LA DÉFLATION EN PRATIQUE (Angleterre, États-Unis, Prance, Tchéco-Slovaquie)
OUVIlAG ES DU MÊME AUTEUR
Histoire des d...
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE (Angleterre, États-Unis, Prance, Tchéco-Slovaquie)
OUVIlAG ES DU MÊME AUTEUR
Histoire des doctrines économiques depuis les Physiocrates jusqu'à nos jours. (En collaboration avec M. Charles GlDE, 4" édit, Paris, 1923. - Tenin, édit) Les finances de guerre de l'Allemagne, 294 p. (Payot, édit., Paris 192'1). 19~2, brochure de 44 p. au Jtloniteur dl's lflté"êis MaUriels, Paris, 23. rue Cbauchat.
Le retour de l'or,
TRADUCTIONS D. Schloss. -
Les Modes de rémnoération du travail (Paris, 1922.
1\1. Giard, édit.)
H. Withers. - Qu'est·ce que la Monnaie (en collaboration avec H. el C. RIVIÈRE, Paris, 1920, M. Giard, édit.).
BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE D'ÉCONOMIE POLITIQUE publiée sous la direction d'Alfred Bonnet
LA DEFLATION EN PRATIQUE (Angleterre, États~Un1s, France, Tchéco~Slovaquie)
PAR
CHARLES RIST Professeur d'économie politique il la Faculté de Droit de Paris
MARCEL GIARD LIBRAIRE-EDITEUR
16,
RUE SOUFFLOT ET
12,
PARIS (5') 1924
RUE TOULLIER
AVANT-PROPOS
Nous assistons depuis la guerre aux expériences monétaires les plus pariées et les plus instructipes que le mondi3 ait ;amais pues. Vouloir y découprir à toute force la péri fication de telle ou telle théorie a priori, serait aussi contraire à la méthode' scienti fique qu'à la bonne foi. Par contré, le contrôle des. théories anciennes et leur adaptation aux faits noupeaux est pour l'économiste une tâche d:un grand intér~t. L'expérience en économie politique comme en toute autre science est le souperain maître. Opserper les faits, puis essayer de les interpréter, en tenant compte de toutes les obserpations sérieuses, c'est la seule méthode féconde. Or, les faits qui se déroulent depuis quatre ans en Angleterre, aux Etats- Unis, en France, en Tchéco-Slopaquie, ne paraissent pas confirmer la conception de la déflation telle que la logique rationnelle la forme a priori. Le mécanisme par lequel s'accomplit dans un pays troublé par l'inflation le rétablissement monétaire, est plus compliqué que celui qu'on imagine d'ordinaire, sans cesser pour cela de rester conforme à ce que nous sapons des lois générales des prix. Nous apons essayé, dans nos conclusions, d'exposer ce ·mécanisme tel qu'il nous est apparu. De noupelles expériences se poursuipent sous nos yeux. Les anciennes se continuent. Nous en confronterons plus tard les résultats apec ceux que nous exposons ici. Il ne
AVANT-PROPOS
nous a pas semblé néc.essal:re d'attendre que tous les pays fussent reyenus à une monnaie saine pour raconter l' histoire de ce retour, après le fait accompli. Nous croyons plus pro fitable, même au risque d' Moir un jour à modi fier nos conclusions, d'exposer dès maintenant les résultats auxquels les récentes expériences conduisent l'observateur sans parti pris que nous avons essayé d'être. S'ils pouvaient, tels qu'ils sont, servir si peu que ce soit à éclairer notre politique monétaire et surtout à rendre plus énergique et plus sincère notre polit ique budgétaire, l' ambitidndc l'àuteur serait pleine.ment satisfaite (1). (l) Quelques-unes des pages qui suivent ont paru SQus forme d'articles dal1s le !r1onilelll" des Intérêts matériels de 1922 et 1923. Nous r6-. mercions le journal qui avait bien voulu les accueillir dans leur forme première, de nous avoir autorisé à les reproduire ici, très sensiblement modifiés.
LA DÉFLATION EN PRATIQUE
CHAPITRE PREMIER
Qu'entend-on par Déflation?
Le mot déflation est employé dans des acceptions très diverses. Il importe de les préciser pour éviter des équivoques et mettre quelque clarté dans l'exposé, qui va suivre, de politiques très diflérentes, cataloguées cependant par l'opinion courante sous une seule et même rubrique. t 0 Dans son acception la plus radicale, déflation signifie réduction matérielle des instruments de circulation. L'opération comporte non seulement le retrait, mais la destruction définitive d'une partie du « pouvoir d'achat» supplémentaire (dont la création constitue justement l'inflation) avec interdiction de la remettre en circulation. Evidemment, ce type de déflation ne peut s'appliquer qu'au cas où l'inflation a eu lieu par l'émission, soit de billets de banque à cours forcé, soit de billets d'États, tous susceptibles d'une destruction totale. Quand le « pouvoir d'achat» a été créé, non sous forme de billets, mais sous forme d'inscriptions en compte cour~nt, - de simples crédits en banque circulant par le
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LA DÉI'LATIO;'I EN PRATIQUE
moyen de chèques (et l'on sait que cette méthode a été largement employée pendant la guerre, aussi bien par les banques de dépôt privées, que par certaines banques d'émission, comme la Banque d'Angleterre), - la destruction matérielle de ces crédits (une fois remboursés) ne peut naturellement avoir lieu. S'il s'agit d'une banque centrale dont le statut est réglé par la-loi, on pourrait cependant concevoir une interdiction d'accorder de nouveaux , crédits après le remboursement des premiers. Cette mesure correspondrait à la destruction des billets de banque ou des billets d'État, dans les pays où l'inflation a eu lieu sous cette dernière forme. En fait, nous ne connaissons pas d'exemple d'une mesure semblable. Quant aux banques de dépôts privées, elles sont évidemment toujours libres de créer de nouveaux crédits, même au profit de l'État, pour remplacer les crédits remboursés. En pratique cependant cette liberté n'est pas absolue, car leur sécurité repose sur la. facilité avec laquelle elles trouveront auprès d'une instance supérieure (Banque d'émission, ou Trésor) les instruments de payement né_ cessaires en cas de retrait de leurs dépôts. Leur faculté de créer des crédits est donc limitée par les possibilités de création monétaire, soit de la Banque centrale d'émission, soi.t du Gouvernement. Ces possibilités fixent aux banques de dépôts privées des limites difficiles ou même impossibles à franchir. Le problème de la déflation - au sens radical du mot -_ se ramène donc au problème de restreindre la monnaie de circulation créée par la Banque centrale ou par l'État, monnaie dont l'abondance fixe, en définitive, les limites de création du pouvoir d'achat par les autres banques. Tant que cette monnaie de circulation n'a pas subi de diminution, les banques de dépôts n'ont
QU'E.UEND·O~ PAU DÉFLATIO~?
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aucun motif de restreindre le chiffre des crédits qu'elles peuvent accorder même à l'État, ou aux particuliers désireux de prêter à l'État. 2° Ceci nous conduit au deuxième sens souvent donné au mot déflation, sens plus modéré, si l'on peut ainsi dire, que le précédent. On entend souvent, par déflation, le sim'ple remboursement aux banques des moyens de paiements créés 'par .elles au profit de l'État (billets ou crédits) -les banques restant, d'ailleurs, li bres de les employer à noupeau au 'gré des besoins du commerce. Déflation n'est plus alors synonyme de contraction monétaire par destruction de moyens de' paiement.. Le mot signifie substitution de moyens de pa~ement gagés sur des opérations comme.r~ <:iales, à des moyens de paiement gagés sur les promesses ,de l'État, ou encore restitution par l'État en tapeur du .commerce et de l'industrie d'instrumenis de paiement primitivement créés à son seul profit. Avec cette méthode, le chiffre des instruments monétaires, soit sous forme de billets (de banque ou d'État), soit sous forme d'inscriptions en compte courant utilisables par chèques, peut rester inchangé, au moins en principe. En pratique, évidemment, la remise en circulation des hillets ou des crédits remboursés pourra se faire attendre, plus ou moins longtemps. Elle dépendra de ,l'intensité des besoins de crédit du commerce et de l'industrie. Elle s'effectuera plus ou moins vite, suivant que l'on sera en période de' dépression ou d'essor économique. Elle restera cependant toujours possible, tandis qu'elle était exclue dans la conception précédente de la déflation. L'effet du remboursement des crédits accordés par les banques à l'État ne sera plus alors de réduire
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE
directement les instruments monêtaires, mais d'accroître la marge de crédit dont disposent les banques au bénéfice des besoins privés. Les banques useront-elles ou non de cette marge? C'est une question de fait. Mais si elles sont amenées à en user, cette marge accrue évitera le risque que l'on courrait sans cela, d'obliger la Banque d'émission à franchir la limite maximum d'émission que la prudence élémentaire commande, comme nous le ver· rons, de lui assigner en régime de papier-monnaie. 30 Quel que soit le système adopté - le type radical ou le type modéré - dans les deux cas la préface de la déflation est le remboursement par l'État (soit sur le produit d'emprunts à long terme, soit sur les excédents budgétaires) des sommes qui lui ont été avancées par les banques. Une autre méthode cop.siste pour les banques à céder au public les titres d'emprunt ou les bons du Trésor qu'elles avaient elles-mêmes mis en portefeuille, et dont elles avaient avancé le prix à leur clientèle en créant des crédits. Cette seconde méthode, comme la première, aboutit à ramener à la banque le pouvoir d'achat originairement créé par elle ex nihilo, retour qui s'accomplit grâce à des sommes prélevées cette fois sur l'épargne véritable du public, c'est-à-dire au moyen d'un revenu effectif que le public renonce à consommer. Ce remboursement des crédits est une opération distincte de la remise ou de la non-remise ultérieure en circulation des crédits remboursés. Nous appellerons dans ce qui suit « déflation financière )l ce remboursement. La déflation financière est ou non accompagnée d'une déflation monétaire, selon qu'en fait elle aboutit ou non à une restriction des instruments monétaires en circulation, ou des dépôts en banque utilisables par chèques. Il importe de distinguer les deux opérations. La défla-
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tion financière précède toujours la déflation monétaire. Mais la seconde n'intervient pas nécessairement quand la première est réalisée. Il peut y avoir déflation financière sans déflation monétaire consécutive. Il suffit pour cela que les crédits ou les billets remboursés soient remis ensuite en circulation. On voit, dès maintenant, quels conflits d'intérêts vont naître d'une politique de déflation. L'opération se résume en une amputation du revenu des particuliers, tel qu'il s'est établi à la suite de l'inflation. Amputation définitive si les crédits remboursés sont définitivement détruits (déflation radicale) - amputation momentanée si les banques les remettent en circulation (déflation modérée). Même dans ce dernier cas, les particuliers ne retrouveront qu'à titre de prêts des sommes qu'ils possédaient en pleine propriété avant de les verser à l'État ou aux banques. Cette amputation est-elle légitime? En apparence on l'entre simplement dans l'ordre. La dépense d'État initiale, contrairement à la nature des choses, et grâce à la création monétaire en quoi consiste justement l'inflation, n'avait exigé de personne aucun sacrifice de revenu. Le l'.emboursement, ultérieurement prélevé sur la véritable épargne, constitue tardivement ce sacrifice, et permet de faire disparaître la monnaie créée qui en tenait lieu. Mais ce n'est qu'une apparence. Car le remboursement intervient généralement quand tout le système économique a eu le temps d'être transformé par la hausse des prix, conséquence elle-même de l'inflation originaire. Or, oette hausse des prix, si elle s'est prolongée, a forcé indirectement le sacrifice de revenu que l'on avait cru esquiver à l'origine. La dépréciation générale de la monnaie, en réduisant le pouvoir d'achat du revenu nominal,
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE
réduit le revenu réel des particuliers du montant de tous les biens et services que l'État, par le papier-monnaie, 11> détournés à son profit. La déflation, en amputant à son tour le revenu, n'opère donc pas une restitutio in integrum, mais ajoute un sacrifice nouçeau à celui que l'inflation avait déjà consommé en sourdine. Ce nouveau sacrifice, succédant au premier, ne peut se justifier que de deux manières: soit par des avantages monétaires, - tels que le retour du change national au pair ou l'obtention d'une marge d'élasticité garantissant contre une inflation nouvelle; - soit par le désir de rendre au revenu des personnes dépouillées par l'inflation un pouvoir d'achat plus élevé. On admet, en effet, que réparties sur une assez longue période et fréquemment: répétées, les amputations successives de revenu réagissent. sur le niveau des prix pour l'abaisser. D'où un déplacement du revenu réel inverse de celui qui s'était effectl1;é· au cours de la période d'inflation, car l'appréciation de la monnaie profitera surtout aux bénéficiaires de revenus. fixes, les plus éprouvés par la crise précédente de dépréciation. Seulement cette baisse des prix. met elle-même toute l'économie dans un grave état de malaise, très défavorable à la production. Il arrive un moment·où les avantages p.urement moné-· taires de la déflation, risquent d'être compensés par ses. inconvénients économiques. Au lieu d'employer l'épargne des emprunts ou des excédents budgétaires à réduire le chiffre des instruments. de circulation, c'est-à-dire à détruire des revenus nominaux, ne vaudrait-il pas mieux laisser les particuliers. l'employer productivement? Au lieu de relever, en les
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détruisant, le pouvoir d'achat des billets de banque (sous prétexte de rembourser l'emprunt forcé originairement réalisé par l'émission) - n'est-il pas préférable de rembourser les souscripteurs des emprunts voloIJ.taires, - ce qui allégerait les finances de l'État, tout en laissant aux mains des particuliers le capital remboursé, et en facilitant ainsi une reprise de la production, très favorable à l'appréciation même de la monnaie? Telles sont les question3 que soulève la déflation, e,t c'est dans la balance à établir entre ses avantages monétaires et ses inconvénients économiques, que réside toute la difficulté. Celle-ci s'accroît encore, si l'expérience démontre que les effets monétaires eux-mêmes, généralement attendus d'une déflation radicale, ne se produisent pas toujours, - si l'on constate par exemple que la monnaie retirée d'un côté par l'impôt ou l'emprunt, réapparaît de l'autre sous forme de crédits de banque, les particuliers, pour payer l'impôt ou souscrire à l'emprunt, étant obligés de recourir aux avances de leurs banquiers. C'est ce qui s'est produit, nous le verrons, en TchécoSlovaquie. Nous nous bornons, pour le moment, à signaler la difficulté, sans l'examiner de près. Deux remarques cependant doivent être faites. tout de suite: La première, c'est qu'il n'y a pas de solution a priori au problème de la déflation. Quoi qu'en disent ou pensent certains publicistes -les uns toujours disposés à déclarer l'économie politique en état de faillite, les autres trop enclins à donner de simples préférences personnelles pour des dogmes éternels de la « Science », - il n'y a pas sur
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LA nÉPLATIO~ EN' PRATIQUE
cette question de solution orthodoxe ni de solution hérétique. Il s'agit d'un problème pratique, comportant, comme tous les problèmes pratiques, des solutions diverses suivant les époques et les circonstances. Les effets de la quinine sont scientifiquement connus. ~Iais son dosage ou même son emploi varie suivant les personnes et les maladies. Il en est de même de la déflation. Tout au plus pourrait-on noter qu'il existe de la part des hommes politiques et des hommes d'affaires une tendance à sousestimer les risques permanents des maladies monétaires et à s'exagérer, par contre, les inconvé~ients économiques momentanés qu'entraîne leur guérison. Ce qui les incline volontiers à traiter de dogmatiques les économistes, plus sensibles qu'eux aux dangers d'une mau~ vaise monnaie, parce qu'ayant gardé une méI?oire pl us fidèle des eXpériences du passé. D'ailleurs - et c'est notre deuxième remarque - le conflit d'intérêts signalé tout à l'heure ne se présente que lorsqu'un État est devenu capable de rembourser sa dette, c'est-à-dire quand son budget est en équilibre. Jusque-là il ne saurait véritablement s'agir pour lui de déflation, mais seulement d'un arrêt plus ou moins complet de l'inflation. Et, par suite, les « dangers» de la déflation peuvent y être négligés. 4 0 Jusqu'ici nous avons distingué deux types de déflation monétaire, basés l'un et l'autre sur une déflation financière préalable. Or, il en existe un troisième, fort différent des précédents. C'est celui dont la crise de 1920 nous a donné le spectacle. Et c'est lui que l'on vis.e très souvent - surtout en Angleterre et aux États-Unis - par le mot « déflation ». On entend par là le fait de provoquer par une hausse
QU'E~TENIl.O~ PAR nÉFI.ATIO~?
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du taux de l'escompte une' baisse des prix et un arrêt de la spéculation, quand celle·ci s'est développée au point de devenir dangereuse. Les États- Unis ont recouru à ce mode de déflation, au début de 1920, afin de protéger leur étalon d'or menacé. Les banques d'émission européennes, en suivant leur exemple, n'ont fait que s'incliner devant une inéluctable nécessité. La dépression consécutive s'est accompagnée d'une réduction, cette fois spontanée, de la circulation, tenant à la baisse générale des prix. Cette déflation spontanée s'oppose à la déflation voulue, envisagée plus haut. C'est celle à laquelle on assiste à la suite de toute grande période d'essor économique. La provoquer est un devoir
pour toute grande banque d'émission consciente de son rôle économique. Elle s'oppose essentiellement aux types précédents, en ce qu'il s'agit ici d'une déflation des crédits prifJés,.et non d'une déflation des crédits créés au profit de l'État, la seule dont il ait été question plus haut. Nous proposons de l'appeler déflation de crédit pour l'en distinguer. Ces deux type's de déflation ont cependant quelque chose de commun: ils impliquent l'un et l'autre une réduction des revenus nominaux des particuliers, la baisse des prix consécutive à la hausse du taux de l'escompte équivalant à une diminution de tous les revenus. Seulement la réduc· tion 'résulte dans un cas de la baisse des prix, dans l'autre d'un prélèvement direct sous forme d'emprunt ou' d'impôt. D'ailleurs, la déflation spontanée de crédit peut conduire à une déflation l''oulue. On peut profiter, en effet, du retour de la monnaie dans les banques ou au Trésor pour en supprimer définitivement une certaine portion. C'est la méthode suivie en Angleterre pour la réduction des Currency- Notes.
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LA DF.t'I.ATlO:'\
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PliA TIQU E
Seulement, dans ce cas,' comme précédemment, lél! déflation n'est réelle que si l'État est en mesure, soit grâce à des excédents budgétaires, soit grâce à des emprunts à long term.e, de ne pas remettre en circulation sous une autre forme la monnaie de papier qui lui est spontanément revenue. Les types de déflation que nous venons de distinguer' ne le sont pas toujours nettement, même par ceux qui sont chargés de formuler la politique monétaire des. grands pays. Il est vrai qu'ils se mêlent fréquemment dans la réalité. Cependant, comme on va le voir, ni leurongme, ni leurs effets, ni leur mécanisme ne sont les. mêmes. Nous abordons maintenant l'examen des méthodes. pratiques de déflation, telles qu'elles ont été conçues. et appliquées depuis la fin de la guerre. Nous résumerons, dans un chapitre final, les conclusions qui semblent se dégager de ces expériences. Nous commençons par la méthode anglaise.
CHAPITRE II
La méthode anglaise
Dans chaque pays les procédés de déflation sont naturellement conditionnés par ceux qui, préalablement, avaient conduit à l'inflation. Nous ne pouvons éviter de· rappeler d'abord, en quelques mots, le mécanisme anglais de l'inflation, quoiqu'il soit connu. II a été particulièrement compliqué, d'où il suit qu'en Angleterrecelui de la déflation est aussi des plus c·omplexes.
L'in flation
Le processus de l'inflation anglaise a été double: n s'est poursuivi simultanément par la création de crédits' en banques, et par l'émission d'un papier-monnaie gouvernemental, les « Currency.- Notes D'un côté, le gouvernement s'est fait ouvrir des crédits. par les banques, - soit par la Banque d'Angleterre (ce sont les fameuses « Ways and Means advances ») - soit. par les banques ordinaires, - celles-ci souscrivant directement aux emprunts de guerre à court et à long terme, ou avançant au public les sommes nécessaires à cette·
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LA DÉFLATION E!" PRATIQUE
souscription (1). Dans les deux cas, ces avances des banques, faites sous forme d'inscriptions en compte courant, augmentaient d'autant le pouvoir d'achat du public. D'un autre côté, ce gonflement du pouvoir d'achat, en faisant hausser tous les prix, rendait nécessaires des instruments de circulation plus abondants pour les règlements de salaires, les achats au détail, etc., lesquels ne se font pas par chèques. C'est ici que sont intervenus les Currency-Notes, dont les coupures, plus faibles que les billets de la Banque d'Angleterre, sont indispensables aux petites transactions. Le gouvernement s'est chargé lui-même d'assurer, à chaque instant, le remboursement de leurs dépôts par les banques, en fournissant sans limite à celles-ci la monnaie de papier demandée, contre cession d'un chiffre correspondant de leur « balance» à la Banque d'Angleterre. Ainsi s'est trouvé réalisé pendant toute la guerre, et jusqu'à la fin de 1919, un mécanisme qui permettait au gouvernement d'obtenir des avances indéfinies des banques, parce que lui-même leur assurait indéfiniment la monnaie destinée à faire face au retrait de leurs dépôts. C'est ce système, d'une efficacité vraiment merveilleuse, qui a fini par faire passer le chiffre des comptes-courants créditeurs des banques de 1.032 millions de livres sterling à 2,656, entre la fm de 1913 et la fin de 1919; et celui des Currency-Notes de zéro à 356 millions de livres au cours de la même période.
(1) Les banques du Royaume-Uni autres que la Banque d'Angleterre, détenaient, â la fin de 1913, pour environ 211.000,000 de livres sterling de titres, la plupart émis par le gouvernement. A la fin de 1921, cc cl.iffre atteignait 587 millions ct 688 à la fin de 1922.
LA METHODE ANGLAISE
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Pendant ce temps, le régime d'émission de la Banq';le d'Angleterre n'était pas modifié, et, si la circulation de ses billets s'est élevée de 30 millions de livres sterling à 91 millions entre ces deux dates, c'est uniquement par suite de la concentration dans ses caisses des réserves d'or du pays. Le chiffre légal de sa circulation fiduciaire (c'està-dire sans couverture métallique) est resté intangible. Où se trouve dans ce système l'instrument monétaire correspondant au billet à cours forcé de la Banque de France? Sont-ce les avances en compte-courant de la Banque d'Angleterre à l'État? (1) ou sont-ce les Currency- Notes ? En d'autres termes, lorsqu'on parle de déflation e~ Angleterre, faut-il entendre le remboursement des «Ways and Means advances», ou plus spécialement celui des Currency-Notes ? Evidemment, ce dernier remboursement est celui qui correspond le mieux à ce que l'on appelle, en France, les remboursements du gouvernement à la Banque. Les avances par voies et moyens de la Banque d'Angleterre ont souvent été purement temporaires. Elles grossissaient (et parfois beaucoup) pour diminuer ensuite, sans que l'ensemble de la circulation en fût affecté durablement. Ainsi, pendant la durée d'un grand emprunt, la suspension de l'émission des bons du Trésor gonflait, mais seulement pour un temps, le chiffre des avances de la Banque. (1) Les avances ne sont du reste pas connues par le bilan de la Banque, mais uniquement par les comptes hebdomadaires publiés par le Trésor, et où figurent les chiffres des « Ways and Means advances ». Celles-ci ne proviennent pas toutes de la Banque d'Angleterre, Une partie provient d'autres caisses publiques. Ce sont les Depaltmental Adl'ances, mais elles ne constituent pas une création de crédit et n'ont par conséquent pas le même effet que les avances de la Banque sur le systèm~ monétaire.
14.
LA
DI~HATJO~ FN' PRATIQUE
Par contre, quand les avances de la Banque d'Angle'terre ont abouti par l'intermédiaire des banques de .dépôt's à rendre nécessaire une émission de CurrencyNotes, ceux-ci sont entrés définitivement dans la circulation, consolidant ainsi pour toujours l'accroissement de 'pouvoir d'achat originairement obtenu par l'avance de la Banque. Jusqu'à ce moment on pouvait le considérer ·comme tem,poraire. Or, c'est bien le caractère des billets graduellement avancés par la Banque de France au gouvernement et figurant sous cette rubrique à son bilan, de s'être définitivement intégrés à la circulation. Néanmoins, lês quelque deux cent millions de livres ·d'avances par voies et moyens que le gouvernement anglais devait encore à la Banque à la fin de 1919, doivent être assimilés aux Currency-Notes et leur remboursement considéré comme une véritable déflation. S'ils n'avaient pas été remboursés, ils auraient fini par aboutir, eux aussi, à une émission supplémentaire de billets d'État (1).
Le Rapport du
Comité Cunlitte
Au cours même de la guerre, on s'est préoccupé des moyens de revenir à un régime normal, quand les hostilités auraient pris fin. Jamais l'Angleterre n'a admis l'idée qu'une création illimitée de monnaie pût se justifier autrement que dans un seul cas: celui où le sort -du pays est en jeu en face de l'ennemi. (1) Nous don.nons en appendice la traduction du passage caractéxistique du Comité Cunliiie qui explique la méthode d'inflation an.glaise, ainsi qu'un passage non moins important d'un rapport de Sir Basil Blackett où la définition de l'inflatio~ et do la déflatioll !lll Angleterre est donnée avec une grande p.récision.
tA lIÉTlIO[)E A:'iGtAISE
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On se rappelle qu'un « Committee on Currency and Foreign Exchanges », présidé par lord CunlifIe, fut chargé ,de tracer le plan de la politique à suivre. Ce plan se trouve développé dans le premier rapport provisoire du 'comité (First Interim Report) du 15 août 1918. Ses condusions ont été souvent reproduites; nous les ~ésumons .cependant ici, car elles forment comme la charte ou le programme de la déflation en Angleterre. On verra qu'elles s'adaptent exactement aux méthodes anglaises -d'inflation que nous avons exposées. Elles rep osent .·d'ailleurs sur des idées générales, dont la portée n'est pas restreinte à la seule Angleterre. 1er PRINCIPE. - Une limite à la création du crédit est indispensable en tout pays. Cette limite, avant la guerre, était fournie ,en Angleterre par l'encaisse-or de la Banque, -dont le drainage à l'étranger fonctionnait comme un signal d'alarme. La suppression pratique (1) de la remboursabilité du billet depuis 1914 et l'interdiction de la libre exportation du métal jaune, l'ont fiit disparaître. Elle ne sera pas rétablie tant que sera maintenue cette double prohibition, à laquelle on ne saurait encore renoncer, sans danger. Il ne reste donc qu'un moyen de limiter le crédit, ~' est de mettre un terme à la possibilité indéfinie qu'ont les banques de se procurer ces moyens de pa~ement trop ~ommodes que sont les ( Currency- Notes ». Que faire pour cela? Fixer un maximum à l'émission des Currency-Notes non couverts (2), et exiger pour toute émission dépassant ce maximum une couverture en billets de la Banque d'Angleterre. Comme l'émission non cou(1) On sait que théoriquement les billets sont restés remboursables. Mais la théorie n'a jamais joué, et ne joue pas encore à l'heure actuelle. (2) Une couverture or de 28 500 000 livres est afIectéc depuis le début aux Curreney-Notes.
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LA DÉnATtO:'! EN. PIIATIQUE
verte de ces derniers est strictement contingentée (1), autant dire que l'on impose un maximum infranchissable à la circulation fiduciaire du papier sous sa double forme de billets de banque et de Currency-Notes. D'autre part, la Banque d'Angleterre, quand elle voit diminuer sa réserve de billets, élève le taux de son escompte. Par suite, une création exagérée de crédits entraînant une forte demande de Currency-Notes, aboutira à une demande parallèle de billets de la Banque pour les couvrir, et déclanchera automatiquement le frein du taux de l'escompte. L'inflation sera enrayée. 2 e PRINCIPE. - Ce n'est pas tout d'enrayer l'inflation, il faut réduire les moyens de circulation existants. La perte au change de la livre sterling vis-à-vis des monnaies d'or est, conformément à une doctrine devenue classique, la preuve d'une surabondance de papier. Il faut donc faire de la déflation. Jusqu'à quel point? Il n'est pas question, bien entendu, de redescendre au niveau de la circulation d'avant-guerre. Une partie au moins de la hausse des prix est acquise. Un supplément de moyens de paiement est indispensable. Mais lequel? C'est le cours du change qui nous servira de guide. Dès que la livre sterling sera revenue au pair, la preuve sera faite que le papier en circulation ne dépasse plus les besoins. 3 e PRINCIPE. - Ce qui restera à ce moment de Currency- Notes non couverts pourra être remis à la Banque d'Angleterre et aj outé sans danger· à sa circulation fiduciaire. Ce sera le résidu d'inflation. Il sera couvert comme l'actuelle circulation fiduciaire de la Banque par des titres de la dette publique. Que ce résidu d'inflation soit inévitable, c'est ce que le (1) A 18 450 000 livres, en vertu des dispositions de l'acte de 181.4.
LA
MÉTIIODE A~'G LA ISE
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!l'apport explique dans un passage qu'il est utile de tra-duire ici in extenso: « II est probable qu'après la guerre les prix mondiaux ~esteront longtemps, sinon toujours, à un niveau très supérieur à celui d'avant-guerre, et que les banques setront conduites à adopter un chiffre plus élevé d'encaisse. En outre, quelles que soient les économies que l'emploi de méthodes perfectionnées de payement puisse apporter dans l'emploi de la monnaie légale, elles seront probablement pl us que compensées par l'accroissement des rcvenus des classes salariées qui sont les grands consommateurs de monnaie légale. Toutes ces .causes tendront à accroître la quantité de monnaie légale que le pays pourra CDnserver, sans danger pour l'étalon d'or, soit en circulation, soit dans les réserves des banques, bien au delà du chifTre d'avant-guerre, sans que cependant ce montant puisse être ~xé autrement que par l'expérience» (§ 38 du Happort Cunliffe). Aussi le rapport propose de fixer plutôt le chiffre de la réserve centrale d'or à la Banque d'Angleterre. II propose 150 millions de livres sterling, - et considère que la déflation pourra s'arrêter quand l'expérience aura prouvé que le chiffre existant de la circulation est compatible avec le maintien d'une réserve de cette importance. , 4 e PRINCIPE. Bien entendu, la déflation devra être graduelle et en rapport avec les circonstances. La Commission se refuse à proposer à l'avance un chiffre précis de réduction annuelle. Elle se borne à suggérer que le chiffre maximum de la circulation non couverte des Currency-Notes qui aura été atteint une année serve de maximum infranchissable pour l'année suivante. Elle ne propose pas non plus de méthode spéciale pour cette réduction. Elle se borne un peu vaguement à
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE
demander qu'on y procède « au fur et à mesure que l'occasion se pré~entera ». 5 e PRINCIPE. - Même avec cette précaution, le système risque d'être trop rigide. Il faut se réserver une soupape de sûreté. L'élasticité de la circulation est une nécessité des grands marchés monétaires modernes. Il faut donc maintenir la disposition exceptionnelle prise au début de la guerre, par le « èurrency and Bank-Notes Act ", et qui permet à la Banque, avec le consentement de la Trésorerie, d'élel'er te mporairement son ~mission fiduciaire (c'est-à-dire non couvel'te métallique ment) au-dessus du maximum. absolu fixé par l'Act de 1844. Ainsi toute « panne II de crédit sera prévenue, et les risques à'une déflation trop rapide atténués. Une émission supplémentaire de hillets pourra toujours compenser une émission trop faible de Currency-Notes. Tels sont, dépouillés de toutes les considérations acces'soires qui en rendent la lecture un peu' difficile, les principes posés par le rapport Cunliffe, qui est destiné peutêtre à devenir aussi célèbre que le fameux « Bullion Report II de 1810. Ils se résument, en somme, en une double idée, que l'on. retrouve à la base de toutes les réformes sérieuses du papier-monnaie: fixer sans retour une limite maximum à l'émission, mais veiller, d'autre part, à assurer l'élasticité de circulation indispensable aux affaires. Ils comportent en outre l'affirmation d'un but précis: le retour du change anglais au pair métallique d'avantguerre. Ce but une fois atteint, le résidu d'inflation qui, subsistera sera par là-même fixé.
LA
~I
ETUODE A:'iGLAISE
19
L'appUcation
Le gouvernement anglais ne s'est pas préoccupé tout d'abord des conclusions du Comité C unliffe. On était encore en pleine bataille. Les emprunts aux banques étaient indispensables à la conduite de la guerre. Faire de la déflation tout en empruntant, ç'eôt été jeter de la poudre aux yeux. Le premier essai d'application des recommandations du Comité se place un an après leur publication: le 1G aoCit 1919. A cette date, on voit figurer pour la première fois dans la situation hebdomadaire du compte des Currency-Notes, en contre-partie d'un accroissement de l'émission, une couverture de 250.000 livres sterling. en billets : le chiffre s'élève ensuite graduellement jusqu'à 4 millions de livres au 1 er janvier 1920. Pour la première fois, conformément à la politique préconisée par le Comité, on fait correspondre à une augmentation de la circulation des Currency-Notes une diminution de la réserve des billets à la Banque d'Angleterre. Comment jusque-là les choses se passaient-elles? Quand une banque quelconque réclamait pour ses clients des Currency-Notes à la Banque d'Angleterre, celle-ci les demandait au département des CurrencyNotes. En échange, elle cédait à celui-ci le crédit correspondant figurant chez elle au compte de la banque demanderesse. Le « Currency- Notes Department )) se trou~ vait donc en possession d'un crédit à la Banque d'Angleterre, crédit qu'il s'empressait de céder à la Trésorerie pour être dépensé (1), - la Trésorerie lui remettant en U) Le département pouvait aussi sc contenter d'acheter lui-même sur le marché des titres du gouvernement. La di/l'èrence entre les deux méthodes est insignifiante.
20
LA DÉnATIO"" EN PIUTlQIJE
échange des bons du Trésor, ou, d'une manière générale des titres du gouvernement, « Government Securities n. Aussi voit-on figurer dans le compte des Currency- Notes, publié chaque semaine, en face du chiffre de la circulation. un actif composé essentiellement: 1 d'un chiffre très rapidement croissant de « Government Securi ties n, formant la principale contre-partie des. Currency-"\" otes émises ; 2° d'une somme en or, invariable, de 28.500.000 livres (depuis le 20 juin 1915), destinée théoriquement à as~urer leur remboursement à vue; 3° d'une « balance» (en général très faible) à la Banque d'Angleterre. En un mot, jusqu'au 6 août 1919, toute émission nouvelle de Currency-l'\ otes constituait une addition nette au pouvoir d'achat du public. La banque qui les recevait les remettait à ses clients, et le crédit à la Banque d'Angleterre qu'elle cédait en échange était dépensé par le Trésor. La trace de l'opération était conservée par l'augmentation des « Government Securities » au département des Currency-~otes. C'est ce que montre la situation cicontre du Compte des Currency-Notes. Depuis le 6 aoùt 1919, au contraire, le « CurrencyNotes Department n, en échange du papier que la Banque d'Angleterre lui demande, exige pour une partie au moins des billets de banque, qu'il garde comme couverture au lieu de les céder au Trésor. Résultats: la circulation est bien augmentée du montant des Currency-l'\otes émis, - mais la réserve des billets de la Banque (et, par conséquent, la limite du crédit qu'elle peut accorder) est réduite d'autant; enfm, à l'actif du compte des CurrencyNotes figure aujourd'hui une quatrième rubrique « les billets de la Banque d'Angleterre ».
°
323.241 338.787 343.293 34'.99 6
15.529 16.82!J 16.276 17. 286 150 250 250
-
Banques
570 330 265 220
Caisses d'Epargne
Avances aux
les billets en circulation se sont accrus de. En regard les « Titres du Gouvernement» ont augmenté de La différence entre ces deux chiffres. soit. s'explique par les légers mouvements des autres comptes.
Entre le 31 XII 1918 et 30 juillet 1919 :
31 XII 1918. 30 VII 1919. 10 XII 1919' 7 1 19 20.
Dates
Compte Currency Notes des place men ts et Certificats servant en circulation de réserve
28.500 28.500 28.500 28.500
Espèces
(en milliers de li vres sterling)
Compte de rachat
305.133 323. 327 324.533 330.481
4.566 3.305 2.9 21 1.831
Crédit à la Banque d'Angletlfre
15,526 milliers de livres sterling 18.194 » 2.668 » .)
3.100 4.000
-
Billets Titres de ,la Banque du d'Angleterré Gouvernement
Compte spécial des Currenoy-Notes
22
LA
DÉfLATIO~ ,,:'\' PIIATIQlJ,E
Une deuxième et plus importante étape de la politique anglaise de déflation est franchie six mois plus tard. Le 15 décembre, M. Chamberlain faisait à la Chambre des Communes une déclaration importante, qui suivait de près la publication du second et définitif rapport du Comité Cunliffe (daté du 3 décembre), où celui-ci se bornait à reprendre, en les résumant, ses 'recommandations précédentes. Le chancelier annonçait que l'augmentation de la dette publique étant près d'atteindre son maximum, et devant faire place vraisemblablement à une réduction graduelle dans l'année nouvelle, il pouvait songer à mettre en application les principales recommandations du Comité Cunliffe, à savoir: 1) La fixation d'une limite maximùm à l'émission des Currency-Notes ; 2) le maintien de la disposition exceptionnelle prise au début de la guerre, et permettant l'extension, en cas de bes )in, de la circulation fiduciaire de la Banque d'Angleterre; 3) la remise de billets de la Banque comme couverture à l'émission des TreasuryNotes dépassant l'émission maximum. Cette dernière recommandation avait déjà été mise en pratique, mais n'avait pas grande portée, tant qu'aucune limite maximum n'était fixée à l'émission « fiduciaire» (c'est-à-dire couverte seulement par les « Government Securities ») des Currency-Notes. Il décidait de fixer ce maximum au chiffre de 320.600.000 livres sterling. Une « Minute» du Trésor fixant ce dernier point fut publiée aussitôt. J..,' application devait commencer à partir du 1 er janvier 1920. Dorénavant, il Y a donc pour les Currency-Notes comme autrefois pour les billets de la Banque d'Angleterre une
23
LA MÉTHODE ANGI.AISE
marge d'émission» infranchissable; avec cette différence que la marge d'émission de la Banque d'Angleterre est pourvue d'une certaine élasticité dont elle ne jouissait pas avant la guerre. La marge d'émission fiduciaire des Currency- Notes se calcule de la manière la plus simple. Au début de 1920, date·à laquelle le nouveau régime devait entrer en vigueur (1), la somme tDtale des Cur~ l'ency-Notes en circulation s'élevait à 347.996.000 livres sterling. Sur ce total, un chiffre de 32.500.000 livres était couvert, soit en or (28 millions 500.000), soit en billets de la Banque d'Angleterre (4 millions). Le reste, soit 315.496.000 livres sterling, représentait donc l'émission (c fiduciaire » couverte par les cc Government Securities » et la cc balance » à la Banque d'Angleterre. (c
Comme le maximum do l'émission fiduciaire élait doréna"ant fixé à. '. • . • • . ·Ia ditlérence entre ce maximum et la circula' ion elTective de soit.
J!,
320.600.000
315.11)6.000 J!,
5.IO!&.000
représentait à cette date la marge d'émission des Cur~ rency- Notes. En d'autres termes, au delà de ce chifl'rc, tout besoin nouveau de petites coupures devait être couvert par une remise correspondante de billets de banque, c'est-à-dire par une réduction égale de la marge d'émission de la Banque d'An,gleterre. Les situations régul~èrement publiées, compte des Cur1l'ency Notes au Trésor, ne doiment pas directement le .chiffre de la marge, quoiqu'il soit, en réalité, de beau(1) Nous donnons ici les chilires du 7 janvier, les premiers qui aient -été publiés en 1920.
LA llEFLATIO:'i' EN PHATIQUE
coup le plus intéressant. Ce que nous venons de dire permet de le calculer aisément (1). Donnons, en terminant, un dernier détail. On voit figurer, depuis le 20 avril 1920, dans le compte des Currency- Notes 3 millions de livres d' ar gent, grossis peu à peu jusqu'à 7 millions. Interrogé aux Communes sur cette nouveauté, le secrétaire du Trésor a déclaré qu'il s'agissait de vieilles monnaies d'argent retirées, - et que le métal blanc n'était pas considéré comme une encaisse (au même titre que les billets ou l'or), mais comme garantie de la portion fiduciaire des Currency- Notes (assimilé, par conséquent, aux Government Securities). Par là il donnait à entendre que l'Angleterre ne consentait pas la plus légère entorse au principe de l'étalon d'or. Tel est le système qui fonctionne depuis 1920, et qui c{)mporte l'action conjuguée de la Banque et du Currency Notes Department. Il s'agit, en réalité, d'un seul et même mécanisme, entraînant, sous deux formes, une seule et même émission de papier, couverte en partie par de l'or et en partie par des titres. Cette identité se traduira, sans doute, un jour prochain, par la fusion en une seule des deux en. caisses méta Biques, celle de la Banque et celle des C urrency- Notes. Comment, dans ce système, la déflation a-t-elle fonctionné ? La déflation
Qu'il y ait eu déflation monétaire au sens propre du mot depuis l'année 1920, c'est-à-dire réduction effective (1) Voir ci-contre ce calcul pour la situation au 16 mai 1923.
1.480
285.936
1
12.16[
Compte de rachat
27. 000 17, 30 /0
2[3
7. 000
Monnaies d-argent
236.486
»
»
285.936 milliers de livres sterling 49-450 " »
242.9 15
Crédit à la Banque d'Angleterre
On remarquera que les avances aux Banques et Caisses d'épargne qui figuraient encore au Compte en 1922 ont disparu. Elles ont en ellet cessé depuis le 1 er janvier 1923. Elles n'ont jamais représenté du reste qu'une sommt' insignifiante.
Comme le maximum antorisé s'élève à la marge d'émission est égale à.
La dilIérence non couverte est donc
Les billets en circulation s'élèvent à . Il. sont couverts par de l'or l't des billets jusqu'à concurrence de •
22.450
Billets Titres Espèces de la Banque Rapport de l'or dn et lingots d'or d'li ngletene à la circu la lioll Gouvernement
Maximum de l'émission fiduciaire pour 1923
------
,
Compte Curreney-Notes CurreDey Note.! retirées des plaeemen ts et Certificats mais Don servant en circulation encore annulées de réserve
(en milliers de livres sterling)
Situation du Compte des Currency-Notes au 16 mai 1923
·des instruments de payement en circulation, c'est un fait incontestable. Le total des Currency-Notes' en circulation (couverts et non couverts) s'élevait: Au 1 er janvier 192 [ à. Au 4 janvier 1922 à. Au 3 janvier 1923 à. Au 4 juillet dernier à •
357.938.000 livres sterling 318.134.000 » 293 .89i.ooo » 287.7 69.... »
La réduction entre la première et la dernière de ces ·dates a donc atteint 70.169.000 livres sterling, soit (au pair du change) environ 1.770 millions de francs, et au ·cours actuel (de 7b francs pour une livre) plus de 5 milli"ards. En inême temps, les maxima légaux fixés à la circulation dite fiduciaire des Currency~Notes ont été abaissés, ·en conformité avec les prescriptions du Comité Cunliffe : Le maximum de [920, fixé à a été réduit pour 1921
11
et »1922 est fixé pour 1!J23
à à
Ii
320.600.000 livres sterling 3[3.555.2i7 » 309.988.395 » 270.183.821 »
Comment ces résultats ont-ils été obtenus ? Nous ,touchons vraiment ici au point central de notre investi,gation. Est-ce par des remboursements systématiques du gouvernement? Nullement. Le processus est tout autre. Ces réductions sont la conséqufnce é pont~née d'une autre sorte d9 dll!atien que l'Angleterre a ccnnue depuis 1920: .celle que nOlis avens appelée la, dlilation de crédit, la,quelle a entra.îné une baisse des prix ft, par suit·, un3 réduction du .b!'soin d'instruments moné!aires. Dans la réduction de la circulation fiduciaire anglaise
LA M I~TIlOnE ANGLAISE
27
-depuis 1920, c'est la crise économique qui a la plus grande ]Jart. Ce point est essentiel à garder en mémoire. Sur le déclanchement même de la crise, les avis sont -très partagés. Certains publicistes y voient l'effet d'une volonté préméditée du Trésor et de la Banque d'Angleterre, qui l'auraient délibérémeni provoquée par la poli-tique de la « monnaie chère )) inaugurée à la fin de 1919. Le taux des bons du Trésor, graduellement porté de 3 1/2 à 6 1/2 0/0, l'élévation du taux de l'escompte de la Banque, de 5 0/0 à 6 0/0 le 6 novembre 1919, puis à '7 0/0 en avril 1920, seraient les causes déterminantes de b baisse des prix déchaînée à partir du mois de mai 1920. Pour notre part, nous ne pouvons voir ~ans la politique .d.e « dear money )) suivie en Angleterre, que l'application ·de la méthode traditionnelle par laquelle les grandes banques d'émission donnent le signal d'alarme à un mar·ché qui s'emballe. L'inflation spéculative qui a caractéIl'isé l'année 1919 n'est pas niable. Aucun esprit averti ne pouvait ignorer que la réserve d'or des Banques fédérales ,américaines approchait de son minimum légai, et que le Federal Reserve Board ne tolérerait pas qu'elle tombât ·au-dessous. La sagesse commandait aux banques d'émission européennes de ne pas laisser éclater brusquement 'une crise que faisait nettement présager la hausse du :taux de l'escompte aux États-Unis à partir de la fin de 1919. Leur devoir était d'avertir à temps leurs propres imarchés monétaires, par un renchérissement de l'argent 'que l'on n'aurait pu éviter qu'au 'prix d'une inflation nouvelle. Quoi qu'on en pense, il est évident, - et c'est ce qui importe ici, - que cette politique de déflation du crédit
28
LA IJÊFLATION EN PRATIQUE
enrayer une crise commerciale momentanée; la seconde tend à restreindre la circulation d'une manière permanente. La première mesure le crédit aux négociants et aux spéculateurs. La seconde vise la création de monnaie par le gouvernement. Seulement, dans la réalité, les effets des qeux politiques sont étroitement enchevêtrés. Que s'est-il passé, en effet? La déflation de crédit, en Europe comme aux ÉtatsUnis, a entraîné une baisse générale des prix. Celle-ci, à son tour, a libéré des instruments monétaires, dont un plus petit nombre suffisait dorénavant à des transactions réduites. En conséquence, le public a remis des CurrencyNotes aux banques. Celles-ci, à leur tour, les ont déposées à la Banque d'Angleterre. Mais la Banque, comme on sait, ne les conserve pas. Elle les restitue aussitôt au Currency-Notes Department. En échange de ces Currency-Notes, que reçoit la Banque? Le Currency-Notes Department pourrait lui reverser une partie de la « balance » dont il ?ispose chez elle. Mais cette « balance )~ - nous l'"avons dit - est, extrême ment modeste. Le Currency-Notes Department va donc demander au Trésor de lui restituer une partie des avances que ledit Trésor a reçues de lui et qui sont représentées dans ses comptes par des « Government Securities ». Ce remboursement se traduit aussitôt par une réduction des « Government Securities » dans le compte des Currency-Notes. II est accompagné. d'une diminution des (l Public Deposits » à la Banque d'Angleterre, c'est-à-dire du Compte courant du Trésor. En un mot, la réduction des Currency-Notes, qui cons" titue la forme la plus apparente de la déflation en Angleterre, n'est qu'une conséquence de la dépression économique. C'est cette dépression seule qui a permis la mise en appli-
LA MÉTHODE A"'GLAISE
29
cation des maxima décroissants prévus par les recommandations du Comité Cunliffe. L'action du gouvernement n'intervient que pour empêcher de ressortir les Currency-Notes spontanément revenus au bercail, et qu'il rembourse grâce à ses excédents de recettes (1). Rien ne dit qu'avec une reprise un peu vive des affaires, le maximum purement empirique auquel on est ainsi arrivé ne devienne insuffisant. Le jour où les transactions s'animeront de nouveau, au lieu de rapporter des Currency-Notes aux banques, le public leur en demandera, ...:... et, si la marge légale d'émission fiduciaire des Notes est insuffisante, on en sera quitte pou,r demander à la Banque d'Angleterre d'élargir la sienne. C'est ce que l'on a déjà, une première fois, été sur le point de faire, lorsqu'en juillet 1920 la marge d'émission des Currency- Notes s'est abaissée à 4 millions et demi de livres sterling, -la circulation totale étant de 360 millions. A ce moment, une augmentation importante de l'encaisse métallique de la Banque a seule permis de fournir les billets nécessaires . pour couvrir l'émission supplémentaire de Currency-Notes réclamés par le public, sans dégarnir la réserve de la Banque d'Angleterre. Pendant quelques jours la Cité s'est demandé avec inquiétude ce qui se passerait si la limite maximum des Currency-Notes venait à être atteinte. Un incident de ce genre pourra se produire une seconde fois, ~t, comme de nouvelles augmentations de l'encaisse métallique de la Banque 'sont peu probables, il faudra recourir à l'élargissement (désormais autorisé par la loi) (1) A défaut d'excédents de recettes le gouvernement pour rembourser les Curreney-Notes devrait emT lunter à la Banque, - ce qui aurait pour effet de laisser les « Public Deposits » au même ni. veau, au lieu de les rtduire comme dans le processus actuel.
30
LA
UÙ.'LATIII:-i
LN
PHATIQUE
de l'émission fiduciaire dé celle-ci. Ce qui équivaudra à franchir la limite légale imposée aux Currency-Notes~ avec cette seule différence, que le supplément de circulation à découvcrt sera fourni par la Banque et non par le Currency-Notes Department. Est-ce à dire que la politique de déflation pratiquée en Angleterre ne soit qu'une apparence, et que la réduction de la circulation n'étant que le résultat de circonstances changeantes et pouvant disparaître avec ces CIrconstances, n'a point de signification? Ce n'est pas notre pensée. Mais avant de montrer où réside la vraie signification de la politique dite de « déflation» en Angleterre, arrêtons-nous un instant pour mesurer la réduction, non plus seulement des CurrencyN otes, mais de l'ensemble des instruments de circulation depuis deux ans. Comparée à cet ensemble, la diminution des Currency-l\otes apparaîtra plus faible encore. Les « Currency-Notes » ne sont, en effet, que l'un des instruments de paiement britanniques. Il faut, de toute évidence, tenir compte encore des billets de la Banque d'Angleterre et des autres banques d'émission et surtout des dépôts en banque, qui servent de base à la circulation des chèques (1). En ce qui concerne les billets en circulation de la Banque d'Angleterre, on constate entre la fin de 1920 et la fin de 1922 une très légère diminution. II va sans dire (1) Dans une très intéressante communication du mois de mars 1922 à la Royal Statistical Society de Londres, M. Macro st y a montré .la difficulté d'évaluC'r la circulation des chèques par lc moyen des dépôts et, par suite, l'inflation ou la déflation. Néanmoius, les dépôts fournissent les seuls illdices que nous ayons sur cette circulation. Il est donc inévitable de les prcndre pour base.
3t
LA llÉTHODE ANGLAISE
qu'il faut soustraire du chiffre officiel, à chacune d~ ces, dates, le montant des billets servant de couverture aux Currency-Note's. Si l'on fait cette correction indispensable, on trouve qu'à la fin de 1920, les billets de la Banque d'Angleterre en circulation s'élevaient à 104. millions de livres, et étaient retombés à 96 millions à la fin de 1922, soit une différence de six millions. Dans le' mème temps les billets des banques i'rlandaises et écossaises tombaient de 54 à 40 millions. La diminution' des dépôts en banque est également des plus faibles. Elle atteint, pendant la période choisie,. 130 millions de livres sterling, les deux chiffres étant res-, pectivement 2.492 milions en 1920 et 2.362 millions en 1922. Les dépôts dont il s'agit, sont ceux qui sont relevés par l' « Economist » de Londres, dans son Banking N umber' de mai 1923. Groupons les mouvements des dépôts en banque, des, billets de banque et des Currency-Notes depuis la crise: nous obtenons le tableau suivant, qui nous donne lemontant total de la réduction des instruments de paiement en Angleterre en millions de livres sterling: Fin Montant des Currency notes. Montant des billets de banque Montant des d,lpôts en banque. Totaull..
1920
Fin '9"
Diminution.
365
299
66
,58
136
22
2,49 2
:1,362
r30
3,015
:1,797
':1l8
Une diminution de 218 millions de livres, ou de sept pour cent, voilà à quoi se réduit la restriction de la cir~ culation anglaise pendant cette période. Or il est im-
.!50,r-;---+-~r--1~rr--~--i---+-~r--+---+--~--+---t-~r--1--~--~--+---+---i
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A NEW-VOR~ DE 1918 A 1923. D'APRÈS L'INDEX OU FEDERAI:.. RE.SERVE. BUL.L.E.TIN
COURBE DES CHANGES BRITANNIQUES ET FRANCAIS
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LA DÉFLATION E:'! PRATIQUE
possiQle d'admettre que ce soit l'action purement mécanique d'une restriction aussi faible de la circull!-tion monétaire qui ait pu automatiquement provoquer le relèvement de la livre sterling par rapport au dollar. Et cela pour une raison très simple : ~'est qu'au même moment le dollar subissait lui aussi une appréciation intérieure très forte par la chute générale des prix aux États- Unis, chute à peu près équivalente à celle constatée en Angleterre et dûe à la même cause : la crise de 1920 source dans les deux pays de la restriction de la circulation. Il faut donc chercher au remarquable relèvement du change anglais depuis l'année 1921 une explicatio~ différente. Nous représentons ci-contre la courbe du change anglais ainsi que l'index des prix anglais et américains pour permettre an lecteur d'apprécier lui-même le rapport de ces divers phénomènes entre eux (1). Le rétablissement de l'équilibre budgétaire L'explication que nous cherchons se trouve, non dans l'effet mécanique d'une réduction de la circulation fIduciaire, - mais dans la gestion des finances britannique's dont cette réduction n'est qu'un des aspects: La signification de la politique monétaire anglaise réside uniquement dans le rétablissement de l'équilibre budgétaire et dans le remboursement commencé d'une partie de la dette. C'est la suppression du déficit, entraînant la cessation de toute nouyelle création de monnaie par l'Etat, qui donne (1) On trouvera en appendice les prix de la livre à New-York _au cours des dernières années.
LA MÉTHODE AMLAISE
35
s a marque à la situation monétaire de l'Angleterre, beaucoup plutêt que la réduction de la circulation; simple conséquence de la dépression commerciale. La politique financière anglaise, à peine terminées les hostilités, a visé l'équilibre budgétaire, et dès l'année 1920-21 a réalisé une plus-value qui a permis de commencer la réduction de la dette. Cette réduction jusqu'ici n'est pas très considérable (1). Elle n'atteint que 264 millions pour la dette intérieure britannique qui s'élevait à 8.033 millions de livres au 31 décembre 1919 et n'atteignait plus, au 31 décembre 1922, que 7,768 millions. Seulement cette réduction s'est accompagnée d'une transformation extrêmement importante: la transformation de la dette flottante en dette à plus long terme. La dette flottante (mises à part ~es avances par voies et moyens de la Banque d'Angleterre qui correspondent aux avances de la Banque de France, et qui n'ont plus d'importance aujourd'hui) est constituée par les bons du Trésor qui, semblables à nos bons de la Défense, sont entre les mains, non seulement des banques, mais de nombreuses institutions privées (compagnies d'assurances, maisons de commerce) lesquelles les considèrent comme une réserve de caisse portant intérêt. Ces bons du Trésor, dont le montant s'élevait à 1.106 milions de livres au 31 décembre 1919, ont été réduits à 604 millions au 30 juin 1923. Or au fur et à mesure de leur remplacement par des titres à plus long terme, la menace que les demandes toujours possibles de remboursement aux échéances (1) Voir l'Economist du 18 août 1923. La dette extérieure entre ces deux dates .a été ran.enée de 1,357 millions de livres à 1082.
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE
faisaient peser sur le Trésor anglais, s'éloignait; par suite aussi, la menace d'inflation nouvelle, puisque à défaut de renouvellement, les échéances n'auraient pu être couvertes que par des avances de la Banque d'Angleterre (1). En un mot, la double opération remboursement de la dette, consolidation graduelle de la dette flottante - se résume en un effort pour éloigner par un véritable équilibre budgétaire tout nouveau danger d'inflation, et pour retrouver par des plus-values l'élasticité financière indispensable. C'est là et non dans la déflation proprement monétaÎl'e qu'il faut chercher les raisons de l'amélioration continue du change britannique depuis 1919. Que le gouvernement emploie ses plus-vàlues à réduire immédiatement la circulation, ou à restituer au public les sommes à lui prêtées sous forme de bons du Trésor (laissant ainsi inchangée la quantité de monnaie) peu importe. L'essentiel est que les plus-values existent, enlevant toute appréhension pour l'avenir monétaire du pays. La confiance rétablie sert alors directement de ressort à la hausse du change. Le retour définitif au pair se fera un peu plus tôt ou un peu plus tard. Il pourra être aidé par une hausse de:. prix aux États-Unis, équivalant à une baisse de valeur du dollar. Il pourra être retardé, si la hausse américaine ne se produit pas. Cela importe assez peu. Le temps ici ne fait rien à l'affaire. L'essentiel est qu'il se réalisera, grâce à la hausse naturelle du pouvoir d'achat de la livre, résultant du simple fait que l'État s'est définitive~ent interdit d'en multiplier la quantité. L'augmenta(1) Politique fort exactement décritc par M. Edgard Bonnet dans son ouvrage sur Les finances anglaises depuis la guerre (1923) et par Mawas1 Le marché monétaire anglais (1921).
LA MÉTHODE ANGLAlf!E
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tion de la production, suffira, sans autre réduction des lnstruments monétaires, pour forcer la livre à redevenir un souverain. Aucune spéculation à la baisse n'a plus de prise sur la monnaie d'un État dont les finances sont en équilibre. La diminution des moyens monétaires proprement dits est si peu la vraie source de l'amélioration du change que les banques regorgeant de dépôts redoutent de voir disparaître trop tôt les bons du Trésor qui, seuls pour le moment, fournissent un placement suffisamment liquide pour ceux-ci. Dans une récente conférence de jan vier 1923, faite à l'Institut des banquiers de Liverpool sur le marché monétaire, un grand escompteur, M. D. SpringRice, déclarait « l'existence continue de 300 à 800 millions de bons du Trésor, essentielle pour les banques, SI l'on doit voir se maintenir à la fois leur présent état de liquidité et le chiffre très élevé de leurs dépôts» (1). EvidemmeI).t, un nouvel et rapide essor commercial fournissant aux banques d'abondants placements en lettres de change, remédierait à la situation, et leur permettrait d'utiliser leurs larges ressources monétaires. Pour le moment, ces ressources dépassent les besoins. C'est au point qu'une partie des émissions à long terme du gouvernement, destinées à consolider la dette flottante, paraissent avoir été souscrites par les banques ellesclêmes, au moyen justement des fonds provenant du remboursement des bons du Trésor à court terme. L'accroissement du chiffre des « investments » dans leurs bilans, parallèlement à la réduction du portefeuille, semble indiquer un transfert de ce genre. Nous verrons aux États- Unis se produire un phénomène analogue. Fait {i) Bankers'Magazine, mars 1923.
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LA DÉFLATIO~ EN PIIATIQUE
très remarquable que cette surabondance de moyens· monétaires contraignant les banques à rechercher les titres du gouvernement, alors que c'est le gouvernement lui-même qui, par ses remboursements, est en partie la source de la pléthore monétaire.
En résumé, la réduction directe des instruments de .payement n'a joué, en fait, dans la politique anglaise de déflation, qu'un rôle insignifiant. Seuls les remboursements des « Ways and Means advances » de la Banque d'Angletey;re, s'élevant à environ deux-cent millions de li vres, rentrent dans ce type de déflation. Quant aux Currency-Nbtes, leur diminution est une résultante de la crise économique, cette diminution étant simplement rendue définitive grâce à la situation favorable du Trésor. Pour le reste, la déflation anglaise a consisté essentiellement, grâce à une situation budgétaire favorable, à remplacer des bons du l'rés or à court terme par des titres à plus longue échéance, ou à rembourser ces bons aux banques au moment voulu, en les laÎssant libres. d'utiliser pour des opérations commerciales ou même poUr de nOUfJeaux prêts à l'Etat la marge de créd.it ainsi libérée. Dans l'avenir la diminution même des Currency-Notes, lesquels sont un élément de l'encaisse des banques et, par suite; fixent indirectement la marge des crédits qu'elles peuvent faire, entraînera peut-être une réduction de ces. crédits et une réduction Gonsécutive des dépôts, utili··
LA
MÉTlIOllE A:'iGI.AISE
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sables par chèques (1). Mais jusqu'à présent il ne paraît être pas en question. La réduction des instruments de circulation ne paraît donc avoir joué qu'un faible rôle dans le relèvement remarquable du change anglais depuis la guerre. Le rétablissement de la situati.on budgétaire, et la disparition simultanée de toute menace nouvelle d'inflation, semble être la vraie 'source d'une amélioration du change que l'on envierait sans restriction à l'Angleterre si sa rapidité même n'entraînait pour l'activité commerciale du pays des inconvénients graves. Nous aurons à en reparler plus loin (2). (1) Dans un article du fJankers' Magasine de juin 1923 M. Gibson pense que la nécessité de fortifier leurs réserves de caisse pourrait amener les banques à vendre une partie de leurs « investments», vente qui aurait naturcEcment pour conséquence une diminution correspondante du chiŒre des comptes-courants créditeurs (deposits). (2) Dans ces derniers tcmps la baisse du sterling par rapport au dollar de 4,71 en février à 4,51 en septembre paraît tenir dans une mesure assez importante au taux de l'intérêt à court terme en Angleterre très inférieur à celui de N ew-York, ce qui met en relief le rôle croissant joué dans les variations du change par les mouvements de capitaux à court ou à long terme.
CHAPITRE III
La déflation aux Etats-Unis
Comme nous l'avons. fait à propos de l'Angleterre, nous commencerons l'examen de la déflation aux États-Unis, en rappelant brièvement le mécanisme de l'inflation américaine. Il sera plus aisé ensuite d'expliquer le mécanisme inverse de la déflation.
Le mécanisme de l'inflation Pas plus aux États-Unis qu'ailleurs, la guerre n'a été « financée» exclusivement à l'aide de l'épargne du public.
Seulement le gouvernement, à auèun moment, n'a eu besoin de recourir au papier-monnaie, ni sous la forme anglaise d'émissions d'État, ni sous la forme française de billets de banque à cours forcé. Des circonstances favorables quoique absolument exceptionnelles l'en ont dispensé. A part cela, la méthode suivie a beaucoup ressemblé à la méthode anglaise : création de crédits en banque et transformation de ces crédits enmonnaie, grâce àla banque centrale d'émission, ou plutôt, grâce aux douze banques centrales d'émission américaines, les Federal Reserve Banks groupées sous l'autorité du F. R. Board.
LA DÉFLATIO~ AUX ÉTATs-milS
Par une pression savamment organisée toutes les banques du pays ont été invitées soit à souscrire ellesmêmes aux emprunts à court et à long terme, soit à faire à leur clientèle des avances pour lui en faciliter la souscription. De là une expansion rapide des crédits, surtout dans les banques « affiliées» au système fédéral de réserve, qui représentent la majorité du ca pital bancaire. A cette expansion des crédits au bénéfice de l'État a naturellement correspondu une expansion parallèle des « dépôts ll, tant du gouvernement que des particuliers. Mais les banques n'auraient pu grossir indéfiniment leurs exigibilités sans l'assurance qu'en cas de besoin elles seraient mises en mesure de les transformer en monnaie de paiement. Ce fut le rôle des « Federal Reserve Banks l). Elles s'engagèrent à escompter à un taux de faveur, inférieur au taux commercial, les billets à ordre des banques affiliées ou les billets à ordre des particuliers endossés par ces banques, quand ces billets seraient garantis par des bons du Trésor ou des titres d'emprunt de guerre. Le taux d'escompte était inférieur ou, au plus, égal à l'intérêt même de ces emprunts. Ainsi disparaissait pratiquement tout obstacle à une création illimitée de crédit en faveur de l'État. Les billets des Banques fédérales de réserve ont joué, à l'égard des banques affiliées, le même rôle que les Currency-Notes à l'égard des banques anglaises de dépôts La seule différence consiste en ce que les Banques fédérales de réserve, grâce à la formidable concentration d'or extérieur et intérieur, réalisée par elles pendant la période de neutralité des États-Unis, ont pu fournir les billets nécessaires, sans risquer à aucun moment de compromettre le remboursement métallique de ceux-ci. Au
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LA DÉFLATIO~ E:'! PRATIQUE
contraire, la convertibilité officiellement proclamée des Currency-Notes ~nglais n'a jamais été, et n'est encore, que toute platonique. C'est grâce à ce mécanisme qu'a été possible la souscription des énormes emprunts de guerre des ÉtatsUnis (1). Il a entraîné une double conséquence. D'une· part, l'émission des billets' de banque a passé de 357 millions de dollars (au 1 er avril 1917) à 2.840 millions en décembre 1919. D'autre part, les « prêts garantis par des titres du gouvernement », soit dans le bilan des. Federal Reserve Banks, soit dans ceux des banques. affiliées «< member banks »), ont démesurément grossq Dans les Banques fédérales de réserve ces prêts avaient. atteint 1.863 millions de dollars au 16 mai 1919, et dans. les banques affiliées, 1.438 millions au 20 juin 1920. Ces chiffres sont des maxima. Quant aux titres gouvernementaux possédés en propre par les banques, ils figurent pour3 milliards de dollars dans les bilans des banques affiliées. en mai 1919. Les bons du Trésor y représentent à eux seuls plus de 2 milliards (2).
Le mécanisme de la déflation Telle étant la méthode par laquelle s'est réalisée l'in~ flation, comment la déflation allait-elle fonctionnep? Aucune émission de papier-monnaie gouvernemental n'ayant eu lieu, il ne pouvait être question de retrait ou.. de destruction de ce papier. L'inflation ayant consisté en crédits créés par les.
(1) Pour le détail de ce mécanisme vo;r l'Annexe relative aux. Etats-U !lis. (2) Cf. Rapport du Fcderal Reserve Board pour 1919 page 19.
LA nÉFLATIO:'i
AUX
ETATS'U~IS
43:
banques à l'occasion soit d'avances sur titres, soit de souscriptions directes, la déflation ne pouvait s' opérel'" que par le remboursement de ces crédits. L'épargne nor· male du public devait graduellement absorber les va· leurs détenues par les banques, soit à titre de collatéraux,_ soit en pleine propriété. Quant aux crédits remboursés par le versement de billets ou la remise de chèques, les banques restaient naturellement libres de les remettre en circulation en faisant de nouvelles avances. En Un mot, la déflation américaine était nécessaire· ment celle du « deuxième type )), que nous avons déflllieprécédemment. Elle consiste à substituer les particu· liers à l'État comme bénéficiaires des avances des ban· ques, mais nullement à réduire les instruments moné-taires. La substitution pouvait se faire plus ou moins vite,. - suivant que les besoins de crédit du commerce et de l'in· dustrie seraient plus ou moins intenses ou que l'épargnemanifesterait une puissance d'absorption plus ou moins ràpide. Mais - et c'est ce qu'il nous importe de préciser - les banques seules avaient à décider de l'emploi ultérieur qu'elles feraient des crédits remboursés.
. * .. En fait, on sait comment les choses se sont passées. A partir de 1919 commence aux États· Unis un « boom" commercial sans précédent. On assiste alors à un dégagement graduel du portefeuille d'emprunts d'État desbanques. Mais les crédits, à peine libérés, sont remplacés par des crédits commerciaux. Ceux· ci s'accroissent mêmebeaucoup plus vite que ne diminuent les autres. Ainsi la déflation « financière », s'accomplit en pleine « inflation.
LA DÉFLATION E~ PRATI"QUE
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de crédit» commercial. Cette dernière avait d'ailleurs la première comme condition, car elle n'aurait pas atteint de telles dimensions si l'épargne n'avait graduellement, en absorbant les titres d'État dont les banques s'étaient chargées pendant la guerre, agrandi la marge de prêt dont elles disposaient. Les deux tableaux ci-dessous (où les chiffres représentent des millions de dollars) marquent bien les étapes de ce processus, soit dans les Banques fédérales de réserve, soit dans les banques affiliées. Banques fédérales de réserve Portefeuille garanti par PorteCeuille des titres purement Portefeuille du d'escompte gouverne- commercial total ment
Dates
(En millions de dollars,
15 :119 680 86 9
Fin janvier 191J· - juin - décembre
-
-
JUin
1918 .
décembre juin '9 1 9 - décembre juin '9 20 - décembre juin 1921 - décembre juin '9 22 - décembre .- juin 1923
-
• • .
-.
,
-.
•
..
1 j02 1818 2 194 2431 2 il9 1 j51 1 IH 461 617 836
25 283 434 1 400
15 194 597 435 302
I5i3
:.l~5
15,0
684 r 153
1
27i
1 141 6'37 485 16 7 331 407
15i8
1 113 65 9 294 285 429
Titres de. Etats-Unis possédés par les Federal Reserve Danks
55 70 lOi
25 9 3,1 231 3no 352 288 25 9 233 555 436 '01
On voit nettement la réduction rapide du portefeuille gagé sur les titres des États-Unis, et l'augmentation
45
LA DÉFLATJO~ AUX ETATS-t:~IS
parallèle du portefeuille purement commercial jusqu'en décembre 1920. A partir de cette date se marque l'influence de la crise déclanchée en 1920, laquelle fait diminuer le portefeuille commercial sans suspendre le dégagement des avances à l'État jusqu'en juin 1922. Nous parlerons tout à l'heure de ce qui s'est passé après cette date. Dans les banques affiliées le dégagement rapide des deux postes se discerne aisément dans les chiffres suivants Banques affiliées au système fédéral de réserve Valeur tolale des titres Dates
du gouvernemenL possédés par les banques
Avances garanties par des titres gouvernementaux
(En millions de dollars)
3 janvier 1919. 6 juin 1919' • 2 janvier 1920. 4 juin 19~0. . 7 janvier 19 21 . 1 er juin 19H • 4 janvier 1922. 7 juin 1922 • . Fin décembre 1922. .
2,363
1,220
2,868
1,420
2,000
1,294
1,680
1 ,0~3
1,313
868
1,233
1,1,68 1,9 5 9 2.549
Les avances garanties par des titres d'État ent diminué d'un milliard de dollars en trois ans. La même diminution se manifeste dans les titres possédés par les bànques jusqu'au 1 er juin 1921. A partir de cette date ce poste augmente de nouveau. Les raisons en apparaîtront tout à l'heure quand nous examinerons l'influence de la crise de 1920 sur le processus qui vient d'être analysé. Bornons-nous pour l'instant à la conclusion suivante: aux États- Unis la déflation a consisté dans l'absorption graduelle par la véritable épargne d~s titres d'État sous· crits pendant la guerre, grâce aux avances des banques.
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LA nÉFLATlO:i
E~ PRATIQUE
D'où une marge de crédit nouvelle mise à la disposition de celles-ci, marge qu'elles ont utilisée aussitôt pour .« financer » l'essor commercial par lequel s'est caractérisé la période postérieure à l'armistice. La déflation aux États-Unis est purement ( financière ». Elle ne s'est pas accompagnée d'une réduction ·des instruments de payement. En quoi donc alors a consisté ce qu'on a appelé aux États- Unis et ailleurs la politique de déflation des .Banques fédérales de résprve ?
L'équilibre budgétaire Auparavant, toutefois, une observation doit être faite. Pas plus qu~én Angleterre, la déflation «( financière» aux États- Unis n'aurait pu se réaliser au même degré et à la même allure, sans la remise en équilibre du budget tédb'al. Si, au lendemain de la guerre, le gouvernement fédéral avait dû, pour couvrir des déficits budgétaires, continuer à emprunter soit à longue échéance, soit à court terme, l'absorption des anciens emprunts par l'épargne aurait ·été empêchée ou ralentie; quant aux banques, elles auraient dû, ou continuer à supporter la charge des anciens crédits, ou en consentir de nouveaux. Dans les deux cas, ou la marge dont elles disposaient pour les crédits commerciaux serait restée plus étroite, ou bien ces crédits auraient exigé de nouvelles émissions de billets de la part des banques fédérales de réserve. Au contraire, la politique du gouvernement américain .a consisté: 1 0 à équilibrer les dépenses et les recettes ; 2 0 à commencer le remboursement de la dette;
LA OÉFLATIO:-I AUX ÉTA'rS- UNIS
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30 à transformer la' lourde dette â court terme en . dette à plus lointaine échéance. Sur le premier point, si l'année financière de juin 1919 à juin 1920 marquait encore un léger déficit, l'année 19201921 faisait ressortir un surplus de recettes de 514 millions de dollars, et l'année 1921-22 un surplus d'environ 800' mi.llions. Le surplus de l'année fiscale 1922-23 est estimé à 137 millions de dollars. Sur le deuxième point ~le remboursement de la dette, - voici, où en sont les choses : la dette totale, «gross debt», s'élevait, au 31 août 1919, il 26.594 millions de dollars; aù 30 juin 1923 elle n'atteignait plus que 22.400 millions, ayant ainsi subi une réduction de plus de 4 milliards, Sur le troisième point, enfin, le gouvernement américain, comme le gouvernement anglais, s'est efforcé de transformer en une dette à plus long terme sa dette flottante (composée essentiellement de « Victory Notes », de « certificates of indebtedness » et de « war saving certificates »). Telles sont les mesures grâce auxquelles le gouvernement a pu laisser les banques reconstituer leur marge de crédit, et utiliser toute la marge reconquise dans l'intérêt du commerce et de l'industrie (2). La « déflation de crédit» depuis 1920
Mais, tandis que s'accomplissaient ces opérations, les États- Unis connaissaient une autre sorte d'inflation et (1) Calculé sur les résultats au 24 juin, d'après la circulaire de juillet 1922 de la National City Bank de 'New-York et celle de juin 1923. (2) V. en appendice le détail de ces mesures.
I.A DÉF'LATION EN PRATIQUE
de déflation: l'inflation et la déflation de crédit, qui est bien différente de la précédente. La déflation financière à partir de 1919 s'est accompagnée d'une inflation de crédit commercial sans précédent, et dont l'ampleur s'explique par les deux circonstances qui, au cours de la guerre, ont prodigieusement agrandi la marge de crédit des banques américaines : 1 0 la concentration de toutes les réserves métalliques dans les Federal Reserve Banks; 2 0 l'afflux ininterrompu de l'or européen aux États- Unis. Ces deux circonstances ont permis à l'essor industriel et commercial consécutif à l'armistice de s'intensifier et de se prolonger bien au delà de ce qui aurait eu lieu sans la véritable révolution monétaire accomplie depuis 1914. Nous avons montré tout à l'heure le gonflement du portefeuille de réescompte des banques fédérales de réserve. Aussi caractéristique est la progression des avances et des escomptes «( loans and discounts ») de l'ensemble des banques « affiliées II : ils passent de 14.302 millions de dollars en décembre 1918, à 19.761 millions fin juin 1920 (maximum) pendant que les dépôts (<< demand deposits ,,) passent de 13.309 millions à 15.067. Dans le même temps, la circulation des billets des Banques fédérales de réserve passe de 2.647 millions en janvier 1919 (1) à 3.342 millions en décembre 1920 (maximum), tandis que l'encaisse métallique reste à peu près stationnaire (2). (1) Moyenne du mois d'après le rapport du Federal Reserve Board pour 1921, p.3. (2) Tous ces chiffres sont empruntés au Federal Reserve Bulletin de juillet 1923, p. 86 ft. Les chifires des billets, des dépôts à vue et de la circulation monétaire au cours des années 1918 à 1923 se trouventdans l'appendice au présent chapitre.
LA DÉFLATION AUX ÉrATS-UNIS
Cette extraordinaire tension du crédit priyé au lendemain de la guerre n'est pas spéciale aux États- Unis. On la retrouve dans toute l' Europe. Elle donne à la crise de 1920 son vrai caractère: celui d'une crise normale ressemblant à toutes celles que l'histoire économique a enregistrées jusqu'ici, et n'en différant que par le point de départ. L'inévitable résultat de cette expansion a été l'abaissement rapide de la réserve légale des Federal Reserve Banks. De 51 0;0 au commencement de 1919, elle iombe à 44,8 en décembre. Elle atteint son minimum avec 42,4 0;0 en avril. Le minimum légal de la réserve d'or est fixé, comme on sait, ~ 40 0/0 des billets en circula,tion et à 35 0;0 des dépôts (1). La marge légale d'émission diminuant rapidement, le Federal Reserve Board aurait failli à son devoir le plus strict en la laissant s'épuiser. Il s'est conformé purement et simplement à sa mission définie par la loi, en élevant progressivement, à partir de décembre 1919, le taux de l'escompte. La loi fédérale du 14 mars 1900 établissant l'étalon d'or, est ainsi conçue : (( Le dollar consistant en 25,8 grains d'or à neuf dixièmes de fin sera l'étalon de valeur des États-Unis, et toutes les formes de monnaie, émises ou frappées par les États- Unis, seront maintenues à l'équivalence de valeur avec cet étalon. Le devoir du s.ecrétaire du Trésor sera de maintenir cette parité. » (1) Cf. Rapport du Federal Reserve Board pour 1921, p.27. Notons, en pas,aut, que depuis le bilan du 18 mars 1921, le calcul de la réseryc des dépôts est devenu plus sévère: on tient compte, non 1 lus des seuls « lIet deposit3 » commc autrefois, mais de la totalité des d~pêts, y compris quelques éléments précédemmeut écarLés.
50
LA
IJEFLATlO:"/ EN PRATIQUE
Or, le billet des Banques fédérales de réserve est une' « monnaie émise par les États-Unis », puisque c'est la Trésorerie qui les remet au Bureau fédéral de Réserve, et puisque, d'autre part, la Trésorerie est tenue, comme les Banques fédérales elles-mêmes, de le rembourser à, présentation. En portant par une série d'élévations successives letaux de son escompte à 70/0 en juin 1920, le Federal Reserve Board n'a donc fait que remplir un devoir prescrit. par la loi. C'est cette série de mesures que l'on vise, en général,_ quand on parle de la « politique de déflation » des Banques fédérales de réserve. Nous avons dit déjà - mais ir est bon de le répéter - qu'elle constituait l'indispensable précaution contre une crise dont le caractère spéculatif ne faisait plus de doute pour personne. Le Federal Reserve Board n'était pas libre de laisser tomber Sa ré-serve au-dessous du minimum légal. C'est cette considé-ration et non pas la poursuite de la déflation en elle-mêmequi a déterminé sa politique. Les termes dans lesquels il. l'a définie lui-même dans son Rapport pour 1919 (p. 72),_ méritent d'être reproduits textuellement: « La déflation pour la déflation, écrit-il, la déflation.: dans le seul but de revenir à l' « état normal », et de réta-blir les prix des valeurs et des marchandjses à leur niveaw d'avant-guerre, sans se préoccuper des conséquences,_ serait une méthode insensée dans l'état actuel des affaires: du monde. Il ne faut jamais oublier que l'industrie productive est dans une dépendance étroite des conditions: du crédit. Les affaires modernes se tont avec du crédit ..... Le critérium suprême de la valeur d'un système de crédit est dans son effet sur la production des richesses. Vraie en général, cette observation mérite une attention parti-
I.A nÉFUTIO.'I AUX ÉTATS-V:>IIS
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culière dans l'état de trouble actuel de l'industrie et du cpmmerce mondial, au moment où la production est le besoin le plus pressant de l'heure. Une déflation trop rapide ou trop brusque irait à l'encontre du but même d'un bon système de crédit, par les inquiétudes qu'elle jetterait dans les esprits, et par la réaction désastreuse que ces inquiétudes auraient sur l'industrie productive. » Ce n'est donc pas de déflation qu'il s'agit, mais uniquement d'une restriction des crédits exagérés, en particulier des crédits de spéculation. Il ne s'agit pas non plus pour le Board de devenir une sorte d' « arbitre de l'industrie ou des prix ». Les limites de son action sQnt tracées par l'obligation où il est d'assurer à la nation une réserve de banque suffisante. Si l'on peut lui adresser un reproche, ce serait plutôt avec M. R.-G. Hawtrey, dans sa remarquable communication de mars 1922 à la Société de Statistique de Londres - celui d'avoir attendu trop longtemps pour entamer sa politique restrictive du crédit. C'est à la même conclusion que vient d'aboutir aux États- Unis la « Joint Commission of Agricultural Inquiry», chargée d'étudier les effets de la politique du Board sur l'agriculture (1). Quoi qu'il en soit de ce point d'histoire, les conséquences de la crise de 1920 sont un fait acquis. Au point de vue monétaire -le seul qui nous intéresse
(1) Cf. Circulaire de la );ational City Bank juin 1922 p.S. la Commission, dit le texte récemment publié de son rapport, est qu'une politique de restriction des avances et des escomptes, par une élévation des taux d'escompte des Banques fédérales de réJerves, aurait pu et dû être adoptée dès le début de l'année 1919, malgré les difficultés qu'appréhendait le Trésor pour l'émission de son Emprunt de la Victoire, si Wle pareille politique était mise en vigueur. » « L'opinion de
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LA DÉFLATioN EN PRATIQUE
ICI elles ont été ce que l'on pouvait qttendre : un intense et progres~if reflux aux banques des ressources de crédit mises pendant l'année précédente à la disposi-' tion du commerce et de l'industrie, et dont ceux-ci n'avaient plus besoin dans cette période de dépression. Les billets en circulation des Federal Reserve Banks qui atteignaient 3.341 millions en décembre 1920, sont tombés à 2.526 millions en juin 1922, - restriction qui traduit la liquidation des engagements intérieurs. Pendant ce temps, les réserves métalliques, grâce aux énormes importations d'or de l'extérieur, passent de 2.053 millions en février 1920 à 3.147 millions en juin 1922. D'où un relèvement de la réserve de 42,5 0/0 au 3 septembre 1920 à 79,1 0/0 en juin 1922. L'effet de la crise n'a donc nullement diminué aux États- Unis les instruments monétaires; il a été simplement d'augmentér dans une proportion formidable, la marge de crédit des banques, au détriment des moyens de paiement entre les mains du public. C'est au point que les banques, embllrrassées de ces ressources, et ne sachant comment les utiliser, n'ont rien trouvé de mieux depuis le commencement de 1922 que de les placer ... en titres du goul-'ernement. Par une contradiction instructive, après avoir fait de grands efforts pour se débarrasser, aussitôt après la guerre, de leurs titres d'emprunts de guerre et pour les remplacer par des crédits commerciaux, les banques, au lendemain de la crise de déflation, font l'opération inverse. Ayant liquidé leurs avances commerciales, elles achètent des fonds d'État avec les crédits libérés. Les banques affiliées enregistraient 16.561 millions de « loans. and investments », au 7 janvier 1921. Les place-
LA DÉnAl'lO:'I AUX ÉTATS-UNIS
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ments (inl'estments) repr~entaient dans ce total 3.342 millions et les avances (1) (loans), 13.210 millions. Deux ans après, le 27 décembre 1922, les deux postes réunis s'élèvent à 16.152 millions, c'est·à-dire presque au même chiffre que l'année précédente: mais les ayances et escomptes sont descendus à 11.329 millions, et les placements ont augmenté de plus d'un milliard, atteignant 4.823 millions. Or, ils sont constitués en majorité par des obligations du gouvernement (2). De même aux Federal Reserve Banks, les titres des États- Unis représentaient 273 millions de dollars au 31 décembre 1921, et sont montés en six mois à 555 millions, au 21 juin 1922. Depuis lors, ils ont de nouveau diminué. Les États- Unis ont donè connu la déflation financière, c'est-à-dire l'absorption graduelle par l'épargne des titres gouvernementaux primitivement pris en charge par les . banques. Ils ont connu peu après la « déflation de crédit », c'est-à-dire la restriction des avances commerciales par la hausse du taux de l'escompte, et le reflux consécutif aux banques de-s instruments de crédit qui avaient soutenu l'essor antérieur. :Mais ils ne connaissent pas la déflation « monétaire », c'est-à-dire la réduction des moyens de paiements dont la masse s'est prodigieusement accrue pendant la guerre. Insistons un instant sur ce dernier point. (1) Y compris les escomptes. (2) Le chiffre de celles-ci a passé entre les deux dates de 1.313 millions à 2.549,. tandis que les autres placements passaient de 2.029 à 2.274. Cf. Rapport du Federal Reserve Board pour 1922,. p. 7.
LA IJÉnAl'lO:>I EN PRATIQUE
Le problème noul'eau de la déflation d'une monnale métallique
. L'accroissement du stock des moyens de paiement aux États-Unis' au cours de la guerre et depuis a été ~or midable. Les chiffres suivants, qu'il est bon de garder présents à l'esprit, en témoignent: Le 1 er juillet 1914, le stock monétaire des États- Unis s'élevait (1) à 3.738 millions de dollars, dont 3.402 en circulation. Le 1 er août 1923, ce même stock monétaire s'élevait à 8.647 millions de dollars, dont 4.695 en circulation (2). La circulation par tête d'habitant avait ainsi passé de 34 dollars à 42 (après avoir atteint 52 dollars au 1 er novembre 1920). Quant aux dépôts, d'après les rapports annuels du contrôleur de la circulation, ils avaient passé, pour l'ensemble des banques américaines (saufles caisses d'épargne) de 13.729 millions de dollars en juin 1914 à 31.462 millions en juin 1920 ! Les États- Unis ont donc connu, depuis 1914, une inflation caractéristique, qui s'est traduite par une émission croissante de billets de banque et 'une élévation prodigieuse du chiffre des dépôts. Deux phénomènes, dont la <:.onséquence s'est aussitôt manifestée dans la réduction (1) Cf. " Federal Reserve Bulletin» 1922, décembre, p. 1501. (2) Par stock monétaire, il faut entendre les espèces et les lingots d'or, les certificats d'or, les dollars d'argent et les certificats d'argent, la monnaie divisionnaire d'argent, les « greenbacks »et enfin les billets de banque (ceux des banques fédérales de réserve, comme ceux des banques nationales).
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-du pouvoir d'achat du dollar, ou, si l'on préfère, dans la hausse du niveau des prix par rapp.ort à 1914_ Pourquoi, cependant, ne parle-t-on pas aux Etats- Unis de déflation monétaire? Pourquoi n'y est-il pas question de réduire les instruments de paiement en circulation, .comme dans les pays européens victimes du papier-· monnaie inconvertible? Simplement, parce que, au fur et à mesure que l'inflation se poursuivait aux Etats-Unis, elle s'accompagnait ·d'un afflux métallique parallèle_ Par suite d'une double ·circonstance dont la première est dûe à la situation unique créée par la guerre -l'émigration de l'or européen .aux États-Unis et la concentration des réserves métalliques intérieures dans les caves des Federal Reserve Banks - plus les instruments de crédit se multipliaient ·dans le pays, plus aussi le soubassement-or de tout cet ~difice nouveau s'élargissait. Ainsi l'équivalence entre le ·dollar-or et le dollar-crédit n'a pas cessé d'être maintenue. Nul doute que, sans ces circonstances exceptionnelles, ]es États- Unis n'eussent été obligés, comme ils l'ont été pendant la guerre de Sécession, de recourir au papiermonnaie inconvertible. On peut dire, sans paradoxe, ·qu'ils ont 'émis, comme tous les autres belligérants, du papier-monnaie, mais qu'un heureux hasard leur a assuré, au fur et à mesure de son émission, les moyens de le maintenir convertible en métal jaune. Cela est si vrai que, pour la première fois dans l'histoire monétaire du monde, se pose aux États- Unis le problème .de la déflation d'une monnaie métallique. Certes, la question ne se pose pas directement. Les États- Unis ne songent pas sérieusement à immobiliser une partie de l'or dont ils disposent, ni à le renvoyer purement et simplement en Europe. On n'a jamais non plus
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proposé - et pour cause - de faire pour la monnaie métallique ce que l'on conseille couramment de faire pour la monnaie de papier: la retirer de la circulation pour la détruire ou l'enfouir. Par contre, les esprits réfléchis se demandent ce qui arriverait, si, la balance des comptes venant à se retourner, les États-Unis voyaient une partie de leur or les abandonner. Que se passerait· il, si ce soubassement métallique - qui s'est si opportumnéent constitué en même temps que se poursuivait l'inflation du crédit - venait à s'amincir et à s'effriter? Que deviendrait alors tout l'édifice qui repose sur cet instable fondement, si cet édifice n'est pas lui-même proportionnellement réduit? Dans son avant-dernier rapport, le Federal Reserve Board (1) révélait cette préoccupation par un tableau significatif. 11 notait, d'une part, que la proportion de la réserve métallique aux billets et aux dépôts avait progressé entre le 5 novembre 1920 et le 28 décembre 1921, de 43 0/0 à 71 0/0. Mais il observait aussitôt que, si pendant cette période les réserves métalliques des Federal Reserve Banks étaient restées stables, au lieu de se gonfler de plus de 800 millions de dollars d'or importé, la proportion n'aurait passé que de 43 à 51 0/0. Il attirait ainsi l'attention sur ce qu'il ya en réalité de précaire et d'instable dans la situation en apparence si brillante du marché monétaire américain. Dans son Bulletin économique de juillet 1921, sous la signature de MM. Barton Hepburn et Benjamin Anderson, la Banque Chase de New- York exprimait cette même préoccupation dans les termes sUlvants : « Nous possé(1) Cf. Eighth Annual Report of the Federal Reserve Board covering operations for the year, 1921, p. 29.
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dons une énorme proportion de l'or du monde. Mais, pour une bonne partie, nous ne pouvons pas espérer le· retenir d'une manière permanente. Nous le détenons comme des fidéicommissaires. L'Europe en aura besoin de nouveau, quand la réorganisation de ses finances publiques et de sa monnaie lui permettra de revenir à l'étalon d'or. Nous ne pouvons pas l'employer commebase de crédits qui ne soient pas absolument liquides. Nous ne devons l'employer que sous une forme qui nous permette de le restituer aisément à l'Europe, dès qu'elle nous le redemandera. Le problème pour nous est moins. de le conserver matériellement en un gros tas que de· conserver sa valeur, et de le garder toujours mobile. » Et les auteurs concluaient à une ~olitique d'escompte extrêmement prudente, consistant à en relever le taux assez à temps pour éviter toute nouvelle inflation de crédit. Inversement, les pays européens n'hésitent pas à voir dans cette inflation possible, et dans la réduction consécutive du pouvoir d'achat du dollar, un moyen pour eux de rétablir plus rapidement leur change. C'est ce que laissait entendre M. MacKenna, parlant en janvier 1923. aux actionnaires de la London Joint City et Midland Bank, dont il est président. « Il est admis qu'en Angleterre la déflation tend à augmenter la valeur de la livre sterling. Mais, dans les circonstances actuelles, la déflation fait-elle plus qu'a.ccélérer simplement notre marche vers la parité? Notre change ne rejoindrait-il pas la parité, même si nOl'li ne faisions pas d'effort de déflation et si tous les mali}! qui accompagnent ces efforts, dépression du commerce et chômage, nous étaient épargnés ? Je crois que oui, à moins que la politique financière aux États-Unis ne se retourne de nouveau. Je crois que dans les conditions
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présentes, la dépréciation du dollar est destinée à conti:nuer. A l'heure actuelle, les États- Unis sont le seul grand marché de l'or. L'ensemble de la production annuelle du monde est vendu à ce pays, et comme la quantité en est ·de beaucoup supérieure à ce que récla,ment normalement la circulation et le crédit, l'effet de la surproduction est ·d'abaisser la valeur de l'or. La dépréciation de l'or provoque une augmentation des prix aux États- Unis et une ·chute de la valeur du dollar évalué en livres sterling. Même si les prix s'élèvent en Angleterre, comme ~ela -aura lieu avec le développement du commerce, ils ne -s'élèveront pas aussi vite qu'en Amérique, sous l'influence d'un afflux d'or excessif, et s'il n'y a de déflation dans -aucun des deux pays, la livre montera lenteme"nt, jus-qu'à ce qu'elle soit au pair. )) ~1) Ainsi, aux États-Unis comme en Angleterre, - il Y -a un résidu d'inflation irréductible. Nul ne pe-ut faire que la guerre n'ait pas eu lieu. Nul ne peut faire que la masse des billets de banque en circuJation et celle des dépôts en banque reviennent aux chiffres -de 1913. Nul ne peut contraindre le niveau des prix à .rejoindre le niveau d'avant-guerre. Nul ne peut songer à déprimer les revenus nominaux au degré formidable qu'iL faudrait pour obtenir ces divers résultats. C.e qui seul importe (et c'est ce que signifie toute la politique des deux grands pays que nous avons pris pour -objet d'étude), c'est de ne pas perdre le contact - (ou de le retrouver si ou l'a perdu) - avec l'étalon international .des valeurs, qui ne peut être que l'or. Ce qui importe,. c'est (1) Nous avons soutenu la même idée dans la brochure publiée par Je Moniteur des Inté;'êts matériels sous le titre Le Retour a l'or. (1922)
LA
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-de mettre fin au (( nationalisme monétaire» qu'engendre le papier-monnaie, pour revenir à l'étalon commun, que ileul peut fournir la monnaie métallique internationale. Mais il est inutile de demander plus. Il est vain de 's'hypnotiser sur uri retour au passé qui n'est pas néces'saire pour retrouver l'ancienne stabilité internationale. Les États-Unis ne songent à restreindre le crédit que ·dans la mesure correspondant à la diminution probable du métal qui lui sert de base. Encore sont-ils très embarras:sés pour savoir comment y parvenir (1). L'Angleterre, de même, envisage le maintien en circuilation d'une portion considérable de ses Currency-Notes, parce que le retour à l'équivalence entre la livre sterling ·et le souverain ne demande nullement la disparition complète de cette monnaie de papier. Le .rapport Cunliffe prévoit l'agrégation de ce résidu à la circulation fidu.ciaire de la Banque d'Angleterre, dès que la livre sterling .a~ra rejoint le pair. En somme, le problème de la déflation se ramène à ·savoir pour chaque pays à combien se fixera finalement le (( résidu irréductible» d'inflation qu'il croira pouvoir 'supporter sans danger, une fois données les conditions ·d'un retour à l"or. (1) L'un des meilleurs moyens de le faire ne consisterait-il pas pour 'les Banques fédérales de réserve à constituer avec une partie de leur '01', un fonds qui serait destiné à faire des prêts monétaires aux banques .d'émission des Etats qui cherchent à stabiliser leur monnaie? Ces crédits permettraient au;: banques d'émission européennes de s'assurer des devises pendant ·les périodes de pénurie qui surviennent périodiquement, même dans les pays dont la balance des payements est en moyenne équilibrée. M. Keynes avait proposé lors de la conférence de Gênes un mécanisme de ce genre qui était fort ingénieux.
CHAPITRE IV
La déflation en France
En France, la politique de déflation n'a jamais été officiellement définie avec la même précision qu'en Angleterre, ou aux États-Unis. Théoriquement ou, si l'on préfère, juridiquement, leproblème se pose dans les termes les plus simples. L'inflation s'étant effectuée sous la forme d'avances successivement consenties par la Banque de France au gouvernement - "avances qui avaient atteint 17.150 millions à la fin de la guerre (31 décembre 1918) et 26 milliards un an après - la déflation doit, semble-t-il, se réaliser tout naturellemènt par l'opération inverse: le remboursement graduel desdites avances par les soins du gouvernement, jusqu'à complet acquittement de la dette. Mais c'est là une manière toute formelle de poser le proplème. En fait, le lien juridique spécial qui unit la Banque d'émission à l'État et qui résulte de la méthode adoptée en France (comme en Allemagne et en Italie) pour émettre le papier-monnaie, a simplement pour conséquence que la politique monétaire à laquelle on s'arrêtera ne pourra se définir et se réaliser que d'accord avec la Banque. Des conventions interviendront nécessairement. Seulement, ces conventions devront être et seront cer-
LA DÉFLATION EN FRANCE
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tainement dominées par une conception non étroitement juridique, mais économique du problème monétaire, et par ce large souci de l'intérêt général qui a toujours -caractérisé la grande banque d'émission française. Laissant donc de côté l'aspect juridique, nous envisagerons, ici, le seul aspect économique de la question. Les principes
Et, d'abord, quel est le but auquel on tend? En Angleterre, le but nettement affirmé, dès l'origine, par la Commission CunliITe, a été le retour de la livre sterling au pair. En France, le retour du franc au pair - quoiqu'à diverses reprises la possibilité en ait été formellement réservée - est toujours apparu comme un idéal trop lointain pour pouvoir dès à présent fournir une directive pratique. Le but prochain -le seul qu'il soit intéressant de préciser - a toujours été formulé par la Banque d'une manière beaucoup plus circonspecte et moins ambitieuse : il consiste simplement à rendre à l'émission l'élasticité qui lui manque, en substituant à la circulation gagée par des bons du Trésor une circulation gagée par des garanties commerciales. A plus d'une reprise la Banque, dans ses compte-rendus, a exprimé cette idée, que les billets remboursés par l'État ne devaient pas, dans sa pensée, être retirés sans retour, mais seraient, au contraire, restitués à la circulation au fur et à mesure que les besoins commerciaux l'exigeraient (1). C'est le type de déflation que nous avons qualifié de déflation « mo· (1) La même idée a été émise constamment par M. Decamps dans ses nombreuses et intéressantes communications sur la politique de la Banque de France.
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dérée", par opposition à la déflation radicale, qm consiste dans la réduction définitive de la circulation. Les déclarations du gouverneur de la Banque à l'Assemblée générale des actionnaires ne laissent aucun doute· à cet égard,. Si, dans l'assemblée du 30 janvier 1919, il se bornait à constater que « l'excédent de billets de banque... pèse sur les conditions des échanges et aggrave la crise des prix ll, et concluait simplement àla nécessité « d'alléger· progressivement notre circ~lation », dans celle du 27 janvier 1921, il précisait sa pensée. Il s'agissait, di. sait-il, de « récupérer une certaine marge d'émission,. non pour provoquer une déflation trop rapide que les circonstances ne permettraient pas, mais pour l'appliquer, au contraire, dans toute la mesure nécessaire aux besoins. industriels et commerciaux ». Dans l'assemblée de janvier 1922, il revenait sur cette idée à l'occasion des remboursements effectués· par l'État en 1921. Il voyait. d'abord, dans ceux-ci « une étape décisive vers une liquidation progressive des emprunts que les nécessités de la guerre ont obligé l'État à faire à la circulation ll, puis il ajoutait: « ils restituent, enfin, à notre pouvoir d'émission l'élasticité nécessaire pour nous permettre de faire face à tous les besoins du crédit commercial et industriel. » Tel étant le but - au moins le but prochain :- il. poursuivre, la méthode à employer pour le réaliser a été formulée successivement dans les conventions des 14 avril et 29 décembre 1920 : elle consiste dans le remboursement par l'État d'une somme de 2 milliards, chaque année, de manière à ramener successivement la dette de l'État à 25 milliards le 1 er janvier 1922, puis à 23 milliards le 1er janvier 1923, et ainsi de suite, jusqu'à complet remboursement. Cette méthode a été inspirée visi-
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FIIAl'iCE
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blement de 'celle qui avait été adoptée après la guerre franco-allemande, quand par la loi du 21 juin 1871,. l'État prenait l'engagement de rembourser la Banque à raison de 200 millions par an. C'est ce précédent queM. Ribot rappelait dans son célèbre exposé des motifs du budget de 1915, et qui a inspiré l'article 3 de la Convenvention avec la Banque du 21 septembre 1914, signée· 'par lui, article confirmé depuis par toutes les conventions s~bséquentes et ainsi' conçu : « L'État s'engage à rembourser dans le plus court délai possible les avances. faites à l'État par la Banque, soit au moyen des ressources ordinaires du budget, soit ~ur les premiers emprunts, soit sur les autres ressources extraordinaires dont. il pourra disposer. )) Les conventions de 1920 n'ont fait que préciser les modes d'exécution de cet engagement. général, pris à vrai dire li une époque où personne ne soupçonnait ni la durée, ni le montant formidable des. avances qu'exigerait la guerre. A première vue, on trouvera que la méthode formulée par ces conventions dépasse singulièrement le but poursuivi, si ce but est simplement de rendre à l'émission de la Banque l'élasticité nécessaire. Plus d'un passage des rapports du gouverneur pourraient faire croire effectivement à une ambition plus vaste : les mots « rétablir la situation monétaire )) (Rapport de 1920) ou « rétablir un régime monétaire normal )) (Rapport de 1919) (1), sem(1) Parlant de l'actif de 20 milliards immobilisés constitué par la dette de l'Etat Je rapport dit: « Il faut maintenant s'eITorcer dedégager cet actif dans le plus bref délai possible. L'excédent de billets de banque, qui en est le passif, la contre-partie, pèse sur les conditions des échanges et aggrave la crise des prix. Il importe donC' d'alléger progressivement notre circulation. Le remboursement de la dette de l'Etat envers la Banque est la condition nécessaire de cet allègement et l'unique moyen de rétablir un régime monétaire normah.
LA IJÉFLATION E~ PRATIQUE
blent signifier l'intention de revenir à la situation d'avantguerre. Mais, nous l'avons dit déjà, le devoir de la Banque ,et de l'État était de réserver la liberté de leur politique monétaire dans l'avenir. Et, d'autre part, il s'agissait a vant tout de barrer la route définitivement à toute inflation future. Il fallait, contre toute tentative de cet ordre, élever une barrière, qu'on ne pouvait construire ni trop haute ni trop solide, si, comme le disait encore le gouverneur, le 27 Janvier 1921, on voulait qu'il en résultât ,« l'indication formelle que l'on peut désormais, en toute sécurité, contracter en francs, à long comme à court terme, parce que la valeur du franc sera, enflll, résolument soustraite à l'influence artificielle des besoins de l'État ». Soustraire résolument la yale ur du franc à l'influence ,artificielle des besoins de l'Etat, voilà probablement la formule qui, à l'heure actuelle, traduit le plus heureusement le but prochain de la politique monétaire française. Cest une formule de non-inflation, bien plus qu'une formule de déflation. Cependant les conventions conclues imposent formellement une certaine déflation, au moins pour le présent. La politique monétaire française n'est donc pas exempte .dans ses formules d'ml. certain flottement. Elle ne dépend pas d'ailleurs de la Banque seule, mais aussi des pouvoirs publics. Hien d'étonnant si ce même flottement se retrouve dans l'application.
L' ap plication
On distingue dans les pratiques suivies depuis l'armistice trois phases: iODe décembre 1918 jusqu'à décembre 1920 la circu-
LA nÉFLATIO~ E~ FRANCE
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lation a constamment augmenté. Loin d'assister à une déflation, on observe une inflation croissante. 2° En 1921, tout change. La circulation diminue. L'État fait à la Banque ses premiers remboursements. On pourrait croire à un tournant décisif. Il n'en est rien. Car à quoi tient, en réalité, cette réduction de la circulation ? A l'amélioration de la situation budgétaire? Nullement. Il s'agit - nous allons le "Voir - d'une « déflation de crédit» semblable à celle que nous avons constatée en Angleterre. 3° Aussi voit-on, dès la fin de 1922, les difficultés réapparaître avec la reprise des affaires. L'État demande une nouvelle prorogation. Ses remboursements pour cette année sont limités à un milliard au lieu des deux prescrits par les conventions. Les chiffres correspondant à ces trois phases sont nécessaires à rappeler ici. D'abord, l'augmentation de l'inflation de décembre 1918 à décembre 1920 : En décl'mbre 1918, la circulation s'élevait à ••• le maximum légal de l'émission était fixé à •• le maximum de~ avances à l'Étal était arrêté à. la dette du Trésor se montait à. . •
30. 2 ~9 millions ; 33 milliards; 2l milliards; 17.150 miHions (1).
Deux ans après, en décembre 1920, nous trouvons la circulation à. • • . • • . . • son maximum légal fixé à. • • . . • le maximum des avances à l'État. porté à • et la dette eCrective de l'Etat élevée à •
37.552 millions;
41
milliards ; milliards; 26.600 millions.
27
(1) Nous ne mentionnons pas les 3.526 millions empruntés à la Banque pour faire des avances aux gouvernements alliés; ils subissent le taux ordinaire d'escompte et ne sont pas compris dans le montant utilisable des avances à l'état.
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LA DÉFLATION EN PHATIQUE
Que s'est-il passé dans cet intervalle? Deux ordres différents de circonstances expliquent l'aggravation. D'une part, au cours de l'année 1919, l'État a demandé et obtenu l'élévation, à deux reprises, du maximum de ses avances: d'abord à 24 milliards (13 février 1919), puis à 27 milliards (convention du 24 avril 1919). La première augmentation fut accordée assez aisément par la Banque, étant motivée, en partie, par le retrait des coupures locales émises pendant la guerre dans les régions envahies, et par l'introduction du franc en Alsace et en Lorraine. Mais la deuxième ne fut consentie qu'après un premier refus. Elle ne pouvait s'expliquer, en effet, que par l'imprévoyante politique financière du ministre d'alors, M. Klotz. Elle s'accompagna de l'élévation à 40 milliards du maximum d'émission. L'année 1919 pèse lourdement, encore aujourd'hui, sur la situation monétaire française. Au cours de l'année 1920, ce sont les circonstances économiques générales et la crise mondiale qui ont fait craindre, un moment, que la marge d'émission de la Banque ne fût trop étroite pour répond~e aux besoins du commerce. Le portefeuille commercial passait de 1.268 millions le 24 décembre 1919 à 3.276 millions au 24 décembre" 1920, et s'élevait, un moment, jusqu'à 3.660 millions (3 novembre 1920). A la veille des vacances parlementaires, le gouvernement se fit autoriser (1) à élever, par décret, le cas échéant, la limite d'émission des billets de 40 à 43 milliards pour les besoins du commerce. Le 28 septembre, il fit usage de ce droit en fixant la limite à 41 milliards. Le maximum, effectivement (1) Article 74 de la loi de finance du 31 juillet 1920.
LA DÉFLATION E:'I FRA~CE
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atteint au cours de l'année, fut celui de 39.645 millions (le 3 novembre). Incident qui prouvait la nécessité d'une marge d'émission suffisante, si l'on voulait à l'avenir éviter qu'un essor un peu vif des affaires n'aboutît à une inflation supplémentaire. Avec 1921, la déflation commence, enfin. C'est la deuxième phase. Une série de remboursements ramènent au 31 dé,cembre 1921. le montant des avances à l'État à 24.600 millions. L,e's premiers mois de 1922 voient l'opération se continuer, et la dette de l'État; au 16 mars, touche le minimum de 21.200 millions. En même temps, la circulation est réduite en dé-cembre 1921 à 36.417 millions, soit de plus d'un milliard par rapport à l'année précédente. Quels ont été les caractères de cette déflation et ses .conséquences? Pourquoi, après avoir suscité quelques .espoirs, a-t-elle été interrompue au mois de décembre 1922, si bien qu'aujourd'hui les billets en circulation .atteignent de nouvea,u 37 milliards et demi? Nous assistons ici à un phénomène tout à fait analogue à celui que nous avons vu se produire en Angleterre et aux États- Unis. De même qu'en Angleterre, la « déflation de crédit» ·déclanchée en 1920 a provoqué la baisse des prix, le ralentissement des affaires et, par voie de conséquence, une réduction des besoins d'argent liquide permettant le reflux des Currency Notes à la Banque d'Angleterre et .au Trésor, - de même en France, les réserves monétaires du public, multipliées par la crise, ont reflué vers les bons de la Défense nationale dont l'émission conti~ue ;fournit un placement rémunérateur (beaucoup plus rému-
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nérateur que les comptes courants en banque) pour ses disponibilités. Le Trésor, ainsi directement approvisionné par le public, a pu se passer de la Banque. D'où la réduction de son compte courant, graduellement descendu jusqu'à 21.200 millions, chiffre du 16 mars 1922. La déflation, loin d'être une cause, n'a été qu'une conséquence de la baisse des prix. Par suite dès qu'en 1922 s'est dessinée de nouveau la reprise des affaires, on a vu se produire ce que des observateurs perspicaces, tels que M. Maroni, dans ses chroniques des Débats, annonçaient depuis longtemps: une partie des disponibilités du public a cessé d'aller au Trésor, pour se porter vers des opérations plus fructueuses (1). Au lieu d'un excédent de souscriptions des bons de la Défense sur les remboursements, ces derniers, dans les six derniers mois de l'année, ont excédé les souscriptions de près de 4 milliards (2). (1) A plus d'une reprise, M. Maroni a expliqué le mécanisme par lequel le public règle en quelque sorte lui-même la quantité des billets e~ circulation, suivant qu'il demande ou ne demande pas le remboursement des bons de la Défense. Comme c'est l'État qui règle, par sa politique budgétaire, l'augmentation ou la .diminution de, bons, c'est lui, en dernière analyse, qui règle la circulation de la Banque elIemême. Voici, par exemple, comment s'exprimait, le 16 octobre 1922, l'éminent publiciste: « Quand le public a besoin de billets, où les prend-on? Autrefois, c'était à la Banque de France que l'on s'adressait. Les banquiers et les établissements de crédit qui détenaient les dépôts des pàrtieuliers n'avaient d'autre moyen pour faire face à des retraits de fonds que de se faire eôcompter du papier par la Banque. C'était par l'augmentation du portefeuille commercial que se faisait l'accroissement de la circulation. Mais aujourd'hui il n'en est plus de même. Les établissements de crédit emploient en Éons de la Défense la presque totalité des dépôts; aussi, quand leur clientèle leur retire de l'argent, ils se bornent à enéaisser à leur échéance, une partie des Bons de la Défense qu'ils ont en portefeuille, au lieu de les renouveler. Les particuliers qui placent tem-
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Le contre-coup de cette situation s'est aussitôt fait sentir dans les rapports de l'État avec la Banque. La dette de l'État atteignait de nouveau 23.400 millions au21 décembre dernier. L'impossibilité de la réduire à 23 milliards, comme le commandait la convention du 29 décembre 1920, devenait évidente. D'où la noùvelle' convention du 22 décembre, fixant pour 1923 le maximum des avances à l'État à 24 milliards au lieu de 23, et limitant ainsi son remboursement à un milliard au lieu de deux . porai~ement leurs disponibilités en Bons agissent de même lorsqu'ils ont besoin d'argent liquide. Directement ou indirectement c'est donc au Trésor que les dema~des de billets du public aboutissent et le Trésor ne peut se procurer des billets qu'en ayant recours aux avances de la Banque de France. ' «En somme, toute augmentation des besoins de la circulation, provoquée par des phénomènes tels que l'activité des transactions ou la hausse des prix, qui dépend elle-même de la dépréciation du change, entraîne fatalement un ralentissement du placement des Bons du Trésor et, par COnséquent, une augmentation du chifl'le des avances de la Banque à l'Êtat. Il ne peut en être autrement puisque le public a constamment la faculté d!) demander au Trésor le remboursement des Bons arrivés à maturité et que c'est la maniè're la plus commode et la plus économique d'obtenir des billets ..... Tant que les dépenses et les recettes ne s'équilibrent pas, l'Êtat est donc exposé théoriquement au risque d'avoir à payer en billets le montant exact du déficit du budget... » (2) V. Rapport général sur le budget de 1923 par M. Bokanowski p.136, et Pierre Guébhard: Le marché monétaire en 1922 dans La France économique en 1922, p. 17-18 (Ténin, édit.). Nous voudrions pouvoir donner ici la situation des souscriptions aux bons du Trésor au cours de l'année 1923. Cette situation est indispensable pour analyser le mécanisme de la circulation. Malheureusement le régime de nonpublicité qui s'est installé chez nous depuis la guerre dans tous les domaines qui intéressent la vie « publique », fleurit également en matière financière. Le ministre des Finances,_ comme celui des Afl'aires étrangères, pense avoir accompli tout son devoir quand il a mis les " Commissions parlementaires » au courant des faits. C'est, en réalité,
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE
La situation budgétaire et la déflation
Telle est l'histoire d'hier. Elle met dans tout son relief le fait que nous avons déjà noté à propos de l'Angleterre: le lien étroit qui unit la situation monétaire et la situation budgétaire, et l'action prépondérante de cette dernière sur le change. En France comme en Angleterre, il y a e~ réduction des moyens de paiement en circulation comme conséquence d~ la situation économique: il y a eu « déflation ». Mais cette déflation s'est accompagnée en Angleterre d'une amélioration continue du change, alors qu'en France il n'en a rien été. (Nous renvoyons le lecteur au graphique reproduit à la page 32). Pourquoi? Parce qu'en Angleterre le Trésor, grâce aux excédents budgétaires, non seulement absorbait définitivement les Currency-Notes rapportés par le puplic t ce qui, nous l'avons dit, est relativement secondaire, mais surtout consolidait sa dette flottante et diminuait sa dette globale en écartant ainsi toute chance d'inflation future. En France, au contraire, d'un côté la d~pression économique augmentait les disponibilités du public èt les ramenait au :frésor, de l'autre, le déficit budgétaire obligeait le :frésor, non seulement à les remettre constamment en circulation, mais à augmenter sa dette flottante. Si, d'un côté, la marche des affaires permettait à l'État de rembourser la Banque, par contre ses propres emun nouveau régime constitutionnel. Les pays de véritable liberté comme l'Angleterre, n'hésitent" pas à publier chaque semaine toutes les données indispensables pour apprécier la situation de. finances publiques.
LA
DÉFLATlON EN
'i1
FRANCE
barras l'obligeaient à faire au public des emprunts très supérieurs au montant de ses remboursements. La situation est très nettement représentée dans le tableau où le rapporteur général du budget de 1923 a résumé la situation de la dette flottante aux deux dates du 31 mai 1921 et du 31 août 1922. l.apilal au 31 mai
Bons de la défense en circulation.. Avances de la Banque de France.
Capital 11)21
Différences
an 31 août 1022
+
51,812,038,000
62,662,605,000
26,200.000,000
23,\)00,000,000 -
10,850,567.000
2.300,000,000
L'État réduit bien de 2.300 millions sa dette à l'égard de la Banque. Mais, dans le même temps, il accroît sa dette flottante de 10.850 millio'ns (1). Comment, du reste, ferait-il autrement, puisqu'en 1921 le seul budget général (nous ne parlons pas du budget spécial des régions libérées, dit des « dépenses recouvrables ») s'est clôturé par un déficit de 5.41'5 millions, qui, en 1922, a atteint 5.480 millions? Le budget sorti en juillet 1923 des longues délibérations des Chambres se présente avec un équilibre apparent. Mais cet équilibre ne comprend ni remboursement à la Banque ni d'autres dépenses portées à tort suivant nous au budget des dépenses recouvrables. En comparant la situation française à celle de l'Angleterre, nous n'entendons pas dire que la FranCe aurait dû (1) La situation est compliquée au point de vue comptable du fait que les remboursements à la Banque figurent hors budget, et que d'autre part les remboursements ont été opérés pour une grosse part grâce au compte d'amortissement constitué à la Banque même. Les recettes de ce compte sont des recettes de l'Etat, de sorte que l'emprunt n'a pas été contracté directement en vue de rei:nbourser la Banque. Mais le résultat est le même que s'il l'avait été.
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LA
IJEFLATlON E:'I PRATIQUE
ou pU suivre en tous points l'exemple de son Alliée. Nous nous abstenons pour l'instant de toute critique et nouS bornons ici à poursuivre une analyse économique : celle des liens qui rattachent expérimentalement la déflation, le cours du change et l'équilibre budgétaire. Nul n'ignore les dépenses gigantesques auxquelles la France doit faire face, et les difficultés exceptionnelles qu'elle rencontre pour les couvrir. Mais les excuses que nous pouvons invoquer en notre faveur n'empêchent pas les phénomènes économiques de suivre leur cours. Un budget en déficit - si excusable qu'apparaisse au point de vue sentimental l'insuffisance de ses recettes - n'en est pas moins un budget en déficit. C'est un fait, dont les conséquences financières et monétaires se déroulent inexorablement, sans égard aux circonstances qui l'expliquent.
Pourquoi donc une déflation monétaire, accompagnée d'une émission croissante de bons du Trésor, ne constitue-t·elle pas une véritable déflation,et ne peut-elle avoir d'effet sur le cours du change? Est-ce, comme on le dit souvent, parce que les bons du Trésor sont de plus en plus considérés comme de la monnaie véritable, employés comme tels à l'acquittement des dettes, et contribuent ainsi à la hausse des prix et, par suite, à la baisse du change? Ceux qui le soutiennent partent de l'idée qu'une baisse du change implique nécessairement une hausse préalable du niveau intérieur des pri.1:, et sont amenés ainsi à attribuer aux bons du Trésor une action directe sur ce niveau. Les faits ne révèlent rien de tel. La haisse des prix survenue en 1921 et 1922 s'est réalisée malgré une grosse émission de bons. D'ailleurs,
LA DI~FLATIO~ EN FllA,,"CE
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l'emploi des bons comme instruments de payement est beaucoup moins fréquent qu'on ne l'a dit. Nous avons pu constater, au cours d'une brève enquête, qu'il est souvent plus apparent que réel. Ajoutons que chaque instrument de paiement (monnaie légale, chèque, effet de commerce, bon de la Défense) a une vitesse de circulation qui lui est propre, et dont le degré différent lui donne une action également différente sur le mouvement de s prix : or la vitesse de circulation des bons de la Défense est certaiment la plus faible de toutes. Leur action sur les prix ne doit guère dépasser celle qu'avaient autrefois les effets de commerce employés directement comme moyen de paiement. Si c'est par leur action sur le niveau général des prix que les bons du Trésor influencent le change - ce qui, comme on va le voir, est plus que douteux - cette action tiendrait plutôt à la facilité avec laquelle les banques les escomptent, les transformant ainsi en crédits de banque utilisables par chèques. Que le franc se multiplie sous forme de chèques ou sous forme de billets, le résultat, on ie sait, est le même. Dans les deux cas,il y a augmentation du pouvoir d'achat entre les· mains des particuliers et tendance à la hausse des prix. Or, en France comme en Angleterre, le chiffre des comptes courants créditeurs utilisables par chèques, s'est, au cours de la guerre et depuis, formidablement accru. Il faut l'ajouter au chiffre des billets en circulation pour apprécier l'accroissement survenu depuis 1914 dans le pouvoir d'achat du public. Dans les grandes Sociétés de crédit le chiffre des dépôts et comptes courants créditeurs a passé de à
3.730 millions 13.352 ))
au
3[ décembre 1!J[3
ail
1921
LA
OÉFLATIO:'i E:'i PRATIQUE
Dans les quatorze banques locales, dont M. Loria publie régulièrement la statistique, dans la RefJue d'Economie politique, les chiffres des dépôts sont les suivants ~ 1.21 J millions 7.403 »
31 décembre '914 • 31 décembre '9~' •
En ajoutant ce's chiffres à ceux des grandes sociétés, on constate que dix-huit banques françaises ont vu passer leurs dépôts : de à
4,921 millions 20.755»
au au
31 décembre 1913 1921
C'est un quadruplement. Notons en passant qu'on oublie trop, en parlant de· déflation, l'effet qu'aurait sur les dépôts une diminution radicale du chiffre des billets et la formidable réduction qui devrait s'ensuivre. A ces gros chiffres de dépôts, l'émission des bons du (frésor et leur escompte a certainement contribué, quoique naturellement à un degré infiniment moindre que l'émission des billets. Seulement, au point où nous sommes de l'évolution monétaire née de 'la guerre, - évolution dont les phases. se succèdent sans se ressembler, - ce n.'est pas, croyonsnOliS, pal' son action plus qu' hypothétique sur le niveau, général d:3s prix qU3 l'émission renouvelée des bons du Trésor influ3 SUI' le change. C'est directement. On ne saurait assez insister sur ce point. Certes, au début de l'inflation, la dépréciation du . change s'est réalisée surtout comme conséquence d'une hausse des prix stimulant les importations au détriment des exportations. On était en pleine .guerre et les transferts de capitaux d'une place à l'autre étaient à peu près
LA IlÉFLATION E~ FRA~CE
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suspendus. Le mouvement des marchandises comptait seul ou presque. Aujourd'hui, la situation est très diITérente : le marché français des changes subit des influences directes dont les, variations du niveau des prix ne sont plus que le contrecoup. Parmi ces influences l'afflux ou le retrait des capitaux étrangers à court terme est l'une des plus importantes. 'Par quoi cet afflux ou ce retrait sont-ils eux-mêmes déterminés ? Par des convenances immédiates, sans doute, mais aussi par des prévisions sur l'avenir. Parmi ces prévisions, la crainte de l'inflation - dont une expérience maintenant prolongée ne permet plus d'ignorer les effets - est l'une des plus actives. Or,qu'est-ce qu'une émission continue de nouveaux bons de la Défense, sinon la menace perpétuelle d'une nouvelle inflation? Il n'est pas besoin de supposer une panique, qui ferait présenter en masse ces bons au remboursement. Une telle panique est peu vraisemblable. Il sumt d'une reprise des affaires un peu vive pour augmenter le besoin de billets. Or, ces billets peuvent être obtenus, soit par l'escompte à la Banque de France, soit par l'encaissement direct au Trésor, dans toute la mesure des bons à court terme existant entre les mains du public et des banques, et ayant moins de trois mois à courir. Toute nouvelle émission de bons constitue donc une émission potentielle de billets, entraînant, si elle se réalise, hausse des prix et baisse du change. Tant que cette menace, au lieu de diminuer ne c'esse de croître, l'étrangerà chaque besoin de change plus marqué - est tenté de ne renouveler ses crédits qu'à des conditions plus onéreuses (c'est-à-dire à un taux de change plus avantageux pour lui) ou même de rapatrier à l'échéance ses anciens
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LA DÉFLATIO~ EN PRATIQUE
crédits. Le résultat, dans les deux cas, est identique: le franc baisse, et cette baisse en ren~hérissant les importations décIanche la hausse des prix intérieurs. Cette hausse trOUlJe dans la mo b: lisation des bons du Trésor même à long terme le Su,PFlément de mGyens de paiement qui lui est néeesraire. L'inflation, par crainte de laquelle la spéculation
a fait baisser le franc, se réalise à la suite de cette baisse mêzpe. Ainsi l'ordre du processus ancien est maintenant renversé: la dépréciation extérieure du franc précède· et prol'oque sa dépréciation intérieure. Et c'est la situation budgétaire qui décIanche tout le mouvement. L'emploi d'empruilts à long terme comme moyen normal de couvrir le déficit budgétaire, sans être aussi immédiatement fâcheux pour l'appréciation du franc, lui est néanmoins très défavorable, quoique ses effets - au mOInS ses effets profonds - soient à plus lointaine échéance. D'abord - (et cette conséquence immédiate est commune aux emprunts à court et à long terme) - tout emprunt accroît les charges d'intérêt qui pèsent su·r le budget. Or, toute augmentation des dépenses d'un budget déjà déficitaire crée une menace· d'inflation... et, par suite, impressionne la spéculation. L'autre effet des emprunts à long terme est de modifier la répartitio.n du revenu national entre la production et la consommation, ou si l'on préfère, entre l'épargne et la dépense. On admet sans difficulté que la perte de pouvoir d'achat du franc à l'intérieur réagit sur sa valeur à l'étranger. Inversement, l'accroissement de ce pouvoir d'achat la baisse intérieure des prix - doit agir favorablement sur le change par l'impulsion donnée aux exportations. Mais l'accroissement du pouvoir intérieur d'achat im-
LA DÉt'LATION EN FRANCE
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plique une production accrue, laquelle, à son tour, Implique que toutes les épargnes disponibles sont orientées vers les entrepl'is,es industrielles et agricoles. Or, dans la mesure où l'État emprunte - et à part une exception que nous allons mentionner - l'épargne disponible est détournée par lui des emplois productifs pour défrayer les dépenses généralement improductives des fonctionnaires et des rentiers. L'emprunt, en tant qu'il couvre des dépenses économiquement improductives de l'État, enlève l'épargne. à son emploi normal, accroît la proportion du revenu national immédiatement consommé aux dépens de celui qui servirait sans cela aux progrès de la production. La supériorité des budgets en équilibre est de laisser libre pour ces progrès toute l'épargne disponible. Ils préparent ainsi pour l'avenir une offre croissante de marchandises nouvelles, et, par suite, une appréciation inévitable et dans ces conditions bienfaisante de la monnaie nationale. Mais, dira-t-on, l'équilibre suppose l'accroissement des impôts. Or, si l'État s'y décide, celui-ci (quand le contribuable, comme aujourd'hui, est déjà très chargé) ne sera-t-il pas, autant que l'emprunt, prélevé sur les sommes mêmes destinées par le contribuable à l'épargne productive? L'économie du pays n'en sera-t-elle pas affectée au même degré que par l'emprunt? Soit un déficit de 5 milliards: qu'importe à l'économie nationale que l'État le comble par l'emprunt ou l'impôt, si dans les deux hypothèses le contribuable en est réduit à prélever ces sommes sur son épargne habituelle et si dans les deux cas l'État les dépensé improductivement ? D'abord il restera toujours cette différence que l'impôt ne grève pas l'avenir. L'emprunt charge les budgets futurs du poids de l'intérêt, menace ainsi leur équilibre,
'i8
LA DÉFLATIO~ EN PRATIQUE
'et crée, par là, cette inquiétude sur l'avenir financier si déprimante pour le marché des changes. D'autre part, le contribuable prélève en général l'impôt sur sa consommation. Pour l'acquitter, ou bien il con'somme moins, ou bien il travaille plus; mais il cherche à maintenir son épargne au niveau habituel. En comblant le déficit par l'impôt, on risque moins d'entamer l'épargne ,du pays qu'en reco:urant à l'emprunt qui, normalement, provient de sommes dépassant la consommation courante. Dans tous les cas, l'impôt est plus pénible au contribuable que l'emprunt. Par suite, la pression de l'opinion ,dans le sens d'une réduction des dépenses publiques sera pt'us forte dans les pays où l'on préfère ,le premier. Et ,c'est encore une raison de supériorité (1). Ce qui précède s'applique uniquement aux emprunts ,improductifs., (1) Dans une note intéressante d'octobre 1922 intitulée: RéflfJxions .sur le déficit, MM. 'VoU et Bokanowski comparent très minutieusement les effets économiques de l'inflation et de l'emprunt. Ils 'con:CIuent que l'emprunt, même à long terme, éonstitue lui-même une forme d'inflation quoique préférable à l'autre. Nous avons montré plus haut que 'l'emprunt sous forme de bons du Trésor constitue eITectivement au moins en puissance une inflation toujours menaçante. Par ilontre, nous ne voyons pas que l'emprunt à long terme crée un nouveau pouvoir d'achat. L'effet de l'emprunt d'Etat est de détourner vers la consommation improductive des sommes épargnées qui sans cela eussent été consacrées à un accroissement de la production. L'emprunt modifie au détriment de cette dernière la répartition spontanée du revenu qui sans lui se serait établie entre la consommation et la production; c'est par là qu'il retarde le relèvement du pouvoir' d'achat du franc. A vrai dire, dans les pays anglo-saxons les emprunts de guerre, même à long terme, ont été souvent souscrits par les banques, non avec leur capital mais par de simples inscriptions en compte ilourant au' crédit du gouvernement, et l'émission de ces emprunts a été l'occasion d'une inflation certaine. Mais nous ne croyons pas que cette'méthode ait'été employée en France sur une échelle importante.
LA DÉFLATION E:"I FRANCE
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Mais Il y a des emprunts productifs. C'est l'exception à laquelle nous faisions allusion tout à l'heure. Tels sont, en partie au moins (car une autre est affectée à des services d'intérêts et au service des pensions), les emprunts contractés en France au bénéfice des régions libérées et figl,lrant au budget dit des (( dépenses recouvrables )). Que fait ici l'État? Il se substitue simplement aux entrepreneurs privés en quête de capitaux. L'épargne qu'il attire est cédée aux sinistrés pour être (en majorité) transformée en usines, stocks de ~atières première~, machines, etc. Elle sert à fortifier la puissançe productive de la nation. Elle n'est pas détournée au profit de la consommation. Les conséquences fâcheuses signalées tout à l'heure ne peuvent donc se ,manifester. Loin de déprécier le franc, de telles dépenses, à condition bien entendu de ne pas être détournées de lev. r but, en pré parent au contraire l'appréciation pour un avenir prochain. Faisons toutefois une restriction. Ces emprunts, comme les autres, ne cessent d'alourdir la charge des intérêts qui pèse d'un poids croissant sur le budget. Comme les autres, ils augmentent les chances de déficit pour l'avenir, et, par suite, les risques d'inflation auxquelles nous savons que la spéculation sur le change est si sensible. Différences entre 1871-1876 et 1918-1923
En résumé, une interprétation trop simpliste de la méthode employée après la guerre de 1870-71 a trompé sur la portée réelle des remboursements à la Banque de France. Si de 1871 à 1876 ces remboursements se sont accompagnés d'une amélioration rapide du change, ce n'est
LA nÉFLATIO:-i E~ PRATIQUE
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pas en raison d'une action quasi mécanique sur la quantité de monnaie en circulation; c'est parce qu'ils traduisaient une situation financière chaque année plus favorable. Dès 1874 on considérait l'équilibre budgétaire comme acquis par les seules rentrées des impôts. Des remboursements poursuivis, au contraire, comme ceux de 1921 et 1922, sans politique financière correspondante, ne pouvaient avoir le même effet. N'oublions pas qu'en Angleterre le Trésor n'a entrepris sa politique de déflation qu'après s'être assuré que la dette n'augmenterait plus. Il y a bien d'autres différences à relever entre la situation de 1871 et celle d'aujourd'hui. Il n'est pas inutile d'y consacrer quelques lignes. Les souvenirs de cette époque, maintenant lointaine, voilent ;pour certains esprits la vue nette des phénomènes d'aujourd'hui. Le mot même de déflation appliqué à la période 1871 à 1876 est singulièrement mal choisi, car on ne saurait parler d'inflation pendant la guerre relativement brève de 1870-71. Les billets émis alors - (qu'on relise le fameux rapport de Léon Say) - ont remplacé pour la plus grande partie l'or thésaurisé ou expédié à l'étranger, sans accroître la masse des instruments monétaires en circulation. L'index des prix a moins haussé en France qu'en Angleterre, entre 1871 et 1873 ! La guerre finie, on n'a pas assisté - en dépit des remboursements de l'État à la Banque - à une réduction correspondante du nombre de billets. Voici les chiffres de la circulation de 1871 à 1876 (en millions de francs) I8j 1 • 18j:J •
18 73 .
2,07 5 :J ,400 2,856
18;4 . 18 75 .
:J.5g6 :J. ',6r
J8j6. •
2,484
LA
IJE~'LATIOX
E.~
~'iUXC~;
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La circulation reste supérieure de 1.100 millions au chiffre maximum de la période de paix antérieure (1.354 millions en 1869). Pendant ce temps l'État a bien remboursé 1.087 millions sur les 1.425 qu'il avait reçus de la Banque. Mai s comme, au. fur et . à mesure des remboursements de l'État, la Banque remettait en circulation des billets (représentant l'or nouveau qui affluait dans ses caisses) la circulation totale des instruments de payement est restée sensiblement la même. Ce n'est pas à une déflation que nous assistons de 1871 à 1877 ; c'est à la reconstitution, grâce à un change fJite refJenu au pair, d'une base métallique à une circul'oûon accrue. La France de cette ép'oque a vu se produire chez ellé ce que noùs constatons, non sans envie aujourd'hui, aux :États- Unis : une augmentation de circulation qui reste sans action sur le change parce qu'elle est convertible en or. Elle a profité des mêmes avantages dont bénéficient actuell~ment nos associés : un change il peine déprécîê pendant la guerre, une balance des paiements créditrice, un rapide rétablissement budgétaire. Bien différe~tes sont les circonstances présentes avec ~ne circulation se:x;:tuplée, une dénivellation prolongée des prix, un change adapté à cette dénivellation, et si écarté du pair qu'on peut douter que la politiqu~ financière la plus sage, accompagnée de la balance des comptes la plus favorable, l'y ramène jamais. D'où l'éloignement indéfini de toute perspective d'un retour spontané de l'or. Dans ces conditions, les directives de la politique monétaire ne sauraient être purement et simplement empruntées à la tradition financière d'il y a cinquante ans, Un premier point est hors de conteste : la nécessité
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LA Il ÉFLA'l'1 MI EN PRATIQUE
pour la Banque de s'assurer à toute éventualité une marge d'émission suffisante, sans avoir à dépasser la limite maximum actuelle. Quel que soit le système monétaire - papier ou espèces métalliques - le stock de la ~onnaie étalon doit être soustrait aux interventions du pouvoir. Ce principe, facilement applicable dans un. système métallique où les mines fixent à la production monétaire sa limite, et où l'équivalence de l'or et de la monnaie fiduciaire doit être constamment assurée, demande une volonté persévérante pour être maintenu dans un régime de papier-monnaie inconvertible. D'autre part, il faut que les besoins commerciaux soient assurés d'une émission fiduciaire adaptée à leurs propres fluctuations. Cette élasticité qui ne saurait être indéfinie trouve sa limite naturelle dans un système métallique quand l'or commence à fuir à l'étranger. Les banques savent qu'à ce moment la limite de la marge de crédit est atteinte. A cette limite naturelle un système de papier-monnaie doit substituer la limite artificielle d'un maximum légal infranchissable. Pour être sûre qu'il ne sera jamais dépassé, la Banque doit maintenir l'émission normale assez au-dessous de cette limite, pour disposer toujours d'une marge importante. Il ne faut pas que les circonstances économiques obligent une fois encore la Banque, comme dans 1'été 1920, à élever son maximum d'émission. Ainsi un maximum légal définitif èt une marge d'élasticité suffisante, voilà la double exigence qui· domine le problème des remboursements de l'État. La marge actuelle de 4 milliards paraît un peu faible encore pour les éventualités qui peuvent se produire. Son élargissemeIlt à 6 ou 8 milliards ne paraît pas exagérée. On peut éoncevoir aussi un système où l'émission au
LA DÉFLATION R:'l 1"IIA~CE
profit de l'État serait fixée à un chiffre infranchissable, mais où l'émission commerciale pourrait dépasser ce chiffre dans toute la mesure des besoins commerciaux, au lieu, com,me nous le proposons ici, de fixer une limite dé·finitive à l'ensemble des de'ux émissions, gouvernementale et commerciale. Le premier système fonctionne, comme on le verra plus loin, en Tchéco-Slovaquie. Le second nous paraît mieux convenir à -la situation présente de la France, où les menaces d'inflation restent dangereuses. Mais l'obtention d'une marge même ainsi limitée restera naturellement illusoire si l' J~tat par l'émission continue de nouveaux bons du Trésor, crée constamment par ailleurs les moye-ns de l'entamer. La marge d'élasticité, tant que cette émission se poursuit, n'a qu'une valeur d'avertissement. L'exigence des remboursements dans les conditions actuelles est surtout un moyen de n'en pas laisser prescrire le principe. Ainsi l'équilibre budgétaire reste la condition première. Tant qu'il n'existe pas, on ne saurait, à vrai dire, parler de déflation. Seulement le problème monétaire ne s'arrête pas là. Le jour où, comme-on doit l'espérer, l'équilibre budgétaire sera atteint, etOl! la mar.ge d'élasticité dont nous parlions tout à l'heure sera jugée suffisante, un problème nouveau se posera - celui que nous avons appelé précé-clemment : le problème du « résidu » d'inflation. Quel (( résidu d'inflation » la France devra-t-elle consentir à garder? puisqu'elle devra ,comme l'Amérique, comme l'Angleterre, se résigner, bon gré, mal gré, à en garder un. La réponse à donner à cette question sera influencée par une cirGonstance qui n'existait pas en 1871. C'est une
LA
DÉFLATJO~ E~ PRATIQUE
nouvelle et grave différence entre la situation financière d'aujourd'hui et éelle léguée à la: France par la guerre préCédenie. Kn 1871, les emprunts de guerre Ont été insignifiants. Le service des deux grands emprunts dé libération a pii être presque aussitôt assuré par des ressources normales, De 1869 à 1872 la dette s'aécroît de dix milliards. En 1918, la France est sortie de la guerre avec une dette intérieure grossie de cent milliards qui, avec les emprunts d'après-guerre, atteint aujourd'hui 250 milliards et qui s'aggrandit tous les jours. Or, les finances de l' É'tat, ne peu,'ent pas mie!l X que le marché monétaire sè passe,. d'élasticité. Lé souci Mils. tant de tous les gouvernements .sérieux a toujours été; après les périodes d'emprunts multipliés, d'en rembourser une partie. C'est la politique suivie actuellement par l'An· gleterre et les États- Unis. Si donc, l'hypothèse se réalise enfin d'un budget en équilibre bu même en plus-value~ l'alternative qui se posera devant les pouvoirs publics et qui ne se présentait pas en 1870-71, sera ou de rembourser les emprunts portant intér'êt oU de rembourser la dette contractée en billets de banque. Entre les deux méthodes, ni l'opinion, ni les pouvoirs publics n'hésiteront lollgtemps. La première, au lieu de détruire le produit de l'impôt comme le fait la seconde, restitue aU contribuable les billets en vue d'emplois productifs ; elle allège, en outre, le budget de tout l'intérêt de la dette remboursée, et diminue ainsi le poids dé l'impôt futur. C'est dans ces termes que se posera d'abord le problème du (( résidu d'inflation )) : remboursement à la Banque, ou remboursement au public. L'hésitation sera d'autant moins possible que, par une
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voie cl-éto'-1rnée,cette ,méthpde 'provoquera elle-même 1~ retour spontané des 'billets à la Banque .""- et l'éla.rgisse~ ment de sa marge d'élasticit.é ,.--,. bien plus sûrement q\le III déflation dire.cte . .car le rétablissement de l'équilibre budgétaire est, n.OUS l'avons vu, le plus sùr moyen de relever le change, et l~ relèvement du change, à son tour, provoql,lera la haisse intérieure des prix. Celle-ci libérer.a des instruments de circulation qui reflueront spontanément, soit au Trésor, soit à la Banque, entrai.na.nt comme première conséquence une baisse du loyer de l'argent. L'expérience tchéco-slovaque, dont nous allons parler, comme l'expé.:l!ience britannique, ont :misce processu.s en pleine lumière. A ce moment-là se posera une fois de plus, mais sous une autre forme, le problème du résidu d'inflation_ Car le relèvement spontané du franc rendra nécessair-e enfin de fixer sa limite: poursuivra-t-on le retour .à l'an:; cien pair? Le hâtera-t-,on par une déflatio,n monétaire? où se résignera-t-on à la déyaluation ? L'Angleterre s',est décidée .dans le premier sens. Que çlevra faire la France ;' Il est trop tôt pour le dire encore. Il p' est pas dans les. habitudes françaises de préciser longtemps à l'ayance~ comme en Angleterre ou aux États-Unis, les buts et les moyens de la politique monétaire. A chaque jour suffit sa peine. L'inflation, chez nous, est menaçante encore. Il suffit, pour le moment, de s'opposer par tous les moyens à son retour possible. 'Cependant, il faut l'avouer, les raisons qui ont fait longtemps redouter la dévaluation, perdent de leur force à mesure que s'écoulent, sans amélioration sensible du cours du franc, les mois et les années. Plus le temps dure, plus se manifestent les avantages d'un prompt retour à
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LA DÉFLATION E:-! PRATIQUE .
.
l'or.' Plus' s'accroît le nOnibre des pays revenus à une circulation métallique, plus s'alourdit la charge des emprunts conclus en monn'aie dépréciée, - plus aussi. la dévaluation cesse d'apparaître comme une révolution, pour prendre l'aspect rassurant d'une consé;crationco'nservatrice des faits accoinplis. Pour le moment nous n'en sommes pas là. Qu'on se borne à rendre à la Banque de France une certaine marge d'élasticité. Qu'on rétablisse, avant tout, l'équi.libre budgétaire en faisant rentrer dans le budget général les pensions et tous les intérêts de la dttte. Toute autre déflation sera parfaitement inutile. L'accroissement spontané de la production, l'amélioration du change feront hausser le franc bien assez vite pour qu'aucune « déflation » supplémentaire n'apparaisse comme souhaitable ou efficace. A l1heure où nous écrivons, le franc baisse encore. Lorsque, le problème des réparations enfin résolu, sa stabilité n'apparaîtra plus comme constamment menacée par les initiatives généfalement fâcheuses de la politique, l'économie française s'accommodera fort bien d'un- « résidu d'inflation » comme s'en accommodent aujourd'hui l'Amérique et l'Angleterre.
CHAPITRE V
La déflation en Tchéco-Slovaquie
La politique monétaire tchéco-slovaque, depuis 1919, a démontré deux choses : 1 0 La simple réduction du papier-monnaie en circu~ lation n'est efficace à elle seule ni pour stabiliser le change, ni pour faire baisser les prix ; 2 0 Par contre, le simple arrêt de l'inflation gouvernementale, joint à une volonté persévérante d'équilibre budgétaire, et appuyé sur des crédits de l'étranger, suffit à stabiliser le change, et même à le relever. Ce relèvement du change, à son tour, devient un puissant agent de baisse des prix à l'intérieur. L'histoire financière de la Tchéco-Slovaquie connaît, en effet, deux périodes bien distinctes. Dans la première, ,on commence par pratiquer une amputation énergique de la circulation, mais aucun des résultats attendus ne se produit et la circulation revient bientôt à son niveau antérieur. Dans une deuxième période, la masse des billets émis restant stable et manifestant même une certaine tendance à s'accroître, la couronne d'abord ralentit sa chute, puis s'élève nettement à partir de novembre 1921, hausse aussitôt accompagnée d'une baisse marquée des prix et d'une réduction conoéc:ltÏle de la (]irculation.
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LA DÉFLATION EN PRATIQVE
On voit qu'il y a là pour l'économiste comme pour le financier une expérience de premier intérêt.
La réduction de la circulation en 1919 Précisons tout de suite que ce ,qu'on appelle la « déflation» tchéco-slovaque - c'est-à-dire la réduction directe de la circulation - se borne en réalité à' fort peu de chose, ou même a depuis longtemps été compensée par des émissions nouvelles. Quand l'estampillage des billets de la Banque d'Autriche-Hongrie a été entrepris (25-26 février 1919), le nombre de ces billets en circulation en Tchéco-Slovaquie atteignait 8 milliards de couronnes; le montant des comptes-courants publics et particuliers dans les suceursales de la Banque en Tchéco-Slovaquie s'é evait à 1.616 millions et le montant des bons de caisse émis par la Banque à 468 millions: soit un total de 10.281.052.936 couronnes d'instruments de payement actuels ou « potentiels ». Or, le bilan de l'Office bancaire du ministère des Finances, lequel a remplacé, comme on sait, l'ancienne Banque d'émission, signale un an après dès le 10 juin 1920, en couronnes tchéco-slovaques : une ciréulation effective de. • • • des comptes courants réguliers pour. des bons: de' caisse pour. . . • •
8,729 millions
1,459 25 9
)) »
.soit un total de moyens de paiement de 10.438 millions Kt un peu supérieur au chiffre de 1919. On voit quelle erreur on' commet quand on imagine que, d,epuis la guerre, ies instruments de payement ont diminué en Tchéco-Slovaquie. Les billets à eux seuls dé-
LA. DÉFLATION EN TCHECO-SI.OVAQUIE
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passent aujourd'hui (en pleine période de crise) ceux de 1919.
. *. A vrai dire, une réduction bien plus radicale était dans les intentions du ministre des Finances d'alors, M.Aloys' Rasin, l'homme énergique quia payé de sa vie, il y a quelques mois, le courage avec lequel il a poursuivi sa politique de contraction des dépenses. Voici, exposée dans les termes mêmes.de son auteur (1) sa conception originaire : (( Je désirais primitivement retirer 80 0/0 des billets existant, de manière à n'en remettre que pour 2 milliards environ en circulation; organiser en même temps le payemènt des traitements des fonctionnaires par chèques tirés sur des comptes qui leur seraient obligatoirement ouverts dans les établissements financiers; - enfin, établir aussitôt une nouvelle Banque d'émission. Le gouvernement aurait contractÎ1 un emprunt de 100 millions de dollars-or aùx États- Unis; il aurait laissé cet argent en Amérique,· tout en en créditant la nouvelle Banqué d'émission, de manière à pouvoir remplacer les 2 miÏliards de billets reniisen circulation par des billets nouveaux garantis par l'or américain ... Quant aux 8 milliards environ de billets à retirer définitivement, ils l'auraient été au moyen d'un prélèvement sur le capital d'un montant égal à ce chiffre ». Cela fait, M. Rà~in comptait, sans rétablir la rembour~ sabilité du billet, maintenir le· change tchéco-slovaque au pair de l'or, au moyen d'une politique de devises et (11ef. Aloys Ra~in, Financial Poli'cyojTchéeo-Slo"akiaduri'ng the first year 0/· itlJ history, Oxford, Clarendon Press, 1923, p. 2'•.
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LA IlÉt'LATIO:'i
E:\
PIIATIQUt:
d'escompte semblable à celle que la Banque d'AutricheHongrie- pratiquait avec tant de succès avant la guerre, malgré le cours forcé de ses billets. Devant un projet aussi radical, l'Assemblée nationale manifesta - non sans raison - la crainte d'une crise économique violente. Le ministre dut mettre pas mal d'eau dans sonvin. Finalement, la réforme accomplie se résume dans les mesures suivantes : On a, en 1919, retiré, estampillé, puis échangé contre des billets de l'État tchéco-slovaque les billets en circulation de la Banque d' Autriche- Hongrie, pour un mon~ tant que le bilan du 31 mars dernier chiffre à 8.012.398 milliers de couronnes (1). Là-dessus, on a retiré définitivement, à titre de payement anticipé d'un impôt projeté sur le capital, une somme de-2.134.231 milliers de couronnes, ainsi que les 315 millions qui formaient la circulation des provinces ajoutées plus tard à la Tchéco-Slovaquie par le traité de paix et les plébiscites subséquents. On a donc rendu à la circulation 5.562 millions de billets sur 8 milliards. A ces billets, on en a ajouté d'autres: d'abord, 789 millions représentant les soldes des comptes-courants des caisses de l'État à la Banque d'Autriche-Hongrie. Quant aux comptes courants des particuliers et aux bons de caisse de la Banque, . on les a restitués sous forme de billets d'État à leurs titulaires, diminués cependant d'un prélèvement de 50 0/ 0 à titre de versement anticipé sur l'impôt projeté sur le capital: ëes restitutions ont atteint ensemble 647 millions de couronnes.
(1) Les chiffres des couronnes estampillées figurant aux bilans suecessifs varient d'un bilan à l'autre à quelques millions près.
LA lIÉFLATJO:'I E."i TCHÉCO SLOVAQlTIE
91
En résumé, on a remplacé les 10 milliards de billets et de comptes-courants, servant aux payeme.nts en février1919, par des billets d'État d'~ne valeur totale de 6.999 millions (5.562 789 647). L'amputation ainsi opérée dans les moyens de paiement atteint 30 0 10 environ. Elle est importante. Mais l'émission supprimée allait bientôt faire place à une émission nouvelle commercialement gagée. En effet, les 6.999 millions de billets d'État constituent dorénavant le maximum de ce que l'État peut émettre pour ses besoins. Toute émission supplémentaire à son profit exigerait au préalable le vote d'une loi spéciale. Par contre, les billets émis en contre-partie de crédits accordés à des particuliers (escomptes ou avances surtitres) ne sont pas limités. L'examen des bilans ci-dessous de l'Office bancaire montre qu'en effet, leur montant s'est accr~ avec la progression des escomptes commerciaux en 1920 et 1921. Leur chiffre total dépasse aujourd'hui celui des billets de la Banque d'Autriche-Hongrie à la date de l'estampillage. Il est vrai qu'ils étaient couverts au 31 août 1923, non seulement par un portefeuille d'escompte et par des avances sur titres, mais encore par une eJlc,aisse or et ;l.rgent et des disponibilités à l'étranger équivalant à plus de 3.500 millions de couronnes. L'acquisition de cette couverture forme un chapitre à part qu'il n'y a: pas lieu d'aborder pour le moment. Un coup d' œil jeté sur le tableau suivant permettra au lecteur de suivre la marche de l'émission et des principaux comptes.
+
+
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LA DÉFLATION EN PRATIQUE
Bilans en millions de couronnes du 30 juin 1919 au 31 aOlU 1923 de l'Office bancaire du Ministère des finances ACTIF
Dates
30 juin 1919 . 31 déc. 1919 . 30 juin 1920 . 31 déc. 1920 . 30 juin 1921 • 31 déc. 1921 . 30 juin 1922 . 31 août 1922. 7 janvier 19 23 ~8 février 1923 .. 31 mars 1923. 31 août 1923.
PorteCréances feuille Disponi. bilités sur la d'elTets Ava'.'ces à Banque de sur lItres l'étranger d' Autriche- commerce Hongrie et titres (devises) escomptés
2,662 6,939 !l, 60 9 9,522 9, 52 9 10,°97 10,097 10,°97 10,°97 10,°97 10,°97 10,°97
26 80 69 2 2,016 1,085 2,511 60 9
41 9 674 650 981 399
425 502 1,828 2,323 1,998 1,7 15 1,465 1,4 67 1,479 1,265 1,261 9 53
12 14 5Il 456 783 533 564 1,7 28 503 458 556 . 2,445
Encaisse
or et argent
Actir. divers
13 168 nI;)
402 555 553 671
339 1,009 1,2\P 1,104
72 4
72 9
820 tl23 826 1.060 (1)
317 305 361 487
PASSIF Billets
Dales
30 juin 1919 • 31.déc. 191!) • 30 juin 1920 . 31 déc. 1920 • 30 juin 1921 . 31 déc. 1921 . ~o juin 1922 . 31 août 1922 . 7 janvier 19 23 ·28 février 1923. 31 mars 1923. lh aOût 1923.
Ver. Billets Comptes semen ts d'litaI Bons Pa .. ifs courants à l'impôt en cirou.. réguliers de caisse di vers sur de "estamJation le capital pillage retenus à r occasion
10 1,4 39 2,134 1,948 1,287 1. 05 7 531 486 388 334 314 199
54() 130
2, 2 °9
4,7 23 8,TA9 11, 289 1 l , 168 12,130 9,838 10,!7 1 9,610 8,947 9, 15 7 9,218
12 7 . 1,4 59 1,144 IJ
739 652 696 1,088 890 1,018
99 3 2,
80 7
285 850 1,°9 1
1,651 1,816 2,054 2,304 2,452 2,97 3
(1) Dont 258 millions à la Banque d'Angleterre,
79 165
667 1,4 1 9 1,47 1
1,418 749
740 69 5 68Q
LA IlEFLATIO:-I EN TCIIÉCO SLOVAQUIE
93
Nous avons parlé à diverses reprises du prélèvement sur le capital destiné dans la pensée du gouvernement tchécoslovaque à permettre la suppression des billets d'État sans couverture. Déjà, lors de l'estampillage de. 1919, un prélèvement anticipé avait permis, nous l'avons dit, d,e retenir 2.134 millions de biUets et la moitié des comptes-courants particuliers à la Banque d' Autriche- Hongrie. Mais l'intention du ministre des Finances était de faire disparaître aussi une partie du « résidu d'inflation )) qu'il avait remis en circulation sous forme de billets d'État. Jusqu'ici cette espérance n'a pas été réalisée. La loi du 8 août 1920 a bien établi un impôt sur le capital. Les sommes perçues sont versées en grande partie à l'Office bancaire. Les personnes auxquelles, en 1919, on avait retenu 50 0;0 soit de leurs billets, soit de leurs dépôts en banque ou de leurs bons de caisse avaient reçu à ce moment des certificats portant intérêt â 1 0/0. Ellès peuvent les utiliser pour acquitter l'impôt. Au fur et'~ mesure que l'opération se poursuit, on voit se réduire dans les bilans le poste « Billets retenus à l'occasion de l'estampillage )), tandis que grossit le poste « Versements à l'impôt sur le capital )). Ainsi sont absorbés graduellement les billets retirés de la circulation en 1919, et qui formaient un des éléments du passif de l'Office bancairé. En regard, figure, à l'actif, la créance de l'Office sur la Banque d' Autriche- Hongrie, dont ces billets forment une partie. Par contrc, il ne paraît pas que jusqu'ici l'impôt ait permis de diminuer la circulation autorisée (non couverte commercialement) telle qu'elle a été fixée jusqu'ici. Le « résidu d'inflation )) reste fixé à 6.999 millions. Tclle est la limite dans laquelle i.1 convient de parler
LA llÉFLATION'EN 'PI\ATfQUE
d'une politique de « déflation», de la part du gouvernement tchéco-slovaque. Elle . répond, en somme, au type de déflation que nous avons appelé déflation modérée et qui consiste à suhstituer à une circulation gagée par une 'Créance sur l'État une circulation commercialement garantie. Elle n'a pas' ahouti, sauf au déhut, à une réduction des moyens de paiement.' Par contre, elle a résolument mis fin à toute inflation nouvelle. Quels effets cette politique a-t~elle eus sur le change et lIur les prix? Effets de la réforme· monétaire sur les pnx et le change.
Si la conception simpliste de la déflation - celle qui compte sur une réduction de la circulation pour provoquer à travers l'abaisse:{llent espérê dù niveau des prix urie hausse du change national ---: ~tait juste, on aurait dû voir succéder aux mesures énergiques prises en 1919, une haisse des prix et une hausse de la couronne. Il n'en a rien été. De l'avis unanime, les années 1919 et 1920 ont été caractérisées par une ascension rapide du niveau des prix. Le Dr Rasin le reconnaît tout le prem{er. A cette ascenSIOn a correspondQ une. hausse non moins marquée de tous les salaires (1). A défaut des indices. mensuels des prix que nous n'avons pas sous les yeux, nous avons ,tracé sur le diagramme ci.joint én pointillé la courbe des moyennes annuelles jusqu'à décembre 1920. Depuis cette date l'indice dressé d'abord par le professeur Mildschuh, puis par l'Office de statistique tchéco-slovaque, permet de suivre les fluctuations des prix de mois en mOlS. (1) On en trouvera la courbe dans l'ouvrage de M. Rasin, 71.
LA DÉFJ.ATIO:'I EN TCHÉCOSLOVAQUIE
95
ta baiss~, il est facile de le voir, ne se dessine pour de bon que depuis la fin de 1921 ; la dépréssion momenianée des prix au début de 1921, àyant été suivie d'une nouvelle et plus forte poussée de hausse. C'est exactement à la même date (novembre-décembre 1921) que débute le relèvement du change. Le cours miriimum de la couronne est atteint en même temps que le maximum dè l'index des prix. En d'autres termes, c'est deux ans seulement après la déflation réalisée en 1919 ét à un moment où la circulation atteint son maximum (supérieur de quatre milliards au chiffre des billets circulant avant la réforme) - c'est à ce moment que le renversement attendu des prix et du changé a commencé. Il est vraiment difficile, dans ces conditions, d'attribuer ce renversement à la restriction du pouvoir d'achat effectuée au lendemain de la guerre. Tout invite, au contraire, à expliquer la baisse des prix de 1922 par la hausse du change survenue au même moment. Non seulement les deux mouvements débutent ensemble, mais déjà, dans la période antérieure, il ya entre les deux courbes une relation frappante. La courte baisse des prix de décembre '1920 à juillet 1921, coïncide avec une'stabilisation momentanée du change. Et l'énorme haus!le de 1919 et 1920 s'est produite parallèlement à l'effondrement, en neuf mois, de la. couronne tchèque de 33 francs suisses à 9 fr. 40. En Tchéco-Slovaquie, comme ailleurs, le marché du change, une fois la guerre finie, a subi l'influence de facteurs qui lui sont propres, et parmi lesquels les entrées et sorties de capitaux sont particulièrement actives. Loin que les cours du change aient suivi les fluctuations du niveau intérieur des prix, ce sont, au contraire, les prix intérieurs qui ont réagi avec une extrême sensibilité aux
96
LA
DÉFLATJO:'I .E:'I PRATIQUE
mouvemeI).ts du. chang~, l'effet d'une baisse ou d'une hausse extérieure de la couronne étant de modifiel;' aussitôt les prix des denrées exportées et importées et à travers ceux-ci les prix de toutes les autres. Qu'une réduction de la circulation, telle que celle effectuée en 1919, ait pu voir ses effets annihilés par une chute, simultanée de la couronne, et remplacé par un mouvement des prix exactement contraire à celui que l'on attendait, ce fait a semblé à certaines personnes constituer un argument très grave COl).tre la théorie quantitative de la monnaie, sans laquelle cependant les principales étapes de l'histoire des prix restent incompréhensibles. Ce qui étonne dans le cas présent, c'est que les prix aient pu hausser, malgré l'amputation initiale de la circulation. La hausse des. pri:lÇ ,suscitée par la baisse du change ne devait-elle pas rencontrer dans l'insuffisance monétaire un obstacle décisif? Or, les faits nous obligent à constater le contraire: l'influençe du change s'est montréeplus forte que la restriction du pouvoir d'achat. Trop d'expériences ont vérifié l'exactitude esstlntielle de la théorie quantitative pour qu'on puisse la jeter par dessus bord. En s'y résignant, on ajouterait simplement à la présente énigme des énigmes nouvelles que jusqu'ici la théorie quantitative permettait de résoudre aisément. On créerait ainsi plus d'obscurité qu'on ne ferait de lumière_ A notre avis, il faut distinguer soigneusement les effets de l'accroissement et ceux de la réduction monétaire sur· les prix. Les premiers sont relativement ra· pides. Les seconds sont beaucoup plus lents pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons dans nos concluSiOns. Dans le cas qui nous occupe, l'apparente contradiction
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LA néFLAl'IO.'l
E.'I TCHÉCO-SLOI',\QlJIE
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peut, semble-t-il, se résoudre par les considérations SUIvantes. A toute époque, le niveau des prix présente une certaine élasticité en rapport avec l'élasticité des moyens de paiement eux-mêmes. Il existe normalement de ceux-ci une réserve plus ou moins importante, soit sous forme de . monnaie thésaurisée, soit grâce aux crédits que les banques peuvent créer. Supposons que les devises étrangères haussent, faisant monter le prix des denrées importées et, par répercussion, celui de toutes les autres : ces réserves interviennent. D'après d'intéressants articles publiés par M. Gutherz, dans la Gazette de Francfort, les crédits de banque auraient joué en Tchéco-Slovaquie le rôle principal. A ces crédits se sont ajoutés ceux consentis par l'Office bancaire lui-même, dont les avances et escomptes passent de 582 millions à 4.339 entre le 31 décembre 1919 et le 31 décembre 1920, faisant monter la circulation de 4 milliards environ dans le court espace d'un an. Des instruments de paiement nombreux, mais tous commercialement gagés, ont donc été mis à la disposition de l'économie tchéco-slovaque au moment où l'effondrement de son change et la hausse consécutive des prix les rendaient nécessaires. Il se peut d'ailleurs aussi que l'un et l'autre phénomène aient représenté en partie le réajustement à la situation monétaire véritable d'un niveau de prix et de cours du change, artifièiellement maintenus pendant la guerre par les ordonnances sur les prix maximum et celles sur les devises étrangères à des chiffres trop bas. L'élasticité dont nous venons de parler n'est cependant pas indéfinie. Les crédits de banque ne peuvent s'étendre sans limite; cette limite atteinte, une nouvelle baisse du change rencontrerait dans l'insuffisance des
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moyens de paiement un frein à son action sur les prix. L'obstacle aux importations qui en résulterait tendrait alors à corriger la balance des paiements, èt à enrayer la baisse du change. C'est ainsi que la chute du change tchéco-slovaque est enrayée à partir d~ février 1920 : son taux se maintient avec des hauts et d~s bas au-dessus de 7 francs suisses, jusqu'au mois d'avril 1921. A cétte époque, une nouvelle baisse le mène à 5 fr. 50 en novembre. Incident momentané, suivi aussitôt de la hausse remarquable qui n'a pas cessé depuis. Or, cette stabilisation relative ne se serait évidemment pas produite, si au lieu de se confiner aux seules opérations normales du marché monétaire, - escomptes et avances, - la Tchéco-Slovaquie avait continué, pour le compte de l'État, l'émission du papier-monnaie. Nous avons vu des gouvernements, comme ceux d'Autriche et d'Allemagne, recourir ainsi à des émissions pour parer à l'insuffisance monétaire née de la hausse du change étranger, et consolider les effets de cette ha usse, sous prétexte d'adapter les salaires et les traitements aux nouveaux prix des denrées. Ces émissions d'État diffèrent du tout au tout des crédits privés consentis sous forme d'escomptes et d'avances. Les seconds sont productifs, les premières ne font guère que servir à la consommation. Les seconds ne sont qUI} temporaires; il suffit de ne pas les renouveler pour voir l'abondance monétaire se restreindre. Les premières, au contraire, entrent définitivement dans la circulation et éonsolident ainsi pour l'aiJenir le niiJeau des prix momentanément atteint; de sorte que la balance des comptes venant à s'améliorer, le niveau intérieur des prix reste fixé à l'étiage correspondant à la quantité nouvelle de
LA DÉFLATION EN TCnÉCO-SLOVAQUIE
99
papier émis, ne peut plus s'abaisser et empêche à son tour le change de remonter. Les premières enfin, entrdnant la défiance de l'étranger, tendent à renforcer et à accélérer la baisse même du change. Il y a ainsi, entre le cours du' change et le niveau intérieur des prix, des actions et des réactions réciproques, dont il est difficile de suivre dans le détaille processus exact. Ce qui est sûr c'est que l'émission du papier une fois suspendue (1), les pouvoirs d'achat intérieur et extérieur de la monnaie ne peuvent rester longtemps séparés. Ce qui est sûr aussi, c'est que la résistance opposée par le niveau intérieur des prix aux fluctuations du change - résistance dont dépend la stabilisation de celui-ci - peut finir par devenir impossible. C'est ce qui arrive quand chaque baisse nouvelle du change provoque un tel bond des prix intérieurs que sa conséquence serait un arrêt total des achats, si la création de monnaie nouvelle n'intervenait pas pour atténuer la crise. Un exemple nous fera mieux comprendre. S{)it 20 shillings le cours à Londres de 100 francs français, - cours établi à la suite d'émissions renouvelées de papier en France. S'il survient, par suite d'un mouvement de la balance des comptes, une baisse du franc faisan't tomber d'un shilling le prix de cent francs à Londres (qui s'établit ainsi à 19 shillings), inversement à Paris la livre sterling montera de 1/20 e, c'est-à-dire de 100 à105 francs. [foutes les marchandises ou fractions de marchandises anglaises d'une livre sterling qui coûtaient à Paris (1) Il ne s'agil ici que du papier non couvert pal' des devises étrangères ou du métal international. Une forte émission intérieure de papier, - }or~que celui-ci représente un afflux de devises ou d'or, n'empêche pas l'équivalence de se maintenir, comme' le prouvent de nombreux exemples, entre autres celui tout récent de l'Autriche.
100
LA DÉFLATlO~ E~ PRATIQUE
100 francs, s'y vendront dorénavant 105 francs. Si les revenus nominaux français ne sont pas à ce moment modifiés par une création nouvelle de papier-monnaie, il suffira d'une restriction de 5 0;0 dans la consommation . et l'importation des obj ets anglais pour réta blir l'équilibre, et modifier la balance commerciale au profit du franc (1). Cette restriction de consommation se fera automatiquement à condition que les revenus restent les mêmes et l'effort qu'elle coûtèra ne ~era sensible qu'à peu de personnes. A vrai dire la hausse de la livre sterling à Paris est .représentative d'une haus~e de toute la cote des changes. C'est donc, en réalité, une restriction de 5 0;0 sur l'en5emble des importations étrangères qu'exigera la nouvelle situation pour que l'équilibre se rétablisse. L'effort à faire n'ira pas sans quelque peine, mais il est da,ns les limites du possible. C'est ce qui s'est passé en TchécoSlovaquie. Au contraire, si à la suite d'émissions désordonnées, le billet de 100 francs a fini par tomber à Londres à 2 shillings, ce qui met à Paris le cours de la livre sterling à 1.000 francs, une nouvelle baisse à Londres d'un shilling (la même que nous supposions tout à l'heure), fera bondir à Paris tous les prix en francs des marchandises étrangères de 100 0 ;0, et même ceux des marchandises intérieures que l'on finit par adapter automatiquement à la cote des changes. Ce qui coûtait 1.000 francs en coûtera 2.000. Pour réagir contre cette baisse nouvelle, l'importation de la consommation française de marchandises étrangères devrait brusquement se restreindre de moitié! (1) L'équilibre pourrait se rétablir de bien d'autres façons encore, IJar exemple par un excédent d'exportation. Nous choisissons le mécanisme qui nous semble le plus facile à saisir.
LA
DÉFLATIO:"i EN TCHÉCO-SLOVAQ[(E
'101
Aucun gouvernement ne résiste à l'affolement provoqué par une pareille perspective. Il se résigne alors à fournir lui-même au public l'augmentation de revenu nécessaire... en fabriquant de la monnaie, consacrant ainsi définitivement la baisse extérieure par une nouvelle dépréciation intérieure. C'est le sort actuel de l'Allemagne. A ce moment la seule alternative est l'obtention de aédits étrangers qui permettent de parer aux déficits momentanés de la balance des payements sans houleverser tous les prix intérieurs et sans fabrication illimitée de papier. Jamais le précepte médical, Principiis 0 bsta, n'a trouvé meilleure occasion de s'appliquer. C'est pour avoir eu le courage de le suivre que la Tchéco-Slovaquie n'a pas subi le sort monétaire de ses voisins. Et si la déflation n'a pas eu les conséquences attendues, par contre l'arrêt de l'inflation est à la source de la stabilisation du ehange d'abord et de son relèvement ensuite. Il reste à expliquer ce dernier. Quelles circonstances l'ont déterminé? On en aperçoit deux: la balance favoràble des payements et la situation des finances publiques, deux facteurs dont, le premier, comme on va le voir aussitôt, est en rapport étroit avec le second, ce qui est toute notre thèse. De sorte qu'ici, comme ailleurs, ee seront les finances publiques et l'équilibre budgétaire qui auront eu l'influence décisive. La balance des comptes Invoquer simplement - comme on l'a fait - la balance favorable du commerce extérieur tchéco-slovaque ne saurait suffire ici. Car cette balance (sauf, semble-t-il, en
102
LA
DEFLATIO~
EN PRATIQUE
1919) n'a cessé d'être favorable' aussi bien pendant la baisse que pendant la période de hausse du change. Les années 1920, 1921, 1922 accusent toutes un excédent ll-otable d'exportations, comme le montre le tableau suivant:
~nnées
Importat. _
Exportat. ~
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--'9~0
'9 21 '9 22
~
23.384 39. 61 7 3 [.754
Importat.
Exportat.
-~
69 022 96.45, 94.550
------.
millions
.1" couronnes
23.384 22.435
27·;;69 27. 312 [8.086
-
.. Il
'2.6n5
--
ExcMent des exportat.
-
en million ..
A
~n
.Ie couronnes .11'
4.185 tl.8,6 5.390
millions
rr
~1IÎ8j11e!l
3,2 353 646 (1)
La balance commerciale n'ayant, à aucun moment, cessé d'être créditrice, le renversement du cours du change survenu à partir de 1922 ne saurait s'expliquer par une modification de cette balance. Il faut donc admettre un changement dans les autres éléments de la balance des comptes, ceux qui ne consistent pas en marchandises. Malheureusement ces éléments, chacun le sait, ne sont pas saisissables statistiquement. Leur évaluation est en partie arbitraire. On peut donner cependant une idée du rôle joué par le principal d'entre eux: les placements de capitaux à court et à long terme. On oublie souvent que la balance des payements tchécoslovaque est grevée de charges extérieures très lourdes qui, naturellement, n'apparaissent pas dans les stàtistiques commerciales, mais n'en agissent pas moins sur le change. La plupart des industries tchéco-slovaques ont été financées originairement par Vienne. Elles doivent encore aujourd'hui à des capitalistes autrichiens ou étrangers des sommes annuelles considérables sous forme de (1) Calculé sur le cours de 12 francs sui3se. pour l'année.
LA
lJl~I'I.ATlO:-l E:-I TCIIÉC\J-SL\J\'AQIIIE
103
coupons. Ces sommes ne doivent pas être inférieures à 250 millions de couronnes-or (1). Cette somme réduit singulièrement l'excédent de créances résultant du commerce extérieur. Elle ne suffit pas pour conclure à un déficit dans la balance des paiements. Elle laisse entrevoir cependant la possibilité d'un pareil déficit, ou tout au moins d'un équilibre instable, pour peu que quelques autres dettes se superposent à celle-ci. Par contre, une telle somme, si elle était laissée en Tchéco-Slovaquie par ses créanciers, donnerait à la balance commerciale active toute sa portée. Or, c'est cela justement qui paraît s'être passé. La dépréciation croissante de leur propre monnaie a poussé les voisins de la Tchéco-Slovaquie à y laisser de plus en plus leurs soldes créditeurs ou à y envoyer des fonds. De là Un retournement caractéristique de la balance, dès que ce mouvement a pris une certaine ampleur. C'est de la fin de 1921 et du commencement de 1922 que date l'effondrement de plus en plus rapide du mark allemand et de la couronne autrichienne. Ces deux pays sont les principaux clients et fournisseurs de la TchécoSlovaquie. Ils sont avec elle en étroites relations financières et commerciales. Tout naturellement, devant l'inflation sans limite de leur propre monnaie, ils ont laissé à Prague leurs soldes créditeurs. La Pologne et la Hongrie ont suivi cet exemple. La Tchéco-Slovaquie, avec ses budgets relativement équilibrés, a fonctionné comme caisse d'épargne pour l'Europe centrale. De là, la recherche de la couronne tchèque sur les marchés étrangers, (1) Cf. notre é LUlle sur Le Relèvement de l'Autriche dans la Revue politique el parlementaire ùu 10 juin 1. 923.
10~
tA nÉFl.ATIO:'\ F.~ l'RATIQn:
en même temps que la réduction à Prague de la demande de devises étrangères. De là, l'accroissement caractéristique des « devises et disponibilités à l'étranger» de l'Office bancaire au milieu de l'année 1922, accroissement que manifestent nettement les bilans cités précédemment. Sans doute le dollar ou le franc suisse ont été recherchés également. Mais les relations avec les États- Unis ou la Confédération helvétique, des voisins de la Tchéco-Slovaquie, sont moins fréquentes que leurs relations avec celle-ci, l'acquisition du dollar et du franc partant moins facile que celle de la couronne. Ainsi s'explique le retournement du change à partir de la fin de 1921, retournement dont la brusquerie et l'intensité sont dues à des circonstances un peu exceptionnelles. En même temps le pays bénéficiait des ressources procurées par l'emprunt contracté en avril 1922 à Londres, New-York et Amsterdam (1). Cet emprunt a-t-il servi, comme on l'a souvent affirmé, à soutenir le cours de la courbnne à l'étranger? En tout .cas, le gouvernement tchéco-slovaque l'a énergiquement constesté. Et cette hypothèse n'est pas nécessaire pour expliquer la hausse du change. Cette hausse, si elle a vraiment pour origine les circonstances ci-dessus, ne paraît pas d'ailleurs à l'abri de tout revirement. Il reste à voir si elle pourra se maintenir intégralement au cas où les voisins de la Tchéco-Slovaquie se décideraient, à l'exemple de l'Autriche, à stabi-
(1) Cet emprunt a été émis en trois tranches, l'une de 2 300 000 livres sterling à Londres, l'autre de 1 f, millions de dollars à New-York, la troisième de 500 000 livres sterling à Amsterdam. Il n'est du reste pas le premier qu'ait contracté la Tehéco-Slovaquie à l'étranger, mais c'est le plus important.
LA DÉI'LATHI~ E~ TCHÉCO-SLOVAQliIE
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liser leur monnaie, en arrêtant ainsi la fuite de leurs épargnes. Une remarque encore en passant: la hausse continue du change tchéco-slovaque au cours de l'année 1922 n'a pas suffi - contrairement à une opinion très répandue qui attribue à la hausse du change le pouvoir de suspendre les exportations - à renverser le sens de la balance commerciale. L'excédent des exportations, malgré la grande diminution de celles-ci, reste encore consiçl.érable en 1922, plus considérable même que les années précédentes; c'est que les importations ont diminué plus encore - ((la crise industrielle explique suffisamment ce phénomène) - et la différence entre les deux est restée de même signe. Le fait mérite d'être relevé en face des théories nombreuses qui craignent de voir la hausse du change renverser la balance favorable du commerce qui en est la souce, et ainsi s'annihiler elle-même. Le rétablissement budgétaire
Mais l'intervention des éléments invisibles de la balance des comptes tchéco-slovaque, éléments qui ont joué le rôle principal dans le rétablissement de son change, ne se serait pas produite, sans une autre circonstance qui domine, nous l'avons vu déjà, la situation de tous les changes à l'heure où nous sommes, et qui est particulièrement intéressante à étudier en Tchéco-Slovaquie : le rétablissement progressif de l'équilibre dans le budget. Sans lui, ni l'emprunt extérieur ni l'emploi de la monnaie tchéco-slovaque comme monnaie d'épargne par ses voisins à monnaie dépréciée, n'auraient été possibles, ni, par conséquent, le relèvement de la couronne. Ce rétablissement ne s'est pas fait sans peine, ni tout de suite.
106
LA
UÉFLATIO:'i
E.'i PlIATlQUE
Ce retard explique sans doute l'hésitation dont ont fait preuve si longtemps les marchés étrangers à l'égard de la couronne tchèque et les fluctuations qu'elle a subie. Et c'est dans l'équilibre finalement réalisé qu'il faut chercher la cause de la confiance subséquente. Voici les chiffres des budgets et l'importance de leurs déficits successifs en millions de couronnes Recelles. Dépenses Déficit.
19 19
1920
19"
19 22
3,7 10 8,615
10,426 15,278
17,300 18,026
18,884
4,9° 5
4,85~
7~6
9~8
1!),81~
Le budget de 1923, tel que prévu par la loi de finances du 15 décembre 1922, comporte: En recettes. En dépenses.
. •
• •
laissant encore un déficit de.
18,812 millions de couronnes 19,37 1 )) 559
»
Ce déficit, sans être définitivement supprimé, est cependant réduit à des proportions presque insignifiantes. Par quelles mesures. énergiques, par quelles lourdes. charges d'impôts, au milieu des circonstances les plus. difficiles, ce résultat a été atteint, on le trouvera décrit tout au long dans l'ouvrage de M. Rasin, que nous avons déjà cité. De 1919 à 1921, l'imposition globale par habitant a passé de 244 à 899 couronnes (non compris l'impôt sur le capital). Des emprunts intérieurs pour un montant de 10 mil" liards de couronnes environ, ont permis de couvrir les insuffisances de recettes. Il est vraiment curie~x de constater que le change commence à remonter l'année même où il semble que l'on soit définitivement devenu maître du déficit.
LA
DÉFL.\TJO~ EN TCnÉCO-SLOVAQL:IE
107
A aucun moment, du reste, le ministre des Finances, en inaugurant la réforme monétaire, ne s'était abandonné à l'illusion que la restriction de la circulation, à elle seule, pourrait stabiliser la couronne, ni, à plus forte raison, la relever. Voici les paroles qu'il prononçait le 28 février 1919, devant l'Assemblée nationale, en proposant l'estampillage des couronnes : « Nous deyons tous nous rendre compte que notre couronne tchèque ne pourra se soutenir et bénéficier d'un cours fayorable que si les conditions économiques suiyantes, que je considère comme capitales, sont remPlies. Il nous faut apprendre à établir notre budget sans déficit, à faire des économies, à ne dépenser que l'essentiel et à combler les déficits éyentuels par l'impôt et non par des emprunts ou par la presse à billets. Nous deyons tous apprendre à trayailler et à économiser. Nous deYons économiser et produire, sinon notre couronne tchèque se dépréciera comme la couronne autrichienne. » La suppression du déficit n'est, que la manifestation la plus caractéristique par laquelle la TchécoSlovaquie s'est assurée la confiance financière de l'étranger. La sagesse de sa po:itique générale, à l'intérieur comme à l'extér:eur, y a beaucoup contribué aussi. Les . bonnes finances ne sont, en général, que la traduction d'une bonne politique. Mais de cette sagesse la meilleure preuve a justement été la volonté persévérante de comprimer les dépenses au niveau des recettes d'impôts. On a pu dire que la hausse de la couronne était le résultat de facteurs psychologiques. Nous· n'y contredisons pas. «( Conliance )) est un mot commode qui synthétise, en effet, un ensembl~ de phénomènes compliqués, à la fois psychologiques et économiques. L'économiste, cependant, n'a pas le droit de s'en contenter. La « confiance )) qui
-les
tA DÉFLATIO:'I1 EN PRATlQIJE
n'agit point, est-ce une confiance sincère? Par quels faits économiques précis s'est traduite cette confiance? Dans quels faits économiques précis prenait-elle sa source? Voilà -ce qu'il faut dire. Dans le cas de la Tchéco-Slovaquie la réponse paraît aujour~'hui hors de doute: La hausse du change tchéco-slovaque a été comme toute hausse du change, déterminée par la balance favo" rable des payements. Celle-ci, à son tour, s'est réalisée grâce à un afflux de capitaux que les circonstances ont favorisé, mais qui n'a pu s'orienter vers Prague qu'à la suite de l'amélioration du budget et de la certitude acquise que toute inflation était écartée. Balance favorable des payements et équilibre du budget sont en relation étroite l'une avec l'autre. Elles devaient nécessairement, un jour ou l'autre, déterminer la hausse. Dé flation et cnse industrielle Celle-ci, cependant, n'a pas été sans inconvénients. C'est l'inévitable accompagnement de la hausse du change national. L'Angleterre les éprouve en ce moment par la persistance de son chômage. En Tchéco-Slovaquie, grâce à la rapidité et à la brusquerie du phénomène, ils se sont fait sentir avec une particulière intensité. Il suffit de considérer l'index des prix tombé de 1875 en janvier 1922 à 999 en décembre, pour imaginer l'effet d'une pareille chute sur l'industrie. L'explication de la chute elle~même est aisée à fournir. La vente des marchandises à l'extérieur devenant plus difficile, il a fallu à la fois liquider à l'intérieur une partie des stocks, réduire la production et exercer sur le prix de revient une pression énergique, en particulier sur cet élément essentiel du prix de revient qu'est le salaire.
LA DEFLATION EN TCHÉCO-SLOVAQUIE
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De là, simultanément des faillites en nombre inaccoutumé et un chômage généralisé dont les deux chiffres suivants donneront une idée: de 19.000 en octobre 1921, le nombre des chômeurs secourus passait à 295.000 en janvier 1923. On a été jusqu'à accuser le ministre Ra;in d'avoir poursuivi consciemment une politique de destruction des industries possédées par les Allemands, ou encore, (c'est une autre interprétation) d'avoir rêvé une sorte de retour à la terre foréé, en orientant son pays trop industrialisé à ses yeux vers un système économique où l'agriculture retrouverait une place plus importante. Nous hésitons à le croire. On ne détruit pas de gaieté de cœur une richesse longuement constituée. La vérité semble être que le gouvernement s'est trouvé aussi impuissant à contrôler la hausse du change, qu'il l'avait été précédemment dans ses efforts pour enray~r la baisse (contrôle des devises, etc.). En tous cas, et c'est ce qui importe pour notre démonstration, il n'est pas possible de rattacher la' crise de 1922 à la politique de déflation suivie en 1919. Tout au cO,ntraire, on a pu constater en Tchéco-Slovaquie le fait déjà souligné par nous en Angleterre, en France et aux États-Unis: la crise industrielle :a entraîné comme conséquence la réduction du chiffre des billets. La circulation, de 11 milliards en juin 1921, est tombée à 9 milliards en mars 1923; c'est une diminution de 18 0 / 0 , Une fois de' plus la restriction des billets apparaît comme un effet et non pas comme une cause. ·La hausse du change réduit la circulation plus sûrement que la réduction de circulation ne fait hausser le change.
LA nÉFLATIO:-I E:'I PRATIQUE
Déflàtion et stabilisation de la couronne
Ce dont on s'étonnera peut-être, c'est que le gouvernement tchéco-slovaque n'ait pas profité de la circonstance 'pour stabiliser son change en adoptant un nouvel étalon. Il eût à la fois enrayé les inconvénients de la hausse du ·change, et fait rentrer le pays dans la communauté des nations à étalon d'or. Le pouvait-il ? Il ne semble pas. Dès sa constitution, le nouvel État tchéco-slovaque a fait des efforts remarquables pour se procurer un stock métallique, capable d'assurer un jour le remboursement ·en espèces des. billets : emprunt intérieur en or et devises' ·étrangères, remise volontaire de bijoux, d'objets d'or -et d'argent, de monnaies étrangères, exploitation de la mine d'or de Roudné, etc. Ces apports, quelqu'importants qu'ils fussent (ils ont fourni près de 60 millions de francsor), restaient insuffisants. Et quand le grand emprunt extérieur de 100 millions de dollars projeté par Rasin dès 1919, comme l'un des éléments de la réforme monétaire;" dut être abandonné, il fallut renvoyer à nne date indéterminée la stabilisation définitive et le retour à l'étalon d'or. Depuis, la situation s'est beaucoup améliorée. Les bilans de l'Office bancaire que nous reproduisons plus haut, montrent une augmentation rapide de l'encaisse or et argent, ainsi que des disponibilités à l'étranger. Celles-ci pour une partie, sans doute importante, doivent consister en traites sur des pays à étalon d'or. Aussi la proportion entre ces deux postes réunis et les billets en circulation n'a cessé de croître. L'Office ban-
U
111
DÉnATlO:'i EN TCHÉCO-SLOVAQUIE
caire ne semble plus poursuivre aujourd'hui la réduction du chiffre des billets (ce qui serait de la déflation au sens propre du terme), mais plutôt la constitution graduelle ·d'une couverture d'or et de valeurs rapidement convertibles en or, à la circulation des billets, telle qu'elle existe aujourd'hui. C'est une méthode infiniment plus efficace et consacrée par toute l'histoire des réformes monétaires. Le tableau suivant permet de suivre cette évolution, particulièrement remarquable au cours de la pré~ente année 1923. Les chiffres, représentent des millions de couronnes tchéco-slovaques :
Da!es des bilans
Billets en circu ..
Dépôls
lotion
1
30 XII 1920 31 XII 1921 31 XII 1922 31 III 1923 30IV 1923 31 V 1923 31 VIII 1923
* Dont **
))
[1. 289 [2.130 10.064 9. 15 7 9. 56 7 9. 32 7 9. 2[8
Or et argent en caÎs!?oe
Il
-1. [44 652 599 99 3 1. II3 1.418 2. 507
Disponi. blli!';. et Avoir à
l'élranger
Ensemble de l'encaisse
et de. (iI'poni. bililé.
Happort Rapporl de V de V à à 1
à
1
+ II
l'étranger V
III IV --- --- --- ~ ~
402 153 817 826
S43 950' 1.060"
456 553 65 7 556 1.172 1.543 2.448
858 1.086 1.474 1.382 2.015 2.493 3.508
7,60 6,90 8,95 8,50 14,6 [3,8 15,0 13,6 23,3 18.8 2fi,7 23,0 38,5 30,7 .
158 millions à l'étranger (à la Banque d'Angleterre) • » » • 58
•
A la fin d'août, l'encaisse métallique et les disponibilités à l'étranger représentaient ensemble plus du quart des billets en circulation et des dépôts réunis, et 38,5 0/0 des billets en circulation. Cette couverture, n'atteint pas enco~e un chiffre offrant dès maintenant toute sécurité pour le retour à l'étalon d'or.
112
LA nÉFLATIO:'l EN PRATIQUE
Cependant les inconvénients d'une hausse trop rapide de la couronne rendent urgente une stabilisation aussi prochaine que possible. Ainsi apparaît nettement le véritable problème monétaire : refaire directement ou indirectement (par l'intermédiaire d'un portefeuille de devises ou de dépôts à l'étranger), un soubassement métallique au résidu irréductible de l'inflation. Ce soubassement construit, le moment précis où le « retour à l'or » doit se produire est une question d' opportunité. Des pays plus favorisés que la Tchéco-Slov~quie, tels que les Pays Scandinaves, ne se sont pas encore décidés à ce pas difficile.
CHAPITRE VI
Conclusion : Rapports économiques entre réquilibre budgétaire et 1'amélioration du change
Essayons de résumer les conclusions auxquelles conduit l'examen des faits poursuivi dans les chapitres précédents. La théorie simpliste de la déflation compte sur la réduction des moyens de paiement pour abaisser le niveau intérieur des prix, et sur cet abaissement à son tour pour f.aire remonter le cours du change. L'expérience montre que les choses ne se passent pas ainsi. La déflation à elle seule n'agit pas sur le niv:eau général des prix, ou n'agit qu'avec une extrême lenteur. On se fait donc illusion en comptant sur cette méthode pour relever le taux du change. C' cst lui, au contraire, qui exerce aujourd'hui l'action la plus immédiate sur le niveau intérieur des prix. Et il est lui-même en rapport étroit avec la situatio.n financière : l'équilibre du budget et l'arrêt de l'inflation. C'est donc par ce côté qu'il faut attaquer la réforme. Une fois obtenue la hausse du change, grâce à l'équilibre budgétaire, la baisse des prix intérieurs suivra d'elle-même et, avec elle, la réduction spontanée de la circulation. Ce sera une première étape. L'étape suivante consistera dans le choix que devra faire chaque gouvernement, du cours au-
11.
LA DÉFLATlO~
E~ PIIATIQUE
quel il se résoudra à stabiliser son change. Subira-t-il la hausse de sa monnaie avec tous ses inconvénients (et aussi ses avantages) jusqu'à ce qu'elle soit revenue à l'ancien pair? Voudra-t-il la hâter encore par une déflation directe, au lieu de laisser l'augmentation de la production faire lentement son œuvre? L'interrompra-t-il, au contraire, en décrétant le remboursement des billets en une monnaIenouvelle « dévaluée )) par rapport à l'ancienne? La réponse à ces questions variera suivant les circonstances_ Dans beaucoup de pays elles ne se posent même pas, parce que l'inflation n'y est pas réellement arrêtée. Elles ne nous concernent pas directemcnt ici où nous sommes préoccupés surtout d'analyser l'enchaînement des faits. Rien dans ces conclusions, partagées du reste par beaucoup des économistes les plus autorisés d'aujourd'hui,. ne contredit les lois économiques fondamentales, telles que l'expérience les fait connaître. Bornons-nous à citer ici M. Seligman, l'éminent économiste ,américain, dans son récent volume, Currency Inflation and Public Debts. « En dernière analyse, conclut-il, la disparition de l'inflation ne dépend pas tant d'une déflation effective, que de cette déflation relative qui est étroitement liée à l'accroissement de la prospérité générale et se reflète dans la balance commerciale ct le taux des changes étran.gel's )) (1). Ceux qui voient dans la déflation un processus symétrique de l'inflation, et devant avoir, par suite, sur le' niveau des prix un effet exactement inverse, négligent une(1) Et la première condition pour atteindre cc but est « de mettre les llUdgets cn ordre par une énergique taxation cn vue de rétablir l'é'luilibrc budgétaire» (p. 65). M. Seligman est cependant de ceux qui, comme nous, sont partisans de la théorie quantitative tant décriée pal' ccrtains.
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circonstance importante révélée par l'expérience: la résistance qu'oppose le niveau des prix à la réduction du pouvoir d'achat du public (1). En période d'inflation, sur quoi porte en premier lieu la hausse des prix? Sur les salaires, les matières premières, les objets de première nécessité. Elle atteint d'abord des marchandises et des services qui, entrant dans la production de tous les autres, transmettent aussitôt au marché tout entier la hausse initiale. D'où la rapidité avec laquelle cette hausse se généralise. En période de déflation, le mécanisme n'est plus le même. La suppression par hypothèse de 2 milliards de billets diminuera d'un montant égal la demande des produits. C'est entendu. Mais sur quels produits portera, en premier lieu, la restriction de la demande ? Sur les plus nécessaires? Nullement. Mais bien sur les pro.duits de luxe ou d'agrément, sur ceux dont la demande, comme disent les économistes, est la plus élastique, sur ceux qui occupent le moins d'ouvriers et ceux -là les mieux payés et les mieux pourvus d'épargnes. Sans doute cette production réduite flllira par retentir sur toutes les autres, mais avec une extrême lenteur. La compression des salaires rencontrera chez les ouvriers une énergique résistance. Les entrepreneurs, de leur côté, chercheront à remplacer par la vente extérieure les débouchés intérieurs diminués. Ils deman(1) A vrai dire, parmi les déflationnistes les plus ardents, il s'en trouve comme M. Y. Guyot qui sont adversaires de la théorie quantitative et nient que la réduction du papier-monnaie puisse abaisser le niveau des prix ou entraîner une dépression économique. On ne voit plus alors sur quels principes économiques se foude leur doctrine. Cela devient Utt acte de foi. Et les deux récents volumes de l'infatigable publiciste sur la Déflation font effectivemenl un véritable aUio-da-fé des opinions (juïl juge hérétiques et (ju'il soumet au préalable à une savante torture.
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LA . DÉFLATIO:\ E:"i
l'RATIQUE
deront au crédit de suppléer à la demande défaillante; les moyens de paiement supprimés d'un côté reparaitront d'un autre, rétablissant ainsi, au moins momentanément, un pouvoir d'achat égal à celui que l'on voulait supprimer. Autant la propagation de la hausse avait été facile et rapide, autant celle de la baisse sera lente et hésitante. Cette vérité n'est pas nouvelle .. Tous les observateurs l'ont constatée. ~1. Subercaseaux, qui a trouvé dans l'Amérique du Sud le terrain classique des expériences de papier-monnaie, et dont le livre est, à cet égard, le recueil . de faits le plus complet que nous connaissions, écrit sans hésiter: « Ceux qui ont cru que les prix ont pu être adaptés à la baisse comme à la hausse, ne connaissent pas les conditions de la vie économique, telle qu'elle est réellement. La baisse de's prix, qui est la conséquence d'une forte hausse de la valeur de la monnaie, ne se fait que lentement et après de longues années passées dans le languisse ment et la paralysie, dont la cause est une crise qui, non seulement a affecté l'entrepreneur, mais qui a pu aussi faire cOiJ.naître la faim à des milliers d'ouvriers inoccupés (1). )) Sur ce « languissement et cette paralysie )) nous n'insistons pas ici, car il ne serait pas juste de reprocher à la déflation seule un inconvénient qui, à des degrés différents, est commun à toute réforme monétaire, après les abus du papier-monnaie. On ne peut pas espérer revenir - nous ne disons pas à la même monnaie qu'avant l'inflation - mais simplement à une monnaie stable, quelle qu'elle soit, sans traverser une période plus ou moins prolongée de « languissement et de paralysie )). A elle seule la stabilisation, sans aucun essai de retour au pair, provo(1) Suber aseaux, Le pal:ier,monnaie, Paris 1 no (Giard édit.) p.256,
CO:>lCLL'SIO:>I
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que déjà un réajustement des prix intérieurs aux prix mondiaux, qui est une cause de crise momentanée. ·La nouvelle République autrichienne vient d'en faire la pénible expérience. Cette crise se produira dans tous les cas, quelle que soit la voie que l'on adopte pour revenir à la santé monétaire : déflation directe ou relèvement du change. Prétendre y échapper tout en poursuivant l'assainissement financier, est aussi contradictoire que de réclamer des réparations tout en repoussant les marchandises étrangères. Autant dire que l'on préfère voir continuer l'inflation. Mais elle peut être abrégée. Ce que nous reprochons à la déflation directe, ce ne sont donc pas ses inconvénients au moins momentanés, -lesquels sont inhérents à toute méthode d'assainissement monétaire, - mais plutôt son impuissance à influencer suffisamment le niveau des prix pour qu'on puisse en attendre une action sérieuse sur le change. Les expériences examinées ci-dessus montrent que la hausse du taux de l'escompte ou ,celle du change sont des facteurs bien plus èfficaces pour assurer la baisse des prix que la réduction directe de la circulation par retrait des billets. L'Angleterre, les États- Unis et la Tchéco-Slovaquie en fournissent la preuve. On a bien vu, dans ces trois pays, la circulation diminuer. Mais c'est à la suite de la baisse des prix. Loin de précéder celle-ci, la réduction de la circulation n'en a été que la conséquence. L'élévation du taux de l'escompte en restreignant le crédit - ou la hausse du change national en restreignant les exportations, déterminent en effet l'une et l'autre une S'ente forcée, une liquidation des stocks dont l'action sur les prix dépasse de beaucoup celle que ~peut exercer la restriction directe des moyens de payement.
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LA llÜLATIO:'! E:'! PRATIQUE
Le besoin de symétrie, qui est propre à notre esprit, établit inconscIemment une sorte de parallélisme entre le mécanisme de la hausse des prix par l'inflation et celui de la baisse par la déflation. Puisque, dit-on, l'augmentation de la circulation a entraîné la hausse, pour obtenir la baisse il faut réduire cette même circulation. En fait, il y a bien une certaine symétrie entre les deux mécanismes. ~rai.s elle doit, croyons-nous, être formulée différemment. C'est par une augmentation rapide des reyenus monétaires en face d'une offre stationnaire de produits, que la . hausse des prix se réalise. L'inflation n'est pas autre chose. Inversement, pour déterminer la baisse il faut provoquer une augmentation importante de l'offre des produits sans accroissement correspondant des reyenus monétaires. Evidemment si, dans le premier cac, l'offre des produits et, dans le second cas, leur demande non seulement restent stationnaires, mais encore diminuent - l'action de l'autre facteur (celui que nous jugeons déterminant pour modi fier les prix) en sera renforcée. Mais cela est secondaire auprès du fait important que suggèrent des expériences répétées; c'est que pour provoquer tantôt la hausse, tantôt la baisse du niveau général des prix -les deux éléments sur lesquels on peut se proposer d'agir simultanément (offre des produits d'une part, ensemble des revenus monétaires de l'autre) ne s'équivalent pas. On obtiendra la hausse plus vite en augmentant les revenus monétaires qu'en diminuant les produits. On obtiendra la baisse plus vite en accroissant l'offre des produits qu'en réduisant les revenus monétaires. Voilà pourquoi la hausse du taux de l'escompte ou l'élévation du change ont une action si efficace sur le niveau des prix.
CO~CLUSIO~
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La hausse du taux de l'escompte est une mesure exceptionnelle qui n'a de justification qu'en période de crise. Nous n'entendons pas la préconiser comme moyen normal de politique économique. Si nous rappelons ici son effet, c'est simplement pour en conclure que l'augmentation de la production est le meilleur moyen d'élever le pouvoir d'achat du papier-monnaie. Même sans déflation, par le seul accroissement de l'offre des produits et des services (et l'inflation, bien entendu, étant sévèrement enrayée), le niveau des prix doit graduellement g' abaisser.
.. * . Cet. effet sera plus sensible encore si le change, en même temps, s'améliore. Or, il n'est pas besoin pour cela
12 0
LA DEFLATION EN PRATIQUE
Faut-il, devant cette constatation, proclamer la faillite de 'l'économie politique, comme croient devoir le faire périodiquement un certain nombre de personnes, toutes les fois qu'elles sont embarrassées pour expliquer certains phénomènes par ce qu'elles croient savoir des « lois» économiques? Ce serait aller bien vite en besogne, car une interprétation des faits se présente ici à l'esprit, qui est parfaitement en accord avec les vérités économiques les plus connues tout en permettant de rendre compte de l'apparente anomalie. Certes, à l'origine, c'est presque toujours, et ce fut le cas pendant la guerre, la hausse des prix intérieurs qui (en stimulant les importations et en comprimant les exportations) déclanche la baisse du change national. Mais, un peu plus tard, quand le change déprécié est devenu la maladie chronique qu'il est aujourd'hui dans presque tous les États d'Europe, et que le marché des devises a repris toute sa complexité, celui-ci subit des influences directes qui font varier les cours du change en hausse ou en baisse, - et à travers ceux-ci réagissent sur le niveau des prix intérieurs ou sur le rapport entre les importations et les exportations. Parmi ces influences, l'une des plus actives, sinon la plus active, est la situation budgétaire. Car un budget en équilibre est la seule protection efficace contre toute menace d'inflation nouvelle. Une fois acquise la certitude que la monnaie d'un pays ne sera plus artificiellement détériorée par des émissionssucccssives, l'échange des capitaux de place à place peut de nouveau s'effectuer sous les formes infiniment variées qui lui sont propres: dépôts à court terme dans les banques, achats de titres, crédits privés ou crédits d'État à plus ou moins longue échéance, etc., etc. Or, ces mouvements
CO:'iCLUSION
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de capitaux, l'histoire de la Tchéco-Slovaquie en est un exemple éclatant, sont l'élément décisif qui, dans nos pays modernes, règle les fluctuations du change, soit pour raffermir celui-ci dans les pays à finances saines, soit pour l'entraîner plus bas encore dans les pays où l'instabilité financière menace le prêteur de risques trop grands. Ces mouvements de capitaux (au moins autant que ceux de marchandises ou des services lesquels, étant liés à des conditions beaucoup plus stables sont infiniment moins souples) influent à chaque instant sur la balance des payements, soit pour la troubler, soit, au contraire, pour la remettre en équilibre. Et c'est, entre parenthèse, ce qui rend si indispensable cette liberté d'entrée et de sortie des capitaux dont on persiste en France à nous priver. La hausse du change français, qu'elle faciliterait, serait la meilleure barrière à l'expatriation que l'on redoute. Or, pour attirer dans un pays ou en repousser les capitaux étrangers, rien n'agit plus sûrement que ses perspectives budgétaires. Il va sans dire que toute amélioration de la balance des comptes - excédent des exportations sur les importations, développement de la marine marchande, afflux des visiteurs étrangers, etc., etc., - aura le même effet. C'est ce qu'entendent les auteurs qui répètent avec raison que l'obtention d;une balance des comptes favorable est le but essentiel à poursuivre, plutôt que la déflation effective. Nous sommes d'accord avec eux. Mais leur formule pour ·le présent nous semble par trop générale. Dans la situation actuelle des pays européens, le meilleur moyen de rétablir la balance des comptes est justement le retour à l'équilibre budgétaire. L'excédent des exportations en est un autre, de même que l'afflux des étrangers. Mais ces résultats ne s'obtiennent pas par un simple effort de la volonté gouvernementale, tandis qu'au contraire
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LA DÉFLA110N EN pnATlQGE
l'équilibre budgétaire peut être voulu, poursuivi et réalisé systématiquement par elle. Et si l'opportunité de la .déflation prête à des controverses, l'urgence de l'équilibre budgétaire n'est contestée par personne. Au stade d'évolution du papier-monnaie où en sont aujourd'hui les pays européens, le marché du change est bien plus sensible que le niveau intérieur des prix. Mais la baisse du change national comme sa hausse -influera différemment sur le niveau des prix suivant que Je budget est en équilibre ou non. Imaginons une baisse momentanée. Le budget est-il en déficit et l'inflation continue-t-elle ? la hausse des prix intérieurs, résultat du. change plus ·défavorable, sera consolidée par l'inflation elle-même. Le public, grâce à son pouvoir d'achat artificiellement, mais définitivement accru, surmontera la crise sans restriction de consommation. En revanche, la baisse du ·change, qui aurait pu n'être que passagère, sera consolidée. Même processus si le public, pour parer à la crise, n'a qu'à transformer en monnaie les bons du Trésor dont il est saturé. Le change s'effondre sans remède. Le budget, au contraire, est-il en équilibre et l'inflation arrêtée'? Le pouvoir d'achat du public reste stationnaire en face de la hausse des prix, conséquence de la baisse du change. La restriction de la consommation :s'impose, tandis que l'exportation s'accroît. En un mot, la baisse du change rencontre des forces antagonistes spontanées qui l'enrayent ou la redressent. Si le crédit intervient pour alléger la situation, c'est d'une façon momentanée, limitée, et sans que les éléments permanents du prix de revient aient le temps d'être définitivement modifiés. On a vu, bien des fois, le change varier .autour d'une moyenne stable, sans que ses chutes, bientôt
CO;i
123
compensées par un relèvement, eussent le temps d'altérer profondément le niveau général des prix. (Ex. le change français en 1920 et 1921). Quant à la hausse du change national, elle aura des effets inverses. Dans les pays à budget équilibré (les seu Is intéressants ici, car dans les au'tres l'inflation nouvelle ne tarde pas à annihiler les effets d'une hausse du change nécessairement passagère), elle entraîne rapidement une baisse intérieure des prix. L'amélioration du change rendant l'exportation plus dificile et facilitant l'importation, l'offre de toutes les marchandises est brusquement accrue à l'intérieur et détermine un affaissement des prix, bientôt suivi de chômage et de baisse des salaires. Ces phénomènes, à leur tour, entraînent une réduction des besoins monétaires, et un reflux de la circulation à l'institut d'émission, reflux dont on peut profiter, comme l'a fait l' Angleterre, pour en supprimer une portion, à moins que l'on ne préfère recourir à la stabilisation définitive. C'est ici - nous l'avons déjà vu -- que la volonté gouvernementale doit s'exercer et faire son choix, si elle le peut, car il lui arrive de se trouver en face de la hausse du change aussi désarmée qu'en face de la baisse. L'Angleterre, décidée à revenir au pair de la livre sterling, paye par un chômage prolongé une courageuse politique, peut-être trop influencée par des motifs de prestige monétaire. La Tchéco-Slovaquie, pour les raisons que nous avons dites, paraît hésiter encore à stabiliser la couronne au niveau atteint aujourd'hui. Elle semble subir la hausse, plus que la commander. La France, un jour ou l'autre, devra se décider. Pour le moment, elle n'en est qu'à la première étape. Son budget n'est pas en équilibre. Son change a perdu depuis deux ans près de vingt points. Le problème de sa stabilisation ne se pose
LA DÉFl.A.TION EN PRATIQUE
donc pas pour le moment. Il sera temps de le discuter quand nos hommes politiques voudront bien témoigner moins de superbe indifférence pour les répercussion économiques de leurs hautes conceptions et se persuader qu'à subordonner systématiquement l' « économique» au « politique », suivant la formule.du jour, on enlève finalement à la politique ses moyens d'action les plus efficaces.
On s'étonnera peut-être que nous n'ayons rien dit, dans' ce qui précède, des exemples historiques de déflation, invoqués par certains écrivains comme des arguments décisifs en faveur de cette politique. e' est que ces exemples sont, en réalité, très rares. Au cours des cent dernières années, on 'cite cinq pays (1) ayant ramené leur monnaie au pair après une période de dépréciation due au cours forcé et à l'inflation: l'Angleterre après les guerres napoléoniennes, les États-Unis après la guerre de Sécession, la France après la guerre de 1870-71, l'Italie en 1883 puis en 1900, enfin la Grèce au début du xx e siècle. Or, dans aucun de ces cas, sauf peut-être le premier, le retour au pair n'a été dû à la déflation monétaire, c'està-dire à la réduction systématiquè du papier-monnaie en circulation. Nous l'avons montré déj à pour la France. Le papiermonnaie en circulation a fort peu diminué après la guerre de 1870-71 ; au fur et à mesure des remboursements de l'État à la Banque, l'afflux de l'or étranger, dû au change (1) L'expérience de déflation monétaire du Japon de 1882 à 1886 est trop mal connue dans ses détails pour que nous y insistions. Qu'elle ait été accompagnée d'une crise redoutable, c'est ce qui est certain. Cf. Seligman, Currency Inflation and Public Debts, p. 540.
CONCLUSION
125
favorable, faisait ressortir de nouveaux billets venant remplacer ceux remis par le Trésor. L'exemple de l'Italie n'est pas moins frappant. Nous donnons en appendice le chiffre des billets en circulation - ceux de l'État et des banques - depuis 1881 jusqu'à 1900. La diminution de 1881 à 1883 est insignifiante, (de 1.675 millions à 1511). Le remboursement des billets .d'État opéré en 1883 l'a été au moyen d'un emprunt .extérieur or, c'est-à-dire sans réduire la masse totale de monnaie. D'autre part, les billets de banque augmentant au fur et à mesure du retrait des billets d'État en circulation, le chiffre total ne s'abaisse que fort peu. Il atteint son minimum avec 1.421 millions en 1888. Or, cette année même le change tombe à 10 0/0 au- dessous du pair, écart qui va en s'accroissant dans les années suivantes. Et lorsqu'après l'échec dela première réforme, le change est pour la seconde fois revenu au pair en 1900, c'est pendant une période où -la circulation tend plutôt à augmenter légèrement en même temps du reste que le métal international. L'exemple des États- Unis est encore plus net. Sans doute le Congrès a décidé d'abord le remboursement des billets d'État à cours forcé, les fameux greenbacks. Mais après une première réduction de 447 à 356 millions de dollars, c' est- à- dire de 20 0/0 entre 1864 et 1868, le Congrès suspendit le retrait, et le chiffre des greenbacks s'est maintenu depuis au chiffre atteint en 1868. D'ailleurs, pendant que d'un côté on retirait les greenbacks, les billets des banques nationales augmentaient de l'autre, de sorte que la circulation totale s'accrois~ait plutôt. A vrai dire, cette augmentation a été faible, comme le montrent les chiffres que nous donnons en appendice, et cette expérience montre une fois de plus que sans déflation moné-
126
LA
DEFLATION EN PHATIQUE
taire, pourvu que la circulation reste à peu près stationnaire, l'amélioration du change et l'abaissement des prix se réalisent d' eux- mêmes. Par contre, dans les trois exemples que nous venons de citer, la réforme financière et le retour au pair ont suivi une marche parallèle. En France, le remboursement des billets à la Banque après 1871 a été le signe visible de l'équilibre budgétaire retrouvé. C'est par là, bien plus que par leur action monétaire, que ces remboursements ont agi. En Italie, les deux retours du change au pair, celui de 1883 et de 1900, ont coïncidé avec l'obtention de l'équilibre financier, tandis que la chute nouvelle du change et le retour en 1892 au cours forcé, a correspondu aux embarras budgétaires nés de la politique du ministère Crispi. Enfin, aux États-Unis, l'amélioration du budget a été poursuivie avec énergie dès la fin de la guerre de Sécession (réduction de la dette de 612 millions de d.:ollars entre 1868 et 1873) (1). Ils ont poursuivi la déflation financière par le remboursement de la dette sans continuer la dé flation monétaire, et s'en sont bien trouvés. En Grèce, des phénomènes analogues peuvent être constatés. Sans doute la loi de contrôle international de 1898 exigeait un remboursement de 2 millions de drachmes par an sur une circulation égale, à ce moment, à 154 millions (2), mesure qui la ramenait à 132 millions en 1909,. tandis que le change revenait au pair. Pourtant on croira difficilement que ces 22 millions (soit 14 0;0 de la circulation primitive) aient par leur disparition suffl à rétablir le change grec. Là encore, la réduction, même très faible· de la circulation, a surtout la valeur d'un symbole. C'est (1) Scligman, luc. cit., p. 27. (2) Voir Damiris, t. 1, p. 106.
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1~7
le symbole d'une situation financière rétablie en quelques. années et d'un budget revenu à l'équilibre. Reste l'exemple de l'Angleterre en 1821. C'est lui que l'on invoque en général, c'est lui qui a servi à fonder' toute la doctrine de la déflation mécanique. Il est vraiment difficile de croire que le retour aux payements en espèces à cette date ait été motivé simplement par le remboursement par le gouvernement anglais de 10 millions de livres sterling à la Banque, et par la réduction parallèle de la circulation de 25 millions de livres (1819) à 20 millions. Une discussion complète du sujet nous entraînerait trop loin. Bornons-nous à quelques remarques. D'abord, de 1819 à 1821, l'encaisse de la Banque passe de 4 millions de livres à 11,9, et cet accroissement, faisant remonter à 50 0/0 la proportion de l'encaisse à la circulation, a facilité le rembourse men t. De plus, ce dernier a pu être repris, comme l'a si bien montré M. Hawtrey, (1) grâce à une situation favorable des challges, n'ayant avec l'abondance plus ou moins grande du papier qu'un rapport lointain, mais, par contre, étroitement liée aux mouvements de contraction et d'expansion du crédit sur le continent et en Angleterre. Grâce à cette situation, l'or, en 1821, affluait à Londres, tandis que sa fuite en 1819, pour des raisons inverses, avait obligé d'interrompre le remboursement commencé en 1817, alors que la circulation atteignait 29 millions et l'encaisse 11,7. JIais surtout le remboursement de l'État à la Banque a été le signe d'une situation financière rétablie, qui n'a pas dû peu contribuer à rendre favorable la balance des
(1) Dans son remarqu'able livre Currency alld Credit ('1920), qui contient sur l'histoire des diverses réformes monétaires des chapitres. aussi originaux que pénétrants.
128
LA IJ/h'LATION EN PRATIQIlE
comptes. Le budget anglais, déficitaire depuis 1793, présente de nouveau à partir de 1818 un excédent de recettes. De sorte qu'il a suffi au gouvernement de restituer quelques millions .de livres sterling pour marquer définitivement l'abandon des pratiques d'inflation suivies pendant la guerre (1). Nul n'a songé à revenir au -chiffre initial de l'émission, lequel entre 1797 (date de proclamation du cours forcé) et 1821 (date de la reprIse des paiements) a exactement doublé (2). Par rapport à l'ense~ble de la dette anglaise en 1816 (845 millions de livres sterling), la somme remboursée· représentait 1,2 0/0.
Les expériences du passé ancien, comme du plus récent, paraissent donc conduire aux conclusions suivantes: 1 0 La réduction directe de la circulation n'a sur les prix et le change du pays qu'une influence très limitée, son action étant contrecarrée par de nombreuses influences antagonistes. Elle peut être nécessaire cepen.dant dans la mesure où il s'agit d'assurer une marge suffisante à l'émission commerciale, afin d'échapper, en cas (1) On trouvera dans le livre de M. Cannan, The pa.per-pound (p. 43) - réédition accompagnéc d'une précieuse introduction du Bullion Report de 1811 - le tablcau des cxcédents de dépenses, puis de recettes du gouvernement anglais. M. Cannan, déflationniste convaincu, interprète autrement que nous J'expérience si bien décrite p~l~. . (2) Admettre que le rétablissement du change anglais n'a pas été la conséquence directe de la déflation, ce n'est nullement s'inscrire en faux contre les conclusions essentielles du fameux Bullion Report - conclusions qui nous paraissent irréfutables - et qui attribuent à l'exagération des émissions la dépréciation monétaire. C'est simplement reconnaître que les processus de l'inflation et de la déflation n6 sont pas les mêmes.
eo~eLVSlo.\
1'29
d'expansion des affaires, à une inflation nouvelle et de fixer définitivement à la circulation non couverte en métal ou en devises une limite infranchissable. La fixation d'une telle limite est une garantie prise contre les retours offensifs de l'inflation. On peut lui laisser cependant une certaine souplesse si la Banque est en mesure d'enrayer tout excès éventuel de spéculation. 2° Mais les moyens les plus efficaces pour abaisser les prix et relever le change sont l'augmentation de la production et le rétablissement de l'équilibre budgétaire. 3° Ce dernier, en particulier, exerce sur le change une action puissante en induisant la spéculation à ne plus prendre position que dans le sens de la hausse et en assurant, par suite, un large afflux de capitaux étrangers, élément le plus sensible de la balance des comptes et meilleure garantie d'un change favorable. 4° A son tour, la hausse du change précipite à l'intérieur du pays la baisse des prix par augmentation de l'offre des marchandises, bien plus sûrement que ne saurait le faire une réduction directe de la circulation. Celle-ci, par contre, se réalisera bientôt comme une conséquence normale de la baisse des prix. Cette baisse prépare enfin, par la réduction du prix de revient et la baisse du taux de l'intérêt, une nouvelle expansion commerciale très propre à son tour, à maintenir et à relever le change. 5° Jusqu'à quel point cette hausse du change pourrat-elle se poursuivre, sans nuire à l'activité productrice du pays? C'est ce que les circonstances décideront. Il suffira pour l'arrêter que le pays soit en état de reprendre les payements en espèces, même à un taux inférieur au pair originaire de la monnaie. Il sera le maître alors de mettre un terme quand il le voudra aux inconvénients de la hausse du change.
130
LA DÉFLATION EN PRA.TIQUE
Paraphrasant un passage de l'Evangile (que l'on n'a pas souvent l'occasion de citer· en matière de politique financière), nous dirions volontiers aux États que leur change vacillant ne cesse de troubler: « Remettez d'abord votre budget en équilibre et tout le reste vous sera donné par-dessus. »
FIN
ANNEXES
Il nous paraît nécessaire de joindre à l'exposé precedent quelques extraits de documents officiels et quelques tableaux statistiques. Les premiers, parce qu'ils constituent, dès à présent, pour l'histoire de l'inflation et de la déflation, des textes fondamentaux; les seconds, parce qu'ils permettront au lecteur de contrôler luimême les faits et les interprétations présentés au cours des chapitres précédents.
ANNEXE AU CHAPITRE II DOCUMENTS RELATIFS A L'ANGLETERRE
1.
Le mécanisme de l'inflation, d'après le Rapport Cunliffe .•.....................................•
135
II.
Le mécanisme de la déflation, d'après Sir Basil Blackett •................. ,......................
139
III. -
Les Avances par Voies et Moyens et la Dette flottante britannique... .. ......•. ..•.•.•••.•... ..•
141
IV. -
La Balance des comptes britannique •...•...•.•.•..
143
V. -
Cours moyen ùe la livre, terling en dollars de 1919 à 1923 .................•................•......
1l.5
1 LE MÉCANISME DE L'INFLATION ANGLAISE.
D'après le First interim Report du Committee on Currency
and Foreign Exchanges (Cunliffe Committee), du 15 août 1918 (§ 10 et suivants).
Nous reproduisons ici, dans ses termes mêmes, la partie du Rapport Cunliffe oû est exposé le mécanisme de l'inflation anglaise pendant la guerre. Nulle part ce mécanisme n'est décrit avec autant de précision et d'autorité et il est nécessaire de l'avoir sous les yeux].
« La nécessité pour le Gouvernement de trouver pour financer la guerre, des fonds dépassant les sommes fournies par les impôts et les emprunts émis dans le public, fi rendu nécessaire la création de crédits en'sa faveur à la Banque d'Angleterre. Ainsi, le montant total des comptes créditeurs à la Banque s'est élevé, approximativement, de ~ 56.000.000 en juillet 1914 à ~ 273.000.000 au 28 juillet 1915, et quoiqu'une réduction considérable ait été effectuée depuis, ils atteignent actuellement (15 août 1918) ~ 171.870.000. Les créd~ts créés par ces opérations étant transférés aux banques par actions par l'intermédiaire des versements de l'Êtat à ses fournisseurs et à d'autres personnes, ont été le point de départ de l'augmentation des dépôts de ces banques, - dépôts, qui ont grossi également grâce à la création par eties-
136
LA DÉrLATIO~ Eil PIIATIQUE
mêmes de crédits, à l'occasion de la souscription aux différents Emprunts de Guerre. « Ce procédé a eu des résultats d'une si grande portée qu'il 'peut être utile d'exposer en détailla manière dont il fonctionne. Supposons, par exemple, qu'en une semaine donnée, le Gouvernement ait besoin de 10.000.000 de livres en plus du produit des impôts et de l'emprunt. Il demande une avance à la Banque d'Angleterre qui, par une simple inscription dans ses livres, met la somme demandée au crédit du compte courant du Gouvernement (Public Deposits), de la même manière que tout autre banquier crédite le compte d'un client, quand il lui acc,orde une avance temporaire. La somme est alors payée aux fournisseurs et aux autres créanciers de l'État, et passe, une fois leurs chèques compensés au ClearingHouse, au crédit de leurs banquiers à la Banque d'Angleterre ; en d'autres termes, la somll1e est transférée du compte courant du Gouvernement aux « Comptes courants particuliers» (Autres Dépôts). Le résultat final est ainsi d'augmenter de 10.000.000 de livres le pouvoir d'achat du public, représenté par ses comptes courants dans les banques et d'augmenter de la même somme l'encaisse (cash) des banquiers à la Banque d' Angle~erre. Les obligations des banques vis-à-vis de leurs déposants ont donc augmenté de 10.000.000 de livres, mais leur réserve de caisse à la Banque d'Angleterre s'est accrue d'une quantité égale, de sorte que le rapport de l'encaisse aux exigibilités (qui, avant la guerre, était normalement un peu inférieur à 20 0/0)) se trouve amélioré, et leur permet, soit de faire à leurs clients des avances quatre à cinq fois plus fortes que la somme ajoutée à leur encaisse; soit, si on ne leur demande pas d'avances, d'augmenter leur portefeuille-titres (investments) de toute la, différence
A.)INEXE AU CHAPITRE \1
137
entre l'augmentation de leur encaisse et ce qu'elles doivent en garder comme garantie de remboursabilité de leurs nouvelles exigibilités. «Depuis le commencement de la guerre, c'est la deuxième manière de procéder qui a, en général, été adoptée, l'accroissèment d'encaisse étant d'ordinaire. employé à acheter des Bons du Trésor et d'autres titres d'État. L'argent ainsi versé a été, à son tour, dépensé par le Gouvernement pour revenir ensuite aux banquiers suivant le processus indiqué plus haut, si bien que le procédé étant continuellement répété, chaque somme de 10.000.000 de livres originairement avancée par la Banque d'Angleterre au Gouvernement a fini par créer de nouveaux dépôts représentant une augmentation de pouvoir d'achat de plusieurs fois supérieure à cette somme. Avant la guerre, ces procédés, en se prolongeant, forçaient la Banque d'Angleterre à élever son taux d'escompte; mais, comme il va être indiqué ci-dessous, l'émission illimitée de papiermonnaie fait disparaître ce frein à l'expansion continue du crédit. « Grâce à ces circonstances, le total des dépôts des banques du Royaume Uni (autres que la Banque d'Angleterre), s'est élevé d,e 1.070.681.000 livres au 31 décembre 1913 à 1.742.902.000 livres au 31 décembre 1917. « La grande augmentation des dépôts en banques, représentant une augmentation correspondante du pouvoir d'achat, et conduisant par suite, en même temps que d'autres causes, à une grande hausse des prix, a amené une demande correspondante de monnaie légale, qui n'aurait .pas pu être satisfaite aVec les dispositions rigoureuses de l'Acte de 1844. Les fournisseurs sont obligés de prélever sur leurs crédits en banques la monnaie des salaires de leurs ouvriers, salaires augmentés par la hausse
138
LA DÉFLATIO~ R~ PRATIQUE
des prix. C'est pour fournir cette monnaie qu'ont eu lieu les émissions croissantes de Currency Notes. Les banques, au lieu de se faire avancer les Currency Notes, d'après laprocédure instituée par le Curren'cy and Bank Notes Act, les obtinrent directement par le simple transfert d'une· partie de leur crédit à la Banque d'Angleterre au crédit du compte des Currency Notes etJa circulation de ceux-ci continua à augmenter. Puis le Gouvernement emprunte· lui-même ce crédit, en remplaçant par ses propres titres la balance du département des Currency Notes à la Banque d'Angleterre. En fait, les banques peuvent à volonté convertir leurs crédits à la Banque d'Angleterre (grossis comme il a été dit plus haut) en monnaie légale, sans retirer de billets à la réserve de la Banq~e, comme cela aurait eu lieu avant la guerre, et, par conséquent, sans obliger la Banque à prendre les précautions normales contre un développement excessif du crédit. On émet ainsi continuellement de la monnaie légale, non pas, comme autrefois, contre de l'or, mais contre djls titres du Gouvernement. A parler franchement, étant donné la nécessité de créer des crédits de banque en faveur du Gouvernement pour lui permettre de financer la guerre, ces émissions ne pouvaient être évitées. Sans elles les banques n'auraient pu obtenir la monnaie légale nécessaire pour faire face aux chèques tirés par leurs clients. sur leurs comptes. L'émission illimitée de papier-monnaie en échange des crédits à la Banque d'Angleterre est. à la fois une conséquence et une condition essentielle des méthodes que le Gouvernement a trouvé nécessaire d'adopter pour couvrir les dépenses de guerre. »
139
ANNEXE AU CIIAPITRE Il
II PIÜNCIPES
DE
LA,
DÉFLATION,
EXPOSÉS
PAR
SIR
BASIL
BLACKETT, CONTRÔLEUR DU TRÉSOR, DANS UN MÉMOIRE ADRESSÉ
AU
« TIMES» DU
GOUVERNEMENT
14
AO"CT
ET
PUBLIÉ
PAR
LE
1920 (1)
« Pour effectuer la déflation, maintenant que la guerre est finie, il faut que le Gouvernement trouve le moyen de persuader le public de céder une partie de son pouvoir d'achat, très augmenté actuellement (exprimé en termes monétaires) afin qu'il soit employé par le Gouvernement au rembo.ursement de la Dette flottante (et spécialement des Avances par Voies et ~loyens), dont la plus grande partie représente les crédits créés par le Gouvernement pendant la guerre, et non encore remboursés. En s'assurant une partie du pouvoir d'achat du public, et en se servant de ces sommes pour rembourser des créations de crédit antérieures, le Gouvernement: 1 0 réduit le pouvoir d'achat du public, et tend ainsi à ralentir la consommation et à abaisser les prix (et aussi à augmenter les exportations) ; 2 0 il réduit le montant des crédits que les banques peuvent accorder à leurs cliehts, en même temps que le montant des crédits dont les clients ont besoin; 3° comme résultat de la diminution des dépenses faites par le public et de la diminution des avances faites par les banques, moins de numéraire est nécessaire et le Gouvernement peut réduire la quantité du numéraire en circulation. (1) Nous le reproduisons .d'après la Bankers' Magazin.e ùe mai 1\)20 •.
140
LA nÉFLATlO:"I E~ PRATIQUE
« Il n'y a pour le Gouvernement que deux manières de
se -faire remettre une partie de la puissance d'achat du public : l'impôt et l'emprunt. Mais à l'heure actuelle, justerlrent patce que les prix sont élevés et ont monté avec régularité pendant une longue période, il y a une grande demande d'argent pour les affaires et le taux d'intérêt qui peut être payé sans que les affaires en vue desquelles on emprunte cessent d'être rémunératrices, est élevé. C'est pourquoi le Gouvernement ne peut émettre un emprunt de consolidation qu'en offrant un fort intérêt. Par suite, le seul emprunt qu'il puisse faire, consiste à émettre des Bons du Trésor. S'il ne peut placer de nouveaux Bons du Trésor en quantité suffisante pour remplacer ceux qui arrivent régulièrement à échéance, à moins d'avoir un excédent des recettes budgétaires sur les dépenses, il sera obligé d'avoir de nouveau recours à des avances par Voies et Moyens, ce qui n'entraînerait pas la déflation, mais une nouvelle inflation. La situation étant telle, il est d'une importance extrême que le Gouvernement ait un excédent des recettes sur les dépenses, grâce à l'impôt. « Il est tout à fait douteux que la consolidation soit possible avant que la dette flottante ait été matériellement réduite grâce à un excédent de recettes budgétaires. )) [La méthode ici exposée est la méthode classique préconisée pour la déflation: réduire par l'impôt 'les revenus monétaires du public en remboursant les banques, provoquer ainsi un ralentissement des affaires qui rendra inutile une partie de la monnaie de papier en circulation et retirer cette monnaie au fur et à mesure de son retour au Trésor. En fait, comme nous l'avons montré, les choses ne se sont pas passées ainsi: c'est la crise commerciale
AN:'iEXE AU CHAPITRE Il
141
de 1920 qui a réduit les revenus et ramené les Currency Notes aux banques. Malgré cela, et quoique la même crise ait simultanément abaissé les prix aux États-Unis, le change anglais n'a cessé de s'élever à cause de la politique budgétaire suivie.]
III LES AVANCES PAR VOIES ET MOYENS DE LA BANQUE D'ANGLETERRE ET LA DETTE FLOTTANTE
Nous avons évalué dans le cours de ce travail le remboursement des avances de la Banque d'Angleterre à environ 200 millions de livres sterling. Le tableau cidessous montre, en effet, que les avances totales par voies et moyens atteignaient, au 31 mars 1919, 455 millions. La décomposition n'en étant pas donnée, on est en droit d'admettre que les avances « départementales» y représentaient un chiffre équivalant à la moyenne des chiffres ultérieurs, c' est- à- dire environ 200 millions. Il resterait donc 250 millions pour les avances proprement dites de la Banque d'Angleterre. (Les chiffres antérieurs à mars 1919 n'ont pas été publiés, Cf. cependant suprà, p. 135). Les gros chiffres atteints au cours des mois suivants tiennent uniquement à la suspension des émissions de bons du Trésor pendant la période d'émission des deux grands Emprunts de 1919 ; ils ne peuvent pas être considérés comme représentant les avances normales demandées à la Banque. Les chiffres de ce tableau sont reproduits en partie d'après l'excellent ouvrage de M. George Edgar Bonnet, La politique anglaise d'assainissement monétaire, en partie d'après l'Economist qui les publie tous les huit jours.
H2
LA DÉFLATION EN PRATIQUE
(En millions de livres)
Avances par l'oies et moyens des dédoela . Baql1e parlements d'Aogleterre pl1blics
31 mars 1914 ..........
0
0
Booi du Trésor
Total
14
,4
9 57 79 6 628 81 7 851 1.106 I . 107 1.050 1.138 1. /02 1.120 I.22[ 1.150 J .059 882 760 733 7 19 604 596
1.412 1. 570 1.558 1.205 1.244 [ .349 1.312 1.293 1.281 [ .408 1.275 1.373 1.355 J .259 1. 029 965 922 94[ 810 800
~
31 mars 1919 ...••••••• 30 juin 1919'.' , .•••.. 12 juillet J919 ••••••• •• 30 aoüt 1919' ••••••••. 30 septembre '919 ••.••• 3r décemhre 1919 •••.•• 3[ mars 1920 ......... 30 juin [920 .......... 30 septembre [920 ...... 31 décembre 1920 •••••. 81 mars 1921 ••••••••• 30 juin [921 •••...••.. 15 octobre 1921 ....... 31 décembre 1921 •••••• 31 mars 1922 ••.•••••• .30 juin 1922 ••••••••.. 14 octobre 1922 •••••••. 31 décembre 1922 •••••• 30 juin 1923 •••••••• ,. 11 aoüt 1923 .•••••••••
455 53 9 703 199 203 56 0 69 0 87 0 39 46 20 0 40 9 16
4 0
245 226 188 190 J87 204 173 143 218 154 Il3 15 9
ISo 147 164 180 206 210 204
A:\~EXE
143
AU CHAPITRE Il
IV BALANCE DES
COll1PTES BRITANNIQUE
Nous n'avons pas parlé dans le texte de la balance des comptes britannique. Il est important d'en connaître les évaluations les plus autorisées. Voici celle de l'Economist du 17 février 1923. On voit que la balance est considérée comme en équilibre dès 1922. (En millions de livres sterling)
1913
1921
19 22
697
882
882
200 94
100 80
100 94
30 20
50 20
40 20
Total des exportations (visibles et invisibles) .......................
1.041
1.132
1.136
Importations (y compris l'or et l'argent). Importations invisibles ..•..••••••..
R!l3 5
1. 145 50
1.049 25
848 19 3
I. 195
-
1.074 62
Exportations (y compris l'or etl'argent). Exportations invisiblos : Revenu net des placements ...... Frels maritimes •...•••......•• Charges financières et primes d'assurance .•..•...•...•.••. Divers •...•••....•......•...
Total des importations (visibles et invisibles) •.••..••.•.......•..•. Balance définitive •.•......•.•....
+
63
+
LA DÉt'LAT/ON E-" PRATIQUE
Voici une autre évaluation de la même balance des comptes que nous juxtaposons à celle de l'Economist, pour que le lecteur reste bien averti de t'out ce qu'il y a d'arbitraire et d'hypothétique dans les calculs de cet ordre. C'est celle que le Board o} Trade a publiée le 29 mars 1923 (1). Elle est plus optimiste encore que la précédente, et accorde à la Grande-Bretagne dè~ 1920 une balance favorable très largement suffisante pour payer sans à-coup sa dette aux États- Unis. Les chiffres représentent des millions de livres sterling.
19 13
1920
'9 22
158
343
170
210
17;) 110 30
JO
200 340 40 r5
Ensemble du revenu net des exporta· tions invisibles .••••••••.••••••.
339
595
325
Balance nette disponible pour placements à l'étranger •••.•.•••.••••
ISr
252
155
---Excès des importations de marchandises, de lingots, d'espèces et de diamants ••••••••••••••••.••.. Revenu net des placements à l'étranger. Revenu net des frels maritimes ., ••• Commissions ••••••.•••••••••.••• Autres services ..•••••.•..•••.••••
94 25
(1) The Board of Trade Journal, 29 mars 1923, p. 386.
ID
A~,,"EXE
1'.5
AU CIIAPITRE Il
v COURS DE LA LIVRE STERLING EN DE
Pair
=
1919
A
DOLLARS
19,23 (1)
Moyenne du
4,86
ruois
19'9 Septembre ••••••••••.••••••..
Décembre ................. ,. '9 20 Mars ....................... Juin •••••••••••••••••••••.•. Septembre ••••••.•••••••••••• Décembre 1921 Mars ....................... Juin ••••..•••••••••••••••••• Septembre ••••••••••••.•••.•. Décembre ................... J922 Mars ....................... Juin ..••••••••••••••••••••.. Septembre ••••••••••••••••••. Décembre ••.••••••••••••••••. 1923 Mars ., ..................... Juin .••••••.•••••••••••••.•• Juillet •••••••..•••••••••••.. AoM .......................
............. ..... ~
4,16 3,86 3,69 3,94 3,50 3,47 (2) 3,89 (2) 3,81 (2) 3,7 2 4,15 4,37 4,45 4,43 4,60 4,69 4,61 4,58 4',56
Pour cent du pair calculé sur la moyenne du moi. (3)
85,5 79,3 76 ,0 81,0 72,0 7' ,2 80, , 78 ,6 76 ,5 85,6 89,9 91,4 9' ,0 94,7 96,4 94,8 94, J 93 ,7
%
(1,) D'après ll)s données du Federal Reserve Bulletin. 1919-1923. (2) Moyenne du plus haut et plus bas cours. (3) Sauf pour décembre 1920, mars et juin 1921.
ANNEXE AU CHAPITRE III DOctJMENTS REI.ATIFS AUX ÉTATS-UNIS
1.
Le mécanisme de l'inflation aux Etats-Unis........
149
II.
Tableau du remboursement et de la consolidation de la dette, d'après l'exposé du secrétaire du Trésor, M. Mellon ......•.........•.•....•............
156
Variation du chiffre des dépôts dans les banques affiliées au Federal Reserve System et des billets en circulation des Banques Fédérales de Réserve.. .....
157
Variation des instruments de payement en circulation et du stock monétaire total. . . . . . . •. . . . . . . . . . . . .
157
III. -
IV. -
LE MÉCANISME DE L'INFLATION AUX ÉTATS-UNIS D'APRÈ.s LES RAPPORTS DU
~EDERAL
RESERVE BOARD
Comme nous l'avons fait pour l'Angleterre, il nous paraît utile. de décrire pour les États- Unis, dans les termes mêmes des documents officiels les plus autorisés, le mécanisme technique de l'in{lation. Dans la conception originaire de la loi de 1913, sur les Federal Reserve Banks, celles-ci devaient se cantonner exclusivement dans les opérations d'escompte et de réescompte de papier à courte échéance provenant de transactions commerciales (y compris les transactions agricoles ). Un amendement du 7 septembre 1916 est venu autoriser une nouv'elle opération: les avances à 15 jours aux banques afftliées sur billets à ordre signés d'elles et accompagnés de « collaterals », consistant soit en effets de commerce et acceptations de banques « éligibles », .c'est-à-dire conformes aux conditions prescrites parla loi, soit en titres du gouyernement fédéral. Il ne s'agissait pas de faciliter la spéculation sur titres de Bourse (ceux-ci étaient, au' contraire, expressément exclus de la fonction de collatéral), mais simplement d'encourager les emprunts à court terme des banques affi-
150
LA DÉFLATlO~ E:'l PRATIQUE
liées, à un mQment où ces dernières recouraient rarement aux Federal Reserve Banks, et où, d'autre part, les échéances de leurs portefeuilles dépassaient souvent le temps pendant lequel elles avaient besoin d'argent, ce qui en aurait rendu le réescompte onéreux. Cet amendement devait prendre au cours de la guerre une importance extrême. Pendant la premièr~ période de leur fonctionne,ment les Federal Reserve Banks n'ont, en effet, présenté à aucun degré ce caractère de banques des banquiers, qui, dans l'intention du législateur, devait constituer leur trait distinctif.· Au 30 décembre 1916, leur portefeuille atteint le chiffre insignifiant de 157.478.000 dollars chiffre sur lequel les effets réescomptés aux banques affiliées représentent à peine 28 millions. Avec; l'année 1917 la situation se modifie du tout au tout. Les États- Unis entrent en guerre. Aussitôt le portefeuille de leur banque d'émission'va présenter la même transformation que celui de toutes les grandes banques européennes : il se remplit d'effets gouvernementaux. Seulement ces effets .ne proviennent pas, comme à la Banque de France ou à la Reichsbank, d'avances directes des Federal Reserve Banks au Trésor américain. Ils proviennent des avances faites aux banques affiliées sur les titres souscrits par celles-ci, avances faites en vertu de l'amendement du 7 septembre 1916, cité plus haut. Ainsi les Federal Reserve Banks sont devenues à la fois banques de guerre et banques de réescompte. Et cette situation reflète à merveille les méthodes spéciales qui ont permis de financer la guerre aux États- Unis. Dans la grande république associée, pas plus qu'ailleurs, les emprunts de guerre à court et à lon~ terme n'ont été
ANNEXE AU CHAPITRE lU
151· .
entièrement absorbés par le public. Les banques ont dû en souscrire une part importante. Une forte pression a été exercée sur elles à cet effet. Seulement cette pression serait restée sans résultat si les banques· n'avaient été assurées de trouver à volonté les sommes nécessaires pour rendre liquide ces immobilisations. Le rôle des Federal Reserve Banks a été de leur donner cette sécurité. Elles ont rempli la même fonction et suivi la même politique que les banques centrales d'Angleterre, de France ou d'Allemagne, en faisant des conditions spéciales à ceux qui leur apportaient en garantie des avances demandées, soit des titres d'emprunt, soit des bons du Trésor (certificates of indebtedness). D'où une analogie nouvelle entre les Federal Reserve Banks et les banques d'émission européennes. Le taux d'escompte, au lieu de se régler sur la situation réelle du marché, a été fixé en harmonie avec le taux d'intérêt des emprunts gouvernementaux. Son but n'a plus été, comme en temps normal, de faire l'équilibre entre la demande et l'offre d'un crédit nécessairement limité, mais uniquement de faciliter l'émission des emprunts, en assurant aux porteurs de ceux-ci un taux d'avances égal ou légèrement inférieur à l'intérêt des titres du gouvernement, le taux d'escompte proprement commercial restant supérieur. Ainsi aux États- Unis comme en Europe, le taux courant d'iniérêt pendant la guerre a été pratiquement fixé au niveau nécessaire pour assurer au gouvernement les sommes indispensables à la conduite des opérations militaires. Le rapport pour 1917 définit ainsi les quatre mesures fondamentales prises par les Federal Reserve Board à cet égard: « i 0 L'établissement d'un taux de 3010 pour l'escompte
152
LA
nÉFLATlO:\"
E:'i
l'RATIQUI>
aux Federal Reserve Banks de billets à ordre des banques affiliées n'ayant pas plus de 15 jours d'échéance, et garantis par des bons du Trésor, émis à des taux variant entre 3 et 3 1/4 0/0. ( 2° La fixation d'un taux d'escompte de 3 1 /2 0/0 aux Federal Reserve Banks pour les billets à ordre du public, à échéance de 90 jours, garantis par des obligations du gouvernement et portant l'endos des banques affiliées, lorsque ces billets ont été créés en vue d'obtenir les fonds nécessaires à l'achat de titres du gouvernement. (( 3° L'autorisation accordée aux Federal Reserve Banks d'escompter aux banques afftliées, pour le compte de banques non afftliées, des billets à ordre de ces dernières banques ou de leurs clients, garantis par des obligations du gouvernement, et créés en vue d'acheter des titres gouvernementaux. ( 4° La fixation d'un taux de 2 à 4 0/0 pour les prêts au jour le jour à New- York, en vue de restituer au marché les fonds temporairement soustraits par suite des opérations gouvernementales d'emprunt» Ces règles ont été maintenues à travers toute la guerre. Le taux d'escompte fut légèrement relevé en 1918 quand l'intérêt des 3 e et 4 e Liberty Loans fut lui-même porté à 4 1/2, et celui des bons du Trésor porté lui aussi à 4 1/2 au lieu de 3 et 4 % en 1917. Les principes de cette politique ont été résumés avec une lumineuse clarté au début du rapport du Federal Reserve Board pour 1919: Ce passage condense d'une mahière si frappante les traits fondamentaux des finances de guerre de tous les grands belligérants qu'il nous paraît intéressant de le citer en entier: « Il faut se rappeler, dit le rapport, que pour financer la guerre une expansion du crédit est inévitable, à moins
A:"i:'lEXE AU CHAPITRE 111
153
que les consommations privées ne soient réduites en proportion des besoins accrus du Gouvernement. Une telle réduction ne peut être que graduelle. Les États- Unis l'avaient réalisée par un contrôle très étendu au moment où l'armistice a été signé. Le (( War Industries Board» par les ordres de priorité et la fixation des prix, la (( Food and Fuel Administration » par le rationnement, la coopération volontaire et la fixation des prix, avaient limité la consommation et, par suite, la dépense; ces restrictions, si la guerre avait continué, aurai,ent entraîné des résultats frappants dans notre aptitude à placer de nouvelles émissions de titres de la Liberté. Mais dans la mesure oÙ l'épargne restait en àrrière des besoins de la guerre, il restait un {lottant de titres qu'il était impossible de placer immédiatement, et dont les banques deyaient se charger, soit directemen{, soit indirectement, en faisant des ayances aux souscripteurs. Il faut garder présente à l'esprit cette expansion des avances des ba'nques, si l'on veut comprendre la situation. Sans cel à on pourrait croire que les titres d~ la Liberté auraient tous trouvé à se classer, si l'on avait offert aux prêteurs un taux plus élevé d'intérêt. Or, aucun taux d'intérêt raisonnable n'aurait pu y paryenir. En effet; les épargnes nécessaires pour absorber entièrement ces énormes émissions n'existaient tout simplement pas, et des taux plus élevés n'auraient pu les accroître dans la mesure requise. (( Pour que les banques affiliées pussent supporter le poids de ces titres non encore digérés, il leur fallait pouvoir réescompter aux Federal Reserve Banks. Et pour que ce réescompte n'entraînât pas pour les banques affiliées de lourdes pertes, il était indispensable, aussi longtemps qu'elles-mêmes prêtaient aux souscripteurs aux taux même du coupon des titres, que le taux du réescompte y
15lt
LA DÉFLATIO~ EN PRATIQUE
corr,espondît. C'est ainsi que les taux de réescompte des Federal Reserve Banks au lieu d'être supérieurs aux taux du marché, comme ils aur'aient dû l'être en théorie et en pr\l.tique normale, furent maintenus au-dessous. Cette circonstance suffit à empêcher un fonctionnement normal des Federal Reserve Banks, dont les taux c;levraient être fixés norma}ement de manière à entraîner' une perte pour l'institution qui recourt à elles, et, par suite, :à modérer l'expansion du crédit. « Le remède à cette situation est dans l'absorption par les capitalistes des titres non digérés. Il était impossible d'accélérer ce processus, comme en temps normal, en laissant leur cours s'effondrer, étant' donné leur énorme masse. L'absorption ne peut résulter que du temps et de l'épargne, et il arrive souvent que la hausse cles cours la facilite plus que la baisse. L'examen de ces faits démontre ,à l'évidence que la guerre imposait des anomalies au système bancaire, et que le retour à la situation normale ne peut résulter que de la disparition graduelle des titres de ,guerre du portefeuille des banques. '» , Voici les indices qui, dans le bilan des Federal Reserve Board, traduisent ces « anomalies ». C'est d'abord le grossissement brusque du portefeuille, dont le total, d'une fin de décembre à l'autre, bondit de 157 millions à 956, pour atteindre, en 1918, 2.006 millions, et, en 1919, 2.780 millions de dollars. Dans ces chiffres gigantesques, les escomptes consentis aux banques affiliées occupent la première place avec 680 millions en 1917, 1.700 millions en 1918 et 2.194 en 1919. Dans ces escomptes, « les billets' à ordre garantis par les -obligations du gouvernement américain » - rubrique nouvelle qui ne figurait pas dans le bilan avant 1918 '-
A~NEXE
155
AU CHAPITRE III
1lont de beaucoup prépondérants, avec 1.400 millions en 1918 et 1.510 millions en 1919. Le tableau suivant montre l'évolution du portefeuille à ce point de vue depuis le commencement de la guerre jusqu'à la fin de 1919. Il indique la proportion à chaque bilan du portefeuille garanti par les titres d'emprunts de 'guerre par rapport au portefeuille total. ~ous croyons suffisant de faire connaître les bilans de fin de trimestre. Les chiffres représentent des milliers de dollars.
Dates des billns
Portefeuille total (1)
22 juin 1917 .•.••...•.. 30 novembre ............ 28 décembre ..••..•••••• 29 mars 1918 ...••...... 28 juin. '" •••••••.•.•. 27 septembre ....•.••••• , 27 décembre .. " '.' ••••••. 28 mars 1919 ........... 27 juin ~ • '•..•••.• : •••.. 26 septembre .•.•••••••.
435. 287 961.851 n5G.052 887. 293 1.086.023 2.001.821 2.006.GII 2.134.347 2.122.598
2. 221j.• 773 26 décembre .••••.•••••• 2.780 . .)90
Portefeuille garanti par les emprunts de guerpe
83.185 405.608 283.421 301.451 434. 509 1.221.533 I . 400. 371 1.691. 010 1.573.483 1.572. 503 1.510.334
Rapport du chiffre au 'premier
28
p. c. 19,1
42,2 29;6 34,0 40,0 61,0
69,8 79,2 74,4 70 ,7 54,3
L'accroissement du portefeuille de guerre à partir de 1917, sa diminution relative à partir de la fin de 1919ressortent nettement. (1) Il s'agit ici de portefeuille d'effets de commerce non seulemeut réescomptés, mais encore achetés sur le marché, - ce qui explique les écarts que l'on pourra constater entre les chiffres de ce tableau ~t ceux de la page ~4.
156
LA
UIlFLATIO:'; E:"! PHATIQUE
II DETTE TOTALE ET DETTE A COURT TERME DES ÉTATS-UNIS ENTRE LE
31
AOUT
1919
ET LE
30
JUIN
1923
D'après le Federal neserye Bulletin de juin 1923, p. 661. Ce tableau montre la réduction graduelle de la dette des États- Unis depuis la fin de la guerre et la consolidation graduelle de la dette flottante à laquelle il a été procédé. (En millions de dolJars) Principaux éléments de la dette à court terme
Dale
1------------ ------ ----- ---------- ----31 août 19'9 .. , 26.591 30 j ui n 1920' • .. 24 .2!)8 30 avril 1921 ... 23. fH)4 30juin'ffH .... 23.976 31 décernh. 1921. 23./j3R 30 juin 1922 •.• 22.96'1 31déccrnb.1922. 21·9ll S 30 aYril 1923.... 22.646 30 juin 1923. . .. 22. [\00
0.2!\6 7. 842 7. 602 7·418 7.°97 r.·7/j5 [,.815 :;.6!)1 5.500
4.II'I 4.246 4. 06 9 3·9 I iI 3.'J/jR 1·9!)f 852
769
3II 7°'2 2.247 4. 15 9 3.5::1'2 4.000
3.938 2.4R6 2.548 2.322 2.083 1.7 54 1.°75 1.°73 1.100
932 827 713 687 651 679 732 326 350
Sur les principes et les méthodes qui ont inspiré cette politique financière, on consultera la lettre du secrétaire du Trésor, M. Mellon, adressée le 7 mai 1923 aux banques américaines et reproduite textuellement dans le Federal Reserye Bulletin de juin 1923, aux pages 662 et s.
157
A"':"iEXE AU CHAPITRE III
III V ARIATION AUX
DES
FEDERAL
DÉPÔTS
A VUE DES BANQUES AFFILIÉES
RESERVE
BANKS ET CIRCULATION
DES
BILLETS DES BANQUES FÉDÉRALES DE RÉSERVE
(d'après le Federal Reserve Bulletin de juillet 1923) en millions de dollars.
Date.
Billet. en circulation
27 décembre 1918 .. 28 juin [9[9., .... 26 décembre [9 [9· . 25 juin 1920., .... 30 décembre [920 .. 30 juin 19::>.1 ...... 31 décembre 1921 .. 30 juin 1922 ...... 30 décembre 1922 •• 30 juin 1923 ...••.
2.685 2.499 3. 05 7 3. l [6 3.334 2.648 2.4 0 9 2.152 2.395 2.253
Dépôt à vue des member-banks aux date. correspondantes
13.309 [3. [95 [5. [59 l ;) . H67 [4.019 13.292 :3. [96 14.25[ 14.815 14.515
(:3 [ déc.) (30 juin) (31 déc.) (30 juin) (29 déc.)
Tolal de. billets en circulation
et de. dépôt. de. banque. affiliée.
15'99 R 16.694
lR.213 [8.233 (max.) 17. 363 15·940 ~(min.)
(29 déc.) (3 avril)
16.403 17. 210 16.778
(Les chiffres soulignés sont ceux des maxima et des minima).
IV STOCK MONÉTAIRE TOTAL ET MONNAIE EN AUX
ÉTATS-UNIS A
DIFFÉRENTES
DATES
CIRCULATION EN
MILLIONS
DE DOLLARS
La monnaie en circulation est calculée en soustrayant du stock monétaire total des États-Unis, les instruments monétaires tenus en réserve par la Trésorerie d'une part,
158
LA DÉFL,\TION EN PRATIQUE
et par le « Système fédéral de réserve » (c' est- à- dire les douze Banques fédérales de réserve et les banques affiliées). La différence constitue la monnaie en circulation. Le chiffre est calculé chaque mois par le Trésor des ÉtatsUnis et reproduit dans le Federal Reserpe Bulletin, grâce auquel nous avons dressé le tableau qui suit. Les différentes catégories de monnaies dont l'ensemble forme la « monnaie en circulation)J, sont classées de la manière suivante: Espèces d'or et lingots; - certificats d'or; - dollars d'argent; - certificats d'argent; - billets du Trésor de 1890 ; - monnaie divisionnaire d'argent; - billets des États-Unis (greenbacks) ; - billets des Banques fédérales de réserve ; - cc banknotes » des Banques fédérales de réserve; - billets des banques nationales. Millions Nombre de Stock elÙslan t de dollars cn dollars circulan t en millions de ciicuJation par' tête dollars
lor janvier [879 .•.•..... 1er juillet 1914 .••..•••. 1er juillet 19[7 ., •.•••••• [er janvier 19[8 ••••••••• 1er juillet 1918 ••..•..... ICI' janvier 1919 ....•..•. ICI' juillet 1919' .......•. 1el' janvier 1920 ....••.•. ICI' juillet 1920 .••...••.. 1Cl' novembre 1920 ...•.. 1er janvier 192T .•......• leI' juillet 19'n ••... '.' ••. 1er janvier 1922 ..•••..•. ICI' juillet 1922 ••.••••••. Tcr aOl'Jt 1922 ........... I~r janvier 1923 .•..••••. 1cr juillet 1923 ••.••...•.
816 3.402 3·945 4.255 4. 36 7 5.105 4.842 5.312 5.380 5.6[7 5.500 4.866 4·7°7 4.375 4.337 4.732 4.729
16,92 3~,35
37,88 40,53 41,32 47,83 45,00 49,81 50,19 52,26 51,29 45,02 43,22 39,87 39,47 42,8r 42,'51
1. 007 3.738 5.480 6.256 6·742 7.7 80 7. 588 7.9 61 7. 88 7 8.254 8.372 8.024 8.282 8.178 8.227 8.614 8.603
ANNEXE AU CHAPITRE III
159
Les fluctuations de la monnaie en circulation sont dues pour la plüs grande part aux fluctuations de la circulation des billets des Federal Reserve Banks qui s'élevaient, au 1 er juin dernier, à 2.228 millions, soit à près de la moitié de la circulation totale. Quant au stock monétaire total son accroissement, depuis 1914, est dû à la fois à l'accroissement de l'or qui passe de 2 milliards de dollars au 1 er juillet 1914, à 4.078 dollars au 1 er août 1923 et à celui des billets des Federal Reserve Banks qui passent de moins de 25 millions de dollars au 1 er juillet 1914 à 2.671 au 31 août 19'23.
ANNEXE AU CHAPITRE V DOCUMENTS RELATIFS A LA TCnÉCO-SLOVAQUIE
L -
Cours à Zurich de 100 couronnes tchéco-slovaques depuis 1919 jusqu'à juin 1923...................
II. HI. -
Mouvement des prix de gros de 1920 à aoùt 1923. . . .
16 l,
Le chômage de 1919 à juin 1923. . . . . . . . . . . . . . . . . .
165
163
1 COURS A ZURICH D.E DE
100 COURONNES TCHECO-SLOVAQUES 1919 A JUIN 1923
Pour 1919 et le premier trimestre 1920, d'après le Bulletin mensuel de la Société de Banque S'uisse de juilletaoût 1922 (consacré à la Tchéco-Slovaquie)). Depuis mai 1920, d'après la cote régulièrement publiée dans les Berichte aus den neuen Staaten. Les cours sont les plus rapprochés de la fin du mois parmi ceux qui ont été publiés. 19 1 9 1cr trimestre (non co lé ) Plus haut 2 C trimestre.
3c tri mestre. 4" trimestre. 19 20 ICI' trimestre. 2!l mai. .... 2 juillet ..• 30 juillet ..• 27 aoÛt .•.•• 1 Cl' octobre •• 29 octobre •• 26 novemb .• 3 [ décembre. 19 21 28 janvier •• 25 février... 1er avril ..... 29 avril .... 31 mai ..... 28 juin ..•.• 26 juillet ..• 26 aollt ..... ~o septe.mbre
Plus bas
26 28 I l ,50 8 9,40 5,30 [2,00 12,80 I I ,75 10,20 8,20 7,30 7,9 0 7,4 0 8,65 7,40 7,60 7,7 5 8,35 8,0\) 7,7 5 7,05 6,05
33 28
192[ 28 octobre .. 29 novembre. 30 décembre. 1922 3J janvier•.• 28 février ..• 31 mars .... 28 avril .• " 30 mai ..•.• 30 juin ..... 28 juillet •.• 29 aoÛt ..... 29 septembre 3 1 oclobre , • 28 novembre 19 23 2 janvier •.• 26 janvier •.• 28 février ..• 29 mars .•.• 30 avril .•.. 31 mai ..... 30 juin .•..• 30 juillet ... 30 août ..... 29 septembre
5,50 5,50 7,45 9,90 9, [0 9,60 9,9 5 10,12 10,10 12,15 18,75 16,50 17,45 16,90 16,45 15,12 15,80 16,10 16,37 16,55 16,69 16,60 16,33 16,80
164
LA nÉFLATIOX E:"! PRATIQUE
II INDICE
DES
PRIX
DE
GROS
EN
TCHÉCO-SLOVAQUIE
Nous indiquons ici le nombre indice général des prix de vente en gros dans la République Tchécoslovaque de décembre 1920 à juin 1923 (1). a) D'après l'Office de Statistique de la République Ifchécoslovaque ; b) D'après le professeur Mil.dschuh.
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Janvier ......... Février ......... Mars ........... Avril. .......... Mai ............ .Tuin ........... Juillet .......... Août ........... Septembre ....... Octobre ......... Novembre ....... Décembre .......
(1) Juillet 191{l = 100.
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'" " "".::: "
";..0
--
c:-=
~~ ~"
ç::
1.451' 1.460 1.31; 1.323 T.3?(j T.270 1. 259 r. 36[ 1.653 1 .65~ 1.6S1 I . 674
;;
·ü
1923 .0
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,,0'" ",,-tl _c::-:::.... ...; ,.-"';
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....
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-0"
Q
T.6i;) T.595 T.520 1.470 1.5,,2 1.458 [ .49 1 1.479 [ .47[ [ .47ï [.47 1 1.45;, [ .464 T.440 T.386 [ .381' [.155 [.InS f .059 I.O!)O [ . 01 7 1.088 999 r.039
1.003 1. 01 9 1.028 1.03[ [ . 02 9 1.000 nOi 9 5S
-o.
165
A:";NEXR AU CIiAPITRE V
III LE
CHÔ~IAGE
EN
TCIIÉCO-SLOVAQUIE
DE
1919
A
1923.
Les mouvements du chômage sont le meilleur indice de l'activité industrielle au cours des expériences monétaires tchéco-slovaques . . Pour les années 1919 et 1920 les chiffres nous ont été obligeamment fournis par le Dr Auerhan, vice-président de l'Office de Statistique de la République Tchéco-slovaque. Pour les années 1921 et 1922 les chiffres se trouvent dans les Rapports de l'Office de Statistique de la République Tchéco-slopaque. Nombre de chômeurs secourus
a) Par l'Elal
h) Par les En Ire prises
...........
227. 1;,8
-
Fé\'rier .......... Mars ....... , ....... Avril. .... , . , .... , . Mai ............... Juin .............. Juillet ............ AOlit .............. Septembro ......... Oclobre ........... :\ovembre ......... Décembre ..........
266.ï76
-
1!)l9 J ~n vier
[g20 Janvier ............ li'é\'ricr ............ Mars .............. Avril. ............. Mai ...............
253.27 5 21 7.7° 5 180.253 163.°7 0 173. 35 7 145.168 115.015 95 .41R g8.64[ 98 . 895 104.723 96 .4ï7
84.8B 53.561 43.025
-
-
-
IIG.R33
38.542 3[ .044 17'7,,5
14.9 64
Tolal
-
-
[5 r. 556 [35. 61 9 111.927 72 . 3[6 57.989
166
LA DÉFLATION EN PRATIQUE
Nombre de chômeurs secourus (suile) 0) Par l'Etat
J \lin .............. Juillet ............ Août .............. Septembre .. , •..... Octobre ........... Novembre .......... Décembre .......... 1921 Janvier, ........ , •. Février ............ Mars .............. Avril. .. .......... Mai •.•....... ;.; .. Juin .. , ........... Juillet ............. Août .............. Septembre ......... Octobre ........... Novembre •......... Décembre .......... 1922 Janvier ............ Février ............ Mars ........ "...... Avr·il. ............. Mai. ........ " ... ; Juin .............. Juillet ............. Aoirt .............. Septembre ......... Octobre ........... Novembre ......... Décembre •.........
30.796 33.084 33.001 32.787 3 [.466 33.700 35.929 44.633 44.557 38.002 30·D9 1 31.225 32.845 30.243 27·485 16.725 Il.67 2 14. 05 7 22.115 27. 300 42·°9;) 35.479 29. 593 27. 826 24.899 24.2[6 27. 8 [3 48.924 95 . 345 123.696 '7 5 '('99
b) Pur les Entreprises
17. 23 7 23·i!75 20.795 21. 21 7 17.79 6 16.707 17·47° 12.384 14.468 15.084 17. 632 1:l·97 8 13.283 10.032 8.801( 9. 360 8.076 9· S7° To. 68 7 27. 122 36.43[ 34.240 38.902 35·~)74
3'.7 00 30.6[;) 48.562 79·9-10 9 1 • 632 1Or. 701 102.645
Total
48.033 56.559 53.796 54.004 49. 262 50.4 07 :l3.399 59. 0 [7 59. 025 53.086 48.623 47. 203 46.128 40.27 5 36. 289 26.085 19·748 23.6°7 32.802 54.422 78 . 526 69.7 19 68.49 5 63.800 56.599 54·83T 76 . 27;' 128.86118 7. 077 22;'.397 278 . 344
Chiffres fournis par la revue « Bcrichte ans den neuen Staaten » :
19 23 Janvier .... " " .... Février ............ Mars .............. A. vril ............. Mai ...............
19°. 000 205.500 180.000 143.300 1
li.
100
ra5.120 63.200 ;)2.1\00 00.200 40.000
295. T20 27°.7 00 232.400 1!)3:500 166.100
ANNEXES AU CHAPITRE VI.
I. U. -
Circulation totale italienne,' des Banques et' de l'Etat de 1880 à 1903 .............. :...................... Circulation totale .aux
Etats~Unis
de 1863 à 1877.'. •
169 170
168
'LA DÉFLATION EN PI\ATIQUE
Il suffirait ici pour éclairer le lecteur sur les rapports entre le change, la circulation monétaire et l'équilibre budgétaire, de le renvoyer aux tàbleaux contenus dans les ouvrages suivants, dont la réunion fournit un atlas statistique à peu près complet pour l'étude des réformes monétaires rappelées dans le cours du chapitre: Edwin Cannan, The paper pound ot 1797 -1821, Londres, 1919 (King and Son). Edwin R. Seligman, Currency Inflation and Public Debts, New-York, 1921. Subercaseaux, Le papier-monnaie, Paris, 1921 (Giard, édit. ). R. G. Hawtrey, Currency and Credit, 1919 (Longmans, Green and CO). J annacone, Relazioni Ira commerèio internazionale,. cambi esteri e circolazione monetaria in Italia rel quarantennio 1871-1913, in Ritorma Sociale, novembre-décembre 1918. C. J. Damiris, Le Système monétaîre grec et le Change, Paris, 1920 (Giard, édit.). Nous croyons cependant utile de reproduire les chiffres de la circulation italienne, et ceux de la circulation des États- Unis, pendant la période la plus importante du retour du change au pair, parce que ces chiffres ne sont pas toujours présentés exactement dans les ouvrages concernant la déflation. Nous empruntons les chiffres pour l'Italie à l'ouvrage de M. Jannacone et pour les États- Unis à celui de M. Subercaseaux.
JO[,55
IOf,15
100,3R 100,19 100,82 100,98 100,67
100,00
101,26 99,15
100,~8
IOR,34
Paris
IgOI ..... ' ........... 19°2 ................ "9°3 ................
,goo .•.....•........
18H7··············· . 18g8 ................ IRgg ................
1892 ................ 18g3 ................ r894 ................. 1895 ................ 18H6 ................
Dales
(1) La circulation des années antérieures est inférieure aux chiffres de 1880.
189[ ................
18RR ..........••.... IR8g •........•...... IRgo ....•.........•.
r .44r,7 1.478 ,6 r.47 0 ,9 '.421,2 1.460,2 1 .4G9, 1 1.463,5
1.
509,~'
GR 9,0 1.675 ,G r.G7 2 ,:\ I.5rr ,9
I.
IRRo ................ IR8r ................ 1882 ................ IR83 ................ 18Rft ................ 1885 ................ 1886 ................ 1887 ................
(En millions de lires)
1.573 ,4 1.620,7 1.595 ,7 1.579,2 1.662,2 1. G8S, 6 I.G7 3 ,7 I.G02,7 1.605,5 1.623,G I. G8" 9
r.17~,,8
Circulalion
des Banques et de l'Elat, de 1880 (1)
Cours moyen du change sur
ITALIE:"!NE.
Circulation
TOTALE
Dales
CIRCULATION
99,g5
101,2 [
,06,97 107,32 IOG·1t4 [04,30
105,14
103,5:; 10 7,97 , I l ,08 105,57 1°7,63
Paris
Cours moyen du ehange sur
a 1903
~
0>
,.,.
<
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il>
c:
r.
Cl
""'"'" il>
7-
~
il>
•••••••••••••••••••••
•••••••••••••••••••••
o
o
35 7 356 382 37 6 3/0 360 317
3~)6
%6 %6 356
3T~
431 40[
417
»
Greenbacks
'7
28 33 32 10 ql 41 q5 46 42 34 20
27
20 23 25
divisionnaire
DE
1863
300 31S 338 347 352 354 333 3[7 325
300
23 9 210 288 300 299 300
Billets bancaires
ETATS-UNIS
Monnaie
Billets d'Étal
TOTALE AUX
A
2,R7
77:l
GR!)
Ij4
1/8 0/0 5/8 0/0 1/4 1/2
63 7 697
q6 103 q4 44 33 33 35 20 10
Prime de l'or
9 1/2 12 [0 1/ Ir 12 1/2 12 3/4 7
7 18 699
744
680
»)
Total
1878 (1)
(1) D'après Subcrcaseaux, Le Papier-monnaie, p. 138 . ...:- Lcs chiffres représentent des millions de dollars.
•••••••••••••••••••••
o
11163 181>4 1865 ...................... 1866 ...................... [S67 ...................... [868 ...................... ISI>9 ...................... ,870 ................ , ..... .I8/, ...................... 18 72 ...................... 18 73 ...................... 1874 ...................... 18/5 ...................... 18 76 ...................... 1877 ...................... 18 78
Années
CIRCULATION
TABLE DES MATIÈHES
Pages. AVANT-PROPOS
••••••••••••••••• , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
V
1. - QU'ENTEND-ON PAR DÉFLATION? • • • • • • • • • CHAPITRE Il. LA MÉTHODE ANGLAISE. • • • • • • • • • • • • • • • • L'inflation, p.11 ; - Le Rapport du Comité Cunliffe, p. 14 ; - L'application, p. 19 ; - La déflation, p. 24 ; - Le rétablissement de l'équilibre budgétaire, p. 34. CHAPITRE III. - L A DÉFLATION AUX ETATS-UNIS........ Le mécanisme de l'inflation, p. 40 ; - Le mécanisme de la déflation, p. 42; - L'équilibre budgétaire, p. 46 ; - La déflation de crédit depuis 1920, p. 47 ; - Le problème nouveau de la déflation d'une monnaie métallique, p. 54.
1
CHAPITRE
CHAPITRE
IV. -
LA
DÉFLATION EN FRANCE ••• ; . . . . . . . . .
Les principes, p. 61 ; - L'application, p. 64 ; - La situation budgétaire et la déflation, p. 70; - Le change et l'émission des bons du Trésor, p. 72 ; Différences entre les périodes 1871-1876 et 19181923, p. 79. CHAPITRE V. LA DÉFLATION EN TCHÉCO-SLOVAQUIE. • • • La réductioJ;l de la circulation en 1919, p. 88 ; - Effets de la réforme monétaire sur les prix et le change, p. 94 ; - La balance des comptes, p. 101 ; - Le rétablissement budgétaire, p. 105 ; - Déflation et crise industrielle, p. 108 ; - Déflation et stabilisation de la couronne, p. 110. CHAPITRE VI. CONCLUSION : RAPPORTS ÉCONOMIQUES ENTRE
L'ÉQUILIBRE
BUDGÉTAIRE
ET
L'AMÉLIORATION
11
40-
60-
87
DES
CHANGES •••••••••••• , . . . . . •• •••• •• •• ••••• • •••••• •••••
Le parallélisme entre le mécanisme de la hausse et de la baisse des prix moins simple qu'on ne l'imagine, p.114 ; - La hausse du change ne s'effectue pas par l'intermédiaire de la baisse· préalable des prix, mais grâce à
113-
172
TABLE DES ~lATIÈRES
une balance des comptes favorable, p; 119 ; - Rôle capital d'un budget en équilibre dans l'obtention d'une telle balance, p. 122 ; - Les expériences antérieures de l'Angleterre, de la France, des Etats- Unis, de l'Italie et de la Grèce, confirment les expériences récentes, p. 124. ANNEXES ............................................. ANNEXE AU CHAPITRE II. - Documents relatifs à l'Angleterre. 1. Le mécanisme de l'inflation, d'après le Rapport Cunlifl'e, p. 135 ; - II. Le mécanisme de la déflation, d'après Sir Basil Blackett, p. 139 ; - III. Les avances par voies et moyens et la Dette flottante britannique, p. 141 ; - IV. La Balance des oomptes britannique, p. 143 ; - V. Cours moyen de la livre st
~aint-Amand
ICher). - Imprimerie
BUSSIÈRE
131 133
147
161
166
171