote que l'on ait jamais trouvée (pi. 10, c). Cette dernière découverte vient confirmer la richesse de la région de Paphos en idoles chalcolithiques, prouvant une fois de plus qu'il y avait là un centre religieux important.
(66) E.J. Peltenburg, dans "Chronique", BCH 101, 1977, à paraître.
30
LES IDOLES CHALCOLITHIQUES
Cette statuette a été trouvée le long du mur d'une habitation chalcolithique ronde. C'est la plus grande qui ait jamais été trouvée (36 cm de haut) en fouille, plus importante que les idoles cycladiques en marbre. Elle représente une femme aux attributs féminins bien marqués. Le corps a des formes rebondies et porte une tête ronde sur un long cou cylindrique. La tête rejetée en arrière a des yeux ronds et un long nez rectangulaire en relief surmontés de la ligne des sourcils. Les bras courts en forme de moignons sont horizontaux. Les hanches très renflées se res serrent au niveau des jambes qui sont très courtes. Des angles incisés parallèles par tagés par deux droites verticales représentent sans doute les seins et au-dessous le triangle pubien ; le corps est renflé sous le premier angle. Cette statuette rappelle les figurines de steatite par l'aspect du visage aux traits géométrisés, yeux ronds et nez rectangulaire, par la posi tion de la tête rejetée en arrière, par la hauteur du cou. Les bras courts sont semblables à ceux d'une figurine en terre cuite d'Erimi (550) et évo quent aussi ceux de la petite figurine assise de la Collection Hadjiprodromou. Les hanches très rebondies donnent au corps un aspect fusiforme et en soulignent la féminité. Le bassin prend beaucoup d'importance. Les lignes incisées très géométrisées rappellent l'ornementation de deux petites figurines (CM W 293 et Musée de Limassol 94/8) (67) qui avaient été attribuées jusqu'à présent à la fin du Néolithique, mais qui portent des angles et des lignes droites incisées comme la statuette de Lemba. Il se peut que le renflement accentué du ventre indique l'état de grossesse de la figure : dans ce cas nous aurions une dea gravida. Il est évident en tout cas que cette belle statuette est remarquable et chargée de signification. Il ne peut s'agir que d'une représentation d'une femme féconde, d'une déesse de la fécondité. Cette découverte confirme l'interprétation proposée pour les figurines de steatite qui pourraient aussi représenter des divinités fécondes, déesses en couches ou déesses à l'en fant. Cette belle trouvaille révèle l'importance de la pensée religieuse chypriote à l'époque chalcolithique ainsi que les qualités artistiques des créations chypriotes. A côté de figurines de pierre grossières et primitives qui se rencontraient encore, ainsi les figurines d'Erimi (68), les artisans de ce temps étaient devenus capables de créer (dans le calcaire comme dans la steatite) des chefs-d'œuvre caractéristiques et raffinés. Peut-être trouvera-t-on d'autres statuettes de cette importance sur les sites chalcolithiques. Une tête en andésite de 5 cm assez semblable à la tête de la sta tuette de Lemba par la forme des yeux et du nez avait déjà été trouvée sur le site de Kalavassos Β (69).
(67) Vagnetti, RDAC 1974, pi. IV, 6 et 7. (68) Dikaios, Stone Age, fig. 62, 3841 et fig. XXXIX, 5. (69) Dikaios, Stone Age, fig. 65, 24 et fig. XLIV, 3 (57).
31
CHAPITRE I
2. La statuette d'une collection privée suisse. Une statuette appartenant à une collection privée suisse a été récemment exposée au Badisches Landesmuseum de Karlsruhe dans le cadre d'une exposition sur l'art cycladique (70). Cette statuette taillée dans le calcaire est remarquablement semblable à celle de Lemba. Elle est d'une taille comparable (39,5 cm) et d'une facture similaire. Mais elle reproduit de plus près le type de l'idole en steatite, car elle est représentée dans la position caractéristique de l'idole aux jambes pliées aux genoux. Elle a les seins marqués de la même manière que l'idole de Lemba, par un angle pendant séparé par une rainure profonde. On remarque plus de détails sur le corps : les bras sont ornés de deux lignes obliques en relief qui doivent figurer un ornement du costume qu'on retrouve d'ailleurs aussi sur les idoles de steatite. Les pieds sont bien dessinés avec des orteils incisés. La tête surtout est rendue avec une grande précision. Elle porte des yeux marqués par une pastille ronde évidée en son centre et surmontés de sourcils en relief. Le nez est une longue bande rectangulaire, la bouche est indiquée par une étroite incision. La chevelure séparée par une raie médiane encadre le visage d'une ligne nette et tombe en bandeaux sur les côtés du front. La tête n'est pas penchée en arrière, mais droite sur un long cou. Cette seconde statuette reproduit encore plus fidèlement que celle de Lemba le type des idoles de steatite. Elle vient prouver, avec l'exemplaire de Lemba, que l'idole aux bras en croix était une figure très importante et probablement sacrée dans l'iconographie chalcolithique chypriote. Au Illème millénaire, il semble que la Grande Déesse était adorée à Chypre et que son culte florissait dans la région de Paphos. Mais vers le milieu du Illème millénaire, les sites chalcolithiques sont abandonnés, sans doute à la suite d'une catastrophe naturelle qui aurait interrompu bruta lement la civilisation de cette époque. Peu de traces d'habitat subsistent des deux siècles qui suivent, sauf en quelques sites comme Ambelikou et Philia-Drakos Β où l'on pense retrouver les vestiges d'une culture chalcoli thiqueII (71). Les traditions religieuses de l'époque chalcolithique auront-elles survécu ?
(70) Kunst und Kultur des Kykladeninseln im 3 Jahrtausend v. Chr. Karlsruhe Schloss, 25 Iuni-10 Okt. 1976. Objet 573 du catalogue. (71) Catling, Cyprus CAH, p. 19-20 ; Watkins, RDAC 1973, p. 4546.
32
DEUXIÈME CHAPITRE
Renaissance de l'Idole de Fécondité chypriote BRONZE ANCIEN = CHYPRIOTE ANCIEN (2300-1850 A.C.)
On ne peut savoir si le culte de la fécondité qui semblait bien éta bli à Chypre à l'époque chalcolithique s'est transmis d'âge en âge à travers les périodes obscures dont nous n'avons qu'une connaissance incomplète, limitée à quelques sites. Les nouvelles figurines de déesses fécondes appar aissent vers 2000 a.C. soit cinq cents ans environ après la belle époque des figurines d'Erimi et des idoles de Paphos. S'agit-il alors de la résurgence d'un vieux culte qui s'exprime à nouveau ou d'un culte étranger apporté dans l'île ? On sait que Chypre vers 2300 a subi de fortes influences étrangères. Entre 2500 et 2300 la céramique rouge polie (Red-Polished) qui fait son apparition à Ambélikou témoigne sans doute déjà d'un apport venu de l'extérieur, d'Anatolie probablement (1). LA CULTURE DE PHILIA (2300-2100 A.C.) Vers 2300 une nouvelle culture apparaît dans la vallée de l'Ovgos, au Nord-Ouest de l'île, sur une série de sites. Cette culture est dite culture de Philia du nom de l'un de ses principaux établissements (2) (voir carte
(1) Catling, Cyprus CAH, p. 19-20 ; Buchholz dans A V Chypre, p. 28. (2) Catling, Cyprus CAH, p. 24-26 ; Karageorghis, Chypre, p. 38-39 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 63-72.
33
CHAPITRE II
pi. II). Elle se caractérise par diverses innovations dans les formes cérami ques,de nouvelles coutumes funéraires et l'usage d'objets en métal, nou veautés qui trahissent la présence de nouveaux venus à Chypre. Or on a remarqué qu'il y a précisément des affinités entre les nouvelles formes céramiques de Philia et la poterie anatolienne (3). On sait de plus que l'Anatolie a été dévastée vers 2300, sans doute par une invasion très des tructrice. Des colons ont pu venir s'installer à Chypre après le désastre survenu en Anatolie. Ils auraient d'abord débarqué dans la baie de Morphou aux vallées accueillantes et auraient peu à peu gagné l'intérieur, se mêlant à la population locale (4). La culture de Philia n'a laissé aucun témoignage sur ses croyances religieuses. Seule, une figurine en fabrique rouge polie d'une exécution très grossière, représentant une femme aux formes lourdes et aux seins proéminents, indiquerait la persistance d'un culte de la fécondité (5). Par contre, le site de Vounous sur la côte nord, où florissait un établi ssement d'une culture analogue, mais plus évoluée, a livré un matériel rituel d'une richesse exceptionnelle (6). LA CULTURE DE VOUNOUS (2100-1800 A.C.) A la différence de Philia, Vounous a produit de très nombreux vases ornés d'animaux ou de figurines, de même qu'un modèle de sanc tuaire, qui paraissent être tous des objets pourvus d'une signification religieuse. La culture de Vounous se distingue, certes, de celle de Philia, par quelques différences que l'on explique par une évolution régionale ou plutôt chronologique (7). "La nature exceptionnelle des trouvailles de Vounous donne à penser que ce lieu était un centre religieux très (3) Mellaart a trouvé des affinités entre les types céramiques du Bronze Ancien de la région de Konya en Anatolie et la poterie de Philia, cf. Catling, Cyprus CAH, p. 26. (4) Catling, Cyprus CAH, p. 23 et 26 ; Karageorghis, Chypre, p. 39 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 63. On pense cependant à présent que la colonisation anatolienne a été assez limitée, voir J. des Gagniers et V. Karageorghis, Vases et Figurines de l'Age du Bronze à Chypre. Céramique rouge et noire polie (Nicosie 1976), ci-après Des Gagniers-Karageorghis, Vases et Figurines, p. 3 ; cette culture apparaît aussi sur d'autres sites au centre et au Sud de l'île, cf. ibid., tableau chronologique. (5) SCEIW 1A, fig. 92,1. (6) P. Dikaios, The Excavations at Vounous- Bellapais in Cyprus 1931-2 (Oxford 1940) = Archaeologia (Oxford), vol 88, 1940, ci-après Dikaios, Vounous ; E. et J. Stewart, Vounous 1937-38 (Lund 1950). (7) Certains archéologues comme Stewart pensaient que la culture de Philia n'était pas plus ancienne que celle de Vounous ; la culture de Vounous n'aurait été alors qu'une école régio nale (voir J. Stewart, 'The Early Cypriote Bronze Age", SCE IV 1A, p. 269). Cependant les types céramiques de Vounous sont plus évolués que ceux de Philia. Il semble donc que Philia soit anté rieur à Vounous, cf. Catling, Cyprus CAH, p. 24, sans doute à dater du Chyp. Ane. I (2300-2100 a.C.) ; Des Gagniers-Karageorghis, Vases et Figurines, p. 2.
34
VOUNOUS (CHYPRIOTE ANCIEN)
important ou encore que la population de cet établissement était par ticulièrement religieuse. Peut-être la localité devait-elle son importance à la possession d'un sanctuaire d'une grande renommée" (8). Mais Vounous n'était sans doute pas le seul centre religieux à cette époque. Lapithos est un autre site qui a livré de nombreuses figu rines à signification apparemment religieuse (9). Des découvertes récentes ont révélé un matériel analogue à celui de Vounous provenant d'autres sites, vases ornés de serpents ou de figurines, modèles de sanctuaires, qui témoigne d'une culture analogue à celle de Vounous, quoique com portant des caractéristiques locales. Ces sites se trouvent pour la plupart dans la partie centrale ou orientale de l'île : ce sont Dhenia, Kochati, Margi et Kalopsidha (voir carte pi. II) (10). Le matériel religieux qui consiste en vases décorés de motifs figuratifs tels que serpents, animaux à cornes et oiseaux, a été trouvé dans les centaines de tombes de la nécropole de Vounous qui s'étagent chronologiquement sur trois cents ans au moins (2100-1800 a.C.) (11). Ces vases sont toujours exécutés en fabrique rouge polie (Red-Polished), fabrique qui paraît avoir été importée d'Anatolie. Les formes céramiques sont nouvelles aussi, en particulier la cruche à long col et à bec coupé, et on ne peut nier qu'elles présentent des analogies frappantes avec la cér amique anatolienne. L'iconographie est inséparable de cette fabrique et de ces formes et il est probable qu'elle trahit aussi une forte influence étrangère bien que l'on n'ait pas trouvé en Anatolie de vases décorés comparables. Dans les premiers temps de Vounous, il n'y a que très peu de vases ornés ; au Chyp. Ane. II, ils deviennent plus nombreux et le répertoire iconographique s'enrichit ; au Chyp. Ane. III, l'ornementation change d'esprit, la figure humaine apparaît, les vases ornementés qui étaient jusqu'alors restés l'apanage du site de Vounous se répandent jusque dans le centre de l'île (12). Tout se passe comme si de nouveaux venus (8) Stewart, SCE IV 1 A, p. 293. (9) Cf. SCE I, p. 60 sqq. et pi. XXXIX ; aussi SCE IV 1 A, fig. 92-94. (10) Des Gagniers et Karageorghis, Vases et Figurines, p. 6. (11) Dikaios, Vounous, où sont publiées des tombes attribuées à la fin du Chyp. Ane. I, au Chyp. Ane. II et III et Stewart, Vounous, où sont publiées des tombes plus anciennes attr ibuées au début du Chyp. Ane. I (Vounous site A), mais aussi des tombes du Chyp. Ane. II et III. La datation du matériel peut être un peu abaissée. On considère actuellement que le matériel de Vounous correspond à deux phases : les vases de Vounous A doivent sans doute être attribués au Chyp. Ane. II (2100-2000 a.C.) tandis que le matériel de Vounous Β devrait être placé au Chyp. Ane. III (2000-1850 a.C.) et peut-être même au Chyp. Moy. I (1850-1800 a.C), voir à ce sujet des Gagniers et Karageorghis, Vases et Figurines, p. 2. Les périodes sont appelées indifféremment Chyp. Ane. I, II, III et Bronze Ancien I, II, III. (12) Catling, Cyprus CAH, p. 27 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique , tableau chronologique p. 64. De la poterie analogue à celle de Vounous Β a été trouvée sur les sites de Lapithos, Kalavassos, Limassol, Episkopi, Larnaca, Kochati, Margi, Dhenia, Yialia et Anoyira, soit dans toute l'île. Mais les vases à motifs figurés se trouvent surtout à Vounous.
35
CHAPITRE II
avaient apporté à Chypre une céramique nouvelle que les Chypriotes au raient adoptée et dont ils auraient exploité les possibilités. A partir de cette technique récemment apprise, ils se seraient créé une iconographie religieuse originale témoignant de leurs croyances anciennes ou nouvelles. Ce style s'exprime d'abord timidement, puis se développe. Le bestiaire religieux de Vounous fait désormais partie de la conscience religieuse chypriote. I. LES SYMBOLES RELIGIEUX DE LA CULTURE DE VOUNOUS. Les plus anciens vases de Vounous sont décorés de serpents et d'animaux à cornes ; un peu plus tard, l'oiseau apparaît. A. Les représentations. Y) Le serpent : il orne les grandes cruches à long col coupé en biseau ou à col droit et les grands bols à deux ou quatre anses ou à bec verseur. Il monte le long du col de la cruche, ou bien il ondule sur l'épaule du vase, il monte sous les anses ou il court sous le rebord des grands bols. Il est exécuté en relief avec beaucoup de réalisme. Il est parfois associé à des boutons, des disques, des sortes d'arbres sacrés (13). Le serpent associé au cerf : le serpent monte le long du col des grandes cruches, tandis qu'un ou plusieurs cerfs aux longues ramures ornent l'épaule de ces vases (14). Le serpent associé au taureau ou à un bucrane : sur de grands bols, il court sous le rebord ou monte sous les anses, en compagnie de bucranes sur le rebord (pi. 11, a) ou de cornes de consécration sous les anses ou d'un animal à cornes placé sur l'épaule du vase (15). Le serpent associé à des oiseaux : sur de grands bols, les oiseaux sont en plein relief sur le pourtour du bol, les serpents ornent l'épaule du vase (16).
(13) Cruches : T. 87 A/2 (Stewart, Vounous, pi. XLVIII) ; T. 161/8 et 10 (ibid., pi. LI et LU) ; T. 104/3 {ibid., pi. LUI, a). Bols : T. 131 A/35 (ibid., pi. LXII, a) ; T. 141/10 {ibid., pi. LXII, c) ; T. 15/10 (Dikaios, Vounous, pi. XI, b). Coupe à pied : série spéciale 3 {ibid., pi. XV, c). Ces vases sont pris parmi le matériel de Vounous, mais la liste n'en est nullement ex haustive. (14) Cruches : T. 5/3 (Dikaios, Vounous, pi. XVII, a) ; T. 11/19 {ibid., pi. XVII, b) ; T. 32 A/7 {ibid., pi. XVII,d) ; série spéciale 5 {ibid., pi. XVII, e,f.) où une mère allaite son petit. Bols : T. 13/23 {ibid., pi. X, e) ; T. 29/59 {ibid., pi. XIII, b). (15) Bols : T. 36/10 (ibid., pi. XI, e) ; T. 15/13 (ibid., pi. XI, f) ; T. 13/115 (ibid., pi. XI, c). (16) Bols : T. 2/83 (ibid., pi. X, c) ;T. 36/142 (ibid., pi. XIV, b).
36
VOUNOUS (CHYPRIOTE ANCIEN)
2) Les animaux à cornes, taureau, chèvre, mouflon (?) : l'animal entier ou la tête seulement décore le pourtour de bols profonds ou de coupes à pied haut (pi. 11, b). Le plus souvent, il s'agit d'un taureau. Vers la fin de la période, les animaux sont représentés en plein relief sur l'épaule de grandes cruches (17). 3) L'oiseau n'est pas très fréquent au début de la période, mais il est souvent représenté à la fin de la période II (Chyp. Ane. II) en plein relief sur le pourtour de grands bols, de petites coupes hémisphériques, de coupes à pied où il est associé à de petites coupes. Au Chyp. Ane. III on le trouve en plein relief sur l'épaule de cruches (18). 4) Les personnages : vers la fin de la période (Chyp. Ane. III), le potier représente des personnages en plein relief debout sur une pyxide ou en demi-relief sur le col d'une cruche (pi. 12, a-b). Ce sont des couples dans une attitude amoureuse ou une femme à l'enfant (19). C'est l'époque où le potier de Vounous a même l'ambition de représenter des scènes de la vie quotidienne ou religieuse : une scène de labour et une cérémonie religieuse dans un enclos sacré (pi. 13, a) sont parvenues jusqu'à nous (20). Cette céramique richement décorée n'est pas limitée à Vounous car de beaux vases ornés de symboles zoomorphes ou de figures humaines se rencontrent un peu partout dans l'île (21).
(17) Bols profonds : T. 153/10 (Stewart, Vounous, pi. LXXIV, g) ; T. 90/7 {ibid., pi. LXXIX, a) ; T. 111/40 (ibid., pi. LXXIX, b) ; Cruche : série spéciale 6 (Dikaios, Vounous, pi. XIX, f). (18) Bols : série spéciale 2 (Dikaios, Vounous, pi. X, b) ; T. 2/83 (ibid., pi. X, c) ; T. 2/77 (ibid., pi. XIV, c). Coupes : T. 5/16 (ibid., pi. XVI, a) ; T. 8/17 (ibid., pi. XVI, b) ; série spéciale 4 (ibid., pi. XV, d). Cruches .CM 1933/VI-7/7 (ibid., pi. XIV, a) ; T. 37/83 (ibid., pi. XIX, e). (19) Pyxides : T. 37/84 (Dikaios, Vounous, pi. XXXV, a) ; T. 2/91 (ibid., pi. XXXVI, a). Cruches : T. 19/10 (ibid., pi. XX). (20) Scène de labour, Dikaios, Vounous, pi. IX ; cérémonie religieuse, ibid., pi. VII et VIII. (21) On trouve aussi sur d'autres sites que Vounous des vases ornés de différents symb oles, quoiqu'en moins grand nombre : ainsi une cruche de Kochati ornée de bucranes et de se rpents au Musée de la Fondation Piérides (Karageorghis, Civilisation Préhistorique, fig. 65, p. 99) ; un grand bol orné de têtes de cerfs dans la collection Hadjiprodromou à Famagouste (Karageorghis, ibid., fig. 67, p. 101) ; une grande jarre décorée d'oiseaux buvant à des vases rituels provenant pro bablement de Kochati au Musée de la Fondation Piérides (Karageorghis, ibid., fig. 60, p. 95) ; de grands bols ornés de frises de personnages provenant de Margi au Musée de la Fondation Piérides et dans la collection Hadjiprodromou à Famouste cf. Karageorghis, ibid., fig. 45, p. 86.
37
CHAPITRE II
Β. La signification de ces représentations. Il est évident que les animaux apposés sur les vases ne sont pas décoratifs. En effet, tous ces vases ont été trouvés dans des tombes. De dimensions imposantes et de formes élaborées, ils semblent peu faits pour la vie quotidienne. Il faut sans doute y voir des vases rituels dans lesquels on déposait des boissons ou de la nourriture destinées aux divinités ou aux morts (on a retrouvé des ossements d'animaux dans de grands bols) (22). La signification religieuse du serpent et du taureau nous est prouvée préc isément dans l'enclos sacré, où l'on distingue sur le mur de fond un groupe de trois figures à tête de taureau tenant à la main des serpents, qui sont probablement des idoles (23). A Vounous donc, la divinité est symbolisée par le taureau et le serpent. La cérémonie qui a lieu dans l'enclos a été interprétée soit comme une cérémonie en l'honneur des divinités du lieu, probablement des divinités de la fécondité, soit comme une cérémonie en l'honneur d'un mort, peut-être représenté sous la forme du grand per sonnage assis sur le trône. 1. Signification religieuse du serpent : le serpent a déjà été un des motifs dominants de l'iconographie néolithique et chalcolithique dans les civi lisations de la vieille Europe et de l'Anatolie. Le dynamisme mystérieux du serpent, sa vitalité exceptionnelle et sa régénérescence périodique en ont fait le symbole de l'immortalité. Sa présence donne la garantie que le cycle énigmatique de la nature sera maintenu et que son pouvoir de régénérescence ne diminuera jamais (24). Il représente sans doute les puissances du monde souterrain d'où renaît la vie et constitue l'épiphanie de la divinité. Dikaios en interprétant la cérémonie de l'enclos sacré de Vounous a supposé que la principale figure en serait un dieu-serpent, divinité chtonienne (25). En Crète, aux époques pré-palatiale et palatiale, le serpent est associé à une divinité féminine, dont la célèbre déesse aux serpents de Cnossos ; ainsi le serpent peut être en rapport avec un principe divin féminin. 2. Signification religieuse du taureau : depuis les temps néolithiques, le taureau a été considéré comme un animal sacré dans les civilisations de la Vieille Europe et de l'Anatolie. Le caractère sacré du taureau semble
(22) Dikaios, Vounous, p. 99. (23) R. Dussaud, "Culte funéraire et culte chtonien à Chypre à l'âge du Bronze", Syria XIII (1932), p. 223 sqq., P. Dikaios, "Les cultes préhistoriques dans l'île de Chypre", Syria XIII (1932), p. 345 sqq. (24) Gimbutas, Gods and Goddesses, p. 93. (25) Dikaios, Syria XIII, p. 223 ; Dikaios, Vounous, p. 123 ; R. Dussaud "Kinyras (Etudes sur les anciens Chypriotes)", Syria XXVII (1950), p. 67 sqq.
38
VOUNOUS (CHYPRIOTE ANCIEN)
résider principalement dans ses cornes qui ont toujours eu une grande importance dans le culte et la symbolique religieuse. L'association du taureau ou bucrane avec le symbole de la croix représentant le principe féminin ou maternel dans les représentations néolithiques évoque l'union de la Grande Mère et du taureau en une sorte de hieros gamos. Le culte du taureau est un culte rendu à la puissance créatrice et fécondante de la nature (26). On a retrouvé dans les tombes de Vounous des ossements de bovidés qui témoignent de sacrifices, ainsi que des modèles de cornes de taureau en argile rouge polie (27). Le taureau et les cornes de taureau avaient donc une grande importance dans le culte funéraire. 3. Signification religieuse du cerf et du bouquetin : de même que le tau reau, le cerf et les caprides ont été représentés à date très ancienne dans l'art néolithique. En Anatolie il y avait un culte du cerf associé au culte du taureau et l'on sacrifiait l'un ou l'autre à la divinité (28). A Chypre même, dès l'époque chalcolithique, on déposait des bois de cerfs dans les tombes (29). Les chèvres et bouquetins étaient sans doute aussi des animaux à sacrifice. De même que le taureau, le cerf ou bouquetin devait être un des animaux-parèdres de la Grande Mère (30). 4. Signification religieuse de l'oiseau : l'oiseau a aussi eu de longue date une signification religieuse importante. On a reconnu dans l'iconographie néolithique des déesses-oiseaux, êtres hybrides pourvus d'un corps d'oi seau avec une tête de femme. L'oiseau apparaît en Crète et à Chypre où il semble être l'épiphanie de la divinité (31). Dans la céramique de Vounous l'oiseau représenté ressemble à une colombe. Il est souvent associé à de petites coupes rituelles. Il accompagne des scènes qui ont sans doute un rapport avec le culte de la fécondité (couples) (32). Ainsi on a pu dire que la colombe de Vounous était déjà "le symbole d'Aphrodite" (33). En fait l'oiseau, comme le serpent, n'était à Vounous que l'épiphanie d'un principe divin.
(26) Gimbutas, Gods and Goddesses, p. 90-92 ; voir aussi Soudsky-Pavlû, Pamatky archeologické LVH, p. 106. (27) Dikaios, Vounous, p. 122 et pi. XXXVIII, a ; Stewart, Vounous, pi. XCVI, a b. (28) S. Przeworski, "Le Culte du Cerf en Anatolie", Syria XXI (1940), p. 68 sqq. (29) Watkim, A V Chypre, p. 35. (30) Soudsky-Pavlû, Pamatky archeologické LVII, p. 123, pour une période antérieure. (31) Gimbutas, Gods and Goddesses, p. 146. (32) Pyxide T. 37/84, dans Dikaios, Vounous, pi. XXXV a. (33) Stewart, SCE IV 1 A, p. 293.
39
CHAPITRE II
C. Nature de la divinité ou des divinités de Vounous. La caractéristique de l'expression des croyances religieuses à Vounous réside dans la représentation zoomorphique des principes divins en rapport avec la force fécondante de la nature. La divinité ne prend pas forme humaine. On a parlé d'un dieu-serpent ou d'un dieu-taureau de Vounous (34). En fait, le principe divin symbolisé par le serpent et le taureau est vraisemblablement masculin, mais il peut être aussi associé à un principe féminin. Dans le sanctuaire de la Grande Déesse anatolienne de Çatal Hüyük les représentations de la Déesse sont entourées dans les salles de culte de bucranes ou même de têtes de cerfs (35). Il y a des scènes où la déesse enfante un taureau, et d'autres où elle s'unit au taureau en un hieros gamos. Ces idées remontent sans doute à une époque très reculée, où la Grande Mère était une potnia theron (36). Dans la Crète minoenne la déesse est associée aux taureaux ou à des bucranes ou à des cornes de taureaux. Il n'est donc pas impossible que la divinité de Vou nous ait été la Grande Déesse. Elle s'incarnait peut-être dans le serpent et l'oiseau et avait quelque rapport avec le taureau et le cerf. On a interprété les signes, disques ronds et croissants, qui accompagnent parfois le serpent sur les cruches comme des symboles du soleil et de la lune (37). La divi nité de Vounous est en rapport avec les forces de la vie et de la mort. (34) Dikaios, Syria XIII, p. 348, caractérise la religion de Chypre comme celle de la Déesse-Mère, du Dieu-Serpent et du Taureau Divin. (35) Mellaart, Çatal Hüyük, p. 125, fig. 38 et 40. (36) Soudsky -Pavlu, Pamâtky archeologické LVII,p. 123. (37) Stewart, SCE IV 1A, p. 293. Il semble aussi que toute la décoration incisée soit symbolique et il est probable qu'elle avait une signification magique. Selon Gimbutas, Gods and Goddesses, p. 89 sqq., les civilisations néolithiques avaient déjà inventé un ensemble de signes graphiques pour exprimer des idées abstraites qui se rangeaient en deux catégories : les symboles en rapport avec l'eau ou la pluie, le serpent et l'oiseau : lignes parallèles, zigzags, chevrons, méand res et spirales ; les symboles en rapport avec la lune, la rotation des saisons, la naissance et la croissance, la perpétuation de la vie : croix, croissant, cornes, œuf. Selon Soudsky et Pavlû, Pa mâtky archeologické LVII, p. 91-124, les ornements linéaires remontant au Néolithique sont la croix sous différentes formes, le "papillon" et la spirale représentant trois aspects sociaux prin cipaux (enfantin, féminin, masculin) ; les découvertes de Çatal Hüyük ont permis de découvrir le rôle cultuel de ces thèmes symboliques : le thème de la femme exprimée par une croix com plexe et le "papillon", le thème des enfants, par la croix simple, le thème de l'homme plus varié, plus incertain, par le méandre ou la spirale. Le svastika aurait un sens indéterminé, celui de memb rede la gens. Par la suite, ces symboles deviennent très abstraits tout en restant en rapport avec les principes masculins et féminins. La décoration incisée, fréquente sur les vases de fabri que rouge polie qui ne portent pas d'ornements en relief ou qui ont seulement un serpent ou des têtes d'animaux à cornes sur le pourtour ou sur le col, emploie les zigzags horizontaux ou verti caux, les chevrons parallèles, les faisceaux de lignes parallèles, les cercles concentriques, les damiers (cf. Stewart, Vounous, pi. XLVIII, LXX, LXXX, LXXXI etc. ; Dikaios, Vounous, pi. XII, XXII etc.). On ne sait quelle signification donner à cette décoration géométrique, mais il paraît assez probable qu'elle en a une. On peut remarquer qu'elle orne de préférence les vases aux formes complexes considérés comme rituels et qu'elle inclut parfois des motifs en forme d'homme ou d'animal stylisé : Dikaios, op. cit., pi. XXII, XXIV, T. 34/49 et T. 15/60 ; Stewart, op. cit., pi. XCIII, T. 91/60 et T. 160 A/16, qui considère les hommes stylisés comme des danseurs masqués et conclut à l'existence de danses sacrées dont les danseurs auraient porté des masques d'animaux et qui auraient eu pour but la venue des pluies, cf. SCE IV 1A, p. 293.
40
VOUNOUS (CHYPRIOTE ANCIEN)
Les croyances illustrées par l'imagerie de Vounous ont peut-être été introduites d'ailleurs, d'Anatolie sans doute, car la culture de Vounous comme celle de Philia contient de forts éléments étrangers. On sait du reste que le taureau et le cerf étaient des animaux sacrés en Anatolie depuis des millénaires (38). Cependant il semble que le sacrifice de cervi désqui étaient nombreux à Chypre aux époques néolithique et surtout chalcolithique se pratiquait déjà dans l'île depuis longtemps (39). Le taureau paraît ne prendre d'importance qu'au début de l'Age du Bronze. En fait, on ne saurait dire si le culte du serpent, taureau, cerf et oiseau a été introduit d'ailleurs ou s'il existait déjà à Chypre et a été renforcé par un apport étranger. Certes le matériel chypriote évoque le matériel crétois du Ilème millénaire. Mais il ne semble pas qu'il y ait eu de contacts assez importants pour qu'une influence directe se soit exercée de la Crète sur Chypre. C'est seulement vers la fin du Chyp. Ane. que les premiers objets crétois touchent Chypre, et encore sont-ils très limités. Vers la fin du Chyp. Ane. II, le bestiaire religieux disparaît pour faire place à des représentations de scènes de culte qui sont très fidèles à la réalité. Ces scènes de culte semblent toujours plus ou moins en rap port avec des rites de fécondité, ce qui tendrait à prouver que le principe divin dominant durant le Bronze Ancien, qui est à l'origine de toutes les représentations à sens religieux, est sans doute celui de la fécondité uni verselle. IL LES SCÈNES DE CULTE AU CHYPRIOTE ANCIEN. Il est très frappant que la figure humaine apparaisse vers la fin de l'époque de Vounous. On dirait que le potier, se sentant à présent plus habile, habitué à représenter des animaux en plein relief, se risque à r eproduire la figure humaine dans des scènes compliquées. Ce style s'étend jusque dans le centre de l'île. Il semble que le potier chypriote, encou ragépar l'exemple de potiers étrangers ou par sa plus grande aisance technique, prétende pouvoir désormais illustrer ce qui l'intéresse vraiment. C'est ainsi qu'il représente des sanctuaires, des scènes de couples amour euxet diverses occupations rurales à sens religieux. A. Les sanctuaires : On avait découvert dans la tombe 22 de Vounous un modèle de sanctuaire que l'on avait cru unique à Chypre (40). Dernièrement, on a pu retrouver deux autres modèles de sanctuaires de la même période, (38) S. Przeworski, Syria XXI p. 68 sqq. (39) Déjà aux temps néolithiques et chalcolithiques, les cervidés existaient nombreux à Chypre et n'étaient peut-être pas seulement un produit de consommation, cf. Catling, Cyprus CAH, p. 17 et Watkins, Chypre A V, p. 35. (40) T.22/26,Dikaios, Vounous, pi. VII, VIII et p. 118 sqq.
41
CHAPITRE II
plus petits, mais également intéressants (41). On sait que durant les époques néolithique et chalcolithique la coutume était assez répandue de reproduire des habitations ou des sanctuaires en modèles réduits ; ces objets étaient déposés dans le sol d'habitations ou de sanctuaires en construction, sans soute au cours d'une cérémonie propitiatoire (42). Nombreux sont les modèles de sanctuaires qui ont été retrouvés dans la Vieille Europe. Le modèle de Vounous, bien que plus récent, s'inscrit dans la même lignée. La Crète offre peut-être quelques exemples récents analogues (43). 1. Le sanctuaire de Vounous (T. 22/26 ; pi. 13, a) : Maintes fois décrit et interprété, c'est un enclos en plein air avec portail grand ouvert. Une cérémonie s'y passe, à laquelle tout le monde ne peut assister, puisque, malgré le portail ouvert, un petit personnage essaie d'escalader le mur pour voir à l'intérieur. Sur le mur de fond opposé à l'entrée, se trouve l'endroit du culte : trois figures ont des formes vaguement humaines, mais des têtes de taureau ; elles paraissent se donner la main et tenir des serpents. Devant ces trois idoles, un bassin, sur le sol, près duquel une figure humaine est agenouillée. Face aux idoles, il y a un trône imposant sur lequel un homme (aux parties génitales bien marquées) est assis ; il a les mains croisées sur la poitrine ou plutôt sur le ventre ; il porte sur la tête une sorte de couvre-chef petit, rond et plat, et il a les oreilles percées ; il est plus grand que la plupart des autres personnages repré sentés. De chaque côté des idoles, il y a des bancs le long du mur, sur lesquels sont assis des personnages aux bras croisés, dont certains plus grands que d'autres. A la gauche des idoles, se trouve une femme portant un enfant. A la droite du trône, six personnages se croisant les bras se tiennent en rond ; ils ont des attr ibuts virils bien marqués. Le long du mur d'enceinte, de part et d'autre du portail, des animaux à cornes, des taureaux sans doute, sont parqués dans de petits enclos, attendant le sacrifice ; avec eux, les sacrifiants. Diverses interprétations ont été données .de cette scène (44), mais celle de Dikaios reste la plus convaincante : selon lui, le personnage au trône serait le Grand Prêtre présidant à une cérémonie en l'honneur de divinités-taureaux et de divinités-serpents ; peut-être la grande figure de femme à l'enfant re pré sente -t -elle la Déesse Mère, ou une prêtresse, à moins qu'elle ne soit une simple fidèle. Le Grand Prêtre aurait à ses côtés des officiants. Les animaux seraient prêts pour le sacrifice et peut-être l'enfant aussi. Nous aurions donc là une des premières représentations de scène de culte de la fécondité rendu à une ou des divinités masculines ou féminines. On a également interprété la scène comme une cérémonie funéraire, le mort étant représenté sous les traits du grand personnage assis sur le trône (45). Enfin, on a vu, selon une (41) V. Karageorghis, "Two religious documents of the Early Cypriote Bronze Age", RDAC 1970, p. 10 sqq. et pi. I-V. (42) Gimbutas, Gods and Goddesses, p. 67 sqq. et fig. 23. (43) Ainsi le modèle de sanctuaire de Kamilari (1600 a.C.) représentant soi-disant un sacrifice au mort déifié à l'intérieur d'un lieu de culte, cf. Buchholz-Karageorghis, PGC, 1223. (44) Dikaios, Vounous, p. 118 sqq. et Syria XIII, p. 345, sqq ; Dussaud, Syria XIII, p. 223 sqq. Karageorghis, RDAC 1970, p. 12. (45) Dussaud, Syria XIII, p. 225.
42
SCÈNES DE CULTE (CHYPRIOTE ANCIEN)
hypothèse récente, une scène d'inhumation dans la scène de l'enclos de Vounous : les idoles en relief sur le mur de l'enclos représenteraient des figures sculptées sur le mur du dromos de la tombe dont l'entrée serait figurée par le bassin au pied des idoles (46). 2. Les sanctuaires de Kotchati : Deux modèles de sanctuaires ont été trouvés dans un cimetière du Bronze Ancien à Kotchati, près d'Idalion, qui a livré aussi des cruches ornées de serpents, de bucranes, de taureaux entiers en relief (47) (pi. 14, a). Ce sont les objets 1970/ V-28/1 et 1970/IV-30/1 du Musée de Nicosie. Ils se présentent sous la forme d'un haut pan de mur reposant sur un sol. Fixés à ce mur, il y a trois supports qui se terminent chacun par une tête d'animal à cornes, la tête centrale étant plus impor tante que les autres ; ces têtes sont vraisemblablement des têtes de taureau, dont les cornes recourbées, les oreilles et le museau sont clairement indiqués (48). Sur l'un des deux modèles, les supports sont reliés à mi-hauteur par une barre horizontale qui ressemble à une paire de bras en croix partant du support central (CM 1970/ V-28/1). A la partie supérieure entre les supports, des sortes de cornes ou de sym boles phalliques sont plantés dans le mur. Il semble bien que soient représentées là, comme dans le sanctuaire de Vounous, trois idoles ou xoana faites d'un support surmonté d'une tête de taureau et fixées à ce mur, le tout constituant le lieu de culte, sanctuaire agraire à ciel ouvert, ou abrégé de l'enclos tout entier. Dans l'un et l'autre de ces modèles, devant le mur aux bucranes, une figure humaine est de bout à côté d'une grande amphore posée sur le sol. Le groupe est assez bien con servé dans l'exemplaire CM 1970/V-28/1 pour qu'on puisse distinguer qu'il s'agit d'une femme aux seins proéminents qui tend les bras vers le sol ; elle a des yeux, une bouche et des oreilles indiqués ; les oreilles sont perforées. Il semble que cette femme offre des libations. Un troisième modèle du même type, malheureu sement incomplet, a été trouvé dans une tombe à Kalopsidha (49). Ces modèles de sanctuaires devaient donc être assez communs et il est sans doute significatif qu'on les ait toujours découverts dans des tombes. Selon toute évidence, le sanctuaire représenté sur ces modèles est dédié à une divinité de la fécondité symbolisée par le taureau. Le ser pent, présent dans le sanctuaire de Vounous, est ici absent, mais il se peut que la femme fasse des libations à une divinité chtonienne en versant dans l'amphore des liquides destinés au monde souterrain. Le culte rendu aux forces de fécondité semble avoir eu un aspect funéraire. L'invocation à une divinité de la fertilité garantit sans doute la survie ou la régénération d'un mort. (46) D. Frankel et A. Tamvaki, "Cypriot Shrine Models and Decorated Tombs", Aust Journal of Biblical Archaeology II. 2 (1973), p. 42. (47) Karageorghis, RDAC 1970, p. 10 ;BCH 95 (1971), p. 344, fig. 16-19. (48) On a remarqué que la tête de gauche du sanctuaire CM 1970/V-28/1 avait des cornes droites et non recourbées et appartenait peut-être à un autre animal, peut-être un cerf (Karageorghis, RDAC 1970, p. 11). (49) A 1293, cf. Karageorghis, ibid., p. 12. ralian
43
CHAPITRE II
Une hypothèse récente associe ces modèles de sanctuaires aux quelques tombes du Chyp. Ane. de Karmi dont les dromoi présentent de hauts panneaux sculptés dans les parois et même dans un cas, une figure humaine. Ainsi, ces mod èles représenteraient des dromoi de tombes où une femme viendrait faire des libations au mort (50). En fait, il n'est pas dans les habitudes des Anciens de repré senter des tombes. Si le sanctuaire trouve sa place dans une tombe, c'est plutôt parce qu'il est dédié aux forces de la fécondité en rapport avec les principes de vie et de mort. Les tombes de Karmi citées plus haut (51) présentent certains caractères curieux, dont la présence de panneaux sculptés dans les parois du dromos et même, dans le cas de la tombe 6, l'apparition d'une figure humaine sculptée entre les panneaux. Ces panneaux ressembleraient aux structures apparentes sur le mur des sanctuaires de Kotchati. La figure humaine est en général considérée comme une figure féminine, car on croit distinguer des seins sur la poitrine et le triangle pubien sur le ventre (52). Si vraiment il s'agit d'une figure féminine sculptée à l'entrée d'une tombe, elle représenterait une grande idole qui ne pourrait être que celle d'une divinité en rapport avec les forces de la fécondité, soit la Grande Déesse, dont la présence dans une tombe serait ainsi attestée. En conclusion, on peut dire que les cérémonies religieuses dont nous avons des représentations authentiques témoignent sans aucun doute d'un culte des forces de fécondité en rapport avec la vie et la mort, symbolisées le plus souvent par le taureau. Il se peut que ces cérémonies aient été en rapport avec un culte funéraire. On ne peut savoir si la divinité de la fécondité à cette époque avait un caractère masculin ou féminin. Les trois représentations de sanctuaires ou cérémonies religieuses sont datées du Chyp. Ane. III, soit de 2000-1850 a.C. B. Les représentations d'activités humaines en rapport avec le culte de la fécondité. Au Chyp. Ane. III, le potier, abandonnant le bestiaire religieux, représente plus souvent la figure humaine. Il s'enhardit jusqu'à représenter des scènes de plus en plus variées et de plus en plus complexes sur l'épaule de grands vases ou sur des cruches ou des pyxides, ou encore des modèles de scènes indépendantes. Ces scènes semblent cependant toutes inspirées par le culte de la fécondité. D'une part, le potier chypriote est devenu beaucoup plus habile dans l'expression plastique depuis que le style de Vounous s'est répandu largement dans l'île (53), d'autre part, il tient à
(50) Frankel et Tamvaki, op. cit., p. 40 sqq. (51) Palaeoalona, T. 2 et 6, cf. J.R. Stewart, 'The Tomb of the Seafarer at Karmi in Cyprus", Op. Ath. IV (1962), p. 197-204. (52) K. Nicolaou, Ancient Monuments of Cyprus (Nicosie 1969), p. 16, suivant P. Dikaios, "Archaeology in Cyprus 1959-61", Arch. Reports 1961-2, p. 33 et V. Karageorghis, "Ten Years of Archaeology in Cyprus", Arch. Anz. 1967, p. 510. (53) En particulier dans la région de Margi et Kochati.
44
SCÈNES DE CULTE (CHYPRIOTE ANCIEN)
exprimer des préoccupations religieuses qui devaient avoir une place es sentiel e dans la vie des groupes humains de cette époque. C'est dire que le culte de la fécondité devait être particulièrement important. 1. Représentation de couples : Le potier a représenté le couple dans des donnant' attitudes qui évoquent l'acte de procréation, en sans doute à ces scènes une signification religieuse. Ainsi, sur une cruche à col double de Vounous (54) (T. 19/10), l'on voit, représenté en relief sur l'un des cols, un couple dans une attitude amoureuse : l'homme tient de son bras gauche sa compagne par le cou, tandis qu'il a la main droite posée sur son ventre (pi. 12, b). Entre les deux cols de la cruche, un oiseau en plein relief boit à une coupe. La cruche est aussi ornée de têtes d'animaux à cornes. Une pyxide de Vounous également (55) (T. 37/84) porte sur son couvercle un couple en position couchée : c'est apparemment un homme et une femme étendus côte à côte, qui se tiennent peut-être par la main. De part et d'autre du couvercle, deux paires d'oiseaux sont placés dos à dos. Dans les deux cas, l'oiseau accompagne la scène. Or l'oiseau est probablement l'épiphanie de la divinité. La scène signifie peut-être que l'acte de procréation placé sous la protection de la divinité aura des résultats heureux. Il pourrait s'agir aussi d'une représentation de hieros gamos, pratique rituelle appelant sur la terre la fécondité divine. Le hieros gamos, union de divinités représentée par l'union de deux humains, a existé dès les temps néolithiques (56) et se pratiquait en Mésopotamie au Illème millénaire (57). Il apparaît à peu près certain que de telles scènes sur les vases rituels du Chyp. Ane, ont un caractère religieux. 2. Représentations de personnages occupés à broyer du blé ou faire du pain (?) : Des frises de personnages au travail rendus en ronde bosse ornent des cruches à double goulot ou de grands bols. Toujours exécutés en fabrique rouge polie selon la technique habituelle au Chyp. Ane, ils constituent une série spéciale presque toujours décorée d'une frise de personnages sous l'embouchure. Il s'agit peut-être de vases cultuels sur lesquels le même genre de représentation se retrouve. Sur l'épaule d'une cruche de Vounous (Série spéciale 7) (58), quatre person nages sont représentés de dos, occupés à travailler de leurs mains sur une sorte de (54) Dikiaos, Vounous, pi. XX et p. 126. (55) Id., pi. XXXV et p. 126. (56) Gimbutas, Gods and Goddesses, p. 228 sqq. et fig. 243 "Les amants de Gumelnita" ; Mellaart, Çatal Hüyük, fig. 83 (Deux divinités enlacées, "une des plus anciennes repré sentations du hieros gamos") ; E. O. James, Myth and Ritual in the Ancient Near East (Londres 1958), p. 113 sqq. (57) James, op. cit., p. 114-5. (58) Dikaios, Vounous, pi. XXI.
45
CHAPITRE II
table ou dans une grande auge. Selon Dikaios, ils seraient occupés à broyer du blé. Ces mêmes groupes de personnages vus de dos, occupés à travailler sur une table ou dans une auge, se retrouvent sur plusieurs autres vases ou fragments de vases dans des ensembles plus complexes. Sur un beau vase bien conservé de la Collection Hadjiprodromou, à double goulot, panse ronde et anse, on voit, tout autour du vase, sous l'embouchure, une frise de personnages au nombre de quinze environ. Sur une face, un personnage vu de profil, travaille à l'aide d'un objet oblong sur une table, trois autres vus de dos, travaillent de leurs mains sur la même table ou auge, un autre apporte une grande coupe, deux autres enfin, sont assis, portant une sorte de coiffure ou turban, et l'un d'eux tient un objet sous le bras (pi. 14, b). Sur l'autre face, il devait y avoir exactement les mêmes personnages, mais il n'en reste que la trace ; la plupart se sont détachés du vase. Sur la partie supérieure d'un grand vase à double goulot, trouvé à Margi dans une tombe (CM 1942/X-17/1) (59), se déroule une frise d'une vingtaine de person nages sous l'embouchure. Sur une des faces, neuf personnages vus de dos, les bras en avant, sont comme occupés à un travail. Sur l'autre face, une femme de dos, avec un bébé à son sein, fait quelque chose de ses bras ; ensuite un autre personnage touche d'une main une sorte de nid elliptique en relief; puis viennent un taureau (abîmé) et un personnage devant le taureau, ensuite deux personnages assis sur un animal chargé de paniers, puis un personnage tourné vers l'animal, enfin trois per sonnages dont l'un est de face et les deux autres à demi tournés vers le premier. Sur deux fragments appartenant au même vase d'un type semblable aux pré cédents (CM 1970/VI-26/10 et 1970/VI-26/1 1) (60) on voit sur une face deux ou trois personnages de dos occupés à travailler sur une table et, sur ce qu'il reste de l'autre face, un couple homme et femme, au sexe nettement indiqué, recouverts d'une bande en travers du corps, bande qui semble rejoindre une auge (pi. 13, b) ; ce couple faisait sans doute partie d'une scène plus complexe, telle que la suivante. Sur un grand vase à panse conique et double goulot du Musée de la Fondation Piérides de Larnaca (61) il y a une frise d'une quinzaine de personnages sous l'em bouchure. On distingue sur une des faces une femme grosse en train d'accoucher, un personnage qui se tient près d'une auge double dans laquelle il travaille à l'aide d'un outil, un autre personnage (abîmé) à côté, puis un animal chargé de sacs (très abîmé), ensuite un personnage de face avec le sexe féminin bien indiqué, enfin deux autres personnnages se faisant face, coiffés de chapeaux ou de turbans, r ecouverts d'une bande oblique ; plus loin, un objet en forme d'auge. (59) V. Karageorghis, "Finds from Early Cypriot cemeteries", RDAC 1940-1948, p. 151-152 et pi. XI, a,c. (60) BCH 95 (1971), p. 344 et fig. 21-22. (61) Karageorghis, Pierides Collection, p. 100-102, vase 8. Il existe un autre vase portant une représentation semblable au Musée National de Sèvres, cf. H. Bossert, Altsyrien (Tubingen 1951), 113. Sur ce vase de provenance inconnue, mais peut-être chypriote, on voit un groupe de femmes représentées de face et travaillant dans une auge ou pétrin, sans doute à pétrir le pain, ainsi que d'autres femmes occupées à divers autres travaux. Les femmes ont toutes des seins en relief très proéminents, ce qui indique peut-être un rapport avec le culte de la fécond ité.
46
SCÈNES DE CULTE (CHYPRIOTE ANCIEN)
Sur l'autre face, un "nid" ovale en relief, puis un personnage assis, ensuite quatre personnages vus de dos, agenouillés, qui travaillent de leurs mains sur une table ; plus loin, un enfant dans son berceau (?) ; enfin près de l'anse, un couple de deux personnages coiffés de chapeaux ou de turbans, dont l'un, plus grand que l'autre, tient de sa main ses parties génitales tandis que l'autre a un sexe masculin bien indiqué. Enfin, sur un fragment de grand vase (CM 1 969 /V -7/7) (62), de provenance inconnue, on voit un couple, homme et femme, aux attributs sexuels bien marqués, avec un enfant à leurs côtés. Ce groupe faisait vraisemblablement partie d'une frise de personnages analogue aux précédentes. Il semble que les vases ornés de frises de personnages en ronde bosse viennent de Margi, qui est la provenance sûre de deux d'entre eux. On remarquera que divers éléments réapparaissent régulièrement sur ces vases : a) Les personnages de dos travaillant à une table ou dans un bassin. Ces personnages paraissent nus. Certains tiennent des outils ressemblant à des pilons. L'interprétation la plus souvent proposée est qu'ils broient du grain, mais elle n'est pas absolument convaincante car dans les temps anciens on broyait le blé sur une meule. b) Des personnages assis ou debout occupés à certains travaux (sur tous les vases cités), nus aussi. On ne peut dire si le vêtement n'est pas indiqué ou s'ils sont intentionnellement nus. c) Sur deux vases, un animal chargé de sacs ; sur un vase, un taureau (fragment de bol de Margi, vase du Musée de la Fondation Pié rides). d) Des espèces de nids ou embouchures ovales en relief à côté des personnages (sur le fragment au couple, le vase Piérides). e) La femme à l'enfant (fragment de Margi), un enfant dans son berceau (vase Piérides), une femme qui accouche (vase Piérides), un couple avec enfant (fragment au couple-enfant). f) Des couples nus au sexe bien indiqué dans une attitude en rap port avec l'acte de procréation (vase Piérides, fragments avec couple). Deux interprétations sont à proposer : II s'agirait de scènes de la vie quotidienne (63), parmi lesquelles le transport à dos d'âne, ou les ventes ambulantes, le soin des animaux, le broyage du grain, la vie familiale (mariage, procréation, accouchement, jeunes enfants). Ces scènes retraceraient les grands moments successifs de la vie. La présence de tels vases dans une tombe assurerait la permanence des activités terrestres du mort jusque dans la tombe. (62) BCH 94 (1970), p. 194 et fig. 4. (63) Karageorghis, /?ZMC 1940-1948, p. 152.
47
CHAPITRE II
II s'agirait de scènes à signification religieuse. Deux thèmes prin cipaux semblent inspirer ces représentations, d'une part les activités en rapport avec le broyage du grain ou la confection du pain, ou toute autre sorte d'activités, et d'autre part, la fécondité humaine. Ces activités sont peut-être vues sous l'angle de leur signification religieuse en rapport avec le culte de la fécondité. Précisément on a retrouvé dans des sanctuaires ou modèles de sanctuaires des époques néolithique et chalcolithique sur les sites préhistoriques de la Vieille Europe, des témoignages d'activités analo gues, telles que le broyage du grain au pilon, la cuisson de pains dans les fours, activités sans doute considérées comme sacrées et supervisées par un grand prêtre ou une prêtresse (64). On peut aussi rapprocher ces scènes de cérémonies (64 bis) qui se pratiquaient dans la Grèce classique en l'honneur d'Athéna avant les semailles d'automne : deux jeunes filles descendaient chercher sous la terre des corbeilles contenant des grains et autres choses qui y avaient été déposées l'année précédente. On les brûlait sur l'autel et on mélang eait les cendres au grain des semailles. Dans le culte de Demeter, des femmes, les antletriai, officiaient de même, allant "puiser", chercher sous terre des restes de gâteaux ou viande déposés précédemment pour la fête des Kalligenia agraires, jour des belles conceptions. Les vases de Margi illustreraient des cérémonies semblables. Il se peut que ces travaux aient fait partie des préparatifs de cérémonies religieuses telles que la cérémonie funèbre ou la fête du mariage (65). De plus, ces représentations apparaissent sur des vases de forme complexe qui sont vraisemblablement des vases rituels. Il semble donc probable qu'elles ont une importance religieuse. Peut-être faut-il rapprocher de ce genre de représentations un modèle en fabrique rouge polie, de provenance inconnue, mais probablement chypriote, qui se trouve au Musée du Louvre (AM 816) (66). Cet objet est sans doute de date un peu plus récente que les vases. Il a été interprété comme une scène de la vie quoti dienne de femmes au lavoir. On voit en effet sept personnages debout devant un bassin (?). Cinq de ces figures semblent pétrir quelque chose de leurs mains au fond de cupules creusées dans une auge. Ce bassin présente un second compartiment en longueur dans lequel un sixième personnage "puise ou apporte de l'eau dans un
(64) Gimbutas, Gods ans Goddesses, p. 73, fig. 25-26. (64 bis) Je dois cette interprétation extrêmement convaincante à M G. Roux qui l'a présentée lors de la soutenance de cette thèse (65) Des Gagniers-Karageorghis, Vases et Figurines, p. 7 où il est suggéré que ces scènes décrivaient peut-être les préparatifs du repas des morts. A propos de rites de mariage en rapport avec le grain, signalons que la coutume de broyer du grain avant le mariage existe encore dans quelques villages chypriotes : les invités doivent chacun à leur tour écraser du grain dans une meule. (66) A. Caubet, 'Terres cuites chypriotes inédites ou peu connues de l'Age du Bronze au Louvre",ÄZX4C 1971, p. 9 et pi. III, I.
48
SCÈNES DE CULTE (CHYPRIOTE ANCIEN)
récipient". Les cinq figures sont coiffées d'une sorte de turban, tout comme les personnages des vases ; elles portent en plus, enroulées autour du cou en deux ou trois tours des sortes de colliers. A l'une des extrémités se tient une femme qui porte un enfant dans ses bras. L'un et l'autre ont des coiffures et des col liers (?) plus ornés que les autres personnages et la mère a des oreilles perforées. En fait, il est possible que nous ayons là une simple scène de la vie domestique, où la maîtresse de maison surveille ses servantes. S' agit -il d'une scène de lessive au lavoir ou de pétrissage du pain ? A vrai dire, l'attitude des personnages au travail rappelle de très près celle des personnages sur les vases. Peut-être s'agit-il du même thème . En tout cas, il ne semble guère plausible que le potier de cette époque ait représenté une scène de la vie quotidienne pour le seul plaisir esthétique ou la curiosité familière de ses clients. Ses créations ne devaient pas être gratuites, elles devaient au contraire répondre à certaines exi gences. Peut-être ces représentations avaient-elles une valeur magique, i nvoquant l'aide divine pour le succès de l'entreprise figurée sur le vase ou le modèle. Cette explication justifierait l'existence de quelques autres représentations curieuses. 3. Représentations de vases et de caniveaux sacrés (?) : Sur deux vases de Vounous parmi les plus anciens sont représentées des installations étranges. Sur l'un (T. 111/8) (67), tout un dispositif de caniveaux et de supports sert d'anse. Le caniveau qui paraît être un tronc d'arbre creusé descend vers l'embou chure du grand vase dans lequel il semble se déverser ; il porte un arceau à sa partie basse. Deux supports le soutiennent ; ces supports fourchus se terminent tous deux par des projections en forme de cornes d'animal. Le tout est orné d'incisions. Sur un autre vase (T. 164 A/ 13), le même thème est illustré d'une façon plus complète (68). Sous l'anse, est représenté en demi -relief un caniveau du même genre reposant sur deux supports dont l'un se termine par des projections en corne d'animal. Une cruche à bec coupé est représentée au-dessus du caniveau comme si elle s'y déversait , le caniveau aboutit à un vase profond à goulot, exacte réplique du grand vase qui porte la représentation. La scène illustre donc l'emploi qui était fait de tels vases, cruches ou vases à panse profonde. Mais pour que cette installation soit repré sentée, il fallait bien qu'elle ait une importance spéciale. D'où l'on conclut que ces installations devaient avoir un certain rapport avec le culte. On se demandera quel liquide pouvait couler dans ce caniveau : était-ce de l'eau ou un liquide autre, une boisson peut-être destinée à une cérémonie sa crée ? Peut-être la représentation avait-elle une signification magique,
(67) Stewart, Vounous, pi. LXXXVI. (68) Id., pi. LXXXVII et LXXXVIII.
49
CHAPITRE II
invoquant la divinité pour le succès de la fabrication d'une boisson ? De même que le grain semble avoir été considéré comme une substance sacrée, la boisson, eau ou boisson fermentée, avait une valeur considérable. Leur abondance dépendait peut-être des forces de fertilité de la nature, ou leur absorption était-elle une garantie de survie ? Le fait est que les vases sur lesquels de telles représentations apparaissent sont considérés comme des vases rituels, car ils sont d'une forme complexe et d'une décoration recherchée (69). Une autre représentation vient renforcer cette inter prétation de telles scènes. Un petit modèle en fabrique rouge polie du Musée du Louvre (AM 957) (70) représente un alignement de grands vases placés sur deux rangs, réunis par quatre ou par deux, de part et d'autre desquels se tiennent, chacun à un bout, un homme et une femme nus aux attributs sexuels bien marqués ; les vases sont de grandes jarres à large embouchure. Cette scène a été interprétée comme une scène rituelle d'une signi fication inconnue pour nous. Le fait qu'un couple aux attributs masculins et féminins bien évidents préside à la scène indique peut-être l'importance de l'élément-fécondité dans toutes les activités humaines assurant la survie de l'espèce. 4. Les scènes de labour : Une scène de labour est représentée sur un fragment de cruche de Vounous (T. 37/9) (71) : l'on y voit un personnage derrière une charrue attelée à une paire de bœufs. La scène rappelle évidemment le modèle complet de la scène de labour qui a été trouvé dans une tombe de Vounous (72), où l'on voit une famille entière en train de travailler aux champs : deux hommes labourent à l'aide de charrues tirées par deux bœufs chacune ; en plus des laboureurs, deux personnages sur la gauche tiennent un objet long rempli de quelque substance, peut-être du grain qu'ils sont en train de semer. Derrière eux se trouve un animal sellé transportant quelque chose, suivi d'un autre personnage. Ces deux scènes sont des représentations de la vie quotidienne ornant des objets destinés à des tombes. Pourquoi des scènes de labour dans des tombes ? Sans doute pour que le mort soit accompagné de ses activités terrestres. On a pensé à une influence égyptienne qui aurait pu donner le goût des illustrations de scènes de la vie quotidienne (73).
(69) Massoni V Chypre, p. 54 : Stewart, SCEW ΙΑ,ρ. 293. (70) Caubet, RDAC 1971, p. 9 et pi. III, 2 : une scène semblable est représentée aussi sur un vase dont il reste deux fragments, CM 1970/VI-26/10, a, b, où des personnages se tiennent debout à côté de vases et de bassins. (71) Dikaios, Vounous, pi. XVIII. (72) Id., p. 127 sqq. et pi. IX et X. (73) Stewart, SCE IV 1A, p. 279. Karageorghis, Civilisation préhistorique p. 72.
50
FIGURES FÉMININES (CHYPRIOTE ANCIEN)
De même que dans les tombes égyptiennes le mort est entouré de repré sentations peintes ou de modèles recréant ses activités terrestres, de même dans les tombes chypriotes du Bronze Ancien, les représentations sur les vases et les modèles perpétueraient la vie du mort. Cependant, l'Egypte n'a pu exercer d'influence aussi directe sur Chypre à cette époque. On peut remarquer aussi que la scène de labour sur la cruche apparaît à la place d'animaux symboles de fécondité (cerfs, oiseaux) et que le modèle complet appartient à une série d'objets qui ont sans doute une signif ication religieuse (modèles de sanctuaires). Le labour et les semailles ne sont-ils pas, autant que les autres activités religieuses représentées ailleurs, liées à la fertilité de la terre ? Peut-être la représentation a-t-elle aussi un sens religieux en rapport avec le culte des forces de la fécondité. Parfois le potier-coroplaste extrait de ces représentations à person nagesmultiples une seule figure qu'il isole et à laquelle il donne de plus en plus d'importance. Cette figure est toujours celle de la femme ou de la mère. C. Les représentations de figures féminines. Au Chyp. Ane. III, le potier se risque à représenter des person nagesdebout sur des vases, cruches ou pyxides, et il représente alors des femmes en longue robe, une femme à l'enfant ou parfois un couple. C'est à cette période qu'il aime ajouter des figurines féminines au sommet de vases composites. Enfin, des idoles plates indépendantes représentant des figures féminines apparaissent dans des tombes. La représentation de la figure féminine devient très importante à cette époque. 1. Les figurines debout sur les vases : femmes en longue robe, couples, mères à l'enfant. Sur une pyxide du Musée de la Fondation Piérides de Larnaca (74), on voit deux personnages en pied ; ce sont deux figurines plates de forme rectangulaire, avec des indications de bras ; la tête est haute et rectangulaire. Des incisions mar quent les yeux, la bouche, le nombril et quelques détails du costume, ainsi qu'un collier. Il semble qu'il s'agisse de femmes en grand costume. Des femmes en grande robe ornent aussi l'épaule d'une grande cruche de Lapithos (75). Elles se tiennent sur une sorte de banc aux extre'mités duquel sont posés une cruche à bec dressé et un bol à pied. Ces femmes pourvues deseins bien marqués sont vêtues d'une longue robe. Elles participent peut-être à une cérémonie religieuse, comme semble l'indiquer la présence de vases rituels (pi. 15, c). Ce pourraient être des idoles déposées sur une table d'offrandes parmi des cruches rituelles plus grandes qu'elles. (74) Karageorghis, Pierides Collection, 9, pp. 102-3. (75) Lapithos T. 4 29/C. 22 :AJA 44 (1940), p. 31, fig. 27.
51
CHAPITRE II
Une cruche de Vounous (AO 17517) au Musée du Louvre porte sur le devant de l'épaule une figure debout en plein relief tenant dans ses bras un enfant dans son berceau à capote (76). La figurine est plate, de schéma rectangulaire et d'exécution maladroite, avec une tête à peine différenciée du corps ; elle est ornée d'incisions marquant sans doute les détails de son vêtement. Le berceau qu'elle porte dans ses bras est de grande dimension comparé à son corps ; il est recouvert d'une capote en forme d'arceau au-dessus de la tête de l'enfant. Ce genre de berceau qui apparaît aussi sur un grand vase de Margi du Musée de la Fondation Piérides (77), fait son apparition au Chyp. Ane. et semble spécifiquement chypriote ; il doit imiter un modèle réel. Le type de la femme à l'enfant devait se répéter dès lors très fréquemment dans l'iconographie chypriote. Le même sujet est représenté sur une pyxide de Vounous (T. 2/91) (78) sous une forme plus évoluée (pi. 12, a). Sur le dessus de la pyxide, de part et d'autre du couvercle, se dressent deux personnages représentés en pied : d'un côté une femme, grande, au corps plat, de forme rectangulaire, avec des bras distincts du corps, des seins bien indiqués, un long cou, une belle tête avec un nez proéminent, des oreilles en relief et des yeux incisés ; de l'autre, un personnage plus petit, au corps cylindrique, avec des bras, des oreilles et un nez en relief. La femme tient dans ses bras un berceau à capote dans lequel on distingue l'enfant qui a une tête semblable à celle de la mère. Il est e'vident que dans cette représentation la mère est le personnage important et elle est vue sous l'aspect de la mère féconde aux seins généreux. Le personnage en face d'elle, plus petit, serait un homme ; il paraît montrer un certain respect à l'égard de la femme, mais le sens profond de la scène nous échappe. Une autre figurine de femme à l'enfant est encore plus expressive (pi. 15, d) (79). De la même période, toujours en fabrique rouge polie, elle devait appartenir à un vase dont elle s'est détachée. La femme est assise sur un siège dont il ne reste que le dessus et elle tient un enfant qui repose sur ses genoux dans un berceau à capote. Elle a une tête carrée avec un gros nez en relief, des yeux, la bouche et les pommettes marqués d'incisions. Elle porte sur la tête une coiffure plate et un collier autour du cou. Ses seins longs et proéminents sont recouverts de petits traits incisés qui décorent aussi le reste de son corps, épaules, bras et cuisses. Cette figurine, assez grande (h. 12 cm) est significative. Elle représente pour ainsi dire la Mère sacrée. On l'a appelée "une des premières madones à l'enfant chypriotes". Il faut bien admettre que la femme a désormais pris beaucoup d'importance dans l'iconographie. Elle apparaît comme un personnage respectable en costume d'apparat, avec robe longue, collier et coiffure
(76) Cl. F. A. Schaeffer, Missions en Chypre (Paris 1936), abrégé par la suite en Missions, p. 34 et pi. XIV. (77) Karageorghis, Pierides Collection, 8, face Β. (78) Dikaios, Vounous, pi. XXXVI. (79) BCH 95 (1971), p. 334 et fig. 20.
52
FIGURES FÉMININES (CHYPRIOTE ANCIEN)
plate sur la tête. Elle a des seins bien marqués. Souvent elle porte un enfant. Que représente donc ce personnage féminin ? Est-ce une simple figure de femme ou de mère prise dans la vie quotidienne ? Mais les vases qui portent de telles représentations sont certainement des vases rituels, de forme élaborée et décorés d'une riche ornementation incisée. La femme représentée serait-elle une prêtresse du culte ou une fidèle en costume de cérémonie ? Ou bien représenterait-elle la divinité elle-même sous les traits de la Grande Déesse ou de la Grande Mère ? C'est à cette même époque qu'apparaissent des vases composites de plus en plus compliqués, certainement cultuels, au sommet desquels sont juchées des figures féminines. 2. Les idoles sur vases à cupules : Le potier de Vounous désireux de créer des vases de culte complexes imagine de réunir plusieurs cupules auxquelles il ajoute une anse (80). Ainsi il fabrique un vase à l'aide de deux cupules reliées par une anse en forme d'idole plate avec une tête aux traits incisés et un corps rectangulaire évidé (Vounous, fouilles Schaeffer, T. 71) (81). Il réunit quatre cupules ou plus par une haute anse rectangulaire en forme d'échelle (82). Il découvre qu'il peut ajouter un grand cou et une tête au sommet de l'échelle ; il ajoute à la tête un nez en relief, des yeux en creux et de larges oreilles percées d'un trou ; sur le cou il dessine des lignes en guise de collier ; sur la tête il pose une petite coiffure plate et le vase prend la forme d'une figure humaine à long cou et tête couronnée (Vounous, fouilles Dikaios, série spéciale 9) (83). Sur un autre spécimen, le potier ajoute à la tête surmontant l'anse un corps qui s'inscrit dans le cadre de l'anse-échelle du vase et qui se termine même par des jambes, disproportionnées au corps (Vounous, série spéciale 10) (pi. 15, b) (84). Enfin le potier peut même compléter l'idole en lui modelant des bras, des seins et un enfant dans les bras (Vounous T. 48/2) (pi. 15, 1) (85), créant ainsi une figure féminine qui fait un avec le vase . Il semble que le potier ait voulu représenter des figures féminines dans chaque cas, figures coiffées d'un polos (?) aux oreilles perforées, qui évoqueraient la Grande Prêtresse ou la Grande Déesse à laquelle ces vases cultuels étaient peut-être consacrés. La figure féminine caractéristique de la culture de Vounous a définitivement pris forme. C'est une figure pro bablement toujours féminine, même quand les seins ne sont pas indiqués, avec un long cou orné de colliers, une tête aux yeux en creux, au nez
(80) (81) (82) (83) (84) (85)
Dikaios, Vounous, pi. XXVI, b, T. 8/91. Schaeffer, Missions, pi. XVII. Dikaios, Vounous, pi. XXVII, a, T. 19/5. Dikaios, Vounous, pi. XXVIII, a, Special series no. 9. Id., pi. XXVIII, b. Id., pi. XXVII, d, T. 48/2.
53
CHAPITRE II
proéminent et aux larges oreilles percées d'un trou, avec, sur la tête, une coiffure ronde et plate, sorte de polos. Elle peut aussi avoir des seins bien marqués et un enfant dans les bras. Son corps peut être orné de motifs incisés qui représentent sans doute les détails du vêtement. On appelle généralement ces figures des idoles (86) sans qu'on puisse savoir si elles représentent des figures humaines ou divines. Le fait qu'elles semblent être en costume d'apparat, avec colliers, vêtement orné et polos, indique peut-être qu'il s'agit là de fidèles ou de prêtresses d'une divinité, sinon de l'image de la divinité elle-même. 3. Les idoles plates : — Types .11 existe aussi des idoles plates du même style, indépen dantes, exécutées dans la même fabrique rouge polie ; elles présentent une ornementation incisée encore plus riche. Elles sont aussi plates qu'une pla quette d'argile. Elles paraissent dater de la fin du Chyp. Ane. III (87). On en a recueilli quelques exemplaires à Vounous (trois) (88) mais la plupart viennent de Lapithos (89) où elles ont été trouvées dans des tombes. Il y avait aussi dans la nécropole de Vounous et celle de Lapithos quelques idoles de même forme découpées dans des plaques de calcaire (90). L'origine de ce type d'idole demeure obscure. Il se peut qu'il s'agisse d'une création locale car on ne voit pas d'influence étrangère directe (91). La forme plate de ces figurines est très originale. L'idole de ce type se présente en effet comme un grand rectangle figurant le corps surmonté d'un rectangle plus petit représentant le cou et la tête. Les détails sont indiqués par des incisions souvent garnies d'incrus tations blanches. La tête a des yeux marqués par un petit trou rond ou plusieurs cercles concentriques, la bouche est indiquée par une cavité ronde ou une ligne incisée mais le nez est en relief. Les différents autres détails du visage sont aussi rendus par des incisions. La chevelure est repré sentée sur le derrière de la tête par des lignes verticales en zigzag tombant bas dans le dos. Sur la tête, l'idole est toujours coiffée d'une coiffure ronde et plate, ornée de motifs incisés. Autour du cou elle a des colliers serrés et sur la poitrine elle en porte d'autres, plus larges, sur trois rangs. (86) Dikaios, Vounous, p. 118 ; Schaeffer, Missions, pi. XX ; SCE IV, 1A, fig. 92 et 93 ; Masson, Chypre A V, p. 56. (87) La dernière date donnée est celle du Chyp. Ane. III dans PGC, p. 161 (1714-16). Stewart datait ces idoles du Chyp. Moy. I-II, dans SCE IV 1A, p. 347, sub Late Human Figurines. La date du Chyp. Ane. Ili a été abaissée : d'abord fixé à la période 2100-2000, il dure jusqu'en 1850 a.C, selon Catling, CAH Cyprus, p. 35 et Karageorghis, KYPROS (Athènes 1974), p. 18. (88) Dikaios, Vounous, pi. LX, 29 et Schaeffer, Missions, p. 34 et pi. XX. (89) SCE I, T. 305A, 306A, 307A, B, 309, 313, 315, 316, 320, pp. 53 et sqq. (90) Dikaios, Vounous, pi. XXXII, a (T. 2/14) ; SCE IV 1A, p. 263, T. 322 D/2, 4) de Lapithos. (91) II n'existe ni en Anatolie ni au Proche Orient de figurines plates de ce type.
54
IDOLES PLATES (CHYPRIOTE ANCIEN)
Sur le corps différentes bandes remplies de motifs géométriques indiquent sans doute le vêtement retenu par une ceinture brodée et bordée d'une large bande (92). Les bras sont rendus par deux lignes obliques qui se te rminent par un rond ou deux ou trois petits points. Les seins sont parfois modelés en relief. Il existe diverses variantes du type. Ainsi l'on trouve (93): a) L'idole plate sans oreilles et sans seins (pi. 16, a) : CM 1935/A5 de Lapithos, T. 21/1913 (Illustré). Un exemplaire d'Alambra, Myres HCC 2001. Un exemplaire de Vounous, Schaeffer, Missions, pi. XX. Quatre exemplaires de Lapithos, T. 313 A/93 et 313 B/20 et 21. (SCE I, pi. XXV et XXVI) ; T. 201 (Myres, BSA XLI, fig. 5201, pi. 26, 2). Un exemplaire d'origine inconnue, Flourenzos, RDAC 1975, pi. II, 1. b) L'idole plate aux oreilles perforées d'un ou deux trous (pi. 16, d-e) : Un exemplaire de Dhenia (?), CM 1963/IV-20/12 (illustré). Un exemplaire de Vounous (?), CM 1933/1-17/1 (Chypre A V, p. 51, V). c) L 'idole plate avec des seins en relief : Un exemplaire de Lapithos, T. 306 A/ 12 (SCE I, pi. XVIII). d) L'idole plate avec un enfant dans les bras ; l'enfant se trouve dans un berceau à capote (pi. 16, c) : Deux exemplaires de Lapithos, T. 307 B/13 et T. 313 B/40 (illustré). e) L'idole à deux têtes réunies (pi. 16, b) : Plusieurs exemplaires de Lapithos : CM A4, T. 18/206 (illustré). T. 14, T. 21 (RDAC 1975, pi. III). Deux exemplaires ont des seins en relief : un au State Historical Museum de Stockholm (SCE IV 1 A, fig. 94, 1) et l'autre au Musée de Chypre, Lapithos T. 14/ AIO (Chypre AV, p. 69, 77). (92) Un répertoire exhaustif des motifs décoratifs utilisés pour rendre l'ornementation des robes a été donné par P. Flourenzos, "Plank -shaped idols", RDAC 1975, fig. 2. (93) Les idoles plates connues actuellement proviennent de l'ancienne collection du Musée constituée par les trouvailles faites à Lapithos par Myres en 1913 (BSA XLI (1946), pp. 78-85, fig. 5), des fouilles suédoises à Lapithos {SCE I, pi. XVIII, 12, XIX, 13, XXV, 40, 93, XXVI 21, 40). D'autres idoles de cette classe sont conservées au Metropolitan Museum of Art of NewYork (Myres, HCC, 2001), au Musée National Danois (Ν. Breitenstein, Catalogue of Terracottas, Inv. nos 6534 et 6535. Il existe quelques exemplaires de ce type au Musée de la Fondation Piérides à Larnaca et une étude de cette classe de figurines a été faite par P. Flourenzos, "Notes on the Red Polished HI plank-shaped idols from Cyprus", RDAC 1975, p. 29-35, pi. II et III. Chaque type est illustré par une représentation et des exemples sont cités pour chaque type, mais les listes ne sont pas exhaustives.
55
CHAPITRE II
f) L 'idole à deux têtes séparées (pi. 1 7, a) : l ustré).
Un exemplaire de Dhenia, T. 1/6 (Buchholz-Karageorghis, PGC, 1716) (i
g) L'idole à trois cous et une tête : Un exemplaire de Lapithos au Musée de Berlin (Bossert, Altsyrien, 107). h) L'idole double représentant deux personnes dans un lit à capote : Un exemplaire de Lapithos, T. 315 B-C, 28 (SCE I, pi. XXX, 28). i) L'idole-berceau (pi. 17, b) : Un exemplaire dans le Musée de la Fondation Piérides, Larnaca (n° 12) (i l ustré). Un exemplaire de Kalavassos (RDAC 194048, p. 133, fig. 16). Ces objets qui sont parfois considérés comme étant des idoles paraissent plutôt être des berceaux à arche abritant (ou non) un enfant. Un exemplaire de la Collection Hadjiprodromou à Famagouste (illustré) montre clairement qu'il s'agit d'un enfant au berceau (PI. 17, f)· Ces idoles sont nombreuses ; elles semblent caractéristiques de la région de Lapithos où il y avait apparemment un centre de fabrication. On a trouvé cependant d'autres exemplaires de ce type à Vounous, Dhenia, Kalavassos. Ces idoles ont toutes été découvertes dans des tombes. Dans la tombe 306 A de Lapithos, l'idole 12 a été trouvée in situ sous la tête de la morte (?) parée d'un collier (94). Les autres idoles proviennent de tombes où l'on a retrouvé comme offrandes funéraires des vases, marm ites, couteaux, aiguilles, fibules, pinces (95). Faut-il en conclure que ce genre d'idole était réservé aux inhumations féminines ? L'idole simple est caractérisée par son costume richement orné se composant apparemment d'une robe longue brodée de motifs géomét riques, bordée d'une bande et retenue à la taille par une ceinture brodée. Sur la tête, elle porte une coiffure ronde (polos ?), décorée de dessins géométriques. La chevelure tombe dans le dos en une longue tresse parfois terminée par un ornement en forme de peigne. Le visage est orné de grou pesde traits incisés sur les joues qui représenteraient un maquillage ou un tatouage. Autour du cou, l'idole porte des colliers serrés et sur la poitrine d'autres colliers plus longs. Plusieurs idoles de ce type ont les oreilles per forées pour l'insertion de boucles de métal ou d'argile. La figurine repré-
(94) SŒI(texte),p.6O. (95) Cf. SCE I (texte), T. 307 A, 307 B, p. 66 (l'inhumation Β paraît être masculine), T. 309, 313 A et B, 315 B-C, 316, 320, etc. p. 70 sqq.
56
IDOLES PLATES (CHYPRIOTE ANCIEN)
sente donc une femme en grand costume d'apparat, en robe longue, tiare et bijoux. Ce même type d'idole s'accompagne parfois d'un enfant au berceau. La femme en grand costume porte sur son bras gauche un petit berceau à arche dans lequel repose un bébé. Il semble qu'on ait représenté aussi le berceau seul contenant le bébé. Le modèle des deux idoles cou chées dans un lit à double arche représente apparemment un couple. Les idoles doubles à un corps et deux têtes sont ambiguës. S'agit-il d'une créature imaginaire correspondant à quelque concept de la conscience populaire ? Les deux têtes en effet paraissent appartenir à un même corps féminin (des seins sont parfois indiqués) vêtu de la robe brodée habi tuelle et orné des mêmes bijoux. Il serait pourtant tentant de voir dans ces images doubles la représentation d'une divinité féminine double, à moins qu'il ne s'agisse d'un hiêros gamos. — Remarques sur la signification de ces idoles plates aux oreilles percées : On avait d'abord pensé que les figurines placées dans les tombes étaient des personnages fictifs, femmes-compagnes qui suivaient le mort dans l'autre monde avec le reste de ses possessions ; peut-être même l'o ffrande d'une figurine féminine au mort aurait -elle remplacé le sacrifice véritable de l'épouse (96). Il faudrait dans ce cas que ce genre de figurine se rencontre exclusivement dans des tombes d'hommes. Au contraire le matériel funéraire des tombes où ont été trouvées de telles idoles paraît indiquer souvent qu'il s'agit d'inhumations féminines. On pourrait penser que ces figurines de femmes en grand costume, de ces mères à l'enfant et de ces couples sont de simples représentations de femmes et de mères, de couples ou d'enfants dans la vie ordinaire. De même que les grands vases de cette époque portent des scènes tirées apparemment de la vie quotidienne, ainsi les différentes figurines auraient évoqué la femme dans ses différentes fonctions : en grand costume de cérémonie sous son aspect le plus beau et le plus orné, ou en tant que mère à l'enfant dans les bras. Le berceau déposé dans les tombes évoquait peut-être la maternité de la femme, une de ses fonctions essentielles. Les représentations de couple couché suggéreraient la vie conjugale des époux. Toutes ces images auraient été en rapport avec la vie quotidienne de la femme et l'offrande de ces représentations ne servait peut-être qu'à recréer autour de la morte les activités de la vie. Il est remarquable que les mêmes scènes sont reproduites sur les grands vases de cette époque en des ensembles plus complexes, où l'on voit des femmes en grand costume debout, auprès de vases de culte, en train d'officier au sanctuaire peutêtre, des femmes portant leur enfant, des couples unis, des naissances. (96) D.G. Hogarth, "Aegean Sepulchral Figurines", Essays in Aegean Archaeology presented to Sir Arthur Evans (Cambridge 1927) p. 55-62.
57
CHAPITRE II
S'il s'agit simplement de représentations de la vie quotidienne, il est frappant que la femme sous ses différentes fonctions soit beaucoup plus souvent représentée que l'homme qui parfois n'apparaît que comme le partenaire secondaire dans le couple (ainsi dans la scène où un petit homme fait face à une forte femme portant un enfant, sur une pyxide de Vounous, T. 2/91). La société aurait donc été de type matriarcal, la femme et la mère jouant le rôle important. Il n'existe aucune représen tationd'homme seul connue à cette époque. Les représentations fémi nines très nombreuses témoignent donc de l'importance de la femme dans la civilisation de cette époque. Si précisément la femme avait cette import ance, c'est en vertu de la fécondité de sa nature. L'acte de procréation, la mise au monde de l'enfant, l'allaitement, les soins donnés par la mère, qui relèvent de l'aspect fécondant de la femme, témoignent de cette puis sance de la femme en vertu de laquelle elle devait être respectée. Les représentations de femmes et de mères si populaires à cette époque prou vent que la fécondité était certainement l'objet d'un culte. Il se peut que ces femmes représentées en grand costume soient des officiantes du culte. A cet égard les deux personnages féminins qui ont été modelés sur la cruche de Lapithos (T. 429 C/22) (pi. 15, c) sont peut-être en effet des adorantes de la divinité : elles se trouvent parmi des objets cultuels sur une sorte d'estrade et elles font un geste caractéristique en soutenant leurs seins de leurs mains. Toutes les figurines féminines si richement ornées de robes brodées et de bijoux peuvent être des fidèles ou des prêtresses. Le port de boucles d'oreilles semble l'apanage de grands personnages ; dans l'enclos sacré de Vounous seuls ont les oreilles per forées le personnage siégeant sur le trône et un autre personnage assis. Il paraît probable que les bijoux n'avaient pas seulement une fonction esthé tique, 'mais aussi religieuse, sortes de talismans peut-être, protégeant le corps, ainsi que dans certaines tribus primitives. En Orient, on trouve de nombreuses représentations de femmes ornées de bijoux, colliers et boucles d'oreilles ; ce sont des représentations de divinités. A Mari en particulier abondaient les images de déesses en longue robe, à boucles d'oreilles et lourds colliers enserrant le cou (97). On sait par les textes mésopotamiens que la Grande Déesse Ishtar était parée de toutes sortes de bijoux, couronne, boucles d'oreilles, colliers, ornements sur la poitrine, ceintures de perles sur les hanches, anneaux aux bras et aux jambes. Lors qu'elle avait voulu descendre aux Enfers, elle avait dû se défaire un à un
(97) K.R. Maxwell-Hyslop, Western Asiatic Jewellery e. 3000-612 B.C. (Londres 1971), p. 85 sqq. et fig. 54, 56 etc.
58
IDOLES PLATES (CHYPRIOTE ANCIEN)
de tous ses ornements, selon la loi de la Dame des Enfers (98). On peut donc se demander si les figurines féminines de Lapithos ne représentent pas des fidèles de la Grande Déesse de la fécondité, des prêtresses ou même la Grande Déesse figurée sous les traits de la prêtresse, ce qui expli querait qu'elles sont d'une taille importante (20 à 30 cm) comparées aux petits personnages des scènes de la vie quotidienne. Ces idoles étaient peut-être déposées dans les tombes pour régénérer les forces de vie du défunt et en perpétuer la puissance créatrice ; c'est ainsi que la Grande Déesse sumérienne Ninkhursag porte aussi le nom de Nintinugga, "celle qui donne vie aux morts". Cependant, même si les figurines chypriotes de cette période représentent la divinité, elles copient très fidèlement des types de femme et de mère réelles de cette époque. Le coroplaste chypriote reste très près de la réalité, s'inspirant de la vie quotidienne, même dans l'expression de ses préoccupations religieuses. L'existence d'idoles à deux têtes vient prouver sans doute que les idoles chypriotes sont des représentations de divinités. On pourrait penser que les idoles à deux têtes sont en fait une représentation de mariage sacré, de même que l'on peut voir des représentations de mariage sacré sur la cruche de Vounous T. 19/10 (pi. 12, b), ou la pyxide de Vounous T. 37/84 (99) ou le modèle de Lapithos T. 315 B-C/28 (100) qui sont en effet très vraisemblablement des représentations de la cérémonie même. Cependant les idoles à deux têtes n'ont qu'un seul corps recouvert d'une seule robe et ne possèdent que deux bras clairement indiqués. Peut-être représentaient-elles une divinité double de la religion chypriote, Grande Déesse à double face, comme il existait dans les religions orientales des divinités jumelles. Il ne semble pas cependant que l'idole à deux têtes du Chyp. Ane. continue la tradition des idoles doubles chalcolithiques en forme de croix, conçues dans un esprit apparemment différent. L'apparition de cette nouvelle iconographie religieuse à Chypre au Chyp. Ane. est peut-être due aux contacts que Chypre a eus vers la fin du Illème millénaire avec l'Anatolie d'une part, et avec la Mésopotamie par l'intermédiaire des ports syriens d'autre part (101). On connaît les
(98) R. Labat et autres, Les Religions du Proche-Orient asiatique (Paris 1970), p. 260 sqq ; en particulier, la descente d'Ishtar aux Enfers : "Lui faisant franchir une première porte, Le portier déposa et emporta la grande tiare de sa tête . . . Lui faisant franchir une seconde porte, II déposa et emporta les boucles de ses oreilles . . . (99) Dikaios, Vounous, pi. XXXV, a. (100) SCE ΙΑ,ρΙ. XXX (28). (101) Cf. Catling, CAH Cyprus, pp. 23 sqq. ; P. Demargne, "Le Maître des Animaux sur une gemme Cretoise du MMI", Mélanges Syriens offerts à M.R. Dussaud, p. 125.
59
CHAPITRE II
petites figurines de bronze trouvées dans les nécropoles d'Horoztepe ou d'Alaca-Höyük ; ce sont des représentations de femmes se tenant les seins ou allaitant leur enfant, nues avec un pubis bien marqué et de grandes oreilles souvent perforées (102). L'offrande de figurines fémi nines dans les tombes se retrouve donc en Anatolie et à Chypre ; mais l'aspect des figurines est différent. La figurine chypriote est vêtue et ornée, évoquant en cela les figurines mésopotamiennes parées de robes et de bijoux. Il est remarquable pourtant que la figurine chypriote reste profondément originale dans son aspect, témoignant aussi d'une religion chypriote populaire puisant à l'expérience quotidienne et vécue du peuple, représentant ses prêtresses ou divinités sous la forme d'humains bien réels. De signification encore ambiguë, (est-ce une déesse, est-ce une femme ?), l'idole chypriote se développera aux siècles suivants en une figurine indubitablement religieuse, véritable idole de fécondité.
(102) K. Bittel, Les Hittites (Paris 1976), p. 46 sqq., fig. 28, 30, 31, 32.
60
TROISIÈME CHAPITRE
L'évolution de l'Idole de Fécondité chypriote : de la figurine plate à la figurine modelée BRONZE MOYEN = CHYPRIOTE MOYEN ( 1850-1600 A.C.)
La culture du Chypriote Ancien s'est prolongée pendant les pre miers siècles du second millénaire a.C. sans qu'aucun changement brutal soit intervenu (1). La civilisation matérielle de l'île s'est conservée, mais elle a perdu sa vitalité créatrice. Graduellement, les régions du Nord ont été abandonnées, tandis que le Karpas, la plaine de la Mésaorie, l'Est et le Sud-Est du pays se peuplaient de nombreux établissements (voir carte pi. II). Cette nouvelle distribution des sites paraît due au développement des relations commerciales de Chypre avec la côte syropalestinienne. Kalopsidha à l'Est de l'île semble avoir été le grand centre de l'époque . Les produits chypriotes et le cuivre en particulier sont exportés au Moyen Orient et les produits orientaux affluent à Chypre (2). La culture chypriote se perpétue à travers cette période d'orientation nouvelle. Elle n'a plus la vitalité qu'elle avait au Chyp. Ane. et elle vit
(1) Catling, Cyprus CAH, p. 35. La datation de la fin du Chyp. Ane. et du commen cementdu Chyp. Moy. a été sujette à diverses fluctuations : la chronologie précédemment ac ceptée plaçait la fin du Chyp. Ane. vers 2100-2000, voir E. Gjerstad, Studies on Prehistoric Cyprus (Uppsala 1926), ci-après Studies, p. 335 : Chyp. Moy. : 2100-1600. Buchholz-Karageorghis, PGC, p. 138 : Chyp. Moy. : 2000-1600. La chronologie actuellement acceptée est : Chyp. Moy. : 1850-1600 ou 1650 a.C, cf. Karageorghis, Civilisation Préhistorique, p. 72. Il y a ainsi une période de flottement de deux à trois siècles entre les deux périodes. D'où la datation imprécise par exemp ledes idoles plates attribuées autrefois au Chyp. Moy. I et à présent au Chyp. Ane. III. (2) Catling, Cyprus CAH, p. 4344 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 72-73.
61
CHAPITRE III
sur elle-même. Bientôt elle sera exposée à des influences extérieures qu'elle ne peut d'abord assimiler. C'est une époque où la culture chypriote cherche maladroitement à s'exprimer selon son propre caractère (3). L'in fluence des civilisations orientales finira par s'imposer. De toute l'iconographie religieuse du Chyp. Ane, seule s'est con servée l'idole féminine qui symbolise sans doute la croyance la plus vivace de la religion chypriote. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DE L'IDOLE FÉMININE AU CHYPRIOTE MOYEN. L'idole chypriote plate de la fin du Chyp. Ane. se transforme tout en gardant ses caractéristiques essentielles. On représente toujours la femme aux colliers et aux oreilles percées, aux seins marqués et aux bras repliés sur la poitrine. On représente aussi la mère à l'enfant au berceau. Mais on expérimente. L'artiste veut donner du volume à la figurine plate, il remplace peu à peu les détails incisés par des formes modelées en relief, il supprime les détails du vêtement, il finit par représenter une femme nue, avec des seins et le nombril bien indiqués, toujours ornée de colliers et de boucles d'oreilles. Il semblerait donc que la figurine ait pris au cours du Chyp. Moy. un caractère sexuel de plus en plus marqué. En même temps, l'artisan essaie différentes fabriques : non seulement, il utilise la fabrique rouge polie habituelle (Red-Polished) pour ce genre de figurines, mais il modèle aussi des idoles dans l'argile ordinaire et il en réalise d'autres en fabrique peinte sur fond blanc (White-Painted). Souvent les essais sont maladroits et les idoles obtenues, laides et grossières. Mais c'est ainsi que prendra forme peu à peu l'idole chypriote caractéristique, nue, aux grandes oreilles percées, qui fleurira au Chyp. Réc. Les différents stades de cette évolution ne peuvent malheureusement pas être datés avec exactitude. En effet, la plupart des figurines du Chyp. Moy. sont de pro venance inconnue, ou, si elles sont d'une provenance connue, elles restent hors de tout contexte. Elles proviennent en effet souvent des fouilles du XIXème s. faites par Cesnola. On peut seulement dire qu'elles sont posté rieures aux idoles plates de 2000-1800 a.C. et qu'elles sont antérieures aux figurines typiques chypriotes du Chyp. Réc. dont les premières que l'on puisse dater apparaissent à la fin du XVème s. a.C. I. LES IDOLES EN FABRIQUE ROUGE POLIE (RED POLISHED). Les idoles perdent désormais leur aspect rigide. Elles s'arrondissent et prennent de l'épaisseur. Certaines ont encore des détails incisés qui r eprésentent le vêtement, d'autre n'en ont plus. Elles ont bientôt des bras modelés en relief et même parfois des jambes. Il semble que l'on puisse distinguer le type de la figurine incisée, qui paraît nue. (3) Id., p. 41-42.
62
FIGURINES MODELÉES (CHYPRIOTE MOYEN)
1. L'idole vêtue : il en existe diverses variantes, du type le plus rudimentaire au type le plus raffiné. a) L'idole incisée, en forme de planche épaisse, au corps grossièrement rectangulaire, avec un rectangle plus petit arrondi pour la tête. Les détails du visage et du costume sont indiqués par des incisions. Ce type de figu rine semble imiter grossièrement les idoles plates de la fin du Chyp. Ane. Ex.SŒIV lB,fîg. 16,2. b) L'idole modelée, en forme de plaquette épaisse avec une tête aussi large que le corps, avec des incisions sur le corps, mais de plus en plus de détails en relief, dont le nez, les oreilles, la coiffure. 1. Exemplaires avec des bras en moignons se détachant du corps : CM 1934/VII18/2 (4), de Skouriotissa : chevelure, colliers et vêtements (?) indiqués par des incisions, nez et sourcils en relief, oreilles perforées de trois trous, seins en relief percés au bout, moignons de bras aux doigts dessinés ; datée du Chyp. Ane. III, elle semblerait plus récente : Chyp. Moy. I (pi. 17, d). Louvre AM 551 bis (5). Chevelure, sourcils, vêtement indiqués par des incisions, coiffures à festons et colliers en relief, bras en moignons. 2. Exemplaire avec des bras en relief repliés sur la poitrine : CM 1968/V-30/594 (6) : yeux, sourcils, bouche, chevelure et vêtement (?) rendus par des incisions ; larges oreilles dans lesquelles sont passées de grosses boucles modelées dans l'argile ; sur la tête, coiffure à festons rendue en relief ; bras en relief repliés sur la poitrine avec les mains sur les seins indiqués par deux trous (pi. 17, c). c) L'idole à l'enfant, au corps rond : Bras détachés du corps tenant un enfant dans un berceau, avec des incisions sur le corps. Louvre AM 1459 (7) : nez et oreilles percées en relief, yeux indiqués par des trous ; bras en relief détachés du corps tenant un berceau à arceau décoré d'inci sions dans lequel se trouve un enfant ; colliers autour du cou rendus par des inci sions, vêtement indiqué au revers de la figurine par des incisions (un pan du vête ment sur l'épaule droite en particulier). Oriental Institute Museum, Chicago, X. 1 1 161 : très bel exemplaire de figurine en plein volume : yeux indiqués par des trous, nez en relief, bouche marquée par une incision au milieu de lèvres en relief, oreilles percées de deux trous, sourcils en relief et décorés de hachures incisées, coiffure conique en relief ; bras en relief aux doigts dessinés portant un berceau à arceau orné d'incisions, seins en relief
(4) (5) (6) (7)
A V Chypre, p. 69 (75-76). Caubet, RDAC 1971, p. 7, pi. II, 1 ab. BCH 93 (1969), p. 460, fig. 44. Caubet, RDAC 1971, p. 8, pi. 11,3.
63
CHAPITRE III
et nombril en relief percé d'un trou (ou organes génitaux ?) ; jambes séparées à la partie inférieure. Incisions sur le cou indiquant les colliers, chevelure rendue par des incisions en zigzag dans le dos, vêtement rendu par des bandes incisées et des coutures incisées sur les côtés. Cette figurine rappelle de très près les idoles plates par tous les détails, mais elle est en plein relief (pi. 16, f). d) Les idoles d'enfants au berceau. L'enfant est couché dans le berceau ; seule la tête dépasse, protégée par un arceau, selon le type bien connu du berceau chypriote du Chyp. Ane. Le berceau est orné d'incisions. Plusieurs exemplaires, dont deux au Louvre AO 22222 et AM 552 bis (8), et un dans la Collection Hadjiprodromou (pi. 17, f)· Le thème de la femme féconde, de la mère, de l'enfant est donc à cette époque plus en faveur que jamais. La vieille idole plate a évolué ; cependant elle a pris un caractère sexuel plus marqué avec l'indication de détails tels que les seins percés au bout, le nombril ou la vulve apparents sous le vêtement même.
2. L'idole nue (?) : Sur d'autres figurines, les incisions ont complè tement disparu et il n'y a plus aucune indication de vêtement. Seuls les détails considérés comme importants sont rendus en relief ; ce sont les détails du visage : nez et bouche, sourcils souvent, oreilles de plus en plus larges et toujours perforées ; la coiffure plate sur le sommet de la tête et les colliers autour du cou et sur la poitrine, comme détails du costume ; les bras en relief et les seins parfois percés, comme détails corporels. De telles figurines donnent l'impression d'être représentées nues, avec leurs seuls bijoux, colliers et boucles d'oreille, qui sont peutêtre des attributs rituels. Peut-être le costume est-il simplement sug géré. a) L'idole en forme de rectangle arrondi, avec des bras en relief sur la poitrine et des colliers en relief : Ex. : Louvre AM 157 (10), très rudimentaire, sans oreilles et sans seins. SCE IV IB, fig. 16, 3 de Ayia Paraskevi : oreilles percées, collier, seins, bras et mains sous les seins, fente génitale.
(8) Id., p. 8, note 1. (9) Les enfants au berceau du Chyp. Moy. sont d'un type moins plat, moins étroit, moins minutieusement décorés que ceux du Chyp. Ane. (10) Caubet, RDAC 1971, p. 7 et pi. II, 2.
64
FIGURINES MODELÉES (CHYPRIOTE MOYEN)
b) L'idole en forme de cylindre aplati, au corps assez haut : oreilles per cées, seins et bras en relief, collier indiqué ou non. Ex. ; SCE IV IB, fig. 16, 4, d'Alambra (1 1). c) L'idole à corps cylindrique, cou plus mince, grandes oreilles percées, bras sous les seins, seins en relief : Ex. : SCEW IB, fig. 16,5. d) L 'idole à bras et à jambes détachés du corps : Un seul exemplaire connu : CM 1938/II-14/1 (12) : nez et sourcils en relief, pas d'oreilles, des moignons de bras et de courtes jambes. Seul détail incisé : plu sieurs rangées de colliers. Provenant d'Akaki. On ne peut savoir si le type de la figurine incisée a précédé celui de la figurine modelée. Il semblerait cependant que les figurines aux nom breux détails incisés soient plus anciennes, étant plus proches de la figu rine plate initiale. Par la suite, le type se serait dégradé, il aurait été plus grossièrement rendu et réduit à ses caractéristiques essentielles, qui seront désormais les seins en relief, les colliers, les oreilles perforées, le nez en relief, la coiffure plate sur le sommet de la tête. D'une part, la féminité de la figurine est plus accentuée, d'autre part, le caractère rituel en est peut-être indiqué par le port de bijoux qui devaient avoir une signification religieuse. II. LES IDOLES EN FABRIQUE PEINTE SUR FOND BLANC (WHITE PAINTED). Les mêmes types de figurines ont été reproduits en fabrique peinte sur fond blanc, d'autant plus fréquemment que cette fabrique s'utilisait de plus en plus au Chyp. Moy. dans la fabrication des vases. Mais les figu rines réalisées dans cette fabrique paraissent en général plus grossières que les figurines en fabrique rouge polie. C'est ainsi que l'on retrouve en fabri que blanche l'idole grossièrement rectangulaire, l'idole double, l'idole aux mains sur les seins, la mère à l'enfant, l'enfant au berceau. a) L'idole rectangulaire copiant le type habituel en fabrique rouge polie : Ex. : SCE IV IB, p. 154, type III, 1 . (11) Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 130 (100) (Metropolitan Museum of Art, 74.51.1544). (12) Dikaios, RDAC 1937-39, p. 201, pi. 41 : 3 ; SCE IV IB, fig. 16, 9 ; BuchholzKarageorghis PGC, 1717.
65
CHAPITRE III
b) L'idole double : Ex. : CM A2 (AV Chypre, p. 70 (80)), de Lapithos : corps rectangulaire et deux têtes, nez en relief, deux yeux en creux et deux perforations aux oreilles. Les seins sont en relief et le corps est décoré de lignes peintes horizontales. c) L'idole aux bras en relief sur les seins : Ex. : CM A25 (AV Chypre, p. 70 (78)), de Lapithos : corps rectangulaire, bras en relief sur les seins (un bras manque), tête haute au nez en relief, oreilles per forées, chapeau pointu, bandes peintes sur le bas du corps. d) La femme à l'enfant : Ex. : Metr. Mus., 74.51.1358 d'Alambra (13), la femme est assise avec un enfant dans un berceau sur les genoux ; elle a les bras levés. Seins indiqués, collier en relief, visage aux traits en relief (nez et sourcils), larges oreilles perforées, coiffure sur la tête. Bandes peintes sur le berceau de l'enfant (pi. 18, a). e) L 'enfant dans un berceau à arceau : L'enfant est couvert, la tête seule dépassant : Metr. Mus. 74.51.1536 de Ayia Paraskevi (14) ; Louvre AO 22223 (15). L'enfant est découvert, jambes et bras écartés : Musée de la Fondation Piérides (16). Les mêmes traits se retrouvent donc dans cette série de figurines en fabrique peinte sur fond blanc qui sont également consacrées à la femme, à la mère et à l'enfant. III. LES IDOLES EN FABRIQUE ORDINAIRE (PLAIN WARE). Les artisans chypriotes ont aussi façonné des idoles dans une f abrique tout à fait ordinaire, d'un type très rudimentaire et pourtant très significatif dans l'évolution de la figurine chypriote. Ces idoles se présen tentcomme des corps cylindriques surmontés d'une tête parfois aussi épaisse que le corps, parfois plus mince, avec un cou bien indiqué (pi. 17, e). Cinq exemplaires de cette série se trouvent dans la Collection K.Severis de Nicosie (1539-1540-1541-1542-1567) (17).
(13) (14) (15) (16) (17)
66
SCE IV IB, fig. 16, 16 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 131 (102). Id., p. 130(101). Caubet,/?£MC1971,p.8)n.l. Karageorghis, Pierides Collection, 14. V. Karageorghis, "Kypriaka \Y\RDAC 1975, p. 58-61.
FIGURINES MODELÉES (CHYPRIOTE MOYEN)
La tête a un gros nez en relief, une bouche incise'e, des yeux rendus par un trou rond entouré d'un pointillé en creux, et des sourcils également marqués par un pointillé. Les oreilles sont très larges et perforées d'énormes trous au nombre de deux ou trois. Le haut de la tête a une forme conique, presque toujours creusée au sommet (pour l'insertion d'un ornement de métal ou de plumes ?). Le corps, cylindrique des pieds au cou, présente des seins en relief très proé minents. Les bras en relief distincts du corps sont rabattus sur l'estomac ou le ventre ; l'une des figurines a les mains croisées- sous les seins, l'autre a les mains posées sur le ventre (pi. 17, e). Au milieu du corps une incision ou un trou profond entouré d'un pointillé en creux doit figurer l'orifice génital ou le nombril. Un collier rendu en pointillé entoure le cou, se prolongeant entre les seins par une sorte de pendentif. Sur un autre exemplaire, une triple verticale en pointillé creux va de la bouche à l'orifice génital (ou nombril), représentant certainement un détail important dont la signification nous échappe. Les jambes sont ébauchées, une incision verticale plus ou moins longue les séparant. Ce genre de figurine très éloignée de l'idole plate de la fin du Chyp. Ane. témoigne d'une orientation nouvelle de la pensée religieuse chypriote ou du moins d'une prise de conscience plus directe des éléments importants de la fécondité, en même temps que d'une capacité d'abstrac tion plus grande. L'idole plate du Chyp. Ane. bien que très schématisée, restait assez proche d'un modèle réel, au point qu'on ne peut décider si elle représente un être humain, fidèle ou prêtresse, ou encore une image de la divinité. Il est presque hors de doute que les nouvelles idoles en faveur au Chyp. Moy. reproduisent l'image de la déesse de la fécondité, de la Grande Déesse qui assure la continuation de la vie. L'image de cette divinité est comme un symbole contenant les éléments essentiels de la fécondité ; ces éléments sont exagérés et idéalisés à la fois. Cette idole, bien que d'aspect cru et grossier, est en fait une image abstraite de la divinité. Les éléments importants de cette image sont les organes sexuels féminins, les seins et la vulve, peut-être aussi le nombril, ainsi que les ornements, colliers et boucles d'oreilles, composantes qui devaient, les unes et les autres, être chargées de signification. La foi en la Grande Déesse de la fécondité semble bien avoir été l'essentiel de la religion chypriote au Chyp. Moy. Elle n'a pas laissé en tout cas d'autres illustra tionsde ses croyances, excepté la représentation d'un modèle de bateau en terre cuite, plein de passagers (Louvre AM 972), parmi lesquels un couple enlacé : elle a été interprétée comme celle d'un voyage dans l'autre monde (18), témoignant de la croyance en un au-delà.
(18) SCE IV IB, fig. 16, 13 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 129 (99).
CHAPITRE III
L'image de cette divinité de la fécondité, nue, avec des colliers, d'énormes oreilles perforées et des caractères sexuels si marqués, s'estelle formée peu à peu, et par elle-même, dans la conscience religieuse chypriote, ou bien a-t-elle été influencée par des modèles étrangers ? Il n'est pas impossible que le type ancien de la figurine se soit modifié sous l'influence de modèles orientaux. On sait que les échanges avec la côte syro-palestinienne ont commencé à devenir importants au Chyp. Moy, II. Précisément à cette époque, en Orient, de la Syrie à l'Iran, on rencontre des figurines aux grandes oreilles percées, nues, aux jambes serrées l'une contre l'autre et aux détails rendus en pointillé sur le corps. Ces figurines orientales datées de 1800-1600 a.C. sont toutes exécutées en fabrique ordinaire blanche (19). Ainsi, il se pourrait que ce soit sous l'influence de ces modèles orientaux que la figurine chypriote ait changé de fabrique et d'apparence, avec des oreilles plus développées, le corps nu orné de bijoux, le nombril ou la vulve bien marqués et entourés de tatouages (?) indiqués par des pointillés, la tête décorée de plumes ou autres ornements ; ces éléments sont en effet caractéristiques des figures orientales. Vers la fin du Chyp. Moy., les rapports avec la Syrie deviennent très étroits et les échanges très importants (20). L'influence orientale en sera d'autant plus forte. L'iconographie religieuse va s'en trouver profon dément modifiée. IV. IDOLE EN FABRIQUE COUVERTE SLIP WARE).
D'ENGOBE NOIR (DARK
Une figurine chypriote de cette époque copie de très près les modèles orientaux en forme de fuseaux et elle annonce déjà le type de la figurine du Chyp. Réc. Cette figurine de la Collection Cesnola (21), actuellement au Metropolitan Museum of Art, 74.51.1537 se distingue des autres figurines de l'époque par sa fabrique inhabituelle pour ce genre d'idole, sa forme en fuseau renflé au milieu du corps, la position des bras écartés du corps et des mains sur les seins. La fabrique dans laquelle elle a été faite est celle qui a été em ployée vers la fin de la période du Chyp. Moy. (fabrique à engobe noir III) dans la fabrication de vases souvent fortement influencés par les formes syriennes (22). L'aspect fusiforme du corps est nouveau dans les figurines chypriotes qui étaient jusqu'alors plates ou cylindriques. Or cet aspect est (19) Cf. Karageorghis, RDAC 1975, p. 61 ; voir pour plus d'exemples M.T. Barrelet, Figurines et reliefs en terre cuite de la Mésopotamie antique (Paris 1968), pi. XXXVI, LXIV. (20) Catling, Cyprus CAH, p. 44. (21) HCC 2004 ; SCE IV IB, fig. 16, 12 ; Karageorghis, Civilisation préhistorique, p. 131(103). (22) Gjerstad, Studies, p. 204.
68
FIGURINES MODELÉES (CHYPRIOTE MOYEN)
caractéristique des figurines orientales à la taille resserrée, aux hanches fortes, aux jambes serrées l'une contre l'autre (23). La position des bras écartés du corps à l'horizontale, plies au coude et revenant sur les seins tenus à pleines mains est souvent celle des figurines syriennes dont les bras ainsi repliés ont fini par ne plus être représentés que par des ex crois ances horizontales triangulaires (24). La silhouette caractéristique de la figurine orientale est celle qui apparaît très fréquemment sur les cylindres de la 1ère Dynastie de Baby lone que l'on date de la période entre le XIXème et le XVIIIème s. a.C. Sur ces cylindres, la déesse nue est souvent représentée ; elle a les bras écartés du corps et les mains sur les seins, la taille mince, les hanches larges, le pubis souvent indiqué, les jambes serrées, mais elle n'a pas les oreilles larges et perforées qui caracté risentplutôt les figurines en terre cuite (25). En bref, il paraît évident que la figurine chypriote imite un modèle oriental. Tout en imitant des modèl es étrangers, elle garde cependant certains éléments de la tradition chy priote : le visage au gros nez, les oreilles percées et la décoration incisée sur le corps. Il n'y a que très peu de figurines du Chyp. Moy. et surtout de la fin du Chyp. Moy. qui nous soient parvenues, ce qui ne nous permet pas de juger de l'évolution qui a abouti à la figurine si caractéristique du Chyp. Réc, qui fleurira après 1450-1400 a.C. et qui témoigne encore d'une plus forte influence orientale. L'idole féminine de la fin du Chyp. Ane. a donc survécu et même prospéré pendant les deux à trois siècles du Chyp. Moy. qui restent obs curs et assez pauvres en matériel. Née dans le nord de l'île, elle s'est r épandue dans le centre et à l'Est, au fur et à mesure que la population s'ins tallait dans de nouvelles régions. Ayant subsisté d'un bout à l'autre d'une période incertaine, elle exprime sans doute la croyance profonde de la population chypriote aux forces de fécondité. Des influences venues d'Orient ont aussi renforcé le fond religieux chypriote. La figurine n'est peut-être qu'un très modeste objet à valeur magique, servant de talisman et nous ignorons sans doute tout de l'essence même de la religion chy priote ; mais elle reste le témoignage de la croyance populaire aux forces de fécondité. Cette humble figurine, maladroite et grossière, va continuer à se développer à travers les siècles, et deviendra au Chyp. Réc. la figurine de fécondité par excellence. (23) W.F. Albright, "Astarte Plaques and Figurines from Tell Beit Mirsim", Mélanges Syriens offert à M.R. Dussaud (Paris 1939), p. 107 sqq. ;Bossert, Alt syrien, p. 193, nos628, 629, 630. (24) Albright, Mélanges Syriens, p. 108. (25) Exemples dans M.L. Volleinweider, Catalogue raisonné des Sceaux, Cylindres et Intailles, Musée d'Art et d'Histoire de Genève, vol. I (Genève 1967), p. 21, pi. 38, 3, 5, 6 ; p. 23, pL 42, 6, 7,8.
69
QUATRIÈME CHAPITRE
L'épanouissement de l'Idole de Fécondité chypriote : ou l'image populaire de la Grande Déesse chypriote orientale dans toute sa gloire.
Premiers contacts avec le monde égéen.
FIN DU CHYP. RÉC. I - CHYP. RÉC. II (1500-1200 a.C.)
Le XVIème et le XVème siècle n'ont guère laissé de trace des croyances religieuses des habitants de l'île. On ne retrouve aucune figurine qui puisse être datée avec certitude des XVIème-XVème s. a.C. Cette rareté de documents est probablement due à la pauvreté de l'iconographie religieuse à la fin du Chyp. Moy. et au début du Chyp. Réc. C'est vers la fin du XVème s. a.C. que les premières figurines du Chyp. Réc. semblent apparaître. Entre temps (1), Chypre avait continué à commercer avec la Syrie du Nord, la Palestine et l'Egypte, et, exploitant le cuivre de son sous-sol, s'enrichissait. L'éloignement des Hyksos et l'avènement de la XVIIIème Dynastie en Egypte avaient contribué à instaurer une ère de paix et de sécurité en Méditerranée orientale qui ne pouvait que favoriser les échanges commerciaux et culturels. Chypre avait donc été d'abord sou mise à une forte influence orientale sous l'effet de relations commerciales accrues avec le Levant et l'Egypte. Cependant, l'île se peuplait de nom-
(1) Sur l'historique de cette période, voir Catling, Cyprus CAH, p. 49 sqq. Sur la pré sence mycénienne à Chypre, voir dans Acts of the International Archaeological Symposium "The Mycenaeans in the Eastern Mediterranean" (Nicosie 1973) ci-après Acts, S. Hood, "Mycenaean Settlement in Cyprus and the coming of the Greek", p. 40-50 ; K. Nicolaou, "The first Mycenaeans in Cyprus", p. 51-60 ; K. Spyridakis, "The Mycenaeans in Cyprus", p. 62-67.
71
CHAPITRE IV
breux établissements (voir carte pi. II), développait sa propre culture, ex ploitait son cuivre et produisait de nouvelles techniques. En céramique, une nouvelle fabrique se répand, la fabrique dite Base-Ring, fabrique de vases à base annulaire, qui est caractéristique du Chyp. Réc. Vers 1450 a.C, les Mycéniens, s'aventurant vers la Méditerranée orientale, touchent Chypre, d'abord comme commerçants, puis comme colons. Leur présence se fait sentir dans l'île au XlVème s. et dans la première moitié du XlIIème s. a.C. C'est dans ce contexte qu'apparaissent les nouvelles figurines de fécondité. D'une part elles semblent différentes des figurines du Chyp. Moy., d'autre part, elles en ont gardé certains aspects : elles ont les mêmes oreilles perforées, les seins nus, l'enfant dans les bras. On peut penser que les figurines du Chyp. Réc. continuent la tradition chypriote, une tra dition chypriote régénérée par un apport extérieur (2). I. LES FIGURINES FÉMININES EN FABRIQUE BRUN FONCÉ-NOIR DITE "BASE-RING". Il existe un très grand nombre de ces figurines au caractère de fécondité nettement marqué (3). Elles sont faites dans une fabrique carac téristique de la civilisation matérielle du Chyp. Réc. qui a commencé d'être utilisée au début de cette période, soit dans la seconde moitié du XVI ème s. a.C. C'est une fabrique assez dure, d'une couleur brun foncé ou gris-noir selon la cuisson, souvent employée dans la fabrication de vases à base annulaire, d'où son nom. Beaucoup de ces figurines sont de prove nance inconnue et de datation incertaine, mais celles qui ont été trouvées dans un contexte l'ont été dans des tombes sur tous les sites du Chyp. Réc. à partir du Chyp. Réc. II. Elles avaient donc une fonction funéraire. Ces idoles ont toutes la même allure fusiforme que leur donnent leurs hanches très larges et leurs jambes resserrées, le ventre orné de motifs incisés et des seins très développés. Mais elles diffèrent par la tête. Certaines ont une tête à grand nez et de grandes oreilles perforées garnies de grosses boucles ; on les a appelées "figurines à tête d'oiseau". D'autres ont une tête plus humaine plate et des espèces de petites oreilles rabattues. Ainsi on les di vise en deux groupes.
(2) L. Âstrom, Studies on the Arts and Crafts of the Late Cypriote Bronze Age (Lund 1967) (abrégé par la suite en Studies) p. 1 12. (3) Pour une liste de tous les exemplaires qui ont été publiés, voir L. Âstrom, op.cit., p. 40-42, qui en cite plus d'une centaine ; A. Caubet publie quelques autres exemplaires inconnus ou peu connus du Musée du Louvre dans RDAC 1971, "Terres cuites chypriotes inédites ou peu connues de l'Age du Bronze au Musée du Louvre", p. 9-1 1, pi. IV.
72
CHYPRIOTE RECENT I-II
Type A : Les figurines à tête d'oiseau et grandes oreilles ornées d'an neaux : Elles sont extrêmement nombreuses, mais le type général est constant. On en a retrouvé sur tous les sites : Dhali, Katydhata, Ayia Paraskevi, Nikolidhes, Kythrea, Maroni, Hala Sultan Tekke, Alambra, Kourion, Enkomi, Yaloussa (4) (voir carte pi. II). 1. Description : Ces figurines devaient être posées sur le dos. Elles se présentent comme des figures féminines aux hanches très larges et aux seins pointus très proéminents. Elles ont sur le bassin un grand triangle couvrant tout le bas-ventre, délimité sur ses trois côtés par deux ou trois lignes parallèles et garni d'incisions en forme de zigzag, traits courts obli ques, arête de poisson, pointillé grossier. Ce détail représente soit le triangle pelvien comme symbole de fécondité, décoré pour des raisons rituelles, soit un vêtement (5) ; il semble plutôt qu'il s'agisse là du pubis. Sur le corps, on remarque d'autres lignes incisées au niveau de la taille sur certains exemplaires (6) et parfois deux lignes sur la poitrine se croisant entre les seins (7) ; ces lignes peuvent représenter des ornements, chaînes, ceintures, bandes. Autour du cou, les figurines ont toutes des colliers, rendus par deux ou trois lignes incisées. Enfin, elles sont toutes caracté riséespar un visage si étrange qu'on les a nommées figurines à tête d'oiseau ou de perroquet : un énorme nez, long et crochu, des yeux qu'on a décrits comme des yeux en grain de gingembre, faits d'une pastille ronde entourée d'un cercle en creux, puis d'un anneau en relief, et surtout d'énormes oreilles aussi hautes que la tête même, percées de deux ou trois gros trous,
(4) Cf. liste et provenance dans L. Âstrom, Studies, p. 41-42, Types II, 2-3 et liste indicative chez A. Caubet, RDAC 1971, p. 11, note 1. Les principaux ouvrages dans lesquels on trouve des références et des illustrations de ces figurines sont : Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art dans l'antiquité, Tome III (Phénicie-Chypre) et History of Art in Phoenicia and Cyprus (1885) ; M. Ohnefalsch-Richter, Kypros, die Bibel und Homer (1893) ; J. Myres et M. OhnefalschRichter, A catalogue of the Cyprus Museum (Oxford 1899) ; Murray et autres, Excavations in Cyprus (1900) (fouilles d'Enkomi et de Kourion) ; H.B. Walters, Catalogue of the Terracottas in the British Museum (Londres 1903) ; R. Dussaud, Les Civilisations Préhelléniques (Paris 1914) ; J. Myres, Handbook of the Cesnola Collection. . . (New-York 1914) ; SCE I (1934), Fouilles d'Enkomi ; P. Dikaios, A Guide to the Cyprus Museum (3ème éd. Nicosie 1961) : Archéologie Vivante, Chypre, n° 3 (1969), ph. 82 et 83 ; A. Caubet, RDAC 1971, pi. IV ; P. Dikaios, Enkomi I (Mainz 1971). (5) Perrot et Chipiez, History of Art in Phoenicia II, pp. 148-9, interprètent ces motifs incisés comme la représentation d'un vêtement. Walters (BM Cat. Terracottas) parle de pubis indiqué par un triangle garni d'incisions (A2, AIO, All etc.) ; de même, L. Âstrom, Studies p. 40 sqq. ; A. Caubet, RDAC 1971, p. 10 sq. (6) Par ex. Buchholz-Karageorghis, PGC, 1723 ; Murray, Excavations, tombe 67, no 1087, fig. 65 ; Caubet, /?A4C 1971, pi. IV, 3, 4, 7. (7) Par ex. Bossert, Altsyrien, 115; Buchholz-Karageorghis, PGC, 1722; Caubet, RDAC 1971, pi. IV, 3, AO 2407, provenant de Tyr, mais d'origine probablement chypriote.
73
CHAPITRE IV
dans lesquels étaient passés d'épais anneaux en terre cuite dont certains subsistent encore en place (8). Sur un exemplaire connu, la figurine a un anneau passé dans les narines (9). 2. Typologie : La position des bras varie. Le modèle le plus fréquent a les bras repliés sur la poitrine avec les mains qui tiennent les seins. Mais il arrive que la figurine tienne un enfant dans les bras, ou plus rarement un objet. Ainsi on peut distinguer des variantes du type : a) La figurine aux mains sur les seins : BM A 15, Enkomi T. 93 (BM Cat. Terracottas, A. 15). b) La figurine aux mains entre les seins : Musée de Berlin, Dhali. (Bosse rt, Altsyrien, 115). c) La figurine aux mains au-dessus des seins : Dhali (Cesno la, Cyprus, p. 164 (centre). d) La figurine aux mains sous les seins : Collection Hadjiprodromou, Famagouste (pi. 20, b), de Ayios Iakovos. e) La figurine aux mains sous les seins de part et d'autre d'un double cercle incisé : Cet objet a été interprété comme un nombril placé trop haut, mais peut représenter un objet rond. Alambra (Perrot et Chipiez, History of Art in Phenicia Fig. 99). f) La figurine aux mains sur les hanches : Metr. Mus. (HCC 2009). Collection Hadjiprodromou, de Psillatos. g) La figurine portant un enfant sur son bras gauche (type le plus fréquent) : L'enfant est très maladroitement représenté avec une tête à gros yeux sem blable à celle de la mère. Il est tenu à la verticale, sur le côté gauche du corps de la mère. Ses bras et parfois ses jambes sont indiqués, avec les doigts des mains et quelquefois des pieds grossièrement dessinés, de la même façon que ceux de la mère. L'enfant a souvent le bras droit passé derrière le cou de sa mère et le bras gauche posé sur sa poitrine : CM 1964/IX-8/8 (pi. 20, a) ; Metr. Mus. (HCC 2013) ; BM (Cat. Terracottas A2 (de Kourion), A 10-1 4 (d 'Enkomi). Parfois l'enfant est tenu sur la poitrine et non sur le côté par la mère : BM (Cat. Terracottas All). Parfois le nombril de la mère est indiqué : CM 1934/IV-27/23. Quelques mères sont représentées en train d'allaiter leur enfant : CM A 61 et 1968/V630/596. (8) Par ex. Buchholz-Karageorghis, PGC, 1723. (9) Cat. Cyprus Museum, 465, de Kythréa.
74
CHYPRIOTE RECENT III
h) La figurine ayant un oiseau dans les bras : L'oiseau est représenté avec les ailes grandes ouvertes ; la femme le tient à plat sur sa poitrine, ses deux mains posées sur le corps de l'oiseau. BM (Cat. Terra cottas A2) de Kourion. Probablement aussi Louvre AO 22224 (RDAC 1971, pi. IV, 7) (10). i) La figurine portant un objet rond qu'elle tient de ses deux mains : L'objet a été interprété comme étant un tambourin (11). Louvre ; Collection Feuardent (RDAC 1971, pi. IV, 4). j) La figurine portant un objet (vase ?) ( 1 2) : Louvre ; Collection Feuardent (Perrot et Chipiez, History of Art II, fig. 98), d'Alambra. Il existe sans doute d'autres variantes du même type, mais les types principaux sont : La figurine aux mains sur les seins (type fréquent). La figurine aux mains sur les hanches. La figurine à l'enfant (type très fréquent). La figurine tenant un oiseau ou un objet (type très rare). 3. Datation de ces figurines : La datation est incertaine. Beaucoup sont sans provenance ou ont été trouvées hors de tout contexte. Les premières datables sont celles qui ont été découvertes à Enkomi dans des bâtiments ou des tombes. a) Deux fragments ont été mis au jour dans le bâtiment du niveau IIA : l'un (figurine de femme à l'enfant, 1818) faisait sans doute partie du mat ériel rituel enterré dans les fondations, l'autre a été trouvé dans une salle du bâtiment qui était peut-être un atelier de travail du cuivre (femme aux mains sur les seins, 4509/1 (13) (soit 1425-1400 a.C).
(10) A. Caubet, RDAC 1971, p. 11, décrit cette figurine comme représentant une femme à l'enfant. Mais d'après l'illustration qui en est donnée, pi. IV, 7, il semblerait plutôt qu'elle tienne un oiseau aux ailes ouvertes, d'un type semblable à celui qu'on voit dans les bras de la figu rine de Kourion (BM Cat. Terracottas, A 2, illustré dans Murray, Excavations, p. 70, fig. 106). (11) Caubet, ÄZX4C1971, p. 11. (12) Perrot et Chipiez, History of Art II, p. 148. (13) Dikaios, Enkomi I, p. 38 et p. 240, pi. 127, 20, 21, 47). Ces figurines sont acé phales, mais la figurine 1818 à l'enfant ne peut être que du premier type, puisqu'il ne se rencontre pas de figurines du 2ème type à l'enfant.
75
CHAPITRE IV
b) D'autres figurines ont été recueillies dans des tombes : une figurine dans la tombe 91 des, fouilles anglaises d'Enkomi (1284) a été trouvée avec un vase de style Myc. IIIA : 2 et deux autres dans la tombe 67 avec un autre vase mycénien de même style (soit 1400-1300 a.C.) (14). c) Certaines de ces figurines ont été exportées de Chypre au Moyen Orient. On a trouvé deux exemplaires du type de la figurine aux mains sur les seins à Tell Ta'annek, dont l'un serait à dater du XVème s. a.C. (15). Deux têtes appartenant à des figurines de ce groupe auraient été découv ertes à Tell Abu Hawam dans des contextes des XIV-XIIIème s. a.C. (16). Il semblerait donc que ce type de figurine soit apparu au XVème s. (Chyp. Réc. I : 1550-1400) et ait été florissant surtout aux XIV-XIIIème s. a.C. (Chyp. Réc. II : 1400-1200). Le caractère oriental de ces figurines qui trahit certainement une influence venue d'Orient indiquerait aussi une date assez haute, fin du Chyp. Moy. — Chyp. Réc. 1(17). 4. Influences orientales discernables dans la figurine chypriote aux larges oreilles percées : On s'accorde en général à reconnaître une influence orientale très nette dans ces figurines qui dérivent, dit-on, du type mésopotamien du 3ème millénaire. L'iconographie aurait d'abord été influencée au Chyp. Ane. III — Chyp. Moy., puis de nouveau au Chyp. Réc. (18). En effet, la figurine chypriote présente des ressemblances frappantes avec les figurines syriennes trouvées sur les sites de la région d'Alep. Elle évoque aussi la "déesse nue" qui apparaît sur les cylindres de la Première Dynastie Babylonienne. a) L'allure générale en forme de fuseau est caractéristique des figurines syriennes, ainsi que de la figurine nue représentée sur les cylindres babyl oniens. Cette forme semble avoir été fidèlement copiée par l'artiste chy priote. Les hanches larges et les jambes serrées l'une contre l'autre sont devenues un des traits marquants de la figurine chypriote. (14) Murray, Excavations, fig. 65 et 70 ; pour la datation du vase BM C339, voir A. Furumark, The Mycenaean Pottery, Analysis and Classification (Stockholm 1941), p. 237 sqq. fig. 25, 1 et pour celle du vase BM C403, voir id., p. 244 sqq., fig. 27,4. (15) Albright, Mélanges Syriens, p. 110 ; Stew art, Hand b. Nicholson Museum, p. 155-6 ; Aström, Studies p. 112, sans référence à la datation. (16) Stewart, Handb. Nicholson Museum, p. 155-6 ; Äström, Studies p. 112. (17) Cette classe de figurines avait été datée de 1600-1400 par Albright, Mélanges Syriens, p. 110 ; du Chyp. Réc. I par Stewart, Handb. Nicholson Museum, p. 155 ; du Chyp. Réc. II par Aström, Studies, p. 112 et dans Buchholz-Karageorghis, PGC, 1722-1723 (La figurine 1722 a été trouvée dans une tombe datée par les vases qu'elle contenait du Chyp. Réc. II, BCH 90 (1966), fig. 48, p. 317). (18) Aström, Studies p. 112 : "Nous voyons ici comment les Chypriotes ont emprunté au Chyp. Moy. un type oriental ancien, l'ont repris au Chyp. Réc. II, en lui donnant un caractère chypriote propre".
76
CHYPRIOTE RÉCENT I-II
b) Le visage de la nouvelle figurine chypriote a emprunté, semble-t-il, beaucoup de traits à la figurine orientale : le nez long et volu mineux et, surtout, les yeux faits de grosses pastilles avec la pupille ronde au centre. Les oreilles très larges et perforées sont aussi un élément carac téristique des figurines syriennes. Mais les figurines chypriotes du Chyp. Ane. III et du Chyp. Moy. avaient déjà les oreilles percées. Ou bien la tradition du Chyp. Ane. III s'est maintenue ou bien il y a eu réemprunt à la fin du Chyp. Moy. ou au Chyp. Réc. c) L'ornementation de la figure chypriote rappelle de très près celle des figures syriennes. Les figurines orientales ont toujours un triangle orné sur le bas ventre représentant le pubis. C'est maintenant la règle aussi sur les figurines chypriotes. Le nombril toujours marqué sur les figurines syriennes apparaît de plus en plus fréquemment sur les figures chypriotes. Certaines figurines chypriotes ont des lignes croisées entre les seins que les figurines syriennes portent constamment et qui doivent représenter des bijoux, des chaînes ou des bandes. Les figurines syriennes ont parfois des boucles passées aux oreilles, faites d'un fil d'or véritable, des colliers en bronze autour du cou et même, dans un cas, une perle d'or en guise de nombril (19). Les figurines chypriotes ne portent qu'une ornement ation symbolique, mais ces ornements représentent sans doute des bijoux ou autres détails du costume à la mode orientale. L'influence orientale paraît évidente. Cependant, les modèles orientaux que l'on cite sont bien antérieurs aux figurines chypriotes. Les cylindres babyloniens datent du temps de la 1ère Dynastie, soit de la période qui s'étend du XIXème au XVIIème s. (20). Quant aux figurines syriennes qui ont été découvertes dans la Syrie du Nord et en particulier dans la région d'Alep, près de Hama, elles sont en général datées de la fin du 3ème millénaire, ou du début du 2ème (21). D'autres sont attribuées d'une façon assez vague au 2ème millénaire ou même au milieu du 2ème millénaire (22). De nombreux exemplaires sont connus, mais beaucoup ne sont pas datés (23). Ainsi il est difficile d'établir avec certitude les rap ports possibles, et la date de ces rapports, entre l'iconographie orientale et (19) Pour les figurines syriennes, voir dans Bossert, Altsyrien, p. 193, 628-631 (628 a un collier en bronze) ; pour le détail des bijoux, voir Maxwell-Hyslop, Western Asiatic Jewelry, p. 162 et pi. 126. (20) Volleinweider, Catalogue des Sceaux, Cylindres, Intailles, Musée de Genève, p. 2124. (21) Bossert, Altsyrien, 628, second millénaire a.C. 629, id., 630 (de Hama), ca. 20001750 ; Albright, Mélanges Syriens, p. 109, fin du Illème-début du Ilème millénaire ; au Musée d'Alep, figurines de Hama, datées du milieu Illème - début Ilème millénaire a.C. (22) Maxwell-Hyslop, op. cit., figurines de Amlash, figurines d'Iran, figurines syriennes datées de la période autour du XVème s., p. 162. (23) Albright, Mélanges Syriens, p. 109, note 5.
77
CHAPITRE IV
l'iconographie chypriote. Il est pourtant certain qu'une influence a com mencé à s'exercer peut-être dès la fin du Chyp. Ane, certainement vers la fin du Chyp. Moy. et de nouveau au Chyp. Réc. On a la preuve que des objets cultuels étaient apportés de Syrie, car on a trouvé dans une tombe du Chyp. Réc. I-II à Milia une figurine d'Astarté en verre moulé, d'un type fréquent en Syrie-Palestine (24). La figurine est du type habituel lement représenté sur les plaques d'Astarté. Cet objet d'importation occupait sans doute la place dans la tombe d'une figurine chypriote ordinaire et remplissait les mêmes fonctions. Donc la figurine chypriote équivalait plus ou moins à une image d'Astarté. 5. Signification de la figurine aux oreilles percées du Chyp. Réc. : Pour Myres (25), la figurine aux mains sur les seins évoque certes l'attitude de l'Astarté orientale, mais la figurine à l'enfant ou à l'oiseau représente plutôt la fidèle, l'adoratrice humaine qui s'identifie avec la divinité. Toutes les figurines trouvées dans un contexte connu l'ont été dans des tombes et la signification funéraire de ces objets est évidente. Elles continuent d'ailleurs la tradition chypriote qui remonte au Chyp. Ane. III, sinon au Chalcolithique. On déposait dans les tombes une image de déesse de la fécondité pour perpétuer les forces de vie. Les figurines du Chyp. Réc. ont un caractère de fécondité si marqué qu'elles repré sentent sûrement une divinité des forces de vie. La figurine à l'enfant, reproduction concrète de la déesse-mère, est plus fréquente à Chypre qu'en Orient, selon une tradition chypriote bien établie. Dans le cas de la figurine à l'oiseau, l'oiseau peut être l'attribut de la divinité ; la colombe était déjà le symbole de la déesse à Vounous au Chyp. Ane. III. Il est plus difficile d'interpréter les figurines qui portent des objets comme des ima ges de divinité ; pourtant elles ne paraissent pas représenter non plus de simples mortelles. Les figurines de ce groupe sont caractérisées par une tête si étrange qu'elle n'a plus rien d'humain. Tous les éléments premiers, empruntés ou non aux figurines orientales, ont été exagérés : le nez et les yeux sont énormes, les oreilles plus démesurées que jamais. La tête ainsi obtenue ressemble à une tête d'oiseau, d'où le nom que l'on a donné à ces figurines. Est-il possible que l'artiste chypriote ait consciemment voulu donner à la figurine des traits étranges évoquant la divinité ? Certains historiens modernes des religions seraient prêts à retrouver sous de telles images des représentations de la déesse-oiseau qui a hanté la conscience des hommes des époques néolithique et chalcolithique aussi bien que des
(24) Âstrom, Studies, p. 55 et p. 124, fig. 69. (25) HCC, p. 336.
78
CHYPRIOTE RÉCENT I-II
hommes de l'époque historique, puisqu'Athéna même apparaissait aux Anciens sous les traits d'un oiseau et qu'Aphrodite était associée à l'oie ou la colombe (26). Mais rien ne permet de tirer aucune conclusion. Les seules représentations religieuses au Chyp. Réc. sont ces figu rines et les scènes gravées sur des cylindres. Aucun texte chypriote ne nous renseigne sur le contenu de cette religion, ni sur le nom de la divinité. Il se peut que ces figurines aient été de simples objets rituels, quelque peu magiques, doués de vertus prophylactiques et adjuvantes. Ces figurines, sortes d'amulettes, auraient sauvegardé les forces de vie. Utiles aux vivants en cas de maladie, d'accouchement ou de danger, elles accompagnaient aussi les morts, garantissant peut-être leur survie ou le renouvellement des forces vitales. Il est possible qu'aucune mythologie ne leur ait été attachée. Il est possible qu'elles appartiennent à la famille des divinités orientales de la fécondité adorées sous différents noms : Ishtar ou Inanna en Mésopotamie, Hathor-Isis en Egypte, Anat et Asherah en Syrie-Palestine, Astarté ou Ashtaroth en Phénicie (27). On connaît la mythologie qui est en rapport avec ces divinités par les textes sumériens et akkadiens, les textes des Pyramides et les textes d'Ugarit (28). Ces divinités, sous leurs divers noms, étaient en fait des déesses de la fécondité, responsables du maintien de la vie chez les humains comme dans la nature. Elles étaient à la fois mères et épouses, célébrant leurs noces avec leur fils qui était aussi leur amant. Le mariage sacré était célébré périodiquement afin d'assurer le renouvel lementdes forces de vie. Mais bientôt la déesse pleurait la disparition de son époux, qui correspondait au déclin des forces de la nature. Alors elle courait le monde et descendait même sous terre à la recherche de son bien-aimé. Pendant son absence, la terre dépérissait. Lorsqu'elle revenait à la lumière, la prospérité revenait sur terre. C'est ainsi qu'Ishtar, la grande figure féminine du panthéon akkadien, la déesse de l'amour, amante, sœur, épouse, mère de plusieurs dieux, source de toute vie et de toute fécondité, déesse virile des batailles et sage souveraine des dieux et des hommes, était descendue aux Enfers pour y rechercher Tammouz (29). Dans le Panthéon d'Ugarit, il y avait plusieurs déesses parmi les
(26) G imbutas, Gods and Goddesses, p. 147-9. (27) Deshayes, Les Civilisations de l'Orient Ancien, p. 238-240 ; James, Myth and Ritual, p. 113 sqq. (28) Le mythe de Tammuz-Ishtar est relaté dans les textes religieux d'Ur datant de la fin du Illème millénaire. Les textes religieux égyptiens étaient inscrits sur les murs des cinq Pyra mides de Sakkara qui datent du IHème millénaire. Les textes d'Ugarit sont des tablettes apparte nant aux archives des temples ; elles datent du second millénaire ; cf. James, Myth and Ritual, p. 44-7 et Labat, Religions, p. 356 sqq. (29) Labat, Religions, p. 227 sqq. ; et en particulier, le poème "La descente d'Ishtar aux Enfers", op. cit., p. 259-265, cf. p. 59 ci-dessus, note p. 98.
79
CHAPITRE IV
dieux : la déesse-mère Athirat, "La Dame", épouse du dieu El, Génitrice des Dieux, et Déesse de la Mer ; Anat, sœur et amante de son frère Baal, déesse de la fécondité, de l'amour et de la fertilité de la terre ; elle défend Baal contre ses ennemis, le cherche désespérément lorsque Mot le poursuit pour le tuer ; enfin Ashtart, une déesse de la fécondité et de la fertilité, souvent appelée Ashtart-Nom de Baal, associée au dieu (30). Dans le panthéon ougaritien, ces trois déesses se partageaient le rôle de déesse de la fécondité, mais Anat tient parmi elles le rôle le plus important, étant "Anat du Champ, Anat des Labours, Anat, parente des peuples, Anat, puissance de vie". Or on sait que Chypre entretenait des rapports étroits avec Ugarit, grâce auxquels elle a dû entrer en contact avec les religions orientales, si elle ne pratiquait pas déjà depuis longtemps une de ces religions. Ou bien Chypre connaissait depuis des siècles une mythol ogieanalogue à celles des mythologies mesopotamienne ou syrienne, ou bien elle est entrée en contact avec ces religions au Chyp. Réc. Une ta blette d'Ugarit du XlIIème s. a.C. fait mention des dieux d'Alasia : "Baal, Sapas, Attort et Anat, tous, dieux d'Alasia" (31). On ade bonnes raisons de penser qu'Alasia représente une cité de Chypre, sinon l'île entière. Les noms des divinités mentionnés par la tablette sont ougaritiques, et appartiennent en tout cas au panthéon oriental. Ces noms seraientils la transcription de noms de divinités locales ou les noms de divinités apportées par des immigrants sémitiques ? Il est certain en tout cas qu'à partir du Chyp. Réc. la religion chypriote a dû être exposée à diverses influences : une influence venue de la Grèce continentale, avec les colons mycéniens qui arrivent à Chypre à partir du XlVème s. a.C. Or on rencontre à Chypre d'autres figurines au Chyp. Réc. II, qui paraissent moins orientales et témoignent sans doute d'autres influences. Type Β . Les figurines à tête plate et petites oreilles . Elles sont, de même que les figurines à grandes oreilles, très nomb reuses et se rencontrent sur la plupart des sites du Chyp. Réc. II (32) : Ayia Paraskévi, Katydhata, Kourion, Maroni, Enkomi, Angastina, Dhali, Kition. a été transmis (30) par Labat, deuxReligions, tablettesp.d'Ugarit 365-374(tablettes ; en particulier, Ix AB etle Ipoème AB), Labat, de Baalop. et lacit., Mort, p. 420-435. qui nous (31) PRU V, n° 8, cité par J. Dugand, Chypre et Cana'an (Document n° 1) Centre de Recherches Comparatives sur les Langues de la Méditerranée Ancienne (Nice 1973), p. 193. (32) Liste donnée dans Âstrom, Studies, p. 40-1, types II, 1 et 4 et Caubet, RDAC 1971, p. 10 n° 3. On trouvera des figurines de cette classe publiées dans Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. CXLVIII, 9 et 11 ; Murray, Excavations, p. 34, fig. 62, p. 40, fig. 68 ; Myres, HCC, n°s 2014-2016 ; SCE I, pi. LXXVIII, 184 et pi. XCII, 10-11 ; Dikaios, Guide, p. 199 ; Kara georghis, RDAC 1964, pi. I, 4-5 ; Chypre AV, ph. 82 et 83 ; Caubet, RDAC 1971, pi. IV, 1-2 ; cette liste n'est pas exhaustive.
80
CHYPRIOTE RÉCENT I-II
1. Fabrique: la plupart sont en fabrique brun foncé dite Base-Ring, comme les précédentes figurines. Cependant, on considère que la fabri que est un peu différente, se caractérisant par l'emploi de peinture noire, et parfois rouge également, pour les détails (33). Ces figurines sont presque toutes creuses, ayant été tournées ou faites dans un moule ; les bras sont rapportés, de même que les oreilles. Il y a souvent un trou d'évent à la place du nombril. Les figurines de l'au tre groupe sont aussi pour la plupart creuses, mais certaines, de petite taille, sont pleines, ayant été modelées à la main (34). 2. Description : De corps, elles ont beaucoup de traits en commun avec les figurines à grandes oreilles : elles présentent le même corps en forme de fuseau et aux jambes serrées l'une contre l'autre. Cependant, l'allure fusiforme est moins marquée, les hanches sont moins larges et la taille moins mince, si bien que le corps est presque droit (pi. 18, d, 19, a). Le pubis est indiqué toujours par un triangle délimité par des lignes incisées et il est semblablement orné de motifs incisés en zigzag ou en arête de poisson ; cependant, il est maintenant peint en noir par-dessus les incisions. Les seins en relief ont des formes plus rondes. La position des bras rappelle celle des bras des figurines à grandes oreilles : les bras sont sous les seins, sur les hanches, le long du corps. Mais ces figurines n'ont jamais d'enfant dans les bras. Il existe un groupe de figurines similaires, mais représentées en position assise, le dos incliné en arrière soutenu par deux supports qui suggèrent l'existence d'un siège (pi. 18, c). Ces figurines assises ne sont pas creuses. De tête, ce groupe diffère entièrement de celui des figurines à grandes oreilles. Les têtes n'ont pas cet aspect étrange de tête d'oiseau à nez crochu et yeux énormes. Le visage est plat, avec un menton carré ou rond, mais le plus souvent triangulaire. Les yeux sont toujours faits de pastilles rondes surajoutées, avec la pupille centrale entourée d'un anneau en relief, mais ils sont moins gros que ceux des autres figurines. Le nez a des dimensions plus normales, quoique toujours assez volumi neux; parfois il est un peu épaté, avec des narines marquées ; le plus souvent il est droit et assez mince. L'arête du nez se prolonge de part et d'autre, au-dessus des yeux, par l'arête des sourcils. La bouche est un petit trait horizontal incisé. Le crâne est le plus souvent très plat. Les oreilles, enfin, sont entièrement différentes des précédentes ; elles ont des proportions normales ; elles sont verticales, mais se rabattent vers
(33) Myres, HCC, p. 335 ; Stewart, Handb. Nicholson Museum, p. 155, n° 3. (34) A. Caubet, RDAC 1971, p. 10-11.
81
CHAPITRE IV
l'avant à leur partie supérieure, ressemblant, dans les cas exagérés, à deux ailettes horizontales plantées de chaque côté du crâne qui représentent peut-être des couvre-oreilles. Il est fait grand usage de la peinture pour les détails du visage : les pupilles des yeux et les sourcils sont peints en brun-noir, l'incision de la bouche est repassée en brun-noir, le haut de la tête est entièrement peint en brun-noir ou cerclé d'un épais trait noir ;de cette calotte qui représente sans doute la chevelure, descendent sur le haut des joues deux mèches peintes, plus ou moins retournées en boucles. Autour du cou, une bande, mais le plus souvent trois, figurent les colliers qui ne sont jamais incisés. Les bandes sont en général peintes en noir, mais il y a parfois une ou deux bandes rouges sur les trois. On peut distinguer toute une série de types, selon la position du corps et des bras. 3. Classement des différents types : on distingue les figurines droites des figurines assises. a) Figurines droites : Ces figurines ne pouvaient être placées à la verticale et elles devaient être posées à plat, en position couchée (35). — La figurine aux bras repliés sous la poitrine : les mains sont souvent remontées vers les seins (type le plus fréquent) : ex. CM A 44 de Maroni (Chypre A V, p. 71, ph. 83, dr.). Plusieurs exemplaires dans la Collection Hadjiprodromou (pi. 19, a) ; BM (Cat. Terracottas A 16, A 17, A 37) ; HCC 2014. — La figurine aux bras repliés sur la poitrine, les mains tenant les seins par-dessous : ex. Angastina T. 5/29 (RDAC 1964, pi. 1, 4, 5) ; CM A 5 1 (pi. 18, d). — La figurine aux mains sur les hanches (type rare) : ex. CM A 52 (Chypre A V, p. 7 1 , ph. 83 , centre) (36). — La figurine aux bras le long du corps (type rare) : ex. Enkomi.T .1 (SCE \,·ρ\. 148, 7) (37) ;HCC 2015.
(35) Liste dans Âstrom, Studies, types II, 2 et 3. (36) Cette figurine se distingue par une tête différente : le crâne est bombé, le nez large et camus, la bouche est largement fendue, la chevelure est rendue par deux boucles en relief sur les tempes. (37) Dessin dans Âstrom, Studies, p. 57, fig. 70, 3. On remarque que le type est le même que le précédent en ce qui concerne la tête. Ces deux figurines paraissent être de la main du même potier.
82
CHYPRIOTE RECENT I-II
b) Figurines assises : Elles ont les jambes étendues en avant, le dos ren versé en arrière et deux supports sous la partie postérieure du corps. S'agit-il d'un véritable siège ou d'un expédient permettant de faire tenir la figurine ? (pi. 18,b-c)(38). — La figurine assise aux mains sous les seins : ex. CM A 39 de Katydhata (pi. 18, c) ; BM (Cat. Terracottas A 40) de Maroni ; Ashm. Mus. 1968. 1242. — La figurine assise aux mains posées sur le ventre (type très rare) : Ex. Collection Hadjiprodromou 351, de Psillatos (RDAC 1975, pi. VII, 7). — La figurine ayant la main droite sur l'épaule gauche (type très rare) : Ex. Mus. Nat. Athènes 1 1592 (RDAC 1975, pi. VIII, 3). — La figurine assise avec un bébé dans les bras (type très rare) ; Ex. National Museet 3713 : la figurine tient un bébé très grossièrement modelé (m4C 1975, pi. VII, 6) (pi. 18,b). — La figurine assise sur un large trône à quatre pieds : ex. CM A 46, spécimen unique : une figure sans indication de sexe est confor tablement assise sur un large trône qui pourrait aussi bien être un lit. La figurine aux gros yeux imprimés, sans oreilles, a une main posée sur la hanche et l'autre sur le coussin du fauteuil (RDAC 1975, fig. 1) (pi. 19, b). 4. Datation : Lorsqu'elles proviennent d'un contexte datable, la date à leur attribuer est toujours le Chyp. Réc. II. Les tombes d'Enkomi 69 et 88 dans lesquelles ont été trouvées les figurines A 16, A 17, A 18, la tombe 3 d'Enkomi sont datées par le matériel qu'elles contiennent du Chyp. Réc. II. (39). Mais la datation peut être même encore plus précise : la tombe 19 d'Enkomi (Fouilles suédoises) a été datée du milieu du Chyp. Réc. II (40) ; la tombe d'Angastina où a été trouvée une figurine a été attribuée au Chyp. Réc. IIC, soit 1300-1225 (41). A Enkomi (fouilles franco-chypriotes), des figurines de cette classe ont été recueillies dans les niveaux IIB du site, datés de 1300-1250, puis dans les niveaux IIIA, soit 1250-1190, et même dans les niveaux IIIB du site, soit après 1190 (42). La plupart des figurines de cette classe qui peuvent être datées avec exacti tudedateraient de la période du Chyp. Réc. II, soit 1300-1225 a.C. Au cune ne peut être datée de façon sûre d'avant 1300. On considère en général qu'elles appartiennent au XlIIème s. Il semble que leur existence se prolonge jusqu'au Xlème s. a.C. (38) Liste dans Âstrom, Studies, type II, 4. Karageorghis "Kypriaka II", RDAC 1975, p. 62-64, pi. VII, 6, 7, pi. VIII, 1-3. (39) Ces tombes contiennent des vases du Myc. IIIB. (40) SCEl, p. 568. (41) Karageorghis, "A Late Cypriote Tomb at Angastina", RDAC 1964, p. 21. (42) P. Dikaios, Enkomi, Ilia, pi. 128, 35, 36, 37 ; pi. 131, 27, 31, 33, pi. 137, 1.
83
CHAPITRE IV
Les figurines aux petites oreilles sont-elles moins anciennes que les figurines à grandes oreilles percées ? Sur ce point, deux théories s'opposent : ou bien, les figurines à petites oreilles sont apparues après les autres figu rines, mais auraient coexisté avec elles au XlIIème s. C'est l'opinion d'Albright et de Stewart (43), ou bien elles sont contemporaines les unes des autres, les figurines à petites oreilles n'étant pas plus récentes que les au tres. C'est l'opinion de L. Âstrom (44) qui s'appuie sur le fait que, par exemple, dans la tombe 14 de Maroni, une figurine de chaque type a été trouvée. En fait, il est évident que les deux types de figurines ont coexisté pendant un certain temps, au XlIIème s. Cependant, il semble que le type de la figurine aux grandes oreilles soit apparu avant l'autre. Il continue du reste un modèle plus ancien remontant au Chyp. Moy. Un exemplaire de la série aux grandes oreilles aurait été trouvé dans une couche du XVème s. à Tell Taannek (45) ; certains autres proviendraient de tombes d'Enkomi datant du XlVème s. a.C. (46). Il semblerait que la figurine aux grandes oreilles soit apparue aux XVème-XIVème s. a.C, tandis que les figurines aux petites oreilles dateraient plutôt d'après 1300. La découverte de figurines dans des contextes bien datables permettra seule d'établir la chronologie de ces objets. On peut se demander d'où vient le type de la figurine à petites oreilles qui rompt brusquement avec la lignée des figurines à oreilles percées. On dirait que l'artiste chypriote a voulu donner une tête diffé rente de celle des figurines habituelles en en conservant le corps. Notons qu'il y a dû avoir des figurines de la première catégorie sans les grandes oreilles habituelles : ainsi un exemple très intéressant trouvé dans la tombe 19 d'Enkomi (47). Mais sous quelle influence cette transformation aurait-elle pu se faire ? Aux XIV-XIIIèmes s. a.C, l'influence dominante à Chypre a dû être l'influence mycénienne, puisque, vraisemblablement, des Mycéniens s'y étaient installés, y répandant leur art et autres éléments de civilisation. On remarquera que les figurines chypriotes ont souvent été trouvées dans des tombes qui contenaient des vases mycéniens.
(43) Albright, Mélanges Syriens, p. 1 10 : "the later type may be dated to 1400-1200 . . . the earlier type may be provisionally dated to 1600-1400" ; Stewart, Handb. Nicholson Museum, p. 155, qui date les figurines à grandes oreilles du Chyp. Réc. I et les autres du Chyp. Réc. II. (44) Âstrom, Studies, p. 112, n. 14. (45) Albright, Mélanges Syriens, p. 110. (46) Voir n. 13 et 14 ci-dessus. (47) Oìk&ìos, Enkomi, III, 1, pi. 217, 13.
84
CHYPRIOTE RECENT I-II
5 . Influence possible des figurines mycéniennes : On a reconnu que l'i nfluence orientale paraît moins marquée dans les figurines à petites oreilles que dans les autres et que l'apparition de la figurine à petites oreilles et à crâne plat a peut-être été due à l'imitation des figurines mycéniennes qui commencent à arriver à Chypre au XlIIème s. a.C. (48). En effet, ces figurines sont très différentes d'allure des précédentes. Elles paraissent beaucoup moins orientales. Loin d'avoir cet air étrange et un peu démoniaque des figurines à grandes oreilles, elles ont plutôt un air humain et quelque peu espiègle que leur donnent leurs petits yeux ronds, leurs oreilles tombantes (ornées de cache-oreilles ? ) et leur coiffure plate (49). Elles ont toujours, cependant, tous les attributs de la fécon ditéféminine. Mais elles ont peut-être changé d'aspect pour plaire à de nouveaux goûts moins orientaux. L'apparition de cette nouvelle mode serait peut-être en rapport avec la présence de Mycéniens à Chypre. La question se pose en effet de déterminer les influences possibles et les rapports entre les figurines chypriotes et les figurines mycéniennes. IL LES FIGURINES MYCÉNIENNES. Les figurines mycéniennes sont, elles aussi des figurines féminines, mais des figurines très stylisées (50). Elles ont une tête d'oiseau, avec un grand nez rond vu de profil, des yeux en pastille, sans oreilles distinctes. Il en existe plusieurs types : a) la figurine en phi à tête nue, au buste en forme de disque, aux bras incorporés dans le buste ; b) la figurine en tau à tête coiffée d'un polos et aux bras repliés sur la poitrine ; c) la f igurine en psi à tête coiffée du polos et aux bras levés latéralement ; d) la figurine à l'enfant dans les bras ; e) la figurine assise. Toutes les figu rines mycéniennes ont au-dessous du buste un corps cylindrique s'évasant à la base. Elles paraissent vêtues, mais les seins sont visibles sous le vêtement. Le vêtement, les traits du visage, les colliers sont peints en sombre ; la représentation du vêtement est caractérisée par l'emploi de lignes ondulées au début de la série, puis de lignes droites. Après avoir cherché bien des interprétations à ces figurines, on pense à présent qu'il s'agit de représentations de divinités ou en certains cas d'adoratrices de la divinité (51), déposées dans des tombes ou des sanctuaires, ou encore (48) Âstrom, Studies, p. 112 : "le type H, 1 est moins semblable aux figurines syriennes avec sa tête à crâne plat, trait qui peut être dû à l'influence des figurines mycéniennes". (49) E. Vermeule, Toumba tou Skourou (Harvard University 1974), fig. 58 trouve que le bonnet plat, les yeux ronds et les oreilles tombantes suggèrent une expression espiègle plutôt qu'un pouvoir démoniaque. (50) Furumark, Chronology of Mycenaean Pottery, (Stockholm 1941), pp. 86 sqq. et surtout E. French, "The Development of Mycenaean Terracotta Figurines", BSA 66 (1971), p. 102 sqq. (51) French, BSA 66, p. 107-108. Autres hypothèses : femmes ushabtis, nourrices, jouets.
85
CHAPITRE IV
dans les habitations. Les premières de ces figurines ont dû apparaître en Grèce à la fin de l'Helladique Récent II, vers 1430, et on pense que l'ori gine du type est à chercher en Crète. Mais ces figurines ne devaient deve nirvraiment populaires en Grèce qu'à l'Helladique Récent III (HR III A2), soit un peu avant 1300 (52). A. Les figurines mycéniennes trouvées à Chypre : Des figurines mycénienn es ont été trouvées à Chypre, mais en nombre très limité (53), pour la plupart, de date assez tardive. On doit en compter une dizaine en tout (54). La plus ancienne est une figurine en phi (CM A 28) de provenance incon nue,à dater, selon la classification de E. French, de la fin du HR III A2, un peu avant 1300 (55). La figurine à l'enfant (CM A 27) doit dater de la même période (56). Les autres figurines mycéniennes sont du type en psi. CM A 29 et 1948/VI-4/1 appartiennent au plus ancien groupe de la série, à dater de l'HR IIIB, soit après 1300 (57). Trois autres figurines sont de la fin de la série, à dater de l'HR IIIC, soit de la fin du XHIème s. parmi lesquelles CM A 3 1 (58). Dans les fouilles de Dikaios à Enkomi, un fragment de figurine est apparu dans la couche du Chyp. Rèe. IIC (13001230) et deux autres fragments dans la couche du Chyp. Réc. IIIA (12201 190) (59). Nous voyons donc qu'il y a eu quelques figurines mycéniennes importées au XHIème s. a.C, surtout à la fin. Les premiers exemplaires auraient pu toucher Chypre un peu avant 1300, mais certainement en nombre très limité. C'est peut-être en effet sous influence de ces nouveaux modèles que les Chypriotes ont voulu modifier le type ancien. Cependant, la datation de l'arrivée des premières figurines mycéniennes à Chypre et celle du début de la nouvelle série chypriote ne sont pas assez précises pour qu'on puisse en tirer des conclusions sûres de cause à effet. De plus, la présence de ces figurines ne paraît pas avoir été importante à Chypre au point d'influencer radicalement l'iconographie chypriote. Néanmoins,
(52) French, BSA 66, pp. 104-105. (53) Id., p. 106 : "II est à remarquer qu'à Chypre les figurines mycéniennes sont compar ativement rares". (54) Liste dans Âstrom, Studies, p. 39, Type I, 1-5 ; HCC 2019 d'Alambra ; BM Cat. Terracottas, A 35 de Maroni ; E. Coche de la Ferté, Essai de Classification de la céramique mycé nienne d'Enkomi (Paris 1951), pi. VII, 1, 2 ; Κ. Nicolaou, "Mycenaean Terracottas Figurines in the Cyprus Museum", Op. Ath. V (Lund 1965), pi. I, II, III, IV, V, a, b ; Dikaios, Enkomi III 1, pi. 128,37 a, pi. 131, 28 et 34 \BCH 97 (1973), p. 652, fig. 82 (figurine en psi). (55) French, BSA 66, p. 117. (56) Id., p. 143. (57) Âstrom, Studies, p. Ill ; French, BSA 66, p. 128. (58) Âstrom, Studies, p. Ill ; French, BSA 66, p. 133. (59) Dikaios, Enkomi III 1, pi. 128, 37 a (fragment) ; pi. 131, 28 (buste) et 34 (tête).
86
CHYPRIOTE RECENT III
certaines transformations du type traditionnel des figurines chypriotes s'expliqueraient assez bien sous l'influence d'une nouvelle mode dont serait responsable l'introduction des figurines mycéniennes ou du moins d'un certain esprit nouveau. B. Influence possible des figurines mycéniennes sur les figurines chy priotes : les transformations dues à ces influences seraient : a) La suppression des oreilles chargées d'anneaux à la mode orientale : à ce point de vue, la figurine 29 de la tombe XIX d'Enkomi (fouilles Dikaios) (60) qui est du type à tête d'oiseau, mais sans oreilles, peut avoir été un essai ; elle n'est pas datée d'une façon très précise, la tombe appartenant à la période 1425-1300. Cependant, les Chypriotes n'ont pas voulu représenter des figurines sans oreilles, comme les figurines mycéniennes ; ils se sont efforcés de leur donner des oreilles "normales" dans la mesure de leurs capacités, afin qu'elles paraissent moins orientales. b) La forme de la tête à crâne plat rappelle quelque peu celle des pre mières figurines mycéniennes en phi à tête plate sans polos. Cependant, on ne peut dire que les nouvelles têtes chypriotes ressemblent de très près aux têtes des figurines mycéniennes. c) L'innovation qui témoignerait de l'influence la plus directe pourrait être l'abondant emploi de peinture dans la décoration des figurines, à l'imitation des figurines mycéniennes. La peinture s'est superposée à l'incision pour rendre les traits du visage, les colliers et le pubis, sans imiter cependant en tous points l'ornementation habituelle aux figurines mycéniennes. d) Le type de la figurine assise qui apparaît dans la nouvelle série chy priote imiterait peut-être les figurines assises mycéniennes. Le type de la figurine assise est rare en Orient (61), mais a été fréquent en Grèce dans la série des figurines (62). Les figurines mycéniennes sont assises sur de véritables trônes à trois pieds avec dossier et bras. Un bel exemplaire mycénien au Metropolitan Museum provient précisément de Chypre {HCC 2018). Cependant, la figurine mycénienne siège sur un trône im posant, tandis que la figurine chypriote est assise sur un siège rudimentaire, s'il s'agit d'un siège, à deux supports. Si influence il y a eu, elle n'a pas été profonde au point de transformer le type même de la figurine (60) Dikaios, Enkomi, pi. 217, tombe 19. (61) L. Âstrom ne cite que quelques figurines assises d'Alalakh qui sont du reste de beaucoup antérieures aux figurines assises chypriotes, Studies, p. 112. (62) G.E. Mylonas, "Seated and multiple Mycenaean Figurines", The Aegean and the Near East, Studies presented to H. Goldman (New York 1956), p. 113 sqq. ; French, BSA 66, p. 167 sqq.
87
CHAPITRE IV
chypriote qui garde son caractère propre de figurine de fécondité. On pourrait parler d'un changement d'esprit dans l'iconographie, sans doute causé par la présence de Mycéniens à Chypre. D'autre part, il est possible que les figurines mycéniennes aient été influencées par l'iconographie orientale et peut-être chypriote. C. Influence possible de l'iconographie orientale sur les figurines mycé niennes : S'il paraît à peu près sûr que les figurines mycéniennes ont une origine Cretoise, on a expliqué leur soudaine popularité en Grèce à la période HR III A2, soit vers la fin du XlVème s. a.C. par une influence orientale qui aurait mis ces figurines à la mode. En effet, les contacts des Mycéniens avec le Levant et Chypre ont dû leur révéler l'importance des cultes de la fécondité et des figurines féminines qui florissaient alors en Orient et à Chypre en particulier (63). On peut se demander s'il n'y a pas une influence orientale à déceler par exemple dans le groupe de f igurines mycéniennes en tau qui ont les bras maladroitement repliés sur les seins, rendus en peinture ou en relief (64). Une étrange figurine mycé nienne trouvée à Chypre semble témoigner de l'influence exercée par les figurines chypriotes sur les figurines mycéniennes : l'artiste a en effet vou lureprésenter une femme nue aux seins en relief et peints et lui a donné un visage qui doit beaucoup par certains traits aux figurines chypriotes (65). Il est en tout cas probable qu'il y a eu à Chypre un échange d'influences entre la culture mycénienne et la culture chypriote. Il est évident que la figurine de fécondité a connu à Chypre au Chyp. Réc. un renouveau de popularité. Ces figurines sont en effet beau coup plus répandues au Chyp. Réc. qu'elles ne l'ont été au Chyp. Moy. et c'est au Chyp. Réc. II qu'elles paraissent avoir été le plus en faveur. Il est probable que la mode en est due à l'influence des religions orientales, car Chypre était en contact avec la côte syro-palestinienne depuis le Chyp. Moy. mais surtout au Chyp. Réc. I. Lorsque les Mycéniens sont arrivés à Chypre, ils ont trouvé là des cultes qu'ils ne connaissaient pas et ils ont apporté eux-mêmes d'autres croyances. Sans doute y a t-il eu à cette époque des influences réciproques entre les croyances diverses. Peutêtre peut-on voir des témoignages de cet état de choses dans certaines représentations sur des vases mycéniens de Chypre que l'on doit consi dérer comme de véritables documents. (63) E. French, 55>1 66, p. 106. (64) Id., pp. 124 sqq., pi. 17, a, b, c, d et pi. 18, a, b. Ce groupe de figurines est limité et le traitement des bras est particulièrement maladroit. (65) CM A30 considéré comme un buste d'homme par Nicolaou, op. cit. pp. 49 sq. ; le visage a en effet les traits d'un visage masculin, avec ce qui paraît être une barbe et une moust ache. Âstrom, Studies p. Ill sq., pense qu'il s'agit en réalité d'une femme.
CHYPRIOTE RECENT III
III. LES SCÈNES DE CULTE SUR LES VASES CHYPRO-MYCÉNIENS. Certaines représentations sur quelques vases chypro-mycéniens paraissent être des scènes religieuses. L'origine des vases mycéniens de Chypre est en elle-même un problème, mais il semble plausible que ces vases aient été fabriqués à Chypre par des artisans mycéniens ; ils ont été trouvés en effet en grand nombre dans l'île et ils témoignent d'un style particulier. Le problème n'est cependant pas résolu (66). Ce sont les scènes de char qui sont le plus souvent représentées, et on ne sait si on doit leur attribuer une s ignification funéraire ou épique. Il semble bien que ces vases aient été des offrandes déposées dans les tombes et l'on a vu, dans ces scènes de char, des cortèges funèbres ou des représentations du voyage dans l'audelà ; mais on peut y voir aussi des scènes héroïques relatant des faits de guerre réels, des épisodes d'épopée ou encore des mythes (67). Cer tains de ces vases portent des représentations encore plus ambitieuses. A. La scène d'hommage sur le cratère d'Aradippo (Louvre AM 676) : Ce cratère de style Myc. Ill A2, et donc parmi les plus anciens de la série, porte sur ses deux faces des scènes de procession de guerriers (68). Sur la face A, trois personnages s'avancent vers une figure féminine assise sur un trône ; cette figure est vêtue d'une longue robe, elle est maladroitement dessinée en position assise, elle a les pieds posés sur ce qui doit être un tabouret. Sur le dossier du trône, est perché un oiseau qui ressemble à un cygne. Les personnages qui s'avancent vers elle ou se tiennent devant elle sont séparés par deux objets en forme de corne plantée en terre ; le premier des personnages est nu, il tient sur l'épaule droite une lance et de la main gauche une baguette qu'il offre au personnage assis. Derrière lui deux personnages en longue robe (des hommes sans doute) tiennent des épées. A la droite de ce premier groupe se répète une scène analogue avec trois hommes nus levant le bras gauche vers la figure assise qui est plus petite et n'est pas accom-
(66) Voir des discussions récentes dans Acts of the International Archeological Sym posium "The Myceaneans in the Eastern Mediterranean" (Nicosie 1973) ; F. Stubbings, "Myce naean Pottery in Cyprus", p. 207 sqq. ; E. Asaro et I. Perlman, "Provenience Studies of Myceanean Pottery employing neutron activation analysis", p. 123 sqq. (67) Sur l'interprétation des vases mycéniens comme vases funéraires, voir H.L. Lorimer, Homer and the Monuments (Londres 1950), p. 48, E. Vermeule, Greece in the Bronze Age (Chi cago 1964), p. 205 et id., "Painted Mycenaean Larnakes", JHS 85 (1965), p. 141 ; sur l'interpré tation des représentations comme celles de départs de guerriers, voir Furumark, Myc. Pottery, p. 452 ; sur l'identification de mythes ou d'épopées représentés sur ces vases, C.F.A. Schaeffer, "Sur un cratère mycénien de Ras Shamra", BSA 37 (1936-37), p. 213 sqq., V. Karageorghis, "Myth and Epic in Mycenaean Vase Painting", AJA 62 (1958), p. 383 sqq., E.T. Vermeule, "Mythology in Myceanean Art", The Classical Journal, dec. 1958, S. Marinatos, "Some hints about Eastern Mediterranean Mythology", Arch. Eph. (1964), pp. 1 sqq. (68) Recueil Edmond Pottier (Paris 1937), p. 174-76, fig. 12, 13, 14.
89
CHAPITRE IV
pagnée d'oiseau. Sur la face Β très endommagée, on distingue quatre hommes nus et un personnage à longue robe séparés par trois grands ornements coniques garnis de chevrons. Les hommes s'approchent de ces ornements, la main gauche tendue comme pour saluer ; l'un devait même toucher cet objet de la main. La scène a selon toute évidence une signification religieuse. Des guerrriers viennent se présenter à une déesse ou une prêtresse de la divinité assise sur un trône. A la divinité est associée un oiseau (cygne ou colombe ? ). Entre les personnages il y a des objets en forme de corne plantés en terre qui évoquent des cornes de consécration. Sur l'autre face, les guerriers s'avancent vers des objets qui sont sans doute aussi des "emblèmes religieux", peut-être des arbres ou des plantes sacrés (69). Il ne s'agit pas ici d'une simple scène d'offrande, mais d'une scène d'hommage : les guerriers viennent saluer la divinité ou sa prêtresse, peut-être pour invoquer sa bénédiction ou le transfert de la force sacrée en eux. La scène ne peut guère avoir de signification funéraire, à moins qu'il ne faille y voir une scène de présentation à la Grande Déesse. La question se pose de savoir si cette scène est une scène rel igieuse mycénienne ou chypriote. On a plutôt rapproché cette repré sentation de représentations mycéniennes, ou on a supposé qu'elle co piait une fresque. Il est fort possible en effet que les Mycéniens aient apporté leurs croyances et leur culte qui se seront peu à peu mêlés aux croyances et au culte chypriotes. C'est sans doute aux Mycéniens que l'on doit l'introduction des cornes de consécration dans les sanctuaires du Chyp. Réc. à Chypre (70). La scène du cratère d'Aradippo représente peut-être donc l'adoration d'une divinité mycénienne. Mais il se peut aussi qu'elle soit une scène de culte chypriote. Des guerriers mycéniens ren draient peut-être difficilement hommage à une déesse. En outre, la divinité représentée elle-même ou sous les traits de sa prêtresse est assez puissante pour régner sur des guerriers, elle est associée à l'oiseau et peut-être aux cornes de consécration et à des arbres sacrés. Il ne peut s'agir que d'une toute-puissante déesse, peut-être la Grande Déesse. On ne sait rien de la divinité chypriote que l'on connaît par ses représentations en terre cuite. Elle devait être assez puissante. Si elle est de la même famille que les divinités orientales de la fécondité, elle aurait aussi un aspect guerrier (71), tout comme Ishtar qui était la déesse virile des batailles et (69) Ibid., p. 175 "trois grands ornements coniques, que je suppose représenter des plantes ou arbres sacrés" ; et n. 1 ou Pottier dit que les plantes sont toujours représentées de cette façon sur les vases du même style. (70) M. Loulloupis, "Mycenaean Horns of Consecration in Cyprus", Acts, p. 225 sqq. Les cornes de consécration des sanctuaires sont de date plus tardive que ce vase, mais on trouve aussi des cornes de consécration sur desvases.de la même période utilisées comme motif décoratif , cf. Furumark.ATvc. Pottery, fig. 56, mot. 36. (71) Sur l'Ihstar guerrière, voir le poème d'Agoushaya : "sa fête, c'est le combat, et de bondir à l'assaut" (3ème chant), Labat, Religions p. 228-237 ; sur l'Anat guerrière, voir le poème de Baal et d'Anat, id., p. 390-402 : "En foule, elle les massacre. Elle contemple la bataille, et elle se réjouit, Anat" (22-24).
90
CHYPRIOTE RECENT I-II
Anat, la sœur belliqueuse de Baal. Il se peut donc que la scène du cratère d'Aradippo soit une scène du culte rendu à la Grande Déesse à Chypre, que les Mycéniens auraient connue à leur, venue dans l'île. On retrouve peut-être aussi sur un autre vase une scène de culte : B. La prière devant l'arbre sacré (?) sur le cratère de Clerq du Louvre. Ce cratère (71 bis) porte sur chaque face une scène de char, mais à l'avant du char se trouvent deux personnages en longue robe de part et d'autre d'un haut objet conique. De ces deux personnages, l'un est vraisemblablement un homme, il porte un casque, l'autre doit être une femme dont la chevelure tombe en tresse dans le dos (face A). L'objet conique ressemble à celui qui est représenté plusieurs fois sur la face Β du cratère de la scène d'hommage ; il est dessiné à l'aide de lignes verticales qui s'épanouissent en chevrons vers le haut et il évoque un tronc d'arbre qui s'élargirait en feuillage à sa partie supérieure. Ce symbole rappellerait ici encore plus nettement un arbre. Pour qu'il soit représenté sur plusieurs vases dans des scènes semblables, se trouvant placé entre des personnages qui s'avancent ou se tiennent à ses côtés, il faut sans doute qu'il ait eu quelque signification. On a interprété cette scène comme une scène d'adieu : les deux personnages de la face A seraient un homme et une femme se disant adieu avant le départ pour la guerre. Mais si l'objet représenté est un symbole religieux, on pourrait comprendre la scène comme suit : l'homme, un guerrier sans doute, vient avant son départ se recueillir devant cet emblème divin pour s'imprégner de force divine. Derrière l'objet, la femme pourrait être une prêtresse. On aurait peut-être ici une scène de prière à la divinité . Dans le cas de la scène d'hommage comme dans celui de la repré sentation précédente, le problème demeure toujours de savoir si le peintre, en admettant qu'il ait travaillé à Chypre, a voulu représenter une scène du culte mycénien ou une scène du culte chypriote. Disons qu'il y a une possibilité sur deux que ces représentations se réfèrent à la religion chy priote. Des scènes de culte sont aussi reproduites sur quelques cylindres qui sont apparemment de facture chypriote et datent de la période 14001200 a.C.
(71 bis) De Ridder, Collection de Clercq (Paris 1908), V, pi. XXXII.
91
CHAPITRE IV
IV. LES REPRÉSENTATIONS RELIGIEUSES SUR LES CYLINDRES GRAVÉS CHYPRIOTES DE LA PÉRIODE 1400-1200 a.C. Il y a une longue tradition de themes religieux dans l'iconographie des cylindres et sceaux orientaux (72). Longtemps avant 1400, des cylindres syriens ou babyloniens étaient sans doute importés dans l'île, mais on a reconnu l'existence d'une école de graveurs chypriotes travaillant à Chypre même, à partir de 1400, sinon avant. Leurs œuvres présentent à la fois des traits orientaux et des traits égéens, tout en étant profondément origi nales (73). Poursuivant la tradition des représentations religieuses sur les cylindres, les artistes chypriotes ont aussi reproduit des scènes de culte sur ces petits objets qui devaient avoir des vertus religieuses ou magiques et étaient parfois offerts aux morts en dons funéraires. Sur les cylindres chypriotes, l'adoration est centrée sur l'arbre sacré que l'on retrouve sous différentes formes, plus ou moins élaborées, sur la plupart des représentations. L'arbre est souvent flanqué d'animaux, et, dans les scènes plus complexes, de personnages (74). Les personnages sont de deux sortes : il y a les personnages à tête de taureau ou de lion qui représentent soit des êtres fabuleux, mi-dieux, mi-démons, soit des prêtres portant en guise de masque des têtes d'animaux (75). Mais on peut reconnaître aussi des déesses auprès de ces génies ou prêtres : elles sont souvent debout, en longue jupe serrée à la taille : elles portent une coiffure à cornes qui peut représenter des boucles de cheveux. Enfin, elles tiennent parfois un animal, lion ou capridé, par une patte, ou dans leurs bras (76). Ailleurs, la divinité est assise et reçoit l'hommage de fidèles. Parfois, une déesse nue apparaît au milieu de la scène de culte (77). Il est évident que les représentations sur cylindres ont un très riche contenu religieux qu'il est cependant difficile d'interpréter. On les a recueillis sur
(72) Les représentations sur cylindres ne sont citées ici que pour mémoire. L'étude des cylindres étant une étude particulièrement difficile, nécessitant une spécialisation poussée, il ne sera donné ici qu'un résumé très succinct de la question. Cependant, une étude approfondie des thèmes religieux représentés sur les cylindres des XIV-XIIIème siècles avant notre ère serait de la pius grande utilité dans l'étude de l'iconographie religieuse en général. (73) Voir E. Porada dans Dikaios, Enkomi II, pp. 784 sqq. ; Porada, "On the complexity of style and iconography in some groups of cylinder seals from Cyprus", Acts p. 260 sqq. ; V.E.G. Kenna, "Les sceaux de Chypre", Chypre AV, p. 135 ; Kenna, "Cyprus and the Aegean world. The evidence of the seals", Acts, p. 290 sqq. (74) Kenna, Chypre A V, p. 136. (75) Ibid. ; Porada, A cts p. 262. (76) Porada, ibid., p. 261-3, pi. XXXII, 1 ; Kenna, Chypre A V, fig. 2, 5. (77) Cf. Porada, Acts, pi. XXXII, 2, 3 ; Kenna, Chypre AV, p. 147 (152) déesses assises et déesses nues).
92
CHYPRIOTE RECENT I-II
d'importants sites religieux du Chyp. Réc, Ayios Iakovos, Enkomi, Hala Sultan Tekké. Ils témoignent d'une théologie très différente des théolog ies orientales représentées sur les cylindres au Moyen Orient (78). Ils donnent une idée de la complexité de la pensée religieuse et du culte à Chypre qui devaient être beaucoup plus riches que ne le laissent supposer les simples figurines de terre cuite. En effet, il existait à cette époque de grands temples dont on a retrouvé d'importants vestiges. V. LES SANCTUAIRES DU CHYP. RÉC. II ET LEURS DIVINITÉS. A. Les sanctuaires. Le plus ancien sanctuaire retrouvé est sans doute celui de Ayios Iakovos, que l'on date du XVème s. a.C. et qui est caractérisé par la pré sence de deux autels suggérant peut être le culte de deux divinités (79). Il y avait à Kition au début du XlIIème s. a.C. deux sanctuaires, les temples 2 et 3, sans doute des temples jumeaux comme il en existe en Palestine et en Anatolie (80). Près de ces sanctuaires, se trouvaient des jardins sacrés qui indiqueraient peut-être un culte de divinités de la fécondité. Ces tem ples se trouvaient juste à côté d'ateliers de travail du cuivre avec lesquels ils avaient quelque rapport. Peut-être la métallurgie du cuivre était-elle placée sous la protection des divinités. On sait en effet que des exploi tations métallurgiques pouvaient être en Orient associées à des temples : ainsi, un temple de Hathor dans le Wadi Arabah, au Sud de la Mer Morte, était au XlIIème s. a.C. associé à des mines et des ateliers de fonte du cui vre ; la divinité qui patronait l'exploitation du cuivre était précisément une déesse-mère (81). Sans doute les divinités de Kition étaient-elles aussi des divinités de la fécondité qui assuraient la richesse du sol en minerais et le bon rendement de l'exploitation. Il y a eu plus tard à Kition sur le même site un temple dédié à la Dame Astort (82). Les deux temples apparte naient sans doute à un couple de divinités, l'une féminine et l'autre masculine (83).
(78) Kenna, Acts, p. 294. (79) SCE I, p. 356-361 ; cf. aussi le lieu de culte de Nitovikla du Chyp. Réc. II A, avec un autel, SCE \, p. 398 sq. (80) Pour l'histoire des temples de Kition, voir V. Karageorghis, dans BCH, Chronique des fouilles depuis 1964, et id., "Kition, Mycenaean and Phoenician", Proceedings of the British Academy LIX (1973), p. 8. Il existait des temples jumeaux à Beisan en Palestine et à Beycesultan et Bogazköy en Anatolie. Cf. aussi V. Karageorghis, Kition ; p. 62 sqq. (81) Id., p. 75 et BCH 95 (1971), p. 388 n. 90. (82) D'après une inscription en phénicien du IXème s. a.C. A. Dupont-Sommer : "Une inscription phénicienne archaïque récemment trouvée à Kition, Chypre", Mém. Acad. Inscr. et Belles Lettres, t. XLIV, 1970, p. 15. (83) 5C7/95(1971),p.388.
93
CHAPITRE IV
A Enkomi également, un grand bâtiment dans le secteur III est associé au travail du cuivre. C'est un grand bâtiment tripartite, qui paraît être une résidence plutôt qu'un temple. On a cependant trouvé dans son sol des traces d'un rite de fondation avec inhumation d'un vase contenant des ossements d'animaux et d'une figurine du type de la déesse à l'enfant (84). Ce bâtiment était en usage pendant les XlVème etXIIIème s. ; un autre grand bâtiment a été élevé dans le secteur I de la ville sur le site du futur édifice où l'on a trouvé la statue en bronze d'un dieu cornu ; ce bâtiment était probablement déjà un temple (85). C'est là ce que l'on peut savoir, en l'absence de tout autre docu ment, des sanctuaires des XlVème-XIIIème s. a.C. Quant aux divinités qui pouvaient y être adorées, des textes trouvés hors de Chypre donnent peut-être quelques informations. B. Les divinités. Une lettre d'un roi de Chypre adressée à Aménophis IV, donc dans le second quart du XlVème s. a.C, mentionne le dieu Nergal : "Dans mon pays, la main de Nergal, mon Seigneur, a tué tous les hommes de mon pays et ainsi, il n'y en a plus qui puissent produire du cuivre" (86). Nergal est un dieu du panthéon babylonien, mais comme le texte est écrit en babylonien cunéiforme, le nom transcrit sans doute celui d'un dieu local de caractère analogue. Nergal est le dieu des enfers, le dieu du soleil d'été et de la mort, le dieu combattant, mais aussi le dieu bienveillant de la santé et de la fécondité (87). Nergal était vénéré sous le nom de Reshef en Syrie et à Ugarit et représenté sous les traits d'un dieu guerrier et armé (88). S'il s'agit bien d'un texte se rapportant à Chypre, cela signifie que la Grande Déesse n'était pas la seule divinité adorée à Chypre, où était peut-être connu tout un panthéon.
(84) Dikaios, Enkomi I, p. 38. (85) Ibid., pp. 163 sqq. (86) Archives de Tell el Armana, lettre citée par Cl. F.A. Schaeffer, "Les Peuples de la Mer et leurs sanctuaires à Enkomi-Alasia aux XII-XIème siècles av. n. è.", Alasia I, p. 509. (87) Id., p. 509 et n. 10, p. 560. Aussi K. Hadjioannou, "On the identification of the Horned God of Enkomi-Alasia", Alasia I, p. 41. Sur la nature du dieu Nergal, voir le mythe de Nergal et d'Ereshkigal, dans Labat, Religions, p. 98-1 14. (88) Schaeffer, Alasia I, p. 5 10.
94
CHYPRIOTE RECENT I-II
Les autres noms de divinités qui peuvent être des divinités chy priotes nous sont donnés par une tablette d'Ugarit du XHIème s. a.C, mentionnant les noms de dieux d'Alasia (89). La tablette cite "Baal, Sapas, Atort et Anat, tous dieux d'Alasia". Si Alasia est bien Chypre ou Enkomi, le texte donne donc les noms sémitiques de quatre divinités chypriotes qui étaient sans doute adorées à Chypre sous d'autres noms dans la langue chypriote. Baal, "le Seigneur", est le dieu de l'orage et de la pluie et donc de la fertilité des terres ; il est le fécondateur par excel lence ; il porte des cornes de taureau ; il lutte contre la mort. Il est le Très Puissant (90). Sa sœur, la farouche Anat, est souvent à ses côtés en amante passionnée. C'est à la fois la déesse de la fécondité et de l'amour et la déesse de la guerre. Athtart (Atort, Astarté) était la compagne d'Anat, tou jours associée elle aussi à Baal (91). Anat et Athtart, primitivement dis tinctes, ont fini par se confondre, tant elles se ressemblaient (92). Quant à Shapash, c'était à Ugarit une déesse solaire liée aux mythes de fécondité (93). Ces noms, qui ne sont sans doute pas les noms sous lesquels les divi nités étaient adorées à Chypre, nous renseignent cependant sur la nature des dieux et déesses qui y étaient vénérés : il s'agit de divinités de la fécond ité, dont un dieu mâle et plusieurs déesses. Sans doute la religion chy priote était-elle plus complexe que ne nous le laisse supposer le matériel iconographique existant. Seules les ruines de grands sanctuaires, les repré sentations sur cylindres et, peut-être les scènes peintes sur les vases, si les vases chypro-mycéniens ont quelque rapport avec la culture chypriote, suggèrent l'existence d'une religion complexe et d'un culte organisé.
(89) V. note 31 ci-dessus, PRU V, n° 8, cité par Dugand, Chypre et Cana'an, p. 193. (90) Labat, Religions, p. 366-369. (91) Id., p. 371-2. (92) Ch. Virolleaud, "La déesse Anat-Astarté dans les poèmes de Ras Shamra", Revue des Etudes Sémitiques 1937, p. 4-22. (93) Labat, Religions, p. 374.
95
CINQUIÈME CHAPITRE
La transformation de la Grande Déesse chypro-orientale la Grande Déesse au Cuivre ou les origines possibles de l'Aphrodite grecque. CHYP. RÉC. III : 1230-1050 a.C.
Au XlIIème siècle avant notre ère, la religion chypriote était semble-t-il, assez complexe et assez puissante. Le culte de la Grande Déesse était peut-être déjà associé à l'exploitation du cuivre qui se pra tiquait sur une grande échelle. Des sanctuaires importants existaient déjà. Mais la situation générale était assez incertaine en Méditerranée orientale à cause des incursions fréquentes des Peuples de la Mer sur les côtes des différents pays et on remarque un déclin général à Chypre comme sur la côte syro-palestinienne (1). C'est à cette époque que des Achéens fuyant le Péloponnèse vin rent en Méditerranée orientale à la recherche de nouvelles patries et s'ins tallèrent comme colons à Chypre (2). Dès leur arrivée, il semble qu'il aient repris en main l'économie du pays, reconstruisant les temples, perfectionnant la métallurgie. A peine avaient-ils redonné une nouvelle vie aux cités chypriotes qu'une nouvelle catastrophe s'abattait sur le pays, causant la destruction des beaux temples qui venaient d'être reconst ruits. On attribue ces destructions aux Peuples de la Mer qui ont dé vasté la Méditerranée orientale avant d'être définitivement battus par RamsèsIIIen 1191 (3). (1) (2) Karageorghis, (3)
Catling, Cyprus CAH, p. 66-68. Ibid., p. 67 ; H. Catling, "The Achaean settlement in Cyprus", Acts, p. 40-50 ; Civilisation préhistorique, p. 144-153. Catling, Cyprus CAH, p. 67.
97
CHAPITRE V
Qu'advint-il après la catastrophe ? Il semble que Chypre ait ac cueilli de nombreux réfugiés de la côte syrienne dévastée par l'invasion des Peuples de la Mer. Ugarit, par exemple, ne devait jamais renaître de ses ruines. Les réfugiés levantins seraient donc venus s'installer à Chypre, rejoignant les colons achéens établis dans l'île depuis vingt ou trente ans. Il y a en effet de nombreux indices d'une présence syrienne à Chypre au Xllème s. a.C. (4). De nouveaux colons achéens suivirent les premiers, venant renforcer l'élément grec déjà bien implanté dans l'île (5). Les Achéens s'efforcèrent sans doute, durant tout le Xllème s., de s'imposer à la population autochtone. La culture de cette époque doit autant à la Grèce continentale et à la Syrie-Palestine qu'au fond chypriote (6) (voir carte pi. II). rant
La religion semble avoir pris de plus en plus d'importance du cette période.
I. L'IMPORTANCE DE LA RELIGION AU Xllème s. a.C. Cette époque est marquée par la construction de grands temples et l'apparition de véritables statues de culte. A. Les temples : A Enkomi un temple en bel appareil est bâti à la fin du XlIIème s. dans le secteur I de la ville, selon un plan tripartite : une grande surface rectangulaire divisée en trois parties par deux gros piliers en pierre, et, sur le côté Est, une rangée de petites pièces ; un foyer central entouré de quatre piliers. Ce grand bâtiment a été détruit au début du Xllème s., mais promptement reconstruit avec une nouvelle division de l'espace initial, dont deux grandes salles au Sud ; c'est dans ce nouveau bâtiment du Xllème s. que l'on a trouvé la statue en bronze du dieu cornu avec des traces du rituel en son honneur (7). Un autre sanctuaire a été mis au jour à Enkomi, le sanctuaire dit du dieu au lingot, construit un peu plus tardivement, mais qui abritait au Xllème s. le dieu au lingot (8).
(4) Catling, Cyprus CAH, p. 68. (5) Ibid., p. 69-70 ; Dikaios, Enkomi II, p. 528-529, discerne deux vagues d'immigrants achéens signalées par l'apparition de céramique elaborate Close Style, puis par celle de la céramique Granary Class à lignes ondulées ; Catling, Acts, p. 37-38. (6) Catling, A cts, p. 37. (7) Oikaios, Enkomi II, p. 514-516. (8) J. Cl. Courtois, "Le Sanctuaire du Dieu au lingot d'Enkomi-Alasia'M/ΰίώ I, p. 223.
98
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
Le site de Kition qui a connu une courte période d'abandon à la fin du XlIIème s. est reconstruit vers 1200 a.C. sur une grande échelle. Cette période d'intense reconstruction correspond comme à Enkomi à l'arrivée des Achéens qui semblent avoir voulu élever des temples gran dioses. L'ancien temple 2 de Kition est reconstruit, le temple 3 est rem placé par un bâtiment plus vaste en bel appareil (9). Deux autres temples sont élevés à proximité des premiers, les temples 4 et 5, constituant un quartier sacré très important (10). Ces quatre temples consistent chacun en une vaste cour rectangulaire entourée de beaux murs construits en pierres de taille, avec, sur l'un des côtés, une petite salle en recoin dans le mur qui représente le saint-des-saints abritant sans doute une image de la divinité. Les cours de ces temples comportaient des colonnades sou tenant des portiques, et dans leur partie centrale, des autels, des foyers, des tables d'offrandes. Les temples 1 et 2 étaient réunis par deux cours jumelles et semblent avoir été conçus comme des temples jumeaux. Le temple 1 communiquait directement avec les ateliers du cuivre qui exis taient déjà, mais avaient été perfectionnés (11). Le temple 4 contenait deux saint-des-saints et devant les saints-des-saints des traces de deux piliers qui portaient peut-être, l'un, une pierre dressée, l'autre, un tronc de bois comme dans certains temples de Canaan où ces objets sacrés représentaient les divinités jumelles, mâle et femelle (12). L'un des saintsdes-saints abritait des objets votifs de consécration en bronze tandis que l'autre renfermait de précieux objets en ivoire inscrits, dont une plaque représentant le dieu Bès et une pipe à opium, objets qui indiquent sans doute l'existence d'un culte dédié à une divinité féminine (13). Le temple 5 se caractérise par la présence de plusieurs ancres de bateaux en pierre réutilisées dans la construction comme bases de colonnes et dans les murs, ou déposées contre des tables d'offrandes, tout comme à Ugarit sur la côte syrienne où les marins avaient coutume de dédier des ancres de bateau au dieu Baal (14). Toujours dans la cour de ce temple, de
(9) V. Karageorghis, Kition (Londres 1976), p. 61-76. (10) Karageorghis, Kition, p. 76-81, pour le temple 4 ; pour le temple 5, voir Kara georghis, "Excavations at Kition, Cyprus, 1975", Journal of Field Archaeology, vol. 2. 1975, p. 399404 et BCH 100 (1976), p. 880. (11) Karageorghis , Kition , ρ . 7 2-7 6 . (12) Id., p. 79. (13) Karageorghis, Journal of Field Archaeology, 2. 1975, p. 403 ; V. Karageorghis, "A twelfth-century B.C. opium pipe from Kition", Antiquity 50 (1976), p. 125-129 et BCH 100(1976), p. 880. (14) Karageorghis, Journal of Field Archaeology, p. 401403, fig. 3 ; les ancres ont été employées au niveau du sol III (première moitié du XHème s.).
99
CHAPITRE V
nombreux bucranes et autres crânes d'animaux à cornes ont été trouvés devant le saint-des-saints (15). Il est désormais évident que Kition était un centre religieux de grande importance dédié à plusieurs divinités, mâles et femelles, et où se célébraient des rituels. D'autres sanctuaires apparaissent ailleurs dans l'île à cette époque. A Paphos on a retrouvé des traces d'un temple bien construit avec des chapiteaux et des cornes de consécration sur le site du futur temple d'Aphrodite (16). A Myrtou-Pigadhes il y avait aussi un sanctuaire de la même période avec un autel bien construit surmonté de cornes de consécration (17). Ce nouveau style architectural coïncide avec l'apparition d'une céramique mycénienne d'un nouveau style, le style Myc. IIIC : 1. La présence de colonnes et de cornes de consécration indique l'origine égéenne de cette architecture, tout comme le mode de construction en bel appareil. Il faut donc en conclure que les Achéens auraient construit ou reconstruit les temples dans les cités où ils se seraient établis. Ont-ils introduit leurs dieux ou ont-ils gardé les dieux du pays en les hellénisant ou les assimilant peut-être à leurs propres dieux ? Il semble en tout cas qu'ils aient pris soin de perpétuer le culte des divinités chypriotes pro tectrices de la prospérité de l'île. B. Le culte : On a retrouvé à Enkomi comme à Kition des traces des rituels en l'honneur des divinités des temples. Dans le sanctuaire du dieu cornu (18), c'est la statue en bronze du dieu même que l'on a retrouvée. Ce dieu était sans aucun doute asso ciéau taureau. Des bucranes en effet ont été découverts dans le megaron 45 du temple, ainsi que dans les salles contiguës 9 et 10 où précisément a été trouvée la statue du dieu cornu. Les fidèles entraient dans le megaron, y accomplissaient des rites tels que l'offrande de bucranes et la crémat ion de chairs d'animaux, puis ils pénétraient dans la salle 9 où il y avait un bassin et où il déposaient des offrandes de bucranes aux cornes recou vertes d'or, bois de cerfs et rhytons ; de là ils passaient dans la salle 10 où se trouvait le dieu qu'ils honoraient en déposant des vases avec des offrandes de chair d'animaux sacrifiés. Ce dieu avait, semble-t-il, des
(15) seconde moitié (16) (17) (18)
100
Id., p. 402, fig. 4. Les dépôts de bucranes datent de la période du sol II, soit de la du Xllème s. F.G. Maier, "The Temple of Aphrodite at Old Paphos", RDAC 1975, p. 77-79. J. du Plat Taylor et autres, Myrtou-Pigadhes (Oxford 1957), p. 15, fig. 9. Dikaios, Enkomi I, p. 194-198 ; Enkomi II p. 524.
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
traits égéens et orientaux à la fois. On a vu en lui le plus souvent un dieu égéen (19), mais on a pu aussi l'identifier à une divinité orientale de la catégorie des Nergal ou des Reshef (20) ayant certains traits d'une divinité de la fécondité. Dans une salle adjacente à celle du dieu, on a retrouvé une petite statuette féminine en bronze avec divers objets de bronze et d'or qui peuvent être des vestiges d'offrandes. Dikaios considère que cette découverte témoigne d'un culte rendu à une divinité féminine dans le même temple que le dieu (21). Ce ne sont pas là les seules statues de dieux qui aient été découv ertes à Enkomi. Un dieu en bronze posé sur un lingot a été trouvé dans un autre sanctuaire d'Enkomi ; ce dieu d'apparence très orientale, mais probablement chypriote, serait un dieu protecteur du cuivre (22). Dans son temple on a recueilli un grand nombre d'ossements de taureaux sa crifiés. Près de ce temple, une autre figurine de dieu très oriental est ap parue également : on l'a identifié à un dieu Baal (23). Enfin on a trouvé dans les ruines d'une habitation des statuettes de dieu assis d'un type oriental identifié au dieu El, le Père des Dieux (24). Enfin on a trouvé évident que le dieu mâle est devenu une divinité très importante dans la religion chypriote. A-t-il été apporté d'Orient ou d'Occident ? Il semb lerait que ces différents dieux soient d'origine orientale. Le culte d'une divinité féminine est moins évident, mais cependant présent, puisqu'on trouve toujours des figurines féminines consacrées dans les temples. A Les deux peut-être qui était
Kition, le culte célébrait sans doute des divinités mâle et femelle. premiers temples 2 et 3, puis les nouveaux temples 1 et 2 étaient consacrés à des divinités jumelles (25). Le temple 4 également, peut-être orné de deux symboles orientaux symbolisant le
(19) Ch. Picard, "De Midea à Salamis de Chypre : à propos de deux coupes d'or et d'argent", Geras Antoniou Keramopoulou (Athènes 1953) p. 1-16, voyait dans cette statuette la r eprésenta ion d'un guerrier mycénien. R. Dussaud, "Kinyras, étude sur les anciens cultes chypriotes", Syrie 27 (1950), p. 72-74, pense que ce dieu n'a rien d'oriental et qu'il est Apollon Alasiotas. Dikaios l'a interprété comme un Apollon Kereatas, dieu d'origine arcadienne, Enkomi II p. 527528. De même K. Hadjioannou, "On the identification of the Horned God of Engomi-Alasia", Alasia I, p. 33 sqq. ; S.Marinatos, "O Keraiatès Tes Enkomès", Archaeologikon Deltion 18 (1963), p. 96 sqq. (20) C.F.A. Schaeffer l'avait d'abord identifié à un Apollon-Alasiotas, semblable au dieu syrien Reshef, protecteur d'Enkomi-Alasia {Illustrated London News, 27 août 1949). Par la suite il admet l'interprétation selon laquelle le dieu cornu est un dieu de la fécondité, mais pour lui ce dieu a des traits à la fois orientaux et égéens, Alasia I, p. 5 14-5 15. (21) Dikaios, Enkomi II, p. 524. (22) Schaeffer, Alasia I, p. 510; H.W. Catling, "A Cypriot Bronze Statuette in the Bomford Collection", Alasia I.p. 15-32. (23) Schaeffer, Alasia I, p. 510-513 et notes 16 et 17, p. 561. (24) Id., p. 516-519 : O. Masson, "Remarques sur les cultes chypriotes à l'époque du Bronze Récent", Acts, p. 113-121. (25) Karageorghis, Kition, p. 74-76.
101
CHAPITRE V
principe mâle et le principe femelle, mais où cependant la divinité f éminine était assez importante pour recevoir des offrandes d'ivoire, telles que celle d'une représentation du dieu Bès, dieu protecteur de la maison et des femmes en couches (26). Le temple 1, de même que le temple 4, devait abriter des cultes de déesses puisqu'au temps de l'occupation phénicienne le temple 1 était le grand temple d'Astarté et que le temple 4 était consacré à une divinité féminine. Le temple 5 par contre était sans doute consacré à un dieu mâle de fécondité, du type du dieu Baal, auquel on dédiait des ancres votives et des bucranes (27). Les temples de Kition, mais surtout les temples 1 et 2, étaient associés aux ateliers de travail du cuivre placés sans doute sous la surveillance des grands prêtres et prêtresses, car la prospérité minière du sol de l'île était du res sort des dieux de la fertilité (28). Les jardins et les bassins sacrés indiquent un culte de la fécondité, de même que les offrandes de bucranes. Le rite consistait en offrandes et en sacrifices d'animaux dans les cours des temp les, mais aussi en séances de fumerie d'opium ; en effet on trouvé une pipe vraisemblablement destinée à fumer l'opium et un grand vase cy lindrique destiné à brûler l'opium, qui étaient sans doute des objets de culte ; durant les cérémonies religieuses, la prêtresse et les fidèles inhalaient des vapeurs d'opium afin d'entrer en extase (29), ainsi qu'il était d'usage dans les sanctuaires d'Astarté ou de déesses de fécondité de Crète en Orient. Le culte en faveur dans l'île témoigne de fortes affinités orientales. Les divinités semblent apparentées aux dieux orientaux, ainsi que les rites. Mais certaines influences égéennes et Cretoises, en particulier, sont possi bles. Le dieu mâle est devenu très important dans le panthéon chypriote, mais la divinité féminine garde toujours sa place. On a retrouvé quelques figurines féminines très intéressantes qui témoignent de la persistance du culte de la Grande Déesse. IL FIGURINES DE DIVINITÉS FÉMININES EN BRONZE. C'est seulement au Xllème s. a.C. que l'on trouve des figurines de divinités en bronze. Cette innovation dans l'iconographie chypriote prouve à la fois l'importance du cuivre comme matériau et l'importance des divinités. Parmi les figurines féminines de divinités en bronze, la seule datable est celle d'Enkomi.
(26) (27) (28) (29)
102
Karageorghis, Kition, p. 79 et Journal of Field Archaeology, 2, 1975, p. 403. Karageorghis, Journal of Field Archaeology , 2. 1975, p. 402. Karageorghis, Kition, p. 73-76. Karageorghis, A ntiquity 50 (1976), p. 127-129.
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
1. La figurine double d'Enkomi : elle a été trouvée dans une cavité du sol de la salle II du Grand Bâtiment d'Enkomi, à proximité du dieu cornu (30). Elle se trouvait dans une salle adjacente à la salle où a été découvert le dieu cornu, mais qui ne communiquait pas avec la salle du dieu. Elle est donc datable du Chyp. Rèe. IIIA2, soit de la période 1 1901150 a.C. Dans la même salle on a recueilli des fragments d'objets en bronze, une perle en pâte de verre, un fragment de feuille d'or, des clous en bronze, qui devaient être des restes d'offrandes. Dikaios considère que cette salle était un lieu de culte en l'honneur d'une déesse. La figurine (Enkomi 271) est de très petite dimension, mesurant 5 cm. Elle est à double face. Sur la face A, qui est aussi la face principale, on distingue le visage au gros nez et aux yeux protubérants encadré de deux tresses qui des cendent de chaque côté du visage. La figurine a les bras repliés sur la poitrine et tient dans chacune de ses mains soit l'extrémité de ses tresses, soit ses seins. Le corps paraît nu. On voit nettement le nombril rond en creux et le triangle pubien délimité par deux lignes. Sur la face Β on croit distinguer deux longues tresses tombantes et des mains tenant les seins. Il se peut qu'il existe un second exemple de figurine de ce type. En effet, on a trouvé dans la tombe 2 d'Enkomi (fouilles Dikaios) une petite figurine en bronze de 3,5 cm de hauteur (31). Cette figurine est très corrodée, mais on a pu en distinguer le corps cylindrique et la tête à double face au modelé primitif ; les yeux sont rendus par un point entouré d'un cercle. La tombe dans laquelle elle a été découverte date du Chyp. Réc. II et la figurine serait donc antérieure à celle du temple du Dieu cornu. Ces exemples sont intéressants car ils témoignent de l'existence à Chypre de figurines à double face, dont l'origine est probablement orientale (32). La figurine du sanctuaire d'Enkomi qui reprend peutêtre un type plus ancien, conserve toujours son caractère de déesse de fécondité avec le pubis triangulaire et les seins indiqués. Le détail de la coiffure est nouveau : la figurine a des tresses qui tombent de chaque côté du visage sur la poitrine. Ce détail se retrouve sur les figurines de terre cuite de la même époque (33). Le Xllème siècle voit donc l'appari tion de la figurine à tresses, qui copie probablement un modèle oriental (34). Cette figurine qui ne mesure que 5 cm de hauteur est si minuscule (30) Dikaios, Enkomi I, p. 295 et Enkomi II, p. 524, pi. 138/6-8, pi. 145/1-2. (31) Dikaios, Enkomi I, p. 346, tombe 2, n° 197, pi. 196/41 ; H.W. Catling, Cypriot Bronzework in the Myceanean World (Oxford 1964), ci-après Cypriot Bronzework, p. 257, n° 8. (32) II y a eu des déesses doubles dans l'art phénicien en particulier, voir R. Dussaud, L 'art phénicien du Hème millénaire (Paris 1949) p. 91 et fig. 53. (33) Dikaios, Enkomi Ilia, pi. 131,29 (1161). (34) Les figurines syriennes portent souvent des tresses, voir Bossert, Altsyrien, 589, 607.
103
CHAPITRE V
qu'il paraît difficile de la considérer comme une statuette de culte. Il s'agit plus probablement d'une offrande. Cependant sa présence dans le sanctuaire du Dieu cornu témoigne d'un culte rendu à une divinité féminine dans le temple même. Peut-être rendait-on à Enkomi comme à Kition, un culte à un couple de divinités du type Baal-Anat/Astarté. D'autres figurines en bronze ont été trouvées, malheureusement en dehors de tou" contexte. 2. La figurine Bomford (35) : Cette figurine qui appartenait à une col lection privée a éti décrite comme syrienne dans le catalogue, mais Catling a démontré qu'elle est d'origine chypriote. La figurine est presque complète. C'est une figurine féminine nue debout sur un lingot. Le lingot est du type habituel du Chyp. Réc. III découvert à En komi (36). Comme toute figurine de fécondité chypriote, la figurine Bomford a un pubis triangulaire bien marqué et des seins protubérants. Par la tête, elle rap pelle assez les figurines de terre cuite aux petites oreilles du XHIème s. a.C. ; elle a le sommet de la tête plat, de grands yeux bombés délimités par un ovale incisé, un nez important et surtout des oreilles proéminentes un peu rabattues sur l'avant. Mais elle diffère de ces figurines par l'arrangement de la chevelure, car elle porte quatre grosses tresses, deux grandes et deux petites, soigneusement rendues : les deux petites tresses pendent devant les oreilles, les deux grandes tresses partent de derrière la tête au-dessus des oreilles et tombent vers l'avant sur la poitrine, atteignant la hauteur des seins. Autre innovation, la figurine porte un grand col lier ou cordon, par-dessus les colliers habituels serrés en deux ou trois rangées autour du cou (37). Ce grand cordon passe derrière le cou, descend sur la poi trine entre les seins, paraît noué ou resserré dans un anneau sur l'estomac et se termine au niveau du nombril par deux extrémités volumineuses ou par une sorte de pendentif. La figurine tient de ses deux mains ce cordon au-dessous du nœud (h/9,9 cm). On date cette figurine du XlIIème s. a.C. et même du début du Xllème s. par comparaison avec le dieu au lingot d'Enkomi et une autre statuette similaire dont nous parlerons plus loin (38). Il est évident que cette "déesse" est apparentée au dieu au lingot d'Enkomi. La statuette devait représenter une divinité protectrice du cuivre, tout comme le dieu
(35) H.W. Catling, "A Cypriot Bronze Statuette in the Bomford Collection", Alasia I, p. 15-32 ; la statuette se trouve à Oxford, Ashmolean Museum, depuis 1971. (36) Catling, Cypriot Bronzework, p. 266-272. (37) Catling, Alasia I, p. 20, suggère "que le modelé du cou rend des plis de chair ; il est plus vraisemblable que ces plis représentent des tours de colliers ; les figurines ont toujours porté des colliers, soit peints, soit incisés. Pour K. Hadjioannou ("E kypris Aphrodite Aigaiaké è Semitikè Theo tes", EFSA 1973, p. 6), le grand pendentif serait le kestos imas d'Aphrodite. (38) Statuette de Nicosie, 1936/VI-18/1, voir p. 105.
104
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
d'Enkomi. Mais le dieu d'Enkomi est d'aspect oriental et sans doute d'origine étrangère. Au contraire, la déesse au lingot est dans la lignée des déesses chypriotes de la fécondité. Elle a étendu ses pouvoirs fécon dants à la fertilité de la terre en minerai. On l'a nommée "Astarté au lingot" (39). La déesse ancestrale chypriote est donc devenue la déesse du cuivre, mais elle ne règne plus seule dans ses sanctuaires. Un dieu étranger a pris place désormais à ses côtés et le couple divin protège la richesse de l'île. L'existence du dieu au lingot et de la déesse au lingot corrobore les hypothèses concernant les temples jumeaux de Kition. Sans doute devait-on offrir aux dieux une dîme sur les revenus de l'e xploitation du cuivre, à moins que tous les revenus n'aient appartenu aux dieux. On voit sur un support de bronze chypriote (40) un homme por tant un lingot sur ses épaules qui se dirige vers un arbre stylisé ; l'arbre doit être un arbre sacré, symbole peut-être de la divinité, et l'homme fait vraisemblablement offrande du lingot. Ainsi les temples s'enrichis saient-ils ; les prêtres et prêtresses s'occupaient sans doute de gérer au nom des dieux l'exploitation des richesses. Si l'Astarté au lingot porte aussi le cordon caractéristique, il faut peut-être supposer qu'elle portait suspendu à ce cordon le sceau du temple ou quelque objet en rapport avec le temple. Le temple étant devenu un centre de richesses et l'a dministration du temple, une véritable entreprise, la prêtresse, et même la déesse, sont porteuses du sceau (?) garantissant les trésors des dieux. En effet, il semble que désormais la figurine féminine en bronze ou en terre cuite soit souvent ornée de ce nouveau symbole. On le retrouve sur une figurine de bronze analogue à la figurine Bomford. 3. La figurine de Nicosie : CM 1936/VI-18/1 . (pi. 20,c). Elle a été trouvée fortuitement à Nicosie (41). Si le contexte exact n'est pas connu, on sait cependant que le site dont elle provient porte des traces d'une occupation au Chyp. Réc. et en particulier au Xllème siècle. Elle est incomplète, un bras et la partie inférieure des jambes ayant été cassés. Telle qu'elle se présente, elle est étonnamment semblable à la figurine Bomford, mais un peu plus grande, mesurant actuellement 10 cm de hauteur. On remarque les mêmes jambes serrées l'une contre l'autre, le pubis triangulaire où la vulve est indiquée, les seins proéminents. Le visage est similaire ; les yeux sont plus ronds, cependant ; les oreilles, larges, sont pareillement rabattues en avant, mais la chevelure ne comporte que deux tresses au lieu de quatre ; les deux
(39) Catling,/4tos/fll,p.31. (40) Support d'Episkopi, actuellement à Londres, BM 1920/12-20/1, cf. Catling, Cypriot Bronzework, p. 205 , n° 34 et pi. 34. (41) Publiée par Dikaios dans RDAC 1936, p. 109 et pi. XXXIV ; aussi Catling, Cy priot Bronzework, p. 257, n° 7.
105
CHAPITRE V
tresses tombent de la même façon derrière les oreilles et sur la poitrine. Surtout, cette figurine est ornée comme l'autre du gros cordon passé autour du cou et descendant entre les seins ; ce cordon se termine par une extrémité volumineuse, à moins que ce ne soit par un gros pendentif. Les bras ne sont pas repliés sur la poi trine, mais pendent le long du corps et les mains sont posées sur les hanches. La partie inférieure des jambes manque et ainsi, on ne saura jamais si la figurine de Nicosie était aussi une Astarté au lingot, bien qu'elle en présente toutes les carac téristiques. eprésentées
On a rapproché ces figurines de bronze de têtes de femmes r sur un support de bronze trouvé à Enkomi.
4. Les femmes à la fenêtre sur le support d'Enkomi : Ce support a été découvert dans une tombe datant de la première moitié du Xllème siè cle (42). Les quatre faces de ce support représentent les façades d'un bâtiment percé de fenêtres à deux panneaux, fermées jusqu'à mi-hauteur. A la partie supérieure des fenêtres, deux têtes apparaissent à chaque ouverture. Or ces têtes ressemblent aux têtes des figurines de bronze. Elles sont très corrodées, mais on peut distinguer les oreilles protubérantes, ainsi que les tresses qui tombent derrière les oreilles jusque sur la poitrine. miner
Cet objet est difficile à interpréter et deux possibilités sont à exa (43) :
1) II s'agit d'une représentation de femmes à la fenêtre dans la tradition des fresques minoennes et mycéniennes et des vases mycéniens, telles qu'on en voit par exemple sur le cratère à la fenêtre de Kourion (44). La représentation n'aurait aucune signification religieuse. 2) Le bâtiment représenté serait un temple et les femmes aux fenêtres en seraient les déesses ou prêtresses. Ce peut être la même façade répétée quatre fois ou les quatre façades du temple. A l'appui de cette interprétation, on pourrait citer les nombreuses Astartés-à-la fenêtre repré sentées dans l'art oriental (45). Les représentations orientales sont toutes plus tardives que le support d'Enkomi. Cependant, il y a de fortes ressem blances entre les femmes à la fenêtre et les figurines de bronze qui ont s ûrement une signification religieuse. D'autre part, ces supports étaient peutêtre des objets religieux appartenant aux temples ; ils sont souvent ornés
(42) Catling, Cypriot Bronzework, p. 204, n° 32 (BM 1897/4-1/1296) ; aussi Catling, Alasia I, p. 21-22. (43) Catling, Cypriot Bronzework, p. 205. (44) Karageorghis, JHS LXXVII, p. 269 sqq. (BM C391). (45) R.O.Bamett,Nimrud Ivories, p. 145 sqq.
106
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
de scènes à sens religieux, de sphinx ailés, de porteurs d'offrandes, de musiciens religieux (46). Ainsi, il semble plutôt qu'il faille voir là une représentation de temple aux fenêtres duquel apparaissent soit les divinités elles-mêmes, soit les prêtresses. Citons encore un couple de figurines qui est d'origine incertaine, mais qui présente quelque intérêt pour l'iconographie chypriote de cette période. 5. Le couple de divinités : Louvre AM 105 (47). Cet objet est de prove nance chypriote, ayant été présenté par Hoffman avec d'autres objets d'origine chypriote. Ce couple se compose d'une figurine masculine et d'une figurine féminine qui se tiennent par le cou et la taille. L'homme est un peu plus grand que la femme. D'une main, il tient une grande coupe, de l'autre il enlace la figurine féminine à ses côtés en lui passant le bras autour du cou. La figurine féminine tient aussi l'homme à bras-le-corps et sa main gauche est passée sous l'aisselle de l'homme ; elle se tient elle-même le sein droit de la main droite. Les parties génitales de l'homme sont rendues en relief. De tête, les deux figurines se ressemblent : elles ont un long nez, des yeux globuleux en relief, une bouche incisée, de larges oreilles protubérantes et rabattues sur l'avant, des bonnets de forme conique ; celui de l'homme est plus haut, celui de la femme a une sorte de rebord en V sur le front. Il s'agit probablement d'un couple divin : on trouve rarement des représentations profanes dans l'art de cette époque et l'iconographie a toujours une signification religieuse. Il existe des couples divins dans l'art oriental (48). L'origine de ce groupe pose un problème. Certes, l'objet a été trouvé à Chypre. Mais un autre couple assez semblable à celui-ci provient de Syrie ; la provenance n'est cependant pas absolument sûre (49). Il se rencontre cependant assez souvent des couples divins se tenant par la taille en Syrie ou en Orient (50). Avons-nous là un objet de fabrica tion syrienne exporté à Chypre ? Pourtant, on est tenté de reconnaître un certain air chypriote sur les visages de ces figurines : les figurines syriennes ont le plus souvent les yeux incrustés d'une autre matière, alors que nos figurines ont les yeux en relief ; les oreilles du couple de Chypre paraissent plutôt traitées à la façon chypriote. Il se peut que nous ayons là une réali sation chypriote imitant un modèle oriental. On sait qu'il y a eu d'impor-
(46) Catling, Cypriot Bronzework, p. 205-209, n°s 33, 34, 36, pi. 33 : d, 34 et 35. (47) J.C. Courtois, "Objets en pierre et figurines de divinités en bronze provenant de Chypre conservés au Musée du Louvre", RDAC 1971, p. 16, pi. VII, a-d. (48) Bossert, Altsyrien, 600. (49) Bossert, Altsyrien, 596 ; Courtois, RDAC 1971, p. 16. (50) Courtois, RDAC 1971, p. 16, note 3.
107
CHAPITRE V
tants ateliers de bronziers à Chypre aux XII-XIèmes s. a.C. qui ont exécuté des œuvres d'une haute habileté technique. On leur doit les statuettes de divinités (le dieu au lingot, le dieu cornu, les Astartés au lingot), de grandes amphores aux anses et au rebord décorés et surtout les beaux trépieds et supports qui sont des réussites techniques exceptionnelles. Ce sont les œuvres d'artistes qui ont su utiliser "les connaissances tech niques des fondeurs syro-palestiniens" en les combinant "avec la cons cience égéenne de la dignité et de la splendeur formelle du corps humain" (51). Les ateliers chypriotes devaient être si actifs aux XII-XIèmes s. a.C. qu'on peut sans doute leur attribuer des œuvres diverses disséminées dans tout le bassin méditerranéen (52). Si donc le couple divin trouvé à Chypre est d'origine chypriote, nous avons la preuve du culte de ce couple divin dont on a soupçonné l'existence dès le XHIème s. a.C. Même s'il n'est pas d'origine chypriote, il devait avoir, ayant été utilisé à Chypre, une signification comprise de tous. Le culte d'un couple divin était donc sans doute populaire à Chypre. Les œuvres en bronze des XII-XIèmes s. a.C, exécutées dans un métal précieux à l'époque, devaient être des œuvres importantes cons tituant des offrandes de prix aux dieux. Ce sont d'importants documents nous renseignant sur les divinités et leur culte. D'après les représentations de divinités en bronze, nous voyons que la déesse traditionnelle chypriote est toujours populaire, mais qu'elle est à présent associée à un dieu. Le couple divin protège la richesse de l'île. La déesse garde toujours ses attributs de fécondité, mais elle porte en plus le lourd collier à pendentif auquel est attaché peut-être le sceau du temple. C'est à cette époque qu'est apparue la déesse au sceau protectrice du trésor du temple. Le Xllème s. a.C. semble donc avoir été à Chypre une période d'intense activité religieuse. L'importance des temples, le culte, les statues de culte, tout prouve que la religion occupait une grande place dans la vie des cités. Les divinités veillaient en effet à la prospérité matérielle du pays. La Grande Déesse chypriote était devenue aux côtés d'autres dieux, une divinité protectrice du cuivre. Chypre se trouve être au Xllème s. a.C. un carrefour de peuples et un lieu de rencontre de civilisations. Des Achéens, des Levantins, des Chyp riotes vivaient côte à côte dans l'île. Une interpénétration des cultures a sans doute résulté de ces contacts fructueux. C'est à cette époque que la culture grecque été introduite à Chypre pour s'y enraciner pour toujours. Les Grecs eux-mêmes ont dû subir l'influence des cultures environnantes. On pense à présent que les Grecs ont adopté certains éléments des rel igions orientales qu'ils ont assimilés et hellénisés dans leur propre religion et leur mythologie. Il n'est pas impossible entre autres qu'ils aient adopté (5 1) Catling, "La conquête du cuivre",/! V Chypre, p. 88. (52) Courtois, ÄA4C 1971, p. 17.
108
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
la puisssante divinité de fécondité chypriote. On sait qu'Aphrodite n'existe pas dans le panthéon des dieux achéens. Le nom d'Aphrodite a toujours été inexpliqué. Selon une théorie récente, le seul endroit où les Grecs aient pu connaître cette divinité et emprunter son nom serait Chypre. Adoptant en effet la divinité, ils auraient gardé le nom local en l'hellé nisant. III. LE NOM GREC "APHRODITE" DE LA DIVINITÉ CHYPRIOTE ET L'ADOPTION POSSIBLE PAR LES GRECS DE CETTE DIVINITÉ. L'étude des noms de dieux connus à Chypre, en Grèce et en Crète peut donner quelques indices. A. Le nom de la divinité à Chypre. Les textes chypriotes du Chyp. Réc. ne sont pas encore déchiffrés et la langue dans laquelle ils sont écrits n'est pas encore identifiée de façon sûre, bien que l'on ait pu reconnaître des mots hourrites (53). On n'a cependant pas encore reconnu de nom de divinité correspondant à la Grande Déesse chypriote. Une tablette d'Ugarit énumère les dieux d'Alasia et, parmi eux, Anat et Attori (54). Au IXème s. a.C. la divinité adorée à Kition était Astort, comme nous l'apprend une importante inscription phénicienne trouvée dans le temple (55). Le nom d'Aphrodite n'apparaît dans les inscriptions chypriotes que très tardivement et encore n'y a-t-il qu'un seul exemple du nom A-po-ro-di-ta sur une boîte à encens de Chytroi, de date incertaine, mais peut-être assez ancienne (56). La Déesse continue à être appelée wa-na-ssa, "la Reine", pa-pi-a, "La Paphienne" jusqu'aux IVème-IIIèmes s. a.C. (57). On peut penser que l'appel lation wa-na-ssa de la divinité provient d'une habitude orientale de ne pas dire le vrai nom des dieux, ineffable, et de le remplacer par des péri phrases. Ainsi, wa-na-ssa recouvrirait le phénicien Mlkt, "reine" (58). prétation", p. 32 sqq.
(53) E. Masson, "La tablette chypro-minoenne 20. 25 de Ras Shamra : essai d'inter Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Janvier-mars 1973,
(54) J.E. Dugand,, Chypre et Canaan (Centre de Recherches comparative sur les Langues de la Méditerranée Ancienne, Document 1) Nice 1973, ci-après Dugand, Chypre et Canaan, p. 193 (tablette PRU V, 8). (55) A. Dupont-Sommer, "Une inscription phénicienne archaïque récemment trouvée à Kition, Chypre", Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres XLFV (1970), p. 15. (56) O. Masson, Inscriptions Chypriotes Syllabiques (Paris 1961), ci-après ICS, 243, 3 ; l'objet est de date incertaine, mais pourrait être du début de l'Age du Fer, cf. Myres, HCC, 1803 ; à rencontre de cette datation, le fait que les inscriptions en écriture syllabique chypriote sont rarement antérieures au Vlème s. a.C. (57) Masson, ICS, 16 (de Paphos, IVème s. a.C.) ; aussi 6, 1 ; 7, 4 ; 10 ; 16, 2 ; 17, 4 ; 90, 2; 91, 3. (58) Dugand, "Aphrodite-Astarté" (de l'étymologie du nom d'Aphrodite), Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Nice, 21 (mars 1974), p. 80.
109
CHAPITRE V
Les seules données connues sur le nom de la divinité chypriote sont d'époque archaïque ou classique, à l'exception de l'inscription phé nicienne du IXème s. a.C. Mais le nom même de wa-na-ssa peut-être beaucoup plus ancien et remonter à l'époque où les Achéens sont arrivés dans l'île. En effet, la langue grecque a été apportée dans le pays par ces colons grecs aux XlI-XIèmes s. a.C. et s'est conservée sous sa forme ancienne, sans subir l'influence du dialecte dorien. Le dialecte chypriote est encore à l'époque classique un dialecte arcadien qui a conservé des mots très anciens du dialecte achéen (59). Ainsi, le mot wa-na-ssa qui est un mot homérique (60) est sans doute le nom que les colons achéens ont donné à la divinité chypriote, traduisant l'appellation sous laquelle elle était désignée. La Grande Déesse chypriote à la fin du Bronze Récent portait peut-être dans la langue du pays le nom de "Reine", recouvrant un nom de déesse de la fécondité. A cause des rapports de Chypre avec la côte syro-palestinienne et de la présence de Levantins dans l'île, elle était connue aussi sous des noms sémitiques tels que Astori. C'est la divinité que les Achéens ont connue à leur arrivée à Chypre. B. Absence du nom d'Aphrodite dans le panthéon des dieux achéens : Le nom d'Aphrodite n'apparaît pas dans le panthéon des dieux achéens, tel qu'il nous est connu par les tablettes de Pylos et de Knossos. Les noms de divinités féminines mentionnées sont Héra, Athéna, Artémis, ainsi que des noms de divinités secondaires telles que Eileithyuia, Erinys et Peleia (61). Une divinité féminine Potnia est citée à la fois sur les ta blettes de Pylos et de Knossos ; elle représente peut-être la Grande Déesse minoenne. Les noms de divinités minoennes que les Mycéniens et Achéens ont pu connaître en Crète ne correspondent pas au nom d'Aphrodite. On a reconnu comme noms de divinités dans les textes crétois en linéaire Β pipi-tu-na et en linéaire A a-sa-sa-ra (62). Il semble sûr que le nom d'Aphrod ite n'apparaît pas dans les textes grecs avant la fin de l'Age du Bronze, soit, avant la grande colonisation de Chypre par des Achéens.
p. 3.
(59) J. Karageorghis, "The Ancient Cypriot Dialect", Kypriakai Spoudai 17 (1953),
(60) Id., p. 4 ; Dugand, Chypre et Canaan, p. 193. (61) M. Ventris et J. Chadwick, Documents in Mycenaean Greek (Cambridge 1956), p. 125-129 ; St. Alexiou, "E Minoikè Théa meth' Ypsomenôn Cheirôn" (Heracleion 1958) ci-après EMinoikè Théa, p. 273. (62) Ventris-Chadwick, Documents, p. 126-127 ; Alexiou, E Minoikè Théa, p. 273.
110
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
C. Aphrodite considérée par les Grecs comme la déesse chypriote par excellence : Par contre, les premiers Aphrodite et l'associent à Chypre.
textes littéraires grecs mentionnent
a) Aphrodite est la déesse de Chypre (Kypris), celle qui règne à Chypre, où elle a un sanctuaire. Dans l'Illiade, Aphrodite est citée sous le nom de Kypris (V, 330, 422, 458, 760, 883) (63). Dans les Hymnes homériques à Aphrodite, la déesse est "celle qui règne sur Chypre la bien construite" (64), (Hymne III, 4-5), "celle qui a pour apanage tous les hauts lieux de Chypre" (Hymne II, 2). Dans l'Odyssée, il est fait mention de "son sanctuaire et de son autel parfumé d'encens" de Paphos (Vili, 36Ì-3). Chypre"b)seAphrodite rencontre pour est lala première déesse née foisà dans Chypre. les Hymnes L'épithète homériques "née à (Hymne à Aphrodite III, 1) ; puis dans sa Théogonie, Hésiode raconte la naissance de la déesse, qui naquit de l'écume de la mer, toucha d'abord Cythère, puis arriva à Chypre (Théogonie, 187-206) (65). Dans les textes plus récents, elle est associée aux cultes orientaux. c) Le culte d'Aphrodite et son temple sont d'origine orientale. Hérodote dit que le temple d'Aphrodite à Chypre a tiré son origine du temple d'Aphrodite Ourania situé à Ascalon (I, 105, 2-3). Il dit ailleurs que "en certains lieux de Chypre, il existait une coutume presque sem blable à celle des Assyriens" qui adorent la déesse Mylitta (I, 199, 1-5) (66). Les légendes et les traditions rapportées dans les textes grecs recouvrent sans doute des faits réels. Pour les Grecs, Aphrodite était la déesse de Chypre ; elle était née à Chypre. Son culte ressemblait aux cultes orientaux. Il ne serait pas surprenant que le nom d'Aphrodite soit aussi venu de Chypre. D. Etymologie du nom d'Aphrodite : On s'était efforcé dès l'Antiquité de trouver une étymologie au nom de la déesse. Hésiode disait que "les dieux et les hommes l'a ppelaient Aphrodite, pour s'être formée d'une écume" (Théogonie, 195).
(63) K. Hadjioannou, E Archaia Kypros eis tas Ellenikas Pegas II (Nicosie 1973), ciaprès AKEPU, p. 76 sqq., 20. (64) Hadjioannou, AKEP II, p. 4, 1.2. (65) Id., p. 2, 1. (66) Id., p. 180,47.
111
CHAPITRE V
On a expliqué depuis le nom d'Aphrodite par de nombreuses etymol ogies (67). Entre autres, il y a eu des essais pour expliquer Aphrodite par le sanscrit à partir d'une racine signifiant "briller" (68) ; par l'étrusque, à partir de la racine d'Aprilis (69) , par l'asianique ; par la combinaison de deux noms divins, *Apru et *Deti (70). De toutes ces etymologies, aucune n'est réellement convaincante. Il ne semble pas en tout cas que le nom d'Aphrodite puisse avoir une racine indo-européenne. Une nouv elle étymologie a été récemment proposée qui est de loin la plus convain cante.Selon J.E. Dugand (71), Aphrodite viendrait du nom ugaritique d'Astarté, Aitort. L'emprunt se serait fait à Chypre entre 1200 et 900 a.C, lorsque les Achéens étaient venus s'installer dans l'île où vivaient aussi des Levantins. Le nom d'Astarté était prononcé quelque peu différemment selon les diffé rentes langues sémitiques et, à Ugarit en particulier, le nom de la déesse était prononcé Attori. C'est à partir de la forme ugaritique que Dugand explique le nom grec d'Aphrodite. Le nom ugaritique se serait transformé par suite de diverses modifications phonétiques pour aboutir finalement à une forme grecque Aphrodita, plus ou moins influencée au dernier stade par le mot aphros. Cette étymologie suppose plusieurs transformations du mot qui ne sont pas attestées, puisqu'elles n'ont pu être qu'orales, ni consignées sur aucun document, et qui de plus, n'obéissent peut-être pas aux lois régulières de la phonétique, soit sémitique soit grecque, et dont il n'existe pas d'exemples probants. Cependant, l'emprunt ayant fait passer un mot sémitique en grec, les lois phonétiques propres au sémitique ont pu ne pas être respectées ni les lois propres à la phonétique grecque. Le passage a pu se faire avec une certaine liberté phonétique, du fait qu'il a pris place dans un pays où diverses langues coexistaient, si véritablement l'emprunt s'est fait à Chypre.
(67) Dugand, Annales Nice 21, p. 80-91. (68) Id., p. 83 . théorie de savants allemands. Le nom viendrait de la racine bhleg/ bhlog, "briller". (69) Id., hypothèse de Hammarstrom et surtout de Benveniste. (70) Id., p. 86-89. (71) Id., p. 91-98 et Chypre et Canaan, p. 193-198.
112
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
Cette explication est très satisfaisante au point de vue historique et archéologique, puisqu'elle rend compte de l'origine chypro-orientale du nom d'une divinité qui parait avoir la même origine. L'emprunt se serait fait à une date qui s'accorde parfaitement aux données archéolo giqueset dans des circonstances également concordantes : c'est seulement à Chypre que les Achéens ont pu adopter une divinité de la fécondité sous un nom sémitique ; c'est à Chypre que vivaient côte à côte aux Xllème et Xlème s. a.C. des Chypriotes, des Achéens et des Levantins réfugiés précisément d'Ugarit et de la côte syro-palestinienne. D'ailleurs, les données mythologiques viennent renforcer par de nouveaux arguments l'hypothèse de l'origine chypriote de l'Aphrodite grecque. E. Les données mythologiques en rapport avec Aphrodite : Dans la mythologie grecque, dès l'époque des poèmes homériques, Aphrodite est l'épouse d'Héphaistos, le dieu forgeron, et l'amante d'Ares, le dieu de la guerre. Elle est aussi associée à Adonis, lui-même en rapport avec Chypre. 1. Aphrodite — Héphaistos — Ares. On a récemment émis l'hypothèse que les connexions d'Aphrodite avec le dieu de la métallurgie et le dieu de la guerre étaient dues à ses origines chypriotes (72). Ainsi qu'on l'a vu précédemment, la déesse de la fécondité chypriote était devenue au Chyp. Réc. une déesse protectrice du cuivre et elle était aussi associée à un dieu protecteur du cuivre. Un couple divin était peut-être adoré dans les riches temples qui géraient l'exploi tationdu cuivre : le dieu au lingot et l'Astarté au lingot. C'est peut-être de cette association que vient le mythe d'Aphrodite épouse d'un dieu for geron. Mais le dieu au lingot était aussi un dieu guerrier ; debout sur un lingot, il brandissait un javelot tout en se protégeant d'un bouclier. Ce dieu, selon sa représentation, a été interprété soit comme un dieu d'origine orientale, apparenté au Nergal babylonien et au Reshef syrien (73), soit comme un dieu à affinités égéennes (74). Catling pense qu'Héphaistos représentait le dieu forgeron chypriote évincé par un dieu guerrier, d'ori gine étrangère. Pour lui, "la liaison Arès-Aphrodite" remonterait au
(72) Catling, A la sia I, p. 18 ; Karageorghis, "Contribution to the religion of Cyprus", Acts. p. 108-109 ; Hadjioannou,£F&4 1974, p. 4-6 et 7-8 ; Karageorghis, Kition, p. 75-76. (73) Schaeffer./ltos/fl I, p. 510. (74) Catling, Afasia I, p. 31 : "in origin he is Near Eastern ; in accoutrements he is very largely Aegean".
113
CHAPITRE V
Xllème s. a.C. En fait, la déesse chypriote semble avoir été associée au Xllème s. à un dieu guerrier, d'origine sans doute mêlée, à la fois orientale et égéenne, qui devait être aussi un dieu de la fécondité, plus tard connu sous le nom d'Apollon. La déesse elle-même pouvait être, comme ses congénères orientales une Dame des Batailles. Ainsi le mythe grec d'Aphrodite mariée à Héphaistos et amante d'Ares a probablement ses racines dans la religion chypriote du Chyp. Réc. 2. Aphrodite-Adonis. Adonis est presque toujours associé à Aphrodite et à Chypre dans la mythologie grecque. Il est à la fois l'enfant (adoptif) d'Aphrodite et son amant. Dans l'Hymne orphique, il est le fils, la "douce pousse" d'Aphrodite (75). Ailleurs il est l'amant d'Aphrodite et Ares le tue (76). Ou bien il est fils de Kinyras, roi de Chypre, et Aphrodite l'aime. Selon une autre tradition, il naît de la fille de Kinyras transformée en arbre. Aphrodite le recueille et le confie à Persephone. Persephone ne veut plus le rendre. Zeus ordonne qu'Adonis passe un tiers de sa vie avec Perse phone, un tiers seul, et l'autre tiers avec Aphrodite. Enfin, Adonis est tué par un sanglier (77). Aphrodite part à la recherche d'Adonis. Des textes font allusion à des fêtes célébrées à Chypre en l'hon neur d'Aphrodite et d'Adonis. Ces fêtes sont plutôt des lamentations en signe de deuil en souvenir de la mort d'Adonis (78). Il y avait à Amathonte un sanctuaire en l'honneur d'Aphrodite et d'Adonis (79). On offrait à Adonis des fruits de toutes sortes et l'on plantait pour lui du blé et de l'orge dans des pots (80). Il est évident, d'après tout ce qui précède, qu'Adonis est un dieu de la végétation : il naît d'un arbre, il disparaît sous terre trois ou six mois de l'an, on pleure sa disparition, on lui offre des fruits et des plantes. Aphrodite l'aime comme un fils et comme un amant, elle pleure sa mort. Le rapprochement s'impose avec le couple oriental Ishtar-Tammuz, le couple égyptien Hathor-Horus, le couple sémitique Anat-Baal (81). La Grande Déesse est la mère (ou la sœur) et l'amante du dieu qui assure la fertilité de la terre ; il meurt et elle le pleure déses(75) Hadjioannou./l/GE'P II, p. 228, 74.2 ; Dugand, Chypre et Canaan, p. 191-192. (76) Hadjioannou,/4£e7>II,p. 230,75.4 (scholiaste de l'Iliade) ;p. 232,78 et 78.1. (77) Id., p. 232, 78. (78) Id., p. 234, 79 (épitaphe d'Adonis), p. 242, 80 (fête en l'honneur d'Adonis et d'Aphrodite, célébration de deuil). (79) Id., p. 248, 81. 1 (d'après Pausanias). (80) Id., p. 250-254, 82 (les jardins d'Adonis). (81) Dugand, Chypre et Canaan, p. 191 : le nom d'Adonis est phénicien et signifie "Mon Seigneur". Il se peut que ce nom de dieu ait aussi été adopté à Chypre par les Grecs, comme le nom d'Aphrodite. Sur les couples divins, voir James, Myth and Ritual, p. 114-115, 117-120, 122-123.
114
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
pérément jusqu'à sa résurrection qui correspond au renouveau de la nature. Le mythe d'Adonis et d'Aphrodite rappelle peut-être l'origine de la déesse, qui descend de la déesse chypriote de la fécondité associée à un dieu de la fécondité. Aphrodite elle-même est associée à la végé tation : "l'herbe naît sous ses pieds légers" (Théogonie, 195). Des fleurs naissent des larmes qu'elle verse pour Adonis et on lui consacre des arbres sacrés (82). Ces détails de son culte, rapportés longtemps après les ori gines, recouvrent peut-être de très anciennes pratiques rituelles qui évo quent les jardins sacrés de Kition. Ainsi l'on voit que les mythes qui entourent Aphrodite dans la religion grecque d'époque classique tirent vraisemblablement leur origine du contexte religieux chypriote de la fin de l'Age du Bronze. IV. SANCTUAIRES ET PRÊTRES D'APHRODITE : INFORMATIONS DONNÉES PAR LES TEXTES ET FAITS ARCHÉOLOGIQUES. Nombreuses sont les références au culte d'Aphrodite, à ses sanc tuaires et à ses prêtres, dans des textes souvent tardifs. Mais les découv ertes archéologiques viennent souvent prouver la véracité de la tradition. A. Les sanctuaires : Pausanias rapporte que la déesse était adorée à Golgoi avant que son temple eût été construit à Palaepaphos par Agapénor (83). Or des découvertes récentes ont prouvé qu'il avait existé dans la région d'Athiénou, où l'on place l'ancienne Golgoi, un culte en rapport avec des installations métallurgiques de travail du cuivre. La période d'activité de ce centre se place entre le XlVème et le milieu du Xllème s. a.C. (84). Il s'agit peut-être d'un culte de la Grande Déesse en rapport avec l'exploi tationdu cuivre. Toujours selon Pausanias, le temple de Palaepaphos aurait été construit en même temps que la ville par Agapénor. La légende associe en effet la fondation de villes grecques de Chypre à des héros de la Guerre de Troie. On pense que la tradition correspond à l'arrivée de colons achéens à Chypre, auxquels on attribue précisément la construction en bel appareil des temples de Kition et d'Enkomi à la fin du XHIème et au Xllème siè cle avant notre ère. Or, on a découvert récemment à Paphos sur le site du temple d'Aphrodite quelques restes d'un temple de cette époque en bel appareil (85). Le sanctuaire d'Aphrodite à Paphos est bien connu d'Homère (Od. Vili, 363), qui vante "son autel parfumé d'encens".
lonization
(82) Hadjioannou.^/GEP II, p. 2, 1 et p. 190, 50-52. (83) Id., p. 60, 11. Pour les légendes de fondation des cités, voir E. Gjerstad, "The co of Cyprus in Greek Legend", Op. Arch. 3 (1944), p. 107-123. (84) BCH 97 (1973), fouilles israéliennes ; Karageorghis, Kition p. 75. (85) Voir ci-dessus, p. 100 et note 16.
115
CHAPITRE V
Selon une variante de l'Hymne Homérique à Aphrodite, la déesse régnait sur "Salamine la bien construite" (III, 4). D'autre part, on sait que Teucer avait fondé Salamine (86). La découverte d'une tombe du milieu du Xlème s. confirme l'occupation du site dès cette date. La fondation de Salamine serait en rapport avec l'arrivée de colons achéens au Xlème s. a.C. à la suite de l'invasion dorienne en Grèce. Soloi ou Aipeia aurait été fondée à la même époque comme il l'a été très récemment démontré (87). Or ces nouvelles cités paraissent célébrer le culte d'Aphrodite. B. Les prêtres : Les Kinyrades sont connus comme les prêtres d'Aphrod ite (Hésychius) (88). Le nom de Kinyras est très ancien. Homère cite ce puissant personnage chypriote qui a fait don à Agamennon d'une cuirasse bien ouvragée (II. IV, 19-23). Kinyras est ailleurs un roi de Chypre à demi légendaire auquel on prête parfois une origine orientale. Sa richesse était renommée. Selon certains, Kinyras représenterait le roi local de la population autochtone de l'île, antérieure à la venue des Achéens (89). On lui attribue aussi la découverte de la métallurgie du cuivre et l'invention des instruments de bronze, tels que pinces, marteau, tenailles et enclume (90). Il semblerait d'après la tradition que Kinyras eût dû s'enfuir et se fût réfugié au Sud-Ouest de l'île, à Amathonte et Paphos (91). Cet exode de Kinyras correspondrait à l'une des dévas tations qui ont détruit les villes de Kition et d'Enkomi, au début du Xllème ou au milieu du Xlème s. Il est mentionné que Teucer a épousé une des filles de Kinyras. Peut-être Kinyras était-il roi d'Enkomi et en a-t-il été chassé soit par les Peuples de la Mer, soit par les Achéens. On le retrouve à Paphos où il est le prêtre d'Aphrodite et institue les mystères de Paphos. On le dit "l'aimé d'Apollon, le doux prêtre d'Aphrodite" (Pind. Pyth. 2.15). Il est le père d'Adonis (92). Ce personnage légendaire corres pondrait bien en effet à un roi-prêtre d'Alasia (?), riche, connaissant le travail du cuivre, protégé du couple divin chypriote. Chassé d'Enkomi, il se réfugie à Paphos où il fonde un lieu de culte en l'honneur de la Grande Déesse chypriote qui, à partir de cette époque, règne sur Paphos.
(86) Hadjioannou, AKEP I, p. 46, 20 etc. ; M. Yon, Salamine de Chypre II, La Tombe T.I. du Xlème s. av. J.C. (Paris 1971), p. 96. (87) BCH 97 (1973), p. 661-662. (88) Hadjioannou,/4#£7MI,p. 194,56, la. (89) Dussaud, Syria XXVII (1950), p. 58 ; Dugand, Chypre et Canaan, p. 198-200 ; Maier,ÄD/4C1975,p.77. (90) D'après Pline, Hist. Nat., VII, p. 195, cité par Dussaud, Syria XXVII, p. 58. (91) Id., p. 65 citant Théopompe. (92) Hadjioannou, AKEP I, p. 34, 14. 36.
116
LA DÉESSE AU CUIVRE (CHYP. RÉC. III)
C. Portrait de la déesse : Certaines références se rapportent à l'aspect de la déesse. Ainsi, l'Hymne homérique à Aphrodite décrit l'arrivée d'Aphrodite à Chypre où l'accueillirent les Heures qui la vêtirent de parures précieuses et de vêtement immortels (93) : "Sur sa tête divine, elles placèrent une belle couronne d'or finement ciselée ; elles mirent à ses oreilles, dans les trous de leurs lobes, des fleurs d'orichalque (94) et d'or précieux : elles ornèrent son tendre col et sa gorge éclatante de col liers d'or". On reconnaît dans ce portrait plusieurs éléments de la parure des figurines de fécondité qui portent depuis le Chyp. Ane. des boucles aux oreilles et des colliers autour du cou et sur la poitrine. La description très hellénisée d'Aphrodite et de ses parures correspond à l'apparence des déesses de fécondité orientales dont les bijoux n'étaient pas seulement des ornements esthétiques, mais certainement des talismans. Il semble donc que Chypre ait joué un rôle important dans la transmission des idées religieuses à la fin de l'Age du Bronze. Il n'est pas impossible en effet que l'humble déesse chypriote de fécondité des temps plus anciens soit devenue la glorieuse Aphrodite de la mythologie grecque. Ayant survécu à travers les âges obscurs, régénérée par les apports étrangers, mais toujours profondément chypriote, elle rayonne sur Chypre et peut-être sur le monde grec tout entier, à partir de la fin de l'Age du Bronze. Dans les siècles qui suivent, elle survit toujours, sous diverses représentations, demeurant la grande inspiratrice de la pensée religieuse chypriote.
(93) Hymne homérique à Aphrodite II, 5-11, dans Hadjioannou, AKEP II, p. 4, 1.2. (94) Le mot "orichalque" mentionné désigne probablement le bronze. Il est caractéris tique que les bijoux d'Aphrodite soient faits d'or et de "bronze" le bronze étant aussi précieux que l'or, métal noble.
117
SIXIÈME CHAPITRE
Une nouvelle image de la Grande Déesse chypriote : la figurine créto-chypriote aux bras levés ou la régénération de l'image de la Grande Déesse chypriote et sa survie à travers les âges obscurs. CHYP. GEOM ET CHYP. ARCH. : Xlème - Vlème s. a.C.
La colonisation grecque qui s'est déjà bien implantée au Xllème s. se poursuit avec l'arrivée d'une nouvelle vague de colons achéens au Xlème s. a.C. Ces Achéens qui fuyaient l'invasion dorienne sont venus à Chypre non pas pour s'installer dans les villes existantes comme leurs prédécesseurs, mais pour y bâtir des villes nouvelles. C'est à eux que l'on doit la fondation de nouvelles cités comme Salamine et Soloi qui apparaissent précisément au Xlème s. a.C. (1). Les légendes de fondation de cités à Chypre recouvrent sans doute la venue réelle de cette nouvelle vague de colons dont témoigne l'introduction à Chypre d'un nouveau style céramique, le style Granary (2). Il semble que des Cretois aient accompagné les Achéens dans l'île, car l'on a de nombreuses preuves d'une présence Cretoise à Chypre au Xlème s. a.C. (3).
(1) E. Gjerstad, "The Colonization of Cyprus in Greek Legend", Op. Arch. Ill (1944), p. 87 ; Catling, Cyprus CAH, p. 66-70 ; BCH 97 (1973), p. 662-663, sur la fondation de Soloi ; V.R. Desborough, "Mycenaeans in Cyprus in the 11th century B.C.", Acts, p. 79 sqq. (2) Dikaios, Enkomi II, p. 529. (3) V. Karageorghis, "Ai scheseis metaxy Kyprou kai Kretes kata ton lion ai. pr. Ch.", Pepragmena, p. 180 sqq. ; V. Desborough, The Greek Dark Ages (Londres 1972), p. 57.
119
CHAPITRE VI
Une catastrophe nouvelle détruisit les grandes cités de Chypre vers le second quart du Xlème s. a.C. La destruction des murs d'enceinte comme des habitations de Kition et d'Hnkomi parait due à un grand tremblement de terre survenu vers 1050 (4). Les grandes cités furent réoccupées pendant une courte période, mais Enkomi comme Kition finirent par être abandonnées à la fin du Xlème s. a.C. L'ensablement des ports de Kition et d'Hnkomi durent aussi contribuer au déclin de ces deux grandes villes (5). Le Xème et le lXème siècle a.C. ont été une sorte de Moyen Age dans l'histoire de Chypre. Cependant la vie a continué et la culture chyprogrecque a survécu. Le Xlème s. voit la fin de la culture chypriote de l'Age du Bronze ; les idoles de l'ancien type survivent quelque temps, se transforment, mais finissent par disparaître. Des figurines d'un type nou veau apparaissent, qui semblent venues de Crète. Ces figurines aux bras levés sont adoptées par les Chypriotes qui les associent au culte de leur Grande Déesse. Les temps difficiles passent. Mais la culture chypriote résiste et, s'étant conservée intacte, refleurit à l'époque géométrique, témoignant d'une continuité inégalée ailleurs dans le monde grec. I. LA FIN DES FIGURINES DE L'AGE DU BRONZE. Les fouilles stratigraphiques d'Enkomi ont donné quelques info rmations sur l'évolution des figurines de terre cuite aux XlIème-XIème s. a.C. A. La fin des figurines traditionnelles . les figurines de type chypriote aux oreilles courtes continuent d'être en usage aux XlIème-XIème s., sinon fabriquées : Ex. Enkomi 1102,3912(6). On trouve quelques figurines imitant les figurines mycéniennes du XlIIème s. ; elles ont un corps cylindrique et les bras levés. Ex. Enkomi 1172(7).
(4) Catling, Cyprus CAN, p. 68 ; Dikaios, Enkomi II, p. 534, pense que la ville a été abandonnée à la suite d'attaques ennemies ; Schaeffer, Enkomi-Alasia I, p. 315 sqq. pense que la cause de l'abandon d'Enkomi a pu être un tremblement de terre suivi d'une attaque ennemie ; Karageorghis l'attribue à un tremblement de terre, Kition, p. 90. (5) Pour la réoccupation d'Enkomi et de Kition voir Dikaios, Enkomi II, p. 536 ; Karageorghis, Kition, p. 91. Pour l'ensablement des ports, voir J. Pouilloux, Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres 1966, p. 248 et 254 ; Karageorghis, Kition, p. 94. (6) Dikaios, Enkomi I, p. 290 et III, pi. 137, 1 et 3. (7) Ibid.
120
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (Xl-VIème)
La figurine nue avec les seins, le nombril et le pubis indiqués, reste assez en faveur et elle est rendue avec assez de réalisme : Ex. Enkomi 1 105, 1286, 1 167 (8). épandues. raître.
Cependant, les figurines de terre cuite ne semblent pas très r Elles perpétuent des types anciens, mais sont vouées à dispa
B. Les figurines vases : On assiste à une rénovation de la figurine chy priote traditionnelle sous l'influence probable de nouveaux modèles et de nouvelles techniques céramiques. Une nouvelle fabrique a en effet fait son apparition à Chypre, la fabrique 'Proto-White Painted", apportée sans doute par les nouveaux venus grecs et crétois (9). Ainsi, l'ancien modèle de figurine est réutilisé dans une fabrique nouvelle. Les figurines-vases sont des bouteilles anthropomorphes à l'image de l'ancienne figurine de fécondité chypriote du type aux petites oreilles (10). Ce type de figurine avait, semble-t-il, subsisté jusqu'au Xllème s. a.C. et a été réutilisé dans la nouvelle fabrique en faveur au début du Xlème s., la fabrique Proto-White Painted (pi. 20, 4). On a aussi donné un corps cylindrique à la figurine traditionnelle. La tête reste semblable à celle des figurines du XIHème s. a.C. : les yeux sont rendus par un cercle en relief entouré d'un anneau, les sourcils prolongent la ligne du nez ; les oreilles sont du type rabattu vers l'avant ; le cou est entouré de bandes peintes figurant les colliers. Le corps a des seins en relief et la position des bras est la même que sur les anciennes figurines : ils sont repliés sur la poitrine ou abaissés le long du corps. La tête et le buste sont donc en tous points semblables à ceux des anciennes figurines. La partie inférieure du corps, par contre, est cylindrique, puisque la figurine est devenue vase ; la tête est surmontée d'un goulot verseur plus ou moins haut qui a l'aspect d'un polos. La partie cylindrique du vase qui correspond à la robe de la figurine est décorée de motifs géométriques selon le style habituel à la fabrique Proto-White Painted : zones verticales garnies de zigzags, panneaux vert icaux garnis de chevrons, de zigzags ou d'arêtes de poisson. Il existe plusieurs exemplaires de ce type (haut. : 12-16 cm) : 1) La figurine-vase aux bras repliés sous la poitrine et aux mains sous les seins (1 1) : CM A 60. D'Enkomi (pi. 20, c). CM 1937/V-22/1. De Larnaca (robe plus ornée). Collection Piérides (décoration effacée). (8) Id., Enkomi l, p. 291 et 299-300 et Enkomi III, pi 137, 8 et pi. 147,39-41. (9) Karageorghis, Pepragmena, p. 181 sqq. (10) A. Piéridou, "Kypriaka anthropomorpha aggeia", RDAC 1968, p. 20 sqq., cat. 1-3, pi. Vili, 8-11. Il se peut qu'elles imitent les figurines Cretoises au corps cylindrique, voir V. Karageorghis, "The Goddess with uplifted arms in Cyprus", dans des Mélanges à Einar Gjerstad (à publier). (11) Piéridou, ΛΛ4 Cl 96 8, pi. Vili, 8, 10,11.
121
CHAPITRE VI
2) La figurine-vase aux bras pendants le long du corps (12) : un exemple : CM 1934/IV-27/6. De provenance inconnue. Il est évident que ce type de figurine a été conçu en imitation des bouteilles en faveur au Xlème s. (13) ; ces vases, dont la forme est d'ori gine syro-palestinienne, sont réalisés en fabrique Proto-White Painted. On peut déceler aussi une influence Cretoise : les figurines Cretoises repo sent souvent sur une base cylindrique, ainsi les figurines de Karphi, ou ont un corps entièrement cylindrique, telles certaines figurines de Phaistos (14). Un autre exemplaire de cette série, daté de façon certaine du Xlème s., présente des traits originaux et sans doute nouveaux : il s'agit de la bouteille anthropomorphe qui a été trouvée dans la tombe du Xlème s. de Salamine (15). La figurine se présente sous la forme d'un véritable vase, puisqu'elle est pour vued'une anse allant du col à l'épaule du côté opposé au visage. Le corps est réduit à la panse cylindrique de la bouteille, il est privé de bras et ne porte comme o rnement que des bandes et des lignes horizontales. La tête, par contre, présente des traits accusés. Elle est entièrement différente de la tête traditionnelle des figurinesvases du Xlème s. Les grands yeux globuleux en amande, le nez fort et busqué, et surtout les oreilles plaquées sur les côtés de la tête, sont des caractéristiques enti èrement nouvelles et probablement Cretoises. Les joues sont fardées de deux taches rouges. Un cordon qui descend derrière les oreilles porte un petit disque en pen dentif. La tête est surmontée d'un diadème rond orné de languettes, qui soutient le goulot. Le visage de cette figurine, si différent du visage traditionnel de la figurine de fécondité chypriote, présente des caractéristiques qui se retrouvent d'une part sur une tête en terre cuite d'Enkomi et d'autre part sur les terres cuites Cretoises : la tête d'Enkomi a un nez semblable et des pommettes peintes (16) ; certaines figu rines Cretoises ont les mêmes yeux ronds et saillants (17) et d'autres, telle l'idole dans son sanctuaire de la collection Yamalakis, portent un diadème analogue (18). La figurine-vase de Salamine est l'ancêtre de nombreuses figurines féminines, car les traits qui la caractérisent et certains détails du costume persisteront durant des siècles : les taches rouges sur les joues, le port du diadème et du cordon à pendentif sont des caractéristiques qui se retrou veront jusqu'à l'époque archaïque. La figurine chypriote aux joues far(12) Ibid., p. VIII, 9. (13) M. Yon, Salamine de Chypre II. La Tombe du Xlème s. av. J.C. (Paris 1974), pi. 24, nos75,77,78. (14) Alexiou, E Minoikè Thea, pi. ST' et Th\ 2. (15) Yon, Salamine II, pi. 24, n° 74. Un autre exemplaire se trouve dans une collection privée en Suisse ; il est illustré dans Antike Kun'st aus Privatbesitz, Bern-Biel-Solothurn, Dezember 1967, pi. 3 n° 30. (16) Courtois, Alasia I, n° 642, fig. 147 et 149. (17) Alexiou, E Minoikè Théa, pi. E', 3 (idoles de Gazi) et pi. ST' (idoles de Karphi). (18) Id., pi. IG', 2.
122
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
dées, au diadème et au collier est donc née au Xlème s. a.C. On peut se demander si de telles figurines représentent la prêtresse de la Grande Déesse ou la Grande Déesse elle-même sous les traits de sa prêtresse : elle porterait le diadème, aurait les joues fardées et garderait précieusement le sceau du temple. Le Xlème s. voit aussi l'apparition de figurines aux bras levés qui devaient être si populaires à Chypre à l'époque géométrique et jusqu'à l'époque classique. IL LES PREMIÈRES FIGURINES AUX BRAS LEVÉS. On assiste à une floraison de petites figurines aux bras levés sur les sites des grands sanctuaires. Ce sont des figurines caractérisées par un corps cylindrique s'élargissant vers la base, la position des bras et souvent des détails du costume et du visage peints (pi. 20, e et 21 , a-c). A. Provenance et date : Les plus nombreuses ont été trouvées à Enkomi. Une centaine de fragments de terres cuites ont été découverts sur un espace à l'extérieur du sanctuaire du dieu au lingot (19), dans la grande salle duquel on a mis au jour des restes d'offrandes de taureaux et deux figurines de centaures bicéphales en terre cuite. Ces figurines aux bras levés sont datées par leur inventeur de la deuxième moitié du Xllème s. et probablement aussi de la première moitié du Xlème s. a.C. (20). Il semble plus probable qu'elles appartiennent à la dernière période d'occu pation du temple, soit au Chyp. Géom. I. Elles auraient été brisées ritue llement (21). On a trouvé également plus d'une dizaine de figurines aux bras levés (la plupart fragmentaires) dans le quartier sacré de Kition, sur le sol I du temple 4 ainsi que dans des bothroi à l'extérieur du temple 1 (22). Ces bothroi contenaient aussi des plats votifs et des modèles de naiskoi en terre cuite. Tous ces objets ont été jetés lors de la reconstruction du temple par les Phéniciens au IXème s. a.C. Ils appartenaient à l'ancien temple 1 dont nous savons qu'il était resté en usage jusqu'en l'an 1000 a.C. La datation des figurines de Kition est donc tout à fait assurée (10501000 a.C.) (23). (19) Courtois, Alasia I, p. 326-356 et fig. 141-154 ; catalogue p. 338-342. (20) Id., p. 343. (21) Id., p. 326. (22) Karageorghis, Kition, p. 91, pi. 65 et 66 ; ce groupe de figurines ainsi que le pro blème dans son ensemble est étudié dans l'article de Karageorghis, "The Goddess with uplifted arms in Cyprus", à paraître dans le recueil de Mélanges Gjerstad. (23) Karageorghis, Kition, p. 91 pour la date des bothroi et id., p. 92 pour la date du sol I du temple 4.
123
CHAPITRE VI
II semblerait donc que ce type de figurine soit apparu au Xlème s. a.C. assez soudainement, dans les grands temples de cette époque, à Enkomi, Kition et peut-être aussi Paphos (24). Notons que les figurines de terre cuite jusqu'alors ne se trouvaient que dans les tombes. B. Description : Ces figurines sont pour la plupart de petite dimension, ne mesurant guère plus d'une dizaine de centimètres, mais il y avait aussi quelques spécimens de plus grande taille dont il ne reste que des fragments. Elles sont en argile ocre rouge ou grisâtre, parfois recouverte d'engobe beige. Certaines sont décorées de bandes peintes en noir ou en pourpre. Elles se présentent comme de petites idoles cylindriques dont le corps s'élargit à la base. Elles ont les bras levés en l'air sur les côtés. 1. Les idoles d'Enkomi : elles se divisent en deux groupes : les idoles à tête dis coïde et les idoles à tête pointue. Les idoles à têtes discoïdes sont féminines , la forme du haut de la tête indique sans doute le port d'un diadème. Les têtes d'hommes sont coiffées d'un bonnet pointu. Les têtes et les corps féminins sont à Enkomi de trois à quatre fois plus nombreux que les corps et têtes masculins. La plupart sont de petite dimension (6-8 cm) mais il existe quelques figurines féminines de plus grande taille ; on a retrouvé des fragments appartenant à des idoles qui devaient mesurer de 20 à 30 cm de hauteur : ainsi des mains de 5 à 6 cm (641 η et o), un bras de 10 cm (638 b) et une tête de 5 cm (642). Ces grandes idoles étaient abondamment peintes. On peut distinguer plusieurs types parmi les figurines féminines d'Enkomi : a) L'idole au corps lisse, sans détail modelé ni peint, avec une tête discoïde, présente un nez proéminent, parfois un menton saillant et presque toujours, à la place des yeux, des orbites plus ou moins creusées. Hauteur moyenne calculée d'après les spécimens les plus complets existants : environ 8 cm. Ce type est très fréquent : ex. 614, 632, 641, c,d, etc. (25). b) L 'idole avec des seins en relief. Type rare : ex. 660 a, 829 (26). c) L 'idole avec des seins en reliefet des détails du visage et du corps peints : orbites peintes en noir, collier et bandes sur les bras peints en noir. Type rare : ex 655 (27).
(24) Des figurines aux bras levés ont été trouvées en effet à Palaepaphos et datées de la fin du Bronze Récent ; mais la date semble trop haute. Voir T.B. Mitford et J.E. Iliffe, "Excavat ions at Kouklia, Old Paphos, 1950" The Antiquaries Journal 31 (1951), p. 63, fig. 5, 1-10 et cidessous p. 139. En tout cas, la présence de ces figurines témoigne de leur existence sur le site. (25) Courtois, Alasia I, fig. 141. (26) Id., fig. 154. (27) Id., fig. 152.
124
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
d) L'idole peinte de bandes. Il n'existe pas d'exemplaire complet qui nous montre le type entier. Il y a des têtes et des corps séparés. Les corps peuvent être décorés en noir seulement : ils portent des bandes sur les bras et d'autres bandes croisées sur la poitrine : ex. 657, 684. Les mains ont parfois les doigts indiqués par de longues lignes : ex. 641 b (28). D'autres corps sont peints en noir et rouge : bandes noires à la partie inférieure du corps, bandes noires entourant les bras ou ne cou vrant que le dessus des bras, collier noir autour du cou ; sur la poitrine et dans le dos, deux bandes croisées peintes en rouge ; parfois, une bande rouge entre les bandes noires à la partie inférieure du corps : ex. 637, 639, 655. Les têtes présentent plus ou moins de détails peints : certaines têtes n'ont qu'un diadème au sommet du crâne peint en noir : ex. 632 e, 638 g. D'autres ont des yeux rendus par un point noir entouré d'un épais trait noir et parfois su rmontés de sourcils noirs : ex. 636 c, 844 a, 674 e (29). Les oreilles peuvent être cernées d'un trait noir, ex. 670, et les lèvres dessinées en noir, ex. 827 (30). e) L 'idole peinte de fines lignes noires : elle porte des lignes fines horizontales autour des bras, autour de la taille et autour des cuisses et des lignes verticales entre les seins et sur les côtés du corps. De plus, le triangle pubien est peint et les seins sont modelés en relief : type rare (31). f) Les figurines de grande taille dont il ne reste que des fragments d'après lesquels on peut imaginer qu'elles étaient ornées de détails peints encore plus précis. Deux grandes mains (641 η et o) portent des motifs étranges : l'une est ornée d'une sorte de rouelle à quatre rayons et à quatre points, l'autre a un cercle à cinq points (32). La tête 642 (33) a des yeux en amande cernés d'un trait incisé, peints en noir et entourés de cils peints un à un ; la bouche est peinte en rouge, ainsi que les pom mettes et le menton qui portent des taches rouges ; le collier autour du cou se com pose d'une bande noire entre deux rangées de points. Cette tête est un chef d'oeuvre de beauté et de finesse. Nous avons donc là un type de figurine caractérisée par la position des bras et les détails du costume : c'est une figurine qui lève les bras au ciel, porte un diadème et différents ornements dont une sorte de baudrier sur la poitrine.
(28) Id., fig. 151 et 153. (29) Id., fig. 153. (30) Id., fig. 151 (670, tête aux yeux et oreilles cernés d'un trait), pi. 149 (tête aux yeux, sourcils et lèvres marqués d'un trait). (3 1) Id., fig. 154 ; voir un exemplaire semblable avec trois bandes fines autour de la taille dans Dikaios, Enkomi III, pi. 197, area III, 40 (6180/5) ; cette figurine est datée de 1050-950 a.C. (32) Courtois, op. cit., fig. 153. (33) Id., fig. 149.
125
CHAPITRE VI
II y aurait aussi parmi ces figurines des danseurs ou danseuses ainsi que des musiciens ou des musiciennes, car on a retrouvé des fragments qui semblent être des tambourins et des figurines dans une attitude de danse (641 r et 636) (34). On peut penser que les figurines du type a (le plus simple) faisaient partie de groupes de danseurs ou danseuses tandis que les figurines plus élaborées représentaient peut-être des prêtresses ou des déesses. 2. Les idoles de Kition : elles sont d'un type absolument semblable à celui des idoles d'Enkomi. Elles ont un corps cylindrique s'élargissant à la base ornée de bandes peintes, avec des seins en relief. Elles lèvent les bras latéralement. Le visage porte un nez et un menton proéminents ; les yeux sont peints en noir. La tête penchée en arrière est surmontée d'une coiffure discoïde. Elles mesurent environ 15 cm de hauteur, à l'exception d'une figurine de grande taille, dont il reste des bras de 10 cm. (35). La figurine 381 presque complète est la plus ancienne (pi. 21, a). Son corps est orné de longues diagonales croisées passant entre les seins et d'une bande à la partie inférieure. Les bras portent des bandes peintes et la main droite a gardé des traces de peinture. Le visage a des yeux rendus par un point inscrit dans un cercle et des sourcils marqués par une fine ligne courbe. La tête est surmontée d'un polos haut et plat décoré de lignes horizontales. La figurine 382 (acéphale) (pi. 21, c), a une large bande sur la poitrine. Les fragments de bras sont peints de bandes horizontales et les mains, de lignes verticales indiquant les doigts (fra gments 1770 et 2636). 3. Les idoles de Limassol : Trois figurines aux bras levés ont été récemment trou vées au cours d'une fouille d'urgence dans un quartier de la ville de Limassol. Elles sont faites au tour, de fabrique Proto-White Painted et White Painted I et datent sûrement du Xlème s. a.C. Leur découverte indique vraisemblablement l'existence d'un sanctuaire (36). Deux de ces figurines (Musée de Limassol 580/8 et 580/7) (pi. 20, e) ont un corps en forme de cloche évasé à la base ; elles ont des seins en relief et lèvent les bras en l'air latéralement. Leur tête est plate avec des yeux globuleux en relief et un gros nez crochu. La troisième figurine (Musée de Limassol 580/4) (pi. 21, b) a un corps cylindrique avec de doubles pieds à la partie inférieure , elle a des seins en relief, les bras levés et une tête aux yeux et au nez proéminents ; sur la tête elle porte un polos rectangulaire. Les détails du costume sont peints en rouge et noir. L'idole 580/8 porte des bandes ondulées et des lignes horizontales sur le corps, des triangles hachurés sous les seins et dans le dos et des bandes et diago nales croisées sur la nuque. Elle a des bandes au bras et un disque rond peint sur le poignet ; les doigts sont indiqués par des lignes. La chevelure est rendue aussi
(34) Id., p. 334 (641 r) et fïg. 153, p. 330 (636), flg. 143, 2 et 153. (35) Voir l'étude de V. Karageorghis dans le recueil de Mélanges Gjerstad (à paraître). (36) Ibid.
126
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
en peinture noire. L'idole 580/4 a seulement des bandes peintes sur les bras et autour du cou. Les trois figurines sont assez grandes, mesurant entre 10 cm (580/7) et 17,5 cm (580/4). Elles paraissent copier de très près les modèles crétois en cloche. Il semble donc que des figurines aux bras levés d'un type sem blable soient apparues sur plusieurs grands sites de Chypre à la fin de l'Age du Bronze (Chyp. Rèe. III). Or ce modèle est nouveau à Chypre. Il est beaucoup moins oriental que celui des anciennes figurines de fécondité. Il se caractérise par un geste symbolique en rapport avec le culte. Ce type de figurine a été vraisemblablement introduit d'ailleurs. C. Origine du type : II n'est guère possible que ce type de figurine copie le type mycénien de figurines en psi, car ces figurines avaient disparu du matériel courant à la fin du XlIIème s. a.C. Comment des imitations de ces figurines auraient-elles pu devenir populaires plus de cent ans ou même deux cents ans après le temps où les originaux étaient en faveur ? Par contre, on est frappé par la ressemblance qui existe entre les figurines chy priotes et les figurines Cretoises aux bras levés, en particulier certaines figurines de Phaistos, d'Hagia Triadha et de Vrokastro de l'époque subminoenne. L'idole au sanctuaire de la Collection Yamalakis (37) paraît aussi très proche des figurines chypriotes. Il semble hors de doute que la figurine aux bras levés a été introduite de Crète à Chypre, d'autant plus que de nombreux autres faits corroborent cette hypothèse. Parmi les figurines d'Enkomi, on remarque une tête de type crétois caractéristique (639 d) avec des yeux en relief un peu globuleux, des sourcils en relief et, ce qui paraît être, un serpent ondulant sur le haut du front (38). Cette tête évoque les figurines de Karphi et les idoles aux serpents de Gortyne (39). Le style des têtes d'Enkomi aux détails peints, aux yeux cernés d'un trait, parfois aux oreilles cerclées de noir, aux pomm ettes maquillées de rouge rappelle de très près une idole de Cnossos et une autre de Pankalokhorio (40). Enfin comment ne pas rapprocher les idoles aux bandes peintes autour du corps et des bras, de l'idole au sanc tuaire de la collection Yamalakis qui porte également un costume à bandes, ainsi qu'un diadème (41).
(37) (38) (39) (40) (41)
Alexiou, E Minoikè Théa, pi. Γ, 2. Courtois, Alasia I, p. 332 et fig. 146. Alexiou, E Minoikè Théa, pi. ST\ 1 et Z\ 2. Id., pi. E\ 2. Id., pi. IG', 2.
127
CHAPITRE VI
L'attitude de la figurine, bras levés, tête rejetée en arrière, le port du polos, le rendu des traits du visage, nez en relief, yeux peints, le rendu des bras et des mains, la représentation des bijoux sont des détails qui se retrouvent identiques à la fois sur les figurines chypriotes et sur les figurines Cretoises. On peut comparer aux figurines chypriotes une belle figurine Cretoise de Cnossos (42). Le costume enfin paraît être crétois : robe longue couvrant les seins avec un décolleté en V ou des bretelles sur les épaules, telle que la porte l'idole Cretoise de Pangalokhori (43), que les artistes chypriotes ont mal comprise et interprétée à leur manière. Les figurines d'Enkomi appartenaient à un sanctuaire dans lequel ont été trouvés deux centaures bicéphales en terre cuite. Or ces centaures d'un type inconnu à Chypre présentent des ressemblances frappantes avec des figurines trouvées à Hagia Triadha en Crète et décrites comme des sphinx (44). Les figurines de Kition ont été découvertes dans le bothros en compagnie de modèles de naiskoi d'un type crétois assuré (45). La céramique Proto-White Painted qui a fait son apparition à Chypre au Xlème s. a.C. présente certaines analogies avec la céramique subminoenne en ce qui concerne les formes de vases et l'ornementation qui ne peuvent s'expliquer que par une influence directe de la Crète sur Chypre (46). sence
Les recherches craniologiques prouveraient également une pré Cretoise à Chypre vers la fin du second millénaire (47).
Tous ces indices tendent à prouver que des Crétois sont venus s'installer à Chypre au début du Xlème s. a.C, sans doute à la suite des Achéens qui fuyaient les Doriens en cherchant de nouvelles patries dans la Méditerranée orientale (48). C'est à ces Crétois que l'on doit sans doute l'introduction de nouvelles figurines qui devaient rester longtemps en faveur dans l'île.
(42) Id., pi. H', 1. (43) Id., pl. /', 2. (44) Ces centaures ont été publiés par J.C. Courtois, Alasia I, p. 280-306 ; Karageorghis, Pepragmena, p. 182. (45) V.Karageorghis, "Naiskoi de Chypre", BCH 94 (1971-1), p. 28 sqq. (46) Karageorghis, Pepragmena, p. 182-184. (47) Karageorghis, Pepragmena, p. 182-184. Les données craniologiques ne sont à uti liser qu'avec prudence. (48) Id., p. 185.
128
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
III. SIGNIFICATION DES FIGURINES AUX BRAS LEVÉS. On a beaucoup discuté de la signification des figurines Cretoises aux bras levés pour savoir s'il s'agit de représentations de divinités ou de simples fidèles (49), adoratrices de la divinité ou pleureuses funèbres (50). A Chypre où il existait déjà une tradition de figurines représentant la Grande Déesse, quelle place occupent les nouvelles idoles ? Jusqu'alors, les figurines chypriotes étaient représentées dans l'attitude symbolique de la déesse-mère se tenant les seins. Les nouvelles figurines n'ont plus guère de caractéristiques de fécondité, à part les seins modelés en relief sur quelques exemplaires de la série. Toute l'importance est donnée au geste des bras levés au ciel et, secondairement, au costume. Quelle signification peut donc avoir ce geste ? 1. La figurine interprétée comme une figurine funéraire : Une des pre mières interprétations données à ces figurines leur attribuait une signif ication funéraire. Il s'agirait de pleureuses aux bras levés faisant un geste de désespoir ou d'invocation aux dieux. C'était l'interprétation de Mayer et de Reichel qui soutenaient que ces figurines avaient à faire avec le culte des morts (51). Cette hypothèse a retrouvé dernièrement quelque crédit avec les découvertes de Perati en Attique (52). Là, en effet, dans deux tombes du Myc. Ill C, de la fin du Xllème s. a.C, on a recueilli, auprès des squelettes, des figurines aux bras levés et aux mains posées sur la tête. Ce type de figurine se rencontre aussi à Rhodes et à Naxos. Il re ssemble d'assez près aux figurines mycéniennes en psi, mais la position des bras est différente : les bras sont élevés au-dessus de la tête de sorte que les mains se rejoignent sur le polos de la figurine. On les a rapprochées très justement des figures féminines aux bras levés représentées sur quel ques larnakes où elles ont certainement en effet une signification funèbre (53). Les figurines de Perati et d'ailleurs, trouvées dans des tombes, ont sûrement aussi une signification analogue. Cependant, ces figurines funéraires diffèrent des figurines ordi naires aux bras levés en deux points : la position des bras est autre ; les figurines de Perati ont les mains posées sur la tête dans un geste de grand désespoir, ou encore comme si elles se tiraient ou s'arrachaient les che veux. Au contraire, les figurines Cretoises et chypriotes ont les bras levés (49) Alexiou, .EA/moiVfcè Théa, p. 243-275. (50) Alexiou, E Minoikè Théa, p. 244-245 et S. Iakovides, "A Myceanean mourning Custom", AJA 70 (1966), p. 43-50. (51) Alexiou, E Minoikè Théa, p. 244-245. (52) S. Iakovides, "Mykenaikoi Taphoi Peratès", Archaiologikon Deltion 19 (1964), p. 87-95. (53) Iakovides, AJA 70, p. 46-50.
129
CHAPITRE VI
vers le ciel, Cretoises et de lieux de une figurine
sans que les mains se rejoignent. D'autre part, les figurines chypriotes ne proviennent pas de tombes, mais en général culte. La véritable figurine aux bras levés ne semble pas être funéraire.
2. La figurine aux bras levés interprétée comme une figurine divine : On s'accorde plutôt actuellement à voir dans cette figurine une représentation de divinité. La provenance de ces idoles est en général un lieu de culte : les figurines trouvées en Crète, à Knossos, Gournia, Phaistos, Karphi, etc. proviennent de sanctuaires (54). Il existe un naiskos caractéristique à l'intérieur duquel est représentée une figurine aux bras levés, symbolisant certainement une déesse (naiskos de la collection Yamalakis) (55). Les figurines aux bras levés de Chypre du Xlème s. a.C. proviennent de sanc tuaires : les figurines d'Enkomi ont été découvertes tout près du sanc tuaire du dieu au lingot et les figurines de Kition appartenaient certa inement aux temples 1 et 4. Un groupe de figurines semblables trouvées à Samos ont été découvertes sous l'Héraion (56). Les dimensions de certaines figurines aux bras levés sont assez importantes pour représenter des figures divines : certaines figurines Cretoises atteignent 20, 30 ou même 50 cm (figurines de Gournia, de Gazi, de Karphi) (57). Il existait à Chypre aussi des figurines de plus grande dimension que les petites idoles et qui étaient soigneusement décorées. De telles figurines ne peuvent être des représentations de sim ples mortelles. Les attributs de ces figurines conviennent plus à une figure divine qu'humaine. Le diadème ou polos est un de ces attributs. Il est souvent imposant (idoles de Gazi, de Karphi, de Gortyne). A Chypre, il est devenu une des caractéristiques de ce genre de figurine. De plus, en Crète, cer-
(54) Alexiou, E Minoìkè Théa, sanctuaire de Gournia, p. 185, Gazi, p. 189, Karphi, p. 192, Sanctuaire des Doubles Haches, p. 202. (55) Id., pi. Γ, 2 et p. 277-280. L'objet est daté par Alexiou de la phase Proto-Géom. II, mais par Marinatos, de la période subminoenne (1100-1000 a.C.) ; cf. Sp. Marinatos - M. Hirmer, Krètè kaiMykenaikè Hellas (Athènes 1959), pi. 138-139. (56) D. Ohly, "Frühe Tonfiguren aus dem Heraion von Samos I", AM 65 (1940), p. 57-102, pL 35. Courtois dam Alasia I, p. 343, considère que les idoles de Samos peuvent avoir été réimportées de Chypre mais cela paraît peu probable. (57) Alexiou, E Minoikè Théa, p. 185, 189, 192, 245 : "Les dimensions exceptionnelles de ces idoles pour l'époque minoenne, leur forme monumentale, leur diadème imposant, les serpents vivants sur leur tête, ne peuvent convenir qu'à des figures divines". Les grandes figurines de Chypre sont à l'état de fragments : une tête (Enkomi 642), des bras (Enkomi 639 ; Kition) ainsi que des mains (Enkomi 641 η et o).
130
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
taines idoles sont couronnées d'oiseaux ou de serpents (idoles de Karphi aux oiseaux, idoles de Gortyne aux serpents) (58) ; il est clair que ces figurines ne représentent pas de simples fidèles ou des pleureuses. Les représentations sur sceaux de figures aux bras levés se rap portent plutôt à des divinités. Plusieurs sceaux crétois portent en effet des représentations de figures féminines aux bras levés qui ne peuvent être que des divinités (sceaux de Knossos, de Gournia, de Phaistos) (59), car elles sont entourées d'animaux ou confrontées à de simples mortels. Si la figurine aux bras levés paraît bien être une représentation en rapport avec la divinité, le geste des bras levés reste néanmoins difficile à interpréter. 3. La signification du geste : Différentes interprétations en ont été pro posées. Le geste semble avoir en effet une signification particulière car les bras et les mains sont dessinés et ornés avec soin. a) Ce serait un geste évoquant les cornes de consécration. Ce geste s'expliquerait comme une représentation de cornes en souvenir du temps où la déesse-mère était adorée sous forme d'une vache sacrée. C'est l'interprétation de B. Williams (60). Cette interprétation n'est guère convaincante. b) Ce geste serait un geste de bénédiction divine. C'est là l'i nterprétation la plus répandue. D'après Dussaud, l'élévation des deux mains signifierait que la divinité bénit les fidèles, tandis que l'élévation d'une seule main serait un simple geste d'adoration (61). Evans pense que l'élévation des mains a une double signification : par ce geste, la divinité accepte l'adoration des fidèles et leur donne sa bénédiction (62). Marinatos et Picard interprètent aussi ce geste comme un geste de bénédiction (63). Nilsson croit que l'élévation des deux mains est l'expression de l'ado ration chez les fidèles et de la bénédiction de la part de la divinité (64). Bielefeld dit que la divinité par ce geste envoie une "mana" divine, force bienveillante et protectrice, à ses fidèles (65).
os), 6.
(58) Alexiou, E Mino ik è Théa, pi. Z. et ST'. (59) Id., pi. IA', 4 (sceau de Gournia), pi. IB, 1 (sceau de Knossos), 5 (sceau de Knoss
(60) B. Williams, "The Cult Objects" dans H. Boyd-Hawes, Gournia (1908), p. "48. (61) R. Dussaud, Les Civilisations Préhelléniques (Paris 1914), p. 377. (62) A. Evans, The Palace ofMinos II, p. 128 et IV, p. 39-40. (63) Sp. Marinatos, "Ai Minoikai Théai tou Gazi", Archaiologikè Ephemeris 1937, p. 290 ; Ch. Picard, Les Religions Préhelléniques, Crète et Mycènes (Paris 1948), p. 77 et 113. (64) M. Nilsson, The Minoan Mycenaean Religion and its Survival in Greek Religion (Lund 1950), p. 310. (65) E. Bielefeld, Götterstatuen auf Vasenbildern (1954-5), p. 389-390 cité par Alexiou, E Minoikè Théa, p. 250.
131
CHAPITRE VI
c) Ce geste serait un geste d'invocation. E. Porada pense que l'él évation d'une seule main indique une attitude de prière, tandis que l'él évation des deux mains est une invocation pour l'exaucement d'un vœu précis (66). L'interprétation d'Alexiou est basée sur la valeur d'invocation du geste (67). Alexiou pense que l'origine du geste est orientale. Selon lui, le type de la déesse aux bras levés est mésopotamien d'origine et aurait été importé en Crète au Minoen Moyen I-II. En Mésopotamie, la déesse mésopotamienne aux bras levés invoquait une divinité plus puis sante en faveur de ses fidèles. On peut voir de telles scènes représentées sur les cylindres de la 3ème Dynastie d'Ur : devant une divinité assise s'avance un mortel conduit par un dieu secondaire, tandis qu'une divinité aux bras levés implore la grande divinité en faveur du fidèle. Cette divinité intercédant auprès des dieux serait Ishtar. Le geste, qui aurait d'abord été un geste d'invocation, aurait perdu par la suite sa signification première pour ne plus exprimer de la part de la divinité que sa bienveillance et sa bénédiction à l'égard des fidèles. Le geste à l'origine parait bien avoir été en effet un geste d'invocation, de prière et de respect (68). Il faut admett re qu'une divinité peut aussi invoquer une divinité plus puissante. d) Ce serait un geste d'incarnation de la divinité : Selon Kunze, l'élévation des mains ne serait ni un geste de bénédiction, ni un geste d'invocation, mais un geste manifestant la présence divine (69). Matz expose une théorie plus complexe : l'origine du geste est à chercher dans celui des danseurs sacrés invoquant la divinité au cours des danses d'invocation (70). C'était le geste que faisaient les grandes prêtresses ou la reine-prêtresse devant les fidèles. Or les grandes prêtresses ou la reineprêtresse étaient considérées comme l'incarnation de la divinité (71). Cette hypothèse nous mène à une autre interprétation possible des figurines aux bras levés :
p. 248.
(66) E. Porada, Seal Impressions from Nuzi, p. III sqq., cité par Alexiou, op. cit.,
(67) Alexiou, op. cit., p. 250-252. (68) id., p. 250-251. Un texte égyptien adressé à une divinité s'exprime en ces termes : "Les mains des hommes et des dieux se lèvent vers toi, telles les mains de l'enfant vers sa mère". Voir aussi les textes bibliques et grecs : ainsi, dans un psaume de David, "J'élève les mains en ton nom" ; dans Homère, Od. VI, 526-527, le Cyclope prie Poseidon en levant les mains vers le ciel étoile. (69) E. Kunze, Zeusbilder in Olympia, Antike und Abenland (1946), p. 100 sqq., cité par Alexiou, op. cit., p. 249. (70) Fr. Matz, Göttereschneinung und Kultbild in minoischen Kreta p. 34-35 et 37. cité par Alexiou, op. cit., p. 248-249. (71) G. Glotz, La civilisation égéenne (Paris 1952), p. 309 : "Dans le culte public, le rôle de la déesse était joué par une femme". Il en était ainsi en Mésopotamie, en Egypte, etc.
132
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
4. La figurine aux bras levés interprétée comme une prêtresse incarnant la divinité : Le geste des bras levés paraît avant tout être une invocation à des puissances supérieures. C'est peut-être le geste des danseurs sacrés. 11 semble qu'il y ait eu parmi les figurines d'Enkomi des danseurs ; les figurines étaient peut-être disposées en cercle autour d'une figure centrale, car à l'époque géométrique on trouvera précisément des rondes de figu rines semblables. L'importance donnée au costume qui est représenté par certains détails précis pourrait révéler l'existence d'un modèle humain à ces figu rines. Le port du diadème indiquerait la majesté du personnage et ses hautes fonctions. Les baudriers croisés sur la poitrine pourraient faire partie du costume des prêtresses. Les plus belles têtes de figurines ont le visage fardé de rouge sur les pommettes et le menton, comme l'était peut-être le visage de la prêtresse (72). Ainsi, les figurines chypriotes pourraient représenter des danseuses sacrées ou des prêtresses. Cependant, elles ne représenteraient pas seulement des humains. Les fidèles imagi naient sans doute la divinité sous les traits de la prêtresse ou bien ils croyaient que la divinité s'incarnait entièrement dans la prêtresse : "Les prêtresses officiantes et même la grande-prêtresse se présentaient aux fidèles en levant les bras et les fidèles croyaient que la divinité s'incarnait véritablement en elles" (73). Il semble qu'il y ait eu parmi les figurines chypriotes aux bras levés deux catégories : les danseurs et danseuses sacrés peut-être groupés en cercle et les prêtresses sacrées représentées sous une forme plus éla borée. Les prêtresses seraient aussi des incarnations de la divinité. Reste à savoir quelle divinité pouvaient représenter ces figurines ou à quelle divinité elles avaient été consacrées. Il semble prouvé à présent que le type de ces figurines est d'origine Cretoise. Des Cretois l'auraient intro duit à Chypre, peut-être avec leurs croyances. L'apparition de ce nouveau type de figurine sacrée indique-t-il quelque changement dans la religion chypriote ? 5. L'identité de la divinité en rapport avec les figurines aux bras levés : En Crète, la figurine aux bras levés qui apparaît dans de nombreux sanc tuaires est considérée comme la représentation d'une seule et même divi nité, la Grande Déesse minoenne (74). Cette grande déesse peut se mani(72) Une tête de Mycènes peinte de la fin de l'époque mycénienne est ornée de taches rouges entourées d'un pointillé sur les joues et le menton, voir Sp. Marinatos, Krètè kai Mykenaikè Hellas, pi XLI. (73) Alexiou, op. cit., p. 249. (74) L'identification de cette divinité a donné lieu à de nombreuses hypothèses, voir Alexiou, op. cit., p. 252 sqq. ; cependant la plupart des chercheurs s'accordent à voir une seule divinité "Pangalokhori" adorée sous diverses formes, la Grande Déesse Minoenne, voir en particulier, Sp. Marinatos, , Archaiologikè Ephemeris 1933, p. 55.
133
CHAPITRE VI
fester sous diverses formes, déesse aux oiseaux, déesse aux serpents, déesse de la fécondité, déesse de la guerre, mais elle est une et toute puissante. C'est la même divinité que la divinité orientale de fécondité et sans doute que la divinité chypriote. Elle est restée la maîtresse incon testée de la vie sans aucun parèdre mâle. Cette grande déesse n'a sans doute rien à voir avec le panthéon de dieux et déesses que nous révèlent les tablettes de Knossos en linéaire Β et qui représenterait plutôt les dieux adorés par les Achéens de Knossos (75). Les Cretois continuaient à adorer leur Grande Déesse et elle est sans doute restée en faveur jusqu'à la fin de la civilisation minoenne. Les figures aux bras levés de Crète sont donc sûrement en rapport avec la Grande Déesse. A Chypre, les nouvelles figurines apparaissent dans des sanctuaires, à la différence des anciennes figurines de fécondité qui étaient presque toujours déposées dans des tombes. Peut-être l'offrande d'idoles dans les sanctuaires imite-t-elle un usage crétois. Des figurines aux bras levés se rencontrent donc au Xlème s. a.C. dans les deux ou trois sanctuaires de cette époque : à Enkomi, dans le sanctuaire du dieu au lingot qui était vraisemblablement un dieu de la fécondité, peut-être associé à une déesse ; à Kition, dans le grand temple sur l'emplacement duquel devait plus tard s'élever le grand temple d'Astarté. Il semble donc prouvé que les nouvelles figurines étaient en rapport avec les divinités de la fécondité. 6. Allusions dans les textes aux rapports de culte entre la Crète et Chypre : Plusieurs textes d'auteurs anciens font allusion à certains rapports entre les cultes de Crète et de Chypre (76). Diodore de Sicile assure que le culte d'Aphrodite a été introduit de Crète à Chypre (77). D'autres tradi tions associent Thésée à l'introduction d'un culte d'Ariane à Chypre. Plutarque dans sa vie de Thésée (78) cite Péon d'Amathonte selon lequel Thésée aurait touché Chypre avec Ariane après avoir quitté la Crète. Il aurait laissé Ariane dans l'Ile, ayant été emporté lui-même sur son vaisseau par la tempête. Ariane y serait morte ; on l'aurait enterrée à Amathonte dans un bois sacré où l'on montrait toujours son tombeau, appelé "Bois d'Ariane-Aphrodite". Thésée aurait plus tard obtenu que l'on institue un culte d'Ariane à Amathonte et qu'on lui élève deux statuettes, l'une (75) Alexiou, op. cit., p. 273-274. (76) Se basant sur ces références, K. Hadjioannou soutient le point de vue que l'Aphrod ite chypriote est d'origine Cretoise : la tradition légendaire, les similarités de culte, l'introduction de l'écriture de type minoen, tout cela indiquerait une profonde influence de la Crète sur Chypre. Cependant Hadjioannou place cette influence à une date plus haute que le Xlème s. a.C. ; dès le Chyp. Ane. les Chypriotes auraient emprunté aux Crétois le culte et la divinité de la Grande Déesse, voir K. Hadjioannou, "E Kypris Aphrodite Aigaiaké è Semitikè Theotès", EFSA 1973, p. 1-6. (77) Hadjioannou,>l/s:£lPH)p.54.10. (78) Id., p. 54.10.1.
134
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
d'argent et l'autre de bronze. Ce mythe "fait allusion à certaines relations existant entre Aphrodite et la divinité crétoise et à l'origine probable de certains éléments du culte d'Aphrodite" (79). Callimaque dans un Hymne (80) parle d'une certaine statue de Kypris que Thésée transportait à Délos à son retour de Crète. Il semblerait donc que les légendes aient gardé le souvenir de certains rapports de culte et de l'introduction d'une icono graphie nouvelle de Crète à Chypre. Ces traditions recouvrent peut-être des fait réels en relation avec l'arrivée de Cretois dans l'île au Xlème s. a.C. Elles concernent clairement le culte de la Grande Déesse auquel devaient être associées d'une façon ou de l'autre les petites figurines aux bras levés. Les idoles nouvelles, d'aspect beaucoup moins oriental que les anciennes figurines de fécondité, s'intègrent sans doute aisément dans le culte de la divinité chypriote qui devait se trouver régénéré par l'apport d'éléments étrangers. Il semble que ce soit sous cette forme que l'image de la Grande Déesse ou de sa prêtresse se soit perpétuée de la fin du Chyp. Réc. jusqu'au Chyp. Arch. IV. LES FIGURINES AUX BRAS LEVÉS TROUVÉES SUR DIFFÉ RENTS SITES DE L'AGE DU FER. On a recueilli certains ensembles de figurines aux bras levés dans des contextes datables de l'Age du Fer, qui illustrent l'évolution du type et témoignent de sa survie pendant plusieurs siècles. A. Période Chyp. Géom. I-II. 1. Les figurines d'un petit sanctuaire d 'Enkomi : Près de l'enceinte d'Enkomi, à proximité de la tour de la Porte Nord, on a trouvé cinq fragments de figurines aux bras levés (81). Elles sont de la même fabrique que la céramique White Painted I découverte au même endroit et appartiennent donc à la période Chyp. Géom. I (1 050-95 Ó a.C). Le site d'Enkomi aurait été réoccupé partiellement pour une courte période. Ces figurines seraient des offrandes votives provenant d'un petit sanctuaire rustique. Parmi ces fragments on distingue : a) un type de figurine aux bras levés, de forme non cylindrique, mais avec des jambes indiquées (brisées) (82) ; ce type de figurine a un visage au nez proémi nent avec deux orbites pour les yeux. La figurine porte des de'tails peints : le
(79) (80) (81) (82)
Ibid., commentaire par Hadjioannou. Id., p. 54.10.2. Dikaios)£'nfcoral, p. 302-303 ; II, p. 356 ; III, pl.107/36-43. Id., Enkomi III, pi. 107/41-43 (type à jambes) ; 39 (type cylindrique).
135
CHAPITRE VI
sommet et le derrière de la tête sont peints en sombre ; les yeux sont rendus par un point sombre au milieu de l'orbite ; l'extrémité des bras est peinte ; et, surtout, la figurine porte une large bande tombant sur la poitrine en forme de V (6192/5-6). Une autre figurine du même type paraît avoir un corps cylindrique (6192/7). b) un type de figurine plus élaboré, avec des seins en relief ; cette figurine, incomplète, porte trois bandes fines peintes à la taille et, autour du cou, deux bandes fines tombant librement entre les seins (6180/5) (83). c) enfin, un fragment de figurine à tête discoïde et visage rudimentaire, du type fréquent à Enkomi au Xlème s. a.C. (6180/6) (84) qui appartient peut-être à un groupe de danseurs ou danseuses. Ces figurines sont donc toujours caractérisées par le geste des bras levés, et par un détail important du costume, la large bande croisée sur la poitrine. 2. Les figurines du sanctuaire de Ayios Iakovos : On a recueilli dans un sanctuaire de l'Age du Fer plusieurs figu rines aux bras levés que l'on attribue à la période de transition entre le Géométrique I et le Géométrique II (85), soit vers 950 a.C. On distingue les types suivants : a) Des figurines faites à la main, au corps grossièrement cylindrique, aux seins modelés en relief, portant en général des traces de peinture sur le corps et la tête : une quinzaine d'exemplaires ont été rassemblés (86). La figurine 29 paraît parmi les plus anciennes : elle porte des bandes peintes sur lé bas du corps et sur les bras ; le visage au nez et au menton proéminents, a des yeux peints rendus à l'aide d'un point entouré d'un cercle et une bouche indi quée par une petite tache ; elle porte une coiffure en forme d'éventail ornée de traits irradiants. Elle mesure une dizaine de cm de hauteur (87). Une autre grande figurine de 18 cm de hauteur est du même type ; elle a des bandes peintes sur la robe et les bras et des bandes croisées sur la poitrine. Le visage présente des traits accusés : un nez, des yeux globuleux, des sourcils et surtout des oreilles modelées (88). b) Des figurines faites au tour, au corps cylindrique évasé à la base. Ces figurines ont des seins marqués en relief et de grosses têtes rondes avec un nez en forme de bec (18 et 31). Elles appartiendraient à la même époque que les pré cédentes (89). (83) (84) (85) (86) (87) (88) (89)
136
Id., pi. 107/40. Id., pi. 107/37. La tête isolée 6192/8 paraît masculine (pi. 107/36). SCE I, p. 361 sqq., pi. LXVIII. Id., classification p. 366, type 2 ; pi. LXVIII, 6, 29, 44. Id., pi. LXVII, 29. Id., pi. LXVIII, 6. Id., classification, p. 366 type 1 ; pi. LXVIII, 18, 31.
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
c) Un groupe de personnages aux bras levés posés sur une base en forme de disque (90). Trois figurines modelées de façon très rudimentaire sont groupées en rond autour d'un personnage central. La figurine la mieux conservée a une tête discoïde assez semblable à celle des figurines d'Enkomi. Il existe d'autres exemplaires de provenance inconnue du type de figurine aux bras levés appar tenant sans doute à des groupes semblables (91) et même un groupe complet (92) qui représente trois personnages aux bras levés entourant un joueur de flûte (?). Il s'agit sans doute de danseurs ou danseuses sacrés. On connaît en Crète des repré sentations semblables qui datent du Minoen Récent (93) et il est tout à fait possible que les groupes chypriotes copient des modèles crétois. Le rite même de la danse sacrée a pu venir de Crète, apporté par les Crétois au Xlème s. a.C. 3. Les figurines des Tombes de Lapithos du Chyp. Géom. I-II ( 1050850 a.C). Les figurines aux bras levés proviennent en général de sanctuaires, mais il en a été trouvé aussi dans des tombes. Ainsi à Lapithos, où elles faisaient partie du matériel funéraire d'une tombe du Chyp. Géom. I (tombe 419) et d'une autre tombe du Chyp. Géom. II (tombe 415) (94). La figurine de la tombe 419 a un corps en forme de cloche. Une bande peinte croisée entre les seins tombe jusqu'aux pieds ; la taille est marquée par une ligne ; les seins en relief sont entourés d'un trait noir. Les bras qui sont cassés paraissent levés en l'air. La figurine semble porter un masque sur le visage ; ce masque est en forme de tête d'animal (bélier ?). L'autre figurine fragmentaire porte une bande en V peinte sur la poitrine. Le type de la figurine aux bras levés, loin de se perdre, a persisté tout au long de ces siècles obscurs et il connaîtra une faveur accrue dans les siècles suivants. B. Les figurines aux bras levés aux périodes Chyp. Géom. III et Chyp. Arch. Des sites assez nombreux ont livré des figurines le plus souvent datables, mais on possède aussi beaucoup d'exemplaires sans provenance que l'on date d'après leur style de cette période.
(90) (91) (92) (93) (94) p. 223 (Géom.
Id., classés sous le type 2 ; pi. LXVIII, 13, 16. CM C33O, C362, C364, C369, C1036. CMC333. Voir A. Evans, The Palace ofMinosat Knossos III, p. 66 sqq. SCE I, tombe 419, p. 234 (fin du Géom. I), figurine 1, pi. XLXIX, 5 ; tombe 415, II), figurine 1, pi. XLIX, 4.
137
CHAPITRE VI
1. Les figurines récentes de Kition : une dizaine de figurines ou fragments ont été découverts dans des bothroi correspondant au sol III de date 850-800 a.C. (95). Ces figurines ont conservé le corps cylindrique évasé à la base des idoles plus anciennes ; elles portent toujours des bandes au bas de la robe, des bandes sur les bras, souvent une bande autour du cou, parfois la bande croisée sur la poitrine caractéristique des premières figurines ; l'ornementation est cependant plus simple. Une belle tête (3159) pourtant est peinte avec soin : elle a les yeux rendus par un point inscrit dans un cercle, des sourcils en arc de cercle, deux traits horizontaux pour la bouche ; elle porte un polos plat orné d'une bande pourpre au sommet, de lignes verticales sur le devant. Autour du cou elle a deux colliers et sur les épaules la large bande en V. Un fragment de grande main appartient à une figurine de d imension plus importante. La tradition des figurines aux bras levés s'est donc maintenue à Kition même au temps de l'occupation phénicienne, peut-être même dans les temples phéniciens. 2. Les figurines de Dhali : les fouilleurs suédois ont mis au jour plusieurs figurines aux bras levés à Dhali, sur le site de l'ancienne Idalion. Ce sont les figurines 1428, 1429 et 1430 (96). Elles ont un corps cylin drique avec de petits seins coniques en relief. Les traits du visage sont grossiers, avec un nez et des yeux proéminents. Sur la tête elles portent un haut polos plat. Elles sont abondamment peintes de bandes rouges et noires à la partie inférieure du corps et sur les bras. Sur la poitrine on distingue des bandes croisées et dans le dos un triangle hachuré. L'une de ces figurines a les seins entourés d'un trait noir. Ces figurines sont datées de la période 4 d'Idalion, soit de la fin du Chyp. Géom. III et du début du Chypr. Arch. I (850-700 a.C). 3. Les figurines d'Ayia Irini : Quatre figurines aux bras levés ont été trou vées parmi de nombreuses figurines masculines dans le sanctuaire consacré à un dieu (97). La figurine 2804 a un corps cylindrique évasé à la base avec des seins co niques ; elle a un visage très grossier avec un nez épais, des yeux globuleux en pastille et une bouche fendue. Elle porte un haut polos plat peint en noir sur le devant ; sur le derrière de la tête la chevelure est indiquée par de grosses lignes verticales. (95) Kition 1168, 2340, 3085, 3526, 3353, 3159, 3743, voir Karageorghis, "The Goddess with uplifted arms in Cyprus" à paraître dans les Mélanges Gjerstad. (96) SCE II, p. 567, pi. CLXXXII, type 2 ; pour la date voir p. 604 et 624. (97) SCE II, p. 759 (2316), type des grandes idoles, pi. CCXXXVI/1-2. Pour la date voir Ibid., p. 817. Figurine 1804 publiée par E. Gjerstad dans Medelhavsmuseet Bulletin 3 (1963), p. 25, 38, fig. 39. Figurine 2316, cf. SCE II, p. 759, pi. CCXXXVI/1-2. Cf. aussi figurines 1734 et 2362, Λ/., p. 738 et 761.
138
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
La figurine 2316 est de grande taille (36 cm). Elle a un haut corps cylin drique avec deux petits seins en relief. Le visage est grossièrement modelé avec un nez saillant, peut-être une barbe, des yeux globuleux, des sourcils épais et de larges oreilles en relief. Les yeux, les paupières et les lèvres sont peints. La chevelure est indiquée par des bandes peintes descendant sur le derrière de la tête. La figurine porte une bande peinte autour du cou et aux poignets. Elle n'a pas de polos. Le vêtement est orné d'une ceinture garnie de triangles hachurés. Un détail rare dis tingue cette idole : un serpent monte le long du dos de la figurine et passe sur son épaule gauche. On pense ici encore à un modèle crétois. 4. Les figurines de Morphou : le site de Toumba tou Skourou a livré deux figurines aux bras levés. L'une (CM 1958/V-7/3) (98) est une figure assez grossière avec un visage au nez volumineux, aux gros yeux globuleux et aux larges oreilles (pi. 23, a). Elle ne porte pas de polos. La décoration peinte est assez abondante : les yeux et les oreilles sont peints, le corps est orné de bandes autour du cou, aux bras et à la taille. La robe est quadrillée à sa partie inférieure. Le collier représenté par une bande autour du cou porte trois languettes. Les bandes sur les bras doivent repré senter les bracelets ; le petit disque que l'on distingue sur l'avant-bras gauche doit être un sceau maintenu par un bracelet. La seconde qui a été trouvée au cours des fouilles américaines sur le site (99) est nue, elle a des jambes séparées et tient les bras écartés. Ses seins sont en relief et son nombril est rond comme une pastille. On remarque l'habituelle bande croisée peinte sur la poitrine. De visage, elle présente des traits grossiers, un nez et un menton saillants et des yeux peints d'un point inscrit dans un cercle. Elle a le crâne peint en sombre. Les figurines aux bras levés se rencontrent donc partout dans l'île, mais parfois elles prennent des formes variées, avec ou sans polos, vêtues ou nues. 5. Les figurines de Palaepaphos : quelques fragments de figurines aux bras levés ont été découverts sur le site, ainsi que trois belles figurines. a) Les fragments (100) sont du type de figurine cylindrique élar gie à la base, avec des seins en relief et les bras levés. L'une de ces figurines (KC 204 a) porte une longue robe ornée d'une large bordure au bas et de fines bandes à la taille, avec des rubans pendant sur le ventre et une fine bande descendant sur le côté. Une autre (KC 294 g) qui a conservé sa tête a des yeux en amande entourés d'une fine ligne sombre et elle porte une haute coiffure rayée de bandes horizont ales. On distingue sur le cou des traces d'une bande qui descend derrière les oreilles.
fig. 28.
(98) BCH 83 (1959), p. 340, fig. 4 ; Karageorghis, Pepragmena, p. 181, pi. 32.1. (99) E.T. Vermeule, Toumba tou Skourou, the mound of Darkness (Boston 1974), (100) Mitford et Iliffe, The Antiquaries Journal 31 (1951), p. 63 et fig. 5.
139
CHAPITRE VI
Les figurines de Palaepaphos ont été découvertes en compagnie de petits objets coniques qui représenteraient soit un arbre stylisé soit la pierre de culte du sanctuaire (?). De la même période nous avons aussi une figurine étrange : figurine en forme d'arbre avec un corps cylindrique évasé à la base portant deux paires de bras super posés. Cette idole étrange étend ses doubles bras sur les côtés et de plus elle est cou verte de serpents qui ondulent sur son corps et ses épaules. Une telle figurine t émoigne de l'existence d'images assez fantastiques dans la conscience populaire reflétant sans doute des mythes étranges autour de la figure aux bras levés. Ces figurines avaient été datées par leurs inventeurs de la fin du Chyp. Réc, mais cette datation est beaucoup trop haute. Il s'agit vra isemblablement de figurines archaïques. Le site de Palaepaphos-Kouklia où l'on sait que se trouvait déjà un sanctuaire au Chyp. Réc. avait certainement dû rester un lieu de culte pendant les périodes Chyp. Géom. et Chyp. Arch. Peu de matériel a mal heureusement subsisté de cette époque (101). b) Les trois belles figurines : Elles ont été trouvées sur le site de l'ancien sanctuaire et sont actuellement au British Museum (BM A 123, A 124 et A 125) (102). Ces trois figurines sont de petits chefs d'oeuvre. Elles mesurent environ 30 cm de hauteur (A 123 mesure 35 cm). Elles ont un corps cylindrique s'évasant à la base, orné de bandes rouges et noires (PI. 24, f). Le visage est très beau : les yeux en amande sont rendus par un trait noir entourant la pupille ; de longs sourcils surmontent les yeux ; les lèvres et les oreilles sont peintes en rouge ; on remarque des taches rouges sur les joues et le front qui semblent représenter le maquillage. La figurine porte un haut polos en forme d'éventail, très orné ; il est décoré alternativement de bandes rouges et noires, d'une bande garnie de losanges noirs et de points rouges, et d'une bande de chevrons noirs séparés par des triangles rouges. Aux oreilles, la figurine a des boucles et, autour du cou, un collier composé d'un double rang de perles alternativement rouges et noires avec un médaillon au milieu du cou ; les mèches de la chevelure tombent sur les épaules. Sur la poitrine, un cordon double passe entre les seins, se terminant par deux petits objets noirs et rouges qui ont été identifiés comme étant des fleurs et sont peut-être des sceaux. Les bras sont entourés de bandes rouges et noires. Les seins sont couverts de taches rouges en forme de poire et on distingue aussi sur la robe au-dessus des bandes un motif étrange en forme de demi-œuf, dessiné en rouge et noir ; sur un autre exemplaire A 124, ce motif se complète de croix de diverses formes, disposées au-dessus de la ligne. On pense à une représentation sym bolique des organes génitaux féminins. (101) La saison de fouilles d'août 1976 de la mission suisse-allemande dirigée par F. Maier. a mis au jour des centaines de figurines sur le site. Ces figurines sont de date Chyp. Géom. et Arch. (102) B.M. Cat. of terracottas, p. 21.
140
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
Ces figurines qui proviennent de Palaepaphos représentent sûr ement un personnage attaché à la Grande Déesse, sinon la Déesse ellemême. La figurine A 123 est particulièrement belle, maquillée, ornée de bijoux et coiffée d'un polos impressionnant : on peut penser qu'il s'agit de la Grande Prêtresse telle qu'elle était vêtue et maquillée pour les grandes cérémonie. Mais comme la prêtresse est sans doute à l'image même de la déesse,peut-être la figurine représenterait-elle la déesse elle-même. Ces figurines paraissent beaucoup plus récentes que les précé dentes, à cause de la perfection de l'exécution. Cependant, le type reste très fidèle à un modèle très ancien. On pourrait proposer comme date le VII-VIème s. a.C. Tel est le matériel provenant de nombreux sites qui témoigne de la survivance vigoureuse de la figurine aux bras levés de la fin du Chyp. Réc. à la période Chyp. Arch, et même à des périodes ultérieures (103). V. LES DIFFÉRENTS TYPES DE FIGURINES AUX BRAS LEVÉS AUX PÉRIODES CHYP. GÉOM. ET CHYP. ARCH D'après les exemplaires trouvés dans des contextes connus et datables et de nombreux autres isolés, on peut classer les figurines en dif férents types. Sous ses diverses formes elle témoigne de la fidélité de l'image à un modèle très ancien. La figurine a survécu soit en groupe, dans les modèles de danseuses en rond, soit isolée, sous la forme d'un person nage féminin ; ce personnage porte presque toujours un diadème ou polos, et, presque toujours des bandes peintes sur le corps indiquant un vêtement orné, ainsi que des bandes en V peintes sur la poitrine. Le vêtement devait avoir une importance spéciale, ainsi que le détail des bandes peintes sur la poitrine. Ces ornements sont apparus avec les premières idoles aux bras levés d'Enkomi ; mais les Astartés en bronze du Xllème s. a.C. portaient déjà un collier à pendentif. Faut-il interpréter ce détail du costume comme un collier ou comme un cordon portant un pendentif ? Ou faut-il y voir une large bande portée sur la poitrine et qui serait comme l'insigne d'un sacerdoce ? On pourrait penser au kestos himas d'Aphrodite décrit par Homère (II. XIV, 214), bande brodée que la déesse portait sur les seins et qui était douée d'une vertu magique (104). Cet ornement aurait pu devenir le symbole de la divinité.
(103) Pour la continuation du type de la figurine aux bras levés aux Vlème-Vème s. a.C, voir chap. IX, p. 200. (104) Hadjioannou dit que l'expression himas kestos se réfère à des lanières et non à une ceinture et que la statuette de la déesse au lingot en bronze portait déjà ce kestos himas, art. cit., ESFA 1973, p. 7-8.
141
CHAPITRE VI
1. La figurine aux bras levés sans polos : C'est un type assez peu représenté. On possède de ce type une figurine de Ayios Iakovos (6) (105), d'époque Chyp. Ge'om. I-II, une autre grande figurine d'Ayia Irini (2316) (106) d'époque Chyp. Géom. III ou Arch. I, ainsi qu'une figurine de Toumba tou Skourou (CM 1958/V-7/3) (pi. 23, a) (107). Cest trois figurines sont plutôt de grande dimension (18, 36 et 16 cm) ; elles ont des yeux globuleux, de grosses oreilles et un visage grossier. Un type plus fréquent est celui de la figurine à diadème. 2. La figurine à diadème : II existe quelques exemplaires assez beaux de figurines sans polos, mais portant diadème sur le haut de la tête. Parmi celles-ci, mentionnons : a) Une figurine aux cheveux longs au Metr. Mus. New York, (74.51. 1609) (pi. 23, b) (108). Elle a un corps conique et deux petits seins modelés en relief. Elle porte les cheveux longs tombant dans le dos en longues mèches ; sur le sommet de la tête, une sorte de diadème (brisé). Elle a un nez particulièrement proéminent, des yeux globuleux, des sourcils, des lèvres et des oreilles en relief. La décoration peinte consiste en une bande horizontale au niveau de la taille et une longue bande verticale sur le devant du vêtement garnie de carrés quadrillés et de points rouges. Les seins sont peints en rouge. Les bras portent une bande au poignet et une croix de Malte sur l'avant -bras ; les doigts sont indiqués par des lignes parallèles. Un collier composite avec un gros médaillon circulaire (un sceau ?) pend entre les seins jusqu'à la taille. Le visage est peint également en rouge et noir. Les yeux, les sourcils et la chevelure sont rendus en noir, les lèvres et les oreilles le sont en rouge, de même que le diadème. Cette figurine de 22 cm est assez importante par la solennité du costume et l'importance des détails significatifs de sa nature : vêtement, collier portant un sceau (?), tatouages symboliques sur les bras. Elle est aussi riche en couleur et paraît proche d'un modèle réel. Elle date sans doute de la fin du Chyp. Géom. b) Une figurine aux cheveux longs du Musée de la Fondation Piérides à Larnaca (109). C'est un très bel exemplaire complet (pi. 24, c). Elle présente un corps cylindrique reposant sur une base évasée et orné de bandes et de lignes rouges et noires à sa partie inférieure. Elle a de petits seins peints en rouge, des bras ornés de bandes sur toute leur hauteur et des doigts bien dessinés. Le visage est particulièrement bien rendu : les yeux sont dessinés par un cercle en noir et les sourcils par un arc bien net. Les oreilles sont peintes en rouge, de même que les lèvres et une petite tache sur la joue qui rappelle une figure d'Enkomi (110). La (105) (106) (107) (108) (109) (110)
142
Ayios Iakovos 6, voir SCE I, pi. LXVIII, 6 et ci-dessus p. 136. Ayia Irini 2316, voir SCE II, pi. CCXXXVI/1-2, et ci-dessus p. 138. BCH 83 (1959), p. 340, fig. 4 et ci-dessus p. 139. Cesnola collection, voir L.P. di C&sno\à, Atlas, II, pi. XII, 91. Karageorghis, Piérides Collection, p. 136, 71. Enkomi 642, Courtois, Alasia I, fig. 147 et 149.
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
chevelure tombe dans le dos en une masse épaisse se terminant par une frange et deux mèches descendant de chaque côté du cou. Autour du cou deux colliers semblent porter deux pendentifs. Enfin le diadème est posé en couronne sur le haut de la tête ; il est orné d'un zigzag et évoque celui de la figurine Cretoise de la collection Yamalakis. Cette figurine que l'on date du VlIIème s. a.C. semble, comme la précédente, proche d'un modèle réel par la précision du costume et l'on peut imaginer à travers elle les fidèles ou prêtresses du culte. Le type de la figurine à diadème est attesté déjà à Enkomi (827) puis à Kition (3085 et 3159) (1 1 1). Le type le plus fréquent cependant est celui de la figurine à haut polos. 3. La figurine à haut polos plat : c'était le type des premières idoles de Kition et d'une idole de Limassol. Il se continue avec vigueur. Ainsi : Une figurine au Metr. Mus. New- York (74.51.1610) (pi. 24, d) (112): elle a un corps cylindrique reposant sur une base évasée. Les seins sont rendus en relief et peints en rouge. Le vêtement est rendu par des bandes peintes avec un entredeux en zigzag. Sur le cou et la poitrine, des bandes s'entrecroisent, repré sentant des colliers ou cordons. Le visage est assez grossièrement rendu avec un nez saillant : les yeux sont dessinés par un point entouré d'un trait épais, la bouche est un trait horizontal et les sourcils forment un trait continu qui se prolonge tout autour du visage. La tête est surmontée d'un polos assez haut, orné d'une bande garnie de traits obliques, et entouré d'un trait épais. Cette figurine doit dater de la fin du Chyp. Géom. Ce type se re trouve aussi dans une figurine de Dhali (1428) (113), une autre de Ayia Irini (2804) (114) et surtout les trois belles figurines de Palaepaphos (pi. 24, f) dont les poloi hauts et décorés avec raffinement sont de véri tables œuvres d'art (115). Il semble évident que le costume représenté sur ces figurines copie le modèle réel d'un beau costume de cérémonie. 4. La figurine portant un vase sur la tête : C'est un type rare mais illustré par deux beaux exemplaires. La figurine CM Β 26 (pi. 24, b) porte une amphore sur la tête qu'elle maint ient de ses deux mains levées. Le visage a des traits grossiers, nez et menton proé minents, grandes oreilles, et des yeux peints. Sur la poitrine, la figurine porte les bandes croisées habituelles.
(111) Gjerstad, pi. III. (112) (113) (114) (115)
Enkomi 827, id., fig. 149 ; Kition 3085 et 3 159, Karageorghis, dans les Mélanges CesnolaMf/as, II, pi. XII. 90. SCE 11, p. 567, pi. CLXXXII, ci-dessus p. 138. SCE II, p. 759, pi. CCXXXVI/1-2 et ci-dessus p. 138. B.M., Cat. of Terracottas, p. 21, A 123, A 124, A 125.
143
CHAPITRE VI
Une grande tête peinte, CM 1938/IV-8/3 (pi. 24, e) est sans doute du même type. Elle porte à son sommet la base d'un vase maintenant brisé. Les yeux et les sourcils sont peints et les joues portent les deux taches habituelles sur les figurines aux bras levés. De même, on remarque sur le cou les doubles cordons ou colliers qui devaient descendre sur la poitrine. La figure à laquelle devait appartenir cette tête était sans doute de grande taille et devait mesurer un mètre environ (116). Il existait certainement d'autres variantes du type de la figurine aux bras levés. Ainsi, on possède un exemplaire de figurine à bras levés portant une robe courte sur de petites jambes (CM Β 31) (117) ou encore des figures nues aux bras levés portant un polos qui sont d'un type étrange (CM 1965/VI-1/26) (118). Cependant le type classique appelé à survivre jusqu'au Vème s. a.C. est celui de la figure vêtue à polos ou diadème, dont il existe aussi des représentations sur un vase et d'autres objets. VI. AUTRES REPRÉSENTATIONS LEVÉS ET SON IDENTIFICATION :
DE
LA
FIGURE
AUX BRAS
Deux représentations de la figure aux bras levés, dont l'une est sur un vase, et l'autre sur une applique murale, aident peut-être à l'identifier. A. La figure aux bras levés sur les vases : la prêtresse de l'amphore du Louvre (pi. 23, c) : II ne subsiste que le col de cette grande amphore (MNB 322) (1 19) d'époque Chyp. Géom. III, mais il porte une représentation importante qui doit être une scène de sacrifice : deux hommes barbus vêtus de longues robes transportent une chèvre à l'aide d'un long bout de bois auquel l'animal est attaché par les pattes. Ces personnages en longue robe doivent être des prêtres qui apportent l'animal en vue du sacrifice. Derrière eux se trouve une femme vêtue d'une longue robe dont la traîne est rendue par un large pan bordé d'une frange. Cette femme est coiffée d'un haut polos orné de différentes bandes et elle porte une lourde cheve lurequi tombe dans le dos. Elle semble marcher derrière les hommes et elle a les bras levés. Il s'agit certainement du même personnage que celui que représentent les diverses terres cuites. Ici, cette figure paraît plus humaine que divine : elle est en train de marcher et elle fait sans doute partie du cortège sacrificatoire. Ce doit être la Grande Prêtresse.
VIII. 56.
(116) Voir aussi Karageorghis dans Mélanges Gjerstad. (117) Aussi Murray et autres, Excavations in Cyprus, fig. 165,7 et Cesnola, Atlas II, pi.
(118) Type étudié dans le chapitre VII, p. 151. (119) Vase provenant de Pyla, CVA France, pi. 193, 4, 6, 8 ; Bossert, Altsyrien, 255256 ; et récemment A. Caubet et M. Yon, "Deux appliques murales Chypro-Géométriques au Louvre", RDAC 1974, pi. XIX, 4.
144
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
B. La figurine aux bras levés sur deux appliques murales. Deux objets semblables qui sont des appliques murales contien nent de belles figurines aux bras levés (120). Ces objets qui se présentent comme des plaques se terminant à leur partie inférieure par des gouttières sont richement décorés de motifs géométriques et portent aussi des bucranes et des figurines en relief. Il s'agit certainement d'objets de culte, porte-lampe ou encensoirs. 1. L'applique de la collection Hadjiprodromou (pi. 24, a) (121). Une belle figurine soigneusement exécutée est modelée en relief au milieu d'une applique de la période Chyp. Géom. III. Elle a la tête sous deux bucranes au museau très orné. La figurine porte un vêtement décoré de motifs géométriques sur le corps ; les jambes apparaissent, légèrement écartées et pliées au genou, mais elles semblent couvertes d'un vêtement. Elle tient les deux bras en avant comme en un geste religieux. Son visage est particulièrement bien rendu : les yeux sont finement peints, de même que les sourcils ; la bouche est un petit trait horizontal, et les joues sont fardées de deux petites taches rouges. Les cheveux tombent de chaque côté du cou. Enfin, elle porte un imposant polos orné de triangles et dif férents autres motifs géométriques. Ce personnage, placé sous les bucranes, évoque un personnage sacré trônant dans un sanctuaire. On imagine une Grande Prêtresse dans son sanctuaire où le bucrane est toujours présent comme emblème des forces de fécondité. Cette figurine est sûrement à rapprocher d'une autre représentation de femme à longue robe qui orne un objet analogue, une plaque murale servant de support à la figurine (Louvre AM 333) (122). La femme représentée est vêtue d'une longue robe décorée de motifs géométriques et de rosettes ; elle porte des bracelets aux bras, deux rangées de colliers autour du cou et une couronne ornée de rosettes. Elle tient de la main droite un fleuron de lotus. Il est évident que cette figurine féminine représente une prêtresse. Elle témoigne certainement de la représentation de prêtresses sur des objets de ce genre ; mais elle est de date plus récente que la précédente, étant de fabrique Bichro me IV et remontant au Chyp. Arch. I (Vllème s. a.C).
(120) A. Caubet et M. Yon, art. cit., RDAC 1974, p. 112-131, étudient cette classe d'objets, souvent ornés de protomes de taureau et de serpents, qui appartiennent certainement au matériel rituel du culte des forces de fécondité. (121) V. Karageorghis en addendum à l'article de A. Caubet-M. Yon mentionne cet objet de dimensions inhabituelles, RDAC 1974, p. 131 ; aussi V. Karageorghis, "Three Iron Age wall-brackets from Cyprus", Rivista di Studi Fenici III, 2 (1975) p. 162-167. (122) Caubet-Yon, RDAC 1974, p. 1 19, fig. 4, b-c, pi. XIX, 2.
145
CHAPITRE VI
2. L 'applique AM 1 704 au Musée du Louvre ( 1 23) : Sur cette applique très semblable à la préce'dente, une figurine debout est placée sous un grand bucrane qui occupe la partie supérieure de l'objet. Mais elle est représentée nue, ou du moins ornée de différents motifs ; elle porte des anneaux aux chevilles, aux poignets, à la naissance des bras, au cou ; elle a de petits cercles ponctués aux genoux, des svastikas peints sur les cuisses, des rosettes de points autour du nombril, un triangle quadrillé en noir à la place du pubis ; elle a les pieds peints en rouge. Son visage est également peint de noir sur les yeux et de rouge sur le nez. Elle élève les bras en portant les mains sur les côtés de la tête à un polos plat rectangulaire. La figurine représentée sur cette applique est certainement l'équi valente de la précédente. Cependant, elle est nue, avec des ornements mettant en valeur ses attributs féminins. On s'imagine difficilement une prêtresse sous ses traits. Il est plus probable que dans ce cas la figurine représente la déesse elle-même. Mais la similarité de l'attitude et de la position de ces deux figures interchangeables montre sans doute que la prêtresse était un substitut de la déesse et qu'elle en était très proche. Ainsi pouvons-nous sans doute indifféremment appeler ces figurines prêtresses ou déesses. Les sites sur lesquels elles sont le plus souvent apparues sont les sites des grands sanctuaires d'Aphrodite à Paphos et à Dhali (Idalion) et il est à peu près sûr qu'elles étaient en rapport avec le culte de la déesse. D'ailleurs ce type de figurine, loin de disparaître au cours des temps, est demeuré très populaire jusqu'à l'époque classique. VIL POPULARITÉ DES STATUETTES D'APHRODITE. Ainsi la figurine aux bras levés apportée à Chypre par les Cretois au Xlème s. a.C. s'est-elle perpétuée à travers les siècles obscurs du début de l'Age du Fer. Loin de disparaître, elle a prospéré et s'est embellie. Elle est devenue l'image même de la Grande Déesse représentée soit sous les traits de la Grande Prêtresse, soit sous les traits de la divinité. On la ren contre entre autres sur les grands lieux de culte de la déesse, Idalion et Paphos. Il semble bien qu'à l'époque géométrique elle soit la seule repré sentation répandue de la Grande Déesse. Sa popularité persistera jusqu'à l'époque classique sous la forme de petites figurines rudimentaires ou de plus grandes figurines peintes. Peut-être est-ce le souvenir de ces figurines d'Aphrodite qui s'est conservé dans le mot os trahis que nous rapporte Hésychius(124) : όστραχυς* άγαλμάτυάν τυ Αφροδίτης (123) id., p. 112-118, fig. ΙΑ, pi. XVIII, 1-2. (124) Hadjioannou.^/ŒP II, p. 192. 55.
146
LA DÉESSE AUX BRAS LEVÉS (XI-VIème)
Peut-être est-ce le souvenir de leur puissance miraculeuse qui (125) s'est conservé dans la merveilleuse histoire que raconte Athénée : Hérostrate de Naucratis, riche commerçant voyageant sur les mers alla un jour à Paphos au temps de la vingt-troisième Olympiade (vers 688 a.C.) ; il y acheta une petite figurine d'Aphrodite grande d'un empan (20 à 25 cm) et d'un art ancien. Sur le chemin du retour, la tempête surprit le bateau. Tous les passagers en proie à la plus grande peur se mirent à prier la statue d'Aphrodite de les sauver. Et la déesse les écouta ; elle répandit autour d'elle des branches de myrte vert et emplit le bateau du plus doux des parfums à un moment où tous les voyageurs avaient perdu l'espoir d'être sauvés. Bientôt ils virent le port de Naucratis. On se souviendra aussi de Pygmalion qui tomba amoureux d'une statue d'Aphrodite en ivoire. Les traditions orales recueillies par les écrivains de temps ultérieurs ont sans doute gardé le souvenir des statuettes d'Aphrodite qu'on pouvait trouver à Paphos, quand on allait sacrifier à la déesse. C'est ainsi que la Grande Déesse issue du vieux fond religieux chypriote a survécu à travers les siècles. Elle s'est cependant transformée au contact de la culture occidentale apportée par les Grecs et les Cretois à la fin de l'Age du Bronze. Elle n'est plus seulement la déesse fécondante au geste évocateur ; elle est devenue aussi une divinité digne et imposante, vêtue d'un riche costume, qui répand sur les hommes sa puissance spiri tuelle par le geste noble des bras levés au ciel. L'ancienne déesse chypriote de la fécondité s'est spiritualisée et s'est "occidentalisée" entre le Xlème et le VHIème s. a.C. Mais Chypre reste toujours près de l'Orient, carrefour de deux mondes. Les influences orientales l'atteignent bientôt de nouveau au début de l'Age du Fer et les représentations de la Grande Déesse s'orientalisent à nouveau.
(125) id., p. 176, 45.2.
147
SEPTIÈME CHAPITRE
La réapparition de la Déesse nue à l'Age du Fer : ou la nouvelle intrusion de l'imagerie orientale à Chypre. CHYP. GÉOM. I-II-III - CHYP. ARCH. I = Xlème - Vllème s. a.C.
Chypre avait réussi à conserver à travers les siècles obscurs du Moyen Age de cette époque l'héritage achéen qu'elle avait reçu aux XllèmeXlème s. a.C. Non seulement cet héritage culturel n'avait pas disparu, mais il s'était enraciné, avait prospéré et porté de nouveaux fruits, heureux produits de l'union de deux civilisations. Chypre s'était tournée de façon décisive vers l'Occident. La Grande Déesse était sans doute devenue Aphrodite. Cependant, dès le IXème s. a.C. les Phéniciens venaient s'installer à Chypre et y reconstruisaient le temple de Kition qu'ils consacrèrent à la Dame Astori (1). Les nouveaux venus affirmèrent bientôt leur présence sur plusieurs sites, dont Amathonte (2). La pénétration phénicienne se fit même un peu partout dans l'île, mais plus tardivement (3). Au Vllème s. ce fut la domination assyrienne (4). Chypre entretenait aussi d'étroites relations commerciales avec la Syrie et la Palestine dès le VlIIème s. a.C. (5). Ainsi l'île se trouvait certainement exposée à l'influence des civil isations orientales de l'Age du Fer. (1) Karageorghis, Kition, p. 95-107 ; on sait que Kition était au IXème s. a.C. une colo niede Tyr. La consécration du temple à Astarté est assurée par l'inscription phénicienne inscrite sur un fragment de bol, cf. A. Dupont-Sommer, Mémoires de l 'Académie des Inscriptions et BellesLettres XLIV (1970) p. 1-28. (2) G. Hill, A History of Cyprus I (Cambridge 1940), p. 100 sqq. (3) Ibid., p. 99-100 ; Ο. Masson et M. Sznycer, Recherches sur les Phéniciens à Chypre (Paris 1972), p. 10 et fig. 1 où tous les sites phéniciens sont indiqués. A. Dupont-Sommer, "Les Phéniciens à Chypre", RDAC 1974, p. 75-94. (4) Hill, op. cit., pp. 104 sqq. (5) Ibid., p. 94 sqq.
149
CHAPITRE VII
C'est sans doute pourquoi les représentations de déesses nues réapparaissent à Chypre dès l'époque géométrique, sous la forme de figurines ou de reliefs, mais surtout d'ornements sur des objets d'or ou de bronze. Cependant, les modèles orientaux ne s'imposent pas tels quels ; ils s'amalgament aux types existants. Il en résulte un art vigou reusement original.
I. LES DÉESSES NUES EN TERRE CUITE. Alors que le type de la déesse-prêtresse vêtue aux bras levés est bien établi, certaines autres images de la divinité s'introduisent dans l'iconographie religieuse dès la période Chyp. Géom. Ainsi, les appli ques murales du Chyp. Géom. III s'ornent de figurines vêtues dans la tradition des idoles aux bras levés ou de figurines nues d'aspect oriental, mais parmi les nombreuses figurines habituelles aux bras levés, il se ren contre quelques figurines nues différentes d'aspect. 1. La figurine nue de l'applique murale AM 1 704 du Louvre (6). Ainsi que nous l'avons vu précédemment, la figurine de l'applique du. Louvre diffère profondément de la figurine de l'applique de la col lection Hadjiprodromou qui est richement vêtue d'un habit très orné. Cette figurine-ci est nue et ses attributs féminins sont soulignés par des ornements peints : le pubis en particulier qui n'était plus représenté depuis le Chyp. Réc. est marqué sur cette figurine par un triangle quadrillé de noir ; le nombril est cerné de rosettes de points. Elle a les bras levés ; elle tient de ses deux mains un polos plat. La nudité de la figurine et l'importance donnée à ses attributs féminins la rattachent à une tradition orientale qui réapparaît à Chypre à l'Age du Fer. Il existe toujours en Orient jusqu'aux VlIème-VIème s. a.C. des plaquettes ornées de déesses nues modelées ou moulées. Ce pendant, la position des bras levés n'est pas la position habituelle des bras dans les représentations orientales. Tout se passe comme si la figu rine de l'applique du Louvre était un amalgame de deux types différents : le type oriental de la déesse nue et le type chypriote de la déesse-prêtresse vêtue aux bras levés. D'ailleurs cet objet n'est pas le seul à témoigner de ce mélange des genres au Chyp. Géom. III.
(6) Caubet - Yon, RDAC, 1974, p. 112, fig. 1 et pi. XVIII, 1-2.
150
LA DÉESSE NUE (XI-VIIème)
·
2. Deux figurines nues aux bras levés. Un type de figurine à la fois fidèle au type de la déesse-prêtresse aux bras levés et différent de ce type est représenté par une figurine du Musée de Chypre (1965/VI-1/26) (7) ainsi que par une autre figurine ab solument semblable de la collection Hadjiprodromou. La figurine du Musée de Nicosie, assez grande (h. 22,5 cm) est représentée presque nue, avec des seins en relief (pi. 22, c). Elle a une tête étrange, différente du type habituel, avec des oreilles protubérantes percées de trous pour l'insertion de boucles, comme les très anciennes figurines du Chyp. Réc. Son visage est très grossièrement rendu ; le nez est proéminent, les yeux sont très gros et la bouche très large. Sur la tête, elle porte sans doute un polos plat. Par son costume, elle représente un type hybride, à la fois nu et vêtu ; elle semble porter un pagne ou du moins une large bande sur le ventre, mais les jambes modelées séparément paraissent nues ; elles sont cependant peintes jusqu'à la hauteur des genoux. Le triangle pubien est visible, comme peint par-dessous la bande. On remarque entre les seins des traces de la bande croisée habituellement représentée sur les figurines aux bras levés avec son pendentif (?) triangulaire. La figurine garde des éléments du costume à bandes habituel, mais en même temps est représentée nue. La figurine serait un mélange des deux types de figurines : la figurine vêtue de la longue robe à bandes qui a les bras levés et une figurine nue de type oriental. L'exemplaire qui se trouve dans la collection Hadjiprodromou est en tous points semblable au précédent. Il est à peu près de même hauteur (h. 15 cm mais les jambes sont brisées) ; il a les jambes séparées, les bras levés, le corps nu. Les traces de peinture sont moins nettes, mais on distingue encore des bandes sur les bras. La tête présente le même nez, les mêmes oreilles percées, seule la bouche n'est pas indiquée. Le polos est intact (celui de l'autre figurine était incomplet) ; c'est le même que celui de l'autre figurine : il est bas, plat et percé d'un trou en son milieu. Il rappelle le polos de la figurine nue de l'applique du Louvre, qui, bien que nue, a cependant un polos qu'elle touche de ses mains. Puisqu'il en existe des exemplaires semblables, il semble qu'il s'agisse d'un type établi de figurine nue, ornée de bracelets, du collier à pendentif et d'un polos plat, portant en évidence le triangle pubien. La figurine nue ne se rencontrait plus depuis la fin du Chyp. Réc. (8). Telle qu'elle réapparaît elle paraît avoir gardé certains traits des figurines nues du Chyp. Réc, tout en imitant par l'attitude les figurines aux bras levés en faveur depuis le Xlème s. ; de plus, elle porte déjà certains détails caractéristiques des figurines phéniciennes aux mains sur les seins qui se répandront plus tardivement à Chypre : le triangle pubien sacré et les rosettes aux genoux. Ce type de figurine qui témoigne des influences réciproques de tant de traditions différentes au niveau de la conscience religieuse chypriote, a dû être populaire à la fin de la période géométrique (7) 50/ 90 (1966) p. 315, fig. 39. (8) Un exemple parmi les terres cuites du temple du dieu au lingot du Xlème siècle a.C, cf. Courtois, Alasia I, n° 641 e, fig. 154.
151
CHAPITRE VII
et au début de la période archaïque. Le type de la figurine nue restera cependant rare jusqu'à la grande vogue des figurines phéniciennes nues du Vlème s. a.C. Lorsqu'elle est nue, comme c'est le cas de ces deux figurines de terre cuite et de la figurine sur l'applique, il est probable qu'elle représente la déesse et non pas une simple prêtresse (9). On a retrouvé du reste des moules de figurines nues aux bras levés qui témoi gnent de la popularité du type. 3. Les moules de déesses aux bras levés : On a en effet retrouvé plusieurs moules de figurines nues aux bras levés, dont un au Musée de Nicosie, 1973/V-7/1 (pi. 22, a, b), l'autre, trouvé à Gypsou, actuellement au Musée de Famagouste, et un troisième dans une collection privée de Nicosie (10) que l'on date du Chyp. Géom. III — Chyp. Arch. I. La fabrication de tels objets devait donc être assez courante et l'on peut imaginer qu'il s'agissait d'objets de culte ou de talismans. Le moule du Musée de Nicosie est de dimensions assez importantes, mesurant 22 cm de hauteur. La figurine obtenue est d'un type très sommaire, réduit à l'es sentiel : c'est une femme nue aux bras levés, aux seins minuscules, avec un petit nombril marqué en relief ; le visage est très rudimentale : le nez, les petits yeux, les sourcils arqués et la grande bouche sont rendus en relief. Il s'agit certainement d'un objet d'usage religieux qui devait servir à produire des représentations de la Grande Déesse. Il existe d'autres objets où la signification religieuse de telles figures paraît encore plus évidente. IL LES DÉESSES NUES AUX BRAS LEVÉS SCULPTÉES SUR DES COFFRETS DE PIERRE. Il existe deux coffrets en pierre ornés de figurines nues aux bras levés : a) Metr. Mus. of Art, New- York, HCC, 1166 (pi. 22, d). b) Mus. Antiquarium, Berlin, Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. CXCIX, 6, provenant de Tamassos. Le coffret de New-York porte sur chacune de ses faces étroites une figure de femme nue aux bras levés sur les côtés, d'un type très semblable à celui des figurines des moules. En effet, les bras sont plies à angle droit au coude, sur les unes et les autres de ces représentations. Mais la figurine sculptée sur le coffret présente plus de détails. En plus des seins en relief et du nombril en creux, elle porte un triangle incisé représentant le pubis, deux colliers ou cordons descendant sur le cou, et, sur la tête, une sorte de polos. Nous retrouvons donc ici le type de la figurine de terre cuite nue portant polos et colliers. (9) Karageorghis, Pepragmena, p. 181. (10) BCH 98 (1974), p. 835, fig. 15 a-b et note 19.
152
LA DÉESSE NUE (XI-VIIème)
Ce coffret porte sur sa face principale une scène de chasse dans laquelle un chien ou un loup poursuit une chèvre à longues cornes. L'objet est de petites dimensions, mesurant environ 15 cm sur 10. Il est difficile à dater, mais l'ornementation géométrique couvrant une des faces évoque le style décoratif du VHIème s. a.C. (Chyp. Géom. III). Des objets de ce genre auraient été trouvés dans des tombes du début de l'Age du Fer (1 1). Le coffret de Berlin est très semblable au premier ; de mêmes dimensions, il est également orné sur sa face principale d'une scène de chasse à laquelle parti cipe un chasseur, sur sa face postérieure d'ornements géométriques et, sur une de ses faces étroites, de deux figures féminines nues aux bras levés ; ces figurines sont exactement du même type que les précédentes, avec les bras plies au coude à angle droit, mais elles portent un polos plus haut. Ces coffrets semblent avoir eu quelque rapport avec le culte d'Aphrodite, car plusieurs portent des inscriptions syllabiques les consa crant à la déesse (12) ; la plupart de ces objets proviennent de Chytroi (Kythrea) où il y aurait eu deux sanctuaires dédiés à l'Aphrodite de Paphos. Le coffret qui se trouve au Musée de Berlin proviendrait de Tamassos, connu pour le culte d'Aphrodite qui y était célébré (13). La représentation d'une figure féminine sur de tels objets ne s'explique guère que comme l'image d'une déesse, la Grande Déesse sans doute. D'ailleurs, elle est représentée dans un encadrement élaboré qui évoque le renfoncement d'une niche ou peut-être même l'intérieur d'un sanc tuaire. Le type de la déesse nue aux bras levés, portant polos, a sûrement été assez répandu pour se retrouver sur divers objets et sous diverses formes aux VIH-VIIèmes s. a.C. Il est évident qu'il se rattache à la fois à une tradition chypriote ancienne et à une tradition orientale. Si l'i nfluence orientale n'est pas très apparente dans l'iconographie populaire de cette époque en général, elle est discernable cependant dans l'orn ementation d'objets précieux, sur lesquels on retrouve précisément des figures nues aux bras levés. III. LES DÉESSES NUES OU DEMI-NUES SUR LES ORNEMENTS D'OR. Les ornements d'or semblent avoir été assez fréquents dès le début de l'époque géométrique, puis à la période archaïque. On a retrouvé principalement de petites plaques d'or qui sont toutes ornées de figuies
(11) Myres./ZCCp. 278. (12) Ibid., nos 1831-1842 ; Masson,/CS, 234-238, 240, 244-247, 249 a. (13) Hadjioannou,/4/i:£P II, 15, p. 74.
153
CHAPITRE VII
féminines (14). Ces plaques d'or ont de 6 à 7 cm de hauteur et 3 à 4 cm de largeur ; elles sont parfois roulées sur les bords dans le sens de la hau teur ; l'une a même conservé une épingle glissée dans le bord roulé ; d'autres sont perforées aux quatre coins. Ces plaques étaient vraisem blablement des ornements pour femmes ; le plus probable est qu'elles faisaient partie d'un bandeau de tête tel qu'on en voit sur certaines r eprésentations orientales (15). Du reste, plusieurs plaques trouvées en semble portent la même représentation, comme si elles appartenaient en effet au même objet. Elles sont ornées de figures féminines nues ou demi-nues aux bras levés ou aux mains sur les seins ; parfois la tête fémi nine seule est représentée. A. Les plaques ornées de figurines nues aux bras levés. Il en existe une dizaine : 1) Quatre plaques provenant de la tombe 417 de Lapithos (16) (n°s 1, 13, 14, 15) : Les quatre représentations sont identiques. La figure féminine est debout sur une rosette à cinq branches. Le corps est court, les jambes sont vues de profil, la taille est resserrée ; les bras sont levés sur les côtés. La tête est large avec des yeux allongés, un gros nez, de grandes oreilles et la bouche est ouverte avec la langue qui sort. Sur la tête, la figure a une coiffure plate cylindrique ornée de bandes horizontales. L'association de la figure à une rosette l'identifie sans doute à une Astarté dont la rosette est un des symboles. Ces plaques sont datées par le contexte de la tombe 417 de la première partie du Chyp. Géom. I, soit fin du Xlème-début du Xème s. a.C. (17). 2) Deux' plaques provenant de la tombe 403 de Lapithos (18) (nos 40 et 92) : La représentation est la même sur les deux plaques (pi. 25, a). La figure est assez haute ; les jambes sont vues de profil et les bras sont levés sur les côtés. (14) Ces plaques sont publiées dans Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. XXV, 10-13 et pi. CXCIX, 3 ; F. H. Marshall, Catalogue of Jewellery in the British Museum (Londres 1911) fig. 4243 ; SCE I, pi. XLIV et pi. LI ; SCE II, pi. XIV et XXIX ; SCE IV, 2, fig. 36 ; G. Beccati, Orificerie Antiche (1955), pi. XXXVIII ; A. Greifenhagen, Schmuckarbeiten in Edelmetal I (1970), pi. 11 ; A. Piérides, Jewellery in the Cyprus Museum (Nicosie 1971), pi. XIII ; enfin V. Karageorghis, "A Gold ornament with a representation of an "Astarte",/?/i>/sfa di Studi Fenici, vol. Ill, l,p. 3135, pi. VII-XI. (15) SCE I, p. 288, 1. De tels bandeaux apparaissent peut-être précisément sur la tête des figures représentées sur ces plaques. (16) SCE I, pi. LI, 1, 13, 14, 15 ; Beccati, Orificerie Antiche pi. XXXVIII, η« 213, a-b ; SCE IV, 2, fig. 36, 2 a ; Karageorghis, Studi Fenici III, 1, pi. IX. (17) SCEl, p. 232. (18) SCE I, pi. XLIV, 40, 92 ; SCE IV, fig. 36, 2 b ; Beccati, Orificerie Antiche, pi. XXXVIII, n° 214 ; Piérides, Jewellery in the CM, pi. XIII, 1 et 3 ; Karageorghis, art. cit., pi. Vili, 2-3.
154
LA DÉESSE NUE (XI-VIIème)
La tête a des traits peu distincts ; elle paraît encadrée par la chevelure qui tombe de chaque côté du visage et serait rendue par de petits traits verticaux au-dessus du front, à moins qu'il ne s'agisse d'un polos plat. La date de la tombe est Chyp. Géom. III, soit IXème-VIIIème s. a.C. (19). 3) Une plaque du Musée de Berlin (20) : La figure est du même type que celles de Lapithos : elle est debout, avec les jambes vue de profil, les bras levés sur les côtés. Le haut de la tête n'est pas visible. 4) Trois plaques provenant des tombes 8 et 25 d'Amathonte (21). Ces trois plaques sont fragmentaires, mais paraissent être du type de la figure aux bras levés. Ces derniers objets sont datés du Chyp. Arch. I. Ainsi, le type de la figure nue aux bras levés apparaît sur ces objets d'or dès la fin du Xlème s. a.C. et se continue jusqu'au début de la période archaïque. Certes, le caractère syrien de la figure a été reconnu depuis longtemps (22). Mais la position des bras néanmoins n'est pas dans la tradition orientale pure. Lorsque les figures orientales ont les bras levés, c'est pour tenir des branches sacrées ou des fleurs de lotus, ou encore, pour maîtriser des animaux. Le geste des bras levés dans le vide n'est pas oriental et s'explique peut-être par l'influence du type de figurine aux bras levés prédominant à Chypre. L'influence occidentale aurait gagné, au début de l'Age du Fer, les représentations sur bijoux de tradition orientale. Par la suite, le type se conserve. B. Les plaques ornées de têtes féminines. Il a été trouvé trois plaques identiques dans la tombe 403 de Lapithos, qui a livré aussi deux plaques décorées de figures nues aux bras levés (23). Ces trois plaques portent la même tête féminine ornée d'une riche chevelure (nos 1, 3, 41) (pi. 25, b). La tête présente des yeux en amande avec des sourcils bien marqués, une petite bouche droite et des oreilles. Sur le devant du cou, la partie frontale d'un collier est visible. Au-dessus du front, une série de raies verticales dessine soit la chevelure, soit une coiffure du genre d'un diadème ou polos. De chaque côté du visage descendent deux grosses boucles de cheveux tordus ou tressés, qui se terminent par deux rosettes.
(19) SCE l,p. 192. (20) Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. XXV, 13. (21) SCE II, pi. XIV, nos 130, 142 (Tombe 8), pi. XXIX, n° 1 (Tombe 25) ; pl.CLVI, 6. (22) SCÈTV,p.397. (23) SCE I, pi. XLIV, 1,3,41; SCE IV, 2, fig. 36, 2 b ; Piérides, Jewellery in the CM, pi. XIII, 2 ; Karageorghis, Studi Fenici III, 1 , pi. Vili, 1 .
155
CHAPITRE VII
II est évident que ce type reproduit la tête des figurines repré sentées en pied sur les autres plaques trouvées dans la même tombe. Cependant, bien que la tête soit grossie et dans un meilleur état de conser vation, la représentation ne permet pas de décider si les raies verticales figurent une coiffure ou la chevelure : serait-ce la chevelure rejetée en arrière sur le sommet de la tête et retombant le long du visage, ou bien s'agit-il d'un diadème à motifs irradiants ? Les figurines syriennes ont parfois des coiffures analogues (24). Une terre cuite de Megiddo du IXèmeVlIIème s. a.C. porte un polos strié de raies verticales (25). Une plaquette de terre cuite d'Alep datée du VHème-VIème s. a.C. reproduit une figure féminine aux mains sur les seins qui porte des boucles tordues ou tressées de chevelure tombant le long du visage et une sorte de diadème sur la tête (26). Vraisemblablement, il doit s'agir, dans le cas des têtes sur les plaques de Lapithos, d'un diadème ou d'un bandeau à chevelure. Ces têtes sont datées, comme les figures précédentes, du Chyp. Géom. III. C. Les plaques ornées de figurines nues aux mains sous les seins. Il en existe seulement deux exemplaires connus : 1) Une plaque au British Museum (n° 1487) (27) : Une figure nue est représentée en position frontale, avec les deux bras repliés sous la poitrine. La date n'en est pas précisée. 2) Une plaque au Musée de Berlin (28) : Plaque d'Idalion, sur laquelle on voit une figure nue aux bras repliés sous la poi trine et aux mains jointes. Ce type est d'aspect plus oriental, car la position des bras sous les seins est une des caractéristiques de la figurine d'Astarté en Orient. Il devient évident que la figure représentée sur ce genre d'objet est une Astarté ou son équivalent chypriote, la Grande Déesse.
(24) SCff I, p. 187. (25) Bosseit, Altsyrien, 1086. (26) Ibid., 632; (27) Marshall, BM Cat. of Jewellery, fig. 42 ; SCE II, fig. 36, 2 b ; Karageorghis, Studi Fenici III, l, pi. X, 1-2. (28) Schmuckarbeiten in Edelmetal, I pl. 1 1 ; Karageorghis, Studi Fenici III, 1, pi. XI, 1.
156
LA DÉESSE NUE (XI-VIIème)
D. Les plaques ornées de figurines nues aux bras le long du corps. Il n'en existe que deux exemplaires connus : 1) Une plaque au British Museum (no 1488) (29) : La figure nue a les deux bras abaissés le long du corps et les jambes tournées de profil vers la droite. Aux pieds de la figure, deux petits éléments végétaux sortent du sol. La plaque est encadrée de motifs en feuille. 2) Une plaque au Musée de Berlin (30) : Presque semblable à la précédente , elle est dite provenir d'Amathonte. emonter
Ces plaques ne sont pas datées avec précision, mais doivent r aux VlIIème-VIIème s. a.C.
E. Les plaques ornées de figurines en robe ayant les mains sous les seins. Les représentations de cette sorte sont plus riches en détails. Là, la figure peut-être associée à des animaux ou à un char. 1) Une plaque de Paphos (?) : CM 1973/IX-19/1 (31) (pi. 25, c) : La figure féminine ici est vêtue d'une jupe à volants descendant jusqu'aux chevilles, sous laquelle dépassent ses pieds écartés vus du profil. Elle a le buste nu et des seins volumineux ; les bras repliés sous la poitrine, et, comme dans le cas de la figure de la plaque de Berlin, les mains réunies sous les seins. Elle porte un collier au bas du cou. La tête porte des yeux allongés, un gros nez et de grandes oreilles, et sur le sommet, une bande striée verticalement de petits traits qui repré sentent soit la chevelure, soit un polos plat ; peut-être deux mèches de cheveux tombent-elles de chaque côté du cou. Mais le détail le plus important ici est la présence de deux animaux aux pieds de la figure, ou même la soutenant ; ces animaux qui se tournent le dos, étant disposés de façon antithétique, sont peut-être des lions. L'association de la figure avec des lions l'identifie à Astarté, car il est bien connu qu'Astarté ou Ishtar dans les représentations orientales est souvent accompagnée du lion qui symbolise les forces de fécondité
(29) Marshall, BM Cat. of Jewellery, fig. 43 ; Ohnefalscch-Richter, Kypros, pi. XXV, 12 ; SCE II, fig. 36, 2 c ; Karageorghis, Studi Fenici III, 1 pi. X, 1. (30) Greifenhagen, op. cit. pi. 1 1 ; Karageorghis, Studi Fenici III, 1, pi. X, 3. (31) BCH 98 (1974), p. 823-826, fig. 3 et Karageorghis, Studi Fenici, pi. VII, 1.
157
CHAPITRE VII
(32). L'identité de la figure représentée sur les plaques semble donc as surée : il s'agit bien de la Grande Déesse qui se présente parfois sous un aspect plus égéen, et parfois sous un aspect plus oriental. 2) Une grande plaque au Musée de Berlin (33) dite provenir de Kourion : La figure se trouve dans un char que conduit un autre personnage : elle est en position frontale, vêtue d'une longue robe ; elle semble se tenir les seins des deux mains. On distingue bien la coiffure encadrant le visage et tombant en tresses de chaque côté de la tête. On sait qu'Astarté est aussi la déesse des chevaux et des chars qu'elle protège. C'est donc bien là la véritable Astarté orientale associée aux chevaux, aux chars, à l'art de la guerre : "Astarté, régente des che vaux, maîtresse du char . . ." (34). A Sidon où Astarté était adorée, la divi nité était peut-être même représentée sur un char (35). Une telle représentation sur un objet chypriote montre l'influence profonde exercée par l'Orient et en particulier par la Phénicie au Vllème s. a.C, date des plaques de l'Astarté aux lions et de l'Astarté au char. En fait, l'association de la divinité avec des lions ou le char constitue l'él ément oriental de la représentation ; l'aspect de la figurine vêtue au con traire est peu oriental, car l'Astarté drapée se rencontre rarement (36) ; peut-être la figure a-t-elle emprunté son costume à celui des déesses-prêt resses vêtues chypriotes dont le vêtement long et richement orné laisse cependant les seins visibles. Là encore, l'aspect que revêt la déesse est à la fois oriental et chypriote, issu d'un amalgame des deux figures. 3) Une grande plaque au British Museum (n° 1485) (37) : La représentation se rapporte au même sujet : la plaque se divise eh deux registres. Dans le registre inférieur, un char s'avance vers la droite ; deux hommes sont montés dans le caisson du char, dont le cocher, tenant les rênes ; au-dessus de l'attelage, il y a un symbole, le symbole du disque solaire surmonté du croissant (32) Des figures d'Astarté nues sont représentées sur un frontal de cheval provenant de Tell Tainat, où on les voit précisément associées à des têtes de lion, cf. H. Kantor, Journal of Near Eastern Studies 21 (1962), p. 100 sq. Astarté est associée aux lions dès la période akkadienne. . (33) Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. CXCIX, 3 (dessin) ; Greifenhagen, Schmuckarb eiten in Edelmetal I, pi. 1 1 ; Karageorghis, Studi Fenici III, 1, pi. XI, 2. (34) J. Leclant, "Astarté à cheval d'après les représentations égyptiennes", Syria 37 (1960), p. 57 ; le texte cité provient d'une inscription postérieure, mais l'association d'Astarté au cheval est très ancienne ; il y est fait allusion dans le poème de Gilgamesh. (35) Leclant, art. cit. p. 57. (36) Voir un exemple isolé de femme se tenant les seins dans D. Harden, The Phoenic ians(New York 1972), p. 199, fig. 73. (37) Marshall, BM Catalogue of Jewellery, 1485 ; Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. XXV, 10;SC£II, fig. 36,20,2 c.
158
LA DÉESSE NUE (XI-VIIème)
de lune. Dans le registre supérieur, deux figures féminines marchent ou sont tour nées vers la droite ; elles portent toutes deux une jupe à pans jusqu'aux chevilles ; elles replient leurs bras sur leurs seins, mais elles tiennent de la main gauche une fleur de lotus. Elles ont une longue chevelure tombant dans le dos et sur la tête un polos orné de languettes verticales. Leur aspect rappelle d'autres représentations de figures féminines sur des plats de métal ou encore sur les vases de style figuré de la même période (38). Il est évident que ces figures sont en rapport avec l'Astarté aux chars. Leur association à une scène de char, la présence du disque ailé souvent figuré aux côtés des Astartés, leur ressemblance avec l'autre figurine de la plaque de Paphos, indiquent sans doute qu'il s'agit là de prêtresses ou de fidèles de la déesse, portant des fleurs et accompagnant le char. Encore une fois, le type oriental de l'Astarté aux chars se mêle à un type chypriote de prêtresse de la déesse. F. Origine de ce type d'objets et des représentations qu'ils portent. Ces plaques appartiennent certainement à des bandeaux de tête articulés dont quelques exemplaires entiers nous sont connus : les cou ronnes d'or actuellement exposées à la Galerie d'Art Walters à Baltimore (39), d'origine syrienne. L'une de ces couronnes consiste en plaques ornées de paires d'Astartés nues et de chèvres parmi des plantes disposées en panneaux superposés ; l'autre est faite de plaques décorées de motifs floraux, petites figures et disques solaires ailés disposés en deux panneaux superposés. Il est donc évident que ce genre d'ornement a été introduit de Syrie à Chypre, peut-être dès la fin du Xlème ou au Xème s. a.C, date des plus anciennes plaques trouvées à Chypre. Ainsi s'expliquent les nombreuses ressemblances des plaques chy priotes avec les représentations orientales : aspect de la figure nue fus iforme, geste de la figure se tenant les seins, association de la figure à des rosettes, des éléments végétaux, ou le disque ailé, présence de lions ou de chars aux côtés de la figure, disposition de la plaque en panneaux superposés, ornementation de la plaque parfois entourée 'de motifs végé taux. Tous ces éléments montrent clairement les affinités syriennes des plaques chypriotes. On a même pu penser que certaines de ces plaques d'or étaient d'origine syrienne ou fabriquées à Chypre par des artisans syriens ou phéniciens établis à Chypre (40).
(38) Voir chapitre suivant, p. 179 et pi. 26, b. (39) SCEII.P. 397, note 6. (40) Ibid., p. 398.
159
CHAPITRE VII
Cependant, les représentations qui ornent ces plaques ne sont jamais entièrement orientales ; elles paraissent presque toujours le pro duit d'un mélange des types oriental et chypriote. Elles peuvent être nues à la mode orientale, mais elles ont les bras levés selon le vieux modèle créto-chypriote. Elles ont les mains sous les seins selon le geste oriental, mais elles sont vêtues, peut-être sous l'influence de modèles chypriotes. Elles représentent donc une image orientale assimilée par la conscience religieuse chypriote qui vénère toujours la Grande Déesse sous quelqu'aspect que la présente la mode du temps. La mode des déesses nues orien tales est surtout répandue dans l'orfèvrerie ; mais on la retrouve aussi sur certains objets de bronze faisant partie du harnachement des chevaux. Sans doute y avait-il une tradition de l'ornementation sur métal venu d'Orient réservée aux objets de luxe, qui faisait une large place aux déesses nues. IV. LES DÉESSES NUES SUR LES OBJETS EN BRONZE : La tombe 79 de la nécropole de Salamine (41) a livré des frontaux de chevaux, ainsi que d'autres pièces de harnais, portant des représen tationsde déesses nues. Ainsi les rapports de la Grande Déesse avec les chars et les chevaux deviennent évidents. A. Les figures féminines sur les frontaux de chevaux (42) : (nos 165, 178 + 179, 190, 198, tombe 79, Salamine). Ces quatre frontaux portent la même décoration. Ils se composent de deux panneaux verticaux réunis par une charnière. Le panneau supérieur est orné de trois lions couchés et de quatre urei. Le panneau inférieur se divise lui-même en deux registres : le registre supérieur est occupé par trois personnages barbus vêtus d'une tunique courte, au-dessus desquels est représenté un disque ailé. C'est dans le re gistre inférieur que se trouvent représentées trois figures féminines nues, ayant les mains sous les seins ; elles portent une coiffure ou une perruque de type égyptien. Chacune repose sur ce qui paraît être une fleur de lotus, mais qui est difficilement identifiable à cause du mauvais état de conservation des objets ; il se peut qu'elles soient aussi debout sur des têtes de lion. Elles avaient des yeux incrustés de pâte de verre comme les autres figures humaines et animales représentées sur ces ban deaux. On connaît d'autres objets de ce genre dans l'art oriental : il existe cinq frontaux semblables, dont un de Samos, un de Tell Tainat, deux de Milet et un autre dans une collection privée, qui portent tous la même ornementation consistant en figures de déesses nues associées à des lions (43). Sur un de ces frontaux, les déesses nues sont debout sur
LXXXIV.
160
(41) Karageorghis, Salamis III, tombe 79, p. 4 sqq. (42) Karageorghis, Salamis III, catalogue, p. 23-25 ; pi. LXXXIV, CCLXXI, LXXXIII, (43) Karageorghis, Salamis III, p. 81.
LA DÉESSE NUE (XI-VHème)
des têtes de lion. La plupart de ces objets de facture nord-syrienne sont très similaires aux frontaux de Salamine ; ils datent de la fin du VHIème s. a.C, date qui concorde avec celle de la tombe 79 dans laquelle ont été trouvés les frontaux. Les figures féminines, comme les figures masculines et les lions, étaient sans doute des motifs à signification religieuse destinés à protéger les chevaux. Il n'est pas douteux qu'elles soient des représentations d'Astarté. On a aussi retrouvé dans la même tombe des ornements de bronze plus importants sur lesquels Astarté apparaît dans toute sa gloire. B. L' Astarté aux lions sur deux grands pendants circulaires : (44) (n°s 155 et 189, tombe 79, Salamine). Ces objets sont de grands pendants de forme circulaire accrochés à de petites plaques rectangulaires qui se terminent par une troisième plaque. Ils étaient portés sur les côtés de la tête. Ils sont de dimensions exceptionnelles et leur ornementation est la plus riche qui ait été trouvée sur des objets de ce genre (pi. 25, d). Le sujet de la décoration du disque est une Astarté aux lions : une figure féminine nue est debout au centre du disque ; elle est ailée et ses ailes descendent obliquement derrière elle. Elle a une abondante chevelure qui tombe sur ses épaul es; elle porte un collier de perles autour du cou et des bracelets aux chevilles. Elle lève les bras en l'air, brandissant de chaque main un lion qu'elle tient par la patte de derrière ; ces deux lions sont attaqués par des griffons ailés. La figure est debout sur deux autres lions couchés dos à dos, qui ont dans leur gueule un jeune taureau. Au-dessus de cette déesse aux animaux, on distingue une tête de Hathor ailée. Sur tout son pourtour, le disque est orné d'une bordure décorée d'animaux qui paissent. La plaque rectangulaire à laquelle est suspendu le disque comporte cinq panneaux alternativement occupés par des cerfs qui paissent, et des taureaux attaqués par des lions. La représentation est donc très riche. La figure féminine est ici une Astarté aux animaux ; elle est représentée dans l'attitude de la "Potnia Therôn" et entourée d'animaux paissant ou d'animaux se dévorant. C. Caractère de la déesse représentée sur ces objets. Sur les frontaux comme sur les pendants, elle est associée au lion : elle tient des lions à bout de bras, elle est debout sur des lions. La même image de la déesse apparaît sur une plaque d'or. On sait que le lion était l'animal favori des déesses de la fécondité telles que Cybèle et Ishtar (45).
(44) Ibid., p. 21-22 et p. 24 ; pi. LXXXIX, CCLXXII. (45) Ibid., p. 82.
161
CHAPITRE VII
Elle est entourée d'animaux : d'animaux qui paissent paisiblement tels que des cerfs, ou d'animaux qui se dévorent, de lions mangeant des tau reaux. De telles représentations existent aussi dans l'art oriental (46). Elle est sûrement la protectrice des chevaux et des chars ; si elle est représentée sur diverses parties du harnachement, c'est qu'elle devait protéger le cheval. La déesse Ishtar était en effet particulièrement liée à cet animal (47). Enfin, elle revêt sur ces objets un aspect très oriental : elle porte la chevelure ou la perruque à l'égyptienne, elle est ailée comme dans certaines représentations syriennes ; elle est associée au disque ailé ou à une tête d'Hathor ailée (48). Tous ces éléments sont entièrement orientaux. On peut se demand er si ces objets sont des importations orientales. On pense pourtant que d'importants ateliers de fabrication de beaux objets en bronze existaient à Chypre et il est fort possible que les ornements de chevaux aient été fabriqués dans l'île. Dans ce cas-là, le caractère oriental de ces représen tationsqui ornent des objets de luxe répond-il simplement à une mode ou exprime-t-il des croyances véritables de la population chypriote ? Un beau chaudron de bronze porte aussi des représentations d'aspect oriental ; pourtant, il paraît de fabrication chypriote. D. Les têtes hathoriques sur le chaudron n° 203, tombe 79 (Salamine) (49): L'un des deux chaudrons retrouvés dans la tombe 79 porte sous les anses deux plaques rectangulaires fixées par des rivets. Ces deux plaques sont ornées de la même tête hathorique ; la longue chevelure encadre le visage et se retourne en boucles sur les épaules ; les yeux allongés, les sourcils et la bouche sont rendus par de petits bourrelets de métal. Sur le front deux petites oreilles de vache appa raissent par dessus la chevelure. Au-dessus de la tête, on distingue un disque ailé ; de chaque côté du visage, s'élève un palmier stylisé. Le chaudron est aussi orné de protomes de taureaux posés sur le pourtour de l'embouchure, sous les anses.
(46) Ibid., p. 84 ; on voit des frises de taureaux et de cerfs sur des frontaux orientaux et des œillères d'ivoire de Nimrud. Les combats de taureaux et de lions sont encore plus fréquents dans l'iconographie orientale. (47) R.D. Barnett, Vorderasiatische Archäologie (1964), p. 22 ; Leclant, Syria 37 (I960), pi. 1 sqq. (48) Karageorghis, op. cit., p. 83 ; M. T. Barrelet, "Deux déesses syro-phéniciennes sur un bronze du Louvre", Syria 35 (1958), p. 27 sqq., pi. I. (49) Karageorghis, op. cit., p. 27, pi. XIII-XIV, CCXLIII-CCXLVI.
162
LA DÉESSE NUE (XI-VIIème)
La tête hathorique n'est pas forcément égyptienne. La déesse nue orientale a emprunté à l'Egypte probablement, la coiffure dite à perruque hathorique dès le second millénaire a.C. (50). C'est le type syrien que reproduit sans doute la tête du chaudron 203. En effet, l'usage de repré senter la tête de la déesse, un emploi de "la partie pour le tout", est attesté en Syrie sur des cylindres ou des pendentifs (51). Les têtes sy riennes ont déjà les oreilles pointues fixées sur les côtés de la tête à la hauteur du front au Ilème millénaire a.C. Reste à savoir si la tête du chaudron 203 est syrienne ou chypriote. La tête est certes d'aspect très oriental, mais on y distingue comme une rondeur vigoureuse des traits qui évoque le style chypriote souvent plus robuste que le style oriental. L'association d'une tête hathorique avec le disque solaire ailé est rare dans l'iconographie orientale. Un autre exemp le de cette association se trouve précisément sur un autre objet découvert à Chypre, le pendant de cheval cité ci-dessus. Serait-ce là une image chy priote associant ensemble plusieurs éléments orientaux. Ces chaudrons sont peut-être de facture chypriote. Certes, d'autres lieux de fabrication de chaudrons sont connus en Orient. Mais la tradition métallurgique de Chypre et le grand nombre d'objets de métal qui y ont été trouvés suggéreraient l'existence d'ateliers chypriotes, où ont peutêtre travaillé des artisans syriens ou phéniciens aux VlIIème-VIIème s. a.C. (52).
L'iconographie orientale a donc de nouveau influencé l'icono graphie religieuse chypriote à l'Age du Fer. Si l'influence s'en fait sentir dès la fin du Xlème ou le Xème s. a.C. comme le prouverait la présence de plaques d'or ornées de déesses nues dans la tombe de Lapithos du Chyp. Géom. I, elle est surtout forte aux IXème-VIIIème s., époque des ornements d'or décorés de déesses, et aux VlIIème-VIIème s. a.C, époque des ornements de bronze. L'influence orientale paraît dominante dans l'ornementation des objets précieux d'or ou de bronze, tandis que la coroplastique reste fidèle aux modèles occidentaux apportés à la fin de l'Age du Bronze. L'iconographie sous sa forme céramique ou plastique représente certainement l'expression populaire de la conscience religieuse chypriote. Au contraire, les représentations sur les objets précieux ne reflètent peut-être pas autant l'imagerie populaire authentique.
(50) Barrelet, art. cit., p. 32. (51) Id., p. 34-35. (52) Karageorghis, op. cit., p. 108-114.
163
CHAPITRE VII
Ainsi, l'image la plus vraie de la Grande Déesse chypriote à l'Age du Fer est sans doute celle de la figurine aux bras levés, vêtue, portant polos. Lorsque le modèle oriental de la déesse nue est introduit, il se transforme sensiblement sous l'effet de l'iconographie existante. Cepend ant,il influence aussi l'image de la déesse aux bras levés. La mythologie orientale attachée aux déesses de la fécondité pénètre à Chypre. La Grande Déesse y devient aussi la déesse aux animaux et la protectrice des chevaux. Les harnais des chevaux des rois glorifient son image. Mais des objets populaires tels les coffrets de pierre reproduisent aussi l'image de la déesse orientale, nue, maîtresse des animaux sauvages. Nous possédons aussi d'autres documents sur les pratiques rel igieuses à Chypre entre le IXème et le Vlème s. a.C. Ces documents nous montrent aussi que, si la religion est teintée d'orientalisme, elle reste cependant profondément chypriote.
164
HUITIÈME CHAPITRE
La grande époque du Culte de la Déesse représentations de Scènes de Culte CHYP. GÉOM. I-III - CHYP. ARCH. Ill : Xlème-VIème s. a.C.
La Grande Déesse était sans doute toujours adorée à Chypre avec autant de vénération qu'à l'Age du Bronze, comme en témoignent les nombreuses figurines en terre cuite et les représentations sur les objets d'or et de bronze du début de l'Age du Fer. Elle s'est beaucoup grécisée sous l'influence de la culture introduite par les Achéens et les Cretois ; elle est devenue la Grande Déesse Aphrodite et appartient au monde occidental. Cependant elle reste toujours exposée aux influences de l'Orient si proche. Ainsi, sa représentation est à double face, tenant à la fois de l'image grecque et de l'image orientale. Elles est toujours la Déesse Souveraine, cependant elle ne règne plus sans rival, car le culte du dieu mâle s'est largement répandu depuis l'époque du Bronze Récent. Elle partage avec un dieu de la fécondité la vénération du peuple. Mais son culte tient toujours une grande placedans la vie des habitants de l'île. C'est sans doute une des époques de sa grande gloire. En effet, l'iconographie à l'Age du Fer est centrée sur la Grande Déesse et son culte. Non seulement de nombreuses représentations de la déesse ou de sa prêtresse sont parvenues jusqu'à nous, mais des scènes de culte peintes sur des vases de l'époque ou gravées sur des coupes de métal viennent nous donner des informations concrètes sur les prati ques religieuses en faveur à Chypre durant cette période.
165
CHAPITRE VIII
I. LES SCÈNES DE CULTE LES PLUS ANCIENNES REPRÉSENTÉES SUR LES VASES DE STYLE FIGURÉ (Xlème-VIIIème s. a.C). La poterie chypriote du début de l'Age du Fer (1) avait été déco réede motifs géométriques pendant longtemps, sans témoigner d'aucune ambition figurative, à l'exception de quelques timides essais, dont les premiers remontent aux Xlème-Xème s. a.C. Les représentations figurées se font par la suite de plus en plus nombreuses du Chyp. Géom. I au Chyp. Géom. III pour s'épanouir pleinement au Chyp. Arch. I. Ce sont d'abord des animaux, une chèvre, un oiseau, qui apparaissent à l'intérieur de panneaux géométriques ; la figure humaine se montre aussi. A l'époque géométrique, les représentations figurées sont les produits d'un art encore maladroit, naïf et spontané. Cependant, quelques représentations gran dioses apparaissent assez tôt, dès le Chyp. Géom. III, parmi d'autres représentations très primitives. Ces scènes-là semblent avoir une signif ication religieuse. On pourrait presque penser qu'il existe une tradition de représentations religieuses sur les vases, car les plus anciens vases ornés de scènes figurées paraissent représenter précisément des scènes de culte. A. Les premières scènes de culte au Chyp. Géom. I. 1. Le kalathos de Palaepaphos (2). Ce vase qui a été trouvé à Kouklia (Palaepaphos, T. 1/7), est de la classe Proto-White Painted et date donc de la période 1 100-1050. Or il porte comme déco ration quelques éléments figurés à l'intérieur de panneaux vides alternant avec des panneaux ornés de motifs ge'ométriques. Ce sont : à l'intérieur du vase, une figure humaine aux bras levés à côté d'une chèvre sauvage attachée à une corde, au-dessous de laquelle se trouve un motif en forme de table (une porte ?) ; dans le panneau voisin, un grand arbre (palmier ?) ; dans un autre panneau, un joueur de lyre à longs cheveux qui porte à la ceinture un fourreau ; à l'extérieur du vase, trois figures humaines très stylisées à l'intérieur de panneaux, et un arbre. Ces figures humaines, décrites comme des "hommes-grenouilles", ont les jambes et les bras écartés, le corps et la tête garnis de motifs géométriques ; une de ces figures a les bras levés. Ces petites scènes peuvent évidemment être profanes et avoir été choisies au hasard par le peintre. Mais il est possible qu'elles aient eu un sens religieux. L'homme (ou la femme) aux bras levés associé à la
(1) V. Karageorghis - J. des Gagniers, La céramique chypriote de style figuré (illu strations et descriptions des vases - texte) (Rome 1974), par la suite CCF vases et CCF texte, est l'ouvrage de base de ce chapitre. (2) V. Karageorghis, "An early Xlth century B.C. tomb from Palaepaphos", RDAC 1967, p. 5 et 17, pi. I ;CCF vases, p. 1-3, texte p. 5.
166
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
chèvre attachée constitue un tableau qui évoque peut-être une scène de sacrifice. Le joueur de lyre est plutôt un personnage religieux qu'un musicien profane ; Kinyras le roi-prêtre, jouait de la lyre en l'honneur des dieux. Les arbres pourraient être des arbres sacrés. Enfin, les étranges petits personnages représentés sur la face extérieure du vase font penser aux figures aux bras levés moulées, ou sculptées sur les coffrets de pierre, des IX-VIIIème s. a.C. (3). Notons encore que ce vase a été trouvé à Palaepaphos, donc sur le lieu de culte de la Grande Déesse. Certes, cette interprétation n'est présentée qu'à titre d'une hypot hèse qui n'a rien d'assuré. Cependant, notons que ces divers éléments se retrouvent sur quelques autres vases ; on voit les mêmes personnages"grenouilles" sur une coupe du Chyp. Géom. I (4) ; le personnage à la chèvre réapparaît aussi sur un autre vase de fabrique Proto-White Painted. 2. La pyxide du Musée de Nicosie (CM 1968/V-30/113) (5). On voit sur le registre supérieur du champ de décoration la même scène sur les deux faces : une figure humaine tient une coupe à deux anses ; elle tourne le dos à un motif en triangle composite. De l'autre côté du triangle, il y a une chèvre et un oiseau. Il n'existe peut-être aucun rapport entre les divers éléments de la scène. Cependant, le personnage à la coupe ne peut avoir été placé là par pur hasard. On pourrait imaginer que la scène représente un sanctuaire ; l'objet conique pourrait être la pierre de culte ; on pense naturellement à l'objet adoré dans le temple d'Aphrodite. Le personnage à la coupe ferait une libation ; les animaux seraient des animaux sacrés ou en rapport avec le culte. Cette interprétation peut paraître absolument injustifiée. Cependant, on remarquera que le triangle composite se retrouve sur un vase de la même période ; on voit en effet sur un amphoriskos (CM 1968/ V-30/103) (6) un triangle semblable et un oiseau posé sur le côté ; ce triangle est placé entre des motifs en forme de colonnes ornementées. Faudrait-il voir là un sanctuaire ? Le triangle se retrouvera sur des vases plus récents.
(3) Voir chapitre VII, p. 151 et pi. 22, d. (4) Coupe du Musée de Leipzig, voir E. Hoffman, "Zyprische Tongefässe und Terra kotten des Sammlung M. Ohnefalsch-Richter", Jahrbuch des Museums für Volker Kund zu Leipzig XX (1964), p. 381, fig. 10-11. (5) CVA Chypre, pi. 71, 1-7 ; CCF vases, p. 4, texte, p. 5. (6) CVA Chypre, pi. 74, 1-2 ; CCF vases, p. 5 , texte, p. 5.
167
CHAPITRE VIII
Β. Les sujets religieux sur les vases du Chyp. Géom. III. Les plus anciennes représentations dans le style figuré ne sont pas très "parlantes" et toute interprétation est hypothétique. 1. Scène d'adoration devant le cône sacré : On voit sur un cratère de la classe White Painted III (Chyp. Géom. Ill) (CM 1964/XII-19/3) (7) une reprise du motif du triangle orné ; à côté de ce triangle, il y a une figure humaine aux bras levés (un homme) ; un oiseau vole dans le champ de décoration. 2. Le musicien sacré : On a déjà vu apparaître le musicien à la lyre sur le kalathos de Palaepaphos. On le retrouve sur une belle amphore de la classe Bichrome III, l'amphore de Kaloriziki (Tombe 11/5) (8). Là, sur le col du vase, un musicien en tunique et cheveux longs joue d'une grande lyre. Le personnage en grande robe doit avoir une fonction sacrée. Peutêtre le personnage représenté sur l'autre face du col de la même amphore accomplitil aussi un acte rituel : il puise ou verse dans une amphore à l'aide d'une cruche, probablement pour des libations. 3. Le porteur d'offrandes : Plusieurs vases portent des personnages associés à des chèvres, des oiseaux, des poissons. Sur un trépied de la classe Bichrome III (Metr. Mus. 74.51.437) (9) un personnage masculin à longs cheveux porte à bout de bras une grosse plante ; il marche et il est précédé d'un petit animal qui ressemble à une chèvre. Il se retrouve sur l'autre face de ce vase, mais il semble respirer le parfum d'une fleur. Il y a deux poissons dans le champ de décoration . Il se peut que ces personnages fassent des gestes absolument gratuits, mais il n'est pas invraisemblable que la scène ait eu une signification religieuse. C'est peut-être une autre représentation de ce genre qui orne une amphore en White Painted III (Louvre 3451) (10). On voit dans un des différents panneaux divisant la panse du vase, un homme qui tient, de sa main gauche, trois poissons passés sur un lien et, de sa main droite, une laisse à laquelle devait être attaché un animal qui a disparu. Il se peut que l'homme soit un simple pêcheur ; il se peut aussi qu'il apporte les poissons en offrande. L'homme aux poissons apparaissait déjà sur un support de bronze du Chyp. Réc. (11). Les autres panneaux de ce (7) BCH 89 (1965), p. 239, fig. 11 \CCF vases, IX. 5, p. 101 et texte, p. 34. (8) BSA XXXII (1936-37), p. 71, fig. 6-7 ; CCF vases, IX. 1, p. 97 et texte, p. 33. (9) Bossert, Altsyrien, 248 ; CCF vases, IX. 4, p. 100 et texte, p. 34. (10) Bossert, Altsyrien, 238 ; CCF vases, VI. 3, p. 50-51 et texte, p. 25. (11) Catling, Cypriot Bronze work, p. 205, pi. 34.
168
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
vase contiennent une chèvre, des oiseaux, des poissons, un bélier, ainsi que des objets tels qu'une table supportant une corbeille, une amphore surmontée d'une cruche et une lyre. On peut se demander si tous ces animaux et ces objets n'ont pas quelque rapport avec un culte. Ces personnages qui mènent des animaux ou tiennent des pois sons peuvent être ou de simples paysans ou pêcheurs, ou des officiants qui conduisent l'animal au sacrifice ou apportent des offrandes. Les vases ainsi ornés de belles scènes figuratives étaient certainement les plus beaux et comme tels souvent destinés à être offerts au temple. Sur plusieurs représentations revient le motif du porteur de "peigne". Ainsi sur un cratère (CM 1938/XII-5/1) (12), plusieurs petits personnages aux bras levés portent un objet en forme de peigne passé à leur coude par une boucle. Le motif en "peigne" se trouvait aussi en Crète. Il se rencontre très souvent sur les vases chypro-géométriques. On l'a identifié à un peigne véritable, ou à une table ou un autel. Cependant, s'il s'agit d'une table, comment les per sonnages du cratère ci-dessus pourraient-ils la porter ? D'autre part, il n'est guère probable qu'il s'agisse d'un peigne, car l'objet est de grande dimension et souvent associé à des vases. On pense néanmoins que cet objet a une signification religieuse (13). Il est bien difficile de savoir si ces différentes représentations ont un sens. Cependant, on peut voir que les sujets d'inspiration des peintres des vases figurés du Chyp. Géom. III se rangent en deux groupes : d'une part, les scènes de chasse ou de guerre ; d'autre part, les scènes telles que celles que nous avons décrites et qui pourraient être des scènes religieuses. La religion devait certainement être une des grandes préoccupations des hommes. Les représentations sur les vases primitifs sont rarement gra tuites à l'origine. On verra, de plus, que lorsque les représentations de viennent plus compréhensibles, elles laissent souvent voir leur fond rel igieux. C. Une scène de sacrifice. C'est une représentation dont nous avons déjà parlé car une figure aux bras levés y est représentée (14). Il s'agit de la représentation sur le col d'une amphore de la classe Bichrome III, qui se trouve au Louvre (MNB 322) (15) (pi. 23, c). p. 34-35.
(12) RDAC 1937-39, p. 134 et 140, pi. XXXIX, 3 ; CCF vases, IX. 7, p. 103, texte,
(13) Ce motif est, semble-t-il, d'origine Cretoise et il est possible qu'il ait une signi religieuse. Ce peut être un peigne, un autel, une table, une cage, un panier . . . (14) Voir chapitre VI, p. 144. (15) CVA France, pi. 193, 4, 6, 8 ; Bossert, Altsyrien, 255-256 ; CCF vases, VI. 2, p. 48, texte, p. 24-25 ; cette scène a aussi été interprétée comme un retour de chasse, voir Caubet etYon,/?ZMC1974,p.ll6. fication
169
CHAPITRE Vili
Deux hommes barbus et en longue robe portent sur leurs épaules un long bâton auquel est suspendue, attachée par les pattes, une chèvre sauvage. Les per sonnages en longue robe paraissent être plutôt des prêtres que des chasseurs. La figure féminine qui se trouve derrière eux et qui lève les bras au ciel porte un polos très orné et un pan brodé à sa longue robe qui pourrait être la bande hiéra tique de son costume ; on peut penser qu'il s'agit d'une prêtresse, la Grande Prê tresse, qui suit le cortège sacrificatoire. Cette représentation d'un sacrifice à la divinité, s'il faut voir ainsi cette scène, explique peut-être les représentations plus anciennes où l'on voit des personnages associés à des chèvres sauvages et des animaux en général. D. Un temple (?). Un cratère de la classe Bichrome III (CM Β 1988) (pi. 27, a) porte une représentation unique dans laquelle Gjerstad a reconnu l'image d'un temple tripartite, mais qui est très controversée (16). En effet, un motif tripartite occupe le centre de chaque représentation sur les deux faces du cratère. On a reconnu là une façade décorée de damiers à car reaux noirs et rouges et de carreaux ; cette façade serait divisée en trois parties par des bandes verticales étroites garnies de hachures qui pourraient représenter des murs ou des tours. Ces bandes dépassent la hauteur de la façade et se terminent par des projections fourchues tant au sommet qu'à la base. Sur une des façades (?) (face A), les deux bandes verticales du milieu sont réunies par une bande hori zontale, constituant une sorte de porche. Les tours latérales de chaque façade (?) sont surmontées de motifs qui sont peut-être des emblèmes : les tours de gauche portent des motifs étranges, en forme de plante, de tête d'oiseau ou de tête hu maine stylisée, tandis que les tours de gauche sont surmontées de têtes portées sur des pieux. Certains autres détails varient d'une façade à l'autre : sur la façade A, on voit dans la partie médiane à mi-hauteur un motif en forme de peigne qui ressemble à une fenêtre mais qui a l'air suspendu à un anneau. Au contraire, sur l'autre façade, la partie centrale est laissée vide, avec pour seul ornement une couronne accrochée à une boucle qui pend à un fil (?) descendant d'un des murs centraux. La façade Β présente aussi sur la droite un objet figuré par un motif en peigne suspendu par une boucle à une perche qui descend du haut du mur latéral. L'édifice est flanqué de deux grands arbres stylisés aussi haut que le bâtiment et le champ de décoration est semé de svastikas qui, selon Gjerstad, représentent des oiseaux.
(16) Gjerstad, SCE IV 2, p. 62 et 332 ; Karageorghis, "A representation of a temple on an 8th century B.C. Cypriote vase", Rivista di Studi Fenici I, 1 (1973), p. 9-13, pi. I-II ; CCF vases, XXVI, p. 493, texte, p. 80-82 ; J. Boardman, "Iconographica Cypria", RDAC 1976, p. 153155, pi. XXIII.
170
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
Une interprétation récente (17) "transforme ces temples orientaux en Prin cesses" : en effet, J. Boardman voit dans ces représentations des figures humaines au corps rectangulaire décoré de damiers dont les bras sont figurés par les projec tions latérales auxquelles poussent en guise de doigts des griffes ; les branches fourchues qui partent aussi du bas rappellent en effet des pieds. Si ces figures sont humaines, on peut en effet voir dans chacune des deux scènes deux femmes assises tenant à bout de bras des objets, des couronnes, des "peignes". Boardman appuie son interprétation sur des figures similaires peintes sur des sarcophages crétois du Minoen Récent III B. On a identifié cette représentation à la représentation d'un temple, parce qu'on possède d'autres représentations de temples rendus de façon analogue : ainsi, les représentations de temples minoen-mycéniens sur des ornements d'or de Volos et de Mycènes et sur la fresque du temple de Knossos (18). On y voyait déjà des façades décorées de damiers, mais aussi des têtes humaines apparaissant sur le toit au-dessus de la bor dure en cornes de consécration. Une dernière interprétation vient concilier les deux précédentes (19). D'après Karageorghis, le peintre aurait commencé par représenter un véritable édifice qu'il aurait par la suite transformé en figures humaines en lui ajoutant des membres humains. Il demeure cependant que la repré sentation est très énigmatique. Il est tentant d'y voir un bâtiment entre des arbres, d'autant plus que les temples devaient se présenter sous une forme analogue. On sait en effet que l'architecture religieuse au début de l'Age du Fer se caractérise presque toujours par un plan tripartite (20). A Kition, en particulier, le temple d'Astarté, récemment découvert, pré sentait une façade à trois entrées qui rappelle précisément la disposition du bâtiment reproduit sur le cratère. De plus, le temple d'Aphrodite à Paphos, tel qu'il est reproduit sur les monnaies romaines, se présente sous la même forme. Quant à la représentation de ces quatre tours ou piliers, elle peut se référer à l'existence de piliers surmontés de symboles religieux devant les façades des temples. Ainsi, à Kition, il y avait, de part et d'autre de l'entrée centrale, deux piliers rectangulaires indépendants du bâtiment. A Tyr, on voyait devant le temple de Melkart des piliers su rmontés de chapiteaux en fleur de lys. Un modèle de sanctuaire trouvé à
(17) Boardman, /?Ζλ4<7 1976, p. 154. (18) Nilsson, Minoan Mycenaean religion, p. 173 sqq. (19) CCF texte, p. 82 ;RDAC 1976, p. 155. (20) Gjerstad, SCE IV 2, p. 232 sq. ; A. Westholm, "The Paphian Temple of Aphrodite and its Relation to Oriental Architecture", Acta Archaeologica 1933, p. 210 sqq.
171
CHAPITRE VIII
Idalion présente aussi deux piliers "fleuris" à l'entrée (21). Les détails des ornements en forme de peigne et de couronne ne sont pas faciles à identifier. Mais la présence de têtes humaines sur le toit évoque les Astartés à la fenêtre bien connues par les ivoires du Proche Orient. Ce serait les prostituées sacrées au service de la Grande Déesse (22). Peutêtre le motif en forme de peigne représenterait-il un autel, et les cou ronnes, des tables d'offrandes rondes. Quant aux arbres à l'entrée, ils figurent certainement le jardin sacré qui devait entourer le sanctuaire de la divinité. D'après Karageorghis et des Gagniers, "Le temple sur le vase Β 1988 ne représenterait pas n'importe quel temple, mais l'un des grands temples de l'île existant au VHIème siècle av.n.è., le temple d'Aphrodite à Palaepaphos, ou celui d'Astarté à Kition" (23). Bien que l'interprétation des plus anciennes représentations sur les vases de l'Age du Fer ne soit jamais absolument assurée, il semble probable que de nombreuses scènes reproduites sur ces vases avaient une signif ication religieuse. Les pratiques cultuelles devaient certainement avoir beaucoup d'importance pour les Chypriotes à cette époque. On remarquera que ces représentations n'ont rien d'oriental. Au contraire, un esprit très grec domine dans l'interprétation donnée par le peintre chypriote de scènes religieuses : ainsi le joueur de lyre du cratère de Kaloriziki, les prêtres sacrificateurs du vase du Louvre, évoquent plu tôt les personnages peints sur les vases grecs géométriques que des cér émonies religieuses orientales. II. LES GRANDES SCÈNES DE CULTE EN L'HONNEUR D'UNE DIVI NITÉ (?) ASSISE, SUR LES VASES DE STYLE FIGURÉ DES VHIèmeVllème s. a.C. A la fin de la période Chyp. Géom., quelques représentations grandioses apparaissent, dont la signification religieuse est évidente et qui apportent la preuve de l'importance cultuelle de ces vases et de leurs représentations. Ces scènes succèdent aux timides essais précédents qu'elles confirment. Documents assez anciens dans l'iconographie de l'Age du Fer, ils constituent un témoignage précis sur les pratiques religieuses de cette époque.
(21) R.D. Barnett, "Ezekiel and Tyre", Eretz-Israel 9 (1969), p. 6 sqq. (22) Cf. les femmes à la fenêtre sur le support d'Enkomi, Catling, Cypriot Bronzework, p. 204 sq., pi. 33 ; c et voir ci-dessus, chapitre V, p. 106. R.D. Barnett étudie cette représentation dans The Nimrud Ivories, p. 145 sqq. (23) CCF texte, p. 81.
172
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-Vïème)
A. L'Amphore Hubbard (CM 1938/XI-2/3) (pi. 26, a) (24). C'est une grande amphore décorée dans le style Bichrome III dont la date a été controversée. Datée d'abord de la fin du IXème elle paraît plutôt devoir être attribuée à la fin du VHIème s. a.C.'(25). 1. Description : Elle est décorée sur la zone d'épaule d'une scène figurée qui se poursuit sur les deux faces. Sur la face A, une figure féminine est assise sur un trône rich ement décoré au centre de la composition. Elle est vêtue d'une robe qui laisse les seins découverts et permet de voir le corps par transparence ; les jambes dépassent sous la robe et les pieds reposent sur un tabouret. Elle tient de la main gauche un long chalumeau par lequel elle boit le liquide contenu dans une amphore placée sur une petite table devant elle. Au fond il y a une autre table avec trois cruches et deux objets ronds. S' approchant de la table, une femme verse dans l'amphore le contenu d'un cruchon ; elle tient de sa main droite trois autres petites cruches. Elle porte une jupe, mais elle a les seins nus. A gauche, une tête de taureau à long cou et à longues cornes situe probablement la scène dans un sanctuaire. Derrière la figure féminine au trône, un sphinx ailé respire une fleur. Sur l'autre face, la scène se continue, car on voit là une file de personnages qui marchent ou dansent vers la droite, en direction sans doute de la femme au trône : il y a quatre femmes et un homme, l'homme occupant le centre de la composition. Toutes les femmes portent une jupe et elles ont les seins découverts. Leur chevelure peinte en noir tombe dans le dos. L'homme semble porter un costume collant qui laisse aussi voir la poitrine ; il a les cheveux courts et tient une lyre. Tous ces personnages doivent être des danseurs qui exécutent une danse sacrée en se tenant par la main. Les deux dernières danseuses portent des rameaux ou des plantes. Un arbuste à fleur semble sortir de terre derrière la première dan seuse. Il est bien évident que l'on a là une scène de culte, mais en l'hon neur de qui ? 2. Interprétation : Dikaios pense que la figure féminine assise sur le trône est soit une divinité, soit une morte déifiée (26). Le vase ayant été trouvé dans une tombe, il est possible que la représentation ait un caractère funéraire.
(24) P. Dikaios, "An Iron Age Painted Amphora in the Cyprus Museum", BSA XXXVII (1936-1937), p. 56 sqq. ; CCF vases, p. 7, texte, p. 8-9. (25) Dikaios la datait de 850 environ, art. cit., p. 58 ; Gjerstad la place vers la fin du VlIIème s. a.C, SCE IV 2, p. 62, n. 1 ; P. Demargne, La Naissance de l'Art Grec (Paris 1964), la date de 700 environ. Des amphores semblables trouvées dans des tombes de Salamine sont datées par le contexte de la fin du VHIème s. a.C. ; c'est donc la date qui paraît la plus sûre. (26) Dikaios, op. cit., p. 62 sqq.
173
CHAPITRE VIII
selon Dikaios, qui pense aussi que le rite de la boisson par chalumeau était un rite du culte des morts. A l'appui de son interprétation, il cite deux cylindres syro-hittites (27) où l'on voit un personnage assis buvant à l'aide d'un roseau, ou d'un siphon, le liquide contenu dans un vase à ses pieds ; devant le personnage se trouve un autel surmonté d'un taureau ; entre l'autel et le personnage, un serviteur apporte un vase. On reconnaît une scène semblable sur une stèle funéraire de Tell el Amarna (28) ; la stèle est celle d'un mercenaire syrien et l'homme boit à l'aide du même pipeau ; un serviteur l'aide et une femme, sa femme, est assise en face de lui. La représentation sur la stèle funéraire serait assez convaincante en faveur de l'interprétation de cette pratique comme coutume funéraire. Mais les représentations connues autres que celle de la stèle peu vent aussi bien s'appliquer à une scène sacrée où le personnage qui boit serait non pas un humain, mais un dieu ou une déesse, ou un prêtre ou une prêtresse : ainsi, sur les cylindres syro-hittites, où le personnage se trouve devant un autel, sur une plaque d'ivoire de Tell Farà, où une f igure féminine assise sur un trône reçoit une boisson offerte par un per sonnage debout (29), ainsi sur des fresques égyptiennes (30). Sans doute faut-il voir dans cette pratique un usage analogue à celui du narguilé, dont, d'ailleurs, parle Xénophon (31). Peut-être était-ce un délice su prême réservé aux représentants des dieux sur terre et qu'ils goûtaient au cours des cérémonies sacrées. Nous savons à présent qu'au Chyp. Réc, les prêtresses et les fidèles inhalaient des fumées d'opium. Peutêtre cette pratique avait-elle un effet précis, les adeptes puisant dans cette boisson ou cette fumée de nouvelles forces de vie ou entrant en extase. Cet usage paraît d'origine orientale ; il aurait été répandu en particulier en Syrie et, semble-t-il, en Egypte (32). La représentation de l'amphore Hubbard semble se placer davan tagesur le plan divin qu'humain. La cérémonie prend place vraisembla blement dans un sanctuaire symbolisé par le protome de taureau qui situe la scène. Le personnage est assis sur un trône et nous connaissons par les représentations orientales, le rite des processions devant les divinités assises (33). Les danses sacrées accompagnées de musique paraissent avoir
parentés
174
(27) Id., p. 63, fig. 2. (28) Id., fig. 3. (29) C. Decamps de Mertzenfeld, Inventaire commenté des Ivoires Phéniciens et ap découverts dans le Proche-Orient (Paris 1954), pi. I. (30) Id., pi. LXXI, LXXII. (31) Xénophon, Anabase, IV, 5, 26. (32) Dikaios, op. cit., p. 62. (33) Barnett, Nimrud Ivories, p. 78 sq. ; Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. CXXVIII, 1.
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
fait partie depuis longtemps du rituel en l'honneur des dieux plutôt que des morts. La présence d'un sphinx dans la scène, derrière le personnage au trône, souligne le caractère divin de la cérémonie. Les sphinx sont souvent en rapport avec les cérémonies sacrées et, en particulier, ils servent souvent de support aux trônes (34). Enfin, disons que l'amphore Hubbard s'inscrit bien dans la lignée des vases de style figuré à représentations religieuses qui semblent être apparus assez tôt et continueront jusqu'à la fin du Vlème s. a.C. B. La cruche de Chrysochou (CM 1973/XII-7/1) (pi. 27, b) (35). La scène représentée sur l'amphore Hubbard devait être assez populaire et appartenir au répertoire connu du public, car elle réapparaît sur une cruche de la classe Black-on-Red I (III) qui a été trouvée par des pilleurs de tombes dans la nécropole de Chrysochou. Cette cruche serait contemporaine de l'amphore Hubbard appartenant aussi au Chyp. Géom. III. 1. Description : La panse de cette cruche est ornée de trois scènes apparemment séparées. La partie centrale du côté opposé à l'anse porte un groupe de deux sphinx affrontés de part et d'autre d'un arbre. A droite des sphinx, se trouve représentée une scène rituelle ; à gauche, une scène de combat entre un lion et un taureau. La scène rituelle se présente comme suit : une figure indéfinie (vraisembla blement féminine) est assise sur un siège imposant. Ce personnage est habillé d'un long vêtement à col montant, d'où dépasse une seule jambe vue de profil. Elle porte une chevelure qui tombe dans le dos. Elle est très semblable au person nagedebout, vêtu d'une robe, placé derrière le siège. La femme assise tient de la main droite un chalumeau par lequel elle boit un liquide contenu dans une am phore. L'amphore est posée sur la table sur laquelle se trouve aussi une cruche. Derrière elle se tient un autre personnage à longue chevelure portant une tunique, ou robe, jusqu'aux genoux, une femme sans doute, qui apporte, semble-t-il, des offrandes : l'une paraît être une grande fleur aux pétales irradiants qu'elle tient de la main droite, ou bien un épi à barbes ; 1 autre est un poisson à l'arête visible qu'elle apporte dans un plat. 2. Interprétation : II s'agit de la même scène que sur l'amphore Hubbard. Le pro blème qui se pose est le même. S'agit-il d'une cérémonie funéraire ou d'une scène de culte en l'honneur d'une divinité ? On peut penser aussi
(34) Dikaios, op. cit., p. 64 sqq. (35) V. Karageorghis, "Kypriaca", RDAC 1974, p. 67 sqq., fig. 5-6, pi. XIII, XIV.
175
CHAPITRE VIII
à la représentation d'une coutume consistant en l'offrande au mort de boisson et de nourriture. On a en effet retrouvé dans le dromos de la tombe 79 de Salamine de la même époque, des arêtes de poisson encore in situ dans des plats (36). Cependant, un personnage assis sur un trône représente souvent une divinité dans l'art oriental. La cérémonie de la présentation des of frandes est bien connue dans le rituel en faveur de la divinité. Le don d'une fleur ou d'une branche pourrait rappeler les vertus fécondantes d'une Grande Déesse protégeant la fertilité des terres. L'offrande d'un poisson pourrait évoquer un aspect de la Grande Déesse qui, en Orient, était aussi la Grande Dame de la Mer. L'association d'une scène rituelle à des sphinx et à un combat de lion et de taureau n'est peut-être pas dépourvue de signification. En effet, le sphinx, déjà présent aux côtés de la figure assise sur l'amphore Hubbard, réapparaît ici ; or, nous savons qu'en Orient, il est associé aux personnages royaux ou divins et il accompagne souvent la Grande Déesse Astarté (37). De plus, les deux sphinx sont ici devant l'arbre de vie aux vertus sacrées bien connues. Il n'est pas jusqu'au combat du lion et du taureau qui n'ait peut-être un sens religieux. En tout cas, le lion comme le taureau sont souvent représentés sur des pièces de harnais de bronze en association avec Astarté avec laquelle ils avaient certainement quelque relation. On a supposé que les combats de lion et de taureau avaient quelque signif ication rituelle ou mythologique (38). Ici, des animaux aux vertus sacrées accompagnent une scène rituelle en l'honneur peut-être de la Grande Déesse. On verra la même association sur un plat de métal où une scène de culte en l'honneur d'une figure féminine assise voisine avec une frise de taureaux (39). Tous ces indices, si incertains soient-ils, engageraient plutôt à voir dans l'une et l'autre de ces représentations sur vases, des scènes de culte en l'honneur d'une divinité, qui, à en juger par les offrandes qu'elle reçoit et les animaux et objets auxquels elle est associée, doit être la Grande Déesse chypriote Astarté- Aphrodite ou sa prêtresse. Il existe encore une représentation analogue sur une amphore de l'époque Chyp. Arch. I.
(36) (37) (38) (39)
176
Karageorghis, Salamis III, p. 117. Barnett, Nimrud Ivories, p. 85. Id., p. 72 sqq. Coupe de Sparte, Louvre AO 4702, voir ci-dessous p. 182.
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
C. L'amphore d'Ormidhia (Metr. Mus.) (40). 1. Description : Cette amphore qui, depuis qu'elle est connue, a été considérée comme "une des plus précieuses reliques de l'art chypriote", est dans un très mauvais état de conservation et on se réfère pour les représen tationsqu'elle porte à des dessins qui en avaient été faits au XIXème s. a.C. Cette amphore est de la classe Bichrome III ; elle date du Vllème s. a.C. La zone d'épaule est de'corée de deux compositions à peu près semblables, centrées sur deux personnages assis sur des trônes et qui se font face. Sur la face la mieux conservée, ces deux figures assises sont séparées par un arbre fleuri ; sur l'autre on distingue une table devant le trône, au lieu d'un arbre. Ces deux figures aux longues jambes dessinées sont sans doute des femmes, bien qu'aucun détail précis ne l'assure ; elles ne portent pas de vêtement visible, mais l'une a sur la poitrine une sorte de pendentif ; elles ont aussi des cheveux assez longs. On les voit assises dans des trônes très ouvragés qui rappellent des trônes d'ivoire trouvés à Salamine, dans lesquels elles sont affalées plutôt qu'assises. D'une main, elles portent à leur nez une fleur qu'elles respirent. L'une tient, au bout de son bras qui pend par-dessus l'accoudoir, une autre très grosse fleur. L'autre touche de son bras libre l'arbuste fleuri qui se trouve derrière elle. De part et d'autre de ces deux figures assises, deux femmes sont debout ou dansent, paraissant se tenir par la main ; elles portent de longues robes jusqu'à la cheville ; sur deux de ces figures, on distingue une bande médiane et une bande horizontale au bas de la robe, qui évoquent une robe de prêtresse. A côté des unes et des autres, il y a un arbuste fleuri. Près de l'arbuste de droite, se trouve un oiseau qui picore à terre. 2. Interprétation II semble que l'interprétation en soit plus sûre. Il est difficile d'évoquer ici un rite funéraire. Il doit s'agir d'une scène de culte en l'honneur de déesses ou de prêtresses auxquelles on offre des fleurs et devant qui des fidèles exécutaient des danses. A quelle autre divi nité féminine offrirait-on des fleurs sinon à la Grande Déesse de la fécon dité? Le personnage au trône serait donc une divinité, et, à peu près certainement, la Grande Déesse ou sa Grande Prêtresse (41). Un autre objet pourrait être invoqué à l'appui de cette identification de la dame au trône. Il s'agit d'une figure féminine assise sur un trône porté par des sphinx. Elle provient du sanctuaire de Ayia Irini et est de date plus récente que nos vases (Vlème s. a.C.) (42) (pi. 28, b). Elle confirme l'interprétation de la figure féminine comme celle d'une déesse ou prê tresse. (40) La plus récente publication du vase a paru dans AJA 58 (1954), p. 39 sqq., où l'amphore a été de nouveau étudiée par Myres ; CCF vases, p. 10-11, texte, p. 10. (41) CCF texte, p. 10. (42) SCfi1 II.pl. CCXXXIII, 1011.
177
CHAPITRE VIII
La représentation de l'amphore d'Ormidhia n'est pas en tout point semblable aux scènes de l'amphore Hubbard et de la cruche de Chrysochou. La pratique de l'absorption de liquide par le chalumeau a disparu. L'offrande de fleurs a gagné de l'importance. L'amphore d'Or midhia est un peu plus récente que les vases précédents. Le culte de la Grande Déesse aurait peut-être évolué en une grande fête des fleurs, comme le laissent penser les nombreuses représentations de prêtresses à la fleur sur les vases des VlIème-VIème s. a.C. D. Origine des représentations de scènes de culte : Ces représentations de scènes de culte semblent être apparues assez soudainement au VlIIème s. a.C, alors que les compositions habi tuelles sur les vases de style figuré commençaient juste à mettre maladroi tementquelques figures humaines en scène. Certes, on a pu voir certaines préoccupations religieuses se faire jour sur les plus anciens des vases de style figuré sous l'influence peut-être de l'iconographie grecque de l'épo que géométrique, car on a pu relever quelques ressemblances entre les représentations chypriotes et les représentations grecques du début de l'époque géométrique (43). Au contraire, les représentations de scènes de culte semblent relever d'une inspiration orientale. Le sujet même de la procession sacrée, des danses religieuses, des offrandes aux dieux est souvent illustré dans l'iconographie orientale. Le caractère complexe et la richesse de la compos itionparaissent trahir un modèle plus grandiose que la simple peinture sur vase encore à ses débuts. On dirait que ces scènes copient ou imitent d'autres représentations plus ambitieuses venues peut-être de l'Orient. Le VlIIème s. a.C. a été un siècle de relations étroites entre la Syrie et Chypre (44). On a trouvé à Chypre des coupes de métal précieux, en bronze ou en argent, qui sont décorées en relief de scènes de culte analogues à celles représentées sur les vases. On a découvert d'autres de ces coupes en Grèce. On sait qu'il y avait en Orient des ateliers de travail du bronze célèbres, tel celui de Nimrud. Les coupes trouvées à Chypre sont-elles de fabrication étrangère ? Elles témoignent cependant d'un style moins oriental que les vases de Nimrud. On peut imaginer que la mode des scènes de culte est venue à Chypre avec l'importation d'objets d'art oriental, mais qu'elle s'est implantée dans le pays et y a prospéré, produisant des œuvres originales empreintes de l'esprit chypriote. (43) Voir ci-dessus, amphore de Kaloriziki, amphore MNB 322 du Louvre ; voir encore un bol portant une frise de guerriers, CCF vases, VII, 1, p. 61. (44) Les Phéniciens étaient déjà installés à Chypre depuis le IXème s. a.C. mais les rela tions commerciales ont été particulièrement étroites avec la côte syrienne aux VlIIème-VIIème s. cf. SCElV2p. 312 sqq.
178
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
III. LES REPRÉSENTATIONS DE SCÈNES DE CULTE SUR LES COUPES DE MÉTAL DES VHIème-VIIème s. a.C. Chypre a livré quelques coupes décorées d'ambitieuses repré sentations. Le problème est de savoir si ces coupes ont été ou non f abriquées à Chypre, d'autant plus qu'elles portent des représentations de scènes sacrées peut-être en rapport avec le culte d'Aphrodite. A. La coupe de Dhali (Metr. Mus. 4561) (pi. 26, b) (45). 1. Description : Cette magnifique coupe de bronze a été trouvée à Dhali dans une tombe. La décoration est exécutée au repoussé et incisée. Elle est disposée en une seule zone assez large autour d'un médaillon central, garni d'une rosette en son milieu. La zone décorée comprend une procession de personnages se dirigeant de part et d'autre vers un groupe central : c'est une scène de culte. Le groupe central consiste en une figure féminine assise, deux tables et, entre les tables, une femme. La figure assise tient à la main droite une très grosse fleur qu'elle sent ; devant elle une table à trois pieds porte une grande coupe pleine de fruits. Derrière la table, se trouve une prêtresse qui tient de chaque main un objet indé finissable, un éventail et une cuiller à vin (d'après Myres) ; derrière ce personnage, il y a une table à quatre pieds sur laquelle on distingue une amphore et une cruche pour les offrandes liquides. Derrière la figure féminine assise, viennent trois femmes musiciennes qui jouent respectivement de la double flûte, de la lyre et du tambour in. Un groupe de six danseuses va dans l'autre sens en direction de la figure fémi nine assise ; chaque danseuse tient sa compagne par le poignet ; la première lève la main gauche, la dernière tient une fleur. Musiciennes et danseuses portent la même robe longue à manches courtes avec une sorte de petit tablier sur le devant ; sur la tête, elles ont un diadème qui paraît être du type du bandeau à plaques d'or ; leur chevelure tombe sur la poitrine en une longue tresse. Entre chaque danseuse et les deux dernières musiciennes, on distingue un gros arbre à lotus se terminant par une fleur. tiques pendant
Cette représentation constitue un document unique sur les pra d'un culte qui ne peut être que le culte de la Grande Déesse. Ce l'origine chypriote du vase a été contestée.
2. Origine de la coupe : Selon Gjerstad, cet objet a été fabriqué à Chypre par des artisans chypriotes et il porte la marque, avec quelques autres coupes, du carat terechypriote sous sa forme la plus pure (46). En faveur de son origine chypriote, Gjerstad invoque le lieu de provenance ; cet objet a en effet (45) HCC, 4561, p. 465 ; E. Gjerstad, "Decorated metal bowis from Cyprus", Op. Arch. IV (1946), p. 4-6 et pi. I ; I. Ström, Problems Concerning the Origin and Early Development of the Etruscan Orientalizing Style (Odense 1971), ci-après Etrusc. Orient. Style p. 117-118. (46) Gjerstad, Op. Arch. IV p. 17.
179
CHAPITRE VIII
été trouvé dans une tombe du Vilenie s. a.C. à Dhali par Cesnola ; mal heureusement les informations données par Cesnola ne sont pas toujours très sûres. Gjerstad considère la présence de vases de forme chypriote r eprésentés sur une des tables de libations dans la scène même comme un argument majeur, puisque ces vases reproduisent des formes connues de la poterie chypriote de l'Age du Fer. Enfin, selon Gjerstad, le style de la représentation est chypriote ; le rendu des costumes, le goût pour les formes solides et les visages aux traits marqués, la naïveté de l'expres sion sont des caractéristiques d'un art rustique et spontané tel que l'était l'art chypriote au VlIIème s. a.C. On peut en effet comparer la représen tationde la coupe de Dhali à celles que l'on voit sur les vases figurés chypriotes de cette époque où les personnages sont rendus dans un style très similaire (47). L'origine chypriote du vase a été refusée récemment par I. Ström (48) qui considère cette coupe comme une importation syrienne ou à la rigueur une très proche imitation locale d'un plat syrien. Ström affirme que les vases représentés sur la coupe peuvent être aussi bien syriens que chypriotes et qu'il est plus probable que ce vase est une importation, car il ne s'inscrit pas dans une ligne d'évolution stylistique chypriote. Selon. Ström, deux coupes de style analogue trouvées en Grèce ne peuvent être des exportations chypriotes et sont sûrement d'origine syrienne, donc la coupe de Dhali est aussi une exportation syrienne. Cependant l'analyse stylistique de Gjerstad apporte des arguments plus convaincants en faveur de la fabrication locale de cette coupe. De plus, les découvertes récentes d'objets de métal décorés qui indiquent peut-être l'existence d'ateliers de travail du métal à Chypre ne peuvent que favoriser l'hypothèse d'une origine chypriote à beaucoup d'objets de bronze découverts à Chypre. En tout cas, l'esprit dont témoigne la représentation de la coupe de Dhali peut paraître particulièrement accor dé au climat religieux régnant à Chypre. 3. Comparaison de la coupe de Dhali avec d'autres coupes décorées de la même période : Une autre grande coupe découverte à Amathonte se trouve ac tuel ement au British Museum (49). Cette coupe est en argent et elle est décorée dans un style très différent du vase de Dhali. D'après Gjerstad, elle est à dater de la même période que la coupe de Dhali et serait l'œuvre d'artisans phéniciens établis à Chypre (50).
(1933).
180
(47) Voir p. 173 sqq. (48) Ström, Etrusc. Orient. Style, p. 177. (49) Gjerstad, Op. Arch. IV, p. 10-11, pi. VI ; la coupe a été publiée dans JHS LUI (50) Gjerstad, op. cit., p. 12-13.
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
Elle est ornée de trois bandes décorées de scènes différentes : la zone ex térieure dépeint l'attaque et le siège d'une forteresse ; les autres zones sont occupées par des scènes sacrées où l'on voit des adorateurs au milieu d'arbres sacrés, de scara bées ailés, de figures divines d'Horus, Isis, Nephtys. L'ornementation de cette coupe comprend des éléments assyriens et égyptiens ; les personnages et les fleurs de lotus sont de type assyrien, tandis que les éléments religieux sont de type égyptien. La combinaison de ces divers éléments est en effet une des caractéristiques de l'art phéni cienqui se distingue par ailleurs par l'élégance. des figures et le raffinement du dessin (51). Il est évident que la différence est très grande entre cette coupe décorée dans le style phénicien et la coupe de Dhali. La coupe d'Amathonte appartient à une classe de coupes dites chypro-phéniciennes qui proviendraient d'ateliers phéniciens sans doute établis à Chypre. La différence d'esprit est apparente entre la coupe de Dhali et celle d'Amathonte. L'art phénicien paraît avoir une prédilection pour les scènes de combat ou de chasse ; les coupes de Nimrud ou celles de Préneste en Italie importées de Phénicie sont de préférence ornées de scènes violentes de chasse ou de guerre (52). Les scènes de culte telles que celle de la coupe d'Amathonte sont très orientales, mettant en scène des êtres divins fabuleux venus de l'Orient. Au contraire, l'artisan qui a décoré le vase de Dhali a délibérément choisi de représenter une scène de culte dans toute sa vérité. Les scènes de guerre ou de chasse ne l'i ntéressaient pas. Sans doute, pour un Chypriote le plus beau spectacle à reproduire était-il une cérémonie religieuse en l'honneur de la Grande Déesse, surtout si la coupe était une offrande en son honneur. Mais la scène représentée est très différente d'une scène de culte orientale pleine d'êtres fabuleux ; elle est très humaine : la déesse ou sa prêtresse reçoit l'hommage de ses fidèles et leurs offrandes au cours d'une cérémonie qui n'a rien d'étrange et qui est une fête entre humains. La religion chy priote a sans doute reçu en héritage de la culture grecque qui l'a tant influencée, le caractère humain de ses dieux. La représentation de la coupe de Dhali paraît parfaitement s'accorder avec l'esprit religieux chypriote qui devait prévaloir aux VlIIème-VIIème s. a.C. Les figurines de terre cuite témoignent du même esprit et plus encore les représen tationssur vases qui illustrent des scènes semblables indubitablement chy priotes (53). (51) Id., p. 12. (52) Bossert, Altsyrien, 803, 804 ; les coupes chypro-phéniciennes portent presque toutes des scènes de chasse ou de guerre : deux coupes de la collection Cesnola au Metr. Mus. (HCC, 4554, 4556) et deux coupes d'argent de Dhali au Louvre (AO 20134 et AO 20135), Gjerstad, op. cit., pi. VII, Vili, IX, X. (53) On pourrait objecter que les représentations sur vases copient les scènes repro duites sur les vases de métal. Cependant, les représentations sur vases sont si précises qu'elles correspondent certainement à des scènes réelles.
181
CHAPITRE VIII
D'autres scènes de culte représentées sur des vases de métal trouvés en divers endroits hors de Chypre ont donc été rapprochées des représen tationschypriotes et on en a parfois conclu à l'origine chypriote de ces différents objets. B. Scènes de culte sur des coupes trouvées ailleurs qu'à Chypre. Comme les scènes de culte représentées sur quelques objets dif fèrent du répertoire habituel de l'ornementation des vases en métal, on a attribué à des ateliers chypriotes certaines coupes décorées de scènes religieuses. 1. La coupe de Sparte, Louvre AO 4702 (54). La représentation qui orne la zone de pourtour de cette coupe est semblable à celle de la coupe de Dhali, bien que le style en soit légèrement plus avancé. La même rosette orne le centre du plat et le même motif de séparation des zones est utilisé, le motif en forme de corde tordue. La disposition des personnages est exactement la même : une figure féminine est assise sur un trône, les pieds posés sur un tabouret devant une table ou un autel chargé d'offrandes. Derrière elle, quatre musiciennes jouent de divers intruments ; trois jouent de la lyre et une du tambourin. Devant la table d'offrandes se tient une femme, qui a une fleur à la main ; derrière elle, il y avait une seconde table d'offrandes, dont il ne reste que le pied et quelques traces. Comme sur la coupe de Dhali, on voyait donc deux tables devant la prêtresse-déesse assise, et entre les deux tables, une fidèle ou prêtresse. Derrière les tables, viennent trois porteuses d'offrandes qui n'étaient pas présentes dans la scène de la coupe de Dhali. Elles paraissent porter, l'une, des fruits et une fleur, et les autres, des offrandes. Derrière elles, on di stingue divers éléments cultuels : un motif en croissant de lune, un protome de taureau, ainsi qu'un autre objet non identifiable ; ces objets paraissent situer la scène dans un sanctuaire, dans lequel se trouverait aussi un grand oiseau à longues pattes. Derrière l'oiseau, viennent les danseuses qui se tiennent par la main et dont la dernière porte un objet cylindrique. Les porteuses d'offrandes et les danseuses sont représentées sur la pointe des pieds, sans doute pour montrer qu'elles sont en mouvement, tandis que les musiciennes ont les deux pieds posés à plat sur le sol, étant sans doute en position immobile. Danseuses, musiciennes et porteuses d'offrandes portent le même costume : une longue jupe jusqu'à la cheville s'ouvrant sur le devant, une blouse à manches courtes ou un vêtement vague couvrant la poitrine ; sur la tête, elles ont un polos sur lequel apparaissent parfois des stries verticales et leur chevelure tombe dans le dos. La zone centrale de la coupe à l'extérieur du médaillon est occupée par une frise de taureaux qui avancent tête baissée à la rencontre d'un cerf aux longues ramures. (54) R. Dussaud "Coupe de bronze Chypro-phénicienne trouvée en Grèce, BSA XXXVII (1936-37), p. 92 sqq. Gjerstad, Op, Arch. IV, p. 6 sqq., pi. II ; Ström, Etrusc. Orient. Style, p. 177.
182
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
Cette coupe est datée par Gjerstad du Vllème s. a.C. (55), mais par Ström, récemment, de la première moitié du VHIème s. (56). L'origine chypriote en était généralement acceptée, mais elle a été dernièrement contestée par I. Ström, qui considère la coupe comme une importation syrienne en Grèce (57). Cependant, en dehors du fait que la coupe a été trouvé loin de Chypre, tout tend à prouver l'origine chypriote de cette œuvre. D'une part, l'exacte similitude dans la disposition de cette scène de culte ne peut être due à un seul hasard ; les mêmes pratiques cultuelles rendues à une même déesse-prêtresse assise ne peuvent avoir qu'une même origine. On remarquera aussi que les figures dessinées sur cette coupe de bronze sont exactement semblables à celles que nous avons déjà vues sur une plaque d'or du British Museum (1485) et vêtues en particulier de la même jupe et coiffées du même polos. Certes, on peut soutenir que l'origine chypriote des objets cités n'est pas absolument assurée. Cependant, on ne peut nier que les scènes de culte sur les vases de métal ressemblent de très près aux représentations du culte rendu à une déesseprêtresse sur les vases de style figuré chypriote de la même époque (58). Il existe quelques autres fragments de vases de métal ornés de représentations analogues. 2. Fragments de coupes décorées de scènes de culte : a) Fragment d'une coupe en bronze du Mont Ida en Crète (59) : Sur ce fragment on distingue trois danseuses qui portent un polos et peutêtre un voile dans le dos. Elles se tiennent par la main dans l'attitude de la danse. Comme costume , elles ont la jupe ouverte sur le devant et la blouse vague sur la poitrine que l'on a vues sur d'autres danseuses de scènes de culte. Sur un second fragment du même vase, on voit deux porteuses d'offrandes ; l'une tient une grande fleur, la tête en bas comme sur la coupe du Louvre ; l'autre présente une coupe contenant un serpent (?) à la queue duquel est accroché un poisson. Si étrange que paraisse cette représentation, elle a un parallèle sur la cruche chypriote de Chrysochou où l'on voit précisément une porteuse d'offrande qui tient une grande fleur d'une main et un poisson dans un plat de l'autre (60). Cette représentation pourrait donc provenir d'une scène de culte sur un vase en métal chypriote. (55) Gjerstad, Op. Arch. IV, p. 15. (56) Ström, Etrusc. Orient. Style, p. 117. (57) Id., p. 117. (58) Voir trois vases portant des scènes de culte et de nombreux autres reproduisant sans doute des fidèles de la déesse : p. 172 sqq. et 188 sqq. (59) Museo Italiano II, Atlas pi. IX, 2 reproduit par Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. CXXVIII, 1 ; Gjerstad, Op. Arch. IV p. 18, "l'une des coupes découvertes en Crète imite d'assez près le style Proto-chypriote de la même période" ; SCE IV 2, p. 410. (60) Cruche 1973/XII-7/1, voir ci-dessus, p. 175 sq., pi. 27, b.
183
CHAPITRE VIII
b) Un autre fragment (61) reproduit quelques personnages d'une scène de culte : On y voit deux joueurs ou joueuses de lyre et une table d'offrande aux pieds recourbés chargée d'une coupe. La table et la coupe sont d'une forme sembable à celle des mêmes objets reproduits sur la coupe de Dhali, mais le style n'est pas très proche de celui des autres représentations connues. 3. Enfin une coupe de bronze qui a été trouvée à Athènes (Tombe 42 du Céramique) est considérée comme chypriote. Elle est ornée d'une frise d'hommes portant des fleurs de lotus. Les person nagessont accompagnés d'animaux (62). Cette coupe est considérée comme étant d'origine chypriote, car elle est très proche de la coupe de Dhali. Cependant, son origine chypriote est contestée par I. Ström qui la considère comme syrienne. L'homme à la fleur est un thème de l'imagerie chypriote sur vases. Peut-être est-ce un adorateur d'Aphrodite. 4. La coupe d'Olympie : Une autre coupe portant des représentations de scènes de culte assez étran gesa été trouvée à Olympie (63). Elle a été attribuée à un atelier chypriote par Ohnelfasch-Richter (64). L'ornementation est divisée en plusieurs panneaux symét riques dans lesquels on voit des prêtresses-déesses assises, dont l'une a un enfant au sein, devant des tables d'offrandes, un combat contre un griffon, ainsi que deux représentations de déesses nues aux mains sur les seins qui paraissent être des idoles plutôt que des créatures vivantes. Le sujet traité, la prêtresse-déesse assise devant la table d'offrandes ainsi que le motif de cordon tordu délimitant les zones, sont les éléments qui rapprochent cette scène des représentations chypriotes. Cependant, le style des figures en général est très différent de celui des figures des coupes de Chypre. La coupe d'Olympie est en général attribuée aux ateliers de Nimrud (65), qui aurait donc produit aussi des représentations de scènes de culte, d'un esprit cependant beaucoup plus oriental.
(61) Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. CCXXVIII, 2. I. Ström considère les deux fragments du Mont Ida comme issus d'ateliers de Nimrud, Etrusc. Orient. Style, p. 118. (62) Studies presented to D.M. Robinson II, p. 25, pi. 7, 1 ; Ström, op. cit., p. 117 et note 197. (63) Olympia IV, Bronzen, pi. 52 ; Perrot-Chipiez III, p. 783, fig. 550. (64) Ohnefalsch-Richter, KBH p. 434, trouve le combat avec le griffon très ressemblant aux scènes analogues représentées sur les coupes de Chypre. (65) Ström, Etrusc. Orient. Style, p. 118.
184
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
Les scènes de culte qui paraissent le plus authentiquement chy priotes, comme celles que portent la coupe de Dhali, la coupe de Sparte et peut-être, le fragment de la coupe du Mont Ida, relèvent d'un esprit très grec où la cérémonie religieuse a un aspect humain. Ce réalisme se retrouve en effet dans les représentations de scènes sacrées sur les vases de céramique. Il semble donc que l'on puisse attribuer avec certi tude à des ateliers chypriotes certaines de ces coupes décorées de scènes de culte. Au Vlème s. a.C. les coupes de métal continuent à être ornées de scènes d'offrandes avec musiciennes et danseuses ; mais ces scènes ont perdu leur caractère sacré ; ce sont désormais des scènes de banquet profane ou royal (66). La grande époque de la représentation de scènes de culte semble avoir été aux VlIIème-VIIème s. a.C. Sans doute est-ce sous l'influence de l'iconographie orientale que ce genre de représentation a d'abord été mis à la mode. Cependant, les modèles orientaux ont été interprétés dans un esprit différent, plus humain et plus réaliste, par les artistes chypriotes ; s'inspirant des spectacles qu'ils avaient sous les yeux, ils enrichirent les représentations de nombreux détails concrets ; c'est d'ailleurs sur ces critères que l'on peut attribuer certains vases de métal à des ateliers chypriotes. Ainsi, les différentes représentations de scènes de culte des VlIIème-VIIème s. a.C. nous renseignent sans doute sur les véritables pratiques cultuelles en l'honneur à cette époque. Parfois, on les a interprétées comme des scènes de culte funéraire, d'autant plus que la plupart des vases décorés ont été trouvés dans des tombes. Cepend ant, le culte dépeint semble plutôt convenir à une divinité, tel qu'on peut l'imaginer d'après le caractère de culte de fécondité qu'il revêt. D'après Karageorghis, "ces représentations font toutes allusion à des mythes ou des pratiques rituelles en rapport avec la fertilité et la mort, les deux principes religieux qui ont laissé les plus profondes impressions dans la religion de l'Ancienne Chypre depuis le début de l'Age du Bronze" (67). Les représentations de cérémonies célébrées en l'honneur d'une divinité assise, ne sont pas les seules scènes du culte dépeintes. D'autres genres de représentations deviennent bientôt en faveur ; ces représen tationsmettent en scène des fidèles qui dansent ou apportent des of frandes de fleurs. Elles semblent encore plus sûrement liées au culte d'Aphrodite et apporteraient peut-être la preuve que les premières grandes scènes de culte l'étaient aussi.
(66) Coupe en argent du Metr. Mus. {HCC 4557) de la Collection Cesnola, Gjerstad, Op. Arch. IV, pi. III ; coupe en bronze de Salamine au British Museum, Gjerstad, op. cit., pi. V. (67) Karageorghis, RDAC, 1974, p. 73.
185
CHAPITRE VIII
IV. LES REPRÉSENTATIONS DES SCÈNES DE CULTE EN RAPPORT AVEC LES ADORATRICES DE LA DÉESSE. Le répertoire de l'imagerie change sensiblement au Vllème s. a.C. ; les scènes grandioses mettant en scène la figure humaine ou divine assise sur le trône et recevant directement les offrandes disparaissent, laissant la place à des représentations de femmes en longue robe qui tiennent des fleurs, touchent des arbres de vie, apportent des oiseaux ou dansent. Les figures féminines dessinées sur les vases portent toujours un vêtement riche et, lorsque le dessin est assez précis, orné de bandes peut-être bro dées ; souvent, une longue bande verticale descend sur le devant de la robe. Cet ornement est sans doute un emblème hiératique, définissant la femme comme une prêtresse d'Aphrodite, ou peut-être une de ces cour tisanes sacrées dont nous savons qu'elles demeuraient dans les temples selon un usage oriental (68). A. Figures seules 1 . Figure féminine seule sentant une fleur ou tenant une fleur : Une des plus belles représentations de ce type se trouve sur une cruche de la classe Bichrome IV (CM 1 94 1 /II-25/ 1 ) (69), du Chyp. Arch. I (VIIèmeMpl. 32, a). La figure féminine représentée porte une longue robe ornée en sa partie médiane d'une longue bande verticale hachurée (bande hiératique) ; une frange pend au bas de la robe. Elle a les cheveux relevés en chignon, de longs yeux en amande, une tache rouge sur la joue, des colliers serrés autour du cou. Le costume qu'elle porte paraît être un costume de cérémonie. Remarquons aussi qu'elle semble avoir le visage fardé, ainsi que les prêtresses-déesses de terre cuite. Cette figure est encadrée de deux hautes plantes qui poussent du sol. La plante de droite porte aussi de nombreux boutons de fleurs et se termine par une fleur éclose que la femme tient de sa main gauche pour la rapprocher de son visage et la sentir. Sa main droite n'a pas la forme d'une main, mais celle d'un bouton de fleur de lotus ; sans doute tenait-elle la fleur dans sa main. Peut-être cette représentation figure-t-elle une prêtresse d'Aphrod ite dans le bois sacré du sanctuaire, respirant le parfum des fleurs odo rantes épanouies sur les arbustes. Ces fleurs sont considérées comme des fleurs de lotus. Le lotus donne en effet de grandes fleurs, de 25 cm de diamètre, qui sont parfumées et il a souvent été considéré comme un arbuste sacré.
(68) Hadjioannou,/l/:£7> II, p. 180-183. (69) CM Guide, p. 64, pi. XV, 5 ; CCF vases, VIII. 1, p. 69, texte, p. 29-30.
186
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
Le modèle de la femme à la fleur se tenant à côté d'un arbuste se retrouve souvent dans l'iconographie décorant cette classe de vase : ainsi sur un fragment de cruche, Oxford Ashmolean Museum, 1954.193 (70), une amphore, CM 1 943/ VIII-6/2 (71), une amphore, CM 1963/ X-4/4 (72), sur une cruche de Leningrad, Musée de l'Ermitage (73). Ces représentations sont d'un dessin moins soigné que celle de la cruche. Elles datent toutes du Vlème s. a.C. 2. Figure féminine seule sentant une fleur et portant un oiseau : Une cruche publiée par Ohnefalsch-Richter (74) porte sur la panse du côté opposé à l'anse une belle figure de prêtresses. La cruche est de fabrique Bichrome Red I (IV), soit du Chyp. Arch. I (Vllème s.) et elle a un col en forme de tête féminine à longue tresse, qui rappelle les figurines de terre cuite représentant précisément les prêtresses ou adoratrices de la déesse (75). La figure féminine peinte sur le devant de la cruche a une longue robe à traîne, avec un collier ou un empiècement ouvrage' sur la poitrine et une longue bande verticale ornée de motifs brodés qui paraît très hiératique. Sa longue cheve luretombe dans le dos. Deux arbustes fleuris sortent du sol et s'élèvent jusqu'à la hauteur de son visage. De la main gauche, elle rapproche une fleur de son nez afin de la sentir ; de la main droite, elle tient un oiseau (effacé en partie). Cette figure dont la robe se détache en blanc sur le fond rouge du vase est empreinte de majesté et elle a certainement l'allure d'une grande prêtresse. Elle apporterait un oiseau au sanctuaire en passant dans le bois sacré. Comme nous l'avons vu sur les scènes de culte ornant les vases de céramique ou de métal, un oiseau vivant aux longues pattes a souvent sa place dans le sanctuaire. 3. Figures masculines sentant une fleur ou apportant un oiseau : Parfois des hommes, souvent des guerriers, sont représentés dans la même attitude que les femmes décrites ci-dessus : Ainsi, on voit un homme étrange, nu (?), touchant un arbuste fleuri, sous l'anse d'une cruche (CM 1941/II-25/1) qui porte une belle figure de prêtresse sur la panse (76). Un autre homme, armé cette fois, et suivi d'un chien, avance (70) (71) (72) (73) (74) vases, VI. 9, p. (75) pi. LI, 6. (76)
CCF vases, VIII. 18, p. 96, texte, p. 32. Id., vases, VII. 11, p. 80, texte, p. 31. RDAC 1963, p. 29, pi. V, 1 et 8 ; CCF vases, VIII. 12, p. 81, texte, p. 31. Id., vases, VIII. 3, p. 71, texte, p. 30. Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. XIX, 2, XX ; SCE IV, 2, fig. XLII, n° 4 ; CCF 58, texte, p. 30-31. Par exemple une figurine aux bras levés de Dhali, cf. Ohnefalsch-Richter, KBH, CCF vases, VIII. 1, p. 70, texte, p. 29.
187
CHAPITRE VIII
en respirant une fleur, sur une cruche de Berne (77). Sur une autre cruche, un très bel homme barbu, richement vêtu, saisit une fleur à un motif d'arbre de vie ; de l'autre main, il tient un oiseau attaché à une corde (78). Sur une autre cruche du BM (79), un homme en bonnet pointu tient un sceptre (?) d'une main et de l'autre un petit oiseau ; à ses pieds, il y a un motif de tresse qui semble être un coquillage. Devant lui, se trouve un motif d'arbre (?) stylisé. Sur une autre cruche du Louvre (80), un homme barbu apporte un oiseau à long cou. Ces diverses représentations d'hommes à la fleur ou à l'oiseau n'ont peut-être aucun rapport avec le culte ; mais il se peut aussi qu'elles fassent allusion à la coutume pratiquée par les hommes comme par les femmes d'apporter des offrandes à la déesse ou de venir dans le sanc tuaire. B. Scènes de culte avec des prêtresses, des oiseaux, des arbres de vie, etc. Au Vllème s. a.C. les peintres ont composé des scènes très riches mettant en scène les prêtresses ou adoratrices de la déesse auprès d'arbres de vie, d'oiseaux, etc. ; ces scènes paraissent reproduire avec assez de vérité des pratiques rituelles. 1. Cruche de la collection G.G. Piérides (81) (pi. 30, c). Ainsi, la représentation qui orne ce vase de la classe Bichrome IV (Vllème s.) dépeint sept figures féminines disposées en frise sur l'épaule de la cruche. Les figures féminines sont vêtues d'une longue robe ornée de bandes hori zontales au niveau de la taille et au bas de la jupe ; leur tête est étrangement rendue en silhouette, comme si elle portait une cagoule. Elles tiennent chacune, sauf la dernière, une grosse fleur à longue tige, que la suivante touche de la main. Elles marchent, une main en l'air tenant la fleur, l'autre abaissée, tenant un oiseau par le cou ; l'oiseau a un long cou, de longues pattes et les ailes grandes ouvertes. La dernière à gauche tient aussi une chèvre par les cornes et la dernière à droite porte deux oiseaux. On ne distingue pas très bien si tous les oiseaux sont tenus ou si certains se promènent librement ; ils ont tous des attitudes différentes.
1-17,25.
188
(77) Id., vases, VII. 6, p. 67, texte, p. 28. (78) Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. XIX, 4 ; CCF, vases, VI. 10, p. 59-60, texte, p. 26. (79) Perrot-Chipiez III, p. 708, fig. 520 ; CCF vases, VI. 5, p. 53, texte, p. 25. BM 1928, (80) CVA France, pi. 337, 4, 6 ; CCF vases, VI. 4 p. 52, texte, p. 25. (81) BCH 89 (1965), p. 263, fig. 50 ; CCF, vases VI. 7 p. 56-57, texte, p. 30.
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
Cette scène est pleine, semble-t-il, de détails vrais et elle montre sans doute une procession d'adoratrices apportant des offrandes au sanc tuaire, les offrandes consistant en fleurs, oiseaux et animaux vivants. Peut-être accomplissent-elles une danse sacrée, car elles s'opposent deux à deux. La représentation qui se distingue parmi les scènes habituelles par son originalité reproduit peut-être une véritable scène de culte. La divinité aimait sans doute s'entourer d'animaux ; il n'est pas sûr que ces oiseaux soient menés au sacrifice, puisqu'on les voit vivants dans le sanc tuaire sur d'autres représentations. Selon les textes, aucun sacrifice san glant n'était jamais offert à Aphrodite. rituelle.
Une autre scène paraît assez réelle pour représenter une procession
2. Cruche du Louvre AM 1142(82). Cette cruche de la classe Bichrome IV (Vllème s. a.C.) porte sur le devant deux figures féminines au costume très étudié qui respirent des fleurs et paraissent marcher à côté d'arbustes stylisés. Ces deux femmes dont l'une a les seins bien indiqués ont des robes ajourées sur le devant ou ornées de différents motifs géométriques, triangles, rectangles brodés ; la robe de la première se termine par une frange. L'une paraît avoir des bracelets à un bras ; les deux ont des colliers autour du cou. Leur chevelure épaisse tombe droit dans le cou. Elles tiennent de la main droite une fleur qu'elles portent à leur nez. Entre les deux femmes, on voit une cruche qui évoque des libations. La scène se passerait dans le sanctuaire. Les deux femmes se trouvent entre deux gros motifs floraux, faite d'une énorme fleur de lotus stylisée posée sur une roue. On peut se demander si ce motif ne représente pas un objet de culte qui aurait la forme d'une stèle fleurie, ainsi qu'on le verra sur d'autres vases. Les oiseaux sont aussi présents ; ils sont énormes, ils volent sous l'anse et l'un enfonce son bec dans le motif floral. Cette représentation est un peu hétéroclite, mais elle doit faire allusion à une scène de culte, car il en existe une autre plus explicite. 3. Cruche publiée par Ohnefalsch-Richter (83). Cette cruche de la classe Bichrome IV (Vllème s.) porte une représentation très complète. Deux prêtresses en longue robe à empiècement et bande verticale se tien nent de part et d'autre d'un motif végétal composite qui est peut-être un objet de culte ; ce motif ressemble en effet à un ornement architectural, chapiteau (82) CVA France, pi. 336, 5-7 ; CCF vases, VIII. 5, p. 73-74, texte, p. 30. (83) Ohnefalsch-Richter, KBH, p. 353, pi. XIX et XXI ; CCF, vases VIII. 9, p. 77, texte, p. 30-31.
189
CHAPITRE VIII
ou stèle à volutes, symbole de l'arbre de vie, comme il en a été trouvé de véri tables sur différents lieux de culte (84). Une des pratiques du culte serait de toucher cet objet. Les deux prêtresses tiennent aussi une cruche de leur main. Il semble donc bien qu'elles soient là pour remplir une fonction sacrée. Il y a des oiseaux qui grimpent ou picorent sur l'arbre de vie, ainsi qu'un autre grand oiseau à superbe queue, perché sur un autre motif floral. Il existe d'autres représentations de scènes semblables, ainsi : a) sur une amphore en Bichrome IV (CM Β 2020), où l'on voit deux femmes assez grossièrement dessinées de part et d'autre d'un motif floral, qui est une véri table colonne à volutes construite, et de laquelle sortent de vraies fleurs au bout d'une longue tige (85) ; b) sur une autre amphore en Bichrome IV (CM 1963/X-4/4), où l'on voit une procession de femmes en robes décorées des mêmes motifs, qui portent des cruches et tiennent de petites fleurs au milieu de grands arbustes fleuris (86). L'association des prêtresses avec l'arbre de vie et les oiseaux est sans doute le sujet le plus en faveur au VlIIème s. 4. Cruche duMetr. Mus. 74.51.509 (87) (pi. 32, b). Cette cruche de la classe Bichrome IV est un véritable chefd'œuvre de composition. Deux figures féminines se tiennent de part et d'autre d'un motif végétal composite, qui ressemble comme les précédents à un véritable chapiteau d'où jailliraient des fleurs. Les deux femmes le touchent de leur main gauche. Mais elles tournent la tête de l'autre côté, car deux grands oiseaux au superbe plumage les taquinent de leur bec. Elles sont vêtues d'une magnifique robe très ornée, bordée au bas d'une bande brodée. Les emmanchures et l'encolure de la robe sont dessinées. Sur la poitrine, on distingue un gros ornement ovale, brodé peutêtre, si ce n'est un pendentif. La longue bande verticale habituelle tombe de la ceinture ; elle est rayée par intervalles et se termine par une frange. Ces femmes portent peut-être des bracelets et au cou, de riches colliers. Elles ont un visage dessiné avec netteté, de grands yeux en amande qui se prolongent par un trait jusqu'à l'oreille , ainsi que de très longs sourcils ; on pense ici à des yeux maquill és. La chevelure tombe dans le dos. (84) Ce genre de monument est typiquement chypriote ; il se présente sous la forme d'une petite stèle de 60 cm de hauteur environ ; la partie supérieure s'amincit vers le haut et s'épanouit en un large chapiteau fleuri à volutes ; la forme du chapiteau semble inspirée par la fleur de lotus. A l'intérieur des volutes pousse un arbre sacré parfois flanqué de sphinx ; ou encore le chapiteau prend la forme d'une tête hathorique, surmontée d'un sanctuaire miniature ; les exemp lescités sont de date plus récente, mais il est à peu près certain que l'objet représenté sur les vases du Vllème s. a.C. correspond à une stèle de ce genre ; cf. Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. XXVI (stèles d'Athiénou), pi. CC (stèles de Kition) ; Myres, HCC, 1414-1420. (85) CCF vases, VIII. 10, p. 78-79, texte, p. 31. (86) RDAC 1963, pi. V, 4, 5, 7 ;BCH 88 (1964), p. 297 ; CCF vases, VIII. 13, p. 82-83, texte, p. 31. (87) Myres, HCC, 751, p. 93 sqq. ; CCF vases, VIII. 8, p. 75-76, texte, p. 30.
190
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
C'est là une des plus belles représentations de prêtresses qui nous soient parvenues. La précision des détails, l'harmonie des lignes et des volumes, la richesse de l'ensemble sont d'un grand artiste. De plus, nous avons là l'image exacte d'une prêtresse dans son domaine auprès de l'arbre de vie, au milieu des oiseaux du sanctuaire. Ces belles représentations du Vllème s. a.C. se continuent au Vlème s. mais elles deviennent plus décoratives et moins spontanées. Cependant, certaines sont encore très belles et très intéressantes. C. Scènes de culte décoratives du Vlème s. a.C. L'élément floral gagne de plus en plus dans le champ de déco ration, si bien que les figures humaines et les plantes finissent par se confondre dans un ensemble feuillu agréable à regarder. On peut se demander cependant si les représentations gardent à ce stade-là leur même degré d'expressivité et de réalisme ou si elles sont devenues pu rement décoratives. On retrouve d'une part le thème des prêtresses face à face de chaque côté de l'arbre de vie et d'autre part le thème des pro cessions d'adoratrices à la fleur. 1. Amphore du CM 1951/XI-27/1 (88) (pi. 32, c, 33, a). Cette amphore est de fabrique Bichrome IV-V, et donc plus récente (Vlème s. a.C). Elle se caractérise par un emploi luxuriant des éléments décoratifs floraux autour du thème des prêtresses devant l'arbre de vie. L'aspect général du vase est très décoratif. Sur la zone du col, on voit plusieurs groupes de prêtresses di sposées deux par deux devant un arbre de vie très élaboré, qui ressemble à un cha piteau à volutes, duquel jaillissent comme toujours de vraies tiges portant des fleurs (pi. 33, a). Les prêtresses sont vêtues du costume habituel avec la bande ou ceinture qui pend verticalement sur la robe et se termine par une frange. Elles touchent, cueillent ou sentent des fleurs qui poussent sur l'arbre de vie et sont séparées du groupe suivant par un arbuste à fleurs très décoratif. Sur la zone d'é paule, les prêtresses sont devant le même arbre de vie, mais chacune se trouve dos à dos avec celle du groupe suivant ; ces deux figures dos à dos se tiennent par la main assez gracieusement. Une fleur pousse entre elles sur une tige très mince. La symétrie est parfaite et l'ensemble est agréable à l'œil quoi qu'un peu monotone. On se demande si la représentation avait encore un sens aux yeux du public.
(88) CCF vases, VIII. 14, p. 84-88, texte, p. 31.
191
CHAPITRE VIII
2. Grand bol au CM B 1407 (89) . On abandonne peu à peu les cruches pour orner de préférence des plats en forme de corbeille dont la surface intérieure se prête à une déco ration en frise continue. Un grand bol en fabrique Bichrome V (Vlème s. a.C.) présente à l'intérieur une procession de douze femmes portant de leur bras gauche abaissé une fleur et touchant de leur main droite un grand arbuste fleuri. L'oiseau aux grandes ailes est toujours présent. A l'extérieur, dont il ne subsiste que peu de figures, réapparaît le personnage de la prêtresse à l'oiseau. La prêtresse est sur cette coupe associée aussi au sphinx : cet animal fabuleux apparaît sur la frise à l'extérieur de ce bol. On ne peut dire si l'association de la prêtresse et du sphinx est toujours aussi vérit ablement sentie qu'au VHIème s. ou si la figure du sphinx est simplement décorative. L'image de la prêtresse s'est donc perpétuée depuis le VHIème s. sous la même forme : une figure féminine à la longue robe ornée d'un insigne hiératique, associée à la fleur, à l'oiseau et au sphinx. 3. Amphore aux sphinx (British Museum C 840) (90). Une grande amphore de la classe Bichrome V (Vlème s. a.C.) associe également les prêtresses à des sphinx qui ont envahi presque tout l'espace à décorer. Le groupe des prêtresses face à face devant un arbre de vie est relégué sur un côté, tandis que les sphinx affrontés remp lissent le reste du champ de décoration sur une face et la totalité de de la surface sur l'autre. L'une des prêtresses a la fleur de lotus à la main et l'autre, une branche ; un oiseau hâtivement dessiné est à leur droite. Derrière les sphinx, sur la face A, il y a une chèvre et, sous les pattes d'un sphinx, sur la face B, un poisson. Tous les éléments de la scène de culte, excepté la déesse-prêtresse au trône, se retrouvent ici, la fleur, la plante, l'oiseau, la chèvre, le poisson, qui étaient peut-être autrefois des offrandes apportées à la divinité. Le dessin est à présent hâtif et négligé. On ne sait si le peintre croyait encore à ce qu'il représentait.
(89) CCF vases, VIII. 17, p. 93-95, texte, p. 32. (90) CVA Gr. Brit., pi. 51, 2 a-2 b ; CCF vases, VIII. 15, p. 89-90, texte, p. 31.
192
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (Xl-VIème)
4. Grand plat aux scènes erotiques (British Museum C 838) (91) (pi. 31, a). Un grand plat de la classe Bichrome V (Vlème s.) réunit divers éléments habituels sur ce genre de vase. A l'intérieur, on voit quatre groupes de prêtresses en robe de cérémonie : les prêtresses se font face de part et d'autre d'arbustes fleuris et elles respirent le parfum des fleurs qu'elles tiennent à la main. Mais la frise intérieure s'interrompt tout à coup pour présenter six figures erotiques au milieu des arbustes habituels. Sur l'extérieur du vase, il y a quatre groupes de sphinx affrontés de part et d'autre d'arbustes. Les prêtresses adoratrices de la déesse sont dessinées d'une ligne sûre et rapide qui révèle tous les détails du costume et une certaine importance est donnée à leur anatomie, car elles ont des seins volumineux soutenus par une cein ture haute de laquelle pend la bande hiératique ou le bout de la ceinture. La scène est empreinte d'un certain humour. Le peintre a-t-il voulu représenter ici les fêtes d'Aphrodite dont faisait partie la prosti tution sacrée (92) ? En tout cas, la représentation, bien que très déco rative en général, est très vivante et elle correspondrait encore à une réalité. 5. Cruche à la prêtresse aux oiseaux, CM 1939/1-18/1 (93) (pi. 31, b). Cette cruche de la classe Bichrome V, et donc du Vlème s. a.C. porte sur la panse une figure de prêtresse aux oiseaux, reprenant une image vieille d'un siècle au moins. La prêtresse est ici court vêtue, mais porte néanmoins la robe à bande ver ticale, insigne de ses fonctions. Elle marche à grands pas et elle tient à bout de bras deux oiseaux à longues pattes. Elle a un beau visage, l'œil vif et elle hume en passant une fleur qui a juste poussé à sa hauteur dans le décor fleuri du vase. Bien que postérieure à la belle époque des représentations de prêtresses, cette figure est pleine de vie et de réalisme ; on a pensé à l'interpréter comme une potnia therôn, mais il est plus probable que nous avons là une prêtresse dans la lignée des prêtresses du VlIIème s. Les peintres ont certes transformé les scènes de culte des pre mières représentations en les rendant plus décoratives, mais ils tiennent, semble-t-il, toujours à donner un sens à leurs compositions. Ils ont ajouté une teinte d'humour à leurs scènes de culte, mais ils y croyaient sans doute encore. Au Vlème s. le culte est toujours vivant. (91) CVA Gr. Brit., pi. 52, 3 a-3 b ; Bossert, Altsyrien, 263-264 ; CCF vases, VIII. 16, p. 91-92, texte, p. 31. (92) Voir note 68, p. 186. (93) RDAC 1937-39, p. 136 sqq., fig. 34, pi. XXXIX, 7-8 ; CCF vases, VI-6,p. 54-55, texte, p. 30.
193
CHAPITRE VIII
D. Le culte à Amathonte Certains vases du Vlème s. a. C. portent des représentations d'un style différent de celui des représentations habituelles sur les vases chypriotes ; comme certains de ces vases ont été trouvés à Amathonte, on a appelé ce style le style d'Amathonte, d'autant plus qu'il correspond à un certain climat religieux différent de celui qui devait dominer ailleurs à Chypre. On sait qu'Amathonte était la ville la plus exposée aux i nfluences orientales et égyptiennes en particulier. Or il existe toute une série d'amphores de la classe Bichrome V (Vlème s. a.C.) qui sont ornées de têtes hathoriques ; elle témoigneraient d'un culte d'une Grande Déesse qui aurait pris l'aspect de la déesse égyptienne, tout en gardant certains traits chypriotes. Une amphore de la collection Piérides est décorée d'une tête hathorique sur chaque face (94) (pi. 31, c). La tête se caractérise par un visage triangulaire et une lourde chevelure dont les extrémités se recourbent ; elle repose sur une sorte de triangle qui peut représenter le buste . On remarque des points sur les deux joues et le menton, qui rappellent le visage fardé de certaines figurines de prêtressesdéesses de terre cuite que nous avons vues. Sur l'autre face, la tête hathorique est placée entre deux rameaux. Il existe un certain nombre d'amphores ornées de têtes hathoriques : une amphore à Nicosie, CM Β 388 (95) ; trois amphores au British Museum, C 852, C 853, C 854 (96) ; deux fragments au Louvre, AM 393 A et AM 393 Β (97) ; une amphore à Copenhague, Musée National n° 1059 (98). Sur la plupart de ces vases, la tête hathorique est encadrée de deux rameaux verticaux ou même de petits arbres, qui font allusion à son carac tère de déesse de la fécondité. Un fragment du Louvre vient éclairer le sens de cette représentation. En fait, ce ne serait pas la tête de la déesse qui serait représentée, mais une stèle ayant les traits de la déesse Hathor. En effet, sur le fragment AM 393 D du Louvre (99), une belle tête hatho rique surmonte un élément architectural en forme d'ombelle de papyrus. Des personnages se tiennent debout de chaque côté de cet objet qui doit être un cha piteau hathorique et qui est beaucoup plus haut qu'eux. Ainsi la scène doit repré senter des fidèles se recueillant devant le monument ; l'un d'eux amène un petit animal. (94) Karageorghis, Collection Pierides, 67 ; CCF vases, style d'Amathonte 1, p. 504, texte, p. 91. (95) CCF vases, style d'Amathonte 5, p. 508, texte, p. 92. (96) CCF vases, style d'Amathonte 2 (BM C852), 3 (BM C854), 4 (BM C853), p. 505507, texte, p. 91-92. (97) CVA France, pi. 349, 6-7 ; CCF vases, style d'Amathonte 7 et 8, p. 510-511, texte, p. 92. (98) CVA Danemark, pi, 26, 11 ; CCF vases, style d'Amathonte 6, p. 509, texte, p. 92. (99) A. Caubet, "Herakles et Hathor", La Revue du Louvre (1973), p. 1-6, n. 1.
194
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
On a retrouvé un chapiteau véritable de cette forme sur l'Acropole d'Amathonte (100), ce qui confirme l'interprétation proposée. Le chapi teau hathorique d'Amathonte remplace en quelque sorte le chapiteau à volutes des scènes de culte chypriotes représentées sur les vases de style figuré. L'Hathor d'Amathonte est moins orientale que son homonyme égyptien, elle garde de la tête de la déesse-prêtresse chypriote le visage fardé ; elle est inséparable du culte de la fertilité. Il semblerait que l'Hathor d'Amathonte soit en réalité la même Grande Déesse que la Grande Déesse chypriote, qui aurait seulement pris quelques traits à la déesse égyptienne. Ces diverses représentations, tant sur les coupes de métal que sur les vases en céramique de style figuré, paraissent assez authentiques pour nous renseigner sur les véritables aspects du culte de la divinité. Il doit s'agir du culte de la Grande Déesse car il met en scène des fem mes, prêtresses ou adoratrices, dans un univers d'arbres et de fleurs, peuplé d'oiseaux et de chevreaux, qui convient à une divinité de la fécon ditéprotectrice de la vie. La Grande Déesse était sans doute restée jusqu'à l'époque classique la wa-na-ssa, la divinité féminine unique, et c'est certa inement à elle que s'adressaient les pratiques du culte dont nous avons des représentations sur les vases. Un dieu mâle, dieu de la fécondité, appelé Apollon dans les inscriptions d'époque classique, était aussi adoré à Chypre à l'Age du Fer, mais il a laissé une iconographie différente repré sentée par des cavaliers, des guerriers au bouclier, des guerriers en char, des hommes au taureau, des adorateurs en petites figurines de terre cuite (101). L'iconographie peinte sur vases ou gravée sur les coupes de métal semble principalement centrée sur la Grande Déesse et son culte. Comment imaginer le culte de la Grande Déesse d'après les docu ments que nous possédons ? Il faut sans doute penser qu'elle est repré sentée par sa grande prêtresse dans la plupart des pratiques rituelles. C'est pourquoi on voit une prêtresse assise sur le trône dans les scènes de culte. Les figurines de terre cuite portant polos sont sans doute aussi des images de prêtresses. Seules les représentations de figures nues aux bras levés ou aux mains sur les seins sur les objets d'or et de bronze de la période Chyp. Géom. et Chyp. Arch, figureraient la déesse, sous l'influence de l'iconographie orientale. Les auteurs anciens rapportent qu'il n'y avait pas à proprement parler de statue de la déesse dans le sanctuaire d'Aphrod ite à Paphos, mais un simple objet en forme de cône et de couleur blanche (102). (100) Ohnefalsch-Richter, KBH, p. 474-478, pi. CC, CXX, fig. 12 (101) Voir les figurines de Ayia Irini, SCE II, p. 671 sqq. ; SCE IV 2, p. 1 sqq. (102) Had}ioaanovL,AKEPll,v. 192, 55.1, et 55.2.
195-
CHAPITRE VIII
Nous pouvons nous imaginer les prêtresses d'après les nombreuses représentations que nous avons en terre cuite et sur les vases. La prêtresse porte une robe longue jusqu'aux pieds ou, d'après les vases, jusqu'à la cheville, laissant voir les pieds. La robe est parfois serrée sous les seins ; parfois aussi, elle est ouverte sur le devant de la jupe. Sur les plus an ciennes représentations, la robe laisse les seins découverts ; ainsi, les figu rines de terre cuite, si vêtues qu'elles soient, ont toujours les seins ap parents. Ces dernières portent une bande en V peinte sur la poitrine ; les figures sur les vases ont par-dessus la robe une longue bande ornée ; l'une et l'autre semblent caractéristiques de leur fonction de prêtresse. On pense à l'ornement d'Aphrodite, kestos himas (103), bande brodée qui avait des vertus magiques. Le culte rendu à la déesse paraît très "humain" : elle reçoit, sans doute par l'intermédiaire de sa grande prêtresse, les offrandes de ses fidèles, qui sont principalement des fruits, des fleurs, des oiseaux, des chèvres et des poissons. L'offrande de la fleur semble avoir eu une importance toute particulière. Selon les textes anciens, il y avait des plantes et des fleurs consacrées à Aphrodite, dont le myrte à cause de son parfum (104). Hésychius rapporte le nom d'arbres que l'on coupe et que l'on consacre à Aphrodite à l'entrée des habitations ou des sanctuaires (105). Toujours, selon Hésychius, le nom d'un des sacrifices à Aphrodite était la Karposis (106), sacrifice sans doute en rapport avec la récolte ou la fécondité. Sans doute faut-il imaginer la célébration du culte d'Aphrod ite comme une grande fête des fleurs et des fruits, évoquant les vertus fécondantes de la divinité. D'après les représentations connues, il semble qu'il y ait eu des oiseaux vivants dans le sanctuaire, car des volatiles au long cou et aux grandes pattes réapparaissent constamment dans l'iconographie. Les textes anciens citent toujours la colombe comme l'oiseau préféré d'Aphrod ite (107), mais l'oiseau à long cou qui est généralement représenté tien drait plutôt du cygne ou du flamant. Parfois, des chèvres sont aussi présen tes dans les scènes de culte. Peut-être étaient-elles amenées pour le sacrifice. Cependant, certains textes précisent que "l'autel d'Aphrodite n'était jamais mouillé de sang" (108). Le poisson apparaît aussi quelquefois parmi les offrandes. On sait que la déesse orientale de la fécondité était
(103) (104) (105) (106) (107) (108)
196
Id., Id., Id., Id., Id., Id.,
p. 50. 9. p. 192. 53. p. 190.50. p. 184.48. 1. p. 188.49. 14. pp. 182-184,48.
LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE (XI-VIème)
la Grande Dame de la Mer ; Aphrodite de Chypre avait aussi des rapports avec la mer ; elle protégeait les marins ; un rite voulait qu'on distribue du sel aux mystes (109). Aphrodite en tant que Grande Déesse régnait sur le monde animal et végétal. Elle devait être la Déesse du Ciel, symbolisée par l'oiseau, et la Grande Dame de la Mer. On sait qu'il y avait parfois dans les sanctuaires des déesses orientales de la fécondité des oiseaux et des poissons (110). A Kition, on pense qu'il y avait eu en effet des bassins dans la cour du temple (111). Ainsi peut-on imaginer le bois sacré d'Aphrodite plein d'arbustes odorants parmi lesquels évoluaient les adoratrices. Des oiseaux y auraient vécu en liberté, ainsi que d'autres animaux. C'est peut-être pourquoi les oiseaux souvent associés à l'arbre de vie ou au triangle sacré ont connu une telle vogue dans la peinture sur vases. Oiseau protégé de la Grande Déesse, il fournissait un motif de choix au peintre. Le sanctuaire luimême était sans doute orné de symboles sacrés, demi-lunes et protomes de taureaux, ainsi que d'arbres de vie naturels ou de stèles à chapiteau fleuri. Le culte rendu à la déesse s'accompagnait sûrement de danses sacrées et de musique. Dans les scènes de culte du VlIIème s. a.C. les musiciennes, ou le musicien, sont toujours présents, et les danseuses avan cent en se tenant par la main. Les musiciennes, ou musiciens parfois, jouaient de la flûte, du tambourin et de la cithare. Une inscription du temple d'Astarté à Kition les nomme parmi les officiants permanents du sanctuaire. Les textes rapportent certaines des coutumes en usage à Chypre, dont celle d'aller chaque année célébrer Aphrodite à Palaepaphos : chaque année, dit Strabon (112), les hommes et les femmes de Chypre tout entière venaient à Paphos. Ils faisaient la route de Paphos à Palaepaphos jusqu'au sanctuaire. L'autre coutume célèbre concernant la prostitution sacrée en usage à Chypre était déjà connue d'Hérodote (113), qui dit que la prostitution sacrée qui se pratiquait chez les Babyloniens se faisait
(109) Id., p. 180.47.2. (110) Ainsi Anat dans le panthéon d'Ougarit était "La dame des cieux élevés", mais aussi "La dame des réceptacles d'eaux". La déesse syrienne Atargatis avait dans ses sanctuaires des colombes et des poissons, cf. Labat, Religions du proche-orient, p. 372. (111) Karageorghis, Kition, p. 67 et pi. 44 ; le bassin de la cour du temple de Kition mesurait 4,60 m sur 1,80 m sur 90 cm de profondeur. (112) Hadjioannou,/4tf£7>H,p.68. 12.8. (113) Id., p. 180.47.
197
CHAPITRE VIII
aussi en divers endroits de Chypre. Il fallait, chez ces peuples, que toutes les femmes du pays allassent une fois dans leur vie au sanctuaire de la déesse. Là, assises dans le sanctuaire, portant une couronne de corde sur la tête, elles attendaient qu'un inconnu vînt les choisir. Pour les choisir, il jetait une pièce de monnaie sur leurs genoux. Les femmes ne pouvaient refuser quiconque les choisissait et l'argent qu'il donnait était sacré. Alors l'étranger emmenait sa compagne à l'extérieur du sanc tuaire pour s'unir avec elle. Les femmes ne rentraient pas chez elles avant de s'être acquittées de leur redevance sacrée. "Les filles qui étaient jolies, dit Hérodote, en finissaient vite, mais celles qui étaient laides restaient là longtemps, parfois deux à trois ans . . ." C'est peut-être cette coutume qui est représentée sur la coupe du British Museum dont nous avons parlé (114) ; un autre vase nous montre aussi des têtes de femmes qui seraient celles des prostituées sacrées à la fenêtre (115). Il est évident que le culte d'Aphrodite à Chypre était extrêmement important et il n'est nullement étonnant qu'il ait inspiré de si nombreuses représentations. L'iconographie chypriote pourrait paraître profane, mais en fait elle est liée au climat religieux qui régnait dans l'île et elle nous en apporte des témoignages.
(114) Voir ci-dessus p. 193. (115) Bossert, Altsyrien, 269, CCF, vases X. 1 p. 116 et texte, p. 37 (amphoriskos de Stockholm, Medelhavsmuseet, n° 692).
198
NEUVIÈME CHAPITRE
La Grande Déesse et ses Fidèles à la veille des temps classiques.
que le de archaïque. d'offrandes autant L'étude culte conviction, Ses etdede sanctuaires de la danses Grande l'iconographie mais sacrées. avec Déesse devaient un Les certain sur était encore Chypriotes lestoujours humour, vases êtredecroyaient en leàstyle leur lieu honneur wa-na-ssa. figuré detoujours cérémonies, à a l'époque montré avec
Au Vlème s. a.C. Chypre se trouve en possession d'une riche culture héritée d'un long passé qu'elle a réussi à conserver. Cette culture survit en dépit des influences diverses qui s'exercent sur l'île. Au Vllème s., c'est la présence assyrienne qui pesait sur Chypre. Au Vlème s. c'est la domination égyptienne qui se fait sentir. Au milieu du Vlème s. Chypre passe sous le joug perse. Qu'advenait-il de cette civilisation qui avait résisté durant tant de siècles, par une fidélité profonde à la culture héritée de l'Age du Bronze ? Et en particulier, sous quelle forme se présentaient les idées religieuses chypriotes à la veille de la grande conversion à l'he llénisme de la koinè ? Il existe un abondant matériel archéologique en rapport avec l'iconographie religieuse (1) : nombreuses figurines de terre cuite, sta tuettes de terre cuite et de pierre et même véritables statues. L'imagerie populaire reste profondément chypriote, mais une forte influence orien talesuscite une floraison de figurines nues, tandis que la sculpture crée un art religieux majestueux et empreint de dignité. (1) Ce chapitre ne donnera qu'une vue générale de l'iconographie religieuse chypriote au Vlème s. a.C, sans vouloir rien apporter de nouveau. Seule, une classification des différents types de figurines et statuettes de terre cuite et de calcaire sera présentée, qui n'a pas l'ambition d'être complète.
199
CHAPITRE IX
I.· L'IMAGERIE POPULAIRE AU Vlème s. a.C : FIGURINES DE TERRE CUITE Aux vieilles traditions de la coroplastique se mêlent de nouvelles images. Les figurines aux bras levés se retrouvent au Vlème s., descen dantes des vieilles idoles du Chyp. Géom. Elles en ont conservé toutes les caractéristiques, les seins en relief, les bras levés et le polos, telles les figurines de Dhali (CM 1944/XII-9/3) (pi. 29, b), mais elles manquent de fraîcheur et d'originalité. Elles ont été trouvées en grand nombre dans plusieurs sanctuaires, ainsi à Yeroskipou, Palaepaphos, Kourion (2). Au Vlème s. on rencontre une quantité de figurines naïves qui expriment avec beaucoup de vigueur les croyances des Chypriotes. Ce sont pour la plupart des personnages musiciens, porteurs d'offrandes ou simples adorateurs. Les fidèles voulant laisser au sanctuaire un gage de leur dévotion consacraient à la divinité de petites figurines de terre cuite. Parmi ces figurines, certaines représentent des hommes barbus à bonnet pointu ou en turban, qui tiennent un bouclier ou apportent un animal en offrande ; d'autres sont des cavaliers montés sur leur cheval, d'autres encore conduisent des chars. Ces figurines d'hommes étaient manifestement consacrées à un dieu mâle, sans doute l'Apollon chy priote aux nombreuses épithètes, dieu de la fécondité et de la guerre. Mais parmi le matériel de consécration, nombreuses sont les figurines de personnages musiciens ou porteurs d'offrandes qui sont vêtus d'une longue robe, d'un turban fleuri, de colliers et de bijoux et qui, pour la plupart, paraissent être des femmes. Ces figurines-là étaient sans doute consacrées à une déesse, à la Grande Déesse. Du reste, on a retrouvé dans le temple d'Astarté à Kition (le troisième temple phénicien du VI-Vème s.) des figurines de ce type qui témoignent clairement de leur fonction (3). Jusqu'au Vème s. les inscriptions ne mentionnent que le nom de la Grande Déesse ou du Grand Dieu (4) et il est probable que c'est dans les sanctuaires de la "Paphienne", de la "Golgienne", de la wa-na-ssa ou du "dieu" (theos) que l'on dédiait ces figurines. (2) V. Karageorghis, Kypros, p. 160, fig. 80, et dans les mélanges Gjerstad à paraître. Les figurines qui proviennent des sites Monagri et Mandria de la région de Yeroskipou se trouvent au Musée régional de Paphos, par ex. 889/1, 5 ; voir aussi CM 1948/IX-10/5. Pour Kourion, voir J.H. et S. H. Young, Terracottas figurines from Kourion in Cyprus (Philadelphie 1955), p. 31, 219220, pi. 3,8. (3) Karageorghis, Kition, p. 107, sq. (4) Masson, ICS, p. 4041, écarte la plupart des documents inscrits antérieurs au Vème s. a.C. Les inscriptions sur vases archaïques (V. et J. Karageorghis, "Some Inscribed Iron-Age Vases from Cyprus", AJA 60 (1956), p. 352-358) ne mentionnent aucun dieu. Les inscriptions a rchaïques de Kourion (T.B. Mitford, The Inscriptions from Kourion (Philadelphie 1971) contien nent te-o" des ainsinoms qu'une propres autreet sur uneune dédicace situle intéressante du VHème-VIème sur un s.vase consacrée corinthien, "au n°dieu" 14, p. qui38-40, n'est pas "to encore nommé Apollon, comme le fait justement remarquer T.B. Mitford. Dans Masson, ICS, on peut trouver, comme document antérieur au Vème s., la cuiller à libation de Dhali (BM 72. 8-16.99) datée du Chyp. Arch. II qui porte une dédicace à la déesse golgienne (ICS 219).
200
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
II y a parmi ces terres cuites des spécimens faits à la main selon une technique naïve que l'on appelle technique "snowman", d'autres sont faits au tour, d'autres ont une tête moulée sur un corps fait au tour. A. Figurines et scènes modelées à la main (5) 1. Les musiciennes : elles jouent de la lyre ou du tambourin tout comme les musiciennes représentées sur les vases du Vllème s. - La joueuse de lyre (pi. 30, a) : Le corps est cylindrique, évasé à la base. Les bras, le visage, la lyre et les colliers sont modelés en relief. La figurine tient de la main gauche une lyre dont elle joue de la main droite. Elle porte un turban, des cache-oreilles, un collier avec pen dentif autour du cou, et un autre collier plus long tombant sur la poitrine. Elle a un nez proéminent et une large bouche fendue. Ce genre de figurine est en général peint en noir, rouge et jaune. Le turban est orné de traits noirs, de même que la robe. Les yeux sont dessinés en noir et les lèvres en rouge. Les doigts sont peints en rouge, et il y a aussi des traces rouges sur la lyre. Les bijoux, cache-oreilles, chaînes, colliers, sont en général peints en jaune, sans doute pour indiquer la couleur du métal (de l'or ?). Ex.BMCat. A 141, A 142, A 143 (Lapithos). CM Cat. 5710-5715. - La joueuse de tambourin (pi. 29, c) : Elle est rendue de même façon que l'autre musicienne ; mais elle peut avoir sur la tête au lieu du turban un coiffure plus plate ornée de rosettes sur le pourtour. Les lèvres, les doigts, les rosettes de la coiffure et le tambourin sont peints en rouge. Elle tient le tambourin de sa main gauche et le tapote de sa main droite. Ex. BM Cat. A 144, A 145 (Lapithos), SCE II pi. XVII (Amathonte, tombe 11/69) ; CM Cat. 5707-5709 ; Karageorghis, Kypros, p. 162, fig. 80. 2. Les porteuses d'offrandes : Elles sont plus richement vêtues que les musiciennes, habillées souvent d'un vêtement par dessus la robe, drapé sur une épaule. Elles portent un lourd turban, des cache-oreilles, de gros colliers, dont l'un autour du cou avec un gros pendentif, et l'autre qui tombe sur la poitrine sous forme d'un gros cordon. Elles sont peintes en rouge et en noir. Souvent, elles ont la tête levée en l'air ; en général elles tiennent l'offrande d'une main et élèvent l'autre bras vers le ciel. Comme offrande, elles apportent soit un plat de gâteaux, soit un oiseau, soit un animal. - La femme apportant un plat de gâteaux : (pi. 30, b). BM. Cat. A 140 (Lapithos). Karageorghis, Kypros, p. 162, fig. 80. (5) Des figurines de cette classe dite en technique "snowman" sont publiées dans Myres, HCC, p. 338 sqq., CM Cat., p. 107-109, 149, 158 etc., BM Cat. of terracottas, A136-145, SCE IV 2, p. 125 sqq. Dans cette série, les femmes portent une sorte de polos, les hommes un bonnet pointu. Sur la base de cette distinction, les figurines citées seraient féminines.
201
CHAPITRE IX
Ex. BM Ex. BM
La femme portant un oiseau : Cat. A 136 (Lapithos). La femme portant un animal (petit bélier ou agneau) : Cat. A 139 (Lapithos).
Ces figurines sont très expressives, riches en détail. 3. Les adoratrices : Certaines petites figurines sont de simples orantes qui lèvent les deux bras en signe d'invocation ou de prière, qui gardent les deux bras le long du corps ou qui portent une main à leur visage. Ces figurines sont assez simples ; elles ont les seins en relief, une sorte de turban sur la tête et deux mèches de cheveux tom bant le long du cou. Ces femmes doivent exécuter des gestes rituels. Ex. SCE III, pi. CCII, 1-2 (Arsos) (une main sur le turban) ; Young, Kourion, 729, pi. 8 (les mains levées). Toutes ces figurines modelées à la main sont très expressives, riches en détail, et empreintes de naïveté et d'humour. Elles paraissent être des images authentiques de fidèles de la déesse et elles témoignent de la persistance des pratiques rituelles : musique sacrée, offrande de nourriture, d'oiseaux ou d'animaux, gestes d'adoration. 4. La prêtresse (ou déesse) au trône : Elle rappelle la prêtresse des vases peints, assise sur un trône au milieu de ses fidèles. Quelques exemplaires nous sont parvenus, comme, par exemple, une assez grande figurine de 17,5 cm du Musée de la Fon dation Piérides (6) : La figure est assise sur un trône, elle tient une coupe de la main gauche. Sur la tête elle porte un haut polos décoré de trois rangées de pastilles rouges. Elle a le visage peint en blanc avec des yeux et des sourcils noirs, des lèvres et des oreilles rouges. La robe est jaune avec deux bandes diagonales pourpre sur la poi trine ; les pieds sont peints en rouge. Le trône rendu en blanc est orné de lignes verticales et horizontales noires. Autre ex. : Femme au trône d'Arsos,.SŒ III, pi. CCII, 3. 5. Les modèles de sanctuaire : Des représentations de sanctuaire en terre cuite nous sont par venues. Certaines représentent le sanctuaire dans son entier, d'autres représentent seulement la façade ou une sorte de niche abritant la prê tresse ou déesse.
(6) Karageorghis, Collection Piérides, 81, p. 77 et 140-141.
202
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
- Le sanctuaire entier : Deux exemplaires au Louvre reproduisent de véritables petits sanctuaires. Ils proviennent de Dhali (7). AO Ν 3293 représente un bâtiment rectangulaire dont Γμη des murs est percé d'une fenêtre. A la fenêtre, une tête de femme apparaît, au visage encadré d'une longue chevelure. La partie supérieure du bâtiment est percée de plusieurs rangées horizontales de cavités rondes. AO Ν 3294 représente le même bâtiment sous une forme plus élaborée : l'édifice rectangulaire comporte une entrée monumentale avec linteaux et cor niche, devant laquelle sont plantées deux colonnes surmontées de fleurs (de lotus ou de lys). A l'entrée, une femme se tient debout. Les murs latéraux sont percés de fenêtres derrière lesquelles apparaissent des têtes de femme. Le bâtiment, comme le précédent, est percé de plusieurs rangées de trous ronds à sa partie supérieure. L'édifice représente certainement le sanctuaire habité par la déesse, ou plutôt par la Grande Prêtresse et les courtisanes sacrées. Les deux colonnes fleuries à l'entrée rappellent les piliers de Kition et la représentation du temple sur le cratère de Nicosie Β 1988. Les orifices percés dans les murs représentent sans doute les ouvertures d'un p igeonnier où nichent les colombes consacrées à la déesse, comme le prouve un autre objet analogue. Cet objet en terre cuite (8), de forme conique, présente sur sa surface une sorte de porte encadrant une figure féminine vêtue à longue chevelure. Dans sa partie supérieure, on remarque aussi des orifices ronds auprès desquels des oiseaux (colombes ?) sont représentés en relief. L'imagerie populaire a donc illustré le sanctuaire de la grande déesse aux colombes où résident les prêtresses, selon la tradition chy priote. Mais une autre image du sanctuaire a pris forme, sous l'influence de l'iconographie orientale. — La châsse à la déesse (pi. 28, a) : II existe toute une série de façades de sanctuaires ou châsses qui représentent une entrée ou une niche à l'intérieur de laquelle on distingue une figure féminine ou un simple objet de culte (9). La façade porte au-dessus de l'entrée un disque solaire et un croissant, parfois répétés plusieurs fois ; elle est également peinte de différents ornements et comp orte parfois des piliers à volutes. A l'intérieur, il y a dans certains cas une figure féminine représentant soit la prêtresse, soit la déesse du sanctuaire. Sur l'exem(7) J. Boardman, "Theios aoidos", RDAC 1971, p. 37-38, pi. XVIII, 2-3, Louvre, AO Ν 3293 et Ν 3294. (8) Boardman, art. cit., p. 38 et fig. 1 (Ohnefalsch-Richter, KBH, pi. 17.2.3). (9) Myres, HCC, 2130-31 ; BM. Cat. terracottas A150 (provenant d'Amathonte) ; CM C74 et C75 ; P. Betancourt, "An Aeolic Shrine in Philadelphia", AJA 75 (1971), p. 427.
203
CHAPITRE IX
plaire CM C 75 (pi. 28, a), la figure a un visage au nez proéminent, aux yeux peints, aux taches rouges sur les joues. Sa longue chevelure tombe en deux grosses mèches ; elle porte une coiffure ornée de rosettes qui est peut-être une couronne. On dis tingue le collier qui pend sur la poitrine, ainsi que différents ornements en pastille sur le corps. Ce type de sanctuaire qui est sans doute d'origine syrienne et a atteint Chypre aux VII-VIème s. a.C, reste le plus souvent très oriental. A l'intérieur de l'entrée, c'est un simple symbole qui est représenté sous la forme d'un objet conique peint en rouge (BM A 150) et qui rappelle la pierre conique du temple de Paphos. — Le sanctuaire aux colombes Un exemplaire au Louvre (AO 22221) (10) nous montre une ronde sacrée autour d'un arbre ou petit édifice conique : Trois personnages en longue robe se tiennent autour d'un arbre ou édifice conique percé de trous et orné d'une petite margelle à sa partie supérieure où sont perchées des colombes. L'édifice ou le tronc d'arbre ressemblerait à un co lombier. Un joueur de lyre est appuyé au sanctuaire et à ses côtés se trouve un chaudron. La scène est certainement en rapport avec le culte de la divinité aux colombes qui ne peut être que la Grande Déesse. Il semble que la déesse ait eu de petits sanctuaires agraires où ses fidèles lui aient rendu un culte comportant de la musique sacrée et des offrandes. Ainsi nous voyons que les coroplastes chypriotes au Vlème s. se sont efforcés de rendre dans toute leur vérité concrète les cérémonies du culte. Grâce à ces figurines de musiciens, de porteurs ou porteuses d'offrandes, d'adorateurs, tels de véritables Santons, grâce aux repré sentations de sanctuaires, de niches, d'arbres sacrés, nous avons une idée précise des pratiques de la religion chypriote. B. Figurines faites au tour Certes les figurines modelées à la main, vivantes et spontanées, ont été très en vogue à cette époque, mais la tradition des figurines faites au tour s'est maintenue. Elle a été modernisée. A un corps cylindrique fait au tour, qui s'évase à la base, une tête moulée a été rajoutée, ainsi que des bras grossièrement modelés. Le visage est encadré de cheveux courts, coupés en carré, ou longs, tombant dans le cou. Les détails du vêtement ou du visage sont peints en rouge. Elles proviennent pour la plupart du sanctuaire de Kamelarga à Larnaca (1 1). La série reprend les mêmes types que ceux des figurines modelées à la main : musiciennes, porteuses d'of frandes, mais aussi des mères à l'enfant. (10) Boardman,/?.04C 1971, p. 37-38, pi. XVIII, 1. (11) Myres, CM Cat., p. 153-154 ; Myres, HCC, 2028, 2030-2026.
204
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
1. Les musiciennes : C'est surtout la joueuse de tambourin qui est représentée. Elle tient le tambourin de des deux mains, soit verticalement, soit en oblique : Ex. Myres, HCC, 2030-2034 ; CM Cat. 5503-5511 ; Karageorghis, Kypros, p. 162, fig. 80. 2. Les porteuses d'offrandes : Elles portent des offrandes encore plus variées que les figurines de l'autre série : - La femme apportant un plat de gâteaux qu'elle tient de ses deux mains. C'est parfois une coupe rituelle qu'elle a entre les mains. Ex. CM Cat. 5552-5556 ; Karageorghis, Kypros, p. 162, fig. 80. - La femme portant une lampe sur la tête (pi. 35, a) : Ex. CM Cat. 5540 (C 209). - La femme à la fleur : Ex. Myres, HCC, 2036. - La femme à l'oiseau (pi. 35, b) : elle porte une colombe dans ses bras. Ex. CM Β 51. 3. La femme à l'enfant : Le thème de la femme qui a un enfant dans les bras est illustré dans cette série. Mais les représentations ne sont pas très nombreuses. L'enfant est modelé d'une façon très maladroite. Ex. CM Cat, p. 153. 4. La femme aux bras levés : L'ancien modèle de la figure féminine aux bras levés est repris aussi dans cette série, mais peu souvent représenté : Ex. My res, HCC, 2028. Ces figurines du style dit de Kamelarga étaient sans doute fabr iquées en série et elles n'ont pas la spontanéité des figurines modelées à la main. On les date de la période archaïque, de la fin du Vlème s. a.C. Elles témoignent encore de la persistance des rites d'offrandes et d'ado ration de la divinité. Les figurines, qu'elles soient modelées à la main ou faites au tour, répondaient à des modèles établis et uniformisés. D'autres figurines de cette époque échappent aux normes habituelles. Le sanctuaire de Lapithos qui devait être consacré à la Déesse-Mère a produit entre autres des figu rines très originales : Des femmes entourées d'enfants qui les tiennent à bras le corps, l'un par devant, l'autre par derrière (CM Β 65) ; dans un de ces groupes, la femme est grosse (CM Β 48) (pi. 28, c) ; des scènes d'accouchements tels qu'ils se pratiquaient
205
CHAPITRE IX
(CM Β 56) (pi. 29, a) (12). Ces offrandes montrent clairement quels étaient les vœux des fidèles qui venaient les consacrer, selon une tradition qui, à Lapithos, remontait peut-être au Bronze Moyen. Les créations authentiques des artisans chypriotes répondent aux anciennes croyances populaires et reproduisent les vieilles pratiques cul tuelles. Cependant, de nouveaux modèles venus d'Orient s'introduisent à nouveau et viennent enrichir le répertoire local. II. L'APPORT DE L'ORIENT : LA FIGURINE NUE Au Vlème s. a.C, apparaissent côte à côte avec les modèles chy priotes, des figurines moulées d'aspect oriental caractéristique, qui se distinguent par leur nudité et l'importance donnée aux attributs sexuels. Souvent elles tiennent leurs seins dans leurs mains selon le geste tradi tionnel des déesses de fécondité. C'est de Syrie aussi qu'à été introduite la technique du moulage de figurines (13). On peut distinguer un modèle très proche du prototype phénicien, puis un modèle égyptianisé, enfin, un modèle transformé par l'esprit chypriote. A. Le modèle oriental (syro-phénicien) II est représenté par diverses figurines qui ont été trouvées à Larnaca, Lapithos, Amathonte, lieux où l'influence orientale et phénicienne était particulièrement forte. Il est certain que ces figurines représentent Astarté. Ainsi, une figurine trouvée à Larnaca (BM A91) (14) : la figurine est nue les jambes serrées l'une contre l'autre, et elle a les mains sur les seins. Le pubis est indiqué avec la fente vaginale incisée et le nombril est représenté par une petite pastille. La figurine porte une lourde chevelure qui tombe sur la poitrine en deux grosses tresses figurées par un motif dit en feuille de palmier. On remarque sur la poitrine un collier en grosses perles, ainsi que des protège-oreilles ; il est fait un usage abondant de peinture : les cheveux sont peints en noir, de même que les yeux et les mains, les lèvres sont rendues en rouge, le pubis en rouge et noir. Les genoux sont indiqués par des rosettes peintes en noir et les jambes portent sur le côté une sorte d'échelle peinte en noir et rouge. Les pieds sont chaussés de rouge et les bras portent chacun deux bracelets, l'un rouge et l'autre noir. Deux autres exemples analogues proviennent d'Amathonte, BM A 158 et A159 (15). Ces figurines sont également nues et peintes de différents ornements.
(12) (13) (14) (15)
206
Voir aussi BM Cat. terracottas A 133. Dikaios, Guide to the CM, p. 202. BMCat. terracottas, pi. H. Murray, Excavations in Cyprus, p. Ill, fig. 164, n° 1 ; SCE III, pi. CCIII, 7-12.
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
Elles font le geste caractéristique de porter leurs mains à leurs seins. Enfin, un exemplaire (CM 1969/V-17/2) représente un type déjà un peu moins oriental. Il aurait été trouvé dans une tombe (16) (pi. 34, a). Ces figurines mesurent entre 7 et 1 5 cm de hauteur. B. Le modèle égyptianisé Le type originel de l'Astarté phénicienne a bientôt subi l'influence de l'Egypte. Il se caractérise à présent par un corps au modelé plus lisse et par le port d'un voile couvrant la chevelure, ou d'une sorte de perruque égyptienne. Ces figurines sont nues, mais elles n'ont pas toujours les mains sur les seins. Elles ne portent pas de colliers, mais seulement des boucles d'oreilles. Elles ont les cheveux rejetés à l'arrière, ou tombant en deux mèches tressées sur la poitrine. Elles mesur ententre 10 et 20 cm. Elles sont datées du milieu du Vlème s. a.C. et proviennent pour la plupart d'Arsos. Ex. Figurine aux mains sur les seins CM C 408 (pi. 34, b). Figurine tenant un enfant CM C 681. Figurine tenant un objet rond (coupe ou tambourin) sur la poitrine (de Marion)(17). Il a été trouvé une figurine de calcaire du même style. Cette figurine est nue à partir de la taille (elle porte le kilt égyptien), elle tient une main fermée contre sa poitrine. Ses seins sont modelés avec précision. Elle a deux lourds colliers autour du cou et porte la perruque égyptienne (18). Déjà le type de l'Astarté phénicienne évolue et semble se tran sformer en figure d'adoratrice plutôt que de déesse. C'est pourquoi la figurine abandonne le geste des mains sur les seins pour porter soit un enfant, soit un objet qui les transforme en simples fidèles de la divinité. C. Le modèle chypriote Issu du type de l'Astarté, un modèle chypriote caractéristique apparaît (19). La figurine est nue, ou peut-être vêtue d'une tunique si transparente qu'elle est à peine visible. L'anatomie du corps est indiquée. La figure s'orne de très riches bijoux, de plusieurs colliers et pendentifs, de boucles d'oreilles et de cache-oreilles. La coiffure est, soit du type égyptien, avec la chevelure recouverte d'un voile ou d'une perruque, soit du type phénicien, avec de fines tresses en feuilles de palmier tombant sur la poitrine. Elle porte des traces de peinture noire et rouge. (16) BCH 94 (1970), p. 201, fig. 14. Citons encore les deae gravidae de type tyrien dont plusieurs exemplaires ont été trouvés à Chypre, ex. Musée de Larnaca, 750 ; BCH 98 (1974), p. 844, fig. 37. (17) Karageorghis, Chypre, p. 111. (18) Myres, HCC, 1033 ; SCE IV 2, pi. VI. (19) Myres, HCC, 2140-49 ; SCE III, pi. CCIII, 3,4, 6-12.
207
CHAPITRE IX
Elles n'ont pas toujours les mains sur les seins et abandonnent le geste de la De'esse de fécondité. Ainsi plusieurs modèles se présentent : Figurine aux mains sur les seins : Myres, HCC, 2144-2146 ; SCE III, pi. CCIII, 11-12, Arsos. Figurine aux mains croisées sur la poitrine : Myres, HCC, 2149. Figurine avec une main en travers du corps (geste de la Vénus pudique) : id., 2147-8 ; SCE III, pi. CCIII, 10, Arsos. Figurine avec les bras le long du corps : Myres, HCC, 2140-42 ; SCE III, pi. CCIII, 8-9. Figurine aux bras levés : Myres, HCC, 2143. Figurine portant un objet de la main droite, le bras droit étant replié sous les seins : SCE III, pi. CCIII, 7 (pi. 34, c). Cette dernière figurine qui a été trouvée à Arsos est ornée de riches bijoux ; elle porte un large collier serré autour du cou avec une bulla sous le menton, un second collier fait de grosses perles biconiques, puis un troisième collier auquel est suspendu un pendentif rond. Ses bras s'ornent de trois bracelets faits de chaînes. Aux oreilles, elle a de longues boucles ainsi que des cache-oreilles ; enfin, elle porte même un anneau passé dans le nez. La chevelure est tressée en fines tresses tombant au-dessus des seins. Ces figurines sont datées de la première moitié du Vlème s. a.C. (20). Le problème est de savoir si elles représentent la divinité ou une adoratrice de la divinité selon l'iconographie orientale. Cependant, lors qu'elle ne fait plus le geste rituel et qu'elle porte un objet, elle paraît être devenue une adoratrice de la déesse. On possède toutefois deux objets qui indiqueraient que la figure nue aux mains sur les seins est une image de la divinité. D. Les déesses nues sur le sarcophage d'Amathonte (pi. 33, b). Ce grand sarcophage du Metr. Mus. découvert dans une tombe d'Amathonte (21) porte une riche ornementation sculptée en haut relief dans le style chypriote archaïque. Sur ses faces principales, le sarcophage est orné de scènes de char : plusieurs chars avancent en procession, suivis ou précédés de guerriers ou de cavaliers. Peutêtre est-ce le cortège funèbre du défunt enterré dans le sarcophage. Sur une des faces étroites sont représentées quatre figures féminines nues aux mains sur les seins. Elles portent toutes les mêmes riches colliers, dont l'un serré autour du cou et les deux autres tombant sur la poitrine. La chevelure est bouclée sur le sommet de la tête et pend en longues tresses sur les épaules. (20) SCE IV 2, p. 209. (21) Myres, HCC, 1365, fig. 1365 c.
208
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
Le type de figure féminine reproduit ici est donc exactement le même que celui des figurines de terre cuite. La présence de figures nues aux mains sur les seins sur un sarcophage ne s'explique que si elles ont une signification funéraire. Il ne peut s'agir ici que de la Grande Déesse qui était déesse de la vie ; on l'invoquait sans doute pour chasser les forces de la mort. On sait que depuis l'époque du Bronze Ancien on déposait des figurines de fécondité dans les tombes. Au Vlème s. encore, une figurine d'Astarté a été recueillie dans une nécropole (22). D'ailleurs, toute l'iconographie du sarcophage paraît utiliser des éléments symbol isantla fécondité : il y a des frises de fleurs de lotus, des arbres de vie sculptés sur le pourtour des quatre faces. Enfin, le sphinx, souvent associé aux forces de vie et de mort, est présent sur le couvercle du sarcophage. La figure nue aux mains sur les seins apparaît aussi sur un petit modèle de sanctuaire en pierre à quatre faces (23). Sur deux de ses côtés sont représentées cinq figures nues aux mains sur les seins. Il ne fait aucun doute que la figure représentée sur un modèle de sanctuaire soit l'image d'une déesse, la Grande Déesse, qui est sans doute toujours restée à Chypre la Grand Déesse de la fécondité, de la vie et de la mort. Cependant, il semble que l'iconographie religieuse chypriote ait toujours hésité à représenter la divinité elle-même, préférant le plus souvent représenter sa prêtresse ou ses adoratrices. C'est sans doute pourquoi, même lorsque le modèle s'introduit à Chypre apporté de l'Orient, il se transforme pour représenter, plutôt que la déesse, une prêtresse ou une adoratrice de la déesse. III. L'IMAGE CHYPRIOTE DE LA DÉESSE OU PRÊTRESSE OU ADORATRICE DE LA DÉESSE "La répulsion chypriote à représenter la nudité" (24) fait que le modèle nu de figurine est délaissé au profit d'un modèle de figurine vêtue qui a d'ailleurs toujours existé à côté des figurines nues. Les figu rines nues paraissent plutôt étrangères à la lignée des figures vêtues model éesdans l'argile ou, depuis la fin du Vllème s. a.C, sculptées dans le calcaire de Chypre. A la fin du Vllème s. les artistes chypriotes ont commencé à produire de véritables statuettes en terre cuite moulée et en pierre, de dimensions plus imposantes que celles des siècles précé dents. Les terres cuites moulées mesurent jusqu'à 30 cm ; les statuettes (22) Voir note 16. (23) Myres, HCC, 1135. Citons encore comme représentation de déesse nue orientale un support en terre cuite trouvé à Salamine. Ce support est fait de deux figures féminines nues accolées. Karageorghis, Chypre, pi. 145 et BCH 89 (1965), p. 281, fig. 76. (24) M. Yon, Salamine de Chypre V, Un dépôt de sculptures archaïques (Paris 1974), p. 42 ; cette publication très importante pour l'étude de la sculpture chypriote archaïque sera souvent citée par la suite, abrégée en Yon, Salamine.
209
CHAPITRE IX
de calcaire varient entre 15 et 30 cm de hauteur. La représentation des figures sacrées prend donc des proportions plus importantes. On produit même des statues de grande taille, tant en terre cuite qu'en pierre, dont la mode semble être venue de Syrie ou d'Egypte vers 650 a.C. Que représentent ces figures féminines vêtues, de dimensions de plus en plus imposantes ? Le problème qui s'est déjà posé à propos de la plupart des représentations chypriotes de figures féminines en rapport avec la divinité, se soulève à nouveau. Est-ce que ce sont des images de prêtresses ou de simples fidèles ? Est-ce que ce sont des représentations de la déesse ? L'étude du costume et des attributs peut apporter quelques éclaircissements dans ce domaine. Les statuettes en terre cuite sont moulées selon la technique syrienne ; elles ont souvent le revers plat. Lorsqu'elles sont de petite taille, elles sont pleines, mais lorsqu'elles sont de taille plus importante, elles sont creuses. Les statuettes de pierre sont taillées dans le calcaire, mais les types de la petite statuaire et de la coroplastique sont sens iblement les mêmes ; la statuaire qui, depuis la fin du Vllème s. connaît une faveur grandissante, a influencé la coroplastique qui s'élève à des représentations plus nobles. Les mêmes modèles se retrouvent dans les deux catégories, caractérisées par les mêmes costumes, les mêmes att itudes et les mêmes attributs, sauf exception. La statuaire a sans doute emprunté ses modèles à l'iconographie syro-anatolienne et égyptienne (25) et, dès ses débuts, représente des figures féminines vêtues, témoin "l'Astarté au pavois" en robe et manteau assyrien (26) qui paraît être un des plus anciens produits de la petite sculpture chypriote. Au début du Vlème s., les modèles s'uniformisent. On peut distinguer divers mod èles de costume : A. Les différents modèles de costumes. On distingue d'abord, comme les plus anciennes, les figurines en longue tunique sans plis. 1) La tunique longue sans plis (27) : Elle tombe jusqu'aux chevilles ; les manches sont longues. Le tissu est plus ou moins fluide ; parfois, sur les figurines en terre cuite, il est transparent. Les bordures inférieure et supérieure sont quelquefois peintes.
(25) SCE IV 2, p. 339 sqq. ; pour des emprunts directs à l'Egypte voir Yon, Salamine, p. 112-113. (26) Myres, HCC, 1262. (27) Étude du costume dans Yon, Salamine, p. 28-30, type I ; la variante du costume, tunique droite sur tunique plissée représente un type plus évolué, cf. id., type I D, 38.
210
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
Sur certains exemplaires, la tunique droite semble portée sur une tunique plissée qui dépasse sous la tunique droite au niveau des chevilles. Cette variante du costume est déjà due à une évolution du type originel. Ce vêtement paraît être d'origine égyptienne. La chevelure est arrangée en rouleaux parallèles sur le sommet de la tête et tombe en masse compacte dans le dos ; elle est parfois couverte d'un voile sur les statuettes de terre cuite. Les statuettes de pierre peuvent être aussi coiffées d'une sorte de turban, qui se change plus tard en bandeau ou diadème. Il en est de même pour les grandes statuettes de terre cuite. Les bijoux sont sobres au début et se limitent à un collier et des couvre-oreilles ; plus tard, les parures s'enrichissent. - Figurines et statuettes de terre cuite : Ex. SCE III, pi. CCIII, 3,4; Myres HCC, 2152-6-8 ; BM Cat. A83, A96 ; CM Cat. 3075,5282,5718. - Statuettes de pierre : Ex. SCE III, pi. CLXXXV (statue d'Arsos) ; Myres, HCC, 1006-7, 1080 ; CM Cat, 5282, 5301, 5601-4, 5640 ; Yon, Salamine, 10-43. C'est à cette classe qu'appartient la belle statue d'Arsos de taille presqu'humaine et empreinte d'une certaine majesté sévère (pi. 36, a). Le port de sceaux en pendentif est sûrement l'insigne d'une fonction sacrée (28). Par la suite le modèle sévère du début du Vlème s. évolue en un modèle au costume plus riche, sous l'effet de l'influence ionienne qui s'introduit à Chypre. Cependant, un costume typiquement chypriote est aussi souvent représenté ; il semble plutôt réservé aux statuettes en terre cuite. 2) "Le costume chypriote" (Myres) (29) (pi. 34, d) : II consiste en une tunique longue sur laquelle est porté un autre vêtement qui descend jusqu'aux genoux. Sur le devant du chiton pend presque toujours une étole à deux pans qui paraît appartenir au chiton ; cette étole est souvent ornée de différentes motifs géométriques et se termine par une frange. Les figures de ce type portent de riches bijoux : triples colliers, lourds pendentifs, sceaux. Un des plus anciens exemplaires de ce type est sans doute la grande statue (56 cm) de terre cuite de Salamine (CM 1963/IX-19/1) (30). Par-dessus le chiton droit et austère, la statuette porte un manteau, long par derrière , court par devant, qui se termine en arrondi au-dessous de la taille ; ce manteau laisse voir le pan de la ceinture ou de l'étole. Cette figure féminine porte aussi trois riches colliers, dont un avec une bulla. Il y a un autre exemplaire de ce type provenant d'Arsos (31). (28) (29) (30) (31)
Id., p. 122. Myres, HCC, p. 351. BCH 88 (1964), p. 306, fig. 25 a-b. 5ŒIII,pl. CCII, 9.
211
CHAPITRE IX
Ce modèle paraît s'épanouir pleinement vers la fin du Vlème siècle (32) avec la nombreuse série dite des figurines de terre cuite du type d'Achna. Le costume s'uniformise : tunique de dessous, manteau court laissant voir les deux pans de la ceinture, riches colliers, bulla et sceaux en pendentifs, bracelets, couvre-oreilles, boucles. La chevelure est disposée en petites boucles sur le front, qui disparaissent sous un bandeau de tête ou sous un voile ; parfois de fines tresses tombent sur les épaules. Ex. SCE II, pi. CCXVII, CCXIX, 2 ; Myres, HCC, 2153-4-5 ; BM Cat., A63 etc. (série d'Achna), A95, A 97, A134, A156 ; CM Cat., 5660, 5661, 5662. Collection Piérides, 80 (pi. 34, d). Le costume de cette figure féminine évoque celui d'une prêtresse : la ceinture paraît être une bande hiératique qui serait l'insigne de la fonction. D'ailleurs, les prêtresses ou adoratrices d'Aphrodite portent toujours cette longue bande sur leur robe, dans les représentations de vases des VII-VIèmes s. Comme on a retrouvé de nombreux exemplaires de ce type à Achna où on a localisé un sanctuaire d'Artémis (?), on a nommé ces figurines des "prêtresses" d'Artémis (33). Cependant, l'attribution de ce sanctuaire à Artémis n'est pas absolument assurée pour le' Vlème s. puisqu'aucune inscription du Vlème s. ne mentionne cette déesse sur ce site (34). D'autre part, le nom grec d'Artémis a peut-être été donné plus tard à une divinité chypriote. On a retrouvé des statuettes du même type ailleurs dans l'île, à Salamine, Amathonte etc. (35). A en juger par ces deux modèles de costumes et en particulier par le dernier, il semble probable que la représentation illustre un personnage de prêtresse. pierre.
Il existe encore un modèle de statuette représenté surtout en
3) Le modèle ionien : vers le milieu du Vlème s., le type de la Korè est introduit d'Ionie à Chypre et produit dans la sculpture chypriote le modèle de la jeune femme qui tient son chiton de la main droite (36). Le costume se compose d'un chiton fin à manches jusqu'aux coudes et d'un manteau ou large écharpe jeté en travers de la poitrine et attaché sur une épaule. La femme fait le geste caractéristique des korai, qui est de relever sa tunique d'une main. La chevelure est bouclée sur le front et retenue par un bandeau ou diadème. (32) BMCat. Terracottas, A59-89. (33) Id., p. 7 sq. : "Artemis or a priestess". (34) Le nom d'Artémis n'apparaît que dans une seule inscription syllabique (Masson, ICS, 1), provenant de Paphos et datant du IVème s. a.C. (35) BM Cat. Terracottas, A95, A97, A98 (de Salamine), A156 (d'Amathonte). (36) Yon, Salamine, p. 43 sqq., type II.
212
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
La jeune femme sourit du sourire caractéristique des korai ioniennes. L'allure générale est gracieuse et sobre ; les bijoux sont peu voyants. Mais le modèle nouveau introduit de l'extérieur peu à peu reprendra les traits caractéristiques chypriotes. Le goût des lourds bijoux redonnera de l'importance à l'ornement ; la coiffure se transformera en une couronne de fleurs de plus en plus importante qui finira par atteindre une hauteur considérable. Ce modèle est beaucoup plus répandu en pierre qu'en terre cuite. Ex. —en terre cuite : SCE III, pi. LXX, 1, 2, 3 ; Myres, HCC, 2181-2190 ; CM Cat., 3027. - en pierre : SCE III, pi. XII, 1 ; XIII, 6 ; CXCI, 3 ; Myres, HCC, 1081 ; Yon, Sahmine, 44-71. Le type de la korè est sans aucun doute la représentation d'une adoratrice de la divinité. Cependant, l'addition de bijoux et de couronnes de fleurs de plus en plus importants semble transormer le type de la simple adoratrice en celui de prêtresse. Ces figures féminines font certains gestes et portent certains attri buts. On retrouve les mêmes attitudes à l'intérieur de chaque groupe, ind épendamment du costume. Quels gestes font ces personnages féminins et quelle signification faut-il leur donner ?
B. Les différentes attitudes des figurines représentées II y a une assez grande variété de gestes : gestes symboliques du culte de la fécondité et gestes d'offrandes. 1) La femme se tenant les seins : Ces figures imitent certainement l'attitude des figures orientales nues qui font le geste symbolique de la fécondité. La pudeur chypriote fait qu'on ne représente pas une figure féminine nue, mais qu'on en garde le geste significatif, d'où l'étrangeté de l'attitude. Il existe d'assez nom breux exemplaires de ce type à la fois en terre cuite et en pierre, mais surtout en terre cuite. Que le costume soit la tunique droite ou le manteau passé sur la tunique, le geste est le même : la femme tient ses deux seins de ses mains. - en pierre Ex. Yon, Salamine, n© 42, pi. 12 ; CM B97/1935. - en terre cuite Myres, HCC, 2154 ; BM Cat, A63-72, A156 ; CM. Cat, 5267, 5268-5273, 3011, 3013 ; Pierides Collection, no 80 ; BCH 88 (1964), fig. 25 a-b (CM 1963/IX-19/1). Le geste ici est un peut différent : la femme tient son sein droit de sa main gauche.
213
CHAPITRE IX
Certaines des figures aux mains sur les seins sont vêtues du chiton droit (CM Cat., 5267) mais la plupart sont du type vêtu en costume chypriote et, en particulier, du type d'Achna. Il est remarquable que le geste des mains sur les seins soit carac téristique d'une série de figures qui représentent presque certainement des prêtresses. Ces prêtresses ne peuvent guère que servir la Grande Déesse. Faut-il en conclure qu'Achna où ont été trouvés la plupart des exemplaires de ce type était un sanctuaire consacré à Aphrodite ? Ce geste est sûr ement imité de celui des figures nues dont le type a été introduit de nou veau de Syrie au Vllème s. a.C. frandes
Mais la plupart des statuettes représentent des porteuses d'of ou des musiciennes.
2) Les porteuses d'offrandes La plupart sont des femmes offrant une fleur. - La femme à la fleur : Elle tient de sa main droite une fleur de forme conique qui doit être une fleur de lotus stylisé (37) en bouton ou en train de s'ouvrir. Parfois, la femme offre aussi de la main gauche un rameau (38). Les exemples sont très nombreux, tant en terre cuite qu'en pierre. Ex. en pierre: Myres, HCC, 1007, 1263 ; CM Cat., 5064, 5641, 5650-9 ; Yon, Salamine, 10, 41, 51, 53, 68, 69, 81, etc. ; en terre cuite: Myres, HCC, 2164, 2187-8 ; CM Cat., 3023-3047,5289 ;BMCat., A73, A83. Ce type de porteuse d'offrande paraît un emprunt à l'Egypte où la femme à la fleur de lotus est un thème fréquent (39). La femme à la fleur est aussi un des thèmes des représentations sur vases. L'offrande de la fleur correspondait sûrement à un rite encore pratiqué au Vlème s. dans l'adoration de la divinité. Même si le type de la femme à la fleur paraît très stylisé, il est en rapport avec le climat religieux de cette époque. — La femme à l'oiseau : oiseau.
Nombreuses sont aussi les représentations de femme tenant un
La femme tient l'oiseau de ses mains, entre ses seins, ou par les pattes sur sa main, par le cou sur sa poitrine. L'oiseau est identifié à une colombe ou parfois un canard. (37) Id., p. 107 sqq. (38) Id., p. 110. L'offrande de fleurs et de rameaux doit être destinée à une divinité de la végétation, c'est-à-dire de la fécondité. (39) Id., p. 110-113.
214
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
Ex. en pierre : Yon, Salamine, 77 et 122, où la femme tient l'oiseau par les pattes sur sa main ; en terre cuite : Myres, HCC, 2161. BM Cat., A74-80, A74 (colombe), A79 (canard) \CMCaL, 3112, 5529 (cygne), 5530-1. L'oiseau n'est pas une victime à sacrifier, mais c'est un oiseau vivant. L'offrande de l'oiseau évoque le culte d'Aphrodite. On a en effet la précieuse dédicace d'une statue représentant un personnage masculin (?) tenant une colombe, à "la déesse de Paphos" (40). On se souvient aussi de tous les oiseaux présents dans les scènes de culte représentées sur les vases. Sans doute le même rite a-t-il inspiré les unes et les autres de ces représentations. - La femme offrant un animal : La plus célèbre est la statue d'Arsos (pi. 36, a) qui représente une femme digne et imposante comme une prêtresse tenant sur sa poitrine un petit bovidé dont les proportions ne sont pas conformes à la réalité. Comme animaux, on offrait, d'après les statues et statuettes du Vlème s., des bovidés et des capridés. Ex. en pierre : SCE III, pi. CLXXXV-CLXXXVI (bovidé), CLXXXVII (bovidés) dont cinq bustes trouvés à Arsos, pi. CXC, 4, 5 (capridés) ; Yon, Salamine, 62 ; en terre cuite : CM Cat., 5528, 5532 ; Yon, Salamine, 147. L'offrande de capridés a été associée à un culte d'Artémis. En fait, l'offrande d'un jeune animal semble avoir fait partie du culte, sans distinction peut-être aussi nette entre les animaux consacrés à telle ou telle déesse. Sur les représentations sur vases, un chevreau accompagne souvent les prêtresses. - La femme offrant une coupe ou un plat de gâteaux : La statuaire reprend, semble-t-il, les mêmes thèmes que l'imagerie populaire ; déjà les figurines en technique dite du bonhomme de neige représentaient des femmes qui portaient un chevreau ou des femmes qui offraient une coupe. On retrouve quelques exemplaires de ce type : En pierre : SCE III, pi. CLXXXVII, 1 ; CLXXXVIII, 5 , BM Cat., C234, C237 ; en terre cuite : BMCat., A81 ; CM Cat, 5522-24, 5525-6, 5527. - La femme offrant des fruits : Ce type est plus rare et se rencontre à une période plus avancée dans la statuaire. Il semble que les fruits soient des pommes. On se sou viendra des plats de fruits dans les représentations de scènes d'offrandes sur les vases du VHIème s. En pierre : SCE III, pi. LXII, 1 et 3 ; Myres HCC 1083 ; CM 1959/4-16/3 ; Yon, Salamine, 84-91. (40) Masson./GS1, p. 283, n° 262 ; Yon, Salamine, p. 107.
215
CHAPITRE IX
Les porteuses d'offrandes rappellent les figures représentées sur les vases depuis le VHIème s. Si stylisés que soient devenus les modèles, ils évoquent certainement encore les pratiques religieuses si vivaces à Chypre. Des statues d'hommes porteurs d'offrandes se rencontrent aussi ; il y a des statues d'hommes à la fleur, à l'oiseau (41), tout comme sur certains vases archaïques. Sans doute était-ce aussi des adorateurs de la divinité. Les musiciens du culte de la déesse étaient aussi représentés en sculpture. 3. Les musiciennes Ce sont la joueuse de tambourin, la joueuse de lyre et, beaucoup plus rarement, la joueuse de flûte. - La joueuse de tambourin : La femme tient le tambourin d'une main, tantôt sur sa poitrine, tantôt au bout de son bras. Les plus anciennes tiennent le tambourin d'une main, tout en jouant de l'autre. Ex. en pierre : Myres HCC, 1006 ; CM Cat., 5601, 5296 ; en terre cuite : SCE III, pi. CCIII, 3 ; Myres, HCC, 2167, 2054-56 ; BM Cat, ; A95 ; CM Cat., 3101, 3103,5299. - La joueuse de lyre : La femme tient la lyre de sa main gauche et en joue de la main droite. Ex. en pierre : CM Cat., 56734 (?) ; en terre cuite : Myres, HCC, 2165-6 ; BM Cat., A84;A85 ; CM Cat., 3113-3115, 3117, 3119, 5516. - La joueuse de flûte : II y a plus de représentations masculines que féminines de ce modèle, mais certains exemplaires paraissent être des figures féminines. Ex. CM Car., 5302,5303. Ces représentations de musiciennes rappellent celles que l'on voit sur les vases de style figuré et les coupes de métal du VUlème s. Les cér émonies religieuses étaient sans doute toujours accompagnées de musique au Vlème s. selon l'ancienne tradition. La sculpture doit représenter des modèles assez proches de la réalité.
142.
216
(41) Myres, CM Cat., 5203-5207, 5032, 5033, 5535-5539 ; Yon, Salamine, p. 141-
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
4. Les figures assises On rencontre aussi le modèle de la figure féminine assise. Les mêmes types sont représentés que pour les figurines debout. Ainsi on trouve un type de femme assise qui se tient les seins ou a les mains sur les genoux. Un des plus beaux spécimens est sans doute la figure assise de Ayia Irini (nos 1563 + 2026) (42) : la femme est assise sur un fauteuil (trône à dossier bas), les mains sur les genoux, les pieds sur un tabouret. Elle est vêtue d'un chiton et d'un manteau, mais ne porte aucun ornement caractéristique sur la tête. Le siège est flanqué de sphinx ailés à tête de femme. Cette représentation rappelle les figures au trône du VlIIème s. sur les vases. L'association de la figure à des sphinx pourrait indiquer qu'il s'agit d'une représentation de la déesse (pi. 28, b). Mais d'autres modèles de femmes assises reprennent les types de la femme à la fleur, à l'oiseau et au tambourin, qui sont plutôt des types de prêtresses ou d'adoratrices. Ex. en pierre : Myres, HCC, 1 1324 ; en terre cuite : id., 2176-80. Dans les figures assises le type le plus fréquent est celui de la mère à l'enfant. 5. La femme à l'enfant Le thème de la femme à l'enfant qui est l'un des plus chers à l'ic onographie chypriote et se retrouve constamment depuis le Bronze Ancien, n'est pas délaissé par la statuaire du Vlème s. La femme à l'enfant est rarement représentée debout. Citons cependant un bel exemplaire de Lapithos où la femme vêtue du costume chypriote à ceinture brodée porte un enfant dans ses bras (BM A 134). On connaît par contre de très nombreux exemplaires de femmes à l'enfant assises sur un trône : Ex. en pierre, Myres, HCC, 1124-1127 ; CM Cat, 3095, 3097, 5217-5240 ; en terre cuite : CM Cat, 5276-5281 . Ce genre de figure féminine à l'enfant peut représenter la déesse elle-même, ou une adoratrice présentant son enfant à la déesse. Comme toujours dans l'iconographie chypriote, la divinité et la prêtresse ou fidèle se confondent en apparence. Les statues de grande taille qui apparaissent au Vlème s. sont-elles destinées à représenter directement la divinité ?
(42) SCE II, pi. CCXXXIII.
217
CHAPITRE IX
C. Les grandes statues Si la plupart des statuettes de terre cuite ne dépassent pas 25 ou 30 cm, il en existe quelques-unes qui devaient être supérieures à la taille humaine, et dont il ne reste que des fragments. Il y avait aussi parmi les statues en pierre de nombreux exemplaires de la taille d'un homme. La belle statue d'Arsos est un peu plus petite que la taille normale, mais elle devait être d'une allure imposante. Peut-on savoir ce qu'elle représente : la déesse, la prêtresse ou une porteuse d'offrande ? Elle porte sur la poitrine, en plus des riches colliers dont précisément l'un a été retrouvé à Arsos, un cordon auquel pendent deux sceaux. Ces sceaux qui apparaissent souvent sur les statues féminines sont sans doute les insignes d'une fonction liturgique (43). Donc, la femme représentée serait plutôt une prêtresse (pi. 36, a). Le taureau miniature que porte la figure pose un problème : est-il repré senté si petit, comparé à la figure qui le porte, par maladresse ? Le sculpteur r eprésenterait l'idée de l'offrande, sans se soucier de rendre l'animal d'une façon réaliste. Il se peut aussi que la femme ou prêtresse tienne dans sa main une repré sentation de taureau, figurine de terre cuite ou de bronze qu'elle offrirait à la déesse ; on connaît en effet des reproductions en bronze de bovidés (la vache de Vouni). Il se pourrait encore que la figure représentée soit la déesse qui aurait reçu et accepté l'offrande et la tiendrait à la main. En fait, l'explication la plus plausible est celle qui voit dans la figure représentée une figure de prêtresse du sanctuaire tenant à la main un petit taureau de bronze ou de terre cuite offert à la divinité. Des fragments appartenant à de grandes statues de terre cuite ont été mis au jour à Salamine ; ce sont des morceaux de buste et de tête avec des restes de draperie peinte en rouge, des colliers, des cache-oreilles. Ils appartenaient à des statues de terre cuite qui devaient être supérieures à la taille normale. Ces fra gments sont décrits comme "des fragments de grande statue, probablement d'Aphrod ite" (44). Mais là encore, rien ne permet d'affirmer qu'il s'agisse vraiment de représentations de la Grande Déesse. Si l'abondante iconographie religieuse nous renseigne sur le culte et son importance, elle ne nous donne aucune image sûre de la Grande Déesse de Chypre. Les belles têtes de grande taille qui nous sont parvenues sont sans doute des têtes humaines de prêtresses ou de fidèles : ainsi les têtes de pierre de la fin du Vlème et du Vème s. au doux sourire ionien, souvent remarquables de beauté (pi. 36, c). Pour les Chypriotes, la divinité se confondait sans doute avec sa prêtresse. Par pudeur et par réalisme, ils préféraient sans doute représenter des humains. Du reste, en l'absence de tout texte et de toute dédicace avant le Vlème s., les informations sur le culte, les lieux de culte et le nom même des divinités sont incer taines. (43) Ύ on, Salamine, p. 121-122. (44) BM Cat. Terracottas, AlOO-104, A147, A229.
218
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
IV. LES LIEUX DE CULTE AU Vlème s. a.C. Les différents endroits de l'île où ont été découvertes des statues et statuettes des VlIème-VIème s. a.C. doivent être des lieux de culte. Ainsi, Arsos, où ont été trouvées les fameuses statues de femme au taureau : trois dédicaces à l'Aphrodite de Golgoi y ont été recueillies (45). Arsos se trouve dans la région où devait être l'ancienne Golgoi au sanctuaire d'Aphrodite célèbre. Les statues d' Arsos seraient sans doute consacrées à la Golgienne. Dhali où de nombreuses statuettes et statues colossales ont été mises au jour lors des fouilles de Cesnola et d'Ohnefalsch-Richter (46). Une dédicace sur une cuillère d'argent votive du Vlème s. a.C. mentionne "la déesse de Golgoi". La grande inscription du Vème s. sur tablette de bronze du Cabinet des Médailles est dédiée à la déesse Athéna qui traduit, semble-t-il, le phénicien Anat. De Dhali on a aussi des dédicaces à Apollon. Il y aurait eu là un culte double aux divinités mâle et femelle qui se serait différencié par la suite. Tamassos où on a dernièrement trouvé des offrandes votives, des terres cuites et une belle tête de femme archaïque dans un sanctuaire que l'on a ident ifié comme étant un sanctuaire d'Astarté (47). Kition où un sanctuaire d'Astarté en usage jusqu'au IVème s. a livré de nombreuses figurines féminines (48). A Kition, un site au lieu dit Kamelarga a donné une grande quantité de petites figurines au corps fait au tour et à tête moulée ; on a attribué ce sanctuaire à Artémis (49), sans confirmation épigraphique. Les figurines de Kamelarga appartiennent à tous les types habituels, por teuses d'offrandes (bovidé, oiseau, plat, coupe), mères à l'enfant, figures nues aux mains sur les seins, musiciennes. Ce site est peut-être un lieu de culte de la Grande Déesse. Salamine où ont été retrouvées un grand nombre de statuettes féminines (50). L'Hymne Homérique atteste l'existence d'un culte d'Aphrodite à Salamine (51). Achna a livré de nombreuses figurines datant de la période archaïque jus qu'à la période hellénistique p2). On y a trouvé un temenos avec peut-être les traces d'un arbre sacré. Rien ne permet d'assurer que le sanctuaire ait été dédié à Artémis. Au contraire, le type des figures archaïques retrouvées l'associerait plutôt avec le culte d'Aphrodite.
(45) (46) (47) (48) (49) (50) (51) (52)
Masson./CS, p. 275 et note 3. Id., p. 233 sqq. BCH 97 (1973), p. 665. Karageorghis, Kition, p. 107 sqq. Myres, CM Cat., p. 153. Yon, Salamine, publication de 140 statues et statuettes, et p. 142-144. Hymnes, Aphrodite III, 4. BMCat., Terracottas, p. 7-13 ; SCE IV 2, p. 9-10.
219
CHAPITRE IX
Amathonte où ont été trouvées des figurines féminines, mais aussi des objets très orientaux (53). Amathonte était fortement exposée aux influences orientales, mais on sait d'après les textes qu'il y avait là un culte d'Aphrodite, d'Adonis et d'Ariane. Lapithos où ont été découvertes des statuettes, mais aussi des figurines populaires représentant des femmes à l'enfant, des femmes en couches. Lapithos semble avoir été un lieu de culte en rapport avec la maternité et les puissances de fécondité. La grotte dans laquelle ont été recueillies ces figurines devait être un sanctuaire d'une déesse-mère. Lapithos était déjà le lieu d'origine de presque toutes les belles idoles du Chyp. Moy. Kythrea a livré aussi des figurines de types divers et des objets de culte. De nombreuses inscriptions à l'Aphrodite de Paphos y ont été retrouvées et Cesnola déclare y avoir retrouvé deux temples d'Aphrodite (54). La région de Vounì, Soli, Lefka et Morphou a dû abriter également des lieux de culte (55). La région de Paphos qui était restée étonnamment stérile pour la période allant de la fin du Bronze Récent à l'époque romaine vient de produire un abondant matériel prouvant que le site était demeuré sans discontinuité un lieu de culte. Deux sites de sanctuaires agraires à Yeroskipou ont livré un matériel archaïque important (56) et le site même du temple a donné récemment des centaines de figurines des périodes géométrique, archaïque et classique (57). Il semble donc que de nombreux lieux de culte d'une divinité féminine aient existé à Chypre, soit sur le site des grands sanctuaires tra ditionnels, soit dans des sanctuaires agraires. Le problème est de savoir si une seule divinité féminine était adorée à Chypre à l'époque archaïque ou si déjà il existait un culte de différentes déesses. On ne possède aucun document de cette époque nous renseignant sur le panthéon chypriote du Vlème s. La différenciation en déesses distinctes ne s'est peut-être pas encore faite. Et les inscriptions syllabiques ne témoignent pour la plupart que du culte d'une wa-na-ssa ou pa-pi-ya ou ko-lo-ki-a. On peut penser qu'il y avait à l'Age du Fer une seule et même divinité de la fécondité adorée sous des appellations locales telles que la Paphienne, la Golgienne, la wa-na-ssa. Cette divinité' n'aurait été quali fiée d'Aphrodite qu'à une date assez tardive. Ce n'est peut-être qu'à
543-547.
220
(53) Murray, Excavations in Cyprus, p. 89 sqq ;BMCat. Terracottas, p. 26 sqq. (54) Myres, CM Cat., p. 5 ; Masson, /CS, p. 258-265. (55) Pour les sanctuaires plus récents de Vouni et Soli, voir SCE III, p. 110-111 et (56) Voir note 2, p. 200, ci-dessus. (57) Fouilles de la Mission suisse-allemande 1976.
LA FIN DE L'ARCHAÏSME (Vlème)
l'époque classique que s'est opéré le syncrétisme entre les divinités fémi nines grecques et la divinité chypriote. La Grande Déesse se différenciera en Athéna, Artémis, Héra et Demeter dont les noms apparaissent dans les inscriptions de date plus récente (IVème s.) (58). Certes, un dieu masculin était aussi l'objet d'un culte dans des sanctuaire-s qui lui étaient consacrés comme, par exemple, le sanctuaire de Dhali, d'Ayia Irini ou de Lefkoniko ; c'était aussi un dieu de la fécondité. Les offrandes présentées à la divinité : fleurs, fruits, colombes, petits animaux, évoquent un culte de la fécondité qui convient fort bien à la nature de la Grande Déesse. Ce sont les offrandes qui lui étaient déjà présentées au VHIème s. Jusqu'à preuve du contraire, c'est-à-dire jusqu'à la découverte d'inscriptions explicites du Vlème s., il semble qu'il faille considérer les diverses représentations de figures féminines comme des images en rapport avec le culte de la Grande Déesse qui ne s'appelait pas encore couramment Aphrodite. De même, les différents lieux de culte attestés par les découvertes de figurines seraient encore au Vlème s. des sanctuaires plus ou moins importants ou parfois rustiques de la Grande Déesse. Au Vlème s. a.C, l'iconographie religieuse est plus riche que jamais : représentations sur vases, figurines de terre cuite modelées à la main ou moulées, statuettes et statues de terre cuite et de calcaire ; le mat ériel reste toujours d'inspiration religieuse traditionnelle. Les mêmes thèmes sont représentés depuis le début de l'Age du Fer : les scènes d'ado ration de la divinité, avec la représentation de personnages faisant les gestes rituels, et les scènes de culte, avec la représentation de musiciens et musiciennes sacrés et de porteuses d'offrandes. Si la grande sculpture paraît un peu figée vers le milieu du Vlème s., lorsqu'elle commence à suivre la mode égyptienne, puis la mode ionienne, elle n'est cependant pas uniquement décorative et elle traduit des préoccupations religieuses encore sincères ; l'imagerie populaire témoigne du besoin spontané de représenter des figures en rapport avec le culte. A l'aube des temps clas siques, la religion chypriote semble être toujours vivante, s'étant conservée sous sa forme traditionnelle. La divinité· elle-même est peu représentée. La plupart des repré sentations paraissent être des images de personnages humains, musiciens (musiciennes), porteuses d'offrandes, prêtresses. Seules les figures nues inspirées par les modèles orientaux pourraient être des images de déesse.
(58) Y on, Salamine, p. 143.
221
CHAPITRE IX
Encore ces modèles s'humanisent-ils très tôt sous la main des artisans chypriotes. Les figures assises sur un trône pourraient aussi représenter des figures divines, mais elles ressemblent à des prêtresses. En fait, une grande ambiguïté règne depuis les premières représentations chypriotes : on ne sait s'il s'agit de représentations de déesses ou de simples mortelles (59). Les femmes à l'offrande sont-elles des fidèles qui apportent leur offrande ou des déesses qui l'ont acceptée ? L'explication la plus probable, ainsi que le suggère M. Yon, est celle qui voit dans ces figures féminines des prêtresses symbolisant la déesse : " les divinités devaient être repré sentées sur le même modèle que leurs adorateurs et adoratrices par un anthropomorphisme universellement répandu". La représentation rel igieuse reste humaine, mais elle symbolise le divin.
(59) Id., p. 142.
222
CONCLUSION
Qu'a apporté de nouveau l'étude des diverses représentations en rapport avec la Grande Déesse dans l'iconographie chypriote ? Y a-t-il eu une Grande Déesse chypriote ? Quelle était sa nature ? Quelle a été la relation entre la déesse chypriote et l'Aphrodite grecque ? Certes, l'étude de toutes les représentations connues, en terre cuite, en bronze, en pierre, en or, sur vases et sur bijoux, a permis d'obtenir une image plus complète de ce qu'a pu être la Grande Déesse de Chypre aux diffé rentes époques ; mais en l'absence de textes chypriotes, l'interprétation reste toujours incertaine. On a tenté cependant de chercher la réponse à diverses questions. 1) A quelle époque le culte d'une divinité féminine de la fécondité est-il apparu à Chypre ? La civilisation néolithique a laissé des figurines de pierre dont on ne peut dire clairement si elles représentent des formes masculines ou fémi nines. Elles témoignent peut-être d'un culte des ancêtres. On pratiquait certainement aussi un culte de la fécondité, car on a retrouvé des repré sentations de phalli. Les idoles se perpétuent sous une forme à peu près semblable jusqu'à la fin de la période où des formes nettement féminines apparaissent. La culture néolithique de Chypre semble disparaître à la fin du IVème millénaire, mais laisse peut-être certaines formes en héritage à la culture chalcolithique qui surgit au Illème millénaire. Cette culture chalcolithique connaît un culte des forces de fécon ditésymbolisées par la femme. Ce sont les figurines chalcolithiques en argile aux caractères sexuels fortement marqués qui représentent la pre mière image de la déesse féconde de Chypre. Les élégantes idoles en stea tite de la même époque, apparemment féminines dans leur abstraction, témoignent aussi de croyances en des forces de fécondité. La région de Paphos est le berceau de ces idoles. Les origines du culte d'Aphrodite remonteraient-elles à cette date ?
223
CONCLUSION
La culture chalcolithique disparaît également à la fin du Illème millénaire. Cependant, de nombreuses survivances ont dû se conserver au fond de la conscience populaire et dans l'iconographie. Le culte de la déesse de la fécondité s'est peut-être transmis depuis cette époque jus qu'au Chyp. Ane. C'est en tout cas à partir de cette nouvelle période que la figurine féminine cultuelle devient un élément constant de l'icono graphie religieuse. La culture du Chyp. Ane. introduit à Chypre un nou veau culte des forces de fécondité symbolisées par le serpent et les animaux à cornes, qui se célébrait dans des cérémonies assez complexes. Très marqués par leur religion, les Chypriotes de ce temps se mettent à représenter des scènes de culte qui témoignent d'une conscience rel igieuse déjà très riche. Toute l'iconographie du Chyp. Ane. aboutit à la création d'une idole féminine plate, aux formes très stylisées, vêtue, ornée de bijoux, que l'on dépose dans les tombes. Cette idole, issue de l'imagination chypriote plutôt que de l'imitation d'un modèle orient al,représente-t-elle une fidèle, une prêtresse ou une déesse ? Déjà l'incer titude commence dans l'interprétation des figurines religieuses chypriotes. Femme ou déesse, l'idole plate du début du Ilème millénaire est la pre mière d'une longue lignée de figures mi-humaines, mi-divines qui symbol iseront pendant quinze siècles la Grande Déesse.
2) Est-ce que la Grande Déesse a été à Chypre la divinité toute puissante ? La plupart des représentations religieuses chypriotes sont centrées sur le personnage de la Grande Déesse ou de sa prêtresse. A l'époque chalcolithique comme au Bronze Ancien les figurines sont toujours des idoles féminines, et durant ces périodes il n'existe pas de représentation de dieu ou de figure masculine. C'est seulement au Chyp. Réc. que de belles statues masculines apparaissent, dont le dieu cornu d'Enkomi, le dieu au lingot, un dieu Baal. Cependant, on remarque que ces statuettes accusent de fortes influences étrangères. Il semble donc que la déesse de la fécondité ait été la seule adorée dans l'île jusqu'au Xllème s., époque à laquelle des dieux auraient été introduits soit d'Orient, soit du monde grec. Le dieu masculin deviendra plus tard un Apollon aux nombreuses épithètes, dieu de la fécondité. Mais la grande déesse demeure, tout au long des époques obscures des temps géométriques et archaïques, l'objet de la vénération populaire souvent glorifiée sur les vases, évoquée par de nombreuses figurines. Elle partage cependant son pouvoir avec le dieu mâle qui suscite aussi de nombreuses offrandes de figurines de guerriers ou d'adorateurs. Elle a dû pourtant rester la wa-na-ssa toute puissante à Chypre jusqu'au Vème s. a.C.
224
CONCLUSION
3) Sous quelle forme peut-on imaginer la Grande Déesse Chypriote ? On ne peut l'imaginer qu'à travers les représentations de figures féminines connues de l'époque chalcolithique, de l'Age du Bronze et de l'Age du Fer. A l'époque chalcolithique la figure féminine paraît nue ou porte des bracelets ou une étole sur les épaules, tels des insignes d'une fonction sacrée. Elle est représentée les bras étendus en croix et les jambes repliées dans une position qui évoque peut-être celle de la femme en couches ; parfois elle est double, ayant dans les bras une autre figure qui est peut-être un enfant. Au Chyp. Ane, vers 2000-1850 a.C. la figure féminine prend l'aspect d'une idole plate aux oreilles percées ornées de boucles, au costume richement décoré, au cou entouré de colliers, qui tient parfois un enfant dans ses bras. La femme à l'enfant ou la déesse-mère est une représentation fréquente dans l'iconographie chypriote, caractéristique d'une culture où la femme à l'enfant est glo rifiée en tant qu'image de la puissance fécondante de la Grande Déesse. Au Chyp. Moy., entre 1850 et 1600, la figure plate prend du volume, s'arrondit, et sous l'influence déterminante de l'Orient, se transforme en une figurine de femme aux formes pleines et aux attributs sexuels très marqués. Cette idole encore maladroite exprime la profonde croyance chypriote aux forces de fécondité. Au Chyp. Réc. II elle s'épanouit pleinement en une figure féminine nue à tête étrange, aux gros yeux, au nez crochu, aux immenses oreilles percées ornées d'anneaux ; image de la femme féconde elle tient de ses mains ses seins volumineux. Cette image était la représentation populaire d'une divinité dont le culte devait déjà être devenu au Xllème s. plus complexe qu'un simple culte de la fécondité. Cette déesse s'était déjà changée en une déesse du cuivre, une Astarté au lingot, associée à un dieu du cuivre, et elle régnait sur de vastes et riches sanctuaires. C'est là son nouvel aspect illustré par les figurines de bronze : elle est représentée nue, plantée sur un lingot, por tant autour du cou un lourd insigne pendu à un cordon. C'est peut-être la déesse que les Achéens connurent quand ils vinrent à Chypre et qu'ils adoptèrent sous le nom d'Aphrodite. Pendant tout le Ilème millénaire l'idole féminine chypriote présente un caractère oriental très marqué : elle est nue et a tous les attributs de la femme féconde. Avec la venue des Achéens qui s'installèrent à Chypre et tran sformèrent profondément la culture locale, la Grande Déesse change d'aspect. Sous l'influence vraisemblablement de modèles crétois, elle se transforme en une figure vêtue et imposante qui fait de ses deux bras levés un geste d'invocation ou de bénédiction. C'est là la nouvelle image de la déesse chypriote : elle est vêtue d'une longue robe qui laisse voir ses seins, et elle porte des insignes hiératiques ainsi qu'un polos, telle une prêtresse qui s'identifie à la déesse. Cette image se perpétue long temps, durant tout l'Age du Fer.
225
CONCLUSION
Mais l'Orient toujours proche introduit à nouveau à Chypre son imagerie religieuse. Les déesses nues orientales aux mains sur les seins ou les Astartés maîtresses des chevaux et des lions se répandent à Chypre. Chypre les accepte, les copie, suit la mode, mais au fond reste fidèle au modèle digne et grave de la déesse-prêtresse en grand costume. Depuis sa conversion à l'hellénisme, la conscience religieuse chypriote répugne à la nudité et aux images trop outrées, préférant à l'imagination orientale les modèles humains. Ainsi la Grande Déesse chypriote tire de ses origines orientales sa nature de déesse de fécondité, protectrice de la vie et de la nature, des hommes et des animaux ; mais elle est aussi toute puissante et parfois redoutable. Elle peut prendre des formes fantastiques. De ses origines grecques elle a hérité d'une grande dignité et elle aime se présenter sous une forme humaine qui n'a rien de surnaturel. Laide et étrange durant tout l'Age du Bronze, elle devient belle et humaine à l'Age du Fer. La beauté n'était pas à l'origine sa vertu principale, mais la force fécondante de sa nature.
4) Que savons-nous du culte de la Grande Déesse ? Les représentations sur les vases de métal et de céramique de l'Age du Fer nous renseignent sur les pratiques du culte. La déesse reçoit des offrandes de fleurs, de fruits, de poissons ; elle est entourée d'arbres fleuris et d'oiseaux ; des danseuses ou danseurs, des musiciens ou musi ciennes sacrés célèbrent des fêtes en son honneur, tandis que des por teuses d'offrandes lui font tous les dons possibles en fleurs, fruits et gâteaux. L'iconographie chypriote qui par pudeur représente si peu la déesse, reproduit en abondance des images de prêtresses et de fidèles ; ce ne sont, pendant la période archaïque, que portraits de prêtresses aux fleurs, de musiciennes ou de porteuses d'offrandes ; on les retrouve sur les vases, dans les terres cuites et dans la sculpture. Il semble que le culte de la Déesse s'épanouisse pleinement à l'Age du Fer. C'est un culte où le fantastique oriental n'a pas de place, mais que le réalisme et l'h umour chypriotes transforment en une grande fête humaine. Sans doute les Chypriotes ont-ils continué à croire en la Grande Déesse jusqu'au Vlème s. a.C, époque où le panthéon grec a été introduit à Chypre avec de nouvelles déesses qui ont peu à peu pris la place de la Déesse chypriote.
226
CONCLUSION
5) Quel rapport y-a-t-il eu entre la Grande Déesse chypriote et l'Aphrod ite grecque ? Les Achéens ne connaissaient avant leur venue à Chypre aucune déesse Aphrodite. C'est à Chypre qu'ils auraient donc connu la Grande Déesse qui était aussi au Xllème s., et peut-être même avant, la déesse protectrice du cuivre. La divinité chypriote aurait été adoptée et tran sformée en une déesse grecque, l'Aphrodite de la mythologie grecque, dont le mariage avec le dieu de la métallurgie s'explique alors aisément. Les Achéens auraient aussi adopté en le transformant le nom de cette divinité. D'un nom sémitique *Attor(i)t, qui aurait été soit le nom de la divinité à Chypre, soit le nom que lui donnaient les Levantins, les Achéens auraient tiré le nom d'Aphrodite. L'hypothèse linguistique s'accorde en effet avec les faits historiques et archéologiques, mais ce n'est qu'une hypothèse. Par la suite l'Aphrodite grecque devait évoluer indépendamment dans le contexte religieux grec, tandis que la divinité chypriote gardait son caractère de déesse de fécondité durant tous les siècles suivants jusqu'aux temps classiques. Cette étude a essayé de rassembler le plus possible de matériel concernant la Grande Déesse chypriote et son culte, mais elle ne prétend pas avoir épuisé le sujet. On a pu juger de l'importance de cette divinité à Chypre ; on a pu suivre l'évolution dans la représentation de la figure divine et de ses adoratrices. On a pu discerner les diverses influences sous lesquelles a pris forme peu à peu son image. Mais on ne peut dire que l'on connaisse encore très bien le visage de la wa-na-ssa, ni sa nature profonde, ni la mythologie qui la concerne. Il faut attendre de nouv elles découvertes archéologiques et épigraphiques. Il faut encore que la terre chypriote parle pour nous livrer ses secrets, s'il est permis d'espérer que les archéologues pourront continuer leur œuvre de paix dans l'île déchirée d'Aphrodite : Belle déesse, amoureuse Cyprine, Mère du Jeu, des Grâces et d'Amour, Qui fais sortir tout ce qui vit, au jour, Comme du tout le germe et la racine : Idalienne, Amathonte, Ericyne, Garde du ciel Chypre ton beau séjour : Baise ton Mars, et les bras à l'entour De son col plie, et serre sa poitrine. Ne permets point qu'un barbare seigneur Perde ton île et souille ton honneur : De ton berceau chasse autre part la guerre. Tu le feras : car d'un trait de tes yeux Tu peux fléchir les hommes et les Dieux, Le Ciel, la Mer, les Enfers et la Terre.
Ronsard (Amours Diverses, LVIII) 227
CHRONOLOGIE CHYPRIOTE
PÉRIODE la Ia-b
Néolithique
II Chalcolithique
<
Bronze Ancien Chypriote Ancien
{il III
Bronze Moyen
I-III
Chypriote Moyen Bronze Récent Chypriote Récent
Chy pro -Géométrique < lì Chypro-Archaïque
228
\
DATE a.C.
SITES IMPORTANTS
5800-5250 env. 5000-3875 3500-3000
Khirokitia Philia-Drakos Troulli, Ayios Epiktitos-Vrysi. Sotira
3000-2500 2500-2300
Erimi Ambelikou
2300-2100 2100-2000 2000-1850
Philia Vounous Lapithos
1850-1600(1550)
KalopsidKa
1600-1400 1400-1230 1230-1050
Enkomi, Kition
1050-950 950-850 850-700
Lapithos
700-600 600475
Salamine
CLASSES DE CÉRAMIQUES MENTIONNÉES Céramique peignée Céramique peinte en rouge sur fond blanc
Combed ware
Néolithique II
Red-on-White ware
Chalcolithique I
Céramique rouge polie
Red Polished ware
Céramique peinte sur fond blanc Céramique à base annulaire Céramique mycénienne Céramique peinte sur fond blanc Céramique Bichrome I
White Painted ware Base Ring ware Mycenaean ware
Céramique Bichrome II
Bichrome II ware
Céramique Bichrome III Céramique Bichrome IV Céramique Bichrome V
Bichrome III ware Bichrome IV ware Bichrome V ware
Technique en bonhomme de neige
Snowman Technique
Proto-White Painted ware Bichrome I ware
i Chyp. Ancien \ Chyp. Moy. Chyp. Moy. Chyp. Réc. Chyp. Réc. Xlème s. a.C. Chyp. Géom. I Chyp. Géom. II Chyp. Géom. III Chyp. Arch. I Chyp. Arch. II ( Chyp. Géom. \ Chyp. Arch.
229
INDEX DES OBJETS ÉTUDIÉS I - REFERENCES MUSEOGRAPHIQUES ALLEMAGNE Berlin Musée de Berlin : Amathonte, plaque à figurine, or, Chyp. Géom. Ill Chyp. Arch. Idalion, idole, Base-Ring, Bronze Rèe. Idalion, plaque à figurine, or, Chyp. Géom. Ill Chyp. Arch. Kourion, plaque à figurine, or, Chyp. Arch. I Lapithos, idole, Bronze Anc. Tamassos, coffret, pierre, Chyp. Géom. HI - Chyp. Arch. I. In Ohnefalsch-Richter, Kypros, pi. XXV, 13, plaque à figurine, or, Chyp. Géom. HI (?). CHYPRE Famagouste Musée de Famagouste : Gypsou, moule de figurine, Chyp. Géom. Ill - Chyp. Arch. I
Pages
Planches
157 74 156 158 56 152-3 155
152
v. Salamine (St-Barnabé). Collection Hadjiprodromou : 341 351 353 355
(Margi), idole-berceau^etf/O/., Bronze Moy. (Psillatos), idole, Base-Ring, Bronze Rèe. (Ayios Iakovos), id. v. 1333 sv. .
682 (Margi ?), vase, Red Pol, Bronze Anc. 887, idole, steatite, Chalc. 888, id. 889 (Souskiou), id.
64 83
17, f 20, b
46 26 25 25
14, b
8,b
231
INDEX DES OBJETS
Pages 890, idole, steatite, Chalc. 891, id. 892, id.
25 25 24
895 (Souskiou), pendentif, steatite, Chalc. 900 (Souskiou), id. 901 (Souskiou), /d
27 27 27 27 26
906 (Souskiou), id. 924, idole, steatite, Chalc. 925, id. 1333-1335 et 355 (Avgorou et Chatos), figurines, Base-Ring, Bronze Rèe. pendentifs, steatite, Chalc. bol, Red Pol., Bronze Ane. idole-berceau, Bronze Ane. vase , Red Pol. , Bronze Ane. idole, Red Pol., Bronze Moy. idoles, Base-Ring, Bronze Réc. idole (Ayios lakovos), Base-Ring, Bronze Réc. idole (Psillatos), Base-Ring, Bronze Réc. applique murale, Chyp. Géom. III figurine, Chyp. Géom. III - Chyp. Arch.
Planches 8,c 8,d
9,b
26 81-82 27-28 37 n. 21
19, a
56 46 64 82 74 74 145
24, a
151
Larnaca Musée de la Fondation Piérides (Coll. Z. Piérides) : Pier. Coll., 2, pendentif, steatite, Chalc. Pier. Coll., 8, vase, Red Pol., Bronze Ane. Pier. Pier. Pier. Pier.
Coll., Coll., Coll., Coll., Chyp.
9, pyxide, Bronze Ane. 12, idole-berceau, Bronze Ane. 14, idole, White Painted, Bronze Moy. 67 (Amathonte ?), amphore, Bichrome V, Arch. II
Pier. Coll., 71 , figurine, Chyp. Arch. Pier. Coll., 80, figurine, Vlème s. a.C. idole, steatite, Chalc. idole triple, steatite, Chalc.
232
27 46,52 51 56 66
17, b
194
31, c
142 212-3 24-25 26
9,c-d 10, a
I - MUSÉES ET COLLECTIONS
Pages grand bol (Margi), Bronze Ane. cruche (Kotchati), Bronze Ane. vases rituels (Kotchati), Bronze Ane. figurine-vase, Proto-White Painted, Xlème s. a.C. figurine aux bras levés, Chyp. Géom. III - Chyp. Arch.
Planches
37 n. 21 37 n. 21 37n.21 121 142
24, c
14 et 31
5,b
Limassol Musée de Limassol : 94,8 (Ayios Thomas), idole, pierre, Néol. 580/4 (Limassol), figurine, Proto-White Painted, Xlème s. 580/7, id. 580/8, id. Nicosie Musée de Chypre (Musée de Nicosie) : CM A 2 (Lapithos), idole, White Painted, Bronze Moy. CM A 4, idole, Bronze Ane. CM A 5, (Lapithos), idole, Bronze Ane. CM A 25 (Laçithos), idole, White Painted, Bronze Moy. CM A 27, figurine myc. CM CM CM CM
A A A A
CM CM CM CM CM
A A A A A
CM A
126
21, b
126 126
20, e
66 55 55
16, a
66
29, 30, 31. 39
id. 86 figurine en tau, Bronze Réc. 88 n.65 figurine myc. 86 (Katydhata), idole, Base-Ring, Bronze Réc. 83 18, c 44 (Maroni), idole, Base-Ring, Bronze Réc. 82 46, idole, Base-Ring, Bronze Réc. 83 19, b 51, id. 82 52, id. 82 60 (Enkomi), figurine-vase Proto-White Pain ted, Xlème s. a.C. 121 20, d 61, idole, Base-Ring, Bronze Réc. 74
CM Β 26, figurine, Chyp. Géom. -Chyp. Arch.
143
24, b
233
INDEX DES OBJETS
Pages CM Β 31, id. CM Β 48 (Lapithos), figurine, Vlème s. a.C. CM Β 51 (Kamelarga), figurine, Vlème s. a.C. CM CM CM CM
Β Β Β Β
56 (Lapithos), figurine, Vlème s. a.C. 65 (Lapithos), id. 97, statuette, pierre, Vlème s. a.C. 145 (Arsos), statue, pierre, Vlème s. a.C.
CM Β 190, figurines, Chyp. Arch. II CM Β 191, /rf. CM CM CM CM CM CM
Β Β Β Β C C
CM C CM C CM C CM C CMC CM C CM C CM C
219, W. 388, amphore, Bichrome V, Chyp. Arch. II 1407, bol, Bichrome V, Chyp. Arch. II 1988, cratère, Bichrome III, Chyp. Géom. III 2020, amphore, Bichrome IV, Chyp. Arch. I 75, sanctuaire, Vlème s. a.C. 209 (Kamelarga), figurine à lampe, Vlème s. a.C. 292 (Arsos), figurine, Vlème s. a.C. 330, figurine, Chyp. Géom. I 333, id. 362, id. 364, id. 369, id. 408 (Arsos), figurine, Vlème s. a.C. 681 (Arsos), id.
CM C 1036, figurine, Chyp. Géom. I CM W 290, idole, steatite, Chalc. CM W 291,(Paphos),/tf. CM W 292, id. CM W 293, idole, pierre, Néol. CM 1933/1 - 17/1 (Vounous ?), idole, Bronze Ane. CM 1933/VI - 7/7 (Vounous), cruche, Bronze Ane. CM 1933/XII - 13/6 (Alaminos), idole, terre cuite, Chalc.
234
144 205 205 206 205 213
Planches 28, c 35, b 29, a 28, c
215 201 201 201
36, 29, 30, 30,
194 192 170 190 204
27, a
a c a b
28, a
205 35, a 208 34, c 137 n.91 137 n.92 21, d 137 n. 91 137 n.91 137 n.91 207 34, b 207 34. e 137 n.91 24 25 24 14,31 et 23 n.44 55 37 n. 18 21
7, a
I - MUSÉES ET COLLECTIONS
Pages CM 1933/XII - 13/7 (Alaminos), idole (tête), terre cuite, Chalc. CM 1934/III - 2/2 (Yalia), idole, steatite, Chalc. CM 1934/IV - 27/6, figurine, Proto-White Painted, Xlème s. a.C. CM 1934/IV - 27/23, idole, Base-Ring, Bronze Réc. CM 1934/VII - 18/2 (Skouriotissa), idole, Red Pol Bronze Moy. CM 193 6/ VI - 18/1 (Nicosie), figurine, bronze, Bronze Réc. CM 1937/V - 22/1, figurine vase, Proto-White Pain ted, Xlème s. a.C. CM 1938/11 - 14/1 (Akaki), idole, Red Pol., Bronze Moy. CM 1938/IV - 8/3, figurine, Chyp. Géom. - Chyp. Arch. CM 1938/XI - 2/3, amphore Hubbard, Bichrome III, Chyp. Géom. III CM 1938/XII - 5/1 , cratère, Chyp. Géom. III CM 1939/1 - 18/1, cruche, Bichrome V, Chyp. Arch. II CM 1941/11 - 25/1 , cruche, Bichrome IV, Vllème s. CM 1942/X - 17/1 (Margi), vase à double goulot, Bronze Ane. CM 1943/IV - 13/4 (Dhenia, T. 1/6), idole, Red Pol., Bronze Ane. CM CM CM CM
20 24
8, a
63
17, d
105
20, b
121 65 144
24, e
173 169 193 186 et 7
31, b 32, a
46 56 187
218 23
CM 1948/V - 17/2 (Omodos), idole (tête), andésite, Néol. II CM 1948/VI - 4/1 , figurine mycénienne
14 86
Bichrome IV-V,
6,b
122 74
1943/ VIII - 6/2, amphore, Chyp. Arch. I 1944/XII - 9/3 (Idalion), figurine, Chyp. Arch. II 1945/VII - 17/1, idole (tête), terre cuite, Chalc. 1946/XII - 24/2 (Idalion), statue (tête), pierre, Vlème s. a.C. CM 1947/XII - 1/2, idole, Chalc.
CM 1951 /XI - 27/1, amphore, Chyp. Arch.
Planches
17, a 29, b
20
191
36, c
32, c et 33, a
235
INDEX DES OBJETS
Pages CM 1958/V
- 7/3 (Morphou), figurine, Géom. Ill - Chyp. Arch.
Chyp.
CM 1959/IV - 16/3, statuette, pierre, Vlème s. a.C. CM 1959/XI - 3/6 (Salamiou), idole, steatite, Chalc. CM 1963/IV - 20/12 (Dhenia ?), idole, Bronze Ane. CM 1963/IX - 19/1 (Salamine), statuette, terre cuite, Vlème s. a.C. CM 1963/X - 4/4, amphore, BichromelV, Chyp. Arch. I. CM 1964/IX - 8/8, idole, Base-Ring, Bronze Réc. CM 1964/XII - 19/3, cratère, White Painted III, Chyp. Géom. Ill CM 1965/VI - 1/26, figurine, Chyp. Géom. III Chyp. Arch.
Planches
139 et 142 23, a 215 25 9, a 55 16, d-e 211/3 187 et 190 74 20, a 168 144
CM 1968/V CM CM CM CM CM CM CM CM
- 30/103, amphoriskos, Proto-White 167 Painted, Xlème s. a.C. 1968/V - 30/113, pyxide, Proto-White Pain ted, Xlème s. a.C. 167 1968/V - 30/594, idole, Base-Ring, Bronze Moy. 63 1968/V - 30/596, idole, Base-Ring, Bronze Moy. 74 1969/V - 7/7, vase, Bronze Ane. 47 1969/V - 17/2 (Lefka), figurine, Vlème s. a.C. 207 1970/IV - 30/1 (Kotchati), sanctuaire, Bronze 43 Ane. 1970/V - 28/1 (Kotchati), sanctuaire, Bronze Ane. 43 1970/VI - 26/6 (Margi ?), vase, Bronze Ane. 52
22, c
CM 1970/VI - 26/10 (Margi ?), vase à double goulot, Bronze Ane. CM 1970/VI - 26/10, a, b, (frgt), Bronze Ane. CM 1970/VI - 26/11 (Margi ?), vase à double goulot (frgt) Bronze Ane. CM 1973/V - 7/1, moule de figurine, Chyp. Géom. III Chyp. Arch. CM 1973/IX - 19/1 (Paphos ?), plaque, figurine, or, Chyp. Arch. I CM 1973/XII - 7/1 (Chrysochou), cruche, Black-onRed, Chyp. Géom. III
236
17, c
34, a
15, d
46 49' n. 70 46
13, b
152
22, a, b
157
25, c
175
27, d
I - MUSÉES ET COLLECTIONS
Pages CM CM CM CM
Cat, Cat, Cat, Cat,
465 (Kythréa), idole, Base-Ring, Bronze Réc. 301 1, figurine, terre cuite, Vlème s. a.C. 301 3, id. 3023 -3047, id.
CM Cat, 3027, id. CM Cat, 307 r5, id. CM Cat, 3095, statuette, pierre, Vlème s. a.C. CM Cat, 3097, id. CM Cat, 3101, figurine, terre cuite, Vlème s. a.C. CM CM CM CM CM
Cat, Cat, Cat, Cat, Cat,
3103, id. 31 12, id. 3113 -31 15, 31 17, 31 19, id. 5064, statuette, pierre, Vlème s. a.C. 5217-5240, id.
CM CM CM CM
Cat, Cat, Cat, Cat,
5267, figurine, terre cuite, Vlème s. a.C. 5268, /d 5273, id. 521 β- 5281, id.
CM Cat, 5282, statuette, pierre, Vlème s. a.C. CM. Cat, 5296 ,id. CM Cat, 5299, figurine, terre cuite, Vlème s. a.C. CM Cat, 5301, statuette, pierre, Vlème s. a.C. CM Cat, 5302, 5303, figurine, terre cuite, Vlème s. a.C. CM Cat, 5503-551 l,id., Vlème s. a.C. CM Cat, 5516. id. CM Cat, 5522- 5527, id. CM Cat, 5528- 5532, id. CM CM CM CM CM CM
Cat, Cat, Cat, Cat, Cat, Cat,
5540, id. 5552 -5556, /Vi. 5601, statuette, pierre, Vlème s. a.C. 5601 -5604, id. 5640, id. 5641, id.
Planches
174 213 213 214 213 211 217 217 216 216 215 216 214 217 213 213 213 217 211 216 216 211 216 205 216 215 215 205 205 216 211 211 214
237
INDEX DES OBJETS
Pages CM CM CM CM
Cat, Cat., Cat., Cat,
5650 5660 5673 5707
-5659, id. - 5662, figurines, terre cuite, Vlème s. - 5674 (?), statuettes, pierre, Vlème s. - 5709, figurines modelées, Vlème s.
214 212 216 201
CM Cat, 5718, figurines, terre cuite, Vlème s. CM Cat, p. 153, figurines, terre cuite, Vlème s. CM Cat in SCE IV IB, p. 154, type III, 1, idole, White Painted, Bronze Moy.
211 205
Planches
65
Voir indiquées" aussi l'indication dans l'index CM "Provenances pour les sites de : Ayia Irini, Erimi, Khirokitia, Kition, Lapithos, Lemba, Petra tou Limniti, Salamine, Sotira, Souskiou, Vounous. Collection G.G. Piérides : cruche, Bichrome IV, Chyp. Arch. I Collection K. Severis : 1539, idole , Plain Ware, Bronze Moy . 1540 -1 542, id. 1567, id. Collection privée : moule de figurine, Chyp. Géom. III - Chyp. Arch.
1 88
30, c
66 66 66
1 7, c
152
Paphos Musée de Paphos : 1258 (Salamiou), idole, steatite, Chalc. 1 503 (Ayia Mavri), idole, pierre, N: S.,
24 14
DANEMARK Copenhague Musée National : 1059, amphore, Bichrome V, Chyp. Arch. II
238
194
3713, idole, Base-Ring, Bronze Réc. 6534, idole, Bronze Ane. 6565, id.
83 ,55 55
SCE IV 1 B, fig. 16-2, idole, Red Pol., Bronze Moy.
63
1 8, b
I - MUSÉES ET COLLECTIONS
ETATS-UNIS Chicago Oriental Institute Museum : Χ. 11 161, idole, Red Pol., Bronze Moy.
Pages
Planches
63
16, f
168 190
32, b
New-York Metropolitan Museum : 74 - 51 - 437, trépied, Bichrome III, Chyp. Ge'om. III 74 - 51 ■ 509, cruche, Bichrome IV, Chyp. Arch. 74-51 - 1536 (Ayia Paraskevi), idole, White Painted, Bronze Moy. 74 - 51 - 1537, idole, Dark Slip, Bronze Moy. 74-51-1538 (Alambra), idole, White Painted, Bronze Moy. 74 - 51 - 1609, figurine, Chyp. Géom. Ill
66 68 66 142 143
74-51 -1610,/rf. 74-51- 5163, v.HCC 1666 HCC 1006, statuette, pierre, Vlème s. a.C.
216
HCC 1 007, id. HCC 1006 -1007, id. HCC 1033, id.
214 211 207
HCClOUJd. HCC 1083, id. HCC 1124 -1127, id.
213 215
HCC 1132-1 134, id. HCC 1135, id.
217 209 214
HCC 1263, id. HCC 1365 (Amathonte) sarcophage, Vlème s. a.C. HCC 1666, coffret de pierre, Chyp. Géom. III HCC 2009, idole, Base-Ring, Bronze Réc. HCC 2013, id. HCC 2014 -2015, id. HCC 2018, idole, Bronze Réc. HCC 2028, 2030 - 2034 (Kamelarga), figurines, terre cuite, Vlème s. a.C. HCC 2036, id. HCC 2054- 2056, id.
18, a 23, b 24, d
217
208
33, b
152 74 74
22, d
82 87 205 205 216
239
INDEX DES OBJETS
Pages #072143-2148,«/. HCC 2152, id. HCC 2153, id.
Planches
208 211 212 213
HCC 2154, id. HCC 2161, id. HCC 2164, id. HCC 2165 -2167, id. HCC 2 176 -2 180, /tf. //CC 2181 - 2190, figurines, terre cuite, Vlème s. a.C. HCC 2187- 2188, id. HCC 4561 (Idalion), coupe, bronze, Chyp. Géom. III Collection Cesnola, idole, Red Pol., Bronze Moy. Ormidhia, amphore, Bichrome III, Chyp. Géom. III
215 214 216 217 213 214 179 65 177
FRANCE Paris Musée du Louvre : AM 105, figurines (couple), bronze, Bronze Réc. AM 157, idole, Red Pol., Bronze Moy. AM 333, plaque murale, Chyp. Arch. I AM 393 A et B, amphore, Bichro me V, Chyp. Arch. II AM 393 D id. (frgt) AM 551 bis, idole, Red Pol., Bronze Moy. AM 552 bis, id. AM 632, cruche, Chyp. Arch. I. AM AM AM AM
240
194 63 64
50 67 189 20,21 63
AM 1 142, cruche, Bichrome IV, Chyp. Arch. I AM 1 176, idole, terre cuite, Chalc. AM 1459, idole, Red Pol., Bronze Moy. applique murale, Bichrome III, Géom. III
145, 150 194
188 89 48
676, cratère d'Aradippo, Bronze Re'c. III 816, terre cuite, Bronze Ane. 957, terre cuite, Red Pol., Bronze Ane. 972, terre cuite (bateau), Bronze Moy.
AM 1704,
107 64
Chyp.
146
7,b
I - MUSÉES ET COLLECTIONS
Pages AM 3451,
amphore, White Painted III, Chyp. Géom. Ili AO 4702 (Sparte), coupe, bronze, VlIIème - Vllème s. AO 17517 (Vounous), cruche, Bronze Ane. AO 22221, sanctuaire, Vlème s. a.C.
168 182 52 204
AO AO AO AO AO
64 66 75 203 203
22222, idole, Red Pol., Bronze Moy. 22223, idole, White Painted, Bronze Moy. 22224, idole, Base-Ring, Bronze Réc. Ν 3293, sanctuaire, Vlème s. a.C. 3294, id.
MNB
322 (Pyla), amphore, Bichrome III, Chyp. Géom. III, Cratère de Clercq, Bronze Réc. Coll. Feuardent (Alambra), idole, Base-Ring, Bronze Réc. Coll. Feuardent, idole (portant tambourin ?) BaseRing, Bronze Réc.
144, 169 91
Planches
23, c
75 75
Musée National de Sèvres : Vase, Bronze Ane.
46 n. 61
GRANDE-BRETAGNE Londres British Museum : Cat. Terracot, (1), A 2 (Kourion), idole, Base-Ring, Bronze Réc. Cat. Terracot, A 10 - 15 (Enkomi),z
74,75 74 82,83 83 212,213 214,215 211,214 216
(1) Walters (H.B.), Catalogue of the Terracottas in the British Museum, Londres, 1903.
241
INDEX DES OBJETS
Pages Cat. Terracot., A 91 (Larnaca), id. Cat. Terracot., A 9 5, id. Cat. Terracot., A 96, id. Cat. Terracot., A 97, id. Cat. Terracot, A 100 - 104, statue (frgts), Vlème s. a.C. Cat. Terracot, Arch. Cat Terracot, Cat Terracot, a.C. Cat Terracot,
A 123 (Palaepaphos), figurine, Chyp. A 124 - 125 (Palaepaphos), id. A 134 (Lapithos), figurine, Vlème s. A 136 (Lapithos), id.
Cat. Terracot, A 137, id. Cat. Terracot, A 140 - 145 (Lapithos), id Cat Terracot, A 147, statue (frgts), Vlème s. a.C. Cat. Terracot, A 156, figurine. Vlème s. a.C. Cat. Terracot, A 158 - 159 (Amathonte), id. Cat
Sculpt (2). C 234, 237, statuettes pierres, Vlème s. a.C. Cat. Vases (3), C 838 (Achna), plat, Bichrome V, Chyp, Arch. II Cat.
Vases, C 840, amphore, Bichrome V, Chyp. Arch. II Cat Vases, C 853 - 854, id. Cat. Jew. (4), 1485, plaque, or, Chyp. Géom. IH Chyp. Arch. I Cat. Jew., 1487- 1488, id. Amathonte, coupe, argent, Chyp. Ge'om. Ill BM 1897/4 - 1/1296 (Enkomi), support, bronze, Bronze Rèe. BM 1920/12 - 20/1 (Episkopi), id. BM 1928/1 - 17/25, cruche, Chypro-Arch. I
Planches
206 212,216 211 212 218 n. 44 140, 143
24 f
140, 143 217 202 212 201 218 n. 44 212,213 206 215 193
31, a
192 194 158 156 180 n. 49 106 n. 42 105 n. 40 188
(2) Pryce (F.N.), Catalogue of Sculptures in the British Museum, I, part II, Londres, 1931. (3) Walters (H.B.), Catalogue of the Greek and Etruscan vases in the British Museum, I, part II, Londres, 1912. (4) Marshall (F.H.), Catalogue of Jewellery in the British Museum, Londres, 1911.
242
I - MUSEES ET COLLECTIONS
Pages Oxford Ashmolean Museum : 1954 - 193, cruche, Chypro-Arch. I 1968 - 1242, idole, Base-Ring, Bronze Réc. "Figurine Bomford", bronze, Bronze Réc. III
Planches
187 83 104
GRÈCE Athènes Musée National : 11 592, idole, Base-Ring, Bronze Réc.
83
SUÈDE Stockholm Medelhavsmuseet : Petra tou Limniti, 42, idole, dolérite, Néol. Petra tou Limniti, 72, id.
10 10
State Histoncal Museum : idole, Red Pol., Bronze Ane.
55
SUISSE Collection privée, statuette, calcaire, Chalc. Collection privée, Xlème s. a.C.
figurine-vase,
Proto-White
32 Painted,
Collection privée (Berne), cruche, Bichrome IV, ChyproArch. I
122 n. 15 188
U.R.S.S. Leningrad Musée de l'Ermitage : Cruche, Chypro-Arch. I
187
243
INDEX DES OBJETS
II - PROVENANCES INDIQUÉES
Chypre Achna, v. British Museum, Cat. Vases, C 838
Pages 242
Akaki, v. Musée de Chypre, CM 1938/11 - 14/1
235
Alambra, idole, Bronze Ane.
55
Alambra, idole, Red Pol., Bronze Moy. Alambra, idole, Base-Ring, Bronze Réc. Alambra, v. Metr. Mus., 74 - 51 - 1538.
65 74
Alambra, v. Musée du Louvre, Coll. Feuardent
239 241
Alaminos, v. Musée de Chypre, CM 1933/XII - 13/6
234
Amathonte, Amathonte, Amathonte, Amathonte, Amathonte,
155 201
T. 8/130 et 142, plaques, or, Chyp. Arch. I T. 1 1/69, figurine, Vlème s. a.C. T. 25/1 , plaque, or, Chyp. Arch. I v. Musée de Berlin, plaque, or v. British Museum, A 158 et 159
Amathonte, v. British Museum, coupe, argent Amathonte (?), v. Musée Fondation Piérides, /¥er. Coll., 67 Angastina, T. 5/29, idole, Base-Ring, Bronze Réc.
155 231 242 242 232 82
Arsos,£Œ III, pi. CLXXXV, statuette, pierre, Vlème s. a.C. 211 Arsos, SCE III, pi. CLXXXV - CLXXXVI ; CLXXXVII, 1-2 ; CLXXXVIII, 5 ; CXC, 4-5, statuettes, pierre, Vlème s. a.C. 215 213 Arsos, SCE III, pi. CXCI, 3, statuette, pierre, Vlème s. a.C. Arsos, SCE HI, pi. CCII, 1-2, figurine, terre cuite, Vlème s. a.C. Arsos, SCE III, pi. CCII, 3, id. Arsos, SCE III, pi. CCIII, 3, id. Arsos, SCE III, pi. CCIII, 4, id. Arsos, SCE HI, pi. CCIII, 7-9, 11-12, id. Arsos, v. Musée de Chypre, CM Β 1 45 ;C 292 ;C 408 ;C 681 Avgorou, v. Coll. Hadjiprodromou, 1333 et sv.
244
201 202 211,216 211 208 234 232
Planches
II - PROVENANCES
Pages Ayia Irini, 1016 + 2505, 1052 + 2442, figurines, terre cuite, Vlème s. a.C. Ayia Irini, 1563 ■*- 2026 (CM), id. Ayia Irini, 1734, figurine, Chyp. Géom. III - Chyp. Arch.
Planches
Ayia Irini, 2362, id.
212 217 28, b 138 n. 97 138 n. 97, 139. 142 138 n. 97
Ayia Irini, 2804, id.
138. 143
Ayia Mavri, v. Musée de Paphos, 1503
238
Ayia Paraskevi, v. Metropolitan Museum, 74-51-1536
239
Ayia Irini, 2316, id.
Ayios Iakovos, Iron Age Sanct., 6, figurine, Chyp. Ge'om. I II
136, 142 137 136
Ayios Iakovos, Iron Age Sanct., 13, 16, id. Ayios Iakovos, Iron Age Sanct., 1 8, 29, 3 1 , 44, id. Ayios Iakovos, v. Coll. Hadjiprodromou, 353
231
Ayios Thomas, v. Musée de Limassol, 94.8
233
Chatos, v. Coll. Hadjiprodromou, 1333 et sv.
232
Chrysochou, v. Musée de Chypre, CM 1973/XII - 7/1
236
Dhali v. Idalion Dhénia, T. 1/6, v. Musée de Chypre, CM 1943/IV - 13/4 Dhénia (?), v. Musée de Chypre, CM 1963/IV - 20/12
235 236
Enkomi, 271, figurine double, bronze, Bronze Réc. III Enkomi, 614, 632, idole, terre cuite, Xlème s. a.C. Enkomi, 632 e,id.
103 124 125 126 125 124 125 126 125
Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi,
636, id. 636 e, 637, 638 g, 639, id. 641, id. 641 b, n, o, id. 641 r, id. 642, id.
Enkomi, 655, id. Enkomi, 657, id. Enkomi, 660 a, id.
124, 125 125 124
245
INDEX DES OBJETS
Pages Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi,
670, 674 e, 684, 827, id. 829, id. 844 a, id. 1 102, idole, terre cuite, ΧΠ-XIème s. a.C.
Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi,
1105, 1167, id. \\12,id. 1284, idole, Base-Ring, Bronze Réc. 1286, idole, terre cuite, XII - Xlème s. a.C. 1818, idole, Base-Ring, Bronze Réc. 3992, idole, terre cuite, XII - Xlème s. a.C. 4509/1, idole, Base-Ring, Bronze Re'c. 6180/5, idole, terre cuite, Xlème s. a.C.
Enkomi, 6180/6, idole, terre cuite, Xlème s. a.C. Enkomi, 6192/5- 7, id. Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi, Enkomi,
T. 2, figurine double, bronze, Bronze Réc. II T. 19/29 idole, Base-Ring, Bronze Réc. T. 67 idoles, Base-Ring, Bronze Réc. figurines (fragments), Chyp. Géom. I figurine à l'enfant, Bronze Réc, Dikaios, Enko mi I, p. 38
Enkomi, idole, terre cuite, Xlème s. a.C.,Alasia, I, fig. 153 Enkomi, v. British Museum, Cat. Terracot., A 10-18 Enkomi, v. British Museum, 1897/4 - 1/1296
125 124 125 120 121 120 76 121 75 120 75 125 n. 31, 136 136 136 103 84,87 76 135 94 125 n. 32 241
Enkomi, v. Musée de Chypre, CM A 60
242 233
Episkopi, v. British Museum, BM 1920/12 - 20/1
242
Erimi, Erimi, Erimi, Erimi,
51, pendentif, steatite, Chalc. I 376-377, idoles (têtes), terre cuite, Chalc. I 379 (CM), pendentif, picrolite, Chalc. I 423, idole (tête), terre cuite, Chalc. I
Erimi, Erimi, Erimi, Erimi,
502, idole, pierre, Chalc. I 500, idole, terre cuite, Chalc. I 617, idole (tête), terre cuite, Chalc. I 743 (CM), idole (tête), terre cuite, Chalc. I
246
Planches
27 20 27 19 23 23 19 19
6. a
II - PROVENANCES
Pages Erimi, Erimi, Erimi, Erimi, Erimi,
792 (CM), idole, terre cuite, Chalc. I 810, idole, pierre, Chalc. I 849 (CM), idole, terre cuite, Chalc. I 856, idole, terre cuite, Chalc. I 900, pendentif, steatite, Chalc. I
Erimi, 904, idole, terre cuite, Chalc. I Erimi, 963, idole (tête), terre cuite, Chalc. I Erimi, 973, idole, terre cuite, Chalc. I Erimi, 1 121, pendentif, steatite, Chalc. I Erimi, 1 141 , 1 187, idoles (têtes), terre cuite, Chalc. I Gypsou, v. Musée de Famagouste. Idalion (Dhali), 1428, figurine, Chyp. Géom. III - Chyp. Arch. I Idalion, 1429-1430, id. Idalion, idole, Base-Ring, Bronze Réc, Cesnola, Cyprus, p. 164 Idalion, v. Metropolitan Museum, HCC 4561 Idalion, v. Musée de Berlin. Idalion, v. Musée de Chypre, 1944/XII - 9/3 ; 1946/XII 24/2 Kalavassos, 46, idole (tête), terre cuite, Chalc. I Kalavassos, 57, statuette (tête), andésite, Chalc. I Kalavassos, idole-berceau, Bronze Ane. Kalopsidha, A 1293, sanctuaire, terre cuite, Bronze Ane. Kaloriziki, T. 1 1/5, amphore, BichromelII, Chyp. Géom. III Kamelarga, v. Metropolitan Museum, HCC, 2028 ; 20302034; 2036 Kamelarga, v. Musée de Chypre, CM Β 51 ; C 209 ; CM Cat., 5503-5511. Katydhata, v. Musée de Chypre, CM A 39. Khirokitia, 1 (CM), idole (tête), andésite, Néol. Khirokitia, 21 (CM), idole, pierre, Néol. Khirokitia, 135, Zii.
21 22 21
Planches 7,c 6,c
20 27 20 19 20 27 20 231 138, 143 138 74 240 231 235 20 31 n. 69 56 43 168 239 234 333 13 12 11
4,c 3,c
247
INDEX DES OBJETS
Pages
Planches
Khirokitia, 384 (CM), id. Khirokitia, 680 (CM), id. Khirokitia, 938 (CM), id.
11 12
2, a 3,d
12
2,d
Khirokitia, 948, id. Khirokitia, 967 (CM), id. Khirokitia, 1063 (CM), idole (tête), argile crue, Néol. Khirokitia, 1068 (CM), idole (tête), pierre, Néol,
12 12 12 13
4,b 2,b
Khirokitia, Khirokitia, Khirokitia, Khirokitia, Khirokitia, Khirokitia,
12 12 13 11 11 13
1073 (CM), idole, pierre, Néol. 1092 (CM), id. 1093, idole (tête), pierre, Néol. 1 175 B, idole, pierre Néol. 1401 (CM), id. 1404 (CM), idole (tête), pierre, Néol.
Kition, 381 (CM), figurine, Bronze Réc. III Kition, 382 (CM), id. Kition, 1 168, 2340, figurines, Chyp. Géom. III Kition, 3085, 3159, figurines, Chyp. Géom. III - Chyp. Arch.
126 126 138 n. 95
Kition, 3353, 3526, 3743, figurines, Chyp. Géom. III Kition, statuettes, pierre, Vlème s. a.C, SCE III, pi. XII, 371 + 457 et pi. XIII, 62 +182 +370
138 n. 95
Kotchati, v. Musée de Chypre, CM 1970/IV-30/I ; 1970/V 28/1 Kourion, v. British Museum, Cat. Terracot, A 2 Kourion, v. Musée de Berlin
241 231
Kythréa, 57, pendentif, steatite, Chalc.
27
Lapithos, T. 14, idole, Bronze Ane. Lapithos, T. 14/A1O,/<1
55 55
Lapithos, T. 18/206 (CM), id.
55 5.5
248
l,d 5, a 21, a 21, c
213
Kotchati, v. Musée Fondation Piérides, vases Red Pol.
Lapithos, T. 201, idole, Bronze Ane.
3, a
138 n. 95, 143
236 233
Lapithos, T. 21, itf. Lapithos, T. 21 / 1913, v. Musée de Chypre, A 5
4, a 3,b
233 55
16, b
II - PROVENANCES
Pages Lapithos, Lapithos, Lapithos, Lapithos,
T. T. T. T.
306 / 307 / 307 / 313 /
A 12, id. Β 13 (CM), id. Β 40, id. A 93, B. 20-21, id.
Lapithos, Lapithos, Lapithos, Lapithos, Lapithos, Lapithos,
T. 315 / B-C 28, id. T. 403/1 (CM), plaque, or, Chyp. Géom. Ill T. 403/ 3,41, id. T. 403 / 40 (CM), id. T. 403/ 92, id. T. 415, figurine, terre cuite, Chyp. Géom. II
Lapithos, Lapithos, Lapithos, Lapithos,
T. 417 / 1, 13-15, plaques, or, Chyp. Géom. Ill T. 419, figurine, terre cuite, Chyp. Géom. I T. 429 / C 22 (CM), cruche, Bronze Anc. v. British Museum, Cat. Terracot., A 136, A 139140, A 145
Lapithos, v. Musée de Berlin Lapithos, v. Musée de Chypre, CM A 2, A 4, A 25, Β 48, Β 56, Β 65 Larnaca, Larnaca, Larnaca, Larnaca,
ν. v. v. v.
British Museum, Cat Terracot., A 91 Musée de Chypre, CM 1937/V - 22/1 Musée de Limassol, 580/7 - 8 aussi Kition
Lefka, v. Musée de Chypre, CM 1969/V - 17/2 Lemba, 1976/54 (CM), statuette, calcaire, Chalc. I
55 55 55 55 56 155 156 154 154 137 154 137 51,58
Planches
16, c
25, b 25, a
15, c
242 231 233 sv. 242 235 233 236 30
Limassol, v. Musée de Limassol, 580
233
Margi, v. Musée de Chypre, CM 1942/X - 17/1 Margi, v. Coll. Hadjiprodromou, 341 Margi, v. Musée Fondation Piérides Margi (?), v. Musée de Chypre, CM 1970/VI - 26/6, 10, 1 1 Margi (?), v. Coll. Hadjiprodromou, 682
235 231 232 236 231
Marion, figurine, Vlème s. a.C.
207
Maroni, v. British Museum, Cat. Terracot., A 40
241
10, a
249
INDEX DES OBJETS
Pages Maroni, ν. Musée de Chypre, CM A 44 ; 1958/V - 7/3 Morphou (Toumba tou Skourou), figurine, Chyp. Géom. II - Chyp. Arch.
233
Morphou, v. Musée de Chypre, CM 1958/V - 7/3
139 236
Nicosie, v. Musée de Chypre, CM 193 6/ VI - 18/1
235
Omodos, v. Musée de Chypre, CM 1948/V - 17/2
235
Ormidhia, v. Metropolitan Museum
240
Palaepaphos, KC 204 a, 294 g, figurines, Chyp. Arch.
139
Palaepaphos, T. 1/7, kalathos, Xlème s. a.C.
Proto-White
Painted,
Palaepaphos, v. British Museum, Cat. Terracot., A 123-125
166 242
Paphos, v. Musée de Chypre, CM W 291 ; 1973/IX - 19/1
234,236
Petra tou Limniti, 27 (CM), idole, pierre, Néol. Petra tou Limniti, 42 ; 72, v. Medelhavsmuseet
10 243
Psillatos, v. Coll. Hadjiprodromou
231
Pyla, v. Musée du Louvre, MNB 322
241
Salamine, T. 79/155 (CM), pendant, bronze, Chyp. Arch. I
161 161
Salamine, T. 79/159, id Salamine, T. 79/165, 178 + 179, bronze, Chyp. Arch.
190, 198, frontaux,
Salamine, T. 79/203, chaudron, bronze, Chyp. Arch. Salamine, T. I (inv. Sal. 1382), figurine-vase, Xlème s. a.C. Salamine, v. Musée de Chypre, CM 1963/IX - 19/1 Salamine (St-Barnabé), Yon, Vlème s. a.C. Salamine Salamine Salamine Salamine Salamine Salamine
250
1043, statuettes, pierre,
(St-Barnabé), Yon, 42, 44-77, id. (St-Barnabé), Yon, 51, 53, id. (St-Barnabé), Yon, 62, id. (St-Barnabé), Yon, 68, 69, 81 etc . . ., id. (St-Barnabé), Yon, 77, 84-91, 122, 147, id. (St-Barnabé), Yon, 118 (Musée de Famagouste A 67), id.
Planches
25, d
160 162 122 236 211 213 214 215 214 215 214
36, b
II - PROVENANCES
Pages Salamiou, ν. Musée de Chypre, CM 1959/XI-3/6 Salamiou, v. Musée de Paphos, 1258
236 238
Skouriotissa, v. Musée de Chypre, CM 1934/ VII - 18/2
235
Sotira, 105 (CM), idole, calcaire, Néol.
Planches
13
4,d
26
10, b
Souskiou (Vathyrkakas), T. 3/6 (CM), collier, dentalia et steatite, Chalc. Souskiou, pendentif, steatite, Chalc. Souskiou, v. Coll. Hadjiprodromou, 889-891, 895, 900901,906
231-2
Tamassos, v. Mus. Berlin
231
Toumba ton Skourou, v. Morphou
250
27
Vathyrkakas, v. Souskiou Vounous, T. 2/77, bol, Red Pol., Bronze Ane. Vounous, T. 2/83, id
37 n. 18 36 n. 16 37 n. 18
Vounous, T. 2/91 (CM), pyxide, id.
37 n. 19 52
Vounous, T. 5/3, cruche, id.
36 37 37 36
Vounous, T. 5/16, coupe, id. Vounous, T. 8/ 17, id. Vounous, T. 11/19, cruche, id. Vounous, T. 13/23, bol, id. Vounous, T. 15/10, id. Vounous, T. 15/13, id. Vounous, T. 19/5, vase à cupule, id. Vounous, T. 19/10 (CM), cruche, id. Vounous, Vounous, Vounous, Vounous, Vounous, Vounous,
T. T. T. T. T. T.
26/26 (CM), sanctuaire, id. 32 A/7, cruche, id. 36/10 (CM), bol, id. 36/142, id. 37/9, cruche, id. 37/38, pyxide, id.
Vounous, T. 37/83, cruche, id.
n. n. n. n.
12, a
14 18 18 14
3.6 n. 14 36 n. 13 36 n. 15 53 37 45 42 36 36 36 49 45
n. 82 n. 19
12, b 13, a
n. 14 n. 15 n. 16
11, a
37 n. 18
251
INDEX DES OBJETS
Pages
Planches
Vounous, T. 37/84, pyxidë, id. Vounous, T. 48/2 (CM), vase à cupules, id.
37 η. 19 53
15, a
Vounous, T. Vounous, T. Vounous, T. Vounous, T. Vounous, T. Vounous, T.
53
Il, id. 87 A/2, cruche, id. 90/7, bol, id. 104/3, cruche, id. 1 1 1/8, vase, id. 1 1 1/40, bol, id.
Vounous, T. 131
A/35, id.
Vounous, T. 135/10, id. Vounous, T. 141/10, /d Vounous, T. 160/12 (CM), cruche, id. Vounous, T. 161/8, zî/. Vounous, T. 161/10, id. Vounous, T. 1 64 Vounous, Vounous, Vounous, Vounous, Vounous,
A/ 1 3 , vase , id.
Série spéciale, 7, cruche, id. Série spéciale, 9, vase à cupules, id. Série spéciale, 10 (CM), id. idole, id., Schaeffer, Missions, pi. XX v. Musée de Chypre, CM 1933/1 - 17/1 ; 1933/ VI 7/7
36 η. 13 37 η. 17 36 η. 13 49 37 η. 17 36 η. 13 37 η. 17 36 η. 13 37 36 η. 13 36 η. 13 49 45 53 53 54 η. 88 234
Vounous, v. Musée du Louvre, AO 17517
241
Yalia, v. Musée de Chypre, CM 1934/III - 2/2
235
Grèce Athènes, Céramique, T. 42, coupe, bronze, VlII-VIIème s. a.C.
184
Crète, Mont Ida, id.
183
Sparte, v. Musée du Louvre AO 4702
241
252
11, b
15, b
Ill -PUBLICATIONS
III - REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Pages Karageorghis, Kypros, p. 162, fig. 80 (figurines, Vlème s. a.C).
201
Ohnefalsch-Richter, Kypros, p. 353 (cruche, Chyp. Arch. I)
189
Ohnefalsch-Richter, Kypros, Vlème s. a.C.)
203
pi.
17.2,3
SCE IV 2, fig. XLII, 4 (cruche, Chyp. Arch. I)
(terre
cuite,
Planches
187
253
OUVRAGES ET ARTICLES CITES SE RAPPORTANT A L'ARCHÉOLOGIE CHYPRIOTE Acts of the International Archaeological Symposium "The Mycenaeans in the Eastern Mediterranean", Nicosia 27th March-2nd April 1972 (Nicosie 1973), abrégé en Acts. Archéologie Vivante, "Chypre à l'aube de son histoire", vol. II, n° 3 (mars-mai 1969), abrégé enAVChypre. ÂSTROM (L.) - Studies on the Arts and Crafts of the Late Cypriote Bronze Age (Lund 1967), abrégé en Studies. ÂSTROM (P.) - The Middle Cypriote Bronze Age, SCE IV, 1 Β (Lund 1972), abrégé en Middle Cypriote. ÂSTROM (P.) - "L'Art et la Culture antique de Chypre", Civilisations Anciennes du Bassin Méditerranéen (Paris 1971), p. 57-88. BOARDMAN (J.) - "Theios Aoidos", RDAC 1971, p.37-42. BOARDMAN (J.) - "Iconographica Cypria", RDAC 1976, p. 152-155. BUCHHOLZ (H.G.) et KARAGEORGHIS (V.) - Prehistoric Greece and Cyprus (Lon dres 1972), abrégé enPGC. BUCHHOLZ (H.G.) - "Naissance d'une civilisation", Λ F C/îj^e, p. 19-28. CATLING (H.W.) - Cypriot Bronzework in the Mycenaean World (Oxford 1964). CATLING (H.W.) - "Cyprus in the Neolithic and Bronze Age periods", The Cambridge Ancient History, vol. I, chap. IX (c) (Cambridge 1966), abrégé par la suite en Cyprus CAH. CATLING (H.W.) - "La conquête du cuivre", A V Chypre, p. 81-88. CATLING (H.W.) - "A Cypriot Bronze Statuette in the Bomford Collection", Alasia I (Paris 1971), p. 15-22. CATLING (H.W.) - "The Achaean Settlement in Cyprus", Acts, p. 34-39. CAUBET (A.) - "Terres cuites chypriotes inédites ou peu connues de l'Age du Bronze au Louvre", RDAC 1971, p. 7-12. CAUBET (A.) - "Herakles et Hathor", La Revue du Louvre 1973, p. 1-6. CAUBET (A.) - "Une terre cuite chalcolithique chypriote au Louvre", RDAC 1974, p. 35-37. CAUBET (A.) et YON (M.) - "Deux appliques murales chypro-géométriques au Louvre",i?ZMC1974,p. 112-131. COURTOIS (J. Cl.) - "Le sanctuaire du Dieu au Lingot d'Enkomi- Alasia", Alasia I (Paris 1971), p. 151-362. COURTOIS (J. Cl.) - "Objets en pierre et figurines de divinités en bronze provenant de Chypre conservés au Musée du Louvre", RDAC 1971, p. 13-17. DIKAIOS (P.) - "An Iron Age Painted Amphora in the Cyprus Museum", Ä£4 XXXVII (1936-37), p. 56-72. DIKAIOS (P.) - "Cultes préhistoriques dans l'île de Chypre", Syria XIII (1932), p. 345-354.
255
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
DIKAIOS (P.) - The Excavations at Vounous-Bellapais in Cyprus 1931-2 (Oxford 1940), abrégé en Vounous. DIKAIOS (?.)-Khirokitia (Oxford 1953). DIKAIOS (P.) -Sotira (PhÜadelphie 1961). DIKAIOS (P.) -A Guide to the Cyprus Museum (Nicosie 1961). DIKAIOS (P.) et STEWART (J.R.) - The Stone Age and Early Bronze Age in Cyprus, SCElV,l A (Lund 1962). DIKAIOS (P.) - Enkomi. Excavations 1948-1958, I, II, III (Mainz am Rheim 1969). DUG AND (J.) - Chypre et Cana'an (Documents n° 1). Centre de recherches compar atives sur les langues de la Méditerranée Ancienne (Nice 1973). DUG AND (J.) - "Aphrodite-Astarté (de l'étymologie du nom d'Aphrodite)'Mwia/es de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, 21 (mars 1974), p. 73-98. DUPONT-SOMMER (A.) - "Une inscription phénicienne archaïque récemment trouvée à Kition (Chypre)", Mémo ires de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres XLIV(1970),p. 1-28. DUPONT-SOMMER (A.) -Les Phéniciens à Chypre, RDAC 1974, p. 75-94. DUSSAUD (R.) - "Culte funéraire et culte chtonien à Chypre à l'Age du Bronze", Syria XIII (1932), p. 223-226. DUSSAUD (R.) - "Kinyras, étude sur les anciens cultes chypriotes", Syria XXVII (1950), p. 57-81. FLOURENZOS (P.) - "Notes on the Red Polished III Plank-shaped idols from Cyprus", RDAC 1975, p. 29-36. des GAGNIERS (J.) et KARAGEORGHIS (V.) - Vases et Figurines de l'Age du Bronze à Chypre - Céramique noire et rouge polie (Nicosie 1976), abrégé en Vases et Figurines. GJERSTAD (E.) - Studies on Prehistoric Cyprus (Uppsala 1926), abrégé en Studies. GJERSTAD (E.) - "The Colonization of Cyprus in Greek Legend", Op. Arch. Ill (1944), p. 107-123. GJERSTAD (E.) - "Decorated Metal Bowls from Cyprus", Op. Arch. IV (1946) p. 1-18. GJERSTAD (E.) - The Cypro-Geometric, Cypro-Archaic and Cypro-Classical periods, SCE IV, 2 (Stockholm 1948). HADJIOANNOU (K.) - E Archaia Kypros eis tas Ellènikas pègas, I (1971), II (1973), III (1975), abrégé en AKEP. HADJIOANNOU (K.) - " E Kypris Aphrodite Aigaiakè è sèmitikè theotès", Deltion Epistèmonikou kai Philologikou Syllogou Ammochostou 1973, abrégé enEFSA, p. 101-129. HILL (G.) -A History of Cyprus I (Cambridge 1940). HOOD (S.) - "Mycenaean Settlement in Cyprus and the coming of the Greeks", Acts, p. 40-50. KARAGEORGHIS (V.) - "Chroniques des fouilles et découvertes archéologiques à Chypre", annuellement dans BCH depuis 1959.
256
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
KARAGEORGHIS (V.) - "Finds from Early Cypriot Cemeteries", RDAC 19401948, p. 115-152. KARAGEORGHIS (V.) et (J.) - "Some Inscribed Iron-Age Vases from Cyprus", AJA 60 (1956), p. 351-359. KARAGEORGHIS (V.) - "A Late Cypriote Tomb at Angastina", #ZX4C 1964, p. 1-27. KARAGEORGHIS (V.) - "Ai scheseis metaxy Kyprou kai Krètès kata ton lion ai p. Ch.", Pepragmena tou B' Diethnous Kretologikou Synedriou 1966 (Athènes 1967), abrégé en Pepragmena, p. 180-185. KARAGEORGHIS (V.) - Chypre (Archeologia Mundi) (Genève 1968). KARAGEORGHIS (V.) - "Un centre commercial aux temps mycéniens : Kition", AV Chypre II, 3 (1969), p. 131-134 et "Les floraisons de l'Art Chypriote", id., p. 131-134. KARAGEORGHIS (V.) - "Naiskoi de Chypre", BCH 94 (1970), p. 27-33. KARAGEORGHIS (V.) - "Two religious Documents of the Early Cypriote Bronze Age", RDAC 1970, p. 10-13. KARAGEORGHIS (V.) - "Le taureau et le serpent. 1500 ans de symbolisme religieux à Chypre", Archeologia 43 (1971), p. 58-63. KARAGEORGHIS (V.) - Cypriote Antiquities in the Pierides Collection Larnaca, Cyprus (Athènes 1972), abrégé en Piérides Collection. KARAGEORGHIS (V.) - "Le quartier sacré de Kition : campagnes de fouilles 1972 et 1973", Comptes rendus de VAcadémie des Inscriptions et Belles Lettres, juillet-octobre 1973, p. 522-530. KARAGEORGHIS (V.) - "A representation of a temple on an 8th century B.C. Cypriote Vase" , Rivista di Studi Fenici, 1, 1 (1973), ρ. 9-13. KARAGEORGHIS (V.) -Excavations in the Necropolis of Salamis III (Nicosie 197374), abrégé en Salamis III. KARAGEORGHIS (V.) - Kypros (Athènes 1974). KARAGEORGHIS (V.) et des GAGNIERS (J.) - La céramique chypriote de style figuré, Age du Fer (1050-500 av. J.C.J Illustration et description de vases Texte (Rome 1974), abrégé en CCF Vases et CCF Texte. KARAGEORGHIS (V.) - "Kypriaka \Y\RDAC 1975, p. 58-68. KARAGEORGHIS (V.) - "A gold ornament with a representation of an "Astarte", Rivista di Studi Fenici III, 1 (1975), p. 31-35. KARAGEORGHIS (V.) - "Three Iron-Age wall brackets from Cyprus", Rivista di Studi Fenici III, 2 (1975), ρ. 162-167. KARAGEORGHIS (V.) - "Excavations at Kition, Cyprus 1975", Journal of Field Archeology, 2 (1975), p. 399404. KARAGEORGHIS (V.) - Kition, Mycenaean and Phoenician Discoveries in Cyprus (Londres 1976). KARAGEORGHIS (V.) - La civilisation préhistorique de Chypre (Athènes 1976). KARAGEORGHIS (V.) - "A Twelfth-century BC opium pipe from Kition", Anti quity 50 (197 6), p. 125-129. KARAGEORGHIS (V.) - "Le quartier sacré de Kition, campagnes de fouilles 19731975", Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, avril-juin 1976, p. 229-245.
257
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
KARAGEORGHIS (V.) - "The Goddess with uplifted arms in Cyprus", à paraître dans les Mélanges Gjerstad. KENNA (V.E.G.) - "Les sceaux de Chypre", Λ V Chypre, p. 135-138. KENNA (V.E.G.) - "Cyprus and the Aegean World", Acts, p. 209-295. LOULLOUPIS (M.) - "Mycenaean Horns of Consecration in Cyprus",^cis, p. 225-244. MAIER (F.G.) - "Evidence for Mycenaean Settlement at Old Paphos",,4cfs, p. 68-78. MAIER (F.G.) - "Excavations at Kouklia (Palaepaphos) with an appendix "The Kouklia Sanctuary" by Veronica Wilson", RDAC 1974, p. 132-146. MAIER (F.G.) - "The Temple of Aphrodite at Old Paphos", RDAC 1975, p. 69-80 MAIER (F.G.) - "The Excavations at Kouklia (Palaepaphos). Eighth preliminary r eport", RDAC 1976, p. 92-97. MARSHALL (F.H.) - Catalogue of Jewellery in the British Museum (Londres 1911), abrégé en BM Catalogue of Jewellery. MASSON (E.) - "La tablette chypro-minoenne 20 : 25 de Ras Shamra : essai d'inter prétation", Compte rendus de l Académie des Inscriptions et Belles Lettres, janvier-mars 1973, p. 32-60. MASSON (0.) - "Cultes indigènes, cultes grecs et cultes orientaux à Chypre", Elé ments orientaux dans la religion grecque ancienne (Paris 1960), p. 129-142. MASSON (O.) - Les Inscriptions chypriotes syllabiques (Paris 1961), abrégé en ICS. MASSON (O.) - "Remarques sur les rapports entre la Crète et Chypre à la fin de l'Age du Bronze", Kretika Chronika IE'-IST', 1 (1963), p. 156-161. MASSON (O.) - "Croyances et Sanctuaires à l'époque préhistorique", AV Chypre, p. 53-72. MASSON (O.) - "Remarques sur les cultes chypriotes à l'époque du Bronze Récent", Acts, p. 110-121. MASSON (O.) et SZNYCER (M.) - Recherches sur les Phéniciens à Chypre (Paris 1972). MITFORD (T.B.) - "Excavations at Kouklia, Old Paphos, 1950", The Antiquaries Journal XXXI (1951), p. 25. MURRAY (A.S.), SMITH (A.H.) et WALTERS (H.B.) -Excavations in Cyprus (Lon dres 1900). MYRES (J.L.) et OHNEFALSCH-RICHTER (M.) -A Catalogue to the Cyprus Museum (Oxford 1899), abrégé en CM Catalogue. MYRES (J.L.) - Handbook of the Cesnolä Collection of Antiquities from Cyprus (New-York 1914), abrégé en HCC. NICOLAOU (K.) - "The Religion of Ancient Cyprus", Stasinos II (1964-65) p. 7-30. NICOLAOU (K.) - "Mycenaean terracotta Figurines in the Cyprus Museum", Op. Ath. V (1965), p. 47-57. OHNEFALSCH-RICHTER (M.) - Kypros, die Bibel und Homer (Berlin 1893), abrégé enKBH. PELTENBURG (E.J.) - "Ayios Epiktitos Vrysi, Cyprus : preliminary results of the 1969-1973 Excavations of a Neolithic coastal settlement", Proceedings of the Prehistoric Society for 1975, vol. 41, p. 1745. PERROT (G.) et CHIPIEZ (C.) - Histoire de l'Art dans VAntiquité III (Phénicie et Chypre) (Paris 1885).
258
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
PICARD (Ch.) - "De Midéa à Salamis de Chypre" : à propos de deux coupes d'or et d'argent", Geras Antoniou Keramopoulou (Athènes 1953), p. 1-16. PIERIDOU (A.) - "Kypriaka anthropomorpha aggeia", RDAC 1968, p. 20-27. PIERIDOU (A.) -Jewellery in the Cyprus Museum (Nicosie 1971). du PLAT-TAYLOR (J.) et autres, Myrtou-Pigadhes : a Late Bronze Age Sanctuary in Cyprus (Oxford 1957). PORADA (E.) -Enkomi II (appendix I, seals), p. 784-817. PORADA (E.) - "On the complexity of the style and iconography in some groups of Cylinder Seals from Cyprus", A cts, p. 260-273. POUILLOUX (J.) - "Salamine de Chypre : le site et ses problèmes", Comptes rendus de VAcadémie des Inscriptions et Belles Lettres, avril-juin 1966, p. 232-256. POUILLOUX (J.) - "Fouilles à Salamine de Chypre 1 964-1968", RDAC 1969, p. 1-12. PRICE (N.S.) et CHRISTOU (D.) - "Excavations at Khirokitia 197 Τ \ RDAC 1973, p.1-33. PRICE (N.S.) - "On the dating of Khirokitia in Cyprus", Proceedings of the Prehistoric Society 1975, 41, p. 46-49. PRYCE (F.N.) - Catalogue of Sculptures in the British Museum I, part II (Londres 1931). RUDHARDT (J.) - "Quelques notes sur les cultes chypriotes, en particulier sur celui d'Aphrodite", Chypre des origines au Moyen Age (Université de Genève, Faculté des Lettres, séminaire d'été 1975), p. 109-154. SCHAEFFER (Cl. F. A), Missions en Chypre 1932-1935 (Paris 1936). SCHAEFFER (Cl. ¥ Λ ), Enkomi- Alasia I (Paris 1952). SCHAEFFER (Cl. F.A.), "Les Peuples de la Mer et leurs sanctuaires à Enkomi-Alasia aux XII-XIème s. a.v.n.è.",AlasiaI (Paris 1971). STEWART (E.) et (J.) - "The Early Cypriote Bronze Age",SŒ IV, 1 A (Lund 1962). STEWART (J.) - Handbook to the Nicholson Museum (Sydney 1948). VAGNETTI (L.) - "Preliminary remarks on Cypriote Chalcolithic Figurines", RDAC 1974, p. 24-33. VAGNETTI (L.) - "Some unpublished Chalcolithic Figurines", RDAC 1975, p. 1-4. VERMEULE (E.) - Toumba tou Skourou, the Mound of Darkness (Harvard 1974). WALTERS (H.B) - Catalogue of the terracottas in the British Museum (Londres 1903), abrégé enBM Cat. terracottas. WATKINS (T.B.) - "A la découverte des premières agglomérations villageoises, A V Chypre, p. 31-39. WATKINS (T.B) - "Some problems of the Neolithic and Chalcolithic Periods in Cyprus", RDAC 1973, p. 34-61. WESTHOLM (A.) - "The Paphian Temple of Aphrodite and its Relations to Oriental Architecture", A eta A rchaeologica 1933, p. 201-236. WESTHOLM (A.) - "Arsos",SŒ III, p. 583-600. YON (M.) - "La fin de l'époque mycénienne à l'Est de Chypre et son héritage géo métrique", .4 cts, p. 295-302. YON (M.) - "Sur une représentation figurée chypriote", BCH 94 (1970), p. 311-317.
259
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
YON (M.) - Sdamine de Chypre IL La tombe T. I du Xlème s. av. J.C. (Paris 1971). YON (M.) - "Le calathos chypriote au Xlème s. av. J.C. et la décoration figurée", Salamine de Chypre IV. Anthologie Salaminienne (Paris 1973). YON (M.) - Salamine de Chypre V. Un dépôt de sculptures archaïques (Paris 1974). YON (M.) -Manuel de céramique chypriote I (Lyon 1976). YOUNG (J. et S.) - Terracottas figurines from Kourion in Cyprus (Philadelphie 1955).
ABRÉVIATIONS Acts :
Acts of the International Archaeological Symposium, "The Mycenaeans in the Eastern Mediterranean", Nicosia 27th March-2nd April 1972 (Nicosie 1972).
A JA :
American Journal of Archaeology, Princeton.
AV :
Archéologie Vivante, Paris.
BCH :
Bulletin de Correspondance Hellénique, Paris.
BSA :
Annual of the British School at A thens, Londres.
CCF Vases : v. KARAGEORGHIS (V.) et des GAGNIERS (J.), La céramique chypriote. CM Cat. :
v. MYRES (J .L.) et OHNEFALSCH-RICHTER (M.), A Catalogue . . .
CVA :
Corpus Vasorum Antiquorum.
EFSA :
Deltion Epistemonikon Famagouste.
HCC :
v. MYRES (J .L.) - Handbook of the Cesnola Collection . . .
JHS :
Journal of Hellenic Studies, Londres.
Op. Arch. :
Opuscula Archaeologica, Lund.
Op. Ath. :
Opuscula A theniensia, Lund.
RDAC :
Report of the Department of Antiquities, Cyprus, Nicosie.
SCE :
Swedish Cyprus Expedition.
260
hai Philologikou
Syllogou Ammochostou,
PLANCHES
Les légendes des planches indiquent la nature de l'objet, sa matière, sa fabrique, ses dimensions en cm (h ■= hauteur, L = longueur, d = diamètre), sa provenance lorsqu'elle est connue, son lieu d'exposition et son numéro. Les noms des musées sont abrégés comme suit : CM = Cyprus Museum (Musée de Chypre, Nicosie). Musée Limassol = Musée régional de Limassol. Musée Paphos = Musée régional de Paphos. Musée Famagouste = Musée régional de Famagouste. Musée Piérides = Musée de la Fondation Piérides, Larnaca. BM = British Museum. Louvre = British Museum. Metr. Mus. = Metropolitan Museum of Art, New -York. Ashm. Mus. = Ashmolean Museum, Oxford. Medelhavsmuseet = Medelhavsmuseet, Stockholm. Nationalmuseet = Nationalm useet, Copenhague.
262
TABLE DES PLANCHES
PLI PI. II
PI. III
PI. 1
PI. 2
PI. 3
PI. 4
Carte des sites néolithiques et chalcolithiques mentionnés. Carte des sites du Chypriote Ancien, Chypriote Moyen, Chypriote Récent mentionnés. Cartes des sites chypro-géométriques et chypro-archaïques ment ionnés. a : Idole (dolerite, h. 15 cm, Pétra tou Limniti 42,Medelhavsmuseet). Néol. la. b : Idole (dolerite, h. 15 cm, Pétra tou Limniti 72, Medelhavsmuseet). Néol. la. c : Idole (dolérite, h. 17,5 cm, Pétra tou Limniti 27, CM). Néol. la. d : Idole (andésite, h. 9 cm, Khirokitia 1401, CM). Néol. la. Torse d'idole (andésite, h. 6 cm, Khirokitia 384, CM). Néol. la. Tête (argile crue, h. 10,5 cm, Khirokitia 1063, CM). Néol. la. Idole (calcaire, h. 18 cm, Khirokitia 1175, CM). Néol. la. d : Idole (diabase, h. 9 cm, Khirokitia 938, CM). Néol. II. a : Idole (diabase, h. 14,5 cm, Khirokitia 1092, CM). Néol. II. b : Buste d'idole (andésite, h. 8,5 cm, Khirokitia 1073, CM). Néol. II. c : Corps d'idole (andésite, h. 6 cm, Khirokitia 21, CM). Néol. II. d: Idole stéatopyge (face) (andésite, h. 15,8cm, Khirokitia 680, CM). Néol. II. a : Tête d'idole (andésite, h. 7,5 cm, Khirokitia 1068, CM). Néol. II. b : Idole (andésite, h. 19 cm, Khirokitia 967, CM). Néol. II. c : Tête d'idole (andésite, h. 9,5 cm, Khirokitia 1, CM). Néol. II. d : Idole (calcaire, h. 16,5 cm, Sotira 106, CM). Néol. IL
263
TABLE DES PLANCHES
PI. 5
PI. 6
PI. 7
PI. 8
PI. 9
PI. 10
PI. 11
PI. 12
264
a : Tête d'idole (andésite, h. 11 cm, Khirokitia 1404,CM).Néol. II. b : Corps d'idole (andésite, h. 14 cm, Ayios Thomas, Musée Limassol 94.8). Néol. II. a : Tête (terre cuite, h. 7 cm, Erimi 743, CM). Chalc. I. b : Tête (terre cuite, h. 8 cm, Alaminos, CM 1933/XII-13/7). Chalc. I. c: Fragment de corps (terre cuite peinte, h. 9,6 cm, Erimi 849, CM). Chalc. I. a : Torse de figurine (terre cuite, h. 15,2 cm, Alaminos, CM 1933/ XII-13/6). Chalc. I. b : Figurine (terre cuite, h, 12,9 cm, Louvre AM 1 176). Chalc. I. c : Fragment de corps (terre cuite, h. 10 cm, Erimi 792, CM). Chalc. I. a : Figurine (steatite, h. 15,3 cm, Yalia, CM 1934/III-2/2). Chalc. I. b, c, d : Figurines (steatite, h. 7,4 cm, 4,7 cm, 4 cm, Souskiou. Coll. Hadjiprodromou 889, 890, 891). Chalc. I. a : Idole double (steatite, h. 10,5 cm, Salamiou, CM 1959/XI-3/6). Chalc. I. b : Pendentif en forme d'idole (steatite, h. 5,7, Souskiou, Coll. Hadjiprodromou 900). Chalc. I. c : Fragment de figurine (stea tite, h. 4,5 cm, Musée Piérides). Chalc. I. d : Figurine (steatite, h. 9 cm, Musée Piérides). Chalc. I. a : Figurine triple (brisée) (steatite, h. 3 cm et 3,5 cm, Musée Pié rides). Chalc. I. b : Collier avec pendentifs (dentalia et steatite, L. 52 cm, Souskiou, T. 3/6, CM). Chalc. I. c : Statuette (calcaire, h. 36 cm, Lemba 1976/54, CM). Chalc. I. a : Bol orné de bucranes et serpents (fabrique rouge polie, h. 28 cm, Vounous T. 36/10, CM) Chyp. Ane. II. b : Bol orné de têtes d'an imaux à cornes (fabrique rouge polie, h. 18,2 cm, Vounous T. 160B/ 12,CM).Chypr. Ane. II. a : Pyxide avec couple en reliçf (fabrique rouge polie, h. 19 cm, Vounous T. 2/91, CM). Chyp. Ane. III. b : Double col d'une cruche avec décoration en relief (couple, animaux à cornes, oiseau) (fa brique rouge polie, h. du vase 63 cm, Vounous T. 19/10, CM). Chyp. Ane. III.
TABLE DES PLANCHES
PI. 13
PI. 14
PI. 15
PI. 16
PI. 17
PI. 18
a : Modèle de sanctuaire (fabrique rouge polie, h. 8 cm, d. 37 cm, Vounous T. 22/26, CM). Chyp. Ane. III. b : Fragment de grand vase avec décoration en relief (couple) (fabrique rouge polie, h. 19 cm, Margi ?, CM 1970/VI-26/1 1). Chyp. Ane. III. a : Modèle de sanctuaire (fabrique rouge polie, h. 19 cm, Kochati, CM 1970/V-28/1). Chyp. Ane. III. b : Grand vase orné d'une frise de personnages (fabrique rouge polie, h. 38 cm, d. 38 cm, Margi ?, Coll. Hadjiprodromou 682). Chyp. Ane. III. a : Vase composite surmonté d'une idole à l'enfant (fabrique rouge polie, h. 46 cm, Vounous T. 48/2, CM). Chyp. Ane. III. b : Vase composite surmonté d'une idole (fabrique rouge polie, h. 37 cm, Vounous, série spéciale, 10, CM). Chyp. Ane. III. c : Figurines fémi nines debout sur l'épaule d'une cruche (fabrique rouge polie, h. des figurines, 6 cm, Lapithos T. 429/C 22, CM). Chyp. Ane. III. d : Figu rine détachée d'un vase (fabrique rouge polie, h. 12,2 cm, Margi ? CM 1970/VI-26/6). Chyp. Ane. III.
a : Idole plate (fabrique rouge polie, h. 27,5 cm, Lapithos, T. 21/ 1913, CM). Chyp. Ane. III. b : Idole plate à deux têtes (fabrique rouge polie, h. 23,5 cm, Lapithos T. 18/206, CM). Chyp. Ane. III. c : Idole plate à l'enfant (fabrique rouge polie, h. 17,7 cm, Lapithos T. 307B/13, rouge' CM). Chyp. Ane. III. d-e : Idole plate (face et dos) (fa brique polie, h. 26,2 cm, CM 1963/IV-20/12). Chyp. Ane. III. f : Figurine à l'enfant (fabrique rouge polie, h. 36,4 cm, Oriental Institute Museum, Chicago, Χ. 1 1161). Chyp. Moy. I. a : Idole plate à deux têtes (fabrique rouge polie, h. 30 cm, Dhenia T. 1/6, CM 1943/IV-13/4). Chyp. Anelli, b : Enfant au berceau (fabrique rouge polie, h. 16,5 cm, Musée Piérides) Chyp. Ane. III. c : Idole (fabrique rouge polie, h. 24,4 cm, CM 1968/V-30/594). Chyp. Moy. I. d : Idole (fabrique rouge polie, h. 22,5 cm, CM 1934/VII-18/2). Chyp. Moy. I. e : Idole (fabrique ordinaire blanche, h. 14,5 cm, Coll. K. Severis, Nicosie, 1539) Chyp. Moy. I. f : Enfant au berceau (fabrique rouge polie, h. 15 cm, Margi, Coll. Hadjipr odromou 341). Chyp. Moy. I. a : Figurine assise à l'enfant (fabrique peinte sur fond blanc, h. 10,2 cm. Alambra, Metr. Mus. 74.51.1538). Chyp. Moy. II. b : Figu rine assise à l'enfant (fabrique Base Ring, h. 8,6 cm, Nationalmuseet
265
TABLE DES PLANCHES
3713). Chyp. Rèe. II. e : Figurine assise (fabrique Base Ring peinte, h. 9,5 cm, Katydhata, CM A 39). Chyp. Réc. II. d : Figurine (fabri queBase Ring peinte, h. 20,5 cm, CM A 5 1). Chyp. Réc. II. PI. 19
PI. 20
PI. 21
PI. 22
PI. 23
PI. 24
266
a : Figurines (fabrique Base Ring peinte, h. 21,5 cm, 20 cm, 21 cm, 21,5 cm, Avgorou et Chatos, Coll. Hadjiprodromou 1333, 1334, 355, 1335). Chyp. Réc. II. b : Figurine assise sur un trône ou un lit (fabrique Base Ring, h. 6,8 cm, L. 6,8 cm, CM A 46). Chyp. Réc. II. a : Figurine à l'enfant (fabrique Base Ring, h. 14 cm, CM 1964/IX8/8). Chyp. Réc. II. b : Figurine (fabrique Base Ring, h. 14,5 cm, Ayios Iakovos, Coll. Hadjiprodromou 353). Chyp. Réc. II. c : Figu rine (bronze, h. 10,5 cm, Nicosie, CM 1936/VI-18/1). Chyp. Réc. III. d : Figurine en forme de vase (fabrique Proto-White Painted, h. 15,7 cm, Enkomi, CM A 60). Chyp. Réc. III. e : Figurine aux bras levés (fabrique Proto-White Painted, h. 24, Limassol, Musée de Limassol 580/8). Chyp. Réc. III. a : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 14,5 cm, Kition 381, CM). Chyp. Géom. I. b : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 17,5 cm, Limassol, Musée de Limassol 580/4). Chyp. Géom. I. c : Figurine aux bras levés fragmentaire (terre cuite peinte, h. 10,8 cm, Kition 382, CM). Chyp. Géom. I. d : Groupe de figurines aux bras levés (terre cuite, h. 9 cm, CM C333), Chypr. Géom. I. a-b : Moule de figurine nue aux bras levés et figurine moulée (terre cuite, h. 22 cm, CM 1973/V-7/1). Chyp. Arch. I. c : Figurine nue aux bras levés (terre cuite peinte, h. 22,5 cm, CM 1965/VI-I/26). Chyp. Géom. III-Arch. I. d : Figurine nue aux bras levés sur un coffret (calcaire, h. 10,3 cm, Metr. Mus. 74.51.5163). Chyp. Géom. III. a : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 16,3 cm, Morphou, CM 1958/V-7/3). Chyp. Géom. III-Arch. I. b : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 22 cm, Metr. Mus. 74.51.1609). Chyp. Géom. III-Arch. I. c : Prêtresse aux bras levés sur un col d'amphore (fabrique Bichrome III, Pyla, Louvre MNB 322). Chyp. Géom. III. a : Figurine aux bras tendus sur une applique murale (fabrique Bichrome III, h. de l'applique 70 cm, région de Famagouste, Coll. Hadjiprodromou). Chyp. Géom. III. b : Figurine portant une am-
TABLE DES PLANCHES
phore sur la tête (terre cuite peinte, h. 19 cm, CM Β 26). Chyp. Géom. Ill-Arch. I. c : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 21 cm, Musée Piérides). Chyp. Géom. Ill-Arch. I. d : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 23,5 cm, Metr. Mus. 74.51. 1610). Chyp. Géom. III-Arch. I. e : Tête (terre cuite peinte, h. 16 cm, CM 1938/IV-8/3). Chyp. Arch, f : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, Palaepaphos, h. 35 cm, BM A 123). Chyp. Arch. II. PI. 25
PI. 26
PI. 27
PI. 28
PI. 29
PI. 30
a : Figurine nue aux bras levés sur une plaque (or, h. 4,7 cm, Lapithos T. 403/40, CM). Chyp. Géom. III. b : Tête féminine sur une plaque (or, h. 4,3 cm, Lapithos, T. 403/1, CM). Chyp. Géom. III. c : Figure aux lions sur une plaque (or, h. 6,5 cm, Paphos ?, CM 1973/IX-19/1). Chyp. Géom. III. d : Déesse nue ailée aux lions sur un pendant (bronze, d. du disque 29,5 cm, Salamine T. 79/155, CM). Chyp. Arch. I. a : Scène de culte sur l'amphore Hubbard (fabrique Bichrome III, h. du vase 68, Platani (Famagouste), CM 1938/XI-2/3). Chyp. Géom. III. b : Scène de culte sur un plat (bronze, d. 13,1 cm, Dhali, Metr. Mus. 4561). Chyp. Géom. III. a : Représentation de temple ? sur un cratère (fabrique Bichrome III, h. du vase 20 cm, CM 1935/B-1988). Chyp. Géom. III. b : Scène de culte sur une cruche (fabrique Black-on-Red I (III), h. 18,5 cm, Chrysochou, CM 1973/XII-7/1). Chyp. Géom. III. a : Modèle de sanctuaire (terre cuite peinte, h. 11 cm, CM C 75). Chyp. Arch. II. b : Figurine assise sur un trône (terre cuite, h. 28,6 cm, Ayia Irini, 1563 + 2026, CM). Chyp. Arch. IL c : Figu rines de femme aux enfants (terre cuite, h. 12 et 13 cm, Lapithos, CM Β 65, Β 48). Chyp. Arch. IL a : Scène d'accouchement (terre cuite, h. 9 cm, Lapithos, CM Β 56). Chyp. Arch. IL b : Figurine aux bras levés (terre cuite, h. 10,9 cm, Dhali, CM 1944/XII-9/3). Chyp. Arch. IL c : Joueuse de tambourin (terre cuite peinte, h. 18 cm, CM Β 190). Chyp. Arch. IL a : Joueuse de lyre (terre cuite peinte, h. 19 cm, CM Β 191). Chyp. Arch. IL b : Porteuse d'offrande (terre cuite peinte, h. 21 cm, CM Β 219). Chyp. Arch. IL c : Procession de prêtresses ? sur une cruche (fabrique Bichrome IV, h. 37 cm, coll. G.G. Piérides, Nicosie). Chyp. Arch. IL
267
TABLE DES PLANCHES
PL 31
PL 32
PL 33
PL 34
PL 35
PL 36
268
a : Procession de, prêtresses ? et figures erotiques sur un plat (fa brique Bichrome V, d. 35 cm, Achna, BM C 838). Chyp. Arch. II. b : Prêtresse ? aux oiseaux sur une cruche (fabrique Bichrome V, h. 26 cm, CM 1939/1-18/1). Chyp. Arch. II. c : Tête hathorique sur une amphore (fabrique Bichrome V, h. du vase 24,4 cm, Amathonte ?, Musée Piérides). Chyp. Arch. II. a : Prêtresse ? à la fleur sur une cruche (fabrique Bichrome IV, h. du vase 36cm, CM 1941/II-25/1). Chyp. Arch. II. b : Prêtresse? à l'oiseau sur une cruche (fabrique Bichrome IV, h. du vase 23 cm, Kition, Metr. Mus. 74.51.509). Chyp. Arch. IL c : Grande amphore décorée de prêtresses ? devant l'arbre de vie (fabrique Bichrome IV-V, h. 93 cm, CM 1951/XI-27/1). Chyp. Arch. II. a : Prêtresses ? devant l'arbre de vie, détail de l'amphore CM 1951/ XI-27/1. b : Figures nues se tenant les seins sur un sarcophage (calcaire, h. 76 cm, Amathonte, Metr. Mus. 1365). Chyp. Arch. IL a : Figurine aux mains sur les seins (terre cuite moulée, h. 7 cm, Lefka, CM 1969/V-17/2). Chyp. Arch. IL b : Figurine nue (terre cuite moulée, h. 20 cm, Arsos, CM C 408). Chyp. Arch. IL c : Fi gurine nue (terre cuite moulée, h. 23,5 cm, Arsos, CM C 292). Chyp. Arch. IL d : Figurine de prêtresse ? (terre cuite moulée, h. 32,5 cm, Musée Piérides). Chyp. Arch. IL e : Figurine à l'enfant (terre cuite moulée, h. 19 cm, Arsos, CM C 681). Chyp. Arch. IL a : Femme à la colombe portant une lampe sur la tête (terre cuite peinte, h. 24 cm, Kamelarga, CM C 209). Chyp. Arch. IL b : Femme à la colombe (terre cuite peinte, h. 21 cm, Kamelarga, CM B 51). Chyp. Arch. IL a : Buste de prêtresse ? au taureau (calcaire, h. 72 cm, Arsos, CM B 145). Chyp. Arch. IL b : Buste de prêtresse ? à la fleur (calcaire, h. 21 cm, Saint -Barnabe, h. 21 cm, Musée de Famagouste, A 67). Chyp. Arch. II-Class. c : Tête de prêtresse ? (calcaire, h. 36 cm, Dhali, CM 1946/XI 1-24/2). Chyp. Arch. II-Class.
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS
p. VII
PRÉFACE
1
INTRODUCTION
3
PREMIER CHAPITRE . PREMIÈRES DE LA FÉCONDITÉ A CHYPRE
TRACES
D'UN
CULTE
7
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE (5800-3000 a.C.)
8
I. LES IDOLES
10
A. Les idoles de Pétra tou Limniti
10
B.
11
Les idoles de Khirokitia
C. Les idoles thique II
trouvées sur
différents sites du
Néoli
II. REMARQUES SUR LES IDOLES NÉOLITHIQUES CHY PRIOTES
13 14
A. Les formes
14
B.
La datation
16
C. La signification
16
D. Rapports de l'iconographie chypriote avec celle des autres cultures néolithiques
18
ÉPOQUE CHALCOLITHIQUE (CHALCOLITHIQUE I : 30002500 - CHALCOLITHIQUE II : 2500-2300 a.C.)
18
I. LES FIGURINES DE TERRE CUITE
19
269
TABLE DES MATIERES
IL LES FIGURES DE STEATITE
p. 22
A. Les idoles
23
B.
Les pendentifs
26
C.
Remarques
28
III. LES STATUETTES DE CALCAIRE
30
DEUXIÈME CHAPITRE : RENAISSANCE DE L'IDOLE DE FÉ CONDITÉ CHYPRIOTE ÉPOQUE DU 1850 a.C.)
BRONZE
ANCIEN - CHYP.
ANC.
(230033
LA CULTURE DE PHILIA (2300-2100 a.C.)
33
LA CULTURE DE VOUNOUS (2100-1800 a.C.)
34
I. LES SYMBOLES VOUNOUS
36
RELIGIEUX
DE LA CULTURE DE
A. Les représentations
36
B.
38
La signification de ces représentations
C. Nature de la divinité ou des divinités de Vounous
....
IL LES SCÈNES DE CULTE AU BRONZE ANCIEN
40 41
A. Les sanctuaires
41
B.
Les représentations d'activités humaines en rapport avec le culte de la fécondité
44
C.
Les représentations de figures féminines
51
TROISIÈME CHAPITRE : L'ÉVOLUTION DE L'IDOLE DE FÉ CONDITÉ CHYPRIOTE : DE LA FIGURINE PLATE A LA FIGU RINE MODELÉE BRONZE MOYEN-CHYPRIOTE MOYEN (185 0-1 60Ó a.C.) ...
61
L'ÉVOLUTION CHYP. ΜΟΥ
62
I. LES IDOLES POLISHED)
270
GÉNÉRALE DE L'IDOLE FÉMININE AU EN
FABRIQUE
ROUGE
POLIE
(RED62
1.
L'idole vêtue
63
2.
L'idole nue
64
TABLE DES MATIÈRES
IL LES IDOLES EN FABRIQUE PEINTE SUR FOND BLANC (WHITE PAINTED) III. LES WARE)
IDOLES
EN
FABRIQUE
ORDINAIRE
(PLAIN
p. 65 66
IV. IDOLE EN FABRIQUE A ENGOBE NOIR (DARK SLIP WARE)
68
QUATRIÈME CHAPITRE L'ÉPANOUISSEMENT DE L'IDOLE DE FÉCONDITÉ CHYPRIOTE : OU L'IMAGE POPULAIRE DE LA GRANDE DÉESSE CHYPRIOTE ORIENTALE DANS TOUTE SA GLOIRE. PREMIERS CONTACTS AVEC LE MONDE ÉGÉEN. FIN DU CHYP. RÉC. I - CHYP. RÉC. II (1500-1200 a.C.)
71
I. LES FIGURINES FÉMININES FONCÉ-NOIR DITE BASE-RING
EN
FABRIQUE
BRUN
72
Type A : Les figurines à tête d'oiseau et grandes oreilles ornées d'anneaux
73
Type Β : Les figurines à tête plate et petites oreilles
80
IL LES FIGURINES MYCÉNIENNES
85
A. Les figurines mycéniennes trouvées à Chypre
86
B. Influence possible des les figurines chypriotes
87
figurines
mycéniennes sur
C. Influence possible de l'iconographie les figurines mycéniennes
orientale
sur
88
III. LES SCÈNES DE CULTE SUR LES VASES CHYPROMYCÉNIENS A. La scène d'hommage sur le cratère d'Aradippo
89 89
B. La prière devant l'arbre sacré sur le cratère de Clercq du Louvre
91
IV. LES REPRÉSENTATIONS RELIGIEUSES SUR LES CYLINDRES GRAVÉS CHYPRIOTES DE LA PÉRIODE 1400-1200 a.C
92
271
TABLE DES MATIÈRES
V. LES SANCTUAIRES DU CHYP. DIVINITÉS
RÉC.
II ET LEURS
p. 93
A. Les sanctuaires
93
B.
94
Les divinités
CINQUIÈME CHAPITRE : LA TRANSFORMATION DE LA GRANDE DÉESSE CHYPRO-ORIENTALE : LA GRANDE DÉESSE AU CUIVRE OU LES ORIGINES POSSIBLES DE L'APHRODITE GRECQUE CHYP. RÉC. III : 1230-1050 a.C
97
I. L'IMPORTANCE DE LA RELIGION AU Xllème S. a.C. ...
98
A. Les temples B.
98
Le culte
IL FIGURINES DE DIVINITÉS FÉMININES EN BRONZE
100 . .
102
III. LE NOM GREC "APHRODITE" DE LA DIVINITÉ CHYPRIOTE ET L'ADOPTION POSSIBLE PAR LES GRECS DE CETTE DIVINITÉ
109
A. Le nom de la divinité à Chypre B.
Absence du nom d'Aphrodite dans le panthéon des dieux achéens
110
C.
Aphrodite considérée par les Grecs comme la déesse chypriote par excellence
111
D. Etymologie du nom d'Aphrodite E.
Les données mythologiques en rapport avec Aphrod ite
IV. SANCTUAIRES ET PRÊTRES D'APHRODITE : INFOR MATIONS DONNÉES PAR LES TEXTES ET LES FAITS ARCHÉOLOGIQUES
272
109
111 113
115
A. Les sanctuaires
115
B.
Les prêtres
116
C.
Portrait de la déesse
117
TABLE DE MATIÈRES
SIXIÈME CHAPITRE : UNE NOUVELLE IMAGE DE LA GRANDE DÉESSE CHYPRIOTE : LA FIGURINE CRÉTO-CHYPRIOTE AUX BRAS LEVÉS OU LA RÉGÉNÉRATION DE L'IMAGE DE LA GRANDE DÉESSE CHYPRIOTE ET SA SURVIE A TRAVERS LES AGES OBSCURS CHYP. GÉOM. ET CHYP. ARCH. : Xlème - Vlème S. a.C I. LA FIN DES FIGURINES DE L'AGE DU BRONZE
p. 1 19 1 20
A. La fin des figurines traditionnelles
1 20
B.
121
Les figurines-vases
IL LES PREMIÈRES FIGURINES AUX BRAS LEVÉS
1 23
A. Provenance et date
1 23
B. Description
1 24
C.
127
Origine du type
III. SIGNIFICATION DES FIGURINES AUX BRAS LEVÉS . .
129
IV. LES FIGURINES AUX BRAS LEVÉS SUR DIFFÉRENTS SITES DE L'AGE DU FER
135
A. Période Chyp. Géom. I-II
135
B.
137
Période Chyp. Géom. III et Chyp. Arch
V. LES DIFFÉRENTS TYPES DE FIGURINES AUX BRAS LEVÉS AUX PÉRIODES CHYP. GÉOM. ET CHYP. ARCH
141
VI. AUTRES REPRÉSENTATIONS DE LA FIGURE AUX BRAS LEVÉS ET SON IDENTIFICATION
144
VII. POPULARITÉ DES STATUETTES D'APHRODITE
146
SEPTIÈME CHAPITRE : LA RÉAPPARITION DE LA DÉESSE NUE A L'AGE DU FER OU LA NOUVELLE INTRUSION DE L'IMAGERIE ORIENTALE A CHYPRE. CHYP. GÉOM. I-II-III - CHYP. ARCH. I : Xlème - Vllème S. a.C
149
I. LES DÉESSES NUES EN TERRE CUITE
150
273
TABLE DES MATIERES
IL LES DÉESSES NUES AUX BRAS LEVÉS SCULPTÉES SUR DES COFFRES DE PIERRE p. 152 III. LES DÉESSES NUES OU DEMI-NUES SUR LES OR NEMENTS D'OR 153 A. Les plaques ornées de figurines nues aux bras levés
...
154
B.
Les plaques ornées de têtes féminines
155
C.
Les plaques ornées de figurines nues aux mains sous les seins
156
D.
Les plaques ornées de figurines nues aux bras le long du corps
157
E.
Les plaques ornées de figurines en robe ayant les mains sous les seins
157
F.
Origine de ce type d'objets et de leurs représentations .
1 59
IV. LES DÉESSES NUES SUR LES OBJETS DE BRONZE ...
160
A. Les figures féminines sur les frontaux de chevaux de la tombe 79 de Salamine
160
B.
L'Astarté aux lions sur deux pendants circulaires de la tombe 79 de Salamine
C.
Caractère de la déesse représentée sur ces objets
D.
Les têtes hathoriques sur les chaudrons de la tombe 79 de Salamine
161
162
HUITIÈME CHAPITRE : LA GRANDE ÉPOQUE DU CULTE DE LA DÉESSE : REPRÉSENTATIONS DE SCÈNES DE CULTE CHYP. GÉOM. I-II-III - CHYP. ARCH. I-II : Xlème - Vlème S. a.C
165
I. LES SCÈNES DE CULTE LES PLUS ANCIENNES REPRÉ SENTÉES SUR LES VASES DE STYLE FIGURÉ (Xlème VlIIème S. a.C.)
166
A. Les premières scènes de culte au Chyp. Géom I B.
Les sujets religieux sur les vases du Chyp. Géom. III
C.
Une scène de sacrifice
D. Un temple ?
274
1 66 ..
1 68 1 69 1 70
TABLE DES MATIÈRES
II. LES GRANDES SCENES DE CULTE EN L'HONNEUR D'UNE DIVINITÉ (?) ASSISE SUR LES VASES DE STYLE FIGURÉ DES VHIème - Vllème S. a.C
p. 1 72
A.
L'amphore Hubbard
1 73
B.
La cruche de Chrysochou
175
C.
L'amphore d'Ormidhia
1 77
D. Origine des représentations de scènes de culte
1 78
III. LES REPRÉSENTATIONS DE SCÈNES DE CULTE SUR LES COUPES DE MÉTAL DES VHIème - Vllème S. a.C ·
1 79
A.
La coupe de Dhali
179
B.
Scènes de culte sur des coupes trouvées ailleurs qu'à Chypre
182
IV. LES REPRÉSENTATIONS DES SCÈNES DE CULTE EN RAPPORT AVEC LES ADORATRICES DE LA DÉESSE
1 86
A. Figures seules
1 86
B.
Scènes de culte avec des prêtresses, des oiseaux, des arbres de vie, etc
188
C.
Scènes de culte décoratives du Vlème s. a.C
191
D.
Le culte à Amathonte
1 94
NEUVIÈME CHAPITRE : LA GRANDE DÉESSE ET SES FIDÈLES A LA VEILLE DES TEMPS CLASSIQUES I. L'IMAGERIE POPULAIRE RINES DE TERRE CUITE
AU Vlème S.
a.C. :
FIGU
199 200
A.
Figurines et scènes modelées à la main
201
B.
Figurines faites au tour
204
II. L'APPORT DE L'ORIENT : LA FIGURINE NUE
206
A. Le modèle oriental (syro-phénicien)
206
B.
Le modèle égyptianisé
207
C.
Le modèle chypriote
207
D. Les déesses nues sur le sarcophage d'Amathonte
208
275
TABLE DES MATIÈRES
III. L'IMAGE CHYPRIOTE DE LA DÉESSE OU PRÊTRESSE OU ADORATRICE DE LA DÉESSE p. 209 A.
Les différents modèles de costume
210
B.
Les différentes attitudes des figures représentées
213
C.
Les grandes statues
218
IV. LES LIEUX DE CULTE AU Vlème S. a.C
219
CONCLUSION
223
TABLEAU CHRONOLOGIQUE
228
TABLEAU DES CÉRAMIQUES MENTIONNÉES
229
INDEX DES OBJETS ÉTUDIÉS
231
BIBLIOGRAPHIE
255
LISTE DES ABRÉVIATIONS
260
TABLE DES PLANCHES
263
TABLE DES MATIÈRES
269
276
η
►S'
κ. ο
Petra tou Limniti * Ambelikou
• Sot ira ♦ E rim
Lapithos '
Philia-Drakos
W-Troull — • Ayios Epikt i tos-Vrys
Khirokitio. Kalavassos B* Ae •Mori
20
• N ♦ C
10
So <<Ο a Ρ Ρ ο. η S a. e« ο ρ.
δ 2. 3
• ♦ a
• Kalo
a Psillalos aAngastino ο « Ayio Poroskevi
Hola Sultan Tekke ο
ο Nikolidhès Margi · a Dali • Kochoti ο Alambro
Kalavassos·
20 10
!=
20I
10
IDOLES NÉOLITHIQUES
Illustration non autorisée à la diffusion
PI. 1
Illustration non autorisée à la diffusion
ia»s
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
^^^■^:??ν'Χ#
:
a1401, Néol. havsmuseet). Limniti : Idole la. 27, CM). (dolerite, b :Néol. CM). Idole Néol. la.Néol. h.(dolerite, la. 15 cm, cla. Pétra dIdole h. : 15Idole tou cm,Limniti (dolérite, (andésite, Pétra h. tou 42,Medelhavsmuseet). 17,5 h. Limniti 9 cm, 72, Khirokitia Pétra Medeltou
PI. 2
IDOLES NÉOLITHIQUES
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a Torse d'idole (andésite, h. 6 cm, Khirokitia 384, CM). Néol. la. b : Tête (argile crue, h. 10,5 cm, Khirokitia 1063, CM). Néol. la. c : Idole (calcaire, h. 18 cm, Khirokitia 1175, CM). Néol. la. d : Idole (diabase, h. 9 cm, Khirokitia 938, CM). Néol. II.
IDOLES NÉOLITHIQUES
PI. 3
'ν'".
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
Idole (diabase, h. 14,5 cm, Khirokitia 1092, CM). Néol. II. Buste d'idole (andésite, h. 8,5 cm, Khirokitia 1073, CM). Néol. II. Corps d'idole (andésite, h. 6 cm, Khirokitia 21, CM). Néol. II. Idole stéatopyge (face) (andésite, h. 15,8 cm, Khirokitia 680, CM). Néol. II.
PL 4
IDOLES NÉOLITHIQUES
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
■■ " *·»
Illustration non autorisée à la diffusion
■! V
·„■ ?-<·, .-••''V h£Illustration non autorisée à■'.la diffusion -jSEifvG-. 'i<-Jf&^
a : Tête d'idole (andésite, h. 7,5 cm, Khirokitia 1068, CM). Néol. II. b : Idole (andésite, h. 19 cm, Khirokitia 967, CM). Néol. II. c : Tête d'idole (andésite, h. 9,5 cm, Khirokitia 1, CM). Néol. II. d : Idole (calcaire, h. 16,5 cm, Sotira 106, CM). Néol. II.
IDOLES NÉOLITHIQUES
PI. 5
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion î
:' '* "
'
* * j·* ^ι '-'
· * ί * ·* » . + '*
a : Tête d'idole (andésite, h. 1 1 cm, Khirokitia 1404, CM). Néol. II. b : Corps d'idole (andésite, h. 14 cm, Ayios Thomas, Musée Limassol 94.8). Néol. II.
PI. 6
IDOLES CHALCOLITHIQUES
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a : Tête (terre cuite, h. 7 cm, Erimi 743, CM). Chalc. I. b : Tête (terre cuite, h. 8 cm, Alaminos, CM 1933/XII- 1 3/7). Chalc. I. c Fragment de corps (terre cuite peinte, h. 9,6 cm, Erimi 849, CM). Chalc. I.
IDOLES CHALCOLITHIQUES
PI. 7
rssn-r^
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
<*■■ ψ
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Torse de figurine (terre cuite, h. 15,2 cm, Alaminos, CM 1933/ XII-13/6). Chalc. I. b : Figurine (terre cuite, h, 12,9 cm, Louvre AM 1 176). Chalc. I. c : Fragment de corps (terre cuite, h. 10 cm, Erimi 792, CM). Chalc. I.
PI. 8
IDOLES CHALCOLITHIQUES
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Figurine (steatite, h. 15,3 cm, Yalia, CM 1934/III-2/2). Chalc. I. b, e, d : Figurines (steatite, h. 7,4 cm, 4,7 cm, 4 cm, Souskiou. Coll. Hadjiprodromou 889, 890, 891). Chalc. I.
IDOLES CHALCOLITHIQUES
PI. 9
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a : Idole double (steatite, h. 10,5 cm, Salamiou, CM 1959/XI-3/6). Chalc. I. b : Pendentif en forme d'idole (steatite, h. 5,7, Souskiou, Coll. Hadjiprodromou 900). Chalc. I. c Fragment de figurine (stea tite, h. 4,5 cm, Musée Piérides). Chalc. I. d : Figurine (steatite, h. 9 cm, Musée Piérides). Chalc. I.
PI. 10
IDOLES CHALCOLITHIQUES
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Figurine triple (brisée) (steatite, h. 3 cm et 3,5 cm, Musée Pié rides). Chalc. I. b : Collier avec pendentifs (dentalia et steatite, L. 52 cm, Souskiou, T. 3/6, CM). Chalc. I. e : Statuette (calcaire, h. 36 cm, Lemba 1976/54, CM). Chalc. I.
VASES À SYMBOLES RELIGIEUX (BR. ANC.)
PI. 11
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
Vounous a : Bol orné T. 36/10, de bucranes CM) Chyp. et serpents Ane. (fabrique II. b Bolrouge ornépolie, de têtes h. 28d'an cm, imaux à cornes (fabrique rouge polie, h. 18,2 cm, Vounous T. 160B/ 12,CM).Chypr. Ane. II.
PI. 12
VASES À PERSONNAGES (BR. ANC.)
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
^;^^^Brtî^^B^S
:
a Pyxide avec couple en relief (fabrique rouge polie, h. 19 cm, Vounous T. 2/91, CM). Chyp. Ane. III. b : Double col d'une cruche avec décoration en relief (couple, animaux à cornes, oiseau) (fa brique rouge polie, h. du vase 63 cm, Vounous T. 19/10, CM). Chyp. Anelli.
SCÈNES DU CULTE (BR. ANC.)
PI. 13
Illustration non autorisée à la diffusion
' *,■■ ■ '.
.
* - 'JPV- --9®-" V- -s "..*,■■?*■
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Modèle de sanctuaire (fabrique rouge polie, h. 8 cm, d. 37 cm, Vounous T. 22/26, CM). Chyp. Ane. III. b : Fragment de grand vase avec décoration en relief (couple) (fabrique rouge polie, h. 19 cm, Margi ?, CM 1970/VI-26/1 1). Chyp. Ane. III.
PI. 14
SCÈNES DE CULTE (BR. ANC.)
Α*
"^"""^
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
CM de Coll. a : personnages Modèle 1970/V-28/1). Hadjiprodromou de sanctuaire (fabrique Chyp. 682).(fabrique rouge Ane. Chyp.III. polie, Ane. rouge b h.III. Grand 38 polie, cm,vase h.d. orné 19 38 cm, cm,d'une Kochati, Margi frise?,
FIGURINES SUR VASES (BR. ANC.)
Illustration non autorisée à la diffusion
PI. 15
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
:
a : Vase composite surmonté d'une idole à l'enfant (fabrique rouge polie, h. 46 cm, Vounous T. 48/2, CM). Chyp. Ane. III. b Vase composite surmonté d'une idole (fabrique rouge polie, h. 37 cm, Vounous, série spéciale, 10, CM). Chyp. Ane. III. c Figurines fémi nines debout sur l'épaule d'une cruche (fabrique rouge polie, h. des figurines, 6 cm, Lapithos T. 429/C 22, CM). Chyp. Ane. III. d : Figu rine détachée d'un vase (fabrique rouge polie, h. 12,2 cm, Margi ? CM 1970/VI-26/6). Chyp. Ane. III.
PI. 16
IDOLES PLATES (BR. ANC. ET ΜΟΥ.)
1*
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
:
:
:
:
a Idole plate (fabrique rouge polie, h. 27,5 cm, Lapithos, T. 21/ 1913, CM). Chyp. Ane. III. b Idole plate à deux têtes (fabrique rouge polie, h. 23,5 cm, Lapithos T. 18/206, CM). Chyp. Ane. III. c Idole plate à l'enfant (fabrique rouge polie, h. 17,7 cm, Lapithos T. 307B/13, CM). Chyp. Ane. III. d-e Idole plate (face et dos) (fa brique rouge polie, h. 26,2 cm, CM 1963/IV-20/12). Chyp. Ane. III. f Figurine à l'enfant (fabrique rouge polie, h. 36,4 cm, Oriental Institute Museum, Chicago, X. 1 1 161). Chyp. Moy. I.
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
IDOLES (BR. ANC. ET ΜΟΥ.)
PI. 17
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a : Idole plate à deux têtes (fabrique rouge polie, h. 30 cm, Dhenia T. 1/6, CM 1943/IV-13/4). Chyp. Anelli, b : Enfant au berceau (fabrique rouge polie, h. 16,5 cm, Musée Piérides) Chyp. Ane. III. c: Idole (fabrique rouge polie, h. 24,4 cm, CM 1968/V-30/594). Chyp. Moy. I. d : Idole (fabrique rouge polie, h. 22,5 cm, CM 1934/VII-18/2). Chyp. Moy. I. e Idole (fabrique ordinaire blanche, h. 14,5 cm, Coll. K. Severis, Nicosie, 1539) Chyp. Moy. I. f : Enfant au berceau (fabrique rouge polie, h. 15 cm, Margi, Coll. Hadjiprodromou 341). Chyp. Moy. I.
PI. 18
FIGURINES MODELÉES (BR. ΜΟΥ. ET RÉC.)
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
:
:
:
a Figurine assise à l'enfant (fabrique peinte sur fond blanc, h. 10,2 cm. Alambra, Metr. Mus. 74.5 1.1538). Chyp. Moy. II. b Figu rine assise à l'enfant (fabrique Base Ring, h. 8,6 cm, Nationalmuseet 3713). Chyp. Re'c. II. c Figurine assise (fabrique Base Ring peinte, h. 9,5 cm, Katydhata, CM A 39). Chyp. Réc. II. d : Figurine (fabri queBase Ring peinte, h. 20,5 cm, CM A 5 1). Chyp. Réc. II.
FIGURINES MODELÉES (BR. RÉC.)
PI. 19
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Figurines (fabrique Base Ring peinte, h. 21,5 cm, 20 cm, 21 cm, 21,5 cm, Avgorou et Chatos, Coll. Hadjiprodromou 1333, 1334, 355, 1335). Chyp. Réc. II. b : Figurine assise sur un trône ou un lit (fabrique Base Ring, h. 6,8 cm, L. 6,8 cm. CM A 46). Chyp. Réc. II.
PI. 20
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
FIGURINES (BR.RÉC.)
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a Figurine à l'enfant (fabrique Base Ring, h. 14 cm, CM 1964/IX8/8). Chyp. Réc. II. b : Figurine (fabrique Base Ring, h. 14,5 cm, Ayios Iakovos, Coll. Hadjiprodromou 353). Chyp. Réc. II. c : Figu rine (bronze, h. 10,5 cm, Nicosie, CM 1936/VI-18/1). Chyp. Réc. III. d : Figurine en forme de vase (fabrique Proto-White Painted, h. 15,7 cm, Enkomi, CM A 60). Chyp. Réc. III. e : Figurine aux bras levés (fabrique Proto-White Painted, h. 24, Limassol, Musée de Limassol 580/8). Chyp. Réc. III.
:
Illustration non autorisée à la diffusion
DÉESSES AUX BRAS LEVÉS (CH. GÉOM.)
PI. 21
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
:
a Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 14,5 cm, Kition 381, CM). Chyp. Géom. I. b : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 17,5 cm, Limassol, Musée de Limassol 580/4). Chyp. Géom. I. c Figurine aux bras levés fragmentaire (terre cuite peinte, h. 10,8 cm, Kition 382, CM). Chyp. Géom. I. d : Groupe de figurines aux bras levés (terre cuite, h. 9 cm, CM C333), Chypr. Géom. 1.
PI. 22
DÉESSES AUX BRAS LEVÉS (CH. GÉOM. ET ARCH.)
k.
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a-b : Moule de figurine nue aux bras levés et figurine moulée (terre cuite, h. 22 cm, CM 1973/V-7/1). Chyp. Arch. I. c Figurine nue aux bras levés (terre cuite peinte, h. 22,5 cm, CM 1965/VI-I/26). Chyp. Géom. Ill-Arch. I. d : Figurine nue aux bras levés sur un coffret (calcaire, h. 10,3 cm, Metr. Mus. 74.51.5163). Chyp. Géom. III.
DÉESSES AUX BRAS LEVÉS (CH. GÉOM. ET ARCH.)
Illustration non autorisée à la diffusion
PI. 23
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
aCM: Figurine 1958/V-7/3). aux bras Chyp. levésGéom. (terre cuite Ill-Arch. peinte, I. bh. 16,3 Figurine cm, Morphou, aux bras levés (terre cuite peinte, h. 22 cm, Metr. Mus. 74.51.1609). Chyp. Géom. III-Arch. I. c : Prêtresse aux bras levés sur un col d'amphore (fabrique Bichmme III, Pyla, Louvre MNB 322). Chyp. Géom. III.
PI. 24 a
DÉESSES AUX BRAS LEVÉS (CH. GEOM. ET ARCH.) c
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
:
a : Figurine aux bras tendus sur une applique murale (fabrique Bichrome III, h. de l'applique 70 cm, région de Famagouste, Coll. Hadjiprodromou). Chyp. Géom. III. b : Figurine portant une am phore sur la tête (terre cuite peinte, h. 19 cm, CM Β 26). Chyp. Géom. III-Arch. I. c : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 21 cm, Musée Piérides). Chyp. Géom. III-Arch. I. d : Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, h. 23,5 cm, Metr. Mus. 74.51. 1610). Chyp. Géom. III-Arch. I. e : Tête (terre cuite peinte, h. 16 cm, CM 1938/IV-8/3). Chyp. Arch, f Figurine aux bras levés (terre cuite peinte, Palaepaphos, h. 35 cm, BM A 123). Chyp. Arch. II.
PLAQUES DE MÉTAL (CH. GÉOM. ET. ARCH.)
Illustration non autorisée à la diffusion
PI. 25
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
:
a : Figurine nue aux bras levés sur une plaque (or, h. 4,7 cm. Lapithos T. 403/40, CM). Chyp. Géom. III. b : Tête féminine sur une plaque (or, h. 4,3 cm, Lapithos, T. 403/1, CM). Chyp. Géom. III. c : Figure aux lions sur une plaque (or, h. 6,5 cm, Paphos ?, CM 1973/IX-19/1). Chyp. Géom. III. d Déesse nue ailée aux lions sur un pendant (bronze, d. du disque 29,5 cm, Salamine T. 79/155, CM). Chyp. Arch. I.
PI. 26
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Scène de culte sur l'amphore Hubbard (fabrique Bichrome III, h. du vase 68, Platani (Famagouste), CM 1938/XI-2/3). Chyp. Géom. III. b : Scène de culte sur un plat (bronze, d. 13,1 cm, Dhali, Metr. Mus. 4561). Chyp. Géom. III.
REPRÉSENTATIONS SUR VASES (CH. GÉOM.)
PI. 27
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Représentation de temple ? sur un cratère (fabrique Bichrome ///, h. du vase 20 cm, CM 1935/B-1988). Chyp. Géom. III. b : Scène de culte sur une cruche (fabrique Black-on-Red I (III), h. 18,5 cm, Chrysochou, CM 1973/XII-7/1). Chyp. Géom. III.
PI. 28
LE CULTE À L'ÉPOQUE ARCHAÏQUE
<7 V ■
y
Illustration non autorisée à la diffusion
:'
Illustration non autorisée à la diffusion
*·-ί^
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a : Modèle de sanctuaire (terre cuite peinte, h. 11 cm, CM C 75). Chyp. Arch. II. b : Figurine assise sur un trône (terre cuite, h. 28,6 cm, Ayia Irini, 1563 + 2026, CM). Chyp. Arch. II. c Figu rines de femme aux enfants (terre cuite, h. 12 et 13 cm, Lapithos, CM Β 65, Β 48). Chyp. Arch. II.
L'IMAGERIE POPULAIRE (Vlème)
PI. 29
Illustration non autorisée à la diffusion
\K.
y>
;
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Chyp. a : Scène Dhali, CM Arch. d'accouchement 1944/XII-9/3). II. b : Figurine Chyp. (terre aux cuite, Arch. bras levés h.II.9 ccm, (terre : Joueuse Lapithos,CM cuite,deh.tambourin 10,9 Β 56). cm, (terre cuite peinte, h. 18 cm, CM Β 190). Chyp. Arch. II.
PL 30
LE CULTE À L'ÉPOQUE ARCHAÏQUE
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Joueuse de lyre (terre cuite peinte, h. 19 cm, CM Β 191). Chyp. Arch. II. b : Porteuse d'offrande (terre cuite peinte, h. 21 cm, CM Β 219). Chyp. Arch. II. c : Procession de prêtresses ? sur une cruche (fabrique Bichrome IV, h. 37 cm, coll. G.G. Piérides, Nicosie). Chyp. Arch. II.
LE CULTE À L'ÉPOQUE ARCHAÏQUE
PI. 31
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
a Procession de prêtresses ? et figures erotiques sur un plat (fa brique Bichrome V, à. 35 cm, Achna, BM C 838). Chyp. Arch. II. b : Prétresse ? aux oiseaux sur une cruche (fabrique Bichrome V, h. 26 cm, CM 1939/1-18/1). Chyp. Arch. II. c: Tête hathorique sur une amphore (fabrique Bichrome V, h. du vase 24,4 cm, Amathonte ?, Musée Piérides). Chyp. Arch. II.
PI. 32
LE CULTE À L'ÉPOQUE ARCHAÏQUE
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
:
a Prêtresse ? à la fleur sur une cruche (fabrique Bichrome IV, h. du vase 36cm, CM 1941/11-25/ 1). Chyp. Arch. II. b: Prêtresse? à l'oiseau sur une cruche (fabrique Bichrome IV, h. du vase 23 cm, Kition, Metr. Mus. 74.51.509). Chyp. Arch. II. c Grande amphore décorée de prêtresses? devant l'arbre de vie (fabrique Bichrome IV-V, h. 93 cm, CM 1951/XI-27/1). Chyp. Arch. II.
LE CULTE A L'EPOQUE ARCHAÏQUE
PI. 33
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Prêtresses ? devant l'arbre de vie, détail de l'amphore CM 1951/ XI-27/1. b: Figures nues se tenant les seins sur un sarcophage (calcaire, h. 76 cm, Amathonte, Metr. Mus. 1365). Chyp. Arch. II.
PI. 34
L'APPORT DE L'ORIENT (Vlème)
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion
:
:
:
:
a : Figurine aux mains sur les seins (terre cuite moulée, h. 7 cm, Lefka, CM 1969/V-17/2). Chyp. Arch. II. b Figurine nue (terre cuite moulée, h. 20 cm, Arsos, CM C 408). Chyp. Arch. II. c Figurine nue (terre cuite moulée, h. 23,5 cm, Arsos, CM C 292). Chyp. Arch. II. d Figurine de prêtresse ? (terre cuite moulée, h. 32,5 cm, Musée Piérides). Chyp. Arch. II. e Figurine à l'enfant (terre cuite moulée, h. 19 cm, Arsos, CM C 681). Chyp. Arch. II.
PORTEUSES D'OFFRANDE
Illustration non autorisée à la diffusion
PI. 35
Illustration non autorisée à la diffusion
a : Femme à la colombe portant une lampe sur la tête (terre cuite peinte, h. 24 cm, Kamelarga, CM C 209). Chyp. Arch. II. b : Femme à la colombe (terre cuite peinte, h. 21 cm, Kamelarga, CM Β 51). Chyp. Arch. II.
PI. 36
STATUES DE PIERRE ARCHAÏQUES
Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
a : Buste de prétresse ? au taureau (calcaire, h. 72 cm, Arsos, CM Β 145). Chyp. Arch. II. b : Buste de prêtresse ? à la fleur (calcaire, h. 21 cm, Saint -Barnabe, h. 21 cm, Musée de Famagouste, A 67). Chyp. Arch. II-Class. c : Tête de prêtresse ? (calcaire, h. 36 cm, Dhali, CM 1946/XII-24/2). Chyp. Arch. II-Class.