Oncologie thoracique
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Oncologie thoracique
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Coordonné par
Jean-François Morère et Virginie Westeel
Oncologie thoracique
Pr Jean-François Morère Chef de service d’oncologie médicale Université Paris XIII CHU Paris Seine Saint-Denis 125, route de Stalingrad 93000 Bobigny Cedex
Pr Virginie Westeel Service de pneumologie Centre hospitalier universitaire Jean Minjoz Boulevard Fleming 25030 Besançon Cedex
ISBN : 978-2-287-99040-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, 2011 Springer est membre du groupe Springer Science + Business Media Imprimé en France
Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emploi. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Nadia Ouddane Mise en pages : AGD – 28-Dreux
Collection Oncologie thoracique Dirigée par Jean-François Morère Dans le même collection : – Les cancers intrathoraciques J.-F. Morère et T. Le Chevalier, 2004 – Imagerie fonctionnelle par positons en oncologie nucléaire J.-L. Moretti, P. Weinmann, F. Tamgac, P. Rigo, 2004 – Les cancers digestifs P. Rougier, E. Mitry, S. Dominguez, J. Taieb, 2006 – Les cancers ovariens J.-P. Guastalla, I. Ray-Coquard, 2006 – Cancer du sujet âgé J.-F. Morère, M. Rainfray, 2007 – Le Cancer du rein S. Culine, J.-J. Patard, 2008 – Le cancer du sein J.-F Morère, F. Penault-Llorca, M.-S. Aapro, R. Salmon, 2007 – Les thérapies ciblées G. Guetz, J.-Y. Blay, 2008 – Thérapeutiques antiangiogéniques en cancérologie S. Faivre, E. Raymond, 2008 – Aider à vivre après un cancer L. Zelek, N. Zernik, 2010 – Les cancers digestifs du sujet âgé J.-F. Morère, M. Rainfray, E. Mitry, 2009 – Signalisation cellulaire et cancer J. Robert, 2010
À paraître : – Les cancers ovariens – 2e édition J.-P. Guastalla, I. Ray-Coquard – La cancérologie au quotidien – Médecine et patients unis face au cancer B. Hoerni, P. Soubeyran – Le diagnostic et la décision dans le cancer du sein précoce M. Espié
Liste des auteurs
Fabrice Barlési Service d’oncologie multidisciplinaire et innovations thérapeutiques Unité INSERMU911 (CRO2) Pôle cardio-vasculaire et thoracique Université de la Méditerranée Assistance Publique Hôpitaux de Marseille Hôpital Nord – Chemin des Bourrely 13915 Marseille Cedex 20 Joëlle Benkel Unité d’addictologie GHU Avicenne, Jean Verdier, René Muret Avenue du Docteur-Schaeffner 93270 Sevran Emmanuel Bergot Service de pneumologie Pôle Cœur-Poumons-Vaisseaux CHU de Caen Équipe régionale Inserm 3 « Cancers & Populations » CHU de Caen Université Basse-Normandie Institut régional du cancer de Basse-Normandie 1, avenue Côte de Nacre 14033 Caen Cedex 05 Benjamin Besse Département de médecine Institut Gustave Roussy Comité thoracique 114, rue Édouard-Vaillant 94805 Villejuif Anne Borgne Unité d’addictologie GHU Avicenne, Jean Verdier, René Muret Avenue du Docteur-Schaeffner 93270 Sevran Pierre-Yves Brillet Service de radiologie Hôpital Avicenne APHP Faculté de Médecine SMBH Université Paris 13 93009 Bobigny
Mohammad Chakra CHU et « Languedoc Mutualité » nouvelles technologies Unité d’oncologie thoracique Hôpital Arnaud de Villeneuve Avenue du Doyen-Giraud 34295 Montpellier Cedex 5 Kader Chouahnia Service d’oncologie médicale CHU Avicenne 125, route de Stalingrad 93009 Bobigny Marie Coudurier PMAC Clinique de pneumologie/ UF Oncologie thoracique CHU Grenoble, BP217X 38043 Grenoble Cedex INSERM U823 Perrine Créquit Service de pneumologie Hôpital Tenon, AP-HP 4, rue de Chine 75020 Paris Jean-Charles Dalphin Service de pneumologie Centre hospitalier universitaire Jean Minjoz Boulevard Fleming 25030 Besançon Cedex UMR CNRS 6249 Chrono-Environnement Université de Franche-Comté Philippe Dartevelle Service de chirurgie thoracique, vasculaire et transplantation cardio-pulmonaire Centre chirurgical Marie Lannelongue 133, avenue de la Résistance 92350 Le Plessis Robinson Sarah Dauchy Unité de psycho-oncologie Institut de cancérologie Gustave Roussy 114, rue Édouard-Vaillant 94805 Villejuif Cedex
VIII Oncologie thoracique
Marie-Dominique Destable Service de chirurgie thoracique et vasculaire, pôle hémato-onco-thorax Hôpital Avicenne, APHP Faculté de médecine SMBH Université Paris 13 Bobigny Dominique Fabre Service de chirurgie thoracique, vasculaire et transplantation cardio-pulmonaire Centre chirurgical Marie Lannelongue 133, avenue de la Résistance 92350 Le Plessis Robinson Élie Fadel Service de chirurgie thoracique, vasculaire et transplantation cardio-pulmonaire Centre chirurgical Marie Lannelongue 133, avenue de la Résistance 92350 Le Plessis Robinson Pierre-Emmanuel Falcoz Service de chirurgie thoracique Nouvel Hôpital Civil Hôpitaux Universitaires de Strasbourg 1, place de l’hôpital, BP 426 67091 Strasbourg Cedex Philippe Girard Département thoracique Institut Mutualiste Montsouris 42, boulevard Jourdan 75014 Paris Valérie Gounant Service de pneumologie Hôpital Tenon, AP-HP 4, rue de Chine 75020 Paris William Jacot CHU et « Languedoc Mutualité » nouvelles technologies Unité d’oncologie thoracique Hôpital Arnaud de Villeneuve Avenue du Doyen-Giraud 34295 Montpellier Cedex 5 Pascale Jacoulet Service de pneumologie Centre hospitalier universitaire Jean Minjoz Boulevard Fleming 25030 Besançon Cedex
Frédéric Kolb Service de chirurgie thoracique, vasculaire et transplantation cardio-pulmonaire Centre chirurgical Marie Lannelongue 133, avenue de la Résistance 92350 Le Plessis Robinson Armelle Lavolé Service de pneumologie Hôpital Tenon, AP-HP 4, rue de Chine 75020 Paris Étienne Lemarié INSERM U618, IFR 135 Service de pneumologie CHU de Tours 37044 Tours Cedex Ulrike Lerolle Service de pneumologie Hôpital Tenon, AP-HP 4, rue de Chine 75020 Paris Clémentine Lopez Unité de psycho-oncologie Institut de cancérologie Gustave Roussy 114, rue Édouard-Vaillant 94805 Villejuif Cedex Mai Luu Service d’oncologie médicale CHU Avicenne 125, route de Stalingrad 93009 Bobigny Jeannick Madelaine Service de pneumologie Pôle Cœur-Poumons-Vaisseaux CHU de Caen 1, avenue Côte de Nacre 14033 Caen Cedex 05 Alexia Marescaux Service de pneumologie Centre hospitalier universitaire Jean Minjoz Boulevard Fleming 25030 Besançon Cedex
Liste des auteurs
Emmanuel Martinod Pôle hémato-onco-thorax Service de chirurgie thoracique et vasculaire Hôpital Avicenne, APHP Faculté de Médecine SMBH Université Paris 13 Bobigny Laboratoire de recherches biochirurgicales Fondation Alain-Carpentier Hôpital Européen Georges-Pompidou APHP Université Paris-Descartes Paris Julien Mazières Service de pneumologie Hôpital Larrey CHU Toulouse Chemin de Pouvourville 31059 Toulouse Cedex Bernard Milleron Service de pneumologie Hôpital Tenon, AP-HP 4, rue de Chine 75020 Paris Gilles Missenard Service de chirurgie thoracique, vasculaire et transplantation cardio-pulmonaire Centre chirurgical Marie Lannelongue 133, avenue de la Résistance 92350 Le Plessis Robinson Jean-François Morère Service d’oncologie médicale CHU Avicenne 125, route de Stalingrad 93009 Bobigny Denis Moro-Sibilot PMAC Clinique de pneumologie UF Oncologie thoracique CHU Grenoble, BP217X 38043 Grenoble Cedex INSERM U823 Nevin Murray University of British Columbia British Columbia Cancer Agency Vancouver Canada
Maurice Pérol Unité d’oncologie thoracique Hôpital de la Croix-Rousse Hospices Civils de Lyon 93, Grande-Rue rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon Solange Peters Centre pluridisciplinaire d’oncologie Centre hospitalier universitaire Vaudois 1011 Lausanne Suisse David Planchard Unité INSERM U981 Département d’oncologie médicale Comité thoracique Institut Gustave Roussy 114, rue Édouard-Vaillant 94805 Villejuif Gavin Plat Service de pneumologie Hôpital Larrey CHU Toulouse Chemin de Pouvourville 31059 Toulouse Cedex Jean-Louis Pujol CHU et « Languedoc Mutualité » nouvelles technologies Unité d’oncologie thoracique Unité de psycho-oncologie et 3 C Hôpital Arnaud de Villeneuve Avenue du Doyen-Giraud 34295 Montpellier Cedex 5 Xavier Quantin Unité d’oncologie thoracique Hôpital Arnaud de Villeneuve Avenue du Doyen-Giraud 34295 Montpellier Cedex 5 Elisabeth Quoix Service de pneumologie Nouvel hôpital civil Hôpitaux Universitaires 1, place de l’Hôpital 67091 Strasbourg Cedex
IX
X
Oncologie thoracique
Dana Radu Service de chirurgie thoracique et vasculaire Pôle hémato-onco-thorax Hôpital Avicenne, APHP Faculté de Médecine SMBH Université Paris 13 Bobigny Laboratoire de recherches biochirurgicales Fondation Alain-Carpentier Hôpital Européen Georges-Pompidou, APHP Université Paris-Descartes, Paris Anne-Marie Ruppert Service de pneumologie Hôpital Tenon, AP-HP 4, rue de Chine 75020 Paris Benjamin Schipman Service de radiothérapie Hôpital Jean Minjoz 3, boulevard Fleming 25030 Besançon Cedex Jean-Paul Sculier Service des soins intensifs et oncologie thoracique Institut Jules Bordet Centre des tumeurs de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) 1, rue Héger-Bordet B-1000 Bruxelles Belgique Agathe Seguin Service de chirurgie thoracique et vasculaire, pôle hémato-onco-thorax Hôpital Avicenne, APHP Faculté de Médecine SMBH Université Paris 13 Bobigny Laboratoire de recherches biochirurgicales Fondation Alain-Carpentier Hôpital Européen Georges-Pompidou APHP Université Paris-Descartes, Paris Antoine Serre Unité d’oncologie thoracique Hôpital Arnaud de Villeneuve Avenue du Doyen-Giraud 34295 Montpellier Cedex 5
Jean-Charles Soria Unité INSERM U981 Département d’oncologie médicale Comité thoracique Institut Gustave Roussy 114, rue Édouard-Vaillant 94805 Villejuif Université Paris XI Marc Taulelle Unité de pneumologie Hôpital privé Les Franciscaines Nîmes 3, rue Jean-Bouin 30032 Nîmes Anne-Claire Toffart PMAC Clinique de pneumologie UF Oncologie thoracique CHU Grenoble, BP217X 38043 Grenoble Cedex INSERM U823 Jean-Michel Vergnon Service de pneumologie et d’oncologie thoracique Hôpital Nord CHU de Saint-Étienne 42055 Saint-Étienne Cedex 2 Virginie Westeel Service de pneumologie Centre hospitalier universitaire Jean Minjoz Boulevard Fleming 25030 Besançon Cedex Gérard Zalcman Service de pneumologie, Pôle Cœur-Poumons-Vaisseaux CHU de Caen Équipe régionale Inserm 3 « Cancers & Populations » CHU de Caen Université Basse-Normandie Institut régional du cancer de Basse-Normandie 1, avenue Côte de Nacre 14033 Caen Cedex 05
Sommaire
Préface N. Murray .................................................................................................................
XIII
Avant-propos J.-F. Morère et V. Westeel ......................................................................................
XV
Prévention : les aspects pratiques du sevrage tabagique J. Benkel et A. Borgne ............................................................................................
1
Épidémiologie, facteurs de risque, dépistage des cancers broncho-pulmonaires E. Lemarié................................................................................................................. 17 Prise en charge du nodule pulmonaire isolé A.-M. Ruppert, U. Lerolle, P. Créquit, A. Lavolé, V. Gounant et B. Milleron
33
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires F. Barlési......................................................................................................................................
51
Nouvelle classification TNM J.-P. Sculier ...............................................................................................................
67
Bilan d’opérabilité des cancers bronchiques non à petites cellules. Connaître les aspects fonctionnels et chirurgicaux du bilan d’opérabilité d’un patient atteint d’un cancer bronchique non à petites cellules
P.-E. Falcoz ...............................................................................................................
81
Stratégie thérapeutique initiale dans les cancers bronchiques non à petites cellules V. Westeel, P. Jacoulet et A. Marescaux .............................................................
93
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des cancers bronchiques non à petites cellules M. Pérol ..................................................................................................................... 103 Thérapies ciblées J.-F. Morère...............................................................................................................
127
Traitements de rattrapage du cancer bronchique non à petites cellules G. Plat et J. Mazières..............................................................................................
135
XII
Oncologie thoracique
Carcinomes radiologiquement occultes et lésions précancéreuses J.-M. Vergnon et M. Taulelle ................................................................................
147
Cancer broncho-pulmonaire chez le non-fumeur D. Planchard et J.-C. Soria ...................................................................................
163
Surveillance V. Westeel et B. Schipman ....................................................................................
195
Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules J.-L. Pujol, X. Quantin, M. Chakra, W. Jacot et A. Serre ..................................
203
Prise en charge des cancers broncho-pulmonaires des sujets âgés E. Quoix.....................................................................................................................
223
Prise en charge des sujets fragiles Savoir adapter le traitement du cancer broncho-pulmonaire à l’état général, à la défaillance rénale, hépatique et au sujet immunodéficient (transplanté, VIH)
D. Moro-Sibilot, A.-C. Toffart et M. Coudurier .................................................
235
Tumeurs malignes de la trachée A. Seguin, D. Radu, M.-D. Destable, P.-Y. Brillet et E. Martinod....................
247
Tumeurs médiastinales S. Peters.....................................................................................................................
263
Traitement chirurgical des tumeurs de la paroi thoracique D. Fabre, G. Missenard, E. Fadel, F. Kolb, B. Besse et P. Dartevelle ...............
283
Mésothéliome pleural malin E. Bergot, J. Madelaine et G. Zalcman ..............................................................
303
Tumeurs secondaires de la plèvre. Diagnostic, traitement local P. Girard ....................................................................................................................
315
La reconnaissance des cancers bronchiques d’origine professionnelle J.-C. Dalphin ............................................................................................................
337
Soins de support K. Chouahnia et M. Luu ........................................................................................
349
Prise en charge psychologique du patient atteint de cancer du poumon S. Dauchy et C. Lopez ............................................................................................
367
Le patient atteint de cancer bronchique dans la société aujourd’hui J.-L. Pujol ..................................................................................................................
379
Preface
Although progress has been made and is being made in the treatment of lung cancer, the population-based long-term survival rate for patients with this feared diagnosis is low and is only improving very slowly. Currently, too many people develop lung cancer, too many people suffer from inoperable locally advanced or disseminated disease, and too many people have tumors that are resistant to available systemic treatment. Children and young adults continue to smoke in large numbers in developed nations and the prevalence of smoking has increased alarmingly in developing countries. Lung cancer in life-time nonsmokers has been increasingly recognized as a major public health problem. That’s the bad news. The encouraging news is that lung cancer and tobacco abuse are getting the attention necessary to attract research funds for laboratory and clinical research. Advocacy groups for lung cancer, virtually unheard of ten years ago, are now taking a proactive stance in the education of patients, families and communities. A resurgence of large-scale clinical investigation of early detection, screening, and lung cancer prevention is gaining momentum, which could eventually translate into a more favorable stage distribution of this disease. New imaging technology has been widely adopted that has improved selection of cases for surgery and allowed more sophisticated application of radiotherapy. Better staging has allowed more confident use of multimodality therapy in locally advanced cases. Although cytotoxic chemotherapy has been only incrementally improved, the biomarker selection of patients most suitable for tyrosine kinase inhibitors of the epidermal growth factor receptor has resulted in a major shift in the pattern of practice for systemic therapy of lung cancer. Even the staging system has been refined, and the tempo of investigation of novel targeted drugs is extraordinary. Prognostic and predictive molecular tests are becoming a routine part of everyday practice. Oncologie Thoracique is a valuable resource for physicians interested in thoracic neoplasms. In addition to a broad range of information on non-small cell lung cancer, the book covers small cell lung cancer, mediastinal tumors, tracheal tumors and mesotheliomas. It includes contributions from clinicians in all relevant disciplines including surgery, radiation oncology, medical oncology, pathology and pulmonology. The publication of this volume demonstrates the depth of expertise in thoracic oncology that exists in France. The international
XIV Oncologie thoracique
lung cancer community respects and pays attention to what the experts from France say. On the one hand, there is a tradition of practice changing phase III trials (Le Chevalier, T. 2003; Depierre, A. 2002) and meta-analyses (Pignon, J.P. 1992; Auperin, A. 1999; Pignon, J.P. 2008; Auperin, A. 2010; NSCLC Metaanalyses Collaborative Group 2010). We expect and frequently see researchers from France on the podium of prestigious meetings like the American Society of Clinical Oncology (Quoix, E.A. 2010; Westeel, V. 2010) and the International Association for the Study of Lung Cancer. But there is more to it than that. Lung cancer (and most other cancer) outcomes from France compare favorably to any country in the world (Francisci, S. 2009; Sant, M. 2009). This is a health care system that has a track record for putting evidence-based lung cancer treatment advances into clinical practice to improve treatment outcomes not only at France’s prestigious institutions, but for the population at large. The wellorganized and thoughtful papers in Oncologie Thoracique are one of the ways that this information is disseminated to multidisciplinary teams to improve not only the quantity, but also the quality, of life for patients suffering from thoracic neoplasms. Nevin Murray MD, FRCPC Clinical Professor of Medicine, University of British Columbia Medical Oncologist, British Columbia Cancer Agency Vancouver, Canada
Avant-propos J.-F. Morère, V. Westeel
Sept ans après la première édition, de nombreux bouleversements se sont produits dans le panorama des cancers intrathoraciques. Le cancer bronchique demeure aujourd’hui la première cause de mort par cancer chez l’homme, cependant son incidence est en baisse de même que sa mortalité. En effet, une diminution de 11 % du taux de mortalité est observée entre les périodes 1983-1987 et 2003-2007. Cette impression positive est malheureusement contrariée par une augmentation très nette de l’incidence et de la mortalité par cancer du poumon chez la femme, phénomène qui avait déjà été observé dans les pays anglo-saxons il y a quelques années. Ces statistiques, qui restent inquiétantes, justifient toujours tous nos efforts pour une politique de prévention rigoureuse ainsi que pour le développement de la recherche des mécanismes intimes de la cancérisation pulmonaire. La thérapeutique du cancer bronchique s’est aussi largement transformée grâce à la validation clinique de nouveaux concepts dans les traitements médicamenteux tels que la chimiothérapie adjuvante, le traitement de maintenance ou le concept de chimiothérapie histoguidée. Mieux encore, alors qu’il y a peu notre stratégie thérapeutique se résumait à deux situations, cancers à petites cellules ou cancers non à petites cellules, l’amélioration du profilage biologique permet aujourd’hui de mieux adapter notre traitement à tel ou tel sous-groupe de patients. Les progrès se sont avant tout concrétisés dans le cadre de ses fameux cancers non à petites cellules chez qui le diagnostic pathomoléculaire a remplacé l’anatomopathologie conventionnelle. Aujourd’hui, près d’un quart des patients peuvent ainsi recevoir une thérapie ciblée argumentée, aux effets secondaires différents de ceux de la chimiothérapie. L’arbre décisionnel, s’il se complique, permet cependant d’envisager une extension de ces thérapies ciblées à la majeure partie de nos patients atteints de CBNPC. La réalisation d’une deuxième édition de cet ouvrage était donc nécessaire. Gageons qu’elle nous permette d’offrir un outil utile à l’amélioration de notre pratique quotidienne. Remercions les auteurs issus d’horizons divers pour la qualité de leur contribution et leur disponibilité. En témoigne une multidisciplinarité nécessaire à l’optimisation des soins décidée au quotidien lors de nos réunions de concertation.
XVI Oncologie thoracique
Nous adressons nos vifs remerciements à Nathalie L’Horset-Poulain des Éditions Springer-Verlag France pour son aide précieuse dans la réalisation de ce livre. Malgré une réalisation vigilante, nous ne pouvons toutefois exclure totalement la possibilité d’une erreur typographique ponctuelle. Nous recommandons donc une vérification soigneuse des protocoles thérapeutiques avant leur mise en œuvre grâce à la consultation des publications originales référencées. Restant à votre écoute pour toutes suggestions qui permettraient d’améliorer ce travail à l’avenir, nous vous souhaitons une bonne lecture. Paris, novembre 2010
Prévention : les aspects pratiques du sevrage tabagique J. Benkel et A. Borgne
Points essentiels • Le tabagisme est un risque majeur pour la santé. • Un conseil médical minimal systématique peut être efficace. • L’évaluation de la dépendance tabagique est une nécessité. • Existence de stratégie thérapeutique dont l’efficacité est démontrée. • Importance du soutien à long terme du patient.
Le tabagisme est responsable de 66 000 décès par an en France, dont 20 900 cancers pulmonaires. De tous les cancers, celui du poumon demeure en France celui qui cause le plus grand nombre de décès (1). La consommation de plus de 20 cigarettes par jour tuera prématurément un fumeur sur deux et parmi eux, un sur quatre mourra d’un cancer pulmonaire. Malgré la connaissance du risque majeur qu’ils prennent pour leur santé, de nombreux fumeurs poursuivent leur consommation de tabac, et ce, même s’ils tentent à plusieurs reprises d’arrêter. Ceci est dû à l’existence d’une véritable dépendance à la nicotine, plaçant le tabagisme dans le champ des addictions. Pendant de nombreuses années, l’absence de traitement efficace a permis le développement de méthodes diverses et variées, et si les fumeurs réussissaient leur arrêt, c’était au prix d’une souffrance physique et psychique liée au syndrome de manque, et entrecoupé de fréquentes rechutes à court terme. Nous sommes sortis de l’empirisme et des stratégies thérapeutiques ont démontré de manière scientifique leur efficacité.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
2
Oncologie thoracique
Stratégies d’aide au sevrage, alliant méthodes médicamenteuses et non médicamenteuses On distingue trois périodes dans l’arrêt du tabac.
Première période : de la première cigarette à la prise de décision d’arrêt La première phase débute dès l’entrée dans le tabagisme et dure jusqu’à la prise de décision d’arrêt. Pendant cette longue période, le fumeur va mûrir sa décision pour acquérir une motivation sans laquelle l’arrêt est difficile. Il va passer par des stades d’évolution successifs qui sont parfaitement décrits par le schéma de Prochaska (fig. 1) (2). De fumeur heureux, consonant avec son comportement, il va passer au stade de fumeur indécis, dissonant, en désaccord avec son tabagisme. Puis, cette dissonance va se majorer et conduire le fumeur à prendre la décision d’arrêter. Il est alors prêt, il est motivé. L’ensemble des professionnels de santé joue pendant cette longue période un rôle majeur en informant le fumeur sur les risques, et sur les possibilités d’aide à l’arrêt. La pratique du conseil minimal qui consiste à interroger systématiquement tout patient sur son
Les stades de préparation à l’arrêt du tabac
Ne recommence pas
25-50 % Fumeur satisfait
Recommence
Maintien Arrête
40-60 %
10-30 %
Envisage de s’arrêter
Essaie d’arrêter Décide de s’arrêter
Préparation
Source : Prochaska and Di Clemente, Am Psychologist 1999,47:1102 Fig. 1 – Schéma d’après Prochaska.
Prévention : les aspects pratiques du sevrage tabagique
3
statut tabagique, quel que soit le motif de consultation, et à l’inciter à l’arrêt, a montré son efficacité. Elle permet d’augmenter de 2 à 5 % le taux d’arrêt annuel (3). Ce pourcentage paraît peu significatif mais si le conseil minimal est pratiqué par un grand nombre de professionnels de santé, ce sont des centaines de milliers de fumeurs supplémentaires qui cesseront de fumer chaque année. Le conseil minimal est une des recommandations de la conférence de consensus et de bonnes pratiques sur l’arrêt du tabac (4, 5). Le diagnostic de cancer du poumon survient de façon brutale, et vient shunter ces étapes de préparation à l’arrêt. Le fumeur se trouve dans l’obligation d’arrêter alors même qu’il n’a peut-être pas eu le temps de mûrir sa décision. La peur immédiate, la souffrance physique et l’hospitalisation conduisent souvent à un arrêt mais qui va s’avérer provisoire dans certains cas. L’importance de l’arrêt du tabac pour les patients cancéreux n’est de nos jours pas encore bien perçue à la fois par les patients et par certains professionnels de santé. Il est pourtant démontré que la poursuite du tabagisme dans ce cas diminue les taux de survie, accroît le risque de récidive ou de développer un autre cancer, réduit l’efficacité des traitements, et augmente les complications liées aux traitements chimiothérapiques et radiothérapiques (6, 7). De plus, en cas d’intervention chirurgicale, les conditions anesthésiques sont plus mauvaises et les complications postopératoires, notamment infectieuses, sont plus fréquentes (8). L’arrêt du tabac réduit globalement la mortalité et particulièrement celle liée au cancer du poumon (9). Le patient doit être informé des bénéfices de l’arrêt du tabac pour lui permettre d’accroître sa motivation et de prendre la décision d’arrêter de fumer.
Deuxième période : le sevrage La mesure de la dépendance « Le tabagisme est un comportement amplifié et entretenu par une dépendance dont la nicotine est responsable. » (10) Certaines propriétés pharmacologiques de la nicotine et physiologiques des récepteurs nicotiniques permettent de mieux comprendre la dépendance tabagique. Les récepteurs nicotiniques sont avant tout des récepteurs cholinergiques, constitués de sous-unités _ et `. Les principaux récepteurs identifiés dans le cerveau sont les combinaisons _4`2, ayant une grande affinité pour la nicotine et _7 ayant une affinité moindre pour la nicotine. La nicotine jouerait le rôle de modulateur sur la libération de certains neurotransmetteurs (tels que noradrénaline, dopamine, sérotonine) intervenant dans le phénomène de dépendance. Une tolérance aiguë se développe au cours de la journée avec l’augmentation de la nicotinémie, un nombre croissant de récepteurs se désensibilisent mais regagnent leurs propriétés normales lorsque la nicotinémie diminue pendant la nuit. Associée à la courte demi-vie de la nicotine (2 à 3 heures), la désensibilisation fait que chaque jour représente un cycle nycthéméral « idéal » pour l’entretien de la dépendance (11).
4
Oncologie thoracique
La nicotine inhalée est rapidement absorbée par voie alvéolaire et atteint les récepteurs nicotiniques cérébraux en sept secondes, produisant plaisir, relaxation, détente, stimulation intellectuelle. La répétition de ces « shoots » tout au long de la journée est responsable de l’installation rapide d’une dépendance physique qui peut être intense. Elle se traduit lors de l’arrêt de la consommation par un syndrome de manque avec pulsions à fumer, irritabilité, agitation, agressivité, etc. Elle est mesurée par le test de Fagerström, en six questions, déterminant un score sur dix points qui permet d’évaluer l’intensité de cette dépendance (fig. 2). Les deux items les plus importants de ce test sont le nombre de cigarettes fumées par jour, et le délai séparant le réveil de la première cigarette fumée. En posant uniquement ces deux questions, on obtient un score sur six points, correspondant au « Fagerström simplifié » (fig. 3). Cette mesure permet de poser l’indication d’un traitement pharmacologique de la dépendance nicotinique. Nous disposons à ce jour des traitements de substitution nicotinique et du bupropion (Zyban®). Les premiers sont recommandés par la conférence de consensus française (4), et par l’OMS ; et le second par l’OMS (12). La Varénicline (Champix®), est proposé en seconde intention, après échec des traitements nicotiniques de substitution (TNS) (13).
Test de Fagerström 1. Le matin, combien de temps après vous être réveillé fumez-vous votre première cigarette ? Dans les 5 minutes 6-30 minutes 31-60 minutes Plus de 60 minutes 2. Trouvez-vous qu’il est difficile de vous abstenir de fumer dans les endroits où c’est interdit ? (p. ex. cinémas, bibliothèques) Oui Interprétation Non 0-3 non dépendant 3. À quelle cigarette renonceriez-vous le plus difficilement ? 4-6 dépendant À la première de la journée 7-10 très dépendant À une autre 4. Combien de cigarettes fumez-vous par jour, en moyenne ? 10 ou moins 11-20 21-30 31 ou plus 5. Fumez-vous à intervalles plus rapprochés durant les premières heures de la matinée que durant le reste de la journée ? Oui Non 6. Fumez-vous lorsque vous êtes malade au point de devoir rester au lit presque toute la journée ? Oui Non Source : Fagerström traduction par les traducteurs officiels de l’OMS ; JF Etter + conférence consensus 1998
Fig. 2 – Test de Fagerström.
Prévention : les aspects pratiques du sevrage tabagique
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Score de dépendance simplifié Ces 2 questions sont les plus importantes du questionnaire de dépendance à la nicotine de Fagerström dont elles constituent 60 % du score. La question peut être posée par le soignant qui a appris les scores des réponses et peut faire le calcul de tête. 1. Le matin, combien de temps après vous être réveillé fumez-vous votre première cigarette ? Dans les 5 minutes 3 Interprétation 6-30 minutes 2 0-2 non ou peu dépendant 31-60 minutes 1 3-4 dépendant Plus de 60 minutes 0 5-6 très dépendant 2. Combien de cigarettes fumez-vous par jour, en moyenne ? 10 ou moins 0 11-20 1 21-30 2 31 ou plus 3 Fig. 3 – Score de dépendance simplifié.
Examens complémentaires Taux de monoxyde de carbone dans l’air expiré La mesure du taux de monoxyde de carbone dans l’air expiré se révèle très utile. Lors de la première consultation, alors que le patient fume encore, elle permet de quantifier l’intensité du tabagisme de manière plus précise que le simple nombre de cigarettes fumées par jour. En effet, le taux de monoxyde de carbone augmente avec l’intensité de l’inhalation : un fumeur de 20 cigarettes par jour peut avoir un taux moyen, par exemple 20 ppm ou un taux plus important, par exemple 40 ppm, montrant ainsi que l’inhalation de la fumée est plus intense dans le deuxième cas. Très souvent, à l’annonce d’un diagnostic de pathologie liée au tabac, les fumeurs diminuent leur consommation de cigarettes (en diminuant le nombre de cigarettes fumées par jour). Mais s’ils sont dépendants à la nicotine, ils vont modifier leur façon de fumer, en inhalant des bouffées de plus grand volume, en offrant une surface alvéolaire d’échange plus importante et en augmentant le temps d’apnée à chaque bouffée. Ils arrivent ainsi à obtenir la même dose de nicotine avec un nombre de cigarettes inférieur (14). La mesure d’un taux de monoxyde de carbone dont le résultat est plus important que ne le laisse soupçonner le nombre de cigarettes fumées doit faire suspecter une telle situation et permettra d’orienter le choix thérapeutique. La normalisation du taux de monoxyde de carbone (inférieur à 5 ppm), 24 heures après l’arrêt du tabac, permet de vérifier l’abstinence et se révèle très encourageante pour le patient qui visualise une conséquence positive précoce de son sevrage.
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Il existe aujourd’hui plusieurs types de « CO testeurs », peu encombrants, d’utilisation simple et rapide à des tarifs très abordables. Mesure de la cotinine salivaire ou urinaire Le dosage fiable, rapporté à la créatinine pour le dosage urinaire, permet une approche objective de la quantité de nicotine absorbée chaque jour par le fumeur. Selon la circulaire de la Direction générale de la santé (DGS) du 3 avril 2000, les établissements de santé devraient être en mesure de réaliser le dosage urinaire des métabolites de la nicotine. Beaucoup d’études sont concordantes quant à la fiabilité de la mesure par rapport à la consommation de tabac. Le résultat permet d’ajuster le degré de substitution nicotinique (15). Dans la pratique, ce dosage est peu réalisé et n’est toujours pas inscrit à la nomenclature des actes biologiques.
Substitution nicotinique La substitution nicotinique est indiquée chez le fumeur qui présente une dépendance physique à la nicotine, validée par le test de Fagerström. Elle permet d’éviter le douloureux syndrome de manque des premières semaines de l’arrêt qui constitue chez de nombreux fumeurs un frein considérable à l’arrêt et une cause de rechute précoce fréquente. De nombreuses études ont prouvé son efficacité puisqu’elle multiplie par deux le pourcentage de succès par rapport au placebo (16). Son efficacité a été démontrée pour les patients porteurs d’un cancer du poumon (17). Pourtant, ces études ont été réalisées avec des schémas relativement rigides en terme de posologie et de durée de traitement, par conséquent un probable sous-dosage chez les sujets fortement dépendants. On peut raisonnablement penser qu’avec une adaptation très personnalisée des doses et de la durée du traitement, les résultats peuvent être considérablement améliorés. Formes galéniques Il existe actuellement cinq formes galéniques de substitution nicotinique. Leur cinétique est décrite dans la figure 4.
• Timbres ou « patchs » Sous trois dosages différents, ils délivrent par voie transdermique une quantité contrôlée de nicotine à travers la peau. L’absorption de la nicotine se fait lentement et le plateau de nicotinémie recherché est obtenu deux heures après la pose du premier timbre. Celui-ci doit être laissé en place pendant 24 heures et changé quotidiennement. En cas de troubles du sommeil, il est possible de retirer le timbre pour la nuit. Cependant, la chute de la nicotinémie pendant le sommeil pourra entraîner des pulsions à fumer matinales gênantes, surtout en début de traitement.
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Fig. 4 – Cinétique de la nicotine.
• Gommes L’absorption de la nicotine délivrée par les gommes à mâcher à travers la muqueuse buccale permet de soulager le manque au bout de quelques minutes. La gomme doit être conservée dans la bouche pendant 20 à 30 minutes. Son utilisation nécessite le respect de quelques règles (la « croquer » une fois par minute, ne pas avaler trop rapidement sa salive) au risque de voir apparaître des effets désagréables (hoquets, épigastralgies). Son goût un peu poivré rebute parfois certains patients, on peut alors conseiller l’utilisation de gommes aromatisées à la menthe, à l’orange ou aux fruits.
• Comprimés Il existe des comprimés sublinguaux et des comprimés à sucer, ils ont une cinétique d’absorption similaire à la gomme sans les inconvénients de masticage de cette dernière. On laisse fondre le comprimé sous la langue ou on le suce sans le croquer. L’effet se fait sentir en deux ou trois minutes, le patient doit être prévenu que les premières prises peuvent entraîner une sensation de brûlure ou picotements de la muqueuse sublinguale qui disparaîtra rapidement.
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• Inhaleur L’inhaleur est une sorte de fume-cigarette contenant une cartouche poreuse imprégnée de nicotine. L’absorption de la nicotine « aspirée » par le fumeur se fait par les muqueuses buccales, comme pour la gomme et le comprimé. Son intérêt repose sur la reproduction de la composante gestuelle du comportement tabagique qui peut satisfaire certains fumeurs.
• Spray nasal Absorbée par la muqueuse nasale, la nicotine a alors une cinétique assez proche de l’inhalation avec un pic de nicotinémie d’apparition rapide, et une stimulation des récepteurs nicotiniques cérébraux pouvant entretenir la dépendance. Pour cette raison, cette forme n’a pas été à ce jour autorisée en France. Comment conduire le traitement de substitution nicotinique ? Le schéma rigide préconisé il y a quelques années doit maintenant être abandonné. La posologie initiale doit être adaptée aux besoins réels du fumeur, mesurés principalement par le test de Fagerström puis adaptée au bout de quelques jours. La persistance de signes de manque nicotinique (pulsions à fumer, irritabilité, anxiété, etc.) doit mener à augmenter la dose. Il est possible, chez les fumeurs très dépendants, d’administrer simultanément deux timbres. L’utilisation conjointe de plusieurs formes galéniques est possible. Un schéma thérapeutique associant une dose de nicotine par timbre et une forme orale (gomme, comprimé sublingual, comprimé à sucer ou inhaleur) est souvent utilisé. Il permet d’obtenir une dose constante de nicotine par le timbre et de répondre à une envie de fumer liée à l’environnement ou au stress par la prise d’une forme orale gérée par le patient lui-même (après les repas par exemple). On est ainsi au plus près de ses besoins. Le choix du nombre de prises de forme orale est laissé à l’appréciation du patient. On lui décrit les signes de surdosage nicotinique afin d’éviter une consommation trop importante de gommes ou comprimés. Le surdosage nicotinique se traduit par des nausées, sueurs, tremblements, bouche pâteuse, insomnie et une disparition des envies de fumer. Le suivi est ensuite programmé à un rythme adapté à chaque fumeur. Il permet d’adapter les doses de substitution. Une visite dans la semaine suivant l’arrêt permet de vérifier que la dose initiale est convenable. On vérifie l’absence de signes de manque (pulsions à fumer, irritabilité, agitation) ou de surdosage. Cette dose est maintenue pendant environ quatre semaines, la décroissance étant la plus progressive possible. La réapparition de signes de manque, au moment d’un passage à une dose inférieure, impose d’augmenter celle-ci pour quelques jours ou semaines avant d’envisager une nouvelle diminution. Cette évaluation peut se faire au besoin par téléphone entre deux consultations, par une infirmière formée en tabacologie.
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La durée du traitement est fonction de la dose initiale. Plus celle-ci est élevée, plus la décroissance posologique sera longue. Les consultations de suivi permettent un soutien psychologique et des conseils comportementaux personnalisés. La stratégie de réduction de consommation du tabac comme première étape vers l’arrêt complet ? Elle peut être proposée en cas d’échec ou de refus total de sevrage. Une diminution du nombre de cigarettes quotidiennes avec utilisation de substituts nicotiniques est proposée. L’objectif est, dans un premier temps, une réduction du nombre de cigarettes fumées puis, dans un deuxième temps, un arrêt de toute consommation de tabac. Cette stratégie peut avoir une influence positive sur la motivation à l’arrêt (14, 18), le taux effectif d’arrêt complet et évite le phénomène de compensation en maintenant un apport équivalent de nicotine (14). Cette stratégie doit être prudente, compte tenu de la notion classique du risque de cancer du poumon qui dépend plus du nombre d’années de tabagisme que du nombre de cigarettes fumées (19).
Bupropion Le bupropion est un inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline, utilisé depuis plus de dix ans aux États-Unis comme antidépresseur. Son efficacité sur l’arrêt du tabac a d’abord été notée de manière empirique par le Dr Linda Ferry dans les années 1990. Un grand nombre de ses patients fumeurs traités par bupropion pour dépression avaient spontanément cessé leur tabagisme pendant le traitement (20). Des études ont alors été menées pour mettre en évidence l’efficacité du bupropion pour l’arrêt du tabac (21). Conduite du traitement par le bupropion Les contre-indications doivent, comme dans toute prescription médicamenteuse, être scrupuleusement respectées : antécédent de convulsion, tumeur du système nerveux central, sevrage alcoolique ou de tout autre médicament coprescrit dont l’interruption entraîne un risque de convulsions (en particulier benzodiazépines et produits apparentés), antécédent d’anorexie mentale ou boulimie, association aux IMAO, hypersensibilité à la molécule, troubles bipolaires, insuffisance hépatique sévère. Un intervalle d’au moins 2 semaines doit être respecté entre l’arrêt des IMAO non sélectifs et le début du traitement par bupropion. Dans les situations suivantes qui abaissent le seuil épileptogène, la dose de 150 mg par jour ne doit pas être dépassée : abus d’alcool, antécédent de traumatisme crânien, diabète traité par hypoglycémiants ou insuline, association à des psychostimulants ou anorexigènes, et antidépresseurs, antipaludéens, antipsychotiques, tramadol, théophylline, stéroïdes par voie systémique, quinolones et antihistaminiques sédatifs. Chez les personnes présentant un dysfonctionnement rénal ou hépatique léger à modéré, le bupropion et ses métabolites
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peuvent s’accumuler d’une façon anormale dans le sang et les tissus, nécessitant parfois une réduction de la posologie. Chez ces personnes, la posologie recommandée est de 150 mg une fois par jour. Elle est la même chez les sujets âgés. Aucune étude n’a été réalisée sur l’association du bupropion avec les anticancéreux. Néanmoins, un certain nombre de cytotoxiques sont répertoriés comme abaissant le seuil épileptogène. Le bupropion ne doit pas être administré à ces patients, sauf en cas de nécessité absolue et si le bénéfice attendu du sevrage tabagique l’emporte sur le risque de survenue de convulsions. Chez ces patients, la dose maximale à utiliser durant tout le traitement serait de 150 mg par jour. Comme pour toute prescription médicamenteuse, il faut mesurer le rapport bénéfice risque et adopter l’attitude la plus prudente (22). Le traitement débute normalement par un comprimé de bupropion 150 mg LP pendant 6 jours, puis, sauf dans les situations particulières décrites précédemment, un comprimé matin et soir de bupropion 150 mg LP, en respectant un intervalle de huit heures entre les prises. La durée du traitement est de 7 à 9 semaines. L’arrêt total du tabac doit être décidé entre le 7e et le 14e jour du traitement. Cependant, la persistance d’une consommation tabagique au-delà de la date prévue ne doit pas faire interrompre le traitement, les différentes études ayant montré que chez certains fumeurs l’abstinence totale n’était parfois obtenue que plus tardivement (23). Les effets indésirables les plus fréquents sont une sensation de bouche sèche, des insomnies, des céphalées, des réactions allergiques. Pour prévenir les insomnies, il est possible de recommander de prendre le deuxième comprimé plus tôt dans l’après-midi, tout en respectant un intervalle d’au moins huit heures entre deux prises (par exemple 8 heures/16 heures).
Varénicline La varénicline est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques (_4`2) impliqués dans la dépendance au tabac. Elle augmente les chances de succès du sevrage tabagique à long terme par deux (24). Ce produit représente un moyen thérapeutique supplémentaire de prise en charge du sevrage tabagique. Compte tenu des effets indésirables, il ne doit être utilisé qu’en seconde intention, après échec des traitements nicotiniques de substitution (13). L’événement indésirable le plus fréquent est la survenue de nausées (environ 30 %) (25, 26). Elles apparaissent généralement en début de traitement et entraînent rarement l’arrêt du traitement. Les autres événements indésirables les plus fréquents (> 10 %) (25, 26) sont des insomnies, des rêves anormaux, des céphalées. Ce sont ces symptômes qui ont principalement motivé les arrêts de traitement pour effet indésirable. La survenue d’événements indésirables graves a conduit à des modifications substantielles du résumé des caractéristiques du produit signalant le risque d’aggravation de maladie psychiatrique, de dépression, d’idées suicidaires et de tentatives de suicide (13) mais la relation de causalité n’est pas établie entre la prise de la varénicline et ces symptômes (27).
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Conduite du traitement par varénicline Il s’administre par voie orale. La dose recommandée est de 1 mg de varénicline deux fois par jour après une semaine d’augmentation posologique comme suit : • jours 1 à 3 : 0,5 mg 1 fois par jour ; • jours 4 à 7 : 0,5 mg 2 fois par jour ; • jour 8 à la fin du traitement : 1 mg 2 fois par jour. L’arrêt du tabac intervenant pendant les deux premières semaines du traitement. La dose pourra être réduite à 0,5 mg 2 fois par jour de façon temporaire ou permanente chez les patients qui ne peuvent tolérer les effets indésirables de varénicline. Les comprimés de varénicline doivent être avalés entiers avec de l’eau. Ils peuvent être pris au cours ou en dehors des repas. Cependant, il semble que la prise à jeun majore la survenue de nausée. Les patients doivent être traités durant 12 semaines. Pour les patients qui ont réussi à arrêter de fumer à la fin des 12 semaines, une cure supplémentaire de traitement de 12 semaines par varénicline à 1 mg 2 fois par jour peut être envisagée. Pour les patients qui ne parviennent pas à arrêter de fumer au cours du traitement initial ou qui rechutent après le traitement, aucune donnée n’est disponible sur l’efficacité d’une cure supplémentaire de traitement de 12 semaines. Dans le traitement du sevrage tabagique, le risque de reprise du tabagisme est élevé dans la période suivant immédiatement la fin du traitement. Pour les patients à haut risque de rechute, un arrêt progressif peut être envisagé. Aucun ajustement posologique n’est nécessaire chez l’insuffisant rénal léger à modéré (clairance de la créatinine estimée >30 mL/min et < 50 mL/min). Chez les insuffisants rénaux modérés présentant des événements indésirables qui ne sont pas supportables, la posologie peut être réduite à 1 mg 1 fois par jour. Chez l’insuffisant rénal sévère (clairance de la créatinine estimée < 30 mL/ min), la dose recommandée de varénicline est de 1 mg 1 fois par jour. L’administration doit débuter par 0,5 mg 1 fois par jour durant les 3 premiers jours, puis être augmentée à 1 mg 1 fois par jour. La varénicline n’est pas recommandée chez les patients en stade d’insuffisance rénale terminale. Aucun ajustement posologique n’est nécessaire chez l’insuffisant hépatique et le sujet âgé. Comme le patient âgé a plus de risque de présenter une fonction rénale diminuée, les prescripteurs devront tenir compte de l’état de la fonction rénale du patient âgé. La varénicline ne doit pas être utilisée chez l’enfant et l’adolescent audessous de 18 ans.
Traitements non pharmacologiques Thérapies comportementales et cognitives Approche récente en psychologie, les thérapies comportementales et cognitives (TTC) reposent sur l’apprentissage et l’analyse des pensées. Elles ont pour objectif d’aider le sujet à se débarrasser du comportement anormal par
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un nouvel apprentissage, tout en analysant les pensées ou « cognitions » qui accompagnent ce comportement. Elles ont leur importance dans le traitement des addictions et donc du tabagisme (28). Ce mode de prise en charge a prouvé son efficacité pour l’arrêt du tabac et figure dans toutes les recommandations internationales (4, 5, 12). Acupuncture, homéopathie, mésothérapie et hypnose Elles ont été, depuis longtemps, utilisées pour le sevrage tabagique. Leur efficacité chez un fumeur motivé non fortement dépendant tient à l’effet placebo qu’elles délivrent et à l’empathie délivrée par le thérapeute. La Conférence de consensus d’octobre 1998 ne leur a pas reconnu d’efficacité sur la dépendance nicotinique (5).
Troisième période : le maintien de l’abstinence, la prévention des rechutes et les chances de succès du sevrage tabagique Le suivi pendant la phase de traitement pharmacologique permet d’adapter le dosage des substituts nicotiniques et de programmer leur décroissance progressive, de surveiller la bonne tolérance du bupropion et de la varénicline, de soutenir le fumeur dans sa démarche et de dépister des complications. On surveillera particulièrement l’apparition d’un syndrome anxio-dépressif, complication fréquente de l’arrêt du tabac, et probablement tout particulièrement dans le contexte d’une pathologie cancéreuse. Un traitement antidépresseur et une psychothérapie peuvent se révéler nécessaires. Le suivi doit être régulier, le plus long possible, et être poursuivi à l’issue du traitement pharmacologique, les rechutes étant fréquentes pendant la première année. La consommation accidentelle de quelques cigarettes doit être présentée comme « un faux pas » et dédramatisée. La rechute totale, toujours vécue de manière culpabilisante doit être présentée comme une étape vers l’arrêt définitif. Il faut que le fumeur reprenne confiance en lui, qu’un nouveau traitement pharmacologique soit entrepris. Les thérapies comportementales et cognitives ont ici une importance capitale.
En pratique Première consultation : • évaluation et renforcement de la motivation ; • analyse des tentatives d’arrêt antérieures ; • nombre de cigarettes fumées par jour ; • mesure de la dépendance nicotinique ; • mesure du monoxyde de carbone voire de la cotinine urinaire ; • recherche et prise en charge des dysthymies associées ; • mise en place d’un traitement pharmacologique de la dépendance.
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Deuxième consultation (j5 à j8) : • vérification de l’absence de signes de manque ou de surdosage (substituts nicotiniques), adaptation de la dose ; • mesure du monoxyde de carbone dont la normalisation encourage la poursuite de l’abstinence ; • soutien, conseils comportementaux. Consultations suivantes : • adaptation des doses de substituts nicotiniques avec décroissance progressive, ou vérification de la bonne tolérance du bupropion et de la varénicline (diminution de la posologie de la varénicline si nécessaire) ; • mesure du monoxyde de carbone ; • surveillance de l’état psychologique (dysthymies) ; • prévention des rechutes.
Politiques de prévention L’évolution de la consommation de tabac dépend étroitement des politiques publiques. Après la loi Veil de 1976 prévoyant une interdiction générale de publicité, des avertissements sanitaires et les premières campagnes nationales, la loi Évin de 1991 a complété le dispositif. Le plan triennal de lutte contre le tabac 1999-2001 donnait la priorité à l’aide à l’arrêt du tabac. Le plan cancer 2003-2007 consacrait 9 mesures à la lutte contre le tabac se répartissant sur trois grands axes : limiter l’accès aux produits du tabac, dénormaliser le tabac dans la société, encourager et accompagner l’arrêt du tabac. Le plan cancer 2009-2013 poursuit ces actions dans la mesure 10. La France a ratifié en 2004 le premier traité international de santé publique de l’Organisation mondiale de la santé « la convention cadre pour la lutte anti-tabac », l’impact des mesures mises en place a été évalué en 2009 par le Projet « International tabacco control ». Les mesures d’interdictions, les taxes, les aides au sevrage, l’information, l’éducation et la communication sont les principaux leviers de la stratégie de lutte contre le tabac (29). La prévalence des fumeurs n’a cessé de diminuer depuis le début des années 90, pour atteindre 29,5 % de fumeurs en 2007 (30) mais elle n’a pas atteint l’objectif de 20 % fixé par l’Organisation mondiale de la santé. Les efforts doivent être poursuivis et renforcés pour faire reculer le principal facteur de risque reconnu de pathologie cancéreuse et inscrire cette baisse dans la durée.
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Conclusion L’arrêt du tabac a prouvé son intérêt en cancérologie quel que soit le stade de la maladie. Il faut combattre les vieux adages qui incitent à ne pas encourager les fumeurs à cesser leur tabagisme quand un diagnostic de cancer a été posé. Des progrès considérables ont été faits ces dernières années, concernant la neurobiologie des dépendances, les mécanismes comportementaux qui la sous-tendent, et les dysthymies associées. L’arsenal thérapeutique s’est enrichi et la prise en charge est devenue plus globale. Le recours à la substitution nicotinique a permis une avancée considérable en rendant le sevrage physique beaucoup plus confortable. L’arrivée du bupropion et plus récemment de la varénicline renforce les possibilités thérapeutiques offertes aux fumeurs demandeurs d’aide à l’arrêt. La vulnérabilité psychologique des patients atteints d’un cancer mérite une attention et une prise en charge particulières impliquant l’ensemble des thérapeutes concernés. La formation des professionnels de la santé doit être organisée pour permettre de conseiller et traiter les fumeurs atteints d’un cancer d’une manière efficace et durable et ainsi augmenter à la fois la qualité et leur espérance de vie.
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Prévention : les aspects pratiques du sevrage tabagique
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Épidémiologie, facteurs de risque, dépistage des cancers broncho-pulmonaires E. Lemarié
Points essentiels • En France, si le taux de cancer bronchique est stable chez l’homme, il est en rapide augmentation chez la femme. • Le tabac est le principal facteur de risque. Les cancers d’origine professionnelle représentent 9 à 15% des cas. • Il n’existe actuellement aucune méthode reconnue pour le dépistage du cancer bronchique. La tomodensitométrie est en cours d’évaluation dans plusieurs études randomisées. • Parmi les méthodes biologiques de dépistage, l’analyse protéomique du sérum est la plus avancée.
Épidémiologie Les cancers du poumon sont les plus répandus dans le monde avec 900 000 nouveaux cas par an chez l’homme et 330 000 nouveaux cas par an chez la femme. En France, quatre cancers concernent à eux seuls 50 % des patients : les cancers du sein, du poumon, les cancers colorectaux et de la prostate (fig. 1). Toujours en France, en 2005, on estime que 30 651 nouveaux cas de cancers du poumon ont été diagnostiqués, dont 78 % chez l’homme. Cette même année, on estime qu’il a été à l’origine de 26 624 décès (1). Chez l’homme, le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer. Les effectifs de décès et les taux standardisés de décès ont fortement augmenté jusque dans le milieu des années 1990. La diminution de la prévalence tabagique, amorcée dans les années 1990, est à l’origine de la stagnation des effectifs de décès et de la diminution des taux de mortalité à partir de 1995 (fig. 2) (1). Chez la femme, le fait marquant réside dans la nette progression de la mortalité, résultant du développement du tabagisme féminin à la fin des années 1960 J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Fig. 1. – Nouveaux cas de cancers en France en 2000 et 2005 (source : Institut National du Cancer).
Fig. 2. – Taux standardisés de mortalité par cancer broncho-pulmonaire hommes/femmes en France métropolitaine (source : Atlas de la mortalité par cancer en France métropolitaine. Institut National du Cancer, 2008).
(fig. 2). Tout en restant à des niveaux nettement inférieurs à ceux des hommes, les taux de décès progressent rapidement depuis le début des années 1990. La fréquence a été multipliée par 4 en 10 ans, dans la tranche d’âge de 35 à 45 ans. En France, en 1995, le cancer bronchique était la troisième cause de mortalité chez la femme. La France suit, avec un décalage d’une dizaine d’années, le mouvement amorcé aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons (2). Chez les femmes aux États-Unis, la mortalité par cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer, devant le cancer du sein, depuis 1987. En l’an 2000, aux États-Unis, les taux d’incidence et de mortalité standardisés étaient respectivement de 58,6 et 53,2 chez les hommes et de 34 et
Épidémiologie, facteurs de risque, dépistage des cancers broncho-pulmonaires
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27,2 chez les femmes, avec un sex-ratio de 1,7. En Europe, le sex-ratio varie selon les pays : 1,7 au Danemark, 13,4 en Espagne. La survie à 5 ans du cancer bronchique, tous stades confondus, était de 15,7 % dans la période 1995-2001. Celle-ci s’est améliorée puisqu’elle n’était que de 12,5 % dans la période 1974-1976 (3). Cette survie à 5 ans est étroitement liée au stade établi au moment du diagnostic : elle passe de 49 % à 16 % puis 2 %, selon qu’il s’agit d’un stade localisé, régional ou métastatique. La survie dépend aussi de l’âge, du sexe masculin ou féminin. En France, l’analyse de la distribution des taux masculins de mortalité révèle des disparités régionales fortes (1). Globalement, il existe deux zones séparées par une ligne Le Havre-Marseille. Au nord-est de cette ligne, notamment dans les anciens bassins d’industries lourdes et les anciennes zones de concentrations urbaines et industrielles, les taux sont élevés et toujours supérieurs à la moyenne française (fig. 3). À l’ouest de cette ligne, hormis dans les zones portuaires, les
Fig. 3. – Ratio standardisés de mortalité par cancer broncho-pulmonaire des hommes à l’échelle des zones d’emploi en France métropolitaine (source : Atlas de la mortalité par cancer en France métropolitaine. Institut National du Cancer, 2008).
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taux de décès restent globalement faibles. Les façades maritimes de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée ont une surmortalité, particulièrement dans les zones industrialo-portuaires. Ces faits traduisent le poids de l’industrialisation et de l’urbanisation dans la distribution des cancers du poumon que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne ou le Japon. C’est aussi souligner le poids de l’exposition professionnelle et environnementale dans la survenue du cancer bronchique. Pour les zones littorales, le rôle de l’apport migratoire est probablement à prendre en compte (1). Pour ce qui concerne le cancer bronchique chez la femme, on ne retrouve pas cette répartition géographique liée aux zones industrielles mais plutôt un centrage sur les grandes villes, lié aux habitudes tabagiques plus fortes : bassin parisien, nord-est de la France et pourtour méditerranéen. Les deux types principaux de cancer bronchique sont les carcinomes à petites cellules (CPC) et les carcinomes dits non à petites cellules (CNPC). Les CNPC représentent à eux seuls 85 % de l’ensemble des cas de cancer bronchique (4). Parmi les CNPC, durant les deux dernières décennies, on assiste, dans les pays développés, à une augmentation de la fréquence des adénocarcinomes, aux dépens des carcinomes épidermoïdes (5).
Facteurs de risque Tabac À la fin du XXe siècle, le cancer bronchique était devenu la cause essentielle de cancer qui pouvait être prévenu. Le tabagisme constitue la cause essentielle. Des études britanniques, réalisées dans les années 1950, ont démontré la relation entre tabagisme et survenue du cancer bronchique (6). La durée pendant laquelle on fume semble plus importante que la quantité de cigarettes fumées. Les jeunes fumant de plus en plus tôt, l’âge de survenue de la maladie rajeunit et celle-ci se manifeste dès 40 ans. Des études ont également montré que le tabagisme passif majorait le risque de cancer du poumon de 30 % par rapport à une personne qui évolue dans un entourage indemne de tabac. Dans les pays où la prévalence du tabagisme décroît, comme aux ÉtatsUnis, le cancer bronchique devient plus fréquent chez les anciens fumeurs que chez les fumeurs. Dans une cohorte de 5 000 patients avec cancer bronchique, diagnostiqués entre 1997 et 2002, seulement 25 % étaient des fumeurs et plus de 60 % étaient des anciens fumeurs (7). À l’inverse, dans les pays émergeants et les pays en voie de développement, le tabagisme s’accroît. Ainsi, en Chine, deux tiers des adultes sont fumeurs, représentant un tiers des fumeurs du monde entier et l’incidence du cancer bronchique continue de croître (8). L’utilisation des cigarettes légères n’a pas entraîné de décroissance du risque de cancer bronchique, ces dernières décades. Un rapport de 2004 de l’US Surgeon General concluait que, bien que le contenu des cigarettes ait changé
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ces 50 dernières années, avec un allègement en goudron et en nicotine, le risque de cancer bronchique n’a pas diminué chez les fumeurs (9). Certaines études font apparaître une plus grande susceptibilité des femmes à la fumée de tabac. D’autres montrent des résultats différents. Aux États-Unis, la proportion de cancers bronchiques attribuables au tabagisme actif est pratiquement la même que chez les hommes. Les incidences du cancer bronchique chez les hommes et les femmes, chez les plus jeunes, reflètent les mêmes habitudes tabagiques (10). En Europe, environ 70 % des cancers bronchiques survenant chez les femmes sont attribuables au tabagisme actif contre 85 % chez les hommes, alors qu’en Asie peu de cancers bronchiques chez les femmes sont imputables aux habitudes tabagiques. Deux grandes études de cohorte que sont la Nurse’s Health Study et la Health Professionals Follow-up Study, ainsi que deux études de l’American Cancer Society Cancer Prevention Studies, CPS-I et II, n’ont soit démontré aucune différence de risque lié à la fumée de cigarettes, chez les femmes et chez les hommes, soit, à l’inverse, un risque plus important chez les hommes. Le traitement hormonal substitutif a des effets controversés sur le risque de développement d’un cancer bronchique : certaines études montrant un excès de risque, d’autres ne montrent aucune influence voire un effet protecteur (5). Il est possible que les cigarettes mentholées, consommées essentiellement par les femmes, soient à l’origine d’un excès de risque de cancer bronchique mais les résultats sont contradictoires d’une étude à l’autre (5). Le tabagisme passif a été mis en évidence dès 1981, à la suite de deux études montrant un excès de risque de cancer bronchique chez des femmes non fumeuses, mariées à des fumeurs (11). En 1984, le tabagisme environnemental a été classé comme carcinogène par la US Environmental Protection Agency. Le nombre de cancers bronchiques liés au tabagisme passif est estimé à 3 000 par an aux États-Unis. Une méta-analyse de 2002 a estimé à 25 % le risque accru de cancer bronchique chez les femmes non fumeuses soumises à un tabagisme environnemental (12).
Autres facteurs de risque Il est vraisemblable que l’usage régulier du cannabis constitue un facteur de risque. La fumée de cannabis contient quatre fois plus de goudrons que celle du tabac (environ 50 mg de goudrons dans un joint, 12 mg dans une cigarette) et renferme davantage de cancérigènes. De plus, le principe actif du cannabis – le tétrahydrocannabinol (THC) – dilate les bronches, ce qui facilite la pénétration de la fumée et de ses toxiques. Le radon est le premier carcinogène domestique à l’origine de pollution intérieure (13). Le radon-222 est un gaz inerte produit par le radium, luimême produit par la décroissance radioactive de l’uranium. Le radon remonte du sol, dans les maisons, au travers des fondations. Le lien avec le cancer bronchique a d’abord été démontré chez les mineurs extrayant l’uranium et
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exposés à de fortes concentrations de radon. Une analyse poolée de 13 études européennes cas-contrôles a montré que le risque de cancer bronchique augmentait de façon linéaire avec l’exposition au radon. L’effet du radon est identique chez les fumeurs et les non-fumeurs, quel que soit le sexe. Chez les fumeurs, le risque est accru du fait de l’augmentation basale du risque de cancer bronchique (14). Les cancers d’origine professionnelle sont dus à l’arsenic, l’amiante, les chromates, les dichlorométhyle éthers, le nickel, les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Les études cas-contrôles ont estimé que 9 à 15 % des cancers bronchiques sont d’origine professionnelle aux États-Unis (15). L’arsenic est susceptible de contaminer les eaux souterraines, notamment dans les pays à faible revenu, comme au Bangladesh. L’ingestion d’eau contaminée entraîne des désordres cutanés et par la suite différents cancers dont le cancer bronchique par l’inhalation de vapeurs d’eau contaminée mais aussi par l’inhalation de pesticides ou le traitement du bois. L’amiante est un cancérigène bronchique bien connu. On estime que, de par le monde, 20 à 40 % des travailleurs ont été exposés dans leur vie professionnelle à des fibres d’amiante. On estime que 100 000 personnes meurent chaque année de cancers liés à l’amiante. La survenue de cancers bronchiques est caractérisée par une longue période de latence, de l’ordre de 20 ans. Le risque de cancer bronchique est corrélé à l’intensité de l’exposition (16). L’exposition à l’amiante et le tabagisme sont deux carcinogènes bronchiques synergiques. La fumée de tabac pourrait augmenter la rétention pulmonaire des fibres d’amiante. Pour d’autres expositions, le risque est moins clair. Plusieurs études semblent montrer un risque accru de cancer bronchique en cas d’exposition aux vapeurs d’essence diesel (17). L’exposition à la silice constitue un risque moins clair. Toutefois, une méta-analyse a montré un risque multiplié par deux et la silice a été classée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme un carcinogène (18). La pollution atmosphérique est également incriminée en milieu urbain par combustion des hydrocarbures, par la pollution par des métaux tels que l’arsenic, le nickel et le chrome, mais aussi dans les pays à faible revenu, du fait des fumées de combustion du bois et du charbon. Urbanisation et mortalité par cancer bronchique sont liées (19). Des études cas-témoins l’ont montré même s’il existe des facteurs confondants tels que le tabac et l’exposition professionnelle. Dans une étude réalisée dans six villes américaines, le risque ajusté de mortalité par cancer bronchique fait apparaître un risque multiplié par 1,4 dans les villes les plus polluées (20). D’autres études n’ont pas retrouvé une augmentation du risque en milieu urbain. Beaucoup d’études ont porté sur le lien entre cancer bronchique et alimentation. Les faits les plus clairs portent sur le rôle préventif de la consommation de fruits et de végétaux. Les résultats les plus probants ont été obtenus dans la cohorte européenne nommée European Prospective Investigation Into Cancer and Nutrition Study (21). Fruits et végétaux sont riches en antioxydants. On a pu montrer que les flavonoïdes, qui sont des antioxydants, ont un effet protecteur,
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certes modeste. En revanche, l’effet de l’alcool n’est pas démontré du fait qu’il interfère beaucoup avec le tabagisme (5). Il est vraisemblable que des facteurs génétiques jouent un rôle, ce qui pourrait expliquer que des fumeurs ne soient jamais atteints ou que des non-fumeurs le soient. Des études épidémiologiques ont montré une susceptibilité familiale, d’autres n’ont pas retrouvé de lien. Une étude réalisée à Détroit a retrouvé un lien au niveau de la première génération avec un odd-ratio de 1,4 (22). Le lien est plus net pour la tranche 40 à 59 ans. Les progrès dans la connaissance des déterminants génétiques ont permis de mettre en évidence la séquence des changements moléculaires et cellulaires qui déterminent la susceptibilité au développement d’un cancer bronchique. Les biomarqueurs témoins d’exposition, les dosages des substances initiatrices, les anomalies génétiques engendrées, ont permis de mettre à jour les voies de la carcinogenèse et développer les mesures préventives.
Dépistage Il n’existe aucune méthode reconnue pour le dépistage du cancer bronchique. Pourtant, il existe de bonnes raisons de penser qu’un dépistage précoce est susceptible d’améliorer son pronostic. La survie à 5 ans n’est que de l’ordre de 15 %. Les symptômes ne sont pas spécifiques et apparaissent à un stade souvent avancé. Dans 80 % des cas, il existe déjà des métastases au moment du diagnostic. Dans les séries chirurgicales, 80 % des tumeurs T1 N0 peuvent être guéries par résection chirurgicale. Mais les séries chirurgicales de tumeurs de stade I ne sont pas des séries de tumeurs issues du dépistage et les résultats ne sont pas extrapolables. Seul, le Japon a institué un dépistage à grande échelle depuis quelques années mais le recul est encore insuffisant pour évaluer la survie de ces patients ainsi détectés (23-25). De plus, il ne s’agit pas d’études randomisées. Le bénéfice d’un test de dépistage est évalué. Tout d’abord, il faut qu’il bénéficie aux patients qui ont la maladie, en particulier en matière de durée de survie. Pour prolonger la survie, le test de dépistage doit être capable de détecter la maladie à un moment où le traitement appliqué va modifier son histoire naturelle. En second, le test de dépistage ne doit pas être dangereux. Il ne doit pas engendrer de nombreux faux positifs à l’origine d’angoisse et d’explorations invasives. Enfin, ce test de dépistage doit être économiquement acceptable pour l’ensemble de la population quand il bénéficie à une tranche particulière de la population générale, ici des fumeurs.
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Radiographie de thorax Dans les années 1970, le dépistage du cancer bronchique par la radiographie thoracique et/ou la cytologie de l’expectoration ont été évalués dans le cadre de quatre grandes études randomisées comportant chacune 10 000 sujets. Trois études étaient nord-américaines : le Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC) Lung Cancer screening Program, le Johns Hopkins Lung Project et le Mayo Lung Project. Une étude était européenne : la Czechoslovak Lung Study. Les études du MSKCC et du Johns Hopkins comparaient radiographie de thorax seule contre radiographie plus cytologie de l’expectoration. Dans ces deux études, il n’y avait aucune différence dans le nombre des cancers détectés, la fraction des cancers résécables et la mortalité spécifique par cancer (26-28). La cytologie classique de l’expectoration n’apportait aucun bénéfice. Le Mayo Lung Project avait pour but d’évaluer l’impact de la radiographie de thorax combinée à la cytologie de l’expectoration (29). Chez les 10 933 sujets inclus, ont été détectés 91 cancers prévalents (0,83 %). Les sujets négatifs ont ensuite été randomisés entre radiographie et cytologie tous les 4 mois durant 6 ans, versus radiographie et cytologie annuelles. La mortalité spécifique n’était pas différente entre les deux groupes : 3,2 pour 1 000 personnes et par année dans le groupe « 4 mois » contre 3,0 pour 1 000 dans le groupe annuel. Une analyse de la même cohorte, 15 ans plus tard n’a pas montré de différence : 4,4 pour 1 000 personnes par année contre 3,9, respectivement (30). Dans la Czechoslovak Lung Study, les sujets étaient randomisés entre radiographie de thorax et cytologie des expectorations tous les 6 mois contre un screening initial et trois ans plus tard. Les résultats ont été similaires à ceux du Mayo Lung Project : plus de cancers détectés dans le bras « 6 mois » incluant un plus grand nombre de stades I, mais pas de différence dans la mortalité spécifique (31). En conclusion, ces quatre études n’ont pas permis de montrer un gain en mortalité spécifique, en sachant qu’aucune d’entre elles n’a comporté véritablement un bras contrôle sans aucune intervention. Ces études ont été l’objet d’intenses controverses. C’est pourquoi le National Cancer Institute (NCI) a inclus dans son programme PLCO (Prostate, Lung, Colorectal, Ovarian) une réévaluation de la radiographie de thorax (32). Les résultats définitifs ne sont pas encore connus.
Scanner thoracique La tomodensitométrie thoracique permet une détection et une caractérisation des nodules pulmonaires à partir de 2 mm de diamètre. Si le scanner a une sensibilité très élevée, il a une spécificité faible. Hormis les cas, assez rares, où les nodules ont des aspects suggérant leur bénignité (calcifications) ou leur malignité (contours spiculés), les deux seules façons de juger de la nature d’un nodule sont la taille et son évolution par des méthodes de calcul volumique. Plusieurs études récentes de cohortes, sans groupe contrôle, ont permis d’évaluer le scanner à faible dose sur la découverte de nodules et de cancers (tableau I).
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Tableau I. – Dépistage par scanner hélicoïdal à faibles doses. Auteurs ; année (réf.)
Nbre de sujets n (%)
Mode de dépistage n (%)
Nodules n (%)
Cancers bronchiques n (%)
Stades I (%)
Sone, 2001 (23)
5 483 8 303
LDCT prévalent LDCT incident
279 (5,1) 309
22 (0,4) 37 (0,6)
100 86
Sobue, 2002 (24)
1 611 7 891 1 611 7 891
RT prévalente RT incidente LDCT prévalent LDCT incident
55 (3,4) 202 186 (11,5) 721
5 (0,3) 3 (0,2) 13 (0,8) 19 (0,2)
60 0 77 79
Nawa, 2002 (25)
7 956 5 568
LDCT prévalent LDCT incident
2 099 (26,4) NR
36 (0,5) 4 (0,1)
86 100
Henschke, 1999 (33)
1 000 1 000 1 184
RT prévalente LDCT prévalent LDCT incident
68 (6,8) 237 (23,7) 40 (3,4)
7 (0,7) 31 (3,1) 9 (0,9)
NR 85 67
Swenson, 2002 (34)
1 520
LDCT prévalent LDCT incident à 5 ans
782 (51,4)
27 (1,8)
68
3 356 (220)
33 (2,2)
71
Diederich, 2002 (35)
817
LDCT prévalent
350 (43)
11 (1,3)
58
Henschke, 2006 I-ELCAP (37)
31 567 27 456
LDCT prévalent LDCT incident
NR NR
405 (1,3) 74 (0,3)
86 86
285 336
RT prévalente LDCT prévalent
21 (7,4) 152 (45)
1 (0,3) 8 (2,4)
100 50
3 246
LDCT prévalent
NR
144 (4,3)
NR
Blanchon, 2007 (36) Bach, 2007 (38)
RT = radiographie de thorax ; LDCT = scanner hélicoïdal à faibles doses ; NR = non rapporté.
Les Japonais ont été les premiers à introduire en pratique et de façon massive le scanner comme méthode de dépistage du cancer bronchique. Il s’agit de grandes séries mais aucune n’est randomisée. Ils ont montré la grande sensibilité de ce scanner, capable de détecter des cancers à des stades précoces, dont le diamètre moyen est inférieur à 20 mm. Trois grandes séries japonaises (2325) ont inclus hommes et femmes de plus de 40 ans, fumeurs et non fumeurs. Sur un total de 15 050 scanners initiaux, 993 (6,6 %) montraient des anomalies parmi lesquelles 71 cancers furent identifiés. Dans ces trois études, la prévalence du cancer bronchique a été de 0,4 %, 0,5 % et 0,8 % et l’incidence de 0,1 %, 0,2 % et 0,6 %. Le taux de stades I était de 77 à 100 %. Dans l’étude ELCAP (Early Lung Cancer Action Program), chez 1 000 sujets fumeurs ou anciens fumeurs, 1 à 6 nodules pulmonaires non calcifiés ont été détectés chez 233 sujets (23 %), lors du scanner initial. Le diagnostic de cancer a été retenu chez 27 sujets dont 23 cancers de stade I et 26 résécables, soit une prévalence de 2,7 % (33). Le New Mayo Lung Project avait pour but d’évaluer le dépistage par le scanner à faible dose et la cytologie de l’expectoration. Il s’agissait de femmes et d’hommes de plus de 50 ans, ayant un passé tabagique d’au moins 20 paquets-
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Oncologie thoracique
année. Au moins un nodule pulmonaire non calcifié de 3 mm de diamètre ou plus, était détecté chez 51 % des 1 520 sujets inclus dans l’étude. Il s’agissait d’un cancer chez 1,8 % des personnes incluses (34). Les scanners répétés durant 5 ans ont permis de découvrir, au total, 3 356 nodules : 61 % étaient de moins de 4 mm, 34 % de 4 à 7 mm, 5 % de 8 à 20 mm. Soixante-trois cancers bronchiques ont été découverts chez 63 sujets : 30 cancers prévalents, 30 cancers incidents et 3 dans l’intervalle. Soixante-huit pour cent des cancers prévalents et 71 % des cancers incidents étaient des carcinomes non à petites cellules de stade I. En Allemagne, les résultats de Diederich étaient similaires à ceux du Mayo Lung Project (35) : 43 % de sujets avec des nodules prévalents. En France, l’étude DEPISCAN était une phase pilote randomisée qui a recruté 784 sujets. Dans le bras scanner, 49,8 % des sujets avaient des nodules, soit un pourcentage voisin de celui du Mayo Lung Project (51,4 %) ou de l’étude de Diederich (43 %). Neuf cancers ont été découverts dont seulement 4 au stade I (36). Le volet international d’ELCAP (International Early Lung Cancer Action Program) a regroupé 31 567 sujets asymptomatiques à risque : 27 456 scanners ont été répétés à 7 et 18 mois ; 479 cancers ont été dépistés dont 86 % de stades I. Le suivi médian a été de 40 mois. La survie à 10 ans de ces stades I a été de 88 % (37). Bach et al. ont publié en 2007 le résultat d’un scanner annuel chez 3 246 fumeurs ou anciens fumeurs asymptomatiques avec un suivi médian de 3,9 ans (38). Les résulats ont été comparés aux résultas attendus d’une population à haut risque sur la base d’un modèle prédictif de cancers attendus. Un total de 144 cancers a été diagnostiqué, 44 selon le modèle prédictif. Il y eut 109 résections, soit 10 fois plus que le nombre attendu mais aussi 42 cancers à un stade avancé (33 cas attendus) et 38 décès (39 décès attendus). Les conclusions ont été que le scanner est susceptible d’augmenter le nombre de cancers diagnostiqués et opérés mais ne diminue pas le nombre de cancers à un stade avancé et le nombre de décès. Aux États-Unis, un vaste essai randomisé, le National Lung Screening Trial (NLST) a débuté en 2002, incluant 50 000 sujets, fumeurs ou ex-fumeurs. Les sujets sont randomisés en deux bras, l’un bénéficiant d’un scanner hélicoïdal annuel durant 3 années consécutives et l’autre bénéficiant d’une radiographie thoracique. Le NLST est sponsorisé conjointement par le NCI et l’American College of Radiology Imaging Network (ACRIN). Les résultats ne seront connus qu’à partir de 2013. Un autre essai randomisé est le NELSON trial qui a débuté en 2003. À la différence du NLST, le bras contrôle n’a pas de radiographie de thorax. L’autre particularité de cet essai est de prévoir une mesure volumique semi-automatique des nodules détectés. Au total, le dépistage du cancer bronchique par scanographie représente un sujet de profonde réflexion. Un progrès technologique, à lui seul, ne justifie pas son utilisation à des fins de santé publique sans précaution d’ordre scientifique. D’inévitables questions éthiques surgissent entre les partisans d’une prévention
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primaire (arrêt du tabagisme) et ceux qui voudraient développer malgré tout une prévention secondaire (dépistage). En attendant le résultat du NLST et du NELSON trial, le dépistage scannographique ne peut être recommandé.
Dépistage : autres méthodes que l’imagerie Si le scanner thoracique constitue actuellement le standard des méthodes de dépistage, d’autres méthodes non invasives sont envisagées. La protéomique est l’analyse des protéines exprimées par le génome, dans une cellule ou un tissu. Le génome synthétise une grande quantité d’ARNm identifiée sous forme de transcriptome. La machine transcriptionnelle va ensuite produire des protéines. Le génome humain est constitué d’environ 35 000 gènes. En moyenne, seulement 10 % de ces gènes s’expriment dans les cellules différenciées, aboutissant à 2 000 à 5 000 protéines issues de cette traduction primaire. Les modifications post-traductionnelles multiplient par 5 à 10 le nombre de protéines différentes chimiquement et parfois porteuses d’une activité biologique. Mais 80 % de ces protéines ne sont pas spécifiques d’un type cellulaire. C’est le cas des protéines dites de ménage, souvent fortement exprimées car essentielles à la vie cellulaire. Finalement, seulement 500 à 1 000 protéines sont caractéristiques d’un type cellulaire, ce qui représente environ 100 000 protéines d’intérêt dans le corps humain. L’étude de ces protéines constitue la protéomique fonctionnelle et qui traduit les différences d’expression en fonction de l’environnement et des conditions de vie. L’analyse des peptides se fait par spectrométrie de masse qui permet de déterminer leur masse après hydrolyse des protéines par une protéase. L’identité des peptides peut être retrouvée par la connaissance des sites de coupure par la protéase. L’automatisation de cette technique d’identification correspond à ce que l’on appelle la protéomique à haut débit, menant à identifier plusieurs centaines de protéines dans une même série. La masse des peptides est obtenue par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF-MS (Matrix-Assisted Laser Desorption/Ionization-Time of Flight-Mass Spectrometry). L’analyse protéomique a permis de mettre en évidence des modifications d’expression liées à la présence du cancer bronchique (39). Cette technique n’a pas encore été évaluée en temps que méthode de dépistage. Cependant les résultats obtenus dans les cancers constitués permettent d’espérer. Sur coupes de tissu congelé, l’équipe de D. Carbone a montré un profil protéique différent en comparant 79 tumeurs et 14 tissus normaux (40). Par technique MALDI-TOFMS, ils ont obtenu 1 600 pics protéiques regroupés en 15 profils différents selon qu’il s’agissait de tissu normal ou de tumeur de nature épidermoïde, adénocarcinomateuse ou à grandes cellules. Ils ont identifié trois protéines pouvant servir de marqueur : small ubiquitin-related modifier-2 (SUMO-2), thymosinbeta 4 et une ubiquitine.
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Oncologie thoracique
Par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF-MS, des coupes de tissu congelé ont été analysées à partir de 25 poumons normaux, 29 épithélia bronchiques normaux, 20 lésions pré-invasives et 6 tumeurs bronchiques. La valeur prédictive positive du profil protéique a été de 90 % pour toutes les catégories de biopsies, permettant de différencier les différents types et de différencier les lésions pré-invasives entre elles (41). Ces résultats concernent donc des biopsies. L’analyse protéomique du sérum est en cours de validation (42). Mais pour l’instant, identifier des profils particuliers aux tumeurs ne veut pas dire que ces profils vont permettre de dépister une tumeur à un stade infraclinique. Ces protéines peuvent être spécifiques des cellules tumorales constituant une signature tumorale, ou non spécifiques, produites en particulier par l’environnement tumoral et de nature plutôt inflammatoire. Par ailleurs, si la validation de la protéomique a été faite sur des biopsies, elle ne l’a pas encore été sur le sang. La difficulté vient de la concentration sérique variable de ces protéines. D’autres méthodes que la protéomique sont à l’étude. Vachani et al. (43) se sont intéressés à l’expression génique des cellules mononucléées du sang circulant. Le principe de cette technique a déjà été envisagé dans les lymphomes cutanés, les cancers du rein et de la vessie. Il repose sur le fait que les lymphocytes circulants sont en contact avec le cancer et ont une « signature » ARN particulière. En comparant des cancers pulmonaires à des stades précoces ou tardifs et des cas contrôles, le degré d’exactitude varie de 78 % à 85 % selon qu’il est fait référence à 2 670 ou à 15 gènes. Il est, semble-t-il, plus facile de distinguer les stades tardifs de cancer par rapport aux sujets contrôles. Cette étude nécessite cependant une validation externe des résultats. Par méthode FISH, il est possible de rechercher les modifications chromosomiques 3p22.1, 10q22-23 et des centromères 3 et 10, sur les cellules de l’expectoration (44). Les cellules bronchiques exfoliées de cancers bronchiques ont montré des anomalies génétiques à un taux plus élevé que les contrôles : le taux d’anomalies 3p et 10q atteignait 4 % et 3,1 % des cellules. Combinée avec la cytologie, la sensibilité des anomalies 3p et 10q était de 91,7 % et 81,8 % et la spécificité de 88,9 % et 82 %, respectivement. La combinaison des deux aboutit à une sensibilité et une spécificité de 100 % et 89 %. Il reste à valider ces techniques pour tenter d’identifier des populations à haut risque. L’analyse en SELDI-TOF (Surface Enhanced Laser Desorption Ionization) du surnageant de l’expectoration induite a permis de différencier des cancers bronchiques des sujets contrôles à risque de cancer avec une sensibilité de 96 % et une spécificité de 65 % (45). C’est une méthode sensible et prometteuse pour détecter de façon précoce les sujets à risque. Une autre approche serait de s’intéresser aux cellules de la muqueuse buccale (46). Le groupe de Backman a développé une technique originale appelée « partial wave spectroscopy » (PWS) qui permet une analyse quantitative de l’architecture cellulaire (47). Le principe appelé « light-scattering spectroscopy » consiste à diriger une lumière polarisée soit sur une coupe histologique, soit sur des cellules isolées comme dans une expectoration. L’élément cellulaire analysé est le noyau dont il est possible de tracer une courbe de répartition de la
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taille et différencier des cellules normales, de cellules ou tissus comportant des dysplasies. Les cellules de la muqueuse buccale, ainsi analysées par PWS chez des patients présentant un risque de cancer bronchique montrent des anomalies morphologiques qui vont en augmentant en fonction du risque de cancer bronchique. C’est une méthode non invasive de détection précoce du cancer bronchique dont l’intérêt est sa relative simplicité.
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Oncologie thoracique
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Épidémiologie, facteurs de risque, dépistage des cancers broncho-pulmonaires
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Prise en charge du nodule pulmonaire isolé A.-M. Ruppert, U. Lerolle, P. Créquit, A. Lavolé, V. Gounant et B. Milleron
Points essentiels Le nodule pulmonaire se définit par une opacité sphérique de moins de 3 cm de diamètre. Le taux de malignité du nodule varie entre 1,1 et 12 %. L’exploration, invasive ou non, du nodule doit être orientée en fonction du contexte du patient, de sa probabilité de cancer et de la taille du nodule : • Pour les nodules de taille inférieure à 10 mm, une surveillance scanographique est indiquée pour une durée de 2 ans. En cas de stabilité, le nodule est considéré comme bénin et le suivi est arrêté, sauf en cas d’opacités en verre dépoli qui peuvent révéler des carcinomes bronchiolo-alvéolaires à croissance lente. La TEP-FDG et la biopsie transthoracique ne sont pas recommandées. • Pour les nodules de taille supérieure à 10 mm, une preuve histologique par fibroscopie bronchique et/ou par ponction transthoracique sous scanner est nécessaire. Si la ponction sous scanner est non contributive ou non réalisable, la conduite à tenir dépendra du risque de cancer du patient et des résultats de la TEP-FDG : • En cas de probabilité de cancer faible (absence de tabagisme et d’antécédents néoplasiques), l’absence de fixation du nodule à la TEP-FDG est en faveur de sa bénignité. Dans ce cas, une simple surveillance scanographique sera proposée. En revanche, l’existence d’une hyperfixation du nodule à la TEP-FDG doit conduire à une exploration chirurgicale du nodule. • En cas de probabilité de cancer élevé et si le risque opératoire est faible, une exploration chirurgicale doit être proposée quel que soit le résultat de la TEP-FDG. Si le risque opératoire est élevé, la TEP-FDG permettra de mieux apprécier le rapport bénéfice/risque et de juger de l’intérêt de l’exploration chirurgicale.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction La découverte fortuite d’un nodule pulmonaire isolé au cours d’un bilan de pathologies respiratoires est une problématique à laquelle le médecin est souvent confronté. La grande sensibilité du scanner thoracique en est la raison essentielle. Les premières études japonaises concernant le dépistage du cancer du poumon ont montré que le scanner thoracique était quatre fois plus sensible que la radiographie dans la détection du nodule pulmonaire (1, 2). Des recommandations ont été récemment proposées par l’American College of Chest Physicians (ACCP) pour le diagnostic et le suivi de nodules pulmonaires (3, 4). L’objectif du pneumologue lors de la découverte d’un nodule pulmonaire solitaire est double : détecter les cancers bronchiques curables de petite taille et éviter des explorations invasives, source de complications, dans les nodules bénins.
Définition Le nodule pulmonaire isolé se définit par une opacité sphérique, de moins de 3 cm de diamètre, qui est entourée par du parenchyme pulmonaire. Celui-ci ne doit pas s’associer à une atélectasie, un épanchement pleural ou un élargissement hilaire (5). Les nodules sont classés par taille : les macronodules d’un diamètre supérieur à 10 mm et les micronodules inférieurs à 10 mm. Depuis l’avènement du scanner hélicoïdal, plus sensible, la découverte de nodules inférieurs ou égaux à 4 mm est devenue fréquente. Leur significativité clinique reste à étudier (6). Toute opacité de plus de 3 cm est appelée masse et son origine néoplasique doit être suspectée. Les nodules pulmonaires peuvent être malins ou bénins, et correspondent à des étiologies variées.
Épidémiologie Dans les études de dépistage du cancer bronchique par scanner thoracique, la prévalence du nodule pulmonaire varie entre 8 et 51 % (3, 7-10). De même, le taux de malignité de ces nodules est compris entre 1,1 et 12 % (3, 7-10). Ces variations s’expliquent par les méthodologies utilisées et par la diversité des populations étudiées, notamment le pourcentage de fumeurs et la fréquence des granulomatoses ou d’autres pathologies à l’origine de nodules bénins. Ainsi, dans une étude menée aux États-Unis, en région d’endémie d’histoplasmose, 69 % des sujets présentaient des nodules dont seulement 4 % étaient malins (7). En revanche, la prévalence de nodules pulmonaires était de 23 % lors du screening initial de l’Early Lung Cancer Action Project (ELCAP) et 12 % de ces nodules étaient malins (8, 9).
Prise en charge du nodule pulmonaire isolé
35
Étiologies des nodules pulmonaires solitaires La majorité des informations concernant l’étiologie des nodules pulmonaires solitaires provient des études évaluant la TEP-FDG (d’une tomographie par émission de positons au 118-fluoro-2-désoxy-d-glucose). En effet, ces études comprenaient de larges cohortes de patients avec des nodules pulmonaires et associaient une analyse anatomopathologique de la pièce opératoire (4, 11, 12). Les principales causes de nodules pulmonaires bénins sont les granulomes non spécifiques (25 %), les infections granulomateuses actives dont la tuberculose, l’aspergillose ou l’histoplasmose (15 %) et les tumeurs bénignes telles que les hamartomes, les hamartochondromes ou rarement les hémangiomes (15 %). Les autres étiologies sont représentées par les kystes bronchogéniques, les inflammations non spécifiques, les abcès pulmonaires, les pneumonies, les atélectasies rondes, les infarctus pulmonaires guéris ou les malformations artério-veineuses (4) (tableau I). Tableau I – Étiologies des nodules pulmonaires solitaires. Nodules malins
Nodules bénins
– Adénocarcinomes (47 %) – Granulomes non spécifiques (25 %) – Carcinome épidermoïde (22 %) – Infection granulomateuse (15 %) : – Métastase solitaire (8 %) histioplasmose, aspergillose, tuberculose – Carcinome indifférencié (7 %) – Hamartome (15 %) – Cancer bronchique à petites cellules (4 %) – Carcinome bronchiolo-alvéolaire (4 %) Causes moins fréquentes ou rares : – Carcinome à grandes cellules – Tumeur carcinoïde – Lymphome intrapulmonaire – Carcinome adénoquameux – Carcinome adénoïde kystique – Tératome malin…
Causes moins fréquentes ou rares : – Inflammation non spécifique – Séquelle fibreuse – Atélectasie ronde – Pneumonie ronde – Infarctus pulmonaire guéri – Malformation artério-veineuse – Pneumoconiose – Nodule rhumatoïde…
Dans ces mêmes études, les principales étiologies des nodules malins sont les adénocarcinomes (47 %), les carcinomes épidermoïdes (22 %), les métastases solitaires (8 %), les carcinomes indifférenciés (7 %), les cancers bronchiques à petites cellules (4 %) et les carcinomes bronchiolo-alvéolaires (4 %). Parmi les nodules malins peuvent également être trouvés des carcinomes à grandes cellules, des tumeurs carcinoïdes, des lymphomes intrapulmonaires, des carcinomes adéno-squameux, des cystadénocarcinomes ou des tératomes malins (4) (tableau I).
36
Oncologie thoracique
Explorations du nodule pulmonaire solitaire Scanner thoracique Le but du scanner thoracique est de caractériser un nodule pulmonaire par sa taille, ses contours, ses caractéristiques internes (densité, calcifications, etc.) et sa prise de contraste, afin de prédire sa nature bénigne ou maligne. Des examens itératifs permettent de plus de juger de sa croissance.
Taille La taille du nodule est le principal élément prédictif de la malignité. Différentes études montrent que le risque néoplasique augmente proportionnellement avec la taille (3). Ainsi, la prévalence de malignité des nodules de moins de 5 mm est faible (entre 0 et 1 %), moyenne pour les nodules de 5 à 10 mm (6 à 28 %) et élevée pour les nodules de plus de 2 cm (64 à 82 %) (5, 9-10, 14-17) (tableau II). Tableau II – Prévalence de nodules malins en fonction de la taille du nodule.
Études
Nombre
Nombre
de
de
participants nodules Henschke et al. 2004 (13)
2 897
616
Prévalence globale de
Taille
malignité
du nodule
(%) 2,8
Nodules (par taille)/Nodules (total)/(%)
Prévalence de malignité (%)
<5mm
61 % (378/616)
0
5-10 mm
39 % (238/616)
6
<10 mm
56 % (45/80)
31
10-15 mm
28 % (22/80)
64
16-20 mm
12 % (10/80)
60
>20 mm
4 % (3/80)
67
Henschke
2-5 mm
58 % (136/233)
0,7
et al.
6-10 mm
30 % (70/233)
20
11-20 mm
9 % (22/233)
45
21-45 mm
2 % (5/233)
80
Takashima et al. 2003
13 786
39
39
(14)
1999/2002
233
233
12
(8, 15) Suzuki et al. 1999 (42)
92
92
39
<5 mm
2 % (2/92)
100
5-<10 mm
32 % (29/92)
21
10-<20 mm
53 % (49/92)
41
>20 mm
12 % (11/92)
64
Prise en charge du nodule pulmonaire isolé
Études
Nombre
Nombre
de
de
participants nodules
Prévalence globale de
Taille
malignité
du nodule
(%) 0-1 cm
Zerhouni et al. 1986 (43, 44)
1-2 cm 369
384
60
2-3 cm 3-6 cm Non connue
Siegelman et al. 1986 (16)
720
720
56
Nodules (par taille)/Nodules (total)/(%)
37
Prévalence de malignité (%)
25 % (73/295)
55
32 % (94/295)
51
17 % (49/295)
82
12 % (12/295)
97
3 % (5)
65
5-10 mm
18 % (113/634)
28
11-15 mm
31 % (197/634)
44
16-20 mm
19 % (121/634)
51
21-25 mm
11 % (72/634)
82
25-30 mm
10 % (61/634)
82
>30 mm
11 % (70/634)
93
Dans l’étude ELCAP portant sur le dépistage scanographique chez des fumeurs actuels ou sevrés, 11/46 (24 %) nodules de 6 à 10 mm sont des cancers contre 4/5 (80 %) de ceux qui dépassent 20 mm. Seulement 5 % des nodules malins mesuraient moins de 6 mm (9). Dans une publication plus récente, les mêmes auteurs évaluent plus particulièrement le risque de malignité des nodules en fonction de leur taille. Aucun des nodules de moins de 5 mm n’était malin (13). Les auteurs suggéraient qu’une réévaluation scanographique 12 mois plus tard était suffisante pour s’assurer de l’absence d’évolutivité des nodules de moins de 5 mm.
Contours des nodules Le taux de malignité est augmenté lorsque les nodules présentent des contours spiculés, lobulés ou irréguliers (33 à 100 %) (4, 14-17) (fig. 1). Il est plus faible si les contours sont réguliers (20-30 %) (4). Ce critère reste toutefois moins fiable que la taille de la tumeur.
Caractéristiques internes Dans les nodules pulmonaires solitaires, différentes densités peuvent être distinguées : tissulaire, mixte ou en verre dépoli (fig. 1). La prévalence de malignité est habituellement plus élevée dans les nodules en verre dépoli (59 à 73 %) par rapport aux nodules tissulaires (7 à 9 %) (4, 14-16). Dans 70 à 100 % des cas, l’histologie des nodules en verre dépoli correspond à des adénocarcinomes avec composante bronchiolo-alvéolaire ou à des carcinomes bronchiolo-alvéolaires purs (4, 14-16).
38
Oncologie thoracique
Fig. 1 – Différentes caractéristiques morphologiques des nodules bénins et malins. A. Contours réguliers (tuberculome). B. Contours lobulés (adénocarcinome). C. Contours spiculés (adénocarcinome). D. Nodule mixte tissulaire et en verre dépoli (adénocarcinome avec composante bronchiolo-alvéolaire). E. Calcifications en « popcorn » (tumeur carcinoïde typique). F. Densité graisseuse sans calcifications (hamartochondrome).
Prise en charge du nodule pulmonaire isolé
39
L’existence de calcifications (densité > 300 unités Hounsfield) est souvent associée à des lésions bénignes (17). Plusieurs types de calcifications sont décrits : centrales, périphériques, diffuses, lamellaires, ponctuées et en « popcorn » (fig. 1 et 2). Les calcifications centrales, diffuses, lamellaires ou en « popcorn » sont en faveur de la nature bénigne du nodule, les trois premières sont retrouvées dans les granulomes post-infectieux (tuberculeux ou histoplasmose) et la dernière dans les hamartochondromes. Cependant, 38 à 63 % des nodules bénins ne sont pas calcifiés. En plus, des calcifications périphériques ou ponctuées sont détectées au scanner dans 6 % des cancers bronchiques et 30 % des tumeurs carcinoïdes (17). Ainsi, seule la présence d’un nodule entièrement calcifié permet d’affirmer sa bénignité (lésion granulomateuse ancienne), sauf en cas d’antécédent d’ostéosarcome ou d’un carcinome thyroïdien qui peuvent donner des métastases calcifiées. D’autres caractéristiques morphologiques peuvent être décrites. La présence d’une composante graisseuse au sein du nodule (-40 à -120 unités Hounsfield) est un argument en faveur d’un hamartochondrome, en particulier en cas de calcifications associées (17). Les opacités excavées sont trouvées à la fois dans les lésions bénignes et malignes. Les nodules bénins excavés présentent généralement une cavité à paroi fine (< 4 mm), alors que dans les nodules malins, la paroi est souvent irrégulière et épaisse (> 4 mm). L’existence d’une pseudocavitation ou d’un bronchogramme aérien au sein du nodule est évocatrice de carcinome bronchiolo-alvéolaire ou de lymphome, mais peut aussi être retrouvée au cours de pneumopathies infectieuses ou inflammatoires.
Fig. 2 – Différents types de calcifications dans les nodules pulmonaires.
40
Oncologie thoracique
Nombre de nodules Le suivi des patients a confirmé que la découverte simultanée d’un grand nombre de nodules chez un sujet sain était un argument en faveur de leur bénignité. Dans l’étude ELCAP, la découverte de plus de six nodules chez un sujet en bonne santé était en faveur de leur bénignité. Les nodules sont alors probablement d’origine inflammatoire (9).
Croissance du nodule Il est essentiel de comparer les éventuels examens d’imageries antérieures chez un patient qui présente un nodule pulmonaire. En effet, les nodules pulmonaires qui sont stables depuis 2 ans ou plus ne nécessitent pas de bilan complémentaire (18). Le temps de doublement des nodules malins varie entre 30 et 400 jours (3). Celui-ci peut être calculé à partir du diamètre du nodule mesuré sur le scanner initial (d1) et sur le scanner actuel (d2), réalisés à un intervalle de temps t (en jours), et est égal à : t x log2/[3x (log (d2/d1))]. Différents sites internet permettent d’évaluer ce temps, notamment le site http://www.chestxray.com/SPN/SPNProb.html. Cependant, il existe des cas de cancers avec un temps de doublement plus lent. Il est possible que des nodules cancéreux, en particulier les carcinomes bronchiolo-alvéolaires, restent stables pendant plus de 2 ans avant d’évoluer. L’observation de tels nodules était rare dans l’étude de Henschke et al. avec deux cas décrits parmi 363 nodules non calcifiés (8, 9). En revanche, dans l’étude de la Mayo Clinic, 13 cancers sur 48 présentaient un temps de doublement tumoral > 400 jours. Ces cancers étaient majoritairement diagnostiqués chez des femmes (11/13) et correspondaient à des adénocarcinomes ou des carcinomes bronchiolo-alvéolaires (19). Il est donc licite de surveiller au-delà de 2 ans les nodules en verre dépoli.
Prise de contraste L’injection d’un produit de contraste est utile dans le nodule pulmonaire. Il s’agit d’un examen facilement accessible et peu coûteux qui présente une excellente sensibilité mais une faible spécificité. Dans une étude multicentrique incluant 550 patients à fonction rénale normale et avec une opacité pulmonaire non calcifiée de 0,5 à 4 cm, la prise de contraste était significativement plus importante dans les nodules malins (+38 unités d’Hounsfield) que dans les nodules bénins (+10 unités d’Hounsfield) (p < 0,001). En fixant de façon rétrospective le seuil de prise de contraste à 15 unités d’Hounsfield, le scanner thoracique avec injection permettait de prévoir le caractère malin de l’opacité avec une sensibilité de 98 % et une spécificité de 58 % (20) (tableau III). Ainsi, l’absence de rehaussement du nodule était fortement en faveur de sa bénignité
Prise en charge du nodule pulmonaire isolé
41
avec une valeur prédictive négative supérieure à 96 %, (3, 20). En revanche, en présence d’une prise de contraste, il n’était pas possible de prédire avec une certitude suffisante la nature du nodule. Tableau III – Performances des différentes explorations : le scanner avec rehaussement du nodule à l’injection du produit de contraste et la TEP-FDG.
Rehaussement du nodule à l’injection de produit de contraste (20) TEP-FDG (22, 23)
Sensibilité (%)
Spécificité (%)
Valeur prédictive positive (%)
Valeur prédictive négative (%)
98
58
68
96
96-98
73-77
91
90
Malgré les différents paramètres scanographiques pris en compte, la plupart des nodules pulmonaires solitaires restent d’origine indéterminée. En prenant en compte la taille, les contours et les caractéristiques internes, 25 à 39 % des nodules malins sont considérés à tort comme bénins (21). D’autres explorations complémentaires sont alors indiquées.
TEP-FDG La réalisation d’une tomographie par émission de positons au fluoro-2-désoxyD-glucose (TEP-FDG) est préconisée lorsque l’origine maligne est incertaine. La fixation du FDG est un marqueur d’hypermétabolisme glucidique, qui n’est pas obligatoirement d’origine cancéreuse (11). Toute inflammation ou infection peut aboutir à une hyperfixation significative du FDG à l’origine de faux positifs. De plus, de vraies tumeurs peuvent ne pas fixer le FDG. Différentes causes peuvent expliquer ces faux négatifs, comme la présence d’une hyperglycémie qui rentre en compétition avec le FDG au niveau de la tumeur ou l’existence de tumeurs à croissance lente, tels les tumeurs carcinoïdes et les carcinomes bronchiolo-alvéolaires qui fixent peu le FDG. Les méta-analyses publiées montrent une excellente sensibilité de l’ordre de 96 à 98 % avec une spécificité entre 73 et 77 % (22, 23) (tableau III). L’intérêt de la TEP-FDG est discuté dans l’exploration de nodules pulmonaires infracentimétriques ou « non solides » en verre dépoli (12, 23-25). Nomori et al. ont reporté une sensibilité de 79 % et une spécificité de 65 % pour le diagnostic de nodules mesurant 1-3 cm de diamètre, mais aucun des nodules malins de moins de 1 cm de diamètre n’avait été correctement identifié par la TEP-FDG (25). De même, dans cette étude, la valeur diagnostique de la TEP-FDG était bonne pour les nodules solides mais mauvaise pour les nodules en verre dépoli (sensibilité 90 % vs 10 %, spécificité 71 % vs 20 %).
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Oncologie thoracique
Tableau IV – Recommandations de la Fleischner Society pour le suivi de nodules pulmonaires de moins de 8 mm détectés de façon fortuite par un scanner thoracique (6). Taille du nodule (mm)
Patients à faible risque §
Patients à risque élevé §
)4
Pas de suivi
Suivi à 12 mois, Puis arrêt si scanner inchangé
4-6
Suivi à 12 mois Arrêt du suivi si scanner inchangé
Suivi à 6-12 mois, puis 18-24 mois Arrêt du suivi si scanner inchangé
6-8
Suivi à 6-12 mois, puis 18-24 mois Arrêt du suivi si scanner inchangé
Suivie à 3 mois, puis à 9 et 24 mois Arrêt du suivi si scanner inchangé*
*8
Suivi à 3 mois, puis à 9 et 24 mois, Idem patients à faible risque scanner avec injection de produit de contraste, TEP-FDG et/ou biopsie
*sauf pour les opacités en verre dépoli : suivi prolongé. § en fonction du tabagisme, âge et exposition à des carcinogènes.
Ainsi, la TEP-FDG constitue un test diagnostique sensible et spécifique, mais non décisif, susceptible de jouer un rôle important dans notre démarche diagnostique. Les limites actuelles de la TEP-FDG ne justifient pas sa réalisation pour les nodules de taille inférieure à 1 cm et les opacités en verre dépoli. En comparant la TEP-FDG à un modèle de prédiction clinique, la TEP-FDG était un meilleur indicateur de malignité des nodules (12). L’interprétation des résultats de la TEP-FDG doit prendre en compte la probabilité de cancer (26). Si celle-ci est faible, la négativité de la TEP-FDG est un argument fort en faveur de la nature bénigne du nodule. En revanche, si elle est élevée, un résultat négatif n’élimine par une origine cancéreuse. On peut estimer ainsi que si, par exemple, chez un homme de 25 ans la probabilité diagnostique de cancer d’un nodule de 1 cm, avant d’effectuer la TEP-FDG, est de 20 %, celle-ci tombe à 2 % si la TEP-FDG est négative, alors que s’il s’agit d’un nodule de 2 cm chez un grand fumeur de 60 ans avec une probabilité pré-test de 80 %, la probabilité post-test si la TEP est négative restera élevée à près de 30 %. Ainsi, dans le premier cas, la surveillance est légitime alors que l’abord histologique doit être proposé dans le deuxième.
Fibroscopie bronchique La fibroscopie bronchique doit être systématiquement effectuée pour la recherche de lésions associées mais, pour le diagnostic lui-même, elle est peu adaptée. En effet, le rendement de la fibroscopie avec prélèvements systématiques, brossage, biopsies et lavage, diminue avec la taille des nodules et la distance par rapport
Prise en charge du nodule pulmonaire isolé
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au hile pulmonaire (3, 4, 27, 28). Dans une étude de 177 fibroscopies réalisées pour bilan de nodule pulmonaire de moins de 4 cm, une preuve histologique était obtenue dans 60 % des nodules mais seulement dans 23 % des nodules de moins de 2 cm. L’examen était plus rentable dans le diagnostic de nodules centraux (82 %) par rapport aux nodules périphériques (53 %) (28). En plus, les prélèvements étaient moins informatifs pour les nodules bénins (35 %) que malins (68 %) (28). L’apport du lavage bronchique dans le bilan de nodules reste controversé. En effet, il est rare que cet examen apporte la preuve de malignité. Il est cependant utile en cas de tuberculose ou d’autres infections. La fibroscopie bronchique permet aussi de rechercher un deuxième cancer endobronchique et d’étudier l’arbre bronchique pour optimiser le traitement chirurgical.
Ponction transthoracique sous scanner La ponction transthoracique sous scanner est fréquemment utilisée pour le diagnostic de nodules pulmonaires solitaires. Cet examen présente une excellente spécificité et permet d’obtenir un diagnostic dans 59 à 96 % des nodules (4). Le rendement de cet examen varie avec la taille du nodule, sa localisation et le nombre de prélèvements réalisés. La ponction transthoracique se complique d’un pneumothorax dans environ 25 % des procédures. Les facteurs de risque associés au pneumothorax sont les ponctions de nodules de petites tailles, ou de localisation centrale, la présence d’un poumon emphysémateux et l’expérience de l’équipe. Un tiers des procédures qui se compliquent d’un pneumothorax nécessite la pose d’un drain thoracique. Comme pour la fibroscopie bronchique, les ponctions sont moins informatives pour les nodules bénins que malins : des biopsies non diagnostiques sont trouvées dans 41 % (0-89 %) des nodules bénins et dans 8 % (022 %) des nodules malins (4). Dans les lésions de moins de 1 cm, l’indication de la ponction transthoracique est controversée, la sensibilité étant faible et très variable (comprise entre 4 et 45 %) (3, 4, 29, 30). Les études montrant un rendement élevé (45,5 %) ont un taux de pneumothorax iatrogène important (53 % dont 9 % nécessitant un drainage) (29, 30). La ponction sous scanner est indiquée dans le bilan de nodules de plus de 1 cm, en dehors de contre-indications, et permet d’obtenir dans la majorité des cas le diagnostic histologique.
Thoracoscopie exploratrice et thérapeutique La nécessité d’obtenir une preuve histologique oblige parfois à avoir recours à la chirurgie. La thoracoscopie et plus récemment la vidéo-thoracoscopie exploratrice sont les principales approches chirurgicales du nodule pulmonaire
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Oncologie thoracique
périphérique. Il s’agit d’une technique peu invasive avec une sensibilité et une spécificité proche de 100 % et une mortalité d’environ 1 % (4, 31). Le taux de conversion en thoracotomie est d’environ 12 %. La thoracotomie présente une morbidité de 34 % avec une mortalité de 4 % (4). La nature du nodule est initialement déterminée au cours d’une analyse anatomopathologique extemporanée. Or, la sensibilité de l’examen extemporané varie en fonction de la taille du nodule : 86,7 % pour les nodules pulmonaires de moins de 1 cm et 94,1 % pour les nodules de 1 à 1,5 cm avec une spécificité de 100 % (32). Le diagnostic différentiel entre carcinome bronchiolo-alvéolaire et hyperplasie adénomateuse est notamment particulièrement difficile.
Stratégie diagnostique devant un nodule pulmonaire solitaire L’exploration, invasive ou non invasive, du nodule doit être orientée en fonction du contexte du patient et de sa probabilité de cancer. Deux analyses bayésiennes ont été développées et validées pour évaluer la probabilité de cancer selon des critères cliniques et morphologiques (33-35). Swensen et al. ont réalisé entre 1984-1986 une étude rétrospective sur 629 patients présentant un nodule pulmonaire solitaire de 4 à 30 mm ; 65 % des nodules étaient bénins, 23 % malins et 12 % sans diagnostic final (34). Six facteurs indépendants de malignité étaient retenus dont l’âge avancé du patient, la notion de tabagisme, l’existence d’un antécédent de cancer, la taille du nodule, la présence de contours spiculés et la localisation lobaire supérieure (34). Dans une autre analyse réalisée à partir de 375 patients présentant un nodule pulmonaire solitaire de 7 à 30 mm, quatre facteurs indépendants de malignité étaient définis : l’âge, le tabagisme, le délai depuis l’arrêt du tabac et la taille du nodule (33). La probabilité de cancer peut être calculée à partir des données cliniques du patient et morphologiques du nodule sur le site http ://www.chestx-ray. com/SPN/SPNProb.html (4, 8, 9, 34). Ce risque peut être mieux déterminé en ajoutant les résultats de la TEP-FDG et du scanner avec injection de produit de contraste. La stratégie diagnostique dépend avant tout de la taille du nodule (fig. 3).
Prise en charge du nodule pulmonaire isolé
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Nodule pulmonaire solitaire < 10 mm
* 10 mm* Tabagisme Antécédents néoplasiques Endémie (mycoses, tuberculose)
Taille, calcifications Caractère spiculé Prise de contraste
impossible
possible
négative
Probabilité de cancer basse
Probabilité de cancer élevée
TEP-FDG
RISQUE OPÉRATOIRE Âge, comorbidités
négative
positive
élevé
positive
B I L A N
TEP pour le bilan d’extension
Broncho-fibroscopie Ponction sous scanner
C H I R U G I E
faible
SURVEILLANCE * pour certains auteurs à partir de 8 mm (6) Fig. 3 – Algorithme diagnostique du nodule pulmonaire solitaire.
Nodules de moins de 10 mm Sauf exception, les explorations invasives ne sont pas recommandées pour les nodules de moins de 10 mm, le rapport bénéfice/risque étant défavorable (faible probabilité de malignité). De même, la résolution encore limitée de la TEP-FDG rend cet examen peu performant. Une simple surveillance scanographique est le plus souvent réalisée. Sa fréquence dépend de la taille de la lésion. Les recommandations de la société nord-américaine de radiologie (Fleischner Society) se fondent sur la taille des nodules et les facteurs de risque des patients (6, 36) (tableau IV). Chez les patients à faible risque de cancer, aucun suivi n’est demandé pour les nodules ) 4 mm. Une exploration scanographique est proposée à 1 an pour les nodules de 4-6 mm, et au 6-12e et 18-24e mois pour les nodules de 6-8 mm. Chez les patients à risque élevé de cancer, un nodule de ) 4 mm est à contrôler par un scanner à 1 an, les nodules de 4-6 mm sont à contrôler au 6-12e puis au 18-24e mois et les nodules de plus de 6 mm au 3-6e, 9-12e puis 24e mois. En cas d’augmentation de la taille du nodule, une exploration chirurgicale doit être proposée.
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Oncologie thoracique
Ces recommandations sont cependant issues d’observations de sujets en bonne santé apparente et cette attitude systématique de ne pas explorer agressivement les nodules de petite taille (< 10 mm) ne peut être appliquée en cas d’opacités en verre dépoli, qui peuvent révéler des carcinomes bronchio-alvéolaires, ou chez des patients atteints de cancer, en particulier bronchique. Dans les études des nodules pulmonaires coexistants avec un cancer bronchique, 20-44 % des nodules malins mesuraient moins de 5 mm de diamètre (37, 38). Ainsi, dans ce contexte, même les nodules de moins de 10 mm doivent être explorés, leur faible taille n’étant pas un argument pour la bénignité.
Nodules de plus de 10 mm Malgré les progrès techniques considérables, aucune procédure d’imagerie ne permet d’affirmer avec certitude le caractère bénin d’un nodule (fig.3). Dans les lésions de plus de 10 mm et pour certains auteurs à partir de 8 mm, une preuve histologique est nécessaire, le risque de malignité étant élevé (6). La fibroscopie bronchique et la ponction transthoracique sous scanner sont indiquées en première intention. Si un diagnostic de cancer est posé, une TEP-FDG est réalisée pour le bilan d’extension ganglionnaire et métastatique du cancer avant d’envisager un traitement chirurgical. Si la ponction sous scanner est non contributive ou non réalisable (risque iatrogène majeur), la conduite à tenir dépendra du risque de cancer du patient. En cas de probabilité de cancer faible, une TEP-FDG et un scanner avec injection sont indiqués. L’absence de fixation du nodule à la TEP-FDG et l’absence de prise de contraste du nodule au scanner permettent de préjuger du caractère bénin du nodule. Le rapport bénéfice/risque est alors en défaveur d’une exploration invasive et une simple surveillance scanographique au 3-6e, 9-12e et 24e mois est proposée (6). L’hyperfixation du nodule à la TEP-FDG doit conduire à une exploration chirurgicale. En cas de probabilité de cancer élevée, une exploration chirurgicale peut être proposée après évaluation du risque opératoire. Si celui-ci est modéré, l’exérèse exploratrice du nodule est nécessaire. La réalisation préalable d’une TEP-FDG à titre diagnostique n’est pas indispensable, la négativité de la TEP-FDG n’éliminant pas la malignité de la lésion chez un patient à haut risque de cancer. Elle est principalement indiquée pour le bilan d’extension ganglionnaire et métastatique si le nodule se révèle malin. Chez un patient ayant un risque opératoire élevé et une forte probabilité de cancer, l’évaluation du rapport bénéfice/risque d’une exploration chirurgicale est difficile. Il est nécessaire d’estimer au plus juste le risque cancéreux. La TEP-FDG joue alors un rôle clé dans la démarche diagnostique bien qu’elle ne donne pas de certitude. En l’absence de fixation à la TEP-FDG, la réflexion sur le rapport bénéfice/risque peut amener à une simple surveillance radiologique
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du fait du risque opératoire. Sa positivité doit amener à une sanction chirurgicale (tableau IV).
Problème particulier des nodules découverts lors du bilan d’un cancer bronchique opérable Le cas du nodule pulmonaire coexistant avec un cancer bronchique opérable est particulier puisque le traitement optimal et le pronostic du cancer sont déterminés par la nature, bénigne ou maligne, du nodule. En effet, l’existence d’une métastase pulmonaire conduit à récuser le patient pour une exérèse chirurgicale (39-41). La prévalence et le risque de malignité de tels nodules sont mal connus. Yuan et al. ont évalué la prévalence de nodules pulmonaires de ) 10 mm de diamètre coexistant avec un cancer bronchique potentiellement opérable à 26 %. Ces nodules étaient malins dans 25 % des cas (37). Dans l’étude française que nous avons menée, réalisée à partir d’un fichier prospectif sur 232 patients ayant bénéficié d’une chirurgie curatrice, la prévalence de nodules pulmonaires incidents lors du bilan d’un cancer bronchique opérable était de 24 %, avec une fréquence de malignité de 27 % (38). Les facteurs prédictifs de malignité de ces nodules sont peu étudiés. Dans l’étude de Yuan, seule la localisation du nodule dans le même lobe que la lésion principale était statistiquement associée à la malignité du nodule (37). Dans notre étude, plusieurs paramètres associés à la malignité du nodule étaient identifiés : le type histologique non épidermoïde du cancer, la taille du nodule supérieure à 10 mm, les contours spiculés du nodule, la situation du nodule dans le même lobe que le cancer bronchique initial et la localisation du nodule dans un lobe supérieur. En présence d’aucun ou d’un de ces critères, le taux de malignité observée des nodules était nul, sauf si le critère était le type histologique (le taux de malignité observé était alors de 40 %). Pour deux critères, le taux de malignité observé était de 33 % (82 % si le critère « histologie tumorale » était présent). Si trois critères étaient présents, le nodule était malin dans 100 % des cas (38). Néanmoins, ces résultats n’ont pas fait l’objet d’une validation prospective. Au vu de ces données, il semble important de ne pas récuser systématiquement un patient atteint de cancer bronchique opérable en raison de la découverte concomitante d’un nodule pulmonaire, puisque selon les données de la littérature, jusqu’à 75 % de ces nodules sont bénins.
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Oncologie thoracique
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Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires F. Barlési
Points essentiels • Le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire repose sur une suspicion permanente de la maladie, chez les fumeurs ou les ex-fumeurs notamment, devant n’importe quel symptôme persistant, même banal. • Le diagnostic une fois suspecté, la radiographie thoracique complétée par une TDM thoracique avec coupes basses sur le foie et les surrénales doit précéder une documentation histologique (ou à défaut cytologique) de la maladie pour laquelle la fibroscopie bronchique est la pierre angulaire. • Le bilan d’extension dépendra essentiellement de la possibilité ou non d’un traitement à visée curatrice. L’examen clinique reste indispensable, et aucun marqueur biologique sérique n’est utile. • Si un traitement local est envisagé, le 18FDG-TEPscan complété par une IRM (ou à défaut une TDM) cérébrale est un standard dans les cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules de stade III, mais est souvent recommandés dans les stades I et II. En cas d’hypermétabolisme ganglionnaire médiastinal au 18FDG-TEPscan, une documentation histologique est indispensable. • Si seul un traitement systémique est envisagé, le bilan d’extension devrait rechercher systématiquement une extension cérébrale du fait des implications thérapeutiques potentielles.
Les cancers broncho-pulmonaires constituent la 4e cause de cancer en France avec environ 30 600 cas, mais la 1re cause de mortalité par cancer avec 26 600 décès annuels (1). Avec une survie globale ne dépassant pas 15 % à 5 ans tout stade confondu, les progrès qui restent à faire sont importants et passent en partie par un diagnostic précoce et un bilan précis permettant une prise en charge thérapeutique individualisée au malade et à sa maladie. J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Suspecter précocement le diagnostic de cancer bronchique Les circonstances qui amènent à suspecter un cancer broncho-pulmonaire sont très variées et, au-delà des découvertes fortuites, on peut dire simplement que tout symptôme inhabituel, même banal, et persistant (plus de 15 jours) chez un fumeur ou un ex-fumeur, doit faire suspecter le diagnostic et mener les explorations adaptées.
Dépistage et découvertes fortuites Contrairement au cancer du sein ou au cancer colique, il n’y a pas, à ce jour, en France, de campagne nationale de dépistage généralisé du cancer bronchique. Ceci ne tient pas à une absence de volonté des autorités politiques ou de santé, mais à la difficulté de réaliser un tel dépistage, et notamment de diminuer significativement le risque de mortalité par cancer broncho-pulmonaire, y compris en limitant ce dépistage aux populations à haut risque (2). Néanmoins, la découverte d’un cancer bronchique à la suite d’un dépistage individuel (radiographie thoracique chez un fumeur à l’initiative du médecin traitant par exemple) ou la découverte fortuite, sur des examens réalisés dans le cadre (préopératoire par exemple) d’une autre pathologie, néoplasique ou non, est également une autre circonstance de découverte de cancers bronchopulmonaires asymptomatiques. Ces modalités de découverte des cancers broncho-pulmonaires restent néanmoins rares, y compris dans des études récentes, puisque seuls 6 à 13 % des malades sont diagnostiqués alors qu’ils sont asymptomatiques (3).
Symptômes évocateurs et syndromes paranéoplasiques Les symptômes thoraciques sont bien sûr au premier plan dans une grande partie des cas, qu’il s’agisse de signes d’obstruction bronchique (dyspnée, toux, wheezing, pneumopathies à répétition) ou de signes liés à un envahissement locorégional (hémoptysie, douleur pariétale, douleur scapulaire – souvent négligée et interprétée à tort comme un problème rhumatismal –, syndrome pleural, syndrome cave supérieur, dysphonie) (3). Les symptômes extrathoraciques peuvent également être prévalents et conduire à la suspicion diagnostique de cancer broncho-pulmonaire. Les signes neurologiques (céphalées, crise convulsive, troubles sensitivo-moteurs, etc.) ou la découverte d’adénopathies sus-claviculaires ou jugulo-carotidiennes font souvent l’objet d’explorations rapides. Les douleurs osseuses, surtout lorsqu’elles sont modérées en intensité, et les signes digestifs (nausées,
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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douleur) en rapport avec des lésions hépatiques, font souvent l’objet d’une automédication avant de conduire à une consultation médicale (3). Les signes généraux (asthénie, anorexie, amaigrissement, fébricule) sont parfois, mais pas toujours, au premier plan, ce qui peut rassurer indûment le malade et son entourage. Il est très difficile de donner des chiffres précis concernant la survenue de ces différents symptômes lors de la découverte du cancer dans la mesure où les seules études à notre disposition sont relativement anciennes. Le tableau I donne néanmoins une idée globale de la fréquence de ces symptômes au moment du diagnostic de cancer broncho-pulmonaire. Tableau I. – Signes d’appel, d’après Spiro et al. (3). Signes d’appel
Fréquence (%)
Signes thoraciques – Obstruction bronchique
3-75
– Envahissement locorégional
6-49
Signes extrathoraciques
0-25
Signes généraux
0-68
Les syndromes paranéoplasiques représentent une autre circonstance classique, environ 10 % des cas, permettant de suspecter le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire (3, 4). L’ostéopathie hypertrophiante pneumonique ou l’hypercalcémie paranéoplasique sont parmi les manifestations paranéoplasiques les plus fréquentes. Les syndromes hormonaux sont aussi assez habituels. Peu de malades présentent tous les critères d’un syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH), et seuls 5 % en ont les manifestations cliniques. De même, plus de 50 % des malades présentant un cancer broncho-pulmonaire à petites cellules ont un taux élevé d’ACTH, mais seuls 5 % développent un syndrome d’hypercorticisme (Cushing) clinique. Les syndromes neurologiques sont traditionnels, qu’il s’agisse de neuropathies sentitivo-motrices, de neuropathies auto-immunes ou d’encéphalopathies paranéoplasiques. Le syndrome le plus fréquent est le syndrome de Lambert-Eaton. Il s’agit d’une neuropathie périphérique caractérisée par une faiblesse musculaire proximale dont le diagnostic repose sur l’électromyogramme (potentiation : augmentation paradoxale de la réponse musculaire après stimulation itérative). D’autres syndromes neurologiques comme l’ataxie cérébelleuse, la dégénérescence rétinienne ou l’encéphalite limbique sont moins fréquents. Encore une fois, devant le nombre varié de circonstances de découverte, tout symptôme inhabituel et persistant chez un fumeur doit faire suspecter le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire.
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Oncologie thoracique
Perspectives Le diagnostic plus précoce des cancers broncho-pulmonaires implique une technique de dépistage sensible et spécifique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’idéal serait de disposer d’un test biologique réalisable sur le sang ou l’expectoration par exemple. Plusieurs voies de recherche dans ce domaine existent et s’appliqueront peutêtre demain. Ces voies de recherche sont basées sur l’analyse du génome (ADN) (5), du transcriptome (ARN, micro-ARN) (6) ou du protéome (protéines tumorales ou sériques) (7, 8), et ces différents travaux suggèrent l’existence de profils génomiques ou protéiques différents entre les sujets indemnes de cancer broncho-pulmonaire, les sujets présentant des lésions précancéreuses de la muqueuse bronchique et les malades atteints de cancers broncho-pulmonaires. Bien sûr, ces techniques devront être évaluées et validées avant de pouvoir être utilisées en pratique.
Confirmer avec certitude le diagnostic de cancer bronchique Un diagnostic de certitude est bien sûr indispensable et va reposer sur l’obtention d’un prélèvement tissulaire (ou cellulaire) et une analyse histologique, cytologique et, de plus en plus, biologique tumorale.
Obtenir un prélèvement tissulaire et/ou cellulaire La fibroscopie bronchique reste la pierre angulaire du diagnostic histologique de cancer bronchique. Ses conditions de réalisation ont fait l’objet de recommandations de bonnes pratiques par le Groupe d’endoscopie de langue française (GELF) qui sont disponibles sur le site de la Société de pneumologie de langue française (SPLF www.splf.org). Au-delà des conditions matérielles de réalisation, on retiendra notamment que les experts recommandent la réalisation d’une TDM thoracique avant la réalisation de la fibroscopie et la réalisation de prélèvements systématiquement multiples (4 à 5 biopsies, un brossage à visée cytologique, et une aspiration à visée cytologique) quand il existe une suspicion de cancer broncho-pulmonaire afin de maximiser la rentabilité diagnostique de l’examen, qui est globalement de 88 % (tableau II) (9).
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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Tableau II. – Sensibilité des prélèvements à visée diagnostique en cas de suspicion de cancer broncho-pulmonaire, d’après Rivera (9). Type de prélèvement
Sensibilité (extrêmes, %)
Sensibilité globale (%)
29-78
47
Lésions broncho-pulmonaires centrales Aspiration Brossage
27-93
61
Biopsies multiples (3-5)
48-97
74
Combinaison
67-97
88
Aspiration
12-65
43
Brossage
16-83
54
Lésions broncho-pulmonaires périphériques
Biopsies transbronchiques
17-80
57
Combinaison
36-88
78
Ponction transthoracique sous TDM
69-99
90
En cas de lésion pulmonaire périphérique, la rentabilité de la fibroscopie bronchique diminue néanmoins de 63 % pour les tumeurs de plus de 2 cm jusqu’à 34 % pour les tumeurs de moins de 2 cm (9). Dans ces conditions, les biopsies et brossages transbronchiques guidés par la scopie (sensibilité, 78 %) ou des techniques plus modernes de prélèvement sous guidage électromagnétique (cf. infra)1 sont possibles, avec une sensibilité moins bonne que pour les lésions centrales (tableau II) (9). Néanmoins, dans la majorité des cas, c’est la ponction transthoracique guidée par la tomodensitométrie (TDM) qui permettra de réaliser un prélèvement tissulaire, avec une sensibilité diagnostique de 90 % (IC 95 %, 88-91 %) (9). Toutefois, dans certaines circonstances, c’est le prélèvement d’une lésion secondaire qui permet d’obtenir du matériel tissulaire ou cellulaire qui sera confié aux anatomopathologistes (lésion cérébrale prévalente opérée, lésion osseuse biopsiée sous TDM, lésion surrénalienne ou hépatique biopsiée sous guidage échographique, etc.). Enfin, chez les patients à haut risque pour lesquels des examens invasifs comme la fibroscopie bronchique ou la ponction transthoracique guidée par scanner ne sont pas possibles, l’analyse cytologique de l’expectoration, avec une sensibilité de 66 %, peut être une alternative (9, 10).
1. Voir le chapitre de J.M. Vergnon et M. Taulelle Carcinomes radiologiquement occultes et lésions précancéreuses.
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Oncologie thoracique
Analyse cytologique et histologique Seule la démonstration histologique, ou à défaut cytologique, de cancer broncho-pulmonaire, confirme le diagnostic avec certitude. Le compte rendu de l’examen histologique doit être standardisé selon les recommandations de la Société française de pathologie (11), qui propose également des recommandations de bonnes pratiques pour les travaux de relecture en anatomie et cytologie pathologique (12). La classification des tumeurs pulmonaires, incluant les cancers bronchopulmonaires, repose sur la classification OMS 2004 (tableau III) (13). Sur le plan histologique, les quatre types de cancers pulmonaires proposés par l’OMS sont les carcinomes à petites cellules et, au sein du groupe des carcinomes non à petites cellules, les carcinomes malpighiens ou épidermoïdes, les adénocarcinomes et les carcinomes à grandes cellules. La classification de 2004 définit, sur la base de données morphologiques mais également génétiques et moléculaires, de nouvelles entités histopronostiques que sont les carcinomes basaloïdes, les carcinomes neuroendocrines à grandes cellules, les carcinomes sarcomatoïdes et les carcinomes bronchiolo-alvéolaires au sein de la sous-classe des adénocarcinomes (14). Tableau III. – Principes de la classification OMS des tumeurs broncho-pulmonaires incluant les lésions prénéoplasiques, d’après Lantuejoul (14). Types Lésions prénéoplasiques
Sous-types Dysplasies et carcinomes in situ Hyperplasie alvéolaire atypique (HAA) Hyperplasie diffuse idiopathique des cellules neuro-endocrines (DIPNECH)
Carcinomes malpighiens Adénocarcinomes (le plus souvent mixtes)
Acinaire Papillaire Solide Bronchiolo-alvéolaire
Carcinomes à petites cellules Carcinomes à grandes cellules
Carcinome neuroendocrine à grandes cellules Carcinome basaloïde
Carcinomes adéno-squameux Carcinomes sarcomatoïdes
Carcinome pléiomorphe Carcinosarcome Blastome
Carcinoïdes typiques et atypiques
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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Analyses biologiques L’examen anatomo-pathologique standard sera le plus souvent complété par une analyse biologique tumorale en immuno-histochimie (IHC), à la fois à visée diagnostique, pour permettre une classification optimale des cancers bronchopulmonaires selon la classification OMS 2004, dont on verra plus loin qu’elle peut modifier la prise en charge thérapeutique1. Brièvement, on retiendra que les carcinomes bronchiques neuro-endocrines expriment le plus souvent les marqueurs bronchiques (TTF1) et neuro-endocrines (chromogranine, synaptophysine, CD56 ou NCAM). Les carcinomes bronchiques neuro-endocrines à petites cellules n’expriment pas les marqueurs de différenciation leucocytaires (CD45 ou antigène pan-leucocytaire) permettant de les différencier des pathologies tumorales hématologiques. Les adénocarcinomes bronchiques primitifs expriment le plus souvent le TTF1 (mais 20 % sont TTF1 négatifs) et CK7, alors qu’ils n’expriment pas CK20 (15). Au-delà de cette première analyse biologique tumorale dont le but permettant d’approcher au mieux le type histologique, de nouvelles analyses biologiques pourraient venir enrichir à plus ou moins brève échéance le panel des analyses tumorales réalisées en routine, et il s’agira là d’identifier, à un échelon individuel, des marqueurs pronostiques et/ou prédictifs permettant de guider la stratégie thérapeutique, comme cela est détaillé plus loin2. Brièvement, l’étude de l’expression d’ERCC1 (excision repair cross complementation 1) en IHC pour guider un traitement basé sur le platine, et de l’expression de l’EGFR (epidermal growth factor receptor) en IHC, en immunofluorescence in situ (FISH) ou de mutations de KRAS ou de l’EGFR, pour guider les traitements ciblant la voie de l’EGFR (erlotinib, gefitinib, etc.) sont les premiers candidats à une analyse biologique tumorale « de routine », et font l’objet actuellement d’études de standardisation et de validation pour la pratique, incluant une analyse médicoéconomique en France (STICs ERMETIC, PREDICTamm).
Perspectives Si aujourd’hui les prélèvements tissulaires et/ou cellulaires et leur analyse ont pour objet essentiel le diagnostic de certitude et la classification histologique initiale, avec certaines implications thérapeutiques standardisées, il est probable que, dans le futur, ces prélèvements aient pour but essentiel une « cartographie » biologique des cancers broncho-pulmonaires, non seulement au moment du diagnostic mais aussi à la rechute ou à chaque étape de progression de la maladie, afin de permettre de réelles stratégies thérapeutiques individualisées (16). 1. Voir le chapitre de V. Westeel Stratégie thérapeutique initiale dans les CBNPC. 2. Voir chapitre de M. Pérol Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des cancers bronchique non à petites cellules.
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Oncologie thoracique
Préparer la stratégie thérapeutique : le bilan d’extension Ce bilan va avoir pour objectif d’aboutir à une classification de l’extension, de la tumeur, des ganglions et des éventuelles lésions extrathoraciques (fig. 1) (1721) aussi précise que possible, résumée sous la forme d’un stade TNM clinique ou pathologique (cf. le chapitre suivant de J.P. Sculier sur la nouvelle classification TNM), qui servira de base à la réflexion thérapeutique collégiale. Il n’existe pas de recommandation formelle sur la manière chronologique de conduire ce bilan et en pratique clinique les examens sont souvent demandés simultanément afin de raccourcir au mieux le délai de mise en place de la stratégie thérapeutique. La première étape repose, dès la suspicion diagnostique et avant même les examens endoscopiques (cf. supra), sur la réalisation d’une radiographie thoracique complétée par une TDM thoracique avec coupes basses sur le foie et les surrénales. Néanmoins, après cette première étape, la conduite de ce bilan va être adaptée selon que l’on se trouve face une maladie apparemment localisée, pour laquelle la chirurgie ou la radiothérapie thoracique pourraient être intégrées à une stratégie thérapeutique à visée curatrice, et une maladie d’emblée métastatique où le traitement sera purement médical, sans velléité, au moins à ce jour, de guérison.
Fig. 1. – Classification de l’extension, de la tumeur, des ganglions et des éventuelles lésions extrathoraciques.
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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Cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules apparemment localisés Dans cette situation, deux objectifs simultanés vont guider la réalisation du bilan d’extension, d’une part, confirmer avec le plus de certitude possible le caractère localisé au thorax de la maladie et, d’autre part, évaluer la résécabilité chirurgicale de la maladie. L’examen clinique soigneux est bien sûr la base du bilan et aucun marqueur biologique n’a démontré d’intérêt dans ce contexte. La TEP au 18FDG couplée à la TDM (18FDG-TEPscan) est aujourd’hui l’examen de référence dans le bilan des cancers broncho-pulmonaires potentiellement accessibles à un traitement curatif (21, 22). En effet, le 18FDG-TEPscan met en évidence jusqu’à 20 % de maladies métastatiques méconnues par les examens TDM, évitant ainsi autant de thoracotomies inutiles, améliore le bilan d’extension médiastinal (cf. infra) et ses résultats sont utiles à la planification de la dosimétrie en cas de radiothérapie. Néanmoins, comme pour chaque nouveau test diagnostique, la sensibilité et la spécificité, les valeurs prédictives positives et négatives du 18FDG-TEPscan dans le diagnostic de l’extension métastatique de la maladie sont remises en questions au fur et à mesure de la généralisation de la technique et de son utilisation dans des populations de moins en moins sélectionnées (23). Les progrès techniques des nouveaux appareils devraient permettre de contourner, au moins en partie, ces difficultés, et une revue récente du National Institute for Clinical Excellence rapporte une sensibilité et une spécificité globale du 18FDGTEPscan dans le diagnostic de l’extension à distance des cancers broncho-pulmonaires de 93 et 96 %, respectivement, ce qui correspond en fait à environ 15 % de malades chez qui une extension métastatique de la maladie est découverte par cet examen (voir www.nice.org.uk) (22). Par ailleurs, le 18FDG-TEPscan ne permettant pas l’exploration du cerveau du fait d’un métabolisme élevé du glucose au niveau cérébral, l’extension cérébrale de la maladie doit être évaluée par l’IRM cérébrale (ou à défaut la TDM cérébrale) (21, 22). En effet, l’incidence des lésions cérébrales, tout type histologique confondu, en l’absence de symptômes évocateurs, est de l’ordre de 3 %. Plusieurs études ont néanmoins rapporté une incidence plus grande des lésions secondaires cérébrales dans les adénocarcinomes (24), et un risque plus élevé de lésions secondaires cérébrales asymptomatiques en cas d’envahissement médiastinal de type N2 (25). Les recommandations actuelles sont donc de réaliser le 18FDG-TEPscan (ou à défaut une TDM abdominale plus une scintigraphie osseuse) et l’IRM cérébrale, dans tous les cas s’il existe des signes d’appel clinique, et de manière systématique dans les stades III éligibles à un traitement local en ce qui concerne les recommandations européennes de l’ESMO (22), et plus largement dans les stades I à III pour les recommandations américaines (21). Il est probable que, dans notre pays, de nombreux malades présentant des stades I ou II de la maladie bénéficient à titre systématique de ces examens. Afin d’harmoniser les pratiques sur une base factuelle, de nouvelles recommandations sous l’égide de la SPLF, de l’INCa et de la HAS sur le bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires doivent être rédigées en 2010.
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Oncologie thoracique
En l’absence d’extension métastatique de la maladie, l’évaluation de la résécabilité chirurgicale va reposer sur deux éléments. D’abord, une évaluation des rapports de la tumeur avec les organes de voisinage et la TDM thoracique reste là l’examen recommandé dans la majorité des cas, à l’exception des tumeurs de l’apex (Pancoast-Tobias) où l’IRM thoracique permet une meilleure analyse des rapports aux structures vasculaires, neurologiques et osseuses (21). Ensuite, l’extension médiastinale de la maladie est indispensable, guidant selon les cas, la réalisation d’une chirurgie ou d’une radiothérapie. La sensibilité et la spécificité de la TDM thoracique sont respectivement de 51 % (IC 95 %, 47-54 %) et 86 % (IC 95 %, 84-88 %) (21). Le 18FDG-TEPscan joue là encore un rôle important. Déjà réalisé dans le cadre de l’extension métastatique de la maladie, il fournit des informations importantes sur l’extension ganglionnaire médiastinale de la maladie. La sensibilité, la spécificité, les valeurs prédictives positive et négative du 18FDG-TEPscan sont rapportées dans le tableau IV (21). Les recommandations actuelles sont donc de contrôler systématiquement les sites ganglionnaires présentant un hypermétabolisme au 18FDG-TEPscan et, dans les cas où le 18FDG-TEPscan ne serait pas disponible, ou bien lorsque les résultats sont discordants, de contrôler systématiquement les lésions ganglionnaires présentant un petit axe de plus de 1 cm (21, 22, 26). Tableau IV. – Sensibilité, spécificité et valeurs prédictives positive et négative du 18FDG TEPscan dans le diagnostic de l’extension ganglionnaire médiastinale des cancers bronchopulmonaires primitifs, d’après Scagliotti et Hollings (17, 18). Extrêmes (%)
Globale (%)
Sensibilité
40-100
74
Spécificité
43-100
85
Valeur prédictive positive
40-100
–
Valeur prédictive négative
71-100
–
Quels examens invasifs pour contrôler le statut ganglionnaire médiastinal ? La technique de référence reste la médiastinoscopie axiale (26), mais les limites de cette technique combinées à l’avènement des prélèvements transbronchiques (et transœsophagiens) à l’aiguille, sous guidage écho-endoscopique ou non, multiplient les procédures possibles. Il est difficile de comparer directement les résultats de ces techniques du fait de populations différentes incluses dans les études rapportées à ce jour. La morbidité, la mortalité, la sensibilité et la spécificité de ces différentes techniques permettant d’évaluer histologiquement ou cytologiquement les lésions ganglionnaires médiastinales sont rapportées dans le tableau V (27). Le choix reste bien sûr aussi guidé par les moyens disponibles et l’expérience des différents centres (26). Il est néanmoins probable que toutes les techniques endoscopiques prennent un essor important dans les années à venir du fait de la nécessité de documenter biologiquement de manière itérative les différentes évolutions de la maladie pour pouvoir adapter les traitements.
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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Tableau V. – Résumé des caractéristiques des différentes techniques invasives permettant d’évaluer les lésions ganglionnaires médiastinales, d’après Silvestri et D’Addario (21, 22). Technique
Sites* privilégiés
Vidéo-médiastinoscopie axiale
1, 2, 3, 4, 7
Biopsies transœsophagiennes écho-guidées
5, 7, 8, 9
Biopsies transbronchiques (Wang)
Sites* Morbidité Mortalité difficiles (%) (%)
Se (%)
Sp (%)
5, 6, 8, 9
2
0,08
90
100
2, 4, 6
0,2
0
84
99,5
7, 2, 4
5, 6, 8, 9
0
0
78
100
Biopsies transbronchiques échoguidées
2, 4, 7, hiles
5, 6, 8, 9
ND
0
98
100
Médiastinotomie (Chamberlain)
5, 6
–
ND
ND
87
100
Vidéo-chirurgie
Tous
Aucun
2
0
50-100
100
* : UICC classification ; Se : sensibilité ; Sp : spécificité ; ND : non disponible.
En complément de ce bilan évaluant la résécabilité du cancer bronchopulmonaire, l’évaluation de l’opérabilité du malade retiendra aussi bien sûr l’attention des cliniciens (cf. infra)1.
Cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules d’emblée métastatiques La problématique est un peu différente si les premiers examens réalisés (TDM thoracique avec coupes hautes sur le foie et les surrénales) montrent d’emblée une extension métastatique. En pratique, la stratégie thérapeutique sera peu modifiée par les examens ultérieurs. En effet, l’évaluation thoracique de la maladie et la proximité de celle-ci avec les structures médiastinales, préalable à une combinaison éventuelle de la chimiothérapie avec un traitement antiangiogénique (bevacizumab), est réalisée par la TDM thoracique (28). L’examen clinique soigneux est bien sûr la base du bilan et aucun marqueur biologique n’a démontré d’intérêt dans le bilan d’extension de ces cancers broncho-pulmonaires. Une exception cependant concerne l’extension cérébrale de la maladie qui doit probablement être documentée systématiquement par une TDM cérébrale, en raison de la spécificité de la prise en charge des lésions cérébrales uniques (neurochirurgie, radio-chirurgie) ou multiples (radiothérapie pancérébrale) (22, 29). En cas de signes cliniques (douleur osseuse) ou biologiques (hypercalcémie, augmentation des phosphatases alcalines), l’évaluation d’une extension osseuse de la maladie par scintigraphie osseuse est recommandée (22). Elle
1. Voir le chapitre de P.E. Falcoz Bilan d’opérabilité des CBNPC.
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Oncologie thoracique
permettra de guider un traitement symptomatique (biphosphonates, radiothérapie antalgique).
Cancers broncho-pulmonaires à petites cellules Les cancers broncho-pulmonaires à petites cellules ne font qu’exceptionnellement l’objet d’une prise en charge chirurgicale (cf. infra)1 et le but du bilan d’extension dans ce cas est de différencier les maladies localisées (limitées à un hémithorax) et les maladies disséminées (au-delà d’un hémithorax) ou métastatiques. L’examen clinique soigneux est bien sûr la base du bilan et aucun marqueur biologique n’a démontré d’intérêt dans le bilan d’extension de ces cancers. Les recommandations européennes (30) et américaines (31) sont légèrement différentes, et l’American College of Chest Physicians recommande un bilan systématiquement plus exhaustif, et probablement plus proche de nos pratiques, que l’European Society of Medical Oncology. En effet, les deux sociétés recommandent la réalisation d’une TDM thoracique avec des coupes basses sur le foie dans son ensemble et les surrénales. Les recommandations de l’ESMO proposent de stopper le bilan d’extension dès que la preuve d’une maladie disséminée est faite. Les recommandations américaines préconisent en plus la réalisation systématique d’une exploration cérébrale (TDM ou IRM cérébrale) devant la fréquence de l’extension cérébrale de la maladie, initialement (18 %) (32) ou dans le cours de la maladie (80 %) (33), et l’impact potentiel de la découverte de lésions secondaires cérébrales sur la stratégie thérapeutique. Trois études prospectives rapportées rapportent une sensibilité de 89 à 100 %, une spécificité de 78 à 95 %, une valeur prédictive positive de 67 à 99 %, et une valeur prédictive négative de 88 à 100 %, suggérant une utilité potentielle du 18FDG-TEPscan dans le bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires à petites cellules (23).
Perspectives Les progrès continus dans le domaine de l’imagerie anatomique (écho-endoscopie, TDM multilames, IRM 3 teslas) et fonctionnelle (IRM de diffusion, TEP scan) continueront probablement de modifier les pratiques à l’avenir, dans le domaine tant du diagnostic de l’extension des cancers broncho-pulmonaires que de leur suivi et de l’évaluation de l’efficacité des stratégies thérapeutiques (34).
1. Voir le chapitre de J.L. Pujol et al. Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules.
Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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Évaluation : indicateurs de qualité Peu d’éléments sont disponibles à ce jour pour évaluer la qualité des bilans diagnostiques et d’extension des cancers broncho-pulmonaires. Néanmoins, des auteurs néerlandais se sont intéressés aux indicateurs possibles pour évaluer la qualité de ces bilans, au travers de leur respect des guidelines (35). De manière pragmatique, ils ont mis en évidence une bonne faisabilité des 15 indicateurs proposés (applicabilité, 11 à 100 %) et une marge de progression possible, parfois importante, pour plusieurs de ces indicateurs (amélioration potentielle, 2 à 97 %). Les différentes mesures réglementaires mises en place depuis l’instauration du premier plan cancer ont probablement conduit à des progrès mais une (auto)évaluation de chaque institution est souhaitable et pourrait être réalisée grâce à des outils de ce type.
Conclusion En conclusion, le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire repose plus sur une suspicion permanente de la maladie, chez les fumeurs ou les ex-fumeurs notamment, devant n’importe quel symptôme persistant, même banal, que sur une connaissance exhaustive de toutes les manifestations cliniques (nombreuses) que cette maladie peut entraîner. Dès que le diagnostic est suspecté, la radiographie thoracique et surtout la TDM thoracique avec coupes basses sur le foie et les surrénales doivent précéder une documentation histologique (ou à défaut cytologique) de la maladie pour laquelle la fibroscopie bronchique reste la pierre angulaire des explorations à mener. Le bilan d’extension dépendra essentiellement de la possibilité ou non d’un traitement à visée curatrice. L’examen clinique reste indispensable, et aucun marqueur biologique sérique n’est utile. Si un traitement local est envisagé, le 18FDG-TEPscan complété par une IRM (ou à défaut une TDM) cérébrale est un standard dans les cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules de stade III, mais est aussi préconisé par certaines recommandations dans les stades I et II ; ce même bilan pourrait s’appliquer à l’avenir aux formes localisées de cancer broncho-pulmonaire à petites cellules même si les données à notre disposition aujourd’hui sont encore incomplètes. En cas d’hypermétabolisme ganglionnaire médiastinal au 18FDG-TEPscan, une documentation histologique est indispensable avant tout traitement chirurgical. Si seul un traitement systémique est envisagé, alors le bilan d’extension doit probablement rechercher systématiquement une extension cérébrale du fait des implications thérapeutiques potentielles. Le développement des techniques endoscopiques permet de répondre aujourd’hui à la majorité des situations, et
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Oncologie thoracique
permettra sans doute à l’avenir une documentation tumorale biologique itérative autorisant une individualisation des stratégies thérapeutiques à chaque étape de la maladie.
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Diagnostic et bilan d’extension des cancers broncho-pulmonaires
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Nouvelle classification TNM J.-P. Sculier
Points essentiels • Une nouvelle classification TNM a été établie à partir d’une grande banque de données internationale, récoltée rétrospectivement. • La taille de la tumeur est un facteur pronostique important, les tumeurs de plus de 5 cm se comportant comme des stades II. • La présence d’une atteinte pleurale ou péricardique est de mauvais pronostic, conduisant à considérer ces présentations comme des stades IV. • Les nodules pulmonaires sont de meilleur pronostic : similaire à un stade T3 si présent(s) dans le même lobe pulmonaire que la tumeur primitive et à un stade T4 si situé(s) dans un autre lobe du même poumon et meilleur que les autres sites métastatiques si présent(s) dans l’autre poumon. • La nouvelle classification TNM s’applique à tous les cancers bronchiques, y compris à petites cellules et carcinoïdes.
D’anciennes classifications devenues insuffisantes Le système de classification TNM des cancers a été inventé par un français, Pierre Denoix, à la fin de la dernière guerre mondiale (1). Il a proposé de décrire les tumeurs selon leur extension locale (T), ganglionnaire (N) et métastatique dans d’autres organes (M). Ce système a connu un extraordinaire succès. En 1953, l’Union internationale contre le cancer (UICC) crée un comité pour la classification anatomique des tumeurs basée sur le TNM. Elle édite en 1968 la première édition de son manuel, la Classification TNM des tumeurs malignes. La septième édition a été publiée en 2009.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
68
Oncologie thoracique
Aux États-Unis, l’American Joint Committee on Cancer Task Force on Lung Cancer (AJC) propose, en 1973, un système de classification TNM avec un regroupement en stades pour les tumeurs pulmonaires, basé sur l’analyse de la banque de données réalisée par Clift Mountain, un chirurgien thoracique du centre anticancéreux M.D. Anderson de Houston au Texas (2). En 1974, pour la deuxième édition de son manuel, l’UICC va adopter les propositions de l’AJC. D’autres changements consécutifs, toujours proposés par Mountain, seront réalisés pour des éditions ultérieures (3, 4). Pour la sixième édition en 2002, aucune modification n’a été proposée et le système (5) est resté basé sur la proposition de 1997 (4). De nombreux auteurs de par le monde se sont rendu compte que cette classification était devenue inadéquate (6). De nombreuses inconsistances ont été notées dont les principales concernent le regroupement en stades pathologiques, les seuils pronostiques de la taille tumorale, les descripteurs T comme l’invasion viscérale pleural, l’extension pariétale ou la présence d’un épanchement pleural malin, les nodules pulmonaires, les descripteurs ganglionnaires, le regroupement en stades cliniques, etc. Ainsi, dans les essais de l’European Lung Cancer Working Party, il a été constaté que pour les CBNPC non résécables de stade III et traités par une association de chimiothérapie et de radiothérapie, les tumeurs T1-2 N3 avaient le même pronostic que les stades IIIA, contrairement aux tumeurs T3-4 N3 (7). Cette observation a été confirmée dans une étude de validation ultérieure (8). La classification recommandée jusqu’en 2009 par l’UICC reposait en fait sur une série chirurgicale ancienne (1975-1988) et unicentrique. Elle ne prenait pas en compte la thérapeutique moderne (notamment la chimiothérapie d’induction ou adjuvante et les radiochmiothérapies) et l’imagerie moderne (tomodensitométrie, TEP, etc.). Il y avait également un important problème méthodologique lié à l’absence de traitement statistique des données : le seuil séparant les différents T et N avait été défini par des avis d’experts. Les résultats de Mountain n’avaient pas été validés dans d’autres séries indépendantes et de façon internationale, que ce soit pour les stades pathologiques ou pour les stades cliniques sur la base desquels se prennent les décisions thérapeutiques pluridisciplinaires. La contestation est initialement partie des Européens. Peter Goldstraw, chirurgien thoracique londonien, a pris l’initiative de réunir à plusieurs reprises dès 1999 des personnalités de toutes les spécialités médicales, détentrices de données et désireuses de travailler à un changement de la classification TNM avec une méthodologie statistique adéquate. Ces rencontres ont abouti à la mise sur pied d’un projet de staging au sein de l’International Association for the Study of Lung Cancer (IASLC), société scientifique internationale multidisciplinaire la plus apte à accueillir une telle initiative. L’IASLC a donc donné son accord à la création d’un comité, l’IASLC staging project committee, présidé par Peter Goldstraw (9). Ce comité s’est structuré en plusieurs sous-comités : descripteurs T (Ramon Rami-Porta), descripteurs N (Valerie Rusch), descripteurs M (Peter Postmus), facteurs pronostiques (Jean-Paul Sculier), cancers bronchiques à petites cellules (Frances Shepherd), carte ganglionnaire (Ryosuke Tsuchiya), validation et méthodologie (Patti Groome).
Nouvelle classification TNM
69
Pour proposer une modification de la classification du cancer pulmonaire pour la 7e édition dont la publication était prévue en mai 2009, il fallait avoir des données analysées en 2006. Pour des raisons évidentes de délai (minimum de 5 ans de suivi des patients inclus), seule une étude rétrospective était possible. L’IASLC staging project est parvenu à rassembler des données pour 100 869 patients (9) provenant de 45 sources différentes et de 20 pays : registres, essais cliniques, séries chirurgicales, séries hospitalières, etc. Les cancers ont été diagnostiqués entre 1990 et 2000. Les informations en termes de stade et de suivi de survie se sont révélées suffisantes pour 81 495 cas, dont 13 032 cancers à petites cellules et 68 463 cancers non à petites cellules. Le traitement a consisté en une chirurgie seule dans 41 % des cas, une radiothérapie seule dans 11 %, une chimiothérapie seule dans 23 % et des associations de ces modalités pour le reste. La base de données et l’analyse statistique ont été confiées au Cancer Research and Biostatistics (CRAB) dirigé par John Crowley à Seattle. Le comité et les sous-comités se sont réunis à de multiples reprises et l’utilisation du courrier électronique a grandement facilité la communication. Le sous-comité « Méthodologie et Validation » a encadré l’ensemble des travaux pour s’assurer d’une démarche homogène (10). Pour chaque proposition, un tiers des cas de la banque de l’IASLC staging project a été utilisé pour la validation interne et la validation externe a été réalisée dans la banque de données du registre SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results), que les autorités américaines ont rendu accessible pour les travaux du comité (10). Les résultats globaux et de chaque sous-comité ont fait l’objet d’articles distincts publiés dans le Journal of Thoracic Oncology, revue officielle de l’IASLC. Ces articles sont accessibles gratuitement en ligne sur Internet.
Le rationnel des changements proposés Pour bien comprendre les changements proposés, il faut connaître les résultats obtenus dans le groupe des patients avec un cancer bronchique non à petites cellules de la banque de données de l’IASLC staging project.
Le descripteur T (11) Les cas métastatiques (M1) ont été exclus. Il y avait assez de données analytiques pour 18 018 patients pour le T clinique et 15 234 pour le T pathologique, quel que soit le N. La taille de la tumeur s’est avérée être un facteur pronostique important avec différents seuils définissant des pronostics différents (tableau I) : 2 cm, 3 cm, 5 cm et 7 cm. Les tumeurs de plus de 7 cm de taille se sont avérées avoir un
70
Oncologie thoracique
pronostic similaire aux T3. Il a donc été proposé de diviser les T1 en deux catégories T1a et T1b selon que la taille de la tumeur soit supérieure ou non à 2 cm et les T2 en T2a et T2b selon qu’elle soit supérieure ou non à 5 cm en faisant passer celles supérieures à 7 cm dans les T3. Tableau I – Importance de la taille de la tumeur pour le pronostic du descripteur T dans l’étude rétrospective de l’IASLC staging project. T
N0 n patients
Tout N
survie à 5 ans (%)
p
n patients
survie à 5 ans (%)
p
STADES PATHOLOGIQUES pT1 ) 2 cm
1 959
76
2 389
71
pT2 > 2–3 cm
1 800
70
< 0,0001
2 484
62
< 0,0001
pT2 > 3–5 cm
3 175
58
< 0,0001
5 242
49
< 0,0001
pT2 > 5–7 cm
936
49
< 0,0001
1 615
40
< 0,0001
pT2 > 7 cm
426
35
< 0,0001
788
28
< 0,0001
pT3
711
38
0,2739
1 224
31
0,1597
518
48
STADES CLINIQUES 423
53
cT2 > 2–3 cm
445
47
0,0932
543
43
0,1400
cT2 > 3–5 cm
1 345
43
0,1032
1 793
39
0,0388
cT2 > 5–7 cm
411
36
0,0010
572
32
0,0001
cT2 > 7 cm
173
26
0,0076
258
24
0,0182
cT3
486
29
0,6111
677
27
0,6482
cT1 ) 2 cm
n : nombre
Les tumeurs classées T4 et M1 par l’existence d’un nodule pulmonaire ipsilatéral (respectivement dans le même lobe ou dans un autre lobe que la tumeur primitive) se sont révélées de meilleur pronostic, équivalentes à un T3 si situées dans le même lobe ou à un T4 si situées dans un autre lobe du même poumon. Enfin, les tumeurs T4 par atteinte pleurale ont un pronostic plus péjoratif que les autres T4, avec des survies respectives à 5 ans de 2 et 14 % (p < 0,0001).
Le descripteur N (12) Il n’y avait pas assez de données précises en termes de description du N pour pouvoir proposer un changement, en raison de l’utilisation de cartes ganglionnaires différentes, celle de Naruke pour les séries japonaises et celle de l’American Thoracic Society pour les autres. Une correspondance exacte entre ces deux cartes ne s’est pas avérée possible et une proposition de carte commune
Nouvelle classification TNM
71
pour l’avenir a été faite mais n’est pas encore publiée à l’heure de la rédaction de ce chapitre. Les analyses exploratoires suggèrent que l’utilisation de zones ganglionnaires pourrait être utile : supérieure (aires 1 à 4), aorto-pulmonaire (5 et 6), sous-carinaire (7), inférieure (8 et 9), hilaire (10 et 11), périphérique (12 à 13). L’atteinte de zones multiples s’avère de moins bon pronostic.
Le descripteur M (13) En cas d’atteinte pleurale, le pronostic est significativement moins bon que si la tumeur est T4M0 pour une autre raison mais meilleure que lorsque la tumeur est M1 par métastases à distance, sauf s’il s’agit de nodules pulmonaires controlatéraux (tableau II). Il a donc été proposé de considérer dorénavant l’atteinte pleurale comme M1 et de la regrouper en un sous-stade M1a avec les M1 par nodules pulmonaires controlatéraux. Les métastases à distance seront étiquetées M1b. Tableau II – Données de l’étude rétrospective de l’IASLC staging project supportant l’introduction de nouvelles catégories de M. Nbre patients
Survie à 1 an
1 106
53
Atteinte pleurale
771
Nodule pulmonaire controlatéral
T4M0 tout N
Métastases à distance
comparaison
p
45
avec T4
< 0,0001
369
46
avec atteinte pleurale
0,3816
4 350
22
avec nodule pulmonaire controlatéral
< 0,0001
avec atteinte pleurale
< 0,0001
Le regroupement par stades (14) Outre les propositions déjà faites, les analyses statistiques par partitionnement récursif et amalgamation suggèrent de reclasser les T2aN1 avec les autres stades IIA (au lieu de IIB), les T2bN0 avec les stades IIA (au lieu de IB) et les T4N0 et T4N1 avec les autres stades IIIA (au lieu de IIIB). L’ensemble des changements proposés est résumé dans le tableau III. Comme l’illustre le tableau IV pour les stades cliniques (les résultats vont dans le même sens pour les stades pathologiques), le nouveau système prédit mieux le pronostic que celui de la 6e édition. Pour rappel, ces données ont été validées tant dans le groupe de validation interne de la banque de l’IASLC staging project que dans le registre SEER utilisé pour la validation externe (10).
72
Oncologie thoracique
Tableau III – Changements proposés (indiqués en gras) par l’IASLC staging project pour le regroupement TNM par stades. Changement T/M proposé
N0
N1
N2
N3
T1 () 2cm)
T1a
IA
IIA
IIIA
IIIB
T1 (> 2–3cm)
T1b
IA
IIA
IIIA
IIIB
T2 (* 3–5 cm)
T2a
IB
IIA
IIIA
IIIB
T2 (> 5–7cm)
T2b
IIA
IIB
IIIA
IIIB
T2 (* 7 cm)
T3
IIB
IIIA
IIIA
IIIB
T3 par invasion
IIB
IIIA
IIIA
IIIB
T4 (nodule même lobe)
IIB
IIIA
IIIA
IIIB
IIIA
IIIA
IIIB
IIIB
IIIA
IIIA
IIIB
IIIB
IV
IV
IV
IV
IV
IV
IV
IV
IV
IV
IV
IV
Descripteur T/M (6e édition)
T4 par extension
T4
M1 (nodule pulmonaire ipsilatéral) T4 (atteinte pleurale)
M1a
M1 (nodule pulmonaire controlatéral) M1 (métastase à distance)
M1b
Tableau IV – Prédiction du pronostic (modèles de Cox) par la classification de la 6e édition de l’UICC et par celle proposée par l’IASLC (stade clinique) dans l’étude rétrospective de l’IASLC staging project. Hazard ratio
p
6e édition
IASLC
6e édition
IASLC
IB vs IA
1,31
1,19
< 0,0001
0,0035
IIA vs IB
1,35
1,23
0,1978
0,0020
IIB vs IIA
1,20
1,46
0,4344
< 0,0001
IIIA vs IIB
1,30
1,27
< 0,0001
< 0,0001
IIIB vs IIIA
1,47
1,54
< 0,0001
< 0,0001
IV vs IIIB
1,71
1,64
< 0,0001
< 0,0001
R²
25,86
26,77
Comparaison
Nouvelle classification (7e édition du manuel de l’UICC – 2009) Toutes les analyses effectuées ont amené à proposer (14) une nouvelle classification TNM (tableau V) et par stades (tableau VI) devenue, en 2010, la classification officielle de l’UICC.
Nouvelle classification TNM
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Tableau V – Classification TNM proposée par l’IASLC et reprise dans la 7e édition du manuel de l’UICC. T – Tumeur primitive TX : Tumeur ne pouvant être évaluée ou être démontrée par la présence de cellules malignes dans les expectorations ou un lavage bronchique sans visualisation de la tumeur par des examens endoscopiques ou d’imagerie T0 : Pas d’évidence de tumeur primitive Tis : Carcinome in situ T1 : Tumeur de 3 cm ou moins dans sa plus grande dimension, entourée par le poumon ou la plèvre viscérale, sans évidence bronchoscopique d’invasion plus proximale que la bronchique lobaire (c’est-à-dire pas la bronche souche) T1a : Tumeur de 2 cm ou moins dans sa plus grande dimension T1b : Tumeur de plus de 2 cm sans dépasser 3 cm dans sa plus grande dimension T2 : Tumeur de plus de 3 cm sans dépasser 7 cm dans sa plus grande dimension ou présentant une des caractéristiques suivantes* : • atteinte de la bronche souche à 2 cm ou plus de la carène • invasion de la plèvre viscérale • présence d’une atélectasie ou d’une pneumopathie obstructive s’étendant à la région hilaire sans atteindre l’ensemble du poumon. T2a : Tumeur de plus de 3 cm sans dépasser 5 cm dans sa plus grande dimension T2b : Tumeur de plus de 5 cm sans dépasser 7 cm dans sa plus grande dimension T3 : Tumeur de plus de 7 cm ; ou envahissant directement une des structures suivantes : la paroi thoracique (y compris la tumeur de Pancoast), le diaphragme, le nerf phrénique, la plèvre médiastinale, pleural ou pariétal ou le péricarde ; ou une tumeur dans la bronche souche à moins de 2 cm de la caréna sans l’envahir ; ou associée à une atélectasie ou d’une pneumopathie obstructive du poumon entier ; ou présence d’un nodule tumoral distinct dans le même lobe T4 : Tumeur de tout taille envahissant directement une des structures suivantes : médiastin, cœur, grands vaisseaux, trachée, nerf laryngé récurrent, œsophage, corps vertébral, carène ; ou présence d’un nodule tumoral distinct dans un autre lobe du poumon atteint N – Ganglions lymphatiques régionaux NX : Les ganglions ne peuvent pas être évalués N0 : Pas de métastase ganglionnaire lymphatique régionale N1 : Métastase dans les ganglions lymphatiques intrapulmonaires, péribronchiques et/ou hilaires ipsilatéraux, y compris par envahissement direct N2 : Métastase dans les ganglions lymphatiques médiastinaux ipsilatéraux et/ou sous-carinaires N3 : Métastase dans les ganglions lymphatiques médiastinaux controlatéraux, hilaires controlatéraux, scalènes ou sous-claviculaires ipsilatéraux ou controlatéraux M – Métastase à distance MX : Les métastases à distance n’ont pas pu être évaluées M0 : Absence de métastase à distance M1 : Métastase à distance M1a : Nodule(s) tumoral(aux) distinct(s) dans un lobe controlatéral ; tumeur avec nodules pleuraux ou épanchement pleural (ou péricardique) malin M1b : Métastase à distance *Les tumeurs avec ces caractéristiques sont classées T2a si leur dimension est de 5 cm ou moins.
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Oncologie thoracique
Tableau VI – Classification par stades proposée par l’IASLC staging project et reprise dans la 7e édition du manuel de l’UICC. Cancer occulte
TX
N0
Stade 0
Tis
N0
M0 M0
Stade IA
T1a, b
N0
M0
Stade IB
T2a
N0
M0
Stade IIA
T1a, b
N1
M0
T2a
N1
M0
T2b
N0
M0
Stade IIB
T2b
N1
M0
T3
N0
M0
Stade IIIA
T1, T2
N2
M0
T3
N1, N2
M0
T4
N0, N1
M0
Stade IIIB
T4
N2
M
Tout T
N3
M0
Stade IV
Tout T
Tout N
M1
Intérêts et écueils de la nouvelle classification La nouvelle classification, comme toute classification TNM, est utilisée pour des raisons opérationnelles et/ou pronostiques.
Application opérationnelle Le nouveau système s’applique beaucoup mieux à la décision thérapeutique pour les cancers bronchiques non à petites cellules. De plus, il s’avère applicable aux cancers à petites cellules (15) et aux tumeurs carcinoïdes (16). Schématiquement, on peut en effet proposer les grands principes thérapeutiques suivants selon le stade : – stade I : chirurgie seule ; – stade II : chirurgie suivie de chimiothérapie adjuvante ; – stade III : traitement multimodal ; – stade IV : traitement général (chimiothérapie, thérapeutiques ciblées). Cette simplification résulte du passage des tumeurs de plus de 5 cm dans les stades II (T2b et T3) et des atteintes pleurales et péricardiques dans les stades IV (M1a). Il n’y a en effet à l’heure actuelle pas d’arguments péremptoires pour administrer une chimiothérapie adjuvante en cas de tumeur de petite taille comme le montre l’analyse de l’essai du CALGB réalisé dans les stades IB version 1997 (17) où une analyse exploratoire suggère qu’une taille d’au minimum 4 cm
Nouvelle classification TNM
75
est nécessaire pour améliorer le pronostic par un traitement systémique. Quant aux présentations avec atteinte de la plèvre ou du péricarde, elles sont depuis longtemps abordées par des traitements généraux, chirurgie et radiothérapie n’ayant pas de place dans le traitement de fond. Il est important d’attirer l’attention sur le fait que les recommandations de pratique clinique disponibles dans la littérature ont été rédigées sur base de l’ancienne classification et qu’il faut être très prudent pour les appliquer à la pratique courante, surtout si elles sont présentées sous forme d’algorithmes basés sur le stade de la tumeur, les stades ne représentant plus les mêmes maladies. Ces recommandations devront être adaptées à la nouvelle classification. De même, les banques de données ne peuvent être automatiquement traduites dans la nouvelle classification si elles ne contiennent pas le détail de certains descripteurs : taille de la tumeur, présence et localisation des nodules pulmonaires, présence d’une atteinte pleurale ou péricardique. La classification ne permet pas de bien séparer, pour les stades III, les indications respectives des traitements multimodaux : chirurgie initiale ou après induction, chimiothérapie première, radiochimiothérapie. Cet écueil peut en partie s’expliquer par le caractère rétrospectif de l’étude conduite par l’IASLC staging project, ne permettant pas d’avoir le détail des caractéristiques des descripteurs T et N comme la taille de la tumeur ou les aires ganglionnaires atteintes. Le recours à des zones ganglionnaires pourrait aider à définir la possibilité d’une radiothérapie curative. En effet, celle-ci n’est possible que pour des maladies dites limitées. Jusqu’ici, deux grands systèmes ont été utilisés pour définir l’extension de la maladie : le système de staging international (ISS) avec le TNM selon la dernière version publiée en 1997 par l’UICC (4) ou le système à deux stades du Veterans Administration Lung Cancer Study Group (VALCSG) (maladie limitée ou étendue) (18). Avec celui-ci, les patients avec une maladie limitée (ML) ont une affection limitée à l’hémithorax, atteinte incorporable dans un champ unique de radiothérapie. L’IASLC (19) reprend aussi, dans la définition de la maladie limitée, la présence de ganglions hilaires contra-latéraux et/ou sus-claviculaires ipsilatéraux et/ou controlatéraux et/ou la présence d’un épanchement péricardique et/ou pleural ipsilatéral, quel que soit le résultat de l’analyse cytologique. Ces définitions doivent être améliorées, en tenant compte de la taille de la tumeur et du volume qui peut être traité selon des histogrammes dose-volume par les techniques actuelles de radiothérapie avec une toxicité acceptable (20).
Application pronostique Le pronostic donné par la nouvelle classification est plus précis que celui prédit par l’ancienne, qu’il soit établi à partir du stade clinique ou pathologique. Pour les cancers bronchiques non à petites cellules (14), les survies médianes et les
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Oncologie thoracique
survies à 5 ans par stades cliniques sont respectivement : IA 60 mois et 50 %, IB 43 mois et 43 %, IIA 34 mois et 36 %, IIB 18 mois et 25 %, IIIA 14 mois et 19 %, IIIB 10 mois et 7 %, IV 6 mois et 2 %. Pour les stades pathologiques (cas chirurgicaux), le pronostic est respectivement : IA 119 mois et 73 %, IB 81 mois et 58 %, IIA 49 mois et 48 %, IIB 31 mois et 36 %, IIIA 22 mois et 24 %, IIIB 13 mois et 9 %, IV 17 mois et 13 %. Pour les cancers bronchiques à petites cellules (15), les survies médianes par stades cliniques sont respectivement : IA 30 mois, IB 18 mois, IIA 33 mois, IIB 18 mois, IIIA 14 mois, IIIB 12 mois, IV 7 mois. Pour les tumeurs carcinoïdes (16), le pronostic à 5 ans est respectivement par stade pathologique : IA 93 %, IB 91 %, IIA 85 %, IIB 86 %, IIIA 76 %, IIIB 47 %, IV 57 %. Le pronostic est également déterminé par d’autres facteurs que le stade. La banque de données de l’IASLC staging project offrait une série de renseignements à valeur pronostique comme l’âge, le sexe, le type histologique et l’indice de performance. Pour les analyses multivariées par modèle de Cox et par partitionnement récursif et amalgamation, 12 428 malades avec un CBNPC et 6 609 avec un CBPC étaient éligibles, ce qui a permis d’obtenir la plus grande analyse de facteurs pronostiques jamais réalisée pour les cancers bronchiques (21). Le stade, l’indice de performance (IP), le sexe et l’âge se sont tous avérés des variables pronostiques indépendantes. Pour les CBNPC, le sous-type histologique l’est aussi en faveur de l’épithélioma épidermoïde. L’analyse par partitionnement récursif et amalgamation a identifié dans les CBNPC quatre groupes de pronostic différent : • 1 avec les stades IA-IIA (tout âge et tout IP) ; • 2 avec les stades IIB/IIIA et un IP de 0-1 (tout âge) ; • 3 avec les stades IIB/IIIA et un IP de 2 (tout âge) ou avec les stades IIIB/IV et un IP de 0 (tout âge) ou avec les stades IIIB/IV, un âge < 81 ans et un IP de 1 ; • 4 avec les stades IIB/IIIA et un IP de 3-4 (tout âge) ou avec les stades IIIB/IV et un IP de 2-4 (tout âge) ou avec les stades IIIB/IV, un IP de 1 et un âge > 80 ans. Les survies médianes pour les groupes 1 à 4 sont respectivement de 53, 16, 8 et 3 mois. Le même type d’analyse réalisée pour les CBPC a aussi identifié quatre groupes : • 1 avec les maladies limitées (ML), un IP de 0 et un âge <60 ans ou avec les ML, un IP de 1-2 et un âge < 65 ans ; • 2 avec les ML, un IP de 1-2 et un âge * 65 ans ou les femmes avec une maladie étendue (ME), un IP de 0 et un âge < 65 ans ; • 3 avec les femmes avec une ME, un IP de 0 et un âge * 65 ans ou avec les hommes avec une ME et un IP de 0 ou avec les deux sexes et une ME, un IP de 1 et un âge < 70 ans ; • 4 avec les ML et un IP de 3-4 ou avec les ME, un IP de 1 et un âge * 70 ans ou avec les ME et un IP de 2-4. Les survies médianes sont respectivement de 17 mois pour le groupe 1, 12 mois pour le groupe 2, 10 mois pour le groupe 3 et 6 mois pour le groupe 4. Des analyses exploratoires ont révélé que dans les stades avancés, certaines valeurs biologiques de tests de routine pouvaient avoir un rôle pronostique
Nouvelle classification TNM
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intéressant : calcémie, natrémie, albuminémie, hémoglobinémie et leucocytose. À tous ces résultats, il convient d’ajouter la méta-analyse des données de la littérature (22) de la valeur pronostique du SUVmax fourni par la tomographie à émission de positrons (TEP). Cette revue systématique a été réalisée car la banque de données, trop ancienne, ne contenait pas d’information substantielle en rapport avec la TEP. Il n’y avait également aucune donnée sur les marqueurs biologiques et moléculaires. Le meilleur niveau de preuve actuellement disponible repose sur des méta-analyses montrant qu’une série de marqueurs a une valeur pronostique en analyse univariée (21). L’ensemble des variables identifiées comme potentiellement intéressantes par l’IASLC staging project est présenté dans le tableau VII. Tableau VII – Résumé des facteurs pronostiques pour le cancer bronchique identifiés par niveau de preuve par l’IASLC staging project. Variable
CBNPC
CBPC
Stade clinique
++++
++++
Indice de performance*
+ + + (* IIB seulement)
+++
Âge
++ (* IIIB seulement)
++
Sexe masculin
+
++
Épithélioma épidermoïde
+ (IIIA seulement)
NA
SUVmax à la TEP
+
NA
Calcémie
+°
–
Albuminémie
+°
+
Natrémie
+°
+
Leucocytose
+°
–
Hémoglobinémie
+°
–
NA : non applicable ; * : mesuré par l’échelle OMS (ou Zubrod ou ECOG) ; ° : maladies avancées (stades IIIB/IV). ++++ et +++ : facteurs présents dans tous les modèles ++ : facteurs significatifs en PRA et modèles de Cox + : facteurs significatifs en modèles de Cox (ou dans une méta-analyse pour le SUVmax) +§ = facteurs biologiques significatifs en modèles de Cox ne prenant pas en compte les autres variables biologiques.
Remarque finale et perspectives Il faut se rappeler que le nouveau système de classification est basé sur l’analyse rétrospective de données collectées dans la dernière décennie du XXe siècle. Les patients n’ont pas été pour la plupart pris en charge avec les méthodes les plus
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Oncologie thoracique
modernes : réalisation d’une TEP et d’une résonance magnétique cérébrale, chimiothérapie adjuvante pour les stades II réséqués, radiochimiothérapie concomitante pour certains stades III, chimiothérapie et thérapeutiques ciblées pour les stades IV, etc. De plus, si le stade est fondamental pour la décision thérapeutique, d’autres facteurs entrent en compte comme l’indice de performance et la présence de comorbidités. Ces facteurs devraient être mieux pris en compte dans les algorithmes opérationnels. L’étude prospective que l’IASLC staging project met sur pied tentera de répondre à ces différents défis.
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Nouvelle classification TNM
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Bilan d’opérabilité des cancers bronchiques non à petites cellules Connaître les aspects fonctionnels et chirurgicaux du bilan d’opérabilité d’un patient atteint d’un cancer bronchique non à petites cellules P.-E. Falcoz1
Points essentiels • Le bilan fonctionnel avant résection pulmonaire pour cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) a pour but de détecter les patients à risque de complications cardio-respiratoires périopératoires. Cette évaluation préopératoire doit permettre de faire la balance risque/ bénéfice attendu en évaluant à la fois le risque périopératoire immédiat et le risque à long terme (capacité fonctionnelle respiratoire résiduelle et qualité de vie pour juger du handicap respiratoire). • La première évaluation est basée sur l’évaluation clinique du patient et le jugement que l’on se fait lors de la consultation. Après la réalisation du bilan cardio-vasculaire basé sur l’anamnèse, l’examen clinique et l’électrocardiogramme de repos, le bilan fonctionnel respiratoire suivra un algorithme de décision bâti selon trois étapes successives : spirométrie, mesure des valeurs postopératoires prédites (pop) et exploration fonctionnelle à l’effort (VO2 max). • Les paramètres préopératoires estimant le mieux le risque de complications périopératoires après chirurgie d’exérèse pour CBNPC sont : VEMS pop, Tco pop, VO2max dont les valeurs doivent être supérieures à 40 % de la valeur théorique pour avoir un risque opératoire acceptable1. • Avant la prise de décision opératoire finale, les résultats du bilan cardio-vasculaire et fonctionnel respiratoire sont à moduler en fonction de paramètres cliniques, chirurgicaux et anesthésiques influençant également le pronostic. • Un plus grand nombre de patients devrait pouvoir bénéficier d’une chirurgie curative de leur CBNPC grâce à une évaluation rigoureuse des tests fonctionnels et à l’approche multidisciplinaire du bilan d’opérabilité.
1. Brunelli A, Charloux A, Bollinger CT et al. European Journal of Cardio-Thoracic Surgery, Volume 36, Issue 1, July 2009, Pages 181-4.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction La chirurgie est le traitement du cancer bronchique offrant la plus longue survie aux patients. Cependant, en dépit de progrès certains dans la prise en charge périopératoire et la sélection des patients, la chirurgie thoracique pour cancer présente encore une morbi-mortalité non négligeable, liée à l’étendue de la résection mais aussi (et surtout) aux comorbidités, en particulier la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), et aux complications cardiovasculaires. La mortalité opératoire se situe entre 3 % pour une lobectomie et 6 % pour une pneumonectomie. La chirurgie d’exérèse pulmonaire est également grevée d’une morbidité importante, principalement respiratoire (20 % de complications pulmonaires sévères) et cardio-vasculaire (10 %). Le bilan préopératoire doit donc permettre d’identifier les patients qui risquent de développer ces complications : il évalue les différentes fonctions pour avoir un index de morbidité et de mortalité. De ce fait ce bilan est nécessairement multidisciplinaire. Cette évaluation préopératoire doit permettre de faire la balance risque/bénéfice attendu en évaluant à la fois le risque périopératoire immédiat et le risque à long terme (capacité fonctionnelle respiratoire résiduelle et qualité de vie pour juger du handicap respiratoire). L’évaluation de l’opérabilité repose sur trois points fondamentaux – les explorations cardio-vasculaires, les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) et les tests d’exercice – que nous envisagerons successivement. Le but de cette évaluation est de fournir des éléments objectifs d’appréciation du risque opératoire (en classant éventuellement les patients dans des groupes à risques), permettant de prévoir le niveau de prise en charge requise au cours de la période postopératoire. De nombreux algorithmes décisionnels, intégrés dans la pratique quotidienne, ont été proposés afin de sélectionner les patients les plus à risque et de hiérarchiser la réalisation des différents tests à disposition. Ainsi, on pourra éviter aux bons candidats sans facteurs de risque de subir des tests lourds et inutiles et contre-indiquer définitivement les mauvais candidats (diagnostic d’inopérabilité).
Évaluation clinique L’évaluation clinique rassemble les éléments du diagnostic et apprécie la tolérance fonctionnelle. Elle doit se faire sur un patient au mieux de sa forme, éventuellement traité par bronchodilatateur, et après arrêt du tabagisme et traitement des pathologies associées. Elle se focalisera sur les sphères respiratoire et cardio-vasculaire. L’interrogatoire précise l’âge du patient, les antécédents médicaux-chirurgicaux, les facteurs de risque, l’ancienneté de la pathologie respiratoire (en
Bilan d’opérabilité des CBNPC
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particulier d’une BPCO), ses caractéristiques sémiologiques, la notion d’une intoxication tabagique (quantifiée en paquet/années) et d’une exposition professionnelle, l’existence d’une surinfection bronchique et les éventuels traitements. L’évaluation du périmètre de marche à la recherche d’une claudication sera systématique. La sévérité de la gêne respiratoire (évaluation de la dyspnée et de la tolérance à l’effort) est un bon indicateur clinique de ce que sera la capacité du patient à faire face à l’augmentation du travail respiratoire en postopératoire. La présence d’une bronchorrhée (toux, expectorations) conditionne en partie l’encombrement bronchique postopératoire et nécessite de débuter une kinésithérapie d’ampliation thoracique, si possible en préopératoire. Le degré de distension thoracique et le mode ventilatoire du patient fournissent des indications précieuses sur la fonction des muscles respiratoires (principaux et accessoires). L’examen physique évaluera l’état morphostatique à la recherche de déformations thoraco-rachidiennes, causes d’un éventuel dysfonctionnement (trouble ventilatoire restrictif) ou conséquence d’un trouble ventilatoire obstructif (signes de distension : cou court, thorax en tonneau, antéprojection du sternum, cyphose dorsale). Le signe de Hoover à la recherche d’une ventilation paradoxale abdominale sera systématiquement recherché. Les signes d’hypoxie (cyanose, tachycardie,) et d’hypercapnie (sueurs, flapping tremor, hypertension, somnolence et obnubilation progressive ou agitation) seront notés. L’auscultation recherchera un bronchospasme, un encombrement mais aussi un souffle cardiaque ou vasculaire. La palpation des pouls et la recherche de signes d’insuffisance cardiaque droite ou gauche seront effectuées. Concernant le poids, l’obésité ne semble pas augmenter le risque de complications après chirurgie d’exérèse (1). À l’inverse, la dénutrition chronique peut augmenter le risque respiratoire postopératoire, tout du moins du point de vue théorique : une albuminémie basse (< 35 g/L) accroît la fréquence des surinfections broncho-pulmonaires en raison de la baisse des défenses immunitaires ; la force des muscles respiratoires est diminuée car la masse musculaire est réduite et les carences métaboliques, minérales et hydroélectriques associées en altèrent la contractilité. Le niveau de vigilance préopératoire doit également être considéré lors de l’examen parce qu’il détermine en partie la qualité de la protection de l’arbre trachéo-bronchique. Le risque d’inhalation et de pneumopathie de déglutition est augmenté lors de la période postopératoire chez les sujets âgés et ceux ayant des antécédents ORL. De fait, un âge supérieur à 60 ans et la dépendance fonctionnelle préopératoire sont des facteurs de risque indépendants de complications respiratoires (2).
Bilan cardio-vasculaire L’évaluation du risque périopératoire de complications cardio-vasculaires est nécessaire avant toute résection pulmonaire. La chirurgie thoracique est considérée comme ayant un risque de complications cardio-vasculaires
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Oncologie thoracique
« intermédiaire » inférieure à 5 %, ceci toutes pathologies pulmonaires confondues (3). Néanmoins, l’intervention devient à haut risque s’il existe une perte de sang, une fuite plasmatique importante ou une intervention de longue durée. Le risque de complications cardio-vasculaires est classiquement évalué grâce à des scores basés sur l’anamnèse, l’examen clinique et l’électrocardiogramme de repos (4, 5). Ils permettent de classifier les patients en niveau de risque de complications cardio-vasculaires – faible risque ; à risque intermédiaire ; à haut risque – et définissent la nécessité d’explorations complémentaires. Le score d’Eagle (5), que nous employons couramment dans notre centre du fait de sa simplicité, se base sur les cinq facteurs de risque coronarien suivant : âge, diabète, angor, onde Q, arythmie supraventriculaire. Ainsi, un patient à faible risque ne présentera aucun facteur de risque, un patient à risque intermédiaire aura un ou deux facteurs de risque et un patient à haut risque aura trois ou plus facteurs de risque. Les patients à faible risque sont opérés sans exploration complémentaire. Pour les deux autres catégories, il faut réaliser un bilan spécifique, aboutissant bien souvent à la mise en place d’un traitement avant la résection pulmonaire. Les attitudes proposées pour la catégorie « à risque intermédiaire » sont assez différentes d’un comité d’experts à l’autre, l’idée étant de réserver les explorations complémentaires invasives (par exemple coronarographie) aux patients présentant des facteurs de risques multiples (4) afin de garantir la sécurité de l’acte chirurgical, de dépister des pronostics compromis et de traiter des pathologies méconnues. Les tests non invasifs de dépistage de la maladie coronarienne incluent l’échocardiographie avec stress à la dobutamine (ou l’échographie d’effort), la scintigraphie myocardique au thallium-dipyridamole et les tests d’effort couplés ou non à la scintigraphie (6). Avant résection pulmonaire, ces tests peuvent avoir un double intérêt s’ils sont couplés à la mesure de la consommation d’oxygène et de l’adaptation ventilatoire du patient (attention aux facteurs limitant que sont l’artérite des membres inférieurs et les problèmes moteurs pouvant limiter l’exercice et masquer la survenue de signes ischémiques). Il est important de noter que la revascularisation coronarienne préopératoire ne réduit pas le risque opératoire chez les patients ayant une coronaropathie stable et que la réalisation d’une chirurgie combinée coronarienne et pulmonaire lors de la même séance opératoire est controversée du fait d’une augmentation de morbi-mortalité (7). La réalisation d’un Doppler carotidien est recommandée en cas d’antécédent d’accident vasculaire cérébral, d’accident ischémique transitoire ou de souffle carotidien (British Thoracic Society (8)). En pratique, le Doppler carotidien est beaucoup plus largement réalisé, notamment chez les patients fumeurs.
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Explorations fonctionnelles respiratoires et tests d’exercice Spirométrie La spirométrie est un test largement retenue par les équipes médico-chirurgicales car non invasif et bien standardisé. Elle est classiquement la première étape du bilan respiratoire des algorithmes décisionnels (cf. infra). Parmi les paramètres spirométriques (capacité vitale, ventilation maximale minute, débit maximal à 50 % de la capacité vitale), le volume maximum expiré en 1 seconde (VEMS) apparaît comme étant le plus pertinent et ayant la meilleure valeur prédictive du risque de complications postopératoires (9) et de survie à 3 ans (10). Sa valeur doit être exprimée en pourcentage de la valeur prédite (VP) ou théorique. Classiquement, un VEMS supérieur à 80 % de la VP permet d’envisager une pneumonectomie. Si le VEMS est inférieur à 80 % du VEMS théorique, un VEMS postopératoire prédit (pop) doit être calculé (cf. infra). Un VEMS inférieur à 35 % de la VP est classiquement un critère d’inopérabilité (plutôt 30 %).
Transfert du monoxyde de carbone Le transfert du monoxyde de carbone (Tco) reflète à la fois la qualité de la ventilation et de la perfusion pulmonaire. Il permet d’apprécier l’intégrité de la membrane alvéolo-capillaire. Sa diminution à un niveau inférieur à 60 % de la valeur prédite avant résection pulmonaire majeure ressort comme facteur prédictif indépendant de mortalité postopératoire (11), de morbidité postopératoire et de dyspnée résiduelle (12), ainsi que d’altération de la qualité de vie (13). Comme pour le VEMS, un Tco pop peut être calculé.
Gazométrie artérielle Une pression partielle en O2 (PaO2) inférieure à 55 mmHg, une pression partielle en gaz carbonique (PaCO2) supérieure à 50 mmHg, une saturation de l’hémoglobine en O2 (SaO2) inférieure à 90 % ont été associées à une augmentation du risque des complications périopératoires (14). Cependant, il n’y a actuellement aucun consensus au niveau international concernant ces valeurs critiques de PaO2 ou PaCO2. En pratique, une gazométrie artérielle altérée ne doit pas faire récuser la résection pulmonaire prévue mais doit inciter à poursuivre les investigations.
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Oncologie thoracique
Tests fonctionnels d’exercice Ces tests évaluent les réserves cardio-respiratoires du patient en imposant à l’organisme un stress s’approchant de celui de la chirurgie. Ils prennent en compte les capacités globales du patient en évaluant les interactions poumon – cœur – muscle par l’intermédiaire de la consommation d’O2 à l’effort (VO2max). • Les tests de marche et de montée des escaliers : ils sont simples à utiliser (consultation préopératoire), peu coûteux et reproduisent les conditions de la vie courante. Il est communément admis que la montée de trois étages d’escaliers (12 marches par étages) permet d’envisager une lobectomie et de cinq étages une pneumonectomie. Il existe une relation linéaire entre le nombre de marche montée et la VO2max (monter cinq étages correspond à une VO2max de 20 mL/ min/kg). Il a été montré que le risque de complications cardio-respiratoires après résection pulmonaire est faible si le patient peut monter plus de 14 marches (15). Le test de la navette est également corrélé à la VO2max. La réalisation de moins de 25 navettes (250 mètres) est en faveur d’une VO2max au pic de l’exercice inférieure à 10 mL/min/kg (16). Concernant le test de marche de 6 minutes, il a été montré que parcourir moins de 610 mètres est corrélé à une VO2max inférieure à 15 mL/min/kg (17). • Les tests d’exercice maximaux : ils sont effectués sur tapis roulant ou ergocycle et demande un plateau technique et du personnel spécialisé. Une chute de plus de 4 % de la SaO2 au pic de l’exercice est de mauvais pronostic (18). Leur intérêt réside avant tout dans la mesure de la VO2max qui est apparue comme étant le meilleur facteur prédictif de complications postopératoires dans la plupart des études. Cette VO2max doit être exprimée en pourcentage de la VP exprimée en mL/min/kg. Deux chiffres sont à retenir (11, 19). Une VO2max au pic de l’exercice supérieure à 80 % VP (20 mL/min/kg) est en faveur d’un risque de complication cardio-vasculaire faible ; lobectomie et pneumonectomie sont donc possibles. Une VO2max au pic de l’exercice inférieure à 40 % VP (10 mL/ min/kg) est en faveur d’un risque élevé de complications fatales ; une résection pulmonaire est contre-indiquée. Entre ces deux valeurs, il est recommandé de se baser également sur les valeurs pop (VEMS, Tco, VO2max). Une VO2max pop inférieure à 10 mL/min/kg est classiquement un critère d’inopérabilité.
Calcul des valeurs postopératoires prédites Le but de ces calculs est d’évaluer la contribution du poumon à réséquer à l’ensemble de la fonction pulmonaire. Ceci permet donc d’estimer la fonction pulmonaire résiduelle chez des patients ayant une altération de la fonction pulmonaire. Deux approches sont proposées.
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Calcul basé sur des données anatomiques Le poumon possède fonctionnellement 19 segments. Chaque segment contribue donc théoriquement à 5,26 % de la fonction pulmonaire. La formule est la suivante : VEMS pop = VEMS préopératoire x (1-0,0526xN) où N est le nombre de segments à réséquer
Calcul basé sur les données de la scintigraphie de perfusion La formule utilisée est la suivante : VEMS pop = VEMS préopératoire x (1-C) où C est la contribution du parenchyme à réséquer à la fonction totale ( % de la perfusion totale). Ces mêmes formules peuvent être utilisées pour calculer des Tco pop et des VO2max pop. Il est recommandé de n’utiliser le calcul anatomique que pour des résections n’excédant pas un lobe (8) ; après pneumonectomie, le calcul des données pop est basé sur les données scintigraphiques, la méthode anatomique ayant tendance à sous-estimer les valeurs pop (20). On peut retenir de façon grossière qu’une lobectomie diminue le VEMS d’environ 15 %.
Différentes étapes du bilan préopératoire Nous présentons en figure 1 l’algorithme récent de l’American College of Chest Physicians (ACCP) publié en 2007 (21). Le risque cardio-vasculaire ayant été évalué, la première étape concerne la spirométrie. Si le VEMS est supérieur à 80 % de la VP, une pneumonectomie ou une lobectomie peut être réalisée du point de vue fonctionnel respiratoire sans qu’aucun autre examen ne soit nécessaire. La mesure du Tco ne s’avère être nécessaire que s’il existe une dyspnée à l’exercice ou s’il est découvert sur la radiographie thoracique (ou le scanner thoracique) des anomalies parenchymateuses (interstitielles) diffuses. Lorsque le VEMS et/ou le Tco est inférieur à 80 %, le bilan doit être poursuivi. L’ACCP préconise la mesure des valeurs pop (formule anatomique pour une lobectomie et scintigraphie de perfusion pour une pneumonectomie). L’épreuve d’exercice avec calcul de la VO2max intervient en dernier dans cet algorithme.
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Spirométrie
VEMS < 1,5 L Lobectomie VEMS < 2 L Pneumonectomie VEMS < 80 % VP
VEMS > 1,5 L Lobectomie VEMS > 2 L Pneumonectomie VEMS > 80 % VP
Dyspnée à l’exercice ou anomalies diffuses RP/CT
Oui
Non
Mesure du Tco Tco < 80 % VP
Tco > 80 % VP
VEMS pop et Tco pop > 40 %
Estimation % VEMS pop % Tco pop
VEMS pop et Tco pop < 40 %
VEMS pop < 30 % ou VEMS pop x Tco pop < 1650
Tests fonctionnels à l’exercice
VO2 max > 15 mL/kg/min
Risque moyen
VO2 max 10-15 mL/kg/min
VO2 max < 10 mL/kg/min
Risque augmenté
Fig. 1 – Algorithme de l’American College of Chest Physicians.
Inopérable
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Réduire le risque opératoire Il ne faut cependant pas négliger lors de la prise de décision finale des facteurs influençant le pronostic – âge, état nutritionnel, difficultés chirurgicales prévisibles, traitements oncologiques néo-adjuvants – et tenir compte des alternatives chirurgicales potentielles (résection infralobaire, résection anastomose bronchique par exemple). La préparation préopératoire des patients est également un élément fondamental. Il faut insister sur l’importance de l’arrêt de toute intoxication tabagique idéalement 6 à 8 semaines avant l’intervention et pendant la phase de cicatrisation, associé à un traitement bronchodilatateur efficace et à une réhabilitation préopératoire (préparation kinésithérapique ; réentraînement à l’effort) chez les patients limites. De même, les progrès conjoints de l’anesthésie et de la réanimation postopératoire ont eux aussi permis de faire reculer les limites d’opérabilité ; mais la prise en charge postopératoire devrait se poursuivre dans des programmes de réhabilitation pour améliorer la qualité de vie, la survie et le pronostic fonctionnel.
Conclusion Le but de l’évaluation préopératoire en chirurgie thoracique générale – et dans le cadre particulier de la chirurgie thoracique oncologique du CBNPC – est d’estimer et de trouver des outils de mesure pour diminuer les complications périopératoires (morbi-mortalité) et préparer les patients à haut risque pour la chirurgie. Il est important de garder à l’esprit que le risque opératoire est peu lié à la chirurgie mais plutôt lié aux capacités d’adaptations hémodynamique et à la ventilation sur le poumon restant (SDRA, infection). À l’heure actuelle, les paramètres préopératoires estimant le mieux le risque de complications périopératoires après chirurgie d’exérèse pour CBNPC sont les suivants : VEMS pop, Tco pop, VO2max dont les valeurs doivent être supérieures à 40 % de la VP pour avoir un risque opératoire acceptable. Dans le cas inverse, chez des patients présentant une fonction respiratoire très limite, il ne faut pas d’emblée exclure une intervention afin de ne pas priver ces patients d’une intervention potentiellement curative, sachant le très mauvais pronostic du CBNPC en l’absence de traitement chirurgical. La décision finale sera pluridisciplinaire et tiendra compte de l’avis du patient. La prise en charge sera idéalement réalisée dans un centre ayant un grand volume d’activité en chirurgie thoracique oncologique, le volume d’activité étant également un des déterminants du risque postopératoire (22). L’idée force à retenir est qu’un plus grand nombre de patients devrait pouvoir bénéficier d’une chirurgie curative de leur CBNPC grâce à une évaluation rigoureuse des tests fonctionnels et à l’approche multidisciplinaire du bilan d’opérabilité.
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Stratégie thérapeutique initiale dans les cancers bronchiques non à petites cellules V. Westeel, P. Jacoulet et A. Marescaux
Points essentiels • La stratégie thérapeutique doit reposer sur l’usage de référentiels et faire l’objet d’une discussion au cours d’une réunion de concertation pluridisciplinaire. • La décision thérapeutique prend en compte plusieurs paramètres, parmi lesquels l’extension de la maladie, le type histologique, l’état général du patient, son âge, ses comorbidités et le contexte socio-psychologique. • La base du traitement des CBNPC de stades I, II, et IIIA N0-1 est la chirurgie, sous réserve de la résécabilité et du bilan d’opérabilité. En utilisant la septième classification TNM, la chimiothérapie périopératoire n’a pas d’indication dans les stades IA et IB, et peut être recommandée aux stades IIA, IIB et IIIA N0-1. La chimiothérapie postopératoire a le niveau de preuve le plus élevé. • Dans les CBNPC de stade IIIA-N2, l’approche pluridisciplinaire est particulièrement importante. La stratégie thérapeutique peut faire appel à la chirurgie associée à une chimiothérapie pré- ou postopératoire, à une combinaison de la chimiothérapie, de la radiothérapie et de la chirurgie, ou comme dans les stades IIIB irradiables à une chimiothérapie avec radiothérapie thoracique concomitante. • Le traitement des CBNPC de stade IV repose sur un traitement systémique, chimiothérapie et/ou thérapie ciblée. La chimiothérapie standard est une bithérapie à base d’un sel de platine, de préférence le cisplatine, associé à une drogue dite de troisième génération. Il est désormais possible de délivrer un traitement de maintenance, soit par la poursuite d’un des traitements initiaux, comme c’est le cas avec le bevacizumab, soit par l’introduction précoce d’une autre molécule (pemetrexed, erlotinib).
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Introduction La stratégie thérapeutique des cancers doit reposer sur l’usage de référentiels et faire l’objet d’une discussion au cours d’une réunion de concertation pluridisciplinaire pour déboucher sur la présentation au patient de son programme personnalisé de soins. La décision thérapeutique prend en compte plusieurs paramètres, parmi lesquels l’extension de la maladie, le type histologique, l’état général du patient, son âge, ses comorbidités et le contexte socio-psychologique. Nous n’aborderons pas dans ce chapitre le traitement des patients dont l’état général est altéré et des sujets âgés qui fait l’objet d’autres chapitres.
CBNPC de stades I et II, IIIA N0-1 La base du traitement des CBNPC de stades I, II, et IIIA N0-1, c’est-à-dire sans atteinte ganglionnaire médiastinale ni à distance est la chirurgie, sous réserve de la résécabilité et du bilan d’opérabilité (voir chapitre Bilan d’opérabilité des CBNPC de P.-E. Falcoz). En utilisant la 7e classification TNM (voir chapitre Nouvelle classification TNM de J.-P. Sculier), les taux de survie à 5 ans sont de l’ordre de 73 % dans les stades pIA, de 58 % dans les pIB, de 46 % dans les pIIA, de 36 % dans les pIIB et de 24 % dans les pIIIA (1). Les Standards, Options et Recommandations recommandaient une chimiothérapie périopératoire dans les stades T1-2 N1, T3N0-1 de la 6e classification TNM (http://www.fnclcc.fr/sor.htm). Elle n’avait pas d’indication dans les tumeurs T1N0 et devait être discutée dans les T2N0. Elle pouvait être proposée en cas de critères pronostiques péjoratifs, parmi lesquels une taille excédant 4 cm (2, 3). En utilisant la 7e classification TNM, la chimiothérapie périopératoire, qui n’a pas d’indication dans les stades IA et IB, peut être recommandée aux stades IIA, IIB et IIIA N0-1. La chimiothérapie peut être postopératoire, induisant un gain de survie à 5 ans de 5 %, et c’est en adjuvant que le niveau de preuve de son efficacité est le meilleur, en faisant un standard (4, 5). Aucune étude n’a comparé directement la chimiothérapie postopératoire à la chimiothérapie préopératoire. Néanmoins, un bénéfice de survie globale de 8 % à 5 ans et à 10 ans a été rapporté après chimiothérapie préopératoire (6, 7). La chimiothérapie périopératoire comporte trois ou quatre cycles d’une bithérapie à base de cisplatine, l’association la mieux validée par les études de phase III étant cisplatine-vinorelbine. La dose totale de cisplatine doit être d’au moins 300 mg/m2. En cas de contre-indication au cisplatine, l’association carboplatine-paclitaxel peut être proposée.
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CBNPC de stade IIIA-N2 Dans les CBNPC de stade IIIA-N2, c’est-à-dire avec une atteinte ganglionnaire médiastinale homolatérale, l’approche pluridisciplinaire est particulièrement importante. Selon l’extension des adénopathies médiastinales, plusieurs situations peuvent se présenter. Si l’atteinte ganglionnaire médiastinale n’était pas détectable au bilan préthérapeutique et qu’elle a été découverte en peropératoire ou sur l’analyse anatomopathologique de la pièce opératoire, la chirurgie doit être suivie d’une chimiothérapie selon les mêmes modalités que celles décrites dans le précédent paragraphe (8). Même en cas de résection complète, la radiothérapie thoracique peut se discuter, dans ce cas après la chimiothérapie adjuvante. La radiothérapie postopératoire a été évaluée dans le cadre d’essais de phase III, et certains d’entre eux ont été intégrés à une méta-analyse (9), mise à jour en 2005 (10). La publication de 2005, basée sur dix études et 2 232 patients, a confirmé l’influence négative de la radiothérapie postopératoire sur la survie des patients opérés pour un CBNPC de stade I ou II, dans les N0-1. Son effet dans les stades III-N2 n’est toujours pas clarifié. Les données de ces études sont sujettes à controverses, principalement parce que les techniques de radiothérapie utilisées ne répondent plus aux critères de qualité actuels de la radiothérapie thoracique, et que les patients n’avaient pas reçu de chimiothérapie postopératoire. Certaines études ont montré une réduction du risque de récidive locorégionale après radiothérapie postopératoire. En particulier, dans l’analyse de sous-groupe de l’étude de phase III ANITA ayant comparé la chirurgie seule à la chirurgie suivie d’une chimiothérapie par cisplatine-vinorelbine, la survie des patients N2 traités par radiothérapie était significativement plus longue qu’ils aient (survie à 5 ans de 47,4 % versus 34 %), ou non (survie à 5 ans de 21,3 % versus 16,6 %) reçu la chimiothérapie adjuvante (11). Certaines recommandations suggèrent de proposer la radiothérapie thoracique postopératoire aux tumeurs N2 considérées à haut risque de récidive locale (12), parmi lesquelles peuvent être identifiées les effractions capsulaires (13). Un essai de phase III conduit sous l’égide de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique, utilisant des techniques de radiothérapie et des chimiothérapies modernes, évalue actuellement la radiothérapie thoracique postopératoire dans les CBNPC de stade IIIAN2. Dans le cas d’un « bulky » N2, la chirurgie n’est pas discutable et le traitement consistera en l’association d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie, selon des modalités détaillées dans le paragraphe traitant des CBNPC de stade IIIB. De manière plus large, les CBNPC N2 non opérables d’emblée relèvent de la chimio-radiothérapie concomitante. En effet, un essai de phase III européen conduit chez 332 patients répondeurs à trois cycles d’une chimiothérapie à base de sels de platine n’a pas montré de supériorité de la chirurgie sur la radiothérapie thoracique dans cette situation (14).
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Dans les CBNPC N2 identifiés en préopératoire, le traitement standard outre-Atlantique est la chimio-radiothérapie, délivrée selon les modalités détaillées au paragraphe suivant. La France a une culture traditionnellement plus chirurgicale, et la chirurgie associée à une chimiothérapie, le plus souvent préopératoire, est fréquemment envisagée. Il n’existe pas d’essai randomisé ayant démontré la supériorité de l’une ou l’autre de ces deux stratégies. Un traitement à trois modalités peut également être proposé, par chimio-radiothérapie concomitante suivie de chirurgie. Une étude nord-américaine de phase IIII a comparé la radiothérapie à la chirurgie, chez 396 patients avec un CBNPC T1-3 pN2 contrôlé après deux cycles de chimiothérapie par cisplatine-étoposide et radiothérapie thoracique concomitante (15). Dans les deux groupes, les patients recevaient deux cycles supplémentaires de cisplatine-étoposide après la fin du traitement locorégional. Aucune des deux stratégies n’a fait la preuve de sa supériorité en termes de survie. Une analyse exploratoire de cet essai a comparé : d’une part, les patients du groupe chirurgie traités par pneumonectomie à un nombre de patients identique opérés par pneumonectomie dans le groupe radiothérapie, appariés sur l’âge, le sexe, le performance status et le T ; d’autre part, les patients du groupe chirurgie traités par lobectomie à un nombre de patients identique traités par lobectomie dans le groupe radiothérapie, appariés sur l’âge, le sexe, le performance status et le T. Les résultats de cette analyse, même s’ils doivent être analysés avec prudence comme ceux de toute analyse de sous-groupe non planifiée lors de la construction d’un l’essai, suggèrent que la chirurgie pourrait être supérieure à la radiothérapie lorsque l’exérèse n’est pas une pneumonectomie.
CBNPC de stade IIIB Les CBNPC de stade IIIB qui, dans la 7e classification TNM, excluent les atteintes pleurales et péricardiques, correspondent aux tumeurs dont l’extension est locorégionale, avec en particulier une atteinte ganglionnaire médiastinale controlatérale. Leur traitement repose sur l’association d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie thoracique. Au cours des trente dernières années, les études randomisées ont montré la supériorité de l’association chimio-radiothérapie sur la radiothérapie seule, puis de l’association concomitante sur la délivrance séquentielle, avec une survie à 2 ans de l’ordre de 25 % et à 5 ans de 8 % (16). La chimiothérapie d’induction, avant chimio-radiothérapie (17), et la chimiothérapie de consolidation, après chimio-radiothérapie (18), n’ont pas permis d’améliorer la survie globale. La mise en place de la radiothérapie nécessitant du temps, un ou deux cycles de chimiothérapie sont en pratique fréquemment délivrés avant que l’association ne puisse débuter. La chimiothérapie est une bithérapie à base d’un sel de platine. Classiquement, l’association cisplatineétoposide est la plus testée en phase III. Parmi les chimiothérapies modernes, l’association carboplatine-paclitaxel a été fréquemment utilisée. La compa-
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raison cisplatine-docetaxel versus MVP (mitomycine-vindésine-cisplatine) est en faveur du doublet, avec une survie à deux ans de 60,3 % contre 48,1 % (p = 0,059) chez des patients traités par chimio-radiothérapie concomitantes pour un CBNPC de stade IIIA ou IIIB (19).
CBNPC métastatiques (stade IV) Le traitement des CBNPC de stade IV repose sur un traitement systémique, chimiothérapie et/ou thérapie ciblée. Les CBNPC de stade IIIb non accessibles à la radiothérapie relèveront de la même thérapeutique. L’amélioration de la survie et de la qualité de vie apportée par la chimiothérapie, par comparaison aux seuls soins de support, a été démontrée par de nombreuses études et plusieurs méta-analyses (20). Dans les cancers non à prédominance épidermoïde, un agent anti-angiogénique, le bevacizumab, peut être associé à la chimiothérapie, sous réserve du respect de précautions d’emploi liées aux caractéristiques du patient et à la localisation de sa maladie (voir chapitre Thérapeutiques ciblées dans les CBNPC de J.-F. Morère). En cas de mutation du gène de l’EGFR, la thérapeutique initiale peut être une petite molécule, inhibitrice du domaine tyrosine-kinase (TKI) du récepteur de l’epidermal growth factor (voir chapitre Thérapeutiques ciblées dans les CBNPC de J.-F. Morère). Seul le gefitinib a actuellement l’autorisation de mise sur le marché en première ligne. La chimiothérapie standard est une bithérapie à base d’un sel de platine, de préférence le cisplatine, associé à une drogue dite de troisième génération (vinorelbine, gemcitabine, pemetrexed, docetaxel, paclitaxel). Plusieurs méta-analyses ont montré la supériorité du cisplatine sur le carboplatine, en association avec une drogue de troisième génération (21, 22). Le carboplatine, induisant moins de toxicités neurologique et rénale, peut être préféré chez certains patients en fonction de leur comorbidité. Le choix de la deuxième molécule résulte de la prise en compte du type anatomopathologique et des comorbidités. En effet, l’analyse en sous-groupe programmée d’une étude de phase III qui a comparé cisplatine-pemetrexed à cisplatine-gemcitabine chez 1 725 patients atteints d’un CBNPC de stade IV a montré que l’association cisplatine-pemetrexed était supérieure à l’association cisplatine-gemcitabine dans les tumeurs non épidermoïdes (survie médiane de 11,8 versus 10,4 mois, p = 0,005) et qu’il existait une tendance inverse dans les carcinomes épidermoïdes (survie médiane de 9,4 versus 10,8 mois, p = 0,05) (23). Cela pourrait s’expliquer par surexpression de la thymidilate synthase, associée à une diminution de l’efficacité du pemetrexed, par les carcinomes épidermoïdes (24). Des résultats comparables ayant été rapportés en deuxième ligne et en maintenance, l’autorisation de mise sur le marché a depuis été modifiée pour être restreinte aux tumeurs non épidermoïdes. L’efficacité de la gemcitabine,
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de la vinorelbine et des taxanes, associés à un sel de platine ne diffère pas, au contraire de leur profil de toxicité, qui va diriger le choix (25). La durée recommandée de la chimiothérapie à base de platine est de quatre à six cycles (26). Il est désormais possible de délivrer un traitement de maintenance, soit par la poursuite d’un des traitements initiaux, comme c’est le cas avec le bevacizumab, soit par l’introduction précoce d’une autre molécule en l’absence de progression à l’issue d’une chimiothérapie à base d’un sel de platine. Les deux molécules qui ont l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication sont le pemetrexed après une chimiothérapie par un sel de platine associé à un taxane ou de la gemcitabine en l’absence de progression, et un TKI de l’EGFR, l’erlotinib chez les patients avec une maladie stable après quatre cycles d’une première ligne à base de sels de platine (voir chapitre Thérapeutiques ciblées dans les CBNPC de J.-F. Morère). Le concept de maintenance repose sur le maintien de la meilleure réponse obtenue au traitement initial et la délivrance plus certaine d’une deuxième ligne, diminuant le risque de perte d’un certain nombre de patients, qui ne seraient plus capables de recevoir la deuxième ligne de traitement au moment de la progression. Ces indications reposent principalement sur deux essais de phase III. Le pemetrexed a été comparé au placebo chez 663 patients avec un CBNPC en réponse ou stable après une chimiothérapie associant un sel de platine et une molécule de troisième génération (27). Le traitement de maintenance par pemetrexed permettait d’allonger non seulement la survie sans progression mais également la survie globale (survie médiane à 13,4 mois contre 10,6 mois ; p = 0,012). Cette amélioration de la survie n’était observée que dans les cancers non épidermoïdes, avec un gain de 10,3 à 15,5 mois en médianes de survie (p = 0,002) alors qu’aucun bénéfice n’a été rapporté dans les carcinomes épidermoïdes (survies médianes de 9,9 mois sous pemetrexed, contre 10,8 mois sous placebo ; p = 0,678). L’erlotinib a été comparé au placebo chez 889 patients dont le CBNPC ne progressait pas après quatre cycles de chimiothérapie à base de sels de platine (28). La maintenance par erlotinib allongeait significativement la survie sans progression (survie médiane de 12,3 mois contre 11,5 mois ; p < 0001) et la survie globale (survie médiane de 12 mois contre 11 mois ; p = 0,0088). Les patients dont la tumeur était stable avaient un bénéfice de survie lié à l’erlotinib (survie médiane de 11,9 mois versus 9,6 mois ; p = 0,0019) supérieur à ceux dont la maladie était en réponse (survie médiane de 12,5 mois versus 12 mois ; p = 0,618). L’étude IFCT-GFPC 0502 a donné des résultats comparables, avec un allongement de la survie sans progression en cas de maintenance par gemcitabine ou Erlotinib® (29). Dans aucune étude, le traitement de maintenance n’a été comparé au même traitement, délivré à la progression. Il est donc difficile de savoir si le bénéfice est lié à l’administration du médicament ou à la délivrance précoce de ce même traitement. Le traitement de maintenance offre l’avantage de ne pas imposer de pause thérapeutique chez certains patients qui la vivent difficilement. À l’inverse, l’arrêt du traitement peut être plus bénéfique chez les patients qui supportent mal la thérapeutique et chez qui la surveillance rapprochée pour délivrer la deuxième ligne au moment de la progression, avant que l’état général ne se dégrade, est une option.
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Conclusion Les stratégies thérapeutiques sont variables selon le stade de la maladie et font intervenir la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et les thérapies ciblées. Chaque patient fait l’objet d’une discussion pluridisciplinaire qui vise à adapter au mieux les traitements à sa situation. L’évolution actuelle du traitement des CBNPC se fait vers une meilleure personnalisation des traitements, avec le développement de traitements ciblés sur des marqueurs, et en particulier sur des marqueurs moléculaires (voir chapitre Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC de M. Pérol).
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Stratégie thérapeutique initiale dans les CBNPC
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Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des cancers bronchiques non à petites cellules M. Pérol
Points essentiels • L’hétérogénéité tumorale des cancers bronchiques non à petites cellules rend compte de la nécessité de disposer de facteurs prédictifs d’efficacité et de toxicité des traitements disponibles, condition indispensable à l’amélioration des résultats thérapeutiques par le biais d’une approche personnalisée du traitement. • La détermination de la signification prédictive ou pronostique d’un critère clinique ou biologique nécessite une étude contrôlée, permettant la réalisation d’un test d’interaction. • La majorité des données disponibles quant à la signification prédictive des biomarqueurs dans le cancer bronchique non à petites cellules est établie de manière rétrospective ; l’étape d’une validation prospective est nécessaire avant d’envisager des applications en pratique clinique. • La prise en compte du type histologique de la tumeur et de l’exposition tabagique du patient constitue deux facteurs prédictifs d’ores et déjà utilisés en pratique clinique. • Les mutations activatrices de l’EGFR constituent le premier biomarqueur influençant la décision thérapeutique dans les CBNPC avancés en déterminant un bénéfice thérapeutique avec les inhibiteurs de l’activité tyrosine-kinase de l’EGFR dès la première ligne de traitement.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction : de la nécessité de disposer de facteurs pronostiques et prédictifs en cancérologie pulmonaire La prise en charge thérapeutique des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) est principalement fondée sur l’extension de la maladie au moment du diagnostic, déterminée par la classification TNM. Les patients appartenant à un même stade TNM conservent toutefois une hétérogénéité pronostique importante, rendant donc nécessaire l’individualisation de facteurs pronostiques supplémentaires afin de mieux adapter la prise en charge thérapeutique à l’agressivité intrinsèque de la maladie. Par ailleurs, l’effet thérapeutique très variable d’un même traitement au sein d’un groupe de patients de pronostic globalement homogène traduit un second niveau d’hétérogénéité, impliquant de rechercher des éléments susceptibles de déterminer a priori la sensibilité de la maladie au traitement. La recherche de facteurs prédictifs de l’effet d’un traitement chez un patient donné atteint d’une tumeur donnée constitue ainsi le fondement d’une approche thérapeutique personnalisée.
Définitions et aspects méthodologiques Un facteur est considéré comme prédictif de l’effet d’un traitement si sa présence ou son absence entraîne un bénéfice thérapeutique significativement différent (1). Un facteur prédictif définit donc l’effet du traitement sur la tumeur, aidant ainsi à répondre à la question du choix d’un traitement pour un patient donné parmi les différents traitements disponibles. Il ne doit pas être confondu avec un facteur pronostique qui est une caractéristique du patient ou de la tumeur associée à l’évolution de la maladie, prédisant ainsi le devenir du patient indépendamment de l’action du traitement. La recherche de facteurs prédictifs de l’efficacité ou de la toxicité d’un traitement fait évoluer le raisonnement d’une dimension collective (connaissance du rapport bénéfice-risque d’un traitement chez un groupe de patients) à la connaissance du risque individuel. La signification prédictive de l’effet d’un traitement se définit en termes statistiques par une interaction entre le bénéfice thérapeutique et le statut du facteur étudié (1). La différenciation de la valeur prédictive ou pronostique d’un marqueur nécessite une étude randomisée avec un groupe contrôle (fig. 1) ; en effet, le devenir différent de deux groupes de patients définis par la présence ou non d’un facteur clinique ou biologique et recevant tous le même traitement ne permet pas de différencier la valeur prédictive ou pronostique de ce facteur. Dans un essai contrôlé, la valeur pronostique s’étudiera au sein du bras contrôle en recherchant une différence de devenir selon la présence ou du niveau d’expression du facteur étudié. La détermination de la valeur prédictive nécessite la comparaison de l’effet du traitement évalué par rapport au contrôle dans
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
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chacun des sous-groupes définis par le facteur à l’étude (fig. 1). Cette comparaison nécessite un test d’interaction, qui évalue l’interdépendance entre l’effet thérapeutique et la présence ou l’absence du facteur étudié. Dans une étude contrôlée, la simple mesure de l’effet du traitement dans les sous-groupes de patients définis par la présence ou l’absence d’un facteur que l’on pense être prédictif ne détermine pas si l’effet thérapeutique varie réellement selon le facteur en cause ; en effet, l’analyse de sous-groupes conduit souvent à des résultats positifs uniquement par chance (2). Seul le test d’interaction permet d’attester de la valeur prédictive d’un critère clinique ou biologique (fig. 2) (1) ; il nécessite en règle générale un essai de phase III avec un effectif élevé. Cependant, l’interprétation des études peut être rendue difficile par l’intrication d’une signification à la fois pronostique et prédictive du même facteur.
Fig. 1 – Mise en évidence dans une étude contrôlée de la valeur pronostique ou prédictive d’un facteur F. Dans le premier cas de figure (à gauche), le facteur F a une signification exclusivement pronostique car impliquant un avantage de survie identique dans le bras contrôle et dans le bras expérimental, sans influencer l’amplitude de l’effet thérapeutique. Dans le second cas (au centre), le facteur F a une signification uniquement prédictive de l’effet du traitement expérimental, sans valeur pronostique. La survie des patients est en effet identique dans le bras contrôle, que le facteur F soit exprimé ou non. L’effet du traitement expérimental est significativement supérieur en présence du facteur F qu’en son absence. Dans le dernier cas (à droite), le facteur F a une signification à la fois pronostique et prédictive.
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HR : hazard ratio = rapport du risque de décès sous traitement et du risque de décès sous placebo. Fig. 2 – Mise en évidence de la valeur prédictive de l’expression d’un marqueur M pour l’effet d’un traitement dans une étude randomisée contrôlée contre placebo (positivité du test d’interaction entre l’expression du marqueur M et l’effet thérapeutique, revenant à dire que l’effet du traitement varie significativement selon l’expression ou non du marqueur M).
Évolution des outils prédictifs de la clinique à la biologie moléculaire Les progrès de la biologie, notamment de la biologie moléculaire, ont étendu le champ de la recherche de facteurs prédictifs et pronostiques. Il est désormais technologiquement possible d’évaluer au niveau de la cellule tumorale les modifications du génome en termes de méthylation, de contenu ou de séquences d’ADN, la transcription génique par la mesure des ARN messagers (ARNm) ou des micro-ARNs, ainsi que la synthèse protéique. Les techniques utilisées peuvent s’intéresser à un gène cible en particulier, en recherchant une amplification génique (par hybridation in situ), en évaluant son niveau d’expression par la mesure de son ARNm, la présence de mutations par séquençage ou d’un polymorphisme touchant un nucléotide (SNP = single nucleotide polymorphism). Les nouvelles technologies telles l’hybridation génomique
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
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comparative ou les puces à ADN à haut débit permettent aussi d’obtenir une véritable signature moléculaire de la tumeur, avec la mise en évidence d’amplifications géniques, de mutations ou de polymorphisme de nucléotides sur l’ensemble du génome, de l’expression simultanée de milliers de gènes tumoraux par l’analyse du transcriptome (ARNm), ou de prendre en compte les modifications post-transcriptionnelles par l’analyse des protéines synthétisées par la cellule tumorale grâce aux techniques de protéomique. Cette caractérisation des tumeurs au niveau moléculaire pose néanmoins des problèmes importants de coût, de reproductibilité, d’analyse statistique qui rendent pour l’instant la perspective d’une utilisation clinique assez lointaine (3). La recherche de critères biologiques prédictifs dans les tumeurs solides rencontre d’autres difficultés, particulièrement dans le domaine des CBNPC: hétérogénéité tumorale spatiale avec une expression différente des marqueurs entre la tumeur primitive et ses métastases (4), hétérogénéité tumorale temporelle avec une possible inadaptation de l’analyse de biopsies tumorales faites au moment du diagnostic initial pour une décision thérapeutique concernant une rechute, difficultés à réaliser de nouveaux prélèvements biopsiques chez un patient en rechute, taille limitée des prélèvements pour les CBNPC à l’exception des pièces opératoires, données établies sur des séries rétrospectives. Des technologies non invasives se développent pour contourner la difficulté d’effectuer des prélèvements tumoraux itératifs, comme l’analyse des cellules tumorales circulantes ou de l’ADN circulant (5). Les résultats présentés impliquant des facteurs biologiques doivent être ainsi interprétés avec prudence compte tenu de ces limitations techniques et méthodologiques ; leur validation prospective est actuellement manquante.
Facteurs cliniques prédictifs Indice de performance L’indice de performance (performance status ou PS, indice de Karnofsky) est probablement le facteur pronostique le plus puissant pour les CBNPC de stade avancé (6). Le PS ne semble pas avoir une valeur prédictive de l’efficacité intrinsèque de la chimiothérapie mais est en revanche un bon indicateur de la tolérance de la chimiothérapie (7). Le PS constitue ainsi un critère majeur du choix de la chimiothérapie chez les patients atteints de CBNPC avancés, une bithérapie à base de cisplatine n’étant appropriée que pour les patients conservant un bon état général (PS 0 ou 1) ; la chimiothérapie doit être adaptée pour des raisons de toxicité chez les patients de PS 2 au profit d’une monothérapie ou d’une bithérapie à base de carboplatine.
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Oncologie thoracique
Sexe La majorité des séries importantes retrouve la valeur pronostique indépendante défavorable du sexe masculin (6) dans les CBNPC avancés. Le cancer bronchique chez la femme constitue une entité particulière de par l’existence d’une répartition histologique et d’altérations génétiques différentes et du rôle possible de facteurs hormonaux (8). Le sexe féminin constitue un facteur prédictif de meilleure réponse aux inhibiteurs de tyrosine kinase (TKIs) du récepteur de l’epidermal growth factor (EGFR) utilisés en monothérapie de seconde ou troisième ligne dans les CBNPC avancés (9-11) mais n’apparaît pas prédire un bénéfice de survie supérieur à celui des hommes, probablement parce que le bénéfice de survie dépend aussi des stabilisations tumorales induites par le traitement (10). De même, le sexe ne semble pas influencer le bénéfice thérapeutique du cetuximab, anticorps monoclonal ciblant l’EGFR (12).
Âge L’âge élevé est un facteur de moins bonne tolérance, notamment hématologique, de la chimiothérapie des CBNPC avancés, conduisant à adapter celleci après 70 ou 75 ans, en abandonnant les bithérapies à base de platine pour une monothérapie active (13). L’âge seul apparaît cependant insuffisant pour personnaliser réellement le traitement des CBNPC ; l’utilisation d’échelles d’évaluation gériatrique apparaît plus adaptée (13). Un âge supérieur à 65 ans constitue également un facteur de risque vis-à-vis des complications du bevacizumab en combinaison avec la chimiothérapie (14).
Tabagisme Plusieurs travaux suggèrent que les patients tabagiques actifs ont un pronostic inférieur à celui des patients non-fumeurs ou ex-fumeurs, ceci tant pour les stades précoces que les stades avancés du CBNPC (15). La signification pronostique péjorative du tabagisme n’apparaît pas uniquement liée à son association aux comorbidités ou à l’incidence des seconds cancers, suggérant un comportement biologique différent. Le cancer pulmonaire des non-fumeurs apparaît de plus en plus comme une entité clinique et biologique particulière (16). Ses caractéristiques épidémiologiques sont distinctes avec une prédominance féminine, une incidence plus importante en Asie orientale et une répartition histologique en faveur des adénocarcinomes développés aux dépens des voies aériennes distales. Le profil mutationnel tumoral distinct des cancers bronchiques du fumeur (17, 18), notamment pour l’EGFR, la p53 ou l’oncogène KRAS,
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
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oriente vers une oncogenèse différente de celle des cancers du fumeur, avec le rôle majeur des mutations activatrices de l’EGFR et à un degré moindre des translocations EML4-ALK. L’absence d’exposition au tabac constitue également un facteur prédictif de l’efficacité de la radiothérapie (19) et de la chimiothérapie (20). L’efficacité de la chimiothérapie, notamment en termes de taux de réponses objectives, apparaît effectivement supérieure en cas de mutation de l’EGFR (21, 22), pouvant expliquer une efficacité plus importante des traitements cytotoxiques conventionnels chez les non-fumeurs du fait de l’association entre les mutations et l’absence d’exposition tabagique (23). Le degré d’exposition au tabac apparaît surtout être le facteur clinique le plus prédictif du bénéfice thérapeutique des EGFR TKIs, tant en termes de réponse au traitement que de survie (1, 9-11), s’expliquant par sa corrélation avec les mutations activatrices de l’EGFR (23). L’influence du tabagisme sur la pharmacocinétique de l’erlotinib avec une élimination accrue chez les fumeurs par induction du cytochrome P450 hépatique peut également expliquer l’interaction entre le tabagisme et l’effet des EGFR TKI (24). L’exposition au tabac devient ainsi l’un des principaux facteurs cliniques influençant les choix thérapeutiques dans le CBNPC avancé, de par ses significations pronostique et prédictive.
Ethnie Les patients d’origine asiatique orientale ont une meilleure survie que les patients d’origine caucasienne ou africaine dans la majorité des essais cliniques portant sur les CBNPC de stade avancé (25, 26). La signification pronostique ou prédictive de ce facteur n’est pas aisée à analyser, compte tenu de l’incidence accrue des adénocarcinomes, de l’absence de tabagisme plus fréquente chez les femmes et d’une plus grande fréquence des mutations de l’EGFR (27) conférant une sensibilité accrue aux EGFR TKIs. Le profil de toxicité des traitement cytotoxiques ou des EGFR TKIs apparaît également différent chez les asiatiques, notamment pour la fréquence accrue des pneumopathies interstitielles liées aux EGFR TKIs, témoignant de différences génétiques importantes au niveau des enzymes intervenant dans le métabolisme des drogues et du gène de l’EGFR (26). Il apparaît donc en pratique difficile d’extrapoler les résultats thérapeutiques d’une population asiatique à une population caucasienne.
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Oncologie thoracique
Apport des techniques d’imagerie dans la prédiction de l’effet thérapeutique Imagerie métabolique : apport de la tomographie à émission de positons L’interprétation quantitative de la fixation du FDG par les localisations tumorales, reflet de l’activité métabolique de la tumeur, a été étudiée pour déterminer sa valeur prédictive précoce de l’efficacité de la chimiothérapie ou la chimioradiothérapie. Cette mesure quantitative utilise généralement la « standardized uptake value » (SUV) qui dépend de nombreux facteurs rendant les comparaisons entre examens et séries difficiles. La prédiction de la réponse au traitement et la corrélation avec la réponse histopathologique (chez les patients opérés après traitement d’induction) apparaissent mieux appréciées par la TEP-FDG que la réponse classiquement évaluée en tomodensitométrie par les critères de l’OMS ou du RECIST (28). La TEP-FDG a également été utilisée comme facteur prédictif précoce de la réponse à la chimiothérapie dans les stades métastatiques avec corrélation de la réponse au traitement avec un niveau élevé de captation du FDG d’une part et une réduction d’au moins 20 % du SUV après une cure de chimiothérapie d’autre part (28). Ces travaux préliminaires illustrent l’usage potentiel de la TEP en termes d’outil prédictif précoce de l’efficacité thérapeutique, nécessitant une meilleure standardisation des méthodes de mesure de la captation du FDG.
Imagerie fonctionnelle de la vascularisation tumorale Les méthodes d’imagerie fonctionnelle de la vascularisation tumorale comme l’IRM dynamique ou l’échographie de contraste nécessitent encore une standardisation méthodologique (29). Elles permettraient l’identification précoce non invasive des répondeurs aux thérapeutiques anti-angiogéniques ; l’application au domaine des tumeurs thoraciques demeure à explorer.
Facteurs histologiques L’importance pronostique et prédictive du type histologique des CBNPC est actuellement mise en exergue par l’augmentation de fréquence des adénocarcinomes et par des études récentes suggérant le rôle prédictif de l’histologie vis-à-vis de l’efficacité ou de la toxicité de certains traitements cytotoxiques ou ciblés. La majorité des études testant la valeur pronostique du type histologique dans les CBNPC avancés montre que les carcinomes épidermoïdes ont le plus souvent un pronostic plus défavorable que les adénocarcinomes ou
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
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que le groupe des carcinomes non épidermoïdes (25, 30) ; l’impact des modalités thérapeutiques dans ces études, notamment des EGFR TKIs pour les plus récentes, rend là encore un peu difficile la séparation de la signification prédictive ou pronostique du type histologique. La prise en compte du type histologique dans l’optique d’un éventuel effet différentiel de la chimiothérapie cytotoxique dans les CBNPC avancés est récente. Les résultats d’une méta-analyse récente portant sur les données individuelles suggèrent l’influence du type histologique dans l’effet du cisplatine par rapport au carboplatine (31), avec un taux de réponses et une survie significativement supérieurs pour le cisplatine dans le groupe des carcinomes non épidermoïdes. Le rôle prédictif du type histologique a été mis en évidence avec le pemetrexed, dont l’activité apparaît clairement supérieure pour les carcinomes non épidermoïdes comparativement aux carcinomes épidermoïdes à la fois dans les études prospectives (25, 32) et dans l’analyse rétrospective des essais plus anciens (33). Cet effet différentiel du pemetrexed pourrait être liée à une expression plus faible de sa cible principale, la thymidilate synthétase, dans les adénocarcinomes que dans les carcinomes épidermoïdes. Ces constatations ont conduit à restreindre l’utilisation du pemetrexed aux carcinomes non épidermoïdes. Le type histologique intervient également de façon importante dans l’utilisation des thérapeutiques biologiques ciblées, soit en termes de prédiction d’un risque de toxicité, soit en termes d’efficacité. Le risque hémorragique des traitements anti-angiogéniques, particulièrement du bevacizumab, a été corrélé au type histologique épidermoïde dès les essais de phase II (34), conduisant à contre-indiquer l’emploi du bevacizumab dans les carcinomes épidermoïdes, exclus du développement ultérieur de la molécule. Cette toxicité peut être liée au type histologique en lui-même (nécrose et cavitation fréquente des carcinomes épidermoïdes exposant à un risque hémoptoïque) ou à la fréquente situation centrale des carcinomes épidermoïdes avec envahissement potentiel des gros vaisseaux. Le rôle de l’histologie a été principalement étudié pour les EGFR TKIs. La quasi-totalité des études testant le gefitinib ou l’erlotinib dans les CBNPC avancés prétraités par chimiothérapie montrent une augmentation des taux de réponses, du contrôle de la maladie, de la survie sans progression et de la survie pour les adénocarcinomes (9-11). Cependant, l’absence de bras contrôle dans ces études ne permet pas de distinguer la valeur réellement prédictive de l’histologie de type adénocarcinome de sa valeur pronostique (1). Deux études comportant un bras contrôle avec un placebo permettent d’évaluer le rôle prédictif de l’histologie sur l’effet des EGFR TKIs en seconde ou troisième ligne (9-11). Dans l’étude ISEL comparant le gefitinib à un placebo dans les CBNPC avancés prétraités (11), le bénéfice de survie, non significatif pour la population générale, est en faveur du gefitinib dans le sous-groupe des adénocarcinomes (modèle de Cox prévu a priori mais sans mention de test d’interaction). Dans l’étude BR21 conçue avec un design similaire pour tester l’erlotinib contre un placebo (9-10), le taux de réponse apparaît également supérieur pour les adéno-
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Oncologie thoracique
carcinomes (14 %) par rapport aux autres histologies (4 %). Le bénéfice de survie lié à l’erlotinib est cependant en analyse univariée d’amplitude identique pour les adénocarcinomes et pour les carcinomes épidermoïdes (1), probablement en raison du rôle de la stabilisation tumorale induite par le traitement dans le gain de survie. La survie des patients est constamment supérieure en cas d’adénocarcinome à celle des carcinomes épidermoïdes, que ce soit dans le bras placebo ou dans le bras « erlotinib », témoignant du rôle davantage pronostique que prédictif de l’histologie. L’analyse multivariée conduite dans l’étude BR21 sur les deux bras réunis retrouve effectivement que l’adénocarcinome corrélé à une meilleure survie de façon indépendante des autres facteurs (10). L’influence pronostique et prédictive du type histologique constitue une première approche d’individualisation thérapeutique en pratique clinique courante, probablement assez grossière. Les adénocarcinomes représentent effectivement un ensemble très hétérogène de tumeurs du point de vue de leur présentation radio-clinique, de leur morphologie histologique, de leur profil d’expression génique et de l’altération d’oncogènes (EGFR, ras) selon le degré d’exposition tabagique.
Facteurs biologiques ou biomarqueurs Biomarqueurs pharmaco-génomiques La pharmacogénomie est l’étude des gènes qui influencent l’activité ou la toxicité des médicaments, notamment cytotoxiques ; les gènes d’intérêt peuvent par exemple coder pour la cible enzymatique d’un cytotoxique comme la thymidylate synthétase pour le pemetrexed ou pour des enzymes intervenant dans les mécanismes de réparation des dommages créés par le cytotoxique sur l’ADN comme l’excision repair cross-complementary group 1 (ERCC1) pour les lésions induites par les sels de platine. La pharmacogénomie a ainsi pour objectif d’adapter le traitement à chaque tumeur et à chaque individu.
ERCC1 Le système NER (nucleotide excision repair) est l’un des systèmes de réparation de l’ADN, réalisant l’excision des adduits formés par les sels de platine sur l’ADN et la synthèse d’un nouveau brin d’ADN de remplacement. Son fonctionnement peut être affecté par des polymorphismes de certains de ces enzymes entraînant une variation de leur capacité fonctionnelle ou par l’expression tumorale anormale des enzymes de réparation, notamment l’ERCC1, pouvant ainsi conférer à la cellule tumorale une résistance au cisplatine. La valeur prédictive de certains polymorphismes touchant des enzymes du système NER a été retrouvée dans les CBNPC avancés traités par chimiothérapie à base de platine pour les gènes XPD ou XRCC1 (35). La valeur prédictive de
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l’expression de ERCC1 (évaluée par son ARNm) d’une résistance au cisplatine a été testée de façon prospective dans les CBNPC avancés dans une étude de phase III où étaient comparées une chimiothérapie cisplatine-docetaxel à une chimiothérapie adaptée en fonction de l’expression de ERCC1 (cisplatinedocetaxel en cas de faible expression de ERCC1, schéma sans platine docetaxelgemcitabine en cas de forte expression de ERCC1) (36). Cette étude a montré une augmentation significative des taux de réponses avec l’adaptation de la chimiothérapie selon le niveau d’expression de ERCC1, mais sans impact sur la survie sans progression ou la survie. Tableau I – Valeur prédictive de l’expression immuno-histochimique de l’ERCC1 de l’effet d’une chimiothérapie adjuvante à base de cisplatine (37).
Totalité des patients
Chimiothérapie adjuvante
Observation
44 %
47 %
39 %
48 mois
56 mois
42 mois
43 %
40 %
46 %
52 mois
50 mois
55 mois
Risque de décès HR: CT vs observation (IC 95 %)
p
ERRC1 Survie à 5 ans Médiane survie
0,65 (0,5-0,86)
0,002
1,14 (0,84-1,55)
0,40
0,84 (0,68-1,03)
0,09
ERCC1 + Survie à 5 ans Médiane survie Totalité des patients Survie à 5 ans Médiane survie Risque de décès HR : ERCC1 + vs ERCC1 – (IC 95 %) p
43 %
44 %
42 %
50 mois
53 mois
48 mois
0,88 (0,71-1,1)
1,16 (0,86-1,56)
0,66 (0,49-0,90)
0,26
0,34
0,009
CT: chimiothérapie ; HR: hazard ratio ; IC: intervalle de confiance.
Dans les stades précoces en situation adjuvante, l’impact pronostique et prédictif de l’expression d’ERCC1 évaluée par immuno-histochimie a été étudié rétrospectivement sur les pièces opératoires de 761 patients représentatifs de la population totale de l’essai IALT, premier essai montrant un bénéfice de survie avec la chimiothérapie adjuvante à base de cisplatine (37). Une forte
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Oncologie thoracique
expression de l’ERCC1 a une valeur pronostique favorable parmi les patients du bras observation. À l’inverse, le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante ne s’observe que pour les patients dont la tumeur n’exprime pas l’ERRC1, c’està-dire pour les tumeurs non dotées d’une capacité élevée de réparation de l’ADN. Il n’y a en effet pas de gain de survie avec la chimiothérapie adjuvante pour les tumeurs exprimant fortement l’ERCC1, probablement résistantes au cisplatine. L’absence d’expression de l’ERCC1 par la tumeur en immunohistochimie constitue donc à la fois un facteur pronostique défavorable après résection chirurgicale et un facteur fortement prédictif du bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante à base de cisplatine (tableau I). Du fait d’une large utilisation des sels de platine, l’expression de l’ERCC1 en immuno-histochimie pourrait devenir l’un des biomarqueurs essentiels du traitement des CBNPC, notamment de stade précoce.
Sous-unité M1 de la ribonucléotide réductase (RRM1) La ribonucléotide réductase est un enzyme intervenant dans la synthèse des nucléotides responsable du remplacement du brin d’ADN manquant après excision des adduits formés par les sels de platine. La sous-unité M1 intervient dans le métabolisme cellulaire de la gemcitabine qui exerce une inhibition de la RRM1 entraînant une réduction du pool de désoxynucléotides nécessaires à la synthèse de l’ADN. Dans le cadre des CBNPC avancés, la surexpression de la RRM1 évaluée par RT-PCR est associée à une résistance aux schémas associant la gemcitabine à un sel de platine, résistance non observée lorsque le platine est combiné à une autre drogue. L’utilisation conjointe de l’expression de l’ERCC1 et de RRM1 évaluée par RT-PCR a été testée de façon prospective en situation métastatique comme critère de choix de la chimiothérapie pour le carboplatine et la gemcitabine (38), avec des taux de réponses intéressants ; cette approche nécessite une validation prospective en phase III.
Bêtatubuline III La tubuline intervient dans la dynamique des microtubules lors de la formation du fuseau mitotique et constitue la cible cellulaire des taxanes (paclitaxel, docetaxel) et des vinca-alcaloïdes. La bêtatubuline de classe III peut être étudiée en immuno-histochimie. Deux études rétrospectives ont permis d’établir dans les CBNPC de stade avancé une corrélation entre une faible expression de la bêtatubuline III et une meilleure survie sans progression ou survie chez des patients traités par une association cisplatine-vinorelbine d’une part, et une meilleure réponse à un schéma cisplatine-paclitaxel d’autre part (39). En situation adjuvante, l’intérêt de la bêtatubuline III pour prédire l’efficacité d’une chimiothérapie cisplatine – vinorelbine a été étudiée dans l’étude canadienne JBR10, portant sur des stades pIB et pII (40). L’analyse des patients surveillés après résection chirurgicale (bras contrôle) montre une valeur pronostique défavorable d’une forte expression de la de la bêtatubuline III. L’analyse de
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la valeur prédictive de la bêtatubuline III suggère que seuls les patients dont la tumeur exprime fortement la bêtatubuline III semblent tirer bénéfice de la chimiothérapie (test d’interaction néanmoins négatif) ; ces résultats contradictoires avec ceux obtenus dans les stades métastatiques demandent impérativement une validation prospective.
BRCA1 BRCA1 (breast cancer 1) est un des composants du système de réparation de l’ADN et pourrait déterminer la réponse à plusieurs agents cytotoxiques, notamment en abrogeant l’apoptose induite par les cytotoxiques endommageant l’ADN tels que le cisplatine, et en facilitant l’action des agents anti-microtubules dont les taxanes. L’expression de l’ARNm de BRCA1 apparaît corrélée à celle de ERCC1 et de RRM1 et constitue un facteur pronostique indépendant dans une série de 126 patients opérés pour un CBNPC sans traitement adjuvant (41). Les tumeurs exprimant fortement BRCA1 seraient résistantes à la chimiothérapie fondée sur le cisplatine comme cela a été montré avec le schéma néo-adjuvant cisplatine-gemcitabine mais en revanche sensibles aux taxanes, notamment au docetaxel.
Autres marqueurs pharmaco-génomiques D’autres cibles pharmaco-génomiques pourraient avoir un intérêt dans la prédiction de l’activité des cytotoxiques comme la thymidilate synthétase ou les transporteurs cellulaires des folates pour le pemetrexed (25), les enzymes intervenant dans le métabolisme de la gemcitabine, les nombreux polymorphismes des enzymes du système NER. Leur description sort du cadre de cette revue.
Critères moléculaires Statut EGFR des tumeurs L’EGFR a été historiquement la première cible d’intérêt pour le développement de biothérapies du CBNPC. Les études conduites avec le gefitinib et l’erlotinib ont permis d’individualiser l’importance pronostique et prédictive du statut EGFR des CBNPC avec l’importance majeure des mutations du gène de l’EGFR. Mutations de l’EGFR Le séquençage du gène de l’EGFR (42) a permis d’individualiser des mutations somatiques hétérozygotes situées sur les exons 18 à 21 codant pour le domaine tyrosine kinase du récepteur chez 80 à 90 % des patients répondeurs au gefitinib ou à l’erlotinib. Près de 90 % de ces mutations sont soit des délétions
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Oncologie thoracique
dans l’exon 19 en position 746-750, soit une substitution L858R dans l’exon 21. Les tumeurs portant ces mutations activatrices de l’EGFR apparaissent dépendantes de la voie de l’EGFR, dont l’inhibition par les EGFR TKIs entraîne une mort cellulaire par apoptose (42). À l’inverse, l’action du cetuximab ne semble pas dépendante de ces mutations. Les tumeurs mutées s’avèrent extrêmement sensibles aux EGFR TKIs: la probabilité de réponse en présence d’une mutation est de l’ordre de 70 à 80 % (43) ; il persiste néanmoins 10 % de répondeurs parmi les patients dont la tumeur exprime un récepteur sauvage. De façon concordante avec la réponse au traitement, la fréquence de ces mutations est plus importante chez les femmes, en l’absence de tabagisme, pour les adénocarcinomes et chez les patients d’origine asiatique. Les mutations constituent le plus important facteur prédictif de réponse aux EGFR TKIs (43). L’analyse de la valeur prédictive des mutations de l’EGFR d’un bénéfice de survie sous EGFR TKI a fait l’objet de plusieurs études rétrospectives sur des séries de patients traités majoritairement par le gefitinib ainsi que sur l’essai BR 21 (44). Il apparaît dans les essais randomisés disposant d’un bras contrôle (placebo ou chimiothérapie + placebo) que les mutations activatrices de l’EGFR ont une signification pronostique favorable, quel que soit le stade ou le traitement administré, placebo, EGFR TKI en monothérapie, chimiothérapie seule ou associée aux TKIs (21, 44). On ne peut donc affirmer formellement en seconde ou troisième ligne la valeur prédictive d’un gain de survie sous EGFR TKIs pour les tumeurs ayant une mutation de l’EGFR par rapport aux tumeurs dont l’EGFR est de type « sauvage » (44). Il n’est donc pas indiqué de sélectionner dans ce contexte de seconde ou troisième ligne les patients susceptibles de recevoir un traitement par EGFR TKIs sur la seule présence d’une mutation de l’EGFR, l’absence de mutation ne permettant pas d’exclure un bénéfice du traitement. Les mutations apparaissent, en revanche, prédictives d’un bénéfice de survie sans progression dans quatre études de phase III comparant le gefitinib à une chimiothérapie en seconde (22) ou première ligne (45-47). L’existence d’un « cross over » entre les EFGR TKIs et la chimiothérapie n’autorise pas à statuer sur la valeur prédictive d’un bénéfice de survie dans ces études, d’autant que l’efficacité des EGFR TKIs semble similaire quelle que soit la ligne de traitement (48). La recherche de mutations activatrices de l’EGFR permet ainsi de sélectionner les tumeurs extrêmement sensibles aux EGFR TKIs, bénéficiant de leur utilisation en première ligne par rapport à la chimiothérapie en termes de taux de réponses, de survie sans progression et de tolérance. Les mutations activatrices de l’EGFR constituent en pratique clinique le premier biomarqueur décisionnel en termes de stratégie thérapeutique des CBNPC avancés ; les critères cliniques ne peuvent se substituer à la recherche de mutations, la chimiothérapie apparaissant clairement supérieure au gefitinib en l’absence de mutation de l’EGFR, même en présence de critères cliniques orientant vers une sensibilité aux EGFR TKIs (45).
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
117
Augmentation du nombre de copies du gène de l’EGFR L’augmentation du nombre de copies du gène de l’EGFR, évaluée par hybridation in situ (FISH), peut résulter soit d’un degré élevé de polysomie, soit d’une véritable amplification du gène. Contrairement aux mutations de l’EGFR, l’augmentation du nombre de copies de l’EGFR a une valeur pronostique défavorable dans le bras placebo de l’étude BR21 (10, 44). Dans les deux essais randomisés ISEL (49) et BR 21 (10, 44) comparant un EGFR TKI à un placebo, le bénéfice de survie lié au gefitinib ou à l’erlotinib est significativement supérieur pour les tumeurs contenant un nombre de copies élevé du gène de l’EGFR (FISH « positives »), par rapport aux tumeurs FISH « négatives » pour lesquelles il n’y a pas de bénéfice de survie. Il existe une corrélation entre présence d’une mutation et amplification du gène (49) augmentant l’incertitude sur le rôle prédictif propre de l’amplification. La positivité du test FISH pourrait ainsi constituer un marqueur prédictif de bénéfice survie dans l’utilisation des EGFR TKIs en seconde ou troisième ligne, car définissant à la fois les patients répondeurs ou stabilisés par le traitement. Néanmoins, la reproductibilité de ces résultats reste à démontrer. Expression de l’EGFR évaluée par immuno-histochimie Le rôle prédictif d’un bénéfice de l’expression de la protéine EGFR évaluée par immuno-histochimie a été étudié dans les deux études ISEL et BR21 (10, 44, 49). Le bénéfice de survie lié aux TKIs est globalement plus important pour les patients dont la tumeur exprime l’EGFR en immuno-histochimie mais le test d’interaction n’est positif que dans l’étude ISEL. Une réserve importante concerne la variabilité des résultats obtenus avec l’immuno-histochimie selon le type d’anticorps utilisé et le seuil retenu pour affirmer la positivité d’un échantillon. Il est ainsi difficile d’utiliser l’immuno-histochimie comme moyen de sélection des patients candidats à une monothérapie de seconde ou troisième ligne par erlotinib, les données ne permettant pas d’exclure un bénéfice potentiel pour des tumeurs négatives. Marqueurs de résistance aux EGFR TKIs La présence d’une mutation de KRAS constitue un facteur de résistance primaire au gefitinib ou à l’erlotinib (50), l’activation des voies d’aval étant alors assurée indépendamment de l’activation de l’EGFR. Les mutations de KRAS et les mutations de l’EGFR semblent ainsi s’exclure mutuellement. La quasi-totalité des patients répondeurs à l’erlotinib ou au gefitinib voient au terme d’un délai variable leur tumeur progresser à nouveau sous traitement, ceci sous la dépendance de plusieurs mécanismes, comme l’apparition ou la sélection d’une seconde mutation dans l’exon 20 (mutation T790M) (51) ou l’amplification de l’oncogène MET, rétablissant la fonctionnalité de la voie de pAkt par le biais de Erb-B3 (52).
118
Oncologie thoracique
Mutations de KRAS Les mutations de l’oncogène KRAS dans les CBNPC (exon 2, codons 12 et 13) ont été initialement identifiées de manière quasiment exclusive dans les adénocarcinomes chez des patients fortement exposés au tabagisme. Le profil mutationnel semble en fait différer entre les sujets tabagiques et non tabagiques (53). Ces mutations concernent environ 25 % des adénocarcinomes dans les pays occidentaux, avec une fréquence moindre dans les pays asiatiques. La valeur pronostique défavorable de la présence de mutations de KRAS a été établie pour les CBNPC opérés et avancés, notamment pour les adénocarcinomes (54). Les mutations de KRAS pourraient prédire l’absence d’efficacité de la chimiothérapie périopératoire mais le test d’interaction n’est pas significatif dans l’étude canadienne JBR10 pour la chimiothérapie de type cisplatine-vinorelbine (55). La signification prédictive des mutations de KRAS a été essentiellement établie pour les EGFR TKIs avec une absence de réponse à l’erlotinib ou au gefitinib dans les tumeurs exprimant une mutation de KRAS (10, 44, 56) ; la valeur prédictive d’un effet délétère sur la survie chez les patients traités par EFGR TKIs n’est en revanche pas formellement établie. Enfin, la recherche du rôle prédictif négatif des mutations de KRAS dans les études combinant le cetuximab à la chimiothérapie s’est avérée négative.
Statut des autres oncogènes ou gènes suppresseurs de tumeur L’impact pronostique ou prédictif des altérations moléculaires survenant sur des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeur a été étudié dans de nombreuses séries, souvent de petite taille. Les résultats présentés proviennent d’analyses univariées ne permettant pas de conclure à la valeur pronostique indépendante de ces marqueurs (aneuploïdie, p53, bcl-2, TTF1, VEGF, compte des microvaisseaux, c-erb-2, p16, p27, Rb, profil de méthylation, etc.). On retiendra cependant les travaux conduits sur la p53 et la p27. Le gène de la p53 code pour un facteur de transcription ayant un rôle important dans la stabilité du génome cellulaire, activant des gènes contrôlant notamment les « check-points » du cycle cellulaire, l’apoptose, la réparation de l’ADN et l’angiogenèse. Les mutations ou délétions du gène de la p53 sont observées dans près de 50 % des CBNPC. La valeur prédictive des mutations de la p53 a fait l’objet de nombreux travaux, suggérant une conservation de l’activité des cytotoxiques ciblant les microtubules (vinorelbine, taxanes) mais une résistance aux alkylants ainsi qu’au cisplatine en cas de mutation de la p53 (59). La p27/Kip1 est un gène régulateur du cycle cellulaire. Environ 80 % des CBNPC ont une réduction de l’expression de la p27, qui serait corrélée à un pronostic défavorable dans les CBNPC opérés. L’expression de la p27/Kip1 pourrait parallèlement être synonyme de résistance de novo au cisplatine, en permettant à la cellule de réparer les dommages sur l’ADN causés par le cisplatine. Dans l’étude IALT, le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante n’est en effet significatif que pour les tumeurs n’exprimant pas la p27/Kip1 (60).
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
119
Données issues de la génomique : signatures moléculaires des tumeurs La multiplicité des altérations génétiques et épigénétiques accumulées lors de la carcinogenèse pulmonaire au cours de l’exposition tabagique rend compte de l’hétérogénéité tumorale des cancers bronchiques. Les techniques actuelles d’exploration « pan-génomique » semblent a priori plus appropriées pour prendre en compte cette complexité des carcinomes bronchique. Cette approche a été utilisée pour individualiser de nouveaux facteurs pronostiques indépendants des paramètres classiques liés à l’extension anatomique de la tumeur. La majorité des travaux disponibles a cherché à déterminer le potentiel de rechute à partir du profil d’expression génique d’un CBNPC opéré. Plusieurs études ont ainsi confirmé la signification pronostique de certaines « signatures » moléculaires faisant intervenir un nombre variable de gènes pour les CBNPC opérés, notamment de stade très précoce (pIA) (61). Ces signatures génomiques pourraient ainsi permettre de sélectionner les patients bénéficiant réellement d’une chimiothérapie adjuvante, en particulier au sein des stades précoces (pIA et pIB) pour lesquels l’utilité de la chimiothérapie adjuvante n’est pas prouvée. L’analyse génomique d’une signature portant sur 15 gènes, établie dans l’essai canadien JBR10 de chimiothérapie adjuvante et validée sur des séries indépendantes, montre que seuls les patients dont la tumeur de stade pIB ou pII exprime une signature « à haut risque » bénéficient de la chimiothérapie adjuvante (62). Ces techniques commencent à être également étudiées pour prédire l’efficacité des traitements anticancéreux, cytotoxiques ou thérapeutiques ciblées, en repérant par exemple les voies de signalisation impliquées dans la croissance tumorale. À titre d’exemple, certains profils protéomiques peuvent définir a priori de façon reproductible la sensibilité des adénocarcinomes aux EGFR TKIs (63) ; les profils d’expression génomiques pourraient également prédire la sensibilité aux cytotoxiques (64) et ainsi aider en théorie à optimiser la chimiothérapie des CBNPC.
Synthèse des facteurs prédictifs dans le CBNPC Cette synthèse effectuée pour la chimiothérapie cytotoxique et les thérapeutiques ciblées figure dans les tableaux II à IV.
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Oncologie thoracique
Tableau II – Signification prédictive des facteurs cliniques et histologiques de l’effet de la chimiothérapie dans les stades avancés. Efficacité
Tolérance/toxicité
PS < 2
0
+
Âge élevé
0
-
Critères cliniques ou histologiques Chimiothérapie
Comorbidités présentes
0
-
Sexe féminin
0
0
Ethnie asiatique
?
+/-
Tabagisme
-
0
+*/0
0
Adénocarcinome
+ : valeur prédictive favorable ; 0: pas de valeur prédictive ; -: valeur prédictive défavorable. * : pour le pemetrexed.
Tableau III – Signification prédictive des facteurs pharmaco-génomiques et histologiques sur l’effet de la chimiothérapie en fonction des cytotoxiques. Critères prédictifs
Stades précoces
Stades avancés
ERCC1
+ (R)
+ (R) ; (P) réponse
BRCA1
?
+ (R)
Gemcitabine
RRM1
?
+ (R)
Taxanes
Bêtatubuline III
?
+ (R)
BRCA1
?
+ (R)
Cisplatine
Vinorelbine
Bêtatubuline III
+ (R)
+ (R)
Pemetrexed
Adénocarcinome
?
+ (SG)
Grandes cellules
?
+ (SG)
Thymidilate synthétase
?
+ (R)
+ : valeur prédictive démontrée ; P: analyse prospective ; R: analyse rétrospective ; SG: analyse de sous-groupes.
Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
121
Tableau IV – Signification prédictive des facteurs cliniques et biologiques sur l’effet des thérapeutiques ciblées. Critères prédictifs Bevacizumab Épidermoïde
EGFR TKI
Cetuximab
Efficacité
Tolérance
0
–
Invasion vasculaire
0
–
Comorbidités
0
–
Sexe féminin
+ (réponse)
0
Ethnie asiatique
+ (réponse, survie)
–
Absence de tabagisme
+ (réponse, survie)
0
Adénocarcinome
+ (réponse)
0
Mutation KRAS
- (réponse, survie ?)
0
Mutation EGFR exons 19-21
+ (réponse, SSP ; survie ?)
0
Mutation EGFR T790M
- (résistance)
0
Amplification EGFR
+ (réponse, survie)
0
Protéomique
+ (survie)
Mutation KRAS
0
Amplification EGFR
0
+ : valeur prédictive favorable ; 0 : pas de valeur prédictive ; -: valeur prédictive défavorable.
Conclusion La grande hétérogénéité tumorale des CBNPC au sein d’un même type histologique et d’un même stade anatomique rend compte de l’inadaptation fréquente des thérapeutiques utilisées et du caractère limité des progrès thérapeutiques enregistrés. L’identification de facteurs pronostiques définissant des groupes de patients à bas ou à haut risque et de facteurs prédictifs de l’effet d’une thérapeutique donnée constitue une étape préalable indispensable à l’optimisation des traitements existants. La prise en compte de certains facteurs cliniques comme l’exposition au tabac ou du type histologique dans la décision thérapeutique est déjà une première approche de ce processus d’individualisation thérapeutique. Certains marqueurs tels que la recherche de mutations de l’EGFR ont déjà modifié nos algorithmes de traitement des CBNPC. Les avancées dans la connaissance des mécanismes moléculaires de l’oncogenèse devraient permettre d’avancer dans cette démarche, même si l’étape de la validation prospective des nouveaux marqueurs potentiels, méthodologiquement complexe, ne fait que commencer.
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Oncologie thoracique
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Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31.
32. 33. 34.
35. 36. 37. 38. 39. 40. 41.
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Oncologie thoracique
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Facteurs prédictifs pour un traitement personnalisé des CBNPC
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Thérapies ciblées J.-F. Morère
Points essentiels • Deux cibles ont fait l’objet d’avancées thérapeutiques dans le cancer bronchique non à petites cellules : la néoangiogenèse tumorale et la transduction du signal de prolifération. • Le bevacizumab, anticorps recombinant humanisé monoclonal, est le traitement antiangiogénique le plus avancé dans le cancer bronchique. Il a en effet démontré son efficacité, avec un impact sur la survie. Ses effets secondaires les plus marqués consistent en hypertension, protéinurie et saignement. • La transduction d’un signal de prolifération cellulaire à partir d’un récepteur EGF muté (délétion de l’exon 19 ou mutation L858R de l’exon 21), est maintenant bien connue. Les deux molécules aujourd’hui disponibles : gefitinib (Iressa®) et erlotinib (Tarceva®) s’intègrent dans la stratégie thérapeutique en pratique quotidienne. • L’echinoderm microtubule – associated – proteine like 4 – anaplastic lymphoma kinase (EML4 – ALK) apparaît comme une autre cible d’avenir.
Introduction Depuis plus d’un quart de siècle, le traitement médical du cancer bronchique a reposé sur la chimiothérapie conventionnelle. Malgré quelques progrès liés au développement de molécules de dernière génération, à leur utilisation plus précoce en situation adjuvante ou plus prolongée en situation métastatique lors d’un traitement de maintenance, les résultats semblent avoir atteint un plateau. Heureusement, plus récemment la recherche translationnelle a permis une meilleure compréhension des mécanismes biologiques qui sous-tendent le développement du processus cancéreux en jouant un rôle clé dans la prolifération, J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
l’invasion et le phénomène métastatique. Ces avancées dans la connaissance biologique ont conduit au développement de nouvelles thérapeutiques plus rationnelles s’attaquant au mécanisme intime du cancer du poumon : les thérapies ciblées. Deux cibles ont plus particulièrement fait l’objet d’avancées thérapeutiques dans le cancer bronchique non à petites cellules : la néoangiogenèse tumorale et la transduction du signal de prolifération.
Traitements antiangiogéniques Selon Folkman (1), l’angiogenèse joue un rôle crucial dans le développement de la tumeur primitive et des métastases. Les cellules cancéreuses expriment de nombreux facteurs angiogéniques, relargués dans la matrice extracellulaire, qui induisent un signal spécifique de l’angiogenèse. Le vascular endothelial growth factor (VEGF) est considéré aujourd’hui comme le facteur pro-angiogénique le plus puissant. Le VEGF est un mitogène pour les cellules endothéliales mais influence aussi la perméabilité vasculaire. Il peut aussi promouvoir la dégradation de la membrane basale et faciliter la migration des cellules endothéliales, le bourgeonnement vasculaire et le recrutement de cellules progénitrices endothéliales circulantes. Le VEGF est aujourd’hui la cible essentielle des traitements antiangiogéniques, anticorps monoclonaux ou antityrosine kinase.
Mécanisme potentiel d’action des agents anti-VEGF Les thérapies anti-VEGF peuvent affecter la croissance tumorale selon plusieurs mécanismes. Le plus simple consiste en l’inhibition de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Un autre mécanisme potentiel serait un effet direct sur la perméabilité et la fonction des vaisseaux. Ces vaisseaux tumoraux sont en général très anormaux, tortueux et hyperperméables. Le blocage du VEGF entraîne une sorte de « normalisation » de ces vaisseaux permettant une meilleure activité de la chimiothérapie. Enfin, les thérapies antiangiogéniques pourraient aussi s’attaquer directement à certaines cellules cancéreuses et moduler la réaction immunitaire dans le microenvironnement tumoral (2).
Résultats cliniques À ce jour, le bevacizumab est le traitement antiangiogénique le plus avancé dans le cancer bronchique. Cet anticorps recombinant humanisé monoclonal neutralise le VEGF et a déjà fait ses preuves dans les cancers du côlon, le cancer du rein et le cancer du sein. Les résultats cliniques dans les cancers bronchiques
Thérapies ciblées
129
ont récemment été revus (3, 4). Les premiers résultats ont été observés dans une étude de phase II randomisée dans laquelle les patients recevaient soit une chimiothérapie classique : carboplatine-paclitaxel, soit cette même chimiothérapie associée à du bevacizumab à la dose de 15 mg/kg ou à la dose de 7,5 mg/ kg. Le taux de réponse globale chez les patients recevant l’anticorps dans cette étude était de 31,5 % contre 18,8 % dans le groupe contrôle, le temps médian de survie avant progression apparaissait statistiquement meilleur dans le groupe recevant la combinaison chimiothérapie - traitement antiangiogénique (7,4 versus 4,2 mois ; p = 0,023). Cette étude permettait de plus de dégager un profil de risque particulier. Un risque hémorragique était ainsi observé chez six patients, avec une issue fatale pour quatre d’entre eux. Ces complications apparaissaient liées à un phénomène de cavitation (nécrose tumorale) observé plus souvent dans le cas des cancers épidermoïdes. À la suite de ces observations, les études ultérieures n’ont concerné que les cancers d’histologie non épidermoïde. L’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) a ainsi comparé chez 878 patients atteints de tumeur de stade IIIb-IV une combinaison de carboplatine et paclitaxel seule, ou la même combinaison associée à du bevacizumab à la dose de 15 mg/kg donné au premier jour de la cure. Le bevacizumab était ensuite continué à la même dose jusqu’à progression ou toxicité inacceptable. Les résultats sont en faveur de la combinaison traitement antiangiogénique – chimiothérapie avec une meilleure survie globale médiane de 12,5 mois contre 10,2 mois (p = 0,007), un temps médian jusqu’à progression de 6,4 mois versus 4,5 mois (p < 0,0001), un taux de réponse de 27 % versus 10 % (p < 0,001). Parmi les patients atteints d’un adénocarcinome, la survie médiane paraît même s’étendre à plus d’un an (14,2 mois) (fig. 1). Les effets secondaires les plus marqués consistent en hypertension, protéinurie et saignement. Sur les 427 patients recevant le bevacizumab, un saignement de grade 4 ou 5 était observé dans 3 % des cas. Cette étude a été complétée
Fig. 1 – Étude randomisée comparant carboplatine-paclitaxel avec ou sans bevacizumab (Avastin®) dans les stades IIIB, IV.
130
Oncologie thoracique
d’une autre étude de phase III (étude AVAIL) dans laquelle la chimiothérapie consistait en un doublet de cisplatine et de gemcitabine. Dans cette étude, la survie sans progression est prolongée de façon significative chez les patients recevant le bevacizumab. Aucune différence significative n’est observée dans le risque d’hémorragie entre les différents bras. L’impact de ce traitement s’est confirmé dans une méta-analyse récente. L’évaluation d’une étude de tolérance (étude SAIL) permet de confirmer que le risque d’hémorragie lié au bevacizumab est très réduit lorsque son utilisation est concentrée sur les patients ayant une histologie non épidermoïde, qui n’ont pas d’hémoptysie initialement, pas de métastase cérébrale et ou de tumeur localisée près des gros vaisseaux sanguins. Lorsqu’une sélection est fondée sur ces critères, environ 50 % des patients paraissent éligibles pour ce traitement. Aujourd’hui, la présence de métastase cérébrale n’est plus considérée comme une contre-indication à l’utilisation de ce médicament.
Traitement antiangiogénique à activité antityrosine kinase Plusieurs petites molécules (3, 5) tels que le sunitinib, le sorafinib, le ZD 674 ou le BIBF 1120 ont démontré une certaine activité dans cette indication dans des études de phase II. Aucune à ce jour n’a franchi les différentes étapes jusqu’à l’enregistrement. Leur place éventuelle dans la stratégie thérapeutique du cancer bronchique non à petites cellules reste donc à définir.
Inhibition de la transduction du signal Anti-EGFR La transduction d’un signal de prolifération cellulaire à partir d’un récepteur EGF muté (délétion de l’exon 19 ou mutation L858R de l’exon 21) est maintenant bien connue (6). Ces mutations apparaissent prédictives d’une réponse aux molécules inhibitrices de l’activité tyrosine kinase de l’EGFR (7). Deux molécules sont aujourd’hui disponibles, le gefitinib (Iressa®) et l’erlotinib (Tarceva®). L’erlotinib a montré son efficacité en deuxième et troisième ligne après échec d’une thérapeutique conventionnelle. L’étude BR2 1 a ainsi comparé l’efficacité de cette molécule à un placebo avec un gain significatif de survie médiane en faveur de la thérapie ciblée (6,7 mois versus 4,7 mois) 58°. Deux études, l’étude SATURN (9) et l’étude ATLAS (10) démontrent, elles, l’intérêt d’un traitement d’entretien par de l’erlotinib après 4 cures d’une chimiothérapie, soit utilisé seul (étude SATURN), soit utilisé en association au bevacizumab (étude ATLAS). Ces deux études montrent une amélioration de la survie sans progression grâce à ce traitement de maintenance.
Thérapies ciblées
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Le gefitinib, lui, a démontré dans des populations sélectionnées sur la base de facteurs prédictifs cliniques (étude IPASS) (11) ou dans des populations sélectionnées sur la base de la présence d’une mutation du récepteur EGF, un effet spectaculaire lorsqu’on compare son efficacité à celle d’une chimiothérapie classique en première ligne. Dans une étude japonaise (12), la survie sans progression médiane apparaît presque double (10,6 mois) de celle (5,5 mois) obtenue dans le groupe traité par chimiothérapie (p ) 0,001) (fig. 2). En seconde ligne, le gefitinib s’affirme aussi comme un élément d’alternative face au docétaxel avec une survie comparable (7,6 versus 8 mois, HR : 1,02) dans l’étude INTEREST (13). Le profil de tolérance de ces deux médicaments est assez voisin. Les deux principaux effets secondaires observés consistent en une éruption acnéiforme et de la diarrhée. L’éruption acnéiforme peut être contrôlée par une prescription de Tolexine® et de topiques en cas de sécheresse cutanée. La diarrhée réagit au traitement symptomatique habituel (fig. 2).
Probabilité de SSP
Probabilité de SSP
IPASS Résultats en fonction de la mutation EGFr (11)
Probabilité de SSP
Fig. 2 – Profil d’efficacité du gefitinib et de l’association carboplatine-paclitaxel.
132
Oncologie thoracique
Autres cibles Le gène de fusion echinoderm microtubule-associated-proteine like 4-anaplastic lymphoma kinase (EML4 – ALK) a été décrit en 2007. Cette anomalie observée dans les lymphomes anaplasiques peut aussi s’observer chez les patients non fumeurs atteints de cancers bronchiques et/ou atteints d’adénocarcinome bronchique (4 % des cas). Cette anomalie est exclusive des mutations de l’EGFR. Une molécule antityrosine kinase spécifique de MET-ALK semble être prometteuse chez ces patients (14).
Indication des thérapies ciblées Aujourd’hui, les thérapies ciblées trouvent leur place dans les indications thérapeutiques à plusieurs niveaux (15, 16).
En première ligne L’utilisation du traitement antiangiogénique par bevacizumab en combinaison avec une chimiothérapie à base de sels de platine peut être envisagée dans une population de patients sélectionnés sur l’histologie non épidermoïde. Pour les patients présentant une mutation du récepteur EGF, un traitement par une antityrosine kinase ciblant l’EGFR peut être envisagé. Le gefitinib (IRESSA) a obtenu son AMM dans cette indication.
En maintenance L’erlotinib peut être envisagé en traitement de maintenance après chimiothérapie.
En deuxième ligne Le gefitinib et l’erlotinib peuvent être envisagés avec un bon niveau de preuve.
Thérapies ciblées
133
Conclusion Les thérapies ciblées visant l’angiogenèse et/ou la transduction du signal ont démontré leur efficacité dans les cancers bronchiques non à petites cellules. Elles peuvent, pour certaines, s’appuyer sur des facteurs biologiques prédictifs. Elles s’affirment ainsi comme une première étape vers une médecine personnalisée dans cette indication.
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Traitements de rattrapage du cancer bronchique non à petites cellules G. Plat et J. Mazières
Points essentiels • Trois molécules de deuxième ligne ont actuellement l’AMM dans le CBNPC : le docetaxel, le pemetrexed et l’erlotinib. • Ces traitements de deuxième ligne apportent le plus souvent un bénéfice en termes de survie et de qualité de vie. • Ces molécules ont des résultats relativement comparables dans les essais cliniques avec une meilleure efficacité pour les deux derniers dans les cancers de type non épidermoïde. • Des facteurs prédictifs de réponse cliniques et surtout biologiques peuvent aider à la décision thérapeutique. • L’inclusion dans des essais cliniques doit être favorisée et l’accès aux soins de support est indispensable.
Introduction Les traitements de première ligne chez les patients porteurs de cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) métastatiques ont montré leur intérêt en termes de survie et de qualité de vie. Malgré ces progrès, souvent associés à un allongement de la survie sans progression, la totalité des patients progresse dans un second temps et relève donc d’un traitement de deuxième ligne. Une part importante de ces patients sera éligible pour un traitement de seconde ligne. Les caractéristiques des patients pouvant bénéficier d’une seconde ligne ont été étudiées. Ces patients se distinguent par un bon PS (performans status), sont plus souvent de sexe féminin, et l’histologie est plus souvent non épidermoïde (1). Parmi les patients ayant reçu un traitement de deuxième ligne, 40 % d’entre eux ont même pu recevoir un traitement de troisième ligne. J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
136
Oncologie thoracique
Les études récentes ont montré l’intérêt de ces traitements de deuxième (docetaxel, pemetrexed, erlotinib) ou de troisième ligne (erlotinib). Néanmoins, les taux de réponse sont plus faibles, la toxicité est non négligeable et le rapport bénéfice-risque doit être évalué rigoureusement. Nous présentons dans cet objectif les principales études cliniques avec les chimiothérapies et les thérapies ciblées ainsi que les stratégies à venir qui devraient permettre d’optimiser ces traitements. Nous excluons de cette discussion les traitements de maintenance, ou de seconde ligne précoce. Tableau I – Caractéristiques des molécules ayant une AMM en deuxième ou troisième ligne dans le CBNPC. Molécule
Docetaxel (Taxotère®)
Pemetrexed (Alimta®)
Erlotinib (Tarceva®)
AMM
CBNPC après échec d’une chimiothérapie antérieure
CBNPC non épidermoïde après échec d’une chimiothérapie antérieure
CBNPC après échec d’au moins une chimiothérapie antérieure
Voie administration
Intraveineuse
Intraveineuse
Voie orale (à distance des repas)
Rythme
/3 semaines
/3 semaines
quotidien
Prémédication
Corticoïdes 3 jours
Acide folique, vitamine B12, corticoïdes
aucune
Toxicité
Neurologique, hématologique, alopécie
Hématologique
Cutanée Digestive
Chimiothérapie de deuxième et troisième lignes Reprise d’un traitement antérieur Si la récidive survient « longtemps » après la première ligne de traitement, il est licite de discuter la reprise du même protocole de chimiothérapie. La définition de cette période séparant les patients résistants ou pouvant être considérés comme encore sensibles à leur première ligne varie selon les auteurs et n’est pas basée sur des niveaux de preuve suffisants. Un intervalle libre de 6 mois est un délai communément admis. Il faudra évidemment tenir compte d’éventuelles toxicités persistantes après la première ligne, souvent basée sur un doublet à base de sel de platine. Cette proposition a été rarement étudiée et les agents de seconde ligne ne sont habituellement pas comparés à la reprise de la première ligne, mais d’abord aux « meilleurs » soins de support (BSC), puis entre eux.
Traitements de rattrapage du CBNPC
137
Docetaxel Le premier agent ayant eu l’AMM dans cette indication est le docetaxel, suivi du pemetrexed. L’étude TAX 317 a initialement comparé le docetaxel à 100 mg/m² toutes les 3 semaines au BSC. Après cinq décès toxiques, un amendement a ramené la dose à 75 mg/m². Cette étude a montré une amélioration du temps jusqu’à progression, de la survie médiane, et du taux de survie à un an (2). Une analyse en termes de qualité de vie est parue ultérieurement, montrant moins de douleur et de fatigue dans le bras expérimental (3). L’étude TAX 320 a comparé d’une part le docetaxel à 100 mg/m² et, d’autre part, le docetaxel à 75 mg/m² à un bras contrôle comportant soit de l’ifosfamide (2 g/m²), soit de la vinorelbine (30 mg/m² j1, j8, j15 par 4 semaines). La survie globale n’était pas différente dans les trois bras, mais le taux de survie à un an était significativement meilleur pour le bras docetaxel à 75 mg/m², (32 % vs 8 % dans le bras contrôle) et le temps jusqu’à progression légèrement prolongé (8,5 mois vs 7,9 mois) (4). Le docetaxel à 75 mg/m² par trois semaines est donc devenu le traitement de référence de seconde ligne avec, toutefois, une toxicité hématologique importante : 67 % de neutropénies grade 3 et 4 à 75 mg/m² dans TAX 317, quoique le taux de neutropénie fébrile soit seulement de 1,8 %. Suite à la validation de l’efficacité similaire et de la moindre toxicité du docetaxel hebdomadaire dans d’autres cancers, plusieurs études ont montré la noninfériorité et la meilleure tolérance hématologique de ce schéma dans le CBNPC (5). Ces études ont fait l’objet de deux méta-analyses. La première méta-analyse met en évidence le risque nettement moindre de neutropénie grades 3 et 4 avec le schéma hebdomadaire (risque relatif : 0,22 ; IC 0,19-0,42 ; p < 0,001). Ne considérant que les études de phase III (682 patients), la survie globale n’est pas différente selon les deux schémas (6). La seconde méta-analyse, plus récente, prends en compte trois études de phase III et deux études de phase II, et est basée sur des données individuelles actualisées. Elle montre l’efficacité similaire des deux protocoles (risque relatif, 1,09 ; IC 95 % 0,94-1,26 ; p = 0,245), avec un risque de neutropénie fébrile significativement moindre pour le schéma hebdomadaire (7).
Pemetrexed Le pemetrexed a permis un pas supplémentaire vers une meilleure tolérance au traitement de seconde ligne. Cet anti-folate multi-cible a été approuvé sur la base d’une étude de phase III, de non-infériorité comparé au docetaxel à la dose de 75 mg/m² (8). Le développement initial de la molécule avait montré une toxicité hématologique et muqueuse importante, bien contrôlée ultérieurement par la supplémentation systématique en vitamine B12 et en acide folique. L’étude a montré des résultats similaires quant aux paramètres d’efficacité.
138
Oncologie thoracique
Ces paramètres, pour le docetaxel et le pemetrexed, sont, respectivement, de 8,8 et 9,1 % pour le taux de réponse, de 7,9 mois à 8,3 mois pour la survie sans progression, de 29,7 et 29,7 % pour le taux de survie à 1 an. Les paramètres de toxicité sont nettement en faveur du pemetrexed, le taux de neutropénie de grades 3 et 4 étant de 40 % pour le docetaxel à 75 mg/m² et 5,3 % pour le pemetrexed, le taux de neutropénie fébrile étant respectivement de 12,7 % et 1,9 %. Le pemetrexed a également l’avantage d’être moins neurotoxique et moins alopéciant. Il induit moins d’hospitalisation, moins d’usage de facteurs de croissance granulocytaire. Le seul élément défavorable a été la probabilité plus importante de diarrhée. Étonnamment, le fait d’avoir reçu du paclitaxel en première ligne n’a pas été prédictif d’une moins bonne réponse au docetaxel en seconde ligne. Tableau II – Études de phases III pivot pour le choix d’une deuxième ligne.
Études
Drogues (n)
Taux de réponse
Survie sans progression (mois)
Survie médiane (mois)
Taux de survie 1 an
TAX 317
Docetaxel (104) BSC (100)
5,8 % -
2,6 1,6
7 4,6
29 % 19 %
TAX 320
Doce75 (125) Doce100 (125) Vino/Ifo (123)
6,7 % 10,8 % 0,8 %
2,1 2,1 1,9
5,7 5,5 5,6
32 % 21 % 19 %
JMEI
Docetaxel (288) Pemetrexed (283))
8,8 % 9,1 %
2,9 2,9
7,9 8,3
29,7 % 29,7 %
ISEL
Gefitinib (1129) BSC (563)
8% <1%
3 2,6
5,6 5,1
27 % 21 %
BR.21
Erlotinib (488) BSC (243)
8,9 % <1%
2,2 1,8
6,7 4,7
32 % 22 %
V-15-32
Docetaxel (245) Gefitinib (244))
12,8 % 22,5 %
2,0 2,0
14 11,5
53,7 % 45,8 %
INTEREST
Docetaxel (710) Gefitinib (723))
7,6 mois 9,1 mois
2,7 2,2
8,0 7,6
34 % 32 %
Une analyse rétrospective concernant les sujets âgés de plus de 70 ans a montré que ce sous-groupe bénéficiait également du traitement par pemetrexed comparé au docetaxel, avec, respectivement, un temps jusqu’à progression de 4,6 contre 2,9 mois, une survie médiane de 9,5 contre 7,7 mois, (p > 0,05), un taux de neutropénie fébrile de 2,5 % contre 19 %, (p = 0,025). Les facteurs prédictifs d’une réponse à la chimiothérapie dans cette analyse sont : le PS 0/1 vs 2, le stade III vs IV, l’intervalle libre après la première ligne de moins de 3 mois vs plus de 3 mois (9). Suite aux arguments en faveur d’une efficacité supérieure du pemetrexed sur les carcinomes non épidermoïdes comparativement aux épidermoïdes en première ligne, une analyse de l’efficacité selon l’histologie a été effectuée rétrospectivement, dans l’étude de phase III de seconde ligne, le comparant au
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docetaxel. L’efficacité a été comparable au docetaxel pour les adénocarcinomes (n = 302 ; RR 0,92 ; IC 95 % 0,69 à 1,22), supérieure pour les carcinomes à grandes cellules (n = 47 ; RR 0,27 ; IC 95 %, 0,11 à 0,63), et inférieure au docetaxel pour les carcinomes épidermoïdes (n = 172 ; RR 1,56 ; IC 95 % 1,08 à 2,26) (10). De ce fait, l’usage du pemetrexed en seconde ligne, comme en première ligne, est restreint aux carcinomes non épidermoïdes.
Durée de la chimiothérapie de seconde ligne Nous ne disposons pas de données valables concernant la durée optimale d’une chimiothérapie de seconde ligne. Les études de phase III avec le docetaxel et le pemetrexed autorisaient une utilisation jusqu’à progression ou intolérance. Par exemple, dans l’étude comparant le docetaxel au pemetrexed, le nombre médian de cycles administrés est de quatre dans les deux groupes, s’étalant de 1 à 20 pour le pemetrexed, et de 1 à 14 pour le docetaxel. Une évaluation régulière du bénéfice (en particulier clinique) et de la toxicité des ces molécules est indispensable afin d’optimiser la durée de traitement.
Doublets vs monothérapie Plusieurs études randomisées ont comparé une monothérapie par docetaxel à un doublet comportant du docetaxel et, soit de la gemcitabine, soit de l’irinotecan. Une autre a comparé une monothérapie par gemcitabine à un doublet comportant irinotécan et gemcitabine. L’étude NVALT7 a comparé pemetrexed vs pemetrexed et carboplatine après une première ligne comportant un sel de platine pour des CBNPC ayant été sensibles au platine (11). Globalement, ces études, principalement de phase II, mettent en évidence une augmentation du taux de réponse et/ou de la survie sans progression, sans effet sur la survie globale, au prix d’une toxicité accrue. Il n’y a donc pas actuellement d’argument pour conseiller un doublet de chimiothérapie en seconde ligne. Ce débat n’est pas définitivement clos car le gefitinib, ayant reçu l’AMM en première ligne chez des patients mutés pour l’EGFR, une proportion de patients sera candidat à une chimiothérapie après échappement aux inhibiteurs tyrosine kinase de l’EGFR. On peut s’attendre à ce que leur état général soit meilleur que celui des patients ayant reçu une chimiothérapie classique en première ligne, et qu’ils puissent tolérer un doublet à base de platine en seconde ligne éventuellement associé à du bevacizumab.
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Thérapies ciblées de deuxième et troisième lignes Inhibiteurs de l’EGFR Les molécules les plus étudiées sont les inhibiteurs du récepteur à l’EGF (EGFR). Cette inhibition peut se faire soit en inhibant son activité tyrosine kinase (qui assure son activation), tels le gefitinib (Iressa®) ou l’erlotinib (Tarceva®), soit en inhibant la fixation du ligand sur le récepteur par des anticorps monoclonaux tels que le cetuximab (Erbitux®). Le gefitinib et l’erlotinib ont fait l’objet d’études de phases II encourageantes montrant des taux de réponse entre 10 et 20 % chez des patients prétraités. Ces molécules ont ensuite été évaluées en monothérapie vs placebo chez des patients prétraités dans deux grands essais de phase III, ISEL pour le gefitinib et BR-21 pour l’erlotinib (12, 13). L’étude ISEL retrouve un bénéfice non significatif en termes de survie en faveur du gefitinib (13). En revanche, l’étude BR-21 pour l’erlotinib est positive (survie médiane 6,7 mois vs 4,7 mois et taux de survie à 1 an de 31 % vs 22 %, respectivement) dans cette indication (12). C’est sur cette étude que le Tarceva® a obtenu son AMM européenne en septembre 2005 dont le libellé français est « le traitement des formes localement avancées ou métastatiques du cancer bronchique non à petites cellules après échec d’au moins une ligne de chimiothérapie ». Les différences de résultats constatés dans ces deux études utilisant des molécules très proches ont été largement commentées. Il est possible que le plus grand nombre de cancers non-adénocarcinomes et de patients n’ayant pas répondu à une chimiothérapie antérieure dans l’essai ISEL soit responsable des résultats négatifs. Une différence d’efficacité des molécules ne peut être exclue mais n’a jamais été confirmée. À partir de 2005, deux stratégies ont donc été possibles : l’administration d’une chimiothérapie (docetaxel) ou d’un EGFR-TKI (erlotinib) chez des patients prétraités. Fort logiquement, ces deux possibilités ont été comparées dans deux études de phase III. La première (étude INTEREST, Iressa NSCLC Trial Evaluating REsponse and Survival vs Taxotere, 1 466 patients) a comparé le gefitinib 250 mg/jour au docetaxel en deuxième ligne, à 75 mg/m2 (15). La seconde (étude v-15-32, 489 patients) a comparé le gefitinib 250 mg/j au docetaxel 60 mg/m2 (14). L’étude v-15-32 était japonaise et a comporté 32 % de non fumeurs (inégalement répartis entre les deux bras, 29 % gefitinib vs 35 % docetaxel) et 77 % d’adénocarcinomes. L’étude v-15-32, d’effectif restreint, n’a pas démontré de non infériorité sur la survie du gefitinib par rapport au docetaxel (HR 1,12 ; IC95 0,89-1,40 alors que le seuil de non-infériorité prévu était à 1,25). L’étude INTEREST a comporté environ 20 % de patients asiatiques, 20 % de non-fumeurs et 55 % d’adénocarcinomes. Cet essai a répondu à son objectif de non-infériorité (HR, 1,020 ; IC96, 0,905-1,150, seuil de non-infériorité prévu à 1,154). L’analyse de survie a été néanmoins difficile pour les deux études car 44 % des malades de l’étude v-15-32 et 34 % des malades de l’étude
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INTEREST ont reçu le même traitement du fait de la possibilité d’un cross-over entre les deux bras après progression. Les temps jusqu’à progression entre les deux bras de traitement n’ont pas différé dans les deux études. L’étude v-15-32 a montré un bénéfice significatif en termes de taux de réponse pour le bras gefitinib (22,5 % vs 12,5 % pour le docetaxel) probablement du fait d’un plus fort taux de mutation de l’EGFR dans la population asiatique. Dans les deux études, la qualité de vie a été significativement meilleure pour le gefitinib par rapport à la chimiothérapie. Les événements indésirables les plus fréquents ont été les éruptions cutanées (grade 3-4 : 0,4 à 2,1 %) et la diarrhée (grade 3-4 : 2 à 2,5 %) pour le gefitinib alors qu’il s’agissait d’une toxicité hématologique (neutropénie fébrile, 7 à 10,1 %), de la fatigue (9 % grade 3-4) et de l’alopécie pour le docetaxel.
Autres thérapies ciblées De nombreuses molécules ont fait l’objet d’essai de phase II chez des patients prétraités. Le vandetanib est un inhibiteur de tyrosine kinase ciblant essentiellement le VEGFR et l’EGFR. Il a été initialement évalué chez des patients prétraités en association avec le docetaxel vs placebo (16). Un gain en termes de survie sans progression est mis en évidence. Le vandetanib a également montré son intérêt en comparaison au gefitinib chez les patients prétraités avec un gain sur la survie sans progression (17). La toxicité associe la toxicité des antiangiogéniques (hypertension) et des anti-EGFR (cutanée, diarrhée). L’essai ZEST présenté en 2009 lors du congrès de l’ASCO a comparé vandetanib à erlotinib en deuxième ligne après échec d’une première ligne contenant un cytotoxique. Cet essai n’a pas permis de montrer une supériorité du vandetanib sur la survie sans progression (objectif principal). Les 1 240 patients randomisés ont présenté un taux de réponse de 12 % quel que soit le traitement, la survie sans progression était de 11,3 mois dans le bras vandetanib (contre 8,9 mois, HR = 0,98, p = 0,72). La survie globale était de 6,9 mois et 7,8 mois pour l’erlotinib (HR = 1,01 et p = 0,83). Plus de toxicités de grade 3 ont été rapportées pour le vandetanib (50 contre 40 %). Deux essais de phase III (ZEAL et ZODIAC) se sont intéressés à l’association du vandetanib avec une chimiothérapie et sont détaillées plus loin. L’axitinib, un inhibiteur tyrosine kinase du VEGFR, a fait l’objet d’une phase II concernant 32 patients dont 23 prétraités avec un taux de réponse de 9 % et de contrôle de la maladie de 41 % (18). Les patients prétraités ont une survie à un an de 57 %. La toxicité (asthénie, hypertension) paraît acceptable. Le sorafenib, un inhibiteur multikinases et de la voie de Raf, a été administré lors d’une phase II à 52 patients prétraités (19). Aucune réponse n’a été rapportée mais quatre patients ont présenté une cavitation de leur tumeur sous traitement. Un taux de contrôle de la maladie de 59 % et une toxicité acceptable (syndrome main-pied et hypertension) suggèrent l’intérêt de cette molécule.
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Le sunitinib, un autre inhibiteur multikinases ciblant en particulier PDGFR et VEGFR, a été évalué par une phase II chez 63 patients (20). Les auteurs rapportent un taux de réponse de 11 % et de stabilité de 29 %. La toxicité était modérée (asthénie, myalgies). Le pivanex, un inhibiteur des histones déacétylases, a été analysé chez 47 patients (21). Un taux de réponse de 6 % et un taux de stabilité de 30 % sont rapportés associés à un profil de toxicité favorable (fatigue, nausées). Des traitements ciblés sont également à l’étude chez les patients porteurs d’une mutation de l’EGFR et évolutifs sous EGFR-TKI. On citera les inhibiteurs irréversibles de l’EGFR, les inhibiteurs de c-Met et les inhibiteurs de la voie de Ras tels que les inhibiteurs de MEKK. Chez les patients porteurs de la mutation de résistance T790M, des inhibiteurs spécifiques sont en cours d’évaluation.
Association d’une chimiothérapie et d’une thérapie ciblée Herbst et al. ont rapporté lors du congrès de l’ASCO, en 2009, les résultats de l’étude de phase III ZODIAC qui compare le docetaxel seul à l’association docetaxel-vandetanib. Une étude de phase II a montré le bénéfice sur la survie sans progression de son association avec le docetaxel. Les patients (stades IIIB/IV, deuxième ligne thérapeutique) ont reçu soit le docetaxel seul à la dose de 75 mg/ m2 (697 patients), soit en association avec le vandetanib 100 mg (694 patients). Les auteurs rapportent un taux de réponse objective supérieur dans le bras bithérapie (17 vs 10 % ; p < 0,001). La survie sans progression est également supérieure dans le bras avec le vandetanib (médiane de 4,0 mois vs 3,2 mois ; p < 0,001). En revanche, la survie globale n’est pas augmentée avec le vandetanib (médiane de survie de 10,6 mois vs 10 mois ; p = 0,196). Une étude portant sur la qualité de vie (questionnaire FACT-L) est en faveur du bras vandetanib (HR = 0,77 ; p < 0,001). Le profil de tolérance est le suivant avec le vandetanib : rashs cutanés (42 vs 24 %), diarrhées (42 vs 33 %), neutropénies (32 vs 27 %) et HTA (6 vs 2 %). L’analyse de sous-groupes ne permet pas d’identifier un sous-groupe clinique de patients qui bénéficierait plus du vandetanib en termes de survie globale. Il n’est pas retrouvé de différence de bénéfice, notamment en fonction de l’histologie. L’analyse de biomarqueurs isole le sous-groupe de patients avec une amplification du gène de l’EGFR qui semble bénéficier de façon plus importante du vandetanib en termes de survie. Le vandetanib a également été testé en association avec le pemetrexed (étude ZEAL présentée également lors de ce congrès). Moins de patients étaient inclus (n = 534) et, si le taux de réponse semble amélioré dans le bras vandetanib (19 contre 8 % dans le bras pemetrexed), la survie sans progression médiane (objectif principal) n’est pas significativement améliorée (17,6 contre 11,9 mois, HR = 0,86 et p = 0,108). La survie globale était similaire.
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Stratégies thérapeutiques chez les patients prétraités Il n’existe pas actuellement d’arguments suffisants pour orienter le choix d’un traitement de deuxième ligne (entre docetaxel, pemetrexed et erlotinib). Le choix se fait en fonction de l’état général du patient, de certains critères prédictifs de réponses, de la volonté du patient, du choix de la voie d’administration et de l’impact des effets secondaires attendus.
Toxicité et choix du patient Le diagnostic d’évolutivité du CBNPC doit être annoncé au patient lors d’une consultation d’annonce selon les recommandations du Plan Cancer. Les possibilités thérapeutiques doivent être discutées ainsi que les principaux effets secondaires attendus. Le patient peut orienter son choix en fonction du mode d’administration (voie orale pour erlotinib vs IV pour docetaxel et pemetrexed) et de la toxicité attendue (neurotoxicité, alopécie pour docetaxel, toxicité digestive et cutanée pour erlotinib, toxicité hématologique pour le pemetrexed). Le patient doit être associé à la décision.
Critères prédictifs de réponse Facteurs cliniques Sur le plan clinique, il a été montré que les EGFR-TKI sont plus efficaces dans certains sous-types de population (femmes, non fumeuses, adénocarcinome, origine asiatique) sans qu’il soit possible d’exclure un homme fumeur porteur d’un cancer épidermoïde de cette stratégie.
Anatomopathologie Les essais cliniques et les méta-analyses ont montré que le bénéfice lié à l’administration du pemetrexed est retrouvé exclusivement dans les tumeurs non épidermoïdes. Son utilisation est donc restreinte aux tumeurs non épidermoïdes. Du fait d’une meilleure activité de l’erlotinib dans les adénocarcinomes, le docetaxel reste la molécule de choix pour les cancers épidermoïdes en deuxième ligne.
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Biologie L’AMM de l’erlotinib précise que « lors de la prescription de Tarceva®, les facteurs associés à une survie prolongée doivent être pris en compte. Aucun bénéfice en survie ou autres effets cliniquement significatifs du traitement n’ont été démontrés chez les patients dont l’expression EGFR de la tumeur était négative ». Sur le plan biologique, l’expression de l’EGFR en immunohistochimie reste néanmoins assez peu prédictive de la réponse et les techniques ne sont pas assez standardisées. L’étude par hybridation in situ de type FISH ou CISH a été corrélée à une meilleure réponse. Néanmoins, les études sont discordantes. Un des objectifs principaux de l’étude INTEREST était de démontrer un bénéfice de survie du gefitinib par rapport au docetaxel pour les patients ayant un gain génomique d’EGFR. Seulement 374 (25 %) des prélèvements ont été récupérés et analysés de façon interprétable par hybridation in situ en fluorescence. Pour le sous-groupe des 174 patients ayant une gain génomique d’EGFR (46 %), la survie n’était pas meilleure pour les patients traités par gefitinib par rapport à ceux traités par docetaxel (22). De plus, la reproductibilité de la technique est aléatoire. Les mutations de l’EGFR apparaissent comme le meilleur facteur prédictif de réponse aux EGFR-TKI. Ceci a été très bien démontré lorsque les EGFRTKI sont administrés en première ligne (essai IPASS) ou en maintenance (essai SATURN). Néanmoins, les résultats sont plus contradictoires chez les patients traités en deuxième ou troisième ligne. Tsao et al. n’ont pas trouvé de lien entre les mutations de l’EGFR et la survie des patients traités par Erlotinib mais la méthodologie de recherche de mutations peut être contestée (23). Une analyse a posteriori a montré l’intérêt de l’analyse du nombre de copie du gène EGFR pour apprécier la réponse et de mutation de K-Ras pour prédire la résistance au traitement. De la même façon, il n’a pas pu être démontré d’impact sur la survie de la présence d’une mutation d’EGFR pour les patients traités par gefitinib par rapport à ceux traités par chimiothérapie dans l’étude INTEREST. Il existait néanmoins un meilleur taux de réponse et une meilleure survie sans progression chez les patients mutés (22). Dans l’étude v-15-32, seulement 15 % des prélèvements (n = 74) ont été récupérés et analysés pour recherche de mutations ne permettant aucune interprétation des résultats. Le cross-over entre les bras de traitement permis dans ces études ainsi que le faible nombre d’échantillons récupérés ne permettent pas de retenir l’absence de valeur prédictive d’efficacité des EGFR-TKI de ces biomarqueurs. D’autres études sont donc nécessaires, avec prélèvements obligatoirement disponibles à l’inclusion, ou re-prélèvement à l’inclusion ou encore des études de stratégie reposant sur les facteurs cliniques ou biologiques. Néanmoins, la sensibilité et la spécificité de la recherche de ces biomarqueurs sur des prélèvements exigus, ou encore sur un site métastatique par rapport au site primitif, ne sont pas connues.
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Conclusion Trois drogues ont une AMM en deuxième ligne, le docetaxel, le pemetrexed et l’erlotinib. Le choix va se déterminer en fonction : – des caractéristiques de ces trois drogues ; – des profils de toxicité et donc des comorbidités ; – des molécules utilisées en première ligne ; – du type histologique ; le docetaxel pourrait être proposé d’emblée pour les sous-types épidermoïdes prédominant, et l’erlotinib ou le pemetrexed pour les non épidermoïdes ; – mise en évidence de facteur biologique de réponse aux EGFR-TKI tels que les mutations de l’EGFR. Bien entendu, l’accès aux soins de support (prise en charge de la douleur, nutritionnelle, psychologique, etc.) doit accompagner de manière systématique les prescriptions de traitements spécifiques avec une évaluation régulière du bénéfice et du risque.
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Carcinomes radiologiquement occultes et lésions précancéreuses J.-M. Vergnon et M. Taulelle
Points essentiels • Le diagnostic endoscopique précoce du cancer bronchique est difficile : seuls 30 % des cancers in situ sont visibles. Les techniques d’autofluorescence améliorent les capacités de diagnostic de ces lésions proximales précoces en particulier pour les stades les plus initiaux (dysplasies). • À partir des dysplasies sévères et au-delà, ces lésions doivent être traitées car leur évolution vers un stade invasif est hautement probable. • Les techniques chirurgicales restent de référence mais sont rarement applicables en raison des comorbidités (BPCO) et surtout du caractère multifocal de ces tumeurs illustrant la cancérisation en champs (antécédents de cancers, cancers synchrones et métachrones). • Les techniques endoscopiques de traitement sont multiples et se justifient sur des lésions superficielles (< 3 mm de pénétration dans la paroi des gros troncs bronchiques et de moins de 1 cm d’extension en surface). À ces stades, il n’y a pas d’atteinte ganglionnaire. La cryothérapie, la thermocoagulation à haute fréquence et la thérapie photodynamique donnent des résultats équivalents (80 % d’effet curatif). Les lésions plus invasives (atteinte du cartilage), inopérables, mais restant radio-occultes, peuvent être traitées avec succès (80 %) par curiethérapie à haut débit. • Quelle que soit la technique utilisée, la surveillance endoscopique de ces patients, si possible avec autofluorescence, doit être assurée car le risque d’apparition de tumeurs métachrones est estimé à 5 % par an.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction Le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer dans les pays développés (1). Il est responsable de plus de 1,6 million de décès à travers le monde. Malgré des progrès significatifs au niveau de la détection ou du traitement, le pronostic reste sombre. Moins de 15 % des patients diagnostiqués survivent à leur maladie. La raison essentielle est que les malades sont diagnostiqués à un stade avancé de la maladie. Le cancer bronchique évolue de manière silencieuse, la symptomatologie d’appel est souvent redoutablement banale et tardive. Cela explique qu’au moment du diagnostic plus de deux tiers des patients présentent un envahissement ganglionnaire médiastinal ou des métastases. Le pronostic de la maladie dépend étroitement de la précocité du diagnostic. En effet, la survie à cinq ans des stades I est près de 70 % alors que si on différencie le stade plus limité, IA elle est de 90 %. Ces constatations indiquent la nécessité de faire le diagnostic à un stade précoce de la maladie et constituent la base théorique du dépistage. Malgré la fréquence de la maladie et la sévérité du pronostic, aucun effort allant dans le sens du dépistage n’a été initié dans nos sociétés. La communauté médicale est restée en effet attentiste, à la suite de plusieurs études ayant montré l’inefficacité du dépistage de masse par la radiographie thoracique systématique, associée ou non à l’analyse cytologique de l’expectoration dans les populations à risque (2, 3). Tous les efforts se sont concentrés sur la prévention et la lutte contre le tabagisme alors que la majorité des cancers est maintenant diagnostiquée chez un ex-fumeur. Cette dernière constatation explique la nécessité d’un dépistage efficace. La situation a évolué avec l’utilisation de la tomodensitométrie (TDM) comme outil de dépistage. Plusieurs études ont démontré la sensibilité de cette méthode, mais aussi sa très faible spécificité dans la reconnaissance du nodule pulmonaire cancéreux, pouvant conduire à des procédures diagnostiques invasives inutiles (4-6). D’autre part, la TDM spiralée n’est efficace que sur les lésions périphériques et ignore les lésions proximales. Ces lésions ne peuvent être diagnostiquées que par l’analyse cytologique de l’expectoration qui reste une technique peu développée dans notre pays. La mise au point de l’endoscopie souple en autofluorescence ouvre cependant des perspectives nouvelles en permettant d’envisager le diagnostic précoce des lésions proximales.
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Prévalence des lésions proximales : le cancer proximal précoce (early hilar lung cancer) On peut le définir comme une localisation précoce du cancer bronchique, infraclinique, siégeant au niveau de l’arbre bronchique proximal. Cette localisation est donc accessible à l’endoscopie bronchique et par voie de conséquence aux techniques curatives locales. La notion de EHLC a été définie par Watanabe en 1991 (7) sur la base d’études analysant la survie de patients dépistés à un stade infraclinique et radiologique par analyse cytologique de l’expectoration. Les patients présentant un état dysplasique sur l’analyse de l’expectoration bénéficiaient d’un examen endoscopique permettant le diagnostic et la mise en route d’un traitement précoce et, par voie de conséquence, une meilleure survie. Il est difficile d’estimer la prévalence des formes proximales du cancer bronchique dans une population à risque. Il s’agit essentiellement de carcinomes épidermoïdes dont la fréquence décroît au profit des adénocarcinomes. Si on se réfère aux données statistiques nationales, 21 850 cancers bronchiques ont été diagnostiqués en France en 1995. Les cancers épidermoïdes représentent 52,6 % des cancers chez l’homme et 22,3 % chez la femme (8). Une étude pilote prospective évaluant le scanner spiralé et l’analyse cytologique de l’expectoration a été publiée par Kaneko (9). Dans cette étude, 17 % des cancers bronchiques dépistés avaient une expectoration positive et une TDM normale. Il s’agissait essentiellement de tumeur épidermoïde centrale. L’étude du NCI-Mayo Lung Project montre une prévalence de 20 % pour les tumeurs dépistées uniquement par l’expectoration, la TDM étant normale (10). La prévalence estimée des cancers bronchiques proximaux précoces est donc située autour de 4 500 nouveaux cas par an dans notre pays. Ce chiffre est loin d’être mineur quand on connaît le pronostic de ces localisations tumorales qui sont pour la plupart diagnostiquées tardivement. La découverte d’un carcinome in situ procède à l’heure actuelle du hasard et non d’une stratégie ou procédure recherchant spécifiquement ce type de tumeur. En résumé, nous devons retenir sur le cancer bronchique proximal précoce trois notions : cette forme de la maladie est fréquente, ce type de tumeur est sévère en termes de pronostic et, enfin, diagnostiqué tôt il reste hautement curable.
Autofluorescence bronchique Il est maintenant bien établi que l’endoscopie bronchique conventionnelle n’est pas efficace dans le diagnostic des carcinomes in situ (11). Seulement 29 % des lésions sont visibles même pour un bronchoscopiste expérimenté. L’autofluorescence bronchique a totalement modifié la donne.
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L’histoire de la fluorescence débute au siècle dernier, dans les années 1930, où Sutro met en évidence sur une pièce opératoire une fluorescence naturelle émise par le tissu tumoral, différente du tissu sain quand il était exposé aux ultraviolets. Par la suite, plusieurs systèmes utilisant cette propriété des tissus ont été développés et utilisés pour améliorer la sensibilité des examens diagnostiques des tumeurs. Ainsi, Lipson, dans les années 1960, puis Doiron à la fin des années 1970 ont montré que les lésions tumorales bronchiques devenaient fluorescentes quand elles étaient illuminées avec une lumière d’une certaine longueur d’onde. Toutes ces techniques nécessitaient l’injection préalable de substances photosensibilisantes, comme l’hématoporphyrine ou ses dérivés. Les inconvénients liés à la photosensibilisation et le coût élevé expliquent la confidentialité de ses travaux. À partir de 1990, la technique prend un nouvel essor avec la mise à disposition de matériel utilisant les propriétés de fluorescence naturelle des tissus, sans injection de produit photosensibilisant. Les lésions prénéoplasiques modifient l’épaisseur et la structure de la muqueuse bronchique expliquant les « trous » de réflexion de la lumière à certaines longueurs d’onde. Le système Xillix-LIFE mis au point par Stephan Lam est basé sur l’existence de différences spectrales d’autofluorescence des muqueuses bronchiques normales et néoplasiques ou dysplasiques après illumination en lumière bleue (442 nm) à l’aide d’une source laser. L’autofluorescence du tissu normal est émise dans le vert et amplifiée grâce à une caméra. Les lésions tumorales apparaissent en négatif dans le brun (12). Le principe de l’autofluorescence repose sur la présence de fluorophores dans les cellules de la muqueuse bronchique. Ces fluorophores ont la particularité d’être fluorescents, c’est-à-dire de ré-émettre de l’énergie sous forme lumineuse en revenant à leur état de base après une excitation. Ils émettent une fluorescence verte lorsqu’ils sont excités par une lumière bleue. Cette technique a été approuvée par l’US Food and Drug Administration comme méthode permettant de détecter les lésions précancéreuses bronchiques. Depuis cette période, l’offre en matériel s’est considérablement diversifiée. On peut citer dès 1999 deux nouveaux systèmes, le Pentax Safe 1 000 et le D-light de Storz, puis en 2002, le système DAFE de Wolf puis, plus récemment, le nouveau Xillix l’Oncolife. Tous ces systèmes sont plus simples d’utilisation car la source laser est remplacée par une lampe xénon. Pour rendre les images plus faciles à déchiffrer, le « trou » de fluorescence normale induite par le tissu anormal est colorisé selon les systèmes en positif en bleu ou en rouge. Plus récemment encore, les techniques d’autofluorescence sont venues se greffer sur les vidéoendoscopes électroniques comme le SAFE 3 000 de Pentax ou l’Olympus Lucera.
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Sensibilité et spécificité de l’autofluorescence bronchique Il est maintenant parfaitement démontré que l’endoscopie sous autofluorescence est plus sensible que l’endoscopie conventionnelle pour un facteur allant de 1,6 à 6,3 dans le diagnostic des lésions prénéoplasiques, en particulier pour les lésions les plus précoces (12-15). Dans une étude récente, la séquence des examens et les endoscopistes eux-mêmes ont été randomisés (14), ni l’ordre des examens ni les endoscopistes n’avaient une influence significative sur les résultats obtenus : la fluorescence se traduisait par une meilleure sensibilité dans la détection des lésions de tout grade sauf pour les in situ et les dysplasies sévères. Une étude prospective multicentrique randomisée a été initiée pour évaluer le système Storz D-Light (15) ; 1 173 patients ont été inclus et répartis en deux groupes après randomisation. Un premier groupe était examiné par bronchoscopie conventionnelle puis par fluorescence, le deuxième groupe était examiné en bronchoscopie conventionnelle seule. Les résultats étaient exprimés en termes de prévalence. La prévalence des lésions diagnostiquées dans le premier groupe (endoscopie conventionnelle suivie de fluorescence) était 1,4 fois supérieure dans le groupe comportant la fluorescence. La prévalence pour les dysplasies légères et modérées était augmentée d’un facteur de 1,88 et de 1,24 pour les carcinomes in situ. Toutes les études convergent pour affirmer une amélioration de la sensibilité des endoscopies sous fluorescence. En revanche, il est évident que l’amélioration de la sensibilité se fait au prix d’une moindre spécificité. Cela se traduit par une augmentation dans les études du nombre de faux positifs ainsi que par une augmentation du nombre des biopsies. En effet, toute anomalie détectée par autofluorescence ne préjuge en rien de la nature histologique du défaut de fluorescence constaté au cours de l’endoscopie. Le manque de spécificité de la méthode est superposable aux performances de la TDM thoracique dans le diagnostic des petits nodules pulmonaires (4). La grande sensibilité et le manque de spécificité caractérisent également d’autres outils de dépistage comme la mammographie, le dosage du PSA ou bien la recherche d’hémoglobine dans les selles. Cependant, des techniques de fluorescence nouvelles utilisant des longueurs d’onde d’éclairement différentes (dans l’UV par exemple au lieu du classique 440 nm) vont dans un avenir proche améliorer la spécificité de la détection.
Indications et intérêt de l’endoscopie sous autofluorescence Toute stratégie de dépistage ou de diagnostic précoce se heurte à la nécessité de définir les populations susceptibles d’en bénéficier. La détermination des populations à risque face au cancer bronchique demeure un problème crucial pour l’heure non résolu. Un fumeur sur neuf est confronté à la maladie, mais nous n’avons aucun critère pour le reconnaître. On peut cependant proposer l’endoscopie en autofluorescence dans les situations cliniques suivantes.
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Bronchopneumopathie chronique tabagique symptomatique Il semble logique de proposer une endoscopie sous autofluorescence dans une telle situation. La plupart des études actuelles « ciblent » ce type de patient présentant un trouble ventilatoire obstructif apparaissant comme un facteur de risque indépendant du tabac (16). La découverte chez de tels patients d’une lésion intramuqueuse rend possible un traitement local efficace. Ceci est déterminant en cas d’insuffisance respiratoire interdisant une approche chirurgicale. Le projet SPORE (Specialized Program Of Research Excellence) initié par une équipe Nord Américaine de Denver (17) a défini la population à risque susceptible de bénéficier d’un dépistage intensif selon trois critères : le tabagisme supérieur à 30 paquets-année, le VEMS inférieur à 70 % de la valeur théorique et l’existence d’une dysplasie à l’histologie de l’expectoration. 2 500 patients ont fait l’objet du dépistage. Parmi ceux qui répondaient aux critères définis plus haut, les deux tiers étaient porteurs de lésions endoscopiques (dysplasie modérée, sévère ou carcinome in situ).
Bilan initial d’une tumeur bronchique Dans cette situation, la fluorescence bronchique s’adresse à la tumeur elle-même et à l’arbre bronchique homo- et controlatéral. En cas d’opérabilité limite, cet examen permet de mieux discerner les contours de la tumeur apportant ainsi plus d’informations au chirurgien. La cancérogenèse n’est pas localisée, mais diffuse sur tout l’arbre bronchique, ce phénomène de cancérisation multifocale est nommé cancérisation en champs. Une étude étudiant la place de l’autofluorescence chez des patients devant être opérés a montré une localisation homo- ou controlatérale dans environ 10 % des cas (18). Cette étude doit inciter à un travail plus large pour confirmer ce résultat. Cependant, il paraît logique de proposer une endoscopie en autofluorescence chez de tels patients.
Surveillance des tumeurs préalablement traitées (bronchiques ou ORL) Ce type de patient devrait bénéficier d’une recherche systématique de lésions métachrones. Une étude récente a mis en évidence l’intérêt de la méthode dans une telle situation (19). Le risque relatif de développer un cancer reste élevé dans ce type de population (7 à 26 %) (20). Toute stratégie de dépistage devrait associer le scanner spiralé et l’endoscopie sous autofluorescence. Cette association est logique, le scanner permettant la détection des lésions périphériques de petite taille et l’endoscopie en autofluorescence s’adressant aux localisations proximales. Une étude récente a d’ailleurs validé cette approche (21). Dans cette étude, un taux de dépistage de 3,1 % a été obtenu par utilisation d’une stratégie combinant étude histologique de l’expectoration, scanner et autofluorescence bronchique. L’étude portait sur des patients volontaires de plus de 50 ans fumeurs ou ex-fumeurs. Ce résultat est remarquable et se compare favorablement avec le dépistage, portant sur d’autres
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localisations tumorales. D’autres populations exposées à des substances cancérogènes, en particulier l’amiante, ont fait l’objet d’un dépistage ciblé permettant de valider une approche volontariste dans la recherche et la surveillance des lésions mises en évidence par l’autofluorescence (22).
La technique et ses limites Les limites de la technique sont connues. L’inflammation de la muqueuse et toute cause d’hyperhémie rendent l’autofluorescence difficile, voire impossible. Tout traumatisme sur la muqueuse, qu’il soit direct ou secondaire à l’aspiration, va créer une anomalie de réflexion de la lumière. Ce qui est vrai pour un traumatisme dans l’immédiat l’est également pour un traumatisme ancien. Les biopsies réalisées au cours des endoscopies antérieures ou toute atrophie de la muqueuse vont créer un défaut de fluorescence par atrophie de la muqueuse ou épaississement de l’épithélium. La figure 1 illustre un tel aspect de « trou
Fig. 1 – Image en lumière blanche (1a) et en fluorescence (1b) de l’entrée de la lobaire supérieure droite, atrophique par traitement préalable d’un cancer « in situ » par thermocoagulation. L’atrophie donne « un trou » de fluorescence colorisé en rouge fuschia. Vidéoendoscope Olympus Lucera.
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de fluorescence » par atrophie muqueuse suite à un traitement antérieur d’un cancer in situ. C’est dire l’importance de la méthodologie dans la réalisation de l’acte : anesthésie locale rigoureuse pour éviter les secousses de toux, repérage précis des endroits faisant l’objet de prélèvement biopsique, aspiration prudente au large de la paroi bronchique sont autant de principes essentiels. La gestion des biopsies réalisées doit être rigoureuse : numérotation des flacons en fonction de la topographie. L’interprétation des résultats nécessite un réel travail d’équipe avec l’histologiste, ce qui constitue une heureuse nouveauté. Une autre limite de la méthode est constituée par la spécificité des défauts de fluorescence en fonction de la nature histologique de la tumeur dépistée. Les lésions induisant un défaut de réflexion sont souvent le fait de carcinomes épidermoïdes dont la topographie est fréquemment proximale. La figure 2 illustre le cas d’un cancer épidermoïde « in situ » dont les limites sont bien visibles (vidéoendoscope avec fluorescence Lucera Olympus).
Fig. 2 – Image en lumière blanche (2a) et en fluorescence (2b) d’un carcinome in situ de la trifurcation de la lobaire supérieure droite. Les limites de la lésion sont parfaitement nettes en rouge fuschia sur le fond vert normal de la fluorescence bronchique. Vidéoendoscope Olympus Lucera.
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Autres méthodes d’aide au diagnostic précoce Le système NBI (Narrow Band Imaging) a été également proposé pour améliorer le diagnostic précoce du cancer. Son principe est d’éclairer la bronche non pas avec tout le spectre du visible mais avec des bandes étroites de longueurs d’onde (2 ou 3) sélectionnées par des filtres. L’analyse de la vascularisation bronchique et de ces anomalies est alors améliorée. Shibuya et al. ont montré une sensibilité supérieure à celle de la lumière blanche (23). En 2009, Herth a mis en évidence une sensibilité inférieure mais assez proche de celle de l’autofluorescence et une spécificité très supérieure (24). Cette méthode doit cependant être mieux évaluée. L’échoendoscopie avec utilisation d’une sonde radiale à 20 mégaHertz permet d’analyser de 5 à 7 couches différentes dans la paroi trachéale et bronchique (25). L’interruption du signal écho au niveau d’une interface signe l’invasion de cette couche par le processus tumoral. La corrélation entre les images échographiques et l’analyse histologique est remarquable (26-28), ce qui permet de mieux évaluer la profondeur de l’envahissement tumoral afin de choisir la stratégie thérapeutique adaptée.
Évolutivité des lésions précoces et justification du traitement La justification d’un traitement précoce du cancer bronchique est bien sûr la prévention des évolutions vers un stade plus invasif pour assurer un taux de guérison optimal. Ce traitement doit être proposé dès les stades in situ et même dès le stade de dysplasie sévère. En effet, même si certaines lésions peuvent régresser (29), au stade in situ, en absence de traitement, l’évolution est presque constante vers le cancer invasif (30-32) et une proportion importante de dysplasies sévères prend le même chemin (31, 32). Une étude française a analysé ce risque sur une période de 2 ans (32). Les lésions de bas grade (métaplasie et dysplasie légère) ont progressé rarement vers le carcinome invasif (2,5 %). Les dysplasies modérées évoluaient dans 3,5 %. Les lésions de haut grade (dysplasie sévère et carcinome in situ) étaient traités en cas de stabilité ou de progression. Après 2 ans, 47 % des lésions ont bénéficié d’un traitement endoscopique.
Traitement Le traitement du cancer bronchique au stade précoce peut utiliser deux grands moyens : un abord chirurgical ou un traitement local.
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Le traitement chirurgical paraît de prime abord le traitement de référence et devrait obtenir au minimum un taux de guérison à 5 ans de plus de 80 % comme pour les autres stades I. Les séries anciennes rapportées assez courtes proposaient des amputations larges, jusqu’à la pneumonectomie avec des résultats irréguliers de 50 à 91 % à 5 ans (33, 34) et de seulement 10 % à 10 ans dans l’un d’entre eux (33). Des séries plus récentes peuvent proposer des résections plus limitées (35-37), mais montrent également des résultats décevants (36, 37). La survie à 5 ans est lourdement grevée par les comorbidités avec des décès de cause non néoplasique. Les arguments pour le traitement chirurgical découlent de son caractère radical, de la vérification sur pièce de la profondeur de l’atteinte, et de la vérification par curage de l’absence d’atteinte ganglionnaire. Ce choix peut être critiqué sur de nombreux points. Une des caractéristiques de ces tumeurs est leur multifocalité (entre 10 et 20 % de tumeurs synchrones) avec un taux de tumeur métachrone de 4 à 5 % par an dans le suivi (38-40). Ces caractéristiques poussent donc à une épargne maximale du parenchyme pulmonaire pour préserver les possibilités chirurgicales en cas de tumeur ultérieure plus invasive. Le terrain des patients particulièrement fragile limite l’approche chirurgicale. Le tabagisme constant induit de lourds antécédents cancéreux (cancérisation de champ) et une grande fréquence de BPCO. Ainsi, dans un travail récent, 40 à 50 % des patients avaient des antécédents de cancers ORL ou bronchique et la moitié une BPCO sévère (36). Dans notre travail (41), ce chiffre était de 42 %. La recherche de l’atteinte ganglionnaire n’apparaît pas forcément nécessaire : elle est globalement très faible pour l’ensemble des cancers radio-occultes (5 %) et est exclue pour des cancers de moins de 3 mm de profondeur et de moins de 1 cm d’extension en surface (42-44), ce qui est le cas des lésions in situ et micro-invasives. L’élément majeur en faveur de la chirurgie est l’analyse objective de l’extension en profondeur des lésions. Cet argument peut être contesté de deux manières. Il existe une relation assez étroite entre extension en surface et en profondeur (42-44). Jusqu’à 1 cm d’extension en surface au niveau des gros troncs, les tumeurs ne pénètrent pas à plus de 3 mm. Les séries publiées de cancers traités endoscopiquement montrent des résultats curatifs satisfaisants, alors même que l’évaluation en profondeur n’était basée que sur l’aspect endoscopique et tomodensitométrique et sur les biopsies bronchiques. Un tel résultat suppose que l’évaluation était donc correcte. Actuellement, l’échoendoscopie permet d’évaluer très précisément la pénétration d’une tumeur dans la paroi bronchique pour proposer ainsi le traitement le plus adapté (26-28). L’endoscopie interventionnelle est la seconde voie thérapeutique. Elle découle des critiques formulées pour la chirurgie. Le cancer bronchique naît dans 60 % des cas au niveau des gros troncs bronchiques accessibles à l’endoscopie. L’augmentation de fréquence des adénocarcinomes, de localisation plus périphérique va cependant probablement réduire à moyen terme cet accès. L’abord endoscopique est maintenant largement proposé aussi bien en France (45) qu’aux États-Unis (46, 47).
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De façon globale, les lésions traitables doivent être de petite taille (< 1,0 cm), bien limitées et entièrement visibles lors de l’endoscopie (39). Le traitement endoscopique de ces lésions impose d’une part une technique d’action volumique plus qu’axiale pour agir en profondeur dans la paroi et, d’autre part, une technique qui épargne l’armature bronchique pour éviter tout risque de perforation et limiter le risque de sténose résiduelle. Parmi les méthodes disponibles que nous allons détailler, la cryothérapie, la thermocoagulation à haute fréquence, la photothérapie dynamique et la curiethérapie à haut débit répondent à ces objectifs. Le laser Nd-YAG d’action axiale et non sélective ne devrait pas être un bon candidat pour ces traitements. Néanmoins, entre des mains très entraînées, il peut donner d’excellents résultats (48). Cavaliere a en effet traité par laser 38 carcinomes in situ chez 28 patients. Dix-huit patients ont pu être suivis (médiane de 22 mois) sans récidive de 24 tumeurs. Enfin, les biopsies multiples à la pince ont donné parfois, dans quelques observations isolées, de bons résultats. La cryothérapie se présente comme une méthode quasi idéale dans le traitement des lésions au stade précoce. Le froid produit par l’expansion brutale d’un gaz comprimé le protoxyde d’azote, entraîne une nécrose complète, sélective et retardée des cellules tumorales au sein de la paroi bronchique sans action négative sur le tissu collagène ou élastique et donc sans aucun risque de sténose ou de perforation (49). La profondeur d’action de 3 à 4 mm est suffisante pour le traitement des lésions micro-invasives. La méthode est peu onéreuse, sans effet secondaire notable et est applicable avec des sondes souples ou rigides (fig. 3). Néanmoins, les sondes souples sont de flexibilité insuffisante pour l’accès aisé à certaines localisations apicales. Dans la série multicentrique française totalisant 35 patients et 44 lésions au stade précoce, 91 % des lésions étaient stérilisées à un an et 72 % à 3 ans (41).
Fig. 3 – Cryothérapie avec une sonde rigide d’un carcinome in situ de l’éperon de la bronche de Nelson (B6) droite.
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La thermocoagulation à haute fréquence est également une méthode très efficace. Peu onéreuse, d’action immédiate, elle est servie par des sondes extrêmement souples de 2 mm passant dans tous les endoscopes (fig. 4). Ceux-ci doivent être isolés. Il est nécessaire d’utiliser la coagulation douce (30 W), des impacts brefs et non circonférentiels pour éviter les sténoses résiduelles (50, 51), car la méthode est non sélective et peut endommager l’armature cartilagineuse. La profondeur d’action de la méthode dépend de la puissance de la sonde et du temps de contact mais elle dépasse 3 mm après 5 secondes à 30 W. Cette méthode est maintenant largement diffusée depuis les travaux de l’équipe de Tom Sutedja (36, 39, 52, 53). Le contrôle tumoral est obtenu dans 80 % des cas environ. La méthode endoscopique fait jeu égal avec la chirurgie mais avec un coût trois fois moindre (36). La thérapie photodynamique est une méthode excellente mais coûteuse qui nécessite un double laser et des photosensibilisants. La concentration du photosensibilisant paraît plus intense dans le tissu tumoral, ce qui permet un traitement un peu plus sélectif. La pénétration de la lumière atteint environ 5 à 8 mm et sa diffusion en surface permet théoriquement le traitement de lésions un peu plus extensives qu’avec les deux méthodes citées plus haut. Une sténose cicatricielle est possible avec une fibrose pariétale plus intense que celle observée après thermocoagulation (53). Le sensibilisant actuel de référence est le Photofrin®. De nombreux travaux ont été rapportés avec cet agent. En analyse type « evidence based medicine », la thérapie photodynamique est de ce fait la méthode de référence alternative à la chirurgie (46, 47). L’analyse récente de la littérature (46, 47, 54-56) montre que la stérilisation de la tumeur est obtenue en moyenne dans 75 % à 80 % des cas, avec une récidive locale
Fig. 4 – Thermocoagulation à haute fréquence d’un carcinome in situ de la pyramide basale gauche. Il s’agit de la quatrième localisation d’un cancer bronchique chez ce patient déjà opéré et irradié.
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dans 20 à 30 % des cas). Moghissi (55, 56), dans un travail récent, a colligé les résultats de 12 publications. Sur plus de 650 patients traités, 50 % des patients seulement étaient en vie à 5 ans. Certaines séries signalent un taux de récidive à 2 ans qui dépasse 50 % (54-56). Le problème est l’effet photosensibilisant prolongé 4 à 8 semaines du Photofrin® qui impose des protections contre la lumière vive pour cette période. D’autres photosensibilisants ont été proposés comme l’ALA ou le Npe6 (57). La curiethérapie à haut débit utilise une source d’iridium 192 circulant dans un cathéter vecteur. Elle permet une irradiation efficace des parois bronchiques et des régions péribronchiques sur une épaisseur dépassant 1 cm. Habituellement, trois à six séances sont réalisées à une semaine d’intervalle sous endoscope souple, mais les méthodes de traitement (doses par séances, nombre de séances) sont différentes d’une équipe à l’autre (58) et le nombre de séances réduit sur les lésions précoces. La méthode est onéreuse, peut entraîner des nécroses bronchiques, des hémoptysies ou des sténoses (58). Ces sténoses sont fréquentes malgré l’utilisation de manchons de protection (58, 59) mais c’est la seule technique qui permet de traiter toute l’épaisseur de la paroi bronchique et au-delà (lésions envahissant le cartilage et au-delà). À ce stade, le risque d’extension ganglionnaire n’est pas négligeable et la méthode doit être réservée alors à notre point de vue aux patients inopérables. L’efficacité de la curiethérapie a été testée en action curative dans plusieurs séries (58-60). La comparaison des résultats avec les autres techniques endoscopiques est cependant difficile car ces séries compilent des lésions radiologiquement occultes mais aussi bien in situ, micro-invasives ou invasives. Néanmoins, le résultat à court terme est excellent (jusqu’à 95 % de contrôle) mais la survie à 2 ans reste là aussi modeste, 68 % à 2 ans par exemple même pour des cancers in situ dans la publication de l’équipe nancéenne (58). En conclusion, le choix thérapeutique dans le cancer au stade précoce est conditionné par une affection souvent multifocale et récidivante, véritable maladie dégénérative diffuse de la muqueuse survenant chez des patients très fragiles. Dans ce contexte, la chirurgie doit souvent laisser la place à l’endoscopie interventionnelle. Celle-ci est guidée par une évaluation précise de l’extension en surface et en profondeur grâce à l’autofluorescence et à l’échoendoscopie. Des méthodes simples comme la cryothérapie ou la thermocoagulation obtiennent d’excellents résultats immédiats (> 80 %) sur des lésions superficielles. La photothérapie dynamique et surtout la curiethérapie peuvent traiter des lésions plus invasives (> 3 mm d’extension) mais avec une tolérance, une complexité et un prix totalement différents. Toutes ces méthodes, y compris la chirurgie impose un contrôle régulier et prolongé (tous les 6 mois et au moins 5 ans) de l’arbre bronchique pour dépister l’apparition d’une tumeur métachrone.
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Cancer broncho-pulmonaire chez le non-fumeur D. Planchard et J.-C. Soria
Points essentiels • Il est retrouvé chez environ 20 % des femmes et 10 % des hommes caucasiens. Ce chiffre est plus élevé chez les sujets asiatiques. • L’histologie prédominante est l’adénocarcinome. • Une meilleure survie spécifique reste discutée. Les facteurs de risque sont potentiellement multiples mais d’identification difficile (tabagisme passif, expositions professionnelles, pollutions, radiations, facteurs hormonaux, virus, facteurs génétiques, etc.). • Il est retrouvé sur le plan moléculaire des différences au niveau d’anomalies chromosomiques, de polymorphismes génétiques, de mutations, du profil d’expression et du statut de méthylation de gènes en comparaison avec le CBNPC du fumeur. • Une grande proportion de patients présente une mutation activatrice du gène de l’EGFR (avec une fréquence faible de mutations de KRAS) avec une forte probabilité de réponse à un traitement par inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR. D’autres anomalies commencent à être identifiées comme la translocation EML4-ALK (5 % des patients), cible thérapeutique potentielle. • Ainsi, l’algorithme de traitement standard pour les sujets non-fumeurs porteurs d’un cancer pulmonaire est en cours de modification.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction L’incidence du cancer pulmonaire est incontestablement corrélée au tabagisme, qui est le facteur de risque principal de cette pathologie. Il est estimé que près de 85 % des cas sont dus à l’inhalation de la fumée de tabac, qui contient près de 80 composants potentiellement carcinogènes. Le tabac est responsable actuellement en France de plus de 1 décès sur 9 (1 décès sur 5 chez les hommes et 1 décès sur 35 chez les femmes). Cependant, un nombre important de cancers pulmonaires apparaît non lié au tabagisme. Dans le cadre de ce chapitre, nous allons nous focaliser sur cette entité particulière que constitue le cancer pulmonaire chez le non-fumeur notamment sur le plan épidémiologique, clinique, moléculaire et sur les implications thérapeutiques.
Données épidémiologiques En Europe, en 2008, le cancer pulmonaire représentait 391 000 cas (12,2 % des cancers, soit le 3e cancer en fréquence) et 342 000 décès (19,9 % des cancers, soit le premier cancer par décès) (1). S’il est bien établi que le tabagisme actif est la cause principale du cancer du poumon, il est évalué qu’environ 15 % des hommes et 53 % des femmes ayant un CBNPC, soit environ 25 % des patients dans le monde sont des sujets non-fumeurs (les sujets non-fumeurs étant généralement définis comme ceux qui ont fumé moins de 100 cigarettes dans leur vie) (2). Ce chiffre est plutôt de 15 % à 25 % chez les femmes et 10 % chez les hommes en Europe (3). L’étude de cohortes de patients (nord-américaines dont une suédoise) âgés de 40 à 79 ans (12 000 fumeurs et 880 000 non-fumeurs) montre une incidence de 14,4 à 20,8/100 000 patients années chez les femmes et de 4,8 à 13,7/100 000 patients années chez l’homme (4). Il n’existe actuellement pas de preuve épidémiologique (cohortes) d’une augmentation de l’incidence du cancer pulmonaire chez les sujets non-fumeurs, or la proportion de nonfumeurs apparaît augmentée parmi les cancers pulmonaires. Il n’existe à ce jour pas d’explication rationnelle mais probablement différentes causes, comme par exemple un meilleur recueil de l’information du tabagisme (notamment depuis l’arrivée des inhibiteurs de l’EGFR), une espérance de vie qui augmente et donc une durée d’exposition au risque augmentée (d’où l’importance d’étudier l’incidence ajustée sur l’âge), un biais de dépistage (meilleur dépistage chez des sujets asymptomatiques).
Cancer broncho-pulmonaire chez le non-fumeur
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Particularités cliniques du cancer du poumon chez les non-fumeurs Présentation et pronostic chez le non-fumeur Les différentes études épidémiologiques rétrospectives à notre disposition montrent des différences entre le cancer du poumon survenant chez les patients fumeurs et chez les non-fumeurs, tant au niveau de la présentation clinique que de la survie. Les patients non-fumeurs sont plus souvent des femmes, en moyenne plus âgées (plus jeunes en Asie et plus âgés chez les sujets non asiatiques), avec un stade tumoral plus précoce, et une histologique d’adénocarcinome, par comparaison aux patients fumeurs (5, 6). Il existe également une variabilité géographique et, de fait, toutes les études s’accordent pour trouver un pourcentage de non-fumeurs plus élevé chez les sujets asiatiques que nordaméricains ou européens (7). Les études divergent sur l’existence ou non d’une différence de survie (8, 9).
Âge L’âge de survenue d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) chez les sujets non-fumeurs varie selon les études. Deux études ayant porté sur des patients asiatiques suggèrent que le CBNPC chez les non-fumeurs est diagnostiqué à un âge plus jeune (10, 11). Ces données sont supportées par une étude épidémiologique dans une population caucasienne (12). Dans l’étude récente de Mok et al., qui a inclus des adénocarcinomes chez des patients asiatiques nonfumeurs (ou anciens petits fumeurs), l’âge médian était plutôt bas, de 57 ans (13). Des études nord-américaines ou européennes rapportent cependant un âge identique ou plus avancé des sujets non-fumeurs (4, 8, 14). Il est possible que ces variations géographiques puissent s’expliquer par une implication plus grande du statut non-fumeurs pour le CBNPC dans les pays asiatiques, par un âge de début du tabagisme plus tardif ou par différents biais dans la détection du cancer.
Sexe Les données issues de sujets asiatiques et caucasiens suggèrent que la proportion de femmes est plus importante parmi les sujets non-fumeurs. Nordquist et al., dans une série limitée aux patients porteurs d’un adénocarcinome, rapportent une proportion de 78 % de femmes parmi les sujets non-fumeurs et de 54 % chez les sujets fumeurs (8). L’étude de Toh et al. rapporte, parmi une population asiatique, plus de 68 % de femmes parmi les sujets non-fumeurs, comparativement à 12 % chez les fumeurs et 13 % chez les anciens fumeurs (11). Dans l’étude récemment publiée de Mok et al., 79 % de sujets féminins d’origine
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Oncologie thoracique
asiatique étaient inclus (13). L’étude de l’incidence de six grandes cohortes de sujets non-fumeurs va dans le même sens avec une incidence supérieure des femmes chez les non-fumeurs (4). Cependant, dans l’étude de Than et al., dans laquelle étaient étudiés des sujets non-fumeurs parmi 13 études prospectives (soit plus de 630 000 sujets), l’incidence du cancer pulmonaire chez les non-fumeurs entre les hommes et les femmes apparaissait identique après normalisation selon l’âge des sujets de plus de 40 ans (15).
Histologie Depuis la fin des années 1960, il a été observé des changements dans la majorité des pays concernant la fréquence des différents types histologiques du CBNPC, avec une proportion en baisse des carcinomes épidermiques et une augmentation des adénocarcinomes. Ces changements sont observés avec les variations du sexe et du statut tabagique des CBNPC. Chez les patients non-fumeurs, le principal type histologique apparaît être l’adénocarcinome. Dans l’étude de Toh et al., qui s’est spécifiquement intéressée à la distribution du type histologique parmi les CBNPC en fonction du statut tabagique, il ressortait que les adénocarcinomes étaient plus fréquents chez les sujets non-fumeurs (69,9 %) que chez les fumeurs (39,9 %) et les anciens fumeurs (47,3 %) (p < 0,001) (16). Au contraire, les carcinomes épidermoïdes étaient retrouvés chez 5,9 % des nonfumeurs, versus 35,7 % chez les fumeurs et 28,0 % chez les anciens fumeurs. Dans une revue, parmi douze études publiées chez des sujets non-fumeurs, la fréquence des adénocarcinomes selon les études variait de 47 à 76 % et de 3 à 27 % pour les carcinomes épidermoïdes (17).
Survie Il est souvent rapporté que les sujets non-fumeurs porteurs d’un cancer pulmonaire présentent une meilleure survie comparativement aux fumeurs, et ceci indépendamment du stade, du traitement, des facteurs de comorbidités et d’autres facteurs pronostiques connus. Ainsi, par exemple, parmi quatre études rétrospectives ayant inclus en analyse multivariée le statut non-fumeur en fonction du stade, il était retrouvé une meilleure survie des sujets non-fumeurs avec un risque relatif en faveur du statut non-fumeur proche de 1,3 (8, 10, 11, 18). Dans l’étude de Norquist et al., l’analyse multivariée des patients porteurs d’un adénocarcinome de stades I-IV retrouve le statut non-fumeur comme facteur pronostique indépendant d’une meilleure survie (survie à 5 ans de 23 % pour les sujets non-fumeurs vs 16 % pour les sujets fumeurs) (8). À l’inverse, le statut fumeur est un facteur de mauvais pronostic et la survie des patients tabagiques porteurs d’un CBNPC apparaît dose-dépendante (19). Cela est retrouvé dans une étude chez 2 010 patients porteurs d’un CBNPC de stades IIIB/IV avec une meilleure survie des sujets non-fumeurs (17,8 mois vs 11,3 mois ; p < 0,001) et d’une diminution de la survie avec l’augmentation de la consommation taba-
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gique en PA (p < 0,001) (18). L’étude de Subramanian et al. ne rapporte pas de différence de survie par comparaison de 254 sujets non-fumeurs et fumeurs (associés notamment en fonction du sexe, de l’histologie et du stade) (20). Par ailleurs, en étudiant l’incidence et la mortalité par cancer pulmonaire dans une population issue de 13 cohortes, Thun et al. montrent après ajustement avec l’âge que le taux de mortalité par cancer pulmonaire est plus élevé chez les hommes et les femmes tabagiques et que la mortalité est plus élevée chez les hommes que chez les femmes, quels que soient l’âge et le groupe ethnique (15). Ainsi, le risque de décès par cancer pulmonaire avant 85 ans est de 22,1 et 11,9 % chez les sujets fumeurs de sexe masculin et féminin respectivement et de 1,1 et 0,8 % chez les sujets non-fumeurs de sexe masculin et féminin respectivement. Ainsi, le statut tabagique apparaît être un facteur pronostique dont il est difficile dans ces différentes études de connaître la mortalité spécifique due à la maladie elle-même ou à un facteur de comorbidité, de tels facteurs étant souvent nombreux chez les sujets tabagiques. Il est donc difficile de trancher entre une meilleure survie spécifique du cancer et un meilleur pronostic des sujets non-fumeurs (21).
Évolution en l’absence de traitement actif Aucune étude n’a jusqu’à présent été conçue spécifiquement pour comparer le devenir des sujets fumeurs versus celui des non-fumeurs porteurs d’un CBNPC à un stade avancé en l’absence de thérapie active. Cependant, dans deux études de phase III, les patients étaient randomisées entre un bras placebo et un bras traitement par inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) de l’EGFR pour une maladie récurrente à un stade avancé. Il s’agit de l’étude ISEL avec le gefitinib et de l’étude BR.21 avec l’erlotinib (22, 23). Les sujets non-fumeurs de l’étude ISEL du bras placebo avaient une survie médiane de 6,1 mois et une survie à 1 an de 29 % contre 4,9 mois et 18 % respectivement pour les sujets fumeurs. Dans l’étude BR.21, la survie médiane dans le groupe placebo pour les sujets non-fumeurs et fumeurs était de 5,6 mois et 4,6 mois respectivement. Bien que les données des bras contrôle dans les deux études suggèrent une tendance vers une meilleure survie pour les sujets non-fumeurs, dans aucune des deux études, ces différences n’étaient statistiquement significatives.
Survie chez les patients opérés Le devenir en fonction du statut tabagique des patients opérés d’un CBNPC de stade I a été évalué dans peu d’études. Fujisawa et al. rapportent parmi les patients non-fumeurs (n = 118) une survie globale à 10 ans de 88,2 %, alors que celle-ci est 77,3 % et de 64,7 % chez les patients ayant un tabagisme de 129 PA (paquets-années) (n = 39) et de * 30 PA (n = 212) respectivement (24). La valeur de p pour la survie globale était < 0,001 en comparant un tabagisme de 0 et * 1 PA et en comparant < 30 et * 30 PA. Les patients qui avaient une
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Oncologie thoracique
histoire de tabagisme présentaient un taux de décès plus important suite à une récidive tumorale (p = 0,0004) et suite à une étiologie non tumorale (p = 0,026). Cependant, en analyse multivariée (incluant l’âge, le stade, l’atteinte pleurale et le sexe), la survie n’était pas significativement associée au tabagisme. L’étude de Yoshino et al. a évalué la survie chez 428 patients porteurs d’un adénocarcinome pulmonaire de stade I opérés (25). Les sujets non-fumeurs (n = 193) avaient une meilleure survie à 5 ans (p = 0,0001). Dans cette étude, le statut tabagique était un facteur pronostique indépendant en analyse multivariée. Cela est retrouvé dans une étude de 1 405 patients opérés d’un CBNPC de stade IA. Les sujets non fumeurs présentaient une survie globale (log-rang, p < 0,0001) et cancer-spécifique (log-rang, p = 0,0003) significativement supérieure aux sujets non-fumeurs (6). En analyse multivariée, le statut non-fumeur était un facteur indépendant (risque relatif de 0,76, p = 0,03) ainsi que le T et N de la classification TNM. Au total, il est difficile, dans ces différentes études, de connaître la mortalité spécifique due à la maladie elle-même ou à un facteur de comorbidité, de tels facteurs étant souvent nombreux chez les sujets tabagiques. Il est donc difficile de trancher entre une meilleure survie spécifique du cancer et un meilleur pronostic des sujets non-fumeurs (21).
Étiologie du cancer du poumon chez le non-fumeur Tabagisme passif Le tabagisme passif ou involontaire se définit comme l’exposition à la fumée du tabac dans l’environnement. C’est un facteur de risque important du cancer pulmonaire mais son évaluation est difficile : il n’existe pas de niveau de seuil à la fumée de tabac sans risque. Des études épidémiologiques notent de manière quasi constante une élévation significative du risque de mortalité par cancer pulmonaire lors de l’exposition à la fumée de tabac sur le lieu de travail et/ou au domicile (exposition par le conjoint fumeur). Ainsi, une femme non fumeuse a 24 % de risque en plus de développer un cancer pulmonaire si elle vit avec un fumeur (26). Une autre étude nord-américaine rapporte un risque relatif de 2,4 pour les femmes ayant subi un tabagisme passif pendant plus de 22 ans (27). La comparaison de 280 cas de CBNPC chez des sujets non-fumeurs et 242 sujets témoins montre que l’exposition à un tabagisme passif (soit au domicile, soit au travail) majore de façon statistiquement significative le risque de développer un cancer pulmonaire d’un facteur 2,08 (intervalle de confiance à 95 % [1,25–3,43]) (28). Une synthèse de ces différentes études a été effectuée à l’occasion de la monographie du CIRC sur le tabagisme passif (29). Cette méta-analyse montre que le tabagisme lié au conjoint augmente le risque de développer un cancer du poumon d’environ 20 % chez les femmes et 30 % chez les hommes.
Cancer broncho-pulmonaire chez le non-fumeur
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Le tabagisme passif peut correspondre principalement à deux types d’exposition : l’exposition secondaire et l’exposition tertiaire.
Exposition secondaire Elle est responsable principalement de l’exposition environnementale. Elle correspond à la fumée se dégageant d’une cigarette se consumant librement. Il est estimé à environ 4 000 le nombre de substances chimiques identifiées jusqu’à ce jour dans la fumée de tabac secondaire (FTS) ou « fumée de tabac ambiante », parmi lesquelles plus de 250 sont classées dangereuses pour la santé et au moins 50 identifiées comme cancérogènes chez l’être humain et l’animal. La composition exacte de la FTS est influencée par plusieurs facteurs comme le type de produit, les propriétés du mélange de tabac, les additifs chimiques, le papier et le filtre utilisés et la manière dont le fumeur fume. Environ 85 % de la fumée d’une pièce sont constitués de la fumée du courant secondaire. Les particules de la fumée de celle-ci étant plus petites que celles contenues dans la fumée expirée par le fumeur, elles peuvent pénétrer plus profondément dans les poumons. Par conséquent, le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), le US Surgeon General et la US environnemental Protection Agency classent la FTS comme un cancérogène certain (de groupe 1) pour l’homme.
Exposition tertiaire Elle correspond à la fumée exhalée par le fumeur. La température spontanée de combustion d’une cigarette étant plus basse (autour de 600 °C) que celle du courant primaire (autour de 800 °C), il y a combustion incomplète générant des concentrations importantes de produits cancérigènes (1-3 butadiène, benzène, benzo(a)pyrène, nitrosamine NNK, par exemple). Cela en fait une fumée plus toxique que celle inhalée et rejetée par le fumeur.
Expositions professionnelles Plusieurs types d’expositions professionnelles sont associés à une augmentation du risque de cancers pulmonaires. Le radon est un produit de dégradation de l’uranium, connu pour être associé au cancer du poumon chez les mineurs d’uranium. Le radon émet des particules alpha, créant des lésions sur l’ADN des cellules épithéliales respiratoires. L’émission des particules alpha est associée à l’inactivation du gène suppresseur de tumeur p16 par méthylation (30). Le radon est présent dans le sol et l’air comme un polluant avec un risque d’exposition de la population générale. L’exposition à l’amiante est associée au développement de cancers pulmonaires dont le risque dépend du type de fibre et de la quantité inhalée (31). Dans le cadre d’une étude de cohorte, l’exposition professionnelle à l’amiante augmente d’un facteur 3,5 le risque de cancer pulmonaire (32). Les différents facteurs de risque professionnels reconnus par la législation sont
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l’amiante, l’arsenic, le bis-chlorométhyl-éther, l’acide chromique, les chromates et bichromates, le nickel, les oxydes de fer et les rayonnements ionisants. Doll et Peto estiment qu’aux États-Unis les expositions professionnelles délétères pourraient expliquer environ 15 % des cancers pulmonaires chez l’homme et 5 % des cancers chez la femme. Cependant, l’estimation du risque professionnel est difficile à établir du fait d’un tabagisme fréquemment associé. Cette association majore de façon considérable le risque de cancer pulmonaire. Ainsi, chez les non-fumeurs, l’exposition à l’amiante est associée à un risque de cancer pulmonaire multiplié par un facteur de 3 à 5, alors que ce risque est 50 fois plus élevé lorsque les sujets sont à la fois fumeurs et exposés à l’amiante.
Pollutions domestique et atmosphérique La faible incidence des patientes fumeuses chez les femmes chinoises a conduit à la recherche d’autres facteurs de risque. La cuisson de certaines huiles dans la cuisine (en particulier de colza ou de soja dans la cuisine traditionnelle chinoise) est associée probablement à une augmentation du risque de cancer par son effet carcinogène à haute température. Il est évoqué la pollution dans les habitations avec des combustibles polluants (déjections animales, bois, résidus agricoles ou charbon) qui servent pour se chauffer et faire la cuisine dans des endroits fermés sans extracteurs (33). Des études ainsi qu’une méta-analyse récente identifient l’utilisation de charbon pour la cuisine ou le chauffage comme facteur de risque (33, 34). Par ailleurs, une étude cas-contrôle a identifié les vapeurs d’huile de colza comme pouvant être associées à un risque accru de cancer du poumon (35). Il a été montré sur des lignées cellulaires que les émissions de graines de colza chauffées et d’huile de soja peuvent être mutagènes (36). Enfin, la pollution atmosphérique et les antécédents de maladies respiratoires (insuffisance respiratoire chronique, asthme, fibrose pulmonaire, pneumopathie) constitueraient également des facteurs de risque de cancer du poumon.
Facteurs liés au sexe et aux hormones La prédominance féminine chez les patients non-fumeurs a fait évoquer un facteur lié au sexe. Le rôle des œstrogènes dans le développement de nombreux adénocarcinomes féminins dont les cancers du sein, de l’endomètre ou de l’ovaire est bien documenté. L’expression des récepteurs aux œstrogènes a été retrouvée dans des tissus de cancer pulmonaire (37). Il est connu que les œstrogènes peuvent avoir un effet pro-carcinogène par au moins trois mécanismes. L’œstradiol peut être métabolisé en catéchol-œstrogènes (4-hydroxy-œstradiol 1 et 2) qui a un effet mutagène sur l’ADN. Par ailleurs, l’œstradiol exerce un effet prolifératif indirect par fixation sur le récepteur des œstrogènes et qui entraîne une activation des voies de signalisation sous-jacentes. Enfin, les œstrogènes
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peuvent altérer l’activation métabolique des carcinogènes du tabac. Il apparaît par ailleurs qu’une interaction entre les récepteurs aux œstrogènes et de l’EGFR est possible. L’expression des récepteurs aux œstrogènes apparaît plus élevée chez les sujets non-fumeurs (38). Le rôle de la contraception est discuté mais il ne semble pas exister de lien entre la prise d’une contraception orale et le risque de cancer du poumon, avec parfois une tendance en faveur d’un effet protecteur (39). En revanche, le lien entre la prise d’œstrogènes et le métabolisme de la nicotine est établi. Les femmes préménopausées métabolisent plus rapidement la nicotine que les hommes et, parmi les femmes, celles qui prennent des contraceptifs oraux la métabolisent encore plus rapidement que celles qui n’en consomment pas. Le rôle des traitements substitutifs de la ménopause et de l’hormonothérapie est controversé. Des résultats et études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ou non ces différentes données.
Radiations ionisantes L’exposition aux rayonnements ionisants peut entraîner des cancers radioinduits dont le risque apparaît être linéaire en fonction de la dose et sans seuil. Les tumeurs radio-induites consécutives à une irradiation thérapeutique pour un premier cancer sont rares. Elles sont cependant la première cause de décès survenant 10 ans après le traitement de la maladie de Hodgkin (40). Le risque de cancer du poumon suite à l’exposition à des radiations ionisantes chez des non-fumeurs a été examiné dans un grand nombre d’études. La plupart des études montrent un risque accru du cancer du poumon suite aux radiations pour le traitement de la maladie de Hodgkin ou du cancer du sein (40). Cependant, la plupart de ces études montrent que ce risque accru est plus important parmi les sujets fumeurs, probablement à cause d’effets multiplicatifs du tabagisme et de la radiothérapie (41).
Virus Chez l’Homme, il est connu que les papillomavirus (HPV) sont associés aux cancers épidermoïdes du col de l’utérus, cutané, de l’œsophage et des voies aériennes supérieures. Leurs rôle dans le développement du cancer pulmonaire est évoqué (42). Les sérotypes 16 et 18 de l’HPV apparaissent plus fréquemment associés au cancer du poumon que les autres sérotypes. Les oncogènes HPV18E6 et E7 peuvent immortaliser des cellules humaines d’épithélium trachéal, qui sont alors fortement sensibles à des lésions génétiques (43). Des résultats identiques sont retrouvés avec les oncogènes HPV-16 E6 et E7. Le jaagsiekte sheep retrovirus (JSRV) qui est un bêtarétrovirus, de la famille des Rétrovirus,
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infecte les petits ruminants. Il est montré qu’il peut induire des adénocarcinomes pulmonaire, par la transformation des cellules épithéliales du poumon que sont les pneumocytes de type II et les cellules de Clara (44). Cette tumeur est apparentée au cancer bronchiolo-alvéolaire, pour laquelle une étiologie virale a été suggérée depuis de nombreuses années. Son pouvoir transformant implique le domaine intracytoplasmique et certains domaines de la glycoprotéine de surface. La transformation met en jeu l’activation des voies PI3K/Akt et MAPK (mitogen-activated protein kinase).
Infections La présence d’antécédents d’une pathologie pulmonaire a été examinée avec le risque de cancer du poumon, comme la tuberculose, l’asthme et la fibrose pulmonaire. Les études montrent que les personnes ayant eu une tuberculose présentent une augmentation du risque de cancer pulmonaire de 50 %, bien que le statut tabagique n’a été étudié que dans peu d’études (45). De façon intéressante, une étude qui a examiné le risque de cancer du poumon parmi des sujets fumeurs et non-fumeurs ayant eu une tuberculose a constaté que les femmes non-fumeuses avaient une augmentation du risque de cancer pulmonaire de l’ordre de 8 fois, alors qu’il n’y avait pas d’association évidente parmi les fumeurs (46). L’asthme a été aussi fréquemment étudié en termes de risque de cancer du poumon. Ce facteur de risque potentiel a été étudié dans plusieurs études, y compris dans une méta-analyse (47). La plupart de ces études tendent à montrer une augmentation du risque de cancer pulmonaire chez les sujets non-fumeurs ayant une maladie asthmatique. Plusieurs études suggèrent que les patients ayant une fibrose pulmonaire seraient à risque accru de cancer du poumon, mais ces facteurs de risque ne sont pas clairement définis chez les sujets non-fumeurs (48). L’ensemble de ces données nécessite des études complémentaires chez les non-fumeurs car pour beaucoup sujettes à différents biais d’interprétation.
Facteurs génétiques L’existence d’une sensibilité génétique au cancer du poumon est suggérée dans un certain nombre d’études familiales (49). Un antécédent de cancer familial au premier degré avant l’âge de 50 ans augmente significativement le risque de cancer pulmonaire (risque relatif de 1,7 ; intervalle de confiance à 95 % [1,10– 2,64]). Une étude à comparé 316 patients porteurs d’un CBNPC avec 318 sujets sains non-fumeurs avec un appariement entre les deux groupes en fonction du sexe, de l’âge et de l’ethnie (50). Il était retrouvé une augmentation de la probabilité de +25 % (intervalle de confiance à 95 % ; 1,05–1,50) de cancer chez les
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parents au premier degré et un risque de cancer augmenté de 2 fois (1,03–4,10) chez les sujets exposés à un antécédent de cancer familial comparativement au groupe contrôle. Ces résultats vont dans le sens de l’importance des facteurs génétiques pour le cancer du poumon chez les sujets non-fumeurs. Cependant, la proportion plus faible de non-fumeurs rend les études génétiques de risque difficiles à mener. L’identification de gènes de prédisposition par l’étude de liens au sein des familles avec de multiples cancers du poumon a permis d’identifier un locus sur le chromosome 6q (51). Le gène RGS17 (situé sur le chromosome 6q23-25) a été identifié comme un candidat majeur de susceptibilité de cancer pulmonaire familial (52). Il code pour une protéine régulatrice de la famille des protéines-G de signalisation. Elle apparaît être une onco-protéine induisant la prolifération cellulaire via l’induction de la voie de signalisation cAMP (adénosine monophosphate cyclique) - PKA (protein kinase A) - CREB (cAMP response element binding). Certains polymorphismes des gènes de la réparation pourraient aussi jouer un rôle dans l’oncogenèse pulmonaire. Le polymorphisme du gène XPD est celui qui a été le plus étudié, car ce gène présente deux variants, Asp312Asn et Lys751Gln, très largement représentés dans la population. Le polymorphisme (XPD codon 751) augmenterait sensiblement les risques de cancer du poumon chez les sujets non-fumeurs (53). Cependant, ces résultats restent controversés, la plupart des études ne différenciant pas le statut tabagique des patients. Le complexe ERCC1/XPF peut intervenir dans l’excision de l’extrémité 3’ saillante des extrémités télomériques, et avoir ainsi un rôle dans la prévention contre une instabilité chromosomique (54). Un certain nombre de maladies génétiques des voies de la réparation connues sont responsables du développement de diverses pathologies tumorales, mais a priori sans majoration des cancers pulmonaires. Parmi les régions génétiques associées au risque de cancer du poumon découvertes récemment par les études pan-génomiques, il y a les récepteurs nicotiniques (15q). Il a été identifié dans deux études la région 15q25.1, codant pour trois sous-unités des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine CHRNA3, CHRNA5 et CHRNB4, comme facteur de risque du cancer pulmonaire (fig. 1)
Fig. 1 – Représentation graphique du test de tendance (valeurs de p en échelle logarithmique) des 310,023 variants génotypiques testés, comparant 1 926 cancers pulmonaires et 2 522 contrôles (56).
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Oncologie thoracique
(55, 56). Ces récepteurs avaient déjà été identifiés dans les phénomènes de dépendance au tabac et sont présents sur les neurones et dans d’autres tissus, comme au niveau des cellules épithéliales alvéolaires et sur des lignées cellulaires de cancer du poumon. Le risque est associé au tabagisme dans une étude mais pas dans une autre (55, 56). Ces récepteurs apparaissent avoir un rôle controversé : soit ils interviennent dans la biologie du cancer soit, plus simplement, dans l’addiction à la nicotine ? Une troisième étude confirme aussi ces résultats et isole en plus deux locus situés sur les chromosomes 6p21.33 (région codante pour MSH5) et 5p15.33 (région codante pour CLPTM1L, TERT et BAT3) comme facteurs de risque du cancer pulmonaire (57). BAT3 est impliqué dans l’apoptose et dans la régulation de l’acétylation de P53 nécessaire en réponse à des lésions de l’ADN. MSH5 est impliqué dans la réparation de l’ADN par la voie du MMR (mismatch repair). CLPTM1L est une protéine transmembranaire exprimée dans de nombreux tissus normaux et tumoraux, dont le poumon. L’expression de CLPTM1L sensibilise les cellules au cisplatine par l’induction de l’apoptose. TERT code pour la sous-unité catalytique de la télomérase, qui a pour rôle principal de catalyser la polymérisation des nucléotides incorporés à l’extrémité 3’ des chromosomes. C’est le candidat le plus probable, un déficit de TERT pouvant favoriser une instabilité chromosomique. Plus récemment, il a été identifié un variant génétique au niveau 13q31.3 qui modifie l’expression de GPC5 (glypican 5) et apparaît associé au risque de cancer pulmonaire chez les sujets non-fumeurs (58). L’expression de GPC5 apparaît diminuée dans les adénocarcinomes des sujets non-fumeurs comparativement au tissu pulmonaire sain. Par ailleurs, le niveau d’expression de GPC5 apparaît être plus bas chez les sujets non-fumeurs et cela pourrait contribuer au développement du cancer pulmonaire chez les nonfumeurs (59).
Réparation de l’ADN Wei et al. étaient les premiers à démontrer une association significativement entre une capacité de réparation de l’ADN sous-optimale et le risque de cancer du poumon (60). Il a été comparé les capacités de réparation de l’ADN entre des patients porteurs d’un CBNPC chez des sujets fumeurs et non-fumeurs. La comparaison des cancers pulmonaires chez des sujets nonfumeurs (naïf de traitement antitumoral et sans antécédent de cancer) avec des sujets sains (pas d’antécédents de cancer) non-fumeurs montre après appariement en fonction de l’âge, du sexe et de l’ethnie que les capacités de réparation de l’ADN sont significativement plus importantes dans le groupe témoin (8,70 % ; n = 309) que dans le groupe des CBNPC (7,97 % ; n = 219 ; p = 0,0019) (61). Par ailleurs, une diminution de la capacité de réparation de l’ADN était un facteur de risque de cancer chez les sujets non-fumeurs
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avec une augmentation du risque d’un facteur 1,92 (intervalle de confiance à 95 % [1,3-2,9] ; p = 0,0024). Un antécédent de cancer familial était aussi associé à une augmentation du risque de cancer pulmonaire (risque relatif de 1,38 ; intervalle de confiance à 95 % 95 %, 1,01-1,87). Il a été suggéré que le tabagisme augmente la régulation des capacités de réparation de l’ADN (62). L’expression de certaines protéines de la réparation apparaît différentiellement exprimée en fonction du statut tabagique dont les protéines de la voie du NER (nucleotide excision repair) telle que ERCC1 (excision repair cross-complementation group 1) (63).
Anomalies moléculaires du cancer du poumon chez le non-fumeur Sur le plan moléculaire, il a été identifié des différences entre le cancer pulmonaire du sujet fumeur et non-fumeur, au niveau d’anomalies chromosomiques, de polymorphismes génétiques, de mutations de gènes et du statut de méthylation de gènes (tableau I). Ces différences biologiques (et cliniques) suggèrent que ces deux cancers possèdent des similitudes mais aussi des voies d’oncogenèse différentes. Nous allons donc résumer les connaissances actuelles sur les caractéristiques particulières de la biologie moléculaire du cancer pulmonaire du non-fumeur. Tableau I – Principales modifications génétiques du CBNPC en fonction du statut tabagique. Fumeurs
Non-fumeurs
<5%
59 %
Mutation de KRAS
Fréquent
Peu fréquent
Mutation de l’EGFR
5-10 %
30-60 %
Mutations de HER2
Plus fréquent
Rare
1,5
0,23
Mutations de STK11 (LKB1)
Rare
Plus fréquent
Index de méthylation
Haut
bas
Fréquente
Peu fréquente
Rare (10 %)
Fréquente (40 %)
Rare
7%
Gain du chr16
Mutation de P53 Rapport GAT/GAA
Méthylation de P16 et APC Perte d’expression protéine MSH2 Translocation EML4-ALK
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Profils d’expression Différentes études se sont intéressées à identifier des signatures géniques dans le tissu tumoral de cancers pulmonaires, en corrélation avec le statut tabagique. L’analyse par microarrays de 5 patients non-fumeurs et de 14 patients fumeurs porteurs d’un adénocarcinome a identifié 45 gènes dont l’expression apparaissait significativement différente entre les deux groupes (fig. 2) (64). Parmi les gènes significatifs, 30 étaient des gènes connus et 15 des gènes de fonction inconnue. Cependant, dans cette étude il n’était pas possible de séparer les tumeurs sur la base unique de l’expression différentielle des gènes en fonction du statut tabagique. Une deuxième étude, publiée par Powell et al., n’a également pas permis, lors de l’analyse d’un panel de 6 patients non-fumeurs et 6 fumeurs, de séparer deux groupes de patients en fonction du statut tabagique (59). Dans cette étude, il y avait une séparation bien définie dans l’expression des gènes entre le tissu du poumon sain et le tissu tumoral mais une séparation moins robuste entre le tissu sain des sujets fumeurs et non-fumeurs. À ce jour, aucune étude n’a d’ailleurs pu identifier de différence significative dans les profils d’expression des gènes des patients fumeurs et non-fumeurs porteurs d’un adénocarcinome. Ceci peut être probablement expliqué en grande partie par la petite taille des échantillons étudiés, mais aussi en raison de mécanismes autres que l’expression différentielle de gènes, comme par exemple des mutations d’oncogènes ou de gènes suppresseurs de tumeurs, de méthylation de gènes ou de pertes d’hétérozygotie.
Fig. 2 – Représentation graphique en plot de l’expression de 45 gènes en fonction du statut tabagique (64). Vert = sous-expression comparativement au niveau médian, noir = expression non modifiée, rouge = surexpression, gris = données manquantes.
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Aberrations chromosomiques Il est rapporté des différences significatives au niveau d’aberrations chromosomiques entre le CBNPC du fumeur et du non-fumeur. Ainsi, il a été comparé, dans une cohorte de 18 sujets non-fumeurs et de 27 fumeurs porteurs d’un adénocarcinome, les différences chromosomiques en utilisant 54 sondes microsatellites localisées au niveau de 28 bras chromosomiques différents (65). La fraction allélique, perte ou gain (pourcentage de pertes/gain de bras chromosomiques parmi le nombre total de bras chromosomiques informatifs) pour les fumeurs était de 0,28. Elle était de 0,11 pour les non-fumeurs et un plus grand nombre de fumeurs que de non-fumeurs avaient une fraction allélique de 0,3 ou plus (48 % contre 11 % ; p = 0,02). En général, la fréquence d’aberrations chromosomiques était plus importante chez les sujets fumeurs que chez les non-fumeurs, et cette différence était statistiquement significative pour les régions 3p (37 contre 6 %), 6q (46 contre 12 %), 9p (p16) (65 contre 22 %), 16p (28 contre 0 %), 17p (P53) (45 contre 11 %) et 19p (58 contre 16 %) (fig. 3). Dans la cohorte des non-fumeurs, les anomalies chromosomiques étaient plus fréquentes au niveau des régions 9p (22 %), 12p (22 %) et 19q (22 %). Dans une étude similaire, il était montré la présence d’aberrations chromosomiques par l’utilisation de 84 sondes microsatellites chez 42 patients non-fumeurs et 29 fumeurs porteurs d’un adénocarcinome (66). La perte moyenne de la fraction allélique chez les non-fumeurs était 40 % et de 44,5 % chez les fumeurs, ce qui est plus important que dans l’étude précédente. Il n’a en revanche pas été montré une fréquence globale d’aberrations chromosomiques plus importante chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, mais il était retrouvé un
Fig. 3 – Comparaison des altérations chromosomiques en fonction du statut tabagique. Barres noires = fréquence chez les fumeurs, barres blanches = fréquence chez les nonfumeurs (65).
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chevauchement significatif entre les deux groupes. Les modifications chromosomiques au niveau 16q, 17q et 19q étaient plus fréquentes chez les non-fumeurs que chez les fumeurs. Cependant, de façon similaire avec l’étude précédente, il était observé une aberration chromosomique plus fréquemment au niveau des chromosomes 19q13,3 (48 %) et 9p21 (45 %) chez les non-fumeurs que chez les fumeurs. Powell et al. rapportent, par l’utilisation de 52 sondes microsatellites sur 10 locus chromosomiques, une perte moyenne de la fraction allélique significativement plus importante chez 6 non-fumeurs par rapport à 6 patients fumeurs, porteurs d’un adénocarcinome (46 % contre 28 % ; p < 0,05) (67). Les modifications au niveau des chromosomes 3p, 8p, 9p, 10p et 18q étaient aussi plus fréquentes chez les non-fumeurs que chez les fumeurs (p < 0,05). L’analyse génomique par hybridation comparative sur des échantillons d’adénocarcinomes chez 32 non-fumeurs, mais sans cohorte contrôle de fumeurs, a identifié une augmentation de la partie chromosomique 16p (59 %) comme la modification la plus fréquente (66). Les auteurs avaient analysé en parallèle des échantillons de tumeurs pulmonaires chez 10 patients fumeurs et l’augmentation de 16p était retrouvée dans un seul échantillon. Certains de ces chromosomes contiennent des gènes ayant un rôle significatif dans la pathologie du CBNPC, comme 6q (la région 6q23–25 a été identifiée comme une région de susceptibilité de locus importante pour le cancer pulmonaire dans une étude de liaison familiale), 9p (contient CDKN2A), 12p (KRAS) et 17p (P53). Bien que les aberrations chromosomiques dans les adénocarcinomes chez les non-fumeurs soient différentes de celles des fumeurs porteurs d’un adénocarcinome, la signification du point de vue de l’oncogenèse de ces résultats ou de l’adaptation thérapeutique est encore peu évidente. Des études plus systématiques incorporant un plus grand nombre d’échantillons sont nécessaires.
P53 Quarante à 60 % des CBNPC sont associés à une mutation du gène suppresseur de tumeur P53 (68). Les données disponibles indiquent que ces mutations sont plus fréquentes dans les CBNPC associés au tabagisme (26-71 %) que dans les CBNPC chez les non-fumeurs (8-47 %) (69). Il semble exister une relation significative entre les mutations de P53 et la quantité de tabac fumée (70). Dans un échantillon de 30 tumeurs réséquées, la probabilité d’avoir une mutation de P53 chez les patients qui avaient fumé 20 cigarettes par jour depuis plus de 30 ans était 5,3 fois plus importante, par rapport aux non-fumeurs. Le type de mutations de P53 apparaît par ailleurs différent dans les deux populations (fig. 4). Le cancer du poumon associé au tabagisme est caractérisé par une fréquence importante des mutations de type transversion (c’est-à-dire, la substitution d’une base purine [G ou A] par une base pyrimidine [C ou T]) au niveau du gène de P53, alors que chez les non-fumeurs il est retrouvé une forte proportion de mutations de type transition (c’est-à-dire, une base purine
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Anciens fumeurs n = 26
Fumeurs n = 329
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Gros fumeurs n = 20
Fig. 4 – Différents profils mutationnels de P53 en fonction du statut tabagique (73).
remplacée par une purine ou pyrimidine par une pyrimidine) (71). L’analyse de 440 patients ayant un cancer du poumon lié au tabagisme et de 156 patients non tabagiques a confirmé ces résultats (72). Trente pour cent des patients fumeurs avaient une transversion GAT, alors qu’elle n’était que de 15 % chez ceux qui n’avaient jamais fumé. Dans les mêmes groupes, 29 % des fumeurs avaient des transitions GAA, contre 44 % des non-fumeurs. La probabilité de mutation de P53 apparaît augmentée avec l’augmentation de l’exposition au tabagisme. Les transversions G : C vers T : A et les transitions A : T vers G : C augmentent avec le tabagisme et sont présentes à des niveaux bas de tabagisme, tandis que des transitions G : C vers A : T diminuent avec l’exposition au tabagisme (69).
Mutations de l’EGFR Les mutations de l’EGFR peuvent être impliquées dans la transformation oncogénique et sont un facteur prédictif de réponse aux inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR (74). Les mutations d’activation les plus fréquentes dans le domaine kinase de l’EGFR sont soit une délétion au niveau de l’exon 19, qui éliminent un motif leucine-arginine-glutamate-alanine (LREA), soit une mutation ponctuelle à la position 858 au niveau de l’exon 21, aboutissant à la substitution d’arginine pour une leucine (L858R). Les tumeurs possédant une mutation d’activation de l’EGFR sont fortement dépendantes de la voie EGFR pour la prolifération et la survie cellulaire. Elles apparaissent être beaucoup plus fréquentes chez les patients non-fumeurs que chez les fumeurs. Dans une revue sur études publiées, 45 % des patients non-fumeurs avaient une mutation de l’EGFR, par rapport à 7 % des fumeurs (75). La haute incidence des mutations de l’EGFR chez les non-fumeurs porteurs d’un CBNPC a été retrouvée chez des patients d’ethnies et de localisations géographiques différentes. En plus, la
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fréquence des mutations de l’EGFR apparaît être inversement proportionnelle à l’exposition au tabagisme. Chez les patients avec un CBNPC associé au tabagisme, la proportion de porteurs de mutations de l’EGFR était de 55 % pour ceux qui avaient une exposition de moins de 20 Pa, de 27 % pour ceux qui avaient une exposition de 20 à 50 Pa et de 22 % si l’exposition était de plus de 50 Pa (p < 0,001) (76). Des résultats semblables étaient rapportés dans une autre étude (77). La différence était significative lors de la comparaison des patients qui avaient une mutation et une exposition au tabagisme de plus de 15 Pa (9 %), avec les patients non-fumeurs (51 % ; p < 0,005). Par ailleurs, il n’était pas retrouvé de patients avec une mutation de l’EGFR lorsque le tabagisme était supérieur à 75 Pa. Le carcinogène ou mécanisme qui provoque ces mutations est actuellement inconnu. Récemment, il a été retrouvé des mutations au niveau de ERBB2, un autre membre de la famille l’EGFR, plus fréquemment chez les patients porteurs d’un adénocarcinome qui n’avaient jamais fumé (78). Chez 671 cancers pulmonaires, 11 avaient une mutation au niveau de ERBB2 (1,6 %). Seuls les adénocarcinomes présentaient ces mutations et il y avait une plus haute incidence chez les petits fumeurs ou chez les patients qui n’avaient jamais fumé (8 patients parmi 248, soit 3,2 %, p = 0,02). Les mutations de ERBB2 n’étaient pas retrouvées dans les tumeurs qui présentaient des mutations de l’EGFR ou de KRAS. Cette population de non-fumeurs présente ainsi une forte probabilité de réponse à un traitement par un inhibiteur de tyrosine kinase de l’EGFR. Cette efficacité est en grande partie attribuable à la fréquence élevée de l’activation de la voie EGFR via les mutations de l’EGFR chez les sujets non-fumeurs. Suites à l’ensemble de ces résultats, l’algorithme de traitement standard pour les sujets non-fumeurs porteurs d’un cancer pulmonaire est en cours de modification.
Mutations de KRAS Des mutations oncogéniques de KRAS sont trouvées approximativement dans 20 % des adénocarcinomes de poumon et sont rares dans les autres sous-types histologiques. Malgré de nombreuses études, l’implication de KRAS comme facteur de mauvais pronostic ou prédictif d’une mauvais réponse à la chimiothérapie n’est pas clair et nécessite des études complémentaires (79). À la différence des mutations de l’EGFR, la présence de mutations de KRAS est rare chez les patients non-fumeurs et apparaissent plus fréquentes chez les fumeurs (fig. 5) (69, 80). Les résultats sont parfois non significatifs mais avec une tendance vers un taux plus faible de mutations chez les sujets non-fumeurs. Les études sont souvent de petite taille, ce qui peut probablement expliquer en partie l’absence de différences significative pour certaines. Dans une étude qui évaluait la présence de mutations de KRAS sur une série de 482 adénocarcinomes dans une population caucasienne, il n’était pas retrouvé d’association significative entre les mutations de KRAS et le statut fumeur (81). En revanche, les profils de mutations étaient différents avec des transversions de KRAS qui
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Fig. 5 – Prévalence des mutations P53, KRAS et EGFR en fonction du statut tabagique (83).
étaient fortement associées au statut tabagique. Une association entre les mutations de KRAS et le statut tabagique a été retrouvée dans une étude de séquençages de gènes à grande échelle d’adénocarcinomes (82). Les mutations de l’EGFR et de KRAS apparaissent être mutuellement exclusives l’une de l’autre (83). L’exclusivité réciproque des mutations de KRAS et de l’EGFR et leur corrélation en fonction du statut tabagique semblent indiquer des voies d’oncogenèse différentes selon le tabagisme.
Méthylation Une méthylation des îlots de CpG au niveau de séquences d’un promoteur provoque une inactivation transcriptionnelle du gène. Aussi, une méthylation de plusieurs gènes suppresseurs de tumeurs incluant CDKN2A, DAPK1, RASSF1A, RAR `, APC, CDH13, MGMT, hMLH1, MSH2 et GSTP1 conduisant à un silençage épigénétique a été rapportée dans le cancer du poumon (84). Il est rapporté un niveau de méthylation de CDKN2A moins fréquent dans le cancer du poumon chez les non-fumeurs que chez les fumeurs (85). Chez 514 CBNPC, dont 112 étaient des adénocarcinomes chez des non-fumeurs, les taux de méthylation de CDKN2A et de APC étaient plus faibles chez les nonfumeurs que chez les fumeurs (86). Il n’y avait aucune différence de méthylation de RASSF1A, RAR `, CDH13, MGMT et GSTP1 entre les deux groupes. Dans une étude de 383 CBNPC, les auteurs rapportent un taux de méthylation plus faible de CDKN2A (p < 0,0001) et de RASSF1A (p < 0,05) chez les sujets
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non-fumeurs (87). L’index de méthylation (le nombre total de gènes méthylés rapportés au nombre total de gènes examinés) était aussi plus bas (p < 0,0001) chez les non-fumeurs. Un taux plus faible de méthylation de CDKN2A chez les sujets non-fumeurs a été retrouvé dans une étude qui comparait 157 adénocarcinomes de patients fumeurs et 46 non-fumeurs mais la différence n’était pas significative (52 % contre 39 % ; p = 0,09) (85). La méthylation du promoteur de MGMT était plus importante dans les adénocarcinomes de non-fumeurs (n = 46) que pour les fumeurs (n = 157) (66 % contre 47 % ; p = 0,02) (88). Dans une autre étude de 81 tumeurs associées au tabagisme et 41 tumeurs de non-fumeurs, la méthylation de MGMT apparaissait significativement plus importante chez les anciens fumeurs (39,5 % contre 12,2 % ; p = 0,002) (89). Dans l’étude de Toyooka et al., il n’était pas retrouvé de différence du niveau de méthylation de MGMT entre ces deux groupes (86). La perte d’expression des protéines du mismatch repair hMLH1 et hMSH2 apparaît plus fréquente dans les CBNPC du non-fumeur que du fumeur (90). Dans cette étude de 77 cas de cancers du poumon opérés, la perte d’expression de la protéine était plus fréquente chez les non-fumeurs que chez les fumeurs pour hMLH1 (70 % contre 46 %) et MSH2 (40 % contre 10 %). La méthylation du promoteur était le mécanisme le plus fréquent pour la perte d’expression de protéine au niveau des deux gènes. Des études complémentaires et de plus grandes tailles restent nécessaires pour affiner l’ensemble de ces résultats.
Mutation de STK11 (LKB1) STK11 (LBK1) code pour une serine-thréonine kinase impliquée dans la prolifération et la survie cellulaire. Il a été montré qu’il pouvait y avoir une mutation dans environ 11 % des CBNPC (91). Les mutations de STK11 apparaissent plus fréquentes dans les cancers du poumon des sujets fumeurs que des nonfumeurs (p = 0,007). Les mutations de STK11 sont plus généralement trouvées dans les tumeurs mutées KRAS (p = 0,042) et sont très rares dans les tumeurs mutées EGFR (p = 0,002). La cause biologique pour ces associations n’est pas encore définie.
Protéine de fusion EML4-ALK Le gène ALK situé sur le chromosome 2 en p23, code pour un récepteur transmembranaire à activité tyrosine kinase, appartenant à la superfamille du récepteur à l’insuline. ALK est constitué d’un large domaine extracellulaire, d’un domaine transmembranaire hydrophobe et d’un domaine intracellulaire portant le domaine à activité tyrosine kinase. Le récepteur ALK est quasi exclusivement exprimé au niveau du système nerveux central et principalement au stade
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embryonnaire. Deux ligands de ALK sont identifiés : la pléiotrophine (PTN) et la midkine (MK), qui sont toutes deux des cytokines sécrétées par les cellules neuronales et gliales, principalement au cours de l’embryogenèse. Il présente une activité pro-apoptotique en l’absence de ligand et une activité anti-apoptotique en présence de son ligand (92). Enfin, aucun phénotype particulier n’a été observé chez les souris déficientes en ALK. L’expression dérégulée de la protéine ALK a récemment été observée dans des tumeurs non lymphoïdes dérivant de différents tissus notamment de tumeurs solides : le cancer du sein et le CBNPC (93, 94). EML4 (echinoderm microtubule protein-like 4) possède une séquence de dimérisation permettant la phosphorylation et l’activation de ALK. Des fibroblastes NIH3T3 exprimant la protéine EML4-ALK provoquent l’apparition de tumeurs chez des souris nudes xénogreffées. Cette protéine chimérique a également été mise en évidence par une approche de phosphoprotéomique sur des lignées cellulaires et des tumeurs de CBNPC (95). Il a été récemment mis en évidence, deux nouvelles isoformes de la protéine EML4-ALK ayant des propriétés transformantes in vitro et in vivo (96). Un modèle de souris transgéniques exprimant la protéine de fusion au niveau des cellules épithéliales alvéolaires a été mise en place, démontrant le développement d’adénocarcinomes pulmonaires et une réponse thérapeutique aux inhibiteurs de ALK (97). La présence d’une translocation ALK est retrouvée dans approximativement 6 % des CBNPC (fig. 6) (94). Ceux-ci apparaissent différents de ceux présentant une mutation du gène codant l’EGFR mais sont généralement retrouvés chez des sujets non-fumeurs. EML4-ALK, EGFR et les mutations KRAS apparaissent être mutuellement exclusif, suggérant qu’EML4-ALK peut être un facteur oncogénique important et une cible thérapeutique potentielle dans les tumeurs non mutées pour EGFR et KRAS des sujets non-fumeurs. Des études chez l’homme avec des inhibiteurs ALK chez les patients porteurs d’une translocation EML4-ALK sont en cours (98).
Fig. 6 – Translocation du gène EML4 au gène ALK donnant naissance à une protéine de fusion EML4-ALK (94).
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Oncologie thoracique
Traitements systémiques du CBNPC chez les non-fumeurs Réponse à la chimiothérapie Pendant longtemps, les CBNPC chez les sujets non-fumeurs n’étaient pas été identifiés dans les différentes études cliniques comme un sous-groupe différent de patients. Dans aucun des grands essais de référence ayant étudié et validé la chimiothérapie en première ligne ou en deuxième ligne des CBNPC à un stade avancé, il n’était étudié le statut tabagique. Même dans l’étude récente nord-américaine de Sandler et al., qui a validé le bénéfice de l’adjonction du bevacizumab à la chimiothérapie, il n’était pas rapporté les données sur le tabagisme des patients (99). Ainsi, il y a peu de données sur la réponse ou la survie chez les sujets non-fumeurs traités avec des thérapies systémiques conventionnelles. Des études rétrospectives rapportent les résultats de sujets non-fumeurs traités par chimiothérapie. Dans l’étude de Tsao et al., il est rapporté, en fonction du tabagisme, le taux de réponse, la survie sans progression et la survie globale de 873 patients porteurs d’un CBNPC de stade IIB-IV traités en première ligne (100). Les sujets non-fumeurs (n = 137) avaient un taux de réponse plus élevés que les anciens fumeurs ou les fumeurs actifs (19 % contre 8 % contre 12 %, respectivement ; p = 0,004) et une meilleur survie globale (p < 0,0001). Le statut non-fumeur était un facteur prédictif indépendant en analyse multivariée après ajustement avec l’âge, le sexe, le stade et le performance status avec un risque relatif de 1,47 pour les anciens fumeurs (p = 0,003) et de 1,55 pour les fumeurs actuels (p = 0,0004). Ces données contrastent avec celles trouvées par Toh et al., qui a étudié 317 CBNPC de stade IIIB/IV traités par chimiothérapie en première ligne (101). Il y avait 36,3 % de patients non-fumeurs. Il n’était pas retrouvé dans cette étude de différence significative entre les sujets non-fumeurs et les fumeurs concernant le taux de réponse (chez les non-fumeurs de 39,5 % et 29,1 % si chimiothérapie avec ou sans sels de platine respectivement et chez les fumeurs de 34,5 % et 23,4 % si chimiothérapie avec ou sans sels de platine respectivement ; p = 0,25), la durée de réponse (7,0 mois versus 12,3 mois chez les sujets non-fumeurs et les fumeurs respectivement, p = 0,145), ou la survie après ajustement avec les facteurs pronostiques connus (risque relatif de 0,98 ; p = 0,92). L’étude de phase III randomisée TRIBUTE, qui comparait un bras chimiothérapie à un bras chimiothérapie et erlotinib, ne montre également aucune différence de taux de réponse à la chimiothérapie entre les sujets non-fumeurs et les fumeurs (102). Ces résultats, sur des données rétrospectives, restent contradictoires et il est peu clair si les sujets non-fumeurs répondent différemment à la chimiothérapie comme cela est observé par exemple avec les inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR.
Cancer broncho-pulmonaire chez le non-fumeur
185
Réponse à un traitement par inhibiteur de l’EGFR Plusieurs études prospectives valident le bénéfice d’un traitement par monothérapie par inhibiteur de l’EGFR (gefitinib ou erlotinib) chez les sujets nonfumeurs. Parmi celles-ci, deux étaient des études de phase II prospectives randomisées avec une analyse rétrospectivement selon le statut tabagique [IDÉAL 1 [gefitinib] et IDÉAL 2 [gefitinib]) et deux étaient des études randomisés de phase III contre placebo en deuxième ligne thérapeutique avec des analyses de sous-groupe pré-planifiées (ISEL [gefitinib contre placebo] et BR.21 [erlotinib contre placebo]) (22, 23, 103, 104). Dans l’étude ISEL, les sujets nonfumeurs avaient un taux de réponse de 18,1 % contre 5,3 % pour les sujets fumeurs (22). Le risque relatif pour la survie pour les sujets non-fumeurs était de 0,67 (p = 0,012). Dans l’étude BR.21, le taux de réponse pour les sujets nonfumeurs était de 24,7 % contre 3,9 % pour les sujets fumeurs et le risque relatif pour la survie était de 0,4 (p = 0,02) (23). Ces études montrent que pour des patients non-fumeurs, porteurs d’un CBNPC à un stade avancé, précédemment traités avec de la chimiothérapie, le traitement par monothérapie d’un inhibiteur de l’EGFR conduit à un avantage plus important, en termes de taux de réponse et de survie prolongée que chez des sujets fumeurs. Le bénéfice du traitement est par ailleurs soutenu par l’absence de différence statistique de survie entre les sujets non-fumeurs et fumeurs dans les bras placebo des études. Pris ensemble, ces différentes études montrent objectivement que les sujets non-fumeurs profitent mieux d’un traitement avec un TKI de l’EGFR comparativement aux sujets fumeurs et que ce bénéfice est en grande partie attribuable à la fréquence des mutations activatrices de l’EGFR présente chez les sujets non-fumeurs. Par ailleurs, bien que l’association d’un TKI de l’EGFR à la chimiothérapie ne confère pas d’avantage sur la survie dans des populations non sélectionnées dans quatre études majeures (INTACT-2, INTACT-1, TRIBUTE, TALENT), une analyse rétrospective des sujets non-fumeurs dans une des études (TRIBUTE) a montré que les sujets non-fumeurs traités avec la combinaison erlotinib et chimiothérapie avaient une survie prolongée comparativement à ceux traités par chimiothérapie seul (22,5 contre 10,1 mois ; p = 0,01) (102, 105-107). Dans une étude récente chez 604 patients asiatiques, ayant comparé 3 cycles de chimiothérapie suivi d’un traitement d’entretient (ou de consolidation) par gefitinib à 6 cycles de chimiothérapie ; les sujets non-fumeurs (n = 185) présentent une meilleure survie dans les deux bras de traitement, de 21,7 et 23,5 mois versus 13,7 et 12,9 mois respectivement pour l’ensemble des sujets (108). Il est à noter qu’une majorité de patients, dans le bras chimiothérapie seule, avaient reçu par la suite un TKI de l’EGFR (54,4 %). Les TKI de l’EGFR peuvent aussi avoir un bénéfice en première ligne thérapeutique. Dans une étude prospective, le gefitinib en première ligne chez 36 sujets non-fumeurs entraine un taux de réponse de 69 %, avec un temps jusqu’à progression de 8 mois (109). Plus récemment, l’étude IPASS et FIRST-SIGNAL confirment le bénéfice sur la survie sans progression d’un traitement par TKI
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Oncologie thoracique
de l’EGFR chez des patients porteurs d’un adénocarcinome pulmonaire et nonfumeurs en première ligne thérapeutique. L’étude IPASS (n = 1 217 patients) dont l’objectif principal était la survie sans progression est une étude positive (13). Cette étude montre la supériorité sur la survie sans progression d’un traitement de première ligne par gefitinib comparativement à une chimiothérapie standard par carboplatine-paclitaxel (5,7 mois vs 5,8 mois, risque relatif de 0,74 ; intervalle de confiance à 95 % de 0,65-0,85, p < 0,0001). La recherche d’une mutation du gène de l’EGFR a pu être faite chez 437 patients (35,9 %). Il était retrouvé une mutation de l’EGFR dans 261 tumeurs (59,7 %) dont 140 (53,6 %) avaient une délétion dans l’exon 19, 111 (42,5 %) une mutation dans l’exon 21 (858R), 11 une mutation (4,2 %) dans l’exon 20 (T790M) et 10 (3,8 %) une autre mutation. La survie sans progression était fortement améliorée chez les patients qui recevaient le gefitinib et qui étaient EGFR-mutés (risque relatif de 0,48, intervalle de confiance à 95 % : 0,36-0,64, p < 0,001) alors qu’elle était moins bonne si les patients n’avaient pas de mutation (HR 2,85, intervalle de confiance à 95 % : 2,05-3,98, p < 0,001). L’étude First-Signal qui comparait un traitement de première ligne par gefitinib à une chimiothérapie type cisplatine-gemcitabine chez des patients non-fumeurs, porteurs d’un adénocarcinome pulmonaire, montre des résultats superposables (110). Cette étude est cependant négative car son objectif principale était la survie globale (risque relatif de 1,003 ; intervalle de confiance à 95 % de 0,749-1,343, p = 0,428) et non la survie sans progression (risque relatif de 0,813 ; intervalle de confiance à 95 % de 0,641-1,031, p = 0,044). Le statut mutationnel de l’EGFR apparaissait aussi fortement lié au bénéfice du gefitinib. Par ailleurs, ce bénéfice n’est pas retrouvé avec une autre classe thérapeutique ciblant l’EGFR que sont les anticorps monoclonaux anti-EGFR comme le cetuximab. L’étude randomisée de phase III comparant une association de type carboplatine-paclitaxel à la même association avec le cetuximab est négative sur la survie (111). L’analyse en sousgroupe selon le statut tabagique ou le statut mutationnel de l’EGFR ne montre pas de différence sur la survie (111, 112). L’ensemble de ces résultats (tableau II) montre de façon claire que la population des sujets non-fumeurs bénéficie d’un traitement par TKI de l’EGFR en première ligne thérapeutique ou au-delà et que ce bénéfice passe en grande partie par la fréquence des mutations de l’EGFR dans cette population de patients.
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Tableau II – Réponse aux inhibiteurs de l’EGFR selon le statut tabagisme. Étude
Population
Statut tabagique
Taux réponse
Miller et al. (113)
Rétrospective, 139 patients, BAC
Fumeurs (n = 103) NF (n = 36)
8% 36 %
Han et al. (114)
Rétrospective, 90 patients asiatiques
Fumeurs (n = 47)
7,3 %
Temps à progression
Survie
HR
21,9 % NF (n = 43) Kim et al. (115)
Rétrospective, 80 patients asiatiques
Fumeurs (n = 66)
15,9 %
243 jours
58,8 %
382 jours
NF (n = 17) Konishi et al. (116)
Rétrospective, 122 patients asiatiques
Fumeurs (n = 74)
13,5 %
1
41,7 %
0,39
NF (n = 48) Lee et al. (109)
Prostective, 1re ligne, 36 patients asiatiques
NF (n = 36)
69 %
Lim et al. (117)
Rétrospective, 110 patients asiatiques
Fumeurs (n = 44)
9%
33 semaines
7,6 mois
1
47 %
0,61
36 %
1
68 %
0,511
NF (n = 66) Mitsudomi et al. (118)
Rétrospective, 59 patients asiatiques
Fumeurs (n = 31) NF (n = 28)
Thatcher et al. (22)
Rétrospective, 1 694 Fumeurs, patients asiatiques bras gefitnib et caucasiens (n = 879)
5,3 %
Identique placebo
18,1 %
5,6 mois
NF, bras gefitinib (n = 250)
Identique placebo
0,92 0,67
8,9mois Identique gefitinib
Fumeurs, bras placebo (n = 437)
1 Identique gefitinib
2,8 mois
1 6,1mois
NF, bras placebo (n = 125) Shih et al. (119)
Rétrospective, 62 patients asiatiques
Fumeurs (n = 21) NF (n = 41)
10 %
2,4
51 %
1
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Oncologie thoracique
Étude Herbst et al. (102)
Population Prospective, 1 059 patients caucasiens
Statut tabagique
Taux réponse
Temps à progression
Fumeurs, bras erlotinib (n = 467) 6,0 mois NF, bras erlotinib (n = 72) 4,3 mois
NF, bras placebo (n = 44) Prospective, 1 217 patients asiatiques
NF ou anciens fumeurs (* 15 ans, et < 10 PA) : bras gefitinib (n = 609)
Fumeurs actuels 8,4 mois, anciens fumeurs 10,0mois
HR
0,49
22,5 mois
Fumeurs, bras placebo (n = 495)
Mok et al. (13)
Survie
Fumeurs actuels 9,1 mois, anciens fumeurs 10,9mois
1
10,1 mois
43 %
5,7 mois
18,6 mois
0,91
32,2 %
5,8 mois
17,3
1
53,5 %
6,1 mois
21,3
1,003
45,3 %
6,6 mois
23,3
1
bras chimiothérapie (n = 608) Lee et al. (110)
Prospective, 309 patients asiatiques
NF, bras gefitinib (n = 159) NF, bras chimiothérapie (n = 150)
NF: non-fumeurs.
Conclusion Il apparaît que le statut tabagique serait un facteur pronostique sur la survie et prédictif du bénéfice d’un traitement par TKI de l’EGFR. Son rôle vis-àvis de la chimiothérapie n’est pas clair et les raisons d’un meilleur pronostic des patients non-fumeurs n’apparaissent pas uniquement liées à la pathologie tumorale. Plusieurs études épidémiologiques identifient le cancer pulmonaire du non-fumeur comme une entité distincte du cancer du poumon du fumeur. Les différences étiologiques entre ces deux entités commencent à être mieux définies en termes de facteurs de risque génétiques et des voies de carcinoge-
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nèse moléculaire mais ne sont étudiées que récemment et nécessitent des études complémentaires. Des différences sont retrouvées au niveau de l’expression de gènes, d’altérations chromosomiques et d’anomalies des gènes. Les principales mutations de gènes clefs sont au niveau de TP53, KRAS, EGFR, STK11 et EML4ALK. La présence d’une mutation du gène de l’EGFR apparaît être à ce jour la modification génétique la plus importante du CBNPC du non-fumeur et est associée à un bénéfice thérapeutique d’un traitement par les TKI de l’EGFR. L’étiologie de ces mutations n’est à ce jour pas connue. Le bénéfice différentiel des thérapies ciblées selon des différences cliniques, histologiques et biologiques, souligne le besoin d’une interaction forte entre les anatomopathologistes, les scientifiques et les cliniciens afin de promouvoir les meilleurs traitements aux patients porteurs d’un CBNPC. Le statut tabagique en est une démonstration et l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques ainsi que le développement d’études cliniques dans cette population sont des enjeux majeurs pour définir une prise en charge spécifique du CBNPC du non fumeur.
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Surveillance V. Westeel et B. Schipman
Points essentiels • Il n’existe pas à ce jour de preuve de haut niveau ni sur l’intérêt, ni sur les modalités d’une surveillance après traitement radical d’un carcinome broncho-pulmonaire primitif. • Les études existantes plaident plutôt pour une surveillance de l’aire thoracique, par radiographies ou scanner. • La plupart des recommandations actuelles, bien que consistant plus en des accords d’experts qu’en de réelles recommandations, proposent un suivi clinique et par imagerie thoracique (radiographies ou scanner). • Une surveillance par examen clinique et imagerie thoracique (radiographies ou scanner thoracique) pourrait être proposée, semestrielle pendant les deux premières années postopératoires, puis annuelle jusqu’à cinq ans. Au-delà, en raison du risque de second cancer, une surveillance minimale clinico-radiographique peut être maintenue. • Le TEP-scan n’a pas de place dans la surveillance après chirurgie d’un CBNPC. Il peut aider à différencier les récidives des phénomènes postradiques après irradiation thoracique.
Introduction Ce chapitre sera consacré à la surveillance après traitement potentiellement curatif d’un carcinome bronchique non à petites cellules (CBNPC), c’est-à-dire comportant une chirurgie ou une radiothérapie thoracique. Même si les traitements basés sur la chirurgie sont ceux qui offrent les meilleures chances de survie, les taux de survie à 5 ans après chirurgie d’un CBNPC varient entre 73 % pour une CBNPC de stade pIA à 24 % pour un CBNPC de stade pIIIA (voir chapitre Nouvelle classification TNM), car les J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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récidives sont fréquentes. Même pour des CBNPC de stade I, alors que le volume tumoral est faible, le risque de récidive est d’environ 20 % (1, 2). Pour les CBNPC relevant d’un traitement associant chirurgie et chimiothérapie, il est de l’ordre de 46 % et seuls 14 % des patients décèdent d’une cause autre que le cancer broncho-pulmonaire (3). Chez les patients inopérables atteints d’un CBNPC de stade I ou II, la radiothérapie est une alternative avec des taux de survie à 5 ans de 10 à 30 % (4, 5). L’avènement de la radiothérapie stéréotaxique, qui permet de délivrer de plus fortes doses à des volumes mieux ciblés, a permis d’améliorer ces résultats. Le contrôle local après radiothérapie conventionnelle est obtenu dans 30 à 50 % des cas à 5 ans (4, 5), et après radiothérapie stéréotaxique dans plus de 80 % des cas à 2 ans (6). Quelle que soit la thérapeutique réalisée, l’objectif d’une surveillance sera de détecter une éventuelle récidive le plus précocement possible, en partant du principe que la détection surviendra alors que le volume et l’extension tumoraux seront limités et les chances de succès thérapeutique optimisées. Il n’existe aucun résultat d’étude randomisée qui puisse nous guider dans le choix de la surveillance après un traitement potentiellement curatif d’un CBNPC. La plupart des publications sont basées sur l’analyse de séries hospitalières, le plus souvent rétrospectives.
Surveillance après chirurgie d’un CBNPC La première question qui se pose est : « Faut-il surveiller les patients après un traitement par chirurgie, complète, associé ou non à des traitements périopératoires ? » L’alternative est de conseiller au patient de consulter en cas de nouveaux symptômes, qui feraient alors déclencher un nouveau bilan. Une étude rétrospective brésilienne a tenté de répondre à cette question en comparant ces deux types d’attitude : une consultation basée sur les symptômes et une surveillance programmée (7). La surveillance programmée comportait un examen clinique, des radiographies thoraciques, un scanner thoracique et un bilan biologique hépatique réguliers. Chaque groupe comportait une soixantaine de patients et les résultats de ce travail ne montraient pas de gain de survie chez les patients surveillés. Toutefois, bien que les caractéristiques des patients ne différaient pas entre les deux groupes, le caractère non randomisé et rétrospectif de ce travail ne permet pas d’éliminer un biais de sélection qui aurait conduit les médecins à plus surveiller les patients considérés à plus haut risque de récidive. D’autre part, vu les larges effectifs requis pour répondre à une question dans le cadre d’un essai randomisé, il était illusoire d’espérer mettre en évidence une différence avec un si faible effectif. Bien que cette question ne puisse être tranchée, faute d’une littérature adéquate, les recommandations s’accordent en faveur de la surveillance (www.
Surveillance
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nccn.org) (8-10). Celles-ci sont fondées sur le fait que la survie des patients dont la récidive est asymptomatique, donc obligatoirement détectée par une procédure de surveillance est, dans plusieurs études, meilleure que celle des patients dont la récidive est symptomatique (11, 12). Qu’il s’agisse d’une survie calculée depuis la chirurgie initiale, ou depuis la date de la récidive, aucune des analyses publiées n’est exempte de biais. La problématique de la surveillance se heurte au même type de bais que celle du dépistage. Par exemple, si l’on calcule la survie depuis la récidive, un allongement de la survie chez les patients asymptomatiques peut aussi bien résulter du diagnostic plus précoce que d’un réel allongement de la survie, constituant un biais d’avance au diagnostic. La plupart des recommandations recommandent un suivi clinique et par une imagerie thoracique qui, selon les sociétés, est radiographique ou scanographique. Le ciblage du thorax vient du fait que, même si les récidives sont le plus souvent rapportées comme métastatiques, le site le plus fréquent de récidive est le thorax, y compris chez les patients qui ont reçu une chimiothérapie adjuvante, suivi par le cerveau. Dans l’étude ANITA, après chirurgie et chimiothérapie adjuvante pour un CBNPC de stade IB à IIIA (6e classification TNM), le taux de récidive thoracique était de 22 % et le taux de récidive cérébrale de 13 % (3). Le risque de récidive cérébrale est vraisemblablement surestimé par l’absence de bilan cérébral préopératoire dans la plupart des études. L’autre raison pour surveiller le thorax, voire le cerveau, réside dans le fait que, par rapport aux récidives hépatiques ou osseuses, les chances de pouvoir à nouveau proposer un traitement avec une intention curative sont meilleures lorsque la récidive est intrathoracique ou même cérébrale. Dans une étude prospective française, 192 patients opérés pour un CBNPC de stade I à IIIA ont été surveillés par un examen clinique et des radiographies thoraciques tous les 3 mois pendant 3 ans puis tous les 6 mois, et par scanner thoraco-abdominal et fibroscopie bronchique tous les 6 mois pendant 3 ans puis annuellement (12). Cent trente-six patients ont récidivé, parmi lesquels 35 étaient asymptomatiques. Les patients dont la récidive était asymptomatique avaient deux fois plus de chances de survie à partir de la récidive que ceux dont la récidive était symptomatique. Parmi les récidives asymptomatiques, 15 (7,8 % de la population de départ) ont pu faire l’objet d’un traitement avec une intention curative. Celles-ci avaient été détectées à parts égales par examen clinique et radiographies thoraciques (5 patients), scanner thoracique (5 patients) et fibroscopie bronchique (5 patients, uniquement atteints de carcinomes épidermoïdes). Ces données, bien qu’obtenues sur une petite population, vont dans le sens de l’intérêt du scanner thoracique dans la surveillance des opérés d’un CBNPC. Il est possible que la fibroscopie soit intéressante dans les tumeurs plus proximales que sont les carcinomes épidermoïdes. Une analyse canadienne va plutôt à l’encontre du scanner thoracique dans la surveillance des patients qui ont reçu un traitement potentiellement curatif pour un CBNPC (13). Il s’agit d’une étude qui a comparé 40 patients surveillés dans le cadre d’essais cliniques à 35 patients avec une surveillance clinico-radiographique de routine après traitement
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multimodal d’un CBNPC de stade IIB à IIIB. Alors que le scanner thoracique était significativement plus fréquemment réalisé, et qu’un traitement curatif était plus souvent proposé, la survie n’était pas meilleure chez les patients inclus dans les essais cliniques. La situation rétrospective, non randomisée, de cette population de petit effectif peut expliquer ces résultats de survie, mais également l’inclusion de 29 % de patients traités par chimio-radiothérapie chez qui les récidives locorégionales thoraciques sont plus rares et moins souvent accessibles à un traitement curatif. Les données de la littérature ne permettent pas d’affirmer s’il faut ou non intégrer le scanner thoracique dans la surveillance après traitement curatif d’un CBNPC ; toutefois, il est possible que cela soit intéressant avec un rapport coût-efficacité mesuré à 47 676 US dollars (14). Une étude japonaise prospective sur 128 patients opérés pour un CBNPC de stades I à IIIB a évalué l’impact d’une surveillance par scanner cérébral réalisé tous les 2 à 6 mois pendant 6 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de la deuxième année (15). Cette surveillance a permis de détecter 11 récidives parmi lesquelles 7 récidives asymptomatiques isolées, et de conduire à un traitement curatif chez 3 patients, soit 2,3 % de la population de l’étude. Chez les quatre autres patients asymptomatiques, le nombre de métastases cérébrales était de deux ou trois. Le diamètre des lésions n’excédait pas 25 mm pour les 11 récidives à l’exception d’une seule. Il est donc vraisemblable qu’avec les techniques actuelles de radiothérapie stéréotaxique, une thérapeutique potentiellement curative aurait été offerte à une proportion un peu plus importante de patients. Le PET-scan, de par sa meilleure sensibilité que le scanner thoracique, mérite d’être discuté. Dans une série rétrospective de 241 patients opérés d’un CBNPC de stade I ou II, sa sensibilité était de 97 %, sa spécificité de 96 %, sa valeur prédictive positive de 81 % et sa valeur prédictive négative de 99 % (6). Les performances du scanner thoracique ne sont pas présentées dans ce travail. La proportion de récidives détectées par le PET-scan alors que le scanner thoracique était encore négatif n’est pas rapportée. Le PETscan ne serait intéressant dans la surveillance que s’il permettait de récupérer une proportion significative de récidives non détectées au scanner thoracique et dont l’évolution serait telle que le retard de diagnostic scanographique serait responsable de l’échec d’un traitement potentiellement curatif. Un des avantages du PET-scan est la détection possible d’autres pathologies intercurrentes. Un des inconvénients est la fréquence des faux-positifs, liés aux remaniements postopératoires. L’impact économique et l’allongement des temps d’accès pour les patients sélectionnés pour un traitement curatif de cancer sont en défaveur de l’intégration du PET-scan dans le suivi des patients opérés d’un CBNPC.
Surveillance
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Surveillance après radiothérapie La problématique est différente après un traitement par radiothérapie thoracique. Le suivi par scanner thoracique est évident, permettant dans un premier temps de déterminer la réponse au traitement. L’analyse des images est souvent délicate, les modifications liées à la thérapeutique étant plus importantes qu’après chirurgie. Même si les phénomènes inflammatoires post-radiques peuvent être hypermétaboliques jusqu’à 15 mois après la fin de la radiothérapie, le PET-scan peut aider le clinicien à faire la distinction entre une récidive et des remaniements post-radiques lorsque celui-ci est réalisé plus de 2 mois après l’irradiation (17, 18). Dans une étude néerlandaise sur 100 patients traités par radiothérapie thoracique, avec ou sans chimiothérapie, le suivi était assuré par un examen clinique tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois jusqu’à 5 ans après la fin du traitement, et par un PET-scan systématique 3 mois après le début de l’irradiation en respectant un délai minimal de 2 mois après la fin de la radiothérapie pour limiter les phénomènes inflammatoires post-radiques (19). Vingt-quatre patients avaient une maladie progressive à 3 mois, symptomatiques dans huit cas (détectée uniquement au scanner dans quatre cas et uniquement au PETscan dans quatre cas). Deux des huit patients asymptomatiques, soit 2 % de la population de départ, ont reçu un traitement curatif de leur récidive (deux récidives locorégionales, une récidive surrénalienne). Le PET-scan était intéressant dans la mesure où la progression tumorale n’était détectable que par le PET-scan mais ce résultat doit être interprété dans le contexte médico-économique. Le coût imputable au PET-scan, comparé à une surveillance par scanner thoracique à 3 mois, était de 69 086 euros par année de vie gagnée ajustée sur la qualité de vie (20). Basée sur le fait qu’aucune progression asymptomatique n’ait pu faire l’objet d’un traitement curatif, une stratégie moins coûteuse peut être proposée, qui consisterait à ne réaliser le PET-scan qu’aux patients asymptomatiques. Le coût était alors estimé à 42 265 euros par année de vie gagnée ajustée sur la qualité de vie, ce qui est habituellement considéré comme acceptable. Dans cette analyse médico-économique, au-delà de 3 mois les patients avaient un suivi clinico-radiographique. Le bénéfice du PET-scan systématique comparé à une stratégie de surveillance scanographique régulière avec un PETscan en cas de suspicion de progression n’est pas connu. En effet, même si la récidive risque d’être plus précoce après radiothérapie qu’après chirurgie, il est évident que ce risque reste important au-delà de 3 mois. Après chirurgie, le risque de récidive est très variable dans la littérature, rapporté de 45 à 95 % dans les deux années qui suivent la chirurgie, variant selon les caractéristiques de la population, les modalités de suivi et la définition utilisée pour distinguer les récidives des seconds cancers. La définition la plus fréquemment utilisée est celle de Martini et Melamed, qui fait d’une tumeur d’histologie identique au cancer opéré dans la plupart des cas un
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deuxième cancer lorsqu’elle survient plus 2 ans après la tumeur initiale (21). Les deuxièmes cancers, au premier rang desquels les cancers broncho-pulmonaires, sont estimés survenir avec un risque de 1 à 2 % par patient et par an pendant les 5 premières années postopératoires puis de 2 à 10 % après 5 ans, justifient de la poursuite de la surveillance.
Conclusion En tenant compte de toutes ces données, une surveillance par examen clinique et imagerie thoracique (radiographies ou scanner thoracique) pourrait être proposée, semestrielle pendant les deux premières années postopératoires, puis annuelle jusqu’à 5 ans (8-10). Au-delà, en raison du risque de second cancer, une surveillance minimale clinico-radiographique peut être maintenue. Une étude randomisée est en cours, sous l’égide de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique, qui devrait nous aider à préciser les modalités de surveillance des patients opérés d’un CBNPC. Cet essai, qui doit inclure 1 744 patients, évalue l’intérêt d’ajouter à une surveillance par examen clinique et radiographies thoraciques un scanner thoracique (et une fibroscopie bronchique au moins en cas de carcinome épidermoïde et de carcinome indifférencié).
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Surveillance
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Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules J.-L. Pujol, X. Quantin, M. Chakra, W. Jacot et A. Serre
Points essentiels • L’incidence épidémiologique, bien qu’en retrait sur les trois décennies passées, reste élevée ; les meilleures stratégies de traitements ne permettent pas plus, à ce jour, que 5-10 % de survie à long terme dans les stades étendus et 15-20 % dans les stades limités. • La chimiothérapie est le traitement de référence parce que le cancer à petites cellules est fréquemment métastatique et peut être considéré, au moment du diagnostic, comme une maladie générale déclarée ou potentielle ; elle est fondée sur le doublet sel de platine-étoposide. • Il est recommandé de proposer aux patients présentant, lors du diagnostic, un stade limité, l’association de la chimiothérapie et de la radiothérapie thoracique selon une modalité concomitante ; l’irradiation cérébrale prophylactique est indiquée chez les patients en rémission complète après chimiothérapie quelque soit le stade initial de la maladie. • Lors d’une rechute de cancer à petites cellules, l’algorithme décisionnel doit tenir compte de l’intervalle libre depuis la fin de la première ligne ; en effet, cet intervalle guide le choix entre l’introduction d’un analogue hydrosoluble de la camptothécine (topotécan) ou la réinduction du traitement qui avait permis l’induction de la réponse lors de la première ligne. • L’arsenal thérapeutique pourrait, dans un avenir proche, s’enrichir de nouvelles drogues anti-cancéreuses (nouvelles anthracyclines notamment) et d’agents non cytotoxiques ciblés sur certaines molécules d’adhésion, certains récepteurs de facteurs de croissance et/ou inhibant les processus d’angiogenèse.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction Les cancers bronchiques à petites cellules (anciens anaplasiques) (1) sont des cancers de différenciation neuroendocrine. Les malades qui en sont atteints présentent souvent une maladie métastatique déclarée lorsque le diagnostic est porté. Dans les 20 à 30 % des cas où ce cancer semble localisé au thorax, il est fréquent que la maladie métastatique existe à un stade occulte. Dès les années 1970, l’observation de la grande chimiosensibilité de ce type histologique a suscité l’intérêt de nombreux oncologues convaincus qu’il y aurait une proportionnalité de cette sensibilité et de la curabilité, mais les problèmes devaient rapidement s’avérer plus complexes.
Historicité et paradigme des stratégies thérapeutiques En effet, le cancer bronchique à petites cellules occupe, parmi l’ensemble des cancers bronchiques, une place particulière. Les trois dernières décennies ont vu un net reflux épidémiologique de cette histologie au prorata d’une augmentation substantielle et concomitante des adénocarcinomes pulmonaires primitifs (2). Cependant, le cancer bronchique à petites cellules mérite toujours l’attention des chercheurs, autant pour la complexité de sa carcinogenèse que pour la
Fig. 1 – Algorithme de décision en deuxième ligne (proposition).
Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules
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difficulté de son traitement ; il s’agit en effet de l’une des histologies de tumeurs humaines sensible aux traitements d’induction, mais malheureusement capable secondairement de développer une chimiorésistance. Les décennies 1980 et 1990 ont été marquées par des efforts substantiels afin de contourner les chimiorésistances secondaires par différentes voies : ce fut tout d’abord l’exploration de différentes modalités d’intensification du traitement dans l’espoir qu’il y ait une relative proportionnalité de l’intensité de doses et de la curabilité ; ce fut ensuite l’émergence de nouvelles molécules issues de nouvelles classes, particulièrement des analogues hydrosolubles de la camptothécine. L’une d’entre elles (le topotécan) s’imposa indiscutablement comme le traitement de référence des deuxièmes lignes de chimiothérapie. Une autre (la camptothécine) combinée au cisplatine en première ligne de traitement suscita un vif intérêt, et la substitution de l’étoposide par la camptothécine fut envisagée avant que l’on ne détecte que le bénéfice ne portait que sur certaines ethnicités. Les thérapies ciblées émergèrent au début de la décennie, mais restent aujourd’hui balbutiantes : l’inhibition de l’angiogenèse n’a pas, jusqu’à présent, réussi à s’imposer comme une fenêtre thérapeutique possible bien que différents arguments précliniques le suggéraient ; le démembrement des voies carcinogénétiques pourrait s’ouvrir sur de nouveaux traitements, comme le développement des thérapies ciblant l’insulin like growth factor réceptor 1, mais il est encore très tôt pour définir le bénéfice clinique de ces approches. Avec comme seule recommandation (i) le doublet sels de platine + étoposide comme socle de développement des traitements, (ii) associé à la radiothérapie thoracique dans les formes limitées et (iii) irradiation prophylactique encéphalique pour les malades en réponse, on accrédite l’idée que le cancer bronchique à petites cellules, sur son déclin épidémiologique, soit en train de se retirer invaincu. Il y a pourtant des avancées, et ce chapitre tente de les tracer et de les mettre dans la perspective d’une pratique de demain.
Oncogenèse Un recul épidémiologique progressif du cancer bronchique à petites cellules est uniformément observé dans les pays industrialisés depuis une vingtaine d’année. Ce sous-type histologique de cancers bronchiques affectait environ 25 % de l’ensemble des cancers bronchiques au début des années 1980 ; il est aujourd’hui estimé en France à seulement 15 % et serait même au seuil de 10 % dans les plus récentes analyses de la base de données américaines SEER. Ce recul a coïncidé avec des modifications sensibles dans le profil d’exposition aux carcinogènes du tabac. En effet, les carcinogènes majeurs de la fumée, laquelle véhicule un minimum de 4 000 composants chimiques différents incluant plus de 50 carcinogènes classés comme tels par l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer, sont les hydrocarbones polycycliques aromatiques (PAH, 3-4 benzo(a)pyrène notamment), et les nitrosamines. La diminution sensible de la
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Oncologie thoracique
concentration en PAH (puisque de facto leurs teneurs dans les cigarettes ont baissé) peut expliquer que le risque de développement d’un cancer du point de vue du site dans l’arbre respiratoire se soit déplacé depuis la trachée et les bronches et l’épithélium pseudo-stratifié l’arbre bronchique principal vers les régions périphériques, et que dans le même temps, la carcinogenèse porte plus sur les cellules de Clara et les pneumocytes de type II. Les empreintes de la carcinogenèse provoquées par le 3-4 benzo(a)pyrène et les autres PAH portent pour l’essentiel sur les gènes de contrôle de la prolifération et l’apoptose, notamment les gènes suppresseurs de tumeur tels que le gène codant pour la protéine P53. Est également observée la mutagenèse d’oncogènes tels que KRAS, ou l’hyperméthylation du gène GST/. Les cancers à petites cellules ne reconnaissent pas les mêmes voies de signalisation de type « tyrosine kinase » que les adénocarcinomes. Pour ces derniers, on le sait, la voie de l’EGF-R est altérée de manière substantielle et fournit une fenêtre thérapeutique majeure, particulièrement si le gène codant pour la partie tyrosine kinase du récepteur présente certaines mutations conférant une sensibilité aux aminoquinazolines de type erlotinib et gefitinib. Or, aucun de ces deux inhibiteurs n’a démontré d’effet clinique pour le cancer à petites cellules. En effet, pour ce dernier, les voies activatrices de type tyrosine kinase font appel à d’autres récepteurs (3). C’est notamment le cas du récepteur de type c-kit exprimé dans une majorité des cancers à petites cellules de même que son ligand stem cell factor (bien qu’à ce jour aucune implication thérapeutique n’ait pu être déduite de cette surexpression). Parmi les nombreux récepteurs de type « tyrosine kinase », c-met mériterait d’être exploré car sa mutation amplifiant le signal transmis par son ligand l’hepatocyte growth factor coïncide avec une agressivité particulière de la néo-angiogenèse du cancer à petites cellules. L’accent est plus récemment mis sur le rôle clé de l’insulin like growth factor récepteur de type 1 (IGF-1R) ; la transduction d’un signal de prolifération par ce récepteur obéit à une régulation complexe tenant au taux d’IGF-1 circulant, aux IGFBP (insuline like growth factor biding proteins) tissulaires ou circulantes, et à la régulation des protéines induites par l’interaction ligand-récepteur, les insulin receptor substrates (IRS), eux-mêmes négativement régulés par les protéines P53 et PTEN. Mais parmi les altérations globales des gènes suppresseurs des tumeurs, celle qui est retrouvée avec le plus de constance dans les carcinomes à petites cellules est la perte d’allèle au bras court du chromosome 3p, locus porteur du gène FHIT (fragile histidine triad gene) et d’autres gènes suppresseurs de tumeurs. Plus récemment, des voies de signalisation ont été élucidées par la méthode des microarrays portant sur les profils d’ADN de 113 cancers à petites cellules. Quatre voies de signalisation pourraient être importantes et offriraient autant de fenêtres thérapeutiques ; l’une d’entre elle fortement explorée est la voie de signalisation de type Wnt/`-catenin, une voie pouvant être inhibée par des molécules telles que le vorinostat, membre d’une large classe thérapeutique qui inhibe les histone-deacétylases, déjà prescrit comme traitement des lymphomes cutanés de type T.
Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules
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Ce sont autant d’angles d’attaque qui mériteraient d’être explorés, au même titre que le sont des voies de signalisation identiques ou alternatives gérant la prolifération et l’échappement à l’apoptose d’autres tumeurs humaines tel le cancer non à petites cellules des bronches.
Évaluation préthérapeutique des cancers bronchiques à petites cellules De la précision de la stadification dépend en grande partie le programme thérapeutique. Il s’agit donc d’un élément clé, d’un prérequis à toute discussion portant sur le traitement des cancers bronchiques à petites cellules. On pourrait répartir les facteurs pronostiques des cancers bronchiques à petites cellules en trois catégories : ceux qui dépendent du stade de la maladie, ceux qui dépendent de l’hôte (c’est-à-dire du patient lui-même) et, enfin, ceux qui relèvent de l’interaction entre la maladie et l’hôte. Le stade de la maladie étant le point le plus controversé autant pour les examens minimaux qui génèrent le stade que pour la nomenclature des stades eux même, nous commencerons par aborder les deux autres aspects pronostiques que sont l’hôte et les interactions, maladie-hôte. Comme pour toute maladie maligne, l’évaluation synthétique du pronostic est un préalable à la proposition d’un programme thérapeutique et ce pronostic dépend de trois groupes de variables : l’histologie et le phénotype du cancer (déjà abordés plus haut), le stade de la maladie et le statut clinique du malade. Ce statut de l’hôte doit être considéré sous les quatre déterminants que sont les comorbidités préexistantes, les fonctions biologiques de base (hématologique, hépatique et rénale notamment), la possible perte de poids et l’indice de performance. À ces critères médicaux purement objectifs, il faudrait ajouter celui plus subjectif de la volonté du patient, mais également pour les patients avancés en âge, celui de l’évaluation gériatrique standardisée. Enfin, la présence de certains syndromes paranéoplasiques peut être considérée comme un facteur limitant certains traitements (4). L’interaction tumeur-hôte s’évalue sur l’état nutritionnel, sur le score symptôme et sur une échelle objectivante de qualité de vie telle que celle de l’EORCT ou le FACT-L. À l’échelle biologique de ces interactions, de nombreuses variables biologiques ont été proposées pour établir le pronostic de la maladie. On peut citer à titre indicatif les critères de Manchester (5) : • lactate déshydrogénase ; • phosphatases alcalines ; • natrémie ; • bicarbonates sanguins. Plusieurs études retrouvent un effet pronostique négatif d’un taux de NSE élevé lors du diagnostic mais l’utilisation de ce marqueur n’est pas consensuelle.
208
Oncologie thoracique
En ce qui concerne la maladie elle-même, l’imagerie minimale consiste en une liste restrictive suivante : l’examen tomodensitométrique du thorax, de l’abdomen, idéalement du pelvis (compte tenu de la fréquence des métastases osseuses sur le squelette axial), complété par une imagerie cérébrale idéalement de type imagerie par résonance magnétique et par un examen radionucléaire du squelette. Bien que l’utilisation de la tomographie d’émission par positrons, couplée au scanner dans l’indication du cancer bronchique à petites cellules, soit devenue courante, elle n’est étayée d’aucune étude contrôlée et ne peut, dans ces conditions, être considérée comme une recommandation. L’utilisation des TEP scan dans le groupe des cancers à petites cellules relève donc d’un champ d’investigations, de recherches, et pourrait notamment donner des informations sur le débit sanguin intratumoral et donc sur l’importance de la néo-angiogenèse. Notons que lorsque l’épanchement pleural est le seul critère d’extension, la règle est de s’assurer au minimum par une cytologie, que l’épanchement est la conséquence directe d’un envahissement de la séreuse et non pas une conséquence indirecte de l’inflammation. La stadification résultant des investigations sus-décrites a été très longtemps segmentée en deux groupes : les stades limités d’une part, définis comme une tumeur confinée à un hémi-thorax et aux ganglions lymphatiques régionaux, et les cancers bronchiques à petites cellules étendus d’autre part, répondant à toute atteinte au-delà des limites précédemment décrites (6). Ainsi, l’épanchement pleural fait-il partie des critères classant la maladie en stade étendu. L’IASLC Lung Cancer Staging Project a étudié la pertinence d’une classification TNM directement calquée sur la 7e édition de la classification TNM des cancers bronchiques, telle qu’appliquée dans les cancers non à petites cellules (7). L’étude de 349 cancers bronchiques à petites cellules opérés dans une période postérieure à 1990 (c’est-à-dire après que le doublet cisplatine-étoposide a été reconnu comme un traitement adjuvant de référence) montre clairement que la stadification TNM, 7e édition, a une valeur pronostique et tout particulièrement lorsque le statut ganglionnaire est analysé. Fondé sur cette observation, le comité a recommandé l’abandon de la stadification binaire du cancer bronchique à petites cellules limité versus étendu, et de recourir de manière généralisée au TNM. Mais l’on peut faire plusieurs objections à cette évolution : les 349 patients qui font l’objet de cette analyse de l’impact pronostique du TNM ne représentent que 2,7 % de l’ensemble des cancers bronchiques à petites cellules de la base de données (qui colligeait 12 620 patients dont l’histologie était vérifiée). D’autre part, dans cette série, les stades T3 et T4 sont très faiblement représentés (16 %) ; enfin les discordances entre la stadification clinique et la stadification anatomopathologique étaient très importantes (elles étaient pires en réalité que la discordance observée de longue date pour les cancers bronchiques non à petites cellules). Que doit-on retenir ? Que la classification TNM n’est applicable que lorsqu’une chirurgie est effectuée ou envisageable ; que cette classification n’est définitive que sur les données anatomopathologiques ; que pour les 93,3 % restants des patients, la segmentation stade limité
Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules
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contre stade étendu reste cohérente. Elle l’est d’autant plus qu’elle constitue la limite de séparation entre les malades pouvant recevoir une modalité de traitement combiné, (i.e. stade limité), et les malades ne pouvant recevoir qu’un traitement systémique (i.e. stade étendu).
Quelques recommandations simples sur la stadification et l’évaluation préthérapeutique Les investigations effectuées concourent au choix thérapeutique et en particulier de l’utilité d’une radiothérapie thoracique (6). Elles doivent en outre définir les lésions endo-thoraciques et les sites métastatiques spécifiques qui seront utilisés comme lésions indicatives de l’activité des traitements effectués. Le point clé est donc d’établir le stade de la maladie, la distinction se faisant essentiellement entre les stades limités et étendus. La fréquence relative des stades étendus et limités est fonction de la sensibilité et spécificité des explorations visant à son établissement. Il est donc recommandé d’effectuer un bilan exhaustif lorsqu’on veut démontrer que la maladie est limitée. Établir le stade de la maladie s’effectue dans une démarche intégrant simultanément les variables clés des décisions : l’histologie, les comorbidités, et l’évaluation des principales fonctions biologiques. À l’opposé des cancers non à petites cellules, l’établissement d’un stade N histologique n’est pas indispensable, le traitement du cancer à petites cellules étant essentiellement médical. Il est difficile de proposer un ordre strict des examens contribuant à l’établissement du stade de la maladie, la stratégie d’investigation devant s’adapter à la situation clinique donnée. La sensibilité de la détection de métastases à distance dépend de la technique d’investigation utilisée, ce qui rend relative la césure entre stade étendu et stade limité. Des procédures exhaustives résultent bien sûr dans l’observation plus fréquente de métastases et donc de stades étendus. Il est cependant possible de décrire un bilan minimal (cf. supra).
Chimiothérapie des cancers à petites cellules Évolution des concepts du traitement systémique La chimiothérapie moderne du cancer bronchique à petites cellules est née avec les publications de Einhorn démontrant que l’association cyclophosphamideadriamycine-vincristine permettait d’obtenir une proportion substantielle de réponses objectives et, plus important encore, 20 % de réponses complètes (8). Nous sommes alors au milieu des années 1970 et le rôle clé du cyclophosphamide dans le traitement des cancers bronchiques à petites cellules est reconnu
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Oncologie thoracique
par la communauté oncologique internationale. L’arsenal de la chimiothérapie s’est progressivement enrichi d’autres drogues, mais très longtemps cinq molécules et leurs combinaisons ont fourni l’essentiel des recherches en matière de traitement systémique : le cyclophosphamide, la vincristine, l’étoposide, la doxorubicine et le cisplatine. On peut dire que toutes les combinaisons ont été tentées, de deux à quatre drogues, mais que deux d’entre elles émergèrent comme de possibles combinaisons de référence : la première était dérivée du protocole de Einhorn (cyclophosphamide, adriamycine, VP16), la deuxième était le doublet cisplatine-étoposide. Si le standard hésita longtemps entre ces deux polychimiothérapies, ce fut essentiellement en raison du faible écart du bénéfice observé à long terme, si bien qu’à la fin des années 1980 un certain nombre d’études plaidait pour l’alternance des deux combinaisons à chaque cycle plutôt que sur le maintien sur six cures d’un seul protocole. Le doublet cisplatine-étoposide se dégagea à partir des années 1990 comme la solution la plus raisonnable. Cela résulta de plusieurs facteurs : (i) ce doublet cisplatine-étoposide est une chimiothérapie de deuxième ligne efficace lorsqu’un patient a échappé à une association cyclophosphamide-adriamycine-vincristine ; or l’inverse n’est pas vrai (ii) une méta-analyse a démontré l’utilité du cisplatine (9) avec une réduction nette du risque de décès, puis une autre méta-analyse a démontré un bénéfice similaire des chimiothérapies fondées sur l’étoposide (10) ; (iii) le rationnel biologique de la combinaison de ces deux agents est plus cohérent, l’étoposide agissant comme stabilisateur des adduits d’ADN provoqués par le cisplatine. Finalement, la meilleure gestion des toxicités liées au cisplatine et surtout la synergie spatiale et temporelle de ce doublet en combinaison avec la radiothérapie finissent d’emporter la conviction : aujourd’hui le doublet sel de platine-VP 16 constitue l’épine dorsale de tout traitement du cancer bronchique à petites cellules.
Critères de jugement des thérapies systémiques La chimiothérapie apporte un bénéfice en termes de durée de vie (11). À ce critère de jugement se sont récemment ajoutés la qualité de vie, la réduction des symptômes liés à la maladie et l’ajustement de la survie à ces deux paramètres (12). De plus, comme pour tout traitement anticancéreux, les choix doivent se porter sur ceux qui assurent le meilleur ratio bénéfice-risque en évitant les toxicités vulnérantes tout en préservant le gain de survie. La notion de qualité de vie, qui est par essence multifactorielle puisqu’elle intègre des critères physique, fonctionnel, psychologique, social et spirituel, devrait s’imposer comme un critère de jugement essentiel et ne pas être restreint aux seuls essais thérapeutiques. Une simplification des outils de mesure et de leur interprétation les rendrait aussi utiles au traitement des cancers à petites cellules que le sont les mesures des cibles tumorales ou l’évaluation des toxicités.
Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules
211
Drogues actives et associations admises Un nombre important de drogues a une activité démontrée pour le cancer à petites cellules. Les tableaux I et II listent l’essentiel des médicaments possédant cette activité, même si tous n’ont pas obtenu d’enregistrement pour l’indication (AMM). Les taux de réponses rapportés le sont à titre indicatif et ce pour trois raisons : (i) les études sont souvent anciennes (problème de méthodologie d’évaluation), (ii) les taux de réponses dépendent des caractéristiques des malades inclus, enfin, (iii) ils sont variables d’une étude à l’autre ce qui jette une ombre sur la comparabilité des populations de patients étudiées. Des cytotoxiques de nouvelle génération sont actuellement testés (13-18). À ce jour, aucune des nouvelles drogues listées dans le tableau II ne possède une autorisation pour l’histologie « petites cellules » à l’exception notable de la forme intraveineuse et orale du topotécan, analogue hydrosoluble de la camptothécine et inhibiteur de la topo-isomérase 1 pour lequel l’indication est, depuis janvier 2006, approuvée pour le cancer à petites cellules en rechute pour lequel la re-induction du traitement initial est considérée comme inappropriée. Le tableau III rappelle pour l’exhaustivité du chapitre, les associations de chimiothérapie les plus éprouvées par les études de phase III, tout en rappelant avec force que le doublet sel de platine-étoposide est à ce jour considéré comme la base (et pour certains auteurs l’intégralité) du traitement systémique du cancer à petites cellules. Tableau I – Médicaments anticancéreux actifs dans le cancer à petites cellules et appartenant au tableau des drogues classiques. Classe thérapeutique
Drogues
Taux de réponses indicatifs (%)
Épipodophyllotoxines
étoposide (VP-16)
40-45
Agents alkylants
cyclophosphamide
40
Vinca-alcaloïdes
Dérivés du platine
Autres
ifosfamide
43-60
vincristine
30-40
vindésine
30
vinblastine
30
cisplatine
15-55
carboplatine
47-65
doxorubicine
30
épidoxorubicine
45
lomustine
15
carmustine
20-25
méthotrexate
35
212
Oncologie thoracique
Tableau II – Médicaments anticancéreux actifs dans le cancer à petites cellules et appartenant au tableau des nouvelles molécules. Nombre de malades
Taux de réponses (%)
IC 95 %
Chémo-naïfs
29
24
9–39
CPT-11
Sensibles
15
47
21–72
Docetaxel
1re et 2e ligne
28
25
9–41
Navelbine
Réfractaires
23
17
2–32
Navelbine
Réfractaires
24
12
17–34
Navelbine
Chémo-naïfs
30
27
11–42
Paclitaxel
Réfractaires
24
29
12–51
Paclitaxel
Chémo-naïfs
36
34
18–50
Topotécan
Réfractaires
116
6
2–10
Topotécan
Sensibles
102
24
17–34
Topotécan
Chémo-naïfs
54
39
26–53
Amrubicine
2e ligne
61
11
5,8–20,1
Pemetrexed
1re ligne
Drogues
Catégories
Gemcitabine
Développement abandonné après phase III négative
Chémo-naïfs : première ligne ; réfractaires : deuxième ligne après échec de la première ligne (ou effet transitoire) ; sensibles : deuxième ligne après réponse > 3 mois de la première ligne.
Tableau III – Combinaisons de drogues actives comme traitement d’induction des cancers à petites cellules. Abréviations : IV : intraveineuse ; AUC : aire sous la courbe concentration/ temps. Combinaison Cisplatine Étoposide
Dose (mg/m2)
Voie
Schéma
80
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
120
IV
Toutes les 3 semaines jours 1, 2 et 3
AUC 5
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Étoposide
120
IV
Toutes les 3 semaines jours 1, 2 et 3
Cyclophosphamide
300
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1 à 3
4-épidoxorubicine
30
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Cisplatine
75
IV
Toutes les 3 semaines, jour 2
Carboplatine
Analyse critique des stratégies thérapeutiques du cancer à petites cellules
Dose (mg/m2)
Voie
Schéma
Étoposide G-CSF
75
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1 à 3
Étoposide
80
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1, 2, 3
Doxorubicine
45
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Cyclophosphamide
1 000
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Cyclophosphamide
1 500
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Doxorubicine
40
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Vincristine
1,3
IV
Toutes les 3 semaines, jour 1
Combinaison
213
Traitements particuliers en fonction du type d’extension de la maladie Au-delà de la stadification bimodale qui sépare deux groupes (limité et étendu), certains sites métastatiques ont fait l’objet d’une analyse séparée : faut-il moduler le traitement en fonction de telle ou telle atteinte métastatique ? La signification pronostique péjorative de la présence de métastases cérébrales n’est pas démontrée. Ainsi, il est possible de recommander l’application d’une chimiothérapie conventionnelle aux malades qui en sont atteints. À l’inverse, la présence d’un envahissement de la moelle osseuse est un facteur pronostique péjoratif. La relation entre ce mauvais pronostic et un risque hématologique plus élevé est vraisemblable mais n’est probablement pas l’unique explication de cet effet délétère sur la survie. De même, la présence de métastases hépatiques est un facteur pronostique péjoratif parmi l’ensemble des sites métastatiques. Il n’y a pas de données scientifiques validées permettant de proposer un traitement spécifique en fonction du type de maladie étendue. Cependant, la conjonction de plusieurs sites de pronostic défavorable est une incitation certaine au choix de protocoles d’intensité modérée et à une vigilance particulière sur les risques d’effets secondaires.
Intensité de traitement Quelques publications d’études comparant une chimiothérapie standard à une chimiothérapie intensive sont en faveur d’une relation dose-effet (19-23). Toutefois, d’autres études poursuivant le même objectif n’ont pas démontré de relation dose-effet (24, 25). Les recommandations pouvant être soutenues à la lecture de la littérature sont : (i) le respect des doses optimales prescrites lors de la première cure (pas de sous-dosage), et (ii) l’inutilité à ce jour de la prescription en prophylaxie primaire de facteurs de croissance hématopoïétique à l’exception des protocoles nécessitant un maintien de la dose intensité et de ceux dont les risques de neutropénie fébrile excèdent 20 % des patients. L’impression des équipes qui
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prennent en charge beaucoup de patients serait qu’il existe un sous-groupe de malades qui tirent un bénéfice de traitements modérément intensifs tel que les traitements à quatre drogues (22, 23). Ces malades ont, lors de leur présentation, un indice de performance 0 ou 1, n’ont pas perdu de poids et n’ont pas de comorbidité significative (indice de Charlson < 3). Au-delà de traitements que nous pourrions qualifier de modérément intensifs, les tentatives d’administration de très hautes doses (permettant au moins un doublement de la dose intensité relative) avec soutien par des cellules souches circulantes ont échoué (26).
Durée du traitement À la lecture des publications actuelles, il ne semble pas utile de prolonger le traitement cytostatique au-delà de quatre à six cycles de traitement. Cette recommandation est vérifiée par l’expérience clinique car, pour le cancer à petites cellules plus encore que pour le cancer non à petites cellules, l’essentiel du bénéfice clinique est obtenu lors de la phase d’induction.
Traitement de deuxième ligne Près de 80 % des malades atteints de cancer à petites cellules, même dans les formes les plus limitées, rechuteront après avoir bénéficié d’un intervalle libre plus ou moins long sans maladie. Proposer ou non une chimiothérapie de deuxième ligne, déterminer la modalité d’association la plus pertinente, sont des choix qui reposent, patient par patient, sur une évaluation des critères prédictifs de sensibilité de cette rechute et de tolérance d’une deuxième ligne. Actuellement, le critère clé reconnu comme un indice de sensibilité à un traitement de deuxième ligne est un intervalle sans rechute supérieur à 3 mois après la fin de la chimiothérapie de première ligne. Il se peut néanmoins qu’au sein de ce deuxième groupe, dit « sensible », il existe un sous-groupe de malades rechutant plus de 6 mois après la fin de la première ligne que l’on pourrait désigner comme « très sensible ». Les autres critères de choix du traitement de deuxième ligne sont l’indice de performance, la persistance ou non de toxicités de la première ligne, la modalité de rechute elle-même, le désir du patient. Un arbre décisionnel fondé sur ces critères peut être proposé (fig. 1). La récente étude de phase III comparant le topotécan oral aux meilleurs soins de support pour les cancers à petites cellules en rechute a conclu à la supériorité du traitement par topotécan tant en termes de durée de survie que de qualité de vie (27). Cette étude fondamentale démontre l’utilité d’un traitement de deuxième ligne dans cette indication. L’enregistrement récent du topotécan dans sa forme intraveineuse comme traitement des cancers à petites cellules a donc été entériné, tout en limitant son indication aux patients pour lesquels la réintroduction du trai-
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tement de première ligne ne paraît pas appropriée. Plus récemment, les formes orales et intraveineuses de cette molécule ont été comparées en phase III et il n’a pas été relevé d’infériorité de la forme orale (28). Cela a permis la prescription de la forme orale dans la même indication ; il est en effet réaliste, à bénéfice cytotoxique équivalent, de privilégier la voie orale, pour des raisons de tolérance dans une situation cliniquement très précaire.
Association radiothérapie-chimiothérapie des CPC Mise en perspective de la question de la radiothérapie thoracique La rechute de la maladie endothoracique est la première cause d’échec des cancers à petites cellules limités. La radiothérapie thoracique offre une opportunité d’améliorer le contrôle local (29). Toutefois, l’analyse de la littérature est difficile en raison de la grande variabilité des techniques de radiothérapie et des plans de traitements adoptés. En effet, ce que nous savons de l’utilité de la radiothérapie du thorax dans les cancers bronchiques à petites cellules est bien inférieur à nos connaissances stratégiques et opérationnelles de la radiothérapie dans les cancers non à petites cellules. Ce dont on est sûr : (i) la radiothérapie thoracique n’est possible que chez les patients présentant un cancer bronchique à petites cellules limité – ceci est d’autant plus aisément vérifiable que de nombreuses publications considèrent qu’il faut intégrer à la définition de stade limité le fait que la tumeur puisse être incluse dans un champ de radiothérapie « raisonnable » – ; (ii) le bénéfice absolu de la radiothérapie est, selon les méta-analyses portant sur 2 140 patients, de 5,1 % à trois ans et la réduction globale du risque de décès de 14 % (30, 31) ; (iii) la modalité de radiothérapie idéale est la combinaison de la radio et de la chimiothérapie délivrée de manière concomitante (ce qui renforce l’indication du doublet cisplatine-étoposide) car toutes les études ayant comparé la radiothérapie concomitante à la radiothérapie séquentielle montrent un net avantage de survie pour les malades recevant la première modalité. Au-delà de ce point, on ne sait rien ou pas grand chose : l’école canadienne plaide fortement pour l’introduction de la radiothérapie le plus tôt possible, c’est-à-dire avant le 30e jour suivant le début du traitement par chimiothérapie (32, 33). Cette théorie, soutenue par un certain nombre d’études, semble également accréditée par une récente méta-analyse suggérant que le temps séparant le début du traitement (quel qu’il soit) et la fin de la radiothérapie devrait être le plus court possible pour atteindre le maximum d’efficacité thérapeutique (34). Cependant, une autre méta-analyse jette le trouble car elle n’a pas montré que le bénéfice d’une radiothérapie précoce soit statistiquement significatif. On ne sait pas non plus jusqu’à quelle dose monter l’irradiation, si bien que les doses délivrées rapportées par les publications ne trouvent pas de rationnel précis
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et sont souvent frappées d’arbitraire ; ces doses sont comprises dans des fourchettes aussi larges que 45 Gy à 70 Gy selon les études. Le fractionnement et le volume sont, eux aussi, l’objet de discussions et mériteraient des explorations méthodologiquement structurées. Il faut cependant essayer dans ce chapitre de guider le plus objectivement possible le lecteur dans les choix stratégiques à faire en analysant la littérature existante.
Modalité de l’association Les études comparant différentes méthodes d’associations (séquentielle, combinée ou concomitante) (35) sont rares et ne permettent pas de dégager une recommandation de niveau A ou B. L’association concomitante semble supérieure au traitement séquentiel en termes de survie, même si cette différence n’est pas tout à fait significative dans l’étude JCOG 9104, ceci probablement par manque de puissance de l’étude. Paradoxalement, le contrôle local est identique dans les deux bras, ce qui laisse supposer l’obtention d’un contrôle local plus rapide dans le bras concomitant et ainsi la prévention de l’évolution micrométastatique. Ces résultats sont en adéquation avec l’intérêt d’une radiothérapie précoce.
Dose, fractionnement, étalement La dose optimale n’est pas connue, mais le consensus d’expert est qu’elle ne doit pas être inférieure à 45 Gy. Si l’on examine les questions cruciales des modalités d’étalements et de fractionnement, le niveau de preuve apporté par les études randomisées est insuffisant pour statuer clairement sur cette question. Néanmoins, la diminution du temps de traitement par le biais de l’accélération (29), ou simplement par l’omission d’un « split course » semble influencer positivement la survie globale. Ceci démontre simplement que l’administration d’une radiothérapie selon une stratégie sous-optimale soit, bien évidemment, délétère en termes de survie. Les essais pariant sur la supériorité des traitements alternés (36) ou hyperfractionnés avec « split course » (37, 38) face à des traitements en fractionnement classique administrés, par définition, de manière plus courte sont restés négatifs. De manière générale, la survie semble influencée par la repopulation tumorale entre deux fractions de radiothérapie et ce malgré l’adjonction alternée de chimiothérapie. On retiendra de la littérature que le seul essai positif en survie est celui pour lequel une dose de 45 Gy est administrée de manière accélérée et hyper fractionnée avec deux fractions journalières de 1,5 Gy et un étalement de 3 semaines (29). L’équivalent biologique en fractionnement classique est bien entendu supérieur à 45 Gy. Les 36 % d’échecs locaux relevés dans cet essai laissent entrevoir l’intérêt de l’intensification de la radiothérapie. L’effet-dose semblait donc influencer le contrôle local sans impact sur la survie.
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Volume Le médiastin est irradié dans sa totalité de façon plus systématique que pour les cancers non à petites cellules. Lorsqu’il y a eu une chimiothérapie d’induction résultant en une réduction du volume tumoral, le volume cible est un compromis entre le volume préthérapeutique et, s’il était trop important, le volume résiduel post-induction. À ce jour, aucun consensus n’est établi concernant les volumes d’irradiation. En premier lieu, se pose le problème de l’irradiation après réponse à la chimiothérapie. Une étude prospective a randomisé des patients répondeurs partiels après chimiothérapie entre une radiothérapie du volume tumoral initial et une radiothérapie sur le volume post-induction (39). Aucune différence en termes de contrôle local ou de survie n’a été mise en évidence entre les deux bras de traitement. Une deuxième étude rétrospective de la Mayo Clinic (40) a comparé une irradiation prenant en compte le volume tumoral primitif initial, à une irradiation de la lésion primitive résiduelle après chimiothérapie. Aucune différence de contrôle local ou de survie n’a été notée entre les deux groupes. En second lieu, l’irradiation prophylactique médiastinale est discutée. Toutes les grandes études randomisées publiées ont utilisé une radiothérapie conventionnelle en deux dimensions avec une irradiation médiastinale large. Le principal obstacle a été la toxicité œsophagienne et ce d’autant plus que cette radiothérapie était précoce (34) et concomitante à la chimiothérapie (35) pour des contrôles locaux médiocres de l’ordre de 40 %. Par analogie aux carcinomes bronchiques non à petites cellules, certaines équipes proposent une radiothérapie conformationnelle à forte dose du volume tumoral seul sans irradiation médiastinale prophylactique, pour essayer d’améliorer l’index thérapeutique. Il est bien évident que si le médiastin non envahi n’est pas inclus dans le volume traité, une bonne partie de celui-ci est inclus dans le volume irradié, c’est-à-dire dans l’isodose 50 %.
Irradiation prophylactique de l’encéphale L’irradiation prophylactique cérébrale doit être proposée à tout patient porteur d’un carcinome bronchique à petite cellule en rémission complète après chimiothérapie (41). Elle permet une réduction du risque de métastases cérébrales de l’ordre de 40 % et une amélioration de 5,4 % de la survie globale à 3 ans. Des patients métastatiques ont été inclus dans plusieurs études randomisées et l’étude de sous-groupes de la méta-analyse de l’IGR ne semble pas démontrer de différence d’efficacité entre les patients à maladie limitée et les patients métastatiques d’emblée (42). La dose totale optimale n’est pas connue, néanmoins, l’effet dose semble réduire le risque d’évolution cérébrale sans impact sur la survie. L’essai intergroupe PCI 99, comparant une dose de 25 Gy à une dose de 36 Gy, teste
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précisément cette hypothèse. Bien qu’à moyen terme aucune détérioration neuropsychologique n’ait été mise en évidence dans les études randomisées (43, 44), il semble prudent, pour ne pas s’exposer à des risques à long terme, de maintenir une dose par fraction inférieure à 2,6 Gy et d’éviter la chimiothérapie concomitante (44). La précocité de l’IPC semble garantir un meilleur contrôle local (39) mais, les délais de mise en traitement ne sont pas précisément connus.
Existe-t-il une place pour la chirurgie des cancers bronchiques à petites cellules ? Cette question a été largement débattue, les partisans de la chirurgie des cancers bronchiques à petites cellules faisant observer que les patients survivant à long terme avaient, dans une proportion importante, bénéficié à un moment d’une chirurgie. Au contraire, les arguments anti-interventionnistes en matière de cancers bronchiques à petites cellules (46) objectaient que la maladie est exceptionnellement limitée à un stade purement localisé et que la sous-évaluation de la maladie métastatique microscopique est un leurre. Les deux décennies passées ont montré que la maladie métastatique était beaucoup plus fréquente qu’on ne le croyait. La précision des investigations morphologiques, le développement des explorations métaboliques, sont venus confirmer la sous-évaluation du caractère extensif du cancer à petites cellules. À la vérité, ce n’est certainement pas l’opposition des techniques médicales et chirurgicales qui se joue en matière de cancers bronchiques à petites cellules mais plutôt leur complémentarité. Il faudrait ici démontrer que l’on peut très bien justifier la chirurgie des cancers bronchiques à petites cellules localisés sur le même argumentaire qui a servi de rationnel de la radiothérapie des formes limitées au thorax de cancers bronchique à petites cellules. Dès la fin des années 1980, le postulat d’une maladie microscopique métastatique était admis, mais ceci n’avait pas pour corollaire obligatoire l’inutilité d’un traitement localisé telle que la radiothérapie. L’hypothèse était que, pour une proportion de patients aux stades localisés, la proposition d’un traitement radiothérapique complémentaire à la chimiothérapie n’était pas paradoxale. Le principe veut que l’on considère la maladie microscopique métastatique comme intégralement traitée par la chimiothérapie ; au sein du site primaire, en revanche, la multi-différenciation et l’émergence de clones chimio-résistants font le lit des rechutes et des échecs secondaires du traitement. Dans ces conditions, une thérapie localisée synergique de la chimiothérapie, en l’occurrence la radiothérapie, pourrait être utile. Cela a été démontré par diverses méta-analyses (cf. supra). Le corrélat est alors que la chirurgie puisse être proposée dans des situations où la résection de lésions tumorales au site primaire paraît possible. Ceci est la théorie, car il
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ne faut pas perdre de vue le caractère éminemment complexe de l’exérèse des cancers bronchiques à petites cellules, particulièrement lorsque sont concernées des atteintes initiales de stade T4 ou N3. Plus simples sont les rares cas de nodules périphériques dont l’histologie révèle qu’il s’agit d’un carcinome bronchique à cellules très limité et où la question posée est plutôt celle d’une chimiothérapie adjuvante. Celle-ci, bien qu’uniformément proposée dans ces cas, ne s’appuie sur aucune étude de phase III. En effet, rien ne démontre que ces stades très localisés de carcinomes bronchiques à petites cellules aient le même comportement biologique que les classiques cancers bronchiques à petites cellules à présentation massive au niveau thoracique, voire métastatiques d’emblée. Quel que soit l’avenir de la chirurgie des cancers à petites cellules, celle-ci paraît à l’évidence limitée à un nombre très sélectionné de cas et fait appel à des techniques opératoires complexes.
Perspectives et conclusion Les récents progrès accomplis en matière de prise en charge des malades atteints de cancer à petites cellules ne cachent pas la nécessité impérieuse d’un effort de recherche thérapeutique pour cette maladie. Différentes pistes d’amélioration s’ouvrent : les nouvelles techniques de radiothérapie (hyperfractionnement, radiothérapie accélérée, asservissement respiratoire, fusion d’image, prise en compte des hétérogénéités de dose par dosimétrie Monte Carlo, modulation d’intensité avec « boost » intégré) sont un espoir d’améliorer le contrôle local, mais elles restent réservées aux malades atteints de formes limitées. L’intégration de la chirurgie aux modalités de traitement conventionnelles (chimiothérapie et radiothérapie) pourrait être proposée à certains malades très sélectionnés. De nouvelles drogues de chimiothérapie émergent, notamment de la classe des anthracyclines de synthèse (46, 47). Enfin, les thérapies ciblées sont une nouvelle voie de traitement. L’objectif est de réduire la maladie résiduelle en intervenant sur un aspect particulier du phénotype des cellules cancéreuses. Un signal de transduction agissant sur la croissance cellulaire constitue une cible idéale dans la mesure où le niveau d’expression est plus élevé dans les cellules cancéreuses qu’il ne l’est dans les cellules normales. Ce sont ces voies de signalisation qui sont les cibles à atteindre dans un effort de recherche, ainsi que la répression de la néo-angiogenèse : études encore contradictoire pour le thalidomide (48, 49), ou encore trop précoce pour le bevacizumab (50) ou le vandetanib (51). Il y a urgence car le retrait épidémiologique de la maladie ne résout rien pour les nombreux malades qui en sont encore atteints et le cancer bronchique à petites cellules, responsable à lui seul de 4 % de mortalité par cancer, mérite autant l’attention que le cancer de l’ovaire ou les leucémies, participant pour une part égale à la mortalité par cancer dans les pays industrialisés.
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Prise en charge des cancers broncho-pulmonaires des sujets âgés E. Quoix
Points essentiels • Un tiers des cancers bronchiques en France surviennent chez les personnes âgées de plus de 70 ans. • La proportion de femmes et de non-fumeurs est plus importante que chez les patients plus jeunes. • L’évaluation gériatrique à l’aide d’outils relativement simples est fondamentale au-delà de 70 ans pour déterminer la meilleure conduite thérapeutique. • Une lobectomie est généralement possible jusqu’à 80 ans et une pneumonectomie jusqu’à 75 ans, ces limites devant être adaptées à l’âge physiologique. • Le traitement par chimiothérapie adaptée à l’âge et aux comorbidités est possible chez les octogénaires.
Introduction Le cancer bronchique est, comme dans les autres pays développés et en voie de développement, la première cause de décès par cancer chez les hommes en France (1). Alors qu’il est également la première cause de décès par cancer chez les femmes aux États-Unis depuis 1987 (2), en France il est récemment passé à la seconde place (3). L’augmentation considérable de l’espérance de vie et le fait que l’incidence du cancer bronchique est associée avec le vieillissement ont entraîné une fréquence importante de ce cancer chez les personnes âgées en France comme dans d’autres pays occidentaux (4). L’âge médian au diagnostic se situe actuellement dans les pays industrialisés entre 63 et 70 ans, selon que les patients ayant une preuve histologique J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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ou cytologique de leur cancer ou bien n’ayant qu’un diagnostic clinique sont pris en compte (5-8). Dans une récente enquête menée en France auprès des hôpitaux généraux, les patients de 70 ans et plus ayant une preuve histologique ou cytologique de leur cancer représentaient 32 % des 5 667 patients enregistrés durant l’année 2000 (9). Les patients âgés de 80 ans et plus représentaient 18,9 % des cas dans une enquête de l’IFCT réalisée en 2002-2003 en France sur la prise en charge des personnes âgées, un pourcentage très proche de celui observé dans celle des hôpitaux généraux de France (KBP-2000) (10). Dans la base de données du SEER, les patients âgés de 80 ans et plus représentaient 14 % des 316 682 cancers bronchique enregistrés avec une augmentation dans le temps de 12 % à 16 % (11). Bien qu’ils représentent une part importante des cancers bronchiques, les sujets âgés sont sous-représentés dans les essais cliniques (8, 12) et probablement pas traités de façon optimale dans la mesure où il a longtemps régné un certain nihilisme de la part des médecins mais aussi des patients eux-mêmes et de leur famille (13). L’oncogériatrie en général a connu un fort développement ces dernières années et devrait permettre une amélioration continue de la prise en charge des personnes âgées ayant un cancer bronchique primitif.
Caractéristiques épidémiologiques des cancers bronchiques chez les personnes âgées La définition d’une personne âgée est controversée. Alors que la limite de 65 ans est généralement utilisée dans la littérature épidémiologique, celle de 70 ans semble plus appropriée aux études clinques dans la mesure où les adaptations thérapeutiques ne sont pas nécessaires avant cet âge notamment pour la chimiothérapie (14). Le ratio hommes/femmes était en 2002 de 6,1 pour l’ensemble des patients ayant un cancer bronchique primitif en France (15). Ce ratio était de 4,6 dans l’enquête de l’IFCT et décroissait de façon significative selon les catégories d’âge (70-74 ans, 75-79 ans et 80 et plus) de 5,1 à 2,98 (16). Deux explications peuvent être données : la diminution de la part attribuable au tabac avec l’âge avec de ce fait une certaine égalisation des risques entre les hommes et les femmes et l’augmentation des cancers bronchiques avec confirmation histologique ou cytologique jusqu’à un âge plus élevé chez les femmes que chez les hommes (17). La proportion de non-fumeurs est plus élevée chez les personnes âgées : dans l’étude de l’IFCT (16), 11,6 % des patients n’avaient jamais fumé (3, 3 % des hommes et 46,9 % des femmes). Dans l’enquête KBP-2000, 11,2 % des patients âgés de 70 ans et plus étaient non-fumeurs versus 5,3 % de ceux âgés de moins de 70 ans (10). Cette proportion plus élevée de non-fumeurs chez les patients âgés ayant un cancer bronchique reflète davantage le risque de cancer lié à l’âge que d’autres facteurs de risque qui produiraient leurs effets plus tardivement que le tabac.
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Particularités de la pratique oncologique chez le sujet âgé La prise en charge et la décision thérapeutique chez les sujets âgés doivent être appréhendées de façon spécifique. Plus que les indices d’état général (performans status de l’OMS ou index de Karnofsky), c’est une évaluation gériatrique globale qui doit être réalisée. L’état de santé du sujet âgé résulte en effet d’une coexistence de pathologies liées au vieillissement, de séquelles d’affections antérieures et même souvent de maladies chroniques ou aiguës. Certains paramètres de dépendance et de fragilité fonctionnelle vont directement conditionner le déroulement du traitement. Il a été démontré que le poids de ces comorbidités était responsable d’une surmortalité chez les patients à âge et stade d’évolution du cancer identiques (18). Plusieurs indices on été proposés pour tenter de standardiser l’évaluation de l’état de santé. Dans le cadre du cancer bronchique, les indices les plus utilisés sont le Charlson et notamment sa variante spécifique pour les sujets âgés (19) et le CIRS (Cumulative Illness Rating Scale) (20). La classification en groupes de Balducci (fig. 1) est désormais souvent retenue pour poser au mieux les indications thérapeutiques (21). Outre les comorbidités, il convient également de considérer l’état des principales fonctions physiologiques susceptibles
Fig. 1 – Les trois groupes selon Balducci et Extermann.
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de se dégrader avec l’âge. La fonction rénale doit être évaluée par la clairance de la créatinine. Elle décroît de l’ordre de 10 mL/min tous les 10 ans. Du fait de la diminution de la masse maigre chez les sujets âgés, la seule prise en compte du taux créatininémie ne permet pas une estimation fiable. Les posologies de nombreux cytotoxiques devront donc être adaptées. La fonction hépatique s’altère également et le dosage de la bilirubine et des transaminases est indispensable chez le sujet âgé avant l’utilisation de certaines drogues, en particulier les taxanes, les anthracyclines et même la vinorelbine. Dans le calcul des doses et notamment pour les drogues hydrosolubles, il faudra prendre en compte la diminution de l’eau intracellulaire chez la personne âgée, de même que la diminution de l’albuminémie et du cytochrome P450, peuvent être responsables d’une élévation des taux circulants de certaines drogues notamment les taxanes, l’étoposide et la vinorelbine. Enfin, de façon générale, l’utilisation de drogues myélotoxiques chez les sujets âgés nécessite une surveillance hématologique régulière et une adaptation en raison de l’altération physiologique de la fonction médullaire(22). Au total, chez ces patients, la prise en compte de l’ensemble de ces paramètres devra permettre de déterminer au mieux les objectifs thérapeutiques en terme de qualité de vie et d’espérance de vie, en commençant notamment par une prise en charge symptomatique adaptée.
Chirurgie Les sujets âgés sont classiquement considérés à haut risque vis-à-vis de la chirurgie thoracique compte tenu des altérations fonctionnelles respiratoires et cardio-vasculaires liées à l’âge ou aux comorbidités. Dans une analyse rétrospective concernant 223 patients âgés de 70 à 84 ans admis à Strasbourg (23), le taux de thoracotomies exploratrices a été de 5,8 %, une lobectomie a été réalisée dans 71,5 % des cas et une pneumonectomie dans 28,5 % des cas. La mortalité opératoire a été de 7,2 % (10 % en cas de pneumonectomie et 6,6 % après lobectomie. La survie globale à 5 ans est de 32,9 % (45,7 % pour les stades I, 36,3 % pour les stades II et 13,8 % pour les stades III). La mortalité opératoire est donc légèrement supérieure à ce qui est observé usuellement mais la survie à 5 ans légitime l’acte chirurgical dans cette catégorie de patients. Il faut également souligner l’intérêt, dans cette catégorie d’âge de l’étude de la survie relative (prenant en compte la mortalité naturelle) au lieu de la survie brute. Cette correction montre que la survie ne diffère alors pas de ce qui est observé chez les sujets plus jeunes (24). L’âge ne doit donc pas être utilisé comme un critère d’exclusion d’une solution chirurgicale. La sélection des patients âgés de plus de 70 ans candidats à une résection chirurgicale doit passer par une évaluation complète des facteurs de risques cardio-vasculaires et respiratoires selon les récentes recommandations de la Task Force (25).
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Chez les patients âgés, la fréquence et le type de complications dépendent directement du type de chirurgie et sont significativement plus fréquentes en cas de pneumonectomie qui devra être autant que possible évitée par le recours par exemple à des résections-réimplantations (26). Les complications sont souvent liées à des difficultés à expectorer en postopératoire et pourraient être efficacement prévenues par une kinésithérapie respiratoire avant l’intervention.
Radiothérapie Radiothérapie dans le CBNPC Il s’agit d’un traitement fréquemment proposé aux sujets âgés d’autant qu’il constitue souvent une alternative pour les patients récusés sur le plan chirurgical. L’âge ne semble pas être un facteur limitant significatif pour la radiothérapie dans cette indication. En effet, dans une étude rétrospective de six essais de l’EORTC concernant 482 patients traités par radiothérapie exclusive, on retrouve plus fréquemment chez les patients de plus de 70 ans un amaigrissement de plus de 10 % et des complications œsophagiennes tardives mais cela n’entraîne pas plus d’interruptions de traitement ni de baisse significative de la dose délivrée et il n’est pas noté de différence de survie globale par rapport aux sujets de moins de 70 ans (27). Pour les tumeurs de petite taille (stades I et II), la survie à 3 ans peut avoisiner les 30 % (28) et la toxicité est acceptable pour des doses de 65 Gy en fractionnement classique et des volumes limités à la tumeur et au hile homolatéral. Dans une étude portant sur 203 tumeurs chez 193 patients âgés de 75 ans et plus, une radiothérapie stéréotaxique a été mise en œuvre (29). Il y avait 118 tumeurs classées T1 et 85 T2. Quatre vingt pour cent de ces patients étaient médicalement inopérables et 20 % avaient refusé la chirurgie. La dose totale de 60 Gy était délivrée en trois fractions chez 33 % des patients, cinq fractions chez 50 % et huit fractions chez 17 % d’entre eux, selon le profil de risque. Tous les patients sauf un ont pu terminer le traitement. Le taux de survie était de 89 % à 1 an et 45 % à 3 ans. La toxicité était faible avec moins de 10 % des patients développant des complications tardives de grade * 3. Pour les tumeurs plus volumineuses en revanche (stades IIIA et IIIB), les résultats sont classiquement moins encourageants et les toxicités aiguës et tardives, beaucoup plus importantes du fait du volume à irradier. Peu d’études ont été spécifiquement dédiées aux sujets âgés concernant la radio-chimiothérapie concomitante ou séquentielle . Il apparaît néanmoins que les associations radio-chimiothérapie sont faisables (30) chez des patients âgés soigneusement sélectionnés. Dans une étude de phase II – l’association radio-chimiothérapie utilisant carboplatine-étoposide oral chez 55 sujets de plus de 70 ans (31) – les toxicités rapportées sont essentiellement hématologiques et aucune toxicité
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tardive grave n’est retrouvée. Des essais plus importants semblent nécessaires avant de pouvoir recommander de tels schémas thérapeutiques pour les sujets âgés présentant des stades IIIA ou IIIB.
Radiothérapie dans le cancer à petites cellules Comme chez le sujet plus jeune l’association radio-chimiothérapie est le traitement qui permet d’obtenir la meilleur réponse dans le cancer à petites cellules (CPC) localisé à l’hémithorax chez le sujet âgé (32). Il semble également que la tolérance soit comparable. En pratique, une fois encore, l’âge seul ne doit pas être un facteur limitant et faire récuser l’association radio-chimiothérapie pour les patients présentant un CPC localisé au thorax.
Chimiothérapie et thérapeutiques ciblées Chimiothérapie et thérapeutiques ciblées dans le CBNPC Le rôle de la chimiothérapie a clairement été démontré dans une méta analyse parue en 1995 concernant 4 357 patients inclus dans 52 essais cliniques (33) mais très peu de patients âgés étaient inclus dans ces essais. Il ne paraissait donc pas évident que la chimiothérapie soit réellement bénéfique pour ce type de patients. Une analyse récente basée sur 6 232 patients âgés issus du registre du SEER, présentant un CBNPC métastatique, rapportait un allongement estimé de 33 jours de la médiane de survie et de 9 % de la survie à un an grâce à la chimiothérapie, et concluait que chez ces patients âgés ayant des comorbidités, la chimiothérapie était aussi efficace que chez les patients inclus dans les essais cliniques, habituellement plus jeunes (34). Plusieurs essais de phase II et III ont tenté de clarifier les choses, en testant chez ces patients des associations à base de platine, des monothérapies avec des drogues classiques ou « nouvelles » et enfin des associations sans platine.
Associations à base de sels de platine Le cisplatine est la drogue de référence dans le traitement du CBNPC mais son utilisation chez le sujet âgé doit se discuter. Une étude japonaise de phase II a tenté d’évaluer l’association cisplatine-vindésine chez des patients de plus de 70 ans en relativement bon état général et sans comorbidité. Cet essai a été interrompu après seulement sept inclusions en raison de toxicités jugées inacceptables (35). Cependant, une étude de phase II de l’association cisplatine-gemcitabine (36) effectuée chez 19 patients âgés de plus de 65 ans permet d’obtenir un taux de réponse supérieur à 50 % avec une tolérance satisfaisante. Surtout, l’association carboplatine-paclitaxel a fait la preuve de sa faisabilité et
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de son intérêt en termes de réponse et de survie par rapport à la monochimiothérapie par paclitaxel mais dans une étude qui n’était pas dédiée au cancer bronchique chez le sujet âgé (37).
Monothérapies De nombreux essais, le plus souvent de phase II, ont été conduits chez les sujets âgés en utilisant des drogues telles que la vinorelbine, la gemcitabine ou le paclitaxel (38-40). Ces nouvelles drogues ont par ailleurs comme intérêt essentiel d’avoir des profils de tolérances acceptables chez les sujets âgés. Une étude de phase III a comparé la vinorelbine aux seuls soins de support chez le patient âgé de 70 ans et plus et a conclu en un bénéfice de survie significatif au prix d’une toxicité tout à fait acceptable (38).
Associations sans platine Ces « nouvelles drogues », bien tolérées chez le sujet âgé, ont donné lieu à plusieurs essais en association. Les essais ayant comparé une monothérapie à une bithérapie donnent des résultats contrastés : une phase III comparant vinorelbine, gemcitabine et l’association des deux drogues chez 707 patients (41) n’apportait pas d’argument en faveur de l’association en terme de taux de réponse (environ 18 % dans chaque bras), de temps jusqu’à progression, de survie ou de qualité de vie tandis qu’un autre essai italien trouvait un avantage à la bithérapie en sachant que le nombre de patients inclus était bien inférieur (120 patients au total) (42). Au total, la seule thérapeutique validée chez le sujet âgé est une monochimiothérapie et les recommandations de l’ASCO en 2003 vont d’ailleurs dans ce sens d’une monochimiothérapie (43), de même que celles de l’ESMO parues cette année (44). L’intérêt d’une bithérapie à base de sel de platine (préférentiellement le carboplatine) restait à évaluer, même si l’essai récemment publié par Lilenbaum apparaissait prometteur (37). Les résultats de l’étude IFCT 0501 comparant chez les patients de plus de 70 ans vinorelbine ou gemcitabine à l’association carboplatine + paclitaxel sont très nettement en faveur du doublet carboplatine – paclitaxel avec une médiane de survie de 10,2 mois contre 6,3 mois dans le bras monothérapie (45) Cet essai devrait fondamentalement changer de paradigme de traitement des personnes âgées.
Thérapeutiques ciblées Celles ayant fait l’objet de phases III dans le CBNPC et ayant eu une approbation sont le gefitinib (usage restreint aux patients ayant une mutation de sensibilité de l’EGF-R), l’erlotinib et le bevacizumab. Il semble acquis que l’activité des inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGF-R est au moins la même chez le sujet âgé que le sujet plus jeune (46). En revanche, l’association de bevacizumab à un doublet carboplatine + paclitaxel n’apporte
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aucun bénéfice de survie dans l’analyse en sous-groupe de l’étude de l’ECOG avec de surcroît un taux de toxicité de grade 3 ou 4 de 87 % à comparer à 61 % chez les sujets de moins de 70 ans (47).
Chimiothérapie dans le cancer à petites cellules La chimiothérapie reste l’élément principal du traitement du CPC quels que soient l’âge, l’état général ou le stade de la maladie. Le standard est généralement constitué d’une association de drogues, à base de sels de platine. Dajczman et al. (48) ont montré que les sujets âgés sont presque toujours traités hors études cliniques, qu’ils ont plus de comorbidités, qu’ils ont fréquemment une diminution significative de la dose-intensité thérapeutique par rapport au traitement initialement planifié, soit par diminution des doses, soit par report voire annulation de certains cycles. Pourtant, le rôle de l’âge comme facteur pronostique du CPC n’est pas clairement démontré. Lorsqu’on considère les patients inclus dans les essais cliniques, l’âge n’apparaît comme facteur pronostique que dans les formes localisées de la maladie (49, 50) et dans d’autres études, l’âge n’est pas retrouvé comme facteur influençant la survie (51, 52). Dans une étude rétrospective de la survie des patients bas-rhinois atteints de cancer bronchique à petites cellules, l’âge supérieur à 70 ans apparaît comme un facteur pronostique lorsque la survie brute est analysée mais ne l’est plus en analyse de survie relative prenant en compte la mortalité inhérente à l’âge (5). Comme dans le cas du CBNPC, le carboplatine a été proposé en remplacement du cisplatine dans le but d’améliorer la tolérance des schémas de traitement. Il a été associé à l’étoposide dans une étude concernant 36 patients de plus de 70 ans porteurs de formes localisées et disséminées de la maladie. Les taux de réponse et la médiane de survie étaient tout à fait encourageants, à respectivement 75 % et 10,8 mois. La toxicité hématologique restait toutefois importante et on notait un décès toxique (53). Des résultats similaires étaient obtenus avec la même association chez 38 patients de plus de 70 ans, en dépit d’un important taux de décès précoces (sept décès survenus avant le second cycle de chimiothérapie, dont deux d’origine toxique). La médiane de survie était de 237 jours et la probabilité de survie à un an de 25 % (54). Parallèlement, des traitements « plus agressifs » ou au contraire « plus légers » ont été évalués. Westeel et al. (55) ont proposé une association de cisplatine, doxorubicine, vincristine et étoposide chez 66 patients de plus de 65 ans. La toxicité était considérée comme gérable (18 % de neutropénies fébriles dont un décès toxique) et les taux de réponse étaient de 92 % pour les formes localisées et 87 % pour les formes disséminées. La survie à 2 ans était respectivement de 38 % et 20 %. À l’inverse, une étude de phase II de Cascinu et al. (56) a évalué une monothérapie par téniposide chez 22 patients de plus de 67 ans. Cette monothérapie apparaît comme clairement insuffisante, ne permettant d’obtenir que 23 % de taux de réponse.
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Le schéma thérapeutique qui semble actuellement présenter le meilleur rapport efficacité/tolérance chez le sujet âgé est l’association carboplatineétoposide. Il est à craindre que des essais spécifiques aux sujets âgés ne soient difficiles à mener dans le CBPC devenu pratiquement une maladie orpheline. En conclusion, le cancer bronchique chez la personne âgée après avoir été longtemps l’objet d’un certain nihilisme fait l’objet de plus en plus d’études spécifiques qui devraient aboutir à une prise en charge plus optimale qu’elle ne l’est encore actuellement. Les thérapeutiques ciblées, et notamment des inhibiteurs du récepteur à l’EGF, doivent bénéficier au moins autant aux personnes âgées.
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Prise en charge des sujets fragiles Savoir adapter le traitement du cancer broncho-pulmonaire à l’état général, à la défaillance rénale, hépatique et au sujet immunodéficient (transplanté, VIH) D. Moro-Sibilot, A.-C. Toffart et M. Coudurier
Points essentiels • Les patients fragilisés ou présentant des comorbidités représentent environ deux tiers des cancers bronchiques. • Le tabagisme et ses conséquences expliquent une grande partie de cette fragilité. • La toxicité des médicaments dans cette population est augmentée. • Les traitements par chimiothérapie ou thérapeutique ciblée sont possibles en modulant la prescription en fonction de la toxicité prévisible des médicaments. • La sélection basée sur le typage moléculaire des tumeurs offre une approche d’avenir en majorant l’efficacité et en contrôlant la toxicité.
Introduction Les causes de fragilité dans les cancers broncho-pulmonaires sont nombreuses, elles peuvent être liées à la maladie elle-même qui, par son agressivité et par les conséquences viscérales d’une atteinte multifocale, va contribuer à une dégradation fréquente de l’état général du patient. Cependant, le terrain sur lequel survient cette maladie est aussi et souvent même plus fréquemment la cause de la fragilité des patients atteints. Même s’il existe des patients non fumeurs, la grande majorité des malades sont des fumeurs ou anciens fumeurs. Le cancer J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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bronchique survient après de nombreuses années de tabagisme qui ont non seulement été à l’origine de l’apparition du cancer, mais aussi facteur de risque d’autres pathologies telles que les cancers d’autres organes, les maladies cardiovasculaires, le retentissement fonctionnel pulmonaire d’années d’intoxication. Enfin, le tabagisme est parfois intriqué avec d’autres comportements addictifs ou simplement un manque d’hygiène de vie qui, de leur côté, contribuent à l’émergence de pathologies associées. Les comorbidités sont fréquentes, souvent multiples chez le même patient (1, 2). Ce contexte contribue ainsi à ce que les cancers broncho-pulmonaires soient fréquemment associés à un certain degré de fragilité, liée à l’âge ou aux comorbidités, conséquence de l’âge ou du mode de vie. Nous traiterons dans ce chapitre des problèmes spécifiques de prise en charge des patients fragilisés présentant un CBNPC localement avancé ou métastatique, en concentrant le propos sur les patients avec un mauvais performans status (PS), ceux avec comorbidités, ceux porteurs d’une immunosuppression, qu’elle soit thérapeutique ou liée à l’infection par le VIH. Le problème spécifique des personnes âgées sera abordé dans un autre chapitre de ce volume.
Prise en charge du patient avec un mauvais performans status Bien que clairement défini (tableau I), l’état des performances ou « performans status » des Anglo-Saxons est souvent sujet de débats, essentiellement du fait de la subjectivité de son estimation. Si un consensus est rapidement trouvé dans une équipe sur l’évaluation en PS0 ou PS4, en revanche l’expérience des réunions de concertations multidisciplinaires met souvent en évidence les incertitudes et discordances de cette évaluation et chacun retrouvera le quotidien quand on évoque les PS1-2, ou les PS2-3. Le PS a été identifié comme un facteur pronostique défavorable chez les patients atteints de CBNPC depuis le début des années 1980. La médiane de survie de ces patients des patients de PS 2 est de l’ordre de 4,5 mois. Ceci fait que ces patients sont souvent sousreprésentés dans les essais cliniques, et un nombre d’études limité concerne uniquement les patients de « mauvais PS ». L’utilisation des cytotoxiques de troisième génération et la mise à disposition des inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR semblent avoir apporté un progrès réel, bien que de faible amplitude, pour la survie des patients atteints de CBNPC (3). Pour les patients de PS 2, les inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR apparaissent comme des options thérapeutiques potentielles. En revanche, la toxicité potentielle des associations à base de sels de platine limite de façon importante le bénéfice que les patients peuvent en tirer. Ainsi, Sweeney (4), dans une analyse intermédiaire de l’évolution des patients PS 2 inclus dans l’essai ECOG 1594 qui évaluait les principaux
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doublets associant gemcitabine ou paclitaxel ou docetaxel et un sel de platine, a suggéré un excès de toxicité dans la population de patients PS2 qui n’a pas été retrouvé dans l’analyse finale. Cet excès de toxicité entraîne l’arrêt de l’inclusion de ces patients dans ce protocole. Dans la population de patients PS 2, cinq décès avaient été constatés, mais l’analyse a montré que deux seulement étaient dus au traitement, la survie inférieure constatée par rapport aux autres patients était liée à la maladie et non au traitement. Tableau I – Définitions du « performans status ». Indice
Activité
0
Capable d’avoir une activité normale sans restriction
1
Activité physique discrètement réduite, mais ambulatoire, moins de 25 % du temps de jour au lit
2
Ambulatoire, indépendant, mais incapable d’activité soutenue, debout moins de 50 % du temps de jour
3
Capable uniquement de satisfaire ses besoins propres. Confiné au lit près de 75 % du temps de jour
Soria (5), dans une analyse pronostique multivariée utilisant la base de données de l’étude de phase III évaluant vinorelbine, vinorelbine-cisplatine et vindesine-cisplatine chez 612 patients avec un CBNPC stade IIIB-IV, montre une interaction statistiquement significative entre le traitement et le PS. Les patients PS 2 ne bénéficiaient pas du traitement associant un sel de platine à la vinorelbine ; la survie médiane pour les patients PS 2 était similaire quel que soit le bras de traitement (médiane 18 semaines, avec respectivement pour vinorelbine-cisplatine : 95 % [intervalle de confiance] IC : 11-34 semaines, pour vinorelbine : 95 % IC : 11-35 semaines et pour vindesine-cisplatine 95 % IC : 14-32 semaines). L’analyse rétrospective d’une étude de phase III (6) évaluant des doublets associant cisplatine et gemcitabine, vinorelbine ou paclitaxel a étudié l’impact du PS, de l’âge et a conclu que l’efficacité était inférieure pour les PS 2 (Time To Progression [TTP] médian : 2,3 mois (1,6-3,2) par rapport aux PS 0-1 (TTP : 5,5 mois [4,7-5,9]). Lilenbaum (7), dans une étude du CALGB, a comparé l’association paclitaxel et carboplatine au paclitaxel seul en fonction du PS et de l’âge des patients. Cette étude montre un bénéfice de survie avec la bithérapie paclitaxel-carboplatine par rapport à la monothérapie par paclitaxel pour les patients de PS 2. Il est donc probablement possible chez certains patients d’utiliser une bithérapie adaptée, le bénéfice de celle-ci n’apparaissant de façon formelle dans aucune étude. L’étude ECOG 1599 (8) est la première étude s’adressant uniquement aux patients de PS 2. Cette étude compare l’association à dose réduite carboplatine AUC 6 et paclitaxel 200 mg/m2 (modalité la moins toxique de l’étude ECOG 1594) (9) et l’association gemcitabine 1 g/m2 J1 et J8 et cisplatine 60 mg/m2
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qui donne les meilleurs chiffres de survie chez les patients de PS2 dans l’étude ECOG 1594 (médiane de survie de 7,9 mois). Cent-trois patients ont été inclus et 100 éligibles. Le nombre médian de cycles de chimiothérapie était de trois dans chacun des deux groupes de patients. Le profil de toxicité était celui attendu avec plus de neuropathies, de neutropénies dans le groupe traité par carboplatine et paclitaxel alors qu’il y avait plus de thrombopénie, d’asthénie et d’élévation de la créatinine dans le groupe traité par gemcitabine et cisplatine. Les taux de contrôle et les paramètres de survie apparaissent comparables. Cette étude montre la faisabilité dans cette population de patients sélectionnés de bithérapies à base de sels de platine, mais dans tous les cas la survie de ces patients apparaît inférieure à ce que l’on observe dans la population de patients en meilleur état général. Kosmidis (10) a comparé dans une étude de phase II chez des patients porteurs de CBNPC avancé et de PS2, une monothérapie par gemcitabine 1 250 mg/m² (J1 et J15) et l’association gemcitabine et carboplatine (AUC3) (J1 et J15). Cette étude ne montre pas d’avantage en faveur du doublet ; en revanche, la toxicité du traitement est plus marquée avec l’association. Les monochimiothérapies apparaissent souvent plus adaptées au traitement de ces patients en mauvais état général. Le profil de toxicité plus favorable de la monothérapie n’entraîne le plus souvent pas de perturbations et, de ce fait, n’entraîne pas de déséquilibre majeur des comorbidités et de l’état général. Parmi les médicaments disponibles, le docetaxel, la gemcitabine et la vinorelbine sont tous trois des options thérapeutiques utilisables en pratique courante. Dans l’étude de Roszkowski (11), évaluant le docetaxel à la dose de 100 mg/ m² contre les meilleurs soins de confort (best supportive care : BSC), 20 % de la population présentaient un PS 2. Cette étude a montré un avantage en termes de survie chez les patients traités par chimiothérapie par rapport aux soins palliatifs. Les deux études de phase III comparant docetaxel au BSC ou ifosfamide/vinorelbine ont inclus entre 20 et 25 % de PS 2. Ces travaux ont montré un avantage en survie. La meilleure dose de docetaxel, conjuguant efficacité et maintien de la qualité de vie, était de 75 mg/m² (9, 10). La gemcitabine a démontré un taux de réponse de l’ordre de 20 %, dans des essais de phase II en monothérapie, chez les patients atteints de tumeurs de stade III et IV (12, 13). La gemcitabine est l’un des deux médicaments les plus utilisés en routine chez les sujets fragiles lorsque la chimiothérapie est utilisée. La vinorelbine a montré un taux de réponse aux alentours de 30 % dans les études de phase II (14, 15). Peu de ces études ont inclus seulement des patients de PS 2 ou PS 3. Les inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR (TKI) font partie des standards thérapeutiques après échec de la chimiothérapie et en première ligne après mutation de l’EGFR. Des réponses objectives ont été rapportées chez environ 20 % des patients en échec de chimiothérapie (16, 17). L’intérêt majeur de cet agent est son efficacité symptomatique rapide (15 jours) chez un patient sur deux et un bénéfice clinique parfois très prolongé (> 1 an). La bonne tolérance et l’administration par voie orale constituent également un bon argument. Dans
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l’étude BR.21 (3) qui a démontré en seconde ou troisième ligne la supériorité de l’erlotinib sur le placebo, le bénéfice de l’erlotinib a été observé dans la majorité des sous-groupes de patients. Dans cette étude, 25% des patients des patients traités par erlotinib avaient un PS 2 et 9 % un PS 3. Les TKI ont été étudiés dans une étude de phase II en première ligne chez 52 patients de Taiwan en très mauvais état général PS 3-4. Le traitement a consisté en du gefitinib à la dose de 250 mg/jour. La population comportait 25 hommes et 27 femmes, 82,7 % des patients avaient un PS 3. En dépit du très mauvais état général, 38,1 % des patients ont répondu au traitement, taux de réponse important mais survenant chez une population asiatique et comportant plus de la moitié de femmes. La médiane de survie était de 2,5 mois pour l’ensemble de la population, mais de 9,1 mois chez les répondeurs, 3,1 mois chez les patients stabilisés et de moins d’un mois chez les patients en progression (18). Lilenbaum (19) en revanche note des résultats moins favorables pour les TKI dans une étude de phase II comparant quatre cycles de carboplatine AUC 6 et paclitaxel 200 mg/m2 toutes les 3 semaines (51 patients) à l’erlotinib en monothérapie à la dose de 150 mg (52 patients) chez les PS2. Les critères d’inclusion n’orientaient pas vers la sélection de patients « enrichis en mutations » de l’EGFR : on trouvait dans cette étude un fort pourcentage de non ou anciens fumeurs dans les deux groupes de patients, de femmes dans le groupe erlotinib (56 %) et d’adénocarcinomes dans les deux groupes (50 % dans le groupe erlotinib et 63 % dans le groupe chimiothérapie). En dépit de ce profil plutôt favorable pour les TKI, les paramètres de réponse et de survie sans progression étaient plutôt en faveur de la chimiothérapie dans ce groupe de patients de PS 2. Les paramètres de qualité de vie sont aussi comparables dans les deux groupes de patients. Goss (20) compare dans une population non sélectionnée et non traitée de PS2 ou 3 le gefitinib au placebo. Dans cette étude, il y a une simple tendance pour une amélioration de la réponse et des critères de survie mais ceci n’est pas statistiquement significatif. En revanche, Inoue (21) sélectionne les patients porteurs de mutations de l’EGFR. Les résultats observés chez 29 patients de PS 3 ou 4 sont très encourageants avec un taux de réponse de 66 %, une survie sans progression médiane de 6,5 mois, une amélioration du PS sous traitement. Les données issues des études de phase III n’incitent pas à proposer en routine une association comportant du cisplatine en raison d’une toxicité jugée rédhibitoire. Ces éléments rendent licite le traitement des patients de PS 2 avec une monothérapie active. En effet, ces patients sont souvent symptomatiques et ont besoin d’un traitement palliatif et le bénéfice de la chimiothérapie ne doit pas être nié. Ils devraient bénéficier dans la majorité des cas d’une monochimiothérapie avec les nouveaux agents cytotoxiques, sans sel de platine associé. L’introduction des thérapeutiques ciblées en première ligne chez les patients de mauvais performans status porteurs d’une mutation de l’EGFR apparaît comme l’option la plus intéressante actuellement tant en termes d’efficacité que de tolérance chez les patients. En revanche, les TKI ne sont pas recommandés en première ligne chez les patients « non porteurs de mutation ».
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Chez les patients pour lesquels la recherche de mutation n’est pas possible, le TKI trouvera sa place en seconde ligne, après une chimiothérapie de première ligne adaptée au performans status.
Prise en charge du patient présentant des comorbidités Les comorbidités représentent des pathologies associées distinctes du cancer qui peuvent affecter l’évolution du patient cancéreux traité et influer sur la toxicité du traitement. Les comorbidités doivent être distinguées de l’état fonctionnel (PS), celui-ci évalue la possibilité du patient de réaliser des actes du quotidien. Toutefois, les comorbités tout comme le cancer peuvent contribuer à la dégradation du « performans status ». L’incidence des cancers bronchiques augmente avec l’âge, 30 à 40 % des cancers sont en effet diagnostiqués chez des patients de plus de 70 ans. Dans ce contexte de patients âgés, le nombre de comorbidités augmente, ainsi Frasci dans une étude randomisée chez des patients de 70 ans ou plus note que 60 % des patients inclus présentent des comorbidités (23). Read (2), dans une population de 2996 cancers bronchiques, retrouve 32,4 % des patients sans comorbidité, 28,7% avec des comorbidités légères, 25,2% avec des comorbidités modérées et 13,7% avec des comorbidités sévères. Dans cette même étude, les taux de patients sans comorbidité apparaissent plus favorables chez les patients porteurs de cancers du sein de la prostate ou colorectaux. Cela souligne le contexte très particulier des cancers bronchiques marqué d’une part par l’intoxication tabagique et ses effets systémiques, et d’autre part par son âge de découverte souvent avancé. Plusieurs échelles de quantification des comorbidités ont été proposées ainsi l’index de Charlson (1), initialement validé dans une cohorte de patients souffrant de cancer du sein, permet une quantification pronostique des comorbidités. Cet index a été validé dans de nombreuses autres tumeurs dont les cancers bronchiques (24). D’autres méthodes de mesure ont été proposées, certaines plus simples que l’index de Charlson (25) (tableau II), d’autres plus complexes comme le « Cumulative Illness Rating Scale for Geriatrics (CIRS-G) » (26) évaluent la sévérité des comorbidités et pas seulement leur existence. L’intrication possible entre âge, comorbidités et performans status complique l’interprétation des études visant à évaluer leur rôle pronostique, cependant en dépit de résultats parfois contradictoires (23, 25, 27, 28), parfois liés plus aux échelles de mesure de la comorbidité qu’aux comorbidités elles-mêmes, on considère que celles-ci peuvent influencer le pronostic et la tolérance des traitements du cancer et de ce fait encourager des stratégies thérapeutiques prudentes chez ces patients. L’optimisation du traitement des comorbidités peut contribuer de ce fait à un meilleur pronostic et une meilleure tolérance des traitements. Ces traitements doivent par ailleurs être choisis de manière
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Tableau II – Score de comorbidité simplifié (SCS) (25). Ce score est ensuite divisé en deux groupes : SCS > 9 ou ) 9. Comorbidité
Score attribué
Tabagisme
7
Diabète
5
Insuffisance rénale
4
Comorbidités respiratoires
1
Comorbidités cardio-vasculaires
1
Autres cancers
1
Alcoolisme
1
à ne pas trop interférer avec les comorbidités. Le tableau III résume quelques problèmes rencontrés en pratique courante. Par ailleurs, la prise en compte des interactions médicamenteuses, chez les patients polytraités dans un contexte de comorbidités multiples, doit être systématique. Par exemple, en effet, la dégradation de la fonction rénale iatrogène peut limiter le choix de la chimiothérapie ou en majorer les inconvénients, de même la grande sensibilité des inhibiteurs de kinase de l’EGFR aux interactions médicamenteuses ne peut qu’inciter à un examen prudent et méticuleux des coprescriptions. Tableau III – Impact de comorbidités fréquentes sur la sélection des traitements. Comorbidité
Impact sur le choix thérapeutique
Insuffisance rénale
Remplacer cisplatine par carboplatine
Insuffisance hépatique
Majore la toxicité de vinorelbine et taxanes
Diabète
Surveiller les corticothérapies associées : taxanes et pemetrexed
Contre-indication à l’hyperhydratation
Remplacer cisplatine par carboplatine
Angor
Risque avec la vinorelbine
Sténose bronchique et pneumonie
Risque augmenté avec les chimiothérapies leucopéniantes
Antécédents thromboemboliques artériels
Risque d’aggravation avec les anti-angiogènes
Antécédents thromboemboliques veineux
Risque incertain d’aggravation avec les antiangiogènes
Risque hémorragique et thrombopénie
Majoration des thrombopénies : carboplatine, gemcitabine
Polymédication
Risque d’interactions pharmacologiques avec erlotinib ou gefitinib
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Prise en charge du patient dans un contexte d’infection par le VIH Après l’émergence du SIDA dans les années 1980, la découverte du VIH, l’épidémie associée à ce virus, l’introduction des trithérapies antirétrovirales dans les années 90 a transformé la mortalité par SIDA mais a été accompagnée d’une augmentation de décès liés à d’autres pathologies ne faisant pas partie de la définition du SIDA, en particulier les cancers. Environ la moitié des cancers survenant chez ces patients ne sont pas liés au SIDA. Aux États-Unis et en Europe, les cancers broncho-pulmonaires sont les plus fréquents de ces cancers dans la population infectée par le VIH (29). Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas de relation évidente entre le degré d’immunosuppression et le risque de cancer bronchique, ceci en tout cas ne permet pas d’expliquer le sur-risque de cancer bronchique chez ces patients. Le risque de développer un cancer broncho-pulmonaire chez les patients infectés par le VIH est deux à six fois plus élevé que dans la population générale de même âge, de plus l’âge moyen lors du diagnostic de ce cancer n’est que de 51 ans, ce qui est bien inférieur à ce qui est observé dans la population générale (30, 31). Cette donnée est toutefois critiquée dans une publication récente qui ne note pas de différence dans les incidences des cancers bronchiques dans une population de 2 651 femmes infectées par le VIH comparée à 898 femmes non infectées (32). Lors du diagnostic, la maladie se présente plus souvent que dans la population générale sous une forme localement avancée ou métastatique, il en résulte un plus mauvais pronostic. Même si l’incidence de l’infection par le VIH diminue en France (31), les cancers broncho-pulmonaires sont les plus fréquents des cancers non viroinduits dans cette population. La prise en charge des patients infectés par le VIH et souffrant de façon concomitante d’un cancer pulmonaire localement avancé ou métastatique reste à standardiser. Plusieurs facteurs compliquent l’optimisation de cette prise en charge, d’une part, les interactions entre les traitements antirétroviraux et la chimiothérapie ou les TKI sont mal connues, les conséquences rénales de certains anti rétroviraux contrarient l’utilisation des sels de platine ; d’autre part, sur le plan de l’efficacité du traitement, le contrôle de la maladie est inférieur à ce que l’on observe dans la population générale des CBNPC, enfin probablement en partie du fait d’interactions médicamenteuses mal maîtrisées le profil de toxicité lors d’une chimiothérapie est plus mauvais que ce qu’on observe dans la population générale des CBNPC. Il y a peu d’études rapportant l’utilisation de la chimiothérapie pour un cancer bronchique chez les patients infectés par le VIH. La chimiothérapie a été utilisée pour le traitement des stades métastatiques (33-38), mais aussi en association avec la radiothérapie pour le traitement de formes localement avancées et en situation postopératoire (39).
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Des taux de progression très inhabituels de 50 à 70 % ont été rapportés (34, 40) et ont fait poser la question d’interactions médicamenteuses et d’une synergie de toxicité résultant de l’utilisation concomitante de la chimiothérapie et des traitements antirétroviraux (41). Les inhibiteurs de la reverse transcriptase non nucléosidiques – efavirenz, delaviridine, et nevirapine – sont métabolisés par le système du cytochrome P450. En ce qui concerne les inhibiteurs de protéase (ritonavir et indinavir), ils ont une forte affinité et une activité inhibitrice du cytochrome P450 3A4 (42, 43). Il en résulte de fortes interactions avec les médicaments métabolisés par cette voie tels que docetaxel, paclitaxel, vincaalcaloïdes, etoposide (44) et TKI. Didanosine, stavudine, et zalcitabine ont une toxicité neurologique comparable à celle des doublets associant cisplatine et taxanes. De façon comparable, la myélotoxicité de l’AZT est majorée lorsque ce médicament est utilisé de façon concomitante avec la chimiothérapie (46). Le risque d’infection opportuniste est bien connu dans cette population de patients, cependant il n’y a pas de données concernant le cas particulier des patients ayant aussi un cancer bronchique, cependant les infections opportunistes semblent rares (33, 34, 39, 40). Ceci n’a pas donné lieu à des recommandations spécifiques, mais le bon sens impose une surveillance mensuelle des CD4 lorsqu’une chimiothérapie est utilisée (30). L’indication d’une prophylaxie de la pneumocystose doit être surtout basée sur le nombre absolu de CD4. La radiothérapie est peut être aussi moins bien tolérée chez ces patients, avec des observations d’œsophagites sévères suivies rapidement de sténoses radiques (47, 48). Le rôle éventuel d’infections œsophagiennes opportunistes comme un déficit induit dans les mécanismes de réparation de la muqueuse pourrait éventuellement expliquer ces observations. Ces observations doivent rendre prudent quant aux associations thérapeutiques ayant un profil de toxicité important et faire préférer des options soit plus simples comme la chimio-radiothérapie séquentielle, soit l’utilisation de techniques optimisées de radiothérapie permettant une meilleure tolérance des tissus sains.
Conclusion Les patients porteurs de cancers broncho-pulmonaires cumulent souvent plusieurs fragilités, liées non seulement à l’évolution de la maladie, mais aussi à l’âge ou aux comorbidités. Une approche pragmatique tenant compte de ces fragilités et associant des traitements symptomatiques et les traitement habituels du cancer représente une potentialité d’amélioration de la qualité de vie et peut être aussi de la survie de ces patients.
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Oncologie thoracique
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Tumeurs malignes de la trachée A. Seguin, D. Radu, M.-D. Destable, P.-Y. Brillet et E. Martinod
Points essentiels • Les tumeurs malignes de la trachée sont rares. • Le diagnostic est habituellement réalisé tardivement. • L’évaluation par bronchoscopie rigide apporte des informations indispensables : type de lésion, étendue, biopsies multiples. • Le traitement apportant la meilleure survie à long terme est la chirurgie. • La chirurgie repose sur deux impératifs : – une résection complète en marges saines ; – une anastomose trachéale sans tension.
Introduction Les tumeurs malignes de la trachée sont rares. Les lésions primitives sont principalement le carcinome épidermoïde et le carcinome adénoïde kystique. Le diagnostic est habituellement retardé du fait de la latence clinique. La bronchoscopie est un examen fondamental dans le bilan préopératoire. Le traitement assurant la meilleure survie à long terme est la chirurgie (résection-anastomose trachéale). Au-delà de lésions étendues à plus de la moitié de la trachée (5-6 cm), un substitut trachéal doit être utilisé pour la reconstruction. La recherche d’un greffon trachéal idéal fait l’objet de nombreux travaux actuellement. Le traitement par bronchoscopie interventionnelle (électrocoagulation, mise en place d’endoprothèse) peut être utilisé en cas d’obstruction tumorale aiguë ou chronique, mais doit être considéré comme palliatif. La radiothérapie et/ou la chimiothérapie sont d’efficacité inconstante. J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Rappels anatomiques La trachée est un conduit fibro-cartilagineux, cervico-thoracique qui fait suite au cartilage cricoïde (C6), chemine médialement au niveau du cou, pénètre dans le thorax (T2) en occupant le médiastin moyen et se termine au niveau de la carène (T4, T5). La trachée se divise alors en une bronche souche droite (courte, orientée à 25°) et en une bronche souche gauche (longue, orientée à 45°). Les deux éléments fixes sont le cartilage cricoïde et la carène, ceci permettant de décrire de façon exacte la position des tumeurs trachéales. La trachée est constituée de 12 à 16 anneaux cartilagineux incomplets antérolatéraux, se calcifiant avec l’âge, responsables de la béance trachéale et réunis en arrière par une membraneuse fibro-musculaire élastique déformable. Sa longueur est de 12 ± 3 cm chez l’homme. Au plan microscopique, la trachée est recouverte par un épithélium pavimenteux pseudostratifié avec des cellules caliciformes et des cellules ciliées reposant sur une membrane basale épaisse. Les glandes séro-muqueuses sont situées dans le chorion et la sous-muqueuse. La trachée cervicale est vascularisée par des branches de l’artère thyroïdienne inférieure abordant latéralement la trachée et des branches trachéo-œsophagiennes. La trachée thoracique est vascularisée par des branches de l’artère thoracique interne, des artères bronchiques naissant de l’aorte directement ou d’un tronc commun intercostal et des branches trachéo-œsophagiennes. Même si les anastomoses sont multiples, la vascularisation trachéale reste néanmoins grêle. Les lymphatiques de la trachée sont présents dans la sous muqueuse et rejoignent trois nœuds lymphatiques principaux : latéro-trachéal droit, sousaortique et sous-carénaire.
Tumeurs malignes primitives de la trachée Épidémiologie Les tumeurs malignes primitives de la trachée sont rares, les obstructions tumorales des voies aériennes supérieures résultant le plus souvent de localisations secondaires. Elles représentent moins de 2 % des tumeurs malignes de l’arbre respiratoire (1). Les cancers de la trachée sont responsables de moins de 0,1 % de tous les décès par cancer (2,3). Le sex-ratio est de 7 hommes pour 3 femmes. Un carcinome épidermoïde ou un carcinome adénoïde kystique est retrouvé dans 90 % des cas avec une prédominance du carcinome épidermoïde en Europe (4, 5). Plus de 25 % des patients ayant un carcinome épidermoïde ont des antécédents de tumeurs malignes primitives pulmonaires.
Tumeurs malignes de la trachée
249
L’incidence moins importante de la localisation trachéale comparée à la localisation bronchique peut s’expliquer par le diamètre plus important de la filière trachéale et une clairance muco-ciliaire plus efficace diminuant l’exposition aux carcinogènes. Les tumeurs malignes sont exceptionnelles chez l’enfant, les lésions bénignes (hémangiome, fibrome, papillome) étant prédominantes.
Formes histologiques Il existe une disparité dans la distribution histologique des tumeurs selon que l’on se base sur des études cliniques ou épidémiologiques, ceci étant expliqué par un biais de sélection des patients candidats à une résection chirurgicale (tableaux I et II). Carcinome épidermoïde Il s’agit de la tumeur trachéale la plus fréquente chez l’adulte. Le pic d’incidence se situe entre 60 et 80 ans. Le sex-ratio est de 2 hommes pour 1 femme allant jusqu’à 4/1 selon les séries. Le tabac est l’un des facteurs de risque majeur. La plupart de ces carcinomes sont des lésions uniques mais des tumeurs synchrones ou métachrones ont été décrites. Au moment du diagnostic, un envahissement ganglionnaire et une extension aux structures médiastinales sont retrouvés dans 33 % des cas (8). Dans l’importante série de l’équipe de Grillo, la lésion était résécable chez deux tiers des patients au moment du diagnostic (9). Carcinome adénoïde kystique Les carcinomes adénoïdes kystiques de la trachée, ou cylindromes, sont des tumeurs malignes rares, qui représentent 0,1 % des cancers des voies respiratoires. Elles surviennent entre 15 et 80 ans avec un pic d’incidence vers 49 ans (6). Le sex-ratio est équilibré et le tabac n’est pas un facteur de risque retrouvé. Classiquement, les carcinomes adénoïdes kystiques de la trachée infiltrent la sous-muqueuse (fig. 1) et ont une extension plus importante que ne le laisse penser l’examen macroscopique. Cette invasion microscopique explique la positivité fréquente des recoupes extemporanées lors d’une chirurgie de résection trachéale. L’extension ganglionnaire est possible, de même que la survenue de métastases à distance. Dans une revue de 38 patients ayant un carcinome adénoïde kystique, des métastases par voie hématogènes étaient notées chez 44 % des patients et des métastases pulmonaires chez 34 % (7). Les trois quarts des tumeurs trachéales sont représentés par le carcinome adénoïde kystique et le carcinome épidermoïde. Le quart restant correspond à un groupe hétérogène de tumeurs dont le degré de malignité varie. Dans une revue sur 40 ans, Gaissert a montré que, parmi 360 tumeurs trachéales, 90 patients avaient une tumeur parmi les types histologiques décrits ci-dessous et 44 de ces lésions s’avéraient bénignes (10).
54,2 %
63 %
Gelder, 1993 (4)
Licht, 2001 (41)
7,3 %
10,6 %
6,3 %
Carcinome adénoïde kystique
10,1%
4,1 %
12,6 %
Adénocarcinome
35 %
45 %
17 %
68 %
Grillo, 1990 (42)
Regnard, 1996 (5)
Perelman, 1996 (43)
Chao, 1998 (44)
Carcinome épidermoïde
7,1 %
55 %
31 %
40 %
Carcinome adénoïde kystique
4,8 %
0,8 %
1,9 %
0,5 %
Adénocarcinome
4,8 %
2,5 %
0,8 %
2,4 %
2%
4,8 %
Carcinome anaplasique
7,3 %
4,4 %
7,4 %
Carcinome à petites cellules
Carcinome mucoépidermoïde
1,8 %
5,9 %
Carcinome à grandes cellules
Carcinome à petites cellules
Tumeurs carcinoïdes
Carcinome à grandes cellules
Tableau II – Études cliniques de l’incidence des tumeurs de la trachée.
71,6 %
Manninen, 1993 (40)
Carcinome épidermoïde
Tableau I – Études épidémiologiques de l’incidence des tumeurs de trachée.
12 %
23 %
19 %
21 %
Autres
2,1 %
Carcinome anaplasique
250 Oncologie thoracique
Tumeurs malignes de la trachée
251
Fig. 1 – Vue histologique d’un carcinome adénoïde kystique. (HES x 20)
Tumeurs carcinoïdes Les tumeurs carcinoïdes sont des tumeurs à malignité réduite et sont les troisièmes tumeurs les plus fréquentes (11). Elles se divisent en sous-types : typiques et atypiques. Elles sont décrites dans l’enfance comme à l’âge adulte. L’âge moyen de survenue est de 55 ans et c’est la tumeur bronchique la plus fréquente chez l’enfant. Homme et femme sont atteints de façon équivalente. Les tumeurs carcinoïdes atypiques sont caractérisées par des signes histologiques de nécrose et un plus haut degré de division mitotique. Néanmoins, la distinction entre forme typique ou atypique peut être difficile à déterminer en anatomopathologie. La survie à 5 ans des carcinoïdes typiques est de l’ordre de 87 % et reste stable à 10 ans. La survie à 5 et 10 ans des tumeurs carcinoïdes atypiques est, quant à elle, respectivement de 56 et 35 %. Adénocarcinome Le pic d’incidence se situe entre 50 et 80 ans avec un sex-ratio équilibré. Ce type de lésion représente 10 % de toutes les tumeurs malignes de la trachée (7) sans inclure les tumeurs de la bronche souche étendues à la partie basse de la trachée. Carcinome indifférencié à grandes cellules (anaplasique) Il représente de 0 à 21 % des tumeurs malignes primitives trachéales selon les séries de la littérature. L’âge moyen de survenue est de 60 ans. Le tabac est un facteur de risque prouvé.
252
Oncologie thoracique
Carcinome neuroendocrine à grandes cellules Il s’agit d’une tumeur neuro-endocrine de haut grade qui peut être prise de manière erronée en histologie pour une tumeur carcinoïde typique ou atypique mais qui possède un pronostic beaucoup moins favorable. Une seule étude a été publiée sur ce type de tumeur localisée au niveau trachéal, possiblement du fait de sa rareté et de sa mauvaise classification dans certaines séries en tumeurs carcinoïdes. L’âge moyen de survenue se situe entre 35 et 75 ans. Le tabagisme est le facteur de risque principal. Carcinome à petites cellules Il s’agit d’une tumeur neuro-endocrine de haut grade également. Relativement fréquente au niveau bronchique, sa localisation trachéale est beaucoup plus rare. Dans les deux plus grandes séries de tumeurs de la trachée, son incidence est de 6 à 7 % (3). Un syndrome paranéoplasique peut être mis en évidence avec une hypophosphatémie et une sécrétion ectopique d’ACTH entraînant un syndrome de Cushing. Cette tumeur est celle qui a le plus mauvais pronostic parmi les tumeurs malignes primitives de la trachée. Carcinome mucoépidermoïde Il s’agit d’une tumeur maligne primitive apparentée aux tumeurs malignes salivaires et prenant naissance à partir des glandes de la sous-muqueuse trachéale. À cause de sa rareté, peu de séries ont été rapportées sur cette entité. Les données démographiques et épidémiologiques manquent donc toujours. Elle semble survenir chez l’enfant comme chez l’adulte, voire l’adulte âgé. Les tumeurs de bas grade représentent plus de 90 % des cas et plus de la moitié d’entre elles surviennent chez des individus de moins de 30 ans. Les tumeurs de haut grade représentent 10 % des cas et surviennent chez des patients âgés de plus de 30 ans. Mélanome malin Le mélanome malin est dans plus de 90 % des cas une tumeur cutanéomuqueuse. La localisation primitive extracutanée et en particulier l’atteinte initiale des voies aériennes sont exceptionnelles. Le diagnostic d’une localisation primitive est extrêmement difficile à affirmer, puisqu’un mélanome cutané pourrait régresser après avoir métastasé. Les données récentes de la littérature internationale ont rapporté moins de 20 cas de mélanome malin primitif broncho-pulmonaire et trachéal (12, 13).
Tumeurs malignes de la trachée
253
Présentation clinique Les signes peu spécifiques (dyspnée, toux, hémoptysie, wheezing) expliquent que la latence clinique soit très souvent supérieure à un an et que l’extension tumorale soit importante lorsque le diagnostic est posé. Une tumeur maligne doit être suspectée chez un adulte jeune présentant une symptomatologie d’asthme ou de difficulté respiratoire d’apparition récente et doit imposer la réalisation d’une fibroscopie, notamment en cas de non-réponse à la thérapie par bronchodilatateur. La survenue d’hémoptysie oriente vers un carcinome épidermoïde mais peut se rencontrer pour des carcinomes adénoïdes kystiques et également pour des tumeurs bénignes ou malignes d’autre étiologie. La dysfonction d’une corde vocale peut être associée à une tumeur trachéale quelle que soit sa localisation. La présence d’une dysphagie est inhabituelle et oriente vers une tumeur localement avancée.
Examens complémentaires Radiographie Le premier examen à réaliser chez un patient ayant une suspicion de tumeur de la trachée est la radiographie thoracique standard (face et profil). Elle est, cependant, le plus souvent normale. En effet, les autres structures médiastinales se superposent à la trachée et empêchent la visualisation des différents segments. Néanmoins, certaines anomalies peuvent être identifiées sur la radiographie thoracique standard : une formation tumorale intraluminale à contour lisse ou irrégulier ou une déformation des bords du médiastin, en cas de tumeur présentant un développement extraluminal important (14). Avant les années 1980, afin d’améliorer l’exploration radiologique de la trachée, des techniques de tomographie coronale et de trachéo-bronchographie avaient été mises au point. À l’époque actuelle, ces méthodes ont été remplacées par l’imagerie par tomodensitométrie (TDM).
Imagerie par tomodensitométrie L’examen TDM thoracique est obligatoire dans le cadre du bilan diagnostique des cancers de la trachée. Son but est de déterminer l’étendue de la tumeur (fig. 2) et, par conséquent, la longueur de la résection éventuelle, ainsi que l’ampleur de l’extension extratrachéale (invasion des structures adjacentes, présence de métastases) (15).
254
Oncologie thoracique
Fig. 2 – TDM cervico-thoracique en coupe coronale montrant une lésion tumorale bourgeonnante développée au dépend de la paroi postérieure de la trachée.
Les avancées technologiques, avec notamment, l’introduction de la TDM multidétecteur (multidetector/multislice computed tomography ou MDCT), permettent la réalisation de reconstructions volumétriques tridimensionnelles et même des bronchoscopies virtuelles (fig. 3). L’examen TDM n’apporte pas beaucoup d’informations concernant le type histologique, car les caractéristiques radiologiques des différentes tumeurs sont souvent superposables (15). À l’examen TDM, le carcinome épidermoïde se développe souvent à partir de la paroi postérieure de la trachée et peut apparaître comme une formation tumorale polypoïde ou sessile avec un contour irrégulier, un épaississement excentrique de la paroi trachéale ou rarement comme un épaississement irrégulier circonférentiel (15, 16). Le carcinome adénoïde kystique peut apparaître comme une masse intraluminale s’étendant à travers la paroi trachéale ou comme un épaississement irrégulier ou circonférentiel de la trachée (14). Le carcinome mucoépidermoïde, tumeur rare des glandes salivaires de l’arbre trachéo-bronchique, apparaît comme un nodule intraluminal ovalaire ou multilobé qui suit dans son développement l’arborescence des voies respiratoires. Il se développe rarement au niveau de la trachée ou des bronches principales, étant le plus souvent l’apanage des bronches segmentaires. À l’examen TDM, cette tumeur est homogène et présente un rehaussement faible à l’administration de produit de contraste (17).
Tumeurs malignes de la trachée
255
Fig. 3 – Endoscopie virtuelle en vue supérieure montrant une surélévation de la membraneuse postérieure évoquant un processus tumoral. Il s’agit de la même lésion que la figure 2.
Fig. 4 – Technique de résection - anastomose trachéale.
Les tumeurs carcinoïdes se localisent généralement au niveau des bronches principales et à proximité des bifurcations bronchiques. À l’examen TDM, elles se présentent comme un nodule (rond ou ovalaire) ou sous la forme d’une masse à contours polylobés. La composante intraluminale peut être importante dans les tumeurs carcinoïdes de localisation centrale, avec atélectasie ou condensation parenchymateuse sous-jacente (18). Néanmoins, ces tumeurs peuvent se présenter sous la forme de « tumeur iceberg », avec une partie extraluminale
256
Oncologie thoracique
bien plus développée (16). Les tumeurs carcinoïdes sont bien vascularisés et présentent en général un rehaussement important après l’injection de produit de contraste (16, 18).
Imagerie par résonance magnétique Elle est moins utilisée pour les tumeurs trachéales, car les informations apportées sont équivalentes à celles obtenues par TDM multidétecteur dont l’acquisition est beaucoup plus rapide (environ 20 secondes en TDM par rapport à des durées qui peuvent atteindre 1 heure en IRM). L’examen IRM est indiqué dans certaines situations : patient présentant une allergie au produit de contraste, insuffisance rénale sévère. Il peut être aussi envisagé chez des enfants nécessitant des examens à répétition, afin d’éviter l’exposition successive à des radiations ionisantes (15).
TEP-TDM La plupart des tumeurs malignes primitives trachéales fixent le 18F-fluorodésoxyglucose (FDG). L’absorption du FDG est moindre pour les tumeurs carcinoïdes et les carcinomes adénoïdes kystiques et mucoépidermoïdes de bas grade (16).
Fibroscopie bronchique Il s’agit d’un examen essentiel dans le cadre du bilan d’une tumeur de la trachée. Elle est réalisée en général après l’exploration radiologique et permet d’effectuer des biopsies de la tumeur et d’informer sur l’étendue de la lésion.
Bronchoscopie rigide Néanmoins, c’est la bronchoscopie rigide qui apporte le plus d’informations sur l’extension intraluminale de la tumeur, l’exploration étant de meilleure qualité et les mesures plus précises. Cet examen est réalisé sous anesthésie générale avant l’intervention chirurgicale (19). En plus de l’exploration endotrachéale et de multiples biopsies, elle peut permettre la résection partielle de tissu tumoral en cas d’obstruction aiguë, la dilatation de sténoses tumorales ou la mise en place d’endoprothèses en cas de fistule œso-trachéale. D’autres examens complémentaires peuvent être utiles dans certains cas particuliers : la laryngoscopie en cas de tumeur qui remonte dans la région sous-glottique ou en cas de suspicion clinique de paralysie de corde vocale (20),
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la fibroscopie œsophagienne en cas de suspicion d’atteinte ou de déformation de l’œsophage par la tumeur (19). La médiastinoscopie a peu d’intérêt dans l’exploration des tumeurs de la trachée, car la présence d’un envahissement ganglionnaire latéro-trachéal ne contre-indique pas l’exérèse chirurgicale. De plus, par l’apparition d’adhérences, elle peut nuire à un éventuel traitement chirurgical ultérieur. Néanmoins, en cas de suspicion d’atteinte d’autres structures médiastinales, on peut envisager de réaliser une médiastinoscopie exploratrice comme premier temps de l’intervention d’exérèse (19). Dans le cadre du bilan d’extension d’une tumeur maligne primitive trachéale, l’évaluation radiologique doit prendre en compte les organes suivants à la recherche de métastases : les poumons, le cerveau, les glandes surrénales, le foie et le squelette osseux (20). Le bilan d’extension d’une tumeur primitive de la trachée devrait donc comprendre : un examen TDM thoracique et de l’abdomen supérieur, un examen TDM ou IRM cérébral et un TEP-TDM. L’examen ORL parfois complété d’une laryngoscopie est obligatoire.
Traitement et pronostic Les problèmes posés par le traitement des pathologies de la trachée ont été progressivement résolus, sous l’impulsion de l’équipe de Grillo, pour permettre, de nos jours, une chirurgie trachéale parfaitement standardisée pour les lésions inférieures à 5-6 cm (21-25). La technique chirurgicale de référence est la résection-anastomose trachéale (fig. 4). Après résection trachéale en zone saine (avec vérification anatomopathologique extemporanée), une anastomose « bout-à-bout » est réalisée, idéalement par surjet sur la membraneuse et points séparés sur le cartilage au fil résorbable. Des techniques de plastie trachéale ont été décrites pour lutter contre d’éventuelles incongruences. Des techniques de mobilisation laryngée ou médiastinale sont également utilisées pour diminuer le risque de tension anastomotique et donc de fistule. Cette chirurgie nécessite une très bonne évaluation des risques (comorbidités) en préopératoire et une préparation intensive des malades sur le plan respiratoire. Après résection chirurgicale, la mortalité postopératoire est inférieure à 10 % en cas de lésion uniquement trachéale mais supérieure à 10 % lorsque la carène est envahie. La chirurgie reste le traitement de choix, la survie à cinq ans des carcinomes adénoïdes kystiques et des carcinomes épidermoïdes étant respectivement de 64 % et 46 % en cas de résection, de 44 % et 8 % en son absence. Le caractère complet de la résection (R0) est le principal facteur de survie pour les carcinomes adénoïdes kystiques et les carcinomes épidermoïdes dont la survie est respectivement de 84 % et 52 % à cinq ans en cas de résection R0, de 50 % et 13 % en cas de résection R1. Une radiothérapie adjuvante peut être proposée en cas de limites chirurgicales positives ou d’envahissement ganglionnaire. Bien
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que la chirurgie soit le traitement de référence de ces tumeurs, près d’un tiers des malades est récusé d’emblée pour une résection, essentiellement en raison de l’importance de l’extension locorégionale ou de la présence de métastases ganglionnaires ou pulmonaires. Même si la reconstruction par anastomose directe termino-terminale a bénéficié du développement des techniques de mobilisation trachéale, on considère qu’il est impossible ou à très haut risque de réséquer plus de la moitié de la longueur trachéale chez l’adulte (et du tiers chez l’enfant). Quand la lésion ne peut être traitée par chirurgie curative, une radiothérapie et/ou une chimiothérapie, considérées comme palliatives car d’efficacité très inconstante, peuvent être discutées. La désobstruction par endoscopie interventionnelle avec mise en place d’endoprothèses trachéales permet, enfin, de faire face à certaines situations aiguës d’obstruction des voies aériennes.
Traitement des lésions étendues Le traitement des lésions étendues reste pour la plupart des équipes un traitement palliatif, le problème du remplacement trachéal au-delà de 5-6 cm de résection n’étant pas résolu. Malgré de nombreuses recherches expérimentales, le substitut idéal ne semble pas encore trouvé. Cependant, l’utilisation d’un greffon aortique rigidifié par une endoprothèse provisoire en silicone comme substitut trachéal a conduit, chez l’animal, à une régénération tissulaire inattendue sous la forme d’une « néo-trachée » fonctionnelle comprenant un épithélium respiratoire et du cartilage (26-30). Ces résultats encourageants ont mené aux premières applications cliniques chez des malades ayant des tumeurs malignes étendues de la trachée jusqu’alors incurables (25, 31). Même s’il faut rester prudent, il est légitime de se demander, comme l’a fait la revue Chest, si le substitut trachéal idéal, le « saint Graal » tant convoité, n’est pas entre nos mains (32). Le problème actuel est l’absence de régénération cartilagineuse fonctionnelle chez l’homme, ce qui conduit au maintien de l’endoprothèse de soutien avec un risque non négligeable de complications à long terme (25). Par ailleurs, une première implantation chez l’homme, d’un greffon trachéobronchique issu de l’ingénierie tissulaire a été rapportée en Europe pour le traitement d’une lésion post-tuberculeuse (32). Cette nouvelle technique ne semble pas encore pouvoir être proposée dans le cadre des lésions cancéreuses, ce qui pose un grand problème pour son avenir. Ces deux voies qui semblent opposées se rejoignent en fait dans leur seul but, celui d’obtenir une régénération trachéale, quelle soit in vivo ou in vitro. Même s’il est difficile de prédire l’avenir, il est probable que le substitut trachéal idéal sera le fruit des études réalisées selon ces deux directions. Les travaux de recherche fondamentale et clinique doivent donc être amplifiés en ce domaine, pour, d’une part, offrir un traitement chirurgical standardisé aux lésions trachéales complexes et, d’autre part, développer la régénération trachéale in vivo ou in vitro.
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Tumeurs malignes secondaires de la trachée La trachée peut être le siège de tumeurs malignes secondaires, soit par envahissement locorégional, soit par localisation métastatique.
Envahissement locorégional Il s’agit en général d’un envahissement locorégional par des tumeurs médiastinales provenant des organes voisins (thyroïde, larynx, œsophage et poumon). L’origine extratrachéale de ces cancers peut être prouvée à l’examen TDM (16, 34).
Carcinome du larynx L’extension d’un carcinome laryngé au tiers supérieur de la trachée est fréquente. Le traitement reste la résection chirurgicale (laryngectomie avec trachéotomie). La survenue d’une récurrence locale au niveau de la trachéotomie peut être traitée par trachéostomie médiastinale ou le plus souvent par irradiation et/ou chimiothérapie en cas d’impossibilité de résection chirurgicale itérative.
Carcinome thyroïdien Les carcinomes différenciés de la thyroïde sont constitués par plus de 90 % de carcinomes papillaires et moins de 10 % de carcinomes vésiculaires. Ils se présentent souvent comme une maladie focale confinée dans la capsule thyroïdienne. La fréquence de l’envahissement laryngo-trachéal varie entre 0,6 et 21 % selon les auteurs (35). L’extension laryngo-trachéale se fait du périchondre vers la muqueuse par contiguïté ou par l’intermédiaire du riche réseau lymphatique paratrachéal. Lorsque cette atteinte est suspectée, une panendoscopie doit être réalisée pour apprécier l’extension intraluminale (larynx, trachée et œsophage) avant le geste de résection chirurgicale. La classification histologique, selon l’American Joint Commission on Cancer (36) détermine les quatre stades d’extension tumorale du périchondre vers la muqueuse laryngo-trachéale. Le stade I correspond à une invasion du périchondre, respectant les cartilages, le stade II à une invasion cartilagineuse ou des ligaments inter-annulaires, le stade III à une extension sousmuqueuse et le stade IV à une extension muqueuse ou intraluminale. Le traitement des carcinomes différenciés de la thyroïde étendus à l’axe laryngo-trachéal associe la chirurgie, l’iode radioactif 131, l’hormonothérapie substitutive à vie et éventuellement la radiothérapie externe. L’attitude adoptée vis-à-vis de l’extension laryngo-trachéale est controversée. Certains auteurs proposent une exérèse tumorale macroscopiquement incomplète épargnant l’axe laryngo-trachéal, complétée par l’iode 131 et/ou la radiothérapie externe (37). D’autres réalisent une résection chondro-muqueuse en zone saine avec ou sans reconstruction.
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Les patients qui présentent une récidive locale d’un carcinome thyroïdien après résection chirurgicale sont le plus souvent symptomatiques avec une dyspnée en raison de l’obstruction trachéale et parfois des hémoptysies récidivantes. Grillo et al. ont souligné l’importance d’une nouvelle résection chirurgicale qui peut être curatrice dans certains cas et qui, lorsqu’elle n’est que palliative, permet cependant d’amender les symptômes (38).
Cancer de l’œsophage L’atteinte trachéale dans les cancers de l’œsophage se manifeste le plus souvent par une fistule œso-trachéale. Deux approches sont discutées : endoprothèse œsophagienne et gastrostomie pour alimentation ou résection chirurgicale et reconstruction par coloplastie ou gastroplastie associée à une résection trachéale segmentaire (39) qui présentent une morbi-mortalité élevée.
Lésions métastatiques Il s’agit le plus fréquemment de métastases hématogènes : mélanomes, cancer mammaire, carcinome rénal, cancer colique et hépatocellulaire (16). L’aspect TDM de ces lésions est souvent celui d’une tumeur polypoïde de tissu mou, unique ou parfois multiple (18). Le traitement repose sur la résection tumorale sous bronchoscopie rigide pour traiter l’obstruction luminale associée à un traitement systémique par radio- et/ou chimiothérapie en fonction de la lésion primitive.
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Tumeurs médiastinales S. Peters
Points essentiels • Les tumeurs médiastinales représentent un groupe hétérogène de pathologies oncologiques. • Chaque type tumoral se localise préférentiellement dans un des trois compartiments médiastinaux. • L’histoire clinique, les examens radiologiques ainsi que paracliniques aident à orienter le diagnostic différentiel. • Le diagnostic pathologique est délicat et requiert le plus souvent une biopsie de bonne qualité. • Les thymomes, lymphomes, tumeurs germinales et tumeurs neurogènes sont les pathologies oncologiques les plus souvent rencontrées chez l’adulte.
Introduction Le médiastin s’étend sur toute la hauteur de la cage thoracique, rencontrant latéralement comme frontières le sternum, les corps vertébraux et la plèvre. Il comprend donc de multiples structures vitales, notamment le cœur, les gros vaisseaux artério-veineux et l’œsophage. Classiquement, il est subdivisé en trois compartiments distincts – soit ses parties antérieure, moyenne et postérieure – dans le but de faciliter la catégorisation des tumeurs s’y trouvant. Celles-ci représentent un groupe hétérogène de pathologies oncologiques, congénitales ou inflammatoires, qui diffèrent en fréquence entre les enfants et les adultes, sur lesquels nous focaliserons cette revue. Globalement, les kystes bénins, thymomes et tumeurs neurogènes représentent plus de 60 % des masses médiastinales, alors que les lymphomes, tumeurs germinales et maladies granulomateuses en représentent 30 % (1). Deux tiers des tumeurs médiastinales sont donc de nature bénigne. J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Compartiments médiastinaux et pathologies associées Le médiastin antérieur se situe entre le sternum et le péricarde, incluant, outre du tissu adipeux, le thymus ainsi que de multiples ganglions lymphatiques. Les lésions les plus fréquemment rencontrées en cette localisation, représentant la moitié des tumeurs médiastinales, sont les thymomes, les lymphomes et les tumeurs germinales. On y rencontre également des goitres thyroïdiens thoraciques, des lésions parathyroïdiennes (adénomes, carcinomes ou kystes) ou des simples kystes congénitaux (brochogéniques, péricardiques entériques ou thymiques). Plus rarement, des tumeurs ayant pour origine le tissu conjonctif, tels lipomes, liposarcomes ou hémangiomes se localisent dans le médiastin antérieur, et doivent faire partie du diagnostic différentiel. Intéressement, chez l’adulte, les masses situées dans cette partie du médiastin sont le plus souvent malignes, contrairement à celles situées dans les autres compartiments médiastinaux (2). Le médiastin moyen est défini comme un espace limité par le péricarde antérieurement et sa réflexion postérieurement, comprenant donc le cœur, les gros vaisseaux, la trachée et des ganglions lymphatiques. Les masses localisées dans cette fenêtre consistent le plus souvent en un goitre ou une tumeur thyroïdienne, une tumeur bronchique ou trachéale (fig. 1), un lymphome, un paragangliome ou un kyste bronchogénique. Les adénopathies médiastinales d’origine diverse (infectieuses, tumorales, sarcoïdose) peuvent également former une masse identifiable à ce niveau.
Fig. 1 – CT-scanner thoracique d’une femme de 51 ans, se présentant avec toux, dyspnée et syndrome de la veine cave supérieure. Diagnostic : cancer pulmonaire non à petites cellules peu différencié.
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Le médiastin postérieur s’étend jusqu’au bord postérieur des corps vertébraux. Il représente en conséquence la siège de l’aorte descendante, de l’œsophage, du canal thoracique, du nerf vague, de la chaîne sympathique et à nouveau de ganglions lymphatiques. Les tumeurs les plus souvent rencontrées proviennent de l’œsophage ou sont d’origine neurogène. On relèvera pour finir que les masses médiastinales transgressent les frontières de ces compartiments lors de leur croissance progressive.
Présentation clinique des tumeurs médiastinales Étonnamment, la plupart des masses médiastinales chez l’adulte sont asymptomatiques au moment de leur découverte. Cependant, les tumeurs malignes sont significativement plus souvent accompagnées de symptômes (2). Quand il ne s’agit pas d’une découverte radiologique fortuite, les tumeurs médiastinales se manifestent le plus souvent, du moins initialement, par des douleurs mal définies, un sentiment d’oppression thoracique, de dyspnée ou encore une toux. La tumeur progressant, les douleurs croissantes s’accompagnent de symptômes compressifs locaux, au niveau des voies digestives ou respiratoires, parfois accompagnés d’hémoptysies ou encore de surinfection pulmonaire. L’invasion du nerf vague ou du nerf récurrent gauche peut respectivement engendrer une paralysie d’un hémi-diaphragme ou de la corde vocale. L’invasion du ganglion sympathique supérieur (stellaire) peut engendrer un syndrome de Horner. L’atteinte du canal thoracique peut engendrer un chylothorax. Pour finir, dans certains cas de tumeurs localement avancées, on relève la présence d’un syndrome de la veine cave supérieure, ou encore de symptômes neurologiques par atteinte radiculaire ou médullaire. En fonction de la nature tumorale, on peut parfois rencontrer certaines symptomatologies systémiques spécifiques qu’il conviendra de rechercher, tels les symptômes B du lymphome, la myasthénie grave ou l’aplasie érythrocytaire associées au thymome, le syndrome de Cushing dans le carcinoïde thymique, l’hyperthyroïdie du goitre thyroïdien fonctionnel ou encore une hyperparathyroïdie liée à un adénome.
Évaluation radiologique des tumeurs médiastinales La localisation tumorale ainsi que l’histoire clinique de chaque patient permettent souvent d’orienter le médecin vers une possible étiologie tumorale. De surcroît, l’âge du patient permet d’affiner la suspicion clinique de tumeur maligne, les lymphomes et les tumeurs germinales étant le plus souvent diagnostiqués entre 18 et 40 ans. Les tumeurs neurogènes ou d’origine thymique sont au contraire le diagnostic le plus souvent retenu dans les autres classes d’âge, y compris l’enfance.
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Les examens radiologiques sélectionnés en fonction de la suspicion clinque doivent permettre encore de restreindre le champ des diagnostics différentiels. Une radiographie thoracique est souvent l’examen qui met initialement en évidence la masse, permettant de définir le compartiment occupé et d’évaluer sa taille. Cependant, l’examen de choix reste le scanner thoracique (computed tomography ou CT-scan) avec produit de contraste iodé, qui permet une localisation et délimitation précise de la tumeur, puis de visualiser ses rapports aux différentes structures médiastinales (vaisseaux, trachée, œsophage), et enfin de juger de ses caractéristiques tissulaires (3) (graisse, calcifications, composante liquidienne, prise de contraste). L’ultrason peut s’avérer contributif à discriminer une masse adjacente aux structures cardiaques, alors que l’IRM sert spécifiquement à l’évaluation des tumeurs neurogènes, due à son acuité dans les divers plans de l’espace, ainsi que sa capacité à évaluer la présence d’une extension tumorale au niveau du sac dural. Par ailleurs, plusieurs agents radiomarqués peuvent être d’une contribution substantielle. En effet, la scintigraphie à l’iode 123 ou 131 peut permettre de reconnaître et de circonscrire du tissu thyroïdien ectopique ; le sestamibi permet de reconnaître les adénomes parathyroïdiens et le (123-I) métaiodobenzylguanidine (MIBG) les paragangliomes. Évidemment, le 18-fluorodésoxyglucose-positron emission tomography (18FDG PET) combiné le plus souvent de nos jours avec un CT-scan a pris une place majeure dans l’oncologie médicale quotidienne. Il trouve notamment une place incontournable dans l’évaluation initial du lymphome hodgkinien ou non hodgkinien dans sa variante agressive, dans le bilan d’extension locale et à distance d’une tumeur œsophagienne, trachéale ou bronchique. Le PET/CT permet également parfois de préciser le stade de certains cancers thyroïdiens de même que certains lymphomes indolents de grade intermédiaire à haut. Il peut également servir à différencier une hyperplasie thymique d’un thymome, et à prédire la malignité des tumeurs thymiques (4) (fig. 2).
Fig. 2 – Scanner et 18-FDG PET/CT d’un homme de 58 ans investigué pour asthénie, perte de poids, état fébrile fluctuant et dyspnée. Diagnostic : carcinome thymique.
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Évaluation biologique des tumeurs médiastinales Certains marqueurs biologiques caractérisent des entités médiastinales spécifiques. Par exemple, l’_-fœtoprotéine et la `-HCG doivent être dosées dans l’hypothèse d’une tumeur germinale chez le jeune adulte male, alors que les anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine peuvent être présents en cas de myasthénie sur thymome, parfois pauci-symptomatique. Une sécrétion ectopique d’ACTH peut être trouvée dans certains cas de carcinoïde thymique, accompagnée d’un haut taux de cortisol et une hypokaliémie. Pour finir, certaines valeurs biologiques sont essentielles à des fins pronostiques, par exemple le dosage de la lactate-déshydrogénase (LDH) dans les tumeurs germinales et les lymphomes non hodgkiniens, le taux d’hémoglobine, le compte leucocytaire, l’albumine et la C-reactive protein (CRP) dans les lymphomes hodgkiniens.
Diagnostic pathologique des tumeurs médiastinales En fonction de leur localisation, l’obtention de matériel tumoral à fin diagnostique sera achevée à l’aide d’interventions plus ou moins invasives. Il doit néanmoins rester à l’esprit du prescripteur de la biopsie qu’une quantité suffisante de matériel devrait être prélevée lors du premier geste. Un examen à l’aiguille fine (cytoponction) reste le plus souvent insuffisant à conclure sur la nature d’un lymphome, souvent également concernant d’autres tumeurs, lui préférant une biopsie par exemple de type tru-cut (en carotte). Un examen extemporané peut s’avérer utile, surtout dans le cas de tumeurs fortement nécrosées, pour confirmer le prélèvement d’un matériel représentatif en quantité satisfaisante, ou encore de juger de marges de résection. Néanmoins, l’examen extemporané possède à lui seul une puissance diagnostique médiocre, tant il est vrai qu’il mène trop souvent initialement à un diagnostic erroné (5). En effet, les tumeurs médiastinales font partie des lésions de diagnostic pathologique des plus complexes, en premier lieu parce que de nombreuses et diverses pathologies, dont certaines tumeurs rares, peuvent avoir leur siège au niveau médiastinal. De surcroît, comme évoqué précédemment, la quantité et la qualité du matériel prélevé sont autant de facteurs limitants. Concernant les masses médiastinales antérieures, une biopsie tru-cut transthoracique peut être réalisée sous contrôle scanographique ou plus rarement ultrasonographique. Les complications les plus fréquentes sont alors le pneumothorax ou encore des hémoptysies. Néanmoins, certains gestes sont rendus difficiles par la localisation tumorale (par exemple proximité de gros vaisseaux, du cœur, interposition de tissu pulmonaire très emphysémateux). On favorisera alors la réalisation d’une médiastinoscopie parasternale antérieure (de type « Chamberlain ») sous anesthésie générale. Les tumeurs médiastinales moyennes sont accessibles dans la plupart des situations par médiastinoscopie, sous anesthésie générale. Néanmoins,
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à nouveau, certains sites spécifiques d’accès peu aisé par cette méthode sont biopsiés par EBUS (Endobronchial Ultrasound) ou EUS (Endo-oesophageal Ultrasonography), même si ce type d’examen, relativement coûteux, ne permet le plus souvent qu’un prélèvement à l’aiguille fine, qu’il n’est pas pratiqué dans tous les centres et reste très dépendant de l’expérience du médecin en charge. Les tumeurs médiastinales postérieures sont, quant à elles, accessibles par ponction transthoracique, ou encore, dans certaines localisations plus centrales, à nouveau par EBUS ou EUS, avec les réserves sus-mentionnées, sous anesthésie locale ou générale. Pour finir, lorsqu’une biopsie semble difficile à réaliser par les moyens évoqués précédemment ou qu’elle s’avère non conclusive, un prélèvement reste possible par VATS (Video-Assisted Thoracoscopic Surgery), sous anesthésie générale. Cette approche a pour avantage d’être potentiellement curative dans le cas de tumeurs bénignes, et peut donc être choisie préférentiellement dans des cas de forte suspicion de tératome mature ou de thymome débutant. En revanche, cette méthode présente un risque de dissémination tumorale dans la cavité thoracique et/ou pleurale, notamment due à l’incision pleurale, qui doit être pris en compte dans le cas de suspicion de tumeur épithéliale ou germinale maligne.
Prise en charge et traitement des principales tumeurs médiastinales de l’adulte Le pronostic d’une tumeur médiastinale est très variable en fonction de sa nature, de même que les traitements proposés, allant de l’observation à la résection chirurgicale, incluant ou non la chimiothérapie ou la radiothérapie. Nous allons passer en revue les types de tumeurs les plus fréquentes chez l’adulte, en spécifiant leurs caractéristiques et leur prise en charge classique.
Thymomes et carcinomes thymiques Les thymomes sont à l’origine de 20 % des masses médiastinales chez l’adulte, et 50 % des masses médiastinales antérieures, sans variation liée au sexe, ethnique ou géographique significative. Identifiées le plus souvent entre 50 et 60 ans (6), la plupart des tumeurs thymiques (60-90 %) sont de nature bénigne (7). Elles sont fréquemment associées à une symptomatologie systémique, telle qu’une myasthénie – détectable chez 30-50 % des patients –, une aplasie érythrocytaire, une hypogammaglobulinémie, une polymyosite et, plus rarement, un lupus érythémateux disséminé, une polyarthrite rhumatoïde ou encore une thyroïdite (8). Les patients peuvent présenter des symptômes locaux, tels que toux, dyspnée, fièvre, anorexie et dysphagie.
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Il s’agit d’une tumeur solide, le plus souvent encapsulée, d’évolution relativement lente, dont environ un tiers peut contenir une composante hémorragique, nécrotique ou kystique. Les thymomes sont des tumeurs caractérisées par le mélange de cellules épithéliales et de lymphocytes matures. Ils sont classifiés en fonction de leurs composantes cellulaires prédominantes – fusiformes, lymphocytaires, épithéliales et de leur atypies cellulaires, en sous-types médullaire (A), mixte (AB), cortical (B1-2) ou carcinome bien différencié (B3) (9, 10). Cette classification du World Heath Organization (11) contribue à prédire la survie et choisir le traitement adéquat (12). Alors qu’en termes histologiques, ils présentent peu d’atypies, il n’existe pas de définition claire concernant leur nature bénigne ou maligne. La notion d’agressivité repose principalement sur la capacité tumorale à envahir les structures adjacentes (poumons, médiastin) ou encore à s’étendre à la plèvre, au péricarde ou transgresser le diaphragme (13), favorisant aujourd’hui la terminologie de « thymome invasif » (14). La dissémination hématogène ou lymphatique reste en revanche rare (15). Les vrais carcinomes thymiques, plus rares, présentent quant à eux un haut degré d’atypies cellulaires, avec de nombreuses mitoses et de la nécrose, et se comportent comme des tumeurs malignes invasives, le plus souvent accompagnés de symptômes au niveau des localisations tumorales, mais moins souvent paranéoplasiques. L’extension au niveau de la capsule, ainsi que thoracique et extrathoracique, détermine le stade des tumeurs thymiques, corrélé au risque de récidive et au pronostic. Le système de stadification de Masaoka est le plus souvent utilisé, et représente un facteur prédictif indépendant de survie (16). Les autres facteurs pronostiques connus sont la qualité de la résection, l’invasion des gros vaisseaux et l’indice de performance. Radiologiquement, les thymomes sont des masses bien délimitées dans un lobe thymique, mesurant le plus souvent entre 5 et 10 cm (13). Un scanner thoracique et abdominal est requis afin de juger de l’extension précise de la maladie. La base du traitement repose sur une résection complète (17). Les thymomes encapsulés récidivent rarement (<10 %), parfois après une longue latence. Dans les tumeurs localement avancées, une chimiothérapie préopératoire, néo-adjuvante, peut être préconisée, avec d’excellents résultats sur de petites séries de patients reportées (18). La survie à 5 ans des thymomes invasif est évaluée à 60-70 %, en comparaison à une survie de 75-90 % dans les cas non invasifs (13, 19, 20). En cas de résection incomplète ou de tumeur invasive (de façon plus débattue) (21), une radiothérapie adjuvante est habituellement recommandée (22). Un traitement de radiothérapie peut parfois être combiné à la chimiothérapie dans les cas de maladie encore localisée, où une chirurgie n’est pas envisageable. Les thymomes sont des tumeurs chimiosensibles, avec des taux de réponse jusqu’à 50 % (23), en ayant recours principalement au cisplatine et aux anthracyclines. Dans le cas de maladies disséminées, la survie à 5 ans reportée varie entre 20-60 % (23, 24). La survie reste moindre dans les cas de carcinomes thymiques (25).
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Lymphomes Les lymphomes sont une cause fréquente de masse médiastinale, représentant une localisation primaire ou une manifestation d’une maladie disséminée (26). Tant les lymphomes hodgkiniens que non hodgkiniens, en particulier de type diffus à grandes cellules B (27) ou lymphoblastiques (28), peuvent avoir une telle localisation, avec une incidence distincte. Les lymphomes sont habituellement stadifiés selon la classification de Ann Arbor (29-31).
Lymphomes de Hodgkin Le lymphome de Hodgkin (LH) présente deux pics d’incidence, soit les adolescents/adultes jeunes et les plus de 50 ans, touchant tant les femmes que les hommes. Le LH affecte dans deux tiers des cas l’étage thoracique au diagnostic (32) et est en conséquence à l’origine de 50-70 % des masses lymphomateuses médiastinales (33). La mise en évidence d’une masse médiastinale dans le LH concerne statistiquement des patients plus jeunes que la population globale touchée par cette maladie (33). Le lymphome de Hodgkin classique, de type sclérose nodulaire, semble avoir une propension spécifique à infiltrer le thymus. Cette variante affecte quant à elle deux fois plus les femmes (34), alors que l’infiltration thymique précitée par ce sous-type de LH touche étonnamment plus les hommes (35). De façon générale, la plupart des LH sont localisés au niveau sus-diaphragmatique (34, 36) et l’atteinte extranodale reste rare (< 10 %) au diagnostic. Sur le plan clinique, les patients affectés par un LH présentent souvent des adénopathies palpables dans d’autres aires ganglionnaires, notamment au niveau cervical ou sus-claviculaire (fig. 3). Un tiers d’entre eux décrit la présence de symptômes B classiques (fièvre de Pel-Ebstein, perte de poids et transpiration nocturne). Les signes de compression locale, y compris le syndrome de la veine cave, ou encore les complications respiratoires (toux, sibilances) sont rarement rencontrés. Pathologiquement, le LH se présente comme un conglomérat d’adénopathies, qui peut présenter parfois des zones de nécroses ou d’hémorragie, ou encore une nature kystique concernant les masses thymiques. Il possède une composition cellulaire unique, contenant une minorité de cellules tumorales B de Reed-Sternberg dans un stroma inflammatoire, parfois sclérosant. Basé sur l’immunophénotype des cellules tumorales, ils sont sous-classifiés (37) (selon Rye) en quatre soustypes, soit sclérose nodulaire (60-70 %), cellularité mixte (20-30 %), déplétion lymphocytaire (5 %) ou encore prédominance lymphocytaire (< 1 %) (38). Dans la plupart des cas de LH médiastinal, la radiographie thoracique s’avère anormale, affectant le médiastin, presque systématiquement dans ses deux bords latéraux (36). Au scanner, on note dans plus de 85 % des cas une atteinte de plusieurs groupes ganglionnaires thoraciques, affectant souvent les ganglions paratrachéaux et prévasculaires, alors que les ganglions médiastinaux
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Fig. 3 – Scanner et 18-FDG PET/CT d’un homme de 40 ans adressé aux urgences pour syndrome de la veine cave débutant isolé. Diagnostic : lymphome de Hodgkin de type sclérose nodulaire stade IIB.
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postérieurs restent rarement touchés (32). L’atteinte de ganglions hilaires peut s’étendre au parenchyme pulmonaire, ou encore en cas de « bulk » à ce niveau, affecter la ventilation du parenchyme pulmonaire en aval. Alors que le scanner est longtemps resté l’examen de choix concernant cette maladie, le 18-FDG PET/CT permet aujourd’hui une évaluation plus sensible initialement de l’extension de la maladie. Il permet également une évaluation précoce de la réponse, possédant une valeur pronostique, ainsi qu’une distinction en fin de traitement entre la présence de maladie résiduelle et du tissu fibreux cicatriciel résiduel (39, 40). Le traitement du LH dépend de son stade, et de son score pronostique selon Hasenclever (41) incluant les paramètres essentiels suivant : hémoglobine, albumine, compte leucocytaire et lymphocytaire, ainsi que l’âge, le sexe et le stade de la maladie, qui devront être collectés initialement. Une ponctionbiopsie de moelle (PBM) bilatérale est conseillée dans les stades III-IV ou dans les stades I-II avec symptômes B ou en cas d’atteinte sous-diaphragmatique. Une combinaison de chimiothérapie – par exemple de type ABVD (doxorubicine, bleomycine, vinblastine, DTIC) – et parfois de radiothérapie peut être proposée dans les stades précoces (I et II), alors qu’une chimiothérapie seule, prolongée (par exemple de type ABVD ou BEACOPP dans les catégories à haut risque) semble indiquée dans les stades III et IV (42). Beaucoup d’auteurs s’accordent sur l’importance d’irradier un bulk médiastinal à l’issue de la chimiothérapie, même si cela reste controversé (43). Le pronostic du LH est bon, permettant d’obtenir une survie globale de 94 % à 10 ans (44), et d’envisager aujourd’hui des stratégies de minimisation des toxicités à long terme. Les maladies avancées présentent un taux de rémission à 5 ans variant entre 42 et 84 %, en fonction des facteurs pronostiques susmentionnés (41).
Lymphome primaire du médiastin En tant que maladie disséminée, des adénopathies médiastinales sont mises en évidence chez environ 20 % des patients présentant un lymphome non hodgkinien. On retrouve alors le plus souvent une infiltration ganglionnaire par du lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB), qui peut affecter tous les compartiments médiastinaux. Nous ne traiterons pas ici la prise en charge générale de ce type de lymphome relativement courant. Le lymphome B primaire médiastinal représente 7 % des LDGCB et se présente sous la forme d’une masse rapidement progressive au niveau du médiastin antérieur. Il affecte plus fréquemment les femmes, avec un pic entre 30 et 40 ans, qui contraste avec la population globalement plus âgée affectée par les LDGCB (37). La plupart des patients présentent des symptômes respiratoires, parfois aigus, de type toux et dyspnée, une dysphagie ou encore un syndrome de la veine cave supérieure, touchant de 5-10 % des patients. Ce lymphome présente souvent, du fait de sa bruyante présentation, uniquement une extension locale, accompagnée souvent d’épanchements au diagnostic (fig. 4). Plus rarement, chez
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Fig. 4 – CT-scanner thoracique d’une femme de 37 ans hospitalisée pour dyspnée progressive et symptômes B. Diagnostic : lymphome médiastinal primaire.
10-30 % des patients, une atteinte extranodale est documentée au diagnostic, en particulier au niveau rénal, surrénalien, hépatique, ovarien et du système nerveux central, mais rarement au niveau médullaire. Pathologiquement, il s’agit d’une masse non délimitée, composée de grandes cellules B, dans un fond caractéristique de fibrose. Considéré comme consécutif à la prolifération d’une petite population de lymphocytes B thymiques, l’immunophénotype de cette tumeur est spécifique, et joue un rôle crucial pour sa caractérisation. Au niveau radiologique, à l’instar du LH, le 18-FDG PET/CT permet d’affiner la définition du stade initial et d’évaluer l’activité biologique des masses résiduelles (40). Une PBM est recommandée au diagnostic, de même qu’un bilan biologique incluant notamment une formule sanguine, les LDH et des sérologies virales (hépatites B et C et HIV). Le traitement de la maladie va dépendre du stade et, dans une moindre mesure, du score pronostic IPI (International Pronostic Index, incluant le stade, l’âge, le nombre d’aires extranodales, le statut de performance et les LDH), sachant que ce dernier est d’une valeur prédictive moins bonne dans ce soustype de lymphome B. À l’ère du rituximab, il comprend fréquemment un traitement de type R-CHOP (rituximab-cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, prednisone) ou parfois des régimes de chimiothérapie plus intensive, sans néanmoins reposer sur des données prospectives. La radiothérapie de consolidation, débattue, n’est que rarement effectuée (45). Le rôle du traitement intensif par haute dose de chimiothérapie et autogreffe de cellules souches en consolidation en première intention est également sujet à controverse, mais semble ne jouer que peu de rôle suite à l’introduction
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du rituximab. Une prophylaxie neuroméningée par traitements intrathécaux reste recommandée dans les atteintes diffuses, extranodales, ou encore d’élévation des LDH (46). Le pronostic du lymphome médiastinal primaire est relativement bon, avec une rémission à long terme évaluée à 75-90 % selon les séries (45, 47).
Lymphomes lymphoblastiques Le lymphome lymphoblastique est une tumeur rare très agressive, se présentant le plus souvent chez le jeune adolescent de sexe masculin, par des signes de croissance rapide de la masse, et fréquemment une compression de la veine cave et une invasion symptomatique médiastinale. Pathologiquement, ce lymphome peut s’inscrire dans le continuum d’une leucémie lymphatique aiguë. Il s’agit d’une masse non délimitée, homogène, composée de cellules lymphoblastiques immatures. Le bilan doit idéalement inclure un scanner ou un 18-FDG PET/CT, une PBM et un bilan biologique complet. Le traitement le plus fréquemment délivré correspond aux régimes classiques de leucémie aiguë, comprenant des phases d’induction, consolidation et maintenance, ainsi qu’une prophylaxie neuroméningée par traitements intrathécaux, pour une durée totale de 2-3 ans, avec un taux de rémission à long terme d’environ 50 %.
Tumeurs germinales Les tumeurs germinales rencontrées au niveau du médiastin (tératomes, séminomes, et tumeurs malignes non séminomateuses) forment un groupe hétérogène de maladies bénignes et malignes. La partie antéro-supérieure du médiastin est la région extragonadique du corps, en comparaison aux autres tumeurs germinales primaires localisées sur « la ligne médiane », la plus souvent touchée (48) représentant 10-15 % des masses médiastinales (1). La présence de cellules germinales à ce niveau est supposée découler d’une migration anormale durant l’embryogenèse. Les tumeurs malignes germinales médiastinales touchent pour 90 % d’entre elles des jeunes hommes, entre 20 et 30 ans. Leur stade est défini selon une classification FIGO, et regroupé en catégories pronostiques selon la présence et la localisation des métastases, ainsi que l’élévation relative des marqueurs `-HCG, _-fœtoprotéine et LDH.
Tératomes Alors que les tumeurs germinales malignes primaires du médiastin restent rares chez les femmes, les tératomes sont également répartis entre les deux sexes, touchant les enfants et les jeunes adultes. Ce sont les tumeurs germinales les
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plus fréquentes globalement, en représentant deux tiers, ainsi que spécifiquement au niveau du médiastin. Pathologiquement, un tératome est une masse encapsulée, incluant des parties solides et des parties kystiques. Il est constitué de cellules prenant leur origine dans une des trois membranes primitives, représentant une localisation tissulaire ectopique. Les cellules tentent souvent de reconstituer un organe, résultant en la présence de dents, poils, peau, os, cartilage, tissu bronchique, intestinal ou pancréatique. Les tératomes médiastinaux sont le plus souvent matures et se comportent de façon bénigne (49). Le tératome peut cependant contenir du tissu immature fœtal, le qualifiant de tératome immature, plus enclin à récidiver, voire à métastatiser. Par ailleurs, il peut parfois contenir des foyers de carcinome, de sarcome ou encore de tumeur germinale maligne, portant alors la dénomination de tératome malin ou encore tératocarcinome. Dans ce dernier cas seulement, on note parfois une élévation des marqueurs tumoraux `-HCG ou _-fœtoprotéine, ainsi que des LDH, qui doivent alors être mesurés et suivis, aidant à évaluer l’évolution de la maladie. Globalement, l’élévation des LDH dépend fortement de la masse tumorale présente. Le plus souvent, ces tumeurs sont asymptomatiques, rarement accompagnées de signes de compression locale. Leur nature histologique variable peut parfois résulter en des symptômes inhabituels, comme l’érosion des muqueuses bronchiques par des enzymes digestives (50). Au niveau radiologique, le scanner révèle une masse multiloculaire encapsulée et partiellement kystique, contenant en son sein des tissus de densité (coefficient d’atténuation) variable. Le traitement reste l’excision chirurgicale, curative dans les cas de tératome mature. Concernant les cas de tératomes immatures, rares, à comportement potentiellement malin, ils seront souvent traités également par chimiothérapie, par analogie aux tumeurs germinales malignes non séminomateuses (49, 51).
Séminomes Le séminome médiastinal affecte des hommes blancs entre 30 et 40 ans. Bien qu’il soit rare qu’un séminome testiculaire métastatise à ce niveau en absence d’adénopathies rétropéritonéales, un examen des testicules par ultrasons est requis. Le plus souvent, les patients atteints sont asymptomatiques, même si la plupart de ces tumeurs ont déjà fait des métastases lors du diagnostic, au niveau ganglionnaire, ou encore hépatique, pulmonaire ou osseux (52). Un CT-scan thoraco-abdomino-pelvien est donc essentiel au diagnostic. La `-HCG est élevée chez un tiers des patients (52). Au niveau pathologique, il s’agit d’une masse lobulée homogène, n’envahissant que rarement les structures adjacentes, malgré sa forte propension à la métastatisation (53). Il s’agit d’une tumeur très sensible à la radiothérapie et à la chimiothérapie. La prise en charge consiste préférentiellement en une chimiothérapie à base de platine (type cisplatine-étoposide-bléomycine ou PEB), ou encore une
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radiothérapie, sur la base principalement de données de séries rétrospectives (52). Les éventuelles masses résiduelles doivent être suivies attentivement au scanner, consistant le plus souvent en du tissu cicatriciel. Le rôle du PET dans cette discrimination reste sujet à discussion (54). Le pronostic reste excellent, avec une survie à 5 ans de 90 % au moins (52).
Tumeurs malignes non séminomateuses Les tumeurs non séminomateuses rencontrées au niveau du médiastin peuvent correspondre à une tumeur du sac vitellin, un choriocarcinome ou un carcinome embryonnaire. Des tumeurs germinales mixtes peuvent comprendre plus d’un de ces types cellulaires, de même qu’une composante de tératome ou de séminome. Les tumeurs non séminomateuses sont plus fréquentes que les séminomes purs ou les tératomes au niveau médiastinal, et sous-entendent un pronostic plus mauvais. En effet, lorsque situées dans ce compartiment, les tumeurs non séminomateuses entrent par définition dans la catégorie à haut risque. Elles touchent plus fréquemment les hommes, dans la tranche d’âge de 20-40 ans. La plupart de ces patients sont symptomatiques au diagnostic, avec fièvre, frissons, perte de poids, douleurs thoraciques, dyspnée ou encore syndrome de la veine cave. Une gynécomastie peut être observée dans les cas de choriocarcinome sécrétant une importante quantité de `-HCG. Radiologiquement, au scanner, on décrit le plus souvent des masses médiastinales antérieures de grande taille (fig. 5), partiellement hémorragiques,
Fig. 5 – CT-scanner thoracique d’un homme de 39 ans adressé suite à l’apparition rapide d’une dyspnée sévère. Diagnostic : tératocarcinome avec composante de tératome mature.
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nécrosées ou kystiques, envahissant les structures adjacentes et métastatisant facilement à distance, notamment sous la forme d’épanchements pleuraux et péricardiques (55). La plupart des patients présentent une élévation de l’_-fœtoprotéine, et 3050 % (52) également de la `-HCG. Cette présentation biologique typique chez un jeune adulte avec masse médiastinale antérieure suffit d’ailleurs à initier un traitement dans les cas d’urgence, même si une biopsie est préférée si elle s’avère réalisable, et évidemment strictement obligatoire dans les cas rares de marqueurs normaux. Par ailleurs, le suivi des marqueurs permet de juger de l’efficacité des traitements et de diagnostiquer une éventuelle récidive avec fiabilité. Le traitement repose le plus souvent sur quatre cures de chimiothérapie de type PEB, suivies idéalement d’une résection du tissu résiduel. La plus grande série publiée reporte une survie à 5 ans d’environ 45 % des patients (52).
Tumeurs neurogènes Les tumeurs neurogènes représentent 20 % des masses médiastinales chez l’adulte, restant la cause la plus fréquente de masse médiastinale postérieure. 80 % d’entre elles sont bénignes. Elles proviennent soit des nerfs périphériques, soit des ganglions sympathiques, ou moins fréquemment parasympathqiues. Les tumeurs provenant des nerfs périphériques – schwannomes, neurofibromes et tumeurs malignes des gaines nerveuses – au contraire des autres tumeurs précitées, s’avèrent plus fréquentes chez l’adulte, alors que les autres se retrouvent principalement chez l’enfant, et ne seront pas traitées ici.
Schwannomes et neurofibromes La plupart des tumeurs issues des gaines nerveuses sont confinées à l’espace intradural. Cependant, occasionnellement ces tumeurs se situent dans l’espace intramédullaire ou encore dans un compartiment extradural, tel le médiastin (56). Les schwannomes sont principalement constitués d’une prolifération anormale de cellules de Schwann, alors que les neurofibromes sont des tumeurs mixtes composées de cellules de Schwann, mais aussi de cellules périneurales et de fibroblastes. Ces deux types de tumeurs neurogènes sont les plus fréquemment diagnostiquées, tant chez l’homme que la femme entre 30 et 40 ans. Elles sont de nature bénigne, à croissance lente, émergeant des racines nerveuses spinales, ou encore de n’importe que nerf thoracique, comprimant de façon extrinsèque les fibres nerveuses. De ce fait, devenues volumineuses, elles sont parfois symptomatiques sous la forme de douleurs ou de paresthésies liées à une atteinte radiculaire ou encore une extension intraspinale, décrites typiquement comme plus importantes la nuit. Spécifiquement, 30-50 % des neurofibromes sont découverts chez des patients atteints de neurofibromatose (57).
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Pathologiquement, il s’agit de tumeurs encapsulées, souvent partiellement kystiques, calcifiées ou hémorragiques concernant les schwannomes. Radiologiquement, il s’agit au scanner de masses paraspinales délimitées, touchant 1-2 espaces intercostaux, parfois de plus grande taille, dont l’apparence après injection de contraste est relativement spécifique. Dans plus de la moitié des cas, elles font pression, déforment ou érodent les éléments avoisinants, tels les côtes, vertèbres, foramens. Dans tous les cas de figure, une IRM est requise au bilan, permettant de juger de l’éventuelle présence d’une infiltration du canal médullaire. Le traitement, permettant dans la plupart des cas une rémission à long terme, consiste en l’excision chirurgicale la plus complète possible (58). Le pronostic est en revanche moins bon dans les cas de neurofibromatose, dû à la multiplicité des lésions.
Tumeurs malignes de la gaine nerveuse Plus rares, ces tumeurs médiastinales postérieures affectent des adultes des deux sexes entre 30 et 50 ans, un patient sur deux étant atteint de neurofibromatose (59). Assimilables à un sarcome à cellules fusiformes, elles représentent la contre-partie maligne des schwannomes et neurofibromes, trouvant le plus souvent leur point de départ dans un neurofibrome bénin. Elles peuvent aussi apparaître de novo, souvent secondairement un traitement de radiothérapie. Le plus souvent, elles sont découvertes lors de l’apparition de douleurs, d’une masse grandissante ou encore d’un déficit neurologique. Au scanner, elles sont souvent bien circonscrites, mais plus grandes que 5 cm (60), et envahissent fréquemment le médiastin et la paroi thoracique (61). Une IRM est également requise au bilan, afin de préciser l’atteinte au niveau du canal rachidien. Comme les sarcomes, elles métastasent fréquemment au poumon, foie, mais aussi au cerveau et plus rarement par voie lymphatique. Le traitement consiste en la résection la plus complète possible. En cas de marges insuffisantes, une radiothérapie adjuvante est souvent prescrite (59). En cas de métastases, l’adjonction d’une chimiothérapie peut s’avérer utile, même si aucun régime n’a été adéquatement étudié dans cette indication. Le traitement classique s’assimile au traitement des sarcomes des tissus mous, combinant ifosfamide et doxorubicine, en monothérapie ou combinaison (62). Le pronostic est mauvais. Souvent, la résection complète s’avère impossible dans cette localisation, ou compliquée d’une dissémination notamment au niveau méningé. La plupart des patients récidivent et meurent de cette maladie en moins d’une année (58). Certaines séries historiques reportant des cas sélectionnés, toutes localisations et extensions confondues, de tumeurs malignes de la gaine nerveuse (59, 63) évoquent une survie à 10 ans variant de 20 à 50 %.
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Traitement chirurgical des tumeurs de la paroi thoracique D. Fabre, G. Missenard, E. Fadel, F. Kolb, B. Besse et P. Dartevelle
Points essentiels • Biopsie première de la tumeur. • Validation dans une réunion de concertation pluridisciplinaire du schéma thérapeutique envisagé. • Résection en monobloc avec des marges de sécurité satisfaisantes selon les règles de la chirurgie carcinologique. • Réparation pariétale rétablissant une rigidité pariétale suffisante. • Couverture par des tissus de bonne qualité et de préférence autologues.
Introduction Avant toute décision thérapeutique, il est nécessaire d’avoir un diagnostic histologique qui sera en général obtenu par une biopsie. Les principes fondamentaux du traitement chirurgical des tumeurs de la paroi thoracique sont (1-4) : • une biopsie première ; • une validation dans une réunion de concertation pluridisciplinaire du schéma thérapeutique envisagé ; • la résection en monobloc avec des marges de sécurité satisfaisantes selon les règles de la chirurgie carcinologique ; cette résection elle-même se doit de respecter certaines règles : – l’installation du patient doit être adéquate pour que les tissus de recouvrement soient disponibles après exérèse ; – la zone de biopsie doit être réséquée avec la pièce opératoire ; – les ulcérations cutanées tumorales doivent être réséquées bien à distance de la tumeur ; – des difficultés prévisibles de recouvrement ne doivent pas limiter l’étendue de l’exérèse ; J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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– des marges suffisantes doivent être respectées ; – la résection pariétale doit être complète, et large pour éviter la récidive ; – une exérèse au-delà de la zone de sécurité est inutile (elle n’améliore pas le pronostic) ; • une réparation pariétale rétablissant une rigidité pariétale suffisante ; • une couverture par des tissus de bonne qualité et de préférence autologues. L’exérèse chirurgicale des tumeurs bénignes est le plus souvent simple. Le volume et le siège de la tumeur peuvent parfois poser des problèmes techniques. Les tumeurs malignes sont majoritairement représentées par les sarcomes osseux et des tissus mous de la paroi thoracique. La chirurgie à visée curatrice des tumeurs malignes doit associer une exérèse pariétale large à une technique fiable de reconstruction. Les lambeaux musculo-cutanés pédiculés et les lambeaux libres offrent un recouvrement optimal dans les cas difficiles. La collaboration entre les différentes équipes chirurgicales (orthopédiques, de chirurgie reconstructrice et plastique) a permis d’améliorer les résultats tant sur le plan de l’exérèse que sur celui de la reconstruction, avec des reconstructions de la paroi thoracique de plus en plus étendues.
Classification des tumeurs de la paroi thoracique (5) La décision thérapeutique doit être adaptée à l’histologie définie par la biopsie. Il est donc nécessaire qu’un consensus clinique et radiologique ait été établi au préalable. Les tumeurs peuvent être classées en : • tumeurs bénignes ; • tumeurs à malignité locale ; • tumeurs malignes : – médicales pures : lymphomes, plasmocytomes, etc. ; – chirurgicales pures : sarcomes de bas grade, chondrosarcomes, etc. ; – médico-chirurgicales : sarcomes de haut grade, sarcome d’Ewing, ostéosarcome, etc.
Tumeurs bénignes Les principales tumeurs bénignes des tissus mous sont les tumeurs d’origine graisseuse (lipomes), les tumeurs d’origine nerveuse (schwannomes, neurofibromes) (6), les tumeurs osseuses étant surtout représentées par les exostoses (ostéochondrome), les chondromes et la dysplasie fibreuse des os. Certaines tumeurs bénignes peuvent être multiples et/ou génétiques : neurofibrome, exostose, dysplasie fibreuse.
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Le traitement des tumeurs bénignes peut se limiter à une simple surveillance dans certains cas (leave me alone lesions), mais la chirurgie d’exérèse est en général discutée en l’absence de certitude quand à l’évolutivité potentielle de la lésion. Les marges peuvent être minimales et il est alors possible, dans certains cas, de faire une excision intracapsulaire (libérer la lésion à l’intérieur de sa capsule). En particulier pour les schwannomes, une exérèse intracapsulaire est possible pour préserver la continuité du nerf.
Fibrodysplasie osseuse (7) La fibrodysplasie osseuse représente environ 30 % des tumeurs bénignes de la paroi thoracique, et devient symptomatique lorsque son volume en vient à entraîner des signes de compression ou une fracture. Cette tumeur bénigne s’intègre parfois dans la triade du syndrome d’Albright associant des troubles cutanés, une puberté précoce chez la femme à des lésions osseuses multiples, lesquelles n’entraînent pas de risque de dégénérescence, contrairement à celles des chondromes multiples.
Hamartome (8-11) L’hamartome (mésenchymome) de la paroi thoracique de l’enfant est une tumeur congénitale rare. Cette tumeur est formée de tissu fibroblastique, ostéocartilagineux et vasculaire. Elle peut entraîner une gêne respiratoire. La résection comporte un risque de déformation thoracique secondaire.
Tumeurs cartilagineuses Chondromes (12, 13) Les chondromes de la paroi thoracique peuvent être difficiles à différencier des chondrosarcomes de bas grade et doivent, en l’absence de certitude diagnostique, être traités comme tels à savoir être réséqué comme s’il s’agissait d’une tumeur maligne avec une marge de sécurité d’au moins 2 cm. En revanche, lorsqu’un diagnostic de certitude a été établi et que l’évolutivité est rassurante, une surveillance est préconisée. Ces différentes tumeurs cartilagineuses peuvent dégénérer. Ostéochondrome ou exostose (7) L’ostéochondrome se développe sous forme d’une excroissance indolore dont l’exérèse complète suffit en règle à assurer la guérison. Les ostéochondromes multiples ont un risque de dégénérescence plus élevé que les formes uniques, pour lesquelles ce risque est de l’ordre de 1 ou 2 %. Ces patients doivent bénéficier d’une surveillance accrue pour dépister toute modification pouvant faire discuter une dégénérescence éventuelle.
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Neurofibrome (14, 15) Un neurofibrome doit faire rechercher des taches cutanées café au lait caractéristiques d’une neurofibromatose de von Recklinghausen. Ces neurofibromes de von Recklinghausen, contrairement aux formes sporadiques non familiales, sont susceptibles de dégénérer en neurosarcomes dans 10 à 20 % des cas. Ostéome ostéoïde costal L’image scintigraphique est très évocatrice et doit faire pratiquer une étude radiologique par examen tomodensitométrique en coupes fines qui retrouve un nidus central. Cet aspect scanographique autorise dans ce cas un traitement chirurgical d’exérèse d’emblée. Lipome (16) Cette tumeur de la paroi thoracique appartient aux tumeurs bénignes mais peut être difficile à différencier d’un liposarcome. Un bilan par imagerie est indispensable pour vérifier l’absence d’effet « Iceberg », c’est-à-dire l’absence d’extension endo-thoracique. Au scanner, il s’agit donc d’une densité graisseuse. L’aspect en imagerie par résonance magnétique (IRM) correspond à un signal graisseux homogène avec un hypersignal en pondération T1. L’étude cytogénétique de la biopsie, permettra de différencier un lipome d’un liposarcome (17, 18). Angiome pariétal Le diagnostic est fait à l’aide d’un écho-doppler. On peut alors retrouver une lésion avec un flux doppler associé ou non à des phlébolithes. Élastofibrome (19) Cette lésion est suffisamment pathognomonique pour ne pas être biopsiée et donc surveillée. Dans certains cas, si cette lésion est gênante, une exérèse ou un traitement de radiologie interventionnelle peut alors être envisagée.
Tumeurs à malignité locale Tumeurs desmoïdes (20-28) Dans la classification de l’OMS, les tumeurs desmoïdes sont classées entre les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes. Ce sont des fibromatoses agressives mais non métastasiantes. Ce sont des cas sporadiques ou des formes d’origine
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génétique par mutation du gène APC et entrent dans le cadre d’un syndrome de Gardner avec une polypose adénomateuse familiale (PAF). Elles ne donnent en effet jamais de métastases mais ont le caractère infiltrant et récidivant des sarcomes de bas grade. Actuellement, la prise en charge des tumeurs desmoïdes est plutôt orientée vers la simple surveillance. Dans environ 25 % des cas, ces tumeurs régressent spontanément ou sous anti-inflammatoires non stéroïdiens de type Celebrex® et 25 % restent stables. Pour les cas qui progressent sous traitement médical, il faut discuter une radiothérapie versus une chirurgie d’exérèse.
Fibromatose de la paroi thoracique Elles sont à différencier des tumeurs desmoïdes. Elles peuvent être surveillées et nécessitent une chirurgie uniquement pour les formes aggressives.
Pseudo-tumeurs Beaucoup de pseudo-tumeurs inflammatoires sont des proliférations fibroblastiques ou myofibroblastiques dont la croissance est limitée dans le temps. Elles peuvent simuler histologiquement des sarcomes de bas grade. De telles pseudo-tumeurs sont décrites dans une maladie génétique rare, la fibrodysplasie ossifiante progressive. Cette maladie est caractérisée par des tuméfactions posttraumatiques récidivantes, musculo-sous-cutanées, cervico-thoraciques qui régressent en laissant place à des ossifications. Cette maladie peut être aggravée par la chirurgie et en particulier par la biopsie.
Autres lésions D’autres lésions non tumorales peuvent mimer une lésion tumorale. Elles doivent être éliminées avant d’envisager une exérèse chirurgicale : • dystrophies : ostéo-radionécrose, radionécrose, élastofibrome, etc. ; • inflammations : cal osseux hypertrophique, myosite ossifiante, etc. ; • infections : actinomycose, ostéo-arthrite chronique, mal de Pott, tuberculose pariétale avec abcès multiples, etc. ; • SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose palmo-plantaire, Hyperostose et Ostéite), les lésions radiologiques correspondent à une ostéomyélite multifocale chronique récidivante encore appelée spondylarthrite hyperostosante pustulopsoriasique. C’est un ensemble d’anomalies touchant l’adulte jeune âgé entre 30 et 60 ans.
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Tumeurs malignes Médicales pures : lymphomes, plasmocytomes, etc. Plasmocytome Le plasmocytome est une tumeur rare, de l’homme de la soixantaine, qui s’accompagne généralement d’une maladie systémique latente. Cette dernière conditionne le pronostic lié essentiellement à l’apparition de localisations multiples, survenant chez 75 % des patients et qui doivent être régulièrement recherchées (électrophorèse et protéinurie anormales, radiographies, biopsie osseuse) (29). Pour les lésions réfractaires à la radiothérapie, ou résiduelles après chimiothérapie, une chirurgie d’exérèse peut être réalisée. Le plasmocytome est la seule tumeur maligne primitive non sarcomateuse de la paroi thoracique qui mérite d’être individualisée car son traitement (c’est une tumeur hématologique localisée qui présente un risque important d’évolution vers un myélome multiple) est médical pur. Mais, dans certains cas, un complément chirurgical peut être discuté s’il existe une fixation persistante sur le PET scan après chimiothérapie. Granulome à éosinophile ou histiocytose X La localisation osseuse de l’histiocytose à cellules de Langerhans (histiocytose X) peut être unique ou multiple : c’est le granulome à éosinophile. Il se manifeste toujours par une ostéolyse mais avec des degrés très variables d’agressivité. L’IRM a permis de montrer que la réaction dans les parties molles adjacentes peut être très importante. Il est peu fréquent, mais peut être situé dans le sternum. Myélome multiple costal et myélome sternal Ces deux termes peuvent être rassemblés sous le terme générique « Lésions osseuses de myélome » : les lésions osseuses sont présentes dans 80 % des cas ; les lésions typiques sont des géodes. Elles peuvent être sous forme de lacunes multiples arrondies ou ovalaires à l’emporte-pièce. Leur topographie la plus fréquente sur le thorax est au niveau des côtes. Ces lésions sont asymptomatiques ou responsables de douleurs ou de fractures.
Chirurgicales pures : sarcomes de bas grade, chondrosarcomes (30) Ces tumeurs sont habituellement résistantes aux traitements adjuvants et doivent être opérées selon les règles de chirurgie carcinologique définies précédemment.
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Médico-chirurgicales Elles concernent les sarcomes de haut grade, le sarcome d’Ewing, l’ostéosarcome, le cancer du sein, le cancer du poumon, etc. Sarcome d’Ewing (29, 31) Le sarcome d’Ewing est un sarcome indifférencié à cellules rondes de l’enfant et de l’adolescent, principalement d’origine osseuse. Le sarcome d’Ewing nécessite dans un premier temps une chimiothérapie néoadjuvante. Puis, lorsque l’indication opératoire est retenue, il est indispensable de réaliser une exérèse large retirant complètement la côte atteinte avec désarticulation sternale, costovertébrale et costo-transversaire (la propagation tumorale par la médullaire est difficilement visible sur l’imagerie dans le cas de petits os) (32). Elle est associée à une résection des espaces intercostaux et des côtes adjacentes avec des marges de sécurité contrôlées de l’ordre de 4 cm. Il faut en général se référer au scanner et surtout à l’IRM avant la chimiothérapie afin de fixer les limites d’exérèse et de diminuer au maximum le risque de récidive. C’est une tumeur de l’enfant ou de l’adolescent, également fréquemment disséminée d’emblée, dissémination qui conditionne le pronostic. L’exérèse chirurgicale peut être associée à un traitement par radiothérapie qui améliore le contrôle local, et par polychimiothérapie avec ou sans transplantation de moelle. Ces traitements adjuvants semblent améliorer la survie en diminuant l’apparition de métastases. Ces traitements combinés peuvent être la source, chez l’enfant, de scolioses et de syndromes restrictifs sévères à distance. Tumeur neuroectodermique périphérique La tumeur neuroectodermique périphérique (pNET), ou neuroépithéliome (33), encore appelée neuroépithéliome ou neuroblastome périphérique, est un sarcome de l’adulte, présentant une différenciation neuroblastique et naissant principalement des tissus mous. Cela correspond à la même maladie que le sarcome d’Ewing, mais sans translocation 11/22 (34). Tumeur d’Askin La tumeur d’Askin est simplement une forme clinique du sarcome d’Ewing pariétal. C’est une tumeur osseuse, ressemblant histologiquement au sarcome d’Ewing et à la pNET, qui est caractérisée par sa localisation thoracique. Ces trois tumeurs paraissent représenter différentes formes d’une même entité. Le sarcome d’Ewing est caractérisé par la translocation chromosomique spécifique (11q24-22q12) qui la différencie ainsi de la pNET ou neuroépithéliome. En immuno-histochimie, la même expression de l’oncogène MIC2 (CD99) et de la protéine FLI-1 liée à la translocation est retrouvée.
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Sarcome radio-induit (35, 36) Pour un sarcome radio-induit, la résection cutanée doit être large et inclure les tissus irradiés. En effet, les tissus précédemment irradiés cicatrisent difficilement et il est préférable de les remplacer par du tissu autologue vascularisé (lambeau libre ou pédiculé). Cancer du sein (37, 38) Ils peuvent récidiver localement après mastectomie suivie ou non d’irradiation. Le diagnostic différentiel est alors difficile avec un sarcome radio-induit. Il existe parfois un envahissement de la paroi thoracique, posant un problème de couverture pariétale, majoré dans les récidives en tissus irradiés. Une résection pariétale complétée par une radiothérapie (si elle est encore possible) constitue généralement le traitement de la récidive pariétale. La chimiothérapie et l’hormonothérapie constituent le traitement des métastases apparentes voire préventif en cas de risque métastatique important. Cancer bronchique non à petites cellules Un cancer du poumon non à petites cellules s’accompagnant d’un envahissement pariétal, généralement douloureux, fait classer celui-ci en T3 et aggrave le pronostic. Il faut distinguer les envahissements limités de la plèvre pariétale des véritables envahissements de la paroi thoracique de moins bon pronostic. Il est alors nécessaire de réaliser une pariétectomie qui doit être faite en monobloc avec la tumeur. Celle-ci peut être plus ou moins élargie et nécessite dans la majorité des cas une reconstruction pariétale.
Localisations tumorales pariétales particulières Envahissement pulmonaire Les tumeurs adhérentes à la plèvre pariétale posent un problème plus théorique que pratique. Trois niveaux d’exérèses sont adaptés au niveau d’envahissement pariétal : • la pariétectomie ; • la résection extramusculo-périostée ; • la résection extrapleurale. En pratique, on tente une exérèse en extrapleural, si celle-ci semble insuffisante, on pratique une pariétectomie avec des marges de résection satisfaisante vis-à-vis de la tumeur.
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Envahissement de la jonction cervico-thoracique La distinction doit être faite comme elle a été définie pour les cancers bronchopulmonaires envahissant la jonction cervico-thoracique. L’envahissement vasculaire implique une voie d’abord antérieure (39) ; alors que l’envahissement postérieur implique une voie postérieure inter-scapulo-vertébrale.
Envahissement sternal Dans les cas de tumeur sternale, la résection est débutée latéralement en emportant les arcs costaux adjacents de chaque côté. Une sternectomie partielle ou subtotale est suffisante dans les tumeurs du tiers inférieur du sternum, laissant en place une partie du manubrium et les têtes claviculaires. Lorsque la tumeur est limitée au manubrium, une large sternectomie supérieure emportant le tiers interne des clavicules est faite en conservant l’extrémité inférieure du sternum et la xiphoïde. La conservation d’un pont osseux facilite la réparation pariétale, mais une sternectomie totale est incontournable en cas de tumeur du corps sternal.
Envahissement vertébral L’IRM et le scanner permettent de définir le niveau d’envahissement en prenant comme référence d’exérèse le bilan radiologique avant la chimiothérapie. L’IRM est l’examen de référence de l’étude des parties molles et, finalement, elle reste plus performante que le scanner pour l’étude des rapports vasculaires, ceux du médiastin postérieur, l’envahissement neurologique, du canal rachidien, mais aussi pour l’étude de l’os spongieux costal et vertébral dont elle sait définir exactement l’importance de l’envahissement. L’IRM est utile pour étudier l’extension vertébrale des lésions postérieures. On définit ainsi s’il est nécessaire de réaliser une hémi-vertébrectomie ou une vertébrectomie totale et le nombre d’étages envahis. L’envahissement persistant du canal après traitement néoadjuvant est une contre-indication formelle à toute chirurgie curative. Concernant les tumeurs de la jonction cervico-thoracique, l’IRM est déterminante afin de vérifier également l’envahissement vertébral. L’artériographie et la phlébocavographie permettent de définir l’envahissement vasculaire. Enfin, la séquence T2 et l’injection de gadolinium permettent de distinguer en général le tissu tumoral et les remaniements nécrotico-hémorragiques ou œdème périlésionnel.
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L’angiographie médullaire reste préconisée pour les tumeurs neurogènes du médiastin postérieur et les tumeurs envahissant le rachis afin de vérifier le niveau des artères radiculo-médullaires. Certaines tumeurs hypervascularisées comme les métastases de cancer de rein peuvent être embolisées en préopératoire afin de diminuer les saignements peropératoires en cas de résection endolésionnelle. Les tumeurs postérieures développées sur l’angle costo-vertébral ou englobant la vertèbre peuvent être traitées radicalement par une résection vertébrale nécessitant la collaboration avec une équipe orthopédique spécialisée. Dans un premier temps, il faut définir le niveau d’envahissement vertébral pour obtenir des recoupes saines (vertébrectomie totale ou hémi-vertébrectomie). Il faut définir le nombre d’étages envahis puis établir la stratégie chirurgicale d’exérèse.
Déroulement de la prise en charge Biopsie première L’obtention d’un diagnostic histologique est indispensable pour l’élaboration d’une stratégie opératoire. En cas de suspicion de tumeurs a priori non chirurgicales d’emblée (sarcome d’Ewing, plasmocytome, etc.), il faut être certain d’obtenir une quantité suffisante de matériel pour avoir le diagnostic et faire une étude immuno-histochimique, génétique et un profil moléculaire. La biopsie chirurgicale doit être réalisée de façon à ne gêner ni la résection, ni la reconstruction, notamment lorsqu’on envisage le recours à un lambeau musculo-cutané. La zone de biopsie doit toujours être excisée en même temps que l’exérèse tumorale monobloc. La qualité du diagnostic est entièrement conditionnée par la qualité de la biopsie (site de biopsie, volume des fragments).
Analyse anatomopathologique La connaissance de l’histoire clinique et une analyse fine de l’imagerie sont indispensables. Les fragments tissulaires doivent être impérativement acheminés le plus rapidement au laboratoire, à l’état frais ou dans un milieu de culture (de type Roswell Park Memorial Institute Medium) ou encore du sérum physiologique, et des fragments doivent être réservés pour la congélation. Le pathologiste divisera alors le matériel, dès réception, en trois parties. Un fragment sera fixé dans du formol pour une analyse en morphologie conventionnelle. Une étude par immuno-histochimie complémentaire sera réalisée sur ce matériel dans les cas de tumeurs peu différenciées, pour affiner le diagnostic.
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Un second fragment sera congelé pour une étude en biologie moléculaire par reverse transcription-polymerase chain reaction (RT-PCR) et/ou hybridation in situ par fluorescence sur cellules en interphase (FISH). Ces techniques, en identifiant des altérations génomiques caractéristiques pour une tumeur donnée, deviennent indispensables pour porter certains diagnostics. Un troisième fragment sera placé dans un milieu de culture (de type RPMI) et adressé dans les 4 heures au laboratoire de cytogénétique, pour étude du caryotype. En pratique, les techniques de cytogénétique ne sont réalisables que dans 50 % des cas, car elles nécessitent du matériel frais, stérile, mis rapidement en culture. Ces méthodes sont de plus en plus complétées ou remplacées par les techniques de biologie moléculaire (RT-PCR, FISH), qui permettent d’utiliser du matériel congelé et, sous certaines conditions, du matériel fixé et inclus en paraffine. Une fois que la biopsie est réalisée et après avoir obtenu l’histologie définitive, un schéma thérapeutique est adopté en fonction de chaque tumeur qui peut aboutir ou non à une chirurgie d’exérèse.
Technique d’exérèse Schématiquement, on envisage une chirurgie première pour les tumeurs suivantes : – sarcomes de bas grade ; – sarcomes radio-induits ; – chondrosarcomes ; – cancer bronchique non à petites cellules avec envahissement pariétal (T3 ou T4 non N2). La résection cutanée emporte la zone de biopsie chirurgicale, et passe nettement en zone saine à distance d’un envahissement ou d’une ulcération cutanée. En cas de sarcome radio-induit, la résection cutanée doit être large et inclure les tissus irradiés avec une attention particulière au choix du procédé de recouvrement qui doit assurer une vascularisation suffisante. L’exérèse doit être faite en monobloc emportant les organes envahis par la tumeur (poumon, péricarde, diaphragme, vaisseaux sous-claviers, veine cave supérieure).
Exérèse de la paroi thoracique Elle doit être faite nettement en marges saines pour minimiser le risque de récidive locale. Les muscles envahis par la tumeur sont réséqués, la cavité pleurale est ouverte très à distance de la tumeur, dont on apprécie le développement endothoracique. L’apport de la vidéothoracoscopie peut être intéressant pour vérifier l’extension endothoracique. La résection osseuse doit passer au moins
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à 3 cm de la tumeur en emportant la côte sus- et sous-jacente dans les tumeurs de la paroi latérale, une large partie ou la totalité du sternum dans les tumeurs sternales. Dans le cas particulier des sarcomes de haut grade, ostéosarcomes et tumeurs d’Ewing, développés à partir d’une côte, la pariétectomie doit inclure l’exérèse en totalité de la côte concernée avec une désarticulation costo-transversaire et costo-vertébrale. Pour les tumeurs malignes, une marge de sécurité de 3 cm, emportant une côte sus- et sous-jacente, est indispensable. Pour les tumeurs bénignes, les métastases et les tumeurs de bas grades, une marge inférieure est acceptable. Ces marges doivent être contrôlées par un examen anatomopathologique réalisé en examen définitif. En effet, il n’est pas possible de réaliser d’examen extemporané sur l’os. Il est donc parfois nécessaire de reprendre l’exérèse si les coupes définitives ne sont pas saines, surtout si cette exérèse a été réalisée après chimiothérapie comme c’est souvent le cas pour les patients opérés en dehors d’un centre de référence.
Exérèse en monobloc Les organes envahis par la tumeur (côtes, sternum, poumon, péricarde, diaphragme, vaisseaux sous-claviers, veine cave supérieure, etc.) doivent être réséqués en même temps que la tumeur et en une seule pièce opératoire, c’està-dire en monobloc. Lorsqu’il s’agit de tumeur de petit volume, l’incision s’effectue à l’aplomb de la lésion, dans le sens de l’espace intercostal et de la côte atteinte. Pour une tumeur plus volumineuse, l’incision est plus grande, de type thoracotomie antérieure, latérale ou postéro-latérale en fonction de la localisation tumorale emportant la zone de biopsie. L’abord des tumeurs pulmonaires est variable en fonction de la localisation de la tumeur.
Voies d’abord Envahissement de la paroi antérieure : thoracotomie antérieure. Envahissement de la paroi latérale : thoracotomie antéro-latérale type Noiclerc ou sous-mammaire. Envahissement de la paroi postérieure : thoracotomie postéro-latérale. Envahissement de la jonction cervico-thoracique postérieure : thoracotomie interscapulo-vertébrale type Paulson. Envahissement de la jonction cervico-thoracique antérieure : voie cervicothoracique antérieure type Dartevelle.
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Envahissement sternal : thoracotomie verticale médiane. Envahissement de la jonction thoraco-abdominale : thoraco-phréno-lombotomie ou laparotomie.
Principes de reconstruction pariétale Les principes sont de reconstituer une rigidité dynamique afin de conserver la fonction respiratoire et d’éviter d’utiliser au maximum du matériel synthétique susceptible de s’infecter. Il faut donc restaurer une stabilité pariétale suffisante, afin d’éviter l’apparition d’une respiration paradoxale, d’éviter une infection ou une désunion pariétale, d’éviter la constitution d’une hernie pulmonaire et d’éviter d’utiliser du matériel peu résistant aux forces de traction transpariétales (1).
Matériel de reconstruction Deux types de matériaux peuvent être utilisés : synthétiques ou biologiques.
Lambeaux Les matériaux biologiques sont les lambeaux musculaires pédiculés ou libres, musculo-périostés, musculo-cutanés, le fascia lata, les greffons osseux autologues vascularisés ou non (côtes entières, fragments de côtes, crête iliaque, péroné), les allogreffes osseuses et l’épiplooplastie. Leurs principaux avantages sont leur nature biologique autologue, leur stabilité à long terme et surtout la résistance à l’infection. Les principaux inconvénients sont la lourdeur du geste chirurgical liée au prélèvement des greffons. Le potentiel de couverture est variable en fonction des lambeaux et il doit être prévu avant l’intervention de bien mesurer l’étendu du defect potentiel après exérèse. En outre, les lambeaux isolés n’apportent pas une solidité immédiate et nécessitent souvent d être associés à du matériel synthétique pour obtenir une certaine rigidité pariétale. Les lambeaux libres ou pédiculés nécessitent la collaboration avec des chirurgiens plasticiens. Ce sont les meilleurs substituts pour obtenir une cicatrisation sur des zones ayant reçu une radiothérapie.
Matériaux synthétiques Ce sont les plaques résorbables de polyglactine (Vicryl®), polydioxanone (PDS®), les plaques non résorbables de polyéthylène tétraphtalate (Mersilène®), de polypropylène (Marlex® ou Prolène®), les plaques de polytétrafluoroéthy-
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lène expansé à 2 mm (Gore-tex®), le ciment synthétique/méthylméthacrylate, et les barres Stratos (nouveau matériel en titane extrêmement solide et adapté à la reconstruction costale et sternale) (40). Les matériaux synthétiques ont l’avantage de permettre une réparation rapide, facile et stable d’emblée. La réparation de très larges defects est envisageable. Les réparations pariétales par des matériaux synthétiques répondent à certains impératifs : rigidité, intégration dans les tissus, relative résistance à l’infection, obtention d’une dynamique pariétale lors de la respiration. Les principaux inconvénients sont l’introduction d’un corps étranger, et donc la sensibilité aux infections. Ainsi, le méthylméthacrylate a été progressivement abandonné en raison des risques d’infection et de toxicité au moment de la pose. La plupart du temps, le choix du matériau repose sur les préférences du chirurgien. Deschamps et al. ont montré l’absence de différence significative entre les différents matériaux dans les suites opératoires et les éventuelles complications (1). Il n’existe finalement aucun consensus mais le matériau qui paraît être le plus physiologique et le plus efficace semble être les barres Stratos en titane qui permettent de conserver une excellente fonction respiratoire sans générer d’infection en respectant la mécanique ventilatoire.
Indications de réparation pariétale La réparation pariétale n’est pas obligatoire en cas de defect pariétal de moins de 5 cm de diamètre ou limité à une ou deux côtes adjacentes, surtout s’il s’agit des arcs postérieurs des côtes. Elle n’est pas non plus indiquée en cas de localisation apicale ou sous-scapulaire de moins de 7 cm et au-dessus du 4e espace intercostal dans la portion latérale ou postérieure. Dans ces cas, une fermeture primaire par rapprochement des côtes adjacentes est en général suffisante. Une plaque résorbable peut parfois être mise en place car elle n’augmente pas le risque d’infection. La réparation pariétale est indispensable dans tous les autres cas, en particulier lors des larges pariétectomies antérieures et antérolatérales, où la stabilité pariétale est particulièrement compromise, mais également lorsque le defect est localisé sous la pointe de l’omoplate car il existe des risques d’incarcération de l’omoplate dans le thorax lors des mouvements du bras, ce qui peut devenir particulièrement douloureux. Si les voies d’abord et les techniques de résection sont très codifiées, les techniques de réparation sont plus fonction de l’appréciation de chaque opérateur. En pratique, à partir du moment où les grands principes de réparation sont respectés, toutes les techniques de réparation sont envisageables. Dans ce chapitre, trois grands types de réparation pariétale sont exposés à titre d’exemple. En effet, de très nombreuses variantes de reconstructions sont possibles et doivent être adaptées à chaque situation.
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Envahissement sternal (41, 42) La résection sternale est débutée latéralement en emportant les arcs costaux adjacents de chaque côté. Lorsque la tumeur est limitée au manubrium, une manubriectomie emportant le tiers interne des clavicules est faite en conservant l’extrémité inférieure du sternum et la xiphoïde. Une coporectomie sternale est nécessaire en cas de tumeur du corps sternal. En cas de sternectomie partielle, la stabilité de la paroi thoracique est partiellement conservée et l’utilisation de barres Stratos en général, sans ou avec une plaque de PTFE, permet d’éviter toute respiration paradoxale. Le mouvement paradoxal de la paroi réséquée entraîne une dépression intrathoracique à l’inspiration et une diminution du volume courant. Ces effets respiratoires, surajoutés aux douleurs, peuvent aggraver une situation parfois précaire au niveau de la mécanique ventilatoire. Ces barres et la plaque sont fixées aux berges de la pariétectomie afin d’éviter ce mouvement paradoxal lors de l’inspiration. En cas de sternectomie totale, l’adjonction de méthacrylate de méthyle a été abandonnée au profit de l’utilisation de barres Stratos (on utilise en général deux voire trois barres pour une sternectomie totale). Cette reconstruction peut être associée à une plaque de PTFE ou de Vicryl® résorbable, qui assure une rigidité antérieure excellente en limitant les effets délétères d’une respiration paradoxale, permettant une extubation immédiate des patients et assurant une fonction respiratoire normale en postopératoire. Le recouvrement est le plus souvent possible en utilisant des lambeaux musculaires de rotation pédiculés des deux grands pectoraux. Ils sont décollés latéralement et amenés par translation en avant du matériel prothétique et suturés sur la ligne médiane. Dans les cas de large résection cutanée, on choisira un lambeau musculo-cutané de grand pectoral uni- ou bilatéral, ou un lambeau musculo-cutané de grand dorsal, voire un « DIEP flap » (deep internal epigastric perforating flap) (43).
Envahissement de la paroi latérale Les limites de résection doivent inclure une côte saine sus- et sous-jacente et au moins 3 cm de tissu sain latéralement. Les tumeurs postérieures développées sur l’angle costo-vertébral ou englobant le massif pédiculo-transversaire peuvent être traitées radicalement par une résection vertébrale qui nécessite une voie d’abord médiane postérieure associée à la voie antérieure ou latérale et une instrumentation vertébrale. Du matériel prothétique est utilisé pour la reconstruction des larges pariétectomies antérieures ou latérales. Le recouvrement est le plus souvent assuré par un lambeau musculaire de voisinage, grand dorsal ou grand pectoral. Une plastie diaphragmatique avec
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myoplastie des muscles abdominaux peut être faite en cas de pariétectomie inférieure. Dans les cas de très larges résections musculo-cutanées et surtout en milieu post-radique, le recouvrement est assuré au mieux par un lambeau musculo-cutané de grand droit ou par un lambeau libre de grand dorsal. L’utilisation de barres Stratos en général sans ou avec une plaque de PTFE permet d’éviter toute paradoxale. Ces barres et la plaque sont fixées aux berges de la pariétectomie sur les segments costaux adjacents.
Envahissement de la jonction cervico-thoracique Concernant les tumeurs de Pancoast et Tobias, l’IRM est déterminante pour éliminer un envahissement vertébral. Envahissement antérieur : elles sont abordées par une large voie cervicothoracique en L ou L inversé en fonction du côté envahi. Cette voie d’abord a été décrite pour l’exérèse radicale des cancers bronchiques envahissant la jonction cervico-thoracique antérieure. Elle comprend un large lambeau musculocutané de sterno-cléido-mastoïdien, associé à une résection de la moitié interne de la clavicule. Elle permet la pariétectomie, le contrôle et la résection éventuelle des vaisseaux sous-claviers et le plus souvent le recouvrement. En cas de résection cutanée étendue, le recouvrement doit être fait par un lambeau musculocutané de grand dorsal ou un lambeau libre. Envahissement postérieur : les tumeurs sont alors abordées par une voie inter-scapulo-vertébrale, dite de Paulson, permettant après luxation de l’omoplate d’exposer la partie postérieure des côtes. Dans les cas de sarcome (le plus souvent radio-induit) envahissant massivement le plexus brachial et les premières côtes, la pariétectomie antéro-latérale peut parfois nécessiter la désarticulation du membre supérieur. Le recouvrement est le plus souvent possible en utilisant le lambeau cutané brachial, sinon on aura recours à un lambeau libre de grand dorsal.
Envahissement rachidien (44, 45) L’IRM permet d’étudier de façon satisfaisante l’envahissement pariétal au niveau de l’angle costo-vertébral, du corps vertébral, du canal rachidien, mais aussi pour l’étude de l’os spongieux du corps vertébral. La collaboration avec un chirurgien du rachis est alors indispensable. L’IRM doit permettre une étude foraminale, médullaire et somatique vertébrale. La séquence T2 et l’injection de gadolinium permettent de distinguer tissu tumoral et remaniements nécrotico-hémorragiques ou œdème périlésionnel. L’angiographie médullaire est essentielle en fonction du niveau de localisation de la tumeur. L’artère d’Adamkiewicz, l’artère spinale antérieure cervicothoracique droite ou les artères médullaires latérales gauches, peuvent être
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parfois décelées au scanner ou à l’IRM, mais l’angiographie médullaire reste l’examen de référence et que nous utilisons. Ainsi, la présence de l’artère d’Adamkiewicz dans la zone tumorale doit faire rediscuter de la stratégie thérapeutique en fonction de histologie, des autres alternatives thérapeutiques et du geste chirurgical envisagé. Enfin, l’embolisation préopératoire peut parfois être envisagée comme pour les tumeurs hypervascularisées comme les métastases de cancer du rein. La stratégie thérapeutique est ensuite établie avec les différentes équipes chirurgicales afin de réaliser dans le même temps et selon la séquence suivante : • la dissection de la tumeur emportant la zone de biopsie (en dehors du rachis) ; • la libération de la zone de section rachidienne ; • l’ostéosynthèse rachidienne ; • la section rachidienne emportant la tumeur en monobloc ; • la couverture pariétale (avec ou sans lambeau de couverture).
Conclusion Un diagnostic histologique est nécessaire afin d’envisager une stratégie thérapeutique pluridisciplinaire pour toutes les tumeurs de la paroi thoracique. Un bilan complet définit le degré exact d’envahissement tumoral. Ainsi, pour les tumeurs chirurgicales ou médico-chirurgicales, la stratégie se doit d’associer les compétences d’équipes spécialisées dans le traitement de ces lésions à celles d’équipes aguerries aux techniques d’exérèse, de chirurgie rachidienne et de reconstruction pariétale. L’exérèse radicale des tumeurs primitives malignes de la paroi thoracique doit être large pour minimiser le risque de récidive locale. Elle peut être faite avec une faible mortalité. La morbidité est surtout liée aux complications infectieuses locales qui doivent faire limiter l’usage du matériel prothétique. Le suivi à long terme après exérèse est indispensable afin de déceler rapidement les récidives.
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Mésothéliome pleural malin E. Bergot, J. Madelaine et G. Zalcman
Points essentiels • Le mésothéliome pleural reste une maladie incurable, certes rare, mais dont l’incidence a augmenté de 1960 à 2000, pour connaître en France un plateau entre 2000 et 2005, contrairement aux pays anglo-saxons. • la carcinogenèse des fibres d’amiante reste mal comprise, mais les gènes altérés dans le mésothéliome sont de mieux en mieux caractérisés, laissant espérer la définition de cibles pour de nouvelles thérapeutiques. • Les approches multimodales avec chirurgie agressive s’avèrent décevantes lorsqu’elles sont évaluées dans des études prospectives multicentriques telle celle, récente, de l’EORTC. • L’histoire naturelle de la maladie est clairement modifiée par la chimiothérapie à base de pemetrexed, en association avec un sel de platine. • La piste thérapeutique la plus prometteuse semble être l’association d’un doublet de pemetrexed et cisplatine au bevacizumab, actuellement évaluée dans un essai prospectif randomisé de phase 3 de l’IFCT.
Introduction Le mésothéliome pleural malin (MPM) est une tumeur agressive liée à l’exposition professionnelle aux fibres d’amiante. Ces fibres ont été largement utilisées après la Seconde guerre mondiale jusqu’à la fin des années 1970, pour leurs propriétés de résistance à de hautes températures. Les professions les plus à risque demeurent les tôliers chaudronniers, les travailleurs de chantiers navals, les carrossiers industriels, les professionnels du bâtiment, soudeurs, dockers, techniciens de laboratoires, peintres/plâtriers, mécaniciens d’entretien industriel et travailleurs du chemin de fer (1). Une exposition asbestosique n’est cependant retrouvée que chez 80 % des patients atteints de mésothéliomes, et chez seulement 50 % des femmes atteintes, J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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dont le nombre semble augmenter (1). Du fait du temps de latence entre l’exposition asbestosique et le développement de la maladie (20 à 40 ans), l’incidence du mésothéliome pleural n’a cessé de croître entre 1960 et 2000, mais le pic d’incidence prévu par l’INSERM en France vers 2020-2030 semble d’ores et déjà atteint avec un plateau entre 2000 et 2005, alors que l’incidence continue à croître dans les pays anglo-saxons du fait de législations antiamiante moins «drastiques» et d’une exposition professionnelle plus forte au fibre d’amphibole (2). Bien qu’encore rare dans la population générale non exposée à l’amiante (< 1 cas/million d’habitants et par an), le MPM représente 100 cas/million/an dans la population exposée à l’amiante ce qui donne une incidence de 800 à 1 000 cas/an en France. Certaines régions telles que la Normandie, le Nord, les régions de Marseille et de Nantes, ont une incidence relativement élevée de 30 nouveaux cas ou plus par an, du fait de la concentration passée d’industries de transformation de l’amiante, de fonderies ou de chantiers navals dans ces régions (1).
Mécanismes de cancérogenèse pleurale et biologie moléculaire : peut-on concevoir un ciblage thérapeutique ? Les mécanismes exacts de carcinogenèse de l’amiante ne sont pas établis. Une partie de la carcinogénicité est expliquée par les propriétés physiques des fibres amphiboles, principalement pour celles qui font plus de 5 mm de long et moins de 0,25 mm de diamètre. Ces fibres peuvent migrer à la périphérie du poumon vers la plèvre et les ganglions médiastinaux, soit directement par les espaces alvéolaires sous-pleuraux, soit par le système lymphatique. Certains auteurs ont évoqué un effet direct des fibres d’amiante sur l’ADN et la transcription par l’induction de cassures et de lésions de l’ADN responsables de délétions ou d’une mauvaise séparation chromosomique lors de la mitose, induisant une aneuploïdie, mais cet effet mutagène direct reste très discuté. L’hypothèse principale repose sur le rôle pro-inflammatoire des fibres d’amiante aboutissant à la génération de réactifs oxygénés (ROS) mutagènes, mais là encore les données epxérimentales sont limitées. L’absence de lésions précancéreuses reconnues et le temps de latence particulièrement long entre l’exposition carcinogénique à l’amiante et la survenue de la tumeur ont longtemps obéré la compréhension des mécanismes de cancérogenèse pleurale. La description de lésions pleurales non invasives (« hyperplasies mésothéliales atypiques ») chez des patients exposés à l’amiante, présentant des épaississements pleuraux ou des pleurésies requérant une pleuroscopie, suivis plusieurs années, et ayant développé ultérieurement un véritable mésothéliome, permettra peut-être de comprendre la carcinogenèse multi-étape.
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Les mutations du gène NF2 constituent la première altération moléculaire mise en évidence (3). NF2 est un gène situé sur le bras court du chromosome 22 (22q), dont la délétion constitue l’anomalie cytogénétique la plus fréquente dans les MPM. NF2 est un gène suppresseur de tumeur codant pour la « merlin » ou « schwanomin », une protéine de la famille ezrine/radixine/ moesine (ERM) interagissant avec le récepteur transmembranaire CD44 de la matrice extracellulaire, et régulant l’adhésion intercellulaire via des structures spécialisées, les « jonctions adhérentes », qui définissent la polarité apico-basale des cellules mésothéliales normales, précocement perdue au cours du processus de transformation cellulaire. Le ciblage de cette voie de signalisation reste pour l’instant théorique en l’absence d’inhibiteurs spécifiques. Des altérations du gène suppresseur de tumeur p16, à type de mutations ponctuelles (2 %), des méthylations du promoteur (10 %) associées à des pertes d’hétérozygotie du locus p16 en 9p21, ou à des délétions homozygotes (70 %), ont été décrites dans les mésothéliomes (4). p16 est un inhibiteur physiologique des kinases cyclines D et E dépendantes qui contrôlent la transition G1/S du cycle cellulaire. La perte d’expression de p16 est aisément détectable sur les coupes histologiques par la perte du marquage immunohistochimique de la protéine p16 au moyen d’un anticorps spécifique. Des inhibiteurs de la transition G1/S du cycle cellulaire (inhibiteurs de kinases CDK, cibles de p16) ont été testés en phase I dans le mésothéliome mais sans développement ultérieur faute d’effet clinique observé. L’inactivation d’un troisième anti-oncogène, RASSF1A, par méthylation de son promoteur et perte de l’autre allèle en 3p, a été décrite dans 35 % des mésothéliomes malins (5). RASSF1A code pour une protéine qui interagit avec la protéine K-Ras. RASSF1A couple Ras avec les kinases MST1 et MST2, connues pour réguler l’apoptose (ou mort cellulaire programmée) des cellules. De fait, RASSF1A a une action pro-apoptotique, mais régule aussi la transition G1/S du cycle cellulaire en interagissant avec des régulateurs de p53, des cyclines D1 et A2, et d’APC (anaphase promoting complex). Des agents hypométhylants ciblant les DNa-méthyl-transférases DNMT-1, 3A et 3B sont en développement préclinique, particulièrement des molécules de type quinoline qui, contrairement à la 5-azacytidine (Vidiza), ne sont pas incorporés à l’ADN et pourraient donc s’avérer moins toxiques (6). Elle permettent la ré-activation in vitro de p16, RASSF1A (mais aussi de l’inhiiteur de metalloprotéases mmP3) dans des modèles cellulaires dans lesquels ces gènes sont inactivés par méthylation de leur promoteur. Cette famille d’agent hypométhylant rentre en développement précoce de phase I chez l’homme (6). Des altérations de la voie de régulation des gènes Wnt1 et Wnt2 ont aussi été décrites dans les mésothéliomes, aboutissant à une fréquente surexpression des protéines Wnt dans les cellules tumorales (7). Le régulateur négatif de Wnt, WIF1, est fréquemment inactivé par méthylation de son promoteur dans les mésothéliomes, favorisant l’activation de cette voie de signalisation de la prolifération mésothéliale (8) Pour le moment, cette voie de signalisation ne bénéficie pas d’inhibiteurs spécifiques.
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Enfin, des altérations de récepteurs tyrosine kinase ont été rapportées dans le mésothéliome. Une surexpression de l’EGFR a été décrite dans 80 % des mésothéliomes testés par plusieurs équipes (9), mais contrairement au cancer bronchique non à petites cellules, sans mutation du domaine kinase, ce qui rend les inhibiteurs de type erlotinib ou gefitinib inefficaces dans le mésothéliome ainsi que l’ont montré deux essais de phase II (10, 11). En revanche, des mutations du domaine juxtamembranaire du récepteur à l’hepatocyte growth factor (HGFR ou c-met) ont été décrites dans 16 % des mésothéliomes testés (12) et des inhibeurs intracellulaires de la kinase c-met sont en cours de développement préclinique et de phase I-II, alors que des inhibiteurs extracellulaires (anticorps monoclonaux, molécules non anticorps interagissant avec le domaine extracellulaire de c-met) sont aussi proposés en phase I et II.
Prise en charge thérapeutique C’est dans ce domaine que des progrès récents laissent entrevoir des espoirs... raisonnés. La place de la tomographie à émission de positons (TEP) s’est faite jour non seulement dans le bilan d’extension locorégional et à distance du MPM, mais aussi comme facteur pronostique ou dans le suivi des patients sous traitement. L’intensité de la fixation du traceur FDG au niveau du volume tumoral ou valeur standardisée de fixation (Standardized Uptake Value ou SUV) apparaît comme un facteur de mauvais pronostic lorsqu’elle est élevée. De même, la baisse de la SUV sous traitement pourrait prédire la réponse de façon plus fiable et plus précoce que l’imagerie standard. La série de Ceresoli, sur 20 patients, a montré par l’utilisation de la TEP/TDM avant et après chimiothérapie, qu’une diminution d’au moins 25 % de la fixation métabolique évaluée par TEP correspondait à une réponse métabolique précoce après deux cures, et était corrélée à la réponse tumorale et au temps jusqu’à progression (13). La TEP-FDG paraît donc réellement pertinente pour apprécier la réponse thérapeutique dans le mésothéliome malin. La conférence d’experts de la SPLF a résumé en 2006 les données validées en matière de traitement des mésothéliomes (14). Après toute ponction ou incision pour pleurosocopie ou drainage, une irradiation de 7 Gy, avec electrons de haute énergie (12 à 15 MeV), trois jours consécutifs dans les 4 semaines suivant ce geste reste recommandée, pour prévenir la survenue de métastases de reperméation le long des trajets de ponction, avec un bolus cutané, en utilisant des électrons d’énergie adaptée à la profondeur (15). La fréquence spontanée, en l’absence de radiothérapie des points de ponction et cicatrices, de ces métastases de réperméation a été évaluée, dans une étude rétrospective radiologique canadienne, à 4 % après ponction sous TDM, mais 16 % après thoracoscopie et 24 % après thoracotomie (16). De fait, elle est de 10 % dans le bras contrôle de l’essai australien (17), et de 11 % dans l’essai
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écossais (18). Ces métastases sont sources de douleurs souvent intenses difficilement contrôlables et d’altération de la qualité de vie. L’essai marseillais historique de radiothérapie des points de ponction sur lequel cette recommandation est basée a été critiqué par les auteurs anglo-saxons, du fait de sa petite taille, de la fréquence sans doute inhabituelle de métastases de réperméation dans le bras contrôle (40 %) témoignant d’un probable biais d’échantillonnage lié à la petite taille de l’effectif (5). La critique est aussi née de de la négativité des deux essais anglo-saxons plus récents, sus-cités. Une étude plus attentive montre cependant que ces deux derniers essais contrôlés publiés depuis l’étude marseillaise sont émaillés de problèmes méthodologiques. L’essai australien, qui n’a inclus que 43 patients, n’a utilisé qu’une irradiation totale de 10 Gy en trois fractions avec des électrons de faible énergie (9 MeV), bien inférieure radiobiologiquement à l’irradiation effectuée par Boutin (17). L’essai de O’Rourke, qui n’a inclus que 61 patients a été interrompu (faute d’inclusions ?), et sans qu’une différence statistique ne soit apparue ce que l’hypothèse statistique laissait prévoir (18). Or, si on postule une incidence raisonnable de 10 % de ces métastases cutanés, il faudrait pour une réduction d’incidence de 10 à 5 % et une puissance de 90 % inclure 578 patients ! Il paraitrait donc illusoire de vouloir se lancer dans un tel essai, la procédure d’irrradiation des points de ponction étant à la fois non toxique et peu onéreuse. Enfin, quatre séries retrospectives ont été publiées depuis 1995 (la dernière en 2007), ayant inclus 146 patients montrant toutes une diminution des métastases de repermation chez les patients irradiés préventivement, avec pour trois d’entre elles, une absence complète de ces métastases après irradiation. Une pratique recommandée par la conférence d’experts de la SPLF, dans les régions de forte incidence, est aussi d’éviter les ponctions à l’aiguille fine, devant une pleurésie chez un patient professionnellement exposé à l’amiante, qui justifie alors une pleuroscopie diagnostique première. Alternativement, les points de ponctions doivent être repérés (par « tatouage ») pour permettre cette irradiation localisée rapide. La place de la chirurgie radicale par pleuro-pneumonectomie extrapleurale élargie (PPE), c’est-à-dire une résection complète en monobloc du bloc pleuropulmonaire élargie au péricarde fibreux et au diaphragme, reste controversée et réservée à une très faible minorité de patients particulièrement sélectionnés, de moins de 60 ans, en parfait état général, sans comorbidités, avec un mésothéliome de stade très précoce, d’histologie épithélioïde, dans des centres entraînés à cette chirurgie d’exception, aux suites compliquées, et qui doit être complétée par une irradiation hémi-thoracique (19). Elle n’est recommandée que dans le cadre d’essais thérapeutiques, éventuellement précédée par une chimiothérapie néo-adjuvante qui peut augmenter sa morbidité (20). Les résultats du registre nord-américain du NCI présentés par Harvey Pass au congrès de l’IASLC de septembre 2007 ont cependant tempéré les données historiques des tenants de cette chirurgie radicale. De fait, la médiane de survie globale des 663 patients traités chirurgicalement avec radiothérapie et/ou chimiothérapie adjuvante aux États-Unis entre 1974 et 2003 n’était que de 16,6 mois, sans avantage pour la
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pleuro-pneumonectomie (PPE) par rapport à la simple pleurectomie-décortication (21). Contrairement aux données historiques, la pleurectomie-décortication faisait même mieux, tous stades confondus, que la PPE avec une médiane de 15 mois de survie contre 12 à la PPE, mieux dans les stades I (46 mois contre 22), et pareil dans les stades II et III (18 et 13 mois de médiane). Alors que la chimiothérapie moderne permet d’obtenir des médianes de survie de 14 à 15 mois dans les stades III et IV, la place de cette chirurgie à la morbidité majeure et dont la mortalité à 90 jours reste de 10 % peut donc être légitimement discutée, et ce ne sont malheureusement pas les résultats décevants de l’essai de pahse II de traitement multimodal présentés plus loin qui risquent de changer cette perception. Les résultats peu probants des schémas de chimiothérapies des années 1990 ont été illustrés par un essai britannique de phase 3 du MRC (22), qui a randomisé 409 patients en trois bras : un bras de meilleurs soins de confort, un bras de polychimiothérapie par un triplet MVP (mitomycine, vinblastine, cisplatine, 4 cures), et un bras de monothérapie hebdomadaire par vinorelbine 30 mg/m2 pendant 12 semaines. Seulement 61 % des patients on reçu les 4 MVP programmés et seulement 49 % les 12 perfusions prévues de vinorelbine. Il n’a pas pu être démontré dans les différents bras d’amélioration significative de la qualité de vie ou des symptômes, par rapport à l’état de base. La médiane de survie était de dans les braschimiothérapie 8,5 et et de 7,6 mois dans le bras traitement symptomatique et, avec une survie à 1 an de 37 et 30 % (p = 0,32) respectivement. Les doublets associant un sel de platine à un antimétabolite ont amélioré ces résultats. Les associations cisplatine/pemetrexed ou cisplatine/raltitrexed se sont montrées significativement plus efficaces que le cisplatine seul dans des essais randomisés de grande taille. Le temps médian jusqu’à progression (TTP) était de 5,7 mois dans l’essai randomisé de phase III comparant l’association de pemetrexed et cisplatine au cisplatine seul (23). La survie à un 1 an du groupe ayant reçu le doublet de chimiothérapie avec une supplémentation vitaminique était de 56,5 %, contre 41,9 % aux patients traités par le seul cisplatine, la médiane de survie étant de 13,3 mois dans le groupe ayant reçu le doublet et une supplémentation vitaminique (folates + vit. B12) versus 10 mois. L’association pemetrexed plus cisplatine améliore de plus significativement la qualité de vie et le symptôme dyspnée chez ces patients. Ce type d’association est donc recommandé en première ligne dans la conférence d’experts de 2006. L’étude européenne de dispensation compassionnelle pré-AMM, publiée en 2008 (24) a confirmé ces résultats, en rapportant les résultats de survie chez 745 patients chimio-naïfs traités par cisplatine-pemetrexed et 752 traités par carboplatinepemetrexed inclus dans ce registre prospectif. Le temps jusqu’à progression était de 7 et 6,9 mois respectivement dans ces deux groupes de patients, la survie à 1 an était de 63,1 et 64 % et une médiane de survie de 15 mois (d’évaluation prudente du fait du fort taux de censure de l’étude). La survie de 247 patients chimionaïfs mais âgés ou d’état général plus précaire et n’ayant donc reçu qu’une monothérapie de pemetrexed, était de 58,6 % à un an (et une médiane
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autour de 14,1 mois) témoignant de l’efficacité de cette drogue et de son aptitude à changer l’histoire naturelle de la maladie. Il est aussi recommandé de ne pas retarder l’administration de la chimiothérapie et de ne pas attendre l’apparition de signes fonctionnels pour traiter (14). Plusieurs essais de phase 2 ont montré l’efficacité comparable de l’association pemetrexed/carboplatine qui en font une alternative intéressante en cas d’altération modérée de l’état général ou de la fonction rénale. À l’inverse, il n’y a pas de chimiothérapie standard qui puisse être recommandée en deuxième ligne après échec d’une première ligne à base de pemetrexed et cisplatine (14). L’essai de phase II de l’EORTC de chimiothérapie néo-adjuvante avant EPP, suivie par une irradiation hémi-thoracique vient d’être présenté au congrès 2009 de l’ASCO à Orlando (25). Les résultats en sont décevants, venant confirmer que la chirurgie, même associée à une chimiothérapie, ne saurait représenter le traitement standard du mésothéliome. En effet, cet essai multicentrique (auquel les équipes marseillaise et de l’IGR ont pu participer avec 9 autres centres) a permis d’inclure en trois ans 59 patients de moins de 70 ans, en bon état général (PS = 0 à 1) avec MPM de stade au plus cT3N1M0, qui ont bénéficié de trois cures de pemetrexed-cisplatine avant EPP, si la médiastinoscopie systématique préopératoire avait éliminé une atteinte ganglionnaire médiastinale. Sur ces 59 patients, 36 (61 %) étaient de stade cT1 et 57 cN0. Malgré cette sélection rigoureuse, seulement 46 patients (79,3 %) ont pu être opérés et seulement 42 (73,7 %) ont pu bénéficier d’une EPP, laquelle n’a été jugée carcinologiquement satisfaisante (R0) que pour 30 soit 51 % de la population initiale. Six patients ont dû être réopérés pour des complications, et 3 (6,5 %) sont décédés dans les 90 jours, ce qui n’est, de fait pas plus élevé qu’une « simple » pneumonectomie droite. La morbidité postopératoire a été en revanche très élevée (82,6 %, 34 patients) avec arythmie cardiaque (n = 23), pneumopathie nosocomiale (n = 2), empyèmes (n = 2) et fistules (n = 3). Seuls 37 patients (62,7 %) ont pu avoir la radiothérapie postopératoire prévue et deux patients sont décédés immédiatement après la fin de cette radiothérapie (de pneumopathie infectieuse et/ou radique). La mortalité de l’ensemble de la procédure a donc atteint 11,9 % des patients ayant eu au moins la chimiothérapie et la chirurgie, Ainsi, la médiane de survie globale n’était que de 18,4 mois, alors que la médiane de survie sans progression n’était que de 13,9 mois. La faisabilité d’une telle approche multimodale a ainsi été largement remise en cause puisque seulement 24 patients sur 59 (40,6 %) ont pu bénéficier de l’ensemble de la procédure, pour un résultat global de survie peu éloigné de ceux rapportés pour la chimiothérapie pemetrexed-cisplatine seule (chez des patients avec maladie plus avancée), au prix d’une lourde morbidité. À ce jour, aucune thérapeutique ciblée n’a fait la preuve de son intérêt dans le MPM. Le vascular endothelial growth factor (VEGF), est un puissant mitogène pour les cellules endothéliales. Récemment, il a été montré que les lignées cellulaires de mésothéliome malin pouvaient secréter du VEGF et co-exprimer ses deux principaux récepteurs Flt-1 et KDR (26). Dans une petite série de 22 patients, les concentrations sériques de VEGF se sont avérées inversement
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corrélées à la survie, suggérant que la croissance autocrine dépendante du VEGF pourrait représenter un mécanisme important de progression tumorale (27). Par ailleurs, des oligonucléotides antisens complémentaires du gène du VEGF peuvent inhiber simultanément l’expression de VEGF et VEGF-C et inhiber la croissance tumorale des cellules de mésothéliome. De façon identique, des anticorps dirigés contre les récepteurs du VEGF se sont avérés synergiques avec la chimiothérapie pour inhiber la croissance de cellules mésothéliomateuses. Les résultats définitifs d’une étude de phase 2 randomisée de première ligne associant gemcitabine plus cisplatine à un placebo ou au bevacizumab, un anticorps humanisé anti-VEGF, à 15 mg/kg toutes les 3 semaines, ont été présentés en 2007 (28). Dans le bras bevacizumab la médiane de survie était de 15,6 mois soit 2 mois de plus que dans l’essai Vogelzang (23), mais elle était aussi de 14,7 mois dans le bras placebo. La médiane de survie sans progression était de 6,9 mois dans le bras bevacizumab (objectif statistique initial de l’essai atteint), contre 6 mois dans le bras placebo. Les bons résultats observés dans les deux bras de traitement s’expliquent par une sélection des patients (d’OMS 0 et 1), par l’inclusion de 8 % de patients avec mésothéliome péritonéal, dont la survie est meilleure que les formes pleurales, mais surtout par le fait que les patients ont reçu dans leur grande majorité, une chimiothérapie de deuxième ligne à base de pemetrexed. Ces données expliquent l’absence de différence de survie globale dans l’essai bevacizumab, les patients progressifs ayant été « rattrapés » par la deuxième ligne à base de pemetrexed. Une analyse exploratoire de 56 patients chez qui a été dosé le VEGF sérique a par ailleurs montré que les patients ayant un taux sérique de VEGF inférieur à la médiane avaient un pronostic significativement meilleur que ceux dont le taux de VEGF sérique était élevé, avec une médiane de 20 mois contre 12 (p = 0,0066). À cette valeur pronostique s’ajoutait une valeur prédictive de la réponse au bévacizumab, la médiane de survie des patients ayant un taux de VEGF sérique inférieur à la médiane étant, sous bevacizumab, de 37 mois contre 14 mois aux autres (p = 0,028). La survie observée dans le sous-groupe de patients à faible taux de VEGF sérique et traités par bevacizumab semble donc meilleure que celle des patients traités par thérapeutique multimodale dans l’essai rapporté plus haut, même si ce type de comparaison reste méthodologiquement discutable. La même équipe a présenté, au WCLC 2009 de San Francisco, les résultats préliminaires d’un essai de phase II non randomisé associant le bevacizumab à 15 mg/kg toutes les 3 semaines, au doublet pemetrexed-cisplatine, avec comme objectif d’augmenter la survie sans progression à 6 mois de 48 % à 64 % chez des patients de PS 0 et 1 (15 % de formes péritonéales) (29). Les résultats sur les 40 premiers patients inclus (65 prévus) ont ainsi été présentés avec un taux de contrôle de la maladie de 81 %, un taux de réponse de 43 %, une médiane de survie sans progression de 6,9 mois, correspondant à un taux de 54 % de survie sans progression à 6 mois, et enfin une survie globale médiane de 14,8 mois (mais avec un recul médian de seulement 10 mois), prometteuse en regard des résultats de l’essai d’enregistrement du pemetrexed, pour une toxicité qui apparaissait acceptable.
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Enfin, l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT) vient d’achever un essai multicentrique randomisé de phase 2-3, MAPS (pour Mesothelioma Avastin cisPlatin Study), comparant le doublet de référence pemetrexed-cisplatine au même doublet associé au bevacizumab à 15 mg/kg toutes les trois semaines (29). Cet essai s’est voulu beaucoup plus « pur » que les essais nord-américians en restreignant l’éligibilité au patients avec mésothéliome pleural (en excluant les formes testiculaires et péritonéales), ayant bénéficié d’un diagnostic histologique (thoracoscopie recommandée), revu par le panel national MESOPATH, ayant aussi bénéficié d’une irradiatoon des orfices de thoracoscopie dans les 3/4 semaines faisant suite à l’acte, avec un état général conservé à peu altéré (PS de 0 à 2), de mois de 75 ans, et sans comorbidité cardio-vasculaire contre-indiquant le bevacizumab. 111 patients ont été inclus dont 110 éligibles. Chez les 72 premiers patients analysés, les toxicités hématologiques et digestives sont faibles dans les 2 bras (29). Une augmentation non significative des complications thrombo-emboliques bénignes est observée dans le bras Avastin®. Une augmentation significative des hypertensions artérielles et des épistaxis est observée dans le bras Avastin® mais de grade maximum 3 (29). Enfin, le taux de contrôle (patients répondeurs et patients stabilisés) à 6 mois est significativement meilleur dans le bras bevacizumab (GZ, données personnelles, ASCO 2010). Cet essai a donc atteint son objectif statistique, autorisant la poursuite en phase 3 qui a débuté en avril 2010. Il conviendra, dans cette phase 3, qui inclura 335 patients supplémentaires et sera sans doute élargie à d’autres pays européens, de démontrer que ce meilleur contrôle local se transforme en avantage de survie. Cet essai est associé à des études biologiques ancillaires multiples (avec notamment dosages sériques de VEGF), une étude de qualité de vie et une étude de TEP-FDG.
Conclusion Le mésothéliome pleural malin reste une maladie incurable, certes rare, mais dont l’incidence continue à croître dans les pays ayant connu une forte utilisation industrielle de l’amiante jusqu’à la fin des années 1980. La carcinogenèse des fibres d’amiante reste mal comprise mais les gènes altérés dans le mésothéliome sont de mieux en mieux caractérisés, laissant espérer la définition de cibles pour des thérapeutiques ciblées du futur. Les approches chirurgicales agressives, multimodales, malgré l’engouement initial lié aux résultats de quelques équipes nord-américaines chirurgicales ayant une sélection drastique de leur patients, s’avèrent décevantes lorsqu’elles sont évaluées dans des études prospectives multicentriques telle celle, récente, de l’EORTC. L’histoire naturelle de la maladie apparaît clairement influencée par le pemetrexed, que celuici soit associé au cisplatine, comme dans l’essai d’enregistrement de Vogelzang avec une survie globale passant de 9-10 mois (essai du MRC avec de « vieilles »
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associations de chimiothérapie), à 12,7 voire 13,3 mois avec substitution vitaminique B12 et B9, ou qu’il soit associé au carboplatine comme dans l’essai italien de phase II ou l’étude européenne post-AMM. La piste thérapeutique la plus prometteuse semble être, pour cette tumeur sécrétant de fortes quantités de VEGF, et exprimant le récepteur au VEGF, l’association du doublet de sel de platine pemetrexed au bevacizumab, avec pour les essais US une médiane survie sans progression de 7 mois, un taux de contrôle de 80 %, et une médiane de survie globale à 15 mois, résultats qui semblent se confirmer dans l’étude de phase II-III française dont la première partie s’est achevée début 2010. Cependant, seule la suite de cette étude française prospective, en phase III, qui débute en avril 2010, permettra d’affirmer l’existence d’un bénéfice de survie à l’ajout du bevacizumab aux doublets de pemetrexed, sous la forme d’un triplet qui constituerait alors un nouveau standard.
Remerciements Les auteurs remercient toute l’équipe de l’Unité de recherche clinique de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), dirigée par M. Franck Morin, ainsi que l’ensemble des investigateurs et des patients de l’étude MAPS.
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Mésothéliome pleural malin
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Oncologie thoracique
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Tumeurs secondaires de la plèvre Diagnostic, traitement local P. Girard
Points essentiels • On estime que 20 % des 150 000 patients qui décèdent de cancer annuellement en France sont porteurs d’une pleurésie néoplasique ; les cancers du sein et du poumon sont responsables à eux seuls d’environ 50 % des pleurésies néoplasiques. • 20 à 30 % environ des épanchements pleuraux survenant chez des patients porteurs de cancer ne sont pas des pleurésies néoplasiques. • La sensibilité diagnostique de l’analyse cytologique du liquide pleural n’est que de 60 % environ (40 % de « faux négatifs ») ; seule la thoracoscopie a une sensibilité voisine de 100 %. • Le pronostic global est médiocre (survie médiane tous patients confondus < 6 mois), mais des survies prolongées sont possibles, les deux facteurs pronostiques principaux étant l’histologie et l’état général du patient. • Les pleurésies néoplasiques responsables de dyspnée justifient un traitement spécifique ; les différentes options (ponctions répétées, symphyse par le drain ou sous thoracoscopie, drain pleural à demeure) seront adaptées à chaque situation clinique, et en fonction des expertises locales. La qualité de vie du patient doit être une préoccupation constante dans les décisions thérapeutiques chez ces patients au pronostic réservé.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
316
Oncologie thoracique
Introduction Les pleurésies néoplasiques sont définies par la présence de cellules tumorales dans le liquide pleural. Elles peuvent être contemporaines du diagnostic de maladie tumorale (elles en sont parfois révélatrices) ou survenir au cours de son évolution. Il s’agit toujours d’un facteur de mauvais pronostic, avec une médiane de survie inférieure à 6 mois et une probabilité de survie à 1 an de l’ordre de 15 %, même si des survies prolongées peuvent être observées, notamment dans les pleurésies métastatiques de cancer du sein (1, 2). Outre le problème diagnostique qu’elles posent parfois, les pleurésies néoplasiques sont souvent symptomatiques. La dyspnée, symptôme révélateur le plus fréquent, est aussi celui qui justifie un traitement spécifique, même s’il ne s’agit parfois que d’améliorer la qualité de vie d’un patient en phase terminale d’évolution de sa maladie.
Incidence On peut estimer l’incidence annuelle des pleurésies néoplasiques aux États-Unis à plus de 150 000 par an (3), ce qui correspondrait en France à environ 30 000 nouveaux cas par an, soit environ 20 % des 150 000 décès annuels par cancer en France (4). Même si toutes les tumeurs malignes peuvent, au moins théoriquement, se compliquer d’un atteinte pleurale métastatique, les cancers bronchiques et mammaires, respectivement premières causes de décès par cancer chez les hommes et chez les femmes en France (4), sont responsables à eux seuls d’environ 50 % des pleurésies néoplasiques (tableau I). Les lymphomes, qui représentaient 15 à 20 % des tumeurs responsables d’épanchements néoplasiques dans les séries anciennes (tableau I) sont pratiquement absents des séries les plus récentes (2, 5, 6), ceci étant probablement expliqué par les progrès des traitements et la diminution de la mortalité de ce type de tumeurs (7). De même, la diminution du nombre des pleurésies néoplasiques « de primitif inconnu », qui représentaient jusqu’à 15 % de l’ensemble des pleurésies néoplasiques au milieu des années 1980 (tableau I), est liée aux progrès apportés par l’immunohistochimie, qui a permis de rattacher la plupart de ces tumeurs à un primitif, le plus souvent pulmonaire.
Tumeurs secondaires de la plèvre
317
Tableau I – Prévalence respective des principales tumeurs responsables d’épanchements pleuraux néoplasiques dans une sélection de séries de plus de 400 patients. Johnston 1985 (n = 472)
Sears 1987 (n = 592)
Hsu 1987 (n = 785)
Dresler 2005 (n = 482)
Rétrospectif monocentrique
Rétrospectif monocentrique
Rétrospectif monocentrique
Prospectif multicentrique
Total (n = 2.331)
%
Poumon
168
112
410
190
880
37,9
Sein
70
141
101
115
427
18,4
Lymphomes
75
92
56
3
226
9,7
Tumeurs digestives
28
32
68
45
173
7,5
Tumeurs génito-urinaires
57
51
70
20
198
8,5
Autres*
74
164
80
100
418
18,0
*dont « primitif inconnu »
48
76
65
Physiopathologie Un faible gradient de pression hydrostatique filtre le liquide pleural depuis les capillaires systémiques pariétaux vers l’espace pleural. Le liquide pleural est réabsorbé de façon prédominante par les lymphatiques de la plèvre pariétale, par l’intermédiaire de pores (« stomata ») situées entre les cellules mésothéliales. En conditions normales, la plèvre viscérale joue un rôle négligeable dans la circulation des liquides à l’intérieur de la plèvre. Les vaisseaux lymphatiques se drainent dans les ganglions lymphatiques du médiastin, et toute effraction et/ou obstruction du réseau lymphatique pariétal et/ou médiastinal se traduira donc par un épanchement pleural (8). De plus, la présence de cellules néoplasiques dans la plèvre stimule la sécrétion locale de cytokines qui augmentent la perméabilité vasculaire et celle du revêtement pleural, augmentant ainsi la production de liquide pleural (9, 10). Enfin, on rappellera qu’une obstruction tumorale bronchique (atélectasie), des gros vaisseaux médiastinaux ou pulmonaires (artère pulmonaire, veine cave), ou lymphatique médiastinale, peut induire un épanchement pleural, sans présence de cellules cancéreuses dans la plèvre. On parle alors d’épanchements « paranéoplasiques » (3, 11). Il s’agit d’une distinction diagnostique très importante, en raison de ses conséquences pronostiques et donc thérapeutiques.
318
Oncologie thoracique
Diagnostic Chez un patient porteur d’une maladie tumorale connue, l’apparition d’un épanchement pleural doit toujours faire évoquer le diagnostic de pleurésie néoplasique, mais ne suffit jamais pour l’affirmer. L’atteinte néoplasique de la plèvre ne représente que 70 à 80 % des causes d’épanchement pleural chez les patients d’oncologie, et les pleurésies néoplasiques représentent seulement entre 42 et 77 % des épanchements pleuraux exsudatifs (3). La démarche diagnostique d’un épanchement pleural chez un patient porteur de cancer sera donc voisine de celle recommandée pour les patients sans pathologie tumorale connue (12).
Outils diagnostiques Imagerie Radiographie thoracique Dans l’immense majorité des cas, une radiographie thoracique récente suffit pour affirmer le diagnostic d’épanchement pleural et son abondance. Un épanchement abondant renforce la probabilité de pleurésie néoplasique. La radiographie thoracique apporte de plus des renseignements sur le caractère compressif ou non de l’épanchement (la déviation médiastinale du côté opposé à l’épanchement signe son caractère compressif) et donc l’urgence éventuelle d’une ponction évacuatrice (fig. 1). À l’inverse, la déviation du médiastin du côté de l’épanchement suggère fortement un trouble de ventilation du poumon sous-jacent, atélectasies partielles ou complète qui expliquent parfois à elles seules les anomalies radiologiques ; dans cette situation, seuls un scanner et/ou une échographie permettront d’affirmer ou non l’existence d’un épanchement pleural associé à l’atélectasie. Scanner thoracique Le scanner peut également se révéler utile, notamment en cas d’épanchement peu abondant et/ou cloisonné. Il sera réalisé de préférence avec injection de contraste, de manière à visualiser au mieux la présence d’éventuelles masses tumorales intrapleurales. Certains signes scanographiques renforcent la probabilité d’épanchement néoplasique : épaississement pleural circonférentiel, épaississements pleuraux nodulaires, épaississement de la plèvre pariétale de plus d’1 cm, atteinte de la plèvre médiastine ou signes en faveur d’une tumeur primitive intra- ou extrathoracique (13, 14). Le scanner présente de plus l’intérêt de renseigner sur d’éventuels diagnostics associés fréquents en cas d’épanchement néoplasique, notamment la présence et l’abondance d’un épanchement péricardique, voire une embolie pulmonaire.
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319
Fig. 1 – Épanchement pleural gauche compressif. Le médiastin est dévié vers la droite. Il s’agit d’une indication urgente de ponction évacuatrice ou de pose de drain pleural, même si l’épanchement paraît bien toléré au repos.
Échographie Le « repérage échographique » d’un épanchement pleural avant ponction est une aide modeste et non indispensable, notamment lorsque l’épanchement est abondant, ce qui est l’une des caractéristiques des épanchements néoplasiques. Les disponibilités et expertises locales respectives de l’échographie et du scanner guideront le choix éventuel de l’un ou l’autre examen avant ou pendant la ponction, en cas de suspicion d’épanchement peu abondant et/ou cloisonné (15-17). On retiendra cependant que l’échographie paraît supérieure au scanner pour le diagnostic des cloisonnements fibrineux (15), et que le caractère portable de l’échographe, au lit du patient, constitue un avantage clinique évident chez les patients peu mobilisables. TEP-scanner La tomographie par émission de positons (TEP) couplée au scanner (TEPscanner) aurait une sensibilité et une spécificité de plus de 90 % pour différencier les épanchements néoplasiques des épanchements bénins (18). Toutefois, on notera que la spécificité du TEP-scanner est considérablement diminuée en cas de talcage pleural : dans une série de 9 patients, dont 6 qui n’avaient pas de maladie pleurale néoplasique, tous avaient une hyperfixation pleurale après talcage (standardized uptake value [SUV] de 2,5 à 16,3). Les hyperfixations étaient le plus souvent focales, en regard d’épaississements focaux sur le scanner, mais restaient stables sur des examens successifs avec des suivis allant jusqu’à 71 mois (19).
320
Oncologie thoracique
Ponction pleurale Considérations techniques La ponction pleurale « exploratrice » est la première exploration diagnostique devant un épanchement pleural. Il s’agit d’un geste simple, qui n’a pratiquement aucune contre-indication (l’aspirine n’est pas une contre-indication !...). Parmi celles-ci, il est indispensable de disposer au minimum d’une radiographie thoracique de face et profil récente (idéalement moins de 24 heures) et de bonne qualité confirmant la réalité de l’épanchement, son abondance, et son association éventuelle avec d’autres signes : rétraction pulmonaire du côté de l’épanchement en cas d’atélectasie associée, ou au contraire déviation médiastinale du côté opposé à l’épanchement, signant son caractère compressif et réalisant une indication de ponction évacuatrice en urgence. Le liquide prélevé sera immédiatement réparti en plusieurs tubes pour analyses biochimique, cytologique et éventuellement bactériologique s’il existe une suspicion clinique d’infection. Pour la cytologie, le prélèvement sera mis de préférence dans un tube contenant un anticoagulant. Si un retard d’analyse cytologique est attendu (prélèvements en dehors des heures d’ouverture du laboratoire), le stockage à 4 °C jusqu’à 4 jours n’est pas idéal mais possible (12). Biochimie Sur le plan biochimique, seuls trois dosages semblent avoir un intérêt en routine clinique : la concentration en protides, LDH et mesure du pH.
• Protides La concentration en protides dans le liquide pleural permet le plus souvent, à elle seule, de différencier transsudats et exsudats. Les principales causes d’exsudats et transsudats rencontrées chez les patients porteurs de cancer sont présentées dans le tableau II. En fait, certains auteurs recommandent de se contenter de la mesure de la concentration en protides seulement si elle est inférieure à 25 g/L (transsudat) ou supérieure à 35 g/L (exsudat). Dans les autres cas (concentration entre 25 et 35 g/L), on s’aidera des critères de Light (tableau III) (12, 20, 21). On rappellera enfin la possibilité, rare mais reconnue, d’un transsudat devenant un « faux exsudat » chez les patients ayant reçu des diurétiques, expliquée simplement par la concentration du liquide pleural lors de la déplétion hydrique (21).
Tumeurs secondaires de la plèvre
321
Tableau II – Principales causes d’épanchements transsudatifs et exsudatifs chez les patients porteurs de cancer (adapté et modifié d’après Maskell et al. (12), liste des médicaments responsables adaptée de Antony et al. (3) et du site http://www.pneumotox.com) Transsudats
Exsudats
Insuffisance ventriculaire gauche Cirrhose hépatique Hypoalbuminémie Syndrome cave supérieur …
Épanchements néoplasiques Épanchements paranéoplasiques Infarctus pulmonaire Pancréatite Pleurésie asbestosique bénigne Pleurésie post-radique Pleurésies d’origine médicamenteuse (méthotrexate, procarbazine, cyclophosphamide, mitomycine, bléomycine, paclitaxel, docetaxel, dasatinib, gefitinib, imatinib, interféron alpha, interleukine 2, etc.) …
Tableau III – Critères de Light pour différencier exsudat et transsudat lorsque la concentration en protides dans le liquide pleural est comprise entre 25 et 35 g/L (12, 20, 21). Protides dans le liquide pleural < 25 g/L
25 g/L < protides < 35 g/L
> 35 g/L
Critères de Light Transsudat
Exsudat si :
Exsudat
– concentration en protides pleural divisée par concentration en protides sériques > 0,5 et/ou – LDH du liquide pleural divisée par LDH sérique > 0,6 et/ou – LDH du liquide pleural supérieur aux 2/3 de la limite supérieure de la normale de la LDH sérique
• LDH (lactico-déshydrogénase) La LDH est une macromolécule normalement présente dans la plèvre. Le seul intérêt du dosage de la LDH dans le liquide pleural est son utilisation dans les critères de Light (tableau III).
• pH Le pH normal de la cavité pleurale est alcalin, de l’ordre de 7,6 (pour un pH sanguin supposé normal). Le principal intérêt de la mesure du pH est l’identification des pleurésies infectieuses, lorsqu’une infection est suspectée avec un liquide non purulent. Un pH < 7,2 constituerait une indication de drainage de la cavité pleurale en cas d’infection (12).
322
Oncologie thoracique
Dans les épanchements pleuraux néoplasiques, un pH bas (inférieur à 7,3) serait un facteur prédictif de positivité de la cytologie pleurale, et aurait également une valeur pronostique péjorative significative (22, 23) ; mais cette notion est discutée, et un pH bas ne doit pas être considéré comme un critère contreindiquant une éventuelle symphyse pleurale (1, 11).
• Autres dosages biochimiques Un nombre considérable de dosages simples (glucose, bilirubine, urée, cholestérol, etc.) ou plus complexes (BNP, NT-pro-BNP, récepteur de l’interleukine 1, etc.) dans le liquide pleural, avec ou sans comparaison aux concentrations dans le sérum (24), a été étudié principalement pour différencier exsudats et transsudats. Ils ont donc un intérêt limité dans le diagnostic positif des épanchements pleuraux néoplasiques.
• Marqueurs tumoraux La valeur diagnostique de la concentration pleurale des marqueurs tumoraux « classiques » (ACE, CA 15-3, CYFRA 21-1 et CA 125) est médiocre. Ainsi, dans une étude de 416 patients (dont 166 porteurs d’une pleurésie néoplasique certaine), pour une spécificité de 100 % (ACE > 50 ng/mL, CA 125 > 2 800 U/ mL, CA 15-3 > 75 U/mL, CYFRA 21-1 > 175 ng/mL), les sensibilités correspondantes étaient de 29 %, 17 %, 30 % et 22 % respectivement (25). La combinaison des quatre marqueurs (au moins un des quatre élevé) atteignait une sensibilité de seulement 54 %. Ces marqueurs n’ont donc pas ou peu de place dans le bilan diagnostique des pleurésies non étiquetées. Leur seul intérêt éventuel serait l’aide à la sélection des patients ayant une cytologie négative justifiant cependant des investigations complémentaires. Cytologie L’étude cytologique du liquide pleural est une technique simple et efficace pour le diagnostic des épanchements pleuraux néoplasiques. La sensibilité de la cytologie seule est de l’ordre de 60 % (tableau IV) (12). Chez les patients ayant une cytologie positive, le diagnostic est apporté par la première ponction dans 65 % des cas environ, 25 % environ lors d’une seconde ponction, moins de 10 % lors d’une troisième ponction (26).
Tumeurs secondaires de la plèvre
323
Tableau IV – Sensibilité de la cytologie du liquide pleural dans les épanchements pleuraux néoplasiques (adapté d’après Maskel et al.) (12). Nombre de patients
Nombre de pleurésies néoplasiques
Diagnostic obtenu par la cytologie ( %)
Salyer et al. (1975)
271
95
72,6
Prakash et al. (1985)
414
162
57,6
Nance et al. (1991)
385
109
71,0
Hirsch (1979)
300
117
53,8
1 370
371
61,6
Références
Total
La spécificité de la cytologie pleurale dans le diagnostic des pleurésies néoplasiques est habituellement considérée comme excellente, mais dans une étude prospective utilisant les seuls critères morphologiques (sans immunochimie) et comparant neuf pathologistes « experts », les sensibilité et spécificité moyennes pour la distinction entre malin et bénin étaient respectivement de 81,2 % et 81,3 %, avec des valeurs individuelles variant de 65 % à 90 % pour la sensibilité, et de 64 % à 92 % pour la spécificité (27). Des techniques complémentaires (immuno-cytochimie, techniques moléculaires, etc.) mais surtout l’obtention d’un diagnostic histologique paraissent donc recommandées en routine, sauf si on dispose par ailleurs d’une histologie formelle, comme dans les épanchements néoplasiques de cancers bronchiques homolatéraux prouvés histologiquement. On rappellera à ce titre que la 7e classification TNM fait désormais classer les cancers bronchiques avec cytologie pleurale positive M1a, en raison de leur similitude avec les cancers métastatiques en termes de pronostic (28). Une étude exhaustive des différents « marqueurs » cytologiques possibles des cellules pleurales suspectes n’a pas sa place ici. On retiendra simplement la possibilité de réaliser des analyses génétiques, notamment la recherche de méthylation de l’ADN ou d’aneuploïdie (29, 30), voire la recherche de mutations spécifiques comme celles du récepteur de l’epidermal growth factor (EGFR) (31), de K-ras ou p53 (32). Mais ces recherches, si elles augmentent la sensibilité de l’analyse morphologique pour différencier épanchements bénins et malins, pour prédire une réponse au traitement, ne suffisent pas à elles seules pour affirmer un diagnostic.
Biopsies : aiguille ou thoracoscopie ? L’obtention d’une histologie pleurale est formellement requise lorsque deux conditions sont réunies : (a) le diagnostic reste incertain après l’analyse cytologique, et (b) le diagnostic de pleurésie néoplasique modifie la prise en charge ultérieure du patient.
324
Oncologie thoracique
Plusieurs techniques permettent d’obtenir une histologie pleurale : les biopsies percutanées « aveugles » (« blind biopsies ») à l’aiguille de Castelain ou d’Abrams, les biopsies sous repérage échographique ou scanographique, et enfin les biopsies sous thoracoscopie, que cette dernière soit « médicale » ou « chirurgicale ». Les sensibilités diagnostiques respectives des biopsies « aveugles », de la thoracoscopie, et de la cytologie pleurale, isolées ou associées, ont été évaluées de façon prospective dans une série de 208 patients porteurs d’épanchement néoplasique (33) (fig. 2). La thoracoscopie est donc la technique « reine » en termes de rentabilité diagnostique, avec une sensibilité proche de 100 % (33). Les seuls « faux négatifs » de la thoracoscopie sont liés à l’expérience de l’opérateur (34), et à la présence éventuelle d’adhérences et brides pleurales, empêchant une exploration complète de la cavité pleurale (34, 35). Le débat entre thoracoscopie « médicale » (sous anesthésie locale et sédation, réalisée par un pneumologue ou autre médecin entraîné) et thoracoscopie « chirurgicale » (anesthésie générale, ventilation à poumons séparés permettant l’exclusion et donc le collapsus du poumon du côté exploré) doit être résolu de façon pragmatique, en fonction des disponibilités et expériences locales ou locorégionales (33).
*Pour 6 patients (2,8 %), le diagnostic de pleurésie néoplasique n’a pu être affirmé de façon formelle que lors d’une thoracotomie ultérieure ou à l’autopsie. Fig. 2 – Sensibilité des trois techniques diagnostiques (cytologie, biopsie « aveugle », thoracoscopie), isolées ou associées, dans une série prospective de 208 patients ayant une pleurésie néoplasique prouvée et ayant été soumis aux trois procédures (adapté d’après Loddenkemper) (33).
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Stratégies diagnostiques La British Thoracic Society (BTS) propose une approche diagnostique des épanchements pleuraux unilatéraux sous forme d’un arbre décisionnel (12) (fig. 3). Toutefois, la stratégie diagnostique sera évidemment adaptée à chaque situation clinique particulière. Notamment, la prise en charge diagnostique d’un épanchement pleural survenant chez un patient porteur d’un cancer connu sera différente de celle d’un épanchement pleural isolé chez un patient sans antécédent connu de maladie tumorale : dans le premier cas, et sous certaines conditions, une simple cytologie pleurale peut suffire pour affirmer le diagnostic et proposer ou modifier un traitement ; dans le second cas, en revanche, un diagnostic histologique sera indispensable.
Fig. 3 – Arbre décisionnel pour l’exploration d’un épanchement pleural unilatéral chez l’adulte, adapté des recommandations de la British Thoracic Society (12).
326
Oncologie thoracique
Enfin, les stratégies diagnostiques peuvent varier d’un centre à l’autre, et d’un patient à l’autre, en fonction des expertises et moyens locaux disponibles, et de l’état clinique du patient. On soulignera enfin, à nouveau, que 20 à 30 % des épanchements pleuraux survenant chez des patients porteurs de cancer connu ne sont pas en rapport avec une localisation pleurale tumorale, et l’importance clinique des diagnostics différentiels chez ces patients (tableau II).
Traitement Le diagnostic d’épanchement néoplasique ayant été affirmé, la prise en charge thérapeutique présente deux grands aspects. – D’une part, le traitement spécifique de la cause (tumeur) responsable de l’épanchement : en dehors du mésothéliome, où la chirurgie d’exérèse garde peut-être une place dans un petit nombre de cas hautement sélectionnés, un épanchement pleural néoplasique est une contre-indication formelle et définitive à une chirurgie réalisée dans un but curateur. Le traitement « de la cause » reposera donc presque exclusivement sur la chimiothérapie. Les détails de ce traitement, spécifiques à chaque tumeur primitive, n’ont pas leur place ici. – D’autre part, le traitement du « symptôme » que représente l’épanchement. Un épanchement minime asymptomatique découvert fortuitement ne posera que des problèmes diagnostiques, alors qu’un épanchement abondant révélé par une dyspnée va demander un traitement spécifique. C’est ce deuxième aspect de la prise en charge des épanchements néoplasique qui sera détaillé ici. Ainsi, en dehors du traitement de la cause, on peut distinguer quatre options thérapeutiques principales pour la prise en charge des épanchements pleuraux néoplasiques : la simple surveillance, les ponctions évacuatrices, la symphyse pleurale et le drainage « à demeure ».
Observation Un épanchement pleural néoplasique peu abondant, stable et peu ou non symptomatique, ne requiert aucun traitement spécifique en dehors de celui de sa cause. La place des symphyses « préventives » (avant l’apparition d’un épanchement abondant) n’a jamais été évaluée (36), et aucune recommandation ne peut être formulée. En revanche, il est logique de proposer une symphyse systématique (talcage) chez les patients ayant une indication de thoracoscopie diagnostique et dont l’origine néoplasique de l’épanchement est affirmée pendant l’examen.
Tumeurs secondaires de la plèvre
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Ponctions évacuatrices Considérations techniques Le premier geste réalisé chez un patient présentant un épanchement néoplasique symptomatique est l’évacuation du liquide par ponction, évacuation qui doit être considérée comme une urgence en cas d’épanchement compressif (fig. 1). La technique de ponction évacuatrice utilisera idéalement, sur un patient en position assise, une aiguille de gros calibre munie d’un robinet, et reliée par l’intermédiaire d’un simple prolongateur de perfusion, à un bocal aspiratif sous vide de type « Redon » (fig. 4). L’utilisation de tels bocaux sous vide réduit non seulement la durée de l’évacuation (moins de 10 minutes pour 1 500 mL) mais aussi le risque de pneumothorax. Les classiques évacuations « déclives », avec des aiguilles de petit calibre, presque invariablement responsables d’hydro-pneumothorax lorsqu’elles sont laissées sans surveillance en raison de leur durée, doivent être évitées. Des « kits » de ponction dédiés existent sur le marché. Le point de ponction dépend de la localisation de l’épanchement, et de l’état du patient : cul-de-sac postérieur sur un patient tenant assis, cul-de-sac latéral en position demi-assise sur la ligne axillaire postérieure ou moyenne. Dans l’immense majorité des cas, un repérage échographique ou scanographique n’est pas nécessaire avant une ponction évacuatrice pour épanchement compressif.
Fig. 4 – Ponction évacuatrice en aspiration sur bocal sous vide de type « Redon ». L’aiguille de ponction est reliée au bocal par un simple prolongateur de perfusion.
328
Oncologie thoracique
Le débit d’aspiration et la quantité totale retirée à chaque ponction dépendront de la tolérance clinique. La « ré-aération » pulmonaire lors de l’évacuation d’un épanchement compressif s’accompagne souvent d’une toux sèche qui doit faire arrêter l’évacuation, au moins temporairement. La toux peut être incoercible, mais cède habituellement en quelques minutes. Il est en général possible d’évacuer sans problème 1 000 à 1 500 mL lors d’une seule ponction, mais on peut parfois atteindre jusqu’à 2 000 voire 2 500 mL avec une excellente tolérance clinique. La mauvaise tolérance précoce de l’évacuation (toux sèche et/ou douleur après évacuation de moins de 1 000 mL) suggère que l’épanchement est associé à des troubles de ventilation du poumon sous-jacent, soit en raison de son caractère pathologique (atélectasie, lymphangite, etc.) soit en raison d’un « engainement » tumoral et/ou fibrineux du poumon (« trapped lung »). Certains auteurs proposent, pour faciliter les évacuations, la mise en place d’une chambre sous-cutanée de type chambre implantable de perfusion, le cathéter étant placé dans l’espace pleural, et les évacuations étant alors réalisées à la demande à l’aide d’une aiguille de Huber reliée à un système d’aspiration sous vide (37). Cette technique, voisine de celle d’un drain à demeure (cf. infra) mais n’autorisant que des débits relativement faibles, présente l’intérêt de pouvoir être utilisée, sur prescription médicale, par le personnel infirmier en hôpital « de jour », voire à domicile (37).
Symphyse pleurale (pleurodèse) Sélection des patients Une éventuelle symphyse pleurale ne sera envisagée que si trois conditions sont réunies : (a) l’épanchement explique les symptômes (les ponctions ou le drainage améliorent le patient), (b) l’épanchement se reproduit après évacuation, et (c) le poumon se ré-expand après évacuation. L’absence d’amélioration significative de la dyspnée après ponction, devra faire chercher une autre cause : épanchement péricardique, insuffisance respiratoire sous-jacente, embolie pulmonaire, embolie néoplasique, atélectasie pulmonaire… (tableau V).
Tumeurs secondaires de la plèvre
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Tableau V – Causes de dyspnée autres que l’épanchement pleural chez les patients porteurs de pleurésie néoplasique (adapté et modifié d’après Heffner) (11). Épanchements pleuraux d’autre origine
voir tableau II
Anomalies du parenchyme pulmonaire
Lymphangite carcinomateuse Pneumopathie infectieuse Pneumopathie radio-induite Insuffisance respiratoire préexistante (emphysème, etc.) Pneumopathie médicamenteuse
Anomalies de la mécanique pariétale, diaphragmatique, ou des voies aériennes
Paralysie diaphragmatique Masses tumorales pulmonaires et/ ou pleurales de gros volume Envahissement pariétal ou diaphragmatique Obstruction ou compression tumorale de troncs bronchiques proximaux (bronches souches, trachée) Paralysie bilatérale des cordes vocales Myopathie (paranéoplasique, cachexie, etc.)
Anomalies cardiaques et péricardiques
Épanchement péricardique Insuffisance cardiaque congestive Péricardite constrictive (tumorale ou non tumorale) Cardiopathie restrictive par infiltration tumorale
Anomalies vasculaires
Embolie pulmonaire Envahissement ou compression tumorale des vaisseaux médiastinaux (artères pulmonaires, veines pulmonaires, veines caves) Embolies tumorales
Surtout, la mise en évidence d’une ré-expansion pulmonaire satisfaisante après évacuation du liquide pleural est une condition sine qua non pour envisager une symphyse pleurale. La ré-expansion « idéale » permet un retour complet du poumon à la paroi thoracique, qui n’est parfois obtenu qu’après pose d’un drain thoracique permettant une évacuation totale du liquide pleural. Un poumon « trappé » est une contre-indication à une tentative de symphyse pleurale, quelle que soit la technique utilisée (fig. 5). Les bénéfices d’une symphyse en cas de ré-expansion partielle (si par exemple les ¾ de la surface pulmonaire atteignent la paroi) seront discutés cas par cas, mais une telle situation constitue plutôt une indication de ponctions itératives ou de drain à demeure (cf. infra).
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Oncologie thoracique
Fig. 5 – Critères de réalisation d’une symphyse pleurale pour épanchement néoplasique.
Techniques de symphyse pleurale Efficacité des agents symphysants Il n’existe pas de consensus sur l’agent symphysant « idéal » (3, 11, 36). Une liste non exhaustive d’agents symphysants utilisés dans les pleurésies néoplasiques apparaît dans le tableau VI. Toutefois, la littérature la plus abondante concerne le talc, parce qu’il s’agit de l’agent le plus disponible, le moins cher, et s’accompagnant de très peu d’effets secondaires (38). En termes d’efficacité, la relative supériorité du talc par rapport aux autres agents symphysants était retrouvée dans une large méta-analyse (46 essais et 2053 patients) publiée en 2006 (39).
Tumeurs secondaires de la plèvre
331
Tableau VI – Taux de succès rapportés avec les principaux agents utilisés dans les symphyses pleurales (adapté d’après Walker-Renard et al. et Heffner et Klein) (11, 46). Agent
Taux de succès*
Doses
Douleur
Fièvre
Talc
70-100 %
2-5 g
7%
10-30 %
Corynebacterium parvum
65-92 %
7 mg
43 %
59 %
Iodopovidone Nitrate d’argent
64-96 % 96 %
20 mL de sol. à 10 % 20 mL de sol. à 0,5 %
Doxycycline
60-81 %
500 mg
40 %
31 %
Bléomycine Mitoxantrone Cisplatine
64-84 % 76-88 % 65-83 %
15-240 UI 40 mg 25 mg
28 %
24 %
*La définition du « succès » de la pleurodèse varie considérablement d’une étude à l’autre, rendant impossible toute comparaison valide. Le seul critère qui devrait être utilisé pour définir un « échec » (non succès) est celui de la réapparition d’un épanchement symptomatique justifiant au moins une nouvelle évacuation pleurale (3).
Talcage : par thoracoscopie ou par le drain ? Deux techniques peuvent être utilisées pour introduire le talc dans l’espace pleural. La première, réalisée sous thoracoscopie, permet une pulvérisation du talc (« talc poudrage » dans la littérature en langue anglaise) sous contrôle de la vue, avec l’avantage théorique d’une répartition homogène du talc sur toute la surface pleurale. Dans la seconde, le talc est introduit sous forme de « bouillie » (« talc slurry ») par un drain ayant préalablement permis l’évacuation complète de l’épanchement et la vérification d’une ré-expansion pulmonaire satisfaisante. La « bouillie » de talc est formée avec quelques grammes de talc (4-5 g) mélangée à 50 à 100 mL de sérum physiologique et (éventuellement) quelques millilitres de lidocaïne à 1 %. Le drain est clampé 1 à 2 heures puis remis en aspiration douce. L’intérêt de la « rotation » du patient pour obtenir une meilleure répartition du talc sur la surface pleurale n’est pas démontré (5, 36, 40). Dans les deux techniques, le drain est habituellement retiré lorsque la quantité quotidienne de liquide drainé est inférieure à 250 mL. Environ 20 % des patients gardent un drain 5 jours ou plus après talcage (38). Les deux techniques (par le drain ou sous thoracoscopie) ont été comparées notamment dans une étude prospective randomisée de phase III ayant inclus un total de 501 patients (5). Les patients en mauvais état général (performans status > 2), ne pouvant pas avoir une anesthésie générale, ou ayant une espérance de vie estimée inférieure à 2 mois, étaient exclus. Si le taux global de succès (absence de récidive radiologique) n’est pas significativement différent entre les deux groupes (78 % et 71 %), dans le sous-groupe ayant une ré-expansion pulmonaire supérieure à 90 % avant le talcage (70 % de l’ensemble des patients inclus),
332
Oncologie thoracique
il existait une supériorité significative du talcage sous thoracoscopie (82 % de succès au lieu de 67 % pour le talcage par le drain, p = 0,022) (5). Dans ces conditions, la décision de talcage par le drain ou sous thoracoscopie dépendra principalement de l’état général du patient (une thoracoscopie est-elle possible ?) et des habitudes et ressources locales. Mais un talcage sous thoracoscopie sera préféré s’il est possible (performans status ) 2) chez les patients ayant une bonne ré-expansion pulmonaire.
Drainage « à demeure » Initialement réservé aux patients ayant des épanchements abondants récidivant rapidement après échec d’une symphyse, le drainage « à demeure » (« indwelling catheter ») est devenu une option de première ligne du traitement symptomatique des pleurésies néoplasiques. Même si n’importe quel drain pleural peut être laissé en place et relié à la demande à un système d’évacuation, le dispositif avec lequel il existe l’expérience la plus vaste, le PleurX®, est un cathéter dédié de diamètre modeste (15,5 French), qui peut être tunnélisé sous la peau, et raccordé à la demande à des bocaux d’aspiration sous vide. L’insertion est très simple, réalisée sous anesthésie locale, et ne nécessite pas d’hospitalisation. Les évacuations peuvent être réalisées à domicile à la demande par le patient, ses proches, ou une infirmière. Il est habituel (environ 50 % des patients) d’observer un tarissement progressif de l’épanchement après une durée médiane de drainage de l’ordre de 30 à 50 jours (2, 41, 42). L’efficacité globale est excellente puisque plus de 90 % des patients ne nécessitent aucune autre intervention. De plus, une symphyse « spontanée » est obtenue (et le cathéter peut être retiré) chez environ 50 % des patients (2, 42). La principale complication est le risque d’infection pleurale (environ 3 %).
Talcage ou drain à demeure ? Pour certains auteurs (2, 42, 43), le drainage à demeure doit être envisagé d’emblée chez tous les patients porteurs d’épanchement néoplasique, s’il n’y a pas d’indication de thoracoscopie pour une autre raison, diagnostique notamment. À notre connaissance, il n’existe actuellement aucun essai prospectif randomisé comparant talcage et drain à demeure. Ce seront donc l’état général du patient, la rapidité évolutive de la maladie néoplasique, la rapidité de reproduction de l’épanchement et les possibilités de traitement de la tumeur responsable de l’épanchement qui seront les principaux facteurs pris en compte dans la décision d’une éventuelle symphyse pleurale (fig. 6).
Tumeurs secondaires de la plèvre
333
Pleurésie néoplasique prouvée
Récidive symptomatique ?
NON
Observation surveillance
OUI Avis équipe pluridisciplinaire oncologie thoracique
Ponction évacuatrice ou drain thoracique*
Réexpansion pulmonaire complète ?
NON
Envisager • Drain à demeure • Ponction itératives
OUI Talcage par thoracoscopie (PS )2) ou par le drain (PS >2)
OUI Récidive ? NON
Envisager • Drain à demeure • Re-talcage • Ponction itératives
Stop
* Pour certains auteurs, l’option du drain à demeure doit être discutée dès cette étape. Fig. 6 – Arbre décisionnel pour la prise en charge d’un épanchement pleural néoplasique, adapté (avec modifications) des recommandations de la British Thoracic Society (36). (PS = performans status).
334
Oncologie thoracique
Pronostic On retiendra que, en dehors de l’histologie, l’état général, évalué par le performans status ou l’index de Karnovsky, est le principal facteur prédictif de la survie après pleurodèse pour épanchement néoplasique. Dans une étude prospective de 85 patients, la médiane de survie des patients en bon état général (index de Karnovsky supérieur ou égal à 70 %) était de 395 jours, contre seulement 34 jours pour les patients dont l’index de Karnovsky était inférieur ou égal à 30 (44). D’autres auteurs trouvaient des résultats voisins avec des médianes plus longues (513 jours vs 63 jours) dans une population plus homogène de 114 patientes porteuses de pleurésies métastatiques de cancer du sein (45).
Conclusion Les pleurésies néoplasiques constituent un problème clinique fréquent en cancérologie. Le diagnostic positif peut être obtenu par une simple ponction exploratrice, mais peut nécessiter une thoracoscopie, seul examen dont la sensibilité est voisine de 100 %. Sur le plan thérapeutique, outre le traitement de la maladie tumorale responsable, les épanchements néoplasiques responsables de dyspnée justifient un traitement spécifique qui sera adapté à chaque situation clinique. La symphyse pleurale par talcage sous thoracoscopie reste la référence dans ce domaine, mais ne peut pas être proposée à tous les patients. Les drains pleuraux à demeure constituent une alternative simple, qui n’a pratiquement aucune contre-indication, et permet des évacuations « à la demande » qui peuvent être réalisées à domicile par le patient ou son entourage. La qualité de vie doit être une préoccupation constante dans les décisions thérapeutiques chez ces patients au pronostic réservé.
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La reconnaissance des cancers bronchiques d’origine professionnelle J.-C. Dalphin
Points essentiels • Environ 15 % des cancers bronchiques primitifs (CBP) chez l’homme, sont d’origine professionnelle. • Une exposition passée à l’amiante est en cause dans plus de 90 % des cas. • Après l’amiante, les autres étiologies fréquentes sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques, la silice et le radon. • Les CBP professionnels n’ont pas de spécificité clinique ou histopathologique. • Environ un tiers des cas seulement sont reconnus en maladie professionnelle dans le cadre des tableaux du Régime général. Cette sous-déclaration prive les victimes d’un bénéfice social (notamment financier) significatif. • Dans le cas de l’amiante, le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) permet une réparation intégrale des préjudices, y compris financiers. • Le repérage d’une exposition professionnelle repose sur plusieurs outils parmi lesquels les questionnaires simplifiés sont généralement suffisants. • Un questionnaire mis au point par la Société de Pneumologie de Langue Française et la Société Française de Médecine du Travail est téléchargeable sur leur site.
Introduction Le tabac est le facteur de risque principal du cancer bronchique primitif (CBP). Les autres facteurs de risque ne doivent toutefois pas être négligés, d’autant que ce sont pour la plupart des risques « subis ». Les plus importants sont les facteurs professionnels, tant pour la proportion de cas de CBP qu’ils induisent que pour les conséquences médico-sociales qui en découlent. En outre, leur responsabilité est parfaitement établie d’un point de vue scientifique. J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Dans ce chapitre, dans une première partie, nous ferons l’inventaire des cancérogènes et des expositions professionnelles responsables de CBP et préciserons les moyens de les identifier. Ensuite, de façon pratique, nous décrirons les démarches médico-légales menant à une reconnaissance en maladie professionnelle.
Facteurs de risque professionnels de CBP Évaluation du risque cancérogène Classification du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) Le CIRC procède régulièrement à l’édition de monographies consacrées à l’évaluation du pouvoir cancérogène de substances, mélanges de substances ou situations d’exposition. Cette évaluation est effectuée, à partir des données épidémiologiques et expérimentales publiées. Elle aboutit à classer l’agent, le mélange d’agents ou la situation d’exposition dans un groupe en fonction de leur pouvoir cancérogène, selon les définitions suivantes : • 1 : cancérogène pour l’homme ; • 2A : probablement cancérogène pour l’homme ; • 2B : peut-être cancérogène pour l’homme ; • 3 : inclassable ; • 4 : probablement non cancérogène. L’évaluation du CIRC est une évaluation du pouvoir cancérogène intrinsèque d’une substance, c’est-à-dire qu’elle ne prend pas en compte les niveaux d’exposition nécessaires à l’induction du cancer. Elle est évolutive au cours du temps et peut être consultée sur Internet (http://www.iarc.fr). Actuellement, environ la moitié des cancérogènes classés dans les groupes 1 et 2A du CIRC correspondent à des cancérogènes de l’environnement professionnel. Le classement du CIRC n’entraîne pas de contrainte particulière d’ordre réglementaire.
Classement de l’Union européenne Le classement proposé par l’Union européenne, qui concerne uniquement des substances, s’assortit d’obligations réglementaires importantes. En effet, les substances classées en catégories 1 et 2 (« cancérogène certain pour l’homme » et « cancérogène probable », respectivement) comportent un étiquetage faisant mention de ce danger, et des restrictions d’utilisation.
La reconnaissance des cancers bronchiques d’origine professionnelle
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Fréquence des cancers bronchiques professionnels (1-3) Le CBP est le plus fréquent des cancers professionnels. Les estimations publiées pour le risque attribuable aux expositions professionnelles varient largement d’un pays à l’autre, allant de 13 % à plus de 30 % chez les hommes. En 2003, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) a procédé à une estimation du nombre de cas certains de cancers attribuables à des facteurs professionnels en France à partir d’une revue des publications internationales et des données d’incidence concernant divers sites de cancer. Sur la base des cinq sites de cancers considérés (mésothéliomes, CBP, cancers de l’ethmoïde et des sinus de la face, cancers de vessie, leucémies), on aboutit à une estimation de 3 800 à plus de 7 000 cas de cancers incidents annuels chez l’homme, la majorité étant des cancers du poumon : de 2 433 à 5 427 cas (rapport interne). Compte tenu du temps de latence des processus de cancérogenèse, il est vraisemblable que le nombre de cancers d’origine professionnelle va demeurer élevé au cours des prochaines années. Néanmoins, les niveaux d’exposition à l’amiante ont diminué à partir des années 1980 et un renforcement de la prévention technique est intervenu à partir des années 1990, précédant l’interdiction à partir du 1er janvier 1997. L’incidence du mésothéliome est stabilisée, voire décroît légèrement, en France depuis 2000 (4). Le même phénomène pourrait affecter le CBP même si dans ce dernier cas c’est l’association tabac-amiante qui est en cause et non l’amiante seule.
Étiologies professionnelles documentées Le tableau I résume les étiologies certaines de CBP, et précise celles pour lesquelles il existe un tableau de maladie professionnelle dans le cadre du régime général de la Sécurité sociale. Le lecteur est invité à se reporter aux guides spécifiques de l’INRS pour la liste détaillée des travaux correspondant à chaque agent étiologique ou au site Internet de cet organisme (www.inrs.fr).
340
Oncologie thoracique
Tableau I – Étiologies professionnelles certaines de CBP. Agents, mélanges et expositions professionnelles
Tableau de MPI
Liste de travaux
30 (CBP + asbestose ou atteinte pleurale bénigne)
Indicative
30bis (CBP isolé)
Limitative
20bis/20ter
Limitative
81
Limitative
Chromates et bichromates alcalins, chromate de zinc
10ter
Limitative
Hydrocarbures aromatiques polycycliques dérivés de la houille (suies de combustion, etc.), brais de houille, huile de houille, goudrons de houille
16bis
Limitative
Certains dérivés du nickel
Amiante
Arsenic et composés Bischlorométhyléther/chlorométhyl méthyléther
37ter
Limitative
Poussières ou gaz radioactifs
6
Indicative
Mines de fer (travail au fond)
44bis
Limitative
Poussières de cobalt associées au carbure de tungstène (avant frittage)
70ter
Indicative
Silice cristalline*
25
Indicative
61 bis
Limitative
Béryllium
–
–
Gaz moutarde
–
–
2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-para-dioxine
–
–
Profession de peintre
–
–
Tabagisme passif
–
–
Poussières ou fumées renfermant du cadmium
MPI : maladie professionnelle indemnisable. * : uniquement quand « signes radiologiques ou lésions de nature silicosique ».
Amiante (5) Une attention particulière mérite d’être apportée pour l’amiante qui représente de loin l’agent étiologique le plus souvent en cause pour les CBP d’origine professionnelle. Le tableau II résume les principales situations d’exposition professionnelle à l’amiante qu’il faut rechercher face à un cas de CBP. Les effets cancérogènes de l’amiante sont établis depuis plusieurs décennies et en 1977, le CIRC a classé l’amiante comme un cancérogène avéré pour l’homme. À l’heure actuelle, les travailleurs du secteur du bâtiment et de la maintenance constituent le groupe le plus important des salariés exposés à l’amiante et c’est dans ce groupe que l’on observe le plus grand nombre de cancers reconnus en maladie professionnelle en France. En 1996, le groupe d’expertise collective de l’INSERM a évalué à 1 200 le nombre annuel de décès par CBP attribuables
La reconnaissance des cancers bronchiques d’origine professionnelle
341
à l’amiante en France. Plus récemment, sur la base de publications situant la fraction de risque attribuable entre 10 et 20 %, le département santé travail de l’InVS a estimé ce nombre entre 2 086 et 4 172 chez les hommes. L’interaction entre l’amiante et le tabac est connue de longue date et repose sur un modèle multiplicatif. Il a été estimé que des sujets fortement exposés à l’amiante, nonfumeurs, ont un risque de CBP multiplié par 5 comparativement à des sujets non exposés et non-fumeurs, que le risque est multiplié par 10 chez des sujets fumeurs non exposés à l’amiante et par 50 chez les sujets fumeurs et exposés à l’amiante. Tableau II – Principaux métiers associés à une exposition professionnelle à l’amiante (liste non exhaustive, fournie à titre indicatif). Secteur d’activité
Exposition certaine
Fabrication d’articles contenant de l’amiante (avant 1997)
Ouvrier de fabrication de fibrociment, garnitures de freins, embrayages, textile amiante, joints, matériaux d’isolation
Construction et réparation navales
Métiers de la construction navale avant 1980 Métiers de la réparation navale
Raffinerie, pétrochimie avant 1996
Agents d’entretien et de maintenance, opérateurs et agents de maîtrise
Bâtiment et travaux publics
Calorifugeur Floqueur, ouvrier de l’isolation (thermique, phonique) Chauffagiste Maçon fumiste industriel
Travail du verre Installateurs et conducteurs de chaudières
Exposition probable
Ouvrier d’entretien des chaudières et ramoneur, monteur en gaines de ventilation Tuyauteur, électricien Canalisateur, constructeur en canalisations d’hygiène publique et voies urbaines Etanchéiste, poseur de faux plafonds Installateur de matériel de protection incendie Installateur-mécanicien d’installations de réfrigération et de climatisation Soudeur, oxycoupeur, démolisseur Souffleur de verre, verrier, ouvrier de verrerie
Conducteur d’installation de centrale électrique thermique Conducteur et aide-conducteur de locomotive à vapeur
Métallurgie, sidérurgie
Chauffeur de chaudières Monteur de chaudières Mécanicien sur navire Ouvrier de laminoir Ouvrier de fonderie Soudeur, oxycoupeur, tôlier, chaudronnier
Caoutchouc, papeterie, peintures et vernis Mécanique de moteurs et véhicules divers
Mécanicien sur véhicules (automobiles, poids lourds, chariots automoteurs, etc.) Mécanicien sur moteurs, turbines, etc.
Autres industries mettant en jeu la chaleur
Ouvrier de la céramique (faïence, porcelaine, briques, tuiles)
Services communs, entretien, maintenance, services divers, commerce
Docker, en particulier sur les ports de Bastia, Bordeaux, Cherbourg, Dunkerque, Le Havre, Marseille, Rouen, Saint-Malo
Ascensoriste, technicien en chauffage, ventilation et réfrigération, ouvrier d’entretien de chaufferie, vendeur au détail d’articles en amiante (plaques, etc.)
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Oncologie thoracique
Au niveau individuel, l’imputation d’un cas de CBP à une exposition à l’amiante ne repose pas sur des certitudes et il n’existe pas de critère clinique ou histopathologique permettant d’individualiser les cancers imputables à l’amiante. Toutefois, la présence de plaques pleurales ou d’une asbestose constitue un élément d’orientation étiologique indirect, qui doit être considéré ; en particulier l’asbestose – fibrose pulmonaire liée à l’amiante qui est un facteur de risque de CBP indépendamment de l’exposition à l’amiante (6). Compte tenu du temps important écoulé entre le début de l’exposition et la survenue de la maladie (latence), qui est généralement de l’ordre de 20 à 30 ans, la survenue d’un CBP moins de 10 ans après le début de l’exposition rend peu vraisemblable une origine professionnelle. L’analyse minéralogique d’échantillons biologiques (quantification des corps asbestosiques sur liquide de lavage broncho-alvéolaire ou sur fragments de parenchyme pulmonaire) fournit aux cliniciens une évaluation objective de l’exposition à l’amiante. Cependant, si, vis-à-vis de l’exposition, cette analyse est un test spécifique, elle est peu sensible et sa négativité ne permet pas d’exclure l’existence d’une exposition même importante.
Autres cancérogènes (7, 8) Outre l’amiante, de nombreuses autres substances ou situations cancérogènes ont été prouvées chez l’homme (tableau I). Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) représentent un des cancérogènes bronchiques d’origine professionnelle les plus importants. Ces agents proviennent de la combustion incomplète de matières organiques et comportent de très nombreux composés, dont le plus connu est le benzo(a)pyrène présent, entre autres, dans la fumée de tabac. La présence d’HAP est ainsi décrite à des concentrations variées dans les dérivés de houille et à moindre titre de pétrole, dans les huiles minérales peu raffinées, les suies et la fumée de diesel. La silice cristalline est classée parmi les carcinogènes certains d’origine professionnelle chez l’homme depuis 1997. La majorité des travaux publiés montrent un excès de mortalité par CBP, essentiellement chez les sujets atteints de silicose. Le radon, gaz inerte radio-actif dont les produits de filiation sont des ions métalliques, est présent essentiellement dans les mines d’uranium et dans certains métaux (fer, pyrite et nobium). De nombreuses études ont montré l’existence d’un excès de CBP chez les mineurs d’uranium. Ces estimations ont conduit à évaluer le risque en relation avec les expositions domestiques au radon lié à l’habitat. À côté de ces situations fréquentes, d’autres expositions professionnelles sont connues depuis longtemps comme étant associées de manière certaine à un excès de CBP. C’est le cas de certains métaux comme l’arsenic (utilisé par exemple dans la fabrication de pesticides), des dérivés hexavalents du chrome (que l’on retrouve par exemple dans la fabrication de certains pigments et dans le chromage électrolytique) ou de certains sels de nickel, enfin le bischlorométhyléther (fabrication de résines échangeuses
La reconnaissance des cancers bronchiques d’origine professionnelle
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d’ions). Certains métiers comme la peinture sont également associés à un excès de CBP, probablement en rapport (au moins en partie) avec une exposition à l’amiante. D’autres cancérogènes ont fait l’objet d’évaluations plus récentes. C’est le cas du cadmium, qui a été inscrit fin 2007 dans les tableaux de maladie professionnelle (66 bis du RG) et du béryllium, qui pour l’instant ne l’est pas. Enfin, le tabagisme passif au travail est une situation à risque de CBP reconnue comme telle par les scientifiques (9) mais pas (encore ?) par le législateur.
Aspects médico-légaux (10-12) Une sous-déclaration qui pénalise les victimes D’après les évaluations les plus récentes, il y a très certainement plus de 3 000 nouveaux cas de CBP d’origine professionnelle, en France, chaque année. Au cours des 12 dernières années, le nombre de cas reconnus dans le cadre des tableaux du régime général a nettement augmenté, en particulier entre 1996 et 2003. Les dernières statistiques (données 2007 provisoires) révèlent que plus de 1 100 sujets affectés ont pu être reconnus en 2007 (fig. 1). Malgré ces progrès considérables, il persiste un déficit dans ce domaine, qui est dû pour l’essentiel à un défaut d’incitation de demande de reconnaissance en maladie professionnelle de la part des pneumologues.
* L’étiologie « amiante » représentait respectivement 1 011 cas (2003), 1 080 cas (2004), 1 043 cas (2005), 1 024 cas (2006). Fig. 1 – Nombre de cas de CBP reconnus dans le cadre des tableaux du régime général de la Sécurité sociale (source : statistiques CNAM décembre 2009).
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Oncologie thoracique
Les raisons en sont multiples (10) : manque de temps, manque d’intérêt pour ce volet médico-légal de la prise en charge des maladies, parfois méconnaissance du principe de présomption d’origine, peut-être encore refus de ce principe qui conduit trop de collègues à ne pas mettre en route les démarches médico-légales pour une victime exposée professionnellement mais fumeuse, méconnaissance des carcinogènes respiratoires professionnels, enfin difficulté à repérer de façon simple les expositions professionnelles susceptibles d’être en cause. Brève parenthèse, ce refus de la présomption d’origine est difficilement acceptable puisque scientifiquement insoutenable. En effet, personne ne peut affirmer la responsabilité unique du tabac quand un patient atteint d’un CBP a également été soumis à des carcinogènes respiratoires. On peut même soutenir que le patient en question n’aurait pas été malade s’il n’avait pas été exposé. De toute façon, cette présomption d’imputabilité régit notre système de réparation (quand il existe un tableau) et nous avons le devoir de nous y soumettre. Ne pas inciter une victime à faire une demande de reconnaissance en MP la prive d’un bénéfice social significatif qui ne doit pas être négligé dans une maladie où le bénéfice médical est encore par trop limité. La victime, lorsqu’elle est salariée du régime général, va en effet bénéficier : – d’une prise en charge à 100 % des soins pour l’affection qui sera supportée par la branche accidents du travail – maladies professionnelles de l’assurance sociale ; – d’indemnités journalières plus avantageuses financièrement pendant l’arrêt de travail qu’en arrêt de type assurance maladie ; – d’une rente, cumulable avec une retraite, qui s’étale approximativement de 50 à 100 % du salaire ; – d’une reversion dans des proportions importantes de cette rente aux ayants droit (épouse, enfants scolarisés) en cas de décès de la victime du fait de l’affection ; – d’une protection de l’emploi pour les sujets qui vont reprendre une activité. Le bénéfice est également collectif. La déclaration systématique des cas de CBP susceptibles de l’être permet des avancées légales et scientifiques significatives : création ou extension de tableaux de MP, meilleure connaissance du poids respectif des expositions professionnelles. Elle contribue en outre à la prise de conscience des risques en milieu du travail, ce qui est susceptible d’amplifier les efforts de prévention. Rappelons à cet égard que ce sont les entreprises qui financent pour l’essentiel l’indemnisation des victimes.
Modalités de reconnaissance d’un CBP en maladie professionnelle (11, 12) Nous prendrons comme exemple le cas du régime général de la Sécurité sociale, sachant qu’une procédure similaire existe pour les salariés du régime agricole, et que les autres régimes de protection sociale s’inspirent de ce dispositif (à
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l’exception des travailleurs indépendants : artisans, professions libérales, non couverts pour le risque maladie professionnelle, sauf en cas de souscription d’une assurance volontaire). Trois principaux cadres doivent être distingués. – Les cas de CBP entrant dans le cadre de tableaux spécifiques, publiés au Journal Officiel, et remplissant les critères de ces tableaux (12). Dans ce cas, le CBP est présumé d’origine professionnelle, quels que soient les autres facteurs de risque éventuellement associés (notamment le tabac) ; c’est la présomption d’origine. – Les cas de CBP entrant dans le cadre de tableaux spécifiques, mais pour lesquels une ou plusieurs conditions relatives au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste des travaux (lorsque cette dernière est « limitative », donc restrictive) ne sont pas remplies. Le CBP peut être reconnu d’origine professionnelle lorsqu’il est établi par un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), qu’il est « directement » causé par le travail habituel de la victime (affection relevant de l’« alinéa 3 » de l’article L4611 du Code de la Sécurité sociale). La victime ne bénéficie plus de la présomption d’origine. Une reconnaissance peut néanmoins être obtenue, dès lors que le CRRMP dispose d’informations permettant d’estimer le degré d’exposition cumulée du patient à la nuisance cancérogène considérée à partir de son calendrier professionnel. – Les cas de CBP ne relevant pas d’un tableau de maladie professionnelle mais ayant eu une exposition professionnelle à un ou plusieurs agents classés cancérogènes certains par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Les cas justifiant d’une incapacité permanente partielle supérieure à 25 % ou entraînant le décès peuvent en effet être reconnus et indemnisés en maladie professionnelle si le CRRMP reconnaît un lien « direct et essentiel » entre l’exposition et la survenue de la maladie. Compte tenu du poids important du tabac dans le risque de survenue du CBP, la reconnaissance est ici beaucoup plus difficile à obtenir, car il n’y a plus de présomption d’origine. Il faut rappeler que c’est le patient (et non son médecin) qui effectue la déclaration de maladie professionnelle auprès de son organisme de protection sociale à l’aide de trois pièces : un formulaire de déclaration (retiré auprès de la CPAM), un certificat médical attestant de l’existence d’un CBP, et les attestations de salaire correspondant aux périodes où le sujet estime avoir été exposé. La caisse de Sécurité sociale instruit le dossier à la fois sur le plan médical (ce qui est habituellement relativement simple pour cette affection) et sur le plan administratif (ce qui est souvent plus difficile : cas des entreprises ayant disparu, par exemple). Elle dispose d’un délai de 3 mois (6 mois en cas de dossier difficile) pour donner sa réponse, à partir de la date de réception d’un dossier complet.
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Oncologie thoracique
Cas particulier du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (13) Le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) a été créé par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 et a pour objet l’indemnisation des personnes (ou leurs ayants droit) qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition à l’amiante sur le territoire français. Toute personne ayant une maladie liée à l’amiante provenant d’une exposition professionnelle, domestique ou environnementale peut demander à être indemnisée. Selon la loi et la réglementation (arrêté du 05 mai 2002), le lien entre la maladie et l’amiante est considéré comme établi et l’exposition n’a pas à être prouvée dans trois situations : • maladie professionnelle liée à l’amiante indemnisée par un organisme de Sécurité sociale ; • mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine ou du péricarde ou autres tumeurs pleurales primitives ; • plaques calcifiées ou non, péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales (lorsqu’elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique). Dans les autres situations, le lien entre la maladie supposée être reliée à l’amiante et l’exposition doit être établi. C’est le cas du CBP quand la reconnaissance en maladie professionnelle a été refusée ou quand la victime n’est pas couverte pour le risque des maladies professionnelles, comme la plupart des artisans par exemple. L’établissement du lien entre maladie et exposition revient à une commission dite d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante (CECEA). Les avis de la CECEA s’imposent au FIVA, qui fait une proposition d’indemnisation si la commission a établi un lien entre la maladie et l’amiante. Le rôle du médecin traitant est simplement de certifier l’existence de la maladie sans avoir à se prononcer sur son origine ou sur le préjudice. Tous les éléments médicaux permettant apprécier le diagnostic positif et l’évolution doivent être fournis au FIVA, qui dispose aussi de larges pouvoirs d’investigation en cas de nécessité. La réparation des préjudices est intégrale et prend en compte les préjudices financiers et personnels. Le Conseil d’Administration du FIVA a créé un barème spécifique d’indemnisation. La saisie du FIVA se fait de façon très simple, en prenant contact par téléphone (08.00.50.02.00) ou sur le site : http://www.fiva.fr. Le demandeur est invité à remplir un formulaire concernant sa maladie et son exposition à l’amiante.
Comment repérer une exposition professionnelle (8, 14) Questionnaires Sur le plan individuel, le repérage d’une exposition professionnelle est un préalable indispensable à la mise en œuvre médico-sociale de demande de prise en charge en maladie professionnelle.
La reconnaissance des cancers bronchiques d’origine professionnelle
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Le questionnaire professionnel est l’outil le plus utilisé. Il effectue le recensement des emplois successivement occupés par un sujet, à partir de son apprentissage. Il est généralement demandé le nom et l’adresse de l’entreprise, son activité principale, le nombre approximatif de salariés, le nom du poste de travail occupé, une description des activités à ce poste et les produits les plus régulièrement manipulés pendant la période considérée. Les différentes informations peuvent faire ensuite l’objet d’une expertise par un spécialiste en hygiène industrielle, ce qui permet d’une façon générale de préciser les paramètres clés pour qualifier l’exposition à chaque nuisance d’intérêt : probabilité d’exposition, fréquence, intensité et durée. Lorsque le patient est encore en activité, des informations peuvent être recueillies auprès de son médecin du travail. Mais, généralement, dans le cas du CBP, la maladie survient après le départ de l’entreprise, ce qui rend ce contact plus difficile. De plus en plus, le praticien utilise des questionnaires de repérage simplifiés, qui sont suffisants pour proposer une éventuelle démarche de déclaration en maladie professionnelle. L’objectif ici est simplement de repérer les nuisances professionnelles connues comme pouvant être à l’origine de la maladie du patient et l’approche pragmatique consiste à lui demander s’il a exercé un emploi parmi une liste de professions ou de secteurs d’activité à risque. Une telle approche a été récemment développée par un groupe de travail mis en place par la Société de pneumologie de langue française et la Société française de médecine du travail, qui a produit un « questionnaire de repérage des expositions professionnelles chez les sujets atteints de cancers bronchiques primitifs ». Ce questionnaire est téléchargeable sur plusieurs sites, notamment sur le site de la SPLF : http://www.splf.org/s/thotlib/pub/ lib/pdf/questCMP.pdf.
Autres outils Les données métrologiques sur les niveaux atmosphériques mesurés sont très rarement disponibles, en particulier pour les périodes anciennes. Il peut être utile de se rapprocher du médecin du travail concerné si le patient est encore en activité. Parmi les autres méthodes, seule la biométrologie est utilisable en routine. Il s’agit de la quantification de la nuisance considérée chez l’individu. Quelques indicateurs peuvent être utilisés, c’est notamment le cas des « corps asbestosiques » dans le lavage broncho-alvéolaire ou sur du tissu pulmonaire. Ce type de marqueur est utile à rechercher pour caractériser les expositions lorsque l’interrogatoire est imprécis ou lorsque le patient ne remplit pas les conditions administratives requises pour l’obtention d’une reconnaissance en maladie professionnelle dans le cadre des tableaux. Mais ce marqueur n’est pas très sensible.
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Oncologie thoracique
Remerciements L’auteur remercie Agnès Cachot pour son assistance éditoriale.
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Soins de support K. Chouahnia et M. Luu
Points essentiels • Les soins de support en oncologie sont définis comme « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux patients, tout au long de la maladie conjointement aux traitements oncologiques spécifiques lorsqu’il y en a. Leur coordination est indispensable à l’approche globale du patient et de sa famille. • Les soins palliatifs intègrent totalement la problématique des soins de support en oncologie. Ils concernent plus particulièrement les patients en phase palliative et terminale de la maladie où l’objectif des soins et des traitements va se centrer progressivement sur la qualité de vie plutôt que sur la durée de vie. • Les nausées et vomissements chimio-induits altèrent la qualité de vie et peuvent constituer un obstacle à l’observance du traitement antitumoral. Leur prévention et leur traitement ont fait l’objet de recommandations. • Les indications des différentes thérapeutiques de l’anémie (agents stimulants de l’érythropoïèse, EPO, transfusions), à l’origine de différents symptômes dont la fatigue, sont actuellement bien codifiées. L’activité physique est un moyen non médicamenteux qui a montré des effets bénéfiques tant sur la fatigue que sur l’état psychologique, la douleur et d’autres symptômes chez les patients atteints de cancer sous chimiothérapie. • La sévérité des douleurs du mésothéliome pleural, principaux symptômes de ce cancer, peut nécessiter le recours à des techniques de traitement de la douleur invasifs qui seront discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire. De même, la prise en charge des métastases osseuses tant sur le plan de la douleur que fonctionnel nécessite une approche pluridisciplinaire, associant selon l’état clinique du patient les antalgiques, les bisphosphonates, la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction La prise en charge d’un patient atteint de cancer dépasse largement celle de la tumeur. Celle-ci entraîne un certain nombre de conséquences tant physiques que psycho-sociales pour le patient mais également pour son entourage et, ce, dès l’annonce du diagnostic et tout au long de la maladie, quelle qu’en soit l’issue. Ces conséquences doivent être repérées voire anticipées et prises en charge afin de conserver et/ou améliorer la qualité de vie du patient. Si l’oncologue a un rôle à jouer dans le repérage et le traitement des symptômes physiques, leur prise en charge ainsi que celle des autres problématiques nécessitent le plus souvent le recours à des professionnels (ex. : psychologue, kinésithérapeute, diététicien, etc.), des équipes (ex. : équipe mobile de soins palliatifs, consultation de la douleur, etc.), des services (service social, hospitalisation à domicile, réseau de soins palliatifs, etc.) ressources. Ceux-ci vont dispenser des soins correspondant aux besoins du patient : ce sont les soins de support en oncologie définis comme « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades, tout au long de la maladie conjointement aux traitements onco-hématologiques spécifiques lorsqu’il y en a » (1). Afin d’éviter la juxtaposition de prises en charge déconnectées les unes des autres, l’approche du patient doit être globale, ce qui nécessite une coordination des soins de support. L’organisation de cette coordination varie suivant les lieux d’implantation. Le dispositif d’annonce et les réunions de concertation pluridisciplinaire jouent un rôle majeur dans l’anticipation des besoins et dans le repérage et la prise en charge précoce des situations à risque. Pendant la maladie et lors de ses suites, en complément des traitements spécifiques du cancer, les soins de support répondent à des besoins qui concernent principalement la douleur, la fatigue, les problèmes nutritionnels, les troubles digestifs, les troubles respiratoires et génito-urinaires, les troubles moteurs et les handicaps, les problèmes odontologiques, les difficultés sociales, la souffrance psychique, les perturbations de l’image corporelle et l’accompagnement de fin de vie, des patients et de leur entourage (2). S’il n’y a pas de besoins en soins de support qui seraient spécifiques du cancer broncho-pulmonaire (CB), les patients qui en sont atteints vont présenter plus fréquemment certains symptômes dus soit à la maladie cancéreuse et son évolution, soit aux thérapeutiques spécifiques utilisées. Pathologie cancéreuse souvent diagnostiquée en phase avancée de la maladie, les patients atteints de CB vont nécessiter plus ou moins rapidement une prise en charge relevant des soins palliatifs et d’accompagnement. Ceux-ci se définissent comme « des soins actifs et continus, pratiqués par une équipe interdisciplinaire, en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage » (loi du 9 juin 1999). Ils intègrent totalement la problématique des soins de support en cancérologie et concernent plus particulièrement les malades en phase
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palliative et terminale de la maladie où l’objectif des soins et des traitements va se centrer progressivement sur la qualité de vie plutôt que sur la durée de vie. La prise en charge palliative ne sera pas abordée ici car elle nécessiterait un chapitre à part entière. Six symptômes ont été retenus : les nausées vomissements chimio-induits ; la fatigue ; l’anémie ; la douleur souvent révélatrice dans les tumeurs de l’apex avec le syndrome de Pancoast-Tobias ; les mésothéliomes malins, les métastases osseuses ; la nutrition ; et la toxicité cutanée de nouveaux traitements.
Traitements des nausées et vomissements chimio-induits Les nausées et les vomissements chimio-induits (NVCI) restent parmi les symptômes les plus redoutés par les patients devant recevoir une chimiothérapie. L’incidence et la sévérité de ces symptômes sont fonction du type de molécule. Le cisplatine, drogue majeure dans le traitement des CB, a un potentiel hautement émétisant responsable des NVCI chez plus de 90 % des patients. Toutefois, la présence de facteurs spécifiques liés au patient peuvent majorer ces NVCI tels que, l’âge inférieur à 50 ans, le sexe féminin, l’anxiété et les antécédents d’épisodes émétiques lors d’une chimiothérapie antérieure. L’administration conjointe de drogues de 3e génération dans le cancer bronchique a montré une amélioration en termes de survie par rapport aux drogues de 1re et 2e génération, avec néanmoins une majoration des NVCI. Chez les sujets fragiles ne supportant pas les traitements à base de platine, un doublet sans platine peut leur être proposé. Les tableaux I et II (3) rappellent les drogues les plus utilisées dans la pathologie tumorale thoracique en fonction de leur potentiel émétisant. Tableau I – Risque émétisant des chimiothérapies par voie intraveineuse, d’après Jordan et al. (3). Risque élevé (> 90 %)
Risque modéré (30 à 90 %)
Risque faible (10 à 30 %)
Risque très faible (< 10 %)
Cisplatine Cyclophosphamide (> 1 500 mg/m²)
Carboplatine Cylophosphamide (< 1 500 mg/m²) Ifosfamide Doxorubicine
Paclitaxel Docetaxel Cetuximab Pemetrexed Topotecan Étoposide Gemcitabine Thiotépa Méthotrexate (> 100 mg/m²) 5-fluoro-uracile
Vinblastine Vincristine Vinorelbine Bevacizumab Méthotrexate (< 100 mg/m²)
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Oncologie thoracique
Tableau II – Risque émétisant des chimiothérapies orales, d’après Jordan K et al. (3). Risque moyen (30 à 90 %)
Risque très faible (< 10 %)
Cyclophosphamide Étoposide Vinorelbine
Erlotinib Gefitinib Sorafinib
On distingue globalement trois types de nausées et vomissements : – les NVCI aigus dans les premières 24 heures après l’administration de la chimiothérapie ; – les NVCI retardés : au moins 24 heures après l’administration de la chimiothérapie et pouvant se prolonger jusqu’à 5 jours ; – les NVCI d’anticipation : peuvent survenir avant l’administration de la chimiothérapie. Non contrôlés par les traitements adaptés, ces NVCI ont pour conséquence une altération de la qualité de vie, qui peut constituer un obstacle à l’observance du traitement anti tumoral. Bien que recevant un traitement antiémétique par les antagoniste 5-HT3 (sétrons) et corticoïdes, les patients sous chimiothérapie hautement émétisante rapportent des NVCI aigus et retardés dans respectivement 33 % et 60 % des cas (4). La mise à disposition depuis peu d’une nouvelle classe thérapeutique antiémétique, l’aprépitant (Emend®) doté d’un mécanisme d’action antagoniste centrale de la substance P au niveau des récepteurs neurokinine 1 (NK1) a apporté, en association avec les corticoïdes et les antagonistes 5-HT3, un bénéfice clinique majeur dans le contrôle des NVCI aigus et retardés chez ces patients (5). Ainsi, la prévention et le traitement des NVCI sont résumés dans le tableau III (3) selon les recommandations de MASCC, ASCO et NCCN. Tableau III – Prévention des NVCI aigus selon MASCC, ASCO et NCCN, d’après Jordan et al. (3). NVCI
MASCC
ASCO
NCCN
Risque élevé
Risque modéré
Risque moyen
Risque faible
NVCI aigus
NVCI aigus
NVCI aigus
NVCI aigus
Dexaméthasone
X
Dexaméthasone
X
Dexaméthasone ± lorazépam ou prochlorpérazine ± lorazépam ou métoclopramide ± lorazépam
X
5-HT3-RA + dexaméthasone + dexaméthasone + aprépitant
1. Avec. Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA + dexaméthasone + aprépitant
5-HT3-RA + dexaméthasone + aprépitant
1. Avec. Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA + dexaméthasone + aprépitant
5-HT3-RA + dexaméthasone + aprépitant ± lorazépam
1. Avec. Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA + dexaméthasone+ aprépritant ± lorazépam
2. Sans Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA + dexaméthasone
2. Sans Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA + dexaméthasone
2. Sans. Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA + dexaméthasone ± lorazépam
Soins de support 353
Tableau III bis – Prévention des NVCI retardés selon MASCC, ASCO et NCCN, d’après Jordan et al. (3). NVCI
Risque élevé NVCI retardés
MASCC
Dexaméthasone + aprépitant
Risque modéré
Risque moyen
Risque faible
NVCI retardés
NVCI retardés
NVCI retardés
1. Avec. Anthracycline/Ccyclophosphamide.
X
X
X
X
X
X
Aprépitant ou dexaméthasone 2. Sans. Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA ou dexaméthasone
ASCO
Dexaméthasone +aprépitant
1. Avec. Anthracycline/cyclophosphamide Aprépitant 2. Sans. Anthracycline/cyclophosphamide 5-HT3-RA ou dexaméthasone
NCCN
Dexaméthasone +aprépitant ± lorazépam
1. Avec Anthracycline/cyclophosphamide Dexaméthasone +aprépitant ± lorazépam 2. Sans Anthracycline/cyclophosphamide Dexaméthasone ou 5-HT3-RA ou les deux ± lorazépam
X : prophylaxie non en routine ; 5-HT3-RA : 5-HT3 récepteur antagoniste ; NVCI : nausées et vomissements chimio-induits ; MASCC: Multinational Association of Supportive Care in Cancer; ASCO: American Society of Clinical Oncology; NCCN: National Comprehensive Cancer Network.
Fatigue La fatigue ou l’asthénie est un symptôme majeur largement ressenti chez les patients atteints de cancer. Elle prédit une mauvaise qualité de vie ultérieure. Son amélioration aboutit à une amélioration de l’anxiété, de la dépression et de la qualité de vie. Les patients au décours des soins, que ce soit par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie, décrivent une notion de fatigue, sensation d’épuisement persistant, interférant avec la vie quotidienne et ne cédant pas au repos. Dans une enquête sur plus de 1 300 patients atteints de cancer dont plus de la moitié recevaient une chimiothérapie, 56 % des patients se disent fatigués avec un impact négatif majeur sur leur qualité de vie (6). L’anémie représente la cause la plus fréquemment retrouvée. Toutefois, d’autres facteurs ont été impliqués dans la survenue et la persistance de l’asthénie telle que la dépression et les carences nutritionnelles. Bien que nombreux, les essais portant sur l’apport de certaines substances pharmacologiques et drogues proposés pour améliorer ce symptôme (antidépresseurs, L-carnitine, ginseng, etc.) ont retrouvé des résultats plus ou moins contrastés. Seuls ceux portant sur l’activité physique et sur la correction de l’anémie ont démontré une efficacité sur l’amélioration de la fatigue.
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Oncologie thoracique
Anémie L’anémie est définie par l’OMS par un taux d’hémoglobine (Hb) < 11 g/dL ; sa gravité dépend du taux de l’hémoglobine (tableau IV). L’anémie est observée dans plus de deux tiers des cas au cours de la maladie cancéreuse quelle que soit l’origine (7) et également au cours des traitements antitumoraux. Chez un même patient, l’anémie est multifactorielle et les symptômes sont fonction de son mode d’installation et du terrain sous-jacents (comorbidités). Le symptôme clinique de l’anémie le plus fréquemment rencontré est l’asthénie. L’amélioration du performance status et de la qualité de vie du patient est fortement corrélée au taux de l’hémoglobine (8). Tableau IV – Échelle de gravité de l’anémie selon NCI (National Cancer Institute) et l’OMS. Taux d’hémoglobine
Hémoglobine (g/dL)
Normale
> 11
1 (légère)
9,5-10,5
2 (modérée)
8,0-9,4
3 (sévère)
6,5-7,9
4 (pronostic vital en jeu)
< 6,5
Trois situations se distinguent dans la survenue de l’anémie chez les patients atteints de cancer : l’anémie due au cancer lui-même, au traitement myélosuppresseur (chimiothérapie et radiothérapie) et l’anémie causée par des problèmes annexes (dénutrition et carence martiale, saignement, hémolyse, insuffisance rénale et autres, etc.). Dans le cancer bronchique, la prévalence de l’anémie varie de 37,6 % à 64 % (9). Sous chimiothérapie, l’incidence de l’anémie varie de 60 à 80 % des cas (9, 10).
Anémie liée au cancer L’inflammation chronique liée au cancer et l’envahissement médullaire dans le contexte d’une maladie avancée sont responsables d’une anémie réfractaire. Le traitement de l’anémie ici repose sur le traitement de la maladie causale. Ainsi, dans cette situation, les agents stimulants l’érythropoïèse (ASE) ne sont d’aucune utilité et ne sont donc pas indiqués. La transfusion sanguine selon la gravité de l’anémie reste le seul moyen à disposition en cas d’anémie symptomatique. Elle permet la correction rapide de l’anémie : un culot globulaire
Soins de support 355
en dehors de toute hémorragie active permet une augmentation d’un gramme d’hémoglobine (11). L’appréciation de la tolérance de l’anémie est fonction des comorbidités en particulier cardiaques ou respiratoires des patients. Le bilan martial doit être réalisé pour l’adjonction d’une supplémentation en fer.
Anémie liée à un traitement myélosuppresseur Les protocoles de chimiothérapie largement utilisés dans le traitement du CB comportent un doublet à base d’un sel de platine. Le cisplatine représente de part sa toxicité sur la ligne cellulaire rouge, le chef de fil des chimiothérapies responsables de la survenue de l’anémie. Cette dernière est de type arégénérative : elle est liée d’une part à une insuffisance de production d’érythropoïétine par toxicité rénale et, d’autre part, à la réduction de la durée de vie des hématies (12, 13). La correction de l’anémie se fait soit par des transfusions sanguines selon sa gravité, soit par l’administration des ASE. Cette classe thérapeutique a fait l’objet de nombreuses études pour évaluer leur effet sur la réduction des besoins transfusionnels et l’amélioration de la qualité de vie. Les différents ASE ont démontré globalement une efficacité similaire dans la correction de l’anémie, la diminution des besoins transfusionnels, l’amélioration de la qualité de vie et la diminution de la fatigue chez les patients atteints de tumeurs solides, dont les cancers bronchiques (14). Par ailleurs, on a attribué un rôle potentiellement délétère des ASE sur la survie récemment confirmé par une méta-analyse portant sur les données individuelles de 13 933 patients atteints de cancer dont 21 % de CB. On a ainsi observé que l’utilisation des ASE dans l’ensemble de la population est associée à une augmentation de la mortalité (HR combiné = 1,17 ; IC95 % 1,06-1,30). Cependant, chez les patients recevant une chimiothérapie et traités par les ASE, l’impact sur la diminution de la survie n’était pas significatif (15). En raison des incertitudes qui persistent sur l’impact négatif sur la survie du traitement par les ASE, la prudence doit être privilégiée et la balance entre le bénéfice et le risque d’un tel traitement doit être bien pesée, particulièrement chez les patients potentiellement curables. Les principales études randomisées de phase III évaluant le bénéfice des ASE des CB sont résumées dans le tableau V (16-19). Il a été observé, dans ces études, une baisse dans les besoins transfusionnels et une amélioration de la qualité de vie des patients. Seule l’administration des ASE chez les patients ne recevant pas de chimiothérapie a été marquée par une baisse de la médiane de survie (19). Dans une étude observationnelle, le taux de réponse au traitement par EPO chez les patients atteints de CB avec ou sans platine était respectivement de 56 et 61 % (20).
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Oncologie thoracique
Tableau V – Principales études randomisées sur EPO et cancers bronchiques. Études
Type de cancer
Traitement
Nombre de patients évaluables
EPO
Effet EPO
Vansteenkiste CBNPC (22) et CPC
Chimiothérapie avec platine
297
Darbépoïétine _ versus placebo
? transfusions B Hb B QOL
Grote (23)
CPC
Chimiothérapie
224/400 initialement prévus
EPO _ versus placebo
RO similaire Survie globale similaire
Wright (24)
CBNPC avancé
CT sans platine ou traitement symptomatique
70 (sur 300 initialement prévus)
EPO _ versus placebo
? médiane survie dans le bras EPO
Pirker (25)
CPC diffus
Sel platine + étoposide
597
Darbépoïétine _ versus placebo
? transfusions B Hb survie identique
In fine, l’administration des ASE doit obéir aux recommandations de l’ESMO (21). Cette dernière recommande le traitement par ASE des patients sous chimiothérapie ou radiothérapie présentant une anémie avec une hémoglobine (Hb) comprise entre 9 et 11 g/dL. Si l’Hb > 12 g/dL, le traitement est arrêté et repris si Hb < à 11 à moins de 25 % de la dose initiale (fig. 1). Mise en place du traitement par ASE ? ? Évaluation après 2 semaines Évaluation après 4 semaines Si augmentation d’Hb >1 g/dl Si diminution du taux d’Hb < 1g/dl ? ? Diminuer la dose de 25 à 50 % Augmenter la dose (4 à 5 semaines) Si pas d’augmentation d’Hb ? Arrêt du traitement par ASE Fig. 1 – Mise en place du traitement par ASE.
Après un bilan martial, l’adjonction de fer au traitement par ASE par voie intraveineuse a montré une amélioration du taux de réponse par rapport à la voie orale (22). Le tableau VI rappelle les différents protocoles de traitement par les ASE. Quel que soit le type de traitement par ASE, il doit être surveillé en raison de la survenue des effets secondaires, notamment les accidents thromboemboliques.
Soins de support 357
Tableau VI – Doses et régimes des ASE, d’après Greil et al. (21). Recommandations de l’ESMO. Approuvé en Europe
Approuvé aux États-Unis
Traitement alternatif
Époïétine _
Tumeurs solides, lymphome, myélome : 150 IU/kg/s.c. x2/semaines, augmenter à 300 UI/kg s.c. ou 450 UI/ kg/s.c. par semaine
Tumeurs malignes non myéloïdes : 150 UI/kg/s.c., augmenter à 300 UI/kg/s.c. x2/ semaines ou 40 000 UI/semaine, augmenter à 60 000 UI/semaine
60 000 UI/ semaine EN induction suivie de 60 000 UI/ semaine
Époïétine `
Tumeurs solides : 150 UI/kg/semaine, augmenter à 300 UI/ x2/semaine Tumeur lymphoïde : 450 UI/kg/semaine, augmenter à 900 UI/kg/ semaine ou 30 000 s.c./ semaine
Non approuvé
=
Darbépoïétine _
Tumeurs non myéloïdes : 2,25 +g/kg s.c./semaine, augmenter à 4,5 +g/kg/ semaine ou 3 semaines
Tumeurs non myéloïdes : 2,25 +g/kg s.c./semaine, augmenter à 4,5 +g/kg/semaine
4,5 +g/kg ou 325 +g à dose fixe/semaine (induction), puis 4,5 +g/kg ou 325 +g dose fixe/3 semaines ou 500 mg dose fixe/3 semaines
EPO
Nous disposons actuellement de trois molécules : deux EPO recombinées, l’époïétine _ (Eprex®) ou l’époïétine ` (NéoRecormon®) et une protéine, la darbépoïétine _ (Aranesp®) et depuis peu d’autres molécules dites bio-similaires qui ont les mêmes indications que les ASE classiques.
Activité physique L’activité physique correspond à un mouvement du corps lié à une contraction musculaire volontaire accroissant la consommation d’énergie de l’organisme (23). Son bénéfice a été observé sur la fatigue, l’état psychologique, la douleur et d’autres symptômes cliniques chez les patients atteints de cancer sous chimiothérapie (24). Son absence expose à des atrophies musculaires, des thromboses veineuses, des embolies pulmonaires et à l’exacerbation des symptômes cliniques. L’intensité de l’activité physique est mesurée en MET-H selon son type, sa fréquence, son intensité. MET-H, unité qui correspond à la dépense d’énergie observée en restant assis sans bouger pendant 1 heure, soit une consommation de 3,5 mL d’oxygène par kg de corps et par minute. La
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Oncologie thoracique
marche normale correspond à une dépense d’énergie de 3 MET-heure. Les activités à faible dépense énergétique (marche, montée d’escalier, etc.) correspondent à une dépense inférieure à 6 MET-heure. Les activités physiques à haute dépense énergétique sont supérieures à 6 MET-heure (footing, tennis, natation, etc.). Par ailleurs, l’activité physique diminue le taux d’insuline et d’IGF (insulin grawth factor) qui sont impliqués dans la prolifération cellulaire. L’activité physique améliore donc la sensibilité des cellules à l’insuline et augmente la captation du glucose par les muscles dans les 24 à 36 heures suivant l’effort physique. Ainsi, l’activité physique permet d’améliorer la fonction cardio-respiratoire et pourrait réduire la concentration des carcinogènes au niveau des voies respiratoires bien que la majorité des essais portant sur l’activité physique et le risque de survenue de CB soit d’ordre épidémiologique (25). Une grande étude prospective a évalué l’impact de l’exercice physique sur le risque de survenue de CB chez des sujets non-fumeurs, fumeurs et anciens fumeurs. Elle a retrouvé que le risque de développer un CB selon le type histologique (40,3 % adénocarcinome, 19,7 % épidermoïde, 14,8 % à petites cellules et 24,3 % autres) est directement lié au mode de vie impliquant le tabagisme, un index de masse corporelle élevé et une alimentation faible en fruits et légumes (26). En revanche, une autre étude a démontré qu’une activité physique modérée à intense réduit le risque de survenue du CB indépendamment du statut tabagique. Néanmoins, le bénéfice observé chez les fumeurs ou anciens fumeurs reste modéré (27). Dans le CB, l’apport de l’activité physique dans la prise en charge des patients n’a pas été formellement démontré, par rapport à ce qui a été observé dans le cancer du sein. Toutefois, on a retrouvé chez les patients ayant survécu de façon prolongée à un CB diagnostiqué à un stade précoce que le maintien d’une activité physique régulière est bénéfique en termes de qualité de vie (28). Cette activité peut être recommandée en post-traitement immédiat et adaptée en fonction de la capacité fonctionnelle du patient. Il est recommandé de débuter initialement les exercices physiques en milieu médicalisé pour détecter les symptômes précoces d’une complication, tels que l’apparition d’une douleur thoracique, une majoration de la dyspnée ou une modification du rythme cardiaque. Si le patient présente une insuffisance cardiaque (NYHA II–III), les exercices physiques ne doivent pas excéder 30 minutes 3 fois par semaine. Ces exercices sont contre-indiqués chez les patients ayant eu une ischémie myocardique documentée ou un trouble du rythme grave (29). Chez ceux présentant une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), les exercices physiques risquent de majorer la dyspnée. Dans ce cas, l’intensité de l’exercice doit être modérée et sous oxygénothérapie (30). Quoi qu’il en soit, avant de démarrer un programme d’exercice physique chez les patients avec des comorbidités cardiaques et respiratoires, un électrocardiogramme complété ou non par une échographie cardiaque selon les cas seront pratiqués, associés à un bilan biologique avec dosage de l’hémoglobine à la recherche d’une anémie empêchant l’effort physique.
Soins de support 359
Nutrition et arrêt du tabac L’apport nutritionnel par supplémentation en multivitamines et bêtacarotène dans la prévention du CB a été largement rapportée dans la littérature avec des résultats contradictoires. En revanche, les études sur la prévention secondaire et facteurs alimentaires impliqués dans la récidive du cancer ont surtout concerné les cancers du sein et du côlon, bien que le bénéfice en survie dans le CB ait été observé chez les patients ayant eu une alimentation équilibrée (31). L’arrêt du tabac joue non seulement un rôle dans la prévention primaire du CB mais aussi en prévention secondaire. La poursuite du tabagisme chez les patients traités pour un cancer bronchique est responsable d’une part de sa récidive et, d’autre part, de la survenue d’un deuxième cancer avec deux fois plus de risque de décès que pour les patients ayant arrêté de fumer (32).
Douleur Plus de la moitie des patients atteints de cancer se plaignent d’une douleur en rapport avec leur maladie (33). Cette douleur est présente dans un tiers des cas au moment du diagnostic et dans deux tiers des cas aux stades avancés de la maladie (34). Ces douleurs sont dues au cancer, à ses traitements et d’origine iatrogène.
Douleur du cancer La douleur de la paroi thoracique des cancers pulmonaires est unilatérale dans 80 % des cas. Ces douleurs sont secondaires à l’infiltration par la tumeur des structures innervées telles que l’os, les tissus mous, les nerfs, les organes, et les vaisseaux sanguins. L’évaluation adéquate est un pré-requis effectif pour la prise en charge de la douleur chez le patient atteint de cancer. Et l’évaluation de la douleur est primordiale pour une meilleure prise en charge. Différentes approches dans le traitement des douleurs causées par les métastases osseuses dépendent des besoins individuels pour chaque patient. En effet, deux situations cliniques se distinguent par l’intensité de la douleur : les douleurs neuropathiques par envahissement pariétale des mésothéliomes pleuraux et les douleurs des métastases osseuses.
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Oncologie thoracique
Douleur du mésothéliome pleural La douleur du mésothéliome pleural malin représente avec la dyspnée les symptômes qui inaugurent la maladie. La douleur est due à l’envahissement pleural et costal par la tumeur et donne le « costo-pleural-syndrome » (35). Elle augmente avec l’évolution de la maladie et elle est majorée par les mouvements respiratoires induits par la dyspnée (36). Son caractère mixte exige une prise en charge précoce et multidisciplinaire. Les morphiniques sont d’efficacité variable. Le recours aux coantalgiques (corticoïdes, AINS et anticonvulsivants) est souvent nécessaire (37). Le contrôle de la douleur par la chimiothérapie a également été rapporté dans 79 % des cas par une association comportant la mitomycine C, vinblastine et cisplatine (38). Néanmoins, la supériorité de la chimiothérapie par rapport aux soins de supports dans le contrôle de la douleur n’a pas été clairement démontrée (39). En revanche, la radiothérapie palliative de 30 Gy sur la paroi thoracique a permis, dans certains cas, un contrôle persistant (3 mois) de la douleur chez environ 50 % des patients (40). Ainsi, l’évaluation régulière de la douleur et l’adaptation du traitement antalgique permettent de détecter rapidement celles qui sont et/ou deviennent résistantes. Si tel est le cas, le recours à des traitements locaux allant de la neurostimulation transcutanée électrique (TENS) aux techniques anesthésiques d’interruption des voies de la douleur (blocs nerveux intercostaux et bloc neurolytique intrathécal) et chirurgicale (cordotomie cervicale percutanée) peut être discuté. La cordotomie cervicale percutanée a montré un bénéfice dans le traitement des douleurs liées au « costo-pleural-syndrome ». Elle consiste en une interruption du faisceau spinothalamique au niveau de la première et deuxième vertèbre cervicale par thermocoagulation percutanée. Cette technique permet d’apporter une analgésie dans la région thoracique controlatérale sous-jacente (35, 41-43). Une réduction significative de la douleur a été observée dans 83 % à 94 % des cas (44) et un arrêt des traitements morphiniques dans 38 % des cas (41). La cordotomie percutanée peut aussi être utilisée dans le cas des tumeurs du Pancoast en échec thérapeutique. Un contrôle satisfaisant de la douleur est obtenu dans 75 % des cas (42). Néanmoins, ces techniques ne sont pas dépourvues de complications : déficits moteurs (40), lésion de la moelle épinière au cours des neurolyses intrathécales et pneumothorax au cours des blocs intrapleuraux (35).
Douleurs des métastases osseuses Les douleurs des métastases osseuses sont secondaires à l’envahissement des structures osseuses par la tumeur elle-même, à l’irritation du périoste (riche en fibres sensitives myéliniques et amyéliniques) et à l’envahissement des structures nerveuses avoisinantes. Les stimuli mécaniques et chimiques, par l’inter-
Soins de support 361
médiaire des prostaglandines et autres facteurs d’activation des ostéoclastes, diminuent le seuil douloureux en sensibilisant les récepteurs de la douleur à l’action des substances algogènes (bradykinine, sérotonine, histamine) (45, 46). Les cellules tumorales sécrètent des cytokines IL-1, IL-6, RANK ligand, PTHrP et MIP-1_. Il en résulte des douleurs intenses associées à des phénomènes d’hyperalgésie et d’allodynie. Les métastases vertébrales sont à l’origine de douleurs dans plus de 90 % des cas indépendamment de l’importance de la destruction osseuse (47). Dans deux tiers des cas, elles peuvent se compliquer d’une compression médullaire à l’étage thoracique (48). Dans 95 % des cas, les corticoïdes sont prescrits en première intention (49). Environ 30 % de ces métastases sont en rapport avec un cancer bronchique (49). Les patients ayant eu un événement osseux au cours de leur maladie peuvent voir leur survie réduite de moitié par rapport aux patients sans atteinte osseuse (50). Dans plus de 40 % des cas, ces patients sont exposés à un événement osseux additionnel (51). La médiane de survie de ces patients n’excède pas 4 mois (52). Ainsi, la prise en charge des métastases osseuses tant sur le plan de la douleur que fonctionnel nécessite une approche multidisciplinaire. Elle associe selon l’état clinique du patient : les antalgiques, les bisphosphonates, la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie.
Radiothérapie La radiothérapie palliative est un traitement majeur des métastases osseuses pour plus de 90 % des patients (49). Elle permet d’améliorer sensiblement la qualité de vie des patients. Dans 50 à 80 % des cas, on obtient un effet antalgique (53), jusqu’à 4 semaine après la fin des séances. Toutefois, le schéma d’irradiation optimal reste sujet à controverses (54). Le choix entre une radiothérapie fractionnée et une radiothérapie d’une seule fraction va dépendre de l’état général du patient, du nombre de localisations métastatiques osseuses et de la possibilité d’une ré-irradiation. Ainsi, pour évaluer l’effet antalgique de la radiothérapie, on a recours à un score de zéro à 10. Ce score évalue la consommation des antalgiques avant et après la radiothérapie et permet de détecter rapidement les causes de résistance à cette thérapeutique (55).
Bisphosphonates Les Bisphosphonates sont une classe thérapeutique majeure dans le traitement et la prévention des complications des métastases osseuses. Ils agissent principalement par inhibition de l’activité des ostéoclastes et la résorption osseuse (56). Ils ont démontré leur efficacité dans le traitement et la prévention des évènements osseux. En situation palliative, les bisphosphonates améliorent la qualité de vie des patients en réduisant leur douleur (57). L’acide zolédronique (Zométa®) est un bisphosphonate qui a montré une efficacité dans le
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Oncologie thoracique
traitement des complications des métastases osseuses du cancer du poumon et d’autres tumeurs solides (57). Ainsi, le panel d’experts européens (58) recommande en cas de métastases osseuses du cancer bronchique le traitement par Zométa® seul ou en association avec la chimiothérapie. Avant de débuter ce traitement, un examen dentaire est recommandé. Des essais sont en cours dans le cancer bronchique non progressif IIIA-B aux États-unis (CZOL 46GUS85) et en Europe-Asie (CZOL 446G2419). Les biphosphonates entraînent souvent des douleurs osseuses diffuses et des myalgies 24 heures après la perfusion qui durent jusqu’à 3 jours et nécessitent des traitements antalgiques (59).
Vertébroplastie Ce traitement a pour objectif de prévenir ou de traiter des troubles mécaniques et/ou neurologiques. Les progrès réalisés par cette technique dans la prise en charge des lésions vertébrales ostéolytiques isolées et rebelles aux antalgiques majeurs ont profondément modifié le pronostic des patients. Elle permet de contrôler les douleurs en stabilisant le corps vertébral grâce à l’action d’un ciment acrylique injecté dans la vertèbre pathologique. Cependant, elle est contre-indiquée en cas de rupture du mur postérieur. Dans le cas d’une épidurite compressive, la vertébroplastie est contre-indiquée. Seule une chirurgie de décompression complétée d’une radiothérapie de 30 Gy en 10 fractions a montré un bénéfice supérieur en termes d’autonomie et de réduction des traitements morphiniques par rapport à la radiothérapie seule (60). Quoi qu’il en soit, la décision de la vertébroplastie ou d’une chirurgie vertébrale doit être prise en concertation pluridisciplinaire.
Douleurs iatrogènes Les douleurs iatrogènes sont provoquées potentiellement par les traitements (chirurgie, radiothérapie, et chimiothérapie) et par les gestes diagnostiques (biopsies, ponction pleurale, péritonéale, biopsie de moelle, etc.). Les douleurs post-thoracotomie le plus souvent de type neuropathique peuvent persister longtemps après la chirurgie initiale. Toutefois, leur majoration peut faire évoquer une récidive tumorale. Les chimiothérapies par cisplatine, vinca-alkaloides et paclitaxel, sont également à l’origine de douleurs de type neuropathique. Elles peuvent persister longtemps après la fin du traitement par chimiothérapie (61) et leur traitement par les antalgiques habituels sont sans efficacité. En revanche, l’administration de l’amifostine, antidote de la neuropathie périphérique liée au platine, a montré une efficacité dans le contrôle de ces douleurs au prix d’effets secondaires majeurs à type d’hypotension artérielle, de nausées et vomissements (62). Son administration dans cette indication n’est pas recommandée. Les taxanes, le paclitaxel notamment est à l’origine de
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douleurs de type myalgies et arthragies dans 10 à 20 % des cas (63). En présence de douleurs neuropathiques, on a recourt aux traitement par gabapentine, prégapentine et tricycliques.
Toxicité cutanée La toxicité cutanée est devenue un effet secondaire fréquent avec l’arrivée de nouvelles drogues dites ciblées dans l’arsenal thérapeutiques du CB. L’éruption acnéiforme et les lésions palmo-plantaires sont observées dans plus de 75 % des cas au début de ces traitements avec cependant un probable lien entre la précocité de la survenue de l’éruption cutanée et l’efficacité du traitment (64). Le rash acnéiforme peut varier d’une simple sécheresse cutanée de grade I à une dermatite exfoliative ou ulcération de grade IV. La prise en charge de ces lésions n’a pas encore fait l’objet de recommandations particulières et les traitements proposés sont essentiellement des expériences monocentriques. Le traitement après avis dermatologique doit être précoce avec des crèmes hydratantes (Dexeryl®) et, selon la gravité le recourt au antibactériens locaux (Eryfluid®) et par voie générale : Tolexine® 100 mg par jour en première intenstion et Erythromycine® 1 g par jour en 2e intention.
Références 1. Krakowski I, Boureau F, Bugat R, Chassignol L et al. (2004) Pour une coordination des soins de support pour les personnes atteintes de maladies graves : proposition d’organisation dans les établissements de soins publics et privés. Oncol 6: 7-15 2. Les soins de support en cancérologie – mesure 42 du plan cancer. Circulaire N°DHOS/ SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l’organisation des soins en cancérologie ; annexe 4 3. Jordan K, Sippel C, Schmoll HJ (2007) Guidelines for antiemetic treatment of chemotherapy-induced nausea and vomiting: past, present, and future recommendations. The Oncologist 9: 1143-50 4. Gruberg SM, Deuson RR, Mavros P et al. (2004) Incidence of chemotherapy –induced nausea and vomiting after modern antiemetics. Cancer 100: 2261-8 5. Schmoll HJ, Aapro MS, Poli-Bigelli S, Kim HK et al. (2006) Comparison of an aprepitant regimen with a multiple –day ondansetron regimen, both with dexamethasone, for antiemetic efficacy in high-dose cisplatin treatment. Ann Oncol 17: 1000-6 6. Stone P, Richardson A, Thomas H, Andrews P et al. (2003) Cancer-related fatigue-a difference of opinion? Results of a multicentre survey of healthcare professionals, patients and cargivers. Eur J Cancer 12: 20-7 7. Ludwig H, Van Belle S, Barret-Lee P et al. (2004) The European Cancer Anaemia Survey (ECAS): a large, multinational, prospective survey definig the prevalence, incidence, and treatment of anaemia in cancer patients. Eur J Cancer 40: 2293-306
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Prise en charge psychologique du patient atteint de cancer du poumon S. Dauchy et C. Lopez
Points essentiels • La détresse émotionnelle est présente chez au moins un patient atteint de cancer du poumon sur deux. • Un épisode dépressif majeur peut être diagnostiqué chez environ un sur dix d’entre eux ; son dépistage doit être systématique, comme la recherche des facteurs prédictifs qui sont connus. • Il s’agit en premier lieu de la douleur et des symptômes somatiques, ainsi que des antécédents de dépression et la présence d’une dépression au diagnostic. Les différentes phases d’annonce sont également à risque chez ces patients dont le cancer s’accompagne de représentations très péjoratives. • Le risque de suicide est également nettement accru dans cette population et contribue à la nécessité de porter une attention soutenue aux éventuels troubles thymiques, et au traitement des symptômes comme la douleur. • Les traitements antidépresseurs sont efficaces chez ces patients et peuvent être après une démarche diagnostique correcte prescrits en première intention par l’oncologue.
Introduction Le diagnostic et le traitement d’un cancer sont l’occasion de remaniements existentiels et psychologiques parfois importants, chez le patient comme ses proches. L’amélioration récente des perspectives thérapeutiques des cancers du poumon reste limitée en dehors des patients porteurs de certaines particularités J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
génétiques comme les mutations du gène EGFR (4). Bien que représentant une avancée considérable du côté du monde médical, ces innovations thérapeutiques n’ont pas encore massivement modifié les perspectives pour les patients, qui par ce diagnostic de cancer du poumon restent confrontés à l’angoisse de la mort ou à la perspective de traitements parfois lourds et continus. Un important travail d’adaptation psychique est nécessaire, parfois dans un temps limité, travail compliqué par le caractère multifactoriel et répété des stress auxquels les patients sont confrontés : stress somatiques bien sûr (par la maladie ou les effets secondaires des traitements), psychologiques (vulnérabilité, perte de contrôle, incertitude, isolement, etc.), mais aussi psychosociaux (charges familiales, professionnelles, baisse de revenus, etc.). Ce chapitre est consacré à ces conséquences psychologiques de la maladie, pour le patient et ses proches, et à leur prise en charge, spécialisée ou non. L’objectif est de permettre au clinicien de mieux répondre aux questions suivantes : • Comment distinguer une réaction adaptative d’une réaction plus pathologique ? • Quelle est la fréquence des troubles psychologiques et psychiatriques chez les patients atteints de cancer du poumon ? Quels en sont les principaux facteurs de risque ? • Existe-t-il un vécu psychologique spécifiquement lié au cancer du poumon ? • Comment réagir devant des symptômes évocateurs de souffrance psychologique ?
L’adaptation psychologique et les différentes phases de la maladie Le travail d’adaptation psychique est un processus dynamique et multifactoriel, dont le but est de préserver au mieux l’intégrité physique et psychologique du sujet. À chaque phase de la maladie des réactions psychologiques, émotionnelles, cognitives et comportementales opèrent une intégration complexe entre les expériences passées, la perception des menaces futures, et les ressources personnelles ou sociales disponibles. Cet effort d’ajustement psychique, parfois asymptomatique, peut se manifester par un continuum de symptômes, allant d’un état de tension psychologique adapté jusqu’à l’émergence de troubles psychopathologiques ou psychiatriques francs (20). La qualité de l’adaptation s’évalue donc sur les symptômes émotionnels, mais pas seulement : elle peut impacter dans d’autres domaines comme la qualité de la communication avec les médecins ou à l’intérieur de la famille, ou la perception de certains symptômes à caractère fonctionnel comme la douleur, l’asthénie, la tolérance des difficultés respiratoires (20).
Prise en charge psychologique du patient atteint de cancer du poumon 369
Une adaptation psychologique réussie peut s’accompagner d’un certain degré de détresse psychologique transitoire, mais avec des symptômes modérés et qui n’envahissent pas la vie du sujet. Lorsque les troubles sont pérennes ou envahissants on parle de troubles de l’adaptation. Lorsque ces troubles s’aggravent, et avec eux les symptômes émotionnels, anxieux ou dépressifs, qui les accompagnent, on peut voir apparaître de réelles décompensations psychologiques : troubles anxieux caractérisés, épisodes dépressifs majeurs. L’adaptation dépend en grande partie de ce à quoi l’histoire médicale et psychologique du patient l’aura confronté antérieurement : l’anamnèse psychosociale systématique, explorant les antécédents psychologiques, le mode de vie, les événements de vie difficiles antérieurs récents, a ainsi beaucoup plus d’intérêt que l’essai d’attribution à chaque phase de la maladie d’un état émotionnel ou psychique particulier. L’adaptation dépend aussi de l’ampleur du retentissement fonctionnel des troubles (13), et là encore c’est la rigueur de l’interrogatoire et de la démarche de prise en charge globale qui permettra d’au mieux cibler la réalité à laquelle le patient est confronté par sa maladie. Ainsi, derrière l’attention portée à la classique phase d’annonce, il ne faut pas négliger la phase d’apparition des premiers symptômes, qui est celle où devient perceptible la réalité physique de la maladie, souvent par les effets secondaires des traitements : fatigue, éventuelle intervention chirurgicale, premiers handicaps fonctionnels. Par la suite, chaque phase de changement, qu’il s’agisse de changements cognitifs (annonces : de la maladie, des traitements, de la progression, de l’arrêt des traitements, etc.) ou de changements somatiques (chirurgie, aggravation symptomatique, etc.) va solliciter à nouveau les capacités d’adaptation des patients, mettant en péril un équilibre parfois fragile.
Quels sont les troubles psychologiques ou psychiatriques les plus fréquents chez les patients atteints de cancer du poumon ? De la même façon que la systématisation des symptômes selon les phases, la recherche en psycho-oncologie de données de la littérature propres à un site tumoral doit être considérée avec précaution, l’état psychologique apparaissant plus lié à l’ampleur de la traduction symptomatique de la pathologie ou à des caractéristiques individuelles des patients, ce qui est source de différences importantes selon les échantillons. Les difficultés diagnostiques et les différents outils et classifications employés pour décrire les patients rendent également compte d’une certaine disparité selon les études. Au demeurant on estime globalement à un sur deux environ le nombre de patients traités pour cancer du poumon qui présentent une détresse psychologique significative (24), ce chiffre étant même un peu supérieur lorsque l’évaluation a lieu au moment du diagnostic (61 % dans l’étude de Graves) (11).
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Les cancers du poumon s’accompagneraient ainsi d’une détresse émotionnelle plutôt supérieure aux autres cancers (43 % versus 35 % selon Zabora) (31). Lorsque cette détresse psychologique a une traduction émotionnelle, elle entraîne l’apparition de symptômes anxieux ou dépressifs qui, selon leur regroupement et leur intensité, pourront permettre de porter le diagnostic de troubles psychiatriques, syndrome dépressif majeur ou troubles anxieux.
Symptômes dépressifs et épisode dépressif majeur Les symptômes émotionnels les plus fréquents sont de nature dépressive. Leur fréquence dans les semaines qui suivent le diagnostic apparaît logiquement liée à la possibilité de traitement chirurgical et à l’histologie tumorale. Ces symptômes dépressifs sont ainsi présents chez environ 15 % (27, 28) des patients opérables, immédiatement après le diagnostic, ou dans les trois mois après la chirurgie. Cette proportion est plus importante chez les patients non opérables : elle passe à 43 % des patients porteurs de cancer à petites cellules en traitement palliatif d’emblée (21 % pour les cancers non à petites cellules) (13). La présence de symptômes dépressifs n’implique pas forcément le diagnostic d’épisode dépressif majeur. Ce diagnostic sera porté si les symptômes dépressifs sont associés, permanents, et évoluent depuis plus de 15 jours. À côté des deux symptômes fondamentaux que sont l’existence d’une douleur morale et d’une perte de plaisir, on recherchera avec soin les autres symptômes de la lignée dépressive, qui seront pris en considération à partir du moment où ils ne sont pas mieux expliqués par l’état somatique ou par une iatrogénie (par exemple asthénie ou troubles de concentration chez un patient sous opiacés, anorexie des cancers évolués, etc.). On s’attachera à rechercher la douleur morale, plus intense et prégnante qu’une simple tristesse contextuelle, l’existence de sentiments de dévalorisation ou de culpabilité, l’expression d’idées noires ou suicidaires (qui ne signe pas forcément la dépression, mais reflète le désinvestissement effectif et la perte d’intérêt et de plaisir). Le diagnostic d’épisode dépressif majeur, qui entraîne potentiellement la mise en place d’un traitement antidépresseur, est retrouvé chez 5 à 11 % des patients présentant un cancer du poumon (1, 28). Des études plus anciennes rapportent des chiffres encore plus élevés (22 % à 44 % d’épisodes dépressifs majeurs à 0 et 3 mois du diagnostic dans l’article de Montazeri en 1998) (17). Cette prévalence tend à diminuer dans l’année qui suit le diagnostic. L’existence d’un syndrome dépressif après le diagnostic ou après la chirurgie est cependant un facteur prédictif de dépression à un an du début de la prise en charge (27). Lorsque les symptômes ne sont pas en nombre suffisant, ou pas assez durables ou anciens, pour justifier un diagnostic d’épisode dépressif majeur, on parle alors de trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Rappelons qu’un des intérêts de cette distinction est la possibilité de distinguer les patients qui relèveront d’une prescription d’antidépresseurs, nécessaire en cas d’épisode dépressif majeur mais non indiquée devant des symptômes isolés.
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Les troubles de l’adaptation peuvent évoluer vers un épisode dépressif franc ou bien régresser. Ils relèvent potentiellement d’une prise en charge psychothérapeutique, mais également d’une évaluation soigneuse et d’une prise en charge de la souffrance somatique (douleur en particulier) et socio-familiale qui y est très fréquemment associée, l’accumulation des difficultés favorisant ces phases de souffrance psychique.
Symptômes anxieux et troubles anxieux Les manifestations anxieuses sont d’une façon générale fréquentes chez l’ensemble des patients présentant une maladie somatique chronique. En ce qui concerne les patients atteints de cancer du poumon, entre 30 % (13) et 50 % (7) rapportent une anxiété modérée à sévère. Ces symptômes étant fréquemment intriqués avec des symptômes dépressifs, leur présence doit amener systématiquement à rechercher l’association avec de tels symptômes (en recherchant au minimum une douleur morale, une perte d’intérêt et de plaisir). L’anxiété apparaît peu liée au sexe et à l’âge, mais est plus fréquente lors des phases d’annonce ou d’évolution de la maladie (annonce de la progression, phase terminale). Elle est surtout très liée à la symptomatologie physique et au nombre de symptômes non ou mal contrôlés (douleur, dyspnée) (7). Deux tableaux anxieux spécifiques doivent être connus, l’un pour la simplicité de sa prise en charge médicamenteuse, l’autre pour son intrication avec un des symptômes les plus fréquents chez les patients atteints de cancer du poumon en phase avancée, la dyspnée. Il s’agit respectivement de l’anxiété anticipatoire et du trouble panique. – L’anxiété anticipatoire se traduit par l’apparition de symptômes anxieux désagréables ou invalidants dans les jours précédant un évènement redouté par le patient, le plus classique étant les cures de chimiothérapie. Cette anxiété peut favoriser d’autres symptômes anticipatoires comme les nausées et/ou vomissements anticipatoires, dont la survenue avant même le début de la chimiothérapie reflète le processus de conditionnement et permet de faire le diagnostic. L’anxiété anticipatoire en plus de la souffrance psychologique qu’elle génère peut compliquer la prise en charge et la relation avec les soignants, et menacer la compliance. Elle répond à une prise en charge psychothérapeutique adaptée et surtout à la prescription de benzodiazépines (alprazolam par exemple) en cure courte avant les événements déclenchants. – Les attaques de panique sont des crises d’angoisse massives, de survenue brutale, de durée assez brève (quelques minutes à une heure), associées à des cognitions de type catastrophique assez évocatrices : conviction du sujet qu’il va mourir, perdre connaissance, etc. Leur déclenchement dans des circonstances particulières (claustration par exemple, vue du sang, etc.), ou l’existence dans les antécédents du patient de crises de ce type peut aider à faire le diagnostic. Concrètement, il s’agit de patients présentant des accès d’angoisse soudain, pouvant s’accompagner d’une dyspnée ; ces épisodes sont parfois difficiles à
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distinguer d’épisodes respiratoires purs, notamment lorsque la maladie pulmonaire est évoluée. Une anamnèse soigneuse (recherche d’antécédents d’attaque de panique) et un interrogatoire visant à faire exprimer les pensées et cognitions associées à l’état émotionnel pourront orienter le diagnostic et permettre la mise en place d’un traitement adapté. Quand le patient présente dans ses antécédents trois attaques de panique au moins, le diagnostic de trouble panique doit être porté. Le traitement de fond du trouble repose sur une prise en charge psychothérapeutique adaptée (si possible de type cognitivo-comportementale), ainsi qu’à la prescription d’antidépresseurs de type sérotoninergique. Le traitement aigu est celui de la crise anxieuse par benzodiazépines.
Suicide Le risque relatif de suicide chez le patient atteint de cancer est approximativement deux fois plus élevé que dans la population générale (12). Il est majoré dans le contexte de troubles psychiatriques conjoint à la maladie cancéreuse (dépression, détresse psychologique, état confusionnel, etc.) mais aussi dans le cas d’une maladie évoluée, d’une perte d’autonomie, d’un pronostic péjoratif et de symptômes mal contrôlés. Le risque de suicide pour les patients atteints de cancer du poumon serait le plus élevé de tous les sites tumoraux (jusqu’à 6 fois plus élevé chez les hommes atteints, et 4 fois chez les femmes (16), avec un risque particulièrement important dans l’année qui suit le diagnostic). Ces chiffres doivent être pondérés cependant par le fait que pour observer assez d’événements les études doivent se situer sur une longue période (de 1973 à 2002 pour cette étude), ne reflétant pas l’éventuel impact positif sur l’état émotionnel des patients des progrès thérapeutiques récents. Ce risque de suicide doit être distingué de la simple mention d’idées de mort, présentes chez un patient sur trois après le diagnostic (10). Des pensées suicidaires sont par contre rapportées par 10 à 20 % des patients (2, 10). Lorsqu’elles existent, elles doivent faire rechercher soigneusement tout facteur de risque suicidaire surajouté : trouble de l’humeur, antécédents personnels ou familiaux de tentative de suicide ou de suicide accompli. Par ailleurs, le lien entre risque suicidaire et symptomatologie physique mal contrôlée doit amener devant l’expression d’idées suicidaires à porter à ces symptômes et en particulier à la douleur une attention particulière. Dans l’étude d’Akechi (2), c’est non l’intensité mais la durée des épisodes douloureux, leur répétition et leur précocité (dès le diagnostic) qui ont constitué le facteur pronostique le plus important.
Prise en charge psychologique du patient atteint de cancer du poumon 373
Quels sont les facteurs prédictifs de la détresse psychologique chez les patients atteints de cancer du poumon ? Certains facteurs prédictifs de la détresse psychologique de ces patients ont été rapportés, qui sont en cohérence avec les données connues en cancérologie générale (tableau I). Tableau I – Facteurs prédictifs essentiels de la détresse émotionnelle des patients atteints de cancer du poumon. • Douleur, en particulier au diagnostic • Symptomatologie somatique • Antécédents de dépression • Niveau de détresse psychologique initial, dépression au diagnostic • Phases d’annonces
– Au niveau socio-démographique, le plus jeune âge (< 65 ans) (1) et le sexe féminin sont associés à l’expression d’une détresse émotionnelle et d’une demande d’aide plus importantes (11, 25) ; ces éléments s’effacent cependant rapidement devant le poids des facteurs somatiques associés. Un niveau socioéducatif faible est également associé à une plus grande survenue d’épisodes dépressifs (27). – Au niveau psychosocial, là encore comme en cancérologie générale, la majeure partie des études souligne l’importance du soutien socio-familial. Dans l’étude d’Uchitomi (28) la qualité du soutien social (communication avec les proches comme avec les soignants) était prédictive de l’apparition de symptômes dépressifs après la chirurgie. – Certains facteurs prédictifs sont somatiques : ainsi l’altération fonctionnelle (fatigue, manque d’énergie, diminution du fonctionnement habituel) est un facteur de risque majeur, tout comme la douleur (13). Les troubles du sommeil et de l’appétit apparaissent également associés à une détresse émotionnelle importante, et sont retrouvés chez près d’un patient sur deux dès le début de la prise en charge (9). Lorsque la maladie évolue, l’apparition de la dyspnée est également un important facteur prédictif de la détresse psychologique, comme le montre l’étude prospective de Tishelman (25, 26). – Enfin, au niveau psychiatrique, il importe de connaître chez ces patients, comme en cancérologie générale, l’importance facteur de risque de rechute dépressive que sont les antécédents dépressifs, qui doivent être systématiquement recherchés (28). Il faut retenir également que la détresse émotionnelle au diagnostic est prédictive de la détresse émotionnelle à 6 et 12 mois (3). Soulignons également qu’aucun mode d’adaptation n’est prédictif, non seulement de la meilleure évolution médicale, mais encore de la meilleure évolution
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psychiatrique, en dehors peut-être du coping dit « actif » (acceptation et réinterprétation positive, recherche de support social, résolution de problème), qui apparaît lié à des symptômes dépressifs moins sévères.
Existe-t-il un vécu psychologique spécifiquement lié au cancer du poumon ? Le lien de causalité entre consommation de tabac et cancer du poumon est socialement couramment accepté aujourd’hui, qu’il corresponde ou non d’ailleurs à la réalité histologique de la maladie. Deux conséquences peuvent en découler : d’une part une attribution par le patient du cancer à son comportement, avec éventuellement un vécu de culpabilité ; d’autre part, une stigmatisation sociale potentiellement plus importante que pour d’autres cancers, avec un vécu de gêne ou de honte. Les quelques études qui se sont consacrées à cette problématique ont montré comment, lorsqu’il y a auto-attribution, la gêne sociale est plus importante, comme la culpabilité – mais aussi comment celle-ci est loin d’être systématique et un nombre important de fumeurs avec un cancer du poumon persistent à ne pas attribuer leur maladie à leur comportement (15). Par ailleurs, la culpabilité apparaît variable selon l’ancienneté des études (croissante avec le caractère plus récent) et l’âge des patients (décroît avec l’âge) : comme si avoir commencé à fumer à une époque où le risque était, sinon moins connu, du moins moins combattu, était moins socialement blâmable (8). Enfin, un certain nombre de patients conscients d’un lien possible entre leur propre consommation de tabac et leur maladie réagissent par une externalisation de cette responsabilité, et tendent à rejeter celle-ci sur l’industrie du tabac, ou les médias accusés d’avoir tout fait pour développer la consommation de celui-ci.
Conduite à tenir devant des signes de souffrance psychologique chez le patient atteint de cancer du poumon Un point majeur en préambule : la souffrance psychique étant fréquente, ses facteurs prédictifs connus et sa survenue en règle progressive, permettant un repérage des troubles alors même qu’ils ne sont pas encore trop sévères, sa prise en charge doit pouvoir être organisée de façon systématique, faire appel de façon organisée et hiérarchisée aux spécialistes de santé mentale que sont les psychologues et les psychiatres travaillant en cancérologie. Elle ne saurait en aucun cas se résumer à la gestion dans l’urgence de crises émotionnelles. L’évaluation de l’état psychologique lors de l’examen médical ou de la consultation para-
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médicale doit ainsi être systématique, au moins dans les phases d’annonces et lorsque des symptômes somatiques sont présents. De même, la recherche de facteurs prédictifs de vulnérabilité psychologique est indispensable au début de la prise en charge, à l’instar de la recherche d’autres facteurs de vulnérabilité comme celle liée à une comorbidité somatique.
Épisodes dépressifs majeurs Le traitement des épisodes dépressifs majeurs fera appel aux antidépresseurs, dont l’efficacité en cancérologie est reconnue cliniquement, bien que peu d’études méthodologiquement correctes, de type essai randomisé en double aveugle contre placebo, aient été menées (21). La classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) est la famille d’antidépresseurs actuellement la plus utilisée en pratique quotidienne, en raison de sa meilleure tolérance et de sa plus grande facilité d’utilisation (19). Le traitement initial n’impose pas le recours systématique à un psychiatre (23). En pratique, en raison de la plus grande vulnérabilité des patients de cancérologie (particularités métaboliques, traitements associés), il est d’usage de débuter le traitement à dose faible, d’augmenter progressivement les doses et d’être particulièrement vigilant à l’apparition d’effets secondaires (14). La possibilité d’interactions médicamenteuses, en particulier par le système du cytochrome P, doivent par ailleurs être connues (30). Pour une meilleure observance, le choix du produit tiendra compte de la tolérance propre à chaque molécule ainsi que d’éventuelles expérience négatives. Certaines règles générales concernant la mise en oeuvre du traitement antidépresseur doivent être connues et expliquées au patient pour une meilleure efficacité du traitement : délai d’action de 2 à 3 semaines, nécessité d’augmenter la posologie avant de changer de produit et durée minimale de 6 mois de traitement afin d’éviter une rechute précoce.
Traitement des symptômes anxieux La prescription d’anxiolytiques est d’un usage fréquent, plus de 50 %, en cancérologie (6), le plus souvent à titre sédatif et/ou hypnotique. Les situations anxieuses anticipatoires ou réactionnelles sont une bonne indication d’anxiolyse médicamenteuse (visites de surveillance et/ou bilans de contrôle (5). Ces prescriptions fréquemment initialisées à l’hôpital se poursuivent souvent par la suite sans ré-évaluation clinique (18), ce qui peut être source d’une iatrogénie inutile (troubles de mémoire par exemple), ou masquer d’authentiques symptômes dépressifs, tout en majorant les troubles cognitifs et la sensation de fatigue. Il convient donc de limiter l’utilisation de ces produits dans le temps, afin d’éviter la chronicisation des troubles, et l’absence de diagnostic et de prise en charge adaptée (pharmacologique et/ou psychothérapique).
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Psychothérapies Tous les types d’interventions psychothérapeutiques peuvent être utilisés auprès de patients atteints de cancer du poumon. Elles se caractérisent par les techniques employées (cadre théorique) et les modalités d’application (individuelles ou de groupe). Un soutien psychothérapeutique, même bref, repose sur l’utilisation évaluable de techniques précises et doit être différencié d’un simple soutien relationnel. Celui-ci fait partie de la relation avec l’ensemble des professionnels de santé et peut également être apporté par les proches du patient. Certes le soutien psychologique est nécessaire à l’ensemble des patients, mais la prise en charge psychothérapeutique ne concerne que certains d’entre eux : les indications de telles prises en charge vont donc dépendre de l’intensité de la détresse, de la demande du patient et des possibilités de soutien émotionnel et relationnel non spécialisé.
Conclusion La bonne connaissance des particularités du retentissement psychologique du cancer du poumon devrait inciter les cliniciens : – à interroger plus systématiquement les patients sur leur vécu psychologique, sans attendre l’apparition de conséquences socio-familiales ou de signes de détresse psychologique majeurs ; – à proposer précocement une aide psychologique en présence de facteurs de risque ; – à être vigilant tout au long du traitement mais notamment lorsque celui-ci entraîne un retentissement fonctionnel majeur. Il importe enfin de souligner combien, même si les moyens de prise en charge psychologique spécialisée sont parfois encore limités, une prise en charge globale de bonne qualité (associant prise en charge des symptômes, prise en compte des difficultés sociales, soutien à l’entourage, etc.) peut être à même de prévenir en partie les difficultés psychologiques associées au cancer du poumon (tableau II).
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Tableau II – Prise en charge globale. Stress Registre somatique
Symptômes de la maladie (douleur, dyspnée, etc.) Effets secondaires des traitements (asthénie, etc.)
Ressources Traitement efficace des symptômes associés (soins de support)
Registre psychosocial Isolement Charges familiales ou professionnelles Baisse de revenus
Soutien social Soutien familial Adaptation des ressources financières
Registre psychologique
Capacités d’adaptation psychologique antérieures Qualité de l’information Prise en charge psychologique adaptée
Perception de sa vulnérabilité Incertitude sur l’avenir, angoisse de mort Sentiment de perdre le contrôle de sa vie
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Le patient atteint de cancer bronchique dans la société aujourd’hui J.-L. Pujol
Points essentiels • Première cause mondiale de mortalité par cancer, le cancer bronchique est porteur paradigmatique de toutes les peurs archaïques élicitées par le mot « cancer ». La pensée usuelle et le savoir naïf ont besoin de se prémunir de cette peur en l’imaginant sur un mode ontologique ; la peur sociale du cancer bronchique persiste à en faire une maladie venant de l’extérieur, puisque irréductible à une représentation physiopathologique. • Le principal facteur d’isolement social provient du stigmate ; celuici entache les patients dont le comportement volontaire est supposé contribuer à la genèse de la maladie. • Le cancer bronchique est également porteur d’une autre caractéristique fortement identificatrice : celui du caractère population-spécifique du risque puisqu’il touche préférentiellement les milieux socio-économiques fragilisés, concentrés dans les grands bassins de population de la première révolution industrielle ou des zones portuaires. • Les délais de prise en charge sont, invariablement, plus longs que les recommandations des sociétés savantes. Parmi les raisons de ces délais, existent des freins psychologiques pouvant tenir à des résistances non conscientes des médecins (très mauvaise perception de l’impact des traitements du cancer bronchique par les généralistes et par certains spécialistes), ou des malades eux-mêmes qui craignent autant le diagnostic que le stigmate qui lui est rattaché. • Comprendre le patient implique de se référer à ses représentations symboliques propres. Malgré tout son désir d’être secourable, il y a une limite à toute influence psychique. Cette limite est la liberté du point de vue du patient.
J.-F. Morère, et al., Oncologie thoracique © Springer-Verlag France 2011
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Oncologie thoracique
Introduction Les progrès effectués par la biotechnologie médicale durant les trois dernières décennies – avec, pour le cancer bronchique, une accélération notoire dans les dernières années – progrès dont nous attendons toujours un bouleversement du pronostic encore à venir, ont scotomisé cette partie essentielle de la prise en charge du patient : le vécu propre de sa maladie. La « maladie du malade », c’està-dire l’empreinte psychique de la maladie somatique, déborde très souvent les seuls symptômes physiques à la fois en intensité mais également dans le temps (1). L’expérience clinique montre que les affects d’angoisse et la souffrance psychique du malade dépassent les simples faits cliniques et peuvent même se prolonger après que l’on ait obtenu une rémission (2). Certains patients, guéris depuis plus d’une décennie, continuent à appréhender quotidiennement la rechute, démontrant que la souffrance psychique ne s’éteint jamais totalement. La thérapeutique doit prendre en compte cette dimension qui est celle du sujet souffrant, car l’information, aussi objective qu’elle soit – et parfois parce qu’elle est trop objectivante – se heurtera toujours à la subjectivité de la perception du patient. C’est à cette articulation entre la médecine iatrique (la technologie médicale) et la prise en charge de la composante psycho-sociale que s’immisce, à mon sens, la notion de soin holistique.
Historicité et évolution de la peur du cancer dans la société Première cause mondiale de mortalité par cancer, le cancer bronchique est porteur paradigmatique de toutes les peurs archaïques élicitées par le mot « cancer », lui-même paradigme de la maladie-absolue, en cela qu’il réfère à l’imaginaire collectif, celui de la maladie inexorable ; il renvoie ainsi à l’une des origines de la souffrance humaine : la caducité du corps (3). Sur le plan social, le cancer est une grande peur avec une dimension de fléau quasi maléfique, facteur indiscutable de stigmatisation et donc d’exclusion sociale. Le cancer est considéré par la société comme sans lien avec la « vie normale » (véritable « anomalie »), et source d’un interventionnisme de santé publique visant à normaliser les comportements individuels. Derrière le mot cancer se cache un substantif. Comme toute maladie dont le présupposé est l’incurabilité, le cancer est associé à une malédiction, procédant d’une pensée magico-religieuse. Le mot est chargé sur le plan symbolique : « le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel » (4), n’appartient pas au vocabulaire du malade, ou plus exactement n’a pas le même signifiant pour le malade et pour le soignant. La vérité est, par là, difficile à énoncer,
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car comme dit Lacan dans le séminaire sur l’instant de voir, « on se trompe alors sur les mots, et qu’alors le réel est toujours doublé par le symbolique ». D’autres grandes peurs sociales ont existé dans le passé (peste, guerre, tuberculose, grippe, etc.), avec comme point commun le sentiment que la maladie est « intruse » dans l’organisme, et que l’objectif est donc de chasser cet intrus. Je commenterai plus loin cette conception d’une maladie procédant d’une ontogenèse distincte du malade. Le cancer est une peur collective et, en tant que telle, elle est vécue comme un danger menaçant l’homme depuis le milieu extérieur. C’est dans l’antiquité grecque qu’il faudrait remonter pour retrouver les premières traces formelles d’une association entre le cancer d’une part et sa représentation imaginaire sous une forme surnaturelle d’autre part. Sept siècles avant Jésus-Christ, la théogonie d’Hésiode fait état du combat d’Héraclès et de l’hydre, combat au cours duquel il aurait non intentionnellement écrasé Karkinos (le crabe), faute impardonnable dont le palliatif fut d’envoyer Karkinos dans les astres pour qu’il forme une constellation (c’est selon la mythologie œuvre d’Hadès) : la constellation du cancer. Depuis, Karkinos, dont on ne peut prononcer le nom sans le rapprocher du vocable carcinome, revient régulièrement se venger de l’humanité. Lucien Israël (psychanalyste, 1925-1996), énonçait (5) : « Les mythes sont les bouchons rassurants qui viennent obturer les questions sans réponse ». En le paraphrasant, on pourrait dire que les mythes ne sont faits que pour combler les vides de l’homme devant une question sur laquelle il bute, une causalité non retrouvée à un phénomène inexplicable : pourquoi le cancer ? La connotation punitive attachée au cancer – maléfice depuis l’Antiquité, le cancer vu comme le vecteur d’une malédiction – traverse la totalité des courants médicaux et pas seulement, comme on a tendance à le croire, une frange de traitements dits médecines naturelles, lesquelles font paradoxalement appel à des notions surnaturelles. Quatre siècles avant Jésus-Christ, Hippocrate de Cos (460-370 av. J.-C.) expliquait le cancer dont étaient atteintes certaines personnes d’humeur atrabilaire (il s’agissait à l’époque essentiellement de patientes puisque les cancers les plus connus étaient ceux du sein et de la matrice) comme un mal résultant d’une dyscrasie, un déséquilibre de leurs humeurs sous l’influence du macrocosme, référence explicite au milieu extérieur, agissant sans médiation sur le microcosme de l’organisme. La théorie de la crase (état de santé résultant d’un équilibre) était celle du mélange harmonieux des quatre humeurs : la pituite, le sang, la bile et l’atrabile. C’est le déséquilibre de celles-ci et l’excès d’atrabile (ou sang noir présumé provenir de la rate) qui était, par une sorte de coagulation, le responsable de la fixation du cancer sur un organe donné. Cette théorie permettait d’introduire le macrocosme dans l’humain considéré comme microcosme et de faire par là, du corps humain un cas particulier du cosmos généralisé à un Tout. Ainsi, la maladie est imputée au milieu extérieur : nourriture, air, saisons, astres. Par définition, les humeurs (au sens hippocratique du terme, encore que l’on dise de quelqu’un d’irascible qu’il est atrabilaire) étaient invérifiables par la physiologie ou par l’expérimentation et échappaient donc à ce
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Oncologie thoracique
que nous appelons aujourd’hui une science (6). Hippocrate, comme plus tard Galien au IIe siècle à Rome, n’avait aucune autre explication du déséquilibre qu’une intervention des astres et du divin. Ce que Galien (129 à 200 apr. J.-C.) introduisit de plus sensible dans la vision des cancers fut la distinction de trois ordres de tumeurs : les tumeurs selon la nature (exemple, la grossesse), les tumeurs dépassant la nature, exemple (les cals osseux) et les tumeurs sans lien avec la nature (les cancers). Galien fut suffisamment prolixe sur la médecine et la pharmacie pour donner du travail à vingt scribes, lesquels poursuivirent ses publications jusqu’en 207 soit sept ans après sa mort (500 traités de médecine, de philosophie ou d’éthique). Sa vision du cancer « maladie non naturelle » laissa une empreinte profonde traversant le Moyen Âge et la Renaissance. Au Moyen Âge, en la personne d’Avicenne (Ibn Sî¤na¤ 980-1037), la médecine de Galien comme celle d’Hippocrate auront un lecteur critique, réfutant en partie la conception ontologique des maladies. En tentant d’introduire la notion d’un corps imparfait, et distinct de l’âme considérée comme la perfection du corps, c’est-à-dire « la chose qui le fait agir », Avicenne introduisit un rationalisme de la médecine, science du corps, dégagé de la philosophie, science de l’intellect (lequel restait pour lui d’essence divine). C’est aussi la première trace que nous ayons de l’intuition d’une articulation psyché-soma. Le rationalisme médical d’Avicenne, systématisé de manière encyclopédique dans le « canon de la médecine » fut réédité jusqu’au XVIIe siècle, un succès de librairie médicale qui ferait pâlir beaucoup d’entre nous. La théorie des humeurs (ou humorisme) eut la vie dure. Il fallut attendre Xavier Bichat (1771-1802) au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, et le développement des théories anatomo-pathologiques, pour comprendre qu’il y a une organicité au cancer, c’est-à-dire un tissu anormal découvert lors de la pratique des autopsies. Bichat le révolutionnaire (pas seulement en médecine d’ailleurs) fut le premier à définir un tissu par la publication du célèbre Traité des membranes en pluviôse de l’an IV (juillet 1799). Cette révolution de l’anatomo-pathologie, précédée par la découverte de la circulation sanguine par Harvey (1578-1657) et celle de la circulation lymphatique par Ølaus Rudbeck (1630-1702), devait faire s’effondrer la théorie hippocratique des humeurs puisqu’il était évident que le sang re-circulait et n’était pas une simple sécrétion cardiaque destinée à se perdre dans les capillaires. Il y avait bien un milieu intérieur, irriguant des tissus susceptibles de se cancérer (terme ancien pour cancérisé). La médecine expérimentale de Brown Sequard (1817-894) ou de Claude Bernard (1813-1878) finira de déplacer l’origine des maladies vers le milieu intérieur, la reconnaissance d’une appropriation par l’organisme vivant des conditions d’équilibre et de déséquilibre de la vie (7). Il y a beaucoup plus dans la médecine expérimentale qu’une naissance d’une médecine scientifique au sens du positivisme d’un Auguste Comte (1798-1857) ; il y a surtout l’introjection des forces d’équilibre biologique de la vie du milieu extérieur au milieu intérieur dont on découvre la complexité et la singularité. Il y a aussi et surtout une conception physiophathologique de la maladie qui ne résulte plus directement d’événement extérieur et qui s’oppose donc à l’idée hippocratique que la santé et
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la maladie sont deux entités ontologiquement distinctes (8). Mais cette introjection, si facile à accepter lorsqu’elle porte sur néoglucogenèse hépatique et de ses dérèglements contribuant au diabète, ne l’est pas du tout en matière de cancer, car la pensée usuelle et le savoir naïf ont besoin de se prémunir de cette peur en l’imaginant sur un mode ontologique, et persistent à en faire une maladie venant de l’extérieur puisque irréductible à une représentation physiopathologique. Je fais ici l’hypothèse que l’humorisme persiste sous diverses formes et vient constamment interférer avec une prise en charge rationnelle des maladies cancéreuses. La théorie humorale réapparaît sous une forme déguisée dans les théories de la psychogénèse des cancers, laquelle ne peut être réfutée mais échappe à toutes vérifications scientifiques (confer infra). Beaucoup d’autres éléments pourraient être cités : les dogmes sur l’alimentation, les croyances sur les contagions (du haut Moyen Âge jusqu’au XIXe), le maléfice transmis héréditairement (en dehors de tout substratum génétique), tout ceci concourt à la pérennité d’une pensée magico-religieuse entourant le traitement des cancers en général, et de ceux de pronostic défavorable en particulier. Finalement, le principal facteur d’isolement social provient du stigmate dont sont socialement entachés les patients dont le comportement volontaire a pu contribuer à la genèse de la maladie. Le cancer bronchique remplit dans l’imaginaire usuel les trois conditions sus-citées.
Le cancer bronchique comme facteur de stigmatisation Le cancer est vécu comme un fléau à combattre. Mais pour ce faire, le vocabulaire en cancérologie a beaucoup emprunté au vocabulaire des épidémiologistes, voire à celui des militaires. La maladie cancéreuse est considérée, à juste titre, comme un problème de santé publique, faisant alors utiliser un vocabulaire guerrier (« lutte » contre le cancer, assimilation des causes du cancer à des meurtriers, « guerre préventive » et « campagne » contre le cancer du sein par exemple). Parce qu’il y a dans ce terrain de la lutte contre le cancer une zone d’ombre, « non contrôlée », celle du cancer bronchique, le savoir naïf tend à protéger les non malades des malades en stigmatisant ce qui dans leur comportement est « fautif ». La vision sociale du cancer est bien illustrée par une étude de psychosociologie menée par l’Ipsos pour l’INCa sur un échantillon de 1 000 personnes (06 et 07/12/2006) : le cancer était associé à la peur avec un score de 7,8 sur 10, à un sentiment d’angoisse avec un score de 7,6, et à la mort avec un score de 7,3 sur 10. Il existe donc une sorte de débordement de la maladie par l’angoisse psychique, ainsi qu’une culpabilisation liée au caractère auto-infligé du cancer bronchique. La part imaginaire issue d’une conception magico-religieuse est également importante, ce qui explique une assimilation naïve de la maladie à une punition et donc comparaison du malade à un coupable. Ceci est accentué
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par le fait que notre société actuelle, très rationnelle, considère que l’inexplicable est inacceptable, et qu’il faut alors absolument désigner un responsable. Ce responsable peut être le sujet tabagique ou le politique dont la lenteur à légiférer pour protéger les non-fumeurs ou les sujets exposés à l’amiante est, elle aussi, stigmatisée. Le cancer bronchique est également porteur d’une autre caractéristique, elle aussi fortement identificatrice, et dépassant le cadre individuel de la maladie auto-infligée : c’est celui du caractère population-spécifique du risque du cancer bronchique. En effet, il touche préférentiellement les milieux socio-économiques fragilisés (données Inca-Inserm 1997-2001), concentrés dans les grands bassins de population de la première révolution industrielle ou des zones portuaires. Tout cela contribue à fortement renforcer les affects de honte et de culpabilité du patient. Les patients dont le cancer reconnait un déterminisme fortement influencé par un mode de vie comportant un risque (tel que le cancer bronchique chez le fumeur) souffrent d’affects de honte, de culpabilité et de dépression statistiquement significativement plus élevés que ceux perçus par les patients dont le cancer ne dépend que très peu du comportement (tel que le cancer du sein ou de la prostate) (9). La perception de ces affects est, de mon point de vue, indissociable des conditions du sujet atteint de cancer dans la société moderne.
La condition sociale du patient aujourd’hui L’impact social du diagnostic de cancer est fort et reste jusqu’à ce jour encore sous-estimé. Il résulte de l’écart qui sépare le signifié du mot cancer, ce que l’on appelle en linguistique « le concept », et le signifiant qu’il aura pour la personne qui en est affectée, ce qui est plus simplement défini comme « empreinte psychique du son », l’image que le patient s’en fait (10). Cette empreinte psychique dépend entre autre du savoir naïf usuel de la maladie et de la place à laquelle le malade est référé dans la société. Cette deuxième contingence est encore plus marquée aujourd’hui qu’elle ne l’était autrefois, en raison de la profonde transformation sociale, laquelle tend aujourd’hui à confondre les sphères publiques et privées en un seul lieu transparent. Jusqu’au XIXe siècle, le terme « public », après un nombre important de glissements sémantiques, désignait un lieu ouvert pouvant être scruté par n’importe qui, le lieu de formation de groupes sociaux complexes entrant inéluctablement en contact. En ce sens, la focale adéquate du domaine public était la cité et sa fonction celle de la sociabilité. Dans le monde du travail, l’empreinte la plus marquante laissée par les changements récents est celle d’une compartimentalisation poussant chaque individu dans une fonction définie (11). Elle n’est qu’une transposition progressive d’une compartimentalisation tout aussi prégnante de la société en groupes sociaux (12). Ce phénomène tend à fixer l’individu dans une catégorie
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sociale unique. Dans le cas du patient atteint de cancer, il s’agit alors d’une position unique et stigmatisée (cf. ci-dessus). Tout à fait distincte de la vie publique, la vie privée était celle qui ne concernait que l’individu et qu’il pouvait, éventuellement, dévoiler à sa famille et à ses proches significatifs. Tout en étant adapté aux conditions de la vie publique, l’individu était donc en droit de limiter l’accès d’une partie de sa personnalité à un nombre restreint de personnes choisies par lui - ses intimes. Au fil du temps, la limite entre les domaines publics et privés a eu tendance à s’effacer, chaque sphère faisant intrusion dans l’autre ; ainsi, il n’est pas rare que les cadres et les professions libérales voient leur domaine privé envahi par leur travail au travers des nouvelles technologies de communication ; à l’inverse un patient atteint de cancer – donc atteint dans sa santé, ce qui est au cœur de l’intime et du privé – aura beaucoup de mal à retrouver sur son lieu de travail l’empathie et la considération mutuelle qui fondent les rapports sociaux normaux. Ceci tient en grande partie au stigmate social dont nous avons parlé. Le sociologue Richard Sennett, dans un livre classique The fall of the public man, a décrit cette fusion des sphères publique et privée (13). Elle rend l’individu transparent dans tous les aspects de sa personnalité, mais isolé au sein du domaine public. Sur la base de cette observation Sennett a introduit le concept de paradoxe de « l’isolement dans la transparence ». Or, malgré les progrès médicaux et les efforts des associations de patients, la levée du tabou sur le mot « cancer » n’a jamais été totale, car la signification usuelle – un signifié toujours négatif – du mot n’a pas changé. Elle s’est même renforcée par un phénomène de pression à l’inférence. Le savoir naïf, celui véhiculé par les médias, fait du cancer une maladie stigmatisant le sujet qui en est atteint. Cela est particulièrement sensible pour le cancer bronchique, car les théories usuelles de causalité selon lesquelles le seul comportement du malade est responsable de la maladie – un comportement généralement perçu comme fautif – accentuent stigmate et culpabilisation (14, 15). La responsabilisation du patient dans la causalité de ce qui l’affecte est une conséquence directe d’une médicalisation croissante du contrôle des comportements (16), ce que j’aborde dans le chapitre suivant.
Le cancer bronchique, source de réductionnisme Paradoxalement, le progrès scientifique peut être la source d’un réductionnisme : la réduction d’une maladie à une cause, d’un malade à sa maladie. En fait, l’analyse des phénomènes biologiques et la compréhension mécanistique des maladies se sont beaucoup trop conformées aux modèles physico-chimiques et biologiques élémentaires, ignorant la complexité et la variance intrinsèque de la vie (7). Ce sont donc les excès du rationalisme et surtout la vision partielle d’un phénomène très général, qui induisent le réductionnisme du
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déterminisme du cancer. Le fractionnement de la connaissance a conduit dans les dernières décennies au « tout-génétique » ou au « tout-psychogène ». Sur ce dernier réductionnisme, une étude publiée en 1996 a ainsi mis en évidence un risque relatif de 2,89 de cancer bronchique chez les patients ayant un score de dépression élevé (17). Un autre travail publié dans le JNCI en 1998 a, lui, étudié la survenue d’un cancer sur une population de plusieurs milliers de personnes (18). Sur cette période, la présence d’une dépression chronique était recherchée sur les six ans précédant la surveillance (le diagnostic de dépression chronique était alors retenu en présence d’une dépression ayant durée au moins trois ans). Une très faible proportion de patients (n = 146) était, selon cette définition, atteint d’une dépression chronique sur cette période, avec un hasard ratio calculé de risque de cancer à 1,88 (1,13–3,14 ; p < 0,01). On peut cependant s’interroger sur ces résultats. La présence de deux événements, ici le cancer et la dépression chronique, fait émettre plusieurs hypothèses. La première, c’est que la dépression provoque le cancer ; la deuxième est que le cancer provoque la dépression, et la troisième est qu’un autre facteur occulte (c’est-à-dire méconnu par l’enquête) ait entraîné l’apparition du cancer et de la dépression. Mais l’hypothèse la plus probable, renforcée par le faible nombre de patients concernés (n = 146) et donc le manque de puissance de l’étude, est que cette association soit purement fortuite. La période actuelle et le développement des moyens de communication voient une augmentation considérable des connaissances des patients sur leur maladie, et cette connaissance est fournie de la manière la plus crue, sans une parole pour l’accompagner, tel que le fait internet. Nous sommes passés du stade de l’ignorance du patient rencontrant le savoir du médecin, à celui du droit de savoir des patients, et ce fut une évolution heureuse. Mais le risque est aujourd’hui que ce droit de savoir devienne une obligation de savoir. Or, une information, si objective soit-elle et de qualité, se heurtera toujours à la subjectivité du patient.
L’individu atteint de cancer et sa représentation : les cas de l’accès aux moyens diagnostiques et de l’accès à la recherche clinique Le cancer bronchique est donc un facteur d’exclusion. La confusion, comme j’ai tenté de le démontrer, tient à l’assimilation erronée du pathologique à l’anormal (8), de l’assimilation du cancer à l’intrus (19), et ce malgré les démonstrations du rôle du « milieu intérieur » et la connaissance d’une physiopathologie de la carcinogenèse de mieux en mieux appréhendée. Or, la santé n’est rien d’autre qu’un luxe biologique (8) qui permet de nous adapter à une nouvelle situation. La situation « cancer » peut ainsi redevenir une norme, et les malades ne doivent pas être considérés comme des anormaux, au sens de « déviant du corps social »
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tentation d’une médecine systémique considérée comme un vecteur d’ordre social, comme Michel Foucault l’a dénoncé dans un cours qui fît date (20). Il convient également de rappeler que le rôle premier de l’hôpital a été longtemps de préserver la population saine (21), et celui-ci s’est donc fondé en grande partie sur l’exclusion sociale. Il est deux domaines qui attestent de l’importance de l’impact de cette singularité du malade atteint de cancer bronchique dans la société en général et dans ses relations au système de santé en particulier. Le premier, c’est le délai qui précède la prise en charge d’un cancer bronchique, c’est-à-dire le temps qui sépare l’apparition des symptômes jusqu’au jour un du traitement (qu’il soit chirurgical ou médical). Ce délai peut être décomposé en différentes périodes : du généraliste au spécialiste, du spécialiste au diagnostic complet, du diagnostic à la décision multidisciplinaire et, finalement, de cette décision à la mise en œuvre du traitement. Une abondante littérature sur ce sujet a fait l’objet de différentes mises au point (22, 23). Ce qui ressort de cette analyse est que les délais de prise en charge sont, invariablement, plus longs que les recommandations des sociétés savantes. Ils peuvent parfois atteindre le double du délai maximum recommandé. Les causes de cette perte de temps – dont on est certain qu’elle est préjudiciable et constitue per se une perte de chance pour les patients – sont nombreuses : certaines sont purement structurelles (insuffisance du nombre de spécialistes ou du nombre de centres référents dans le domaine), certaines tiennent à la maladie elle-même et aux symptômes parfois déroutants qu’elle génère (exemple des tumeurs de Pancoast faisant consulter le rhumatologue parfois de long mois avant que le diagnostic soit établi). D’autres causes, enfin, sont des freins psychologiques pouvant tenir à des résistances non conscientes des médecins (très mauvaise perception de l’impact des traitements du cancer bronchique par les généralistes et par certains spécialistes), ou des malades eux-mêmes qui craignent autant le diagnostic que le stigmate qui lui est rattaché. Le deuxième indicateur de la limitation de l’offre de soins aux patients atteints de cancer bronchique est celui de l’accès à la recherche clinique. La proportion de patients auxquels est proposée une participation à une étude clinique est beaucoup trop faible au regard des questions restant sans réponse. En effet, la plupart des situations médicales du cancer bronchique trouvent dans les référentiels de l’INCa des propositions conventionnelles dont les bénéfices cliniques restent modestes. Paradoxalement, cette offre de soins innovants est très développée pour les affections épidémiologiquement plus rares comme les tumeurs de l’enfant et les leucémies (24). Cela tient au fait que le grand public méconnait ce qu’est effectivement la recherche clinique en cancérologie thoracique. En effet, la recherche est un ensemble dont la finalité est de modifier la praxis médical, c’est-à-dire l’ensemble des activités codifiées, la manière générique de penser la médecine. La recherche dans le même temps contribue à l’expansion médico-technique, au savoir-faire « teckhné ». Jusque dans les années 1980, notre pratique était basée sur les données acquises de la science, avec obligation
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déontologique d’en faire le meilleur usage possible. Puis secondairement est apparu le concept de médecine fondée sur les preuves (evidence based medicine ou EBM), avec obligation d’utiliser le degré supérieur de la hiérarchie des niveaux de validation des pratiques médicales. Ceci est cependant restreint par le fait que l’on se trouve toujours dans la limite de ce qui a été étudié. En matière de recherche, la démarche est codifiée, aboutissant à des faits et à des connaissances. Certaines de ces connaissances sont inapplicables, d’autres le sont et parviennent alors à être diffusées (EBM). Mais secondairement ces données sont toujours interprétées et adaptées, avec une visibilité qui apparaît sur l’impact réel sur la santé publique, pouvant alors aboutir à une nouvelle démarche. On part donc du domaine de la science (valeur universelle) pour aboutir au domaine pratique (domaine du cas particulier). C’est ce transfert qui se trouve ralenti en matière de cancer bronchique lorsqu’on le compare, par exemple au cancer du sein (25). D’autres facteurs, indépendants de la localisation cancéreuse, limitent également l’accès aux innovations. L’accessibilité aux soins en général selon le régime de protection sociale et la proximité d’un centre référent en matière de cancer sont deux autres paramètres fréquemment cités (24).
Réflexions incidentes sur le discours médical et ses risques La situation que j’ai tentée de développer ci-dessous appelle une réflexion sur l’état d’esprit dans lequel s’instaure le colloque singulier avec le malade atteint de cancer bronchique. Il est capital de souligner que comprendre le patient implique de se référer à ses représentations symboliques propres. De plus, tout ce qui arrive au patient va réactiver les traces mnésiques car la maladie ne survient jamais en terrain vierge et il y a souvent réactivation de perte passée (26). La construction d’une mauvaise nouvelle ne se fait jamais d’un coup mais résulte d’un processus dans le temps (concept de diachronie). Par ailleurs, il est bon de rappeler quelques définitions. Est objet de soins la maladie : cela réfère à l’objectivité de l’art médical. Est sujet de soins le patient : la maladie n’est alors qu’une des variables à prendre en compte, et le désir du patient devient essentiel à l’établissement d’une confiance. Nous devons rester dans l’expression de ce qui est possible, dans l’ici et maintenant, et ne pas enfermer le patient dans des prédictions infondées car, ainsi que Kafka l’écrivait à son père : « Les choses vivantes ne se calculent pas à l’avance ». Gardant ce principe à l’esprit, nous saurons éviter que le discours médical ne devienne un guet-apens, une négociation diplomatique sans fin, une information pronostique donnée trop tôt, voire une prise de pouvoir. Canguilhem a très bien défini cette question centrale de la dialectique du patient et de son médecin (27) : « Il est impossible d’annuler dans l’objectivité du savoir médical la subjectivité de l’expérience vécue du malade ».
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Conclusion Il ne faut pas oublier que le soignant reste un humain (donc caduque). Personne ne peut substituer de l’angoisse par de la connaissance, et nous devons donc, au-delà des biotechnologies et de la recherche clinique, prendre en compte la souffrance psychologique du patient. Malgré tout son désir d’être secourable, il y a une limite à toute influence psychique. Cette limite est la liberté du point de vue du patient.
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