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© 1992 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca
Tiré de : L’archivistique, Louise Gagnon Arguin, ISBN 2-7605-0692-4 • SA692N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Données de catalogage avant publication (Canada) Gagnon-Arguin, Louise L’archivistique Son histoire, ses acteurs depuis 1960 Présenté à l’origine comme thèse (de doctorat de l’auteur – Université Laval), 1990. Comprend des réf. bibliogr. ISBN 2-7605-0692-4 1. Archivistique – Québec (Province). 2. Archivistes – Québec (Province). 3. Association des archivistes du Québec. 4. Archives – Québec (Province). I. Titre. CD3646.Q8G33 1992
027’.009714
C92-096935-6
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Louise GAGNON-ARGUIN
1992 Presses de l’Université du Québec 2875, boul. Laurier, Sainte-Foy (Québec) G1V 2M3
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Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences sociales, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Révision linguistique : Sylvie Trottier Conception et réalisation de la couverture : Christian Campana Mise en pages : Info•1000•Mots inc.
ISBN 2-7605-0692-4 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés © 1992 Presses de l’Université du Québec Dépôt légal – 3e trimestre 1992 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada Imprimé au Canada
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À Jean-François et à Louis-Pierre, héritiers de notre mémoire collective.
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Préface
L’ouvrage de Louise Gagnon-Arguin sur l’archivistique au Québec arrive à point nommé. Elle donne une vue de recul essentielle pour connaître et comprendre l’essor de l’archivistique au Québec au cours des 30 dernières années. Elle réunit l’information nécessaire pour décrire et contextualiser les événements et les changements survenus dans cette pratique professionnelle. Elle fournit une base de référence pour évaluer la portée de ces transformations. Elle livre une synthèse éclairante sur les tendances majeures de l’archivistique et sur la nature et le sens de son cheminement. En moins de 30 ans, l’archivistique s’est imposée au rang des disciplines. L’influence conjugée des changements de société, l’accroissement des exigences administratives, l’instauration de nouvelles technologies et les volontés politiques ont conféré à l’archivistique un nouveau statut professionnel. La multiplication de la documentation, la bureaucratisation des organisations, la préoccupation d’efficacité administrative, le contrôle de l’accès à l’information, les législations québécoise et canadienne en matière de biens culturels, de renseignements personnels, de droit à l’information ou d’archives ont entraîné une révision en profondeur des pratiques archivistiques. Les professionnels de l’archivistique se sont transformés en spécialistes de la mémoire organique et consignée, en experts. Leur nombre, tout comme leurs
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Préface
fonctions, a décuplé. Des regroupements se sont formés. Une production savante a vu le jour. Des programmes universitaires de formation ont été mis en place. Une semblable effervescence a conduit à réviser les pratiques, les finalités et les fondements identitaires. Au carrefour des courants de pensée américain et européen, l’archivistique québécoise a finalement défini des pratiques scientifiques novatrices qu’il fallait resituer dans les champs du savoir et en regard des besoins des institutions et des collectivités. Louise Gagnon-Arguin a voulu démêler ces fils que l’histoire récente avait tissés. Elle a recherché les cohérences et les rapports entre les permanences et les ruptures, entre la sédimentation et les mutations. Elle a rendu plus visibles les transformations qui avaient marqué l’archivistique et les a insérées dans un discours scientifique et un contexte culturel. Elle a pu en somme redessiner les configurations qui rendent compte de l’évolution des pratiques de consignation, donnent sens aux gestes, orientent les interventions et président aux décisions. Ce portrait d’une profession conduit à une réflexion sur la discipline. Il fallait audace et compétence pour explorer ainsi ce territoire neuf et pour produire une vision d’ensemble. Adoptant une démarche classique, inspirée de la sociologie des professions, l’auteure a centré son étude sur deux éléments principaux : les acquis sur le plan des connaissances et le tissu des relations professionnelles. Ce modèle a permis de dégager les facteurs et les contextes qui ont donné les plus fortes impulsions à l’archivistique. Il a banalisé le parcours d’une discipline en émergence. Il a posé des jalons pour l’avenir. Point de départ, cette étude sera d’autant plus féconde qu’elle soulèvera des questions. Analyse de type fondamental, qui va au-delà des fonctions et des pratiques, elle propose de larges avenues à explorer. Jacques Mathieu, Professeur-chercheur, Département d’histoire, Université Laval
juin 1992.
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Avant-propos
Par cet ouvrage sur l’archivistique québécoise, nous voulons rendre hommage à tous ses artisans – qu’ils se nomment archivistes ou gestionnaires de documents – à leur professionnalisme, à leur esprit de service et à leur compétence. Qu’ils y trouvent inscrit le résultat de leurs efforts à édifier une profession et à constituer une discipline dont l’importance sociale s’accroît de jour en jour. Cette étude constitue une synthèse de ce qu’a été l’archivistique au Québec depuis 1960 en tant que profession et discipline. Il rassemble les événements, les personnes et les institutions qui ont joué un rôle dans sa mise en place et son développement pour dégager les grandes lignes de l’évolution et permettre une vue d’ensemble de la situation au cours des 30 dernières années. Le présent ouvrage reprend les principales parties et conclusions d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université Laval en mai 1990 et portant sur l’archivistique au Québec depuis 1960. Cette recherche a été effectuée sous la direction de Jacques Mathieu, professeur-chercheur en histoire à l’Université Laval à qui nous voulons exprimer notre gratitude d’avoir rendu ce travail possible grâce à ses conseils éclairés. À Jean Hamelin, professeur à l’Université Laval, à Robert Garon, conservateur aux Archives nationales
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Avant-propos
du Québec et à Jacques Grimard, directeur de la Direction de la conservation aux Archives nationales du Canada, nos plus sincères remerciements pour leurs remarques judicieuses et pour leurs encouragements à publier ce travail. Nous nous devons de souligner aussi l’appui de Marcel Lajeunesse, directeur de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal de même que celui des professeurs et du personnel. Des remerciements très personnels vont aussi à mon époux, Gérard Arquin, qui, le premier, a cru en un tel projet et qui m’a facilité les conditions pour le mener à terme. Qu’il voie dans sa réalisation un gage de ma reconnaissance. Sillery, mai 1992
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Table des matières
Introduction ............................................................................................................. 1 Chapitre I – Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec .................................................................................. 9 L’archivistique au Québec avant 1960 .................................................................... 10 Le contexte d’évolution de l’archivistique québécoise ........................................... 15 Le contexte politique du Québec depuis 1960 ..................................................... 16 La création du ministère des Affaires culturelles ........................................... 17 Les politiques culturelles ............................................................................... 19 Les législations les plus importantes pour les archives .................................. 20 La Loi abrogeant la Loi du Secrétariat et modifiant d’autres dispositions législatives (L.Q. 1969, c. 26) ............................. 21 La Loi sur les biens culturels (L.Q. 1972, c.B-4) ....................................... 22 La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q. c.A2.1) ..................................................................................... 25 La Loi sur les archives (L.R.Q. c.A-21.1) .................................................. 31 Le climat politique au regard des archives, des archivistes et de l’archivistique ........................................................... 34
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Table des matières
Le contexte social ...............................................................................................36 La démocratisation de l’enseignement ...........................................................37 La réforme des professions au Québec ...........................................................38 La bureaucratisation des activités ...................................................................41 La montée du syndicalisme ............................................................................46 Le contexte culturel .............................................................................................48 Le milieu culturel québécois ...........................................................................48 L’intervention du gouvernement fédéral ........................................................53 La recherche scientifique et les archives ........................................................58 Le contexte économique et le développement technologique .............................62 Le contexte économique .................................................................................62 Le développement technologique ...................................................................64 Les institutions et les services d’archives ..............................................................67 Les Archives nationales du Québec ....................................................................69 Les lois de 1969 et de 1983 ............................................................................70 Quelques projets particuliers ..........................................................................72 La régionalisation des Archives nationales du Québec ............................72 L’inventaire national ................................................................................73 L’opération « calendrier de conservation » ..............................................74 Les ressources technologiques aux Archives nationales du Québec ....................................................76 Quelques luttes des Archives nationales du Québec .......................................78 « L’affaire des manuscrits » ..................................................................78 La responsabilité des documents gouvernementaux .................................80 Les archivistes aux Archives nationales du Québec .......................................81 Le secteur gouvernemental ................................................................................84 Le secteur de l’enseignement ............................................................................86 Les universités ................................................................................................87 Les collèges classiques et les cégeps ..............................................................88 Les commissions scolaires ..............................................................................89 Le secteur de la santé et des services sociaux ....................................................90 Les hôpitaux ...................................................................................................91 Les centres locaux de services communautaires et les autres organismes ...........................................................................91 Le secteur municipal ..........................................................................................92 Le secteur privé .................................................................................................93 Les services d’archives religieuses .................................................................94 Les entreprises privées ...................................................................................95 Les courants de pensée sur l’archivistique au Québec ...........................................97
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Table des matières
xv
Chapitre II – La profession d’archiviste au Québec, mythe ou réalité ? .............................................................................................. 103 Les caractéristiques professionnelles de l’archiviste ........................................... 104 L’idéal ou la mission de l’archiviste ................................................................. 105 Les fonctions professionnelles de l’archiviste .................................................. 111 La création ................................................................................................... 111 Le traitement ................................................................................................ 112 L’évaluation ................................................................................................. 113 La conservation ............................................................................................ 114 La diffusion et l’accès .................................................................................. 116 Les standards professionnels et le code d’éthique ............................................ 117 Les standards professionnels ........................................................................ 117 Le code d’éthique ......................................................................................... 119 L’image sociale de l’archiviste ............................................................................ 120 L’Association des archivistes du Québec : son membership et ses réalisations ................................................................... 124 L’AAQ comme association professionnelle ..................................................... 125 La présence d’un code d’éthique et de normes de compétence .................... 128 Les possibilités d’échanges entre les membres de la profession ................... 128 La promotion du statut professionnel et des intérêts des membres .................................................................... 128 La vie archivistique en général ............................................................... 128 La sauvegarde et la diffusion du patrimoine archivistique ..................... 129 Les législations fédérales et provinciales ............................................... 129 Les Archives nationales du Québec ....................................................... 130 La nomination d’archivistes ................................................................... 130 Autres résolutions à caractère politique ................................................. 131 Le développement de la discipline par la formation, la recherche et par l’établissement de normes ........................................ 132 Le membership et le leadership ........................................................................ 135 Le nombre de membres ................................................................................ 135 Les professionnels non membres ................................................................. 136 Les milieux de travail des membres ............................................................. 137 Les groupes d’intérêt .................................................................................... 139 Le leadership ................................................................................................ 141 L’expansion géographique ........................................................................... 142 Les activités et les publications ........................................................................ 143 Les congrès et les activités de sections ........................................................ 144 Autres activités de l’AAQ ............................................................................ 149 La revue Archives ......................................................................................... 150 Les sujets des articles .............................................................................. 152
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xvi
Table des matières
A. Les institutions ............................................................................ 153 B. Les documents proprement dits ................................................... 156 C. Les principes et les méthodes ...................................................... 157 D. La vie archivistique ..................................................................... 159 E. Les sujets divers et les autres disciplines ..................................... 160 Les auteurs des articles .......................................................................... 161 A. Le sexe ........................................................................................ 161 B. Le statut social ............................................................................. 162 C. La provenance géographique ....................................................... 162 D. L’appartenance institutionnelle ................................................... 163 E. La formation ................................................................................ 165 F. Les fonctions des auteurs ............................................................ 166 Les comptes rendus de publications ....................................................... 167 A. Les sujets des comptes rendus ..................................................... 167 B. Les auteurs des comptes rendus .................................................. 168 C. Le lieu et la langue des publications ............................................ 169 D. La date de publication ................................................................. 170 Les publications autres que la revue Archives ............................................ 172 Chapitre III – La discipline archivistique en devenir ? .................................. 179 Le corpus scientifique ......................................................................................... 181 Les contenus de programme ........................................................................... 181 Les manuels et les vocabulaires en archivistique ............................................ 183 Les influences extérieures ............................................................................... 185 Les programmes d’études .................................................................................... 194 1967-1970 : première formation universitaire ................................................ 195 1968-1975 : perfectionnement institutionnel .................................................. 196 1975-1982 : développement de la formation technique et augmentation de la demande pour la formation universitaire ................. 197 1983 : mise en place d’une véritable formation universitaire en archivistique .......................................................................................... 200 La recherche en archivistique .............................................................................. 201 Les institutions ................................................................................................ 202 Les chercheurs ................................................................................................ 203 Le financement et les organismes subventionnaires ....................................... 203 L’appartenance disciplinaire ............................................................................... 206
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Table des matières
xvii
Autres éléments favorables au développement d’une discipline .................................................................211 La population étudiante ...................................................................................211 L’amélioration des infrastructures d’enseignement .........................................212 Les postes de professeur ..................................................................................212 Les lieux de rencontres et d’échanges scientifiques ........................................213 Conclusion ..........................................................................................................217 Bibliographie complémentaire ..........................................................................223
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Liste des tableaux
Tableau 1 – Tableau 2 – Tableau 3 – Tableau 4 – Tableau 5 – Tableau 6 – Tableau 7 – Tableau 8 – Tableau 9 – Tableau 10 – Tableau 11 – Tableau 12 – Tableau 13 – Tableau 14 – Tableau 15 – Tableau 16 –
Prises de position par ordre chronologique ..................................131 Nombre de membres de l’AAQ, 1967-1988 ................................135 Milieux de travail des membres de l’AAQ, 1967-1969, 1987-1988 .................................................................137 Lieux de travail des dirigeants de l’AAQ, 1968-1988..................141 Thèmes des congrès de l’AAQ, 1972-1988 .................................144 Sujets des activités (congrès, sections), 1968-1988 .....................146 Répartition chronologique des sujets d’activités (congrès, sections), 1968-1988.....................................................148 Répartition des sujets d’articles, 1969-1988 ................................153 Institutions comme sujet d’article ................................................154 Répartition des articles sur les institutions par genre ...................155 Répartition des articles sur les documents proprement dits ...............................................156 Genre d’article écrit sur les documents proprement dits ..............157 Articles sur les principes et méthodes ..........................................158 Genre d’article écrit sur les principes et méthodes.......................159 Répartition des articles sur la vie archivistique ............................159 Répartition des autres sujets et des autres disciplines ..................161
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Tableau 17 – Tableau 18 – Tableau 19 – Tableau 20 – Tableau 21 – Tableau 22 – Tableau 23 – Tableau 24 – Tableau 25 – Tableau 26 – Tableau 27 – Tableau 28 – Tableau 29 – Tableau 30 – Tableau 31 – Tableau 32 –
Liste des tableaux
Sexe des auteurs de la revue Archives..........................................162 Répartition selon le statut social des auteurs................................162 Répartition chronologique de la provenance géographique des auteurs.............................................................163 Répartition des auteurs selon leur appartenance institutionnelle .......................................164 Formation des auteurs de la revue................................................165 Sujets des publications analysées.................................................167 Appartenance institutionnelle des auteurs des comptes rendus ...................................................168 Nombre de comptes rendus écrits par les auteurs ........................169 Lieu de publication des ouvrages indexés....................................169 Langue des comptes rendus .........................................................170 Année de parution des critiques et année de publication.................................................................170 Références bibliographiques par pays (en pourcentage) ..............186 Références à la documentation archivistique et autres.................187 Montant des subventions aux services d’archives, 1981-1987 ....................................................................................205 Nombre de certificats décernés, 1984-1988.................................211 Nombre de diplômes de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information, concentration en archivistique .....................................................212
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Introduction
Depuis 30 ans, l’archivistique au Québec a connu une évolution considérable. Son développement s’est manifesté tant par l’augmentation du nombre de ses professionnels que par la multiplication des activités. Ainsi, le nombre de ses praticiens a décuplé. Depuis 1967, ils se regroupent au sein de l’Association des archivistes du Québec. Les principes, normes et règles de la pratique ont été mis en place dans une majorité de dépôts. Des publications spécialisées ont vu le jour : la revue Archives en 1969 et un bulletin d’informations, La Chronique, en 19711. Entre 1982 et 1987, des professionnels publient des manuels d’archivistique. Les universités et les cégeps dispensent de la formation dans le domaine depuis 1982.
1.
Carol COUTURE et Jean-Yves ROUSSEAU. Les archives au XXe siècle : une réponse aux besoins de l’administration et de la recherche, collaboration de Jacques Ducharme, Marlène Gagnon, Denise Pélissier, préface de Jean-Claude Delorme, Montréal, Université de Montréal, Secrétariat général, Service des archives, 1982, vi, 491 p. — Michel ROBERGE. La gestion des documents administratifs, préface de Robert Garon, La Pocatière, Documentor, 1983, 216 p. – Les instruments de recherche pour les archives, par Louis Cardinal et al., groupe de travail sous la direction de Victorin Chabot, La Pocatière, Documentor, 1984, 123 p. (Accès à l’information administrative) — Michel CHAMPAGNE. Le traitement d’un fonds d’archives : ses documents historiques, par Michel Champagne et Denys Chouinard, La Pocatière, Documentor, Université de Montréal, Secrétariat général, Service des archives, 1987, 176 p.
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2
Introduction
L’archivistique québécoise s’est considérablement transformée. De l’isolement de l’archiviste solitaire, elle est passée à la présence d’une communauté partageant le même travail et les mêmes préoccupations. D’un champ de pratique, elle a évolué vers un champ d’étude et d’une activité rattachée à l’histoire, à une discipline autonome. Ainsi, après avoir développé ses propres pratiques scientifiques, établi ses démarcations spécifiques et réclamé autonomie et identité, l’archivistique est en voie d’établir ses postulats majeurs. L’archivistique québécoise n’a fait l’objet d’aucune étude exhaustive comme discipline ou comme profession. Les publications québécoises sur le sujet, périodiques, articles de périodiques et manuels, portent surtout sur la pratique archivistique. Notre ouvrage arrive à un moment où l’archivistique a atteint un degré de maturité, aboutissement d’une évolution de 30 années de pratique, et à une étape où la définition de ses paradigmes fondamentaux s’impose. Il fait donc le point sur une évolution et rappelle les bases essentielles à la conception de son devenir. Notre étude, axée sur l’observation du phénomène québécois, nous permet de constater la profonde influence des expériences française et américaine sur l’archivistique québécoise. Toutefois, parce qu’elle a mis au point une approche nouvelle qui intègre la gestion des documents et l’archivistique historique, elle présente sur le plan théorique un caractère original qui se répercute sur la gestion et l’organisation des archives ellesmêmes. Au Québec, c’est un lieu commun que de ramener tous les changements importants de la société à la Révolution tranquille. L’archivistique historique existait bien avant les années 60 puisque le Bureau des archives de la province est ouvert depuis 1920 et qu’on y conserve déjà les documents du Régime français. Les sociétés historiques et quelques institutions ont également leurs archives. Toutefois, le milieu archivistique n’échappe pas aux transformations importantes qui ont modifié l’image du Québec dans les années 60. C’est à partir de ce moment qu’ont été mises en place les structures politiques, économiques et sociales qui favorisent la naissance d’une communauté archivistique et qu’apparaissent les besoins sociaux qui exigent le renouvellement de la discipline. C’est donc au moment le plus fort des bouleversements que nous avons voulu situer le débat de notre étude, sachant bien que tout n’a pas commencé en 19602. Malgré l’intérêt
2.
À ce propos, Bernard Weilbrenner a entrepris d’écrire l’histoire des archives québécoises depuis 1867 pour le bénéfice des lecteurs de la revue Archives. Quatre articles sont déjà publiés. Bernard WEILBRENNER. « Les archives
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Introduction
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des événements qui se produisent et qui se précipitent depuis ces dernières années, il fallait déterminer une limite chronologique à notre recherche. Arbitrairement, nous avons choisi la première moitié de 1988, étant consciente d’exclure la réforme qui s’amorce dans l’Association des archivistes du Québec (AAQ) après cette date et qui aura une influence certaine sur la profession. La littérature archivistique québécoise constitue la principale source qui a servi de base à ce travail. Ainsi, la revue Archives, qui débute en 1969, livre un témoignage exceptionnel de l’évolution de l’archivistique au Québec et constitue le lieu privilégié pour lire le discours de ses professionnels. Elle est complétée par un bulletin d’informations de l’Association des archivistes du Québec, La Chronique, qui paraît depuis 1971. Le fonds de l’AAQ, conservé aux Archives nationales du Québec (ANQ), fait état des activités de cette association depuis 1967, aussi s’est-il révélé une source précieuse de renseignements. D’autres sources portant sur les programmes d’études et sur les milieux de travail ont également été consultées. Enfin, nous n’avons pas mené d’enquêtes ni réalisé d’entrevues malgré le grand intérêt que ces méthodes auraient pu présenter pour notre recherche. Les enquêtes nous auraient permis de mieux cerner les milieux de travail et d’en connaître davantage le personnel. Quant aux entrevues, elles nous auraient sûrement facilité la compréhension de certains événements et permis d’en saisir d’autres de façon plus claire. Néanmoins, les informations fournies par les sources à notre disposition se sont révélées suffisantes pour répondre à une étude de la profession suivant les modèles élaborés en sociologie des professions et des connaissances. Réaliser une étude sur l’archivistique québécoise comporte différents écueils. Comme nous le verrons de façon plus élaborée dans cette étude, la communauté archivistique québécoise est aux prises avec un problème important de terminologie : tous ne donnent pas le même sens aux mots « archives », « archiviste », « archivistique » et « gestion des documents ». Le sens donné à l’un ou l’autre terme correspond de plus à des courants de pensée et nous avons donc dû faire un choix. Les critères qui l’ont inspiré sont d’ordre pratique plutôt qu’idéologique. C’est ainsi que nous avons voulu utiliser un terme qui soit le plus général possible pour décrire la profession et la discipline tout en respectant les spécificités qu’elles comportent. Notre
provinciales du Québec et leurs relations avec les archives fédérales, 1867-1920 », Archives, vol. 15, n° 3 (décembre 1983), p. 37-55 ; vol. 16, n° 2 (septembre 1984), p. 3-26 ; vol. 18, n° 3 (décembre 1986), p. 3-25 ; vol. 18, n° 4 (mars 1987), p. 3-21.
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choix s’est arrêté sur les termes archiviste » pour nommer le professionnel, « archivistique » pour désigner la discipline et archives » pour les documents, peu importe leur âge3. Toutefois, lorsque leur usage est commandé par le respect de l’appellation utilisée dans le milieu, l’expression « gestion des documents » et ses dérivés (gestionnaire de documents, documents administratifs) sont utilisés ; les expressions « archives historiques », « archivistique historique » et « archiviste historique » désignent alors les documents conservés de façon permanente. Notre travail présente un autre problème de vocabulaire. Nous utilisons le terme « profession » dans le sens corporatif du terme et comme s’il existait véritablement une profession d’archiviste4 et le terme « discipline » comme si l’archivistique avait acquis ses lettres de noblesse. Tel n’est pas le cas puisque notre travail porte sur l’émergence de l’une et de l’autre. Nous nous sommes permis leur utilisation afin de mieux définir nos intentions et pour situer notre approche en opposition au sens général et commun qui peut être donné particulièrement au terme « profession ». Des difficultés sont inhérentes à la nouveauté de la discipline et à la jeunesse de la profession. Trente ans, c’est bien peu dans la vie d’une profession quand on la compare aux professions bien installées comme la médecine et le droit. La discipline n’est véritablement implantée dans les universités que depuis 1983 et la recherche y est à peine amorcée. C’est peu de temps également dans la vie d’une discipline. Aussi notre analyse comporte-t-elle les limites que lui impose la jeunesse de la profession et de la discipline. Par ailleurs, de nombreuses recherches sociologiques ont été effectuées sur le phénomène des professions. Les uns s’intéressent aux professions libérales et à ce qui les caractérise. Ainsi, à partir de l’observation des professions reconnues, Carr-Saunders identifie différents attributs propres à ces professionnels tels le savoir spécialisé, la formation intellectuelle et pratique, la prise en charge d’une valeur importante de la société, des motivations altruistes, l’existence d’une déontologie professionnelle et d’une organisation attestant la compétence, fixant les règles professionnelles et
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En cela, nous utilisons les termes utilisés et reconnus dans la Loi sur les archives. Nous rejoignons ainsi les tendances du marché du travail qui définit comme professionnel celui ou celle qui a obtenu un diplôme de premier cycle universitaire.
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assurant la discipline5. Pour d’autres, les professions se caractérisent par l’autonomie et l’exclusivité dans l’exercice de leurs activités, le prestige social et une rémunération relativement élevée pour leurs services6. D’autres sociologues analysent les professions sur le plan idéologique. Pour Terence J. Johnson, par exemple, la profession est avant tout un moyen de contrôle ou de domination d’une occupation7 : c’est une forme de pouvoir. Des modèles d’analyse des professions ont été élaborés à partir de l’étude du milieu dans lequel elles évoluent. Ainsi, J.-M. Chapoulie, dans une étude sur les enseignants en France8, démontre que l’étude du milieu social est tout aussi révélatrice que l’analyse des attributs eux-mêmes. Marc Maurice, quant à lui, souligne les difficultés de distinguer certains professionnels des autres catégories d’emploi, de distinguer ce qui est cheminement vers le professionnalisme de ce qui est simple désir d’être son propre maître ou de conserver son revenu. Il met de plus en lumière deux transformations importantes dans le monde du travail soit l’engagement des professionnels à l’intérieur des organismes et leur syndicalisation. Il conclut : La notion de profession, qualifiant des groupes réels d’occupations plutôt qu’un type idéal, perdrait sans doute de son « univocité » et gagnerait en pouvoir d’analyse [..., elle] permettrait de ne pas accorder aux professions un privilège supplémentaire [...] en masquant les conditions et la conséquence de leur apparition dans le champ social des activités9.
Le modèle d’analyse que nous avons adopté dans cette étude tient compte de l’étude du contexte et de l’analyse des attributs afin de mesurer l’émergence de la profession d’archiviste au Québec depuis les années 60. C’est ainsi qu’après avoir situé le contexte d’évolution de l’archivistique, « les conditions et les conséquences de [son] apparition dans le champ social des
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A.M. CARR-SAUNDERS et P.A. WILSON. The Professions, cité dans Philippe LECOMPTE. « Le technicien et le professionnalisme au Québec », Critères, n° 26 (automne 1979), p. 62. Gabriel K. GYARMATI. « La doctrine des professions : fondement d’un pouvoir », Revue internationale des sciences sociales, XXVII, 4(1975), p. 675. Terence J. JOHNSON. Professions and Power, London, The MacMillan Press, 1972, 96 p. J.-M. CHAPOULIE. « Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels », Revue française de sociologie, XLV, 1(janv.-mars 1973), p. 86-114. Marc MAURICE. « Propos sur la sociologie des professions », Sociologie du travail, XIV, 2 (avril-juin 1972), p. 224-225.
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activités10 », nous nous sommes basée sur le discours et le comportement professionnel pour identifier l’idéologie, la mission et les fonctions professionnelles et sociales, l’organisation professionnelle elle-même, le code de déontologie et les conditions d’admission ainsi que l’image sociale de l’archiviste. Pour l’étude de la discipline, nous nous sommes tournée vers les modèles élaborés en sociologie de la connaissance où coexistent différentes écoles. Pour Robert K. Merton et son école par exemple, la science développe son propre fonctionnement interne, le scientifique travaillant au progrès de la science et à la compréhension du monde. Ses détracteurs affirment que la science progresse sous l’influence de certains facteurs externes11, et ils expliquent ainsi son avancement inégal d’un milieu à l’autre. Pour ces sociologues, l’étude extrinsèque d’une discipline est tout aussi importante que son étude intrinsèque. La littérature des dix dernières années démontre que les chercheurs s’intéressent aux effets des facteurs sociaux sur les contenus scientifiques et ce par des études de cas ou des affirmations plus générales12. Pierre Bourdieu13 va jusqu’à affirmer que le domaine des connaissances constitue un champ d’activité comme les champs politique, social ou religieux. Il s’agit du champ scientifique dans lequel les rapports de force s’expriment. Marcel Fournier a d’ailleurs mené une étude sur le champ scientifique québécois14. Même s’il existe moins de recherches sur les disciplines, la sociologie présente suffisamment de modèles pour pouvoir mener l’analyse d’une discipline en émergence telle que l’archivistique. C’est à Blume que nous empruntons la structure de notre analyse de la discipline15 en distinguant sa structure cognitive – corpus scientifique – et sa structure sociale – appartenance disciplinaire, lieux et programmes de formation, recherche.
10. Marc MAURICE. Op. cit., p. 225. 11. Stuart S. BLUME. « D’une perspective extrinsèque en sociologie de la science », Sociologie et sociétés, vol. VII, n° 1 (mai 1975), p. 10-11. 12. François-André ISAMBERT. « Un « programme fort » en sociologie de la science ? », Revue française de sociologie, vol. 26, n° 3 (juillet-septembre 1985), p. 485-508. 13. Pierre BOURDIEU. « La spécificité du champ scientifique et les conditions sociales du progrès de la raison », Sociologie et sociétés, vol. 8, n° 1 (mai 1975), p. 91-118. 14. Marcel Fournier fait état de cette recherche dans l’article suivant : Marcel FOURNIER. « Le champ scientifique québécois : structure, fonctionnement et fonctions », Sociologie et sociétés, vol. 8, n° 1 (mai 1975), p. 119-132. 15. Stuart S. BLUME. Op. cit., p. 9.
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L’étude d’une profession et celle d’une discipline ne se retrouvent que rarement dans une même recherche. Pour plusieurs raisons, toutefois, il nous est apparu important d’aborder simultanément ces deux aspects dans le cas de l’archivistique québécoise. La situation d’émergence de la profession et de la discipline l’imposait compte tenu de l’interdépendance de leur développement. Cette double étude permettait en outre de dresser un premier bilan d’ensemble de l’archivistique au Québec. Aussi, malgré la présence de modèles d’analyse différents pour la profession et pour la discipline, ils se rejoignent sur un point commun à savoir l’importance des conditions extérieures sur leur développement. La présentation de ces contextes pouvait donc servir de trame de fond à l’analyse de l’une et de l’autre. En somme, l’étude simultanée de ces deux phénomènes présentait suffisamment d’avantages pour compenser l’ampleur de la tâche et les risques d’un survol trop général. Notre ouvrage se veut donc une description et une analyse de l’émergence de la profession d’archiviste et de la discipline archivistique au Québec depuis 1960. Dans un premier chapitre, nous présentons la genèse et les caractéristiques de l’archivistique québécoise en faisant un retour sur la situation des archivistes, de l’archivistique et des archives au Québec avant 1960. Aussi brossons-nous un tableau des divers contextes dans lesquels a évolué le Québec depuis la Révolution tranquille, des principales institutions archivistiques québécoises et de l’état de l’organisation des archives dans les principaux organismes québécois publics, parapublics et privés ainsi que celui de la base théorique que sous-tendent les courants de pensée archivistiques du Québec. Dans un deuxième chapitre, nous abordons la question de la profession d’archiviste sous l’angle de l’idéal, des fonctions professionnelles et sociales, de l’image sociale et nous présentons l’association professionnelle et ses principales réalisations. L’étude de la discipline fait, quant à elle, l’objet du troisième chapitre. Elle est abordée sous l’aspect du corpus scientifique dont elle se compose et de la structure de recherche qui la soutient. On y présente de plus l’infrastructure de l’enseignement et la question de son appartenance disciplinaire. Ce bilan de la situation actuelle permet de dégager les étapes de l’évolution de la profession et de la discipline archivistique au Québec et vise à faire la part entre leur émergence et leurs perspectives de développement.
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Chapitre 1
Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec
L’archivistique québécoise, comme tout autre domaine d’activité professionnelle, a été fortement marquée par le contexte dans lequel elle a évolué, les milieux de travail où elle s’exerce et les courants de pensée qui la traversent. Elle en tire d’ailleurs son originalité et son individualité. Avant d’étudier la profession et la discipline archivistique au Québec, il nous est apparu intéressant de brosser un tableau du contexte politique, social, culturel et économique dans lequel a vécu le Québec depuis 1960 et de présenter les principaux événements qui l’ont marqué. Nous nous arrêterons à montrer en quoi il a influencé le développement des archives et de l’archivistique comme profession et comme discipline. Les milieux où s’exercent les activités professionnelles ne font pas partie à proprement parler du modèle d’analyse des professions bien que leur présence et leurs caractéristiques en influencent le développement. Aussi leur présentation s’impose-t-elle dans l’étude d’une profession en émergence. Elle nous permettra notamment d’évaluer la place qu’occupe la profession sur le marché du travail. L’une des caractéristiques importantes de l’archivistique québécoise est la présence de courants de pensée dans le milieu professionnel lui-même, l’influence qu’ils ont sur le rôle de l’archiviste et sur le sens plus ou moins
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Chapitre 1
élargi donné au mot « archives Ces courants de pensée reposent sur les approches française et américaine et sur leur intégration. C’est pour mesurer l’évolution de l’archivistique québécoise qu’il en sera fait mention dans cet ouvrage. Cet ensemble apparemment hétéroclite de faits, d’événements et de situations constitue la scène où s’est jouée l’archivistique québécoise depuis 1960 au Québec. À cela, il faut ajouter l’état de l’archivistique au moment où débute cette étude. Il existe déjà des archives et des archivistes au Québec avant cette date. Mais quel est donc l’état de leur situation ? L’archivistique au Québec avant 1960 Les informations sur l’état des archives, sur la situation des archivistes et sur les méthodes de travail relatives au traitement des archives avant 1960 sont parcellaires. À travers les écrits des archivistes contemporains, on peut toutefois recueillir les données nécessaires à la reconstitution d’un tableau sommaire. Le territoire québécois s’est modifié et le statut politique du Québec a changé depuis le début de la colonie. Domaine d’abord exploité par des compagnies pour le commerce des fourrures, le Québec est doté d’un gouvernement royal par la France en 1663, lequel est exercé par les gouverneurs avec pouvoir limité. Sous domination française jusqu’à 1763, il passe par la suite sous l’autorité de la Grande-Bretagne jusqu’à la mise en place d’une structure gouvernementale de type confédératif en 1867 qui fait du Québec une province du Canada. Les documents d’archives témoignent de ces antécédents et sont remplis aussi de cette histoire. Que reste-t-il lors du départ des Français en 1760 ? « ... les actes et papiers pouvant servir à justifier l’état et la fortune des citoyens16 », le reste étant rapatrié en France ou se trouvant déjà entre
16. Jacques MATHIEU. « Les archives du Québec », Annuaire du Québec, Québec, 1970, p. 312. Voir Joseph Edmond Roy. « Les Archives du Canada à venir à 1872 », Mémoires de la Société royale du Canada, 3e série, tome IV, séance de septembre 1910, Toronto, 1911, p. 57-123. Dans un texte lu devant la Société royale du Canada en septembre 1910, Joseph Edmond Roy présente les articles de la capitulation qui concernent les archives ainsi que les conditions d’acceptation des uns et des autres. Il faut d’ailleurs consulter
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Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec
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les mains des familles des anciens administrateurs de la colonie. Ceux qui restent au pays constitueront les « anciennes archives françaises ». Ils comprennent entre autres les ordonnances des intendants, les « aveux et dénombrements », les « foi et hommage », les procès-verbaux des grands voyers ainsi que différents documents produits par le Conseil supérieur, l’Amirauté et la Prévôté de Québec17. De l’époque du régime anglais, on possède notamment des documents relatifs aux terres, des demandes et des octrois de terres, des documents concernant les seigneuries, les terres et les biens des Jésuites. Au moment de la Confédération, les documents sont partagés entre le gouvernement central et les nouvelles provinces suivant la distribution des pouvoirs. Les gouvernements ne sont pas seuls à conserver les documents. Au XIXe siècle, des sociétés privées mises sur pied par des mécènes conscients de la valeur des documents se préoccupent de la recherche et de l’acquisition de documents. La Société historique et littéraire de Québec est de celles-là. Elle fera « copier » des documents du régime français et du régime anglais en France et en Angleterre particulièrement en plus de se porter acquéreur de fonds privés intéressant l’histoire. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, le mouvement nationaliste sera à l’origine de la mise en place, dans plusieurs coins de la province, de sociétés historiques qui se préoccuperont de conserver les documents témoignant des activités propres de leurs régions18. Des documents se retrouvent aussi dans les grands établissements d’enseignement, surtout les plus anciens comme le Séminaire de Québec. Quant aux archives ecclésiastiques et religieuses, elles sont conservées dans les milieux où elles sont créées. On retrouve aussi des archives municipales dans les grandes villes comme Montréal19 et Québec.
cet article pour connaître les vicissitudes qu’ont subi les documents sous les régimes français et anglais ainsi que les différentes tentatives des gouvernements ou d’individus responsables et sensibles à l’importance des archives pour en assurer la conservation. 17. Les Archives nationales du Québec ont publié depuis un répertoire de ces archives. Gilles HÉON. Répertoire numérique des anciennes archives françaises conservées au Centre d’archives de Québec, Québec, Archives nationales du Québec, 1986, iii, 119 p. 18. Bernard WEILBRENNER. « Les archives provinciales et leurs relations avec les archives fédérales, 1867-1920 », Archives, vol. 18, n° 4 (mars 1987), p. 3-21. 19. René LACOUR. « Les archives du Québec », Archives, 69.2 (juillet-décembre 1969), p. 32-39.
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Chapitre 1
Le Québec possède déjà une mémoire. Des documents morcelés comme son histoire, des documents qu’on s’est partagés comme son territoire, d’autres qui témoignent de ses luttes, de ses conquêtes, de son désir de vivre et de se perpétuer. C’est le matériel sur lequel les archivistes de demain auront à travailler. L’existence de documents implique nécessairement des personnes qui en prennent la responsabilité. Qui sont-elles avant 1960 ? Durant la période coloniale, on ne peut pas vraiment parler d’archivistes puisque les documents administratifs sont retournés à la mère-patrie, ceux qui demeurent dans la colonie étant sous la responsabilité des officiers titulaires20. C’est à la Confédération que l’on doit la mise en place de structures qui vont favoriser la conservation des archives. Ainsi, la nouvelle organisation politique prévoit la création d’un poste de registraire. Dans la province de Québec, le sousregistraire se verra confier la charge de la conservation des documents officiels du gouvernement. À cette époque toutefois, cette responsabilité ne s’étend pas à l’ensemble des documents mais plutôt à ceux qui sont produits par le Secrétariat de la province. En 1867, le premier ministre Chauveau se réserve la responsabilité du Secrétariat de la province et du registrariat et il nomme un sous-registraire à qui il confie la responsabilité des archives, le Dr Jean-Baptiste Meilleur. C’est le Dr Meilleur qui assurera les démarches de rapatriement d’Ottawa des documents revenant à la province selon la nouvelle entente constitutionnelle. Il est remplacé par John Langelier en 1878 qui verra lui aussi au versement de documents mais dont la principale préoccupation demeure la copie de documents21. Jean-Chrysostôme Langelier, qui succédera à John Langelier, continue l’acquisition et la copie d’archives22. La
20. L’article de Joseph Edmond Roy déjà cité souligne que le Bureau des intendants conserve « un double de tous les édits du Roy, et des arrêts du Conseil d’État concernant la colonie », etc. (p. 65). Un inventaire des documents « servant à la régie du bureau du Domaine » (p. 67) est dressé par le notaire Pinguet du Vaucour. Il y a donc des personnes qui se préoccupent des archives et elles le font dans le cadre de leurs fonctions et non comme responsables des archives elles-mêmes. On ne peut donc pas vraiment parler de la présence d’archivistes. 21. Bernard WEILBRENNER. « Les archives provinciales et leurs relations avec les archives fédérales, 1867-1920 », Archives, vol. 16, n° 2 (septembre 1984), p. 3-26. 22. Bernard WEILBRENNER. « Les archives provinciales et leurs relations avec les archives fédérales, 1867-1920 », Archives, vol. 18, n° 3 (décembre 1986), p. 3-25.
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Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec
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période entre 1892 et 1920 est caractérisée par « une longue torpeur23 ». Aussi, devant l’indifférence des autorités gouvernementales québécoises, l’archiviste fédéral d’alors, M. Doughty24, envahit-il le champ des archives laissé libre. Pierre-Georges Roy, greffier de la Cour du Banc du roi, est nommé en 1914 représentant des archives fédérales à Québec25. Plus tard, en 1920, il sera nommé archiviste de la province et réalisera l’œuvre majeure que l’on connaît. Enfin, en 1941, il sera remplacé par son fils Antoine Roy à la direction des Archives de la province. Le personnel des Archives de la province ne sera jamais très nombreux. En plus de l’archiviste, on retrouve d’autres personnes affectées à la copie de documents. Ces personnes seront engagées à forfait en France, en GrandeBretagne et même aux États-Unis. D’autres membres du personnel des archives réaliseront aussi des inventaires et répondront aux demandes des chercheurs comme nous le révèlent les rapports de l’archiviste provincial publiés régulièrement depuis 1921. En 1931, lors du déménagement dans les locaux du Musée du Québec, Gilles Héon note la présence de Pierre-Georges Roy, Ivanhoé Caron, Gérard Martin et de plusieurs autres26 aux archives du Québec. Quel était le mode de travail de ces personnes affectées aux archives ? À cause des contacts que les responsables de l’époque et les copistes en particulier ont eu avec les archives tant françaises que britanniques, on peut supposer qu’ils ont profité de ces deux types d’expérience. De plus, à cause des liens étroits entretenus entre les archives fédérales et provinciales, des influences se font sentir : [...] ces dernières [les archives fédérales] visaient à atteindre des objectifs très voisins de ceux des archives provinciales, soit la concentration, la préservation, la description et la diffusion des archives canadiennes et européennes portant, dans un cas, sur le passé du Québec, sous sa
23. Bernard WEILBRENNER. « Les archives provinciales et leurs relations avec les archives fédérales, 1867-1920 Archives, vol. 18, n° 4 (mars 1987), p. 3-40. 24. Le gouvernement fédéral crée en 1872 un poste d’archiviste fédéral au ministère de l’Agriculture. Douglas Brymner occupe ce poste. Il est remplacé par A.G. Doughty en 1904. 25. Bernard WEILBRENNER. Op.cit., p. 16. 26. Gilles HÉON. « Bref historique des Archives nationales du Québec », Archives, 70.2 (juillet – décembre 1970), p. 24.
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Chapitre 1
désignation propre ou celle de Nouvelle-France, de Bas-Canada ou de Canada, et dans l’autre sur le passé de tout le Canada27.
Le travail de « concentration » se réalise par la cueillette des documents mais surtout, à cette époque, par la copie de documents. Avec la nomination du premier archiviste fédéral en juin 1872, Douglas Brymner, commence une ère de « copie » de documents qui se poursuivra et s’intensifiera sous son successeur, M. Doughty. On retiendra les archives françaises avant de les retourner à la province de Québec comme le stipule l’Acte de l’Amérique de Nord britannique sous prétexte d’en transcrire certaines. On transcrit aussi aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne des documents se rapportant à l’histoire du Québec. Le rôle de l’archiviste sur les documents se structure au cours des ans. Gilles Héon situe la carrière de Pierre-Georges Roy autour de trois thèmes : « faire connaître, diversifier et faciliter l’accès aux archives28 ». Roy « fait connaître » en publiant les documents eux-mêmes dans le Bulletin de recherches historiques qui paraît à partir de 1896 et dans le Rapport de l’archiviste de la province de Québec publié dès 1921. Il « diversifie » en acquérant de nouveaux fonds d’archives, en enrichissant le Bureau des archives de services complémentaires aux archives comme une bibliothèque et en dotant le dépôt d’une collection de « tableaux, photographies, gravures et cartes29 ». Il réalise aussi des inventaires de grandes séries de documents comme celles des ordonnances des intendants, des contrats de mariage et des greffes de notaires. La gestion de documents n’a pas encore cours à cette date. Toutefois, il faut souligner que, dès la fin du XIXe siècle, certains canadiens sentaient déjà la nécessité d’organiser les documents dès leur création. Benjamin Suite, fonctionnaire fédéral et historien affirmait, dans un commentaire qu’il émettait au moment de la création des Archives publiques du Canada en 1872, que le gouvernement fédéral devait, au nom d’une plus grande efficacité administrative, gérer ses documents actifs. Non complètement désintéressé, Suite suggère ensuite au gouvernement de les mettre à la disposition des historiens. « Qui dit archives publiques, dit documents destinés à l’histoire. Quand l’administration n’a plus rien à faire avec un
27. Bernard WEILBRENNER. « Les archives provinciales du Québec et leurs relations avec les archives fédérales, 1867-1920 », Archives, vol. 15, n° 3 (décembre 1983), p. 37. 28. Gilles HÉON. Op. cit., p. 23. 29. Ibidem.
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Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec
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dossier, il revient de droit aux historiens30 ». Envisagée dans une autre perspective que celle qui aura cours au XXe siècle, cette idée de Benjamin Suite était toutefois un peu visionnaire. Les locaux réservés aux archives seront plus que modestes durant toutes ces années. Ce ne sera qu’en 1931 que les archives auront « pignon sur rue » et partageront les nouveaux locaux avec le Musée du Québec. Au début des années 70, à cause de l’augmentation du nombre d’archives à conserver et, plus particulièrement, d’archives gouvernementales, on doit occuper des entrepôts en dehors du Musée. En 1980, lors du déménagement dans les locaux actuels situés sur le campus de l’Université Laval, la récupération des documents distribués un peu partout dans la ville constituera en soi une opération de taille et elle sera à l’origine du début de l’informatisation des Archives nationales du Québec31. La fonction d’archiviste prend forme surtout entre 1867 et 1960. On crée, dans la structure administrative et gouvernementale, un poste de fonctionnaire qui aura la charge de conserver les archives. Les luttes que devront mener les différents titulaires de ce poste, tant au fédéral qu’au provincial, pour réaliser pleinement leur mission témoigneront du fait qu’il y avait loin de la création du poste à la véritable portée de son contenu. Luttes pour obtenir la responsabilité de l’ensemble des documents du gouvernement incluant les documents des ministères. Luttes pour avoir le dernier mot sur la destruction des documents. Luttes pour obtenir des locaux pour les documents... et pour le personnel. Luttes enfin pour disposer de fonds proportionnels à la dimension de la mission confiée. C’est à travers cette problématique que s’est constitué le rôle de l’archiviste. Et c’est l’héritage que recevront nos archivistes des années 60. Le contexte d’évolution de l’archivistique québécoise La société québécoise a été marquée par des changements profonds depuis 1960. Amorcées par la Révolution tranquille, des mutations se sont opérées dans la vie politique, culturelle, sociale et économique. Dans chacun de ces domaines, de nouvelles structures ont été mises en place et de nouveaux services sont apparus.
30. Bernard WEILBRENNER. Op. cit., p. 49. 31. Voir « Les ressources technologiques » dans la partie sur les Archives nationales du Québec.
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Il [le Québec] remet en question ses principales institutions et structures, se lance dans la planification et la recherche, innove audacieusement sur le plan scolaire, prend en main ses services sociaux et hospitaliers, crée son régime de rentes, reprend à Ottawa une partie de l’assiette fiscale, nationalise l’électricité, s’introduit par le biais de l’État dans le secteur privé de l’économie, accroît la qualité et les effectifs de sa Fonction (sic) publique32.
L’impact de ces changements s’est fait sentir dans tous les aspects de la vie de la collectivité ; le domaine des professions et celui des savoirs n’y ont pas échappé. Malgré l’arbitraire que peut présenter une analyse distincte des différents contextes politique, social, culturel et économique, elle constitue une façon de mettre en lumière les principales caractéristiques de chacun et de montrer leur influence sur l’archivistique. C’est dans cette perspective et à travers ces différents contextes que nous abordons l’étude de la vie québécoise depuis 1960 pour en saisir l’impact sur l’archivistique et sur les archives. Le contexte politique du Québec depuis 1960 La Révolution tranquille a modifié grandement la conception de l’État. Elle a amené le gouvernement à élargir le domaine des interventions politiques. « L’État prend en charge des champs d’activités relevant surtout jusque-là de l’échelon local en concentrant à Québec certains pouvoirs et responsabilités. Il étatise en outre des domaines qui étaient depuis longtemps l’apanage du secteur privé33... » L’intervention gouvernementale s’est manifestée par l’adoption de législations et de règlements, la mise en place d’institutions, d’organismes et de structures lui permettant de réaliser ces nouveaux mandats34.
32. La politique québécoise du développement culturel, par le ministre d’État au développement culturel, Québec, 1978, vol. 1, p. 5. 33. Paul-André LINTEAU et al. Histoire du Québec contemporain, Québec, Boréal, 1986, vol. 2, p. 625. 34. Toute la dimension de la gestion des documents administratifs dont les besoins se font sentir à cause des rôles accrus de l’État est abordée dans la partie sur la bureaucratisation des activités dans le contexte social du Québec des années 60.
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Le domaine des archives a été affecté de diverses façons par ces nouvelles orientations. Ainsi, les archives seront marquées par les lois, règlements et directives qui ont présidé à la mise en place de la décentralisation gouvernementale tant dans le secteur public que parapublic et qui prévoyaient des mesures particulières relatives à la création et à la conservation de certains types de document. Ces lois et règlements ne sont pas sans avoir joué un rôle sur le développement de la profession et de la discipline. Toutefois, c’est à cause de l’ensemble des dispositions prises dans le secteur culturel que l’archivistique a pu prendre une certaine expansion, la Loi sur les archives venant intégrer ou catalyser les effets de toutes les autres mesures. C’est pourquoi nous nous arrêterons surtout à la présentation et à l’analyse des différentes réformes politiques dans le domaine de la culture, particulièrement la création du ministère des Affaires culturelles, l’élaboration de différentes politiques culturelles et l’adoption de lois favorables au développement culturel. La création du ministère des Affaires culturelles La création du ministère des Affaires culturelles en 1961 amorce une ère nouvelle pour la vie culturelle québécoise. Le gouvernement reconnaît le rôle de l’État dans la protection et le développement culturels. Par ce geste, le premier ministre Jean Lesage réalise le programme de son parti et une promesse faite aux Québécois lors des élections de 1960. « Par l’établissement d’un ministère des Affaires culturelles, le gouvernement de la province jouera le rôle qui lui incombe dans la vie culturelle du Québec et de la nation35 ». La mise en place du ministère des Affaires culturelles s’est réalisée au rythme de l’éclatement de la culture québécoise elle-même. Mais ses titulaires ont dû composer maintes fois avec leur dynamisme, leurs convictions, les demandes et les faibles moyens financiers mis à leur disposition. En 19601961, le budget du ministère des Affaires culturelles représentait 0,46 % du budget de la province. Vingt-ans plus tard, il ne sera encore que de 0,56 %. En 1987-1988, il aura atteint 0,70 %. Le premier titulaire de ce ministère, Georges-Émile Lapalme, démissionnait le 3 septembre 1964 en invoquant sa déception devant l’attitude négative du Conseil du trésor face aux demandes du ministère des Affaires culturelles. Quinze ans plus tard, le ministre JeanPaul L’Allier, dans son Livre vert sur la culture, constatait la même impuissance :
35. Cité dans La politique québécoise du développement culturel, op. cit., p. 5.
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Le ministre, de par la Loi tout puissant, est en fait empêché d’agir tant à cause de la modicité des fonds et des ressources matérielles et humaines mis à sa disposition qu’à cause de l’absence de structures rationnelles d’intervention36.
Malgré la reconnaissance par le gouvernement de son rôle dans le domaine de la culture, il faudra donc encore du temps pour que ses actions correspondent à cette nouvelle réalité. Le domaine des archives en a notamment souffert. En 1968, des chercheurs exprimaient leur insatisfaction devant la lenteur des actions gouvernementales : « il appartient au gouvernement de créer sans retard une loi d’archives et concurremment d’adopter une politique dynamique de protection et de recherche des documents37 ». Le ministère des Affaires culturelles n’était pas toujours à la hauteur des attentes qu’il avait créées. Au moment de la création du ministère des Affaires culturelles, les archives dites historiques passent sous son autorité ainsi que le personnel qui y est affecté. La responsabilité des documents gouvernementaux demeure au Secrétariat de la province. Cet état de fait divise les activités que la Loi sur les archives regroupera. La création du ministère des Affaires culturelles, malgré les difficultés liées à sa mise en place, constitue un pas important qui conditionnera largement le développement des archives et de l’archivistique. Tout d’abord, elle reconnaît la responsabilité de l’État sur les archives de même que leur appartenance au domaine culturel. Elle rend ainsi les archives admissibles à l’aide gouvernementale. En séparant la responsabilité des archives historiques du gouvernement et celle des documents gouvernementaux courants, elle crée toutefois l’ambiguïté qui sera maintenue par la Loi abrogeant la loi du secrétariat... Il faudra près de 30 ans pour dénouer l’impasse avec la Loi sur les archives et pour unifier la responsabilité des documents gouvernementaux. Le milieu professionnel lui-même sera fortement marqué par cette division de juridiction.
36. Jean-Paul L’ALLIER. Pour l’évolution de la politique culturelle, Québec, 1976, vi – 258 p. (Document de travail), p. 93. 37. « Les archivistes du Québec réclament une politique de protection des documents... » compte rendu, [publié] dans Le Devoir du 18 mai 1968, de la réunion de mai 1968 de l’Association des archivistes du Québec, Archives 69.1 (1969), p. 25. Cet article fait allusion à la conférence de Jean Hamelin prononcée à cette occasion.
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En 1963-1964, le ministère des Affaires culturelles note, dans son rapport annuel, le besoin de personnel « technique » et de locaux adéquats38 tout en annonçant la nomination d’un nouvel archiviste provincial, Bernard Weilbrenner. En ce sens, la profession commence à être reconnue ainsi que les exigences professionnelles et matérielles nécessaires à son action. Sans pour autant croire que le ministère ait pu mettre en œuvre tous les moyens pour réaliser son action, il demeure que les archives trouvaient désormais, dans le ministère des Affaires culturelles, un lieu politique pour s’exprimer et les archivistes, un milieu de travail pour appliquer et raffiner leurs méthodes de travail. Les politiques culturelles Plusieurs ministres des Affaires culturelles ont voulu faire reposer les actions de leur ministère sur des politiques culturelles. En 1965, le ministre Pierre Laporte élaborait le premier livre blanc du ministère des Affaires culturelles. Après avoir défini le concept de culture, le livre détermine la responsabilité du gouvernement du Québec dans le domaine de la culture et précise le rôle du ministère. Il se termine par une liste de 60 recommandations conséquentes au postulat. La recommandation 49 porte sur la nécessité d’adopter une loi sur les archives. Malheureusement, ce livre blanc restera lettre morte ; il ne sera jamais présenté à l’Assemblée nationale et un changement de gouvernement amènera un autre titulaire au poste de ministre des Affaires culturelles. Ce document, avec le rapport Rioux39, les articles d’un numéro spécial de la revue Liberté de mars-avril 1967 et le « testament » de l’exsous-ministre des Affaires culturelles, Guy Frégault, servira toutefois de base au livre vert du ministre Jean-Paul L’Allier, en 1976. Sous le titre Pour l’évolution de la politique culturelle40, ce livre fait état des différents documents précédents, en donne de larges extraits sur l’état de la culture et dresse l’inventaire des domaines d’intervention. Il aborde par la suite la réforme administrative susceptible de soutenir cette politique. Par rapport aux archives, il recommande l’adoption d’une loi sur les archives et propose une commission de la Bibliothèque et des Archives
38. Québec (Province), Ministère des Affaires culturelles. Rapport [...], Québec, 1964, p. 15. 39. Rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts créée par le gouvernement du Québec en 1966. 40. Jean-Paul L’ALLER. Op. cit.
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nationales. Ce livre vert subira lui aussi les conséquences d’un changement de gouvernement. Bien qu’il ait été publié, il n’a pu être appliqué par la suite. En 1978, un autre document préparé par Camille Laurin, ministre d’État au développement culturel, présente une « politique québécoise du développement culturel41 ». Inspirée du nationalisme québécois, cette étude analyse les composantes de la culture québécoise et aborde la politique culturelle sous trois dimensions : genres de vie, création et éducation. Elle propose aussi l’adoption d’une loi sur les archives ainsi qu’une augmentation de ressources pour les Archives nationales du Québec. Les politiques culturelles ont donc préoccupé les ministres depuis la Révolution tranquille. En 1965, 1976 et 1978, des propositions globales ont été élaborées. Même si les différents projets n’ont jamais été adoptés officiellement, il n’en demeure pas moins qu’ils ont sûrement influencé le développement des orientations du ministère des Affaires culturelles. Toutefois, la lenteur à réaliser certaines recommandations, comme celles sur les archives, démontre la faible valeur politique de ces études du fait qu’elles ne se concrétisent pas dans une législation. Ces politiques culturelles ont malgré tout favorisé le développement des archives et de l’archivistique. Bien qu’elles n’aient jamais été adoptées intégralement, la nécessité d’adopter une loi sur les archives est reconnue depuis 1965. Sans pouvoir affirmer qu’elle en est une conséquence directe, il n’en demeure pas moins que le rappel de ce besoin dans toutes les politiques élaborées a lentement fait son chemin. Les législations les plus importantes pour les archives Plusieurs législations québécoises ont joué un rôle important dans le développement de l’archivistique. Ces lois, à l’exception de celle sur les archives en 1983, ne portent pas directement sur les archives. Cependant, leur impact n’en est pas moins réel sur le domaine d’activité. Il s’agit de la Loi créant le ministère des Affaires culturelles (1961) dont il a été fait état précédemment, la Loi abrogeant la Loi du Secrétariat et modifiant d’autres dispositions législatives (1969), la Loi sur les biens culturels (1972), la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (1982) et la Loi sur les archives (1983).
41. La politique québécoise du développement culturel, par le ministre d’État au développement culturel. Québec, 1978, 2 vol.
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La Loi abrogeant la Loi du Secrétariat et modifiant d’autres dispositions législatives (L.Q. 1969, c. 26) Le projet de loi 88, présenté en 1969, visait à distribuer différentes juridictions entre les ministères du gouvernement. Il était plutôt une mesure administrative qu’un geste politique proprement dit puisque, de l’aveu même du premier ministre d’alors, Jean Lesage, le Secrétariat de la province était devenu une agglomération assez héréroclite [...] de juridictions sur des affaires administratives mineures [...] Il y a certainement lieu [...] de redistribuer ces compétences dans les divers ministères42 ». Le ministère des Affaires culturelles se voit confier officiellement, dans cette redistribution des tâches, la responsabilité totale des archives de la province43 qui se concrétise par la nomination d’un conservateur des archives nationales. Les fonctionnaires du Secrétariat de la province qui géraient les archives au secrétariat passent au ministère des Affaires culturelles ou à d’autres ministères tandis que d’autres prennent leur retraite. Le projet de loi n’a reçu aucune opposition politique puisqu’il est plutôt de nature administrative. Les deuxième et troisième lectures sont votées dans la même journée et la loi est adoptée le 11 décembre 1969. Les discussions en Chambre font ressortir les difficultés qui existent déjà dans la fonction publique quant au rôle des différents intervenants dans le domaine des archives au gouvernement du Québec. Ainsi, Jean-Noël Tremblay avoue, lors de la discussion en deuxième lecture, que le projet de loi est une fusion du projet de loi préparé par les fonctionnaires de son ministère et de celui préparé par le Secrétariat de la province. C’est dire qu’il y avait déjà chez les fonctionnaires deux conceptions du nouveau projet de loi. M. René Paul, intervenant lors de la discussion en commission parlementaire, confirme cette hypothèse : [...] il existe actuellement deux endroits où se trouvent des archives, au ministère des Affaires culturelles et au Secrétariat. Depuis quelques années, disons cinq ou six ans, le ministère des Affaires culturelles s’en va dans une voie concernant les archives et le Secrétariat de la province également dans une autre voie44.
42. Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 4e session, 28e législature, jeudi 11 décembre 1969, vol. 8, n° 102, p. 4839. 43. Les archives de l’État civil et des protonotaires sont alors transférées aux ANQ. 44. Débats de l’Assemblée nationale du Québec, idem, p. 4845.
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Le projet de loi réunissait les archives sous la responsabilité du ministre des Affaires culturelles, mais il n’éclaircissait pas le problème de juridiction des documents gouvernementaux. C’est par le moyen de l’âge des archives que le problème est abordé. À un député qui demandait si la responsabilité du ministère des Affaires culturelles se limitait aux archives historiques, le ministre Tremblay expliqua le sens élargi du mot « archives » compte tenu des nouvelles recherches. Ce n’est plus seulement les documents ayant de 100 à 150 ans d’âge mais ceux qui sont représentatifs de la vie économique, sociale, culturelle et politique. Il faudra attendre la Loi sur les archives de 1983 pour que soient définis légalement le sens du mot archives et la responsabilité des Archives nationales du Québec (ANQ) sur les documents gouvernementaux. Cette loi créait de plus le poste de conservateur des ANQ. Lors de la même discussion sur le projet de loi, il est fait mention du nom de la personne qui occupera ce poste, Raymond Douville. Pour les députés, il s’agit d’une nomination de prestige servant à récompenser les bons services d’un haut fonctionnaire affecté par la disparition du Secrétariat de la province. C’est à sa carrière de journaliste, d’écrivain et à son goût pour les archives que M. Douville doit sa nomination45. Pour le gouvernement d’alors, il s’agit de nommer quelqu’un qui a déjà fourni de bons services au gouvernement, qui aime ce domaine et avec lequel il a certaines affinités. Ce projet de loi marque une étape importante dans l’évolution de la profession et des archives. Ainsi, lors de la discussion sur ce projet de loi en Chambre, il est fait mention des archivistes qui seront désormais affectés à ce nouveau ministère. Il y a donc reconnaissance de professionnels portant le titre d’archivistes et exerçant des compétences spécifiques. Par contre, la fonction de conservateur des archives nationales est conçue comme un poste de prestige et non comme un poste exigeant une expertise professionnelle. La notion d’archives marque aussi un progrès. Ainsi, ce n’est plus l’âge qui détermine la qualité des archives mais leur valeur de témoignage de l’activité humaine. Les documents susceptibles de répondre à ces valeurs sont donc beaucoup plus nombreux et plus récents. La Loi sur les biens culturels (L.Q. 1972, c.B-4). La Loi sur les biens culturels, adoptée en 1972, a ceci de particulier qu’elle fait passer sous juridiction gouvernementale la protection d’un ensemble d’éléments constitutifs du patrimoine culturel qui, antérieurement, se limitait
45. Débats de l’Assemblée nationale du Québec, op. cit., p. 4841.
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aux seuls monuments historiques. Le projet est nouveau, selon l’aveu de la ministre des Affaires culturelles d’alors, Claire Kirkland-Casgrain, « par l’extension de la compétence gouvernementale aux autres catégories de biens qui, eux aussi, font partie de notre patrimoine culturel46 Les biens protégés sont dorénavant « les sites et les biens archéologiques, les sites naturels, les œuvres d’art, les meubles, les documents, les livres de valeur qui font également partie du patrimoine culturel47. Cette loi permet au gouvernement de reconnaître ou de classer un bien culturel, de protéger les monuments historiques, les fouilles et les relevés archéologiques. Elle institue une commission des biens culturels pour conseiller le gouvernement sur la reconnaissance des biens culturels ou sur tout autre sujet dont le ministère des Affaires culturelles voudra lui confier l’étude. Les réactions politiques ont porté particulièrement sur le manque de pouvoir de la Commission des biens culturels ainsi que sur son statut de commission consultative. D’autres critiques ont souligné la définition imprécise des termes de la loi. Cette dernière élargit le pouvoir du législateur mais lui fournit peu de moyens de l’exercer. Ainsi, comment protéger les archives et les collections privées quand on en ignore même l’existence ? La Commission des biens culturels a été créée en 1972. Elle est composée de 12 membres reconnus pour leur connaissance du milieu culturel ou pour leur compétence dans un secteur particulier de la culture. Des archivistes ont été appelés à siéger au sein de cette commission. Ainsi, entre 1974 et 1978, deux anciens archivistes occupent des postes de commissaires. Il s’agit de Raymond Douville, historien, et de Jacques Mathieu, historien et professeur à l’Université Laval. C’est toutefois à ces titres qu’ils détiennent ces postes bien que leur connaissance de l’archivistique ne soit sûrement pas étrangère à cette nomination. Depuis 1983, un poste de la commission semble revenir à un archiviste. Monique Larouche-McClémens, ancienne présidente de l’Association des archivistes du Québec et responsable de la gestion des documents à Téléglobe Canada, a été commissaire de 1983 à 1988. Elle a été remplacée par Jean-Yves Rousseau, directeur du Service des archives de l’Université de Montréal. La Commission des biens culturels a comme principal mandat de faire des recommandations au ministre sur toutes questions relatives aux biens culturels et de donner son avis sur tous les sujets qui lui sont soumis par le
46. Journal des débats [de l’Assemblée nationale], 3e session, 29e législature, mardi 4 juillet 1972 (vol. 12, n° 58), p. 1844. 47. Idem, p. 1843.
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ministre. Le travail de la commission a surtout porté sur la reconnaissance de biens culturels (monuments, sites, fonds) bien qu’elle ait souvent émis des avis concernant des biens culturels qu’elle croyait menacés. Peu de fonds d’archives ont été soumis à la commission : en 1979-1980, huit fonds ont été reconnus, tandis qu’en 1980-1981 et en 1985-1986, un seul fonds a été accepté. La commission a aussi émis plusieurs avis sur des sujets relatifs aux archives. Ainsi en 1975-1976, elle souligne « l’état déplorable » des Archives nationales du Québec à Montréal, blâme qu’elle réitère en 19811982. Après avoir réclamé un inventaire des archives en 1975, elle en félicite la réalisation en 1978-1979. Elle s’est préoccupée, de plus, de voir protégées les archives sonores et audiovisuelles en 1980-1981 et 1981-1982 et les archives industrielles en 1981-1982 et 1983-1984. Elle applaudit le travail du Conseil du trésor et celui de plusieurs ministères qui ont assuré la gestion et la protection de leurs documents. Après l’adoption de la Loi sur les archives, la commission forme un comité spécial chargé d’étudier des questions spécifiques comme l’adoption des recueils des délais de conservation des organismes publics et parapublics. Ce comité spécial a été appelé à se prononcer sur un projet de règlement relatif à l’agrément des services d’archives privées. La Loi sur les biens culturels marque une étape dans le développement de l’archivistique et des archives. Sur le plan de la profession, le pas est timide. La loi ne reconnaît pas explicitement la profession. La Commission des biens culturels tardera à faire appel à leur expertise. Malgré ces faiblesses, la possibilité d’occuper des postes à la commission constitue une promotion pour les archivistes. Elle leur permet de jouer un certain rôle politique, comme conseillers en matière culturelle. La constitution de l’inventaire national des archives permet la création de plusieurs postes dans l’ensemble des régions du Québec, donnant ainsi l’occasion à des jeunes d’expérimenter certaines tâches professionnelles et même d’accéder à la profession. La loi contribue de plus à faire connaître leur compétence professionnelle à de nouvelles clientèles : les commissions scolaires, les municipalités, les paroisses et les organismes privés. La Loi sur les biens culturels permet encore à la discipline de se raffiner. Ainsi, par la mise en chantier de l’inventaire national des archives48, elle oblige les archivistes à définir les éléments de description qu’ils retiendront pour les fonds inventoriés. Elle permet de plus une première ébauche de classifications types, entre autres, pour les archives des municipalités,
48. En cela, elle s’inspire du Catalogue collectif des manuscrits dont la réalisation est amorcée par les Archives publiques du Canada en 1968.
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des commissions scolaires, des paroisses et des institutions religieuses. L’utilisation du microfilm comme moyen d’assurer la conservation et la diffusion de l’inventaire national favorise le développement d’une expertise québécoise dans le domaine. Mais ce sont les archives mêmes qui retirent le plus de bénéfices de cette loi. Celle-ci assure, du moins théoriquement, la protection des archives privées qui ne jouissaient alors d’aucune garantie. Elle confirme l’importance des archives parmi d’autres biens culturels pour le maintien d’un lien historique entre les sociétés d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Les Archives nationales du Québec profiteront largement de la Loi sur les biens culturels. En assurant la coordination de l’inventaire national des archives, elles en récoltent un prestige professionnel et social. Elles se font ainsi connaître auprès de nombreux organismes telles les commissions scolaires, les municipalités et les paroisses. Elles raffinent leurs méthodes de travail, plus particulièrement celles relatives à la description des fonds, à la classification et à l’utilisation du microfilm. Elles publient un document explicatif sur les avantages de la loi pour les archives privées et sur les différentes procédures administratives nécessaires à la reconnaissance d’un fonds d’archives comme bien culturel49. Toutefois, cette grande entreprise a peut-être distrait les ANQ de leur rôle par rapport aux archives gouverne-mentales dont la conservation et l’élimination ont fait l’objet d’études par d’autres organismes gouvernementaux durant cette période. La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q. c.A2.1) La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (loi sur l’accès à l’information) a été adoptée par l’Assemblée nationale le 22 juin 1982. Présentée par le ministre des Communications, elle constitue pour lui « une réforme qui probablement, sera une des plus importantes que nous aurons adoptées au cours de la présente Législature50 ».
49. Jean-Maurice DEMERS. La loi sur les biens culturels ; une arme contre les archives privées ?, Québec, ANQ, 1979, 63 p. (Études et recherches archivistiques, 1). 50. Journal des débats [de l’Assemblée nationale] 3e session, 32e législature, jeudi 13 mai 1982, vol. 26, n° 57, p. 3517.
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Chapitre 1
Plusieurs gouvernements européens, des gouvernements provinciaux canadiens et le gouvernement canadien lui-même avaient déjà adopté des lois semblables ou s’apprêtaient à le faire. Ils se reconnaissaient donc une responsabilité par rapport à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels. Dans le texte d’introduction de son rapport, Information et liberté, la Commission d’étude sur l’accès du citoyen à l’information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels (Commission Paré) explique ainsi ce phénomène : Dans le passé, le droit à l’information était largement limité par la pratique gouvernementale [...] Mais trois phénomènes ont modifié considérablement la situation : la croissance de l’action économique et sociale de l’État, l’expansion des communications qui a ajouté, aux rapports de force économiques et politiques, des rapports d’information, et enfin l’augmentation des exigences des citoyens consécutivement à la diffusion de la connaissance par la scolarisation universelle et par les médias51.
Le rôle accru de l’État, la présence d’une nouvelle force ainsi que les exigences croissantes des citoyens commandaient une nouvelle législation. De plus, cette exigence correspondait aux besoins du nouveau mode de gestion de l’État québécois : Les progrès les plus importants [du nouveau mode de gestion du gouvernement] sont enregistrés au chapitre de l’information. Le nombre et le rythme des publications gouvernementales connaissent une véritable explosion après 1960. Chaque ministère ou organisme a ses agents d’information qui publient bulletins et revues [...] La loi d’accès à l’information vient, en fin de période, accroître la transparence de l’administration publique52.
Appréhendant des oppositions et conscient de l’impact d’une telle loi, le gouvernement Lévesque juge opportun de la faire précéder d’une étude. En 1980, il crée à cet effet une commission d’étude dont le mandat est de « définir et recommander au gouvernement les principes, les exemptions et leurs justifications, les modalités d’application et d’administration d’une éventuelle loi d’accessibilité à l’information gouvernementale, y incluant les renseignements personnels que détient le gouvernement sur les citoyens53 ». 51. Québec (Province), Commission d’étude sur l’accès du citoyen à l’information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels. Information et liberté, rapport, Québec, 1981, p. 5. 52. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 630-631. 53. Décret n° 2807-80 du 3 septembre 1980 émis par le greffier du Conseil exécutif, cité dans Québec (Province), Commission d’étude sur l’accès du citoyen à l’information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels. Op. cit., p. 153.
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Jean Paré, directeur de la revue Actualité, en assure la présidence alors que les autres membres de la commission sont journaliste, avocat, homme de lettres, chercheur, haut fonctionnaire et informaticien. En 1981, après de nombreuses consultations, la commission remet son rapport qui contient, entre autres, une proposition de projet de loi. Le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale en 1982 affirme le principe d’accès aux documents publics et assure la protection des renseignements personnels, identifie les organismes qui y sont soumis et détermine les mesures administratives qui permettront l’exercice de ce droit : préparation de listes de classement, procédures d’accès, déclaration de fichiers personnels. Il crée de plus un tribunal de recours : la Commission d’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels. L’ampleur de la loi vient autant de l’étendue de son champ d’action — de la reconnaissance du principe d’accès et de la protection des renseignements personnels jusqu’aux pratiques administratives courantes — que de la variété des intervenants qu’elle touche — du plus haut responsable de l’organisme public au simple citoyen. Les réactions en Chambre sont nombreuses. Elles portent sur le contenu de la loi elle-même, sur l’information rendue accessible et sur les renseignements protégés. Elles manifestent des appréhensions par rapport aux types de document auxquels la population aura accès ainsi qu’aux demandes qui seront formulées. Certaines interventions portent sur l’impact de cette loi sur les archives. Aussi plusieurs députés soulignent-ils la nécessité que cette loi soit complétée par une loi sur les archives. De plus, d’autres députés font remarquer la négligence des hommes publics à s’acquitter de leurs responsabilités par rapport aux documents qu’ils accumulent dans l’exercice de leurs fonctions. Plusieurs d’entre eux omettent de les verser aux ANQ. Les membres de l’Assemblée nationale voient donc dans la loi sur l’accès à l’information, un impact sur les archives tant par son contenu que par ses conséquences. La liste des organismes consultés par la Commission Paré en vue de la préparation de son rapport ne fait aucune mention d’associations d’archivistes, d’institutions d’archives ou d’archivistes. Le milieu archivistique n’a pas été consulté ou, du moins, n’a pas répondu à une demande d’avis. On ne retrouve pas de mémoire venant de l’AAQ ni d’aucun archiviste à titre personnel. Tout au plus réagit-on au rapport lui-méme54. Les archivistes le déplorent en même temps qu’ils reconnaissent leur inaction :
54. Le contenu de la lettre de Bernard Weilbrenner, alors président de l’AAQ, paraît dans la revue Archives de mars 1982. Cf. : Association des archivistes du Québec, « Commentaires concernant le rapport Paré [ décembre 1981 ] Archives, vol. 13, n° 4, (mars 1982), p. 59-61.
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Chapitre 1
La Commission s’est chargée de rencontrer des individus et des organismes. Elle n’a pas approché les ANQ, ni l’Association des archivistes du Québec (AAQ), ni les associations d’historiens, ni les généalogistes [...] Il n’en demeure pas moins que ces oublis sont inquiétants et, surtout, qu’ils peuvent témoigner de la place réelle qu’occupent les ANQ et les associations ci-haut énumérées dans la vie culturelle québécoise [...] Où étions-nous quand « le train » a passé55 ?
D’autre part, la commission a cru bon consulter les chercheurs (IHAF56, le Comité de gestion des documents du gouvernement du Québec, l’Association québécoise des archivistes médicales et l’Asted57. Ces différents mémoires ainsi que des avis sur le rapport lui-même paraissent dans un numéro spécial de la revue Archives (mars 1982). Ils appréhendent les difficultés d’application et d’interprétation de la loi et son influence sur la recherche en général et la vie administrative des organismes en particulier. Après avoir tenu compte des principales remarques qui lui ont été faites et malgré les réticences des milieux concernés, le gouvernement présente le projet de loi à l’Assemblée nationale le 13 mai 1982 et la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels est votée à l’Assemblée nationale en décembre de la même année. Le ministère des Communications entreprend immédiatement sa mise en application par la préparation d’un calendrier d’application qu’il diffuse lors des nombreuses rencontres d’information qu’il tient dans toutes les régions du Québec. Les archivistes participeront nombreux à ces rencontres et c’est à ce niveau que s’exprimeront leurs opinions sur la loi sur l’accès à l’information ainsi que dans les nombreuses activités que l’AAQ tiendra sur le sujet. La profession d’archiviste est sévèrement remise en question par la loi sur l’accès à l’information. Son rôle ne semble pas être reconnu par la Commission Paré, l’AAQ n’ayant pas été consultée lors de la préparation de la loi. L’opinion des gestionnaires de documents est exprimée par un comité représentant l’employeur gouvernemental, le Comité de gestion des documents du Conseil du trésor. Ce n’est donc pas l’AAQ qui agit à titre de porte-parole des gestionnaires. De plus, la commission et la loi ne semblent
55. Marc-André LECLERC. Commentaires sur le rapport Paré », Archives, vol. 13, n° 4 (mars 1982), p. 63. 56. Institut d’histoire de l’Amérique française. 57. Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation.
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pas faire de lien entre les gestionnaires de documents et les archivistes. Même si, dans les faits, les uns et les autres occupent une grande place dans l’application de la loi, leur reconnaissance professionnelle reste toujours a défendre puisqu’au départ, elle n’a pas été identifiée. Malgré cela, la profession profitera grandement de l’application de la loi sur l’accès à l’information. Elle lui ouvre un nouveau marché, celui des organismes publics et parapublics. Plusieurs ministères employaient déjà des gestionnaires de documents pour organiser et traiter leurs documents actifs et semi-actifs mais la loi sur l’accès à l’information oblige tous les ministères et tous les organismes publics et parapublics à organiser leur documentation. Pour répondre aux exigences de la loi, plusieurs organismes feront appel a des archivistes comme consultants, ou engageront des employés pour un temps limité afin de se doter des instruments de base, telles la liste de classement et la liste des fichiers nominatifs. En plus de leur ouvrir un marché, cette loi reconnaît leurs méthodes de travail et leur expertise dans le domaine de l’organisation et du traitement de l’information. Même si la loi n’exigeait qu’une « liste de classement » comme moyen de favoriser l’accès, plusieurs organismes en ont profité pour établir un système de classification pour leurs documents administratifs. La loi met en relief deux éléments principaux du code d’éthique des archivistes a savoir l’accès a l’information et la protection des renseignements personnels. Ce code n’est malheureusement pas écrit mais le discours des archivistes traduit leur préoccupation de favoriser l’accès aux documents par les moyens qui sont mis à leur disposition tels les instruments de recherche, les heures d’ouverture des dépôts, la création d’index de repérage. Ils assurent par ailleurs la protection des renseignements par l’imposition de normes de consultation pour certains types de document, et par l’application d’une durée de confidentialité pour certains fonds. La loi sur l’accès à l’information reconnaît donc ces aspects de leur tâche professionnelle. L’État les prend en charge et en assure le contrôle. Si les archivistes ne se sont pas engagés dans la préparation de la loi sur l’accès à l’information, c’est qu’ils ne se sont pas sentis concernés par le projet. Dans les organismes, ce sont les avocats, les secrétaires généraux, les greffiers qui ont pris le leadership de la contestation de la loi. C’est d’abord eux qui étaient requis par la procédure d’accès. Mais les archivistes les ont très souvent conseillés et ont, de plus, réalisé la mise en place des instruments exigés par la loi. La profession d’archiviste a davantage profité de la loi qu’elle n’a agi sur elle. Les exigences de la loi ont servi à animer le milieu archivistique par
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Chapitre 1
la tenue de nombreuses rencontres de formation et d’information. Par l’ouverture du marché du travail, elle a contribué à augmenter le nombre de membres. Par ses exigences, elle a fait connaître ses méthodes de travail. Par ailleurs, elle a aussi mis en lumière la division de son membership et la faiblesse de son sens politique. Le savoir archivistique profite aussi de la loi sur l’accès à l’information. La loi reconnaît en effet la nécessité de classer les documents pour retrouver l’information. C’est pour des raisons stratégiques que la loi demande une « liste de classement » plutôt qu’une classification, le ministère ne pouvant fournir aux organismes les ressources financières pour mener une telle opération. Ses fonctionnaires l’affirment ouvertement lors des rencontres d’information. Dans les faits, plusieurs organismes en profiteront pour implanter un système de classification pour leurs documents administratifs et pour se doter d’instruments de repérage. Plusieurs types de classification sont élaborés par différents organismes et servent de base de travail à d’autres organismes de même catégorie. Un gestionnaire de documents produit une classification type58 qui se vend en librairie. Dans les manuels qui seront édités à cette période, les archivistes seront amenés à établir les principes de base servant à l’élaboration de la classification ainsi qu’à la création d’instruments de repérage appropriés. La loi sur l’accès à l’information suscitera un mouvement de formation sans précédent dans le milieu archivistique. L’AAQ offre des sessions de perfectionnement. La section Gestion des documents est particulièrement active après l’adoption de la loi. L’AAQ demande de plus à deux universités d’offrir un cours en gestion des documents et un autre en archivistique, cours qu’elle veut voir reconnaître par les établissements qui les offrent sous forme de crédits à ceux qui les réussissent. Des firmes privées offrent leurs services pour réaliser la classification, les index de repérage et pour former le personnel. Les services d’éducation permanente des cégeps reçoivent de nombreuses demandes de formation sur mesure. Somme toute, les besoins sont grands et le personnel formé est inexistant. C’est le personnel en place qui assume la tâche en se donnant une formation d’appoint. On peut se demander si la tâche consiste en une gestion des documents ou de l’archivistique. L’ambiguïté devient plus embarrassante. Le savoir se trouve cristallisé dans deux manuels dont l’un porte le titre Les archives au XXe siècle ; une réponse aux problèmes des administrations modernes et l’autre, La gestion des documents administratifs. 58. Michel ROBERGE. La classification universelle des documents administratifs, préface d’André Pitre, 1re édition, La Pocatière, Documentor, 1985, 247 p. (Accès à l’information administrative).
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La loi sur l’accès à l’information rejoint directement les archives. Elle introduit les documents récents dans le giron de l’archivistique. En obligeant les organismes publics et parapublics à donner accès à leurs documents, elle les force à les traiter et à les évaluer. En ce sens, elle attire l’attention sur les documents actifs et semi-actifs. Elle prépare ainsi les documents qui ont une valeur permanente. Il faut bien préciser toutefois que cette conséquence n’était pas prévue dans l’esprit du législateur mais qu’elle était pressentie par ceux qui réclamaient une loi sur les archives pour compléter la loi sur l’accès à l’information. Les chercheurs, les archivistes et plusieurs membres de l’Assemblée nationale l’ont rappelé lors des séances de discussion sur le projet de loi. La loi sur l’accès à l’information a donc eu un effet bénéfique sur l’ensemble du milieu archivistique. La Loi sur les archives (L.R.Q. c.A-21.1) Adoptée en 1983, la Loi sur les archives avait été l’objet des préoccupations des ministres des Affaires culturelles depuis la création de ce ministère en 1961. Apparaissant comme nécessaire dans tous les énoncés de politique culturelle, rappelée de nombreuses fois à l’attention des parlementaires lors de discussions en commission parlementaire sur la culture, il lui faudra attendre plus de 20 ans avant d’être déposée devant l’Assemblée nationale. Le projet de loi sur les archives est adopté en première lecture le 31 mars 1983 et référé en commission parlementaire pour étude avant la deuxième lecture. C’est à cette étape que sont présentés les mémoires du milieu. Les objections sont si nombreuses que le ministre présentera une nouvelle version en deuxième lecture le 5 décembre 1983. L’étude article par article se terminera le 19 décembre suivant et la loi sera votée à l’Assemblée nationale le 21 décembre 1983. Le projet de loi sur les archives vise trois objectifs principaux selon les termes même de son parrain, le ministre des Affaires culturelles d’alors, Clément Richard : [... d’]assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques, d’apporter aux services d’archives privées une aide technique et financière et de contrôler le transport hors du Québec de documents anciens présentant un intérêt historique59.
59. Journal des débats [de l’Assemblée nationale], 4e session, 32e législature, mercredi 23 mars 1983, vol. 27, n° 1, p. 198.
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Chapitre 1
La loi rend le ministre responsable de l’établissement des politiques de gestion des archives publiques, de la gestion et de la conservation des archives publiques tout en encourageant la gestion et la conservation des archives privées. Elle détermine les organismes publics et parapublics qui y sont assujettis et les obligations qui les concernent. Les organismes gouvernementaux doivent appliquer la politique de gestion des documents actifs et semi-actifs et verser leurs documents inactifs aux ANQ. Les organismes publics et parapublics soumettent leur calendrier de conservation aux ANQ pour approbation et conservent leurs propres archives. Les réactions à ce projet de loi sont très nombreuses tant du côté professionnel que du côté politique. Dix-sept mémoires sont présentés devant la commission parlementaire et font l’objet de discussions entre leurs auteurs et les membres de la commission et 24 autres y sont déposés. Le milieu professionnel défend la conception même de la profession et le rôle des divers intervenants dans la protection de la mémoire collective. Les remarques portent sur l’ambiguïté du sens donné au mot archives » dans la loi, sur le pouvoir discrétionnaire reconnu au ministre et sur l’absence du rôle des ANQ. Leurs auteurs s’inquiètent du contenu de certains articles dont la portée réelle ne sera révélée que par les règlements d’application. Ils signalent en outre l’ignorance du vocabulaire archivistique le plus élémentaire manifesté par les rédacteurs de la loi. Mais le milieu archivistique ne sera pas seul à réagir. On compte aussi des sociétés historiques (12), des municipalités (5), des intervenants des milieux universitaire, collégial et scolaire (4), des bibliothèques (2), des conseils de la culture (4), des chercheurs et des historiens (5) ainsi que divers autres organismes tels que société de généalogie, association de photographes et association d’anglophones et la Fédération des sociétés d’histoire du Québec. Leurs remarques coïncident avec l’un ou l’autre des points soulevés par le milieu professionnel. Ils s’inquiètent de plus des coûts administratifs de l’application de la loi. Certains doutent de la possibilité de produire un calendrier de conservation. Pour eux, il est impossible de connaître la durée de vie des documents. Les services d’archives privées, quant à eux, sont préoccupés par le contrôle que s’apprête à exercer le ministre sur les fonds dont ils ont toujours assuré la conservation. Les parlementaires interviendront après la deuxième lecture du projet de loi. Ils utiliseront les arguments que leur a fournis le milieu par les mémoires sur les aspects qui n’auront pas été corrigés dans la deuxième version du projet de loi. Cette loi sur les archives a donc soulevé un vif intérêt. La quantité de mémoires et la variété des intervenants en constituent la principale manifestation.
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La Loi sur les archives a de grandes répercussions sur la profession d’archiviste. Par le biais de la reconnaissance des archives comme bien culturel à protéger dès leur création, elle reconnaît l’existence de professionnels susceptibles de le prendre en charge. D’ailleurs, ce sont leurs principes et techniques de travail qu’elle utilise comme moyen d’assurer cette protection. De plus, à cause du nombre d’organismes concernés par l’application de la loi, elle ouvre un marché du travail à plus ou moins long terme. En engageant de nouveaux intervenants dans le domaine des archives, elle favorise l’augmentation des effectifs professionnels. Par l’inscription du calendrier de conservation comme instrument de protection des archives, la loi se donne un mécanisme efficace de gestion. Mis au point par les archivistes dans les organismes gouvernementaux d’abord, les calendriers de conservation permettent l’application de principes d’évaluation des documents et prévoient leurs modes de conservation. Cela constitue donc une activité professionnelle particulière qui exige connaissance et pratique. La loi contribue donc au développement d’une expertise nouvelle et crée la possibilité de nouvelles recherches. C’est une des raisons qui a incité le développement de la formation institutionnelle et l’augmentation des activités de perfectionnement. La formation universitaire en archivistique s’organise grâce à la Loi sur les archives. Des postes d’enseignant sont ainsi créés dans les universités. L’AAQ, les ANQ et les firmes privées multiplient quant à elles les activités de formation sur le calendrier de conservation. Les effets de la Loi sur les archives sont indéniables. En plus d’en garantir la conservation, elle en assure l’identification dès la création des documents. Elle permet ainsi la conservation d’archives plus complètes sans nécessairement en augmenter le volume. Elle favorise la constitution d’une mémoire exhaustive de la vie québécoise. Dans l’immédiat, la loi crée des exigences aux organismes qui doivent alors se doter d’instruments fiables et efficaces pour gérer leurs documents. Les législations consécutives de 1969, 1972, 1982 et 1983 démontrent une évolution dans la pensée de l’État sur les archives. Après avoir consolidé l’existence de l’institution nationale – les Archives nationales du Québec –, le gouvernement s’est préoccupé de la protection des archives privées d’intérêt collectif. Dix ans plus tard, il adopte deux lois consécutives qui permettront la mise en place de structures administratives plus globales sur l’accès et la conservation des documents. En même temps qu’elles reflètent le changement de mentalité, ces législations démontrent l’évolution de la conception des archives et de leur organisation. En cela, elles représentent aussi l’évolution de la profession et de la discipline.
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Chapitre 1
Le climat politique au regard des archives, des archivistes et de l’archivistique C’est dans la faible valeur politique des archives, des archivistes et de l’archivistique en général que peut se trouver en partie une explication à la lenteur du gouvernement à s’engager plus à fond dans la protection et la reconnaissance légale de ce domaine. Si les archives sont difficilement reconnues comme priorité politique, c’est qu’elles n’ont qu’un faible poids en ce domaine. En 1969, le journaliste Guy Cormier du Soleil, dans un article portant sur la lenteur du gouvernement à adopter une loi sur les archives, écrivait ce qui suit : Comme beaucoup de domaines relatifs aux traditions écrites, les archives publiques ou privées n’offrent rien en elles-mêmes qui soit susceptible de porter un gouvernement au pouvoir ou d’entraîner sa perte. Les élections, qui, parait-il, ne se font pas avec des prières, ne proposent pas davantage de choix fondé sur la détermination de tel ou tel parti à assurer la sauvegarde et l’intégrité des archives60.
Aussi les archives ont-elles parfois mauvaise presse auprès des hommes politiques. Selon Denis Vaugeois, ministre des Affaires culturelles sous le gouvernement Lévesque, « l’action des administrateurs publics est, à l’endroit des archives, généralement marquée de méfiance ou parfois d’indifférence. Et ils influencent, au moment crucial les hommes politiques. Ces derniers, pour la plupart, ne sont pas vraiment réconciliés avec les archives et la gestion documentaire. Ils gardent même des réserves quant à la « conservation du patrimoine archivistique61 ». Elles sont même parfois perçues comme de la paperasserie. « Dans mon bureau, je dois faire constamment une guerre aux papiers et j’essaie d’en sortir le plus possible, soit par les paniers ou par les fenêtres62 », avouait le ministre de l’Éducation Guy StPierre devant les représentants de l’Association des archivistes du Québec venus présenter un mémoire sur le projet de loi sur la restructuration de l’Île de Montréal.
60. Guy CORMIER. « On en parlait déjà en 1927 », Archives, 69.1 (1969), p. 68. (Tiré d’un article paru dans le journal Le Soleil.) 61. Denis VAUGEOIS. « Relations entre archives et gouvernements ; les motivations du gouvernement et des archives », Pour un développement planifié des archives canadiennes — Planning for Canadian Archives : un congrès canadien organisé par l’Association of Canadian Archivists avec la collaboration de l’Association des archivistes du Québec, Marion Beyea, coeditor ; Marcel Caya, corédacteur, [Québec], 1983, xxvi p. 45. 62. Cité par Robert Garon dans « À propos de culture : la « Place Royale » réservée aux archives », Archives, vol. 8, n° 3 (décembre 1976), p. 3.
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Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec
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Parmi les autres biens culturels, les archives ne font pas toujours le poids. Un historien, Yvan Lamonde, affirmait que les archives étaient même les plus vulnérables des biens culturels : « La « construction du mythe s’ex-plique : le patrimoine immobilier est touristiquement et électoralement rentable ; l’urgence de sauvetage paraît plus évidente lorsque les bulldozers embrayent63 ». En 1983, l’attitude politique a changé, mais n’est-ce pas d’abord la conséquence de l’évolution de la mentalité populaire ? C’est la pensée de Michel Cauchon lorsqu’il écrit les commentaires suivants : Quelques constatations découlent toutefois de ce long cheminement. On a pu, en effet, vérifier que des principes, fussent-ils internationaux, ne sont applicables que lorsque le pouvoir politique et les autorités administratives y trouvent leur intérêt. D’autre part, dans un régime démocratique comme le nôtre, les élus sont très sensibles aux pressions populaires. Les archivistes québécois ont été en mesure de vérifier cette assertion lorsque, après être intervenus en grand nombre à la Commission parlementaire sur le projet de Loi (sic) sur les archives, d’importants changements furent apportés au texte en première lecture64.
Ces assertions ne sont que de faibles échantillons de la perception réelle des archives dans le milieu politique. Les archivistes eux-mêmes n’ont pas non plus favorisé le travail des hommes politiques à cause de l’insuffisance des connaissances et de leur manque d’envergure selon les auteurs du rapport du congrès de Kingston tenu en 1982. Dans l’introduction de ce rapport, ils signalent que le milieu politique a dû attendre après les archivistes pour investir dans le secteur des archives. Même si le jugement porte sur l’ensemble du Canada, la situation québécoise n’en est pas pour autant différente. Les ministres de la culture étaient d’accord, affirme Wilfred Smith, pour donner « une priorité élevée » aux archives mais « les archivistes n’étaient pas à ce moment-là capables de leur dire exactement quels étaient leurs besoins ou quels étaient les meilleurs moyens pour leur fournir l’appui désiré65 ». Il y a donc un lien étroit entre la clarté des besoins exprimés et la réponse des hommes politiques.
63. Yvan LAMONDE. « Le livre vert, blanc et rouge », Archives, vol. 8, n° 3 (décembre 1976), p. 9. 64. Michel CAUCHON. « La Loi sur les archives : un grand défi pour les Archives nationales du Québec », Archives, vol. 17, n° 1 (juin 1985), p. 3. 65. Wilfred I. SMITH. « Remarques préliminaires », Pour un développement..., p. xxv.
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Chapitre 1
On comprend alors les difficultés qu’ont pu éprouver les hommes politiques à faire adopter différentes mesures sur les archives. Leur succès provient de leur capacité à convaincre et de leur influence personnelle, de l’engagement de plus en plus grand des archivistes et surtout de la présence d’un ensemble d’autres facteurs d’ordres économique, administratif, culturel et social. Le contexte politique a donc évolué lentement en faveur des archives, des archivistes et de l’archivistique. Le contexte social Après 1960, l’intervention de l’État dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité du revenu et plus tard dans celui de la justice amène de profondes transformations dans la société québécoise. Ainsi, on assiste à une amélioration générale du niveau de vie, à une augmentation du niveau de scolarité de la population et à l’accroissement des services aux citoyens, particulièrement dans le domaine de la santé et des services sociaux. Attribuées aux pères de la Révolution tranquille, ces nouvelles orientations de l’État se situent toutefois dans un environnement plus large et « s’inscrivent dans un contexte international où les sociétés occidentales vivent à l’heure du réformisme social et politique, de l’interventionnisme de l’État, de la prospérité économique66... ». Le monde du travail est touché par les changements sociaux que suscite l’intervention de l’État. Le marché du travail compte de plus en plus d’employés détenant une formation universitaire et qui constituent une nouvelle catégorie de personnel, les professionnels. Ces employés se retrouvent surtout au service du gouvernement lui-même. Au même moment, le mouvement de syndicalisation s’accentue et rejoint l’ensemble des catégories de personnel de tout milieu. Certains changements affectent plus particulièrement la création et le développement de nouveaux champs d’activité et de compétence de même que les connaissances afférentes. Ainsi, l’initiative gouvernementale dans le domaine de l’enseignement et, plus tard, dans celui de la réglementation des professions conditionnera le développement professionnel au Québec. De plus, la bureaucratisation des tâches et la montée du syndicalisme qui caractérisent le monde du travail après 1960 marqueront davantage le milieu professionnel.
66. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 394.
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La démocratisation de l’enseignement L’un des premiers domaines auquel s’attaque le gouvernement au début de la Révolution tranquille est celui de l’éducation. Il amorce la réforme en mettant sur pied une commission d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (Commission Parent). En uniformisant les niveaux d’enseignement, en modifiant la structure de l’enseignement secondaire, en créant un nouveau niveau d’études (le niveau collégial) et en intervenant sur la structure des programmes universitaires, le rapport Parent jetait les bases d’une mutation sociale importante. C’est au niveau des études collégiales et universitaires que les répercussions sur les professions et sur les disciplines se font le plus sentir. Ainsi, les collèges d’enseignement général et professionnel offrent un enseignement professionnel donnant accès au marché du travail. L’enseignement professionnel technique existait déjà au Québec dans les instituts de technologie67 mais, en plus d’augmenter le niveau de scolarité des futurs techniciens, l’enseignement dans les cégeps crée de nouvelles spécialités. Aussi le marché du travail recevra-t-il des techniciens ayant une formation plus élaborée, des techniciens dans des secteurs nouveaux où il ne se donnait aucune formation mais, surtout, des techniciens préparés à assister les professionnels dans des domaines réservés jusqu’alors à l’enseignement universitaire. La principale conséquence de la création de ce niveau d’enseignement pour le marché du travail est donc l’émergence d’un nouveau groupe de travailleurs, les techniciens, et ce non plus seulement dans les techniques dites lourdes mais dans l’ensemble des activités de services. Le rapport Parent propose plusieurs modifications à la structure des études universitaires mais celles qui auront le plus de conséquences sociales ont trait à l’accessibilité aux études. L’Université du Québec est créée et elle assure un plus grand accès aux études par l’établissement de constituantes en région. Plus de jeunes et d’adultes peuvent donc s’inscrire à des programmes universitaires. L’augmentation des inscriptions se fait d’abord sentir au premier cycle bien que les études de deuxième et troisième cycles connaissent un nouvel essor. Les étudiants continuent à choisir des programmes donnant accès aux professions libérales mais les milieux d’origine se diversifient. De nouveaux programmes apparaissent, de nouvelles disciplines voient le jour, ce qui a pour effet d’augmenter le nombre de professionnels remplissant de nouvelles fonctions sociales.
67. En 1973, lors de sa disparition, la Corporation des techniciens comptait plus de 7 000 membres formés principalement dans ces instituts de technologie. Philippe LECOMPTE. « Le technicien et le professionnalisme au Québec ? » Critère, n° 26 (automne 1979), p. 69.
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Chapitre 1
La démocratisation de l’enseignement jouera un rôle sur l’archivistique. La nouvelle structure universitaire s’ouvre au développement de nouvelles disciplines. De plus, la recherche scientifique [y] occupe une place de plus en plus importante68 ». Le développement de certaines disciplines comme l’histoire, l’administration et les sciences de l’information favorisera l’émergence de l’archivistique moderne. La réforme des professions au Québec L’organisation des professions a été bouleversée au Québec en 1973 par l’adoption du Code des professions qui réglementait le fonctionnement des corporations professionnelles et créait un organisme de contrôle des corporations, l’Office des professions du Québec. Curieusement, c’est par l’intermédiaire de la Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social (Commission Castonguay-Nepveu) que fut mis en lumière le problème des corporations professionnelles au Québec. Constatant le désordre dans lequel se trouvaient les professions du domaine de la santé et des services sociaux et l’impossibilité de les isoler des autres professions, les commissaires commandèrent une étude générale sur les professions qu’ils joignirent à leur rapport final : « comme les structures professionnelles de la santé et des services sociaux s’inscrivent dans un tout, il était pratiquement impossible d’étudier certaines professions sans en impliquer plusieurs autres69 ». C’est à la suite du dépôt de ce rapport que le Code des professions est adopté et que l’Office des professions du Québec est créé. Dorénavant, la création d’une corporation professionnelle sera soumise à l’étude de l’Office des professions du Québec qui en recommandera la reconnaissance selon les dispositions du code. Cette procédure élimine une part de l’arbitraire qui existait auparavant dans la création des corporations et qui en faisait reposer l’adoption sur le poids politique du demandeur auprès du législateur : « le droit des professions a été davantage l’expression de la force des groupes professionnels que la transcription des besoins sociaux et professionnels dans le droit70 ». Le nouveau code prévoit que la protection du public constitue le rôle premier des corporations professionnelles. Il faut donc que tout groupe
68. Paul-André LINTEAU et al. Op.cit., vol. 2, p. 602. 69. Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social. Rapport, vol. 7, n° l : Les professions et la société, Québec, 1970, p. 9. 70. Idem., p. 27.
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professionnel qui aspire au statut corporatif prouve que seul le contrôle par la corporation peut garantir ou assurer cette protection. L’intérêt des membres est laissé aux associations professionnelles. Afin de guider son analyse des demandes d’incorporation, l’office se base sur la reconnaissance de sept attributs comme éléments les plus importants dans une profession. Ce sont les connaissances et capacités requises, la nature de l’activité professionnelle, la qualité de la relation entre le professionnel et le client, le degré d’autonomie du professionnel, l’orientation prioritaire vers l’intérêt public, la capacité d’autogestion du groupement, l’approbation sociale et la consécration juridique71. L’office reconnaît de plus deux types de corporation professionnelle : les corporations à exercice exclusif et celles à titre réservé. Cette réforme tient compte des transformations sociales qui se sont opérées dans le monde du travail. Comme l’État intervient de plus en plus dans tous les secteurs de l’activité humaine, il assume lui-même, en grande partie, la protection du public. De plus, le mode de travail des professionnels eux-mêmes s’est modifié. Ils exercent leurs activités non plus seulement en pratique privée, mais aussi dans des entreprises ou au service du gouvernement et sont même parfois syndiqués. La réforme des professions vise aussi à diminuer le nombre de professions. Toutefois, l’attrait du professionnalisme demeure et les groupes professionnels aspirent à la reconnaissance. Malgré les nouvelles exigences posées par l’Office des professions du Québec, 23 groupements ont demandé leur incorporation et 40 autres ont demandé des renseignements à l’office avec avis qu’ils déposeront une demande de reconnaissance entre 1974 et 197672. De l’aveu même de René Dussault, premier président de l’Office des professions du Québec, lors d’une conférence qu’il prononçait devant l’AAQ, le mouvement pour la reconnaissance professionnelle est très fort : « depuis sa création, l’Office des professions subit de fortes pressions l’incitant à encourager le développement du processus de professionnalisation des activités de travail au Québec73 ».
71. Office des professions du Québec. L’évolution du professionnalisme au Québec, Québec, 1976, p. 22. 72. Idem, p. 11. 73. René DUSSAULT. « L’évolution du professionnalisme au Québec », Archives, vol. 9, n° 3 (décembre 1977), p. 10.
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Différentes explications peuvent permettre une meilleure compréhension de ce phénomène. Selon le sociologue Benguigui, quatre éléments peuvent expliquer l’attrait qu’exerce la profession sur les individus. D’abord, les professions relèvent de l’ordre intellectuel plutôt que du travail manuel et la profession médicale, profession enviée par excellence, sert souvent de modèle. Ensuite, les aspirants professionnels souhaitent contrôler l’accès dans leur rang et ainsi contrer la concurrence et, enfin, par la profession, ils souhaitent une meilleure reconnaissance par la communauté et par l’État74. L’attrait de la profession reconnue vaut aussi par le pouvoir qu’elle procure, pouvoir sur l’individu mais aussi pouvoir sur la société : « la profession a le pouvoir de définir les besoins de la société et de dire non seulement ce qui peut être fait, mais ce qui doit être fait et comment cela doit être fait75 ». Par ailleurs, pour Jacques Grand’Maison, la profession est aussi une façon d’être dans la société : Il y a dans le sens du métier, de la profession plus qu’une maîtrise d’un champ de connaissances et de techniques, c’est un mode particulier de s’exprimer, de sentir, de comprendre les choses, de se relier aux autres, d’agir sur la réalité, de vivre sa vie, de se situer quotidiennement dans la société ; bref, toutes les composantes d’une pratique sociale. Il serait dommage d’identifier bêtement cette façon de concevoir la profession à un passé écoulé ou tout simplement au corporatisme76.
Malgré les restrictions d’accès imposées aux professions par le Code des professions, l’attrait du professionnalisme demeure et la plupart des associations professionnelles aspirent à la reconnaissance par l’État au moyen d’une incorporation. À défaut de devenir une corporation professionnelle, elles développent chez leurs membres le sens du professionnalisme. L’Association des archivistes du Québec n’a pas échappé au mouvement. Le thème de son congrès en 1977 portait sur le professionnalisme. Lors du congrès de 1988, un membre de l’Office des professions présentait aux archivistes une conférence dans laquelle il exposait les moyens de se professionnaliser sans pour autant devenir une corporation professionnelle77.
74. Georges BENGUIGUI. « La définition des professions », Épistémologie sociologique, n° 13 (semestre 1972), p. 104-105. 75. Micheline BOIVIN. « Les professions et le gouvernement », Critères, n° 25 (printemps 1979), p. 95. 76. Jacques GRAND’MAISON. « Déprofessionnalisation, pratique sociale et savoir-faire », Critère, n° 26 (automne 1979), p. 140. 77. Claire VILLENEUVE. « Le rôle, les fonctions des corporations professionnelles et la constitution de nouvelles », Archives, vol. 20, n° 4 (printemps 1989), p. 33-40.
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Quelques tentatives ont été faites pour limiter l’accès à la profession d’archiviste soit par un examen préalable à l’admission dans l’association, soit par des cours obligatoires. Aucune suite toutefois n’y a été donnée. Le Code des professions constitue donc, pour les professions en émergence, un cadre d’évaluation de leurs critères professionnels de même qu’un guide pour déterminer leurs actions. Cependant, il ne leur offre aucune alternative. Certains métiers, qui ne peuvent espérer devenir « profession » au sens de la loi et ce pour différentes raisons, doivent continuellement lutter pour faire reconnaître la valeur et la spécificité de leur travail et les rémunérations qu’il commande. Il leur faut donc inventer un modèle de professionnalisme. Les archivistes sont dans cette situation. La bureaucratisation des activités La bureaucratisation des activités est l’une des principales conséquences de l’intervention accrue de l’État. Pour améliorer et pour mieux contrôler les services à la population, le gouvernement se doit de s’entourer de professionnels ayant les compétences nécessaires à la réalisation de ses nouvelles missions. La préoccupation d’améliorer le niveau de qualification et de compétence de la fonction publique et d’accroître le nombre de spécialistes [...] concourrent (sic) [au rajeunissement et au renouvellement des cadres et des professionnels]. En 1959, on ne compte qu’un professionnel pour 15 employés de bureau et techniciens ; ce rapport passe à un pour 6 en 1968 et à un pour 3 en 197878.
Il y a donc une augmentation marquée du nombre de postes professionnels au gouvernement du Québec. Ce phénomène, même s’il a particulièrement été observé dans ce milieu, s’est étendu à l’ensemble des secteurs du travail. La bureaucratisation des activités, avec l’augmentation du personnel, provoque une production accrue de documents. Les innovations technologiques telles la microphotographie, la photoreproduction et l’informatique accentuent encore le phénomène. En même temps, l’administration adopte de nouvelles méthodes de rationalisation des activités. Cette conjoncture favorise l’émergence de nouvelles fonctions professionnelles relatives à la gestion des documents actifs et semi-actifs dans différents ministères du gouvernement québécois.
78. Paul-André LINTEAU et al. Op.cit., vol. 2, p. 629.
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La bureaucratisation des activités a plusieurs conséquences sur la profession d’archiviste. D’abord, elle permet l’augmentation de son nombre de professionnels par la venue, dans la fonction publique, d’un nouveau groupe d’employés, les gestionnaires de documents, qui ont comme fonction principale de gérer les documents actifs et semi-actifs des ministères. Ils comprennent le personnel qui occupe des postes de directeur de services, de professionnel ou de technicien79. Plusieurs de ces nouveaux professionnels viendront grossir les rangs des archivistes et deviendront membres de l’AAQ qui y voit « une nouvelle clientèle ». C’est d’ailleurs pour répondre aux besoins de ces nouveaux membres, et pour s’en attirer d’autres, que l’AAQ, dès 1974, crée une section « Gestion des documents80 ». La bureaucratisation ouvre de plus un nouveau marché du travail aux archivistes et à ceux qui se sentent des aptitudes et des intérêts pour ce genre de travail. Les nouveaux postes disponibles dans la fonction publique sont occupés par le personnel en place qui se donne une formation d’appoint ou par des archivistes déjà préparés à la tâche. L’enquête menée par Robert Garon et Jacques Renaud en 1977 sur l’état de la gestion des documents au gouvernement du Québec permet de constater que 29,5 %81 du personnel de direction et des professionnels en gestion de documents ont une formation de base en histoire. Une autre enquête, réalisée en 1988 pour le compte des Archives nationales du Québec auprès des ministères et des organismes gouvernementaux et portant sur l’état de la gestion des documents, fait ressortir une tendance des ministères à intégrer les activités de gestion de documents
79. La plupart de ces techniciens ont une formation en techniques de la documentation ou en techniques administratives selon les résultats de l’enquête réalisée auprès de ministères du gouvernement du Québec par Jacques Renaud et Robert Garon à la demande du Comité de gestion des documents du Conseil du trésor en 1977. Jacques RENAUD. « Dotation et développement des ressources humaines en gestion des documents au gouvernement du Québec », Archives, vol. 11, n° 1 (juin 1979), p. 39-52. 80. André FRENIÈRE et Carol COUTURE. « Rapport des activités de la section Gestion des documents, 1er décembre 1973 – 2 mai 1974 », Québec, Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 4, image 1690. 81. Soit 13 personnes sur 44. La formation en histoire vient en premier lieu dans la liste des formations détenues par cette catégorie de personnel, les autres étant en administration (10), en sciences appliquées (3), en pédagogie (2), etc. J. RENAUD. Op. Cit., p. 41.
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dans des services de « gestion de l’information82 ». On constate donc une nouvelle approche de la fonction « gestion des documents » qui aura sûrement une répercussion sur le développement de la profession. En même temps qu’elles en stimulent le développement, ces nouvelles fonctions divisent le milieu professionnel. La spécialisation des tâches nécessitée par la dimension des organismes gouvernementaux permet la présence, dans certains milieux, d’un personnel affecté uniquement à la gestion des documents actifs ou semi-actifs. Ces spécialistes, se sentant peu concernés par l’archivistique historique, voient difficilement le lien qui les unit à celle-ci. En l’absence d’une association professionnelle qui rejoigne leurs préoccupations immédiates83, ils adhèrent à l’AAQ. Leur malaise, maintes fois exprimé, se concrétise le plus souvent par des demandes de changement de nom de l’AAQ. De façon plus générale, le phénomène de bureaucratisation a des conséquences sur la notion de profession elle-même dont les caractéristiques s’opposent84. Le fait que la profession d’archiviste s’exerce en grande
82. Murielle DOYLE. « La situation de la gestion des documents au gouvernement du Québec », Archives, vol. 21, n° 1 (été 1989), p. 45. 83. L’American Records Managers and Administrators (ARMA), l’association américaine qui regroupe les gestionnaires de documents, a une section régionale à Montréal. Cette section est active à cause du potentiel de membres qui est plus élevé à Montréal qu’ailleurs au Québec. À Québec, des démarches ont été entreprises afin d’y créer une section. Toutefois, le projet ne s’est pas concrétisé. ARMA n’est donc jamais arrivée à rejoindre l’ensemble des gestionnaires de documents québécois. Le problème de langue de communication et le coût relativement élevé des activités de cette association expliquent en partie cet état de fait. 84. Ronald Pavalko compare les professionnels aux bureaucrates et démontre leurs différences : « Conflict is implicit in two dismetrically opposed characteristics of professions and bureaucracies. Professions place a premium on autonomy while bureaucracies demand adherence to organizational rules, regulations, and procedures. From the professional perspective, the impetus for work behavior is internal to the individual. From the bureaucratic perspective it is located in the organizations goals and rules... In bureaucratic organizations, leadership is centralized and dependent upon the incumbency of a formally defined leadership opposition while in the professions leadership is dependent upon the demonstration of competence and expertise. While bureaucratic organizations emphasize the standardization of procedures, professions emphasize the uniqueness of each “case” and the development of appropriate procedures to fit the case. The bureaucratic emphasis on specialization emphasizes the simplification of tasks but the professional ethos stresses the holistic and total character of tasks. While bureaucratic responsibility is a corporate character, professions emphasize the individual
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partie dans des milieux hautement bureaucratisés constitue en soi une limite à son accès au statut de profession. Il oblige donc l’archiviste à se tourner vers une autre formule qui, elle, permettra la reconnaissance de ses compétences dans la réalisation de tâches spécialisées. L’avènement de la gestion des documents suscite un renouvellement de l’archivistique en élargissant son champ d’action. Aux États-Unis, des méthodes de travail en ce qui a trait au traitement des documents actifs et semi-actifs sont déjà élaborées. Le gouvernement fédéral et quelques provinces présentent des modèles concrets de gestion de dépôts de documents semi-actifs ainsi que des calendriers de conservation. Les gestionnaires québécois s’inspirent largement de ces pratiques en puisant dans les textes publiés. Certains d’entre eux participent aux congrès d’ARMA et enrichissent leurs connaissances au contact des spécialistes américains. Ils communiquent le résultat de leurs expériences, entre autres, lors des différentes activités organisées par l’AAQ ou publient dans la revue Archives. Ils s’approprient lentement les modes de gestion américains et canadiens des documents et les adaptent aux besoins du Québec. De plus, dans plusieurs milieux, les activités reliées à la gestion des documents et à l’archivistique historique dépendent d’un même service et les avantages de ce regroupement sont tels qu’ils en viennent à prôner leur façon de faire. C’est ainsi que se développe l’argumentation qui intègre, dans la continuité, la gestion des documents et l’archivistique historique sous un nom unique l’archivistique ». La gestion des documents favorise donc l’essor du savoir archivistique québécois en élargissant son champ d’activité, en encourageant la mise au point de principes et de méthodes de travail ainsi que l’élaboration d’une approche nouvelle du travail de l’archiviste.
responsibility of the practitioner. Bureaucratic organizations foster impersonal relations but professions stress colleague relations. Finally, while bureaucracies stress service and loyalty to the organization and the attainment of organizational goals, the professions stress service to the client and loyalty to the colleague group. The most basic difference and source of conflict between bureaucracies and professions is in the area of authority relationships. Executive authority permeates bureaucracies. A superior in a hierarchy has ultimate control over subordinates. Professional authority, on the other hand, is based on the demonstration of superior competence. Furthermore, it is colleague authority which demands autonomy for the individual practitioner and makes him responsible for his decisions and actions ». Ronald PAVALKO. Sociology of Occupations and Professions, Itaska, Illinois, F.E. Peacock, 1971, cité dans Ralph M. EDWARDS. « The Management of Libraries and the Professional Functions of Librarians », Library Quarterly, n° 45 (April 1975), p. 156.
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Une autre conséquence de la bureaucratisation sur la discipline est le renforcement d’une fonction essentielle de l’archiviste, soit l’évaluation et la sélection des documents. Devant l’augmentation de la quantité de documents, le choix des documents à conserver s’impose. Les archivistes travaillent à l’élaboration de calendriers de conservation, instruments de travail dans lesquels ils inscrivent les informations relatives à la durée de conservation aux différents âges des documents. En 1983, la Loi sur les archives, en rendant obligatoire la production d’un tel calendrier dans les organismes publics et parapublics, confirmait le bien-fondé de cette pratique et reconnaissait l’efficacité de cette méthode de travail. Malgré ce qui peut sembler être un acquis pour les archivistes, la reconnaissance des calendriers de conservation n’a pas encore permis la mise en valeur de la fonction d’évaluation des documents par l’archiviste. La Loi sur les archives ne la fait d’ailleurs pas ressortir. Les archivistes eux-mêmes se sont peu préoccupés de formuler leurs critères de sélection et de les diffuser. Lors de la mise en application de la loi, ils ont davantage insisté sur la présentation des calendriers que sur les critères qui présidaient à leur préparation. Ainsi, les formules utilisées dans les calendriers prévoient une description des documents mais non une justification du sort qui leur est réservé. La bureaucratisation, en favorisant l’augmentation de la production de documents, engendre également un problème de repérage de l’information qu’ils contiennent, ainsi que de coûts d’entreposage. Au premier problème, les archivistes ont répondu par des moyens parallèles en permettant la diminution de la masse de documents. Ils sont actuellement à se tourner vers l’expertise développée dans d’autres disciplines pour l’analyse de l’information, telles les sciences de l’information, afin d’offrir des instruments de repérage plus adéquats. Pour résoudre les problèmes de conservation des documents nécessaires à l’administration, ils ont mis en application les méthodes américaines relatives aux dépôts de documents semi-actifs. La bureaucratisation a donc permis l’approfondissement des principes et des méthodes de travail de l’archiviste et a constitué une incitation à poursuivre leur développement. Les archives elles-mêmes sont concernées par l’avènement de la bureaucratisation. La nécessité de sélectionner les documents à conserver permet la protection de documents ayant une plus grande valeur de témoignage. Il y a donc une plus grande production de documents en même temps qu’une conservation plus éclairée des archives.
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La montée du syndicalisme Le mouvement syndical n’a pas échappé au développement du Québec depuis 1960. On assiste à la création de nouvelles centrales syndicales et à la consolidation des autres, à l’augmentation du nombre de syndiqués ainsi que des secteurs de syndicalisation. La fonction publique en constitue le phénomène le plus important. La syndicalisation de la fonction publique représente, en effet, un événement majeur qui bouleverse les relations de travail entre l’État et ses employés. Elle est acquise en 1964, lorsqu’une forte majorité de ceux-ci choisit d’adhérer au Syndicat des fonctionnaires provinciaux, affilié à la CSN. D’autres groupes d’employés, tels les professionnels, sont représentés par des unités de négociations distinctes85.
La syndicalisation des professionnels modifie les structures de la profession au même titre que la bureaucratisation et l’intervention de l’État. Des professionnels qui ne devaient répondre de leurs actions que devant un client et leur corporation ont maintenant un patron, l’État. Les corporations chargées de protéger l’intérêt public se trouvent placées devant des besoins sociaux nouveaux dont les réponses menacent les intérêts de leurs membres86. Un nouvel intervenant, le syndicat, négocie les conditions de travail et détermine la rémunération. Le professionnel n’est plus seulement rémunéré à l’acte mais il devient un salarié. L’avènement du syndicalisme dans le monde professionnel ne se fait pas sans heurt. Les professionnels y perdent leur prestige et leurs monopoles. Ils font figure de réactionnaires. Il est d’ailleurs particulièrement significatif de constater que toutes les grandes réformes sociales qui se sont faites au Québec depuis le début des années soixante ont été les résultats de luttes syndicales et se sont réalisées malgré les professionnels qui se sont avérés être les pires ennemis du progrès social ; qu’il s’agisse des réformes en éducation, de l’établissement de l’assurance-maladie [...] et bien d’autres corporations professionnelles ont mené des luttes aussi dures que rétrogrades pour essayer d’empêcher l’adoption de mesures progressistes souvent timides87.
85. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 628. 86. L’étude de Michel Brunet sur les professionnels dans les CLSC fait bien ressortir les conflits d’intérêt qui se posent aux professionnels dans ce nouveau secteur d’emploi. Michel BRUNET. « Le professionnalisme, obstacle au changement social, un cas type : l’équipe multidisciplinaire de santé ». Recherches sociographiques, vol. XIX, n° 2 (mai-août 1978), p. 261-269. 87. Robert GAULIN. « Nous sommes syndiqués et responsables ; point de vue de Robert Gaulin », Critère, n° 26 (automne 1979), p. 186.
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Les nouvelles conditions de pratique affectent les professions reconnues mais encore plus celles qui sont en émergence. Les premières comptent dans leurs rangs des professionnels autonomes qui oeuvrent encore en pratique privée et d’autres, parfois syndiqués, qui œuvrent dans des organisations bureaucratiques. Toutefois, les uns comme les autres sont protégés par leur corporation et peuvent compter sur son appui. Les professions en émergence, dont l’archivistique, sont quant à elles plus vulnérables aux nouvelles conditions de travail et demeurent dépendantes des différents changements qui surviennent, dont le syndicalisme. N’ayant que des associations professionnelles plus ou moins fortes ou reconnues pour soutenir leurs revendications, ces nouveaux professionnels doivent justifier eux-mêmes les conditions de travail qui leur permettront de bien réaliser leurs taches. Ils doivent aussi assurer eux-mêmes la promotion de leur champ d’activité. L’avènement du syndicalisme pose un intermédiaire entre eux et leurs employeurs, ils ne déterminent plus eux-mêmes leurs conditions de travail comme c’est le cas, par exemple, des professionnels oeuvrant dans la pratique privée. Les professionnels de la gestion des documents, de l’archivistique historique ou de l’archivistique en général au gouvernement du Québec et dans les organismes parapublics, pour la plupart syndiqués, retirent comme beaucoup d’autres travailleurs syndiqués, une amélioration des conditions de travail. Envisagé toutefois sous l’angle de la professionnalisation de la fonction, le syndicalisme constitue une limite dont seules une meilleure identification des compétences et la force de l’association professionnelle pourraient véritablement conduire à la reconnaissance de la spécialisation. Le contexte social depuis les années 60 au Québec se caractérise donc par un ensemble d’événements et de changements qui influenceront grandement l’évolution des professions anciennes, celles qui naîtront à cette époque ainsi que les autres qui émergeront de ce contexte. En favorisant l’accès aux études et le développement des champs du savoir, la démocratisation de l’enseignement contribue à la création de nouvelles professions ainsi qu’à l’augmentation du nombre de professionnels. Bien que la réforme des professions vienne contingenter le nombre des professions en tenant compte du rôle accru de l’État dans la protection de l’intérêt public, elle crée en quelque sorte un vacuum dans lequel se retrouvent plusieurs spécialités qui devront se définir autrement que comme professions pour être reconnues socialement, mais qui ne disposent toutefois que du modèle professionnel traditionnel pour le faire. La plus grande bureaucratisation des activités amène une ouverture du marché du travail pour les professionnels tout en leur fournissant des conditions de travail qui limitent leur action professionnelle. Ajoutée à la syndicalisation des professionnels, elle bouleverse les schémas conventionnels et oblige les professions à se définir
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autrement. L’archivistique est parmi les professions en émergence l’une de celles qui doivent inventer leur mode de présence dans le milieu de travail et préciser leur position relative dans ce nouveau contexte social. Le contexte culturel Le contexte culturel fait référence dans cette partie de notre ouvrage « aux activités et phénomènes liés à la « culture seconde » : divertissements, mass média, arts88 », telle qu’elle a été définie par Fernand Dumont89 par opposition à la « culture première » qui fait plutôt référence aux « façons de vivre, de penser, de travailler90 ». Le milieu culturel n’échappe pas aux changements de la société québécoise des années 60. Il présente des caractéristiques qui sont modelées entre autres par les nouvelles conditions politiques et sociales. Il est aussi marqué par les actions que le gouvernement fédéral a entreprises dans le domaine de la culture au cours des 20 dernières années par l’orientation de ses politiques, les études qu’il a commandées et les possibilités de financement qu’il a mises en place. En raison de son lien avec certaines caractéristiques du contexte culturel, plus particulièrement à cause du rôle primordial accordé aux archives par certains travaux commandés par le gouvernement fédéral, la recherche scientifique a connu dans cette période un nouvel essor. Le milieu culturel québécois Les changements culturels accompagnent les transformations récentes du Québec contemporain. L’augmentation et la variété des manifestations culturelles témoignent de la présence d’un plus grand nombre de créateurs et de l’intérêt du public pour la vie culturelle et pour le patrimoine. De plus, le Québec subit les conséquences de l’avènement d’une civilisation de l’image et de la société de l’information qui marquent à leur façon le milieu culturel. L’intervention de l’État québécois dans le domaine culturel a favorisé le développement marqué de ce secteur d’activité. La création du ministère des Affaires culturelles et la mise en place d’une structure d’aide financière, entre autres, en sont les expressions les plus évidentes.
88. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 153. 89. Fernand DUMONT. Le lieu de l’homme ; la culture comme distance et mémoire, Montréal, HMH, 1969, 233 p. 90. Ibidem.
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[...] l’État exerce une fonction, quasi exclusive, de mécène, par l’aide directe qu’il accorde à la création [... dont] les organismes, comme les orchestres, les troupes de théâtre, d’opéra ou de danse, les compagnies privées de films, de disques, d’édition, etc.91.
C’est à une explosion d’activités que l’on assiste dans les domaines du théâtre, de la chanson92, de la littérature et du cinéma93. L’intervention de l’État ne représente qu’une condition de la montée de la culture ; d’autres intervenants y jouent également un rôle essentiel. Ainsi, l’appui du mouvement nationaliste québécois à l’idée du développement d’une identité nationale stimule la création d’œuvres locales qui, grâce à la mise au point des moyens de communication, connaissent une diffusion jusqu’alors impossible en permettant l’intégration aux courants internationaux : [...] le développement des moyens de communication [...] permet à la fois une meilleure circulation des œuvres sur le marché local et une communication plus intense et suivie avec l’étranger. Grâce aux livres, aux films, aux disques, aux expositions et aux tournées en provenance d’Europe ou des États-Unis, grâce aussi aux voyages et aux échanges plus fréquents, les créateurs et le public québécois participent plus directement aux grands courants culturels intemationaux94.
Ce phénomène est encouragé par l’intérêt accru du public pour les événements culturels. Plusieurs raisons expliquent cet intérêt selon les historiens Linteau, Durocher, Robert et Ricard : L’accessibilité plus grande à l’éducation fait d’abord augmenter considérablement ce bassin de consommateurs particulièrement actifs qu’a toujours représenté le milieu étudiant. De plus, le relèvement du niveau général de scolarisation entraîne un élargissement du public cultivé [...], la hausse du revenu et l’allongement du temps libre [...] Il se produit, en un mot, un phénomène de démocratisation ; ce qui est réservé jusqu’alors à un tout petit nombre d’amateurs, concentrés dans les couches urbaines les plus favorisées, rejoint maintenant des groupes plus étendus et d’origine sociale plus diverse95.
91. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 718. 92. Ces deux activités sont présentes au Québec depuis plusieurs années, elles connaissent à cette époque un essor qui se caractérise par l’augmentation du nombre d’artistes et de chanteurs et une plus grande diffusion de leurs œuvres. 93. Histoire du Québec, publiée sous la direction de Jean Hamelin, St-Hyacinthe, Édisem, 1976, p. 513. 94. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 710. 95. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 691-692.
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La multiplicité et la variété des activités culturelles suscitent donc l’augmentation du nombre de personnes intéressées à la vie culturelle dont fait partie le patrimoine. Ainsi, le Groupe consultatif sur les archives canadiennes, dans son rapport au Conseil de recherche en sciences humaines, constate qu’il y a un « intérêt général manifeste à l’égard du patrimoine nationa196 ». Il ajoute : Étant donné que l’histoire locale, celle des familles, la généalogie et la conservation du patrimoine culturel suscitent un intérêt grandissant, bon nombre de gens entreprennent de sérieuses recherches historiques, qui sont pour eux un violon d’Ingres enrichissant97 ».
Le Comité consultatif sur les archives, créé quelques années plus tard, reconnaissait lui aussi cet enthousiasme du public : Il y a eu une forte augmentation du nombre de chercheurs universitaires et une expansion marquée de leurs intérêts, mais les généalogistes, les historiens locaux, les chercheurs gouvernementaux, les groupes intéressés par la conservation du patrimoine, la presse et les gens tout simplement curieux au sujet de leur passé en sont venus à l’emporter en nombre sur les chercheurs universitaires. De nombreux services d’archives ont été créés pour répondre aux préoccupations de la société concernant son passé et son intérêt pour celui-ci98.
L’importance des archives dans le développement culturel d’un peuple est admise, malgré le temps qu’elle a mis à s’affirmer. En 1924, l’archiviste national canadien Arthur G. Doughty déclarait : Les archives sont le plus précieux des biens nationaux ; elles sont le legs d’une génération à l’autre. L’importance que nous y attachons est un témoignage de la qualité de notre civilisation99.
96. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Les archives canadiennes : rapport au Conseil de recherche en sciences humaines du Canada par le Groupe consultatif sur les archives canadiennes, Ottawa, CRSH, 1980, p. 6. 97. Ibidem. 98. Rapport du Comité consultatif sur les archives, Ian E. Wilson, prés., Ottawa, 1985, p. 44. 99. Cité dans T.H.B. SYMONS. Se connaître ; le rapport de la Commission sur les études canadiennes, Ottawa, Association des universités et collèges du Canada, 1975, vol. 2, p. 75 et tiré de Arthur G. DOUGHTY. The Canadian Archives and its Activities, Ottawa, 1924.
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Il faudra attendre le rapport Symons sur les études canadiennes, en 1975, pour que soit réaffirmée l’importance du lien historique entre les générations et entre les peuples. [...] se connaître pour mieux connaître les autres et se faire connaître des autres [...] Nous ne pouvons connaître le monde de notre propre culture sauf par un effort constant pour rattraper le passé par la récollection historique100.
Et, pour M. Symons, la base de cette connaissance repose sur les archives. Plus tard, le Groupe consultatif sur les archives canadiennes affirme que les archives sont les ressources culturelles les plus importantes du pays, qu’elles sont nécessaires au respect des droits de la personne et des organismes, qu’elles permettent une meilleure efficacité administrative en plus de constituer un excellent investissement financier101. Les changements remarqués dans le milieu culturel québécois sont tributaires des modifications qui s’opèrent dans un contexte plus général de civilisation. Ainsi, la civilisation occidentale du XXe siècle est fortement marquée par l’importance accordée à l’image. C’est un lieu commun de reconnaître le rôle primordial qu’a joué l’avènement de la télévision sur les comportements culturels des individus. Elle a affecté, entre autres, le domaine des loisirs et de l’enseignement tout en modifiant les habitudes de vie. Cette nouvelle civilisation privilégie de plus l’accès à l’information et ce, par différents moyens alors que, dans la même veine, les gouvernements légifèrent afin de permettre l’accès à leurs propres documents. Dans d’autres secteurs, on vulgarise l’information pour la rendre intelligible aux profanes. Les nouveaux développements technologiques, tels l’informatique, les réseaux d’information, les satellites de communication, augmentent les possibilités de diffusion et facilitent l’accès à l’information. La reconnaissance de l’importance et du rôle des archives depuis 1960 constitue un grand acquis pour le domaine archivistique. Profitant de l’intérêt populaire pour la culture et pour le patrimoine, les archives y sont reconnues comme partie constituante et leur valeur de témoignage est affirmée. De plus, l’avènement de la société de l’image et de la télévision met en lumière l’importance de nouvelles archives. Les archivistes eux-mêmes en sont très conscients. « La photographie nous laisse un témoignage unique du passé, sous une forme particulièrement bien adaptée à une société
101. T.H.B. SYMONS. Op. cit., vol. 1, p. 15. 102. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 6-9.
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qui s’oriente de plus en plus vers l’image102 ». Après avoir souligné l’utilisation de plus en plus fréquente des moyens audiovisuels, un autre archiviste note l’impact de la télévision sur l’universalisation des connaissances qui a comme conséquence des recherches plus variées dans les archives103. La société de l’information a, elle aussi, une influence sur les archives. Sans la définir concrètement, Bernard Weilbrenner, alors archiviste adjoint aux Archives publiques du Canada, en soulignait du moins la présence : « L’information est au centre de l’univers de McLuhan aussi bien que de celui d’Alvin Toffler et les Archives publiques se doivent de définir leur rôle à cet égard104 ». C’est par la reconnaissance des archives que passe la reconnaissance de l’archiviste et de son rôle dans la culture. Ainsi, la valorisation des archives et leur utilisation par un plus grand public permettent à l’archiviste de prendre une place accrue dans les activités culturelles. Ce sont toutefois les rapports canadiens qui précisent de façon très claire ce nouveau rôle de l’archiviste. Le rapport Symons et celui du Groupe consultatif sur les archives canadiennes mettent, comme condition à l’utilisation efficace des archives, leur organisation rationnelle réalisée de façon professionnelle par des archivistes compétents. Tout en soulignant les fonctions d’un service d’archives, ils en identifient de plus, le rôle social. Aussi l’archiviste est-il reconnu par le rapport Symons comme un collaborateur essentiel à la recherche et à la culture à cause de l’importance des archives dans ces domaines. Pour sa part, le Groupe consultatif sur les archives élargit le rôle des archives de la dimension culturelle aux dimensions sociale (dans le respect des droits de la personne et des organismes), administrative (par l’efficacité administrative) et financière (par la valeur financière des archives). Il place donc l’archiviste dans les différentes sphères d’activités de la société. Malgré l’envergure que le groupe peut envisager pour les archives et en même temps pour les archivistes, il demeure que le rôle le plus reconnu de l’archiviste s’exerce dans le domaine culturel, la dimension administrative de son action étant encore à conquérir.
102. Klaus B. HENDRIKS. « La conservation des documents photographiques », Archives, vol. 13, n° 1 (juin 1981), p. 21. 103. Gilles HÉON. Op. cit., p. 29. 104. Bernard WEILBRENNER. « Une nouvelle loi fédérale des archives », Archives, vol. 13, n° 1 (juin 1981), p. 3-4.
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Par ailleurs, l’archivistique doit répondre aux besoins de la recherche. Elle doit tenir compte des attentes de ce milieu afin d’être en mesure de satisfaire aux demandes de sa clientèle qui se compose de chercheurs aux intérêts les plus divers. C’est d’ailleurs dans ce secteur que son expertise est la plus développée. L’application du principe de provenance, les méthodes relatives à la description de fonds, les instruments de recherche ont fait l’objet de nombreuses études chez les archivistes. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire par rapport à l’analyse de la documentation archivistique elle-même et à l’élaboration de moyens de repérage qui tiennent compte des recherches récentes dans les domaines de l’analyse de l’information et de l’utilisation de l’informatique. Il faut aussi que l’archivistique puisse relever le défi de concilier ses activités culturelles et son rôle dans l’administration des organisations. C’est d’ailleurs pour réconcilier ces deux aspects de la discipline qu’ont été élaborées des approches intégrées de l’archivistique. L’intervention du gouvernement fédéral Le gouvernement québécois a fourni de nombreux efforts pour l’amélioration de la vie culturelle depuis 1960, comme nous l’avons vu précédemment. Le gouvernement canadien a été lui aussi des plus actifs, notamment par le travail du Conseil des Arts qui, pendant plusieurs années, a assuré une partie du financement de l’encadrement des activités. « Jusqu’au milieu des années 1970, on peut dire que les services fédéraux, dans l’ensemble, l’emportent par leur dynamisme. Leurs activités sont mieux orchestrées et plus visibles, elles emploient plus de ressources humaines et financières105... » Le Conseil des Arts s’est donc révélé un organisme dynamique dans le secteur de la culture. En 1980, le gouvernement fédéral crée un comité chargé d’étudier la politique culturelle canadienne. Ce comité, présidé par Louis Applebaum et Jacques Hébert, remet son rapport deux ans plus tard. Il s’est donné comme mission non pas d’étudier « les œuvres ou les théories culturelles elles-mêmes [... mais] les institutions et les lignes de conduite [du gouvernement] qui en ont favorisé ou entravé l’essor106 ». Le patrimoine fait l’objet de l’attention de ce comité en tant qu’activité culturelle importante. Il affirme d’ailleurs :
105. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 714-715. 106. Rapport du Comité d’étude de la politique culturelle fédérale, Ottawa, 1982, p. 7.
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Nous sommes en effet convaincus de la stérilité d’une politique qui, tout en visant à promouvoir la création contemporaine, ne vouerait pas un profond respect au patrimoine artistique et culturel107.
Il propose en outre des modifications importantes dans la gestion des archives canadiennes, particulièrement au niveau des Archives publiques du Canada. Les réalisations du gouvernement fédéral qui auront un grand impact sur le domaine des archives prennent leur source dans un rapport commandé par l’Association des universités et des collèges du Canada en 1972 (rapport Symons) et dont les recommandations seront ensuite prises en compte par le gouvernement lui-même ou par ses organismes subventionnaires. Entre 1972 et 1985, différentes études seront réalisées qui auront une forte répercussion sur l’organisation archivistique canadienne. Les principales dont nous ferons état ci-après sont les rapports relatifs aux études canadiennes (rapport Symons, rapport Page) et ceux portant plus directement sur les archives canadiennes (rapport du Groupe consultatif sur les études canadiennes, compte rendu du congrès de Kingston, rapport du Comité consultatif sur les archives). Afin de mieux faire saisir l’évolution historique à travers chacune de ces études, nous les présentons par ordre chronologique de publication plutôt que par sujet. En 1972, l’Association des universités et des collèges du Canada mettait sur pied une commission d’étude ayant pour but « d’enquêter auprès des universités canadiennes sur l’état de l’enseignement et de la recherche dans diverses disciplines touchant le Canada, préparer un rapport sur le sujet et faire des recommandations108 ». La commission, dirigée par T.H.B. Symons, remet son rapport en 1975 sous le titre Se connaître. Après avoir justifié l’importance de « se connaître » et situé le rôle des études canadiennes, le rapport Symons présente le contenu canadien des programmes universitaires, la science, la technologie et les études canadiennes de même que la composante canadienne dans l’enseignement professionnel. Ce rapport consacre tout un chapitre aux archives et aux études canadiennes. Il soutient que les études canadiennes reposent sur les archives et qu’elles y sont essentielles pour l’enseignement et la recherche : « Les études canadiennes reposent sur les archives, et leur développement sera surtout fonction de la façon dont les ressources d’archives seront disponibles109 ».
107. Rapport du Comité d’étude de la politique culturelle fédérale, op. cit., p. 3. 108. T.H.B. SYMONS. Op. cit., vol. 1 et II, p. 1. 109. Idem, p. 89.
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La commission était toutefois très consciente de la faiblesse de l’organisation des archives. Aussi ne se limite-t-elle pas à les promouvoir comme source privilégiée d’information sur le Canada. Elle en identifie les principaux problèmes et propose des solutions appropriées telles la création d’un réseau, la création d’instruments de référence propres aux archives (guides nationaux), la formation et la législation. À la suite du rapport Symons, le Conseil des Arts, remplacé ensuite par le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH), créait en 1978 un groupe consultatif sur les archives canadiennes qui, à l’instar d’autres groupes mis sur pied par le CRSH, sont chargés « d’examiner en profondeur certains domaines de l’activité scientifique qui semblent en souffrance110 » Ce groupe de travail remet son rapport en 1980, après avoir réalisé la première enquête exhaustive sur les institutions d’archives canadiennes, leurs collections, le personnel (nombre et formation), le budget, les services aux chercheurs, les sources de financement, les usagers et les projets de développement111. Le rapport présente le portrait et l’historique du système archivistique canadien. Après avoir affirmé la pertinence des archives pour les études canadiennes, le document indique les faiblesses et les lacunes de l’organisation des archives. Ce rapport constitue de plus un ouvrage didactique sur l’archivistique puisqu’il donne les définitions de base et rappelle les grands principes archivistiques. Il identifie en outre les problèmes particuliers à chacune des fonctions archivistiques traditionnelles. Ses recommandations portent sur un ensemble de sujets relatifs à l’archivistique canadienne, de son infrastructure jusqu’aux conditions nécessaires à la qualité de ses services. C’est ainsi qu’il propose la création d’un réseau canadien d’archives dont le rôle principal serait de déterminer les priorités nationales et d’intervenir dans l’élaboration des politiques nationales en matière archivistique. Ce réseau pourrait de plus favoriser l’unification des méthodes de travail dans les différents milieux archivistiques. Le rapport recommande la révision de la Loi des Archives publiques du Canada afin de permettre à cette institution de jouer un rôle plus actif dans la communauté archivistique canadienne. Il souhaite par ailleurs que l’archivistique soit reconnue comme domaine de recherche éligible aux subventions. De
110. Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Rapport annuel 1980-1981, p. 69. 111. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Les archives canadiennes ; rapport du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, par le Groupe consultatif sur les archives canadiennes, Ottawa, CRSH, 1980, vii, 139 p.
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même, il préconise la reconnaissance du rôle des archives pour la réalisation de certains projets de recherche par l’attribution de fonds spéciaux destinés à défrayer leur utilisation. Il réclame la mise sur pied de programmes universitaires de formation au niveau du premier et du deuxième cycles dans les deux langues officielles. Ce rapport constitue donc une étude des plus intéressantes réalisée dans le domaine des archives et son importance vient des bases sur lesquelles elle s’est appuyée ainsi que de la globalité des solutions proposées. En 1981, le Secrétariat d’État fait paraître un rapport d’étape sur l’état des recommandations du rapport Symons112. Il souligne le bon accueil des organismes universitaires et professionnels canadiens réservé au rapport Symons et présente les projets qui ont été mis sur pied depuis 1975. Relativement à la communauté archivistique, le rapport Page constate qu’ « aucun autre organisme professionnel n’a été affecté aussi profondément par Se connaître que celui des archivistes et que se dégage l’impression évidente que les études canadiennes sont devenues aussi importantes pour la communauté archivistique que les archives elles-mêmes113 ». Il ne peut toutefois que reconnaître son manque d’organisation et son incapacité à répondre aux attentes de la recherche. En 1982, les associations professionnelles d’archivistes prennent l’initiative d’organiser un forum afin d’amorcer des solutions aux problèmes des archives soulevés déjà depuis 1975. C’est ainsi que l’Association of Canadian Archivists en collaboration avec l’Association des archivistes du Québec tient un congrès conjoint à Kingston (Ontario). En plus des archivistes, ce congrès regroupe des chercheurs et des hommes politiques114. Il permet des communications et des échanges de points de vue. Les participants sont unanimes sur certaines actions à entreprendre : définir des poli-tiques de développement, déterminer les priorités d’action, se doter de meilleurs services par la formation du personnel et se faire reconnaître comme partenaires de la recherche. Cette rencontre, souhaitée depuis
112. Réflexions sur le rapport Symons ; l’état des études canadiennes en 1980, rapport rédigé à l’intention du Secrétariat d’État du Canada, par James E. Page, Ottawa, 1981, viii, 257 p. 113. Idem, p. 250. 114. Un compte rendu de ce congrès est paru sous le titre Pour un développement planifié des archives canadiennes – Planning for Canadian Archives : un congrès canadien organisé par l’Association of Canadian Archivists avec la collaboration de l’Association des archivistes du Québec, Marion Beyea, coeditor ; Marcel Caya, corédacteur. [Québec], 1983, xxvi, 127 p.
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longtemps par les deux associations115, constitue un pas important dans la voie de la planification des structures archivistiques. Elle permet surtout de briser l’isolement dans lequel les archivistes ont toujours travaillé et d’ouvrir leur communauté aux possibilités de concertation. Un nouveau rapport sur les archives canadiennes paraît en 1985116. Il est le résultat du travail d’un comité consultatif sur les archives dont les membres sont uniquement des archivistes. Son mandat consiste à donner suite au rapport du Groupe consultatif sur les archives canadiennes, à reprendre les recommandations du rapport Symons ainsi que celles du Congrès de Kingston tout en tenant compte de la nouvelle politique culturelle du gouvernement fédéral telle que la définit le rapport Applebaum-Hébert117. Il doit élaborer une proposition de développement des archives canadiennes en tenant compte du rôle des différents intervenants : le Conseil de recherche en sciences humaines, les Archives publiques du Canada, le Secrétariat d’État par son programme des études canadiennes, les provinces et les territoires ainsi que les institutions archivistiques existantes ou à créer. Le comité esquisse un projet de structure pour un « Modèle de système archivistique canadien » qui servira de base à la création du Conseil canadien des archives en 1985 tout en abordant différents problèmes professionnels comme la formation. Le rapport Wilson constitue donc le dernier rapport d’une série importante d’études qui ont amené la structuration du milieu archivistique canadien. Les archives ont été reconnues comme support à la recherche et à l’identité culturelle par l’ensemble des rapports dont nous avons fait état. En attirant l’attention sur leur rôle primordial, les commissions et les comités les ont rendues importantes aux yeux des différents intervenants dans le domaine de la culture et de la recherche. Cette base favorisera grandement le développement de la profession d’archiviste. Pour la profession d’archiviste au Québec et au Canada, l’intervention du gouvernement fédéral et, plus particulièrement, les études successives qu’il a réalisées constituent un atout majeur pour la structuration de son champ d’action. Ainsi, la reconnaissance des archives comme matériel de recherche amène la restructuration des institutions archivistiques et, du même coup, la perspective de milieux potentiels de travail.
115. Pour un développement planifié..., op. cit., p. xx. 116. Rapport du Comité consultatif sur les archives, Ian E. Wilson, prés. Ottawa, 1985, ii, 80p. 117. Rapport du Comité d’étude sur la politique culturelle fédérale, Ottawa, 1982, 392 p.
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L’ensemble des rapports recommandent grandement le développement de la discipline archivistique, celui de la formation universitaire ainsi que la reconnaissance de l’archivistique comme discipline de recherche éligible aux subventions. Au Québec, la formation s’organise dès 1983. Quant à la recherche sur la discipline, les réalisations sont encore à venir. Actuellement, plus d’argent est consacré à la réalisation d’outils de recherche tels les instruments de recherche qu’à la recherche proprement dite comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage. La recherche scientifique et les archives La recherche scientifique a connu un développement appréciable depuis 1960 au Québec. Elle a profité de conditions favorables telles la démocratisation de l’enseignement et ses conséquences sur la recherche, de même que de nouvelles sources de financement apportées par l’État. Dans le cadre de cet ouvrage, il n’est pas de notre propos de faire le point sur la recherche scientifique mais bien de démontrer en quoi son développement a influencé l’évolution des archives et le milieu archivistique québécois. C’est surtout dans le milieu universitaire que les progrès sont les plus marqués. Ils s’expriment, entre autres, par l’augmentation des secteurs de recherche. La recherche en sciences sociales, notamment, a connu un essor tel, qu’en 1985, les initiateurs d’un colloque sur la situation de la recherche en sciences sociales se résignaient à ne pouvoir couvrir les recherches menées entre 1962 et 1985 à cause de leur multiplicité118. La couverture des domaines de l’économie, de la politique et de la culture avec celui de l’espace était tellement vaste que les participants devaient s’en tenir à des bilans « indicatifs » plutôt qu’« exhaustifs » contrairement à leurs collègues qui avaient mené la même opération en 1962119. À cause de son impact particulier sur les archives, nous nous arrêterons au développement de la recherche en histoire. Dans ce domaine, les changements se sont manifestés notamment par la diversification des sujets de recherche et l’adoption de nouveaux modes d’analyse. Ainsi, de plus en plus de sujets sont abordés dans le domaine historique :
118. « Avant-propos », Recherches sociographiques, vol. XXVI, n° 1-2 (1985), p. 7. 119. Recherches sociographiques, vol. III, n° 1-2 (1962), 405 p.
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[...] des érudits versés dans diverses disciplines étudient non seulement des questions d’envergure nationale, mais poursuivent aussi la recherche de documents reflétant tous les aspects de notre passé collectif. De nouvelles études, dans des domaines aussi variés que spécialisés, comme l’histoire urbaine, sociale, ethno-culturelle, la géographie historique, la démographie historique, la climatologie historique120...
Le rapport Symons sur les études canadiennes consacre tout un chapitre à identifier les secteurs de recherche déjà couverts par les études canadiennes (histoire de l’art canadien, littérature et linguistique canadiennes, économie, géographie, histoire, sciences politiques, sociologie et anthropologie). Il signale les domaines à explorer : études d’environnement, études ethniques et pluralisme culturel canadien, folklore et tradition populaire, relations internationales, interprétation et traduction, études aborigènes, études sur le Nord canadien, arts d’interprétation, philosophie, psychologie, études régionales, études des religions, études sur la femme121. L’histoire sociale tend donc à se substituer à l’histoire événementielle et politique122. Les changements dus à l’utilisation de nouveaux modes d’analyse se manifestent par une augmentation de la quantité de documents consultés. « Le nombre de données recherchées se multiplia et des documents jusque là peu utilisés se révélèrent nécessaires pour une meilleure compréhension du milieu social et des composantes de la société123 ». Ils amènent aussi les chercheurs à consulter de nouveaux types de document. « Ce n’est que récemment que les historiens commencèrent à porter quelqu’intérêt aux archives à caractères économique, social et culturel124 ». Le développement de la recherche universitaire est encouragé par la création d’organismes subventionnaires tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial. Ainsi, le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) remplace, en 1978, le Conseil des Arts. Son rôle est de favoriser la recherche « libre tout en créant un réseau national de chercheurs et d’aide à la recherche et en permettant des échanges entre les chercheurs. Il peut également commander des recherches dans des domaines d’intérêt national125.
120. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 5. 121. T.H.B. SYMONS. Se connaître, Op. cit., vol. 1. 122. Francine NAGANT. « Quelques propos sur l’histoire sociale et les sources premières », Archives, vol. 10, n° 4 (mars 1979), p. 67. 123. Ibidem. 124. Francine PILOTE et Jacques DUCHARME. « Les archives de Guillaume Couture, compositeur et musicien », Archives, 76.3 (1976), p. 37. 125. Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Rapport annuel 1978/1979, Ottawa, 1979, p. 10.
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Chapitre 1
Suivant les recommandations du Groupe de travail sur les archives, le CRSH inscrit l’archivistique comme discipline éligible à des subventions de recherche. Ce conseil aide la communauté archivistique en subventionnant, entre autres, la revue Archi varia. En 1981, le CRSH offre un volet de subventions accessibles aux archivistes : études canadiennes, outils de recherche. Ces subventions sont destinées à des projets qui ont été conçus pour rendre certaines sources d’information plus accessibles, en matière d’études canadiennes, en produisant des catalogues de collections de bibliothèques ou d’archives ou en préparant des bibliographies ou d’autres guides126.
Il s’agit donc d’un programme qui permet aux institutions d’archives et aux bibliothèques de produire des instruments de recherche particulièrement utiles aux études canadiennes. Le Québec met lui aussi sur pied des programmes de recherche. En 1981, il crée un fonds d’aide et de soutien à la recherche, le FCAC127 pour donner suite à son Livre blanc sur la recherche scientifique. Les administrateurs de ce fonds rendent compte au ministère de l’Éducation de leurs activités, mais le fonds est un organisme autonome. Ce fonds met en place différents programmes de subventions tels des programmes d’aide aux chercheurs et de soutien à la recherche et à la diffusion. Il attribue aussi des bourses d’études. Conçu pour favoriser la recherche au Québec, il met « l’accent sur le développement des ressources humaines, sur le soutien aux infrastructures de recherche, sur la promotion de l’information scientifique en français et l’adéquation de la recherche aux priorités socio-économiques et culturelles du Québec128 ». Sans avoir un impact direct sur les archives, cet organisme a toutefois influé sur le développement de la recherche dans les universités québécoises. À ce titre, il a aussi favorisé l’utilisation accrue des archives par les chercheurs, notamment dans les domaines de l’histoire et des sciences sociales. La consultation croissante des archives a eu un impact sur la profession d’archiviste. Elle a permis la reconnaissance d’une fonction qui a toujours existé mais qui prend une importance nouvelle dans ce nouveau
126. Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Rapport annuel 1982/1983, Ottawa, 1983, p. 63. 127. Fonds pour la formation de chercheurs et action concertée. À partir de 1984, ce fonds portera le nom de FCAR (Fonds pour la formation des chercheurs et l’aide à la recherche). 128. FCAC, Rapport annuel 1981-1982, Québec, 1982, p. 13.
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contexte de recherche, la référence. L’archiviste se doit plus que jamais de connaître son dépôt ainsi que ceux qui peuvent compléter ses propres ressources. Il doit créer des outils efficaces de repérage susceptibles de renseigner adéquatement le chercheur et de répondre aux besoins d’une clientèle qui se fait de plus en plus nombreuse. Il se fait de plus un collaborateur et un conseiller du chercheur. N’est-ce pas en vue de remplir ce nouveau rôle que le Groupe consultatif sur les archives canadiennes recommandait que la formation en archivistique se situe au deuxième cycle afin que l’archiviste ait un niveau de formation qui lui confère la compétence pour mieux répondre aux besoins des chercheurs ? La discipline archivistique bénéficie de l’éligibilité aux subventions de recherche. À cause de l’état précaire de ce savoir dans les établissements de formation, cette possibilité a été peu utilisée. Toutefois, l’accessibilité de l’archivistique à ces subventions constitue un moyen d’améliorer ce champ de connaissances. De plus, les nouvelles demandes de consultation l’amènent à repenser ses méthodes de travail notamment en ce qui a trait à la description et au repérage de l’information, et les nouvelles recherches, à revoir ses critères d’évaluation dans le choix des archives à conserver. Le développement de la recherche, plus particulièrement de la recherche en sciences humaines et en histoire, amène une consultation accrue des archives. Leur valeur de témoignage prend ainsi tout son sens. Les archives elles-mêmes sont maintenant subventionnées par l’intermédiaire du programme du CRSH. Les dépôts peuvent profiter de subventions en vue de la réalisation d’instruments de recherche. L’ensemble du contexte culturel québécois est marqué par un intérêt croissant pour la culture et le patrimoine ainsi que par la reconnaissance de la valeur des archives pour le développement de l’un et de l’autre. Les recherches entreprises au niveau fédéral sur les études canadiennes et sur l’état des archives ont conduit à la mise en place d’une infrastructure visant une meilleure utilisation de la ressource culturelle que sont les archives. De plus, le développement de la recherche et l’avènement des sources de financement applicables aux archives et à l’archivistique en constituent d’autres apports. Le contexte culturel dans son ensemble a donc contribué à la mise en valeur des archives, de la profession d’archiviste et de la discipline archivistique.
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Chapitre 1
Le contexte économique et le développement technologique Le contexte économique En plus d’affecter les domaines politique, social et culturel, la Révolution tranquille a marqué la vie économique québécoise. Ses transformations sont surtout le fruit de la volonté des gouvernements de doter le Québec d’une infrastructure qui puisse stimuler son économie en vue de l’intégrer au contexte économique mondial. C’est ainsi qu’il se dote d’instruments économiques susceptibles d’assurer son développement tels qu’Hydro-Québec, la Société générale de financement (SGF), la Société québécoise d’exploration minière (SOQUEM). Ce type d’intervention sera suivi d’autres créations du même genre qui manifestent l’intention de l’État d’intervenir dans l’économie de la province. « Dans leur ensemble, ces nombreuses initiatives garantissent à l’État québécois un rôle permanent et marquant dans le secteur économique129 ». Ce rajeunissement de l’infrastructure économique québécoise coïncide avec l’augmentation des activités de services, phénomène qui apparaît dans les différents pays industrialisés. « Le processus de tertiairisation, qui se manifeste dans l’ensemble des pays industrialisés, caractérise ce qu’on appelle la société post-industrielle130 ». En 1961, les activités de service représentaient 57 % du produit national brut, en 1981, 66 % et en 1983, le taux passe à 71 %131. Bien qu’ils possèdent un pouvoir de développement illimité, les services dépendent de la capacité de payer des sociétés qui se les donnent. Cette troisième étape du développement économique se distingue des autres par son potentiel illimité. Les limites imposées par les ressources naturelles, le capital et la terre ne peuvent, en principe, absolument pas restreindre une production de services comme elles pouvaient le faire dans le cas d’une production de marchandises [...] Le marché des services peut se développer à l’infini car, apparemment, il n’y a pas de limites aux besoins pour lesquels on fabrique du service132.
129. 130. 131. 132.
Histoire du Québec, publié sous la dir. de Jean Hamelin, St-Hyacinthe, Édisem, 1976, p. 492. Paul-André LNTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 465. Ibidem. John McKNIGHT. « Le professionnalisme dans les services : un secours abrutissant ». Sociologie et sociétés, vol. IX, n° 1 (avril 1977), p. 7-8.
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Les conséquences d’une économie de services forte sont nombreuses pour les professions. Elles tendent d’abord à augmenter le nombre des activités intellectuelles. Selon Georges Benguigui, dans une société qui s’industrialise et se développe fortement, la part du travail intellectuel tend à augmenter considérablement133 ». De nouveaux secteurs de pouvoir apparaissent donc parmi le personnel qui oeuvre dans les services : Ainsi, les employés de bureau voient leur prestige diminuer au fur et à mesure que leur nombre augmente et que leurs tâches sont divisées et de plus en plus mécanisées. Parallèlement, l’entreprise fait une place croissante aux cadres et aux professionnels bénéficiant de salaires élevés et d’une large autonomie134 ». Ce nouveau rôle des professionnels vient de la place que le management accorde à la connaissance intellectuelle. [Friedson] voit dans le passage de la société industrielle à la société post-industrielle un transfert d’autorité du management au professionnalisme135 ». De plus, les possibilités illimitées des services obligent à des choix politiques compte tenu des limites financières qu’il faut respecter. Les priorités gouvernementales ont donc beaucoup d’influence sur le développement d’un secteur de services par rapport à un autre. D’une part, les professions y trouvent donc de grandes possibilités de développement mais d’autre part, elles demeurent assujetties au choix politique des gouvernements. Au Québec, l’intervention accrue de l’État dans le secteur économique a permis l’accroissement des effectifs professionnels par la création d’un marché de l’emploi. « [...] l’État peut [...] offrir [aux jeunes diplômés des collèges et des universités] des milliers d’emplois dans ses ministères et ses régies, où les possibilités de promotion ne sont pas gênées par des questions linguistiques comme c’est souvent le cas dans l’entreprise privée136 ». C’est ainsi que durant les années 70, l’État a représenté le plus grand employeur des jeunes diplômés. Les nouveaux rôles de l’État amènent le développement accru de professions déjà existantes mais qui connaîtront un essor important à cause du
133. Georges BENGUIGUI. Op. cit., p. 107. 134. Paul-André LINTEAU et al. Op. cit., vol. 2, p. 522. 135. Marc André TURCOTTE. « Dégradation du travail et professionnalisme », Association canadienne des sociologues et des anthropologues de langue française. Travailler au Québec ; actes du colloque. [...] ; textes publiés sous la direction de Colette Bernie [et al.], Laval, Éditions coopératives A.J. Martin, 1981, p. 253. 136. Histoire du Québec, op. cit., p. 489.
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Chapitre 1
rôle qu’elles sont appelées à remplir dans les services de l’État lui-même. Il en est ainsi de la profession d’infirmière, de bibliothécaire et aussi d’archiviste. Le lien très étroit qui existe entre l’État et les professions rend ces dernières vulnérables aux mauvaises conditions économiques ainsi qu’aux changements de priorité des différents gouvernements. Les possibilités illimitées des services imposent, comme nous le disions, des choix politiques compte tenu des limites financières qu’il faut respecter. La profession d’archiviste est donc tributaire d’un nouveau contexte économique qui porte en lui ses chances et ses limites de développement. Ainsi, par l’avènement de la société de services et par le rôle que jouent les gestionnaires de documents dans les nouveaux contextes de l’administration publique, la profession a des chances d’atteindre une envergure inespérée. Toutefois, comme elle est dépendante des priorités gouvernementales, elle demeure tributaire de celles-ci et doit continuellement faire la preuve de son efficacité. Les changements apportés dans le monde du travail favorisent en général l’approfondissement des disciplines professionnelles puisqu’ils exigent de nouvelles expertises et créent de nouvelles demandes. C’est ainsi que la gestion de documents administratifs a pris une grande importance dans l’administration publique et parapublique. Elle se situe bien dans une nouvelle approche des problèmes administratifs visant à la rationalité et à la rentabilité, propose des méthodes de travail susceptibles de répondre à ces nouveaux objectifs tout en disposant d’un contexte favorable à l’approfondissement de son expertise. La dichotomie entre les deux secteurs se trouve néanmoins entretenue par la situation de la gestion des documents dans le cadre des activités économiques et administratives tandis que l’archivistique historique semble plutôt relever du contexte culturel. Le développement technologique Le développement technologique a pris dans les sociétés contemporaines l’ampleur d’une révolution. Il atteint plus ou moins directement toutes les couches de la société ainsi que les différents secteurs de l’activité humaine. Le monde du travail est particulièrement touché par cette révolution. Le développement technologique fournit de nouveaux instruments de travail, de nouveaux supports d’information et de nouveaux moyens de traiter l’information en plus d’accroître considérablement l’information elle-même.
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La création de supports d’information de plus en plus miniaturisés décuple les possibilités d’enregistrement et de traitement de l’information. Les professions en général sont très affectées par l’avènement de l’informatique et des nouvelles technologies. Selon Marie Haug, l’informatique, en permettant un accès plus généralisé à la connaissance, diminue le pouvoir du professionnel qui en était jusqu’alors l’unique détenteur137. Plus que l’accès, c’est le contrôle même du savoir qui est menacé : « le contrôle du savoir tend à s’incorporer de plus dans le travail mort [...celui des ordinateurs]138 ». S’il y a perte de pouvoir pour les uns, il y augmentation de pouvoir pour d’autres. C’est ainsi que toutes les professions directement liées à l’informatique – informaticiens, programmeurs, analystes de système – seront fortement valorisées par l’utilisation de la nouvelle technologie. Ils seront même de forts compétiteurs pour toutes les autres professions dont la compétence se situe dans un autre domaine mais qui doivent utiliser des techniques informatiques dans l’exécution de leur travail. Les archivistes seront victimes de cette situation. Ainsi, les professionnels feront figure de réactionnaires s’ils ne peuvent utiliser la nouvelle technologie. Les gestionnaires de documents seront particulièrement confrontés à cette situation parce que les services avec lesquels ils traitent sont à l’âge de la bureautique. Le développement technologique pose donc un défi de taille à la profession en l’obligeant à tenir compte de ces changements dans le monde du travail, à s’y adapter et même à se les approprier. Le développement technologique pose également de nouveaux problèmes à la discipline. Ainsi, il lui faut mettre au point de nouvelles méthodes de travail et de nouveaux concepts. Qu’on pense, par exemple, à la question de la confidentialité de l’information. [...] la nouvelle technologie offre le moyen d’atténuer les inconvénients découlants (sic) de la répartition géographique d’une activité [...] Par contre, les possibilités offertes par cette technologie moderne obligent les gestionnaires, administrateurs, et les professionnels des diverses disciplines mises à contribution, à repenser sérieusement les définitions traditionnelles à partir desquelles furent établies les règles et les politiques régissant la dissémination ou la confidentialité de l’information139.
137. Marie HAUG. « Computer Technology and the Obsolescence of the Concept of Profession Work and Technology, ed. by Marie R. Haug and Jacques Dofny, Beverly Hills, Cal., SAGE Publications, 1977, p. 217. 138. Marc-André TURCOTTE. Op. cit., p. 253. 139. Jean-Pierre THERRIEN. L’information de gestion et la gestion des documents Archives, vol. 10, n° 4 (mars 1979), p. 7.
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Chapitre 1
Les domaines de l’administration et du secrétariat ne seront plus les mêmes avec l’avènement de la technologie. Qu’on imagine le design administratif du bureau de demain : n’amènera-t-il pas une nouvelle conception et utilisation des archives ? Le bureau de demain ne pourra plus être un bureau tel que nous le connaissons actuellement. Il sera beaucoup plus un concept administratif, c’est-à-dire la distribution de tout un réseau de stations s’alimentant à une base centrale de données par lesquelles les affaires d’une organisation seront contrôlées140 ». Le développement de l’informatique modifie le visage des archives elles-mêmes en fournissant un nouveau support d’information. Au papier, seul support utilisé jusqu’à maintenant, succède en partie l’information enregistrée sur un ensemble de supports magnétiques et électroniques. Il pose de nouveaux problèmes de conservation, de classification, d’accessibilité de l’information et de ces supports. Le découpage chronologique des événements qui ont marqué le Québec depuis 1960 permet donc d’identifier et de caractériser les principales étapes de cette évolution. Ainsi, les modifications qui ont le plus affecté la profession, la discipline et les archives entre 1965 et 1969 relèvent surtout des domaines social et économique. En effet, c’est à ces années que remonte le rapport Parent sur la réforme de l’enseignement, le début de la bureaucratisation des activités professionnelles ainsi que la syndicalisation de ces mêmes activités. Les transformations économiques qui se manifestent, entre autres, par l’augmentation des activités de services ainsi que par l’arrivée de l’informatique modifient les structures et les habitudes de travail. Dans les années 70, ce sont les changements vécus dans le milieu culturel qui semblent le plus influencer le domaine archivistique, entre autres, par la Loi sur les biens culturels et les différents rapports commandés par le gouvernement fédéral sur la recherche et sur la culture. Depuis 1980, les législations sur l’accès à l’information et sur les archives, deux manifestations du contexte politique, témoignent de la prise en charge par l’État d’un domaine d’activités ayant acquis une maturité certaine. On peut déjà affirmer que tous ces contextes sont favorables à l’émergence de la profession et de la discipline et que le développement de l’une et de l’autre est tributaire de la reconnaissance des archives. Quant à ces dernières, elles se complexifient tant par leur quantité, leur contenu,
140. Yvon PAPILLON.« Gestion des documents dans le bureau de demain : perspectives d’avenir », Archives, vol. 11, n° 3 (décembre 1979), p. 15.
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leur utilisation, que par leur traitement et leur conservation, rendant ainsi de plus en plus nécessaire leur prise en charge par des personnes compétentes disposant de principes et de méthodes de travail efficaces. Les institutions et les services d’archives Dans le contexte québécois que nous venons d’évoquer, des institutions, des dépôts et des services d’archives se sont développés. Des organismes se sont aussi dotés de services de gestion des documents administratifs. À côté de ces services réels et constitués émerge, avec l’adoption des législations de 1982 et de 1983 et des obligations qu’elles engendrent pour les ministères et organismes publics et parapublics, toute une série de milieux « potentiels » ou « théoriques » où les professionnels sont susceptibles d’exercer leurs activités. La présentation de ces différents milieux dans le cadre de notre recherche vise différents objectifs. Elle nous apparaît d’abord essentielle pour situer la profession elle-même dans le contexte particulier de son exercice puis elle permet d’évaluer l’étendue de son champ d’activité et de caractériser ses domaines d’intervention. Bref, elle sert de toile de fond à une meilleure compréhension de la profession et de la discipline. Seule une enquête sur le terrain aurait permis de réaliser une évaluation exacte de la situation des archivistes dans tous les secteurs possibles de leur action141. Néanmoins, l’inventaire des données existantes s’est révélé suffisamment riche d’informations. Des enquêtes ad hoc ont été réalisées dans le secteur gouvernementa1142, le milieu universitaire143 et les
141. Si une telle enquête n’a pas été réalisée, c’est que la connaissance des milieux ne constitue pas une donnée requise par les modèles élaborés en sociologie des professions et des disciplines au même titre que celle des contextes d’évolution par exemple. Toutefois, ils en reconnaissent l’impact sur la pratique elle-même. Ainsi, Jean-Michel Chapoulie, dans son article « Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels » décrit les recherches de certains sociologues qui démontrent l’influence des milieux et des clientèles sur la pratique professionnelle. 142. Yvan LAUZON. « Faits saillants de l’enquête sur l’état de la situation de la gestion des documents au Gouvernement du Québec », [Québec], ministère des Communications, 1989, 81, 7 f. 143. Guy DINEL et Denys CHOUINARD. « Les archives universitaires au Québec », Archives, vol. 15, n° 3 (décembre 1983), p. 5-19.
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municipalités144 ; en 1980,1’AAQ, lors de son 9e congrès annuel, tenait des ateliers qui ont fait le point sur les activités réalisées dans les commissions scolaires, les cégeps et universités, les entreprises publiques et privées, le gouvernement et les municipalités145. Un mémoire de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information avec concentration en archivistique a porté sur l’étude des pratiques dans les bureaux d’architectes, les firmes d’ingénieurs-conseils, les cabinets d’experts-comptables, les études de notaires et d’avocats146. D’autres sources plus générales ont aussi inspiré notre analyse telle l’enquête réalisée par ARMA, section Montréal, sur l’état de la gestion des documents administratifs au Québec147. Cette enquête présente l’avantage de couvrir tous les secteurs public, parapublic et privé. Elle présente aussi la situation dans certains milieux sur lesquels nous ne disposons que de peu d’informations, particulièrement dans le secteur scolaire et celui des hôpitaux. Le Groupe consultatif sur les archives canadiennes a fondé son rapport sur une enquête qu’il a menée à travers le Canada sur l’état des archives canadiennes. Les résultats apparaissent dans le rapport et nous fournissent des renseignements afférents à notre sujet148. Nous avons aussi consulté les offres d’emploi parus entre 1980 et 1985 dans la section « Carrières et professions » des journaux Le Soleil, La Presse et Le Devoir, édition du samedi149. Nous nous sommes inspirée de plus de la mention des milieux de travail des membres de l’AAQ tenant pour acquis que l’adhésion à une association professionnelle démontre la présence d’un milieu intéressé à son organisation archivistique. Bien qu’elles présentent certaines faiblesses, les informations dont nous disposons touchent l’ensemble des secteurs.
144. Ginette NOËL. « L’archivistique et la gestion des documents dans les municipalités du Québec », Archives, vol. 13, n° 3 (décembre 1981), p. 11-26. 145. Archives, vol. 12, n° 2 (septembre 1980), p. 3-44. 146. Chantale FILLION. « L’organisation des archives dans les bureaux de professionnels ; enquête réalisée à Montréal », Archives, vol. 20, n° 2, (automne 1988), p. 21-43. (Cet article résume les principales parties de son mémoire.) 147. La gestion des documents au Québec 1987, par le Groupe-conseil LLP Inc. et ISTInformathèque, Montréal, 1987, 379 p. 148. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit. 149. Cette démarche est inspirée de deux projets réalisés l’un en Angleterre et l’autre en France dans le but d’évaluer les nouveaux marchés pour la profession de bibliothécaire et de documentaliste. Hélène SCENEN. Le marché de l’emploi des professions de la documentation ; analyse de l’offre à travers les annonces diffusées par la presse et les centres de formation, Paris, Université de Paris, 1985, 2 vol. (Thèse de doctorat).
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La compilation de données existantes a donc permis de reconstituer un bref historique de l’archivistique dans le milieu, de connaître, dans la plupart des cas, la situation hiérarchique de l’archiviste dans l’organisme, les catégories d’employés qui œuvrent dans les services d’archives ou de gestion de documents quand ils existent et les fonctions qui y sont exercées150, bref, de connaître l’évolution de la profession et de la discipline dans les milieux de travail. Afin de tenir compte de leurs différentes caractéristiques et de permettre une meilleure évaluation du degré de développement des milieux, nous avons choisi de les présenter par grands secteurs d’activité à savoir le secteur gouvernemental, le secteur de l’enseignement, celui de la santé et des services sociaux, le secteur municipal et le secteur privé. À cause de leur importance particulière, les Archives nationales du Québec feront l’objet d’une présentation plus détaillée. Les Archives nationales du Québec Les Archives nationales du Québec (ANQ) constituent la principale institution archivistique québécoise. Nées de la Loi abrogeant la Loi du Secrétariat151 et modifiant d’autres dispositions législatives en 1969, les Archives nationales du Québec se sont grandement développées au cours des 20 dernières années. Leur évolution a été marquée par les réalisations de leurs conservateurs successifs, les orientations des politiques culturelles et les priorités des différents gouvernements, ainsi que par les législations relatives au patrimoine. Notre propos n’est pas de reconstituer l’histoire des ANQ mais d’en faire ressortir certains éléments et de présenter les réalisations qui ont eu le plus de répercussions sur le milieu québécois et en particulier sur le développement de l’archivistique au Québec. C’est pourquoi nous avons choisi, en premier lieu, de revenir sur les législations de 1969 et de 1983. Les projets particuliers qui nous ont semblé les plus proches des milieux sont la régionalisation (1971), l’inventaire national (1978), l’opération « calendrier
150. À cause des sources utilisées, il ne sera fait qu’une énumération des fonctions. Bien qu’il ait pu être intéressant de connaître l’importance accordée à chacune des fonctions dans les différents milieux, la seule connaissance des types d’activité est en soi suffisamment révélatrice du développement de la discipline et de son application dans le milieu. 151. Le Bureau des archives de la Province existe depuis 1920 et la conservation des archives de l’État remonte au régime français. Toutefois, on ne peut vraiment parler d’institution nationale que depuis 1969.
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de conservation » (1983) et l’informatisation de certaines activités archivistiques (1977). De plus, c’est à l’intérieur de luttes qu’elles ont menées que se sont exprimées les aspirations du milieu professionnel lui-même, entre autres celles visant la reconnaissance de leur fonction de gardien du patrimoine archivistique québécois ou « L’affaire des manuscrits » (1972) et celles pour la garde des documents gouvernementaux. Les Archives nationales du Québec constituent aussi le milieu de travail qui regroupe le plus d’archivistes au Québec. Les lois de 1969 et de 1983 On a déjà présenté, dans les pages précédentes, les grandes lignes de la loi permettant la création des ANQ en 1969 (L.Q. 1969, c. 26) ainsi que celles de la Loi sur les archives en 1983 (L.R.Q. c.A-21.1). Si nous en faisons de nouveau état, c’est pour rappeler les responsabilités que ces lois attribuent au conservateur, la définition qu’elles donnent des archives et pour mettre en évidence l’évolution qui s’est opérée. En 1969, la loi charge le conservateur de rédiger des catalogues, d’organiser des expositions et de préparer des index pour les collections qu’il possède. Il doit classer, inventorier, restaurer et reproduire s’il y a lieu les documents qui sont sous sa responsabilité152. Le rôle du conservateur se situe donc au niveau du traitement et de la diffusion des archives qu’on lui confie. Quinze ans plus tard, la Loi sur les archives rend le ministre des Affaires culturelles et le conservateur des ANQ responsables des politiques relatives à la gestion des documents actifs et semi-actifs des ministères et des organismes gouvernementaux, de l’évaluation, de la sélection, du traitement, de la protection et de la conservation de l’ensemble des archives gouvernementales. Elle leur donne, de plus, un droit de regard sur la conservation des documents des secteurs parapublic et privé. La simple énumération de ces responsabilités démontre le chemin parcouru par rapport aux activités professionnelles. Ainsi, en 1969, on confie à l’archiviste national la responsabilité du traitement, de la diffusion et de la conservation des archives qu’il possède déjà. Cette mission est donc passive en ce sens qu’elle ne s’exerce que sur les documents déjà versés ; elle ne concerne pas ceux qu’il juge important d’acquérir. En 1983, la loi élargit son rôle à celui de conseil pour l’organisation des documents encore
152. Lois du Québec 1969, c. 26, art. 26 et ss.
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utiles à leurs producteurs ainsi que pour l’évaluation et la sélection de ceux qui constituent les éléments essentiels à la conservation de la mémoire des organismes des secteurs public et parapublic. Elle situe donc son action dans une approche plus globale des documents et reconnaît son expertise quant à l’organisation des documents dès leur création. Elle témoigne en fait d’un élargissement de la conception des compétences dans le domaine archivistique. Les deux lois traduisent aussi un cheminement par rapport à la définition même des archives. La loi de 1969 reconnaît comme archives nationales les documents de nature privée ou publique, les documents historiques ainsi que ceux des ministères qui ne sont plus d’utilité courante153. Les archives nationales sont donc composées de documents de nature assez diverse dont la caractéristique commune semble être l’âge qu’ils ont atteint. La loi de 1983 n’emploie pas l’expression archives nationales mais plutôt celles d’archives, d’archives publiques et d’archives privées. L’originalité de cette loi est d’avoir défini les archives comme l’ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur nature, produits ou reçus par une personne ou un organisme pour ses besoins ou l’exercice de ses activités et conservés pour leur valeur d’information générale154 ». C’est de cette définition que découlent les nouvelles responsabilités confiées aux Archives nationales du Québec sur les documents actifs et semi-actifs en plus du mandat traditionnel sur les documents à valeur permanente, et plus particulièrement sur ceux des organismes publics, dont les ministères. L’impact de ces changements par rapport au mandat des Archives nationales du Québec ne peut encore être mesuré. Toutefois, les Archives nationales du Québec jouissent d’un pouvoir accru à cause du rôle qu’elles sont appelées à jouer dans l’ensemble des organismes publics et parapublics. De plus, elles doivent développer une expertise dans de nouveaux champs tels ceux de la gestion des documents actifs et semi-actifs pour lesquels elles élaborent des politiques qui influenceront certainement les milieux autres que le secteur gouvernemental.
153. Lois du Québec 1969, idem. 154. Loi sur les archives, L.R.Q., c. A-21.1, art. 2.
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Quelques projets particuliers La régionalisation des Archives nationales du Québec Le projet de régionalisation des Archives nationales du Québec s’inscrit dans une politique d’ensemble du gouvernement qui avait pour but de rapprocher le ministère et ses services des populations régionales. Cependant, la création du premier centre régional est fortuite puisqu’elle origine d’une situation d’urgence issue de l’exiguïté du Palais de justice de Montréal ; « les archives judiciaires, civiles et notariales ni [...] les anciennes archives de la juridiction royale de Montréal confiées à sa garde155 » ne pouvaient y trouver place. Ces archives passent donc sous la responsabilité des ANQ qui ouvrent ainsi en 1971 le premier centre régional, le Centre de Montréal. L’opération de régionalisation se poursuit jusqu’en 1980 avec l’ouverture de centres à Trois-Rivières (1975), à Hull (1977), à Chicoutimi (1977), à Rimouski (1978), à Sherbrooke (1978), à Rouyn (1979) et à Sept-Îles (1980)156, en plus, bien sûr, du centre de Québec dont les activités sont distinctes de l’administration générale des ANQ. Ces centres sont situés dans les régions administratives du Québec, dont la plupart comptent une université. Les centres régionaux disposent de locaux proportionnels à l’importance géographique du milieu où ils sont implantés. Ils sont dirigés par un archiviste régional assisté de personnels professionnel et technique. Dans ces centres sont conservés les fonds d’archives les plus significatifs pour l’histoire régionale. Les fonctions des archivistes régionaux comportent des activités relatives à la promotion, à l’administration, à la référence, à l’acquisition et au traitement des archives et à l’inventaire national157. La régionalisation présentait plusieurs avantages. Elle a permis entre autres de respecter le principe de territorialité des archives. De plus, elle a placé les archives dans un contexte favorable à une meilleure compréhension de leur contenu en les rapprochant d’autres sources produites dans la 155. Gilles HÉON. « Une régionalisation sans décentralisation ; les centres régionaux des Archives nationales du Québec », Gazette des archives, nos 121-122 (2e et 3e trimestres 1983), p. 131138. 156. François BEAUDIN. « La politique de régionalisation des Archives nationales du Québec : fondement de l’inventaire national des Archives du Québec », Archives, vol. 8, n° 4 (mars 1978), p. 4. Attention : d’autres sources donnent des dates différentes pour l’ouverture des centres à Hull et Chicoutimi (1978), Rimouski et Sherbrooke (1979), Rouyn-Noranda en 1980 et à Sept-Îles en 1981. Voir Archives nationales du Québec, Québec, 1988 (jaquette publicitaire). 157. Gilles HÉON. Idem, p. 134-135.
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région tels les journaux, les revues, les cartes, les photographies, les documents privés. La présence d’un archiviste dans les régions a par ailleurs assuré une meilleure identification des fonds importants à acquérir pour la région. Les services de microfilm offerts par les ANQ ont pour leur part contribué à rendre accessibles les fonds conservés dans l’ensemble du réseau158. La régionalisation des Archives nationales du Québec n’a pas eu d’effets que sur l’institution elle-même. Le milieu archivistique et les populations en ont sûrement profité. Ainsi, la présence d’archivistes reconnus dans les régions a facilité l’implantation des lois sur l’accès à l’information et sur les archives puisqu’ils ont été appelés à participer activement à l’application de la loi sur l’accès à l’information en collaborant à l’attribution d’aide financière aux organismes de leur région qui en avaient fait la demande et en agissant comme conseillers dans l’exécution des projets. Ils ont poursuivi leurs tâches de conseiller et d’animateur dans l’application de la Loi sur les archives. Toutefois, les limites de leurs moyens, particulièrement le nombre restreint de personnel dont dispose chaque centre régional à l’exception de Montréal, ne leur ont pas permis d’offrir l’ensemble des services qu’on pouvait attendre d’une institution d’importance. Par leur seule présence, tout de même, ils ont aidé à rendre les archives plus accessibles aux populations des régions et participé, dans la limite de leurs possibilités, à l’amélioration du traitement et de la conservation des archives régionales. L’inventaire national Comme nous le disions précédemment, la Loi sur les biens culturels repose sur la connaissance préalable de ces biens pour en assurer la protection et la conservation. C’est dans le but de localiser les fonds d’archives et d’en apprécier le contenu qu’est mis en place, en 1978, l’inventaire national des archives du Québec. Coordonnée par les ANQ, l’opération est menée en collaboration avec les archivistes régionaux et réalisée par du personnel régional ou local, souvent de jeunes historiens qui ont reçu une formation spéciale pour réaliser le travail. L’inventaire national couvre particulièrement les organismes parapublics du secteur de l’enseignement (universités, collèges, commissions scolaires) et du secteur municipal (villes et municipalités) ainsi que certains milieux du secteur privé tels que les archives religieuses (diocèses, paroisses, communautés religieuses) et autres qui acceptent de faire connaître leurs archives. Entre 1977 et 1982, les ANQ ont rejoint
158. Gilles HÉON. « La régionalisation des archives », Archives, 71.2 (juillet-décembre 1971), p. 6-11.
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une grande partie des organismes visés par cette opération. Depuis, l’inventaire national se poursuit par l’intermédiaire des archivistes régionaux et avec la contribution financière des ANQ aux organismes qui désirent identifier, conserver et mettre en valeur leurs fonds d’archives159. Les préposés à l’inventaire décrivent le contenu des archives à partir de formules présentant les caractéristiques principales retenues pour les fins de la description. Ces formulaires sont ensuite microfilmés et diffusés dans les différents centres des ANQ pour constituer l’inventaire national des archives du Québec. Les conséquences d’une telle opération sont nombreuses tant pour l’institution que pour les archives et l’archivistique. Ainsi, l’inventaire national a fait prendre conscience aux populations visitées [de] l’intérêt de leurs archives, de leurs « vieux papiers160 ». Pour les ANQ elles-mêmes, il a permis la mise en place des instruments nécessaires à la poursuite du projet : formulaires d’inventaire et guide pertinent, volumineux guide de gestion interne, expertise de mise en valeur par microfilm et enfin assurance de faisabilité informatique du programme161 ». En plus de permettre la reconnaissance de la valeur des archives, l’inventaire national a donc encouragé la réflexion des archivistes sur la normalisation de la description des fonds et permis une expérience de microreproduction. L’opération « calendrier de conservation » La Loi sur les archives oblige les organismes publics et parapublics à préparer un calendrier de conservation de leurs documents et à le faire approuver par les Archives nationales du Québec162. L’action des ANQ dans cette opération se situe à différents niveaux. Au cours des années 1984 à 1986, elles collaborent avec les milieux concernés par l’intermédiaire des associations regroupant l’ensemble des institutions de l’un ou l’autre secteur pour la préparation de recueils de délais de conservation de leurs documents communs. Elles entreprennent alors une
159. Gilles HÉON. « Une régionalisation ... », op. cit., p. 136. 160. Gilles HÉON, « L’inventaire national des archives du Québec », Archives, vol. 14, n° 4 (mars 1983), p. 6. 161. Ibid., p. 7. 162. Voir à ce sujet l’article de Marc-André LECLERC « L’implantation de la Loi sur les archives : bilan d’une expérience réussie », Archives, vol. 18, n° 2 (septembre 1986), p. 15-40.
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tournée provinciale d’information sur la Loi sur les archives et offrent, en collaboration avec l’Association des archivistes du Québec, des sessions de formation sur le calendrier de conservation. Enfin, elles prennent entente avec le ministère des Communications afin que les organismes puissent remettre à la même date163 leur liste de classement exigée par la loi sur l’accès à l’information et leur calendrier de conservation. Dans cette vaste opération, les ANQ ont fait appel aux ressources et aux connaissances déjà présentes dans les milieux. Elles se sont donné des partenaires pour l’identification et la conservation des documents importants pour la constitution du patrimoine documentaire québécois. Sur la plan administratif, les recueils sont un reflet partiel de la réalité de gestion [...] Sur la plan culturel, c’est une sensibilisation et une implication des associations face à leurs membres sur la gestion, la conservation et la diffusion des archives164.
C’est encore grâce à cette opération que les ANQ ont sensibilisé tous les milieux concernés par la loi à l’importance de leurs documents et à la nécessité de leur organisation. Elles ont fait œuvre d’éducation en même temps qu’elles ont fait connaître un instrument de travail de l’archiviste, le calendrier de conservation. Elles ont en cela assumé leur rôle en intervenant sur la constitution de la mémoire collective du Québec. Les limites de cette opération résident dans l’application du calendrier qui est faite dans les milieux eux-mêmes. À ce niveau, des commentaires nous amènent à nous poser des questions sur le résultat réel de l’opération. Un membre de l’Association des institutions d’enseignement secondaire soulevait, lors du congrès de l’AAQ de 1987, les problèmes particuliers rencontrés dans son établissement : lien trop étroit entre le calendrier de conservation et la classification les rendant trop interdépendants et peu applicables de façon séparée, lacunes au plan de la gestion quotidienne des documents dans les milieux, manque de formation du personnel en place et absence de modèle auquel se référer165La rédaction des calendriers ne conduit pas toujours à leur application.
163. La nouvelle date arrêtée pour répondre aux exigences des deux lois est le 1e 1er janvier 1986. 164. Marc-André LECLERC. Op. cit., p. 38. 165. Louis NORMANDEAU. « Les calendriers de conservation : des acquis précaires, un avenir incertain », Archives, vol. 19, nos 3-4 (décembre 1987, mars 1988), p. 23-27.
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Cette opération, même si elle demeure encore incomplète sur le plan des réalisations, constitue une victoire professionnelle certaine. Elle a permis de faire connaître un des volets importants du travail de l’archiviste, celui de l’évaluation des documents. Les ressources technologiques aux Archives nationales du Québec Les ANQ ont appliqué les techniques informatiques et la microreproduction à différentes fonctions archivistiques. Par le projet SAPHIR et le projet SIGDA (Système intégré de gestion des documents actifs des ANQ), les Archives nationales du Québec ont démontré leur souci d’intégrer les nouvelles technologies informatiques à leurs activités courantes. Le système SAPHIR (acronyme signifiant Système – Archives - Publication (diffusion) – Histoire – Inventaire – Recherche)166, élaboré en collaboration avec le Bureau central d’informatique (BCI) du gouvernement du Québec, est mis en place en 1979 et comporte plusieurs phases. Dans un premier temps, il vise à permettre le déménagement rationnel des archives des différents locaux des ANQ dans la ville de Québec vers le nouvel édifice de la cité universitaire où toutes les archives seront désormais centralisées, à faciliter le repérage rapide des documents dans les nouveaux locaux et à créer un état général des fonds/collections/séries pour le Centre d’archives de la Capitale. Il permet la description bibliographique des fonds et collections et compile aussi, sur chacun d’eux, des renseignements d’ordre administratif. Une autre phase du projet, SAPHIR II, inclut la description des fonds et collections des centres régionaux des ANQ. Dans une étape ultérieure, SAPHIR devait décrire les documents photographiques, les cartes et plans. Le système SAPHIR constitue la première expérience de description informatisée – du général au particulier – des fonds/collections/séries aux ANQ. Pour chacun des fonds/collections/séries, il fournit des renseignements sur le producteur et donne ensuite les renseignements suivants : titre du fonds, cote, lieu principal de création ou de réception des documents composant le fonds, année d’existence du créateur, degré d’accessibilité, catégories, etc.167.
166. Michel ROBERGE. « SAPHIR : inventaire et gestion des archives du Québec – 1re partie : les origines du système », Archives, vol. 3, n° 3 (décembre 1981), p. 9. 167. Michel ROBERGE. « SAPHIR : inventaire et gestion des archives du Québec ; 5e partie : assise d’un réseau de services d’archives publiques et privées », Archives, vol. 17, n° 2 (septembre 1985), p. 18-31.
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En 1987, suivant la recommandation du vérificateur général, le projet SAPHIR est abandonné168. Les principales raisons invoquées sont d’ordre administratif et d’ordre technique. À l’insuffisance de la planification dans le développement du projet s’ajoute le manque de performance des systèmes informatiques utilisés169. D’ailleurs, les concepteurs du système avaient déjà perçu ses limites170. L’expérience aura toutefois servi à démontrer, entre autres, la complexité d’une telle opération, les incidences de la rapidité de développement de l’informatique sur un projet à long terme et les faiblesses de la discipline en matière d’uniformisation des données. Le projet SIGDA, pour sa part, consiste en une expérience d’utilisation de l’informatique pour la gestion des documents, de leur création jusqu’à leur versement pour conservation permanente. Il inclut le courrier électronique, le traitement de texte, la classification, le repérage et l’application du calendrier de conservation. Ce projet pilote a été mené dans le centre régional de Trois-Rivières et dans quatre unités administratives des ANQ à Québec et à la Régie de l’assurance-maladie du Québec. L’intérêt du projet était incontestable. Néanmoins, devant les difficultés rencontrées, particulièrement dans l’utilisation de l’équipement, le projet est abandonné en 1987171. Malgré des efforts très louables, les ANQ n’ont eu que peu de succès avec leurs expériences informatiques. Faut-il en attribuer la cause aux moyens dont elles disposaient plus qu’à leur compétence ? Les conséquences sont toutefois les mêmes, les ANQ n’auront pas fait figure de chef de file dans ce domaine, contrairement aux espérances qu’on pouvait mettre en elles. L’informatisation des opérations archivistiques continuera à faire l’objet de projets individuels dans différents milieux et c’est sur elles que pourront s’appuyer les réalisations futures. Par ailleurs, les ANQ ont élaboré un programme de microreproduction de leurs documents à des fins de diffusion ou de conservation des fonds. C’est ainsi qu’elles utilisent le microfilm tant pour reproduire les fonds en
168. On s’en tiendra à la phase II du projet. 169. L’entrée des données sur SAPHIR devait se faire en différé. Les archivistes remplissaient des formules manuellement, les entrées informatiques se faisant au BCI. À la lourdeur de ce travail s’ajoutait la lenteur de la sortie des informations sur microfiche COM. 170. Michel ROBERGE. Op. cit., p. 30. 171. Archives nationales du Québec, Rapport d’activités 1987-1988, Québec, 1988, p. 18.
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vue de la consultation que pour diffuser l’inventaire national et les instruments de recherche à travers tout le Québec. De plus, elles ont tiré parti des possibilités du système COM172 qui permet les sorties d’ordinateur sur microfilm173. Quelques luttes des Archives nationales du Québec « L’affaire des manuscrits » « L’affaire des manuscrits » remonte à 1972. Le 9 juin de cette même année, la ministre des Affaires culturelles d’alors, Claire Kirkland-Casgrain, émet une directive enjoignant la Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) de verser aux Archives nationales du Québec les fonds d’archives qu’elle a acquis depuis quelques années. Se basant sur les mandats des deux organismes définis dans leur loi respective, elle reconnaît aux ANQ la responsabilité de conserver les fonds d’archives et à la BNQ celle de conserver la production littéraire québécoise imprimée. Depuis quelques années, la Bibliothèque nationale du Québec s’était donné comme mission d’acquérir certains fonds d’auteurs québécois. Elle souhaitait posséder, entre autres, les manuscrits littéraires complétant les œuvres publiées. Elle légitimait son opération en s’appuyant sur l’expérience des bibliothèques nationales américaines et européennes. La directive de la ministre venait donc contrecarrer ce projet malgré le fait que la BNQ ne reconnaissait pas aux Archives nationales la capacité de conserver aussi bien qu’elle ces trésors nationaux. La fermeté de la décision ministérielle entraîne la démission du directeur de la Bibliothèque nationale qui est entourée d’une campagne de presse174 à laquelle participeront archivistes et bibliothécaires.
172. Computer Output Microfilm. 173. Sans présenter formellement les usages du microfilm aux ANQ, René Lafond énumère les avantages et les désavantages du microfilm à partir de son expérience dans le domaine, dont celle qu’il a réalisée aux ANQ. Voir René LAFOND. « Autour du traitement de l’image », Archives, vol. 13, n° 3 (décembre 1981), p. 35-40. 174. Les journaux La Presse, Le Devoir, Le Soleil, Montréal-Matin, Montreal Star publient des lettres ouvertes et font état de la nouvelle. Les Éditions Jacques Hébert publient l’ouvrage L’affaire des manuscrits ou la Dilapidation du patrimoine national et présente le point de vue favorable aux bibliothécaires. Il reprend les textes parus dans les journaux ainsi que des textes inédits sur le sujet. La revue Archives, dans le numéro 73.2 (p. 43-95, 105-106), présente le point de vue des archivistes à travers les articles et les lettres ouvertes parus dans les journaux.
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L’un des problèmes que soulève « l’affaire des manuscrits » semble être un conflit d’image. D’un côté, on retrouve le conservateur de la BNQ que les archivistes eux-mêmes reconnaissent comme « un homme dynamique », ayant « une solide réputation [...] grâce à son talent, son intelligence et son énergie175... ». D’autre part, il n’est pas fait mention du conservateur des ANQ. C’est plutôt à travers les reproches adressés à l’institution elle-même que l’on semble s’attaquer à lui. Ainsi, un archiviste affirme que les ANQ devraient s’inspirer de l’exemple du conservateur de la BNQ « afin de ne pas mériter les reproches de manque de dynamisme, de manque de vigilance que s’apprêtent à leur adresser nombre de gens176 ». Un journaliste du Montreal Star soulève le fait que les bibliothécaires se plaignent de « the incompetence of Quebec archivists, the lack of dynamism at the Archives nationales177 ». Ce débat soulève aussi le problème du rôle des ANQ elles-mêmes. Ontelles seulement la responsabilité des documents gouvernementaux et publics ou doivent-elles aussi se préoccuper des archives privées ? Les bibliothécaires, en se fondant sur l’expérience de plusieurs autres bibliothèques nationales, affirment que la responsabilité première des ANQ porte sur les documents gouvernementaux tandis que les archivistes affirment que les archives nationales ne se limitent pas aux documents gouvernementaux mais qu’elles s’étendent à tous les documents « à l’échelle de la nation. » Les manuscrits seront donc transférés aux ANQ et le conservateur de la BNQ remettra sa démission. En soi, le débat aura peu profité aux uns et aux autres. Il a gâté les relations entre les deux institutions et les deux communautés professionnelles : les archivistes et les bibliothécaires. Les ANQ en sortent gagnantes en ce qu’elles reçoivent les manuscrits des auteurs qui auront bien voulu les céder. Toutefois, plusieurs ont menacé de reprendre leurs documents si le transfert était opéré178. L’image publique des ANQ, par ailleurs, ne s’est pas nécessairement améliorée. Les archivistes ont profité de l’occasion pour présenter leur profession au grand public et défendre leur institution nationale. Toutefois, les arguments de leurs adversaires
175. Bernard WEILBRENNER. « Une décision sage », Archives, 73.2 (1973), p. 66. 176. Robert GABON. « Le transfert des manuscrits de la BN est-il une catastrophe ? » Archives, 73.2 (1973), p. 61. 177. Daniel HICKEY. « Quebec Manuscript Collections and « L’affaire des manuscrits », Archives, 73.2, (1973), p. 89. 178. Le 28 septembre 1973, le nouveau ministre des Affaires culturelles, François Cloutier, confie à la BNQ la garde des textes radiophoniques. Était-ce pour adoucir la plaie ? Pour les archivistes, il s’agit d’une « discrète volte-face ». « Le 28 septembre 1973 », Archives, 73.2, (1973), p. 106.
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ont souvent mis en évidence le faible développement de leur discipline, leur manque de dynamisme et les problèmes flagrants d’aménagement de locaux, particulièrement celui du centre des ANQ à Montréal. À cette occasion, le gouvernement québécois, par l’intermédiaire de la ministre des Affaires culturelles, a clairement affirmé qu’il entendait voir reconnu le mandat des ANQ quant à la conservation des archives nationales tel qu’il est défini par la loi. Il reconnaissait, de plus, la spécificité de la pratique professionnelle. Pour les besoins de notre recherche, « l’affaire des manuscrits », la seule crise publique qu’a connue la profession, constitue un moment privilégié où s’est exprimé le discours professionnel relatif à la profession et à la discipline. La responsabilité des documents gouvemementaux179 La préoccupation de l’archiviste de la province ou du conservateur des ANQ de se voir reconnaître la responsabilité des documents gouvernementaux constitue une longue histoire qui se déroule entre 1923 et 1983. Elle est ponctuée de luttes internes que se livrent différents ministères (Conseil du trésor, ministère des Travaux publics et de l’Approvisionnement, ministère des Affaires culturelles) pour le partage de cette responsabilité. Dans son rapport de 1922-1923, Pierre-Georges Roy, alors archiviste de la province, signale qu’en Europe, les différents départements de l’administration publique doivent verser leurs documents qui ne sont plus d’utilité courante à leurs archives nationales et que le Canada vient d’adopter une loi en ce sens. « Pourquoi, écrit-il, les départements de l’administration provinciale ne verseraient-ils pas aux Archives (sic) toutes les pièces qui remontent disons à cinquante ans180 ». Pendant plusieurs années, ce sont surtout des préoccupations d’ordre physique qui amèneront les administrateurs publics à se pencher sur le problème des archives puisque l’accumulation de documents les oblige à en
179. Cette partie de notre ouvrage s’inspire de l’excellent article de Louis Garon paru sur le sujet. Elle ne reprend pas la présentation des événements mais se limite à une synthèse des objectifs des principaux acteurs dans cette lutte de pouvoir. Louis GARON. « Les archives gouvernementales aux Archives nationales du Québec : de l’indifférence aux luttes de pouvoir », Archives, vol. 18, n° 4 (mars 1987), p. 22-40. 180. Rapport de l’Archiviste de la province, 1922-1923, p. x.
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réduire le volume. Les différents comités ad hoc qui sont formés (Comité de destruction des vieux documents, 1944, Comité des archives, 1962, Groupe de travail sur la destruction et la conservation des documents, 1974) démontrent bien la préoccupation principale des administrateurs qui est avant tout de « faire de la place » tout en ne reconnaissant pas aux différents ministères ni aux seules Archives nationales la compétence de détruire des documents sans autorisation préalable. Après s’être préoccupé du contrôle ou de l’autorisation de destruction, le gouvernement s’intéresse aux documents pour des raisons administratives. Au début des années 70, le Conseil du trésor, dans le cadre de ses responsabilités sur l’administration courante des ministères, prend le leadership de la gestion des documents. Il partage ses responsabilités avec le Comité de gestion des documents (les ANQ en font partie) dont le travail se situe au niveau de la préparation des énoncés de politique et de l’approbation des calendriers de conservation et avec le ministère des Travaux publics et de l’Approvisionnement181 qui voit à créer et à gérer un dépôt de documents semi-actifs. La remise en chantier du projet de loi sur les archives en 1977 et les discussions qu’elle suscite préparent la reconnaissance du rôle des ANQ quant aux archives gouvernementales. La Loi sur les archives votée en 1983 vient confirmer cette mission des ANQ et met fin à la présence d’autorités multiples et concurrentes en ce qui concerne la gestion des documents de l’administration publique182. Comme ce fut le cas dans « l’affaire des manuscrits », le gouvernement a pris une fois de plus position en faveur des ANQ et a reconnu leur expertise professionnelle. En même temps, c’est la communauté archivistique qui bénéficie de cette reconnaissance et qui voit son action mieux située dans l’ensemble du processus administratif des organisations. Les archivistes aux Archives nationales du Québec Les ANQ constituent le milieu de travail qui regroupe le plus d’archivistes au Québec. À ce titre, il est intéressant de les observer sous les mêmes angles que nous le ferons ci-après pour les différents secteurs du monde du travail, c’est-à-dire ceux du personnel et des fonctions qu’il exerce. Compte
181. Louis GARON. Op. cit., p. 36. 182. Michel CAUCHON. « La Loi sur les archives, un grand défi pour les Archives nationales du Québec », Archives, vol. 17, n° 1 (juin 1985), p. 113.
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tenu de l’abondance d’informations disponibles sur ces sujets, il est même possible de réaliser une analyse comparative des fonctions et de voir comment ont évolué les tâches des archivistes, autant d’éléments révélateurs du cheminement de la profession et de la discipline. Les Archives nationales du Québec représentent un employeur important pour les archivistes. En 1971-1972, les ANQ comptent 16 employés. En 1987-1988, ce nombre est passé à 124. Parmi ceux-ci, on retrouve en 19711972, dix employés ayant un statut de professionnels et 35 en 1981-1982183. Cette augmentation du nombre d’employés témoigne de l’ampleur qu’a prise cette institution nationale. Le statut du personnel des Archives nationales est très varié. Avec le réaménagement de la fonction publique québécoise, peu de professions se voient reconnaître un statut explicite dans la structure des conventions collectives. C’est donc à l’intérieur de certains corps d’emploi que sont classés les archivistes comme agent culturel ou analyste en informatique et procédés administratifs. Même si la situation s’explique historiquement, il n’en demeure pas moins que cette non-reconnaissance professionnelle – autant pour les archivistes que pour les gestionnaires de documents administratifs – se répercute sur tous les autres milieux de travail, les ANQ pouvant servir de modèle aux autres employeurs. Par les rapports annuels de l’institution, on peut connaître les tâches des archivistes et en mesurer l’évolution. Avant 1961, les rapports présentent des inventaires ou des textes de documents. Avec le rapport de 1961, le contenu des rapports évolue vers plus d’informations sur les activités des archivistes aux ANQ ou sur celles des ANQ elles-mêmes. Ainsi, entre 1960 et 1965, il sera fait mention des acquisitions réalisées et de la nature des documents conservés. En 1966, on signale la préparation d’inventaires. Dans les années 60, les ANQ accusent réception de certains documents gouvernementaux qui ne sont pas d’utilité courante. L’accent est donc mis sur la conservation des documents et le travail des archivistes consiste surtout à réaliser des inventaires et à systématiser le classement. À partir de 1970, le tournant professionnel s’accentue. Ainsi, le rapport annuel présente largement certains fonds au lieu d’en décrire uniquement le contenu. En 1971, il est question d’inventaires, d’expositions, de
183. Les chiffres ne sont disponibles que pour ces années dans les rapports annuels.
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cadres de classement, de microfilms et de gestion et, en 1974, de rédaction d’instruments de recherche et de l’engagement des archivistes dans l’organisation de la gestion des documents administratifs au gouvernement du Québec. Le rapport de 1977-1982 expose l’ensemble des activités des ANQ au cours de ces cinq années. Le contenu du rapport comporte les éléments suivants : inventaire national, protection juridique des archives, aide financière, acquisitions, gestion des archives gouvernementales, conservation et restauration, traitement et description des documents, mise au point des systèmes, traitement de l’image, publications, expositions, services au public, relations publiques, relations avec l’extérieur et activités des centres régionaux. Le dernier rapport de 1987-1988 présente quant à lui, en plus des activités régulières des ANQ, les dossiers majeurs qui font l’objet du travail du personnel tels le congrès de 1992, l’application de la Loi sur les archives, les archives judiciaires, les normes et les procédures, l’informatique et la bureautique. Une analyse sommaire de ces activités permet de constater l’évolution du travail archivistique et l’expansion de la discipline depuis 1960. Entre 1960 et 1970, le travail de l’archiviste porte sur la réalisation d’inventaires, sur la classification de fonds et la préparation d’instruments de recherche. Les années 70 sont marquées par un élargissement des activités archivistiques. Aux tâches déjà accomplies relativement à la classification et au traitement des documents s’ajoutent la microreproduction, les expositions, la référence et la gestion des documents. Le rapport de 1977-1982 fait état d’un ensemble d’activités relatives à toute la chaîne documentaire : acquisition, traitement et diffusion en plus de plusieurs autres activités complémentaires reliées à leur rôle d’institution nationale. L’histoire des ANQ, les événements qui les ont marquées et les projets qu’elles ont menés, ont eu des répercussions sur la profession et sur la discipline archivistique au Québec et constituent des manifestations des transformations du milieu professionnel lui-même. Les prises de position gouvernementales relatives aux ANQ ont favorisé leur développement ainsi que l’élargissement de leur mandat. De la loi de 1969 à la loi de 1983 et par le biais de la reconnaissance de leur rôle dans « L’affaire des manuscrits le pouvoir politique a tranché en faveur des ANQ en même temps qu’il affirmait sa reconnaissance de la profession. Les Archives nationales du Québec ont fait connaître les archives, les archivistes et l’archivistique. Par leur inventaire national, elles ont identifié les archives existantes tout en sensibilisant leur propriétaire à la valeur qu’elles représentent tandis que par la régionalisation, elles ont augmenté l’accessibilité des documents. Enfin,
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par les calendriers de conservation, elles ont été amenées à conseiller les administrations. Autant d’actions qui, par les objectifs qu’elles poursuivaient, concouraient à cette reconnaissance. Malgré tous ces éléments positifs, les ANQ ne semblent pas avoir réussi à inspirer toute la confiance qu’elles pouvaient souhaiter. « L’affaire des manuscrits » a mis en lumière la faiblesse de leur leadership alors que quelques projets n’ont pas donné le résultat escompté, particulièrement en ce qui a trait à l’informatisation des opérations archivistiques. L’élargissement de leur mandat conféré par la Loi sur les archives, en 1983, demande sûrement une étape d’ajustements afin de permettre une réponse plus adéquate aux attentes qu’il a créées. En suscitant différents projets, les ANQ ont tout de même contribué à faire avancer la profession et la discipline. La présentation du travail qui se réalise dans les autres milieux pourra permettre de situer les ANQ dans l’évolution de la pratique archivistique elle-même. Le secteur gouvernemental Le secteur gouvernemental comprend les ministères ainsi que les organismes et les entreprises d’État. À cause de son ampleur, il constitue un milieu où les activités archivistiques sont nombreuses, où l’éventail de catégories de personnel qui y sont affectées est grand et où la dépendance hiérarchique peut être révélatrice de la perception des tâches qu’elles comportent. C’est le ministère de l’Éducation qui a été le chef de file de l’organisation de la gestion des documents au gouvernement du Québec. En 1966, le « ministère de l’Éducation du Québec mandate la firme Records Management of Canada pour entreprendre son programme de gestion des documents184 ». Par la suite, ce ministère crée un service de gestion et met en place des politiques et des procédures susceptibles d’améliorer la gestion des dossiers. Ces politiques et procédures, inspirées des pratiques américaines en ce domaine, serviront de modèles à l’organisation de la gestion des documents dans plusieurs autres ministères. Après l’abolition du Secrétariat de la province en 1969, c’est le Conseil du trésor qui assume la responsabilité de la gestion des documents dans les ministères. C’est parce qu’ « il jouit de pouvoirs délégués [...] en matière de politiques administratives185 » que le Conseil du trésor assume
184. Jacques Renaud. « La gestion des documents », Archives, vol. 9, n° 4 (mars 1978), p. 15. 185. Patrick MORAN. « La gestion des documents au gouvernement du Québec », Archives, vol. 9, n° 2 (décembre 1977), p. 13.
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ces fonctions. Après l’adoption de la Loi sur les archives en 1983, il partage ses responsabilités avec le ministère des Affaires culturelles et le conservateur des ANQ, les uns adoptant les politiques tandis que l’autre est chargé des opérations relatives à sa mise en application186. Dans le milieu gouvernemental, plus particulièrement dans les ministères, c’est le terme « gestion des documents » qui est couramment utilisé pour désigner les activités relatives au traitement des documents actifs et semi-actifs187. Dans les ministères et les organismes, les services de gestion des documents dépendent principalement des directions de l’administration. Une compilation des réponses à une enquête menée conjointement en 1988 par les ANQ et le ministère des Communications188 permet de constater la présence d’une très grande variété de directions auxquelles sont rattachés les services de gestion des documents. Elles ont toutefois en commun d’être responsables des services administratifs des ministères bien que l’on note de rares exceptions. Ainsi, certains services dépendent du secteur de la planification, d’autres des communications, des systèmes informatiques, des ressources informationnelles ainsi que des technologies de l’information. Les documents actifs et semi-actifs sont identifiés surtout comme une ressource administrative. Cette même enquête révèle le nombre et le statut du personnel affecté à ces services. Il apparaît que, parmi les 203 personnes oeuvrant dans les services de gestion de documents, on compte 14 cadres, 54 professionnels, 59 techniciens189 et 66 employés de bureau. Le milieu présente donc des activités suffisamment complexes pour exiger la présence de professionnels et de techniciens.
186. Loi sur les archives, C. A-21.1, art. 4. 187. Les documents à valeur permanente des ministères et des organismes d’État étant en principe versés aux ANQ, aucune activité sur ces documents n’est réalisée dans le milieu lui-même. 188. Murielle DOYLE. « La situation de la gestion des documents... », op. cit., p. 39-73. 189. Une enquête réalisée en 1977 faisait état de deux types de technicien engagés en gestion des documents dans les ministères : des techniciens en documentation et des techniciens en administration. Jacques RENAUD. « Dotation et développement des ressources humaines en gestion des documents au gouvernement du Québec », Archives, vol. 11, n° 1, (juin 1979), p. 40.
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L’enquête des Archives nationales du Québec, qui portait sur les activités archivistiques informatisées, ne représente donc pas l’ensemble des opérations qui y sont accomplies. Toutefois, leur énumération est révélatrice des opérations qui sont suffisamment bien définies pour en permettre l’informatisation. Cette enquête indique entre autres que les principales activités de gestion informatisées sont la description des dossiers actifs, le plan de classification, le calendrier de conservation, les documents de référence, les documents essentiels, la jurisprudence, le texte des procès-verbaux, la description des semi-actifs et la gestion de la correspondance190. Même si l’enquête cherchait d’abord à déterminer les activités de gestion informatisées, on peut en déduire que ces mêmes activités sont réalisées manuellement. Cette situation correspond en général à celle décrite en 1977 dans une enquête réalisée par Jacques Renaud et Robert Garon pour le Comité de gestion des documents du Conseil du trésor. Celle-ci révélait alors que les principaux « programmes réalisés ou en cours portaient sur l’établissement d’un calendrier de conservation, l’introduction d’un système de classification uniforme, l’utilisation du microfilm, le recours à l’informatique pour fins de référence, la coordination de services de courrier et de reprographie, le préarchivage, l’organisation d’activités de formation et d’information, la gestion du formulaire et la documentation191. Il est donc possible d’affirmer que, dans les ministères, les activités de gestion des documents portent sur la classification, le calendrier de conservation, l’identification et la protection des documents essentiels, le microfilm, le traitement des procès-verbaux, le traitement des documents semi-actifs, la gestion de la correspondance et des formulaires, la formation, les documents de référence et la jurisprudence. Dans les ministères et les organismes, c’est donc la gestion des documents actifs et semi-actifs qui prime. Cependant, l’apparition de certaines activités telles que le traitement des procès-verbaux, la gestion de la correspondance et la création des outils de repérage indique une tendance vers la gestion de l’information. Le secteur de l’enseignement Le secteur de l’enseignement comprend les universités, les collèges et les commissions scolaires.
190. Yvan LAUZON. Faits saillants de l’enquête sur l’état de la situation de la gestion des documents au gouvernement du Québec. [Québec], ministère des Communications, 1989, non paginé. 191. Jacques RENAUD. Op. cit., p. 40.
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Les universités Les universités québécoises ont pour la plupart un service d’archives. Il est créé à l’Université McGill peu après 1960, à l’Université Laval en 1964 et à l’Université de Montréal en 1966192. Lors de leur création en 1969, l’Université du Québec et ses constituantes se sont dotées d’un service d’archives. L’Université Concordia possède aussi le sien. Seule l’Université de Sherbrooke est encore en voie d’organisation dans ce domaine. Dans les universités, les services d’archives relèvent généralement du secrétariat général bien que quelques-uns soient sous la compétence du directeur de la bibliothèque de l’établissement193 ou de diverses instances administratives. En 1983, approximativement 60 personnes travaillaient dans les services d’archives universitaires. Parmi celles-ci, on comptait des cadres ou des professionnels (24), des techniciens (23) dont la plupart avaient une formation en techniques de la documentation et des secrétaires ou des commis (13)194. Le mandat des services d’archives est de « gérer les documents administratifs de l’institution195 ». À ce titre, ils interviennent généralement dans le domaine de la gestion des documents administratifs au plan des documents actifs et semi-actifs196 » tout en assumant la responsabilité des documents à valeur permanente. Dans plusieurs services d’archives universitaires, le mandat du service comporte aussi un volet relatif à l’acquisition, au traitement et à la diffusion des archives privées ou non institutionnelles. Les principales activités inventoriées lors de l’enquête menée par Guy Dinel et Denys Chouinard197 sont : le traitement des procès-verbaux, la gestion des documents administratifs (entreposage des documents
192. Claude LESSARD. « Les archives éducatives » Archives, 69.1, (1969), p. 11. 193. C’est le cas du Service des archives régionales à l’Université du Québec à Rimouski et du Centre de documentation en études québécoises à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Denys CHOUINARD et Guy DINEL. « Les archives universitaires au Québec », Archives, vol. 15, n° 3 (décembre 1983), p. 7. 194. Denys CHOUINARD et Guy DINEL. Op. cit., p. 8-9. 195. Jacques DUCHARME. « L’établissement du statut juridique des fonds privés au Service des archives de l’Université de Montréal », Archives, vol. 7, n° 2 (septembre 1975), p. 120. 196. Denys CHOUINARD et Guy DINEL. Op. Cit., p. 7. 197. Denys CHOUINARD et Guy DINEL. Op. Cit., p. 5-19.
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semi-actifs, classification des documents actifs, élaboration et mise en application d’un calendrier de conservation, protection des documents essentiels et microphotographie) et d’autres activités relatives aux archives historiques (acquisition, conservation, traitement, diffusion). Le milieu archivistique universitaire constitue un milieu où la concertation a joué un grand rôle dans la mise au point des méthodes de travail. Depuis 1977, les responsables de service se rencontrent dans le Groupe de travail des responsables d’archives universitaires et y partagent expériences et projets. En plus de favoriser l’amélioration des services euxmêmes, cette initiative a permis l’approfondissement de plusieurs aspects de la discipline telles l’étude sur la Loi sur la preuve photographique, la politique de protection des documents essentiels, l’étude du cheminement, de la conservation et du traitement des dossiers d’individus, la politique d’acquisition des archives privées198. Ces réflexions ont par ailleurs inspiré le travail professionnel dans d’autres milieux, notamment dans le secteur de l’enseignement où l’expertise était directement transférable. Les collèges classiques et les cégeps Les collèges classiques disparaissent avec la réforme de l’enseignement pour faire place en 1967 aux collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps). Toutefois, plusieurs établissements demeurent et se constituent en corporation privée. Nombre d’entre eux conservent leurs archives constituant ainsi des lieux de recherche à cause de la richesse de leur dépôt, tel celui du Séminaire de Québec. Mais c’est plutôt à la situation dans les cégeps que nous nous attarderons dans cet ouvrage. Ce n’est donc que dix ans après leur création que les cégeps amorcent un mouvement vers la gestion de leurs documents. C’est le Cégep du VieuxMontréal qui fait œuvre de pionnier en produisant et publiant, en 1978, une classification modèle pour les documents administratifs des cégeps199. À partir de ce moment, d’autres cégeps emboîtent le pas et mettent sur pied d’autres activités.
198. Guy DINEL. « Le Groupe de travail des responsables d’archives universitaires du Québec (CREPUQ) », Archives, vol. 13, n° 1 (juin 1981), p. 38-40. 199. Cégep du Vieux-Montréal, Montréal, Gestion documentaire ; système de classification, Montréal, Le Cégep, 1978, 197 p. Cégep du Vieux-Montréal, Montréal, Liste alphabétique numérique de classement, Montréal, Le Cégep, 1978, 197 p. Cégep du Vieux-Montréal, Montréal, Dictionnaire des descripteurs, Montréal, Le Cégep, 1978, 197 p.
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Dans les nouveaux collèges d’enseignement, la responsabilité des documents revient au secrétaire général de chaque établissement. C’est donc sous son autorité que travaille le responsable de la gestion des documents ou des archives. L’étude des offres d’emploi fournit par ailleurs quelques informations sur le personnel qui y est embauché. Ainsi, deux postes ont été ouverts dans les cégeps entre 1980 et 1985 pour lesquels on exige que la personne ait reçu une formation en techniques de la documentation. Enfin, l’enquête d’ARMA révèle la présence d’une personne responsable de la gestion des documents dans plusieurs cégeps. Il demeure impossible toutefois d’en tirer certaines statistiques. Les offres d’emploi mentionnent les différentes tâches qui devront être exécutées. Aussi note-t-on quelques fonctions privilégiées. Par exemple, on veut mettre en place un système de gestion documentaire comprenant la classification et sa mise à jour, un système de repérage, l’épuration des dossiers, l’archivage ainsi que l’identification et la protection des documents essentiels et la formation du personnel. Les informations recueillies sur l’implantation de l’archivistique dans les cégeps fournissent quelques éléments sur le personnel et les fonctions. Ainsi, compte tenu de la petite taille de ces établissements, le secrétaire général, assumant la responsabilité des documents dans l’organisme de par sa fonction, semble en même temps prendre en charge les tâches qui pourraient être réservées à un professionnel alors que des techniciens sont engagés pour réaliser les autres tâches. Les cégeps avaient déjà fait des efforts en vue de se doter d’instruments de gestion, plus particulièrement en ce qui concerne la classification des documents, aussi étaient-ils prêts à s’engager rapidement dans l’application de la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur les archives. Les commissions scolaires Les commissions scolaires ont vécu une situation particulière. La restructuration des niveaux d’enseignement lors de la réforme de l’enseignement au milieu des années 60 a complètement modifié leur structure. Certaines commissions scolaires sont demeurées responsables de l’enseignement primaire tandis que d’autres ont assumé la responsabilité du secteur secondaire dans leur milieu. De nouvelles commissions scolaires régionales ont été créées. Les problèmes archivistiques que présente une telle situation ont été exprimés par l’Association des archivistes du Québec200 devant la corn-
200. « L’Association des archivistes du Québec et la restructuration scolaire sur l’Île de Montréal », Archives, 71.2 (1971), p. 44-47.
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mission parlementaire chargée d’étudier le projet de loi sur la restructuration scolaire sur l’Île de Montréal. Par les mémoires présentés par les secrétaires généraux des commissions scolaires sur le travail qu’ils avaient réalisé, notamment dans le domaine du traitement des documents ayant appartenu à leurs anciennes commissions scolaires, on apprend que les activités archivistiques dans ces organismes ont été effectuées à partir d’initiatives locales et à même les subventions qu’ont souvent fournies les différents projets gouvernementaux fédéral ou provincial de création d’emploi ou d’emplois pour étudiants ou pour personnes en recherche d’emploi201. Les documents des commissions scolaires sont confiés à leur secrétaire général qui partage cette responsabilité avec un personnel dont il est difficile d’évaluer le niveau et les fonctions. Aucune offre d’emploi n’ayant été affichée dans les journaux entre 1980 et 1985 pour la fonction d’archiviste ou de gestionnaire de documents dans les commissions scolaires, et comme d’autres sources nous permettent de savoir qu’on y fait de la gestion des documents, on peut présumer que ces organismes ont procédé par un affichage interne et par le perfectionnement du personnel en place. Les principales fonctions qui ressortent de l’atelier tenu lors du congrès de l’AAQ de 1980 sont relatives au traitement des procès-verbaux, à la classification, au repérage, à l’entreposage de documents semi-actifs. La concertation du milieu a permis la mise au point d’un logiciel de gestion des documents, disponible au gouvernement du Québec, qui a été vendu aux commissions scolaires en même temps que d’autres logiciels de comptabilité. Ce logiciel, GESDOC, permet la gestion du système de classification, des dossiers actifs et semi-actifs et du calendrier de conservation. Il permet aussi le traitement des procès-verbaux ainsi que la création d’instruments de recherche pour le traitement des archives à valeur permanente. Le secteur de la santé et des services sociaux Le milieu hospitalier, comme celui de l’enseignement, est passé entre les mains de l’État en 1960. Les administrations privées, religieuses et autres ont laissé la place à des corporations publiques. L’évaluation du secteur de la santé porte sur les hôpitaux et tous les autres établissements qui s’occupent des services sociaux tels les centres
201. Commission professionnelle des secrétaires généraux des commissions scolaires du Québec. « Mémoire sur le projet de loi 3 intitulé Loi sur les archives », Archives, vol. 15, n° 1 (juin 1983), p. 77-78.
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locaux de services communautaires (CLSC), les centres de services sociaux (CSS), les conseils régionaux des services de santé et de services sociaux (CRSSS) et les centres d’accueil. Les hôpitaux On connaît peu l’état de l’archivistique dans les hôpitaux, l’enquête d’ARMA n’y relevant que peu de services de gestion des documents organisés. Ceux qui le sont relèvent de la direction générale, des services de ressources humaines ou des services professionnels. Parmi les documents que l’on trouve dans les hôpitaux, les dossiers médicaux ont toujours reçu une attention particulière. Leur traitement est suffisamment complexe pour justifier la naissance d’une profession soit celle des archivistes médicaux qui sont reconnus par la Loi sur les services de santé et les services sociaux comme professionnels de la santé. Les offres d’emploi parues dans les journaux entre 1980 et 1985 s’adressent à des techniciens en documentation, en secrétariat, en administration et en informatique. C’est donc à cette catégorie de personnel que l’on semble confier la mise en place de certaines opérations archivistiques. Les fonctions identifiées par les hôpitaux pour l’engagement du personnel sont directement reliées aux exigences des lois. Ainsi, on demande une personne pouvant mettre sur pied tous les mécanismes de même que toutes les politiques et procédés nécessaires au respect de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels de même que de la Loi sur les archives. Les centres locaux de services communautaires et les autres organismes Les centres locaux de services communautaires (CLSC), les conseils régionaux de la santé et des services sociaux (CRSSS) et les centres de services sociaux (CSS) sont des organismes qui complètent le réseau des services de santé du Québec. Ce sont des organismes dont la mise en place ne remonte qu’au milieu des années 70202. C’est par les offres d’emploi que l’on peut avoir un aperçu des tâches archivistiques qui y sont accomplies. Entre 1980 et 1985, deux offres
202. À l’exception des CSS qui existaient déjà mais dont la vocation a été réorientée compte tenu de la présence d’autres organismes.
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d’emploi proviennent des CRSSS et deux, des CSS. Dans le cas des CRSSS, la personne demandée doit pouvoir assumer la responsabilité de la bibliothèque en même temps que celle de la gestion des documents et des archives historiques. Dans les CSS, le travail proposé se situe dans le cadre de la gestion de l’information. La présence d’un personnel limité dans ces milieux explique le cumul de fonctions par une même personne. À certains endroits, c’est l’archiviste médical qui ajoutera la gestion des documents administratifs à la gestion des dossiers médicaux. Le secteur municipal Le secteur municipal comprend les municipalités et villes de la province. Les différences de taille entre chacune sont si grandes qu’il est difficile de généraliser les informations. Cette partie de notre étude s’inspire de la recherche de Ginette Noël portant sur les municipalités de plus de 10 000 habitants et sur quelques-unes seulement de population moindre203. L’auteure de l’enquête constate l’intérêt de ces organismes pour l’organisation de leurs documents, surtout depuis quelques années. Elle explique ce phénomène par le fait que les municipalités doivent fréquemment fournir des copies de documents, par les besoins créés par la lourde législation qui régit les municipalités, par la réorganisation administrative nécessitée par les fusions et les nouvelles méthodes de gestion adoptées dans plusieurs municipalités. Avant l’adoption des lois sur l’accès à l’information et sur les archives, les municipalités disposent déjà de directives concernant la gestion des documents administratifs. Ainsi, en 1980, le ministère des Affaires municipales distribue un document indiquant différentes procédures relatives à la gestion des documents administratifs204. De plus, une archiviste ayant déjà œuvré dans le domaine municipal prépare un cadre de classification relatif aux documents des municipalités et assure la formation nécessaire à sa mise en application. Les milieux plus importants comme les villes de Québec, Montréal, Ville Saint-Laurent mettent au point des méthodes de travail qui servent de modèles à d’autres milieux tant pour la gestion de leurs documents courants que pour l’organisation et le traitement des documents à
203. Ginette NOËL. « L’archivistique et la gestion des documents dans les municipalités du Québec », Archives, vol. 13, n° 3 (décembre 1981), p. 15. 204. La gestion des documents municipaux ; guide proposé aux responsables de la gestion documentaire dans les municipalités. [Québec], ministère des Affaires municipales, Direction générale des relations avec les municipalités, 1980, 31 p.
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valeur permanente. Lors de leurs rencontres annuelles, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec et la Corporation des secrétaires municipaux offrent régulièrement des séances d’information sur des sujets relatifs à l’administration des documents courants. Les grandes municipalités disposent donc de services d’archives plus ou moins élaborés selon les priorités que se donne chaque administration. L’enquête de Ginette Noé ! révèle que de manière générale, les dossiers actifs, ceux indispensables à la prise de décision, sont l’objet d’une plus grande attention que ceux dits à caractère historique205 ». Les principales activités qui y sont réalisées ont trait aux systèmes de classification, aux calendriers de conservation, au centre de préarchivage, au microfilm, à la protection des documents essentiels et à l’accessibilité206. Les documents municipaux sont sous la responsabilité des greffiers ou des secrétaires des municipalités. Les services d’archives dépendent donc de ces fonctionnaires municipaux dans les milieux où ces services existent. Les offres d’emploi (12) font appel à du personnel pour assumer des responsabilités à tous les âges des documents, c’est-à-dire à l’âge actif, l’âge semi-actif, à l’âge inactif ou à valeur permanente. Dans le secteur municipal, les activités archivistiques semblent être bien couvertes, du moins dans les grandes municipalités. Le secteur privé La gestion des archives dans le secteur privé est plus difficile à évaluer à cause de la diversité des entreprises qu’il couvre. Il y est question tout autant des sociétés historiques que d’établissements comptant des centaines d’employés. Certains secteurs sont toutefois mieux connus tels ceux des archives religieuses et de certaines entreprises de grande taille qui ont déjà des services organisés. De nouveaux milieux apparaissent aussi dans la cueillette des offres d’emploi. Cette description, même incomplète, permet de constater que l’archivistique a fait des percées dans le secteur privé.
205. Ginette NOËL. Op. cit., p. 11. 206. Idem, p. 13-14.
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Les services d’archives religieuses Les services d’archives religieuses comprennent les services des différentes communautés religieuses et celles relatives à l’administration de l’Église dans les évêchés ou les paroisses. Les communautés religieuses, tant d’hommes que de femmes, ont investi beaucoup d’efforts dans l’organisation de leurs archives. Au Québec, elles ont amorcé le mouvement professionnel en permettant à leurs archivistes de participer à la fondation de l’Association des archivistes du Québec. Elles ont été par ailleurs à l’origine de cours de formation en archivistique offerts pendant plusieurs années à Cap-Rouge. Le Comité des archives religieuses, entre autres, a travaillé intensément à l’uniformisation des méthodes de travail entre 1969 et 1972 : élaboration d’un cadre de classement, préparation de politiques d’accès aux documents. Les archives des paroisses et celles des évêchés ont bénéficié très tôt d’une attention particulière dans leur organisation. Le fait que ces instances participent à l’administration civile (par l’enregistrement des baptêmes, mariages, sépultures) explique en partie cette situation. C’est d’abord dans un but de conservation que les documents ont été traités mais la situation évoluant, des objectifs de diffusion se sont ajoutés. « Auparavant, on se contentait souvent de les [les archives] conserver. Aujourd’hui, on veut les utiliser et pour cela les organiser207 ». Ce nouvel intérêt est suscité en partie par l’avancement des études en histoire208 et par le mouvement de renouveau suscité par le Concile Vatican II tant dans sa phase de préparation que dans celle de son application209. Un archiviste religieux s’inquiète toutefois de la situation réelle des archives religieuses : De louables efforts ont été faits, au Québec dans de nombreuses chancelleries diocésaines ; plusieurs communautés ont montré la voie et ont su investir en personnel, énergie et argent pour se doter d’archives bien à jour. L’intérêt s’est accru considérablement. Les résultats répondent-ils toujours aux projets ou aux efforts ? Nos archives paroissiales,
207. François BEAUDIN. « Les archives religieuses au Québec ; leur importance historique et leur mise en valeur », Archives, 69.1 (1969), p. 24. 208. Idem, p. 23. 209. Charles MOLETTE. « Un aspect peu connu du renouveau post-conciliaire : l’aggiornamento des bibliothèques et des archives religieuses », Archives, 69.2 (1969), p. 50-51.
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par exemple, répondent-elles vraiment aux normes de l’archivistique ? Les projets sont-ils suffisamment mûris et la collaboration est-elle assez prononcée entre les responsables : administrateurs et archivistes210 ?
On fait peu état de la gestion des documents actifs et semi-actifs dans le secteur des archives religieuses, mais leur vocation historique, elle, semble être bien reconnue. Les entreprises privées On dispose de peu d’informations sur la gestion des documents administratifs et sur l’archivistique dans le secteur des entreprises privées. La revue Archives a présenté l’histoire de l’organisation des archives historiques de la Banque de Nouvelle-Écosse211 et l’organisation de la gestion des documents administratifs de l’Assurance-Vie Desjardins212. Les informations contenues dans l’enquête d’ARMA proviennent des banques et des compagnies. Plusieurs réponses, regroupées avec les banques, viennent des caisses populaires où la gestion des documents est implantée à peu près partout. Les compagnies mentionnées appartiennent aux grandes entreprises telles l’Alcan, Kruger, Bell Canada et Gaz Métropolitain. La plupart ont un service de gestion rattaché à la bibliothèque, au secrétariat général ou aux affaires publiques et plusieurs de leurs opérations sont informatisées. HydroQuébec a fait œuvre de pionnier dans le domaine de la gestion des documents et son expérience sera suivie dans plu-sieurs milieux. Elle sera connue surtout par les cours que donnera son directeur, Denis Delongchamp. L’étude des offres d’emploi révèle la présence d’un marché très diversifié, avec des exigences de formation différentes et de nouveaux besoins. Le plus grand nombre de demandes répertoriées entre 1980 et 1985 provient d’organismes à but non lucratif de taille petite et moyenne213. Ils réclament des bibliotechniciens, des gestionnaires de documents, des archivistes pour assumer la responsabilité de toute la documentation de
210. Compte rendu par René Côté d’un article paru dans Georgia Archives, 1976, vol. 4, n° 2, p. 132 et 140 et intitulé « Minimum Standards for Church Archives », Archives, vol. 11, n° 4 (mars 1979), p. 54. 211. Claude W. DOUCET. « La rentabilité des archives dans l’entreprise privée : le cas de la Banque de Nouvelle-Écosse », Archives, vol. 10, n° 4 (mars 1979), p. 11-16. 212. Jean CARRIER. « Archives de l’Assurance-vie Desjardins », Archives, 71.3 (1971), p. 11-21. 213. Alliance des professeurs de Montréal (1984), Le Centre canadien d’architecture (1984), Mutuelle des fonctionnaires (1984), Microfor (1983), Congrès juif canadien (1982), Organisation juive nationale (1980).
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l’organisme, qu’elle soit administrative ou de référence, pour gérer l’ensemble de l’information nécessaire à l’administration de l’organisme (indexation de textes de lois entre autres), pour réaliser des instruments de recherche ou pour créer des instruments de repérage. Un organisme d’entraide internationale214 demande les services d’un archiviste-bibliothécaire tandis qu’une firme de conseillers en administration215 souhaite engager un cadre supérieur pouvant assurer la supervision de la bibliothèque et l’ensemble des services de gestion des documents incluant la gestion du courrier. Les caisses populaires désirent engager des bibliotechniciens pour implanter et mettre à jour le système de classification. Le secteur privé constitue, on le voit, un marché des plus diversifiés qui présente des besoins spécifiques liés à l’administration et à la gestion de l’information. Ce tour d’horizon de la situation de l’archivistique dans les différents milieux de travail a donc permis de décrire les principaux aspects relatifs à l’intégration de la profession dans ces milieux, à la place qu’elle occupe dans la hiérarchie ainsi qu’aux fonctions qu’elle comporte. Sur le plan chronologique, l’archivistique prend son essor au milieu des années 60 : les ANQ élargissent le champ de leurs activités ; le gouvernement se préoccupe de la gestion des documents ; les universités s’organisent. L’autre temps fort de ce développement est amorcé par les lois de 1982 et 1983 qui rejoignent alors l’ensemble des ministères et organismes publics et parapublics. Les services qui assument la responsabilité des activités archivistiques dans les divers organismes sont rattachés à des divisions administratives ou à la personne responsable des documents de l’organisme tel le secrétaire général ou le greffier. Ils regroupent un personnel de divers niveaux (cadre, professionnel, technicien, employé de bureau) selon la taille de l’organisme et du service. Dans les organismes de plus petite taille, il semble que l’on soit porté à engager surtout des techniciens. Cette caractéristique est aussi présente dans les milieux qui ont été créés après les lois de 1982 et 1983. Les nouveaux milieux, entre autres ceux du secteur privé, demandent un personnel plus polyvalent, pouvant assumer des tâches s’étendant à l’ensemble de la vie des documents en utilisant plusieurs supports d’information. Les fonctions archivistiques s’élargissent considérablement après 1960. Le travail sur les archives dites historiques, où traditionnellement se situent les tâches de l’archiviste, se complexifie. Les instruments de
214. Centre d’études et de coopération internationale (CECI) (1984). 215. Price Waterhouse et Ass. (1984).
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recherche s’y raffinent car les besoins de la recherche obligent à repenser la diffusion et le mode d’accès aux documents. Parallèlement se développe un nouveau secteur d’activité lié à la gestion des documents actifs et semi-actifs auquel les archivistes sont appelés à participer dans plusieurs milieux. Les lois sur l’accès à l’information et sur les archives viennent par ailleurs confirmer l’importance des instruments de travail que les archivistes ont mis au point et raffinés dans les années 70 et reconnaissent implicitement leur rôle sur l’ensemble de la vie des documents. L’impact des lois se fait sentir dans les divers milieux par l’accent qu’ils mettent à se doter de classification et de calendrier de conservation pour leurs documents. Enfin, il semble ressortir de ce survol des milieux, que la place des documents à conservation permanente est mieux délimitée dans les milieux qui ont mis sur pied leurs services avant 1980 comme les municipalités et les universités. Ce tour d’horizon a en outre permis de mesurer le degré d’implantation de la discipline et d’intégration de la profession dans les différents milieux. Il montre que l’archivistique a rejoint un grand nombre de milieux et qu’elle s’est imposée par l’efficacité de ses méthodes. Le nombre croissant de ses professionnels et la variété des fonctions exercées démontrent la reconnaissance accordée à la profession et à la discipline. Il apporte donc un éclairage particulier à notre étude. LES COURANTS DE PENSÉE SUR L’ARCHIVISTIQUE AU QUÉBEC L’archivistique québécoise s’est développée à partir des influences française et américaine. Toutefois, sans vouloir s’en détacher, elle s’est donnée une image propre de même qu’une base théorique pour l’appuyer. Pour compléter le tableau sur la genèse et les caractéristiques de l’archivistique au Québec, il est opportun de présenter les courants de pensée qui sont véhiculés sur la profession et sur la discipline. Bien qu’il y ait peu d’écrits sur le sujet, on peut dire qu’ils traduisent bien le vécu professionnel. Un premier courant de pensée a débuté vers 1970 et s’est perpétué pendant les années 80. Il aborde l’archivistique comme une discipline englobant la vie entière des documents. Ses promoteurs la définissent ainsi : « discipline qui recouvre les principes et les techniques régissant la création, le traitement, la conservation et l’utilisation des archives216 ». Les archives y
216. Carol COUTURE et Jean-Yves ROUSSEAU. Op. cit., p. 281.
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sont définies comme « ’ensemble des documents créés ou reçus par une personne physique ou morale, publique ou privée, dans l’exercice de ses activités217 »» Cette conception des archives remonte comme nous le disions au début des années 70. Lors d’une présentation des archives du Québec dans l’Annuaire du Québec 1970, Jacques Mathieu, alors archiviste au Archives nationales du Québec, affirme que l’on « reconnaît les fins culturelles de cette institution » mais que l’on « ignore souvent sa valeur administrative218 ». À travers la présentation du fonctionnement de l’institution elle-même, il propose des améliorations qui devraient y être apportées afin de combler cette faiblesse qui a des répercussions sur les archives à valeur permanente. Cette conception sera reprise quelques années plus tard et sera appliquée à l’archivistique en général. Trois articles parus dans la revue Archives présentent le fondement de cette approche et y apportent une justification théorique. Le premier, écrit en 1974 par trois archivistes, démontre que l’archivistique est une profession en pleine mutation et que la gestion des documents l’a mise devant une réalité nouvelle qu’il lui faut intégrer219. Un deuxième article, publié en 1980 par deux archivistes de l’Université de Montréal, présente une théorie de l’archivistique fondée sur des données historiques. Par une argumentation théorique, ils prouvent l’interdépendance des archives historiques et de la gestion des documents220. Cette réflexion avait été précédée d’un article sur l’intégration de la gestion des documents et de l’archivistique221. Ces articles constituent le fondement de l’approche intégrée des archives telle qu’elle est véhiculée par l’ouvrage Les archives au XXe siècle paru en 1982. Ce livre, divisé en trois parties, Archives et société, Archives et administration et Archives et
217. Carole COUTURE et Jean-Yves ROUSSEAU. Op. cit., p. 281. 218. Jacques MATHIEU. « Les archives du Québec », Annuaire..., op. cit., p. 311. 219. André BISSONNETTE, Murielle DOYLE-FRENIÈRE et André FRENIÈRE « Vers une nouvelle conception de l’archivistique », Archives, vol. 6, n° 1 (juin 1974), p. 15-19. 220. Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. « L’interdépendance des archives et de la gestion des documents : une approche globale de l’archivistique », Archives, vol. 12, n° 1 (juin 1980), p. 5-28. 221. Jean-Yves ROUSSEAU. « L’archivistique et la gestion des documents ; évolution, différenciation et intégration », Archives, vol. 11, n° 3 (décembre 1979, p. 3-7.
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recherche222, regroupe sous chaque partie les principes et méthodes de travail qui s’y appliquent. L’autre courant de pensée relève du vécu plus que d’une approche théorique. Il s’inspire de la coutume américaine qui distingue la gestion des documents de l’archivistique, la première étant une profession qui gère les documents actifs et semi-actifs tandis que la seconde s’occupe essentiellement de l’organisation, du traitement et de la diffusion des archives historiques. Il y a donc deux types d’archiviste professionnel : le gestionnaire de documents et l’archiviste ; deux champs d’étude : la gestion des documents et l’archivistique et deux types de document : les documents administratifs (à l’état actif et à l’état semi-actif) et les archives (documents à valeur permanente). Le manuel de Michel Roberge, La gestion des documents administratifs223, reprend cette approche et présente les différentes opérations de la gestion des documents administratifs. Le terme utilisé pour la profession et pour la discipline dans cette approche correspond à la réalité d’une partie du marché du travail. Plusieurs organismes, dont le gouvernement du Québec, distinguent, selon ces catégories, les employés qu’ils engagent. Plusieurs adeptes de cette formule se sentent mal à l’aise devant l’effort qui est fait pour rapprocher l’archivistique historique de la gestion des documents et croient y perdre leur identité. Il ressort [...] que les « records managers » n’ont plus leur place dans la nouvelle mosaïque de l’archivistique. Ceux-là même à qui l’on a emprunté les méthodes dynamiques de gestion documentaire, ceux qui sont, sans contredit, à l’origine du nouveau concept des archives et de la modernisation de l’archivistique sont laissés pour compte, comme s’ils ne pouvaient être considérés comme des professionnels au même titre que l’archiviste224.
222. Les divisions adoptées dans ce livre rejoignent la pensée de Robert-Henri Bautier dans son texte sur les archives où il présente les nouvelles tâches de l’archiviste en deux parties : les archives au service de l’administration et les archives au service de l’histoire et de la culture. Voir L’histoire et ses méthodes, Paris, Encyclopédie de la Pléiade, 1967, p. 1151-1161. 223. Michel ROBERGE. La gestion des documents administratifs ; préface de Robert Garon, La Pocatière, Documentor, 1983, 216 p. (Accès à l’information administrative) 224. Murielle DOYLE. « Peut-on sérieusement croire à l’interdépendance des archives et de la gestion des documents en Amérique du Nord », Archives, vol. 12, n° 4 (mars 1981), p. 79.
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Une autre approche se dessine actuellement. Elle constitue une forme d’approche globale de l’archivistique et utilise un autre vocabulaire ainsi qu’une autre assise théorique. Elle s’exprime dans un manifeste » de trois pages qui précède une bibliographie sur la gestion des documents administratifs225. En appliquant le modèle d’analyse systémique développé en sciences administratives, Michel Roberge et ses collègues présentent la « gestion des documents administratifs et des archives ». Peu importe le type de document sur lequel intervient le gestionnaire – documents administratifs actifs ou semi-actifs ou archives (document à valeur permanente) – il adopte la même approche fondée sur l’analyse de système. Ces courants de pensée ont des répercussions dans le milieu professionnel lui-même. Aussi l’AAQ a-t-elle vécu des situations de tension. En 1974, une section regroupant les gestionnaires de documents administratifs est fondée à l’intérieur de l’AAQ, l’autre réunissant les archivistes œuvrant surtout dans le secteur des archives historiques. En 1979, un comité spécial est nommé au sein de l’AAQ pour étudier la représentativité de l’AAQ. Après une enquête auprès des membres, le comité conclut que ceux-ci se partagent également entre les satisfaits et les insatisfaits226. Ces courants de pensée se sont cristallisés autour de personnes et d’établissements d’enseignement. Carol Couture, Jean-Yves Rousseau et l’Université de Montréal représentent une « approche intégrée » avec comme appellation de base, archives, archivistique et archiviste. Michel Roberge et l’Université du Québec à Montréal représentent une autre « approche globale » avec comme appellation de base, documents administratifs et archives, gestionnaires de documents administratifs et d’archives et gestion des documents administratifs et d’archives. Le milieu du travail, quant à lui, offre des modèles d’approche intégrée avec des services d’archives couvrant les activités de gestion des documents et d’archivistique traditionnelle et d’autres modèles où sont distinguées la gestion des documents administratifs et l’archivistique.
225. Michel ROBERGE. L’expertise québécoise en gestion des documents administratifs ; bibliographie thématique et chronologique 1962-1987, en collaboration avec Alban Boudreau et Élyse Tremblay, Saint-Augustin, Éditions Gestar, 1987, 1 vol. (non paginé). 226. « Rapport du Comité d’étude sur la représentativité du nom de l’A.A.Q. Inc. présenté au Conseil d’administration de l’Association des archivistes Inc. », 1979. Fonds de 1’Association des archivistes du Québec, bobine 12, image 407-416.
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Genèse et caractéristiques de l’archivistique au Québec
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L’impact de ces courants de pensée est encore difficile à évaluer. Certains éléments commencent toutefois à se dégager. D’abord, la Loi sur les archives a pris position pour une approche globale des documents en confiant aux Archives nationales du Québec un rôle sur tous les documents et en définissant les archives comme des documents « peu importe leur âge ». D’autre part, la résistance du milieu est tenace. Les gestionnaires de documents tiennent à leur titre, particulièrement dans les milieux gouvernementaux. L’Association des archivistes du Québec regroupe toutes les personnes œuvrant dans le milieu peu importe leur titre et la spécificité de leurs fonctions. Toutefois, les insatisfactions qui reviennent sporadiquement depuis 1974 démontrent un malaise que la loi même n’aura pas réglé puisque l’association doit se pencher une fois de plus sur le problème d’orientation en 1988, quelque cinq ans après l’adoption de la loi. L’existence de ces courants de pensée n’a pas eu que des effets négatifs puisqu’elle a permis de nombreuses discussions et suscité l’approfondissement de la discipline. Dans cette partie, nous avons voulu camper l’archivistique dans le contexte québécois, décrire les institutions où elle s’est développée de même que les approches théoriques qui y ont émergé. La présentation et l’analyse des événements ayant marqué le Québec depuis 1960 et ce, dans les différents domaines d’activités, ont permis de comprendre les conditions dans lesquelles s’est développée l’archivistique québécoise. L’étude des différents milieux de travail et des activités archivistiques qui s’y retrouvent a par ailleurs révélé le degré d’intégration de ces activités dans la vie des organisations. Enfin, la présentation des courants de pensée a permis de présenter les caractéristiques propres à l’archivistique québécoise. Voilà donc brossée la toile de fond sur laquelle s’inscrivent la profession et la discipline.
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Chapitre II
La profession d’archiviste au Québec, mythe ou réalité ?
Peut-on parler de la « profession » d’archiviste au Québec ? Si l’on se réfère au Code des professions qui régit la reconnaissance professionnelle au Québec depuis 1973, la réponse à cette question est négative : l’archivistique ne répond pas à l’ensemble de ses exigences. Toutefois, différents signes font croire à la présence et au développement d’un nouveau groupe de professionnels. Plusieurs personnes qui oeuvrent dans le domaine de l’archivistique en général, de l’archivistique historique et de la gestion des documents exercent à temps plein des fonctions spécialisées. Notre survol de la situation de l’archivistique dans le contexte général du Québec et dans les différents milieux de travail a permis d’identifier plusieurs de leurs tâches. Depuis 1967, ces spécialistes se regroupent au sein de l’Association des archivistes du Québec dont les activités ainsi que les publications constituent un lieu d’échanges sur les pratiques professionnelles de même qu’un instrument privilégié pour exprimer la pensée des membres sur les sujets qui les préoccupent. Les universités québécoises offrent des programmes de formation en archivistique ou en gestion des documents et des archives depuis 1983227. Voilà, tout au moins, des signes extérieurs du développement de ce champ d’activité. 227. Selon Harold L. Wilensky, une profession franchit cinq étapes avant d’atteindre le statut de profession. Ces étapes sont : un nombre suffisant de personnes qui exercent les mêmes fonctions à temps plein, l’établissement d’une
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Chapitre 2
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Les étapes de professionnalisation manifestent le degré d’évolution d’une profession dans le temps. Toutefois, le phénomène des professions luimême comporte d’autres angles d’analyse possibles qui en révèlent la complexité et permettent une meilleure connaissance d’une profession en particulier. Parmi ceux-ci, il faut privilégier, pour mieux définir l’archivistique comme profession en émergence, l’analyse des caractéristiques propres à une profession, l’observation de l’image sociale projetée et l’étude de l’association qui les regroupe comme principale manifestation du cheminement professionnel. La vie professionnelle comporte des caractéristiques liées à un système de valeurs et dont les manifestations sont observables. Ainsi, les professionnels d’un secteur d’activité déterminé poursuivent des objectifs communs, réalisent des fonctions sociales et professionnelles particulières et répondent à des exigences de pratiques spécifiques. Où se situent les archivistes par rapport à ces caractéristiques ? La première partie de ce chapitre sur le développement de la profession d’archiviste au Québec en dresse le bilan. L’image sociale d’une profession en assure souvent la crédibilité. Dans le cas de l’archivistique, la littérature, tant interne qu’externe au domaine d’activité, révèle l’image que les archivistes projettent d’eux-mêmes et celle que les autres s’en font. C’est pour éclairer le développement de la profession qu’une partie de ce chapitre présente ces perceptions. Enfin, l’Association des archivistes du Québec existe depuis 1967. À travers ses activités, ses changements de structure, son discours, ses publications, elle témoigne des préoccupations de ses membres, de leur milieu de travail ainsi que de leur cheminement professionnel. Elle constitue donc un lieu privilégié pour en observer le développement. Les caractéristiques professionnelles de l’archiviste Comment se définit l’archiviste par rapport aux caractéristiques professionnelles ? Quelle est sa mission propre ? À quelles fonctions professionnelles et sociales s’identifie-t-il ? À quels engagements moraux doivent répondre ses
formation universitaire, la création d’une association professionnelle, l’élaboration d’un code d’éthique et la reconnaissance légale. Cf. . : Harold L. WILENSKY, « The Professionalization of Everyone », American Journal of Sociology, 70 (Septembre 1964), p. 145-146. Note. – La formation ne sera abordée que dans le chapitre sur la discipline.
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membres ? Quelles sont les exigences d’accessibilité et les conditions d’exercice de la profession ? Voilà autant de questions dont les réponses serviront à mieux connaître l’archiviste et à évaluer sa situation professionnelle. L’idéal ou la mission de l’archiviste La littérature révèle deux types de point de vue sur la mission de l’archiviste. On retrouve la mission telle qu’elle est perçue par les archivistes eux-mêmes et qui s’exprime dans les textes écrits par les archivistes. Puis la mission telle que la définissent d’autres groupes qui s’intéressent à la profession et qui se sont exprimés sur le sujet. La littérature professionnelle compte peu d’articles portant uniquement sur la mission de l’archiviste. Deux articles seulement abordent le sujet en ce sens : le premier, en 1971, s’intitule « Une part au soleil pour l’archiviste modeme228 » et un autre, en 1972, Pourquoi je suis archiviste229 ». Ces articles livrent des expériences personnelles et c’est surtout à travers différents textes parus dans la revue Archives, dans les manuels d’archivistique et dans d’autres publications qu’il nous faut retracer les grandes lignes de cette mission. Leur présentation dans l’ordre chronologique de parution permettra en outre d’en mesurer l’évolution. Même si elle dépasse les limites chronologiques de ce travail, il peut être intéressant de rappeler la conception que Pierre-Georges Roy se faisait de son travail en 1921 alors qu’il écrivait le premier rapport de l’archiviste de la province de Québec. Hôte assidu des voûtes du Secrétariat de la Province (sic) depuis vingtcinq ans, je connaissais déjà assez intimement les intéressantes archives qu’elles recèlent lorsque vous les avez mises sous ma garde. Je m’étais attaché à ces vieux papiers jaunis, effacés, indéchiffrables pour les profanes mais si éloquents pour ceux qui savent les faire parler. C’est vous dire que je veillerai avec un soin jaloux sur ces papiers, témoins véridiques de l’épopée française sur les bords du Saint-Laurent230.
Pour Roy, la mission de l’archiviste consiste donc à connaître et à conserver les archives.
228. Lionel BÉGUIN. « Une part au soleil pour l’archiviste moderne », Archives, 71.2, (1971), p. 33-42 229. Luc-André BIRON. « Pourquoi je suis archiviste », Archives, 72.2 (1972), p. 16-24. 230. Rapport de l’archiviste de la province de Québec pour 1920-1921, [Québec], Ls-A. Proulx, 1921, p. vi.
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Ce n’est qu’au début des années 70 qu’on peut retrouver des textes plus explicites sur le rôle des archivistes. Certains articles de la revue Archives en font mention. Ainsi, en 1969, Claude Lessard, en faisant une rétrospective de la situation des archives dans le domaine de l’éducation, déplore l’inaccessibilité et l’absence d’instruments de recherche nécessaires à leur utilisation par les chercheurs231. Il insiste sur un des rôles de l’archiviste qui consiste à rendre les archives accessibles. C’est dans le même sens que la direction de la revue dans son « Message de la rédaction » présente le rôle de l’archiviste qui est « De conserver, oui, mais également, et peut-être plus encore, de diffuser, de mettre à la portée de tous232 ». Dans un autre article, Bernard Weilbrenner justifie l’importance de la diffusion des archives par les valeurs qu’elles transmettent : « La diffusion des archives, des valeurs culturelles rassemblées et préservées dans les archives devrait sans doute être une des préoccupations majeures des archivistes, car c’est à la fois la justification de leur travail et l’aspect qui intéresse le plus la société233 ». Cette mission semble se réaliser petit à petit. Jacques Ducharme, en présentant le compte rendu d’un livre d’André Lavallée sur la querelle universitaire entre Québec et Montréal, souligne la présence de nombreuses références à des documents d’archives consultés dans différents dépôts d’archives privées. Il conclut donc à une plus grande ouverture de ceux-ci aux chercheurs : [...] de moins en moins doit-on déplorer l’inaccessibilité aux dépôts ; un vaste mouvement d’ouverture a remplacé depuis quelques années, une ancienne attitude faite d’indifférence, parfois même de méfiance envers les chercheurs. Il faut voir là un succès, peut-être en définitive le plus grand, de l’Association des archivistes du Québec, qui a su convaincre de l’utilité et des avantages d’une telle ouverture234.
C’est à peu près dans les mêmes termes que la Loi abrogeant la Loi sur le Secrétariat d’État décrit le rôle du conservateur des archives nationales. Elle lui demande de traiter et de diffuser les archives. C’est aussi sur leurs méthodes de travail relatives au traitement et à la diffusion que se baseront les archivistes pour défendre leur point de vue dans « l’affaire des manuscrits ».
231. Claude LESSARD. « Les archives éducatives », Archives, 69.1 (janvier-juillet 1969), p. 11. 232. « Message de la rédaction », Archives, 70.1, p. 4. 233. Bernard WEILBRENNER. « L’exploitation et la diffusion des archives », Archives, 71.2, p. 12. 234. Jacques DUCHARME. « André Lavallée. – Québec contre Montréal : la querelle universitaire 1876-1891. Préface de Philippe Sylvain, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1974, 259 p., [compte rendu] », Archives, vol. 7, n° 1 (juin 1975), p. 97.
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Cette période se caractérise donc par l’identification du rôle de l’archiviste par rapport à la conservation des archives et à leur accessibilité. En effet, la conservation ne prend un sens que si les documents sont rendus accessibles aux utilisateurs éventuels par leur traitement préalable et par l’ouverture des dépôts d’archives. Jusqu’à cette date, la mission de l’archiviste était surtout liée aux archives historiques. Les gestionnaires de documents, appelés à se définir, relient leur mission aux besoins de l’administration. C’est en ces termes que Jacques Renaud traduisait l’objet de la gestion des documents : [...] concevoir, développer, implanter et évaluer les systèmes administratifs et les méthodes de travail visant à identifier, structurer, traiter et transmettre l’information véhiculée par les documents en étudiant les données de la problématique235.
En 1980 commence à se généraliser la notion du rôle de l’archiviste en ce qui concerne l’administration et la recherche236. Dans l’article clé sur l’interdépendance des archives et de la gestion des documents, Jean-Yves Rousseau et Jacques Ducharme présentent l’archiviste comme celui qui s’adonnera à l’ensemble ou à l’une ou l’autre de ces activités [création, sélection, traitement et exploitation des documents quels que soient leur âge et leur nature]237 ». C’est peut-être dans le rôle social qu’ils définissent le mieux cette mission. Il [l’archiviste] est [...] responsable, devant la société, du maintien du patrimoine archivistique, c’est-à-dire des preuves et témoignages du rôle joué par son institution dans cette société. Il est directement responsable de la transmission de la mémoire sociale » aux générations futures. C’est à lui que la société confie la tâche, en plus de gérer efficacement la documentation, de sélectionner les documents qui franchiront la barrière du temps et seront transmis, comme témoignage de l’histoire, aux générations futures238.
235. Jacques RENAUD. « Dotation et développement des ressources humaines », op. cit., p. 43. 236. Cette discussion a été amorcée en 1974 par un article de Murielle Doyle, André Frenière et André Bissonnette qui présentait déjà cette intégration possible du rôle de gestionnaire de documents et de celui de l’archiviste. Toutefois, ce n’est qu’en 1980 que leur pensée est reprise et diffusée par les tenants de l’approche globale. Voir Murielle DOYLE-FRENIÈRE, André BISSONNETTE et André FRENIÈRE, « Vers une nouvelle conception de l’archivistique », Archives, 74.1 (1974), p. 15-19. 237. Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. « L’interdépendance des archives... », op. cit., p. 21. 238. Ibid., p. 20.
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La même année, Guy Dinel exprime aussi cette idée devant la Corporation des bibliothécaires professionnels. Pour lui, le travail de l’archiviste comporte deux volets. Par rapport à l’administration, son travail « vise à soulager les organismes accablés par des masses de documents [... il] a le double avantage de rendre service à l’administration et de faciliter l’aspect culturel de sa tâche » et, en ce qui a trait à la recherche, son travail l’amène à être « un partenaire de la recherche historique239 ». En 1982, dans l’ouvrage Les archives au XXe siècle, les auteurs Carol Couture et Jean-Yves Rousseau concrétisent leur pensée en regroupant les principes et méthodes de travail sous les divisions : Archives et administration et Archives et recherche. Les années 80 voient donc s’amorcer un mouvement vers l’intégration de l’ensemble des activités reliées à la vie des documents. La mission de l’archiviste en est élargie et se définit comme un support à l’administration et à la recherche. La Loi sur les archives viendra confirmer ce mandat. La mission de l’archiviste évolue vers la gestion de l’information240. Aussi la littérature en fait-elle de plus en plus état241. Dans quelques milieux, les archivistes ont été intégrés dans des services de gestion de l’information, particulièrement dans les milieux gouvernementaux comme nous l’avons vu précédemment. Cette nouvelle perception du rôle de l’archiviste situe sa mission dans un cadre plus large. Il y a donc une nette évolution dans la mission de l’archiviste. D’abord axée sur la connaissance des archives et sur leur conservation, leur mission
239. Guy DINEL. « L’archiviste : un professionnel de l’information », Argus, vol. 9, n° 4 (juilletaoût 1980), p. 143. 240. En 1977, Wilfred I. Smith, alors archiviste fédéral, affirmait que « le défi que doivent relever les gestionnaires de documents consiste à élaborer un système complet de gestion efficace de l’information ». Voir Wilfred I. SMITH. « La gestion des documents au gouvernement fédéral », Archives, vol. 9, n° 2 (décembre 1977), p. 7. Guy Dinel intitule une conférence qu’il présente au congrès de la Corporation des bibliothécaires professionnels « L’archiviste : un professionnel de l’information ». Voir Guy DINEL. « L’archiviste : un professionnel de l’information », Argus, vol. 9, n° 4 (juillet-août 1980), p. 143-145. Dans un autre numéro de la revue Argus, Carol Couture, Jacques Ducharme et Jean-Yves Rousseau présentent le nouveau défi des archivistes sur la gestion de l’information organique et consignée. Carol COUTURE, Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. « L’archivistique a-t-elle trouvé son identité ? », Argus, vol. 17, n° 2 (juin 1988), p. 51-60. 241. Michel ROBERGE. L’expertise québécoise en gestion des documents administratifs : bibliographie thématique et chronologique 1962-1987, en collaboration avec Alban Boudreau et Élyse Tremblay. Saint-Augustin, Éditions GESTAR, 1987, 1 vol. (non paginé).
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s’étend à la diffusion. Elle prend ensuite la forme d’un service à l’administration et à la recherche et s’oriente vers la gestion de l’information. Par ailleurs, les chercheurs se sont particulièrement intéressés au mandat culturel et social des archivistes. Ainsi, Jean Hamelin, lors d’une conférence qu’il donnait devant les archivistes, affirme qu’ils ont comme rôle de soutenir la recherche en identifiant les documents à conserver dans des domaines comme l’administration, le développement industriel, les faits sociaux où les archives sont dans un piteux état. Il souligne l’inaccessibilité des écrits des hommes politiques. [Les archivistes doivent faire] l’impossible pour sauver de la destruction tout le matériel qui pourra aider les historiens242 ». Quelques années plus tard, René Durocher, alors président de la Société des professeurs d’histoire, affirmait l’importance du rôle de l’archiviste par rapport à la reconnaissance, à la conservation et à la diffusion des fonds importants pour la recherche : « Serais-je impertinent en vous confiant que les professeurs d’histoire ont quelquefois l’impression que les archivistes ne se soucient pas assez activement du problème de la diffusion qui devrait nécessairement compléter les opérations de cueillette et de conservation ? [...] en assumant pleinement votre rôle social et culturel, ne serait-ce pas un moyen d’accroître ces ressources243 ? ». Un autre chercheur, Jacques Mathieu, professeur à l’Université Laval, établit la mission culturelle de l’archiviste par le rôle que jouent les archives : « Plusieurs organismes œuvrent dans le domaine de la culture et l’éventail des disciplines concernées est très large. Les archives doivent y être adéquatement insérées244 ». Normand Séguin de l’Université du Québec à Trois-Rivières, pour sa part, indique que l’archiviste partage avec le chercheur le rôle de préserver et de mettre en valeur le patrimoine archivistique245. Les archivistes se donnaient la mission de conserver et de diffuser les archives et l’information qu’elles contiennent. Les chercheurs, quant à eux, croient que les archivistes doivent aller plus loin. Il relève également de leur mission de repérer les archives qui seront utiles à la recherche. C’est un rôle qui n’est pas souvent mis en évidence par les archivistes.
242. « Les archivistes du Québec réclament une politique de protection des... », p. 25. 243. René DUROCHER. « [La Société des professeurs d’histoire du Québec] », Archives , 74.2 (1974), p. 76. 244. Jacques MATHIEU. « La recherche et les institutions d’archives », Pour un développement planifié des archives canadiennes..., op. cit., p. 24. 245. Normand SÉGUIN. « Les attentes des chercheurs », Pour un développement planifié des archives canadiennes..., op. cit., p. 7.
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Les différentes études fédérales sur les archives se sont aussi prononcées sur la mission de l’archiviste. Le rapport Applebaum-Hébert et celui du Groupe consultatif sur les archives canadiennes en font état. Le Comité d’étude de la politique culturelle fédérale rappelle le rôle principal de toutes les activités reliées au patrimoine dont les archives : « La conservation est l’essence même des activités liées au patrimoine. Sans elle, les richesses dont nous avons héritées se désagrègent et finissent par disparaître, les objets et les idées nous reliant au passé s’évanouissent à jamais246 ». C’est dans un contexte plus large que le rapport sur l’état des archives canadiennes, lui, situe le rôle de l’archiviste au niveau de l’information : « Un document détruit ne peut être remplacé : la fonction et la formation de l’archiviste, à titre de spécialiste de l’information, prennent donc une importance capitale247 ». La mission de l’archiviste a donc connu une certaine évolution au cours des ans. Son rôle ne s’est pas véritablement modifié mais plutôt élargi. De la conservation, il est passé à la diffusion et à l’identification des documents. Du domaine du patrimoine, il s’étend à celui de l’information, de la recherche et de l’administration. Il apparaît donc que la mission de l’archiviste comporte trois volets : un volet culturel, un volet scientifique et un volet économique. La dimension culturelle a été mise en évidence par les chercheurs et les politiciens qui situent les archives dans l’ensemble des « activités liées au patrimoine ». Elle semble acquise par les archivistes même si elle n’a pas fait l’objet de discussions entre eux. L’aspect scientifique de la mission s’exerce par le support qu’elle accorde aux activités de recherche et qui devient une part de plus en plus importante du travail de l’archiviste. Quant au volet économique, il couvre l’ensemble des politiques et des procédures administratives appliquées à la gestion des documents administratifs sans égard à leur âge (actif, semi-actif, inactif ou historique). Malgré les réflexions déjà faites, la mission de l’archiviste reste encore à définir. Les citations à partir desquelles nous avons tenté d’en cerner les principales dimensions ainsi que leur évolution depuis 1960 constituaient le témoignage d’archivistes ou d’autres personnes qui tentaient de définir la réalité vécue ou souhaitée. Le fait que l’on se préoccupe de cette mission
246. Rapport du Comité d’étude de la politique culturelle fédérale..., op. cit., p. 103. 247. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 99.
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constitue en soi un signe de la présence de cette profession et la reconnaissance de la nécessité de son rôle. Néanmoins, comme cette mission n’a pas fait l’objet de discussions dans la communauté, cela constitue une manifestation d’une profession en émergence qui tente de s’adapter à des situations nouvelles tout en voulant sauvegarder ou construire son identité propre. Les fonctions professionnelles de l’archiviste Quelles sont les fonctions réservées à l’archiviste ? Quelles tâches caractérisent sa mission et lui sont spécifiques ? La littérature est plus explicite sur ce sujet qu’elle ne l’est sur la mission. La présentation des pratiques archivistiques permet d’identifier les principales fonctions qui sont au cœur du travail de l’archiviste248. Aussi, afin de bien les mettre en évidence, nous avons cru bon les regrouper selon l’ordre de la chaîne documentaire à savoir : la création, le traitement, l’évaluation, la conservation, la diffusion et l’accès249 en faisant ressortir pour chacune, lorsqu’il semble utile de le faire, l’évolution subie au cours des ans. La création La création couvre les activités relatives à la création de l’information notamment par la gestion des formulaires, des directives, des rapports, des politiques ainsi que par la gestion de la correspondance. Selon la dimension d’une organisation et la portée du mandat confié à l’archiviste, cette fonction, relativement nouvelle dans leur champ d’activité, s’est implantée depuis l’avènement de la gestion des documents. Comme nous l’avons vu précédemment dans la présentation des institutions d’archives, les diverses activités relatives à la création sont exercées surtout dans les grands milieux tels le milieu gouvernemental et celui des grandes entreprises.
248. L’analyse de la revue Archives que nous présenterons ci-après permet de constater la présence de nombreux articles sur les principes et méthodes archivistiques. De plus, les manuels de Couture et Rousseau de même que celui de Roberge exposent l’ensemble de la pratique archivistique. 249. L’archiviste exerce aussi des fonctions administratives. Il est un gestionnaire au même titre que les directeurs de service dans une entreprise. Il exerce alors des fonctions de planification, d’organisation, de direction, d’évaluation, de coordination et de contrôle de son propre service. Il doit aussi assurer la gestion des ressources humaines, financières et matérielles. Ces fonctions, toutefois, ne sont pas propres au travail de l’archiviste. C’est pourquoi il n’en est pas fait mention ici.
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La revue Archives n’a publié aucun article sur le sujet. Par contre, Les archives au XXe siècle y consacre un chapitre intitulé « La création, la diffusion et la réception des documents » dans la partie sur les archives et l’administration. La gestion des documents administratifs présente un chapitre sur « Comment naissent les documents ? » et un autre sur le contrôle de la circulation des documents administratifs dans lequel l’auteur aborde la gestion du courrier. En reconnaissant que l’archivistique couvre l’ensemble des activités sur les documents sans considération de leur âge, c’est dans cette fonction qu’il faut aborder l’acquisition des fonds, les documents que l’on acquiert étant déjà créés mais se trouvant « nouveaux » dans le dépôt qui les reçoit. Couture et Rousseau font une large place à l’acquisition des documents – acquisition des fonds institutionnels, acquisition des archives non institutionnelles – dans leur ouvrage. Le traitement Le traitement de l’information comporte principalement des activités relatives à la classification, à la cotation et à l’indexation des archives. Il s’applique à tous les documents, peu importe leur âge. Les archives au XXe siècle aborde le traitement des documents actifs et des documents semi-actifs. Le traitement des documents actifs comprend la classification250, le repérage, l’analyse documentaire, la communicabilité et la confidentialité des documents. Le traitement des documents semi-actifs porte quant à lui sur les systèmes d’identification et de repérage. Quant au traitement des documents inactifs, il concerne l’élimination des documents ou leur versement aux archives historiques. Dans la partie sur les archives et la recherche, c’est la classification et le classement des fonds qui sont considérés comme les activités reliées au traitement. Roberge, pour sa part, consacre trois chapitres de son ouvrage à la classification, au classement et au repérage des documents administratifs. Dans un autre chapitre sur la gestion des documents semi-actifs, il présente les activités de transfert, de classement, de repérage et d’élimination ou de versement. Les archivistes ont d’abord élaboré des systèmes de classification et de cotation ainsi que des index de repérage (index onomastiques surtout)
250. Le terme « classement » a souvent été utilisé pour désigner la « classification ». Comme il est maintenant reconnu qu’il faut plutôt utiliser cette dernière appellation, nous avons interprété dans ce sens le chapitre sur le « classement » de l’ouvrage de Couture et Rousseau.
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pour les fonds d’archives. Le développement de la gestion des documents a par la suite permis d’étendre ces activités aux documents actifs. L’évaluation L’évaluation préside à l’acquisition et à la conservation des documents. Le Groupe consultatif sur les archives canadiennes la définit ainsi : « veiller à ce que tous et seuls les documents qui relèvent du mandat d’une institution d’archives particulière et qui ont une valeur permanente y soient conserves251... Le terme « évaluation » désigne une fonction archivistique en même temps qu’il recouvre diverses activités archivistiques. Ainsi, la fonction évaluation se rapporte au jugement que l’on porte sur la valeur des documents en vue de leur conservation ou de leur élimination. Les activités d’évaluation comportent la sélection, le tri, l’échantillonnage et peuvent conduire à l’élimination. Avec le développement de la gestion des documents, la fonction s’est élargie à l’évaluation des documents actifs et semi-actifs. « La gestion des documents vise à assurer une documentation satisfaisante, écarter ce qui est inutile, [...] veiller à l’élimination convenable des documents dont l’utilité n’est plus requise dans la conduite des affaires courantes252 ». La généralisation du calendrier de conservation a rendu plus tangible la fonction d’évaluation des documents. Le calendrier lui-même ne comprend pas les critères qui ont présidé à l’évaluation. Toutefois, sa préparation suppose l’élaboration de ces critères et leur mise à jour continue. Selon le témoignage d’un archiviste, « parmi les tâches que doit accomplir tout archiviste, et particulièrement celui qui œuvre dans un dépôt d’archives institutionnelles, l’évaluation des documents est peut-être celle qu’il considère la plus ardue253... ». L’évaluation, à cause des conséquences auxquelles une erreur peut conduire, constitue une tâche complexe qui fait
251. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 13. 252. Artel RICKS. La gestion des documents comme fonction des archives, XIIIe congrès international des archives, Washington D.C., du 27 septembre au 1er octobre 1976, p. 4. Cité dans Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. Op. cit., p. 17. 253. Louis Garon, « Brickfort, Mayrand J., Archives and Manuscripts : Appraisal and Accessioning, S.A.A. Basic Manual Series, Society of American Archivists, Chicago, 1977, 24 p. [compte rendu] », vol. 11, n° 2 (septembre 1979), p. 19.
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appel au professionnalisme de l’archiviste. Très souvent liée a la conservation, elle prend aujourd’hui un sens plus large en s’appliquant à tous les documents, peu importe leur âge. La conservation La conservation est la plus connue des fonctions de l’archiviste. Inscrite au cœur même de sa mission, elle est reconnue comme étant l’une de ses fonctions principales. Il est conventionnellement admis qu’un archiviste est un conservateur de documents. Toutefois, comme nous le verrons, cette conception a évolué au cours des ans. Ainsi, Pierre-Georges Roy s’engageait à veiller « avec un soin jaloux » sur les archives, « témoins véridiques » d’une époque. Il concevait alors son rôle comme étant celui de gardien et de conservateur des documents que l’on voulait bien lui confier. Roy lui-même et, après lui, tous les archivistes se sont préoccupés de jouer un rôle plus actif dans l’identification des documents à conserver en réclamant le versement obligatoire des documents ayant acquis une valeur permanente. Les exemples les plus éloquents à cet effet sont les luttes menées par les Archives nationales du Québec pour affirmer leurs droits sur les documents gouvernementaux ainsi que sur certains fonds privés dont nous avons rappelé les grandes lignes dans les pages qui précèdent. De plus, la généralisation des calendriers de conservation, qui visent à identifier dès leur création les documents qui devront être conservés, confirme le rôle des archivistes quant à la conservation des documents et non plus seulement sur ceux que l’on veut bien leur confier. La notion de conservation s’appliquant d’abord aux documents à valeur permanente, le Groupe consultatif sur les archives canadiennes confie aux services d’archives des institutions le mandat de conserver les documents ayant acquis une « valeur historique254 ». Dans le nouveau contexte de travail de l’archiviste, cette fonction inclut le traitement particulier accordé aux documents essentiels de l’organisme. Elle s’étend donc aux documents dont la conservation n’est pas seulement nécessaire à l’histoire de l’organisme mais aussi à son fonctionnement quotidien ainsi qu’à la protection de ses droits et de ceux des individus255.
254. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 13. 255. Jean-Yves ROUSSEAU. « La protection des archives essentielles ; comment assurer la survie d’une organisation », Archives, vol. 20, n° 1 (été 1988), p. 43-61.
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Les documents ordinolingues générés par l’utilisation de l’informatique apportent un sens nouveau à la notion de conservation. Il ne s’agit plus seulement de la conservation du document mais de la conservation de l’information. L’archiviste pourra sûrement exercer un rôle important dans la mise en place de mesures pour assurer cette conservation. Bien qu’un tel regroupement soit inhabituel, dans leur article sur l’interdépendance des archives et de la gestion des documents Jean-Yves Rousseau et Jacques Ducharme élargissent la fonction de conservation à l’ensemble des opérations relatives à cette fonction. Elle comprend, selon eux, les activités suivantes : –
acquérir les documents à conserver,
−
sélectionner les documents à conserver,
−
classifier, coder, classer et estampiller les documents à conserver,
−
assurer les conditions de conservation matérielle,
–
restaurer les documents à conserver, s’il y a lieu256.
Dans l’ouvrage Les archives au XXe siècle, les auteurs abordent la conservation à tous les âges de la vie du document, soit à l’âge actif, à l’âge semi-actif et historique. À l’âge actif et semi-actif, la notion de conservation s’applique surtout au respect des normes de rangement alors que dans le traitement des archives à des fins de recherche, la notion de conservation est appliquée à la conservation matérielle des documents. À cause, entre autres, de l’évolution de la mission de l’archiviste, de la plus grande spécialisation des tâches et du développement de la gestion des documents, la fonction de conservation a parfois été mise en veilleuse, considérée comme vétuste et dépassée. Par contre, un courant valorise grandement cette fonction à la suite de l’importance nouvelle accordée au patrimoine. En témoignent tous les rapports de recherche portant sur les études canadiennes et sur les archives qui réclament une meilleure conservation des archives. En somme, la conservation constitue une fonction renouvelée de l’archiviste dont toute la portée n’a peut-être pas encore été explorée.
256. Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. « L’interdépendance... », op. cit., p. 18.
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Chapitre 2
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La diffusion et l’accès Les fonctions archivistiques relatives à la diffusion comportent différents types d’activité visant à faire connaître les documents eux-mêmes, les fonds et leur contenu ainsi qu’à en faciliter l’accès. Pour les archives dites historiques sur lesquelles les archivistes ont d’abord travaillé, elles consistent à : – créer des instruments de recherche, − organiser des expositions, − publier des documents ou des instruments de recherche, – participer aux activités socioculturelles de leur milieu257. La diffusion est donc particulièrement identifiée à l’élaboration et à la publication d’instruments de recherche mais aussi aux expositions et aux activités culturelles. Toutefois, elle prend également le sens d’accessibilité. Ainsi, le Groupe consultatif sur les archives canadiennes considère l’accès aux documents comme une fonction essentielle des services d’archives. Il s’agit de la « mise à la disposition du grand public [des archives] soit dans leur forme originale, soit sous forme de copies, et qu’elles soient de préférence accompagnées d’un guide pour l’utilisateur258 ». C’est donc sur l’accès physique qu’insiste le groupe consultatif. Par ailleurs, une tâche reliée à la diffusion qui a été accomplie par l’archiviste mais qui prend de plus en plus d’envergure avec l’augmentation de la recherche, celle de la référence, comprend surtout l’accueil des chercheurs, la formation d’usagers et la référence proprement dite. L’accès rendu possible par le traitement des documents constitue un autre volet de la diffusion. En ce sens, il s’applique à tous les âges des documents. L’élaboration de différents systèmes de classification et d’instruments de repérage pour les documents actifs et semi-actifs en est un exemple. Bref, la diffusion est une fonction archivistique qui consiste à rendre les documents accessibles par différents moyens allant de la disponibilité physique à la création d’instruments destinés à en faire connaître le contenu. On peut prévoir que cette fonction de l’archiviste prendra de plus en
257. Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. « L’interdépendance des archives... », op. cit., p. 18-19. 258. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 13.
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plus d’ampleur s’il profite des possibilités offertes par l’informatique quant à l’analyse de l’information et, en conséquence, à son accès. Les fonctions archivistiques de création, de traitement, d’évaluation, de conservation, de diffusion et d’accès ont connu une expansion avec l’élargissement du mandat de l’archiviste qui s’étend dorénavant à l’ensemble des documents produits ou reçus par un organisme dans le cadre de ses activités. Le rôle de l’archiviste s’est confirmé à travers cette évolution. C’est du moins le message que nous livre la littérature professionnelle à ce propos. Confrontées avec les changements de la société québécoise, ces fonctions se sont développées à travers les diverses législations, les nouvelles réalités administratives et culturelles et les besoins de la recherche. Les standards professionnels et le code d’éthique Parmi les caractéristiques professionnelles, les standards d’exercice et le contenu du code d’éthique définissent le champ de pratique, ses conditions d’exercice ainsi que ses règles d’excellence. Ce sont les associations professionnelles qui définissent et contrôlent les exigences de pratique et le code d’éthique d’une profession. Selon le processus de professionnalisation reconnu par Wilenski259, leur élaboration suit la création de l’association et précède la reconnaissance légale. Quels sont donc les standards professionnels en vigueur pour les archivistes ? Quel est le contenu du code d’éthique ? Les standards professionnels Les exigences de pratique sont d’abord reliées à la formation. Ainsi, pour exercer une profession, il faut généralement détenir un diplôme universitaire dans la spécialité. Certaines professions comme la médecine et le droit exigent en plus de leurs futurs membres la réussite des examens préparés par la corporation professionnelle elle-même. Pour devenir archiviste ou gestionnaire de documents, rien de tel n’est exigé. Il suffit d’occuper un poste portant ce titre ou de s’intéresser au domaine. Dans les offres d’emploi, on demande parfois que le candidat ait obtenu un diplôme de premier cycle en histoire ou dans un autre champ de connaissances. Dans ces cas, c’est autant pour les connaissances requises que pour s’assurer d’une formation intellectuelle suffisante. Cette situation s’explique facilement par
259. Voir note 227 du chapitre II.
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Chapitre 2
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l’absence presque totale de formation universitaire continue en archivistique avant 1983. Une autre exigence possible pour une reconnaissance professionnelle est l’obligation de faire partie de l’association professionnelle. Ainsi, l’Association des archivistes médicales du Québec, sans être une corporation professionnelle, contrôle suffisamment la pratique de ses membres pour que les postes offerts aux archivistes médicales dans les organismes mentionnent que le candidat doit faire partie de l’association pour être éligible à l’emploi. Pour devenir archiviste, rien de tel n’est nécessaire : c’est l’employeur et non l’association qui détermine les capacités d’un individu à occuper un poste d’archiviste. Au cours des ans, il y a eu quelques tentatives pour contrôler l’accès à la profession et à l’AAQ. Ainsi en 1977, une résolution de l’Assemblée générale demandait qu’un comité soit créé afin d’étudier les principaux aspects d’une certification, soit les connaissances et les qualités requises pour devenir archiviste, le contenu des examens que devraient subir les futurs candidats de même que le type de certificat que l’AAQ pourrait décemer260. Ce projet, auquel on n’a pas donné suite, se situait dans le cadre du travail que le conseil d’administration a mené cette année-là pour une meilleure reconnaissance professionnelle. À plusieurs reprises, des comités de formation ont été mis sur pied mais leur travail s’est orienté davantage vers la formation proprement dite que vers la reconnaissance professionnelle acquise par l’expérience ou les activités mêmes de l’AAQ. Est-ce à dire que devient archiviste qui veut et que les tâches à accomplir n’exigent aucune formation ni aucune compétence particulière ? La réponse est négative et plusieurs exemples en font la preuve. Ainsi, les milieux concernés ont eu recours à des personnes extérieures à leur organisme, firmes privées ou experts contractuels détenant une formation ou une expérience en archivistique, pour préparer les listes de classement et les calendriers de conservation exigés par la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et par la Loi sur les archives. Ces milieux ne se reconnaissaient pas la capacité de réaliser ces instruments et n’employaient personne en mesure de le faire. De plus, depuis sa fondation, l’AAQ s’est fait un devoir d’offrir du perfectionnement à ses membres et aux personnes intéressées sur différents sujets correspondant au développement ou aux besoins de l’heure tels la microphotographie, l’informatique, la classification, les calendriers de
260. Dixième Assemblée générale annuelle de l’Association des archivistes du Québec Inc., TroisRivières, le 14 mai 1977.
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conservation. Bien des non-membres sont venus y chercher la formation nécessaire à l’accomplissement de tâches spécialisées. Ces quelques exemples démontrent qu’il n’y a pas d’exigences formelles de formation ou d’appartenance à l’association pour exercer la profession mais ils permettent de constater que des connaissances archivistiques sont nécessaires à l’accomplissement de certaines tâches spécifiques. Bien qu’il soit trop tôt pour les évaluer, la généralisation de la formation universitaire de premier et de deuxième cycles depuis 1983 amènera sûrement des changements dans les standards professionnels. Quant à l’accès à la pratique professionnelle par l’adhésion obligatoire à l’association, il ne semble pas y avoir de mouvement significatif de l’AAQ en ce sens261. La profession d’archiviste ne compte donc pas de standards professionnels écrits mais il y en a d’implicites. Plusieurs circonstances en favorisent d’ailleurs l’émergence dont la formation universitaire et la reconnaissance de certains aspects du corpus scientifique. Le code d’éthique Les archivistes n’ont pas à proprement parler de code d’éthique. La coutume reconnaît cependant le respect de certains principes moraux. C’est encore à Jacques Ducharme et Jean-Yves Rousseau que l’on doit d’avoir les premiers abordé le sujet. Le code d’éthique comporte trois volets principaux : accessibilité, confidentialité et souci du perfectionnement dans le travail professionnel : [...] les archivistes ont des responsabilités [...] C’est dans cette catégorie que se rangent le souci du respect de la vie privée des citoyens, le secret professionnel, le respect de la confidentialité, qu’elle soit personnelle ou administrative [...] rendre les archives accessibles aux chercheurs [...et perfectionnement personnel]262 ».
Malgré l’à-propos de ces énoncés, ils n’ont pas fait l’objet de discussions parmi la communauté archivistique québécoise. Ce code présenté à l’intérieur de leur article sur une approche intégrée des archives n’est donc qu’un projet qui n’a pas encore eu de suite.
261. Lors du congrès de 1989, pour la première fois dans l’histoire de l’AAQ, les journées de perfectionnement « précongrès » sur la gestion de projet et sur les normes de description étaient réservées uniquement aux membres. 262. Jacques DUCHARME et Jean-Yves ROUSSEAU. Op. cit., p. 20.
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Le code d’éthique des archivistes devrait aussi contenir des éléments sur la conservation puisqu’il s’agit d’un des mandats spécifiques de ce domaine d’activité. La conservation doit s’entendre ici dans le sens de l’identification des documents, des fonds ou des informations à conserver, de leur mise en ordre pour les rendre accessibles en plus de la conservation matérielle proprement dite. Dans ce cas aussi, il s’agit d’une dimension qui fait l’objet d’une entente tacite entre les membres puisqu’il n’existe pas de code d’éthique formel. L’analyse du cheminement de la profession par rapport aux exigences de pratique et au code d’éthique nous fait voir que l’archivistique est une profession en émergence. Sa mission et ses fonctions sont reconnues mais son organisation interne demeure encore à faire. L’IMAGE SOCIALE DE L’ARCHIVISTE Sans en être véritablement un critère, l’image sociale que présente une profession joue un rôle important dans sa reconnaissance. C’est souvent sur elle que repose en partie la crédibilité que la société accorde à une profession. C’est pourquoi nous avons cru bon en faire état dans cet ouvrage. La littérature archivistique est assez abondante sur le sujet et présente plusieurs points de vue. Ainsi, on retrouve l’image que la société se fait de l’archiviste ou du gestionnaire de documents, mais traduite par les archivistes et les gestionnaires de documents eux-mêmes. Il y a aussi celle que décrivent les hommes publics et les chercheurs. La perception sociale de l’archiviste sert aussi de prétexte aux archivistes et aux gestionnaires de documents pour expliquer leur division. C’est donc de l’ensemble de ces images qu’il sera fait état. Il y a d’abord l’image que l’on se fait du personnage lui-même. À ce titre, l’archiviste n’est pas choyé. « Aux yeux des non-initiés les archivistes ont une ressemblance à un gardien de cimetière. [C’est une] personne à barbe blanche, parvenue en fin de carrière, parfois gâteuse, travaillant dans un endroit sombre, rempli de vieilles paperasses et de poussière. Une telle perception, quoique exagérée, n’en possède pas moins un fond de vérité alimenté souvent – hélas ! – par certains archivistes d’arrière-garde263 ».
263. Jean-Yves ROUSSEAU. « L’archivistique et la gestion des documents : évolution, différenciation et intégration », Archives, vol. II, n° 3 (décembre 1979), p. 4.
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Cette perception négative semble reposer sur les comportements des archivistes eux-mêmes : Les archivistes ont trop souvent, hélas, présenté une image de l’intellectuel consciencieux mais renfrogné, genre de moine que le peintre a imagé, penché sur ses livres volumineux, une longue plume d’oie à la main. Si j’en juge par l’ignorance plus ou moins marqués (sic) de notre existence, les gens doivent encore nous voir avec visière verte sur le front, manchettes au bras et peut-être, avec le tablier noir ou gris à la « devanture264 ».
Le gestionnaire de documents est aussi victime de perceptions négatives. « Il souffre d’un complexe d’infériorité puisqu’il ne juge pas son travail indispensable au bon fonctionnement de l’administration [...] son approche du problème demeure très technique et traditionnelle [...] À cause de son manque de dynamisme, le gestionnaire de documents limite donc luimême son action à l’accessoire265... ». Les gestionnaires sont perçus comme « des classeux et des déclasseux en même temps [qu’ils donnent] l’image de gens qui [font] le ménage266. Certains jugements viennent des décideurs publics. À titre d’exemple, Denis Vaugeois, ancien ministre des Affaires culturelles dans le gouvernement Lévesque, affirmait devant les archivistes, lors du congrès de Kingston, que l’inertie des gouvernements devant l’organisation des archives est la conséquence de l’attitude et du comportement des archivistes eux-mêmes. « Pour être franc, dit-il, la première difficulté a résidé chez les archivistes eux-mêmes. Ils ne manifestent pas suffisamment d’assurance et on ne leur fait pas vraiment confiance267 ». Et il poursuit : Au plus haut niveau, on ne connaît rien du travail des archivistes [...] Vous archivistes, vous êtes coupables de n’avoir pas suffisamment expliqué que gestion documentaire est synonyme d’économies [...] Si vous voulez qu’on vous écoute, il faudra expliquer vos méthodes et vos techniques [...] Il faudra aussi démontrer que vous êtes aptes à traiter des
264. Lionel SÉGUIN. Op. cit., p. 35. 265. Claude GAULIN. « Misères et grandeurs de la gestion des documents au gouvernement du Québec », Archives, vol. 13, n° 3 (décembre 1981), p. 42-43. 266. Ibidem. 267. Denis VAUGEOIS. « Relations entre archives et gouvernements ; les motivations et interactions du gouvernement et des archives », Pour un développement planifié des archives..., op. cit., p. 40.
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documents de toute nature [...] Il faut que les archivistes sortent, s’expliquent et, surtout, invitent les gens à les visiter268 [...] Il faut [...] aussi faire la preuve d’un professionnalisme achevé269.
Et lors d’une période de discussions qui suivent les conférences, il continue dans le même sens. Selon lui, il est essentiel « de changer l’image traditionnelle de l’archiviste, de montrer au politicien et à l’administrateur public les services que les archives peuvent rendre avant d’espérer se voir confier la garde de documents importants270 ». Cette image de l’archiviste « conservateur » est tenace. Malgré les mémoires présentés par plusieurs membres de la communauté archivistique lors de la tenue des audiences publiques sur le projet de loi sur les archives, lesquels mémoires défendaient une position dynamique et contemporaine du travail de l’archiviste et démontraient l’évolution de leurs méthodes de travail, l’archiviste est encore décrit en ces termes par le député Roma Hains du comté de St-Henri : « Vous êtes d’un milieu érudit, voué avec respect, et même avec une certaine tendresse, au patrimoine de chez nous et aux mémoires de notre histoire271 ». Les témoignages écrits que nous avons recueillis se situent entre 1969 et 1983. Ils ne démontrent aucune évolution ni changement dans l’image de la profession et de la discipline qui est véhiculée. L’absence de références après cette date manifeste-t-elle un changement au niveau de la perception sans qu’il en soit fait état ? Peut-être, mais les archivistes n’auraient-ils pas intérêt à se faire mieux connaître ? Ils semblent s’être résignés à l’image négative que l’on se fait d’eux et n’ont pas mis d’efforts pour se présenter comme professionnels ayant développé de nouveaux champs de pratique tout en ayant approfondi leur secteur conventionnel de travail. En ce sens, ils n’ont pas favorisé le développement de la profession compte tenu de l’importance que cette image joue dans la valorisation sociale d’une profession. Même les archivistes et les gestionnaires de documents ont parfois, les uns par rapport aux autres, une perception négative. Luc-André Biron présente ainsi la popularité que semblent gagner les gestionnaires de
268. 269. 270. 271.
Denis VAUGEOIS. Op. cit., p. 47 Ibidem. [Intervention dans une période de discussion], Pour un développement planifié..., p. 52. Débats de l’Assemblée nationale, 24 mai 1983, p. B3578.
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documents par rapport aux archivistes : « C’est un fait certain, écrit-il, que les archives vivantes (et partant les archivistes... vivants) deviennent de plus en plus à la mode272 ». Ils ne se considèrent pas non plus comme faisant partie de la même profession : Les uns se défendent de vouloir le moindrement être assimilés à des archivistes sous prétexte que ces mêmes personnes travaillent dans des bureaux où l’on procède au classement, au triage et à l’élimination de documents relativement récents. Les autres se font une conception tellement étriquée et traditionnelle des tâches de l’archiviste qu’ils ne voient pas ce que l’archiviste pourrait bien avoir à faire dans ce qu’il est convenu d’appeler la gestion des documents273... ».
Le sentiment se maintient dans l’esprit de certains membres de la profession puisqu’en 1977, lors d’une enquête réalisée auprès des gestionnaires de documents du gouvernement du Québec, un répondant écrivait qu’il fallait « dissocier la mentalité archivistique de cette discipline administrative parce qu’elle poursuit des objectifs totalement différents274 ». Tout en confirmant ces perceptions, un autre témoignage va plus loin en accusant les uns et les autres de sectarisme envers les archives elles-mêmes qui, à son avis, forment un tout. La problématique qui s’est instaurée entre les archivistes et les gestionnaires de documents provient en partie du clivage qu’il y a eu et qui se perpétue depuis entre certains archivistes d’arrière-garde et les plus radicaux des tenants de la supposée nouvelle discipline. Pourtant, le plus grand mal provient surtout de l’optique archaïque et limitative avec laquelle beaucoup de gestionnaires de documents et même d’archivistes envisagent les archives. Il y aura toujours des purs, c’est-à-dire des gestionnaires de documents se limitant à l’administration des documents au stade de leur valeur primaire et des archivistes se confinant à l’administration de leur valeur secondaire275.
Il s’agit d’un jugement très dur qui démontre bien cependant toute l’ampleur du problème de l’image sociale tel qu’il est vécu chez les archivistes et les gestionnaires de documents.
272. Luc-André BIRON. Op. cit., p. 21. 273. François BEAUDIN. « Les archives, c’est vieillot ou c’est moderne ? », Archives, 70.2 (juilletdécembre 1970), p. 3. 274. Jacques RENAUD. Op. cit., p. 41. 275. Jean-Yves ROUSSEAU. « L’archivistique et la gestion des documents... », op. cit., p. 5.
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Les archives semblent néanmoins recevoir beaucoup de considération. Leur rôle pour la recherche est incontestable. Les archives sont considérées comme des richesses sur le plan culturel, intellectuel et parfois aussi sur le plan financier. Alors, comme l’affirme un archiviste, « il est inouï et aberrant, à mon sens, que les autorités placent l’immense responsabilité de la garde de ces trésors entre les mains d’archivistes qu’on daigne même pas (sic) ou si peu, reconnaître dans les faits276 ». Voilà un tableau bien sombre de l’archiviste tel qu’il est perçu par luimême et par la société. L’archiviste est victime d’une image transmise par la tradition européenne qui en faisait un conservateur d’archives dans le sens littéral du terme. Traduit-il vraiment toute la réalité ? Sûrement pas. Il permet toutefois de constater que si la dynamique nouvelle de la profession est connue, elle n’est pas véhiculée dans la littérature. L’Association des archivistes du Québec : son membership et ses réalisations Le regroupement de personnes oeuvrant dans le même secteur d’activité constitue une des premières manifestations de l’émergence d’une profession. L’évolution de l’archivistique correspond à ce modèle d’évolution. L’Association des archivistes du Québec (AAQ) regroupe en effet les archivistes de différents milieux et de différentes spécialités depuis 1967. C’est en ses rangs que se sont exprimés leurs préoccupations et leur cheminement professionnels. C’est par elle que se sont vécues des étapes de professionnalisation. Elle exprime donc tout un volet de la vie professionnelle. Notre propos n’est pas d’écrire l’histoire de l’AAQ depuis 1967. Il est plutôt de faire ressortir les principaux événements et les principales réalisations qui constituent des démarches de professionnalisation et d’en utiliser les informations pour éclairer la connaissance de la profession. Ainsi, même si elle ne regroupe pas toutes les personnes oeuvrant dans le domaine au Québec, elle en rejoint suffisamment pour que l’analyse de son membership nous aide à mieux connaître les membres de la profession. Ses activités et ses publications témoignent des préoccupations professionnelles des membres et leur étude permet d’en apprécier le contenu et d’en mesurer le cheminement.
276. Lionel SÉGUIN. Op. cit., p. 37.
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Après avoir exposé les grandes étapes de l’évolution de l’Association des archivistes du Québec et étudié son rôle comme association professionnelle, nous présenterons l’étude de son membership. C’est à travers l’analyse de ses activités et de ses publications, particulièrement la revue Archives, que nous retracerons le cheminement intellectuel des archivistes. L’AAQ comme association professionnelle La naissance d’une association professionnelle repose sur un ensemble de circonstances résultant d’une conjoncture favorable en même temps qu’elle est la manifestation de l’apparition d’une conscience professionnelle. Le rapport Symons exprime le besoin de solidarité qui a conduit la section Archives de la Société historique du Canada à s’en détacher et à former une association professionnelle, l’Association of Canadian Archivists (ACA). Ainsi, le Bulletin rapporte que le lien avec la société limite les archivistes et que la nécessité de se séparer se base sur l’ « intangible » : [...] ces intangibles sont notamment le fait que notre sens professionnel s’affirme de plus en plus et que nous évaluons mieux l’enthousiasme et le sens de la loyauté qu’une association distincte produirait chez tous les archivistes canadiens qu’ils soient dans le domaine des documents historiques, de la gestion des dossiers, ou qu’ils s’occupent d’archives cartographiques, sonores ou visuelles277.
Dans le même ordre d’idée, Wilensky constate que, dans le cheminement d’une profession, la création d’une association correspond à un besoin de s’interroger sur la profession elle-même : « It is during the third step that the members of the occupation begin to ask themselves questions such as, whether they are indeed members of a profession, and whether theirs are a professionnal organization278 ». La naissance d’une association correspond donc à une étape de maturation chez des personnes exerçant les mêmes fonctions. Contrairement à ce qui s’est produit pour l’ACA, l’ensemble des archivistes du Québec ne se sont pas regroupés d’abord à l’intérieur d’autres associations. Les archivistes québécois des plus grandes institutions faisaient partie d’autres associations professionnelles comme la Society of American Archivists279. Cependant, depuis 1963, certains d’entre eux envisageaient
277. Cité dans T.H. SYMONS. Se connaître..., op. cit., p. 89. 278. Harold L. WILENSKI. Op. cit., p. 973. 279. C’est d’ailleurs à l’une de ces rencontres que Luc-André Biron, Claude Lessard et François Beaudin en octobre 1967 discutent d’un projet de fondation de l’AAQ.
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la création d’une association professionnelle. Ce n’est pourtant qu’en 1967 que des rencontres ont lieu officiellement à cet effet280 et que la date de fondation est fixée au 9 décembre 1967. Le nombre d’intéressés est croissant, surtout à l’intérieur de quelques foyers principaux. Les Archives nationales du Québec engagent de plus en plus de jeunes historiens281. L’Université Laval offre quelques cours d’archivistique et des religieux suivent des sessions de formation en archivistique à l’École normale de CapRouge. La présence d’archivistes est donc manifeste. Le ferment d’érudition historique d’abord centré dans les universités s’est déplacé en partie vers les services d’archives dans les années soixante et soixante-dix à cause du nombre croissant de diplômés universitaires embauchés comme archivistes. Au cours de cette période, un petit groupe d’individus plutôt isolés s’est transformé en une communauté de taille respectable qui a senti le besoin d’établir des liens professionnels et institutionnels pouvant l’aider à répondre aux exigences qui lui étaient imposées282.
L’AAQ est dirigée par un conseil d’administration composé du président, de deux vice-présidents283, d’un secrétaire, d’un trésorier et de conseillers et représentants de chaque section (Archives historiques, Gestion des documents) après la création de ces dernières. Ces structures ont légèrement été modifiées au cours des ans. Ce sont toutefois celles qui ont généralement prévalu entre 1974 et 1988. Dès les premières années de son fonctionnement, l’AAQ se donne des moyens appropriés pour répondre aux besoins de ses membres : mise sur pied de la revue Archives (1969), puis du bulletin La Chronique (1971), création de comités de formation, recrutement, congrès (1972). Elle vit aussi différentes crises. Ainsi, la présence croissante de gestionnaires de documents dans ses rangs l’amène à repenser ses structures et à créer, en 1974, deux sections : section « Archives historiques et section « Gestion des documents » sur lesquelles viennent se greffer des sous-sections régionales. Une autre crise éclate en 1979, provoquée elle aussi par la présence des
280. François BEAUDIN. « Née à Québec... mais conçue à Santa Fe, New Mexico (U.S.A.)... et à Québec ! La Chronique, vol. XII, n° 4 (décembre 1982), p. 5. 281. Rapport des archives du Québec, 1961-64, Québec, 1965. 282. Rapport du Comité consultatif sur les archives..., op. cit., p. 45. 283. Le premier vice-président remplace le président après que celui-ci ait exercé un terme d’un an. Le deuxième vice-président est en fait le président sortant. Il occupe ce poste durant un an. La même personne est donc d’abord premier vice-président, président et enfin deuxième viceprésident.
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deux sections, qui amène une étude sur le changement de nom de l’association afin de mieux rendre compte de la réalité de son membership. Rien n’est changé toutefois et le problème est toujours existant. En 1986, une tentative de « pancanadianisation » échoue ; s’amorce une nouvelle crise sur l’identification de l’association doublée celle-là d’une crise financière. Un nouveau conseil d’administration prend la situation en main, crée un Comité d’orientation dont le résultat du travail est encore à venir. Pour notre propos, il est surtout important de savoir comment l’AAQ a répondu à sa mission d’association professionnelle. Selon le Groupe consultatif sur les archives canadiennes, cette mission repose sur « la formation et la publication d’un code d’éthique et de normes professionnelles applicables dans l’ensemble du Canada » et doit permettre l’accroissement des connaissances et de la compétence des archivistes du Canada par des programmes de recherche, de publication et de formation284. Les sociologues Can-Saunders et Wilson, quant à eux, définissent ainsi le rôle d’une association professionnelle : [...] to provide a means for people engaged in an occupation to have some social intercourse ; to provide a forum for the exchange of information about their work ; to raise standards of competence and improve means of testing ; to raise the status of the profession ; and to protect the interest of its members285.
De ces deux points de vue, on peut déduire les éléments d’évaluation suivants et observer l’AAQ comme association professionnelle à partir de ces mêmes éléments : − présence d’un code d’éthique et de normes de compétence, − possibilité d’échanges entre les membres de la profession, − actions de promotion du statut professionnel et des intérêts des membres, − développement de la discipline par la formation, la recherche et par l’établissement de normes.
284. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 84. 285. A.M. CARR-SAUNDERS and P.A. WILSON. The Professions, Oxford, Clarendon Press, 1933, p. 184.
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La présence d’un code d’éthique et de normes de compétence L’analyse qui a précédé sur les standards professionnels et le code d’éthique a démontré clairement que la profession ne possède aucune documentation sur le sujet. Il ne faut pas en déduire pour autant que les archivistes ne respectent pas de code d’éthique. Comme il a été dit précédemment, des conventions existent relativement à l’accessibilité, à la protection des renseignements personnels et à la conservation des documents. Il n’existe pas, toutefois, de code formel émis par l’association elle-même. Les possibilités d’échanges entre les membres de la profession Depuis sa fondation, l’AAQ organise des rencontres où les archivistes peuvent échanger ou profiter de différentes communications. L’analyse du contenu des conférences prononcées lors des congrès annuels présentée ci-après donne une idée de l’importance quantitative de ce type d’activité. La structure même de l’association en favorise la tenue. Jusqu’à 1972, deux réunions générales regroupaient chaque année l’ensemble des membres. S’est ajoutée ensuite la tenue de congrès annuels. L’apparition des sections et des sous-sections régionales, avec la tenue d’activités annuelles dans les différentes régions, a décuplé la tenue de rencontres et d’échanges. C’est donc dire, qu’à ce titre, l’AAQ a bien répondu à sa mission. La promotion du statut professionnel et des intérêts des membres Pour vérifier si l’AAQ a réalisé cet aspect de sa mission d’association professionnelle, nous avons consulté les résolutions de congrès et les rapports des présidents. Ce sont des occasions pour les membres d’exprimer officiellement leur point de vue et pour le président de présenter un compte rendu de ses activités importantes. Ces sources nous révèlent que l’AAQ s’est prononcée par résolution ou par la voie de son conseil ou de son président sur les sujets suivants : l’archivistique en général, la sauvegarde du patrimoine archivistique, des législations fédérales et provinciales ou des sujets politiques concernant de près ou de loin les documents d’archives, la nomination d’archivistes et les Archives nationales du Québec. La vie archivistique en général Les archives elles-mêmes font l’objet d’une résolution. Elle porte sur l’utilisation des archives par les étudiants des universités (1973). Une autre
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résolution s’intéresse à l’accueil des chercheurs (1972). Cinq résolutions portent sur la formation (demande de formation) (1972, 1975, 1976, 1978, 1982). Quatre autres, enfin, réclament la préparation d’une terminologie en archivistique (1970). La sauvegarde et la diffusion du patrimoine archivistique L’association s’est permis de rappeler à l’État le soutien qu’il doit apporter aux institutions d’archives afin d’assurer la conservation et la diffusion des documents. En assemblée générale, elle adopte une résolution dans laquelle elle demande au « ministère des affaires (sic) culturelles [de se donner] les moyens d’intervenir afin d’assurer la sauvegarde de notre patrimoine, particulièrement, au plan financier, au plan du personnel et au plan des techniques audio-visuelles (1976). Dans le même but, elle demande au Conseil de recherches en sciences humaines de rendre les archives provinciales éligibles aux subventions qu’il accorde pour la rédaction d’instruments de recherche286. À trois reprises, elle intervient sur des sujets relatifs à des documents particuliers à protéger ou à diffuser. Elle réclame le microfilmage des archives civiles (1976) ainsi que l’accessibilité des registres d’état civil (1976). Avec les sociétés de généalogie et les sociétés d’histoire, elle réclame que l’Institut Drouin verse à l’État les microfilms sur des documents d’état civil qu’il détient (1976). Les législations fédérales et provinciales L’association est intervenue dans plusieurs projets de loi tant provinciaux que fédéraux. Ses prises de position se sont manifestées par la présentation de mémoires ou par des lettres adressées aux ministres responsables des projets de lois. Les archivistes du Québec ont réclamé une loi provinciale sur les archives en 1968 et 1969. Ils interviennent ensuite dans le projet de loi 3 en 1983 en présentant un mémoire287 et ils se prononcent sur le projet de loi sur les archives du Canada288. Ils présentent un mémoire sur le projet de loi fédérale sur le droit d’auteur289. Le président donne un avis sur
286. Rapport du président, 1981-1982. 287. « Mémoire sur le projet de loi 3 intitulé loi sur les archives », Archives, vol. 15, n° 1 (juin 1983), p.14-24. 288. Rapport du président, 1985-1986. 289. Rapport du président, 1982-1983 et celui de 1985-1986.
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le projet de loi sur l’importation et l’exportation des biens culturels290 et sur celui modifiant la Loi régissant les tarifs douaniers291. L’association présente un mémoire en commission parlementaire relativement à la restructuration scolaire sur l’Île de Montréal292. Quant au projet de loi sur l’accès à l’information, le rapport du président de 1981-1982293 fait état d’un avis qu’il a adressé au ministre des Communications sur le rapport Paré. Toutefois, l’AAQ n’avait pas été consultée officiellement lors de la rédaction du rapport Paré. Les résolutions et les rapports de président font état d’interventions auprès du Comité Applebaum-Hébert sur la politique culturelle fédérale294, auprès de Statistique Canada pour une collaboration dans l’élaboration d’un questionnaire statistique sur les archives295 ainsi qu’auprès du gouvernement fédéral pour demander la création d’un réseau fédéral et de réseaux provinciaux et territoriaux d’archives (1985). Les Archives nationales du Québec Quelques résolutions de l’AAQ concernent les ANQ de même qu’un rapport de président. Ainsi en 1970-1971, le président réclame un édifice plus adéquat pour loger les archives ainsi que la nomination d’un archiviste compétent au poste de conservateur296. Deux résolutions votées en assemblée générale en 1975 souhaitent le microfilmage des archives les plus utilisées et les plus importantes des ANQ et la prolongation des heures d’ouverture pour les chercheurs en soirée et en fin de semaine. En 1976, elle réclame l’ouverture de centres régionaux des ANQ. La nomination d’archivistes À deux occasions, l’AAQ s’est préoccupée de la nomination d’un archiviste ou tout au moins d’une personne compétente pour remplir une fonction archivistique. Elle a réclamé la nomination d’un archiviste compétent au poste de conservateur des ANQ en 1970-1971. En 1974, lors de l’assemblée générale, une résolution demande la désignation d’une personne compétente sans en préciser toutefois le nom ni les compétences, pour
290. Rapport du président, 1980-1981. 291. C’est le trésorier qui est chargé par le conseil d’administration d’écrire au ministre d’alors afin que le matériel antiacide soit exclu des nouveaux tarifs. Rapport du trésorier, 1973-1974. 292. Rapport du président, 1971-1972. 293. Rapport du président, 1981-1982. 294. Rapport du président, 1981-1982. 295. Rapport du président, 1981-1982. 296. Rapport du président, 1970-1971.
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s’occuper des archives du Palais de justice de Trois-Rivières. La résolution est par la suite retirée parce que la nomination venait tout juste de se faire. Il semble que le candidat choisi répondait aux critères mentionnés. Autres résolutions à caractère politique D’autres résolutions ont porté sur l’importance de donner des cours de géographie et d’histoire au secondaire, sur l’adoption de la langue française comme langue officielle de travail au Québec ainsi que sur la reconnaissance du français par la Commission d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1971). Le regroupement chronologique des prises de position démontre une variation du nombre des interventions de l’AAQ relativement à la formation du statut professionnel et des intérêts des membres. Tableau 1 Prises de position par ordre chronologique Années
Prises de position
1968-1972 1973-1977 1978-1982 1983-1988
13 15 8 7
Une nette coupure se manifeste en 1978 où les interventions baissent de moitié. Elle coïncide avec la remise en question du nom de l’AAQ et le sentiment d’insatisfaction des gestionnaires de documents dans l’association. Les énergies semblent s’être concentrées sur les solutions à apporter aux problèmes internes. Les problèmes archivistiques sont-ils moins aigus ? Pourtant, quelques interventions publiques de l’association lui avaient valu un certain crédit politique. Ainsi, le président souligne dans son rapport annuel de 1974 que « l’affaire des microfilms Drouin [...] a fait connaître un peu plus [l’Association] ». En 1983-1984, la présidente constate que des avis sont demandés à l’AAQ par le ministre des Sciences et de la Technologie et que d’autres associations s’intéressent à l’AAQ depuis l’intervention dans le dossier de la Loi sur les archives. Peut-on affirmer que l’AAQ a travaillé à la promotion du statut professionnel et des intérêts des membres ? L’association a exigé la nomination d’un archiviste compétent aux ANQ, réclamé un vocabulaire
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archivistique et assuré la formation de ses membres. Elle s’est préoccupée de la sauvegarde du patrimoine et elle a manifesté un sens politique en exprimant son point de vue sur les législations et sur certains autres projets à caractère politique. La variété de ces interventions démontre que les prises de position sont faites au hasard des événements et laissées à l’initiative des membres. Elle ne présente pas l’image d’actions concertées inspirées d’un objectif de promotion du statut professionnel et des intérêts des membres. Elle exprime toutefois beaucoup de préoccupations sur les archives elles-mêmes, leur conservation et leur utilisation. L’association a-t-elle confondu la défense des archives avec la défense des archivistes ? Ces deux objectifs ne s’opposent pas mais ils ne doivent pas être atteints au détriment l’un de l’autre. Le développement de la discipline par la formation, la recherche et par l’établissement de normes Le rôle d’une association professionnelle par rapport à la formation se situe à différents niveaux. L’association peut limiter son action à donner son avis sur les programmes de formation, s’il en existe. Elle peut offrir elle-même des cours et, dans ce cas, elle joue un rôle de suppléance. Le plus généralement, elle assure le perfectionnement de ses membres qui ont besoin de mettre leurs connaissances à jour. L’AAQ a joué différents rôles par rapport à la formation. En 1971, un rapport du Comité de formation propose au conseil d’administration de l’AAQ des lignes d’action : ne pas donner de cours, sanctionner ceux qui existent déjà, distinguer formation universitaire et formation technique, exiger une formation de base pour être admis dans l’association297. Effectivement, l’AAQ ne donnera jamais de cours proprement dits. En mars 1973, le conseil mandate le Comité de formation et approuve la mise sur pied d’un cours d’archivistique dans un établissement de niveau collégial et d’un stage dans les dépôts d’archives. Le Comité de formation peut offrir la nomenclature des cours298 sans les présenter comme des cours officiels de l’AAQ299. Les membres du Comité de formation de 1973-1974 orientent
297. « Comité de formation des archivistes, rapport sur la formation des archivistes, 3 décembre 1971 », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 2, image 245-250. 298. Ces blocs de cours sont ceux qui seront donnés à l’École normale Notre-Dame de Foy et au Cégep Maisonneuve. 299. « Procès-verbal de la réunion du C.A. de mars 1973, », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 2, image 493.
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leur action vers l’inventaire des cours offerts au Québec et en dehors du Québec300. En 1974-1975, les activités du Comité sont suspendues « devant les insuccès répétés et les piétinements du comité de formation depuis plusieurs années301 ». En 1976-1977, le projet d’un institut supérieur de la documentation n’aboutit pas. À la suite des recommandations du comité pour l’évaluation du changement de nom de l’AAQ en 1981, un nouveau comité de formation est formé. Son mandat est « d’établir la pertinence de l’établissement d’un programme de formation au sein de l’AAQ et de réactualiser le dossier de la formation302. Après avoir affirmé qu’il souhaite que l’association joue « un rôle plus actif [...] au niveau de la formation de ses membres il propose quelques actions dont la création d’un autre comité pour mettre sur pied du perfectionnement et de la formation institutionnelle303. En 1982 enfin, le nouveau Comité de formation de l’association prépare le contenu de deux cours qui seront donnés à Québec et à Montréal durant l’année scolaire 19821983 et laisse entendre qu’il prévoit pouvoir présenter sous peu un programme plus complet304. Ces exemples illustrent les efforts investis, les études réalisées et les bonnes intentions exprimées par l’association quant à la formation depuis 1967. Un bref bilan permet de constater certains acquis et d’évaluer les causes du piétinement. Ainsi, l’AAQ a pris l’option de ne jamais donner elle-même de cours en archivistique. La réticence du conseil d’administration, en 1973, à ce que les cours présentés par le Comité de formation et offerts dans un établissement d’enseignement soient identifiés à l’association en constitue la preuve. On peut facilement expliquer aussi ces hésitations à sanctionner les cours existants. La quantité et la diversité de cours offerts à l’intérieur d’autres diplômes, les stages divers offerts par les Archives publiques du Canada et les Archives nationales de France rendent toute comparaison impossible. La lenteur des universités à faire démarrer un programme
300. Jacques DUCHARME. « Comité de formation, rapport 1973-74 », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 3, image 1404-1405. 301. Lettre de Robert Garon, président, à Monique Thériault, Québec, 4 juin 1974, Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 4, article 620. 302. « Rapport du Comité sur la formation », septembre 1982, Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 13, image 1192-1207. 303. Ibidem. 304. Jean-Yves ROUSSEAU. « Rapport du Comité de formation à l’Assemblée générale annuelle » 27 avril 1982, Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 14, image 1652-1653.
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après l’abandon des cours à l’Université Laval305 a pu décourager bien des enthousiasmes306. À deux occasions, l’AAQ a étudié la possibilité de poser des conditions d’admission à ses membres. Lors de sa création et en 1977, il a été question de rendre obligatoire un examen d’admission. On n’a jamais donné suite à ces propositions à cause de l’opposition de plusieurs membres qui se sentaient menacés et aussi devant l’éventualité de voir diminuer le nombre d’adhérents à l’AAQ. On peut donc affirmer que l’AAQ s’est préoccupée de la formation en archivistique. Toutefois, la conjoncture n’était pas favorable à un développement et ses actions, éparses, n’ont pas porté les fruits attendus. L’apparition de la formation institutionnelle en 1983 devrait permettre à l’association de revoir ses positions à ce sujet, chose qui n’est pas encore faite. En 1986, l’AAQ créait une bourse de recherche pour encourager la recherche en archivistique. Ce geste constitue un signe de préoccupation professionnelle. Cette bourse, attribuée pour la première fois en 1986, a pour but d’inciter les membres de l’Association des archivistes du Québec à faire de la recherche en archivistique et en gestion des documents307 ». Quant aux normes, depuis 1986, l’AAQ s’est engagée avec l’ACA par le Bureau canadien des archivistes dans le travail d’élaboration de différentes normes relatives, entre autres, à la description, à l’analyse et à la conservation des archives. L’Association des archivistes du Québec a rempli avec plus ou moins de succès les rôles dévolus à une association professionnelle. Selon les circonstances et les besoins, elle a défini son action. En cela, elle a démontré sa vitalité. Toutefois, ses actions ont souvent manqué de constance, limitant ainsi leur impact sur le devenir professionnel des membres.
305. Des contacts avaient pourtant été établis avec l’Université de Montréal, l’Université d’Ottawa, les universités du Québec et aussi avec l’Université Laval quelques années après la fin du Certificat d’études supérieures. 306. Le refus du ministère de l’Éducation de créer, en 1975, un programme de formation technique en archivistique à l’intérieur du programme de techniques de la documentation offert dans les cégeps fermait une autre porte pour la formation des archivistes. 307. « Bourse de recherche en archivistique et en gestion des documents » , La Chronique, vol. XVIII, n° 8 (mars 1989), p.6.
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Le membership et le leadership Le membership d’une association professionnelle représente la force même de cette association. Outre le nombre, certains autres aspects relatifs au membership sont révélateurs de la vie professionnelle tels le milieu de travail des membres, l’étude des non-membres exerçant la profession, les groupes d’intérêt dans l’association elle-même ainsi que l’analyse du leadership qui y est exercé. C’est sous ces différents angles que l’on observera le membership de l’AAQ. Le nombre de membres Environ 125 personnes sont présentes à la réunion de fondation de l’AAQ le 9 décembre 1967. Vingt ans plus tard, on en compte au-delà de 500. C’est donc dire que le membership de l’AAQ s’est accru considérablement au cours des ans. Le tableau suivant donne le nombre de membres de l’association depuis 1967. Tableau 2 Nombre de membres de l’AAQ, 1967-1988308 Années 1967-1969 1969-1970 1970-1971 1971-1972 1972-1973 1973-1974 1974-1975 1975-1976 1976-1977 1977-1978 1978-1979 1979-1980 1980-1981 1981-1982 1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986 1986-1987 1987-1988
Nombre de membres 131 212 330 378 216309 254 289 370 407 450 environ 482 450 au-delà 467 554 553 487 547
308. Les chiffres qui apparaissent dans ce tableau ont été tirés du rapport annuel des secrétaires de l’association. Quand le secrétaire ne donnait pas ce nombre dans son rapport, nous l’avons tiré des listes de membres lorsqu’elles
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Cette évolution numérique permet de constater l’augmentation marquée du nombre de personnes intéressées à l’archivistique et travaillant dans le milieu. Toutefois, même avec ses 500 membres, l’AAQ demeure une association modeste dont le membership sera toujours limité. Ses premiers dirigeants l’appréhendaient déjà. Ainsi, en 1971, le président Lionel Séguin affirmait : « Pour nous, les moyens physiques, matériels, soutenus par le tapage publicitaire seront toujours assez limités si on considère le nombre restreint d’archivistes310 ». Les professionnels non membres L’AAQ ne regroupe pas toutes les personnes oeuvrant dans le domaine de l’archivistique. En 1974, lors de la présentation d’un bilan sur l’AAQ, Robert Garon le constatait : « beaucoup d’archivistes ne font pas partie de l’Association des archivistes du Québec311 ». Pourtant, il n’existe pas de véritables associations « compétitrices ». Quelques gestionnaires de documents font plutôt partie de l’American Records Managers and Administrators (ARMA) qui a une section à Montréal et qui, à plusieurs reprises, a tenté d’en former une à Québec mais sans succès. Quelques archivistes québécois sont membres de l’Association of Canadian Archivists (ACA). Il existe des regroupements d’institutions d’archives par région – Groupe des responsables des services d’archives de la région de Québec, par exemple – ou par genre d’institutions – Groupe de travail sur les archives universitaires de la CREPUQ312. Malgré la présence de ces nombreux rassemblements, l’AAQ demeure le seul organisme qui rejoint l’ensemble des professionnels de l’archivistique et de la gestion des documents administratifs. Si elle n’arrive pas à intégrer dans ses rangs tout le personnel travaillant dans le domaine de l’archivistique, ce n’est donc pas parce que ces personnes militent dans une autre association. Qu’est-ce qui explique alors ce phénomène ? Serait-ce que, pouvant exercer leur métier sans être membre de l’AAQ, il n’y a pas de raisons qui justifieraient leur adhésion ? L’AAQ présente-t-elle suffisamment d’avantages professionnels pour les inciter à en
309. 310. 311. 312.
étaient disponibles. Il faut voir ces chiffres à titre indicatif seulement et non en valeur absolue, la période de durée d’une année d’adhésion ayant changé ; de janvier à décembre, elle est passée de juin à mai. La liste des membres donne 358 membres pour 1973-1974. « Liste de membres 1973-74 », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 3, images 787-795. Lionel SÉGUIN. Op. cit., p. 36. Robert GARON. « L’Association des archivistes du Québec », Archives, 74.2, (1974), p. 6. Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.
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faire partie ? Ces raisons expliquent sûrement une part de la situation. De plus, comme l’ensemble des activités de l’AAQ sont offertes à tous, les personnes intéressées peuvent profiter de ses services, particulièrement ceux relatifs au perfectionnement, sans être membres. Sans compter en ses rangs toutes les personnes oeuvrant dans le domaine des archives, l’AAQ regroupe tout de même une grande partie du milieu archivistique. Cette situation profite au milieu des archives mais ne favorise pas vraiment le développement de l’association elle-même. Les milieux de travail des membres De quels milieux de travail proviennent les membres de l’AAQ ? L’absence fréquente de listes de membres mentionnant leur milieu de travail nous empêche de faire des comparaisons par tranche chronologique. Toutefois, comme les listes de membres de 1967-1969 et 1987-1988 sont assez complètes, c’est à partir de ces renseignements que l’on peut mesurer les changements survenus dans le membership de l’association. Tableau 3 Milieux de travail des membres de l’AAQ, 1967-1969, 1987-1988 Milieux
1967-1969 %
Secteur gouvernemental Ministères et organismes d’État ANQ et autres archives gouvernementales provinciales ANC Secteur de l’enseignement Universités et centres de recherche Collèges et cégeps Écoles et commissions scolaires Secteur municipal Municipalités, villes et organismes municipaux Secteur de la santé Hôpitaux CLSC CSS CRSSS Secteur privé Entreprises et organismes privés Consultants Archives privées Archives religieuses
1987-1988 %
15
7,4
6,5 –
3,6 3
4,5 0,7 1,5
7 2 3,6
–
4
0,7 – – –
1 0,9 0,7 0,7
– – 3 40
8,6 0,9 0,9 16,4
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Tableau 3 (suite) Milieux de travail des membres de l’AAQ, 1967-1969,1987-1988 Milieux
196 7-1969 %
Autres Étudiants Sociétés historiques et généalogie Musées Professeurs et autres membres du personnel enseignant Bibliothèques et librairies Non identifié TOTAL
1987-1988 %
10,5 1,5 -
0,5 0,9 0,2
4,5 11,6 100
0,7 0,5 36,5 100
Il y a une différence entre les milieux de travail des archivistes membres de l’AAQ en 1969 et ceux de 1987-1988. Les milieux qui se sont développés durant ces 20 ans sont particulièrement ceux de la santé, du secteur municipal, du secteur privé et ceux des consultants ou travailleurs à la pige qui ne comptaient aucun ou très peu de membres en 1969. C’est le milieu de l’enseignement qui enregistre les plus fortes augmentations autant dans les universités que dans les collèges, les cégeps, les écoles et les commissions scolaires. Les milieux dans lesquels le membership semble diminué sont principalement les ministères et organismes d’État, les Archives nationales du Québec et les archives religieuses. Ces dernières enregistrent une baisse importante qui s’explique par la diminution du nombre de membres provenant de ce milieu mais surtout par une répartition entre une plus grande variété de milieux, ce qui diminue son pourcentage. Les étudiants semblent moins présents dans l’AAQ en 1987-1988 qu’ils ne l’avaient été en 1967-1969. La réalité est sûrement différente, surtout avec l’avènement de la formation institutionnelle en 1983. Ce résultat s’explique par l’absence d’informations fournies sur cette catégorie de membres dans la dernière liste. Le pourcentage important de membres non identifiés laisse place à plusieurs interprétations et ne permet pas d’évaluer correctement le membership. Y retrouve-t-on des étudiants ou encore des personnes sans emploi ou exerçant des emplois à forfait ? L’évolution du membership de l’association illustre à sa façon l’expansion de la profession et de la discipline. Par l’apparition de nouveaux marchés de travail, par la diminution de l’importance de certains autres, elle rend compte de la réalité. La diminution de la présence de représentants des ministères et organismes d’État contraste toutefois avec l’augmentation
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des activités de gestion des documents. Serait-ce le manque de sentiment d’appartenance à la communauté archivistique qui fait que ce personnel s’est retiré des rangs de l’association ? Seule une enquête auprès des personnes concernées pourrait apporter une réponse à cette question. Toutefois, une constatation s’impose. Dans un milieu où la gestion des documents constitue la principale et presque uniquement la seule313 activité, le lien avec l’archivistique, ou avec l’AAQ, semble plus difficile à créer. Les groupes d’intérêt L’AAQ regroupe officiellement les archivistes et les gestionnaires de documents. Pourtant, dans l’histoire de l’association, on sent bien la présence de trois groupes : les gestionnaires de documents, les archivistes religieux et les archivistes historiques314. Leur présence s’est manifestée surtout au moment où l’un ou l’autre a ressenti un certain malaise dans les cadres qui lui étaient proposés. Très nombreux au sein de l’association, plus homogènes en même temps que plus fidèles par leur présence, les religieux ont à plusieurs reprises exprimé le besoin de se retrouver entre eux, allant même jusqu’à menacer de se dissocier de l’association. En 1971, le conseil d’administration accepte la formation d’un Comité des archives religieuses. Ce comité étudie les besoins relatifs au domaine des archives religieuses. Durant ses trois années d’existence, ce comité, très actif, comptera plusieurs réalisations professionnelles importantes tel un cadre type de classification des archives des communautés religieuses en plus d’avoir étudié les règles d’accès aux dépôts d’archives religieuses. En 1973-1974, toutefois, il se voit confier la tâche de préparer la création d’une section d’archives historiques ce qui l’oblige à suspendre les travaux entrepris sur le travail archivistique proprement dit. Un autre événement à souligner est le fait que, dès 1971-1972, les archivistes religieux étudient la possibilité de se regrouper au sein du Congrès des religieux du Canada315. Après des démarches auprès de cet organisme, ils choisissent de demeurer au sein de l’AAQ bien qu’ils souhaitent toujours se rencontrer entre eux, surtout à l’occasion des congrès tout
313. Ce sont les ANQ qui sont responsables des archives historiques pour ces milieux. 314. Les statuts de l’AAQ prévoient une catégorie de membres institutionnels. Seulement quelques institutions se sont prévalues de ce privilège dont les Archives nationales du Canada et les Archives nationales du Québec. Nous n’en ferons donc pas état dans ce texte puisqu’elle n’a pas joué véritablement de rôle dans le développement de l’association. 315. Rapport annuel, Comité des archives religieuses, 1971-1972.
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en admettant tirer profit de leur participation aux échanges professionnels plus généraux offerts durant le congrès. En 1978, une autre tentative de séparation se concrétisera par la création du Regroupement des archivistes religieux (RAR), particulièrement actif dans la région de Montréal. Ces gens souhaitent, à l’exemple du Groupe de travail d’archives universitaires316, travailler ensemble. Après des négociations avec les responsables de la section des archives historiques de l’époque, il est convenu, en 1980, que les archivistes religieux peuvent se regrouper à l’intérieur du RAR mais tout en continuant de faire partie de l’AAQ par le truchement de la section des archives historiques317. Bref, malgré les insatisfactions ressenties chez les archivistes religieux par rapport à l’AAQ, on constate qu’ils y sont demeurés fidèles318. Quant aux gestionnaires de documents administratifs, ils sont membres de l’AAQ dès les premières heures de sa fondation. D’ailleurs, les fon-dateurs se disaient fiers de ne pas vivre la séparation des archivistes et des gestionnaires comme la France et les États-Unis. C’est pour signifier le caractère spécifique de certaines fonctions archivistiques » que la fondation d’une section est jugée nécessaire. Les affinités existent davantage sur le plan du travail que sur le plan géographique319. Toutefois, ce sera un tour de force que de maintenir l’intérêt des deux groupes. Dès 1976, lors du congrès de l’AAQ, une résolution est présentée en assemblée générale des membres afin que dorénavant les programmes de congrès mettent plus d’accent sur la gestion des documents320. La résolution est rejetée mais il n’en demeure pas moins que les gestionnaires ont fait sentir leur présence. Une autre expression de l’insatisfaction des gestionnaires de documents à l’intérieur de l’AAQ est l’insistance qu’ils mettent à demander le changement de nom de l’association. En 1979, le conseil met sur pied un comité dans le but d’étudier la possibilité de changer le nom de l’AAQ. Ce comité rend son rapport en décembre 1979 et recommande au conseil de ne rien changer dans un avenir prochain tant que la terminologie professionnelle ne sera pas plus claire. Il propose donc d’attendre et de mettre ses efforts
316. Groupe de travail créé par la CREPUQ et oeuvrant à l’intérieur de ces cadres et non dans l’AAQ. Les membres de ce groupe sont aussi membres de l’AAQ. Il s’agit d’un regroupement d’institutions et non d’un regroupement de professionnels. 317. François PRUDHOMME. « Au bénéfice des archives religieuses : le Regroupement des archivistes religieux », Archives, vol. 13, n° 3 (décembre 1981), p. 27-33. 318. Il faut bien préciser que tous les membres du RAR ne sont pas membres de l’AAQ. 319. Résolution présentée au 5e Congrès de l’AAQ, mai 1972. 320. Neuvième Assemblée générale, mai 1976.
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à présenter une image plus dynamique de la profession, à organiser la formation et à défendre une vision globale des archives321. Le problème revient régulièrement, manifestant son acuité et la nécessité d’y trouver une solution. Le dernier groupe de professionnels à l’intérieur de l’AAQ est celui des archivistes historiques. Aucune crise n’a marqué leur présence, ce qui démontre leur aisance au sein de l’association. Le leadership Qui assume le leadership de l’AAQ ? De quels milieux proviennent ses administrateurs ? La compilation des milieux de travail des membres du conseil à chaque année permet de dresser le tableau suivant : Tableau 4 Lieux de travail des dirigeants de l’AAQ, 1968-1988 19681973
Lieux de travail ANQ APC (ANC) Milieu gouvernemental Milieu universitaire Milieu collégial Milieu scolaire Milieu municipal Milieu religieux Milieu privé Sociétés historiques Professeurs Consultants322 Autres323
8 0 0 12 0 3 3 15 0 5 3 0 1
19731978
19781983
19831988
12 11 2 9 0 1 1 13 0 0 2 0 1
9 5 2 16 2 0 7 6 7 0 0 1 0
2 0 1 9 4 0 6 3 15 0 4 5 2
TOTAL 31 16 5 46 6 4 17 37 22 5 9 6 4
321. Rapport du Comité d’étude de la représentativité du nom de l’A.A.Q. Inc. présenté au Conseil d’administration de l’Association des archivistes Inc., 1979, p. 9. 322. Sous cette rubrique, nous avons placé les membres qui sont consultants ou qui travaillent à la pige. 323. Ces membres proviennent des sociétés St-Jean-Baptiste, des musées, d’un journal.
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Ce tableau démontre que ce sont les services d’archives du milieu universitaire qui ont fourni le plus d’administrateurs à l’Association des archivistes du Québec. Il est surprenant de constater la place importante que ce personnel occupe dans le leadership de l’AAQ, le Québec ne comptant que quatre universités francophones et six constituantes du réseau de l’Université du Québec. Le personnel qui y travaille s’est donc engagé très activement dans l’association. Pendant les dix premières années, les religieux ont été très présents au conseil d’administration de l’AAQ mais depuis 1978, leur nombre diminue. Par contre, les archivistes ou gestionnaires du secteur privé, absents du conseil d’administration avant 1978, sont de plus en plus nombreux après cette date de même que les membres de l’association qui travaillent à leur compte soit comme consultants, soit comme pigistes. Les représentants du milieu scolaire sont peu actifs dans l’administration de l’association sinon à ses débuts, tandis que le milieu collégial n’apparaît qu’à partir de 1978. Les Archives publiques du Canada fournissent des administrateurs entre 1973 et 1983 ; après cette date, leur présence se fait très discrète. Les employés des Archives nationales du Québec sont actifs dans l’AAQ jusqu’en 1983 ; après cette date, ils n’occuperont que deux postes. Enfin, les membres du personnel des différents ministères sont peu présents à l’association. Leur recrutement, sur lequel on comptait beaucoup lors de la création de la section « Gestion des documents » en 1974, n’a pas été aussi fructueux que l’association ne l’avait d’abord prévu. L’expansion géographique Comme son nom l’indique, l’AAQ regroupe les archivistes de la province de Québec ; elle est donc limitée géographiquement au Québec. Les projets d’expansion n’ont jamais été réalisés bien que la question se soit posée à quelques occasions. D’abord en 1975, lors de la fondation de l’Association of Canadian Archivists, l’AAQ refuse de participer à un projet de fédération canadienne d’archivistes regroupant des associations provinciales. Elle souhaite pouvoir continuer à recruter des membres d’expression française d’autres provinces et conserver son caractère francophone324. Un projet de la section Archives historiques d’implanter une sous-section régionale en Acadie est laissé en suspens325 et ne sera pas repris. Par ailleurs, la proposition du conseil d’administration de changer le nom de l’association pour
324. Huitième Assemblée générale, mai 1975. 325. Quinzième Assemblée générale, mai 1982.
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mieux rendre compte de sa vocation pancanadienne en 1986 ne recevra pas l’approbation des membres. L’AAQ est donc une association qui rejoint d’abord les archivistes oeuvrant au Québec. L’étude du membership a permis de mieux connaître les membres de l’AAQ. Elle nous révèle qu’il correspond à l’évolution du marché du travail, et cela par l’augmentation du nombre de membres et l’apparition de nouveaux milieux. L’association est donc suffisamment attrayante pour que les nouveaux archivistes sentent le besoin de joindre ses rangs. Cette étude révèle tout de même quelques faiblesses. Ainsi, l’AAQ ne peut se considérer comme représentante de l’ensemble des professionnels du milieu puisqu’elle ne les regroupe pas tous. La présence de différents groupes d’intérêt démontre sa vitalité mais aussi le fait qu’elle n’a pas su faire l’unanimité autour d’objectifs communs. De plus, son leadership repose sur des membres œuvrant surtout dans certains secteurs. Il n’est donc pas partagé par l’ensemble des milieux de travail des membres. Cette recherche, toutefois, n’a pu cerner certains aspects importants du membership. Ainsi, sans une enquête auprès des membres eux-mêmes, il est impossible de connaître le statut du membre dans son milieu de travail. Est-il considéré comme un professionnel, un technicien ou un commis ? À quel niveau se situent ses tâches ? Est-il surtout un administrateur exécutant des tâches administratives ? Est-ce un professionnel ? Dans la perspective où elle s’orienterait vers une plus grande professionnalisation, il reviendrait à l’association de poursuivre cette recherche. Il nous a également été impossible de dresser un tableau sur la formation des membres. Encore là, seule une enquête pourrait fournir ces renseignements. Ce tableau sera considérablement modifié avec l’arrivée des nouveaux diplômés en archivistique des universités. Son impact sur le membership ainsi que sur l’orientation professionnelle de l’association sera certes considérable. Les activités et les publications Les activités et les publications d’une association démontrent sa vitalité et son dynamisme ainsi que ceux de la profession. Sous cet angle, l’AAQ présente un bilan impressionnant. Elle tient un congrès annuel depuis 1972. Depuis 1974, des activités de sections se sont multipliées dans chacune des régions où elles sont implantées. De plus, deux publications régulières paraissent dès les premières années : la revue Archives, depuis 1969, et le bulletin d’information La Chronique, depuis 1971. Cet ensemble d’activités
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constitue en soi une preuve de l’importance que l’AAQ accorde à ses services aux membres en favorisant les échanges et la mise à jour des connaissances ainsi que le développement de la profession. C’est toutefois l’analyse du contenu de ces activités qui en révélera la véritable richesse. Les congrès et les activités de sections C’est en mai 1972 que se tient le premier congrès de l’Association des archivistes du Québec. Depuis cette date et à chaque année, les archivistes et les gestionnaires de documents, des étudiants ou des non-membres intéressés par les discussions qui s’y tiennent, assistent à ces assises professionnelles d’une durée de deux à trois jours. Les congrès ont lieu dans une région du Québec où il existe une section active de l’AAQ et ils constituent la principale activité de perfectionnement de ses membres. Le thème et le programme du congrès sont laissés à la discrétion du comité organisateur mais sont approuvés par le conseil d’administration. Le programme est fait de conférences et de tables rondes où plusieurs conférenciers interviennent sur un même sujet. Tableau 5 Thèmes des congrès de l’AAQ, 1972-1988 AnnéesThèmes 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988
Les affaires archivistiques L’archiviste et son travail Perspectives 1980 Les archives, ça vaut l’coup (sans thème, congrès tenu avec celui des sociétés savantes) L’archiviste, un professionnel Gestion des documents et des archives : outils de communication Les documents d’hier à demain Vers l’an 2000 Le régionalisme, une force à découvrir Nos archives en devenir Des documents dont on parle peu Le traitement de l’information ; un défi La gestion des archives ; au cœur des nécessités administratives, technologiques et culturelles L’archivistique : au service de la recherche ou de l’archiviste ? La gestion de l’information, un casse-tête Avenir d’une profession ou profession d’avenir
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Ces thèmes de congrès manifestent un souci professionnel certain. Aussi est-il intéressant de noter qu’en 1978, le thème du congrès « Gestion des documents et des archives : outils de communication » reflète une démarche d’intégration du travail de l’archiviste dans un contexte plus large, celui des communications. En 1984, « Le traitement de l’information ; un défi » révèle le même type de démarche mais cette fois dans le monde de l’information. Si cette préoccupation ne se retrouve pas dans les sujets d’activités traités ci-après, il demeure que, dans la pensée de certains archivistes, cette intégration s’impose. Ces thèmes de congrès peuvent se regrouper autour de quelques sujets principaux. Ainsi, quatre thèmes de congrès portent sur la profession d’archiviste en général : Les affaires archivistiques (1972), L’archiviste et son travail (1973), L’archiviste, un professionnel (1977) et Avenir de la profession et profession d’avenir (1988). Quatre autres thèmes portent sur les documents d’archives : les archives, ça vaut l’coup (1975), Les documents d’hier à demain (1979), Nos archives en devenir (1982) et Des documents dont on parle peu (1983). L’objet même du travail professionnel s’exprime encore dans quatre thèmes : Gestion des documents et des archives : outils de communication (1978), Le traitement de l’information, un défi (1984), La gestion des archives ; au cœur des nécessités administratives, technologiques et culturelles (1985) et La gestion de l’information, un casse-tête (1987). Deux thèmes font appel à la prospective : Perspectives 1980 (1974) et Vers l’an 2000 (1980). Un autre thème, enfin, présente un sujet non archivistique : Le régionalisme, une force à découvrir (1981). C’est toutefois l’analyse des sujets d’activités de congrès et de sections qui demeure la plus révélatrice. Les sections Gestion des documents et Archives historiques sont sous la responsabilité d’un coordonnateur de section. Ce dernier, membre du conseil d’administration, travaille avec les responsables des régions où la section est implantée. Dans les régions plus populeuses comme Québec et Montréal, les deux sections organisent des activités qui prennent la forme de conférences, d’ateliers de travail ou de tables rondes et sont laissées à l’initiative des responsables. Quelques activités particulières peuvent être suggérées par le conseil d’administration mais c’est surtout le conseil de section régional qui prend en main le programme d’activités de même que leur financement en collaboration avec le coordonnateur de section provincial. Le nombre d’activités (deux à six par région) et leur contenu dépend donc du dynamisme de ces responsables.
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Le tableau suivant présente l’ensemble des sujets d’activités, sans égard à la forme ou à la durée326. Il regroupe les thèmes des conférences de congrès ainsi que ceux des activités des sections327 sous les rubriques suivantes : institutions, documents d’archives, discipline, principes et méthodes, vie archivistique, autres disciplines et sujets divers. Chacune de ces rubriques comportent des subdivisions. Ainsi, sous la rubrique « institutions » sont regroupées toutes les activités portant sur les structures et l’organisation d’un dépôt, d’un service d’archives ou d’un milieu de travail déterminé faisant état de la présence de personnel et de politiques sur la gestion des archives. Les activités classées sous la rubrique « documents proprement dits » sont celles qui traitent des documents eux-mêmes à l’intérieur d’un fonds ou comme types de document ou encore selon leurs supports, qu’il s’agisse de papier ou de tout autre type de support. La rubrique « principes et méthodes » rassemble tous les ateliers tenus sur un aspect ou l’autre de ce qui constitue les éléments de la discipline : discipline elle-même, vocabulaire, principes fondamentaux, méthodes et techniques de travail. Celle sur la « vie professionnelle » réunit les activités portant sur différents aspects qui la constituent telles l’histoire, la législation, les associations professionnelles et les relations avec les autres associations. Les activités sur d’autres sujets et d’autres disciplines ont été regroupées dans une autre section.
Sujets
Congrès
Archives histo% riques
Gestion des % documents %
Total %
Institutions
21
5,8
10
2,8
6
1,7
37 10,3
Documents d’archives
35
9,8
10
2,8
2
0,5
47 13,0
Discipline
13
3,6
8
2,2
5
1,4
26
Principes et méthodes
63
17,5
37
10,3
67
18,6
167 46,4
7,3
Vie archivistique
26
7,2
14
3,8
14
3,9
54 15
Autres sujets
20
5,5
3
0,8
6
1,7
29
178
49,4
82
22,7
100
27,8
TOTAL
8,0
360 100
326. Ainsi, ces sujets peuvent être développés à l’intérieur d’un souper-causerie comme ils peuvent constituer le thème d’une journée de formation. Dans ce travail, nous n’avons fait que l’analyse des sujets. 327. Nous avons tiré nos informations des programmes de congrès et des rapports annuels des responsables de sections. Dans les programmes de congrès, nous considérons comme une activité le thème d’une activité même si plusieurs
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Une première constatation s’impose : les activités de l’AAQ sont très nombreuses. Elles représentent une moyenne de dix sujets/année abordés lors des congrès, cinq sujets/année par la section Archives historiques et six sujets/année par la section Gestion des documents pour un total de plus de 21 sujets par année. Les archivistes du Québec ont donc bénéficié d’un éventail très large de sujets d’activités. En chiffre absolu, la section Gestion des documents a tenu plus d’activités que la section Archives historiques. La répartition de leurs activités selon chacune des grandes subdivisions des sujets permet de constater que les institutions ont été surtout abordées dans la section Archives historiques de même que les documents d’archives. Cela s’explique par le développement plus avancé d’institutions dans le domaine des archives historiques. De même, il est logique que les gestionnaires s’intéressent moins aux documents eux-mêmes que les archivistes historiques. Même si leur intérêt pour les supports d’archives a été moins marqué que celui des archivistes historiques, ils ont tout de même tenu quelques activités sur le sujet. Plus d’activités sur la discipline en général ont été organisées par la section Archives historiques. Au niveau des principes et méthodes, la situation se modifie. La section Gestion des documents tient deux fois plus d’activités sur le sujet que la section Archives historiques et même plus que les congrès. Le fait est significatif. Les principes et méthodes archivistiques sont plus établis en archives historiques. Par contre, la gestion des documents est en plein développement. Les sujets les plus souvent traités sont la gestion des documents, le traitement automatisé, la classification, le microfilmage et le calendrier de conservation. Ce sont des sujets nouveaux dont l’application exige une connaissance spécifique. Ils sont sûrement plus en demande. On comprend donc qu’ils fassent l’objet de plus d’activités. Les deux sections tiennent un nombre égal d’activités sur la vie archivistique. Dans la catégorie des autres sujets, il est à remarquer que seuls les congrès et la section Gestion des documents ont abordé le sujet de la gestion de l’information. L’initiative des activités étant laissée aux responsables, on peut supposer que ceux-ci choisissent les thèmes qui répondent aux besoins et aux préoccupations de leurs membres. Ces activités démontrent de plus les différences de préoccupation des gestionnaires de documents et des archivistes historiques. Ces différences proviennent-elles davantage du développement récent de la gestion des documents, des nouvelles ressources
conférenciers interviennent dans cette activité. Pour ce qui est des activités de sections, les rapports annuels n’ont pas toujours été produits par le responsable ou encore les activités n’y sont pas mentionnées. Malgré tout, il demeure que les résultats peuvent se révéler significatifs.
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technologiques et de leur impact sur la gestion des documents ? Les éléments fournis dans ce tableau montrent que les deux sections touchent aux mêmes sujets et que seul les distingue le nombre d’activités. Ils permettent de croire que les particularités de l’une et de l’autre sont le résultat d’une spécialisation des tâches plus qu’une conséquence de la présence de deux professions. Il faudra toutefois d’autres preuves pour étayer plus solidement cette affirmation. Les sujets les plus souvent traités énumérés plus haut présentent une caractéristique commune. Ils sont nouveaux et les applications professionnelles qu’ils exigent requièrent des connaissances spécialisées. En en faisant l’objet de leurs activités, l’AAQ et ses sections remplissent un double mandat. Elles assurent une formation de base à leurs membres anciens et nouveaux qui n’ont bénéficié d’aucune formation en archivistique et fournissent aux autres la mise à jour de leurs connaissances. Elles jouent donc un rôle de formation et de perfectionnement des membres. Au niveau de la formation, elles exercent un rôle de suppléant par rapport aux établissements d’enseignement. L’étude des sujets d’activités par ordre chronologique entre 1968 et 1988 révèle l’évolution des préoccupations des archivistes. Le tableau suivant présente la situation. Tableau 7 Répartition chronologique des sujets d’activités (congrès, sections), 1968-1988 19681972 %
Sujets Institutions Documents d’archives Discipline Principes et méthodes Vie archivistique Autres sujets TOTAL
19731977
1978% 1982
1983% 1988
%
Total %
1 0,3
5
1,4
21
5,8
10
2,7
37 10,3
2 0,5 0 0
9 3
2,5 0,8
17 9
4,7 2,5
19 14
5,2 3,9
47 13,1 26 7
7 1,9 1 0,3 0 0
27 9 7
7,5 2,5 1,9
53 14,7 19 2,8 8 2,2
80 22,2 34 9,4 14 3,9
167 46,4 54 15 29 8
171 47,4
360 100
11 3
60 16,6
118
32
328. Seuls les thèmes des institutions et des documents eux-mêmes enregistrent une baisse. Elle est plus importante dans le cas des institutions (19 à 12).
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Ce tableau présente de façon évidente la progression continue du nombre d’activités tenues à l’intérieur des congrès ou dans les sections régionales. Aucun des thèmes n’enregistre de baisses marquantes328. L’augmentation, tout en étant soutenue, prend toutefois un essor plus important à partir de 1978. Cet accroissement s’explique difficilement. Il ne correspond ni à une augmentation significative du nombre de membres ni à des causes particulières extérieures à la profession. En 1978, l’AAQ a déjà onze ans. C’est peut-être le temps qui lui a été nécessaire pour s’affirmer comme association professionnelle, ses premières années d’existence ayant plutôt été consacrées aux problèmes de structuration. On s’explique mieux les faiblesses de l’AAQ sur certaines parties de son mandat d’association professionnelle en constatant l’énergie investie dans la formation et le perfectionnement. Avec un nombre restreint de membres, l’AAQ a da limiter son action. Aussi a-t-elle privilégié la formation et le perfectionnement pour le bénéfice des membres et des non-membres. Autres activités de l’AAQ En plus des congrès annuels et des activités organisées par les sections régionales, l’AAQ a mené quelques opérations de promotion des archives et des archivistes. Inspirée par le projet du Conseil international des archives, l’AAQ organise une Journée québécoise des archives. En 1976-1977 et 1977-1978, des activités se tiennent dans les régions à cette occasion. Dès 1978-1979, le mouvement s’essouffle et les dirigeants de l’AAQ s’interrogent sur l’avenir de cette activité. Veut-on en faire un projet de promotion auprès du grand public ou plutôt profiter de l’occasion pour animer la communauté archivistique elle-même329 ? À défaut d’une réponse satisfaisante, la journée se tient encore en 1979-1980. L’association reçoit même une subvention du ministère des Affaires culturelles pour produire une affiche à cette occasion. Le conseil d’administration abandonne définitivement le projet en 1980-1981 devant la quantité d’efforts demandée et le peu d’impact sur le public et sur la communauté archivistique elle-même. Pour ne pas être en reste, la section Gestion des documents tient elle aussi sa « journée ». La « première journée québécoise de la gestion des
329. Rapport du président, 1978-1979.
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documents » a lieu à l’automne 1978330. L’activité principale se tient à Québec où l’on présente différentes réalisations en gestion de documents ainsi que des réflexions sur le sujet. Malgré le succès qu’elle remporte, cette journée ne sera pas reprise. Après 1980, ce sont les « salons » qui sont les principales activités de promotion retenues par l’association. Ainsi, elle sera présente au Salon du bureau de Montréal (1982, 1987)331 et à celui de l’informatique (1987)332. Elle assiste aussi a certains congrès. C’est ainsi qu’elle expose ses publications au Congrès international sur la toponymie française en Amérique du Nord333. Les « journées » et les « semaines » constituent un mode de promotion retenu par plusieurs organismes afin de s’attirer une certaine couverture par la presse. Elles permettent de promouvoir une idée ou une cause, d’en faire l’objet de communiqués de presse, d’affiches et d’entrevues radiophoniques. Toutefois, elles demandent une préparation que les faibles moyens de l’AAQ, tant au niveau financier et qu’au niveau des ressources humaines, ne pouvaient réaliser. C’est donc un moyen de visibilité dans le public qu’elle a dû abandonner. Les « salons » quant à eux rejoignent un public de spécialistes et la présence de l’AAQ à ces assises contribue sûrement à faire connaître les services et l’expertise de ses professionnels. Ces salons se tiennent à Montréal seulement. La diffusion est donc limitée géographiquement même si le public qui les visite vient de diverses régions de la province. La revue Archives334 Publiée par l’Association des archivistes du Québec, la revue Archives naît du désir des fondateurs de doter la jeune association d’un instrument de diffusion de l’information professionnelle et de liaison entre les membres. Depuis 1968, l’association possédait un Bulletin de liaison qui contenait, en même temps que des nouvelles diverses de l’association, le résumé ou le texte de quelques conférences présentées lors des réunions des membres. Dans le message de rédaction du premier numéro de la revue Archives, le
330. 331. 332. 333. 334.
Assemblée générale, 1979. Rapport du président, 1982-1983 et 1987-1988. Rapport du président, 1987-1988. Rapport du président, 1984-1985. Cette étude de la revue Archives reprend en partie un article paru dans la revue en 1988. Louise GAGNON-ARGUIN. « Les 20 ans de la revue Archives », Archives, vol. 20, n° 1 (été 1988), p. 3-29.
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rédacteur d’alors, François Beaudin, mentionne que le conseil de l’association souhaite offrir à ses membres un « bulletin plus consistant335 ». Les premiers numéros de la revue présentaient des articles de fond tout en continuant de donner de l’information sur les activités de l’association. À partir de 1971, le bulletin La Chronique couvre les nouvelles de l’association et la revue Archives poursuit sa mission de diffuser la littérature professionnelle. Depuis l’identification du besoin d’une revue professionnelle en archivistique, de sa création par la suite et enfin de sa publication jusqu’à aujourd’hui, bien des jalons ont été posés pour accéder à une plus grande qualité intellectuelle et pour mieux répondre aux besoins des lecteurs. Le premier numéro de la revue Archives paraît en janvier 1969, soit plus d’un an après la fondation de l’Association des archivistes du Québec. D’abord publiée à raison de deux numéros par année, elle passe à trois numéros en 1975 puis à quatre numéros dès 1976. L’augmentation du nombre de numéros par volume est un premier indice de vitalité de la revue. Il faut ajouter de plus les transformations internes qui y sont apportées pour donner davantage de place à la littérature professionnelle. Ainsi, en 1971, la rédaction informe ses lecteurs qu’elle ne publiera plus de comptes rendus des différentes activités de l’association, telles les assemblées et les réunions générales, afin de permettre la publication de plus d’articles. En 1975,336 le conseil d’administration décide que les inventaires, répertoires et classifications ne seront plus publiés intégralement. Les actes de congrès paraîtront de nouveau lorsque la revue passe à trois numéros par année en 1975 pour ensuite être retirés en 1984 parce que « le Comité de la revue dispose d’une banque d’articles qu’il ne peut publier par manque d’espace337 ». Il y a donc une augmentation significative des écrits professionnels. La revue Archives est sous la responsabilité du conseil d’administration de l’Association des archivistes du Québec. Toutefois, le conseil confie à un comité, le Comité de la revue, la préparation de chacun des numéros. Le fonctionnement est laissé à l’initiative d’un responsable nommé par le conseil d’administration. Depuis 1969, dix directeurs ont assumé à tour de rôle la responsabilité de la revue Archives.
335. « Message de la rédaction », Archives, 69.1, p. 3 336. « Extrait du procès-verbal de la 1re séance du conseil d’administration de l’Association des archivistes du Québec Inc. tenue le 21 juin 1975 ». Archives, vol. 7, n° 2 (mai-août 1975), p. 113. 337. Louise GAGNON-ARGUIN. « Note de rédaction », Archives, vol. 16, n° 2 (septembre 1984), p. 2.
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Plusieurs raisons justifient l’importance d’une analyse approfondie de cette revue. Tout d’abord, elle est publiée régulièrement depuis 20 ans et elle représente l’une des réalisations importantes de l’Association des archivistes du Québec. Elle a été depuis ce temps et elle demeure toujours la seule revue francophone en archivistique au Canada. À cette respectabilité que lui confèrent l’âge et l’expérience, la revue Archives ajoute d’autres attributs qui démontrent son importance dans le milieu archivistique québécois. L’histoire de la revue témoigne d’une partie importance de l’évolution de la profession et de la discipline et constate qu’elle constitue le véhicule privilégié du discours professionnel. Comme l’affirmaient les auteurs de l’analyse de la revue québécoise Documentation et bibliothèques, « en réalité, quand nous étudions notre documentation périodique, c’est-à-dire notre pensée pendant un temps défini, c’est nous-mêmes que nous étudions338 ». La revue Archives a publié quelque 348 articles en excluant les coupures de presses, les informations administratives, les actes de congrès et les comptes rendus de réunions. Ces articles ont été signés par 242 auteurs. Elle a présenté en outre la critique de 81 publications. Enfin, 83 auteurs se sont partagés la tache de rédiger ces comptes rendus depuis 1973. Les sujets des articles Les articles parus dans la revue Archives portent sur les sujets les plus divers. Une analyse sommaire de ces sujets et des genres d’articles permet d’en mesurer la richesse et l’étendue. Le tableau suivant démontre qu’une grande quantité d’articles portent sur les principes et les méthodes en archivistique, sur la vie professionnelle et sur les documents eux-mêmes. Plus de 75 % des articles y sont consacrés. L’ensemble des sujets relatifs à l’archivistique sont couverts mais on constate que l’accent est mis sur le travail et la vie professionnelle. C’est toutefois par l’étude plus approfondie de chacun des sujets et de leur forme que l’on pourra mieux en mesurer la portée sur la profession et sur la discipline.
338. Marcel LAJEUNESSE et Lise WILSON. « Vingt-cinq ans de publication périodique en bibliothéconomie au Québec : analyse quantitative du Bulletin de l’ACBLF/Documentation et bibliothèques (1955-1979) », Documentation et bibliothèques, vol. 27, n° 2 (juin 1981), p. 54.
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Tableau 8 Répartition des sujets d’articles, 1969-1988 TOTAL vol.1-5 vol. 6-10 vol.11-15 vol.16-19339 vol.1-19 1969-1973 1974-1978 1979-1983 1984-1988 1969-1988 % % % % %
Sujets Institutions
5,8
3,1
4,4
1,5
14,3340
Documents proprement dits Principes et méthodes Vie archivistique Autres disciplines et sujets divers
5,4 6,0 4,2 1,6
9,6 8,5 7,1 2,3
3,9 9,2 12,1 2,2
3,9 4,4 4,3 0,3
22,6 29,2 27,5 6,4
TOTAL
23,0
31,6
31,8
14,5
100,0
A. Les institutions Le terme « institutions » utilisé ici dans un sens générique regroupe tous les articles centrés sur la présentation d’un dépôt, d’un service ou d’un milieu organisé pour le traitement des documents actifs, semi-actifs ou â valeur permanente. Il englobe donc le concept d’organisation de documents, peu importe leur âge. Les articles qui ont été classés sous cette rubrique sont ceux qui portent directement sur l’institution elle-même. Toutefois, pour vraiment rendre compte du nombre d’articles sur les institutions, il fallait ajouter ceux qui ont été classés sous une autre rubrique parce qu’ils avaient pour objet principal un aspect particulier du travail dans cette institution. Par exemple, un article sur la classification des documents actifs à l’Université Laval a été d’abord placé avec les méthodes archivistiques. Donc, pour
339. Les années de la revue qui sont étudiées sont les années 1969 à 1988. Elles comportent donc trois tranches de cinq ans : 1969-1973 (vol. 1-5), 1974-1978 (vol. 6-10), 1979-1983 (vol. 1115) et une tranche de quatre ans, 1984-1988 (vol. 16-19). À noter que l’année 1988 représente ici le volume 19 qui couvre 1987-1988. 340. La baisse marquée du pourcentage entre 1984-1988 (vol. 16-19) s’explique par la diminution du nombre d’articles dans la revue et par l’augmentation du nombre de pages pour chacun des articles. De plus, le numéro 1-2 du volume 19 contient une bibliographie rétrospective et ne constitue qu’une seule publication. Cela explique aussi la diminution du nombre d’articles. 341. Les chiffres de la colonne des totaux varient quelquefois de quelques centièmes par rapport à ceux indiqués par groupe de cinq ans. Nous avons respecté en cela les calculs opérés informatiquement et ne donnant qu’une décimale.
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présenter une image plus réelle de l’ensemble des articles portant effectivement sur les institutions, ces articles ont été retenus comme deuxième sujet. Le tableau suivant présente les institutions, le pourcentage des articles qui portent sur chacune d’elles, ainsi que le pourcentage d’articles dans lesquels les institutions constituent un deuxième sujet. Tableau 9 Institutions comme sujet d’article
Institutions Institutions en général341 Archives nationales ANQ ANC Secteur public Milieu gouvernemental Secteur parapublic Universités Commissions scolaires Services de santé Municipalités Entreprises d’État Secteur privé Milieux religieux Entreprises Sociétés d’histoire Autres institutions Musées TOTAL
196919 73 %
19741978 %
19791983 %
19841988 %
1969- TOTAL 1988 2e sujet % %
0,6
0
0,8
0
1,4
0,8
1,1 0,3
0,3 0
0,6 0,3
0 0,6
2,0 1,1
3,7 1,1
0
0,3
0
0,6
0,8
2,5
1,1 0,3 0 0,3 0
0 0,3 0 0,3 0
0,6 0 0,6 0,3 0,3
0 0 0 0,3 0
1,7 0,6 0,6 1,1 0,3
0,8 0,8 0,8 0,5 0,5
0,6 0,6 0,3
1,1 0,8 0
0,6 0 0
0 0 0
2,2 1,4 0,3
2,0 0 0
0,6 5,8
0 3,1
0,3 4,4
0 1,5
0,8 14,3
0
Les archives nationales et les archives religieuses dominent les autres institutions parmi les sujets traités entre 1969 et 1988. Ce fait peut s’expliquer par l’organisation plus avancée de ces deux milieux sur le plan archivistique. Entre 1969 et 1973, ce sont les ANQ et les milieux universitaires qui occupent le plus de place tandis qu’entre 1974 et 1978, le plus haut pourcentage d’articles revient aux milieux religieux suivis du milieu des 341. Ce terme couvre les articles portant sur un aspect particulier à n’importe quelle institution, par exemple l’administration d’un service d’archives, les ressources humaines en gestion de documents.
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entreprises. Pour la période se situant entre 1979 et 1983, ce sont les institutions en général qui font l’objet de plus d’articles tandis que pour les années 1984 à 1988, ce sont les Archives nationales du Canada et les milieux gouvernementaux. On remarque également l’absence de certains milieux tels les établissements collégiaux ainsi que les institutions du secteur des services sociaux. Les sociétés historiques ne prennent quant à elles que peu de place dans la revue. Pourtant, on y retrouve des archivistes. La publication de leurs propres revues expliquerait-elle cette quasi-absence ? L’observation des données relatives au deuxième sujet permet de constater la priorité accordée aux archives nationales dans les sujets traités. Les milieux gouvernementaux sont plus représentés dans les pages de la revue que n’avait pu le laisser croire le premier sujet. Aussi, on remarque que les activités professionnelles ont été davantage présentées que les services qui en sont responsables. Quel genre d’article a été écrit sur les institutions dans la revue Archives ? Le tableau suivant regroupe, par genre342, l’ensemble des articles écrits sur les institutions. Tableau 10 Répartition des articles sur les institutions par genre Genre d’article
%
Étude et recherche État de la question Compte rendu d’expériences Information factuelle Prises de position Présentation de dépôts
2,0 5,1 3,1 0,3 0 2,5
342. Le genre « Étude et recherche » signifie que l’article aborde un sujet de façon théorique et que la référence à une expérience ne sert qu’à soutenir l’argumentation. L’« État de la question » regroupe les articles qui font le point sur le sujet abordé ; « Compte rendu d’expérience », les articles racontant une expérience vécue ; « Information factuelle » rassemble ceux qui présentent sommairement un événement, une activité ou un fait sans aucun commentaire. Le genre « Prise de position » renvoie à un avis personnel. Enfin, « présentation de dépôt, de fonds, de sources » réunit tous les articles écrits dans cette intention.
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La plus grande partie des articles sur les institutions d’archives sont des états de la question, des comptes rendus d’expériences ou des présentations de dépôts et de services. Le sujet lui-même favorise d’ailleurs ce genre d’article. La revue présente les milieux d’archives organisés québécois et canadien, les archives nationales, les universités et les institutions religieuses. Pour la plupart des autres institutions, c’est surtout l’une ou l’autre de leurs activités qui font l’objet d’articles. La revue présente donc plus d’activités que de structures institutionnelles. Les praticiens de la discipline sont à la recherche de modèles éprouvés, ce que les grandes institutions paraissent plus en mesure de livrer. B. Les documents proprement dits Les articles sur les documents proprement dits couvrent 22,6 % de l’ensemble des articles parus dans la revue. Ils constituent donc une part importante des préoccupations de la profession. Les articles traitant des documents proprement dits sont divisés en trois catégories. Les articles portant sur un fonds d’archives ou encore sur un ensemble de fonds relatif à un sujet spécifique de recherche sont classés à « Fonds particuliers » et ceux exposant les caractéristiques de certains types de document et faisant des critiques de sources (ex. : recensement) sont regroupés sous « Documents d’archives ». Enfin, les articles présentant des informations archivistiques sur support autre que le papier tels les archives orales, les cartes et plans343, les photographies, les archives ordinolingues, les archives de cinéma, les dessins architecturaux, les cartes postales et les vidéodisques se retrouvent sous la rubrique « Types de support ». Tableau 11 Répartition des articles sur les documents proprement dits TOTAL 1969-1973 1974-1978 1979-1983 1984-1988 1969-1988 % % % % %
Sujets Fonds particuliers
3,3
4,5
1,7
1,1
10,6
Documents d’archives Types de support
2,0 0
3,4 1,7
0,8 1,4
2,0 0,8
8,1 3,9
TOTAL
5,3
9,6
3,9
3,9
22,6
343. Les articles sur les cartes et plans sur support papier ont été classés ici.
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La présentation de fonds constitue presque la moitié des articles portant sur les documents eux-mêmes entre 1969 et 1983 et elle conserve le plus haut pourcentage dans chacune des tranches chronologiques à l’exception des années 1984-1988 où elle cède la place aux types de document. Le plus grand nombre d’articles sur les documents d’archives paraît entre 1974 et 1978. Les articles sur les types de support n’apparaissent qu’en 1974 mais, jusqu’en 1983, ils occupent une place importante. On remarque toutefois une diminution marquée des articles sur les documents proprement dits dans la revue entre 1979 et 1988. Les intérêts des archivistes se portent davantage vers l’organisation et le traitement de ces documents que sur leur contenu. Quel genre d’article a-t-on écrit sur les documents proprement dits ? L’évaluation du genre d’article par rapport au sujet donne le tableau suivant :
Tableau 12 Genre d’article écrit sur les documents proprement dits Genre d’article
%
Études
0,3
État de la question Compte rendu d’expériences Information factuelle Prises de position Bibliographie Présentation de dépôt ou service Présentation de répertoires
7,0 5,1 0,6 0,3 0,3 0,3 2,8
Ce tableau démontre que les articles écrits sur les documents sont surtout des états de la question, des comptes rendus d’expériences et des présentations de répertoires. Donc, les articles sur les documents font particulièrement le point sur des sources, des fonds ou des documents dans le but de les faire connaître aux membres de la communauté archivistique et aux chercheurs. C. Les principes et les méthodes La revue Archives a publié plusieurs articles sur les principes et méthodes archivistiques. Ils représentent 29,2 % de l’ensemble des articles de la revue. Pour les besoins de l’analyse, ce sujet a été subdivisé de la façon suivante : les « principes archivistiques » comprennent le principe de provenance, la
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Chapitre 2
158
théorie des trois âges, les valeurs primaire et secondaire, la communicabilité, l’accessibilité et la confidentialité des documents. Une section de la grille d’analyse a été réservée aux articles traitant du vocabulaire et de la discipline. Les « méthodes de travail » réunissent les articles sur le calendrier de conservation, la classification, les instruments de recherche, les expositions, les acquisitions et le traitement des documents essentiels. La « gestion des documents administratifs » regroupe les articles traitant de la gestion non en tant que courant de pensée mais comme un ensemble de méthodes propres à la création, au traitement et au repérage des documents actifs et semi-actifs. Certaines techniques utilisées dans d’autres disciplines le sont aussi en archivistique. Ainsi en est-il de la restauration, du traitement automatisé et de la microreproduction. Le tableau suivant présente la répartition de ces sujets entre 1969 et 1988. Tableau 13 Articles sur les principes et méthodes Sujets
1969-1973 %
TOTAL 1974-1978 1979-1983 1983-1988 1969-1988 % % % %
Principes
1,7
1,1
2,3
0
5,0
Vocabulaire Discipline Méthodes Gestion des documents Techniques
0,3 0 2,1 0,8 1,1
0,3 0,3 2,0 1,7 3,1
0,3 0,8 1,8 3,4 2,3
0,3 0 2,0 1,1 0,9
1,1 1,1 7,7 7,0 7,3
TOTAL
6,0
8,5
10,9
4,4
29,2
Trois secteurs se partagent l’essentiel des préoccupations sur les principes et méthodes. Il s’agit des méthodes et des techniques de travail et la gestion des documents. En cela, la revue a soutenu l’élaboration et la diffusion des pratiques professionnelles. Les principes généraux font aussi l’objet de 5 % des articles. Par contre, la discipline compte peu d’articles théoriques de même que le vocabulaire. Dans ce cas toutefois, la présence d’articles est constante au cours des 20 ans de la revue.
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Tableau 14 Genre d’article écrit sur les principes et méthodes Genre
%
Études États de la question Comptes rendus d’expériences
16 1,7 11
De la classification par genre d’article se dégage une particularité fort intéressante : le nombre de travaux qui prennent la forme d’études. La réflexion paraît ici plus poussée que partout ailleurs, mais elle est centrée sur des facettes de la pratique. Ces articles s’apparentent à des éléments de formation. La revue devient donc un lieu de partage d’expériences sur le travail professionnel. La revue aurait-elle pallier l’absence de manuels québécois inexistants avant 1983 ? Peut-être même les aurait-elle rendus possibles ? D. La vie archivistique Le thème vie archivistique rassemble des articles sur différents sujets portant sur divers aspects de la vie archivistique tels que la formation, la profession, la législation, l’histoire, les associations professionnelles, les relations avec les autres associations et les archivistes. Ces articles se répartissent de la façon suivante : Tableau 15 Répartition des articles sur la vie archivistique Sujets Profession
TOTAL 1969-1973 1974-1978 1978-1983 1983-1988 1969-1988 % % % % % 0,6 0 0 0 0,6
Formation Législation Histoire des archives AAQ Autres associations Archives ailleurs dans le monde Biographies d’archivistes
0,8 1,1 0 0,8 0
0,6 0 0,3 0,8 4,5
0,3 10,9 0,3 0,3 0,3
0,6 0,8 0,8 0,3 0
2,2 12,9 1,4 2,2 4,8
0,3 0,6
0,3 0,6
0 0
1,1 0,6
1,7 1,7
TOTAL
4,2
7,1
12,1
4,3
27,5
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160
Seuls deux articles ont été écrits sur la profession et ils datent de 1971 et 1972, soit au tout début de l’Association des archivistes du Québec. Les articles sur la formation abordent la formation au Québec mais aussi au Canada et en Afrique. Le haut pourcentage des articles sur la législation entre 1979 et 1983 s’explique par la publication de deux numéros spéciaux constitués de mémoires écrits à l’occasion de la préparation du projet de loi 65 et de la tenue de la commission parlementaire sur le projet de loi 3 sur les archives. L’histoire des archives québécoises est traitée davantage entre 1984 et 1988. Les articles sur l’Association des archivistes du Québec sont constitués d’analyses de l’évolution professionnelle. La revue présente les relations avec d’autres associations tels l’Institut d’histoire de l’Amérique française, la Fédération des sociétés d’histoire, l’Association of Canadian Archivists, l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire et la Société canadienne d’histoire orale et sonore. Il s’agit surtout de comptes rendus de réunions auxquelles participaient des archivistes. Ils paraissent tous entre 1974 et 1978, au moment où la revue contenait une section « rencontres ». Le thème « Les archives ailleurs dans le monde » présente des expériences vécues en Belgique, aux États-Unis et en Afrique. Ces témoignages sont parus surtout entre 1984 et 1988. Enfin, les biographies d’archivistes font connaître quelques grandes figures de la vie professionnelle québécoise. La caractéristique majeure de cette répartition des articles fait ressortir l’importance des circonstances. À tour de rôle, la loi ou les relations avec les autres associations prennent la vedette. Par contre, d’autres sujets font l’objet d’attentions continues traduisant des orientations et des préoccupations privilégiées : l’ouverture sur le monde, la formation et l’AAQ ellemême. On peut y déceler une volonté d’élargissement des horizons en même temps qu’une préoccupation de la qualité professionnelle et du rôle de l’association dans l’ensemble de ces activités. E. Les sujets divers et les autres disciplines Les articles regroupés dans cette section portent sur des sujets très variés allant de la construction de dépôts d’archives à la place d’un centre de documentation dans un service d’archives. Quant aux autres disciplines, il s’agit de la paléographie, de l’heuristique, de la généalogie, de l’héraldique, de l’ethnographie et de la sigillographie. Le tableau suivant en donne la répartition :
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Tableau 16 Répartition des autres sujets et des autres disciplines TOTAL 1969-1973 1974-1978 1979-1983 1983-1988 1969-1988 % % % % %
Sujets Autres sujets
0,8
1,7
1,4
0
3,9
Autres disciplines TOTAL
0,8 1,6
0,6 2,3
0,8 2,2
0,3 0,3
2,5 6,4
Quelques considérations s’imposent déjà devant l’ensemble de cette analyse des articles de la revue Archives. D’abord, les pages de la revue ont traité d’une très grande variété de sujets sans une concentration très marquée pour un sujet ou l’autre. Ces sujets témoignent toutefois de la présence de milieux de travail organisés, de méthodes et de techniques identifiées et d’un matériau de travail reconnu, le document. La revue Archives tend à être une revue scientifique orientée sur la qualité des interventions professionnelles. Elle constitue une participation de premier ordre à l’amélioration et à la généralisation des standards de la pratique professionnelle. Somme toute, la revue Archives constitue un véhicule de promotion du milieu archivistique québécois et une meilleure connaissance de ses auteurs permettra d’en cerner d’autres caractéristiques. Les auteurs des articles Dans ses 20 ans d’existence, la revue Archives a accueilli quelque 250 auteurs. L’étude de certaines caractéristiques de ces auteurs peut révéler des éléments importants des professionnels du milieu. Les aspects suivants ont été retenus : le sexe, le statut social, la provenance géographique, l’appartenance institutionnelle et la formation, la profession et le titre de la fonction du signataire. Tout en complétant l’étude de la revue, ces données peuvent donc être utiles pour la connaissance du milieu. A. Le sexe Beaucoup plus d’hommes que de femmes écrivent dans la revue Archives même si la répartition des professionnels actifs ne montre pas d’écarts aussi notables.
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Tableau 17 Sexe des auteurs de la revue Archives TOTAL 1969-1973 1974-1978 1978-1983 1984-1988 1969-1988 % % % % %
Sexe Homme
19,0
26,8
22,3
12,3
80,4
Femme
1,7
6,1
7,0
4,7
19,6
Il est à remarquer que l’écart entre les hommes et les femmes diminue avec le temps. Les femmes écrivent donc de plus en plus dans la revue. Cette augmentation d’auteurs féminins correspond-elle à l’évolution du membership féminin de l’association ? Peut-être, mais, elle constitue à tout le moins un signe de l’augmentation du nombre de femmes qui s’engagent dans la profession. B. Le statut social Les auteurs sont généralement des laïcs mais on y compte aussi des religieux, comme l’illustre le tableau suivant. Tableau 18 Répartition selon le statut social des auteurs Statut Laïcs Religieux
TOTAL 1969-1973 1974-1978 1978-1983 1983-1988 1969-1988 % % % % % 15,1
31,0
28,5
16,2
90,8
5,6
2,0
0,8
0,8
9,2
Les laïcs constituent 90,8 % des auteurs et les religieux, 9,2 %. Après une présence marquée dans les pages de la revue, les religieux, tout en continuant de présenter différents écrits, se font de moins en moins nombreux. L’augmentation du nombre de laïcs s’explique en partie par l’ouverture du marché du travail dans les institutions gouvernementales, paragouvemementales et aussi dans le secteur privé. C. La provenance géographique Les auteurs de la revue Archives ont été regroupés d’après les provenances géographiques suivantes. Tout d’abord, ceux qui viennent de la province de Québec ont été répartis entre Montréal, Québec et les régions du Québec.
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À cause de la présence des Archives nationales du Canada à Ottawa, les auteurs venant de ce milieu ont été traités séparément. Certains auteurs sont français. Un seul auteur vient d’une autre province canadienne, l’Alberta, et il a été placé sous la rubrique « Autres » avec les auteurs venant d’autres pays : États-Unis (2), Grande-Bretagne (1), Espagne (1), Sénégal (1). La provenance géographique des différents auteurs se présente donc de la façon suivante : Tableau 19 Répartition chronologique de la provenance géographique des auteurs TOTAL 1969-1973 1974-1978 1979-1983 1984-1988 1969-1988 % % % % %
Lieu Montréal Québec Régions du Québec Canada France Autre Inconnu
5,3
12,6
11,5
7,3
36,6
10,1 2,2 1,7 1,1 0,0 2,8
5,0 3,6 7,8 0,6 0,9 1,7
10,9 0,6 3,6 0,3 0,0 2,0
7,3 2,5 1,1 0,3 0,9 0,6
29,3 8,9 14,2 2,2 1,5 7,0
Le poids démographique de Montréal et l’importance administrative de Québec ressortent nettement, les deux tiers des auteurs provenant surtout de ces deux villes. Les Archives publiques du Canada fournissent également plusieurs auteurs, mais depuis 1984, leur présence diminue considérablement. La participation des régions du Québec est significative avec 8,9 % d’auteurs et elle demeure constante depuis 20 ans. On remarque la présence de quelques auteurs venant de l’étranger, particulièrement de la France. La quasi-absence d’auteurs américains s’explique par le caractère francophone de la revue et ne correspond pas à l’influence réelle des théories et des pratiques américaines au Québec. D. L’appartenance institutionnelle Les auteurs de la revue Archives travaillent dans les milieux les plus divers. Ainsi, on les retrouve dans les milieux des archives nationales, des archives gouvernementales ainsi que des secteurs parapublic et privé. L’expression « Institutions d’archives » est ici utilisée dans un sens générique, c’est-à-dire tout milieu organisé, qu’il s’appelle gestion de documents, archives historiques, dépôt ou autres. Plusieurs auteurs ne travaillent pas dans le milieu archivistique lui-même. Compte tenu de l’importance de leur nombre, ils
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ont été regroupés et ensuite répartis selon différentes catégories. Le tableau suivant présente l’ensemble de cette répartition. Tableau 20 Répartition des auteurs selon leur appartenance institutionnelle Institution
1969-1973 %
Secteur gouvernemental ANQ344 ANC345 ANF346 Secteur public Secteur parapublic Universités Commissions scolaires Hôpitaux Municipalités Secteur privé Archives religieuses Entreprises Sociétés historiques Autres milieux Professeurs d’université Professionnels chercheurs Étudiants d’université Professionnels de ministères Employés secteur parapublic Employés secteur privé Bibliothèques Musées Catégories diverses Inconnue
TOTAL 1974-1978 1979-1983 1984-1988 1969-1988 % % % %
2,5 0,8 0,6 0,0
4,7 7,0 0,3 1,4
3,9 3,1 0,0 1,7
2,5 1,4 0,3 0,6
13,7 12,3 1,1 3,6
3,1
4,2
8,1
2,8
18,2
0,6 0,0 1,4
0,3 0,3 0,6
0,0 0,0 0,6
0,3 0,3 0,0
1,1 0,6 2,8
4,7 0,6 0,3
1,4 0,6 0,0
0,6 1,1 0,0
0,8 0,3 0,0
7,5 2,5 0,3
0,6
3,9
0,0
0,8
5,3
1,1
2,8
0,8
3,6
8,4
0,3
1,4
0,6
1,1
3,4
0,0
0,8
2,0
0,0
2,8
0,3
0,3
1,4
0,0
2,0
0,3 0,0 0,3 0,3 3,1
0,3 0,6 0,0 0,3 2,0
2,2 0,0 0,0 0,6 2,8
0,0 0,0 0,3 0,6 1,4
2,8 0,6 0,6 1,7 9,2
344. Archives nationales du Québec. 345. Archives nationales du Canada. 346. Archives nationales de France.
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Ce sont les milieux archivistiques universitaires qui fournissent le plus grand nombre d’auteurs ainsi que les archives nationales tant au Québec qu’au Canada. Ce phénomène peut s’expliquer par la présence d’un plus grand nombre de professionnels dans ces milieux de même que par l’état plus avancé de l’organisation des archives. De plus, ces milieux favorisent les activités de rayonnement de leurs professionnels. Plus de 25 % des auteurs ne travaillent pas dans un milieu archivistique. Par leur travail et leurs fonctions toutefois, ils ont été amenés à s’intéresser au domaine des archives. Il s’agit particulièrement de chercheurs ou de professeurs du milieu universitaire. Ils publient des textes qui ont fait l’objet de conférences lors des congrès de l’Association des archivistes du Québec, ou encore ils présentent des articles originaux, résultat de leurs travaux de recherche. E. La formation La formation des auteurs constitue une donnée plus difficile à recueillir. Malgré tout, il a été possible d’identifier la formation de 70 % des auteurs de la revue. Compte tenu de leur importance dans une telle étude, ces données, même partielles, peuvent être significatives. La formation a été divisée en trois parties : la formation universitaire en archivistique, la formation universitaire autre et la formation technique. Tableau 21 Formation des auteurs de la revue Niveau et genre de formation Formation en archivistique de niveau universitaire Baccalauréat en bibliothéconomie Maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information Maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information (concentration en archivistique) Licence en histoire, certificat en archivistique Certificat en archivistique (1983-) Autres Perfectionnement Stage international des ANF Stage ANC, archives historiques Stage ANC, gestion des documents Formation donnée par l’AAQ Cours Laval CELAV Autres : Stages Washington, cours Carleton
% 1,1 1,5 0,3 3,8 0,7 0,3
5,2 5,2 1,5 0,7 0,7 1,8
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Tableau 21 (suite) Formation des auteurs de la revue Niveau et genre de formation Formation universitaire 1e cycle 2e cycle 3e cycle Formation technique en archivistique Cours École Notre-Dame de Foy Cours Cégep Maisonneuve Formation technique générale Techniques de la documentation Autre Inconnu
% 19,7 9,4 15,0 1,1 0,7 0,7 1,1 29,5
Les auteurs de la revue détiennent un haut niveau de scolarité. Le pourcentage élevé de doctorats peut s’expliquer par la présence de plusieurs professeurs d’université parmi les auteurs puisque très peu d’archivistes possèdent un doctorat. La formation spécifique en archivistique est très variée et le grand nombre d’auteurs ayant suivi des cours ou des sessions de perfectionnement illustre bien les sources de formation dont ont disposé les archivistes québécois depuis 20 ans. L’institutionnalisation de la formation archivistique est un phénomène qui date des années 80 mais il a été précédé de plusieurs tentatives qui ont servi à définir les éléments actuels de formation. Parmi ces différentes formations possibles, on remarque une plus grande popularité des stages aux ANF et aux ANC, et plus particulièrement les stages sur les archives historiques. F. Les fonctions des auteurs Quelles fonctions occupaient les auteurs au moment où ils ont écrit dans la revue Archives ? Voilà une question à laquelle il aurait été intéressant de répondre. Malheureusement, le manque de constance de l’information sur ce sujet dans la revue empêchait de compiler des statistiques. Tout de même, le relevé des fonctions, lorsqu’elles apparaissent, permet de formuler quelques considérations. Ainsi, les auteurs des articles, surtout ceux qui travaillent dans le milieu professionnel, peuvent être regroupés sous deux catégories : ceux qui signent sans donner le titre de leur fonction et ceux qui signent en donnant le titre du poste qu’ils occupent. Pour plus de la moitié des auteurs, seul le lieu de travail est mentionné sans titre de fonction et sans nom de profession. Quant à ceux qui donnent le titre de leur fonction, il s’agit dans tous les cas d’administrateurs de dépôt, de service,
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de division ou occupant un poste de direction à l’intérieur d’un service. Un seul auteur signe « archiviste » en même temps qu’il précise le titre du poste qu’il occupe. Ainsi, on peut croire que pour les auteurs de la revue, la fonction domine la profession et que le poste occupé donne plus de crédibilité que le nom de la profession. Doit-on y lire aussi la difficulté d’en arriver à un consensus au sujet d’un nom de profession et l’illustration du malaise ressenti du fait de s’identifier « archiviste » ou « gestionnaire de documents » par rapport au milieu professionnel lui-même ? Il s’agit d’hypothèses que des études plus approfondies devront vérifier. Les comptes rendus de publications Les « recensions bibliographiques » débutent dans la revue Archives en 1973. Depuis cette date, quelque 80 livres ont fait l’objet de critiques de la part de 60 auteurs. A. Les sujets des comptes rendus Les sujets des comptes rendus ont été analysés avec la grille utilisée pour étudier les sujets des articles. Le résultat est le suivant : Tableau 22 Sujets des publications analysées Sujets
%
Institutions d’archives Documents proprement dits Fonds particuliers Types de document Principes et méthodes Bibliographies Vocabulaire Manuels Discipline Méthodes archivistiques Instruments de recherche Techniques archivistiques Vie archivistique Législation Conseil international des archives Archives ailleurs dans le monde Formation Autre Toponymie Autres disciplines
6 1 4 3,5 3,5 6 1 12 44 1 3 1 1 1 1 11
100 %
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L’importance accordée aux méthodes de travail constatée précédemment pour les sujets d’articles ressort aussi pour les sujets de publications puisque plus de la moitié des livres critiqués portent sur les instruments de recherche et sur les méthodes en général. Les professionnels manifestent une fois de plus leur souci de développer et de perfectionner leur champ de travail. Le lien des archivistes avec le milieu historique apparaît de façon plus évidente dans cette grille d’analyse, puisque 11 % des livres qui ont fait l’objet de comptes rendus proviennent du milieu historique. L’influence extérieure sur l’archivistique québécoise s’exprime aussi par la présentation des grands manuels produits aux États-Unis et en France. Les comptes rendus reflètent donc la production professionnelle québécoise en même temps que ses axes de développement depuis 20 ans. B. Les auteurs des comptes rendus Les auteurs des comptes rendus viennent de différents milieux professionnels et d’autres milieux comme le démontre le tableau suivant : Tableau 23 Appartenance institutionnelle des auteurs des comptes rendus Appartenance institutionnelle
%
ANQ
17
ANC Secteur public Secteur parapublic Universités Municipalités Secteur privé Archives religieuses Entreprises privées Autres milieux Professeurs d’université Professionnels chercheurs Centre de recherche Étudiants d’université Professeurs de cégep Inconnue
10 3,5 26 7 1,5 5 7 13,5 1,5 1,5 1,5 5,0
100 %
Le milieu universitaire, par ses archivistes, ses professeurs et ses professionnels de la recherche, fournit le plus grand nombre d’auteurs de comptes rendus. Les ANQ et les ANC participent aussi de façon très active à la critique de la production professionnelle. Il y a une nette concentration autour de ces deux milieux.
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Le tableau suivant présente le nombre de comptes rendus ou de recensions bibliographiques écrits par chacun des auteurs. Tableau 24 Nombre de comptes rendus écrits par les auteurs Nombre de comptes rendus
Auteurs
1 2 3 6 13
43 11 1 1 1
Il y a un grand éventail d’auteurs de comptes rendus. Si, pendant un certain temps, des auteurs se sont dévoués pour cette cause, en général, les analyses proviennent d’une grande diversité de personnes. Cette garantie d’ouverture et de tendances offre un gage de crédibilité. C. Le lieu et la langue des publications Le tableau suivant illustre la répartition des lieux de publication des ouvrages analysés. Tableau 25 Lieu de publication des ouvrages indexés Lieu
%
Province de Québec Canada (Ottawa) États-Unis Autres provinces du Canada France Sans lieu Reste de l’Europe
52 23 11 6 4 2,5 1,5
100 %
Les trois quarts des publications faisant l’objet de comptes rendus proviennent du Québec et d’Ottawa. La revue présente principalement la littérature professionnelle québécoise et canadienne mais aussi des publications américaines et françaises. La communauté archivistique québécoise est donc amenée à connaître ce qui se publie ailleurs.
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Tableau 26 Langue des comptes rendus Langue
%
Française Anglaise Bilingue Multilingue
77 15 6 2
100 %
Les ouvrages analysés sont en grande majorité de langue française, répondant ainsi aux besoins de la clientèle de la revue. Les publications bilingues sont souvent produites à Ottawa tandis que celles qui sont multilingues sont des publications du Conseil international des archives. C’est donc dire que 85 % de la littérature analysée est de langue française ou comprend des textes français. D. La date de publication Les écarts entre la date de publication d’un ouvrage et celle de la parution d’un compte rendu sont des signes de la vitalité des milieux professionnels. Sous cet aspect, comment évaluer les performances de la revue Archives ? Le tableau suivant en témoigne. Tableau 27 Année de parution des critiques et année de publication Année de parution
%
Même année 1 an après 2 ans après 3 ans et plus après
43 34,5 12,5 10
100 %
Avec près de la moitié des comptes rendus publiés la même année que l’ouvrage, et le tiers, un an après, la revue démontre bien la qualité de sa présence dans le milieu professionnel. La présente étude a permis de jeter un regard plus systématique sur une production importante du milieu archivistique québécois depuis 20 ans : la revue Archives. Après une brève présentation historique, cette analyse s’est attardée à la répartition du contenu intellectuel du périodique et s’est efforcée d’en mieux connaître les auteurs de même que la littérature qu’elle
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La profession d’archiviste au Québec, mythe ou réalité ?
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présente à ses lecteurs. Certaines réflexions s’imposent après ce tour d’horizon. La revue Archives constitue en elle-même et par son histoire un reflet de la vie archivistique du Québec. Créée au moment où le sentiment d’appartenance professionnelle se manifeste par la fondation d’une association, elle exprime l’existence de cette vie professionnelle depuis près de 20 ans. Les rédacteurs se disent toujours à la recherche d’auteurs. Ils en recrutent près de 200 dans le milieu lui-même. Si l’on considère que le membership de l’AAQ s’est maintenu entre 150 et 600 membres, cela signifie qu’une proportion importante de ces professionnels se sont engagés dans l’écriture. L’archivistique est un champ d’étude relativement neuf et en expansion rapide ; le besoin d’échanges et de balises scientifiques s’y fait clairement sentir. La quantité de sujets abordés exprime cette caractéristique du milieu. En lui-même, l’exercice de la profession oblige à la collaboration avec différents milieux et permet le contact avec divers secteurs de connaissance. Il n’est donc pas surprenant que la revue témoigne de cette ouverture. Mais ne peut-on pas voir là aussi l’expression d’une profession à la recherche de son identité qui, en même temps qu’elle veut se tenir à jour, ne veut pas prendre le risque de « ne pas être à la page... » ? Aussi, le niveau de développement de la discipline n’oblige-t-il pas à couvrir un plus grand éventail de sujets afin d’assurer la formation des lecteurs puisque la revue en sera pendant plusieurs années le seul véhicule régulier ? La revue, à l’instar de l’AAQ, n’a pas pris position sur un courant de pensée et sur un vocabulaire unique. En ce sens, elle est à l’image de l’association et du milieu lui-même. La gestion des documents y est présentée surtout dans le cadre d’expériences vécues en plus de compter un article plus théorique sur le sujet. La présence d’une archivistique « historique » est plutôt sous-jacente aux articles sur le sujet ; elle ne compte pas d’articles de fond. L’approche globale des archives telle qu’elle se pratique au Québec fait l’objet d’un article théorique. C’est par une analyse qualitative des articles que pourra être mesurée la véritable orientation de la revue sur le sujet. Toutefois, il est déjà possible d’affirmer que la revue est à l’image du milieu en ce qu’elle présente une cohabitation de l’ensemble de ces courants au Québec. La revue n’est pas non plus une revue « de combat ». L’on n’y relève aucune polémique et peu d’articles d’opinions. Elle se veut plutôt un instrument de formation et un véhicule d’informations au service de la profession et surtout de ses professionnels.
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Cette analyse soulève plusieurs questions. Ainsi, le problème de l’identité de la profession demeure entier. Voilà un sujet que la revue n’a pu ou pas voulu aborder. Quel est le statut de ce professionnel dans son milieu ? Là-dessus aussi la revue demeure muette. Quelles tâches réserve-t-on à ces professionnels ? Mais d’abord qui sont ces professionnels ? Voilà autant de questions auxquelles d’autres sources d’informations nous permettront de répondre. Les publications autres que la revue Archives L’AAQ compte déjà plusieurs publications à son actif347. Depuis plus de 20 ans, elle assure la publication d’un périodique professionnel et d’un bulletin d’informations destinés aux membres. Elle a préparé des brochures publicitaires et a même publié un manuel archivistique sur les instruments de recherche. En 1984, l’éditeur Documentor publie le volume Les instruments de recherche pour les archives348. Cet ouvrage est le fruit de la réflexion et de l’expérience d’un groupe de travail formé au sein de la section Archives historiques. Ce manuel paraît au moment où les cours d’archivistique s’organisent dans les universités et où un cours sur les archives historiques est ajouté au programme des Techniques de la documentation. Il arrive à point pour soutenir l’enseignement tant universitaire que collégial. Les archives au XXe siècle couvrait déjà en partie le sujet mais ce manuel venait le compléter. L’AAQ publie quelques brochures ou dépliants destinés à faire connaître l’association, ses membres et l’expertise qu’ils peuvent fournir. Elle produit de façon irrégulière un dépliant de promotion présentant ses objectifs ainsi que les conditions d’adhésion. En 1983, elle publie une brochure
347. Par le Bureau canadien des archivistes, l’AAQ a participé à plusieurs publications. Ainsi, elle assure la parution et la mise à jour de l’Annuaire des dépôts canadiens. Elle a publié une première réflexion sur les normes de description : Les normes de description en archivistique : une nécessité. Avec le développement dans ce secteur, d’autres publications s’annoncent. Comme ces publications résultent du travail des archivistes de l’ensemble du Canada, nous avons choisi de ne pas les étudier dans le cadre de cet ouvrage. 348. Louis CARDINAL et al. Les instruments de recherche pour les archives, La Pocatière, Documentor, 1984, 123 p. (Collection Accès à l’information administrative).
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intitulée Consultez avant de consulter349. Cette brochure répond aux besoins d’un grand nombre d’organismes qui recherchent du personnel apte à répondre aux exigences des lois sur l’accès à l’information et sur les archives. Elle leur permet de s’informer sur les critères de choix d’un consultant, sur les étapes d’une consultation et sur les aspects pouvant servir à évaluer la proposition et le travail d’un consultant. Quelques projets émergent sans toutefois se concrétiser. En 1970, le conseil d’administration souhaite la production d’un guide de dépôt des archives du Québec350. Le projet ne verra pas le jour. En 1976-1977, un projet de publication d’un manuel de gestion de documents prend forme dans la section Gestion de documents. Des gestionnaires ont le mandat de réaliser ce projet qui sera mis en veilleuse dès l’année suivante351 pour n’être jamais repris par la suite. Par ailleurs, le bulletin La Chronique est publié pour la première fois en 1971. C’est une publication mensuelle qui se veut un lien entre les membres de l’Association [et qui diffuse] les informations et les nouvelles sur les activités de l’association et de ses membres et sur l’association en général352 ». Dans les cinq premières années d’existence,353 il eut quelques difficultés à maintenir ce rythme mais la situation s’est corrigée et depuis, La Chronique paraît régulièrement. La rédaction du bulletin est confiée à un comité composé de bénévoles, membres de l’AAQ, dont le responsable est nommé par le conseil d’administration de l’association. Ce comité est chargé de préparer le contenu et d’assurer la publication. La Chronique présente les nouvelles des sections et des membres. En 1979-1980, le conseil d’administration adopte une politique d’information et décide que dorénavant La Chronique servira aussi à donner les
349. Consultez avant de consulter ; comment choisir un consultant dans le domaine du traitement des archives et des documents administratifs, [Québec ?], Association des archivistes du Québec, 1988. (Il s’agit ici d’une réédition du texte de 1983.) 350. Rapport du président, 1970-1971. 351. Rapport de la section Gestion des documents, 1976-1977 et rapport du président, 1976-1977. 352. « Mandat du Comité de la Chronique », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 12, image 819. 353. Ainsi, en 1973-1974, cinq numéros seulement sont publiés.
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nouvelles du conseil d’administration de l’AAQ354. Enfin, on peut y suivre le cheminement de certains dossiers au sein de la communauté archivistique comme celui des groupes de travail sur les archives au niveau fédéral et lire les commentaires des membres sur certaines situations par les lettres ouvertes qui y sont parfois publiées. Cette partie nous a permis de réaliser un survol de la profession d’archiviste au Québec depuis 1960 et ce, sous différents angles. À travers la littérature, nous avons tenté de cerner l’idéal ou la mission de l’archiviste ainsi que les fonctions sociales et professionnelles qui lui sont réservées. À l’aide de cette même source, l’étude a mis en lumière la perception sociale des archivistes. La communauté professionnelle s’est révélée à travers la vie et les activités de l’Association des archivistes du Québec. Bref, tout en permettant de dresser un bilan de la situation des archivistes, l’ensemble de ces informations a révélé l’émergence de la profession et des tendances vers une plus grande professionnalisation. Différentes manifestations révèlent en effet l’émergence de la profession. Parmi celles-là, les plus tangibles sont le nombre de personnes exerçant les fonctions professionnelles et l’existence d’une association professionnelle. L’augmentation du membership de l’AAQ témoigne également de la présence d’un plus grand nombre de personnes exerçant l’occupation d’archiviste au Québec. Elle permet de plus de constater l’accroissement du nombre de milieux de travail où s’exercent les fonctions archivistiques. En d’autres termes, il y a un plus grand nombre de personnes pratiquant la profession d’archiviste au Québec depuis 1960 et de plus en plus de milieux font appel à leurs services. Les personnes oeuvrant dans le domaine se regroupent dans la même association professionnelle, l’Association des archivistes du Québec qui existe depuis 20 ans. Sa création en 1967 démontrait déjà la présence d’une communauté professionnelle partageant des intérêts communs. Au fil des ans, cette communauté s’est modifiée mais l’augmentation du membership, la diversification des milieux d’origine et le nombre accru d’activités destinées aux membres démontrent une vitalité certaine et continue. Toutefois, parce qu’elle ne regroupe pas l’ensemble des personnes œuvrant dans le domaine, son leadership professionnel en est diminué. Certaines autres manifestations, tout en étant moins tangibles, sont aussi révélatrices de la présence d’une profession. Ce sont le partage d’un
354. Rapport du président, 1979-1980.
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idéal commun, l’exercice de fonctions particulières ainsi que les exigences de pratique. Sur ces différents aspects, la profession d’archiviste présente un développement moins évident. La mission de l’archiviste reste encore à définir bien qu’il semble exister une entente tacite entre les professionnels de l’archivistique sur le contenu de cette mission. Toutefois, on ne la retrouve exprimée ni dans la littérature ni dans les statuts de l’association elle-même. Les fonctions professionnelles sont elles aussi encore à préciser. Il n’existe pas de liste de tâches de niveau professionnel et le code d’éthique et les standards professionnels sont toujours inexistants. Notre analyse nous a permis de constater toutefois qu’on peut les déceler à travers la littérature et les activités de l’association mais, parce qu’ils ne sont pas officialisés, ils ne peuvent servir aussi efficacement à la promotion de la profession. Les exigences de pratique ne sont pas non plus déterminées. L’étude des offres d’emploi démontre que le milieu du travail ne reconnaît pas encore une formation précise pour exercer les fonctions archivistiques qu’il exige. L’apparition de la formation universitaire est encore trop récente. L’accès à une profession peut aussi être conditionné par l’acquisition des connaissances spécifiques à cette profession. Nous n’avons pas abordé la formation ni le corpus scientifique lui-même dans cette partie de notre ouvrage, les réservant pour l’étude de la discipline. Toutefois, il faut dire que l’acquisition des connaissances en archivistique n’est pas requise pour exercer la profession. Cette situation s’explique par l’absence presque complète de formation universitaire entre 1960 et 1982355. La mise en place de programmes de formation depuis 1983 amènera sûrement des changements dans la pratique de la profession pour les années à venir. Sans être une condition nécessaire à l’émergence d’une profession, l’image qu’elle projette en influence fortement la reconnaissance dans la société. À ce titre, les archivistes ne semblent pas être choyés. Dans la littérature, ils se disent mal perçus par la population tout en étant convaincus qu’ils peuvent offrir de bons services.
355. À l’exception de l’Université Laval qui, entre 1967 et 1971, a offert un certificat archivistique comme partie du baccalauréat en histoire. L’École de bibliothéconomie l’Université de Montréal a offert dès 1972 des cours en archivistique à ses étudiants bibliothéconomie et l’Université Laval a continué à offrir certains cours à ses étudiants histoire.
en de en en
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Sans conteste, les archivistes ont évolué comme groupe professionnel depuis 1960. Le portrait que nous avons tracé démontre qu’ils ont acquis plusieurs caractéristiques professionnelles. Vers où s’oriente maintenant le développement de leur profession ? Conventionnellement, la reconnaissance d’une profession se concrétise par un geste légal par lequel l’État incorpore le groupe professionnel. Ainsi, l’État reconnaît la nécessité de l’existence d’un organisme de surveillance pour l’exercice de la profession en vue d’une meilleure protection du public et de la relation privilégiée professionnel-client. Mais, pour plusieurs raisons, les archivistes ne sont pas en mesure d’aspirer à une reconnaissance légale. En premier lieu, par les législations de 1982 et 1983, l’État s’engage à protéger lui-même le public en ce qui a trait à l’accès à l’information, la protection des renseignements personnels et la conservation des archives. Ainsi, le gouvernement a voulu amoindrir, sinon faire disparaître, le risque de graves préjudices reliés à la divulgation de renseignements confidentiels. Dans ces circonstances, a-t-on besoin d’intervenir pour accroître les mesures de contrôle du travail des archivistes356 ?
En deuxième lieu, l’autonomie dans l’exercice reconnue au professionnel par le Code des professions suppose une relation particulière entre le professionnel et son client. Seule la corporation peut juger des actes de ses professionnels. Comme on l’a vu précédemment, les conséquences de la bureaucratisation des activités a considérablement changé cette relation. Appliqué surtout à la pratique privée, ce contrôle corporatif se transpose mal dans un milieu où le contrôle premier est d’abord exercé par l’autorité immédiate. Ce changement dans le monde du travail atteint la notion même de profession dans le cas des professions reconnues comme la médecine et le droit. Pour l’archiviste qui œuvre surtout à l’intérieur d’un cadre bureaucratique, cette relation entre le client et le professionnel ne s’applique pas. Dans ce contexte, quelles sont les voies d’évolution de l’archivistique ? « [...] s’il ne peut y avoir de corporatisme professionnel sans professionnalisme, il peut y avoir professionnalisme sans corporatisme357 affirmait un jour un ancien président de l’Office des professions du Québec. Est-ce
356. Claire VILLENEUVE. « Le rôle, les fonctions des corporations professionnelles et la constitution de nouvelles ; une possibilité pour les archivistes ? », Archives, vol. 20, n° 4 (printemps 1989), p. 40. 357. André DESGAGNÉ. « L’avenir du professionnalisme au Québec », Critère, n° 26 (automne 1979), p. 43.
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dans ce sens que l’on doit concevoir le développement de l’archivistique ? Si oui, quelles sont ses chances de devenir de plus en plus « professionnelle » ? Les circonstances propices à son développement sont liées à la conjoncture elle-même. Ainsi, les législations relatives aux archives adoptées depuis 1969 au Québec sont favorables aux archives et sensibles aux qualités et à l’accessibilité de l’information. Les archivistes se voient donc confier une mission sur les documents eux-mêmes et le défi de répondre professionnellement à ces nouvelles exigences. Les nouveaux besoins administratifs, la conjoncture de récession, l’utilisation des technologies représentent autant de conditions favorables à la reconnaissance des archivistes comme professionnels s’ils savent répondre à ces nouveaux besoins. L’archivistique constitue une profession qui s’est développée depuis 30 ans. Elle a franchi plusieurs étapes : exercice des activités à plein temps, mise en place de la formation, constitution d’une association professionnelle. Le dynamisme qu’elle a démontré est un gage de sa capacité à s’adapter aux situations nouvelles et de son désir de s’imposer comme profession. Les archivistes devront aussi prendre leur place dans le contexte mouvant du marché du travail. Une nouvelle catégorie de professionnels semble prendre place en sociologie des professions, celle des « experts358 ». Aussi l’archivistique peut-elle présenter un cas intéressant dans ce nouveau contexte car elle fait partie de cet ensemble de spécialités qui ont été créées pour répondre aux nouveaux besoins sociaux et culturels : spécialités à contenu plus professionnel comme la bibliothéconomie, ou à contenu plus scientifique comme l’histoire, les sciences sociales et les sciences de l’information. L’archivistique a donc évolué dans ce nouveau contexte professionnel. Le développement de l’archivistique comme profession semble donc être conditionné par l’utilisation qu’elle saura faire des contextes politique, économique et social qui lui sont favorables, par le maintien du dynamisme dont elle a toujours fait preuve et par sa préoccupation de faire sa place dans le nouveau contexte professionnel du marché du travail.
358. Magali SARFATTI LARSON. « À propos des professionnels et des experts, ou Comme il est peu utile d’essayer de tout dire », Sociologie et sociétés, vol. XX, n° 2 (octobre 1988), p. 23-40.
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Chapitre III
La discipline archivistique en devenir ?
L’archivistique existe-t-elle comme discipline au Québec ou n’est-elle qu’en voie de développement ? Plusieurs manifestations témoignent de sa présence. Aussi leur analyse peut-elle apporter des éléments de réponse. L’existence d’une discipline se traduit particulièrement par la présence d’une formation institutionnelle dans le domaine. La visibilité du phénomène fait souvent oublier le cheminement préalable qui a été nécessaire à la constitution du corpus scientifique et la recherche nécessaire à la poursuite de son développement. Elle laisse dans l’ombre l’influence des facteurs extrinsèques qui ont favorisé son apparition et les pensées qui l’ont modelée. Elle ne rend pas compte non plus des liens d’appartenance avec d’autres disciplines qui ont dû être rompus ni de ceux qui sont à tisser. Une discipline, c’est donc tout un ensemble d’éléments interactifs qui évoluent dans le temps. La discipline repose sur une structure cognitive composée d’un corpus scientifique, de principes et méthodes de travail ainsi que d’une autonomie par rapport aux domaines d’activité qui lui sont connexes. Elle possède aussi une structure sociale dans laquelle s’inscrivent des programmes de formation offerts à différents niveaux et dans des établissements reconnus. Elle suppose la présence d’enseignants et d’étudiants, de programmes de
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Chapitre 3
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recherche et de lieux d’échanges scientifiques359. Les éléments extérieurs nécessaires à son développement sont les postes disponibles pour les pro-fesseurs ou les chercheurs dans le domaine ou les postes au sein de la société, l’appareil de légitimation et le degré d’utilisation sociale du savoir360. L’histoire de la discipline archivistique au Québec constitue un exemple intéressant qui illustre l’importance et le rôle de ces différents facteurs. L’institutionnalisation récente de la formation (1983) apparaît plus de dix ans après une première tentative à l’Université Laval (1967-1971). La discipline est reconnue comme domaine de recherche par les organismes subventionnaires avant même l’établissement de la formation universitaire. Le contexte général du Québec depuis les années 60 a, à sa façon, agi sur la discipline par les législations et les politiques culturelles, par les nouveaux besoins économiques, par l’apparition de nouvelles règles sociales, par l’élargissement de la dimension culturelle, par les nouvelles conditions de travail et les nouvelles technologies. De plus, la discipline tente de se former une image propre bien qu’elle porte l’empreinte de la coutume européenne et qu’elle soit influencée par le développement qui s’opère aux États-Unis. Voilà donc un tableau qui offre beaucoup de ressources à l’étude de l’archivistique. C’est par la constitution du corpus scientifique et l’histoire des programmes de formation que nous aborderons cette dernière partie de l’ouvrage. Malgré son état embryonnaire, la recherche présente déjà quelques acquis dont nous ferons état. L’appartenance disciplinaire est un sujet qui a été particulièrement discuté aux États-Unis mais le débat s’est engagé au Québec au début des années 80 et les lieux de formation eux-mêmes témoignent de la présence d’opinions différentes sur le sujet. La présentation des autres éléments de la « vie » d’une discipline tels les professeurs, les étudiants, les infrastructures de soutien à l’enseignement et les lieux d’échanges scientifiques sont regroupés dans une dernière partie.
359. C’est à Stuart S. Blume que l’on doit l’identification de cette structure. Cf. : Stuart S. BLUME. « D’une perspective extrinsèque... », op. cit., p. 9-10. 360. Marcel Fournier, dans son étude sur le développement de la sociologie au Québec, divise son analyse en quatre parties : contexte sociétal, institutions, champ sociologique comme système de positions scientifiques avec ses instances de régulation, de diffusion et de gratification, et les agents eux-mêmes, leurs caractéristiques sociales, scolaires et professionnelles. C’est aussi de ce modèle dont nous nous sommes inspirée. Cf. : Marcel FOURNIER. « La sociologie dans tous ses états », Recherches sociographiques, vol. XXVI, n° 3 (1985), p. 417-443.
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La discipline archivistique en devenir ?
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Le corpus scientifique Les éléments de connaissance propres à l’archivistique se sont constitués au cours des ans à partir de la pratique et par le souci de perfectionnement des professionnels eux-mêmes. La parution des premiers manuels en 1982 a permis de dresser l’inventaire de l’expertise développée, d’en démontrer la cohérence et d’en permettre la transmission. L’objet de cette partie de notre étude n’est pas de reprendre les éléments constitutifs de la discipline ; les manuels les présentent déjà et il en a été fait mention dans les pages précédentes. Toutefois, il peut être révélateur d’identifier les principales étapes de développement qu’elle a franchies et de tenter de mesurer les influences qu’elle a subies. C’est à partir de l’étude des programmes de formation, de l’analyse de la revue Archives déjà réalisée et des autres publications que l’on pourra identifier ces étapes. Le problème particulier du vocabulaire sera aussi présenté dans cette partie. Les contenus de programme Quatre programmes retiennent particulièrement l’attention tant à cause de leur reconnaissance institutionnelle que par le rôle qu’ils ont joué dans le développement de l’archivistique. Il s’agit du programme donné à l’École normale de Cap-Rouge entre 1969 et 1975, du Certificat d’études supérieures de l’Université Laval (1967-1971) et des programmes de certificat de premier cycle offerts depuis 1983 à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université Laval ainsi que des programmes de maîtrise de l’Université de Montréal et de l’Université Laval. Les cours du Certificat d’études supérieures de l’Université Laval portent sur l’initiation à l’archivistique, sur les archives canadiennes publiques et privées, sur l’histoire des institutions, sur les différentes institutions fédérales, provinciales et municipales, sur l’administration dans les sociétés. Aux cours s’ajoutent un stage et la réalisation d’un instrument de recherche. Après l’abandon du certificat, deux cours restent au programme. À partir de 1974-1975 jusqu’au nouveau certificat de 1986, ces cours porteront sur la gestion des documents et les archives historiques361.
361. Annuaire de l’Université Laval, 1974-1975.
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Chapitre 3
Le contenu des cours donnés à Cap-Rouge comprend sensiblement les mêmes thèmes. On le connaît surtout par le rapport présenté par le Comité de formation au conseil d’administration de l’AAQ362. Il couvre trois volets : l’archiviste, les archives et les dépôts d’archives363. Chaque thème est abordé pendant une semaine alors que des visites de dépôts complètent la matière. Sur une si courte durée toutefois, ces sujets ne peuvent être qu’effleurés et permettent une initiation plus qu’une formation dans le domaine. Le contenu indique toutefois le degré d’articulation qu’a atteint la discipline. Les programmes de certificat commencés depuis 1983, mis à part quelques cours, comportent tous des cours portant sur les mêmes sujets archivistiques. On y retrouve des cours portant sur l’introduction à l’archivistique (concept de fonds, théorie des trois ages, principe de provenance), l’acquisition des documents, l’évaluation, la sélection, la conservation, la classification, les instruments de recherche, les modes de diffusion, la gestion des documents actifs (analyse de besoins, création, circulation, classification, repérage), la gestion des documents semi-actifs (centre de documents semi-actifs, repérage), implications légales sur les documents, le calendrier de conservation et les différentes conséquences de l’avènement de l’informatique. Le programme de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information avec concentration en archivistique offert, depuis 1983, à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de
362. « Rapport sur la formation des archivistes du Québec préparé par le comité de formation en 1971 et présenté au CA », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 2, image 57-61. 363. Le contenu détaillé se lit comme suit : L’archiviste : mission des archives et des archivistes, relations internes avec l’administration et relations externes, législation, organisation, personnel et secrétariat, budget et rapport annuel, versements et destruction des documents, histoire des archives dans le monde et au Canada, le respect des fonds, comment composer un guide des archives, la bibliothèque des archives, bâtiments, équipement et mobilier d’archives. Les archives : définition des archives, les acquisitions, versements, triage, élimination, conservation et restauration, plan de conservation et préarchivage, méthodes et cadres de classement, instruments de recherche, archives audiovisuelles, cartes et documents imprimés, diffusion de la culture. Les dépôts d’archives, les techniques de l’archiviste : Histoire des institutions au Québec, Archives publiques du Canada, Archives nationales du Québec, archives municipales et religieuses, archives des maisons d’éducation et des sociétés historiques, archives commerciales, paléographie, microfilmage, visite d’un atelier de microfilmage, secteurs de pointe de la recherche historique au Québec.
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Montréal comporte un cours d’introduction à l’archivistique, un cours « Ar chives et administration » et un autre « Archives et recherche ». L’étudiant doit réaliser un stage et poursuivre au moins une recherche personnelle. L’originalité de cette formation vient du fait qu’elle harmonise l’archivistique et les sciences de l’information et qu’elle reconnaît l’apport de celles-ci sur certains aspects de l’archivistique telles l’informatique, l’administration, l’analyse de l’information et la référence364. Le programme de maîtrise en histoire, volet archivistique, de l’Université Laval qui débute en septembre 1988 comprend trois « pôles de réflexion » : sciences et technologies de l’information, administration et législation et fonctions archivistiques. Ce programme est lui aussi orienté vers l’information et semble reconnaître l’archivistique comme partie intégrante de ce domaine d’activités par l’identification d’un pôle de réflexion et par la composition du dernier pôle où les fonctions archivistiques sont définies par la création, la conservation, le traitement et l’exploitation de l’information. Le corpus scientifique retenu pour la formation reprend les tendances déjà identifiées dans la littérature archivistique. Relié aux archives historiques, il englobe ensuite la gestion des documents actifs et semi-actifs. L’ouverture vers l’information, particulièrement au deuxième cycle, est nettement plus claire dans la formation que dans la littérature ou dans les activités archivistiques qui l’ont à peine mentionnée. Les manuels et les vocabulaires en archivistique La publication de manuels québécois en archivistique et en gestion de documents constitue l’aboutissement du développement de la discipline en même temps que le signe de sa maturité. Publié en 1982, le livre de Carol Couture et Jean-Yves Rousseau, Les archives au XXe siècle : une réponse aux problèmes de l’administration et de la recherche365, présente l’approche archivistique québécoise. Il constitue un manuel d’archivistique couvrant toute la vie d’un document, de sa création jusqu’à son utilisation pour la recherche. Ce manuel étudie donc les sujets relatifs à l’acquisition, au traitement et à la diffusion des documents à l’âge actif, semi-actif et inactif ou historique. Il constitue le manuel le plus complet publié en langue française puisqu’il aborde toute la vie du document.
364. Florence ARÈS, Carol COUTURE et Louise GAGNON-ARGUIN. L’archivistique à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information », Argus, vol. 16, n° 1 (mars 1987), p. 10. 365. Carol COUTURE et Jean-Yves Rousseau. Les archives au XXe siècle..., op. cit.
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L’année suivante, Michel Roberge publie un autre manuel, La gestion des documents administratifs366. Ce manuel porte sur les différents aspects de la gestion des documents administratifs et couvre la création, le traitement et la circulation des documents à l’âge actif et semi-actif. À travers l’élaboration d’un corpus scientifique surgissent tous les problèmes de vocabulaire. En 1973, les archivistes québécois voient dans la publication du Lexicon367 un effort d’uniformisation368 » mais regrettent l’absence d’un représentant nord-américain dans l’élaboration de ce vocabulaire, la considérant comme un obstacle à son adoption internationale. De concert avec les Archives publiques du Canada369, l’AAQ crée, en 1974, un comité de terminologie dont le mandat est d’établir un vocabulaire en langue française qui ferait consensus chez les archivistes. Le comité remet un rapport assez rapidement et les résultats sont publiés dans la revue Archives de 1974370. Ce vocabulaire comprend surtout des termes reliés aux archives historiques. Malgré le sérieux du comité qui y a travaillé, le vocabulaire ne semble pas avoir influencé le développement de la discipline ni marqué une étape dans l’élaboration d’un vocabulaire uniforme. Il n’en est fait aucune référence dans des textes ultérieurs. À la fin de l’ouvrage Les archives au XXe siècle, on retrouve une compilation terminologique (plus de 150 pages) qui recueille l’ensemble des termes et des significations qui leur sont attribués dans le contexte québécois. Cette compilation favorise la constitution d’un état de la question. En 1982, l’Office de la langue française prépare un vocabulaire en gestion des documents371. Cette action s’inscrit dans le cadre d’un travail que l’office entreprend relativement à l’établissement de la terminologie
336. Michel ROBERGE. La gestion des documents administratifs..., op. cit. 337. Elsevier’s Lexicon of Archive Terminology, compiled and arranged on a systematic basis by Committee of the International Council on Archives, Amsterdam, Elsevier Publishing Company, 1964, 83 p. 338. Claude VACHON. « Committee of the INTERNATIONAL COUNCIL ON ARCHIVES. Elsevier’s Lexicon of archive terminology ; compiled and arranged on a systematic basis by... Amsterdam, Elsevier Publishing Company, 1964, 83 p. [compte rendu] », Archives, 73.1, (1973), p. 87-89. 339. Les Archives publiques du Canada avaient déjà publié une brochure : Traduction et définition des termes employés dans la gestion des documents, Ottawa, 1968, 21 p. 340. « [Terminologie... de termes fréquemment utilisés] » Archives, 74.2 (1974), p. 47-52. 341. Gisèle DELAGE. Vocabulaire de la gestion des documents administratifs (français-anglais), Québec, Office de la langue française, 1983, 91 p.
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propre à la gestion des entreprises. « Le vocabulaire de la gestion des documents administratifs s’inscrit donc dans ce plan d’action prioritaire372 ». Le vocabulaire, élaboré en collaboration très étroite avec les professionnels du milieu, n’est cependant pas le fruit de leur initiative. L’influence américaine, particulièrement importante dans le domaine de l’administration et de la technologie, inspire l’ensemble de la terminologie. Le vocabulaire s’est donc limité à la traduction la plus adéquate possible des termes employés en gestion des documents administratifs, c’est-à-dire relatifs à la création, au traitement et à la diffusion des documents actifs et semi-actifs. Cette publication constitue une première initiative québécoise dans le domaine. Parce qu’il a été publié par l’Office de la langue française, ce vocabulaire recevra une plus grande diffusion que celui préparé antérieurement par l’AAQ et contribuera au développement de la discipline en lui fournissant un matériau plus théorique. Les influences extérieures L’archivistique et la gestion des documents ne se sont pas développées seulement par le dynamisme et le leadership de leurs professionnels, elles ont aussi profité de l’expertise de professionnels d’autres milieux. Où les archivistes et les gestionnaires de documents québécois ont-ils puisé leurs sources d’information ? Quelles ont été leurs principaux lieux de références en l’absence de formation institutionnelle organisée ? C’est en étudiant les références à la littérature, en rassemblant les types de cours et de stage suivis par les gens du métier en dehors de ceux donnés au Québec de même qu’en considérant les activités des autres associations auxquelles ont participé des archivistes québécois qu’il sera possible de mesurer un peu mieux ces influences. L’étude des sources des citations fournit des indices à cet effet en révélant, entre autres, la provenance géographique de la documentation consultée. Cette étude, menée dans la revue Archives sur les cinq premières références bibliographiques des articles de plus de cinq pages, donne la répartition suivante :
372. Gisèle DELAGE. « Méthodologie et problématique de l’élaboration d’un vocabulaire de la gestion des documents administratifs », Archives, vol. 13, n° 2 (septembre 1981), p. 79.
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Chapitre 3
Tableau 28 Références bibliographiques par pays (en pourcentage) Années
Québec Canada % %
1969-1973 1974-1978 1979-1983 1984-1988
7 7 11 10
5 3,5 3,5 1,5
TOTAL
37
9
France États-Unis % % 3,5 2,5 8 4,5 21
Autres %
0 5 4,5 4 11
1 2,5 0 3 7
Documents % 5 7 4 4 15
Les références à la documentation québécoise sont les plus fréquentes parmi l’ensemble des références analysées. La France vient ensuite avec 21 % des citations, suivie des États-Unis avec 11 %, du Canada avec 9 % et des autres pays avec 7 %. Les références à des documents d’archives constituent 15 % de l’ensemble des références. Il y a donc prédominance de la littérature québécoise dans les citations, c’est donc dire que les auteurs se réfèrent surtout à la documentation de leur milieu. Si l’on ajoute les références françaises aux références québécoises, on constate que plus de la moitié (58 %) des références renvoient à la littérature d’expression française. Que ce soit pour des raisons de langue ou pour une question d’affinité professionnelle, on ne peut ignorer la présence de l’influence de la littérature française dans la littérature archivistique québécoise. Le nombre de références à la documentation américaine (11 %) dépasse celui de la littérature canadienne (9 %). Aux États-Unis, la littérature archivistique existe depuis les années 40 avec la Society of American Archivists et l’American Records Management and Administrators. Cette littérature n’existe pas au Canada anglais avant 1975. Cela peut donc expliquer les références plus nombreuses à la documentation américaine même si elles n’apparaissent dans la revue qu’à partir de 1974. Les auteurs des articles de la revue Archives consultent la documentation d’autres pays que le Canada et les États-Unis. Ces pays sont la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Afrique et la Grande-Bretagne. De plus, des références sont tirées de publications internationales dont celles du Conseil international des archives et celles de l’Unesco. L’archivistique québécoise se préoccupe de plus en plus de ce qui se passe dans d’autres milieux que le sien et ce, dès le début de la parution de la revue. La présence de références à des documents d’archives constitue 15 % de l’ensemble des références. Si l’on relie cette constatation à l’analyse de
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la revue effectuée précédemment, ce fait peut s’expliquer par le contenu des articles, plusieurs portant sur l’étude de documents d’archives ou sur la présentation de fonds. On constate aussi que ce type de référence tend à diminuer même s’il demeure toujours présent, contrairement aux autres genres de références qui tendent à augmenter. Est-ce que les auteurs de la revue se sont inspirés de la littérature archivistique ou leurs références proviennent-elles d’autres disciplines ? Comparons le nombre de références tirées d’ouvrages ou de revues en archivistique à celles venant d’autres documentations pour les trois divisions géographiques comptant le plus de références soit le Québec, la France et les États-Unis. Tableau 29 Références à la documentation archivistique et autres Années 1969-1973 1974-1978 1979-1983 1984-1988 TOTAL
Québec A373 N374 17 10 9 20 23 19 14 25 63
74
France A 6 7 5 11
N 7 13 26 6
États-Unis A N 0 0 4 5 10 7 0 15
29
52
14
27
Pour le Québec, mais plus particulièrement pour la France et les ÉtatsUnis, la majorité des références proviennent de documentations autres qu’archivistique à l’exception des années 1979 à 1983 pour le Québec et les États-Unis et de 1984 à 1988 pour la France. Les archivistes consultent certes la littérature archivistique mais aussi d’autres types de littérature. Ils s’appuient entre autres sur la documentation en histoire et en sociologie. L’absence de références américaines entre 1984-1988 est surprenante et s’explique mal. Elle laisse croire à une coupure avec l’expertise américaine, ce qui n’est pas exact. Il y a presque une incohérence entre l’image que nous projette la littérature et celle qui se dégage de la pratique archivistique.
373. « A » représente la littérature archivistique qui comprend les manuels, articles de périodiques, instruments de recherche portant sur l’archivistique ou écrits dans un périodique en archivistique. 374. « N » désigne la littérature autre que la littérature archivistique et renvoie à tout ouvrage ou article de périodique portant sur un autre sujet tel que l’histoire, la sociologie ou la philosophie.
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Le peu d’articles avec références et la variété des sources consultées ne permettent pas de dégager des influences déterminantes. Tout au plus entrevoit-on certaines orientations. Même si plusieurs articles ne font pas référence à d’autres textes, il ne faut pas pour autant conclure à l’isolement de l’archivistique québécoise. Plusieurs textes ont d’abord été préparés pour une conférence et l’auteur n’a pas fourni par la suite les bibliographies complémentaires. L’origine variée des sources consultées met en lumière l’éveil marqué de l’archivistique un peu partout dans le monde depuis les 20 dernières années et les publications en sont une des principales manifestations. La place de la littérature française est évidente même si elle n’est pas prédominante et ce, tant pour la littérature archivistique que pour la documentation complémentaire. Comme nous le soulignions précédemment, les raisons reposent sûrement autant sur des affinités linguistiques que professionnelles. La place de l’influence américaine est moins apparente dans la littérature que dans le vécu professionnel québécois et dans son discours même. Cette littérature est certes moins accessible aux archivistes québécois, ce qui expliquerait en partie le nombre limité de références. Cela ne permet pas pour autant de comprendre comment s’est « importée » la gestion américaine des documents puisque ce ne semble pas dû à la littérature ellemême. Enfin, même si les références à la documentation internationale sont limitées, elles demeurent constantes et apparaissent dès les premières années de parution de la revue. Les publications archivistiques internationales sont donc consultées. L’étude des sources des citations n’a pas permis de mesurer de façon suffisamment évidente l’influence étrangère sur l’archivistique québécoise. La consultation d’autres sources d’information s’avère donc nécessaire pour mieux cerner ces influences. Ainsi, sans citer des références précises, plusieurs textes parus dans la revue Archives mentionnent la consultation de manuels, rapportent des expériences ayant servi de base à l’établissement d’instruments de travail ou soulignent leurs sources d’information. De plus, le perfectionnement que se sont donné plusieurs archivistes québécois par l’assistance à des congrès hors Québec ou à des stages de formation a sûrement eu une influence sur le développement des méthodes de travail dans les différents milieux archivistiques. Ainsi, les manuels américains auxquels il est fait le plus souvent référence sont ceux de Schellenberg et de Benedon qui servent, dans certains cas, à appuyer une méthode de travail. Par exemple, André Frenière
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s’inspire des principes de classification du manuel de Benedon pour élaborer le cadre de classification de l’Université Laval et il les énumère au début de son article375. Le manuel est aussi présenté comme le seul guide pouvant servir aux gestionnaires de documents québécois jusqu’en 1982, date où paraît le premier manuel archivistique québécois. Lorsque j’ai commencé à travailler dans le domaine de la gestion des documents en 1976, l’ouvrage de base dans cette discipline encore très jeune au Québec, était, selon les quelques rares initiés, l’ouvrage américain Records management de William Benedon. Le sentiment était unanime : on disait le Benedon comme on dit le Larousse ! En fait, l’apprentissage théorique devait presque obligatoirement se faire « à l’américaine », puisque cette discipline n’avait pas encore produit au Québec d’auteurs ou de titres significatifs comme chez nos voisins du Sud376.
Schellenberg, quant à lui, fournit des arguments pour justifier les positions des auteurs. Roland Auger s’en sert pour soutenir sa vision optimiste de la situation des archives publiques au Québec. Qualifiant Schellenberg de « grand spécialiste en archivistique », il cite une affirmation de cet auteur sur la mesure que constitue pour une administration gouvernementale la bonne tenue de son service d’archives377. C’est aussi sur ce manuel, ainsi que sur le manuel français et sur l’expérience de différents pays, que Bernard Weilbrenner appuiera sa proposition de définition de « papiers publics ou privés des hommes publics378 ». En somme, les manuels tant américains que français sont consultés pour la réalisation du travail quotidien sans être formellement cités dans les textes de la revue. Par ailleurs, plusieurs textes font état d’expériences menées dans des milieux archivistiques américains tant du côté des archives historiques que de celui de la gestion des documents. Cela confirme l’hypothèse que la gestion des documents notamment et aussi les méthodes archivistiques historiques sont avant tout le résultat d’échanges de pratiques. Ainsi, c’est à une firme canadienne d’inspiration américaine qu’est confiée l’implantation de la gestion des documents à l’Hydro-Québec en 1962 et au ministère de
375. André FRENIÈRE. « Coup d’œil sur quelques méthodes de classement en gestion des documents », Archives, 74.1 (1974), p. 20-30. 376. Jean-Pierre THERRIEN. « Carol Couture et Jean-Yves Rousseau, Les archives au XXe siècle ; une réponse aux besoins de l’administration et de la recherche, Montréal, Université de Montréal, Service des archives, 1982, 491 p. [compte rendu] », Archives, vol. 14, n° 4 (mars 1983), p. 52. 377. Roland-J. AUGER. « Archives publiques », Archives, 69.1 (1969), p. 20. 378. Bernard WEILBRENNER. « L’homme politique et ses archives : papiers publics ou privés ? », Archives, vol. 10, n° 3 (décembre 1978), p. 35-41.
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l’Éducation en 1966379 soit la firme Records Management of Canada. L’expérience de l’Hydro-Québec sera diffusée par son directeur de la gestion des documents d’alors, Denys Delongchamp tant par son engagement au sein d’ARMA, section de Montréal, que par les cours qu’il donnera à la Chambre de commerce de Montréal. Le système de classification de l’Université Laval est inspiré, entre autres, de celui de l’Hydro-Québec380. Certains auteurs donnent l’exemple d’expériences réalisées dans différents milieux381 et s’inspirent de leurs guides administratifs382 ou de leurs coutumes383. L’influence américaine se fait aussi sentir par l’intermédiaire de l’expérience canadienne qui, elle, suit le même schéma que le modèle américain pour l’organisation de ses documents, particulièrement au niveau des institutions gouvernementales. Les systèmes de gestion des documents qui ont été établis par les gouvernements canadien et américain sont semblables parce qu’ils sont fondés sur une même conception du cycle d’existence des documents : création, conservation des documents actifs et inactifs, contrôle de l’élimination et du microfilmage, choix et transfert aux archives des documents jugés dignes d’être conservés en permanence. On reconnaît cette unité en attribuant à l’archiviste fédéral la responsabilité à la fois de la gestion des documents et des archives384.
379. Jacques RENAUD. « La gestion des documents... », op. cit., p. 15-17. 380. Suzanne VILLENEUVE. « Le classement uniforme à l’Université Laval », Archives, vol. 10, n° 4 (mars 1979), p. 47-50. 381. La ville de New York sert d’exemple à Luc-André Biron pour justifier le mode de dispersion comme procédures pour la protection d’archives vitales au lieu du microfilmage. Cf. . : LucAndré BIRON. « La conservation des archives vitales », Archives, 69.1 (1969), p. 72-77. 382. Jacques Renaud cite plusieurs guides administratifs (calendrier, classification, repérage) qu’il a utilisés dans l’élaboration de son programme de gestion au ministère de l’Industrie et du Commerce. Cf. : Jacques RENAUD. « Le traitement et la conservation des documents », Archives, 75.1 (1975), p. 13-23. 383. Dans deux articles sur le traitement des archives dans les universités, les auteurs font référence à l’expérience des universités américaines. Cf. : Claude LESSARD. « Les archives de l’Université du Québec à Trois-Rivières », Archives, 71.1 (janvier-juin 1971), p. 32-54. Dans la même veine, Jacques Ducharme affirme que l’Université de Montréal suit le modèle des universités américaines afin de favoriser la recherche historique chez elle par l’acquisition de certains fonds privés. Cf. : Jacques DUCHARME. « L’établissement du statut juridique des fonds privés au Service des archives de l’Université de Montréal », Archives, vol. 7, n° 2 (septembre 1975), p. 119-129. 384. Wilfred I. SMITH. « La gestion des documents au gouvernement... », op. cit., p. 8.
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Les archivistes québécois avouent recourir à l’expertise canadienne. Le fait est signalé par Gilles Héon à l’occasion du centenaire des Archives publiques du Canada qui souligne que le personnel de cette institution fournit « des conseils autorisés385 ». L’Université Laval s’est aussi inspirée de l’expérience canadienne au ministère de l’Immigration dans l’élaboration de son cadre de classification386. De plus, c’est entre autres des pratiques des APC que s’est inspiré Jacques Ducharme pour « établir le statut des archives privées à l’Université de Montréal387 ». L’assistance aux congrès des principales associations américaines en archivistique – la SAA et l’ARMA – est régulière. Les « Éphémérides » de la revue Archives font mention de la présence de Québécois aux congrès de la SAA en 1967, 1971, 1973 et 1974388. Toutefois, nous sommes assurés que des archivistes ont assisté à d’autres congrès depuis ce temps. Quant à ARMA, la même rubrique de la revue souligne la présence de Québécois en 1973, 1980 et 1982. Dans ce cas aussi, les congrès ont été très courus par les gestionnaires de documents surtout et le sont encore à ce jour. Quelques archivistes vont se perfectionner aux États-Unis en s’inscrivant à des sessions de formation, surtout en gestion des documents389. Ces stages, de courte durée, démontrent la connaissance que les archivistes québécois ont de la formation de type américain en particulier. Quant à l’influence française, elle se manifeste par la présence d’archivistes français en sol québécois, par la présence de Québécois au Stage technique international d’archives aux Archives nationales de France et par l’utilisation de la littérature française, plus précisément du Manuel d’archivistique. René Lacour donne des cours à l’Université Laval en 1967. Pendant son séjour, il observe l’état des archives québécoises et publie un article sur le résultat de ses recherches dans Étienne Taillemite, conservateur en la revue Archives390 chef à la section ancienne des Archives nationales de
385. Gilles HÉON. « Présentation », Archives, 72.2 (1972), p. 5. 386. Suzanne VILLENEUVE. « Le classement uniforme... », op. cit., p. 48. 387. Jacques DUCHARME. « L’établissement du statut juridique des fonds privés... », op. cit., p. 122. 388. « Éphémérides », Archives, vol. 17, n° 4 (mars 1986), p. 41-48. 389. Ibidem. Il est fait mention d’un stage en gestion des documents à Chicago (1970), d’un autre à Washington, à l’Institute on Modern Archives Administration et de deux autres stages à Washington sans mention d’institution. 390. René LACOUR. « Les archives du Québec », Archives, 69.1 (1969), p. 32-39.
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Chapitre 3
France, vient en visite en 1973391 alors qu’un peu plus tard, dans le cadre des échanges France-Québec, d’autres archivistes sont invités par les Archives nationales du Québec. C’est dans le cadre du Stage technique international d’archives que les Québécois prennent vraiment contact avec les pratiques archivistiques françaises. Entre 1969 et 1982, 30 archivistes québécois participeront à ce stage et en rapporteront les habitudes de travail françaises392. C’est à la suite de ces stages que seront véhiculés les premiers textes sur les instruments de recherche par un article paru dans la revue Archives393. D’autres stages sont réalisés dans différents dépôts d’archives français notamment dans ceux offrant des services éducatifs particuliers. C’est ainsi que la revue fait état de ces expériences en 1980394 et en 1984395. Les archives religieuses ont profité grandement de l’expertise développée en France par l’abbé Charles Molette en ce qui touche les archives religieuses. L’abbé Molette vient au Québec en 1977, publie dans la revue Archives396 et des classifications sont créées dans les archives des communautés religieuses à partir de sa brochure Les archives des congrégations religieuses397.
391. Étienne TAILLEMITE. « Les instruments de recherche dans les archives », Archives, vol. 73.3 (1973), p. 10-22. 392. « Stage technique international d’archives à Paris », Archives, vol. 17, n° 4 (mars 1986), p. 51. Parmi ces stagiaires, sept sont des Archives nationales du Québec, six viennent des services d’archives religieux, quatre des Archives publiques du Canada, trois du milieu universitaire, deux des archives privées, deux du milieu de l’enseignement, un des sociétés historiques et enfin, cinq dont le milieu de travail n’est pas identifié. 393. François Beaudin affirme, au début de son article, s’être inspiré des exposés d’Albert Mirot, Marcel Baudot et R.-H. Bautier lors du Stage technique international des Archives nationales de France. Cf. . : François BEAUDIN. « La création des instruments de recherche par l’archiviste », Archives, 69.1 (1969), p. 39-66. 394. Bozena JILEK. « Les services éducatifs dans les archives départementales en France », Archives, vol. 11, n° 4 (mars 1980), p. 33-39. 395. Louis CÔTÉ. « Un projet d’action éducative et culturelle en milieu rural : « l’archivobus » », Archives, vol. 16, n° 1 (juin 1984), p. 3-17. 396. Charles MOLETTE. « Un aspect peu connu du renouveau post-conciliaire... », op. cit., p. 5052 ; Charles Molette, « Peut-on parler d’un caractère spécifique pour les archives religieuses », Archives, vol. 9, n° 1 (juin 1977), p. 19-26. 397. C’est ce qu’affirme une religieuse de la congrégation des Sœurs du Saint-Rosaire dans un texte qui précède la présentation du cadre de classification de cette communauté. Cf. : Jeanne DESJARDINS. RSR, « Sœurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire, Rimouski, archives, cadre de classement », Archives, 73.1 (1973), p. 57-61.
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Le Manuel d’archivistique français est très peu mentionné en référence dans la revue Archives. Cependant, ce fait ne représente pas la réalité archivistique québécoise puisque les grands dépôts d’archives possèdent tous ce manuel et que les syllabus des premiers cours en archivistique y font tous référence. Sa présence est peut-être trop évidente pour qu’on se préoccupe de le mentionner. Ce tour d’horizon des différentes influences qu’a pu subir l’archivistique québécoise depuis 1960 ne tient pas compte des voyages en Belgique de certains archivistes398, ni des déplacements effectués pour participer aux congrès du Conseil international des archives qui manifestent tout de même l’ouverture d’esprit des Québécois envers les expériences étrangères ; leur influence sur les pratiques archivistiques est par conséquent difficile à évaluer. Somme toute, l’archivistique présente l’image d’une discipline qui a atteint une certaine cohésion. Le secteur relatif aux archives historiques est développé alors que son intervention sur les autres âges de la vie des documents repose sur une démonstration cohérente et constitue une extension de son mandat original. Son corpus est surtout constitué de pratiques et de méthodes de travail et l’analyse des sujets d’articles de la revue Archives et des activités de l’AAQ nous a permis de constater l’importance qui y était accordée. Les programmes de formation reprennent cette tendance bien que l’on remarque une évolution. En effet, le corpus contenu dans le premier programme universitaire, tout en abordant la connaissance des pratiques, était plutôt orienté vers la connaissance des milieux. Les pratiques se sont donc grandement développées puisque, dix ans plus tard, les contenus de cours et les manuels présentent un corpus arrêté, avec des méthodes de travail s’appliquant à l’ensemble de la vie du document. Les influences extérieures se sont donc opérées au niveau des pratiques surtout. Quant aux programmes de maîtrise, ils présentent déjà une nouvelle pensée en intégrant les techniques dans un contexte plus général. C’est par le développement des études à ce niveau et par la recherche que le cheminement pourra se poursuivre.
398. Ginette NOËL. « Les archives municipales en Belgique », Archives, vol. 10, n° 4 (mars 1979), p. 51-54 ; Manon MIREAULT. « Les services éducatifs d’archives en Belgique wallonne », Archives, vol. 19, nos 3-4 (décembre 1987-mars 1988), p. 10-22.
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Chapitre 3
Les programmes d’études Beaucoup d’efforts ont été accomplis depuis les années 60 pour mettre sur pied des programmes d’études qui correspondent aux attentes et aux besoins du milieu. L’analyse de ces programmes d’études démontrera les différentes tentatives qui ont été faites pour intégrer cette discipline naissante aux programmes de formation. Il faut souligner que, limiter la formation en archivistique aux seuls programmes d’études, c’est l’amputer de plusieurs activités de perfectionnement qui ont souvent joué un rôle de formation. C’est également passer sous silence les activités offertes par l’AAQ précédemment répertoriées, les stages offerts par les institutions nationales d’archives telles les Archives nationales de France et les Archives nationales du Canada399 ainsi que la formation sur mesure offerte par les firmes privées de consultation. Mais, comme l’affirmait Bernard Weilbrenner au sujet des stages des Archives nationales du Canada : « Ces cours ont rendu de grands services si l’on en croit les nombreux témoignages reçus. Mais il nous a semblé qu’ils n’étaient plus suffisants pour développer une véritable profession d’archivistes au Canada ». Il affirme plus loin en parlant de l’éventualité du développement d’un programme de maîtrise : « Ce sera un élément fondamental de la reconnaissance de l’archiviste comme professionnel400 ». C’est la recherche de cette reconnaissance qu’il faut voir dans toutes les tentatives d’institutionnalisation de l’enseignement de l’archivistique. On y discerne quatre grandes périodes : 1967-1970 :
première formation universitaire
1968-1975 :
programmes de perfectionnement institutionnel
1975-1982 :
développement de la formation technique et augmentation de la demande de formation universitaire
1983 :
mise en place de la formation universitaire des premier et deuxième cycles
399. Les Archives nationales du Canada offrirent des cours en gestion des documents et sur les archives historiques pour leur personnel dès 1958 ; puis elles ouvrirent les cours un peu plus tard à toute la communauté archivistique (en langue anglaise d’abord, puis en langue française). 400. Bernard WEILBRENNER. « Les cours d’archives aux Archives publiques du Canada », Archives, vol. 8, n° 1 (juin 1976), p. 55-56.
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1967-1970 : première formation universitaire Dès 1965, l’Institut d’histoire de l’Université Laval donne quelques cours d’archivistique à l’intérieur de son programme de licence en histoire. En janvier 1967, elle crée un certificat d’études supérieures en archivistique accessible aux étudiants en troisième année d’histoire comme certificat à option. Ce certificat peut aussi accueillir des étudiants qui peuvent y compléter un certificat libre ou des archivistes qui désirent parfaire leurs connaissances. Ce certificat comporte sept cours auxquels s’ajoutent un stage dans un dépôt ainsi que l’obligation de créer un instrument de recherche401. Ce programme remporte un succès certain. Plusieurs étudiants reçoivent un diplôme de licence comprenant un certificat d’études supérieures en archivistique. Ils sont engagés principalement par les grandes institutions d’archives dont les Archives nationales du Québec et les Archives publiques du Canada. Malgré le succès de ce certificat, l’Institut d’histoire est amené à s’interroger sur la pertinence d’offrir ce programme. Il crée un comité ad hoc chargé d’étudier la situation qui, finalement, recommande l’abandon du certificat à cause des limites du marché du travail et du peu de ressources professorales dont dispose le département. Il suggère toutefois la poursuite de l’enseignement en archivistique comme partie intégrante de la licence et comme préparation de l’historien à son travail. Il propose de plus une formule de perfectionnement permettant la poursuite de la formation des archivistes sous forme de stage d’été comportant une partie théorique et une partie pratique402. Ce fait explique la présence de deux cours en archivistique et en gestion des documents dans l’annuaire de l’Université Laval jusqu’en 1982. Ce programme présentait certaines caractéristiques intéressantes. Il était offert dans un établissement universitaire reconnu et par un corps professoral composé de professionnels chevronnés et d’universitaires de formation. Il répondait aux intérêts d’une clientèle étudiante. Malgré le développement des ANQ à cette époque et l’engagement de plusieurs nouveaux diplômés, ce milieu de recrutement a été vite saturé.
401. « Certificat d’études supérieures en archivistique, Institut d’histoire, Université Laval », Archives, 69.1 (1969), p. 4. 402. Rapport du Comité ad hoc sur l’avenir de l’enseignement de l’archivistique de l’Institut d’histoire Québec, 27 novembre 1970. (Louise Cantin, Robert Garon, Jacques Mathieu).
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Chapitre 3
Après 1970, quelques étudiants inscrits au programme de baccalauréat en histoire recevront une formation en archivistique, sans toutefois obtenir de certificat le mentionnant explicitement. Après la disparition de ce programme à l’Université Laval, plusieurs tentatives seront faites auprès d’autres universités afin d’y faire inscrire une formation officielle en archivistique. Il est fait état de contacts auprès de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal pour la mise sur pied d’une maîtrise en archivistique. Des démarches sont aussi entreprises auprès de l’Université d’Ottawa au début des années 80. Pourtant, rien n’aboutit. L’enseignement universitaire en archivistique destiné à la formation d’archivistes a complètement disparu et les conditions favorables à sa reprise ne sont pas encore présentes. Robert Garon ne manque pas de juger très sévèrement les universités dans leur attitude par rapport à la formation en archivistique : En ce qui concerne la formation des archivistes, le succès est partiel. Plusieurs institutions d’enseignement ont collaboré avec l’AAQ à la formation technique de centaines d’archivistes. Le Collège Notre-Dame de Foy se classe au premier rang en ce domaine. Par ailleurs, le conservatisme des universités les a empêchées de voir, malgré les appels incessants de l’AAQ, la nécessité d’offrir une formation supérieure dans un domaine qui touche à la fois deux aspects apparemment trop différents du savoir : l’histoire et l’administration. L’université veut bien former des historiens et des administrateurs, elle le fait depuis longtemps. Mais ces êtres hybrides qui administrent pour l’histoire sont une réalité trop nouvelle de notre société pour que l’université ait eu le temps de les découvrir403.
1968-1975 : perfectionnement institutionnel La période 1968-1975 est marquée par la mise en place de cours de perfectionnement offerts dans des établissements de niveau universitaire et de niveau collégial donnant accès à des attestations d’études. Il s’agit des cours d’archivistique de l’École normale Notre-Dame de Foy et de ceux du Cégep Maisonneuve. Ils sont accessibles aux personnes travaillant déjà dans le milieu archivistique sans toutefois que cela ne constitue une condition d’admission. Les cours offerts par l’extension de l’enseignement de l’École normale de Cap-Rouge sont d’abord destinés aux religieux qui œuvrent dans les archives de leur communauté ou qui désirent s’y consacrer. Ces cours correspondent à la mission d’entraide entre les communautés propre au
403. Robert GARON. « À propos de culture... » op. cit., p. 4.
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Campus de Cap-Rouge. En automne 1968 se donnent les premiers cours404 qui prennent la forme de journées d’études. En août 1969, une centaine de religieux suivent la même session405. La nouvelle association des archivistes s’intéresse de près à la formation. Elle met sur pied un comité de formation en 1970 qui présente un rapport proposant un cours d’une semaine. En même temps, il suggère que le stage offert à l’Université Laval pour les étudiants du certificat d’études supérieures soit aussi accessible aux étudiants qui ont suivi le cours de CapRouge406. En 1970, les cours se donnent au Scolasticat central de Montréal et des sessions s’offrent à l’été et à l’automne 1970, 1971, 1972 et 1973. Ce programme se transforme ensuite en trois sessions d’une semaine. C’est ce programme qui sera offert au Cégep Maisonneuve. Ces cours ont favorisé l’accès à la formation en archivistique. Ils ont aussi contribué à roder des méthodes de travail et à atteindre l’uniformité particulièrement en ce qui a trait aux archives historiques. De plus, les archivistes chargés d’enseignement ont développé des habiletés pédagogiques et ont été amenés à réfléchir sur leurs méthodes de travail. Malgré l’aide que ce cours apportait pour se trouver un emploi, il ne constituait pas pour autant une formation reconnue pour accéder à la profession et au marché du travail professionnel. 1975-1982 : développement de la formation technique et augmentation de la demande pour la formation universitaire La période de 1975 à 1982 est marquée par une période de tâtonnement de la formation institutionnelle en archivistique en même temps que se met en place un ensemble de facteurs qui concourront à l’établissement d’une véritable formation en archivistique. Contrairement à la bibliothéconomie où la formation de niveau technique s’est développée après la mise en place de la formation universitaire, la formation technique en archivistique s’organise en 1975 lors de la révision du programme des techniques de la documentation et quelques années
404. Rapport du président, 10 mai 1969. 405. Compte rendu de la réunion [du conseil d’administration de l’Association des archivistes du Québec, du 4 octobre 1969] Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 1, image 559. 406. « Rapport sur la formation des archivistes du Québec préparé par le comité de formation en 1971 et présenté au Conseil d’administration », Fonds de l’Association des archivistes du Québec, bobine 2, image, 57-61.
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avant la reprise de la formation universitaire. C’est ainsi qu’après consultation avec le milieu professionnel, le Comité de coordination provinciale des techniques de la documentation propose en 1975 d’inclure un cours de gestion des documents ainsi qu’un cours d’organisation et méthodes au programme. Ces cours ont pour but de rendre les futurs techniciens capables d’accomplir certaines tâches techniques relatives, entre autres, à la classification des documents administratifs, à l’application du calendrier de conservation et aux tâches préparatoires à la mise en place de ces instruments. Le comité soutient de plus que plusieurs cours offerts dans le programme servent le technicien dans son travail en gestion, tels les cours d’indexation, ceux de classification, de référence et d’informatique documentaire. En 1982, un cours d’archivistique est ajouté à la banque de cours des techniques de la documentation407. Les archivistes et les gestionnaires de documents administratifs s’entendent pour affirmer que le cours en techniques de la documentation est faible tant sur le plan de la gestion des documents que sur celui de l’archivistique historique. Malgré les critiques négatives du milieu professionnel, les techniciens de la documentation ont occupé une bonne part du marché, plus particulièrement en gestion des documents, les stages dans le milieu les ayant fait connaître. De plus, la formation est accessible aux étudiants puisqu’elle se donne dans sept cégeps de la province408. La formation universitaire est réclamée par le milieu professionnel mais surtout par le milieu de la recherche. Ainsi, dans son rapport, T.H. Symons recommande la mise en place de trois niveaux de formation pour préparer les archivistes afin de répondre aux différents besoins des milieux et à ceux des chercheurs. Il propose premièrement d’ouvrir des sessions d’été comportant des cours sur la théorie élémentaire et des techniques sur la classification et le rangement ; deuxièmement, des cours abrégés sur les problèmes de localisation d’information et, enfin, un programme de maîtrise409. Le Groupe de recherche sur les archives canadiennes fait lui aussi des propositions. Il suggère la rédaction d’un manuel d’archivistique destiné
407. Louise SAVARD. « La formation des techniciens en documentation pour la gestion des documents et les archives », Archives, vol. 20, n° 3 (hiver 1989), p. 49-52 et Louise GAGNON-ARGUIN. « La formation technique en gestion documentaire et organisation des archives », Archives, vol. 14, n° 3 (décembre 1982), p. 22-25. 408. Cégep de Jonquière, Maisonneuve (Montréal), Lionel-Groulx (Sainte-Thérèsede-Blainville), François-Xavier-Garneau (Québec), Trois-Rivières, Abitibi-Témiscamingue (Rouyn jusqu’en 1990) et John Abbott (Sainte-Anne-de-Bellevue). 409. T. H. SYMONS. Op. cit., p. 81.
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aux petits dépôts ainsi que des programmes de formation aux niveaux du certificat et de la maîtrise. Il recommande en outre la mise en place d’un programme de maîtrise compte tenu de la demande croissante de professionnels, de la complexité des problèmes posés ainsi que des niveaux de projets de recherche auxquels les archivistes sont appelés à collaborer. Pour le groupe, le certificat constitue un premier niveau de formation universitaire qui attire une certaine catégorie d’étudiants et qui répond à une demande des milieux de travail410. Il constate par ailleurs que la formation actuelle ne permet pas de constituer une véritable profession d’archivistes411 ». Le rapport Applebaum-Hébert affirme pour sa part que le besoin de formation se justifie par l’importance même de la mission qui est confiée aux archivistes. La formation sur le tas est bien souvent la seule possibilité dans bon nombre de disciplines [...] Il va falloir introduire dans le milieu de plus en plus de conservateurs qualifiés si nous voulons assurer le succès de la gestion et du développement de l’archivistique canadienne et celui de nos autres ressources patrimoniales412.
Les universités offrent de la formation d’appoint en archivistique à certaines catégories d’étudiants. L’Université de Montréal et l’Université Laval offrent des cours, l’une aux bibliothécaires et l’autre aux historiens. Ainsi, en 1971, l’École de bibliothéconomie inscrit à son nouveau programme de maîtrise en bibliothéconomie un cours d’archivistique qui sera offert jusqu’en 1980. Entre 1980 et 1983, elle offre aux étudiants deux cours d’archivistique avec la possibilité de faire un stage dans le milieu413. Quant à l’Université Laval, elle continuera d’inscrire un cours d’archivistique dans son annuaire de cours offerts aux étudiants de premier cycle en histoire jusqu’en 1982.
410. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op cit., p. 89-91. 411. Il fait allusion à l’apprentissage en cours d’emploi, aux cours de perfectionnement des Archives publiques du Canada, aux cours offerts dans les programmes des écoles de bibliothéconornie et des sciences de l’information ainsi qu’aux activités organisées par les associations professionnelles, idem, p. 87. 412. Rapport du Comité d’étude sur la politique culturelle..., op cit., p. 109. Le comité souligne l’expérience de l’University of British Columbia en disant qu’avant 1981, il n’existait rien dans les universités en archivistique et encourage toute autre initiative en ce sens. 413. Florence ARÈS, Carol COUTURE et Louise GAGNON-ARGUIN. « L’archivistique à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information », Argus, vol. 16, n° 1 (mars 1987), p. 9
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Chapitre 3
Les différentes études réalisées à cette période tant sur la recherche que sur les archives ainsi que les expériences antérieures des universités Laval et de Montréal créent un climat favorable à la mise en place d’une formation plus structurée dès 1983. 1983 : mise en place d’une véritable formation universitaire en archivistique En 1982, l’AAQ propose, par l’intermédiaire de son comité de formation, un programme de deux cours de niveau universitaire, l’un en gestion des documents, l’autre en archivistique historique. On recommande qu’ils se donnent le soir afin d’être accessibles aux personnes œuvrant déjà dans le milieu. L’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal et le Centre des langues vivantes de l’Université Laval donnent les cours durant l’année universitaire 1982-1983. Ces projets seront le point de départ des futurs certificats. Dans le cours du développement de l’histoire au Québec, Marcel Trudel, après avoir souligné la naissance de la Revue d’histoire de l’Amérique française en 1947 et l’ouverture des instituts d’histoire de l’Université de Montréal et de l’Université Laval en cette même année, conclut : « Dépourvu jusque-là d’organismes savants d’histoire, voici que le Canada français en débordait414 ». C’est une constatation de même type qui peut être faite par rapport à la formation en archivistique après 1982. La formation de premier cycle s’organise par la mise en place de certificats en archivistique. En 1983, l’EBSI de l’Université de Montréal et le département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal offrent un certificat en archivistique. En 1986, le département d’histoire de l’Université Laval offre lui aussi un certificat en archivistique. Chacun de ces trois certificats rencontre un vif succès. Le nombre d’étudiants qui s’y inscrivent dépasse les espérances des promoteurs. Les candidats proviennent des départements d’histoire mais aussi des départements les plus divers, amenant une clientèle nouvelle à l’archivistique. Ils n’aspirent pas tous à faire carrière en archivistique, certains d’entre eux choisissant de suivre le certificat comme formation personnelle.
414. Marcel TRUDEL. « Les débuts de l’Institut d’histoire de l’Université Laval ». Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 27, n° 3 (décembre 1973), p. 398.
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En même temps, l’enseignement de deuxième cycle commence à s’organiser. L’EBSI offre, en 1983, une concentration en archivistique parmi les concentrations possibles à l’intérieur de sa maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information. En septembre 1989, cette concentration est remplacée par une année de spécialisation en archivistique avec mention au diplôme. En 1988, une maîtrise en histoire, volet archivistique, est mise sur pied par le département d’histoire de l’Université Laval. Ces programmes sont trop récents pour que l’on puisse en mesurer l’impact. Toutefois, l’intérêt des universités pour l’archivistique est de bon augure. Suscités sans doute par un contexte favorable, particulièrement par l’adoption des lois sur l’accès à l’information et sur les archives, ces programmes ne seront valables que dans la mesure où ils continueront de se développer. Dans une étude sur l’institutionnalisation de la connaissance, Eliot Friedson identifie quatre étapes dans l’accréditation institutionnelle. Il y a d’abord la reconnaissance de l’établissement par l’association professionnelle, puis la reconnaissance de la formation par les autres établissements d’enseignement, la reconnaissance du diplôme comme base à des études supérieures et la reconnaissance du diplôme par les employeurs415. Ce modèle nous permet de constater que l’archivistique en 1983 s’inscrit dans ce processus. La formation se donne dans un cadre universitaire reconnu et à l’intérieur d’une structure de diplôme qui permet à l’étudiant un avancement certain dans son cheminement universitaire. Les diplômes sont reconnus d’une université à l’autre et de plus en plus exigés par les employeurs. C’est une étape importante dans la vie de l’archivistique québécoise. La recherche en archivistique C’est un euphémisme que de parler de l’archivistique sous l’angle de la recherche compte tenu du degré de développement de cette discipline. Toutefois, si l’on considère l’archivistique comme une discipline en émergence, quelques aspects sont déjà développés et c’est ceux-là que l’on se préoccupera d’identifier.
415. Eliot FRIEDSON. Professional Powers : a Study of the Institutionalization of Formal Knowledge, Chicago, University of Chicago Press, 1986, p. 74-75.
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Chapitre 3
La recherche peut être abordée sous différents angles. Elle peut être étudiée à partir de l’ensemble des éléments qu’elle implique : institutions, structures, lieux de recherche, chercheurs eux-mêmes, formation à la recherche et financement416. Elle pose aussi la question du type de recherche dont il est fait état : recherche fondamentale, recherche appliquée, recherche de pointe ou réflexion scientifique417. Elle peut être aussi envisagée sous l’aspect des « demandeurs » potentiels de cette recherche : universités, gouvernement ou secteur privé418. C’est sur l’existence des éléments constitutifs de la recherche que l’analyse est possible dans le cas de l’archivistique. Parmi ceux-là, les institutions et lieux de recherche, les chercheurs, le financement et les organismes subventionnaires peuvent déjà faire l’objet d’un survol pour en évaluer la présence et le degré de développement. Les institutions Il n’existe, en archivistique, aucune institution scientifique spécialisée. Toutefois, depuis 1983, les universités qui offrent de la formation en archivistique constituent les lieux de recherche potentiels dans le domaine. Des contraintes en empêchent toutefois l’exploitation immédiate. En premier lieu, l’enseignement de premier cycle constitue la principale activité des départements universitaires qui offrent des programmes d’archivistique. Les programmes de deuxième cycle existants prennent surtout la forme de maîtrise professionnelle. Ils limitent donc les possibilités de recherche par les étudiants même si certains d’entre eux peuvent poursuivre des recherches sous forme d’essai ou de mémoire. Les universités offrent toutefois à l’archivistique un lieu favorable à la recherche dont les possibilités sont encore à exploiter.
416. Conseil des sciences du Canada. La recherche en sciences sociales au Canada ; compte rendu d’une conférence tenue à Ottawa les 3, 4, 5 octobre 1984, Ottawa, 1985, p. 266. 417. Les chercheurs en sciences sociales et en études humaines et dans les disciplines connexes, préparé par la Division de la planification et de l’évaluation du Conseil de recherche en sciences humaines au Canada, par Bill Ahamad, Ottawa, CRSH, 1983, p. 4 et 5. 418. D. HEALY, L. DION et B. NEATBY. Rapport de la Commission d’enquête sur les études supérieures dans les sciences humaines, Ottawa, Conseil de recherche en sciences humaines, 1978, cité dans Les chercheurs en sciences sociales, p. 40.
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Les chercheurs Les professeurs en archivistique dans les universités québécoises constituent les chercheurs potentiels dans le domaine. En 1988, on compte cinq professeurs d’archivistique dans les universités : deux à l’Université de Montréal, deux à l’Université Laval et un à l’Université du Québec à Montréal. Des contraintes empêchent toutefois ces chercheurs de produire des recherches à court terme. Ils n’occupent un poste que depuis 1983 et ils doivent assumer la charge de travail qu’exigent la mise sur pied et la gestion d’un programme. De plus, ces professeurs ont à définir leur champ de recherche à cause de la jeunesse de leur carrière de chercheur et de l’état de développement de la discipline. Malgré leur nombre limité et les difficultés propres à la recherche, ces professeurs constituent un acquis important pour le développement de la discipline. Le financement et les organismes subventionnaires Le financement de la recherche en archivistique est lié à la présence d’organismes subventionnaires. Deux principaux organismes peuvent fournir une aide aux chercheurs québécois : le Fonds concerté d’aide à la recherche (FCAR) et le Centre de recherche en sciences humaines (CRSH). Le FCAR constitue une source financière à laquelle n’ont pas encore eu recours les chercheurs en archivistique. En effet, aucun projet en archivistique n’a été soumis à cet organisme. Le temps démontrera ce que le FCAR pourra apporter à la recherche en archivistique. Le lien entre l’archivistique et le CRSH s’est créé dès le premier rapport sur les études canadiennes en 1975. En identifiant le besoin de la recherche en archivistique, T.H. Symons proposait que les APC soient habilitées a donner des fonds pour la recherche. Le Groupe consultatif sur les archives canadiennes, qui recommande le financement de la recherche, présente l’archivistique comme une discipline empirique mais ayant « une pleine dimension théorique » et qui relève du « domaine de l’information et des sciences sociales ». Il reconnaît la difficulté de la discipline qui fait face à des problèmes pratiques d’ordre technique et méthodologique. Il mesure aussi l’importance de cette discipline qui se doit, selon lui, d’évoluer rapidement parce que sur elle repose la recherche en plusieurs domaines, elle qui
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« tente de restituer tout leur sens aux documents historiques et de conserver une mémoire satisfaisante du passé419 ». Le retard de l’archivistique dans le domaine de la recherche est causé par plusieurs facteurs dont le principal est l’attitude de l’ancien Conseil des Arts qui « a toujours refusé de subventionner la recherche d’un individu, directement liée au travail de l’organisme ou de l’entreprise qui l’employait420 ». En plus de leur inéligibilité à des subventions de recherche, les archivistes ne disposaient pas de temps pour réaliser un tel travail. Étant donné la nature harcelante de leur travail quotidien dans les dépôts, les archivistes sont à court de temps pour formuler convenablement des projets de recherche. Si on améliore la situation des archivistes au point [de vue] de l’administration et de la recherche, ils auront alors la possibilité de réfléchir sur les aspects essentiels du développement de la discipline et d’exposer leurs vues à cet égard421.
Le Groupe consultatif sur les archives canadiennes émet des propositions concrètes au Conseil de recherche en sciences humaines relativement aux subventions à accorder à l’archivistique. En plus de proposer la reconnaissance de l’archivistique comme discipline à subventionner, il recommande l’admissibilité des archivistes aux bourses de travail libre du CRSH. Il recommande de plus que les institutions d’archives puissent s’inscrire aux programmes de subventions concertées et que des archivistes fassent partie de comités de sélection mis sur pied par le CRSH. Il propose encore que tout projet de recherche exigeant l’utilisation d’archives prévoie une rétribution aux services d’archives concernés422. Ce faisant, le groupe favorise donc la reconnaissance de la discipline et des archivistes ainsi que celle des services d’archives. Comment le CRSH a-t-il concrétisé les recommandations du Groupe consultatif sur les archives canadiennes ? L’archivistique est d’abord reconnue comme discipline éligible aux subventions de recherche disciplinaire. Elle est « inscrite sur la liste des disciplines qui peuvent bénéficier de subventions aux publications savantes, à la recherche et à la représentation
419. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 93. 420. Ibidem. 421. Anne MACDERMAID. « Aide fédérale aux archives, aux bibliothèques et aux musées », Rapport du Comité consultatif sur les archives..., op. cit., p. 69-70. 422. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 93-95.
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internationale423 ». Un premier projet a été présenté au printemps 1988 sur l’étude de la législation archivistique et son impact sur les politiques nationales d’archives ; il a été accepté et financé par une subvention de 50 000 $424. L’archivistique a été aussi reconnue dans un autre programme de subventions du CRSH. Il s’agit du programme « Outils de recherche », « programme d’aide pour des instruments de recherche dans le cadre des études canadiennes » incluant les catalogues de collections spéciales de bibliothèques, de dépôts d’archives ainsi que les bibliographies spécialisées425. Ce programme a été mis sur pied en 1979 et la première subvention a été accordée en 1981426. Entre 1981 et 1987, 80 projets ont été accordés au Québec dans le cadre de ces subventions dont 46 à des services d’archives et 40 à des bibliothèques soit 28,5 % de l’ensemble des subventions accordées dans le cadre de ce programme pancanadien. Le tableau suivant présente les projets par montant de subventions obtenues. Tableau 30 Montant des subventions aux services d’archives, 1981-1987 – 10427
10-19
20-29
1981-1982
1
–
1
–
–
–
1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986 1986-1987
1 2 1 2 –
2 3 – 2 2
– – 2 – 2
2 1 2 – 3
– – 3 – –
5 4 2 1 2
TOTAL
7
9
5
8
3
14
Années
30-39
40-49 plus de 50
Ce programme a favorisé le développement et la diffusion des archives en permettant la rédaction d’instruments de recherche. Il a en outre contribué à des investissements dans les archives mêmes. Il ne présente pas
423. Marcel CAYA. « Établissement d’un contexte », Rapport du Comité consultatif sur les archives..., op. cit., p. 58. 424. « École de bibliothéconomie et des sciences de l’information ; recherche en archivistique », La Chronique, vol. XX, n° 1 (juin 1989), p. 2. 425. Conseil de recherche en sciences humaines, Rapport annuel 1980-1981, Ottawa, 1981-82, p. 20. 426. Ibid., p. 68. 427. 10 correspond à 10 000 $, etc.
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toutefois que des avantages. Il distrait des besoins réels de l’archivistique. C’est d’ailleurs le jugement que posait sur ce programme un des membres du Groupe consultatif sur les archives canadiennes, Jacques Mathieu, lors du congrès de Kingston. Il affirmait que ce programme ne répond pas aux recommandations du groupe de travail en ce qu’il risque de bouleverser les priorités des dépôts en plus d’ignorer la recherche en archivistique ellemême qui a des besoins majeurs428 ». Ces montants accordés aux dépôts d’archives peuvent faire oublier les véritables besoins des archives et de l’archivistique. Ils entretiennent donc la confusion entre l’archivistique et les archives ; en subventionnant les unes, on croit subventionner les autres. Fernand Ouellet affirmait qu’il « est plus important d’affecter des sommes énormes à l’équipement scientifique que de subventionner les chercheurs individuels. Dans ce domaine, ajoute-t-il, il existe une échelle de priorités qui doit être respectée429 ». Est-ce la même attitude qu’a adoptée le CRSH ? Les services d’archives eux-mêmes sont subventionnés par différents programmes offerts par les ANQ ou le Conseil canadien des archives. Ces programmes toutefois ont davantage pour objectif de promouvoir l’organisation des archives elles-mêmes plutôt que la recherche en archivistique proprement dite. Ils n’ont qu’une influence indirecte sur elle par l’augmentation des activités professionnelles. La recherche est donc en instance de s’implanter dans le domaine de l’archivistique, l’infrastructure nécessaire à son développement étant en place. L’enseignement de l’archivistique est maintenant une réalité dans les universités québécoises. Des professeurs s’y consacrent en l’enseignant et bénéficient d’avantages nécessaires à la recherche. Le milieu est reconnu dans les organismes subventionnaires de la recherche. C’est le temps qui permettra d’évaluer le résultat de cette conjoncture. L’appartenance disciplinaire L’archivistique se doit de définir le champ d’études dans lequel elle va s’inscrire. Compte tenu des développements récents qu’elle a connus et de ses nouvelles orientations, peut-on encore la considérer comme une science
428. Jacques MATHIEU. « La recherche et les institutions d’archives », Pour un développement planifié..., op. cit., p. 27. 429. Fernand OUELLET. « La recherche historique », La recherche au Canada français, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1969, p. 98, cité dans « Priorités à l’organisation des archives », Archives, 69.2 (juillet-décembre 1969), p. 49.
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auxiliaire de l’histoire ? La gestion des documents pourra-t-elle faire partie un jour des sciences de l’administration ? Comment se tissent les liens entre l’archivistique et les sciences de l’information ? Quelle est la véritable place de cette discipline en émergence dans l’ensemble des champs du savoir ? Les relations entre l’histoire et l’archivistique reposent sur une longue tradition. C’est aux nouvelles exigences de l’histoire que l’on doit la naissance de l’archivistique. Dans l’Europe du dix-neuvième siècle, la nouvelle façon scientifique d’aborder les fonds historiques est étroitement liée aux courants puissants du nationalisme et du libéralisme ; des archives publiques gérées par l’État et à la portée de tous deviennent une réalité au fur et à mesure que ces idéologies envahissent tout le continent430.
En même temps donc qu’elle devient de plus en plus scientifique, l’histoire exige des matériaux mieux préparés pour appuyer ses travaux. Aussi, c’est dans le but de préparer les historiens à un rôle d’archivistes que s’établissent des écoles spécialisées dont la célèbre École des Chartes en France qui sera imitée ensuite en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Russie431. C’est dans ces écoles que s’est structurée l’archivistique comme discipline. C’est pourquoi elle est identifiée originellement comme science auxiliaire de l’histoire. Les archivistes ont donc d’abord été des historiens. Au Québec, comme en France et aux États-Unis, c’est la formation d’historien qui donnait accès à la profession d’archiviste. C’est d’ailleurs l’une des raisons de bonne entente entre les historiens et les archivistes comme l’affirmait l’historien Pierre Savard : Les historiens se sont multipliés depuis vingt ans, et ils ne sont pas cantonnés aux milieux de l’enseignement que sont universités et collèges. La majorité des archivistes du pays, par exemple, sont venus à leur métier après des études historiques ce qui explique la facilité de contacts qui s’établissent chez nous entre l’historien et l’archiviste432.
430. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 23. 431. L’article de Marcel Lajeunesse fait une synthèse sur le cheminement de l’archivistique en Europe, aux États-Unis et au Canada. Cf. : Marcel LAJEUNESSE. « L’archivistique : une science de l’information à la recherche d’un milieu de formation », Archives, vol. 18, n° 3 (décembre 1986), p. 35-47. 432. Pierre SAVARD. « Splendeurs et misères de Clio », Historical Papers/Communications historiques, 1981, p. 4.
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Plusieurs regroupements d’archivistes se sont d’abord formés à l’intérieur des associations d’historiens. Aux États-Unis, la Society of American Archivists est née d’une section de l’American Historical Association en 1936. Au Canada, l’Association of Canadian Archivists constituait la section des archives de la Société historique du Canada avant 1975. Le lien avec l’histoire est donc réel. Toutefois, leur séparation est devenue inévitable à cause de la professionnalisation de l’une comme de l’autre discipline. Selon Normand Séguin, professeur à l’UQTR, « en se professionnalisant », l’archivistique est devenue plus technique et plus distante de l’histoire433 ». Jacques Mathieu, tout en reprenant l’idée de Normand Séguin, y ajoute la nuance que l’histoire a aussi considérablement changé. La maturation rapide de l’archivistique depuis une dizaine d’années associée au rajeunissement des sciences du passé a entraîné un relâchement des liens qui unissaient traditionnellement nos disciplines et incite à une révision de nos relations434. L’archivistique ne dépend plus de l’histoire. Elle possède ses principes et méthodes de travail et sa mission sociale est différente de celle de l’histoire. Elle dessert d’autres clients que les historiens et comme le laissait entendre Jacques Mathieu, elle doit établir de nouveaux liens avec les historiens. Toutefois, elle demeure rattachée au domaine des sciences sociales selon les auteurs du rapport sur les archives canadiennes435. Par ailleurs, l’archivistique a développé des liens avec les sciences de l’administration par l’avènement de la gestion des documents. Ces rapports sont nés de l’implantation de la gestion des documents dans les administrations modernes. En se définissant comme un moyen de soutenir le travail d’administration, la gestion des documents se situe comme une ressource au même titre que le personnel et les finances. Dans leur critique du livre de Michel Roberge sur la gestion des documents administratifs, Gérard Goyer et Claude Gaulin soulignent l’à-propos de l’approche systémique utilisée en gestion des documents comme moyen de répondre adéquatement aux besoins des entreprises. « Cette approche, écrivent-ils, convient particulièrement à la gestion des documents et lui confère sa véritable dimension en la
433. Normand SÉGUIN. « Les attentes des chercheurs », Pour un développement planifié..., op. cit., p. 9. 434. Jacques MATHIEU. « La recherche et les institutions d’archives », Pour un développement planifié..., op. cit., p. 23. 435. Groupe consultatif sur les archives canadiennes. Op. cit., p. 93.
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situant au rang d’une discipline administrative au même titre que la gestion du personnel et la gestion financière436 ». Les relations entre les sciences administratives et l’archivistique reposent donc sur la pratique plus que sur la théorie. Les sciences de l’administration n’ont pas tenté de développer ce secteur d’activité. Toutefois, la pratique se fera plus exigeante si la gestion des documents s’intègre à la gestion de l’information. C’est alors que l’archivistique devra prendre la place qui lui revient et se faire accepter dans sa globalité dans les milieux administratifs. Le lien entre l’archivistique et les sciences de l’information est récent. Il s’est créé entre autres par le développement de cette dernière discipline dans les écoles de bibliothéconomie. Aux États-Unis, l’appartenance de l’archivistique au secteur de l’histoire ou à celui de la bibliothéconomie et des sciences de l’information a suscité de vifs débats dont a fait état la revue American Archivist. H.C. Jones et T. Schellenberg, archivistes et John C. Colson, professeur en bibliothéconomie, expriment leur point de vue sur le lieu de formation le plus approprié pour l’archivistique, l’histoire ou la bibliothéconomie et les sciences de l’information. Jones soutient que la formation dans un département d’histoire est préférable tandis que Schellenberg et Colson voient de nombreux avantages à la formation dans les écoles de bibliothéconomie et des sciences de l’information437. Ces discussions ont eu des répercussions sur la formation au Canada anglais. Par exemple, le programme de maîtrise en archivistique de l’University of British Columbia se veut une intégration des deux courants américains. Il dépend à la fois du département d’histoire et de l’École de bibliothéconomie438.
436. Claude GAULIN et Gérard GOYER. « Roberge, Michel, La gestion des documents administratifs, La Pocatière, Documentor, 1983, 216 p. (Accès à l’information administrative), [compte- rendu] », Archives, vol. 15, n° 4 (mars 1984), p. 89. 437. Marcel LAJEUNESSE. « L’archivistique : une science de l’information... », op. cit., p. 37. 438. Terry EASTWOOD. « The Origins and Aims of the Master of Archival Studies Programme at the University of British Columbia », Archivaria, n° 16 (Summer 1986), p. 35-52.
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Chapitre 3
L’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal reconnaît l’archivistique comme une discipline devant s’enseigner chez elle. Aussi développe-t-elle une argumentation fondée sur l’approche de l’Unesco pour démontrer le lien entre l’archivistique et les sciences de l’information. [...] les trois domaines des sciences de l’information, de la bibliothéconomie et de l’archivistique ont le même objet, l’information enregistrée sur tout support, l’information différée. Tant les services de l’information que la bibliothéconomie et l’archivistique poursuivent l’étude scientifique du comportement humain dans sa manière de rechercher l’information, de la traiter, de l’organiser et de la rendre disponible à des utilisateurs. Cette affirmation d’un objet commun, l’étude de l’information en tant que phénomène, est à la base même d’une harmonisation des formations et valorise la convergence des sciences documentaires439.
Sous l’angle de l’appartenance disciplinaire, l’archivistique se présente une fois de plus comme un champ d’études en émergence. Les liens qui l’unissent à l’histoire, aux sciences de l’administration et aux sciences de l’information sont très divers. Elle s’est détachée de l’histoire tout en maintenant différents types de relation. Dans deux universités québécoises, la formation est assurée dans les départements d’histoire. La formation en histoire constitue encore une formation privilégiée pour accéder à la profession d’archiviste et, plus particulièrement bien sûr, d’archiviste dans le domaine des archives historiques. Par ailleurs, à cause de certaines de ses activités, elle se rapproche des sciences de l’administration. Cependant, l’archivistique semble plus s’imposer à cette discipline qu’elle n’est désirée par elle. D’autre part, de nouvelles affinités se dessinent avec la bibliothéconomie et les sciences de l’information bien que cette approche soit entachée des expériences négatives qu’a vécues l’archivistique avec la bibliothéconomie relativement aux emprunts de méthodes de travail, notamment l’adoption, dans certains milieux archivistiques, de la classification par sujet avant l’élaboration du principe de provenance et les résultats désastreux qui en sont résultés. Les sciences de l’information, par contre, présentent beaucoup de possibilités de développement pour l’archivistique surtout au niveau du traitement de l’information et de l’intégration des nouvelles technologies. Bref, c’est en poursuivant son propre développement que l’archivistique trouvera où se situent ses meilleures alliances.
439. Marcel LAJEUNESSE. « L’archivistique : une science de l’information... », op. cit., p. 44.
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Autres éléments favorables au développement d’une discipline La présence d’un corpus scientifique, le développement de programmes d’études, la mise en place d’une structure pour la recherche, le choix d’un champ du savoir constituent les principaux aspects sur lesquels s’appuie le développement d’une discipline. D’autres points méritent aussi d’être observés. Il s’agit de l’augmentation du nombre d’étudiants, l’amélioration des infrastructures d’enseignement, l’affectation de budget pour l’enseignement et la recherche440, l’apparition d’un nombre important de postes de professeurs d’université441 ainsi que l’existence de lieux de rencontres et d’échanges scientifiques. La population étudiante Depuis 1983, les universités québécoises ont décerné plusieurs certificats442 en archivistique. Le nombre se répartit de la façon suivante entre les universités : Tableau 31 Nombre de certificats décernés, 1984-1988443 Université
1984
Université de Montréal UQAM Université Laval
1985
1986
non disponible 53 42 – –
44 93 –
1987
1988
76 40 43 non disponible – 23
Même s’ils permettent de voir une augmentation du nombre de certificats décernés, ces chiffres appellent à une certaine prudence, les statistiques s’échelonnant sur une trop courte période. Bien que l’augmentation soit réelle, il lui faut conserver ce rythme pour assurer une stabilité au programme.
440. Cet aspect ayant déjà été abordé dans la partie sur la recherche, il ne sera pas repris ici. 441. Serge PROULX. « Les communications : vers un nouveau savoir savant », Recherches sociographiques, vol. XX, n° 1 (janvier-avril 1979), p. 103. 442. Le certificat ne constitue pas en soi un diplôme universitaire. Il n’est qu’une partie d’un baccalauréat général (cumul de trois certificats) ou il est reconnu comme une mineure pour un baccalauréat spécialisé. 443. Ces chiffres nous ont été fournis par les universités respectives.
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Chapitre 3
Les chiffres relatifs aux étudiants de niveau maîtrise sont aussi difficiles à présenter. Seule l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information peut fournir le nombre de diplômes de maîtrise en bibliothéconomie et en sciences de l’information, concentration en archivistique, qu’elle a décernés depuis 1983. L’Université Laval n’a pas encore décerné de diplôme de maîtrise en histoire, volet archivistique. Tableau 32 Nombre de diplômes de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information, concentration en archivistique Université Université de Montréal
1984
1985
1986
1987
1988
9
21
17
7
2
Ces données statistiques limitées ne peuvent conduire à des résultats probants. Elles ne peuvent que permettre de constater une tendance : la présence constante d’étudiants dans les programmes. L’amélioration des infrastructures d’enseignement La brève expérience de l’enseignement de l’archivistique dans les différentes universités québécoises ne permet pas de mesurer les investissements réels effectués par chacune dans l’engagement de personnel professionnel et dans la mise en place d’équipements pour soutenir l’enseignement. Toutefois, certains gestes permettent de constater la bonne volonté des responsables des universités. Dans deux universités, du personnel professionnel a été affecté à l’organisation des stages des étudiants. Pour ce qui est de l’équipement, actuellement, la situation se limite à l’affectation de locaux réservés pour l’enseignement pratique de l’archivistique. Des efforts sont aussi faits pour que les étudiants puissent accéder à des laboratoires d’informatique afin de mieux les préparer à l’utilisation de cette technologie. Les postes de professeur La création de nouveaux postes de professeur témoigne de la volonté des universités de développer cette discipline. L’Université de Montréal a été la première à engager un professeur en archivistique en 1982. Elle ouvre un autre poste en 1987. À l’ouverture du certificat en archivistique, l’Université Laval crée un poste de professeur en archivistique au département d’histoire en 1987 et un autre en 1989. L’Université du Québec à Montréal engagera d’abord un professeur invité pour prendre la responsabilité du certificat en 1983 puis créera un poste en 1989. C’est donc dire que les
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universités croient à ce type de formation et sont prêtes à lui assurer les meilleures conditions de développement. Contrairement aux expériences précédentes, il s’agit d’un pas en avant pour assurer la viabilité du programme. Marcel Fournier, dans un étude sur le développement des sciences sociales, fait remarquer que deux générations de professeurs se succèdent dans l’enseignement d’une nouvelle discipline. La création d’un secteur d’enseignement se fait par des professeurs qui ont souvent des formations dans d’autres domaines, qui enseignent dans d’autres facultés et qui ont des positions sociales reconnues par le pouvoir politique ou économique. L’autre génération qui les suit est constituée de diplômés dans la discipline, participant à des sociétés savantes ou des associations scientifiques444. Le corps professoral en archivistique se situe actuellement dans la première génération. Il est constitué de professionnels qui ont acquis une notoriété dans la profession qui leur assure la crédibilité universitaire quoique quelques-uns d’entre eux aient da s’inscrire à un doctorat pour s’assurer une place dans le corps professoral. Comme ce diplôme n’existe toujours pas en archivistique, leur recherche sur la discipline devra se faire dans un autre secteur. Il faudra encore quelques années avant que le corps professoral en archivistique puisse compter sur des diplômés dans la discipline bien que la structure s’organise en conséquence. Il semble donc qu’il y aura trois générations de professeurs en archivistique : une première faite de praticiens, une deuxième composée de diplômés dans une autre discipline et une troisième, qui s’ajoutera éventuellement, celle des diplômés en archivistique. Les lieux de rencontres et d’échanges scientifiques Cette très jeune communauté scientifique ne dispose pas encore de lieux d’échanges que l’on pourrait qualifier de scientifiques. Les activités des associations professionnelles constituent la principale tribune où les professeurs peuvent se faire entendre. Elles constituent un lieu pour faire connaître leurs recherches mais non un milieu d’échanges et de réflexions scientifiques puisqu’il s’agit de rencontres de professionnels du métier et non d’enseignants et de chercheurs. Sur le plan international, la participation au Comité de formation du Conseil international des archives constitue un lieu de discussions. Toutefois, il n’est ouvert qu’à un seul membre. La présence d’une communauté archivistique composée de chercheurs et de professeurs conduira nécessairement à plus ou moins long terme à la création de ces lieux. 444. Marcel FOURNIER. « L’institutionnalisation des sciences sociales au Québec ». Sociologie et sociétés, vol. V, n° 1 (mai 1973), p. 39-40.
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C’est sous cinq angles principaux qu’a été analysée l’archivistique comme champ d’études : le corpus scientifique, les programmes d’études, la recherche, l’appartenance disciplinaire ainsi que différents autres éléments favorables à l’émergence de la discipline. Pour les uns, on a pu présenter les acquis à cause de leur degré de développement tandis que pour d’autres, il a fallu se contenter d’identifier les principaux indices d’émergence compte tenu de leur stade plutôt embryonnaire. L’ensemble permet toutefois de cerner les forces et les faiblesses de l’état actuel de la discipline. L’archivistique comme discipline présente un tableau positif sous plusieurs aspects. Ainsi, l’inventaire du corpus scientifique démontre la présence d’un nombre assez imposant de composantes spécifiques à la discipline. Ces composantes, en plus d’être clairement identifiées, sont reconnues comme appartenant à la spécialité. Ce corpus peut aussi se transmettre par l’enseignement ou par l’apprentissage individuel puisqu’il est formalisé dans des manuels et véhiculé par la littérature, principalement par la revue Archives. Ce corpus devient donc de plus en plus uniforme et semble avoir franchi l’étape où il se transmettait par la coutume. La formation en archivistique est maintenant un fait reconnu. L’ensemble des programmes et le nombre d’universités qui les offrent sont de bon augure pour assurer la continuité de la formation dans les établissements supérieurs. Puis s’ajoute la recherche en archivistique qui débute. L’infrastructure est en place, la discipline est reconnue comme champ de recherche et des subventions sont accessibles aux professeurs. Les universités reconnaissent maintenant l’archivistique comme une discipline suffisamment développée pour prendre rang dans le dossier des programmes. Cette acceptation constitue en elle-même une certaine reconnaissance de la discipline. Mais il y a plus. Elle crée une conjoncture favorable à son épanouissement en lui rendant accessibles des ressources humaines, matérielles et financières. L’archivistique est donc devenue un savoir autonome. Ses liens avec l’histoire se sont relâchés. C’est une discipline avec ses propres principes et ses méthodes de travail qui est à reconstruire ses alliances dans le champ scientifique. Cette énumération d’acquis ne doit toutefois pas faire oublier les faiblesses de l’archivistique comme discipline. Si la jeunesse ne constitue pas en soi un défaut, dans le cas de l’archivistique, elle incite tout au moins à la prudence avant de croire à sa maturité. Bien que tout soit en place, corpus scientifique, programme d’études, recherche, infrastructure, c’est le temps qui prouvera la
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La discipline archivistique en devenir ?
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pérennité de ces engagements. Actuellement, la situation est encore fragile et les engagements, quoique réels, sont encore réversibles. Malgré son degré de développement, l’archivistique dépend d’autres disciplines pour la formation. Elle s’enseigne dans les départements ou modules d’histoire et dans des écoles de bibliothéconomie et des sciences de l’information. Tout en ne niant pas les avantages qu’elle en retire, cette dépendance peut affecter sa propre initiative de développement. Cette situation peut difficilement se modifier au cours des ans puisque, malgré la croissance prévue, elle ne pourra justifier la création de son propre département dans les universités. Les programmes de formation existants présentent également certaines faiblesses relatives au titre du diplôme ainsi qu’au niveau de formation. Le diplôme de premier cycle identifie bien la discipline archivistique puisque l’étudiant reçoit une attestation spécifiant « certificat en archivistique ». Toutefois, la formation de premier cycle, surtout au niveau du certificat, ne suffit pas pour la reconnaissance d’une discipline. Il en est de même au deuxième cycle où le titre du diplôme mentionne la formation en archivistique mais rattachée à une autre discipline. L’Université Laval offre cette formation dans le cadre de sa maîtrise en histoire avec mention en archivistique. L’Université de Montréal a donné jusqu’en 1989 une maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information. Depuis, elle offre le même diplôme mais elle mentionne le nom de la spécialité. Comme il n’existe pas de diplôme supérieur en archivistique, l’absence d’un titre de diplôme spécifique ainsi que le manque de formation supérieure sont les signes de l’état précaire de son développement. L’évolution et le temps témoigneront des possibilités réelles de l’archivistique de se faire reconnaître et de se développer comme discipline. La communauté de professeurs et de chercheurs est fort réduite, on ne dénombre que cinq personnes actuellement. Le poids de l’enseignement et de la recherche repose en grande partie sur eux, ce qui constitue un lourd fardeau qui hypothèque d’autant la recherche dans le domaine. De plus, les possibilités d’augmentation de ce nombre par l’ouverture de nouveaux postes sont limitées. L’enseignement de premier cycle est assuré en très grande partie par des archivistes-praticiens engagés comme chargés de cours. L’enseignement de deuxième cycle est assuré par quelques professeurs, des praticiens et des professeurs d’autres disciplines. Ce personnel ne peut espérer une augmentation sensible de ses membres. C’est donc par une collaboration étroite entre le milieu universitaire – professeurs et étudiants – et le milieu professionnel pour un partage des champs de recherche qu’il sera possible de rentabiliser ces ressources limitées.
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Chapitre 3
Malgré ces lacunes, la discipline archivistique présente beaucoup d’espoirs. Ses acquis sont de taille et ses faiblesses peuvent être atténuées par le temps et par un partage d’activités. Son état précaire invite la communauté archivistique à s’éveiller à l’importance d’accentuer l’évolution de certains facteurs qui pourront agir sur le développement de ce savoir.
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Conclusion
Forte de l’appui de la théorie sociologique qui affirme que le développement d’une profession et d’une discipline est conditionné par les contextes dans lesquels elles évoluent, nous avons rappelé les différents événements qui ont marqué le Québec depuis 1960 et ce, tant sur les plans politique, social, culturel et économique que sur celui du développement de la recherche scientifique et technologique. Cette étude nous a permis d’évaluer les éléments favorables ou défavorables au développement de la discipline et de la profession archivistique. Nous avons ensuite jeté un coup d’œil sur les institutions et les services d’archives et de gestion des documents en vue de décrire leurs organisations ou leurs activités archivistiques. C’est aussi dans cette partie que nous avons présenté les différentes approches de l’archivistique qui ont eu cours au Québec depuis la fin des années 70. Ce tour d’horizon a contribué à situer l’archivistique québécoise dans le milieu où elle évolue. Le deuxième chapitre a traité de la profession d’archiviste au Québec telle qu’elle est présentée dans la littérature et vécue par ses professionnels. C’est particulièrement à travers les activités de l’association professionnelle regroupant la majorité des archivistes et des gestionnaires de documents du Québec que nous avons pu voir cheminer la profession. C’est de ces sources que l’on a pu dégager l’idéal, la mission, les fonctions professionnelles et sociales de l’archiviste ainsi que l’image qu’il projette. Elles ont en outre
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Conclusion
permis de retracer l’histoire de l’Association des archivistes du Québec et de présenter ses principales réalisations comme association professionnelle. Quant à la discipline, objet du troisième chapitre, nous avons choisi de la traiter à partir de ses structures cognitive et sociale. Ainsi, on a d’abord défini le corpus scientifique, présenté les programmes de formation et fait le point sur l’état de la recherche. La discussion sur l’appartenance disciplinaire a permis de voir l’archivistique sous un angle historique différent. L’étude des autres manifestations d’une discipline tels le nombre d’étudiants et de professeurs, l’infrastructure de soutien à l’enseignement et les lieux d’échanges scientifiques a révélé, malgré leur récente mise en place, que des actions concrètes ont déjà été entreprises. Ces trois chapitres décrivent et analysent l’évolution de l’archivistique comme profession et comme discipline au Québec depuis 1960. En conclusion de chacun d’eux, nous avons identifié les forces et les faiblesses de ces divers phénomènes. Au terme de cette étude, on est donc en droit de se demander quel est le degré d’émergence de la profession et de la discipline au Québec depuis 1960 et quelles sont ses perspectives d’avenir. En fait, le métier d’archiviste manifeste plusieurs signes d’émergence. Malgré une image sociale plutôt négative, les archivistes sont reconnus par la société actuelle ; même si elle ne leur accorde pas toute la considération due à leur travail, elle en reconnaît du moins les bienfaits. Les archivistes sont victimes d’un certain mépris bien que leur domaine d’intervention prenne de plus en plus d’importance. À tous les âges, l’intérêt du document administratif est reconnu. À l’âge actif et semi-actif, il est considéré comme une ressource informationnelle. À l’âge inactif, il conserve cette valeur en plus de servir de témoignage et de lien avec le passé. Les administrateurs modernes et les chercheurs en reconnaissent le prix alors que sur le plan politique et culturel, leur valeur est acquise par les législations et les politiques gouvernementales. Le développement de la discipline à travers les activités de l’AAQ principalement, et la présence de contextes favorables ont contribué à la croissance de la profession d’archiviste. Ainsi, sa mission s’est précisée et s’est élargie et ses fonctions professionnelles se sont progressivement démarquées.
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Conclusion
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Par ailleurs, la communauté archivistique manifeste un sentiment d’appartenance certain. La vitalité de l’AAQ en constitue le signe le plus évident. Malgré quelques tensions internes et grâce à ses efforts de développement, l’association est arrivée à augmenter son membership et à maintenir de nombreuses activités destinées au perfectionnement de ses membres. Même si l’appartenance à l’AAQ n’est pas obligatoire pour exercer la profession, il n’en reste pas moins que son prestige a attiré la plupart de ses professionnels. De plus, elle a joué un rôle de suppléance dans la formation des archivistes jusqu’à ces dernières années. C’est à elle aussi que revient la responsabilité de susciter les actions et les réflexions pour arriver à concilier les opinions qui la divisent. Sous plusieurs aspects importants, toutefois, l’émergence de la profession d’archiviste n’est pas manifeste. Ainsi, l’importance de la formation en archivistique pour en exercer les tâches ne semble pas constituer une priorité. De plus, les archivistes respectent un code d’éthique et des standards de pratique découlant de leur professionnalisme personnel en l’absence de morale professionnelle puisqu’il n’y a jamais eu de consensus ni de discussions sur le sujet. La discipline archivistique, quant à elle, donne de nombreux signes d’émergence. Préparés par des expériences et des réflexions professionnelles depuis plus de 20 ans, des éléments se sont cristallisés et ont pris tout leur sens avec l’apparition de la formation en 1983. Ainsi en est-il du corpus scientifique, des programmes d’études, de la recherche et des différents autres éléments favorables à la naissance d’une discipline. Les discussions sur l’appartenance disciplinaire s’engagent de plus en plus. Ces débats avec d’autres champs d’études suscitent l’approfondissement des objectifs et du contenu de la discipline. Ces divers aspects ont pour caractéristique commune leur apparition récente dans le milieu québécois. L’enthousiasme qui accompagne les moments de conjonctures favorables comme ceux qui accentuent présentement le développement de cette discipline ne doit pas en faire oublier la fragilité. L’émergence évidente de ce nouveau savoir doit maintenant affronter l’épreuve du temps. Quelles sont les perspectives d’avenir de la profession après les années 90 ? Quelles sont les conditions nécessaires à son développement ? Ces perspectives et ces conditions nous semblent liées à quatre exigences principales : la consolidation des acquis, la promotion de la profession, les orientations de l’AAQ et l’ouverture à de nouveaux milieux et à de nouveaux besoins.
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Conclusion
Les acquis professionnels sont nombreux ; nous les avons déjà énumérés. Il y a lieu de les conserver et de construire à partir d’eux. La promotion de la profession constitue une condition des plus importantes pour son avenir. Un manque de publicité a entretenu une image de timidité et de passivité. Trop peu d’articles ont été écrits sur la profession et trop peu d’informations fournies aux employeurs. Les dernières manifestations massives des archivistes dans les journaux remontent à 1972. On n’a sûrement pas abusé des médias. Pourtant, l’évolution récente de la profession lui permettrait de renouveler son image sociale. Les campagnes de presse et les communiqués dans les journaux lors de la tenue d’activités particulières ou de prises de position officielles contribueraient à une meilleure connaissance de son action. La profession ne doit pas craindre la place publique. Ce sera l’un des signes les plus évidents de son changement d’image. Les perspectives d’avenir de la profession reposent aussi en très grande partie sur le dynamisme et l’esprit d’initiative de l’Association des archivistes du Québec. La professionnalisation du champ de pratique repose sur celle de son association. À elle revient le rôle d’élaborer et de faire appliquer un code d’éthique et des standards professionnels d’exercice. C’est aussi de son devoir de promouvoir la formation et de la reconnaître comme condition d’accès à la profession et à l’association, tout en continuant à assumer le perfectionnement de ses membres ainsi que la publication d’une revue professionnelle. L’avenir de la profession dépend de sa capacité à s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Jusqu’à ce jour, elle a œuvré dans le monde des archives en établissant des principes et des méthodes et en favorisant leur diffusion. Sa réussite est éclatante, le développement de la discipline en est la preuve. Il lui faut maintenant se préparer à répondre aux nouveaux besoins de la société. L’archiviste se doit de redéfinir son rôle et celui des archives par rapport aux réseaux d’information qui se développent. N’est-il pas appelé à collaborer à leur développement ou à en susciter de nouveaux ? Comment son rôle se définira-t-il dans l’avenir par rapport aux administrations modernes ? Il doit s’ouvrir aux multiples possibilités de l’informatique pour enrichir son domaine et pour éviter d’être un serviteur de la machine. L’archiviste doit être sensible aux nouvelles recherches, non seulement pour les mieux documenter mais aussi dans le but de faire connaître les ressources dont il dispose pour les soutenir. Il appartient à l’archiviste d’être conscient de sa mission culturelle car c’est à lui que revient le rôle de conserver la mémoire du passé et même de la constituer. La dimension scientifique de sa fonction doit lui tenir à cœur. À quand les archivistes
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Conclusion
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qui « font parler » les archives dont rêvait Pierre-Georges Roy ? Somme toute, l’archiviste aura à envisager sa profession avec un sens de la prospective. Les perspectives d’avenir de la discipline reposent également sur le perfectionnement des instruments qui sont déjà en place dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. C’est un défi important dont la charge devra être partagée entre le milieu professionnel et le milieu universitaire. En plus de renforcer le corpus scientifique par le développement de la recherche, l’université et la communauté archivistique auront à unir leurs efforts pour bien établir l’enseignement de deuxième cycle, en augmentant les effectifs étudiants, en créant de nouveaux postes de professeur et en améliorant les conditions de travail des uns et des autres. Bien que l’on soit encore loin de cet objectif, on pourra affirmer que la discipline a acquis ses titres de noblesse lors de l’apparition des études de troisième cycle. Cependant, le développement interne de la recherche et l’évolution du deuxième cycle demeurent, à notre avis, les signes avantcoureurs d’un savoir disciplinaire bien établi et achevé. L’étude que nous venons de mener laisse un certain nombre de questions sans réponse tant à cause du manque de matériaux d’analyse qu’à cause des limites de l’étude elle-même. Ainsi, nous ne disposons que de peu d’informations et de statistiques sur les milieux de travail de l’archiviste. Des données ont été recueillies dans les plus grands milieux comme les universités ou encore sur un secteur particulier d’activités tel que l’informatisation de certaines opérations mais on ne dispose que de peu de renseignements sur l’ensemble des milieux ou sur les « nouveaux » milieux rejoints par les lois sur l’accès à l’information et sur les archives. Une identification plus précise du milieu de travail et la cueillette de renseignements relatifs à certains sujets tels les fonctions archivistiques qui y sont exercées, le personnel qui y œuvre pourraient conduire à la préparation de statistiques comparables et à l’établissement de normes d’exercice qui ne pourront que concourir à l’amélioration du travail archivistique lui-même. Notre mode d’analyse de la profession à partir du modèle sociologique nous a limitée à l’observation de celle-ci en fonction de son évolution vers la reconnaissance légale selon le modèle des professions reconnues. Tout en fournissant des éléments d’observation, une telle recherche oriente les conclusions en fonction de la professionnalisation corporative du domaine d’activités. L’archivistique, comme toute profession qui s’exerce surtout dans les milieux fortement bureaucratisés, constitue une profession qui doit chercher son développement en dehors de ce mode de reconnaissance officielle.
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Conclusion
Il n’existe pas de modèle sociologique pour analyser ce type de profession. Notre recherche met en évidence le besoin de mettre au point ce nouveau modèle qui tiendra compte d’un monde de travail de plus en plus bureaucratisé et syndiqué. Les « spécialistes » ou les « experts » répondent à plusieurs critères appliqués aux professionnels mais ils s’en distinguent sous plusieurs aspects entre autres par rapport à leur relation avec les clients et l’autonomie de leur pratique. Notre recherche s’est efforcée de faire le point sur le développement de l’archivistique au Québec depuis 1960. Les résultats mettent en évidence l’état d’émergence de la profession et de la discipline. L’une et l’autre doivent cependant subir l’épreuve du temps. Notre recherche, menée en 1988, rend compte de la situation et témoigne des changements dans les conditions de développement opérés par les nouveaux contextes politique, économique, social et culturel. Elle permet de prendre conscience de l’importance de ces changements pour la profession et pour la discipline et incite ses professionnels à rester vigilants pour mieux comprendre ces nouvelles situations. Le champ de la recherche en archivistique est aujourd’hui largement ouvert. Ce ne sont toutefois que des recherches soutenues et concertées qui peuvent contribuer à un véritable essor de la profession et de la discipline, recherches entre les universités elles-mêmes et entre ces établissements et le milieu professionnel.
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