DÉTERMINATION ET FORMALISATION
LINGVISTICÆ INVESTIGATIONES: SUPPLEMENTA
Studies in French & General Linguistics / Etudes en Linguistique Française et Générale This series has been established as a companion series to the periodical “LINGVISTICÆ INVESTIGATIONES”, which started publication in 1977. It is published by the Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique du C.N.R.S.
Series-Editors: Jean-Claude Chevalier (Université Paris VIII) Maurice Gross (Université de Marne-la-Vallée) Christian Leclère (L.A.D.L.)
Volume 23 Edited by Xavier Blanco, Pierre-André Buvet and Zoé Gavriilidou Détermination et Formalisation
DÉTERMINATION ET FORMALISATION
Edited by XAVIER BLANCO PIERRE-ANDRÉ BUVET ZOÉ GAVRIILIDOU Universitat Autònoma de Barcelona
JOHN BENJAMINS PUBLISHING COMPANY AMSTERDAM/PHILADELPHIA
8
TM
The paper used in this publication meets the minimum requirements of American National Standard for Information Sciences — Permanence of Paper for Printed Library Materials, ANSI Z39.48-1984.
Library of Congress Cataloging-in-Publication Data Détermination et formalisation / edited by Xavier Blanco, Pierre-André Buvet, Zoé Gavriilidou. p. cm. -- (Linguisticae investigationes. Supplementa ISSN; 0165-7569; v. 23) Papers presented at a conference held Feb. 24–25, 2000, Barcelona, Spain. Includes bibliographical references and index. 1. Grammar, Comparative and general--Determiners--Congress. 2. Formalization (linguistics)--Congresses. I. Blanco, Xavier. II. Buvert, Pierre-André. III. Gavriilidou, Zoé. IV. Series. P299.D48 D48 2001 415--dc21 2001035801 ISBN 90 272 3133 8 (Eur.) / 1 58811 096 6 (US) (Hb: alk. paper) CIP © 2001 – John Benjamins B.V. No part of this book may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publisher. John Benjamins Publishing Co. • P.O.Box 36224 • 1020 ME Amsterdam • The Netherlands John Benjamins North America • P.O.Box 27519 • Philadelphia PA 19118-0519 • USA
TABLE DES MATIÈRES
Dédicace
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Présentation
ix
Clara Abrudeanu : La détermination dans la phraséologie
1
Razeq Afzali ; Jean-Pierre Desclés et Anca Pascu : Approche logique de la détermination
13
Jean-Claude Anscombre : Les N/Des N en position sujet ou objet dans les phrases génériques
29
Margarita Alonso: Détermination, incorporation et phraséologie dans les constructions à verbe support
51
Xavier Blanco : La description des déterminants dans un dictionnaire électronique de médecine
67
Andrée Borillo : La détermination et la préposition de lieu à en français
85
Pierre-André Buvet : Les déterminants intensifs
101
Sylviane Cardey et Peter Greenfield : Génération automatique de déterminants en allemand
115
Dolors Català et Matías Mellado : La détermination dans des adverbes et verbes composés en français et en espagnol
129
Nelly Flaux : Le classement des noms de quantité
151
Zoé Gavriilidou : Structures Dét N1 N2 et détermination figée
163
Maurice Gross : Grammaires locales de déterminants nominaux
177
Georges Kleiber : Déterminants indéfinis ou quand les faibles jouent aux forts
195
Lucien Kupferman : Quantification et détermination dans les groupes nominaux
219
Denis Le Pesant : Syntaxe et lexique des anaphores fidèles et infidèles
235
Claude Muller : Les déterminants indéfinis
255
Denis Paillard : Tout N en français versus vsjakij N en russe
273
Dieter Seelbach : La détermination de prédicats nominaux et de mots composés en français et en allemand
291
Francis Tollis : La traduction de UN-S est elle automatisable ?
315
Harald Ulland : La question de la détermination nominale dans la traduction automatique norvégien ↔ français
327
Index de notions
341
Ce volume est dédié à la mémoire de notre regretté collègue Razeq Afzali (Université de Paris-Sorbonne), décédé à Bellaterra le 25 février 2000 pendant sa communication au Colloque International Détermination et Formalisation.
PRÉSENTATION
De nombreux travaux se rapportant à toutes sortes de théories du langage concernent la détermination, soit relativement à une langue donnée (voire plusieurs dans une perspective comparatiste) soit d’un point de vue plus universel. Les études que nous présentons dans ce numéro sont assez représentatives de cette diversité des traitements de la détermination. Le terme même de détermination a diverses acceptions ; il s’ensuit que le statut des unités linguistiques qui s’y rapportent, les déterminants, peut varier selon la façon dont on les définit. S’il est admis que les éléments déterminatifs ressortissent au seul groupe nominal1 , l’extension des formes que recouvre la détermination ne fait pas l’unanimité. Pour certains, la détermination est limitée à quelques éléments antéposés (le nombre peut varier selon les travaux) tandis que pour d’autres il s’agit de l’ensemble des constituants qui ne correspondent pas à ce qu’il est convenu d’appeler la tête nominale (c’est-àdire approximativement le constituant qui détermine la nature des relations entre le groupe nominal et les autres éléments phrastiques et donc qui prévaut structurellement). Dans le premier cas les expansions du nom sont systématiquement écartées ; dans le second cas elles sont interprétées comme constitutives de la détermination d’un substantif donné. Il en résulte que l’intersection des ensembles constitués en fonction de l’un ou l’autre point de vue comporte un nombre limité de déterminants ; pour ce qui est du français, ce sont surtout les articles qui sont unanimement reconnus comme tels. Au-delà de la question des formes que recouvre la notion de détermination, les linguistes s’opposent à la fois sur la façon d’interpréter la détermination et sur la façon dont opèrent les déterminants pour satisfaire aux exigences fonctionnelles qu’on leur reconnaît. Il va de soi que ces deux points sont éminemment liés dans les représentations que l’on donne de la détermination et qu’ils ne sont pas totalement indépendants de l’extension de la notion. Par conséquent, à l’instar de ce que l’on peut observer pour d’autres classes de faits de langue, les différentes sortes de traitement des données (morphologie, syntaxe et sémantique) ne sont pas séparées les unes des autres : elles interagissent entre elles. De plus, des facteurs pragmatiques sont souvent mis
x
PRÉSENTATION
en avant dans certaines analyses des déterminants (notamment s’agissant de ceux que l’on dit définis). Les postulats linguistiques et les objectifs des théories dont ils constituent les points d’appui peuvent éclaircir l’apparente confusion qui ressort des différents travaux sur la détermination. Un des points centraux est la question de savoir si la réflexion doit intégrer la relation de la langue avec ce qui n’est pas la langue, c’est-à-dire ce qu’on appelle l’extra-linguistique. Dès lors les principales divergences d’approche mentionnées peuvent s’expliquer comme suit : –
–
il y a, d’une part, les analyses qui considèrent que la dichotomie saussurienne langue/discours (même si elle n’est pas reconnue en tant que telle) est toujours pertinente et joue un rôle central dans l’explication de la détermination2 de telle sorte que la notion de référence apparaît comme un principe explicatif fondamental ; il y a, d’autre part, les études où la distinction entre ce qui relève du discours et de la langue est nettement moins cruciale et où la détermination est traitée essentiellement en termes de combinatoire et de structuration au sein des constructions nominales.
Cette bipolarisation des travaux mentionnés est évidemment réductrice puisqu’il existe aussi des analyses qui y échappent ; par exemple, les théories modulaires qui appréhendent les déterminants en les traitant structurellement, d’une part, logiquement, d’autre part. On peut néanmoins admettre que le plus gros des travaux considèrent les déterminants soit comme des opérateurs d’insertion des noms dans le discours soit comme des opérateurs qui mettent en relation certains constituants majeurs de la phrase. La place des substantifs dans la caractérisation des déterminants échappe à cette dichotomie ; elle dépend essentiellement de l’importance accordée au lexique dans les théories sous-jacentes aux analyses qu’elles soient à caractère référentiel ou à caractère non référentiel. Selon nous, la valeur que les linguistes attribuent aux déterminants apparaît comme un moyen de transcender l’opposition dont il a été question car comme souvent la prise en compte de la sémantique dans les études syntaxiques permet, d’une part, de recouper des observations effectuées dans le cadre d’approches essentiellement sémantiques (par exemple, la justification syntaxique de la classe sémantique des déterminants définis), d’autre part, de faire apparaître des phénomènes que les approches référentielles n’avaient pas pris en compte du fait de la nature ontologique de leur représentation de la langue.
PRÉSENTATION
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La représentation des déterminants n’est évidemment pas indépendante de celle des autres unités linguistiques notamment les noms. La place que l’on accorde à la détermination dans les modélisations d’une langue, voire du langage, est souvent loin d’être négligeable. C’est le cas assurément des modélisations proposées par les théories qui font appel à la notion de référence étant donné que la possibilité de se reporter à un objet du monde n’est généralement pas le fait du seul substantif mais de celui-ci précédé d’un déterminant3 . Le formalisme que présuppose toute modélisation est souvent tributaire d’une théorie. La relation au monde qu’induit le concept de référence peut se concevoir sur des bases vériconditionnelles. C’est pourquoi bon nombre des théories s’inscrivant dans cette perspective font appel à toutes sortes d’opérateurs logiques pour rendre compte de la langue. Les diverses théories référentielles se distinguent alors principalement sur la question du recours à tel opérateur plutôt que tel autre pour établir la nature d’une classe de phénomènes donnés. Pour ce qui est des théories non référentielles, l’intérêt d’utiliser un formalisme qui tienne compte des faits de détermination n’est apparu que tardivement 4 du fait notamment de l’introduction de considérations sémantiques dans des approches primitivement syntaxiques. L’élaboration de systèmes opérant sur des données linguistiques implique des représentations formelles du langage qui leur soient appropriées. Du point de vue du traitement automatique des langues, les modélisations qui intègrent les systèmes de détermination s’avèrent particulièrement importantes, notamment en ce qui concerne les domaines de la génération et de la traduction automatiques. Il est donc crucial pour la linguistique informatique de tenir compte des travaux fondamentaux qui portent sur les déterminants et qui ont comme objectif de les représenter formellement. Le présent numéro réunit des études sur la détermination qui, pour la plupart, ont fait l’objet d’une présentation orale lors du colloque Détermination et Formalisation qui s’est tenu à Barcelone les 24 et 25 février 2000 5 . Ces études, effectuées dans des cadres théoriques variés, se caractérisent, d’une part, par la diversité des phénomènes considérés et, d’autre part, par leur souci de formalisation. Plusieurs travaux ont trait aux valeurs de certains prédéterminants au regard de notions comme l’anaphore, la distributivité, l’existentialité, la généricité, la quantification et la partitivité : Jean-Claude Anscombre à propos des articles défini et indéfini pluriels, Georges Kleiber à propos de certains déterminants indéfinis, Lucien Kupferman à propos de l’article partitif, Denis Le Pesant à propos de l’article défini et de l’adjectif démonstratif et Claude Muller à propos égale ment de certains déterminants indéfinis. D’autres travaux rendent comptent également des différents emplois des prédéterminants mais dans une perspective comparatiste : Denis Paillard à
xii
PRÉSENTATION
propos du couple tout N en français et de vsjakij N en russe, Francis Tollis à propos de la traduction française de l’article espagnol UN-S ainsi que Harald Ulland qui compare le système de détermination du norvégien au système français. Dans leurs travaux respectifs, Margarita Alonso Ramos et PierreAndré Buvet discutent de l’interprétation de certains éléments déterminatifs dans le cadre des constructions à verbe support en espagnol, d’une part, en français, d’autre part. Plusieurs travaux concernent des constructions déterminatives : Nelly Flaux récapitule les différentes valeurs des déterminants nominaux (des suites du type Dét N de), Maurice Gross présente la combinatoire interne de certains d’entre eux tandis que Razeq Afzali, JeanPierre Desclés et Anca Pascu rendent compte de l’intérêt d’une approche logique des modifieurs du type de N. Andrée Borillo examine les contraintes sur les déterminants dans le cadre de constructions prépositionnelles relatives à l’expression du lieu. La question de l’interaction entre les notions de figement et de détermination est l’objet de plusieurs discussions : Clara Abrudeanu à propos des déterminants de la phraséologie du français et du roumain, Dolors Català et Matías Mellado à propos des déterminants des adverbes et verbes composés de l’espagnol et du français, Zoé Gavriilidou à propos de la structure Dét N N et Dieter Seelbach à propos de mots composés et prédicas nominaux de l’allemand et du français. Le traitement automatique des déterminants a été également pris en compte par Xavier Blanco à propos de la description des déterminants dans un dictionnaire électronique de l’espagnol ainsi que par Sylviane Cardey et Peter Greenfield à propos de la génération automatique de déterminants en allemand. Les Éditeurs
NOTES
1
On parle également de ‘syntagme nominal’, le choix de l’un ou l’autre terme résultant généralement de la terminologie adoptée par une théorie donnée. 2 Cette dernière est alors avant tout affaire d’actualisation (au sens de mise en discours). 3 L’absence de déterminant est un cas particulier que certains linguistes traitent en l’assimilant à une détermination zéro. 4 Les travaux de Maurice Gross constituent une exception remarquable par rapport aux théories syntaxiques qui se contentent de représenter les éléments déterminatifs par des symboles comme SPEC ou DET. 5 Cette publication a été financée par le Ministerio de Educación y Cultura (Subdirección General de Formación, Perfeccionamiento y Movilidad de Investigadores), qui a aussi financé partiellement le colloque Détermination et Formalisation.
LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE Étude comparée du français et du roumain CLARA ABRUDEANU Université de Nice et Université de Piteºti
Introduction Le présent article rend compte d’un projet de recherche à long terme visant la constitution d’un corpus phraséologique français/roumain, l’analyse linguistique et la modélisation informatique des données enregistrées en vue de la traduction assistée français-roumain. Nous allons présenter ci-dessous les résultats d’une étude expérimentale sur les déterminants, étude qui a été menée sur un corpus électronique de 3 000 couples phraséologiques. Il convient de préciser qu’après la collecte, les phraséologismes du corpus ont été triés avec le logiciel ZLoc (ZStation) (Zinglé 1999) et organisés dans un format qui a beaucoup facilité l’analyse linguistique ultérieure.
1. Précisions d’ordre théorique Nous allons présenter les problèmes que la détermination pose dans les constructions fixes. Il s’agit des unités complexes dont le déterminant ne peut pas varier ou, s’il varie, cela se passe pour chacune des deux langues examinées dans un paradigme restreint (maximum trois éléments) : (1) a.
a muri de moarte bunã
mourir de mort bonne “mourir de sa belle mort” b.
a nu miºca un deget
ne pas lever (le + son) petit doigt “ne pas bouger un doigt”
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CLARA ABRUDEANU
Les variantes du type *mourir de (la + cette) belle mort ; *ne pas lever (les + ces) petits doigts ne sont pas admises. Le type du déterminant, son nombre et son genre sont donc fixes. C’est ce que l’on appelle dans la littérature de spécialité un ‘déterminant figé’ (M. Gross 1985). Il convient de préciser que le terme de ‘phraséologisme’ ou ‘unité phraséologique’ sera utilisé ici pour désigner les suites fixes d’un minimum de deux mots, formées autour d’un verbe. Ce sont les unités complexes pour lesquelles Harald Burger propose le terme de ‘phraséologismes phrastiques’ (Burger 1998). Nous avons exclu de notre corpus les phraséologismes à valeur de texte (proverbes, maximes, etc.) et nous nous sommes exclusivement intéressées aux constructions fixes ayant besoin d’un sujet grammatical pour leur actualisation dans le discours : (2)
a pune punctul pe i
mettre le point sur i “mettre les points sur les i” Pour faciliter la présentation, on a décidé de traiter les problèmes qui se posent en deux parties, selon la constitution du groupe nominal où le déterminant s’actualise : – –
les phraséologismes comportant un groupe nominal fixe (Dét N) ; les phraséologismes comportant un groupe nominal fixe du type (Prép Dét N).
2. Phraséologismes comportant un groupe nominal fixe (Dét N) On a classé les déterminants en définis, indéfinis et zéro. La partie consacrée aux déterminants définis traite de l’article défini et de l’adjectif possessif, et celle consacrée aux déterminants indéfinis traite de l’article indéfini, du partitif et des déterminants numéraux. 2.1. Déterminants définis 2.1.1. Article défini On a observé que l’article défini était extrêmement fréquent dans les phraséologismes du corpus et que, dans la plupart des cas, il ne posait pas de problèmes réels à la traduction. Sauf quelques rares exceptions, dans ce type de
LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE
3
constructions, le roumain et le français emploient l’article défini de manière identique : (3)
a da restul
donner le reste “rendre la monnaie” (4)
a tãia firul în patru
couper le fil en quatre “couper les cheveux en quatre” La dissymétrie apparaît quand le roumain actualise une détermination zéro dans les constructions fixes du type (Vb Dét, NO.D.) pour lesquelles le français emploie l’article défini : (5)
a lua aer
prendre air “prendre l’air” (6)
a pune foc la ceva
mettre feu à qqch. “mettre le feu à qqch.” Il est important de remarquer, à propos des exemples ci-dessus, que le français a lui aussi développé des phraséologismes du type (Vb Détzéro, NO.D.), et que leur nombre est aussi important que celui des unités complexes où le nom objet direct est articulé avec l’article défini (cf. 3.3.). Il est donc difficile de décider laquelle des deux situations est exceptionnelle et source d’irrégularités. 2.1.2. Adjectif possessif et autres moyens d’exprimer la possession Le roumain dispose de deux instruments linguistiques pour exprimer la notion de possession ou l’appartenance à un ensemble : – –
l’un est l’adjectif possessif, comme en français ; l’autre, une forme atone du pronom personnel au datif, appelé le ‘datif possessif’ :
(7) a.
Si sufletul sãu se pierde
“Et son âme se perd” (adjectif possessif) b.
Si sufletu-i se pierde
“Et son âme se perd” (datif possessif)
4
CLARA ABRUDEANU
Dans les phraséologismes, le roumain emploie de façon presque exclusive le datif possessif qui est placé à chaque fois auprès du verbe auquel il est lié par un trait d’union : Vb Adjpossessif N ↔ Vb Pron.Pers (datif possessif) N. (8)
a-ºi incerca norocul
essayer sa chance “courir sa chance” (9)
a-ºi înghiþi lacrimile
avaler ses larmes “ravaler ses larmes” Le pronom personnel au datif a, dans ce cas, une fonction syntaxique qui se situe à la limite entre l’objet indirect (donc déterminant du verbe) et le complément du nom. Cette préférence du roumain pour l’emploi du datif possessif dans les constructions fixes se justifie : –
–
d’une part, par une raison liée à la diachronie : l’emploi du datif possessif était très fréquent dans une étape antérieure de l’évolution du roumain ; d’autre part, par un souci de cohésion : étant lié au verbe par un trait d’union, il forme avec celui-ci une unité et il semble déterminer à la fois le verbe et le substantif.
Il existe une situation similaire en français qui se caractérise par la présence du réflexif là ou le roumain emploie le datif possessif : (10)
a-ºi bate capul
se battre la tête “se creuser la tête” (11)
a-ºi muºca limba
mordre sa langue “se mordre la langue” Parfois, le roumain ne rend pas de façon explicite l’idée de possession et une traduction littérale de la phraséologie française mènera à une surdétermination en roumain. Le cas le plus fréquent est celui des parties du corps, mais les exemples peuvent aussi recouvrir d’autres registres :
LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE
(12)
5
a þine în mânã frâiele
tenir dans main les fils d’une affaire “tenir dans sa main les fils d’une affaire” (13)
a avea nervi
avoir nerfs “avoir ses nerfs” (14)
a muri de moarte bunã
mourir de mort bonne “mourir de sa belle mort” (15)
a pãstra distanþa
garder la distance “garder ses distances” On ne peut pourtant pas généraliser cette remarque et dire que, lorsqu’il s’agit des parties du corps, le roumain n’admet jamais l’actualisation d’un possessif, car on rencontre des exemples où les deux langues ont recours à un possessif : (16)
a-ºi lua picioarele la spinare
prendre ses jambes à dos “prendre ses jambes à son cou” et même des exemples où le roumain emploie un possessif, contrairement au français : (17)
a-ºi pleca urechea
pencher son oreille “prêter l’oreille” (18)
a-ºi pierde capul
perdre sa tête “perdre la tête” 2.2. Déterminants indéfinis 2.2.1. Article indéfini Lorsqu’on examine les phraséologismes comportant un article indéfini (un, une), on remarque que les exemples sont divers et qu’il est difficile d’établir des règles de transposition. L’exemple le plus fréquent est celui des phraséologismes identiques du point de vue du déterminant :
6
CLARA ABRUDEANU
(19)
a avea o slãbiciune pentru cineva
avoir une faiblesse pour qqn “avoir un faible pour qqn” (20)
a da cuiva o mânã de ajutor
donner une main d’aide à qqn “donner un coup de main à qqn” Mais il existe aussi un nombre assez important de couples phraséologiques présentant des différences de détermination : –
article indéfini en français et déterminant zéro en roumain :
(21)
a face pariu
faire pari “faire un pari” (22)
a da rãgaz
donner délai “accorder un délai” –
article indéfini en français et article défini en roumain :
(23)
a vorbi de frânghie în casa spâzuratului
parler de corde dans la maison du pendu “parler de corde dans la maison d’un pendu” –
article indéfini en français et, en roumain, article indéfini en variation libre avec le déterminant zéro :
(24)
a avea (o + E) inimã de aur
avoir (un + E) cœur d’or “avoir un cœur d’or” 2.2.2. Article partitif et indéfini pluriel Le roumain n’a pas d’équivalent pour l’article partitif ou pour l’indéfini pluriel, et, dans les phraséologismes où le français emploie l’un des deux, le roumain actualise une détermination zéro : (Article partitif + Indéfini pluriel) N ↔ N Dét zéro. (25)
a-i da cuiva apã la moarã
donner à qqn eau à moulin “apporter de l’eau au moulin de qqn”
LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE
7
2.2.3. Déterminants numéraux Le déterminant numéral le plus fréquent dans les phraséologismes est deux, qui exprime l’idée d’oscillation ou d’indécision. Vu qu’il est employé pour une notion précise, il est présent dans les deux langues même si les unités phraséologiques équivalentes ne sont pas identiques du point de vue de leur constitution ou de l’image : (26)
a fi cu fundul în douã luntrii
être avec le derrière dans deux barques “nager entre deux eaux” (27)
a merge pe douã cãrãri
marcher sur deux sentiers “être entre deux vins” Les autres déterminants numéraux qui apparaissent dans phraséologismes de notre corpus sont aussi identiques dans les deux langues : –
les
quatre :
(28)
a fi pus la patru ace
être mis à quatre épingles “être tiré à quatre épingles” (29)
a merge în patru labe
marcher en quatre pattes “marcher à quatre pattes” –
un :
(30)
a dormi doar cu un ochi
dormir seulement avec un œ il “ne dormir que d’un œ il” 2.3. Détermination zéro Parmi les problèmes que la détermination pose dans les phraséologismes, celui de l’absence du déterminant a été le plus étudié. Les études récentes sur ce sujet montrent que le problème n’est pas facile à résoudre, que les situations de détermination zéro sont en concurrence avec celles où le substantif actualise un déterminant, et que les raisons de l’absence de l’article sont multiples (G. Gross 1996).
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CLARA ABRUDEANU
Gaston Gross (1996) présente l’absence de l’article dans les expressions françaises en liaison avec la notion de ‘construction nominale à verbe support’. Lors de l’analyse linguistique du corpus, on a constaté que les phraséologismes où le nom qui suit un verbe au sens très général est déterminé sont presque aussi nombreux que les unités complexes qui actualisent une détermination zéro. On considère donc qu’affirmer que la détermination zéro est étroitement liée au sens du verbe reviendra à exclure de notre présentation un grand nombre d’exemples français et roumains : (31)
a lua cuvântul
prendre le mot “prendre la parole” (32)
a face pace
faire paix “faire la paix” Nous présenterons ici seulement les différents cas de figure qui apparaissent dans la traduction français-roumain. Le plus souvent, lorsque le français emploie un nom sans déterminant le roumain agit de même. De plus, il est vrai qu’il y a un nombre relativement restreint de verbes qui se combinent fréquemment avec un nom sans article et que leur sens est très général : (33)
a avea loc
“avoir lieu” (34)
a face avere
“faire fortune” (35)
a purta ghinion
porter guignon “porter malheur” Mais, on peut citer aussi des exemples comme : (36)
a face jocul cuiva
“faire le jeu de qqn” Les autres phraséologismes qui comportent un nom sans déterminant se remarquent par leur fréquence ou leur consécration dans les deux langues :
LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE
(37)
9
a bate monedã
battre monnaie “(battre + frapper) monnaie” (38)
a depune jurãmânt
déposer serment “prêter serment” Les exemples de phraséologismes qui présentent des dissymétries sont rares : (39)
a-i face cuiva curte
faire à qqn cour “faire la cour à qqn” (40)
a confirma primirea
confirmer la réception “accuser réception” Il est important de préciser que la détermination zéro s’actualise aussi dans les phraséologismes où le nom est précédé d’une préposition (cf. 4).
3. Phraséologismes comportant un groupe nominal fixe (Prép Dét N) Lorsque le nom est précédé d’une préposition, on a affaire à des situations différentes selon le type de la préposition (le cas avec lequel elle se construit en roumain), et selon le fait que le nom est suivi ou non d’un modifieur. 3.1. Les prépositions qui se construisent en roumain avec l’accusatif Le roumain tout comme le français actualise un article défini si le nom est suivi d’un complément du nom : Prép Artdéf N Modif ↔Prép N Artdéf Modif.
(41)
a cãdea pe mâinile cuiva
“tomber entre les mains de qqn” (42)
a fi la înãlþimea situaþiei
“être à la hauteur de la situation” Des exceptions à cette règle existent dans les deux langues, mais elles sont peu nombreuses :
10
CLARA ABRUDEANU
(43)
a fi cusut cu aþã albã
être cousu avec fil blanc “être cousu de fil blanc” Le français emploie l’article défini, tandis que le roumain actualise une détermination zéro lorsque le substantif n’a pas de modifieur : Prép Artdéf Nsans_Modif ↔ PrépAccusatif NsansModif Dét E. (44)
a pune degetul pe ranã
mettre le doigt sur plaie “mettre le doigt sur la plaie” (45)
a fi la înãlþime
être à hauteur “être à la hauteur” Exceptions : –
Les substantifs précédés de la préposition "cu" (avec) et indiquant la manière, l’attitude sont toujours articulés avec l’article défini, même lorsqu’ils ne sont pas suivis d’un modifieur : Vb GNmanière [Artdéf N] ↔ Vb GNmanière [cu N Artdéf].
(46)
a ieºi cu picioarele înainte
(47)
sortir avec les pieds devant “partir les pieds devant” a fi prins cu mâna-n sac être pris avec la main dans sac “être pris la main dans le sac”
–
Les constructions du type a face Prép pe N (litt. faire Prép sur N) où le substantif est toujours articulé avec l’article défini : faire Artdéf N ↔ a face pe N Dét E.
(48)
a face pe bufonul
faire sur le bouffon “faire le bouffon” Le roumain tout comme le français emploie l’article zéro dans le cas des noms précédés de la préposition en. L’équivalent roumain de la préposition en est la préposition în : En Artzéro N ↔ În N Artzéro.
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(49) (50)
11
a induce în eroare “induire en erreur” a arunca în închisoare “jeter en prison”
En est d’ailleurs la seule préposition après laquelle le français emploie constamment un nom sans déterminant, et cela à cause d’un accident phonétique qui a entraîné la disparition des articles contactés ou et es, issus respectivement de en et le, et de en et les. Alors que le roumain présente une restriction presque généralisée quant à l’utilisation de l’article avec les noms précédés par les prépositions de l’accusatif. 3.2. Les prépositions qui se construisent en roumain avec le datif ou le génitif Lorsque le substantif est précédé d’une préposition qui se construit en roumain avec le datif ou le génitif, il est obligatoirement déterminé avec l’article défini : Prép Artdéf N ↔ Prépgénitif+datif N Artdéf. (51) (52)
a prinde asupra faptului “jeter en prison” a prinde asupra faptului prendre au dessus du fait “prendre sur le fait”
Conclusions Les règles qui s’appliquent aux situations de détermination présentées cidessus sont facilement implémentables. Comme le nombre des phraséologies qui y font exception est restreint, il suffira de les répertorier dans la machine pour éliminer le risque d’erreurs. Certaines situations de détermination ne se laissent pas systématiser sous forme de règles, notamment la détermination zéro, l’article défini et l’article indéfini singulier. Il est pourtant possible qu’une étude menée sur un corpus plus important permette de disposer des données nécessaires à leur systématisation. Enfin, au terme de cette étude nous avons testé les règles énoncées plus haut sur des constructions libres et nous avons constaté qu’elles s’y appliquaient parfaitement1 . C’est donc là un des résultats les plus intéressants de cette étude
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CLARA ABRUDEANU
qui nous permet d’envisager l’élaboration d’un système de traduction assistée par ordinateur.
RÉFÉRENCES Burger, Harald. 1998. Phraseologie. Eine Einführung am Beispiel des Deutschen, Berlin : Erich Schmidt Verlag. Gross, Gaston. 1996. Les expressions figées en français. Paris : Ophrys. Gross, Maurice. 1985. “Sur les déterminants dans les expressions figées”. Langages 76. 89-23. Zinglé, Henri. 1999. La modélisation des langues naturelles. Aspects théoriques et pratiques : Travaux du LILLA, Numéro spécial.
SUMMARY This article focuses on the formalization of determination in phraseology within the framework of French-Romanian computer-assisted translation. We will systematically describe determination scenarios in “phraseological units” as well as rules of determinant transposition we were able to draw from the linguistic analysis of a bilingual corpus (French/Romanian phraseology).
NOTES 1
Sauf la règle concernant l’adjectif possessif en français et le datif possessif en roumain.
APPROCHE LOGIQUE DE LA DETERMINATION RAZEQ AFZALI Université de Paris-Sorbonne
JEAN-PIERRE DESCLÉS Université de Paris-Sorbonne
ANCA PASCU Université de Paris-Sorbonne
Introduction La construction syntaxique N de N du français est très complexe car elle couvre des emplois assez divers et il semble très difficile de ramener l’analyse sémantique de ce schéma à un invariant sémantique. Il semble même que le relateur de du français couvre des emplois tellement hétérogènes qu’on serait enclin à voir de comme un simple relateur de connexion entre termes nominaux sans aucune autre valeur sémantique. Pourtant, cette construction peut, dans certains de ses emplois, être reliée à d’autres constructions. Prenons la série d’exemples suivants : (1) a. La ville de Paris b. Parmi les villes, il y a Paris c. Paris est une ville Nous pourrions multiplier les exemples. Est-il possible de : – –
analyser la sémantique du relateur prépositionnel de au moins dans un certain nombre de constructions syntaxiques ; de relier dans une même approche logique et unifiée de la détermination les représentations de la construction N de N et de relier cette construction aux constructions N être (Prép) N et N avoir N.
La comparaison de langues différentes peut parfois faire apparaître certaines particularités de cette construction. Aussi allons-nous prendre des exemples en
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français, en persan et pashto afin de comparer ces exemples. Les positions syntagmatiques ne se correspondent pas d’une langue à l’autre. En persan, langue parlée en Afghanistan et en Iran, l’ordre syntagmatique est essentiellement ‘déterminé-déterminant liés par le morphème grammatical e1 ’ alors qu’en pashto, langue parlée essentiellement en Afghanistan, l’ordre syntagmatique est ‘déterminant-déterminé précédé par le morphème grammatical dI’ Nous allons comparer les constructions avec -e et dI aux constructions “équivalentes”, du point de vue sémantique, en français, c’est-àdire aux constructions avec N de N. Prenons par exemple : (2) a. b.
c.
Le cheval de Rostam déterminé de déterminant asp-e rostam (persan) cheval-de Rostam déterminé -e déterminant dI rostam âs (pashto) de Rostam cheval dI déterminant déterminé
Ainsi, dans l’expression d’une possession, le nom propre apparaît naturellement dans le rôle de possesseur. Remarquons qu’on a, en français, des contraintes sur la détermination des termes reliés par de : (3) a. b. c.
? Un ami a le cheval Le cheval est à (appartient à) un ami Un ami a un cheval
En persan, on aura : (4) a.
asp-e yak dost ast cheval-de un ami est “le cheval est-à (appartient à) un ami” a’. *asp yak dost ast cheval un ami est b. yak dost asp dârad un ami cheval a “Un ami possède (a) un cheval” b’. *asp-e yak dost dârad cheval un ami a
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1. Analyse syntaxique dans le cadre des grammaires catégorielles 1.1. Analyse de l’énoncé français : le cheval de Rostam2 le cheval n/n n
de (n\n)/n
n : (le cheval)
Rostam n n\n : (de Rostam)
n : (de Rostam) (le cheval) 1.2. Analyse de l’énoncé persan : asp-e rostam asp - e rostam n (n/n)\n n --------------< n/n : e asp -----------------------------------------------> n : (e asp) (Rostam) 1.3. Analyse de l’énoncé pashto : dI rostam âs dI rostam âs (n/n)/n n n -------------------------------------> n/n : (dI rostam) ------------------------------------------------> n : ((dI rostam) âs) 1.4. Les types syntaxiques Les types syntaxiques des morphèmes étudiées sont respectivement : français persan pashto
de e dI
(n\n)/n (n/n)\n (n/n)/n
C’est-à-dire que ces morphèmes sont des opérateurs binaires qui en s’appliquant à un terme nominal transforment ce dernier en un déterminant d’un autre terme nominal. Ils jouent donc un rôle de relateur entre termes
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nominaux. En faisant abstraction des différentes positions syntagmatiques, les analyses syntaxiques de ces trois relateurs sont analogues.
2. Schèmes de repérage et schèmes de détermination Nous allons maintenant chercher à faire apparaître un schème sémantique commun à ces trois organisations syntaxiques. Pour cela , nous allons nous situer dans le cadre d’une théorie générale du repérage abstrait et de la détermination. Cette théorie prend appui sur l’analyse sémantique de la relation être/avoir proposée par E. Benveniste (1966), sur les travaux de A. Culioli (1985) et, ultérieurement, sur ceux de J.-P. Desclés (1987). L’analyse de ÊTRE / AVOIR et leurs expressions dans différentes langues permet de mettre en évidence un ‘schème statique de repérage’ : (5)
<X REP Y> (lire : “X est repéré par rapport à Y”)
où X est l’entité déterminée ou repérée, Y l’entité déterminante ou repère et REP un relateur, dit de repérage (Desclés 1987 & 1990). A ce schème abstrait est associé un ‘schème dual de détermination’ : (6)
(lire : “Y détermine X”)
où le relateur DET est le converse du relateur REP, c’est-à-dire : [ DET = CREP ] où C est un opérateur de conversion3 . Le schème de repérage et son dual sont sous-jacents à de nombreuses manifestations linguistiques exprimées, entre autres, par être, avoir, de… en français. Les deux schèmes traduisant la relation entre les notions AVOIR et ETRE-à, expriment ainsi la célèbre analyse de E. Benveniste : Or avoir n’est rien autre qu’un être-à inversé : mihi est pecunia se retourne en habeo pecuniam. Dans le rapport de possession indiqué par mihi est, c'est la chose possédée qui est posée comme sujet ; le possesseur n'est signalé que par ce cas marginal, le datif, qui le désigne comme celui en qui l’‘être-à’ se réalise. Quand la construction devient habeo pecuniam, ce rapport ne peut devenir ‘transitif’ ; le ‘ego’ posé maintenant comme sujet n’est pas pour autant l’agent d'un procès : il est le siège d'un état, dans une construction syntaxique qui imite seulement l’énoncé d’un procès. (Benveniste 1966 : 197)
Si le verbe avoir dans certains de ses emplois, sinon tous, exprime un schème de détermination, dual du repérage, d’autres constructions syntaxiques
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comme celles avec de (dans le schéma syntaxique : N de N) expriment également ce schème. Par ailleurs, certains opérateurs se composent avec le relateur de repérage REP et viennent spécifier un genre de repérage ; désignons un tel opérateur par SPEC ; nous obtenons alors un schème plus spécifique de repérage : < X REP 0 SPEC Y >. Ce schème de repérage s’exprime en français par un schéma syntaxique de la forme N est Prép N où Prép désigne une préposition qui vient spécifier un genre de repérage par des déterminations (par exemple topologiques) supplémentaires. Selon les propriétés assignées au relateur de repérage REP, selon la nature des opérateurs plus spécifiques qui instancient SPEC et selon la nature des arguments du relateur, nous avons deux grands genres de repérage : (i) les repérages par identification et (ii) les repérages par différenciation. Les ‘repérages par identification’ expriment non pas une identité mais soit une comparaison, pour certaines propriétés saillantes, entre le repéré et le repère qui joue ainsi le rôle d’un étalon de comparaison, soit une détermination référentielle acquise par le repéré à partir de celle du repère, jouant le rôle d’un identificateur. Donnons deux exemples de ces deux identifications : (7) a. b.
Paris est comme Londres (du point de vue de la cherté des loyers) Molière est l’auteur du Misanthrope
Dans certains cas, on peut avoir simultanément les deux valeurs : (8)
Dans ces circonstances, Napoléon n’est pas Napoléon mais simplement le Bonaparte du Collège militaire
Les ‘repérages par différenciation’ se diversifient en plusieurs schèmes plus spécifiques : (a) localisation spatiale, temporelle, spatio-temporelle ; (b) indication d’une origine (spatiale, temporelle, d’un produit...) ; (c) attribution d’une propriété ; (d) appartenance ensembliste / inclusion entre classes. Donnons quelques exemples français de ces repérage par différenciation : (9) a.
b. c. d.
Luc est à Paris / Le livre est sur la table Nous sommes à la mer / en montagne Nous sommes en hiver / au printemps Luc est de Paris et non de la province Luc est intelligent Luc est linguiste / Les philologues sont des linguistes
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Ces schèmes de repérage, avec des valeurs plus ou moins spécifiques, sont exprimées à l’aide de la copule ÊTRE. Cependant, le schème du repérage trouve d’autres moyens d’expression avec des valeurs quelquefois plus spécifiques. Par exemple, il intervient dans l’analyse sémantique des prépositions spatiales même lorsque ces dernières se composent avec la signification d’un verbe ; en effet, il a été montré que la signification d’une préposition est une détermination topologique appliquée à un lieu qui joue un rôle de repère (Flageul 1997).
3. Analyse sémantique d’expressions associées au schème de détermination Prenons quelques exemples de syntagmes nominaux exprimant le schème de détermination ‘Y détermine X’. On remarquera immédiatement que certaines constructions analytiques, avec des relateurs grammaticaux en persan ou en pashto, sont exprimées en français par des lexèmes synthétiques : c’est le cas des exemples (20 et 21) (samedi, somnifère). En revanche, dans les exemples (15 et 18), le persan et le pashto emploient une construction synthétique (mâ, kaâlû, patâta) là où le français fait appel à une construction analytique avec le relateur de. Par ces encodages syntaxiques, on voit que les représentations cognitives d’une même situation référentielle externe diffèrent selon les langues qui l’expriment. Nous avons regroupé différents emplois des marqueurs grammaticaux respectifs de (français), -e (persan) et dI (pashto). Nous partons d’emplois prototypiques liés à des repérages par localisation spatiale, temporelle et spatio-temporelle (classes I, II et III ci-dessous). Nous définissons ensuite d’autres classes qui étendent la localisation stricte aux classes, elles aussi prototypiques, des expressions qui dénotent des relations d’appartenance ou de possession (classe IV) et d’ingrédience (relation partie-tout) (classe V). Une autre classe sémantique différente de la possession regroupe les exemples qui dénotent des origines spatio-temporelles ; les relations de filiation entrent dans cette classe (classe VI) et non dans la possession (classe V). Toutes les classes précédentes sont facilement “réductibles” à la notion plus générale de repérage par différenciation par rapport à un repère (un lieu spatial ou temporel, un possesseur, un tout global par rapport à ses parties ou fragments, un lieu d’origine ou une entité qui est à l’origine de l’entité repérée). La classe VII est beaucoup plus problématique car certains des exemples ne semblent pas relever d’une spécification de repérage analogue aux repérages spatio-temporels. Ainsi, les constructions littérales comme médicament de sommeil, chien de chasse, jour de samedi, ville de Kaboul ne sont pas immédiatement analysables
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comme des localisations ou repérages abstraits. En effet, on ne peut pas ramener l’expression médicament de sommeil à un schème sous -jacent du genre médicament venant de sommeil ou l’expression chien de chasse au schème chien venant de chasse. On pourrait, certes, considérer que médicament de sommeil ou chien de chasse seraient analysables par des schèmes exprimant un certain but, une certaine finalité : médicament pour le sommeil ou chien pour la chasse. Dans ce cas-là, il faudrait alors expliquer pourquoi les langues citées ici font appel à un même relateur qui exprime dans un grand nombre d’emplois, jugés prototypiques, des relations de repérage par rapport à un repère, qu’il soit repère spatial, temporel, d’origine, de possession...Il y aurait en quelque sorte une inversion inexplicable de la sémantique du relateur. De plus, en adoptant cette analyse à l’aide d’un relateur associé à un but, nous ne pourrions pas mieux expliquer les emplois comme ville de Kaboul ou jour de samedi. En effet, on ne peut pas ramener l’analyse de ces deux derniers exemples ni à une origine, ni à un but. Il nous faudrait alors renoncer à tenter de trouver un éventuel invariant sémantique sous-jacent aux relateurs respectifs de, -e, dI du français, du persan et du pashto. Pour analyser les exemples de ce groupe VII, nous allons montrer qu’ils peuvent relever du schème général de repérage < X REP Y >. Dans ce cas, le repérage identifie X, considéré comme une entité à laquelle s’applique un attribut spécifiant, à une des entités qui instancie Y. On peut également considérer que X est un ingrédient de Y, c’est-à-dire que la notion X fait partie de la notion Y ou de la classe méréologique (au sens de Lesniewski) Y, ou encore que la notion X s’applique à une entité et est un des attributs associés à Y, ces attributs constituant un lieu abstrait associé à la notion Y, ou encore que la notion X est l’une des propriétés qui sont des éléments de la classe ensembliste constituée par tous les attributs de la notion Y, c’est-à-dire de l’intension de Y (‘intension’ étant pris ici dans le sens de Port-Royal : classe des attributs “compris” par le concept Y). Toutes ces interprétations relèvent du même schème général de repérage. En ce qui concerne les propriétés qualificatives comme la couleur ou le chaud ou le froid (classe VIII), elles sont analysées en français et en pashto à l’aide de schémas syntaxiques d’attribution d’une propriété alors que le persan a recours à un schéma analytique avec un relateur. Pour comprendre cette construction analytique, et la représentation cognitive qu’elle sous-tend, on peut considérer que la propriété qualificative, par exemple la couleur, constitue un lieu abstrait ou, encore, une classe ensembliste qui comprend toutes les entités qui sont les supports matériels de la propriété qualificative, par exemple de la couleur. Dans ce cas, le repère X est dentifié à l’un des supports matériels de la propriété qualificative associée à Y. On peut également analyser ce type d’exemples de la façon suivante :
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l’entité X est un ingrédient, ou fait partie, de la classe méréologique constituée par Y. L’analyse inverse qui reviendrait à analyser la couleur Y comme un ingrédient constitutif de l’entité X ne permettrait pas d’expliquer cet emploi du relateur. Enfin, la classe IX comprend tous les exemples de comparaison métaphorique par identification entre certains des attributs de X et certains des attributs de Y. Reprenons ces différentes classes sémantiques. 3.1. Relation de localisation spatiale Interprétation : localisation spatiale ou ingrédience. Schème : [Y localise spatialement X] ou [X est un ingrédient de Y] avec [Y= la rue ; X= la fin]. (10) a. b. c.
La fin de la rue âxer-e sarak (persan) fin-de rue dI. sarak pây (pashto) de rue fin
La fin est un lieu qui est une spécification locale du lieu plus global la rue. On peut cependant analyser (10) comme étant l’expression d’une ingrédience : la fin est un ingrédient de rue. 3.2. Relation de localisation temporelle Interprétation : localisation temporelle ou ingrédience. Schème : [Y localise temporellement X] ou [X est un ingrédient de Y] avec [Y= le soir ; X= la fin]. (11) a. b. c.
La fin du soir âxer-e ab (persan) fin-de soir dI pa pây (pashto) de soir fin
3.3. Relation de localisation spatio-temporelle Interprétation : localisation spatio-temporelle. Schème : [X est repéré temporellement et spatialement par rapport à Y] avec [Y= aujourd'hui ; X= les jeunes].
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(12) a. b. c.
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Les jeunes d’aujourd’hui jawânân-e emruz (persan) jeunes-de aujourd’hui dI nen nangiâlyân (pashto) de aujourd’hui jeunes
Dans cet énoncé, les trois langues ont recours à une construction analytique. Le repérage est à la fois spatial et temporel : aujourd’hui sert de repère restrictif à jeunes. 3.4. Relation de possession Relation de possession. Interprétation : possession. Schème : [X appartient à Y] ou [ X a été acquis par Y] avec [Y= Rostam ; X= le cheval]. (13) a. b. c.
Le cheval de Rostam asp-e rostam cheval-de Rostam dI rostam âs de Rostam cheval
Dans cet exemple, nous avons trois constructions analytiques semblables où une entité entre dans la possession d’une autre entité. De cette construction, on peut en déduire la construction avec avoir : Rostam a un cheval (en persan : Rostam yak asp dârad ; en pashto : Rostam ywa aspay lara). Cependant, alors que dans la construction avec avoir, l’entité possédée (X) est référentiellement indéterminée, dans la construction avec de, l’entité possédée est nécessairement déterminée. 3.5. Relation d’ingrédience Interprétation : ingrédience. Schème : [X est une partie de Y] avec [Y= homme ; X= la tête]. (14) a. b. c.
La tête de l’homme sar-e âdam (persan) tête-de homme dI saray sar (pashto) de homme tête
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Dans cet exemple, nous avons une construction analytique qui précise une ingrédience, c’est-à-dire une relation d’une partie à un tout : l'entité tête (sar) est une partie de l’entité homme (âdam, saray), ou encore, le corps de l'homme comprend donc la tête comme l’une de ses parties. Interprétation : ingrédience. Schème : [X est une partie de Y] avec [Y= soja ; X= graine]. (15) a. b. c.
la graine de soja mâ (persan) mâ (pashto)
Dans cet exemple, la construction analytique du français identifie graine comme étant l’une des parties de l'entité massive soja. 3.6. Relation indiquant une origine spatiale / une filiation (origine temporelle) / une origine de production Interprétation : localisation abstraite (origine). Schème : [X a pour origine Y] ou [ Y est l’origine de X] avec [Y= source ; X= eau]. (16) a. b. c.
L’eau de source âb-e ama (persan) eau-de source dI ina oba (pashto) de source eau
Dans cet énoncé, l'entité eau est déterminée à partir de son lieu d'origine : l'eau (X) est repérée par rapport à la source (Y). L'eau vient donc de la source. Il en résulte une certaine qualification qui oppose eau de source à, par exemple, eau de mer ou eau de robinet. Interprétation : filiation. Schème : [Y a engendré X] ou [X est dans un rapport de filiation par rapport à Y] avec [Y= Rostam ; X= le fils]. (17) a. b. c.
Le fils de Rostam pesar-e rostam (persan) fils-de Rostam dI rostam zoy (pashto) de Rostam fil
Contrairement à l'exemple (13) qui s’interprète plutôt comme une possession ou une appartenance aliénable, cet exemple (17) doit être rapproché
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de (16) puisqu’il exprime une origine de (X) par rapport à (Y), c’est-à-dire une filiation. La relation exprimée par l’exemple est donc, selon nous, beaucoup plus une relation indiquant une origine qu’une simple possession. Interprétation : localisation (origine). Schème : [X est localisé par rapport à l’origine Y] avec [Y= terre ; X= pomme]. (18) a. b. c.
Pomme de terre kaâlu (persan) patâta (pashto)
Dans cet exemple, la construction pomme de terre établit une relation entre l'entité pomme (X) et son lieu d’origine terre (Y). Interprétation : localisation (origine). Schème : [X est localisé par rapport à l’origineY] avec [Y= neige; X= fleur ]. (19) a. b. c.
Le perce-neige gol-e barf (persan) fleur-de neige dI wâwra gol (pashto) de neige fleur
Cet exemple montre que les représentations cognitives en français et en persan ou pashto ne sont donc pas identiques. En effet, le lexème complexe perce-neige du français exprime une conceptualisation cognitive dynamique que le persan et le pashto rendent par une construction analytique plus statique qui relève du repérage : la fleur a pour origine ou vient de la neige. 3.7. Relation d’identification à l’un des attributs associés à une entité Interprétation : identification à un des attributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par un ensemble d’attributs. Schème : [X est identifié à l’un des attributs de Y ] [ X est repéré par rapport aux attributs de Y] avec [Y= samedi ; X= jour]. (20) a. b. c.
Le samedi ruz-e anba (persan) jour-de samedi dI anba wraz (pashto) de samedi jour
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Dans cet exemple, le persan et le pashto qui, contrairement au français, ont recours à des constructions analytiques identifient jour (ruz, wraz) comme étant l’un des attributs de samedi ou encore en le repérant par rapport au lieu abstrait composé de tous les attributs de samedi. Interprétation : identification à un des attributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par l’ensemble des attributs. Schème : [X est repéré par rapport à Y] avec [Y= sommeil ; X= médicament]. (21) a. b. c.
Le somnifère dârû-ye4 xab (persan) médicament-de sommeil dI xob dawâ (pashto) de sommeil médicament
Dans cet exemple, la construction est analytique en persan et en pashto. La propriété médicament (dârû, dawâ) est identifiée à l’un des attributs constitutifs de la notion sommeil (xab, xob). On peut encore dire que médicament est un élément de la classe ensembliste constituée de tous les attributs de sommeil, c’est-à-dire de son intension. Interprétation : identification à un des a ttributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par l’ensemble des attributs. Schème : [X est identifié à l'un des attributs de Y] avec [Y= chasse ; X= chien]. (22) a. b. c.
Le chien de chasse sag-e ekâri (persan) chien-de chasse dI ekâr spay (pashto) de chasse chien
Dans cet énoncé, la notion chien est un des attributs associés à la notion chasse ; chien peut donc être considéré comme étant repéré par rapport au lieu abstrait composé de tous les attributs associés à chasse ou encore que la notion est un élément de l’intension associée à chasse. Interprétation : identification à un des attributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par l’ensemble des attributs. Schème : [X est identifié à l'un des attributs de Y] avec [Y= Kaboul ; X= ville]. (23) a. b.
La ville de Kaboul ahr-e kâbol (persan) ville-de Kaboul
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c.
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dI kâbol ahr (pashto) de Kaboul ville
Dans cet énoncé, ville est identifiée à l’un des attributs de Kaboul ; l’entité ville est donc repérée par rapport au lieu abstrait constitué de tous les attributs de Kaboul ou encore, ville est un élément de l’intension de Kaboul 5 . 3.8. Relation d’identification avec un des supports matériels de la qualité Interprétation : identification à une des entités qui est un support matériel de la qualité ou repérage par rapport au lieu abstrait constitué de toutes les entités qui sont le support de cette qualité. Schème : [X est identifié à une entité qui réalise Y] avec [Y= froid ; X= eau]. (24) a. b. c.
L’eau froide âb-e sard (persan) eau-de froid yaxa6 oba (pashto) froide eau
Dans cet exemple, le français et le pashto recourent au même procédé de détermination qualificative par adjectivisation alors que le persan utilise une construction analytique pouvant être ramenée à un repérage : “l’eau est identifiée à l’une des entités qui sont froides” ou encore “l’eau est repérée par rapport au lieu abstrait constitué de toutes les entités qualifiées de froides” ou encore l’eau est un élément de toutes les entités qui sont les supports matériels de la propriété être froid. 3.9. Relation d’identification / des similitude / de comparaison Interprétation : métaphorisation par identification. Schème : [X est semblable à Y] avec [Y= méditation ; X= la mer]. (25) a. b. c.
Pensée profonde bahr-e tafakor (persan) mer-de méditation dI tafakor bahr (pashto) de méditation mer
Dans cet exemple, le français a recours à une construction adjectivale pour la détermination qualificative alors que le persan et le pashto font appel à une
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construction analytique : “la mer est pensée comme une méditation”. Le français emploie la notion de profondeur de façon métaphorique pour qualifier la pensée alors que le persan et le pashto ont recours à un autre procédé de métaphorisation par identification : la “méditation” sert d’étalon de comparaison pour “mer”. Le syntagme “mer de méditation” en persan constitue une expression figée pour désigner ce qu’en français on rend par pensée profonde.
RÉFÉRENCES Afzali, Razeq. 1986. Analyse morphosyntaxique automatique du dari (persan parlé en Afghanistan) et mise au point d'un système d'interrogation de base de données textuelles en langage naturel. Thèse de doctorat. Université de Paris-Sorbonne. Paris V. Benveniste, Émile. 1966. Problèmes de linguistique générale 1, Paris : Gallimard. Chodzka, A. 1883. Grammaire de la langue persane, Paris. Culioli, Antoine. 1985. Notes du séminaire de D.E.A. Université Paris VII. D.R.L. Curry, Haskell B. & Robert Feys. 1958. Combinatory logic 1. Amsterdam : North-Holland Publishing Company. Desclés, Jean-Pierre. 1985. “Représentation des connaissances : archétypes cognitifs, schèmes conceptuels, schémas grammaticaux”, Actes sémiotiques VII : 69-70. Paris : CNRS. 5-51. Desclés, Jean-Pierre. 1987. “Les réseaux sémantiques : la nature logique et linguistique des relateurs”. Langages 87. Paris : Larousse. 55-78. Desclés, Jean-Pierre. 1990. Langages applicatifs, langues naturelles et cognition, Paris : Hermès. Desclés, Jean-Pierre & Ismael Biskri. 1996. “Logique combinatoire et linguistique : grammaire catégorielle combinatoire applicative”, Mathématiques et Sciences Humaines 132. Paris. 39-68. Lazard, Gilbert. 1957. Grammaire du persan contemporain. Paris : Klincksieck. Moï nfar, M. Djafar. 1978.Grammaire du persan. Paris : Jean-Favard. Moï nfar, M. Djafar 1972. “Approche linguistique, ‘défini’ et ‘non-défini’ en persan”. Langues et techniques, nature et société. Paris : Klincksieck. Oranskij, Iosfi M. 1977. Les langues iraniennes. Paris : Klinksieck. Pariente J.-C. 1985. L'analyse de langage à Port-Royal, six études logicogrammaticales. Paris : Les Éditions de Minuit.
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SUMMARY This article analyses a certain number of uses which come within the N de N syntactic pattern in French and its uses in Persian and Pashto. It tends to expand to a semantic scheme which is commom to these three languages within the framework of a general theory of abstract locating, where an X entity is determined in relation to a Y one. A dual scheme, that is “Y determines Y”, is associated with this scheme. Both schemes are connected with être, avoir, de structures patterns. A certain number of examples following the N de N pattern do come under more specific schemes of locating such as: location, being an ingredient of, belonging, inclusion, or origin. Yet a great deal of examples seem not to come within this framework. However, a more intensional interpretation allows to place these examples - such as ville de Kaboul or chien de chasse - under the same scheme of abstract locating. NOTES 1
Le morphème e ezâfa ou ezâfat qui signifie “addition, ajout” peut se traduire en français par : de, du, des ayant diachroniquement, selon Chodzka (1884), la fonction d’un génitif. Pour plus d’informations sur ce morphème, cf. Afzali (1986). 2 Le type syntaxique n/n (il se lit “n sur n”) est le type d’une unité lexicale opérateur qui s’applique à une opérande de t ype n trouvée à sa droite en obtenant une expression de type n ; le type syntaxique n\n (il se lit “n sous n”) est le type syntaxique d’une unité lexicale opérateur qui s’applique à une opérande de type n trouvée à sa gauche en obtenant une expression de type n. Cf. Desclés & Biskri 1996. 3 Cet opérateur de conversion est le combinateur C de la logique combinatoire de Curry, que nous utilisons dans notre formalisation des problèmes linguistiques. 4 Le morphème e se transforme en ye quand il s’enclise à un déterminant terminé par une voyelle. 5 On analyserait de la même façon l’expression française cet imbécile de Pierre , paraphrasable par Pierre est un imbécile. Dans ce cas, imbécile est identifié à l’un des at tributs constitutifs de la notion Pierre, c’est-à-dire de l’intension de Pierre. En persan, nous aurions la même construction : rostam-e ahmaq paraphrasable par rostam ahmaq ast. Ou encore rostam yak ahmaq ast. 6 A la différence du persan, en pashto, outre la catégorie du nombre, celle du genre s’est aussi maintenue (masculin et féminin), ainsi qu’un système de déclinaison à deux cas (direct et oblique). C’est pourquoi si le déterminant est un adjectif, il s’accorde avec le déterminé en genre, en nombre et en cas, cf. Oranskij (1977 : 130).
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET DANS LES PHRASES GÉNÉRIQUES Un syntagme générique ou pas ? JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE CNRS (ESA 7023) – EHESS (CELITH)
Introduction Je ne prendrai en compte ici que les phrases génériques non analytiques. Je rappellerai que les phrases génériques (ou du moins à interprétation générique 1 ) forment une sous-classe des phrases gnomiques, et sont habituellement considérées comme étant de la forme : (1) (2) (3) (4)
Les chats chassent les souris Les singes aiment les bananes Le cordonnier répare les chaussures Un français apprécie les bons vins
De telles phrases possèdent donc (entre autres) les deux propriétés suivantes: – –
la lecture générique est liée à un syntagme de la forme les N, ou encore un N ou le N, dit ‘syntagme générique’ ; ce syntagme générique est le syntagme sujet.
Je me propose dans ce qui suit de m’attaquer à cette “vulgate”, et d’examiner principalement les possibilités d’interprétation générique : a) Lorsque le syntagme est des N et non pas les N ; b) Lorsqu’il se trouve non pas en position sujet, mais objet. D’une façon générale, le problème de la généricité en position sujet n’a guère été abordé, et par voie de conséquence, encore moins en position objet, excepté l’étude de un N (générique) dans une telle position par Jonasson (1986), et quelques remarques générales chez Léard (1985). À ma connais-
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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
sance, aucune étude n’a abordé ce problème de front, et en particulier la lecture générique ou non de tels syntagmes a souvent été considérée comme allant de soi. Ainsi, il semblerait à première vue que le syntagme les souris dans (1), pour ne prendre que cet exemple, soit en lecture générique. En fait, un examen plus attentif montre que cette impression n’est, une fois de plus, qu’une assimilation subreptice des phrases génériques à syntagmes en les N (dits syntagmes génériques) à des phrases en ∀, i.e. à des universelles logiques. Et dans le cas de (1), il est clair que cette assimilation ne rend pas compte du sens. (1) ne signifie pas, en effet, contrairement à la lecture logique, que tout chat chasse toute souris2 . En fait, (1) signifie approximativement que si X est un chat et qu’il rencontre des souris quelles qu’elles soient, il les chassera. C’est cette valeur de “des N quels qu’ils soient” propre à certains syntagmes les N en position objet que je me propose d’étudier ici. En d’autres termes, un syntagme les N serait en français susceptible le cas échéant de deux interprétations génériques : une première interprétation relative à la position sujet, celle de les chats dans (1), et une seconde interprétation (d’ailleurs assez peu claire) relative à la position objet, celle de les souris toujours dans (1). Pour des raisons qui apparaîtront plus loin, je parlerai de ‘généricité forte’ dans le cas du sujet les chats de (1). En résumant le débat, je dirai que de façon pour l’instant complètement intuitive, il semble qu’un syntagme comme les N (mais peut-être aussi d’autres syntagmes) soit susceptible de renvoyer à plusieurs sortes de généricité, et pas seulement à la généricité habituelle, celle qui est forte en position sujet. Autre exemple : les blondes dans Les hommes préfèrent les blondes. Dans la mesure où la généricité en position objet n’est peut-être pas de même nature qu’en position sujet, il est alors loisible de se demander si d’autres types de déterminant (par exemple des) ne sont pas susceptibles de réaliser également certaines formes de généricité. 1. Quelques données Un phénomène connexe pointe en effet son nez si on examine ce qui se passe dans d’autres langues, par exemple pour les équivalents de (1). On obtient ainsi : (5) (6) (7) (8) (9)
Katzen jagen Mäuse Cats chase mise Los gatos cazan ratones I gati cacciano i topi Els gats cacen rates
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
(10)
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Os gatos caçan ratos
On remarque immédiatement que l’anglais semble se comporter comme le français, puisque l’article est le même tant en position sujet qu’en position objet. En effet, l’article défini the ne traduit jamais le générique, rôle qui est dévolu à l’article zéro (E). En fait, si la contrainte est trop grande, l’anglais ne peut mettre E pour traduire le générique (même en position sujet) : When the cat is away, (the + *E) mice will play. L’espagnol en revanche ne peut avoir de ‘bare Nps’ (‘sujetos escuetos’) en position frontale, mais rien ne l’obligeait à mettre E en position objet. L’espagnol distingue donc apparemment en structure de surface deux types de généricité. Et si on ne peut jamais, en espagnol, rendre la généricité forte par E N, on peut utiliser en revanche E dès lors qu’il y a possibilité de restriction. C’est pourquoi on dira aussi bien Los buenos amigos dan buenos consejos que Buenos amigos dan buenos consejos. Le premier cas correspond à une généricité forte sur l’ensemble des bons amis, le second sans doute à quelque chose comme les bons amis en tant que sous ensemble des amis. Là où le phénomène se complique et devient (encore) plus intéressant, c’est qu’il semble recouper (comme on l’aura sans doute pressenti) certains problèmes liés au partitif. Pour éviter toute pétition de principe, j’appellerai ‘syntagme indéfini’ tout syntagme de la forme des N, quelques N, certains N... etc. Selon la coutume, je parlerai d’indéfini partitif aussi bien dans le cas de Max a bu du vin (partitif singulier) que dans celui de Juan a mangé des graines de tournesol (partitif pluriel), sans me demander s’il s’agit du même partitif ou non, ni si toutes les langues se comportent ou non de la même façon en l’occurrence3 . Dans tout ce qui suit, et sauf mention contraire, je n’aurai à faire qu’à l’indéfini partitif pluriel. Or dans les langues comme l’anglais, l’allemand, l’espagnol, etc., le générique est rendu par le même procédé formel qui sert pour le partitif pluriel : (11) (12) (13)
My cats eats froskies Meine Katze frißt Brekies Mi gato come froskies
On en conclut alors que les langues germaniques n’ont pas l’opposition les/des, du moins en position objet : (14) (15)
My cates (eats + likes) froskies Meine Katze (frißt + frißt gerne/mag) Brekies
32
JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
cette opposition existe en revanche dans les langues romanes, où elle est visiblement liée à l’aspect du verbe : (16) (17) (18) (19)
Mon chat (*mange + aime) les froskies Mon chat (mange + *aime) des froskies Mi gato (*come + aprecia) los froskies Mi gato (come + aprecia) froskies 4
On remarquera enfin la distinction en français entre : (20) (21)
Les amateurs d’art aiment les tableaux Les peintres peignent des tableaux
De plus, et bien que ce soit un peu plus difficile, Attal (1976), Wilmet (1983), Anscombre (1998), on peut avoir un syntagme du type des N en position sujet, très souvent avec modalité : (22) (23)
Des diplomates doivent être discrets, Attal (1976) Des juges sont censés connaître la loi, Wilmet (1983)
Mais même sans modalité explicite : (24)
Des gens bien élevés évitent certains propos en public, Léard (1985)
y compris (et surtout) dans des constructions comme : (25)
Des lapins, ça mange des carottes, Anscombre (1998)
sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin. Résumons la situation : les études courantes présentent la généricité standard comme étant celle à laquelle donnent lieu les syntagmes du type les N en position sujet, dans des phrases comme : (2)
Les singes aiment les bananes
De tels syntagmes sont dits distribués dans la mesure où (2) présente la classe des singes tout entière comme étant l’ensemble des éléments concernés par l’amour des bananes. Un premier problème est donc de savoir si dans une phrase comme :
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
(1)
33
Les chats chassent les souris
le syntagme les souris est également distribué, et si oui, de la même façon que dans (2). Se pose alors le problème connexe du caractère distribué ou non des syntagmes indéfinis du type des N qui en apparence sont des partitifs pluriels, et que l’on trouve en position objet : (26)
Les singes mangent des bananes
mais également en position sujet, comme nous l’avons vu plus haut en (2). On voit ainsi apparaître l’enjeu de ce travail. Il est d’une part de montrer que l’opposition interprétation générique/interprétation partitive n’est pas équipollente à syntagme défini/syntagme indéfini. Et d’autre part, de déterminer si la position objet peut donner lieu à une interprétation générique de même nature que la position objet. Si nous pouvons montrer que tous ces syntagmes peuvent éventuellement être interprétés comme étant distribués, nous aurons du même coup prouvé qu’il n’est pas nécessaire qu’un syntagme soit de type ‘générique’ (i.e. de la forme les N) pour être distribué, et que donc la généricité est affaire d’interprétation, et non (du moins pas complètement) de forme. Ce qui montrerait en outre que la notion de syntagme générique n’a guère de sens, et que s’il se trouve que les syntagmes nominaux de la forme les N sont susceptibles d’être distribués, il s’en faut que ce soit le seul cas de figure. Rappelons maintenant les divers cas possibles, en gardant présent à l’esprit que l’aspect ou (l’interprétation aspectuelle du prédicat verbal) semble jouer un rôle : (2) (1) (22) (26)
Les singes aiment les bananes (cas I) Les chats chassent les souris (cas II) Des diplomates doivent être discrets (cas III) Les singes mangent des bananes (cas IV)
J’appellerai (comme je l’ai dit plus haut) ‘généricité forte’ le mécanisme sémantique qui permet de lire le syntagme sujet dans une phrase de type (2) comme étant distribué (par rapport aux individus). La question qui se pose est alors la suivante : l’objet dans (1) et (26) et le sujet dans (24), sont-ils distribués, et si oui, le mécanisme est-il une généricité forte, comme dans (2), ou un autre type de généricité ? Pour soulager l’écriture, il m’arrivera de représenter la généricité forte de (2) au moyen de graphies comme (∀x) (x aime les bananes), étant bien entendu une fois pour toutes qu’il ne s’agit que d’une notation commode, et que je suis
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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
parfaitement conscient des différences entre implication logique et raisonnement en langue. Qu’en particulier (ce qui n’est pas le cas en logique) une phrase générique peut, en langue, admettre des exceptions, et que par conséquent, la lecture générique ne saurait être assimilée à l’universalité logique et être représentée par le quantificateur universel ∀.
2. Quelques critères Ce que je viens d’exposer n’est qu’une série de remarques reposant à peu près exclusivement sur l’observation la plus immédiate des phénomènes. Il s’agit maintenant de voir si nous pouvons introduire et rendre opératoires quelques concepts permettant de traiter ces faits envisagés de façon jusqu’à présent très intuitive. Je vais donc proposer un certain nombre de critères qui me serviront ensuite à établir certaines définitions, en vue de parvenir à une explication des phénomènes remarqués. 2.1. Déduction in absentia et syntagmes distribués Lorsqu’un syntagme générique est distribué, i.e. lorsque la phrase générique attribue une propriété à l’ensemble des éléments d’une classe, elle donne alors lieu à ce qu’on appelle le raisonnement in absentia, étudié en détail par Kleiber (1988). Ce qui permet donc de savoir si un syntagme générique est ou pas distribué. Si par exemple j’admets que Les voitures ont quatre roues est une telle générique, si je tiens pour vraie la particulière La citroën est une voiture, alors, en l’absence d’informations contraires, j’en déduis par défaut que La citroën a quatre roues. Dans notre phrase générique de départ, le syntagme les voitures est donc distribué. Appliquons ce critère à nos quatre cas, en supposant que rien dans le contexte ne s’oppose à une éventuelle déduction de ce type : (27) a. b. c.
Les singes aiment les bananes (cas I) Cheetah est un singe (Donc) Cheetah aime les bananes
(28) a. b. c.
Les chats chassent les souris (cas II) Ratolí est une souris ? (Donc) les chats chassent Ratolí 5
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
(29) a. b. c.
Des diplomates doivent être discrets Max est un diplomate (Donc) Max doit être discret
(30) a. b. c.
Les singes mangent des bananes Les bananes de Cuba sont des bananes *(Donc) les singes mangent des bananes de Cuba
35
D’une façon générale donc, la position sujet semble être propice aux termes distribués en tant que tels, et la position objet en revanche moins favorable à l’interprétation distribuée6 . Par ailleurs, si on est moins exigeant dans le syllogisme, et si l’on se contente d’une simple argumentation en lieu et place d’une quasi-déduction, les choses s’améliorent nettement : (31) (32)
La souris de ma fille est en cage toute la journée, car j’ai un chat, et les chats chassent les souris Je donne à mon singe des bananes de Cuba, car les singes mangent des bananes
Enchaînements qui correspondraient aux ‘syllogismes’ : (28) a. b. c.
Les chats chassent les souris Ratolí est une souris (Donc) les chats sont susceptibles de chasser Ratolí
(30) a. b. c.
Les singes mangent des bananes Les bananes de Cuba sont des bananes (Donc) les singes peuvent éventuellement manger des bananes de Cuba
Une première conclusion qui se dégage est qu’il semble y avoir en position objet, avec des aussi bien qu’avec les, un type de généricité qui n’est pas la généricité forte (à syntagme distribué) de la position sujet. Cette généricité ne donne lieu en particulier qu’à une forme faible de déduction in absentia. 2.2. Y-a-t-il partition ? Une idée qui vient tout de suite à l’esprit est que si le syntagme étudié n’est pas distribué (qu’il soit défini ou indéfini), c’est qu’il donne lieu à une interprétation partitive, i.e. à une partition de la classe envisagée. Seule une partie de cette classe (et non ’lensemble) est concernée par la phrase étudiée.
36
JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
Ainsi dans (33) Certains amis sont venus me voir quand j’étais malade, on a une telle partition, reconnaissable à plusieurs propriétés 7 : –
l’effet de partition dû à la présence de certains x peut être mis en évidence par une explicitation de la partition en Parmi les x. On comparera de ce point de vue:
(34) (35)
–
l’introduction d’une négation ne donne pas une phrase contradictoire avec la phrase de départ, contrairement à ce qui se produit dans la lecture totalitaire (non partitive) :
(36) (37) (38)
–
Certains amis sont venus me voir quand j’étais malade, et certains (amis) ne sont pas venus me voir quand j’étais malade *Mes amis sont venus quand j’étais malade, et mes amis ne sont pas venus me voir quand j’étais malade *Les voitures ont quatre roues, et les voitures n’ont pas quatre roues
l’introduction explicite du complémentaire est possible :
(39) (40) –
Parmi mes amis, certains sont venus me voir quand j’étais malade *Parmi mes amis, (tous + la plupart) sont venus me voir quand j’étais malade
Certains amis sont venus me voir quand j’étais malade, d’autres sont restés chez eux *Les invités sont arrivés, mais d’autres sont en retard
lorsqu’il y a partition, on peut reprendre soit la partie, soit l’ensemble tout entier par anaphore, cf. par exemple Corblin (1996) :
(41) (42)
[Certans [éléphants] 1 ]2 vivent centenaires, et alors ils2 meurent d’un seul coup [Certans [éléphants] 1 ]2 vivent centenaires, mais en général, ils1 vivent moins longtemps 8
Alors qu’une telle manipulation n’a aucun sens avec par exemple une phrase comme Les éléphants sont rancuniers. Ces critères permettent de montrer que les N (du moins en position sujet) renvoie toujours à l’ensemble évoqué, et que certains N est toujours une partition. Les autres indéfinis sont ambigus entre une lecture partitive (Beaucoup d’enfants meurent de faim tous les jours dans
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
37
le monde) et une lecture existentielle (Il faut beaucoup d’enfants pour payer les retraites)9 . Appliquons ces critères à nos exemples (2), (1), (22) et (26), en rappelant que l’objet de (1) et de (26) n’est pas distribué, et que le sujet de (22) l’est en revanche, tout en étant un indéfini partitif, tout comme le sujet défini de (2) : –
explicitation de la partition :
(43) (44) (45) (46)
*Parmi les singes, les singes aiment les bananes *Parmi les souris, les chats chassent les souris ? Parmi les diplomates, des diplomates doivent être discrets *Parmi les bananes, les singes mangent des bananes10
Remarquons que si (45) est possible bien que maladroit, c’est uniquement au sens partitionnaire, alors que des diplomates est distribué dans l’énoncé (22) de départ. –
introduction de la négation :
(47) (48) (49) (50)
–
explicitation du complémentaire :
(51) (52) (53) (54)
–
*Les singes aiment les bananes, et les singes n’aiment pas les bananes *Les chats chassent les souris, et les chats ne chassent pas les souris *Des diplomates soivent être discrets, et des diplomates ne doivent pas être discrets11 *Les singes mangent des bananes, et les singes ne mangent pas de bananes
*Les singes aiment les bananes, mais d’autres singes préfèrent la canne à sucre *Les chats chassent les souris, et ne chassent les autres (souris) qu’au printemps *Des diplomates doivent normalement être discrets, et pas d’autres12 *Les singes mangent des bananes, et laissent toujours les autres (bananes) de côté
reprise anaphorique de la partie et du tout :
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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
(55) (56) (57) (58)
(Certains + *les) singes aiment les bananes, et ceux-là s’empiffrent dès qu’ils en ont l’occasion Les chats chassent préférentiellement (certains + *les) souris, celles-là même qui sont en voie de disparition (? Des + certains) diplomates doivent être discrets, concrètement ceux en poste dans la Chine communiste13 Les singes mangent (certaines + *des) bananes, car ils ne les aiment pas toutes
Cet ensemble de résultats montre qu’il n’y a pas partition, et que c’est bien l’ensemble de référence tout entier qui est concerné par les syntagmes nominaux considérés. Si nous récapitulons, nous voyons qu’en position sujet, tant les N que des N sont des syntagmes nominaux distribués, donnant lieu à une généricité forte. Ce qui est en outre remarquable, c’est qu’en position objet, ces mêmes syntagmes concernent toujours l’ensemble considéré ; il n’y a pas partition, mais ne donnent lieu qu’à une forme faible de distribution. Remarquons à ce propos que Les singes mangent exclusivement des bananes signifie que les singes ne mangent rien d’autre que des bananes14 , alors que Les singes mangent exclusivement certaines bananes a très aisément une interprétation partitionnaire. Dans le cas de figure de la position objet, je parlerai alors de ‘généricité faible’, sans chercher pour l’instant à préciser ces deux types de généricité, point qui sera abordé dans un paragraphe ultérieur. 2.3. Quelques dissymétries Une première différence a trait au syntagme les N. Il a souvent été noté que lorsqu’un tel syntagme a une interprétation générique, il est possible de lui substituer par exemple la plupart des N, opération qui de plus ne modifie guère le sens : (59) (60) (61)
+La plupart des chats chassent les souris +La plupart des singes aiment les bananes +La plupart des peintres meurent de faim
En position objet en revanche, apparaît une différence de sens sensible : (62) (63) (64)
-Les chats chassent la plupart des souris -Les singes aiment la plupart des bananes -Les hommes préfèrent la plupart des blondes
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
39
Dans le même ordre d’idées, on peut examiner la substitution d’un syntagme les N/des N par un N ou tout N. Là encore, cette substitution est sans problème en position sujet, plus ou moins problématique en position objet, en particulier pour ce qui est du sens : (65) (66) (67) (68) (69)
+(Un + tout) chat chasse les souris -Les chats chassent (toute + une) souris -Les hommes préfèrent (toute + une) blonde +(Un + tout) diplomate doit être discret -Les peintres peignent (tout + un) tableau
Un dernier critère, inspiré de Jonasson (1986), consiste à comparer les possibilités de reprise du syntagme les N/des N disloqué en position frontale par un pronom personnel et par ça. On obtient les résultats suivants : (70) (71) (72) (73)
Les singes, (ils aiment + ça aime) les bananes Les souris, les chats (les chassent + *chassent ça) Des diplomates, (? ils doivent être discrets + ça doit être discret) Des tableaux, les peintres (? les peignent + *peignent ça + en peignent)15
Résumons : les N peut être repris par un pronom personnel tant en position objet qu’en position sujet, mais seule cette dernière autorise également la reprise par ça. Pour ce qui est de des N, la reprise par un pronom personnel est jugée maladroite tant en position objet que sujet, et la reprise par ça n’en est possible qu’en position sujet.
3. Vers une explication 3.1. Quelques notions J’utiliserai les notation suivantes. Une majuscule comme C désignera une classe d’entités : par exemple C sera la classe des chats (avec les propriétés qu’elle a en langue) dans Les chats chassent les souris. Une sous-classe de C sera désignée par x, ou par x i si besoin est, et un élément de C par x, y, xi , ou yi. Nous avons vu que certains syntagmes les N sont distribués et donnent lieu à une interprétation générique, que j’appellerai lecture ‘conjonctive’. Dans l’exemple précédent par exemple, les chats donne lieu à une interprétation qu’on peut représenter par [x 1 chasse les souris ∧ x 2 chasse les souris ∧ x 3 chasse les souris ∧...] où x est un élément de la classe C des chats. L’analogue
40
JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
de cette interprétation conjonctive serait la conjonction logique correspondant au quantificateur universel. Il existe bien entendu d’autres lectures. Si l’on considère l’indéfini français un, il donne lieu à trois lectures: –
– –
une lecture conjonctive (le un universel), celle de une symphonie dans l’énoncé Une symphonie comporte quatre mouvements, Jonasson (1986) ; une lecture spécifique (le un spécifié), ainsi un collègue dans Un collègue m’a envoyé son dernier article ; une lecture non spécifique enfin (le un non spécifié), celle de un garçon dans Toute fille aime un garçon, pour reprendre un exemple travaillé par Geach (1968). Une traduction logique possible de ce dernier exemple serait (∀x ε F)(∃y ε G) (x aime y)16 . Et en utilisant les notations définies ci-dessus, [Toute fille aime (g1 ∨ g2 ∨ g3 ∨...∨...]. Je parlerai alors de lecture ‘disjonctive’17 .
3.2. Généricité faible et généricité forte Je vais maintenant considérer que la lecture disjonctive peut avoir lieu avec d’autres déterminants que un (ce qui ne signifie pas que ces autres déterminants ont nécessairement les mêmes propriétés que un), et je proposerai les deux définitions suivantes: –
–
lorsqu’une lecture conjonctive aura lieu sur la totalité d’une classe, je parlerai de ‘généricité forte’ : il s’agit de la généricité habituellement considérée dans les ouvrages et articles traitant de la question, celle de Les chats dans (1) ; lorsqu’une lecture disjonctive aura lieu sur la totalité d’une classe, je parlerai alors de ‘généricité faible’. Je vais tenter de justifier l’hypothèse suivante :
(H1 )
Dans les énoncés en les N du type considéré ici, la position sujet correspond à une généricité forte (lecture conjonctive), et la position objet à une généricité faible (lecture disjonctive).
En d’autres termes, je propose de voir dans : (1)
Les chats chassent les souris
la ‘structure générique’ double :
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
(2a)
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[(x 1 ∧ x 2 ∧ x 3 ∧...) chassent (y1 ∨ y2 ∨ y3 ∨...)]
i.e. une généricité forte pour le sujet, et une généricité faible pour l’objet. Avant d’aller plus loin, je voudrais justifier la clause figurant dans (H1 ) et qui en restreint la portée aux énoncés du type (1). Dans de tels énoncés en effet, le déterminant les de l’objet les N y apparaît comme ayant portée étroite par rapport au les du sujet les N (qui a lui portée large). Or il n’en est pas toujours ainsi, et il est parfois possible de conférer à les en position objet une portée large, en passant par un présupposé : (74)
Max cherche les maisons qui ont des volets verts
Sur le modèle de : (75)
Max cherche une maison qui a des volets verts18
Plusieurs arguments militent en faveur de cette hypothèse : –
–
comme nous l’avons déjà vu en 2.1., la position sujet favorise la déduction syllogistique in absentia, y compris dans le cas d’un syntagme des N, ce qui n’est pas le cas de la position objet. C’est là un argument en faveur de la lecture conjonctive en position sujet, et d’une non lecture conjonctive en position objet, et qui se voit confirmée par le comportement de la plupart ; en revanche, et comme déjà vu également en 2.1., la position objet admet le raisonnement conclusif vers la totalité de la classe. Or cette particularité inductive est propre aux syntagmes nominaux introduisant une lecture disjonctive. Ainsi :
(76)
Si toute fille aime un garçon, alors tous les garçons ont leur chance
et plus généralement aux syntagmes nominaux ne référant qu’à une partie d’une classe : (77)
Les russes sont des voleurs : à Moscou, des russes m’ont volé mes articles de linguistique
3.3. Les verbes intentionnels Rappelons qu’il s’agit de verbes qui introduisent une proposition qui sera, devrait être, ou pourrait être vraie à un moment postérieur à celui du procès
42
JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
qu’indiquent ces verbes. C’est le cas de chercher dans l’exemple (75) déjà vu, également de autoriser dans La municipalité a autorisé le stationnement sur les bas-côtés, ou tout simplement de vouloir dans Je voudrais un livre. Ces verbes intentionnels possèdent une curieuse propriété relative à la conjonction ou. Avec de nombreux verbes en effet, cette conjonction se distribue. De Le congrès aura lieu à Paris ou à Barcelone, on peut en déduire Le congrès aura lieu à Paris ou le congrès aura lieu à Barcelone. Or précisément, les verbes intentionnels n’autorisent pas ce passage : de Je voudrais aller à Paris ou à Barcelone on ne tire pas Je voudrais aller à Paris ou je voudrais aller à Barcelone. Le point qui m’intéresse ici est que ces verbes intentionnels sont précisément ceux qui privilégient le un non spécifié. Par exemple: Je voudrais un livre, On autorise une sortie par mois, Max cherche une maison... On en déduit donc que si les N en position objet donne lieu, comme je le prétends, au même type de lecture disjonctive que le un non spécifique, il doit refuser de distribuer le ou. Considérons par exemple : (78)
Max désire étudier les éléphants
Il est clair que dans cet exemple, les éléphants a lecture disjonctive [Max désire étudier (e1 ∨ e2 ∨ e3 ∨ ...], et non lecture conjonctive : (78) ne signifie pas [(∀e ε E) Max désire étudier (e)]. Or il est tout à fait significatif que (78) ne puisse pas non plus se paraphraser par [Max désire étudier (e1 ) ∨ Max désire étudier (e2 ) ∨ Max désire étudier (e3 ) ∨ ...]. Un dernier argument nous sera fourni par la dislocation à gauche de les N et sa reprise par un pronom personnel (toujours possible) et par ça (possible seulement pour la position sujet disloquée). Le fait que ça puisse reprendre les N en position sujet et en interprétation générique forte n’est pas surprenant, et a été noté depuis longtemps comme une propriété typique de la lecture conjonctive des syntagmes nominaux. Sur ce point cf. par exemple Galmiche (1986) ; Kleiber-Lazzaro (1987) ; Anscombre (1998). Le fait que cette même reprise ne puisse avoir lieu aussi aisément en position objet est donc significative. On remarque de plus que le un universel en position sujet peut être repris par ça, alors qu’en position objet, le un non spécifié ne le peut. On comparera de ce point de vue : (79) (80) (81) (82)
Un vrai homme, ça meurt les bottes aux pieds Un enfant, ça aime les bonbons *Une épouse, un machiste veut ça uniquement pour lui faire la cuisine ??Une maison, on cherche ça souvent pendant longtemps
LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET
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En revanche, la reprise par un pronom personnel est possible. Dans le cas du un non spécifié, parmi les pronoms habituels pour la position objet figure préférentiellement en : (83) (84) (85) (86)
Un vrai homme, il meurt les bottes au pieds Un enfant, il aime les bonbons Une épouse, un machiste (?la veut + en veut une) pour lui faire la cuisine Une maison, on (?la cherche + en cherche une) souvent pendant longtemps
Or nous avons vu que dans le cas de les N , la reprise par un pronom de type il/les est toujours possible: (70) (71)
Les singes, ils aiment les bananes Les souris, les chats les chassent
la seule différence étant qu’en position objet, un N est repris préférentiellement par en, alors que les N demande une reprise par les. 3.4. Généricité d’individu et généricité de groupe Pour traiter de la différence entre les N et des N, j’introduirai une nouvelle distinction entre deux types de généricité, la ‘généricité d’individu’ et la ‘généricité de groupe’, cette dernière dénomination étant empruntée à (Villalta 1995). Il a été remarqué en effet qu’en position sujet dans des énoncés événementiels, des N privilégiait fortement la lecture de groupe. Dans : (87)
L’année dernière, des étudiants ont écrit un article (Villalta 1995).
Les étudiants ont nécessairement écrit l’article ensemble, interprétation qui n’est pas obligatoire pour L’année dernière, certains étudiants ont écrit un article. De même, dans : (88)
Max a porté plainte parce que des inconnus l’ont agressé
Il ne peut s’agir que d’une seule agression par un groupe d’inconnus, et non plusieurs agressions par un inconnu différent à chaque fois. Passons ma intenant à la position objet, et considérons l’exemple inspiré de (Villalta 1995) : (89)
Max et Lia ont lu des livres sur les animaux
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Selon Villalta, (89) implique que Max et Lia ont lu des livres différents. C’est en fait inexact, comme le montre : (90)
Max, Lia et Sam ont lu des livres sur les animaux, les mêmes d’ailleurs
Ce qu’il faut en fait dire, c’est que (89) implique : –
–
que Max, Lia, et Sam ont tous trois lu des livres, l’interprétation selon laquelle ils auraient lu chacun un livre (possible avec trois, et aussi avec certains et plusieurs) n’étant pas obligatoire ici, et certainement pas la seule ; que les livres que chacun a lus peuvent être différents, sans que cela soit nécessaire. Si nous désignons par Li une partie de l’ensemble des livres, on peut dire que pour chacun des trois lecteurs considérés, il a lu un des Li. ce qui peut encore s’écrire: [(Max ∧ Lia ∧ Sam) a lu (L1 ∨ L2 ∨ L3 ∨ ...]. Ce que dit un tel énoncé, c’est que chacun des individus concernés a lu un nombre non précisé de livres, et que ces différentes lectures présentent une certaine parenté. Non seulement il y a une homogénéité à l’intérieur des Li, mais il y en a aussi une entre les différents Li évoqués. Nous le montrerons un peu plus loin.
Cette lecture de groupe peut également se combiner avec une généricité forte ou faible, et on obtiendra ainsi selon les cas une généricité de groupe forte ou une généricité de groupe faible. Dans le cas de les N, la généricité forte ou faible était une généricité d’individu. Je vais défendre l’hypothèse suivante : (H2)
Dans les énoncés en des N du type considéré ici, la position sujet correspond à une généricité de groupe forte (lecture conjonctive), et la position objet à une généricité de groupe faible (lecture disjonctive).
En d’autre termes, alors qu’un énoncé comme Les diplomates doivent être discrets sera interprété avec une généricité d’individu forte comme [(d1 ∧ d2 ∧ d3 ∧ ...) doit être discret], l’énoncé apparenté Des diplomates doivent être discrets sera cette fois interprété toujours avec une généricité forte, mais de groupe: [(D1 ∧ D2 ∧ D3 ∧ ...) doit être discret]. Le fait que la reprise du syntagme nominal par ça n’est possible qu’en position sujet, joint au fait que la déduction syllogistique in absentia n’est possible également qu’en position sujet confirme le fait d’une lecture conjonctive liée à cette position. En position
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objet en revanche, et comme dans le cas du un non spécifié, la seule reprise anaphorique possible a lieu avec en. En d’autres termes, sous réserve de justifier la lecture de groupe, un énoncé comme Les peintres peignent des tableaux se verra affecter l’interprétation [Les peintres peignent (D1 ∨ D2 ∨ D3 ∨ ... ]. Pour terminer le tout, il me reste donc à justifier la lecture de groupe dans le cas de la généricité (faible ou forte) liée à des N. Comme le remarque Villalta (1995), la lecture de groupe implique que les individus formant ce groupe exécutent une action commune, ou participent d’un événement commun. Une première remarque est que cette lecture de groupe ressemble à l’homogénéité que l’on rencontre avec le partitif, et qui se manifeste par certaines propriétés aspectuelles et temporelles, cf. Kupferman (1979), Anscombre (1996). Ainsi, en position objet, le partitif du N rend le prédicat atélique : (91) (92)
Un ivrogne boit une bouteille (en + *pendant) une heure Un ivrogne boit du vin (*en une heure + pendant des heures)
Villalta note la même propriété pour des N en position objet: (93) (94)
Les singes mangent certains fruits (en cinq minutes + pendant des heures) Les singes mangent des fruits (??en cinq minutes + pendant des heures)
En position sujet en revanche, le partitif du N supporte mal les environnements de type gnomique (‘individual-level’ en franglais)19 : (95)
(La dynamite + *de la dynamite) est dangereuse pour celui qui la manipule
Il en est de même pour des N en position sujet (Villata op.cit.) : (96)
Dans cette université, (certains + *des) professeurs sont très réputés
Un autre critère, que j’adapterai de Kleiber (1989), me servira à montrer que le référent de des N est distinguable (formé d’occurrences individuelles), mais non individué (chaque élément d’une classe est distinct de tout autre élément de cette même classe). Ainsi chaque grain de riz construit un référent distinguable et individué, et le riz un référent non distinguable et non individué.
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Or les expressions qui construisent un référent non individué se combinent mal avec des expressions comme pris un par un, pris séparément : (97) (98) (99)
(L’homme + *le sable), pris individuellement, est un danger pour l’écosystème Pris séparément, chaque grain de sable est un monde différent Pris individuellement, la plupart des hommes ne sont pas désagréables
On remarque des faits analogues pour des N, que ce soit en position objet ou en position sujet : (100) (101) (102)
Pris séparément, (les + certains + ??des) étudiants reconnaissent avoir parfois triché Dans la mesure du possible, les professeurs doivent recevoir séparément (les + certains + la plupart des + *des) étudiants Pris séparément, (les + certains + la plupart des + *des) linguistes peuvent être tout à fait vivables
Dernier argument enfin, que j’ai déjà largement évoqué plus haut : contrairement à d’autres déterminants comme certains, des n’introduit pas de partition. C’est encore une fois compatible avec l’idée d’une lecture de groupe (i.e. homogène) attachée au syntagme des N. Il nous reste maintenant à illustrer brièvement l’idée de double homogénéité que j’ai évoquée un peu plus haut. Pour ce faire, considérons : (103)
Tout le monde commet (certaines + des) erreurs
Avec les notations que j’ai adoptées, un tel énoncé s’interprète comme [Tout le monde commet (E1 ∨ E2 ∨ E3 ∨ ...], où les Ei sont des sous-classes de l’ensemble des erreurs. Or les éléments individuels ei des Ei ne peuvent pas être individualisés, en particulier temporellement : (104) (105)
Tout le monde commet successivement (certaines + *des) erreurs Max regarde (les + certaines + ??des) émissions de télévision l’une après l’autre
Considérons maintenant : (106)
Les enfants mangent des bonbons
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Une différence entre tous et chaque est que chaque indique que l’action effectuée par un individu ou la propriété qui lui est affectée l’est de façon bien spécifique. D’où des contrastes comme Tous les hommes sont mortels/*Chaque homme est mortel (les hommes sont mortels de la même façon) ; À chacun sa vie / ??À tous leur vie. En particulier, lorsqu’un énoncé stipule une incontestable similitude entre plusieurs actions, chaque est difficile, et tous la règle. Par exemple : Ce matin, à mon grand étonnement, (tous les étudiants + *chaque étudiant) étai(en)t à l’heure. Chaque apparaît ainsi comme incompatible avec une certaine similitude. Or cette caractéristique permet de voir que les sous-classes mises en scène dans la lecture disjonctive liée à la présence de des N présentent effectivement une certaine homogénéité, ou à tout le moins, une certaine analogie20 : (107)
Les enfants mangent (tous + *chacun) des bonbons
RÉFÉRENCES Anscombre, Jean-Claude. 1996. “Partitif et localisation temporelle”. Langue française 109. 80-103. Anscombre, Jean-Claude. 1998. “Ça, c’est quelque chose. Quelques caractéristiques de la reprise d’un groupe nominal par ça/ce”. Recherches en Linguistique et Psychologie cognitive 9. 83-105. Attal, Pierre 1976. “A propos de l’indéfini des : problèmes de représentation sémantique”. Le Français Moderne 44-2. 126-142. Carlson, G.N. 1977. “A Unified Analysis of the English Bare Plural”. Linguistics and Philosophy 1. 413-457. Carlson, G.N. 1982. “Generic terms and Generic Sentences”. Journal of Philosophical Logic 11.145-181. Corblin, Francis. 1996. “Quantification et anaphore discursive : la référence aux complémentaires”. Langages 123. 51-74. Corblin, Francis 1997. “Les indéfinis : variables et quantificateurs”. Langue française 116. 8-31. Galmiche, Michel. 1986. “Référence indéfinie, événements, propriétés et pertinence”. Déterminants : syntaxe et sémantique, J. David & G.Kleiber. Paris : Klincksieck. 41-71. Galmiche, Michel. 1989. “A propos de la définitude”. Langages 94. 7-37. Geach, Peter Thomas. 1968. Reference and Generality. Ithaca & New York : Cornell University Press.
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SUMMARY The great majority of studies dealing with genericity only consider the subject position and generic noun phrases (le N, un N, les N) as the standard case, regardless of other positions or other determiners. The aim of this article is to study the possibilities of a generic interpretation in the four cases corresponding to both oppositions subject versus object and plural definite (les N) versus plural partitive (des N). It will be shown that, as far as genericity is concerned, each case gives rise to a specific interpretation. Hence the claim that genericity must be split into different subclasses: strong genericity versus weak genericity, and individual genericity versus group genericity. Moreover,
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there is a wide range of linguistic properties that can be accounted for on the basis of this four-terms classification.
NOTES 1 En effet, il n’y a pas à proprement parler de phrases génériques dans la plupart de nos langues, mais des phrases dont une interprétation possible est la générique. Ce phénomène provient de ce que si certaines configurations se prêtent mieux que d’autres à une telle lecture, il n’y a généralement pas de marques qui soient spécifiques de la généricité. 2 Cette lecture logique, qui peut-être suscitée par l’apparente symétrie des syntagmes sujet et objet, correspond à la transcription ( ∀x ε{chat})(∀y ε{souris }) chasser (x, y). 3 Il est clair que dans une langue comme l’espagnol, le procédé semble être le même tant au singulier qu’au pluriel : Los españoles beben vino versus Los españoles comen chuchos. Le français a connu une telle étape, mais il semble que les deux partitifs soient en train de se séparer. Cf. quelques arguments en ce sens dans Anscombre (1996). 4 Remarquons cependant qu’en espagnol, los redevient possible (et même obligatoire) avec la forme réfléchie, dont on sait qu’elle gomme le côté processif : Mi gato se come los froskies/*Mi gato se come froskies. 5 Un cas comme Les enfants aiment les animaux semble fournir un contre-exemple avec le lion comme animal, puisqu’il semble en effet raisonnable d’en déduire alors Les enfants aiment les lions. Il n’en est en fait rien, et la phrase précédente est vraie en soi, et non comme conséquence de la phrase générique de départ. On peut le voir en prenant comme animal par exemple la hyène. Il est clair que l’on n’a pas Les enfants aiment les hyènes, pour des raisons indépendantes de la généricité et du raisonnement in absentia. La phrase de départ ne renvoie pas à une classe d’individus, mais signifie grosso modo ‘Les enfants aiment le genre animal’. Nous reviendrons plus avant sur cette lecture. 6 Signalons cependant un cas très curieux de double distribution dans le cas des termes relationnels comme parents. D’une phrase générique comme Les enfants doivent respecter les parents on peut tirer pour chaque x enfant : x doit respecter les parents de x. 7 Cf. sur ce type de problème Kleiber (à paraître). 8 Anscombre (à paraître). 9 Cf. Kleiber (à paraître). 10 Remarquons la possibilité de constructions (familières) comme Parmi les diplomates, il y en a des qui doivent être discrets, qui correspond à la lecture partitionnaire, et non donc à (22), qui est distribué. De même pour Il y a des bananes que les singes mangent. 11 Pour forcer l’interprétation générique et éviter l’interprétation partitionnaire, on peut faire précéder cet énoncé d’un ‘introducteur de généricité’. Par exemple : Puisque tu es diplomate, sache que des diplomates doivent être discrets, et que des diplomates ne doivent pas être discrets, procédé qui rend à mon avis l’impossibilité patente. L’énoncé redevient possible avec certains à la place de des. 12 L’adverbe normalement a été introduit pour éviter la lecture ‘certains’ de des. On remarque que l’énoncé redevient possible avec certains, mais avec un sens légèrement différent. 13 L’énoncé avec des n’est pas totalement impossible, mais on lui préférera toujours la tournure il y a des diplomates qui... 14 Interprétation donc proche de celle de l’article cette fois défini de Les singes aiment exclusivement les bananes.
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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE
Pour les sceptiques, et pour qu’il soit clair que je n’ai pas choisi systématiquement les exemples qui favorisaient mes hypothèses, en voici un autre : Tout le monde fait des erreurs / ??Des erreurs, tout le monde les fait / *Des erreurs, tout le monde fait ça. Ce critère pose cependant un problème, qui est que ça peut aussi reprendre une infinitive sous-jacente. C’est pourquoi on a sans problème Les bananes, les singes aiment ça, où ça renvoie en fait à ‘manger les bananes’. 16 J’insiste sur le fait que ces transcriptions logiques ne sont là que pour des raisons pédagogiques, qu’elles ne recoupent que partiellement le fonctionnement linguistique, et qu’elles ne représentent en rien un quelconque début de “formalisation”. 17 Petit clin d’oeil à l’histoire. Cette lecture disjonctive correspond très exactement à ce qu’Ockham appelait la ‘suppositio confusa tantum’, à l’aide de laquelle il analysait Tout homme est blanc comme [Tout homme est (b 1 ∨ b 2 ∨ b 3 ∨ ...]. 18 Rappelons que cette lecture avec portée large s’oppose à celle avec portée étroite de Max cherche une maison qui ait des volets verts. 19 Cf. Anscombre (1996) sur ce point. 20 Je ne puis étudier ici ce point. Il mériterait une étude à part.
DÉTERMINATION, INCORPORATION ET PHRASÉOLOGIE DANS LES CONSTRUCTIONS À VERBE SUPPORT MARGARITA ALONSO RAMOS Universidade da Coruña
Introduction Nous aimerions présenter ici les répercussions théoriques qu’a eu le comportement du déterminant dans les constructions à verbe support (CVS) en espagnol. Il s’agit d’expressions comme hacer mención “faire mention”, tomar conciencia “prendre conscience” ou poner orden “mettre (E + en) ordre”, dans lesquelles le verbe sert comme support du prédicat sémantique exprimé par le nom. Traditionnellement, les CVS en espagnol ont été incluses sous la rubrique ‘locutions verbales’, où les concepts de ‘collocation’ et ‘expression phraséologique’ (ang. idioms) sont entremêlés (Casares 1950 : 171)1 . Aussi, des collocations comme tomar conciencia et des expressions phraséologiques comme estirar la pata “casser sa pipe” partagent certains traits phraséologiques comme, par exemple, la fixation du déterminant. Or, beaucoup de CVS espagnoles admettent la possibilité de modifier le déterminant. On trouve également des versions avec et sans déterminant, comme hacer (E + una) mención. Le caractère ‘soudé’ des CVS, spécialement celles où le nom apparaît sans déterminant, a conduit certains grammairiens à traiter ces constructions comme une sorte de verbe complexe, fonctionnant syntaxiquement comme un seul mot2 . D’après cette analyse, le groupe verbe-nom d’une CVS ne différerait pas d’un ‘verbe simple’. Cette idée d’assimiler une CVS à un verbe simple a une certaine tradition. Par exemple, dans le cadre du lexique-grammaire, Leclère (1971 : 69 et 74) indique que certains noms comme constatation ou impression en combinaison avec certains verbes comme faire ou avoir respectivement ont un comportement syntaxique équivalent à celui d’un verbe. Encore plus loin dans le temps, on trouve chez Bally (1965 : 169) l’idée de traiter les suffixes
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désinentiels des CVS comme des infixes : ainsi, d’après son analyse, dans il prenait peur la désinence -ait coupe en deux le radical prendre-peur. Pour certains auteurs, l’absence du déterminant est le critère qui identifie le syntagme nominal comme défectif, d’une certaine façon. Pour cette raison, dans la syntaxe générative, on a tendance à proposer que les CVS constituent un cas de ‘incorporation syntaxique’. Des auteurs comme Masullo (1996) et Mendívil (1999) considèrent que c’est la défectivité du nom, d’un côté, et la défectivité thématique du verbe, de l’autre côté, qui motivent le processus d’incorporation (Grimshaw et Mester 1988). Le résultat sera un prédicat complexe qui hérite de la grille thématique du nom et de la valeur catégorielle du verbe. Or, comme l’ont signalé principalement les chercheurs du lexiquegrammaire français (Giry-Schneider 1987 et 1991 ; cf. aussi G. Gross 1989 ; G. Gross et A.Valli 1991), le déterminant du nom d’une CVS ne fait pas nécessairement défaut. En fait, d’après les analyses de Giry-Schneider (1991 : 29), en français, le nom sans détermination est beaucoup moins fréquent que l’article indéfini. Il existe aussi un débat vif qui tourne autour du rôle attribué à l’absence du déterminant. Certains auteurs défendent l’idée qu’on se trouve devant un déterminant zéro qui peut être rangé avec les autres déterminants (Anscombre 1991), tandis que d’autres pensent que l’absence du déterminant est bel et bien une absence. Parmi ces derniers, il y en a qui sont enclins à considérer que l’absence est une trace phraséologique qui empreint les CVS (Giry-Schneider 1991), alors que d’autres croient que l’absence du déterminant n’est pas fortuite, qu’elle est le signe de l’incorporation syntaxique du nom dans le verbe (Mendívil 1999)3 . Dans ce qui suit, nous examinerons d’abord le comportement du déterminant dans les CVS en espagnol (section 1). Ensuite, nous exposerons brièvement le concept d’incorporation syntaxique (section 2). Enfin, nous établirons une distinction entre la représentation des CVS au niveau sémantique et au niveau syntaxique. Nous allons soutenir la thèse que même si les CVS constituent un tout sémantique, elles sont des syntagmes au niveau syntaxique, c’est-à-dire des séquences formées par verbe et nom liés syntaxiquement. Nous conclurons que la proposition de l’incorporation syntaxique, basée sur l’absence du déterminant, n’est pas suffisamment justifiée (section 3).
DÉTERMINATION, INCORPORATION ET PHRASÉOLOGIE
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1. Panorama du déterminant dans les CVS Nous commencerons par brosser un panorama du comportement du déterminant dans les CVS et de ses propriétés syntaxiques associées. Nous observerons qu’à l’intérieur de ce que nous appelons des CVS, on trouve des syntagmes [verbe transitif + c. d’objet direct] avec un comportement tout à fait régulier mais également des syntagmes très restreints ou très phraséologisés, du point de vue syntaxique. Il faut commencer par rendre compte des contextes où le déterminant peut être soit figé soit non figé, peu importe qu’il s’agisse d’un article zéro ou d’une autre forme de déterminant. Ainsi, on a des CVS dont le déterminant zéro ne peut être remplacé par aucun autre déterminant et d’autres CVS dont le déterminant est libre. Par exemple : – (1)
– (2)
avec déterminant zéro figé : El seminario dará (*un + *el) comienzo el 5 de abril Le séminaire donnera commencement le 5 avril “Le séminaire commencera le 5 avril” avec déterminant zéro libre : Igor hizo (E + una) mención de ese libro “Igor a fait (E + une) mention de ce livre”
Le caractère figé du déterminant ne touche pas seulement l’article zéro. Dans plusieurs CVS, le nom doit obligatoirement être accompagné d’un article défini. C’est le cas de hacer la guerra ‘faire la guerre’, tener la rabia litt. ‘avoir la rage’, tener la certeza litt. ‘avoir la certitude’, etc. Un autre facteur dont il faut tenir compte est le nombre du nom. Si le nom apparaît au pluriel, l’absence du déterminant est possible. Par exemple : (3)
Toni ha tomado medidas para resolver el problema “Toni a pris des mesures pour résoudre le problème”
La présence de l’article dépend aussi de la modification du nom : si le nom est modifié, l’article tend à être présent, e.g. : hacer una larga cola litt. ‘faire une longue queue’, tener unas ganas locas ‘avoir une folle envie ’, etc.
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MARGARITA ALONSO RAMOS
Même si la corrélation entre la présence du déterminant et l’adjectif est fréquente, elle n’est pas obligatoire. Il existe beaucoup de CVS où le nom apparaît modifié, mais sans déterminant, e.g. : tener (buena + mala) conciencia ‘avoir (bonne + mauvaise) conscience’ ou hacer (buen + mal) efecto ‘faire (bon + mauvais) effet’. Dans ces cas, l’adjectif fait partie d’une collocation : (buena + mala) conciencia ne peuvent pas être remplacés par *(bondadosa + maligna) conciencia, i.e. “*(gentille + maligne) conscience”. Cependant, il existe d’autres CVS qui présentent un nom modifié et sans déterminant où l’adjectif est libre : (4)
Tiene gran admiración por María “Il a une grande admiration pour María”
Il est certain que l’absence du déterminant en présence d’un adjectif est plus acceptable quand le nom est au pluriel. Par exemple : (5)
Elmuck tomó medidas drásticas “Elmuck a pris des mesures draconiennes”
Quand le nom est au singulier, les adjectifs qui conviennent le mieux sont gran ‘grand’, bueno ‘bon’ et malo ‘mauvais’. Anscombre (1991 : 116) a noté que, en français, les adjectifs possibles sans déterminant forment une sousclasse des adjectifs possibles avec déterminant. En adaptant ses exemples, on constate la même chose pour l’espagnol : (6) a.
b.
El candidato ha hecho una (buena + mala + excelente + desastrosa + extraña + extraordinaria) impresión “Le candidat a fait une (bonne + mauvaise + excellente + désastreuse + étrange + extraordinaire) impression” El candidato ha hecho (buena + mala + excelente + *desastrosa + *extraña + *extraordinaria) impresión “Le candidat a fait bonne (mauvaise + excellente + *désastreuse + *étrange + *extraordinaire) impression”
Le choix du déterminant a des conséquences syntaxiques. Comme GirySchneider (1991 : 24) l’a signalé, si le nom supporté admet l’article indéfini, il admettra les opérations syntaxiques propres aux noms, telles que la construction d’une relative ou la formation d’un syntagme nominal. Ainsi, par exemple :
DÉTERMINATION, INCORPORATION ET PHRASÉOLOGIE
(7) a. b. c. d.
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Nancy hace (E + *una) campaña contra el tabaco “Nancy fait (E + une) campagne contre le tabac” Nancy hace una campaña intensa contra el tabaco “Nancy fait une campagne intense contre le tabac” La intensa campaña que Nancy hace contra el tabaco “L’intense campagne que Nancy fait contre le tabac” La campaña de Nancy contra el tabaco “La campagne de Nancy contre le tabac”
Or, ces opérations ne sont pas complètement interdites pour le nom sans déterminant. Ainsi, il est possible de relativiser un nom sans déterminant avec une fonction anaphorique, comme dans : (8)
Juan tenía miedo del profesor, miedo que todos experimentaban cuando les llegaba el turno “Juan avait peur du professeur, une peur que tous éprouvaient quand leur tour arrivait”
Même dans des CVS assez figées, on trouve des cas d’extraction d’un nom sans déterminant, comme : (9)
Caso es lo único que quiero que me hagas “Attention c’est la seule chose que je veux que tu me donnes”
On peut aussi pronominaliser par le clitique beaucoup des noms sans déterminant, comme : (10)
Confesó que hacía campaña porque todos la hacen “Il a avoué qu’il faisait campagne parce que tous la font”
L’impossibilité de la construction passive avec un nom sans déterminant n’est pas exclusive aux CVS : on rencontre la même impossibilité dans une construction transitive ‘normale’ comme *casa grande fue construida por el arquitecto litt. “maison grande a été construite par l’architecte”. En revanche, il y a d’autres CVS assez figées où le nom n’admet jamais l’article indéfini et ne peut subir les opérations syntaxiques propres aux compléments d’objet. Par exemple : (11) a.
*Es comienzo lo que dará el seminario el 5 de abril “*C’est commencement ce que donnera le séminaire le 5 avril”
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b.
*El frente que hizo a todos los problemas revela su gran valor “*Le front qu’il a fait à tous les problèmes révèle son grand courage”
Ce que nous voulons mettre en relief ici, c’est qu’à partir du moment où il y a possibilité d’employer un article indéfini, le nom supporté se comporte comme un syntagme nominal régulier. Or, un nom sans article confère un plus grand degré de cohésion à la CVS, de telle façon que le lien entre le verbe et le nom tend à être perçu comme plus étroit. Cependant, cela n’entraîne pas nécessairement que le nom sans déterminant soit plus événementiel ou processif comme l’indique Anscombre (1986 et 1991). À notre avis, dar acogida “réserver un accueil” n’est pas perçu comme plus proche de acoger “accueillir” que dar una calurosa acogida “réserver un accueil chaleureux”. Le sens apporté par l’adjectif sera exprimé par des adverbes qui modifient le verbe. Par exemple : (12) a. b.
Susana dio (E + una calurosa) acogida a su invitada “Susana a réservé (E + un chaleureux) accueil à son invitée” Susana acogió (E + calurosamente) a su invitada “Susana a (E + chaleureusement) accueilli son invitée”
Par conséquent, nous considérons que, malgré l’importance attribuée à l’absence de déterminant du nom des CVS (ce qui mène certains chercheurs à y voir la marque de l’incorporation syntaxique), elle ne constitue qu’une anecdote, comme le signale Giry-Schneider (1991 : 34) : soit que le déterminant est fixe, soit qu’il est libre et dans ce cas-là, il peut être remplacé par l’article indéfini et donc, subir toutes les opérations syntaxiques propres aux noms compléments d’objet. En même temps, l’irrégularité de sa répartition lexicale rend nécessaire la description de son emploi dans l’article lexicographique de chaque nom, en rapport avec son verbe support. Ceci a toujours été la politique adoptée dans la Théorie Sens-Texte depuis Zholkovksy et Mel’èuk (1967) ; pour une autre approche, voir aussi G. Gross et A. Valli (1991 : 50). Observons qu’on a hacer burla litt. “faire moquerie” mais non pas hacer (E + *una) broma “faire une blague”, tener razón “avoir raison” mais non pas tener (E + *la)) impresión “avoir l’impression”, etc. L’irrégularité du déterminant se manifeste aussi avec un même nom. Dans les exemples suivants, on constate, d’une part, que le choix du déterminant change avec le verbe support : (13) a.
Juan hace (E + *una) gira por provincias “Juan fait une tournée en région”
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b.
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Juan está de (E + *una) gira por provincias “Juan est en tournée en région”
et d’autre part, que des noms homonymes prennent des déterminants différents : (14) a. b.
Juan tiene sueño (‘ganas de dormir’) “Juan a sommeil” (‘envie de dormir’) Juan tiene un sueño (‘un ideal’) “Juan a un rêve” (‘un idéal’)
En définitive, nous concluons que l’absence ou le caractère figé du déterminant n’est pas un critère d’identification des CVS : ces traits découlent de leur caractère phraséologique.
2. Les CVS comme des cas d’incorporation syntaxique C’est le moment d’examiner certaines représentations des CVS, basées sur le concept d’incorporation. Même si l’incorporation a été traditionnellement considérée comme un procédé morphologique (cf. Sapir 1911 ; Mithun 1984 ; Mel’èuk 1997b, entre autres), des propositions pour l’emploi de l’incorporation afin de rendre compte de phénomènes syntaxiques ont été avancées ces dernières années (Baker 1988 et 1996). Nous n’allons pas nous attarder ici à la complexité de l’incorporation morphologique, considérée, jusqu’à récemment, comme caractéristique uniquement des langues ‘exotiques’ comme le tchouktchi, le mohawk, le nahuatl, etc. Il n’existe rien de semblable à l’incorporation morphologique en espagnol, sauf des résidus historiques comme mantener “maintenir”4 . Cependant, certains auteurs ont proposé le concept de ‘incorporation syntaxique’. La notion d’incorporation syntaxique n’a pas de définition précise dans les travaux que nous avons consultés. Grosso modo, on peut dire qu’elle consiste en la formation d’un prédicat dérivé avec un argument en moins que le prédicat de base. Nous allons examiner comment avec ce nouvel élargissement du concept d’incorporation, certains auteurs prétendent rendre compte de l’union étroite entre le verbe et le nom dans les CVS. En ce qui concerne l’espagnol, les auteurs qui se sont engagés dans cette voie sont principalement Moreno Cabrera (1991), Masullo (1996) et Mendívil (1999). Ainsi, pour Moreno Cabrera (1991 : 494-499), le nom dans tener novia litt. “avoir fiancée” forme une ‘unité syntagmatique’ avec el verbe et même s’il conserve son autonomie morphologique, il perd sa fonction de complément
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d’objet5 . En revanche, Masullo (1996), dans le cadre de la grammaire générative, traite l’incorporation syntaxique comme un déplacement syntaxique du nom à la position de verbe pour pouvoir remplir certaines exigences de cas. Aussi, dans la grammaire générative, Mendívil (1999) emploie la notion d’incorporation syntaxique (ou ‘reanalyse’ du nom sans déterminant avec le verbe support) pour expliquer la projection dans la syntaxe d’un nom qui ne peut pas être un argument du verbe. D’une façon approximative, on peut représenter ainsi l’idée d’incorporation syntaxique (Mendívil 1999 : 87) : (15) a. b.
[V [X]X] [V X]V
Dans la structure (b), le constituant X a perdu son statut syntaxique car il s’est incorporé au verbe en ce qui concerne les règles syntaxiques et l’interprétation sémantique. Dans les CVS, le nom n’est plus le complément d’objet du verbe et ne joue aucun rôle syntaxique. Dans la grammaire générative, la notion de ‘argument syntaxique’ est étroitement liée au caractère référentiel. Ainsi, le nom déterminé réunit les conditions pour être un argument syntaxique du verbe support. En revanche, le nom sans déterminant n’est pas considéré référentiel et, par conséquent, il ne peut pas être un argument syntaxique du verbe. Étant donné que le nom est partie du prédicat, il a besoin de s’incorporer au verbe. L’absence du déterminant est aussi responsable de la structure argumentale du nom. Pour Mendívil (1999 : 133), un nom peut avoir une structure d’arguments non seulement s’il a une structure événementielle, dans le sens de Grimshaw (1990), mais aussi s’il est déterminé. De cette façon, le rôle assigné à la détermination pour établir si un nom a ou n’a pas une structure d’arguments entraîne nécessairement une duplication d’entrées lexicales pour les noms qui admettent la présence ou l’absence du déterminant. Ainsi, par exemple, mención, dans hacer mención “faire mention”, aura une structure d’arguments, représentée par (Ev, (x), y), alors que mención, dans hacer una mención “faire une mention”, aura seulement une structure argumentale réduite au rôle R référentiel6 . La notion d’incorporation syntaxique ou de ‘prédicat complexe syntaxique’ a un point faible : elle est nécessairement circulaire ; c’est-à-dire que les auteurs qui défendent l’existence de l’incorporation syntaxique admettent que toutes les incorporations ont la possibilité de montrer une version non incorporée. Ainsi, pour Mendívil (1999), il y a, d’un côté, des constructions incorporées comme hacer mención et, d’un autre, des constructions non incorporées
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comme hacer una mención. Dans ces dernières, le verbe a une structure d’arguments pleine et il maintient avec le nom une relation régulière verbeobjet. Or, si la preuve de l’incorporation est l’absence du déterminant et que celui-ci peut apparaître dans la version non incorporée, on arrive à un critère circulaire, sans pouvoir prédictif suffisant (cf. aussi García-Miguel 1995 : 103). Pour éviter la circularité, il est également possible de traiter le déterminant du nom des CVS comme un explétif. C’est la solution de Masullo (1996). Les exemples dans lesquels le nom supporté apparaît avec le déterminant comme dans Juan tiene el miedo del siglo litt. “Juan a la peur du siècle”, exemple tiré de Masullo (1996 : 194), ne sont pas considérés comme contre-exemples par cet auteur. Son raisonnement est le suivant : étant donné que le syntagme nominal (el miedo del siglo) n’a pas une interprétation référentielle, l’article est un explétif et ne peut pas être considéré comme un vrai déterminant, donc il n’apparaît pas dans la Forme Logique. En conséquence, le nom devra s’incorporer au verbe. Alors, il faut se demander si, dans toutes les CVS où le nom apparaît avec un déterminant, celui-ci peut être traité comme un explétif. Par exemple, dans dar su autorización “donner son autorisation”, tener la esperanza “avoir l’espoir”, tener la manía de “avoir la manie de”, etc. Certains contre-exemples peuvent être également avancés à propos de la prétendue union syntaxique entre le verbe et le nom. Si le nom est incorporé au verbe, on ne voit pas pourquoi il peut entrer dans une construction relative. Masullo (1996 : 191) suggère la possibilité d’une ‘excorporation’, mais il laisse cela comme une question ouverte. Les structures thématisées ou focalisées, comme le signale Bosque (1996 : 99), sont aussi un contre-argument à l’idée de l’incorporation. Par exemple : (16) a. b.
¿Tienes miedo? — No, miedo no tengo “As-tu peur ? — Non, peur je n’ai pas” ¿Le tienes pena? — No, miedo le tengo Lui as-tu pitié ? — Non, peur je lui ai “As-tu pitié de lui ? — Non, j’ai peur de lui”
Dans ces structures, le nom reste sans déterminant et, cependant, il apparaît déplacé à gauche. Il faudrait se demander si l’incorporation se produit toujours. En définitive, les propositions à incorporation ne nous semblent pas suffisamment justifiées. Dans notre perspective, l’absence de détermination du nom supporté est une trace de la phraséologisation inhérente à toutes les collocations : plus une collocation est phraséologisée, plus la probabilité que le nom soit non déterminé sera élevée. Mais la phraséologisation n’empêche pas de traiter les collocations comme des syntagmes, c’est-à-dire des séquences verbe plus objet.
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3. Objet sémantique et objet syntaxique dans les CVS Nous allons maintenant établir les distinctions nécessaires entre la représentation des CVS au niveau sémantique et au niveau syntaxique. Une des raisons sous-jacentes aux propositions à incorporation réside dans la confusion entre l’objet sémantique de la CVS et l’objet syntaxique du verbe support. On sent, en quelque sorte, que, par exemple, dans hacer mención del libro “faire mention du livre”, l’objet sémantique est libro. En suggérant que mención est incorporé au verbe, on essaie d’expliquer que libro est l’objet sémantique de toute la CVS. L’incorporation syntaxique est donc provoquée par une intention de refléter dans le niveau syntaxique un aspect sémantique. Pour nous, le seul objet qui se situe dans le niveau syntaxique est mención. Or, étant donné que le verbe ne joue aucun rôle sémantique, le seul prédicat serait mención, et libro serait son deuxième argument. D’ailleurs, des propositions comme celle de Masullo (1996), où le verbe support et le nom se joignent dans la Forme Logique, équivalent à dire qu’ils forment un seul prédicat sémantique. Telle est aussi la proposition de la Théorie Sens-Texte (TST). Dans ce cadre théorique (cf. Alonso Ramos 1998, Mel’èuk 1995, 1996 et 1997a), les verbes supports sont considérés vides sémantiquement dans le contexte du nom supporté. Au niveau de la représentation sémantique, il n’y a pas de verbe support mais plutôt un prédicat qui s’exprimera plus tard par le nom supporté. Bien entendu, dans la TST, aucun type d’incorporation entre le verbe support et le nom n’a besoin d’être proposé. En revanche, les grammairiens générativistes doivent postuler un type d’incorporation pour justifier l’unité sémantique des CVS. Or, unité sémantique (constituée par le verbe et le nom) n’est pas équivalent à unité syntaxique . Le fait allégué par Masullo (1996 : 196) que plusieurs CVS possèdent un équivalent lexical morphologiquement simple (hacer caricias “faire des caresses” et acariciar “caresser”, par exemple) est un indice de l’intégrité sémantique entre le verbe et le nom, mais non pas de leur intégrité lexicale et syntaxique : une CVS est formée de deux mots-forme qui constituent un syntagme. Dans notre perspective, seul le mot-forme peut être une unité syntaxique. Cette affirmation découle de la conception qu’a la TST de la structure syntaxique d’une phrase (Mel’ èuk 1988 : 21). Il s’agit d’une paire de deux ensembles : l’ensemble de tous les mots-forme qui apparaissent dans la phrase et l’ensemble de toutes les relations syntaxiques définies sur le premier ensemble. Par conséquent, l’unité syntaxique ne peut être autre que le motforme car c’est seulement cet élément qui entretient des relations syntaxiques.
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Ainsi, si la chaîne hacer caricias est constituée de deux mots-forme, il existe nécessairement une relation syntaxique entre eux parce qu’il n’est pas possible de concevoir la structure syntaxique d’une phrase avec un mot-forme détaché syntaxiquement, sans entretenir une relation syntaxique avec un autre motforme : les structures sont toujours connexes. Notons que l’incorporation syntaxique prétend refléter l’idée que le nom n’a pas de relation syntaxique avec le verbe et, donc, qu’il forme une unité syntaxique avec lui. En revanche, en TST, on ne saurait parler d’unité syntaxique que quand le nom objet est devenu une partie d’un mot-forme verbal, comme c’est le cas des langues comme le mohawk, mais non pas de l’espagnol. La question à se poser doit être alo rs la suivante : quelle est la relation syntaxique qui lie le verbe support au nom sans déterminant ? Pour pouvoir y répondre, il est nécessaire de faire des distinctions plus subtiles à l’intérieur des CVS. D’une part, les CVS comme hacer campaña, qui peuvent admettre, dans des conditions précises, un déterminant – ces noms se comportent bel et bien comme un complément d’objet ‘ordinaire’ : ils peuvent entrer dans une construction relative, ils peuvent être pronominalisés par le clitique, ils peuvent devenir sujet du verbe passif, etc. D’autre part, les CVS avec le déterminant zéro figé qui ne peuvent pas subir les opérations syntaxiques propres aux compléments d’objet et dont le nom exige une proximité complète avec le verbe : (17)
*El seminario dio el 5 de abril comienzo “*Le séminaire a donné le 5 avril commencement”
Étant données les particularités que présentent certaines CVS dont le nom est sans déterminant, il est possible que la relation syntaxique entre le verbe et le nom sans déterminant soit autre que le complément d’objet. Sans oser avancer une nouvelle relation syntaxique, pour le moment, nous aimerions attirer l’attention sur la distinction établie par Lazard (1982 : 192-193) entre deux types d’objets du persan : ‘objets polarisés’ et ‘objets dépolarisés’. Pour Lazard (1994 : 232), ces objets interviennent dans deux types différents de construction biactantielle. Dans ce qu’il appelle ‘construction tripolaire’, l’objet est un terme autonome de la phrase et il se place au même niveau de dignité que le sujet. En revanche, dans la ‘construction bipolaire’, l’objet a tendance à être étroitement lié au verbe, en formant avec lui une seule unité sémantique. Dans la première construction, le sujet, le verbe et l’objet constituent trois ‘pôles’ ou axes de la phrase, tandis que dans la deuxième on en trouve seulement deux : le sujet et le groupe formé par le verbe et l’objet. Ainsi, les objets qui seront au plus bas dans l’échelle d’individuation, les nonthématiques qui entrent donc dans l’aire rhématique du verbe, et ceux qui se
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joignent à des verbes avec un sens ténu ont tous tendance à faire partie de la construction bipolaire. Nous pensons que beaucoup de noms des CVS en espagnol répondent aux mêmes caractéristiques des objets dépolarisés mentionnés par Lazard. Si l’on admet l’interprétation sémantique de Hopper et Thompson (1980) de la transitivité, nous pouvons concéder que, dans un syntagme comme hacer campaña “faire campagne”, le verbe est moins transitif que dans hacer una casa “faire une maison”. Comme ces auteurs l’ont signalé, un des facteurs pertinents pour la transitivité est la ‘individuation’. Ainsi, un participant concret, singulier et spécifique, confère au verbe un plus grand degré de transitivité qu’un participant abstrait, pluriel ou non spécifique. Une phrase ayant un moindre degré de transitivité du verbe présentera moins de propriétés syntaxiques associées à la transitivité. Clairement, l’absence d’article dans des syntagmes comme hacer campaña ou dans plusieurs de nos CVS est une trace de cette transitivité sémantique plus appauvrie. En termes cognitivistes, on pourrait dire que les noms de ces syntagmes ne sont pas de bons exemples type du complément d’objet ; ce ne sont pas des compléments d’objet prototypiques et, en quelque sorte, ce sont même des compléments d’objet défectifs. En conclusion, la reconnaissance du fait que certaines CVS ont une transitivité appauvrie n’entraîne pas leur traitement comme un seul nœud syntaxique. Si l’on décrit les noms de ces syntagmes comme incorporés au verbe, les CVS se trouveraient assimilées aux mots-formes, alors qu’elles en diffèrent considérablement du point de vue phonologique ou morphologique. Le degré de cohésion syntaxique entre un verbe support et un nom est une trace de son caractère phraséologique. Certaines opérations syntaxiques sont soumises à certaines restrictions dues au fait que les CVS sont des collocations, donc, des expressions phraséologiques. La liberté de pouvoir appliquer une opération syntaxique donnée à une collocation est réduite et on doit indiquer dans sa description lexicographique, quelles sont les opérations interdites ou restreintes auxquelles on s’attend d’après les règles générales de la syntaxe. Postuler un phénomène d’incorporation syntaxique pour expliquer ces restrictions nous semble contre-intuitif, car les CVS sont des syntagmes, phraséologisés, mais des syntagmes quand même et non pas des mots-forme.
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SUMMARY We present the behaviour of the determiner in the support verb constructions (SVC) in Spanish. The knitted character of expressions like hacer mención “to make mention”, tomar conciencia lit. “to take conscience” (“to become aware of”), etc. led some grammarians to treat these constructions like a sort of verbal complex. With the concept of syntactic incorporation, they want to explain that the noun has lost its syntactic status and it has become part of the verbal syntactic unit. However, we will show that: 1) the absence of the determiner is not an identifying criterion for the SVC; 2) the concept of syntactic incorporation would assimilate SVC to the word-forms whereas these differ considerably from a phonological and a morphological point of view; and 3) the SVC are semantic units, but not syntactic units: they are syntagms.
NOTES 1
Voir Mel’èuk (1995) pour les distinctions pertinentes entre les différentes expressions phraséologiques. 2 Voir, par exemple, Gracia (1986). Contre l’idée que les CVS soient traitées comme un seul nœud syntaxique, voir Gaatone (1981) pour le français et Grosu (1977 ) pour la CVS anglaise to make the claim. Thun (1981 : 333) rejette le terme ‘verbes composé’ pour des CVS comme faire joujou ou faire pression, mais il propose le terme ‘verbes décomposés’. Dubský (1965 : 195) opte aussi pour appeler nos CVS ‘formes verbo-nominales décomposées’. 3 Pour une révision de l’état de la question en ce qui concerne l’absence du déterminant dans les CVS, voir Mendívil (1999 : 198-224). 4 Voir Benveniste (1974) sur les parallélismes entre les ‘composés verbaux’ français comme maintenir, saupoudrer ou colporter et des formes à incorporation du païute et d’autres langues amérindiennes. 5 Une approche parallèle à celle de Moreno Cabrera mais sur des données danoises et françaises se trouve dans Herslund (1994). 6 Les rôles Ev(ent) et R ont été introduits par Higginbotham (1985) et employés, entre autres, par Grimshaw (1990) pour représenter, respectivement, un argument événementiel et un argument référentiel. Seuls les noms avec une structure d’arguments pleine auront l’argument Ev, tandis que l’argument R est assigné aux noms avec une tendance à avoir une interprétation résultative. Ce qui n’est pas évident dans le cadre générativiste c’est comment un déterminant peut être responsable de la discrimination entre des noms avec ou sans arguments, car dans le lexique, les noms ne sont pas déterminés ni indéterminés.
LA DESCRIPTION DES DÉTERMINANTS DANS UN DICTIONNAIRE ÉLECTRONIQUE DE MÉDECINE1 XAVIER BLANCO Université Autonome de Barcelone Introduction Cet article se propose de présenter une méthodologie d’introduction d’information sur les déterminants au sein d’un dictionnaire électronique multilingue spécialisé. Le fait de se pencher sur cette partie de la description linguistique en vue d’applications en traitement automatique des langues semble justifiée dans la mesure où les dictionnaires existants comportent, en général, des descriptions peu précises sur les déterminants susceptibles de faire partie de l’actualisation des noms/termes recensés. En effet, bien qu’en reconnaissance automatique les déterminants ne posent guère de problèmes, leur traitement se révèle particulièrement problématique pour ce qui est de la génération et de la traduction automatiques. Nous aborderons la question à partir d’un dictionnaire électronique espagnol de termes médicaux élaboré par le Groupe de Linguistique Appliquée aux Langues Romanes (UAB) en collaboration avec l’Agencia de Evaluación de Tecnologías Sanitarias (Instituto de Salud Carlos III - Ministerio de Sanidad) dans le cadre du projet WEBLING “Full Text Web Indexes that have been Linguistically Enhanced and Supplemented by Services to Cross the Language Barrier” (Projet ESPRIT RDT in Information Technologies nº 29041). D’abord, nous mentionnerons quelques applications du dictionnaire et nous procéderons à une brève description de son format. Ensuite, nous distinguerons trois volets dans l’étude de la détermination qui donneront lieu à des solutions différentes et complémentaires vis-à-vis de l’introduction de l’information concernant les déterminants dans le dictionnaire électronique. L’approche que nous suivons pour l’étude de la détermination est celle mise au point dans le cadre du projet DétTAL (Détermination et Traitement Automatique des Langues) et présentée dans (Blanco & Buvet 1999). Notre langue d’étude sera l’espagnol, sans pour autant renoncer à des observations de type contrastif, surtout par rapport au français. Notre
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conception de la lexicographie multilingue prenant appui sur le concept de dictionnaires monolingues coordonnés (Blanco 1999), les observations faites à propos de l’espagnol sont susceptibles d’être appliquées aux autres langues concernées par le projet WEBLING (français, anglais et allemand).
1. Le dictionnaire électronique espagnol. Le projet WEBLING Le dictionnaire électronique espagnol élaboré dans le cadre du projet WEBLING fait partie d’un ensemble de dictionnaires électroniques du domaine de la médecine qui présentent, entre d’autres applications : – – – – –
la reconnaissance automatique de la langue employée dans un document donné trouvé sur Internet ; le classement automatique du document dans un sous-domaine de la médecine (e.g. cardiologie, pédiatrie) ; la reconnaissance automatique et l’indexation des variantes lexicales et polylexicales sous une même forme de base ; la recherche documentaire raffinée par rapport aux moteurs de recherche existants (recherche multilingue ; recherche par “concept”…) ; la traduction assistée par ordinateur et la traduction automatique.
Quant au format, le dictionnaire s’inspire largement des travaux réalisés dans le Laboratoire de Linguistique Informatique de Paris 13 (G. Gross 1992) (Mathieu-Colas 1994). Il est divisé en deux modules correspondant respectivement aux formes simples et aux formes composées. Le premier module comporte les champs marqués ci-dessous (cf. Tableau 1). Le deuxième module incorpore, en plus, un champ spécial destiné à la représentation morphologique du composé : L(emme) G(rammaire) T(trait) C(lasse d’objets) D(omaines) P(lausibilité) S(ource) R(egistre) V(ariantes) Sy(nonymes) Fr(ançais) En(glish) D(eutsch)
Forme lemmatisée en espagnol correspondant à l’entrée Code de flexion automatique, e.g. N1, N21, A22 Trait syntactico-sémantique du lemme, e.g. humain, abstrait Classe d’objets à laquelle appartient le lemme 3 Indication de sous-domaines dans le cadre de la médecine4 Indication de plausibilité du lemme 5 Indication de la source du lemme espagnol Niveau diastratique du lemme, e.g. standard, familier Indication des variantes orthographiques du lemme Indication des synonymes du lemme Équivalent de traduction du lemme en français Équivalent de traduction du lemme en anglais Équivalent de traduction du lemme en allemand
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Champ spécifique des composés : M(orphologie) Tableau 1
Forme morphologique du composé, e.g. NDN, PC, C16
Le dictionnaire électronique espagnol stricto sensu correspond aux champs L, M, G, T, C, D, P et R. Il est important de souligner que les champs destinés aux équivalents de traduction agissent comme des pointeurs vers les dictionnaires électroniques du français, de l’anglais et de l’allemand. En effet, il ne suffit pas de prévoir un champ correspondant à un équivalent de traduction pour parler de dictionnaire multilingue. Un dictionnaire électronique multilingue ne sera opérationnel que si toutes les informations disponibles pour un lemme donné le sont aussi pour ses équivalents de traduction, autrement dit, s’il correspond à une série de dictionnaires monolingues coordonnés. Les champs mentionnés, qui correspondent à des contenus de type lexicographique, sont complétés par divers champs de type signalétique concernant le degré de fiabilité des informations enregistrées, des observations, des attestations dans des textes, etc. Le dictionnaire électronique de médecine s’intègre, par ailleurs, dans le système de dictionnaires électroniques DELA de l’espagnol, qui comprend des dictionnaires de formes simples et composées de la langue générale (Blanco 1998). Il peut, donc, être utilisé en combinaison avec ces dictionnaires pour l’exploration automatique de textes. Tout texte en médecine comportant une importante composante de formes de la langue générale, le fait de disposer de dictionnaires couplées langue générale/langue de spécialité s’avère indispensable pour un traitement automatique réel. Le dictionnaire électronique décrit ci-dessus a l’ambition de couvrir tout le domaine de la médecine (organisé en une quarantaine de sous-domaines). Il est en cours d’élaboration et comprend, à l’heure actuelle, 27 000 termes, dont 7 000 noms simples et 20 000 noms composés7 . Aucun des champs mentionnés n’est affecté de façon explicite à des indications sur la détermination. Avec le présent article, nous nous proposons de montrer comment des informations sur les déterminants compatibles avec les lemmes retenus peuvent être représentées à l’intérieur de ce dictionnaire électronique. Pour cela, il nous faudra d’abord distinguer trois volets dans l’étude de la détermination.
2. Trois volets dans l'étude de la détermination. Le projet DétTAL Le projet DétTAL se donne comme objectif de développer des modélisations coordonnées de la détermination les plus précises que possible en vue,
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principalement, de leur application à la traduction automatique. Des descriptions à large couverture sont disponibles, à l’heure actuelle, pour le français (Université de Franche-Comté), l’espagnol (Université Autonome de Barcelone) et le grec moderne (Université Démocrite de Thrace) (Blanco ; Buvet & Gavriilidou 1999). À la suite des premiers résultats obtenus dans le cadre du projet DétTAL, nous envisageons trois volets bien différenciés pour ce qui est de l’étude des déterminants. D’abord, nous observons les rapports entre détermination et figement, aussi bien pour ce qui est du fonctionnement des déterminants à l’intérieur des structures figées (cf. 3.1) que pour ce qui est des determinants figés eux-mêmes (3.2). En effet, il importe, d’une part, de bien distinguer les déterminants qui apparaissent dans des suites figés des déterminants apparaissant dans des suites libres, car ceux-là peuvent présenter un fonctionnement sui generis qui risque de brouiller les observations et généralisations pouvant être faites à partir de ceux-ci. D’autre part, il faut considérer les déterminants figés relevant du domaine de la médecine. Ensuite, nous proposons des pistes pour le traitement des déterminants se combinant avec les différentes classes d’arguments élémentaires distinguées à l’intérieur du domaine médical (cf. 4). Finalement, nous envisageons la détermination des noms prédicatifs organisés en classes de prédicats (cf. 5).
3. Déterminants et expressions figées Des études menées dans le cadre du lexique-grammaire ont montré que le nombre des expressions figées est bien supérieur en langue à celui des expressions libres. Cela risque d’être encore plus vrai dans les langues spécialisées où la composition syntagmatique joue un grand rôle, au moins dans les langues romanes. Nous considérons qu’une expression est figée quand elle comporte au moins deux éléments qui sont indissociables (M. Gross 1993). Il s’agit, par conséquent, d’une notion de figement très générale qui s’applique aux différentes parties du discours, bien que, pour des raisons quantitatives, nous ferons référence dans 3.1 surtout à la détermination à l’intérieur des noms composés. Dans 3.2, nous considérerons les déterminants figés eux-mêmes (toujours dans la langue spécialisée de la médecine), qui s’appliquent à leur tour sur les objets et les prédicats propres du domaine (cf. 4 et 5). 3.1. Les déterminants dans les expressions figées Les déterminants apparaissant à l’intérieur des suites figées sont les plus facilement représentables dans un dictionnaire électronique. Du moment où,
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par hypothèse de principe, toute unité lexicale apparaît comme un lemme indépendant dans nos dictionnaires, les déterminants faisant partie d’une structure figée apparaîtront dans le champ lemme, e.g. trastorno del habla ; psicología de la conducta ; espasmo de los escritores… Les déterminants présents à l’intérieur de noms composés du domaine de la médecine, sur un échantillon de 20 000 noms, conforment le tableau suivant (Tableau 2) : EL el : 2 576 occurrences 8 la : 1 506 occurrences los : 223 occurrences las : 71 occurrences Tableau 2
UN un : 2 occurrences una : 10 occurrences
Autres Dét ambos : 1 occurrence un (Card) : 2 occurrences una (Card) : 1 occurrence dos : 1 occurrence
De ce relevé strictement quantitatif, nous pouvons déjà extraire quelques observations utiles. Le déterminant EL apparaît à l’intérieur des noms composés de façon quantitativement représentative (18,7 % des noms composés de notre corpus le comportent 9 ). Par contre, les occurrences d’autres déterminants sont épisodiques. Le UN à valeur générique présente à peine une douzaine d’occurrences du type prueba del trazo de un hombre de Goodenough, constante de ionización de una base, constante de disociación de una base. Les autres déterminants ne sont pas représentés en dehors de quelques de cardinaux : prueba de protrombina de dos etapas, deterioro profundo de un ojo. Faisons remarquer que ambos présente aussi une valeur numérique claire : deterioro profundo de ambos ojos = ‘deterioro profundo de los dos ojos’10 . Ce type d’information peut être mise à profit p our la reconnaissance automatique de termes. Les formes morphologiques de composés les plus fréquentes dans notre base sont 11 : NDN (NA)DN ND(NN) ND(NA) (NA)D(NA) ND(NDN) NPN ((NA)A)DN …
24,10 % 5,45 % 3,99 % 3,48 % 2,31 % 1,34 % 2,15 % 0,68 %
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De ce fait, la présence d’un déterminant qui ne soit pas EL dans ces structures sera un indice fort du caractère non figé de la suite. A contrario, l’absence de déterminant sera un indice de figement. La présence de EL ne serait pas a priori significative vis-à-vis du figement d’une séquence de ce type, car la séquence pourrait être aussi bien libre que figée. L’affirmation que les composés comportant EL sont des termes à part entière paraît justifiée si l’on tient compte du fait que, dans beaucoup de cas, ces termes présentent des variantes ou des équivalents de traduction sans article. Ainsi, hormona del crecimiento équivaut à hormona (condotrópica + somatotrófica + somatotrópica) ou à somatotropina. Les termes cavidad de la faringe et cavidad de la laringe se traduisent respectivement par cavité pharyngienne et cavité du larynx (dictionnaires du LLI). Le paradigme en français comporte donc un terme avec l’article défini face à un terme de type NA. Dans de nombreux cas, nous trouvons le passage d’une structure N de EL N à NA : matriz de la uña (matrice unguéale), necrosis de la corteza renal (nécrose corticale rénale). Même quand la structure est conservée, l’article peut être présent en une langue et absent dans l’autre : tuberculoma de la médula espinal (CIE-9) = tuberculome de moelle épinière (CIM-10). L’observation des classes sémantiques des N qui prennent une forme du paradigme EL à l’intérieur d’un nom composé relève cependant certaines régularités. Notons, d’abord, que la plupart des N qui se combinent avec EL correspondent à des <parties du corps>12 : environ 80 %, dont causalgia del miembro inferior ; centro tendinoso del diafragma ; ampolla de la trompa uterina ; cara cutánea de los párpados… Pour la reste, nous trouvons : –
–
des N correspondant à des <substances> ou <éléments> (environ 13 %), très souvent introduits par des termes comme prueba, método, reacción : prueba del ácido clorhídrico ; método del fósforo ; método para el ácido úrico ; reacción del indofenol ; abuso del alcohol… des N correspondant à des humains (à peine 1 %), souvent introduits par des noms de – <maladies> : (calambre + espasmo) de los escritores, queratitis de los soldadores… – <parties du corps> : pulmón de los (granjeros + manipuladores de malta + descortezadores de arce + criadores de pájaros)… – : psiquiatría del (niño + adolescente)
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–
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des N prédicatifs (environ 6 %), introduits par des termes comme trastorno, terapia, teoría, ley : trastorno del aprendizaje ; trastorno reactivo del apego ; terapia del sueño ; ley del dolor referido.
Dans la mesure où aussi bien le dictionnaire de la langue générale DELAS espagnol que le dictionnaire espagnol Webling sont dotés d’étiquettes sémantiques, il est possible de reconnaître automatiquement, par exemple, des structures N1 de EL N2 où N2 =: <partie du corps> ou bien des structures où N1 =: prueba et N2 =: <substance>. Ces suites auraient plus de chances de constituer des termes que la reste de séquences N1 de EL N2. Les termes comportant UN sont trop peu nombreux pour en extraire des généralisations valables. Notons, cependant, que le fait qu’on trouve un nombre limité de suites comportant UN n’implique pas que leur statut de termes soit mis en cause. Il ne s’agit pas des cas qui seraient intermédiaires entre un terme et un syntagme libre, car ils présentent des variantes et des équivalents de traduction tout à fait réguliers. Ainsi, par exemple, espasmo de un esfínter se traduit par achalasie (Elsevier’s) (achalasia en anglais) et conjonctivite due à un adénovirus (CIM-10) par conjuntivitis adenoviral (CIE9), adenoviral conjunctivitis en anglais. Nous nous sommes centré sur les noms composés, mais la présence de déterminants à l’intérieur de structures figées concerne aussi bien les adjectifs, verbes et adverbes composés. 3.2. Les déterminants figés Nous entendons par déterminant figé un déterminant polylexical figé par rapport au N qu’il accompagne. À différence des déterminants simples, complexes et composés13 qui sont inventoriés une fois pour toutes indépendamment du domaine, la liste des déterminants figés doit être complétée au fur et à mesure que l’on établit d’inventaires de nouveaux termes car justement les déterminants figés le sont par rapport à des unités lexicales précises. Ils peuvent correspondre soit à des déterminants nominaux figés, soit à des structures Dét_Modif figées. Ainsi, l’élaboration d’un dictionnaire de médecine exige de tenir compte de déterminants nominaux figés comme : un ataque de gota, una crisis de epilepsia, un episodio de hipoglucemia, un brote de (peste + cólera), un principio de neumonía, un cuadro de (artritis + enteritis hemorrágica afebril), una cepa de meningococo. Ces unités devront être recensées comme entrées du dictionnaire et leurs possibilités combinatoires spécifiées soit dans l’entrée correspondant au déterminant (si leur combinatoire peut être clairement représentée en termes d’indications distributionnelles), soit dans les différentes
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entrées correspondant aux noms qui se combinent avec ces déterminants (si la combinatoire de ceux-ci se revèle hautement idiosyncratique). Soulignons, par ailleurs, que certaines unités sont spécifiques à un ensemble très réduit de bases, e.g. en français quinte ne se combine qu’avec toux : accès de (fièvre + folie + toux) vs quinte de (*fièvre + *folie + toux). Parallèlement, pour tos, l’espagnol peut avoir recours à des déterminants nominaux à large spect re (ataque + acceso + episodio) de tos, ou bien au plus spécifique golpe de tos. Quant aux combinaisons Dét – Modif figées, nous aurions des cas comme un dolor (agónico + atroz + agudo) ; una herida (grave + profunda) et un certain nombre de suites de caractère familier comme una (fiebre + gripe) de caballo, (una inyección + un remedio + una cura + una dosis) de caballo ; unas purgaciones de garabatillo ; una salud de hierro. Ces suites ont le plus souvent une valeur intensive, mais on peut en trouver aussi avec une valeur minorative, laudative ou péjorative. On doit les recenser dans un champ du dictionnaire réservé spécifiquement aux moyens d’expression de ces valeurs.
4. Déterminants et arguments élémentaires L’ensemble des déterminants acceptés par un nom dans une position argumentale donnée ne peut pas être étudiée dans le seul cadre du syntagme nominal. Le cadre minimal d’analyse est la phrase simple. De ce fait, les classes d’objets s’avèrent très adéquates à l’étude de la détermination du moment où elles constituent des ensembles des substantifs qui présentent un comportement syntactico-sémantique homogène et sont couplés à leurs opérateurs appropriés14 . Dans le cas des classes d’arguments élémentaires, il est relativement facile de représenter des contraintes sur les déterminants à partir de grammaires locales constituées par les classes d’objets et d’un ensemble de déterminants sous forme de graphes. Étant donnée une typologie des déterminants qui distingue les classes suivantes pour l’espagnol (cf. Tableau 3) (Blanco & Buvet 1999)15 : Catégorie de déterminant Le déterminant zéro Les définis Les génériques Les indéfinis Les quantifieurs Les intensifs Les comparatifs Tableau 3
Abréviation E, E-Modif Ddef Dgen Dind Dcuant Dint Dcomp
Exemples EL, EL-Modif, ESTE, POS EL, UN UN, UN-Modif varios, tres, una docena de… mucho, un montón de… más… que…, tantos… como…
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il faut tenir compte des variables suivantes pour assigner une catégorie de déterminants à un objet donné : – sa classe et sa sous-classe d’objets ; – la position argumentale qu’il occupe (N0, N1, N2…) ; – le prédicat qui le sélectionne. Ces variables sont disponibles dans la description d’une classe d’objets. Prenons un échantillon de deux classes d’inanimés concrets comme et <sustancias medicamentosas>. Quelques prédicats appropriés généraux de 16 seraient : dirigir/N0:/N1: estabilidad/N0: manejo/N0:cirujanos/N1: mantener/N0:/N1: … Différentes sous-classes seraient moyennant des opérateurs appropriés : –
pour
–
ensuite
distinguées
cortante> :
bisturí,
et
caractérisées
escarificador,
corte/N0:/N1:/N2:Prép incisión/N0:/N1:/N2:Prép penetración/N0: seccionar/N0:/N1:/N2:Prép …
pour : pinzas, angiotribo, litolabo, pinzas aligator… : – – –
presa/N0:/N1:Prép rotar/N0:/N1: …
Pour <sustancias medicamentosas>, on aurait comme prédicats de type général :
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administrar/N0:<médicos>/N1:<s. medicamentosas>/N2:a <pacientes> contraindicación/N0:<s. medicamentosas> de uso externo/N0:<s. medicamentosas> eliminación/N0:<pacientes>/N1:<s. medicamentosas> incompatibilidad/N0:<s. medicamentosas> posología/N0:<s. medicamentosas> recetar/N0:<médicos>/N1:<s. medicamentosas>/N2:a <pacientes> … À partir d’une telle description, les contraintes sur les déterminants sont représentables moyennant des automates à états finis qui regroupent les entrées présentant une même combinatoire pour ce qui est des déterminants. Ainsi, les noms d’ en position de N1 pour des prédicats comme manejo, utilización, mantener, dirigir, asir, rotar admettraient les déterminants EL et UN génériques (e.g. el manejo (del + de un) bisturí resulta importante en toda operación), les indéfinis (mantener y dirigir un bisturí mal equilibrado resulta difícil), certains quantifieurs (les cardinaux, les adjectivaux et la classe des déterminants nominaux de noms de nombre : la utilización de tres bisturíes durante la operación ; la utilización de distintos bisturíes durante la operación ; la utilización de una docena de bisturíes durante la operación) et, le cas échéant, les comparatifs (esta técnica exige la utilización de más bisturíes que la técnica precedente). Ni le déterminant zéro ni les intensifs sont admis : *el manejo de bisturí ; *el manejo de mucho bisturí. L’emploi des définis dépendra de facteurs extraphrastiques : el instrumentista le pasó un bisturí eléctrico al cirujano. El cirujano asió el bisturí con su mano derecha. Pour les <sustancias medicamentosas>, le déterminant zéro est possible (el médico le administró penicilina a su paciente), ainsi que EL générique (las contraindicaciones de la penicilina), les intensifs (recetar mucha penicilina) et les comparatifs (este médico receta más penicilina que sus colegas). Les indéfinis ne sont pas admis *recetar una penicilina et les quantifieurs semblent limités à certaines sous -classes de déterminants nominaux comme les unités de volume (diez mililitros de cortisona), masse (un gramo de etanol), certains contenants (una cucharada de ipecacuana ; una inyección de alfaprodina), certaines formes (una tableta de aspirina) et quelques noms appropriés comme dosis, toma. Les cardinaux et les adjectivaux sont exclus (*recetar tres penicilinas ; *recitar otra penicilina )17 . Chaque classe d’objets présente des particularités qui lui sont propres. Ainsi, les , comme líquido sinovial, líquido cefalorraquídeo seront proches des <sustancias medicamentosas> par leur condition de noms non comptables, mais n’auront pas du tout les mêmes opérateurs appropriés ni
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accepteront les mêmes déterminants nominaux (?una cucharada de líquido sinovial). Des classes comme le , qui sont à cheval entre une classe d’objets et une classe de prédicats18 , présenteraient encore des déterminants spécifiques : (un equipo + una promoción) de cardiólogos.
5. Déterminants et noms prédicatifs Les noms prédicatifs apparaissent dans le dictionnaire WEBLING au même titre que les arguments élémentaires. Or, nous avons vu que le format du dictionnaire, tel que nous l’avons décrit en 1, ne comporte pas tous les champs suffisants pour décrire les termes prédicatifs, car on a besoin également d’une description de l’environnement syntaxique (N0, N1, N2…). Autrement dit, il faut implémenter dans le dictionnaire l’ensemble de la description liée à une classe d’objets et non seulement l’étiquette qui permet de marquer les objets comme appartenant à une classe donnée. Ainsi, l’on aurait par exemple : administración/N0:/N1:<s. medicamentosas>/N2:<pacientes> apendicectomía/N0:/N1:<pacientes> asma/N0:hum posología/N0:<s. medicamentosas> Ces termes seraient, à leur tour, inclus dans des classes de prédicats, comme ou <patologías>, où leur syntaxe seraient décrite. Pour la classe des <patologías>, on aurait des prédicats généraux comme : contagiar/N0:<pacientes>/N1:<patologías>/N2:a Nhum diagnosticar/N0:<médicos>/N1:<patologías>/N2:a <pacientes> tratar/N0:<médicos>/N1:<pacientes>/N2:de <patologías> Dans ces positions, le traitement des noms prédicatifs ne diffère guère de celui des arguments élémentaires. Or, pour les premiers, il faut tenir compte aussi des posititons prédicatives. À telle fin, il est nécessaire d’indiquer les verbes support standard et non standard. Ainsi, nous aurons comme verbes supports standard de <patologías> : (tener + sufrir de + padecer + presentar19 ). Comme inchoatifs contraer, caer enfermo de ou pillar (ce dernier de niveau familier), comme duratifs convalecer ou pasar et comme terminatifs restablecerse de, sanar de, curarse de ou recuperarse de. La combinatoire avec un verbe support déterminé est intimement liée à la détermination du nom prédicatif et peut être employée comme critère
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linguistique pour la partition en sous-classes d’une classe de prédicats donnée (G. Gross 1996). Dans les cas des <patologías>, nous observons la situation suivante : (1) a. b. c. d. e. f.
Juan tiene (asma + diabetes + anorexia + reuma + …) *Juan tiene (el + un) (asma + reuma + …) Juan tiene (el cólera + la peste + el sarampión + la varicela + …) *Juan tiene (E + un) (cólera + sarampión + …) Juan tiene (una peritonitis + un resfriado + un enfisema pulmonar + …) *Juan tiene (E + el) (resfriado + enfisema pulmonar + …)
Les déterminants E, EL et UN semblent dessiner trois sous-classes de <patologías> qui peuvent être associées par ailleurs à d’autres propriétés linguistiques (Blanco & Bonell 1998)20 . Ainsi, par exemple, les <patologías> qui présentent le déterminant zéro donnent lieu facilement à un nom de malade par dérivation (asmático, diabético, anoréxico, reumático…). Elles prennent des déterminants nominaux de type ponctuel comme una crisis de asma, un ataque de ansiedad, un episodio de (esquizofrenia + hipoglucemia). Les <malformaciones> seraient proches de cette classe, mais avec le terminatif spécifique corregir : corregir (la miopía + la escoliosis + *la anorexia). Les <patologías> avec déterminant défini comprennent les <epidemias>, avec des verbes supports d’occurrence spécifiques : la peste (infesta + asola + azota + se extiende por) la región. Certaines maladies pédiatriques ont le support approprié pasar : Ana ha pasado (el sarampión + la rubeola + la varicela). Notons que le support inchoatif contraer semble utile pour séparer les <patologías infecciosas> des autres maladies : contraer (el cólera + el SIDA) vs *contraer (una peritonitis + asma). Une troisième sous-classe de <patologías> prennent le déterminant UN avec le support tener : Juan tiene (una peritonitis + un enfisema pulmonar). Elles ont souvent un locatif implicite (*Juan tiene una peritonitis en el estómago) et elles se combinent facilement avec le support dar quand elles ont un caractère ponctuel : a Juan le dio (un infarto + una lipotimia + *diabetes). Elles n’acceptent pas de déterminants nominaux ponctuels : *Juan ha sufrido un ataque de (trombosis + lipotimia) ni des prédicats adjectivaux appropriés comme latente ou recaída, qui impliquent un état. Par contre, elles se combinent aisément avec les cardinaux : Juan ha sufrido (dos + tres) (infartos + lipotimias). Insistons, cependant, sur le fait que, même s’il peut s’avérer utile de distinguer des sous-classes de noms de <patologías>, les contraintes sur les
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déterminants semblent, en général, très dépendantes des structures que l’on considère. Il faut donc les représenter de façon très liée à la grammaire locale d’une classe de noms. Ainsi, par exemple, la structure Nhum con Dét N<patologías> favorise de façon très claire le déterminant E (e.g. niños con síndrome de Down). On trouve quelques hésitations (niños con Síndrome de Angelman vs niños con el Síndrome de Angelman ; una persona con enfermedad de Huntington vs personas con la enfermedad de Huntington) et des cas de déterminant anaphorique (tener otro hijo con este síndrome) ou d’interprétation sortale (“une sorte de”) (adultos con una fobia social), mais il existe, finalement, très peu de contre-exemples21 .
Conclusions Nous pouvons distinguer quatre points d’insertion d’information sur les déterminants au sein d’un dictionnaire électronique : – –
–
–
les déterminants à l’intérieur des expressions figées sont présentés dans la propre forme lemmatisée ; les déterminants figés : – les déterminants nominaux figés sont traités comme lemmes avec indication de leur combinatoire; – les suites Dét – Modif figées sont indiquées, toujours par rapport à leurs bases, dans un champ particulier du dictionnaire, qui recensera surtout des intensifs, des minoratifs, des laudatifs et des péjoratifs ; les déterminants s’appliquant à des arguments élémentaires sont introduits dans le cadre des grammaires locales représentant les différentes classes d’objets ; les déterminants s’appliquant sur des noms prédicatifs sont traités dans le cadre des classes de prédicats. Force est de constater, cependant, que leur description pose de problèmes importants qui sont loin d’être résolus à l’heure actuelle.
Nous avançons l’hypothèse que le fait de prévoir une information le plus détaillée que possible sur les déterminants à l’intérieur des dictionnaires électroniques devrait permettre d’améliorer sensiblement les performances des systèmes de traduction automatique. En effet, la détermination faisant partie de l’actualisation de la phrase22 , il n’est pas possible, à proprement parler, de “traduire” les déterminants. Leur génération en langue cible doit être prise en charge par les dictionnaires et grammaires locales de cette langue, à partir d’une représentation formelle de leur valeur en langue source produite par le
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module d’analyse (Blanco & Buvet 1999). Il est donc indispensable que la description linguistique qui est à la base de la traduction automatique soit en mesure, d’une part, de traiter la détermination standard par rapport à un schéma d’arguments donné et, d’autre part, de véhiculer, d’une langue à l’autre, les informations aspectuelles et quantitatives attachées aux déterminants qui seraient pertinentes pour reformuler le message de L1 en L2.
RÉFERENCES Auteurs Blanco, Xavier. 1998. Les dictionnaires électroniques de l’espagnol (DELASs et DELACs). 17ème Colloque Lexiques et Grammaires Comparés. Guernesey 4-7 octobre 1998. Blanco, Xavier. 1999. Lexicographie bilingue français-espagnol et classes d’objets. Bellaterra : Servei de Publicacions de l’Universitat Autònoma de Barcelona. Blanco, Xavier ; Pierre-André Buvet & Zoé Gavriilidou. 1999. Déterminants et modifieurs figés. Étude comparée grec moderne, français et espagnol. Proceedings of the 20th Annual Meeting of the Department of Linguistics. Aristotle University of Thessaloniki. Blanco, Xavier & Carmen Bonell. 1998. Vers une structuration syntacticosémantique de la terminologie médicale. Applications à la traduction espagnol-français. Cahiers de Grammaire 23. Toulouse. Blanco, Xavier & Pierre-André Buvet. 1999. À propos de la traduction automatique des déterminants de l’espagnol et du français. Meta 44 : 4. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. Buvet, Pierre-André. 1998. Détermination et classes d’objets. Langages 131. Paris : Larousse. Buvet, Pierre-André. 1994. Déterminants : les noms. Lingvisticæ Investigationes XVIII : 1. Amsterdam : John Benjamins B.V. Charaudeau, Patrick. 1992. Grammaire du sens et de l’expression. Paris : Hachette. Garrigues, Mylène. 1992 Dictionnaires hiérarchiques du français. Principes et méthode d’extraction. Langue française 96. Paris : Larousse. Gross, Gaston. 1992. Forme d’un dictionnaire électronique. L’environnement traductionnel. La station de travail du traducteur de l’an 2000. A. Clas ; H. Safar. Montréal & Sillery : Presses de l’Université du Québec ; Aupelf-Uref. Gross, Gaston. 1996. Prédicats nominaux et compatibilité aspectuelle. Langages 121. Paris : Larousse.
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SUMMARY In this paper we will try to investigate how to introduce information about determiners in a multilingual electronic dictionary of medical terms. After a brief presentation of the format and applications of that dictionary, we will study the determination in medical language insisting mainly on three points: the determination into frozen expressions, the determination of elementary arguments and the determination of predicative nouns.
NOTES 1
Je remercie Pierre-André Buvet et Zoé Gavriilidou de leurs observations. Ces codes permettent la flexion et la lemmatisation automatique de toute forme espagnole à partir d’une collection de transducteurs à états finis. 2
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Nous proposerons le concept de classe d’objets comme cadre d’analyse de certains déterminants (cf. infra). 4 Sur les indications de domaine et sous-domaine et leur application aux dictionnaires électroniques cf. (Mathieu-Colas et al. 1998). Notre description permet l’indication de jusqu’à trois sous-domaines pour chaque lemme (e.g. varicela/D1:dermatología/D2:enfermedades infecciosas/D3:pediatría). 5 Il s’agit d’une indication utile pour hiérarchiser les lemmes d’un dictionnaire en couches de plausibilité d’occurrence des différents termes. Cela permet de ne retenir qu’une des couches pour certains études ou applications. Nous ne développerons pas ici ce concept. Nous renvoyons à (Garrigues 1992). 6 Nous nous servons des codes communément employés dans les travaux du lexiquegrammaire pour représenter les sous-classes de noms, adjectifs, verbes et adverbes composés. 7 Bien que l’essentiel d’une terminologie soit formé par des noms, nous pensons que les termes non nominaux (essentiellement, verbes, adverbes et adjectifs) ont également une grande importance dans la constitution d’une terminologie. Nous les traitons dans le cadre des grammaires locales représentant les classes d’objets, cf. infra. 8 Dont 2 436 correspondent à la contraction del et 19 à al. 9 Plus de 600 avec plusieurs occurrences du déterminant EL : estenosis adquirida del conducto del oído externo, músculo transverso del pavellón de la oreja, vaina del tendón del músculo flexor radial del carpo. 10 On pourrait encore ajouter à l’inventaire d’éléments déterminatifs prés ents à l’intérieur de noms composés une occurrence de l’intensif muy (lipoproteínas de muy baja densidad), une quinzaine d’occurrences du quantifieur múltiples (síndrome de múltiples operaciones, trastorno por consumo de múltiples sustancias) et une trentaine d’occurrences de la particule négative no (atrofia no flácida del tímpano, trastorno no orgánico del sueño, epilepsia no convulsiva). 11 Nous excluons d’emblée les formes qui ne comportent pas de position admettant un déterminant : NA (32,77 %), (NA)A (9,86 %), ((NA)A)A (1,04 %), NN (1,53 %). Sur la représentation morphologique des noms composés, cf. (Mathieu-Colas 1996). 12 Dans le cadre d’un dictionnaire qui couvre l’anatomie, la notion de partie du corps exigera sans doute des sous-divisions ultérieures. Pour l’instant, nous adoptons un concept large de <partie du corps>, qui englobe des noms d’os, de muscle, d’organes, de parties d’organes… 13 Sur ces concepts, cf. (Blanco ; Buvet & Gavriilidou 1999). 14 Sur le concept de classe d’objet cf. (Le Pesant & Mathieu-Colas 1998), sur l’exploitation de ce concept pour l’étude de la détermination, cf. (Buvet 1998). 15 Il faudrait faire deux observations importantes par rapport à cette typologie. Premièrement, la catégorie des déterminants définis ne peut pas être mise au même pied que les autres, car elle exige souvent un cadre d’analyse transphrastique. Des travaux sur l’application des classes d’objets à l’étude des relations transphrastiques ont été faites par (Le Pesant 1996). Deuxièmement, la catégorie des quantifieurs doit être sous-divisée en plusieurs souscatégories, dont les déterminants cardinaux, les déterminants adjectivaux et les déterminants nominaux. À l’intérieur de ces sous-catégories, des distinctions ultérieures doivent encore être réalisées, e.g. déterminants nominaux de masse (un miligramo de penicilina) vs déterminants nominaux de volume (un litro de sangre). Sur les sous-classes de déterminants nominaux, cf. (Buvet 1994). 16 Nous ne considérons que deux sous-classes correspondantes à , face à d’autres sous -classes regroupant les tubes, seringues, instrumental optique, etc. 17 Sauf dans l’interprétation correspondante à “une sorte de”.
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Comme beaucoup de classes d’humains, ces noms sont des prédicats — ser (médico + enfermero + anestesista) — , mais apparaissent le plus souvent en position d’argument : el médico (atendió + curó + visitó) a su paciente. 19 Mentionnons aussi un verbe support particulier dar, qui présente la particularité d’avoir le N<patologías> comme N0 et l’humain comme N1 : le dio un infarto ; si a un niño vacunado le da varicela, ésta sera muy leve. 20 Patrick Charaudeau avait fait remarquer une situation semblable pour le français où DU/UN/LE apparaîtraient en distribution complémentaire (avoir de l’asthme ; avoir un rhume ; avoir la varicelle). Il propose appeler les premières maladies chroniques (à crises répétitives), les deuxièmes maladies localisées et les troisièmes maladies conçues comme une substance (qui prendrait possession de la totalité du sujet malade) (Charaudeau 1992 : 185). 21 Sur un corpus de 20 Mb, plus de 1 200 structures con face à 80 structures con . 22 Nous ne tenons pas compte ici des déterminants génériques qui exigent la prise en compte de relations transphrastiques et/ou référentielles. 23 Nous mentionnons uniquement les sources dont nous avons tiré des exemples pour cet article.
LA DÉTERMINATION ET LA PRÉPOSITION DE LIEU À EN FRANÇAIS ANDRÉE BORILLO Université Toulouse-Le-Mirail
Introduction Généralement, la préposition à employée pour exprimer la localisation spatiale, n’est pas supposée exprimer un rapport topologique entre l’entité à localiser – que l’on désigne généralement par le terme ‘cible’ – et l’entité qui sert de repère de localisation – appelée ‘site’. Ceci, contrairement à sur, qui a pour fonction d’exprimer le contact avec un support1 , et contrairement aussi à dans, qui s’emploie pour exprimer l’inclusion topologique (inclusion totale ou inclusion partielle). Avec à, ce qui compte ce n’est pas tant qu’il y ait contact ou pas, inclusion ou pas, c’est que la proximité soit suffisante pour qu’on puisse rapporter la localisation de la cible à celle du site par une sorte d’identification, de coï ncidence spatiale. On dit de la préposition à qu’elle remplit une ‘fonction de localisation’ (Vandeloise 1988). (1) a. b. c.
Paul (cible) est à la cave (site) Paul est au jardin Paul est au grenier
Cependant, pour pouvoir utiliser à dans cette fonction de localisation, il faut que le site auquel il s’applique puisse être capable d’assurer le rôle de repère spatial. Pour cela, il doit remplir plusieurs conditions, notamment : – –
il faut que le terme représentant le site fasse référence à une entité catégorisée comme un lieu ; il faut que ce lieu soit suffisamment spécifié ou facilement identifiable dans son rôle de ‘localisateur’. Cette condition peut se matérialiser par l’emploi de l’article défini (cf. (1) ci-dessus).
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On peut voir que ces conditions ne sont pas requises pour dans ou sur, qu’il est naturel d’employer lorsque le site est représenté par un nom d’objet, et qui plus est lorsque celui-ci est précédé d’un article indéfini : (2) (3)
Met les fleurs dans un vase Il y avait des photos sur une table
Ce sont ces conditions d’emploi de à dans son rôle de préposition de lieu que nous nous proposons d’examiner dans le cadre de cette étude mais nous nous limiterons volontairement aux constructions de type existentiel en être ou il y a – [N0 est à N1], [il y a N0 à N1] – auxquelles viendrons s’adjoindre, occasionnellement, quelques verbes statifs de localisation tels que se trouver, rester ou des verbes d’état résultatif tels que être arrivé à, être parvenu à. Si nous avons fait ce choix, c’est que ces constructions, qui ne se soumettent pas aux conditions habituellement requises, font apparaître la fonction localisatrice de à sous un jour un peu particulier.
1. La préposition à dans sa fonction purement localisatrice 1.1. La préposition à avec des noms désignant des lieux Comme on l’a indiqué plus haut, à s’emploie avec des noms catégorisés comme des lieux, mais à condition que ce lieu soit susceptible d’être individualisé, et donc d’être identifié soit à partir du contexte de la situation d’énonciation, soit à partir d’un savoir partagé sur le monde réel. En effet, il est rare qu’on puisse utiliser à si le nom désignant le site est précédé d’un article indéfini : (4) a. b.
?Paul est à une gare ?Paul est à un café
Ce qui pourrait être amélioré si un ne signifiait pas “un quelconque” mais “un pris dans un ensemble donné” : (4) c.
Paul est à un café mais je ne sais pas lequel
De sorte qu’est jugée acceptable une phrase comme (5), dans laquelle un renvoie à une distribution sur un ensemble précis (“un des deux”) : (5)
Vous croyez être à un pôle, vous êtes à l’autre
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Généralement la meilleure manière de spécifier un lieu est de lui affecter un nom propre, qui pose l’existence du référent qu’il désigne – nom propre tout seul ou en accompagnement du nom désignant un lieu : (6) a. b.
Paul est à Paris Paul est au parking du Capitole
La spécification peut également passer par une description définie. En effet, la présence de l’article défini devant le nom-site est généralement l’indication que le locuteur et le destinataire sont à même de savoir de quel lieu on parle. Dans certains cas, le site peut être identifié parce qu’il est individualisé par le fait même de la situation d’énonciation. Autrement dit, le contexte d’énonciation et/ou le savoir partagé des locuteurs permet une identification possible du lieu évoqué. C’est ce qu’on appelle définition de ‘familiarité’ ou de ‘identifiabilité’ (Hawkins 1978). C’est le cas des exemples de (1) ci-dessus : (1) a. b. c.
Paul est à la cave Paul est au jardin Paul est au grenier
Grâce au contexte, on comprend qu’il s’agit de la cave, du jardin, du grenier faisant partie soit de la maison dans laquelle on se trouve, soit de celle dont on a parlé, soit de celle dans laquelle vit Paul, etc. Dans d’autres cas, le site constitue un lieu prototypique : (7) a. b. c.
Paul est à la mairie Paul est à la gare Paul est au stade
Dans une ville, on sait qu’il y a généralement une gare, une mairie, un stade, etc. Cette capacité d’identification fait partie d’un savoir général partagé, moins lié à un contexte particulier comme en (1). A ceci près cependant, qu’il faut préciser de quelle ville il s’agit pour pouvoir véritablement identifier le lieu en question. Et ce qui n’empêche pas, bien sûr, que ce savoir conventionnel puisse être précisé de manière explicite, si nécessaire : (8)
Paul est au stade, celui qui vient d’être rénové
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1.2. La préposition à avec les noms d’objets matériels La relation spatiale exprimée par à peut également prendre comme repère localisateur – i.e. comme site – un objet concret matériel (‘objet’ étant pris ici dans un sens très large), mais, dans ce cas, les conditions d’emploi sont encore plus réduites qu’avec un nom de lieu. Non seulement les noms d’objets peuvent difficilement accepter à lorsqu’ils sont précédés d’un article indéfini : (9) a. b. c.
*Paul est à un arbre *Paul est à un poteau *Paul est à un fauteuil
mais, contrairement aux noms de lieu, ils n’acceptent pas l’article défini, même quand ils désignent des objets ayant un caractère de fixité comme un arbre, un poteau, un rocher, etc. (10) a. b. c. d. e.
?Paul est à la chaise ?Le chat est au coussin ?Le vase est à l’étagère ?Paul est à l’arbre ?Paul est au rocher
L’article défini est mal accepté, même si l’on introduit la ressource d’un contexte d’énonciation ou d’un savoir partagé : (11)a. ?Comme tu peux le voir, le chat est au fauteuil b. ?Regarde ! le cheval est au buisson On note cependant quelques possibilités pour à de s’employer avec l’article défini devant des noms d’objets ou de parties d’objets. Par exemple, on peut admettre l’emploi du défini avec à si l’on a affaire à un itinéraire ou plus largement, à un parcours balisé par des objets et si l’on interprète être comme l’état résultatif d’un verbe de déplacement tel que arriver, parvenir, etc. (12) a. b.
Le cheval est (⇒est arrivé) au buisson Paul est (⇒est arrivé) au rocher
C’est sans doute la raison pour laquelle les exemples de (10) peuvent ne pas être considérés comme totalement inacceptables.
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Par ailleurs, on relève assez couramment dans les textes l’occurrence d’expressions telles que : (13) a. b. c. d.
La clé est au clou La pipe est au râtelier La clé est au tableau La veste est au porte-manteau
On pourrait, comme précédemment, voir là un emploi un peu particulier de [être à LE N], à interpréter comme la forme condensée de [être pendu à LE N], [être accroché à LE N], [être suspendu à LE N]. Mais dans ce cas, on peut comprendre qu’un lien pragmatique existe entre l’objet-cible et l’objet-site, le second étant considéré comme le lieu de rangement normal, habituel, du premier (ce qui donne à l’expression un sens proche de “l’objet est à sa place”). De sorte que si le site n’est pas identifiable de manière spécifique – si on ne sait pas de quel clou, de quel râtelier on parle – on peut toujours comprendre l’expression sur la base du savoir que l’on a acquis du lien conventionnel qui lie le site à la cible. D’autres emplois de à avec le défini sont possibles, eux aussi à mettre sur le compte du rapport un peu particulier qui lie cible et site. On sait qu’avec les noms désignant les parties du corps humain ou animal, l’emploi de l’article défini repose sur la propriété bien connue de possession inaliénable : Il incline la tête. Il pose les coudes sur la table. Il tend la main, etc. Cependant, si dans une construction, on affecte à ces noms le rôle de site, on fait assez rarement appel au verbe être ou à un verbe de localisation pour établir la prédication. On leur préfère généralement la tournure avec avoir ou d’autres verbes sémantiquement apparentés comme recevoir, porter, etc : (14) a. b. c.
Paul a des ampoules aux pieds Il a reçu une blessure au visage Il porte un oeillet à la boutonnière
mais il n’est quand même pas impossible de trouver des constructions où la mise en relation cible-site s’effectue par le biais du verbe être ou de il y a : (15) a. b.
Les blessures les plus graves sont au visage Il y a de vilaines blessures à la tête
De toute manière, nous laisserons de côté ces différents cas d’espèce pour nous en tenir à ce qui peut être considéré comme la règle générale : à, dans sa fonction de localisation, ne peut pas s’employer avec un nom d’objet, que
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celui-ci soit accompagné d’un article indéfini ou d’un article défini. À moins, bien sûr, que l’ajout d’un nom propre (16b) ou de certains types de modifieurs (17) ne vienne aider à la spécification de l’objet jouant le rôle de site, et en l’individualisant ne lui permette de fonctionner comme repère spatial : (16) a. b.
?Paul est au rocher Paul est au Rocher de l’Aigle
(17) a. b.
Paul est au fauteuil n°20 Il est à la dernière table, au fond
Nom propre et modifieur apportent à l’objet le trait de caractérisation qui le rend identifiable par rapport à d’autres éléments de la même espèce. Ainsi, il acquiert la possibilité de constituer un repère de localisation et de jouer le rôle de site. Ainsi, il devient en quelque sorte assimilable à un lieu. Remarque : distinction entre les noms de localisation interne (NLI) et les noms de composantes (Ncomp). Cette fonction de localisation de à qui, on vient de le voir, permet de faire la distinction entre les noms désignant des objets matériels et les noms désignant des lieux, peut également aider à distinguer deux types de partition que l’on fait généralement sur les objets, les ‘zones de localisation’ et les ‘composantes fonctionnelles’ (Borillo 1999). Pour ce qui concerne les composantes fonctionnelles, on peut voir que l’emploi de la préposition à est tout aussi problématique avec le nom qui désigne une partie de l’objet (Ncomp) qu’avec celui de l’objet pris dans sa totalité, e.g. dossier/chaise, branche/arbre, anse/tasse, etc. (18) a. b.
*La veste est à la chaise *La veste est au dossier de la chaise
(19) a. b.
*lI y a un oiseau à l’arbre *lI y a un oiseau à la branche de l’arbre
Il semble donc que les composantes d’objets n’aient rien de plus que les objets eux-mêmes qui puisse les faire fonctionner comme repères spatiaux, i.e. comme des sites. Tout comme pour les objets dont ils représentent des parties, il faut utiliser avec ces noms une préposition topologique (sur, dans), qui soit à même de préciser la position de la cible par rapport à la partie en question : (20) a. b.
La veste est sur le dossier de la chaise Il y a un oiseau sur la branche de l’arbre
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En revanche, pour les zones de localisation interne des objets, la situation est tout à fait différente, car les noms qui les désignent, (NLI), se construisent pratiquement tous, et de manière très naturelle, avec la préposition à. Et ceci, qu’il s’agisse de zones découpées sur des objets (21) ou sur des lieux (22) : (21) a. b. c.
La lampe est à l’angle du bureau Les papiers sont au fond du tiroir Le vase est au bord de l’étagère
(22) a. b.
La maison est au bord du lac Il y a de moutons au sommet de la colline
Avec un NLI, à a donc une fonction de localisation quelle que soit l’entité à laquelle ce nom se rapporte. Cela signifie qu’une zone de localisation prise sur un lieu ou sur un objet matériel se comporte toujours comme un lieu. Ce qui pourrait s’expliquer par le fait que sur un objet donné, les différentes zones que désignent les NLI occupent des positions fixes connues. Autrement dit, connaissant un objet, sa forme, sa configuration, on est capable de situer le sommet, le bas, les côtés, le bord.., c’est-à-dire les différents emplacements auxquels renvoient les NLI (Vandeloise 1988 : 134-35) (Aurnague 1998). Ceci constitue l’une des propriétés qui marque réellement la différence entre les NLI et les Ncomp en français.
2. Au-delà de la fonction localisatrice de à Si l’on s’en tient à ces constatations, il y aurait donc en français une règle qui voudrait que à spatial ne puisse s’employer qu’avec un nom de lieu précédé de l’article défini. Cette contrainte s’expliquerait par le fait que dans ce cas seulement, le site est susceptible d’un identification ou d’une individualisation suffisante pour pouvoir jouer le rôle de repère localisateur. Cependant, on constate que cette forme de complément avec à et l’article défini est très courante dans un certain nombre de cas pour lesquels on ne peut pas faire appel à cette notion d’identifiabilité : (23)
Paul n’est jamais chez lui. Chaque jour, il mange au restaurant et il passe ses soirées soit au cinéma, soit au café, quand ce n’est pas au théâtre...
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On pourrait être tenté de considérer ces expressions comme des locutions figées, mais elles sont vraiment très nombreuses en français et le verbe peut varier de manière assez sensible. Il est vrai que beaucoup d’entre elles se construisent sur le même modèle [être à LE N], qui de fait peut servir de modèle de base donnant la forme la plus représentative de ce type de localisation. Ce qui n’empêche pas certaines de ces expressions de fonctionner par ailleurs avec d’autres verbes liés sémantiquement à être : – – –
verbes causatifs : garder, mettre, se mettre ; verbes statifs : rester, passer son temps, se trouver ; verbes de déplacement : aller, passer, etc.
C’est ce modèle [être à LE N] que nous voudrions maintenant examiner plus attentivement, en particulier pour mettre en évidence le rôle conjoint de la préposition à et de l’article défini précédant le nom-site. Dans la construction [être à LE N], le rôle de site est généralement rempli par un nom de lieu : (24)
Être à la plage, à l’école, au couvent, à la maison, à l’hôpital, au bureau, etc.
Mais ce rôle peut également être tenu par un nom d’objet qui, de ce fait, devient un repère de localisation : (25)
Être à la fenêtre, au lit, au téléphone, au tableau, au volant, à la poubelle, au fourneau, au piano, etc.
On constate que dans de telles expressions, à n’exprime pas seulement une localisation spatiale. Ce qui est évoqué par la mention du lieu, c’est également – et même peut-être avant tout – l’activité ou l’état que l’on attend de voir normalement s’y réaliser : (26) a. b. c. d.
Être à la poubelle pour être évacué Être au téléphone pour entrer en communication avec quelqu’un Être à la fenêtre pour regarder au dehors Être au volant pour conduire (une voiture)
Pour caractériser ce type d’expression, Vandeloise utilise le terme de ‘routine’ ou de ‘rituel social’ : “a est à b, si a et b sont associés spatialement dans une routine sociale” (Vandeloise 1990 : 169). On pourrait également parler de ‘script sous-jacent’, ou en se plaçant dans une perspective de
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Structure de Qualia (Qualia Structure), à la suite de Pustejowsky, parler de ‘rôle télique’ (Telic Role). De même que l’on peut dire de certains objets, notamment des artefacts, qu’ils ont parmi leurs propriétés un trait qui correspond à une fonction, à un rôle télique (ex. pour un gâteau, [télique = manger], pour cigarette [télique = fumer], pour livre [télique = lire ]), de même, on peut dire de certains lieux qu’ils sont conventionnellement associés à une activité, à un état , à une manière d’agir, etc. Ainsi, nommer le lieu est une manière d’évoquer un type d’activité qui a l’habitude de s’y dérouler, une façon d’agir ou de se comporter que l’on a l’habitude de voir s’y développer.
3. La construction [être à LE N] et ses différentes interprétations Si l’on relève dans des productions écrites de genres divers – telles qu’on les trouve par exemple dans Frantext – les très nombreuses réalisations de la construction [être à LE N ] où N est un nom concret désignant un lieu ou un objet physique, on constate que, selon le cas, deux interprétations différentes peuvent être données : –
–
soit il faut l’interpréter comme un prédicat de sens spatial, dans lequel l’article défini donne à l’expression une valeur référentielle – nous parlerons alors de ‘sens spatial référentiel’ ; soit, au contraire, il faut l’interpréter comme un prédicat dans lequel l’article défini donne à l’expression une valeur générique dans laquelle la mention du lieu ou de l’objet suggère avant tout l’idée d’un état ou d’une activité. Nous parlerons alors de ‘sens fonctionnel’ ou ‘télique’.
Il est important de faire une distinction entre les deux types d’interprétation si l’on veut pouvoir les intégrer dans une analyse automatisée et les traiter comme il se doit : réserver à la première un sens uniquement de localisation spatiale, et donner à la seconde la valeur ajoutée de la fonction télique que le lieu induit de manière protypique, c’est-à-dire la prise en compte de l’activité, du comportement, de l’état qui lui est normalement associé. Sur quoi – sur quels types de critères – peut-on se fonder pour faire la différence ? Le relevé de très nombreux énoncés de type [être à LE N] a permis de mettre au jour quelques facteurs susceptibles d’orienter vers l’une ou l’autre des deux interprétations.
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3.1. Les expressions n’ayant normalement qu’une interprétation Il convient en effet d’isoler tout d’abord les expressions qui n’ont pratiquement que l’une des deux interprétations. On indiquera, à titre d’exemple, des constructions auxquelles on associe presque obligatoirement un sens télique, c’est-à-dire dans lesquelles le sens spatial est minimisé ou ne vient que d’une manière forcée compléter le premier. On peut mesurer ceci au fait que ces expressions ne répondent pas d’une manière très naturelle à la question en où ? : où est N ? (27)
Être au maillot, aux fers, à la porte, au berceau, à la rue, à l’affiche, etc.
Mais même dans ce cas, il n’est pas impossible que le sens spatial soit privilégié, et avec lui la valeur référentielle donnée au site, sous l’influence d’éléments du cotexte (temps du verbe, présence de certains adverbiaux, etc.) : (28)
Voilà une heure que nous sommes à la porte et que nous attendons
Cependant, il faut bien dire que certaines de ces expressions sont devenues de véritables locutions figées et n’ont plus qu’un sens télique, occultant totalement un sens spatial qui a pu exister mais qui n’est guère disponible aujourd’hui : (29)
Être au placard, au trou, au ciel, à la rue, au tapis, etc.
À l’inverse, on peut indiquer un certain nombre de constructions de type [être à LE N] qu’il est difficile d’interpréter autrement que dans un sens spatial faute de pouvoir leur attribuer un sens télique bien précis. Autrement dit, dans les énoncés dans lesquels on les trouve, le site est naturellement interprété comme un lieu spécifique, que le contexte rend identifiable. En général, on peut appliquer les questions de forme où ? ou à quel N ? et le nom-site peut être éventuellement modifié par une relative ou complété par une appositive démonstrative (celui/celle qui ...) : (30) (31) (32)
Être à la cave, au château, au camp d’aviation, au salon, à l’étang, à la frontière, à la barrière, à la rivière Depuis deux jours qu’ils étaient au château, les deux bandits se promenaient le soir... Les enfants étaient à la rivière, à deux pas de la maison
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3.2. Les expressions pouvant avoir deux interprétations De nombreuses expressions de type [être à LE N] ont tendance, selon l’énoncé auquel elles participent, à être prises soit dans un sens simplement spatial, qui donne au site une valeur référentielle, soit dans un sens télique qui enlève au contraire toute valeur référentielle au site. On peut citer des dizaines de telles expressions en français : (33)
Être au lit, à l’école, au café (et autres lieux publics tels que cinéma, restaurant, théâtre, hôtel, église, caserne, couvent, banque, etc...), au piano, au bureau, à la poubelle, au cimetière, à la tribune, au téléphone, au tableau, aux champs, etc.
On peut comparer les exemples (a) et (b) ci-dessous, respectivement interprétables dans un sens spatial et dans un sens télique : (34) a. b.
Tout le village était au cimetière, il n’y avait là que trois gamins Il y avait des années qu’il était au cimetière
(35) a.
Elle se déshabilla si vite qu’elle fut au lit avant que j’eusse ôté mon pardessus Est-ce que, lorsque tu étais au lit et qu’il te soignait, nous avons mis le nez dans ce que vous pouviez faire ?
b.
(36) a. b.
Les enfants étaient à l’école et le village, désert C’était le temps heureux où il était à l’école
Pour certaines expressions, la valeur télique se dégage clairement dans les cas où l’association spatiale avec le site concerne certains objets ou entités : (37) (38)
“Ma fille doit être à l’étable ou dans la cour” dit la fermière Les vaches sont à l’étable. On garda les bêtes à l’étable durant tout l’hiver
L’expression être à l’étable prend selon le cas, un sens référentiel (37) ou non référentiel (38). Dans (38), à l’étable n’est pas très loin du rôle que l’on fait jouer à à la maison pour des humains, au garage pour des véhicules, au port pour des bateaux. Chacun de ces noms représente le lieu attitré du type d’objet ou d’entité avec lequel il est couplé. On retrouve là le même lien pragmatique que dans les exemples donnés plus haut avec certains couples de noms d’objet (13) la clé est au clou, la pipe est au râtelier etc. Ici aussi, pour
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les noms de lieu, la fonction télique est privilégiée si le couplage est établi entre le site et certaines entités qui lui sont naturellement associées. (39) a. b. c.
Paul est à la maison Sa voiture est au garage Son argent est à la banque
Il n’est donc pas surprenant que la distinction entre le sens spatial et le sens télique d’une expression ne soit pas toujours facile à établir. D’autant que lorsque c’est le sens spatial qui ressort, il peut s’accomoder du sens télique que l’on attribue conventionnellement à l’expression. Les deux sens peuvent être exploités conjointement. Par exemple, dans l’exemple (40a) ci-dessous, du fait du cotexte, on interprète l’expression dans un sens spatial, en donnant à à la banque une valeur référentielle. Mais en même temps, du fait que l’expression (aller + s’arrêter + passer) à la banque signifie retirer de l’argent, cette interprétation peut être ajoutée à la première, si elle se révèle pertinente pour la situation concernée. Ce pourrait être le cas par exemple pour (40a) : (40) a.
Ce matin, en allant au travail, je me suis arrêté à la banque
En revanche, on pourrait ne pas donner de valeur référentielle à à la banque dans une phrase comme (40b) dans laquelle l’expression évoque surtout un sens télique (être placé) : (40) b.
Tout son argent est à la banque
Il ne fait pas de doute que pour un certain nombre d’expressions, c’est plutôt le sens télique qui prévaut, de sorte qu’il faut des éléments particuliers qui viennent souligner la réalité d’une situation – et donc attribuer une valeur référentielle au site – pour qu’on arrive à ne leur donner qu’un sens spatial. C’est le cas par exemple pour (41b) et (42b) ci-dessous : (41) a. b.
Phémie, qui n’ avait jamais été au restaurant , paraissait extasiée... Quand ils seront au restaurant, j’irai les rejoindre
(42) a. b.
La fille aînée est au piano et les autres chantent... Elle fut au piano avant moi et s’empara de la partition
Alors que (41a) et (42a) sont normalement compris dans leur sens télique, pour (41b) et (42b), la présence du verbe être interprétable comme un état résultatif, i.e. comme la localisation consécutive à un déplacement non exprimé
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(être signifiant être arrivé) force en quelque sorte la lecture d’un sens spatial. Cette lecture prévaut plus nettementencore avec d’autres constructions du type [quand P(passé simple)] ou avec [une fois à Nlieu] (Borillo 1995) : (43) (44)
Quand elle fut au piano, elle s’empara de la partition Une fois à la tribune, il tenta de trouver un siège pour s’installer confortablement
Conclusions On a pu constater qu’on privilégie le sens télique pour un très grand nombre – peut-être est-ce même pour la majorité – des constructions de type [être à LE N], dans lesquelles N renvoie à une entité matérielle ou un lieu. Il ne faut donc pas s’étonner que à puisse s’employer directement avec les noms abstraits qui représentent l’action ou le processus auquel un lieu ou un objet peut être protypiquement lié : (45)
Être au spectacle, au travail, au repos, au lavage, à la guerre, au mouillage, à la casse, au rebut, etc.
Il est d’ailleurs parfois facile d’établir une relation d’implicature entre les deux types d’expression : (46) a. b. c. d.
Être à l’église ⇒être à la messe Être au bureau ⇒être au travail Être à la poubelle ⇒être au rebut Être à la barre ⇒être à la conduite des affaires
(47)
Ma veste est à la teinturerie, au nettoyage
Mais du fait que la première expression contient un nom concret désignant un lieu ou un objet, elle peut toujours être à même d’exprimer un sens spatial, et donc de conserver un sens référentiel : (48)
Ma veste est à la teinturerie, celle qui est à côté de la pharmacie
Il serait intéressant d’examiner de plus près cette construction [être à LE Nabstrait], de mieux caractériser les propriétés des noms susceptibles d’y entrer et de faire une comparaison plus poussée entre ces expressions et celles
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que nous venons de présenter, à base de noms concrets – noms de lieu ou noms d’objets . Pour élargir cette étude, il faudrait également comparer la construction [être à LE N] avec une construction apparemment assez proche, [être en N], qui comporte elle aussi soit des noms concrets matériels, soit des noms abstraits : – –
N concrets : être à la vitrine, en vitrine. Être à la mer, en mer... N abstraits : être à la réparation, en réparation. Être à la guerre, en guerre...
Mais il n’est pas sûr que l’on puisse dégager des éléments de caractérisation qui donnent à chacune de ces constructions une véritable spécificité – car il y a peut-être des effets à mettre sur le compte d’un certain figement aussi bien dans l’une comme dans l’autre. Mais ceci demande à être étudié d’une manière plus approfondie...
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Vandeloise, Claude. 1988. “Les usages spatiaux statiques de la préposition à”. Cahiers de Lexicologie 53 : 2. 119-148. Vandeloise, Claude. 1990. “Les frontières entre les prépositions sur et à” Cahiers de Grammaire 15. 159-184.
SUMMARY Normally, in French, the spatial structure [ETRE à LE N], with PP [à Dét N] expressing a referential value, is restricted to location nouns. In this case, Dét must be definite or N be a proper noun: Paul est (à Paris + à la gare + au jardin). As a difference, nouns denoting material objects can hardly accept such a construction, although they are commonly used as spatial landmarks: Paul est (?au fauteuil + ? à l'arbre). However, this type of structure, [ETRE à LE N], this time with no referential meaning, can be found both with location nouns and objets nouns, without any difference between them: Paul est (à la maison + à l'école + à la fenêtre + au tableau + au piano). In this case, although à still expresses a spatial meaning, its role is mainly to suggest an activity linked to the place or the object mentionned (a ‘social routine’ in Vandeloise's terms). Our study will be centered on this latter construction and a comparison will be made with the first one, where the definite article gives the expression a referential value.
NOTES 1
La notion de ‘support’ s’applique au site qui offre de quelque manière que ce soit une résistance à la force de gravité à laquelle est soumise la cible : Le vase est sur la table. Le tableau est sur le mur.
LES DÉTERMINANTS INTENSIFS PIERRE-ANDRÉ BUVET Université de Franche-Comté
Introduction Le présent travail sur les déterminants dits intensifs est une des composantes d’un travail portant sur la description exhaustive de la détermination du français dans le cadre théorique du lexique-grammaire étendu à la sémantique (Buvet à paraître a). Il s’inscrit également dans le cadre du projet DétTAL1 qui concerne plusieurs partenaires européens et dont l’objectif principal est l’amélioration qualitative des systèmes de traduction, notamment en ce qui concerne les contraintes sur les déterminants. Dans un premier temps, nous présenterons les différentes propriétés linguistiques à partir desquelles la catégorie des déterminants intensifs a été fondée, puis nous proposerons une représentation métalinguistique de ce type de détermination et, enfin, nous discuterons de l’intérêt d’une telle formalisation pour un système de traduction. Ces trois points nous permettront de mettre en avant dans notre conclusion la dimension lexicale de la détermination.
1. Caractéristiques des déterminants intensifs Le cadre théorique de notre analyse des déterminants est celui du lexiquegrammaire étendu à la sémantique dont l’un des postulats fondamentaux porte sur la nature de la phrase élémentaire : les relations entre ses principaux constituants sont considérées en termes d’opérateur (ou prédicat) et d’argument ; cf. Buvet (à paraître a), Gross M. (1981) et Le Pesant & MathieuColas (1998). Ainsi, une phrase comme : (1)
Luc aime Ida
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PIERRE-ANDRÉ BUVET
sera schématisée comme suit : P(1) → aimer ( Luc0 , Ida1 ) Autrement dit, le verbe aimer est assimilé à un opérateur dont les arguments sont Luc et Ida, leur indice respectif (0 et 1) renvoyant à leur position structurale dans la phrase canonique considérée. Remarquons, d’une part, que cette représentation de la phrase diffère fondamentalement de celle qui consiste à l’assimiler à un thème et un rhème inspirée de la logique aristotélicienne et, d’autre part, que les arguments ne sont pas posés comme indépendants les uns des autres ; cf. Harris (1976). Une des conséquences majeures de la bipartition de la phrase simple en termes d’opérateur et d’arguments a trait aux substantifs, puisqu’ils peuvent se répartir dans l’une ou l’autre de ces catégories ; cf. Gross G. & Vivès (1986) et Gross G. (1989). Nous avons fait l’hypothèse que l’analyse de la détermination diffère selon que l’on a affaire à des noms élémentaires (i.e. des noms qui sont des arguments quelles que soient les phrases où ils apparaissent) ou bien des noms prédicatifs (i.e. des noms que l’on considère comme les pivots des constructions à support). Cette distinction relative à la détermination nous a permis de distinguer, pour les seuls noms prédicatifs, celle qui est standard de celle qui ne l’est pas ; cf. Buvet (1999a, 1999b, à paraître a) et infra. Les déterminants intensifs relèvent de la détermination non standard de certains substantifs prédicatifs. Comme leur nom l’indique, les déterminants intensifs2 ont pour caractéristique essentielle de marquer des substantifs (de nature prédicative uniquement) en termes d’intensité3 . C’est le cas d’un des emplois du déterminant adverbial4 beaucoup de. Considérons les exemples suivants : (2) (3) (4) (5)
Luc avait beaucoup de bouquins Luc avait beaucoup d’or Luc avait beaucoup d’idées Luc avait beaucoup d’espoir
Dans ces quatre phrases, trois types d’oppositions, qui ne se recoupent pas, caractérisent les substantifs à droite du verbe avoir : – comptable vs massif : (2) et (4), d’une part, (3) et (5), d’autre part ; – élémentaire vs prédicat : (2) et (3), d’une part, (4) et (5), d’autre part ; – quantifiable vs non-quantifiable : (2), (3) et (4), d’une part, (5), d’autre part.
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Les caractères comptables et quantifiables ne sont pas similaires puisqu’au regard de la question combien ? qui est l’un des critères permettant de délimiter la catégorie des noms quantifiables et des quantifieurs qui s’y rapportent, des substantifs non comptables, i.e. massifs, peuvent être quantifiés, e.g. or dans (3) : (3’)
Combien d’or Luc avait-t-il ? Beaucoup
Outre (3), l’adverbial beaucoup de peut également s’interpréter comme un quantifieur dans (2) et (4) puisqu’il est possible de formuler la question combien ? à partir de ces phrases : (2’) (4’)
Combien de bouquins Luc avait-il? Beaucoup Combien d’idées Luc avait-il? Beaucoup
En revanche, cette question n’est pas compatible avec (5) : (5)
*Combien d’espoir Luc avait-il ?Beaucoup
À l’instar de espoir dans (5), il existe différents substantifs prédicatifs non comptables qui ne sont pas quantifiables et pour lesquels il n’est donc pas possible d’interpréter beaucoup de comme un déterminant quantifieur ; les noms ressortissant à cette description sont dits généralement d’état5 . La valeur de l’adverbial pour de tels prédicats est assimilable à l’intensité forte, i.e. un moyen de “marquer que la qualité observée dans un objet ou un être y existe à un degré éminent” (Brunot 1922 : 692). Nous appelons donc déterminants intensifs tout élément déterminatif qui permet de caractériser un nom prédicatif en termes soit de haut degré comme beaucoup de relativement à espoir soit de faible degré comme un peu de vis-àvis du même nom dans : (6)
Luc avait un peu d’espoir
Ce type de détermination recouvre différentes formes. Remarquons que certaines sont compatibles avec des noms prédicatifs comptables et quantifiables, e.g. des noms d’événement comme pluie dans : (7)
Il y aura de (faibles + fortes) pluies sur toute la France
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Les modifieurs faibles et fortes associés au prédéterminant de6 constituent ici deux occurrences de détermination complexe dont les valeurs respectives sont l’intensité forte et l’intensité faible relativement à pluies. Les tableaux ci-dessous (cf. Tableaux 1-3), qui s’emboîtent les uns dans les autres en formant une arborescence, présentent, selon nous, les différents types formels de la détermination du français7 : Déterminants déterminants simples déterminants complexes Tableau 1
Déterminants complexes combinatoires libres d’éléments déterminatifs déterminants composés Tableau 2
Luc a acheté cette voiture Luc a acheté une voiture cf. Tableau 2
Luc a acheté toutes ces voitures Luc a acheté une voiture rouge cf. Tableau 3
Déterminants composés déterminants composés non figées
Luc a acheté beaucoup de voitures Luc a acheté une demi-douzaine de voitures Luc a une malchance incroyable déterminants composés figées Luc a acheté un paquet de voitures Luc a acheté une tonne de voitures Luc a une chance de cocu Tableau 3
Les différents déterminants intensifs se répartissent dans tous les nœuds terminaux de cette arborescence. Les seuls représentants de ce type de détermination parmi les (pré)déterminants simples sont des adverbes déterminatifs comme très dans : (8) Luc a très faim 8 En ce qui concerne les déterminants complexes, les intensifs peuvent correspondre à : –
des (pré)déterminants composés non figés du type adverbial comme beaucoup de dans (5) ou énormément de dans :
LES DÉTERMINANTS INTENSIFS
(9) –
Luc a une (*E + forte) fièvre
des (pré)déterminants composés figés du type nominal9 comme une tonne de dans : (11)
–
Luc a énormément de chance
des déterminants composés non figés dont l’un des constituants est un modifieur libre obligatoire comme une forte dans : (10)
–
105
Luc a une tonne de travail en retard
des déterminants composés figés dont l’un des constituants est un modifieur figé obligatoire comme une_de cheval dans : (12)
Luc a une fièvre (*E + de cheval)
En ce qui concerne les combinatoires libres d’éléments déterminatifs, les déterminants intensifs rattachés à cette catégorie sont constitués d’un modifieur facultatif, e.g. fort ou méchant dans : (13)
Luc a un (E + fort + méchant) rhume
Remarquons que dans (13) les caractères respectivement libre ou figé des modifieurs énorme et méchant n’influent pas sur le caractère libre de la construction déterminative dans la mesure où l’un comme l’autre sont facultatifs. D’une manière générale, les modifieurs figés sont distingués des déterminants figés. Les premiers ne sont figés que du point de vue de leurs relations avec les substantifs qui les admettent dans la mesure où celles-ci contreviennent aux interprétations qui caractérisent généralement les noms et leurs modifieurs libres. Les seconds sont en premier lieu des déterminants composés10 , i.e. des constructions déterminatives faisant intervenir au minimum un prédéterminant et dont l’agencement des différents constituants est relativement stable ; leur caractère figé est imputable également à l’impossibilité d’analyser leur relation avec les têtes nominales11 . Indépendamment de leur caractère libre ou obligatoire, les différents modifieurs figés à valeur intensive du français peuvent être assimilés à : –
des adjectifs épithètes simples ou composés :
106
PIERRE-ANDRÉ BUVET
(14) –
des compléments de nom : (15)
–
Luc avait (une peur bleue + un alibi en béton)
Luc a une patience d’ange12
des infinitives : (16)
Ce texte est d’une drôlerie (*E + à se rouler par terre)
Plusieurs de ces modifieurs échappent à cette classification, notamment des noms qui peuvent apparaître directement à droite de certains substantifs : (17)
Luc avait une peur panique de l’eau
Jusqu’à présent, nous avons relevé environ 1000 formes simples ou complexes qu’il est possible d’interpréter comme des déterminants intensifs relativement à certains noms. Du point de vue leur interprétation, nous considérons que ces différentes formes ressortissent uniquement à l’une des deux valeurs suivantes : –
l’intensité forte : (18)
–
Luc a un (gros appétit + appétit d’ogre)
l’intensité faible : (19)
Ida a un (petit appétit + appétit d’oiseau)
Nous poursuivons cette discussion sur les déterminants intensifs en faisant état de la possibilité de les décrire d’une manière uniforme dans les représentations des phrases où ils apparaissent.
2. Représentation métalinguistique de la détermination intensive Nous avons mentionné ci-dessus deux types de déterminations, dites respectivement standard et non standard, pour les seuls noms prédicatifs. Si l’une comme l’autre ont trait aux contraintes sur les déterminants afférentes aux noms prédicatifs (notamment dans le cadre de constructions à support), la première se distingue de la seconde par le caractère non marqué des
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déterminants qui lui sont rattachés. Ainsi, parmi les différents déterminants compatibles avec le substantif importance dans une construction en avoir : (20) a. b.
Ida a (beaucoup de+ de la + énormément de + un peu de + une certaine + une faible + une grande) importance Luc a une importance (capitale + démesurée + énorme + fondamentale + relative…) pour Luc
seuls les prédéterminants de la et une certaine sont considérés comme standard car leur présence devant le substantif est sans conséquence pour celuici d’un point de vue sémantique. Les autres déterminants sont dits non standard du fait que leur association avec le substantif permet ici de le caractériser en termes d’intensité forte (beaucoup de, énormément de, une grande, une_capitale, une_démesurée, une_ énorme, une_ fondamentale, etc.) ou faible (un peu de, une faible, une_relative, etc.)13 . Jusqu’à présent, nous n’avons distingué que deux catégories sémantiques auxquels ressortiraient les déterminants non standard : l’intensité, d’une part, l’aspect, d’autre part. Pour ce qui est de la seconde, signalons qu’il s’agit souvent de déterminants que l’on interprète comme des quantifieurs et dont la valeur aspectuelle, le fréquentatif, résulte des particularités sémantiques des substantifs auxquels ils s’appliquent ; cf. (Buvet 1999b ; Buvet & Lim 1996)14 . La caractérisation intensive de substantifs prédicatifs n’est pas uniquement le fait de déterminants puisque des verbes supports ou des adverbes peuvent également y contribuer : (21) a. b. c.
Luc avait une énergie débordante Luc débordait d’énergie Luc avait véritablement de l’énergie
Ces trois phrases peuvent être considérées comme équivalentes dans la mesure où toutes les trois mentionnent un état (énergie) relativement à un individu (Luc) porté à un degré élevé. Du point de vue de leurs constituants, ce sont principalement les moyens lexico-syntaxiques mis en œuvre pour exprimer l’intensité forte qui les distinguent : une construction déterminative dans (21a), une variante de verbe support dans (21b) et un adverbe dans (21c). Mel’èuk 1992 considère que l’on a affaire à des collocations dans les deux premières phrases et proposerait d’en rendre compte à l’aide : –
de la fonction lexicale simple Magn dans (21a) : Magn(énergie) = rayonnant ;
108 –
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de la fonction lexicale complexe OperMagn(énergie) = déborder.
OperMagn
dans
(21b) :
Pour notre part, nous assimilons l’expression du haut ou faible degré à l’aide d’un opérateur de niveau supérieur dont l’argument unaire est l’une des phrases standard (i.e. non marquées du point vue de l’intensité) à partir de laquelle les phrases non standard ont été construites. Une telle analyse permet d’unifier les représentations de (21a), (21b) et (21c). Nous avons proposé une représentation métalinguistique (RM) des phrases canoniques qui tient compte des spécificités respectives de l’actualisation du prédicat et de celle des arguments ; cf. Blanco & Buvet (1999). Dans de telles RM, les verbes supports et les déterminants standard d’un prédicat nominal ne sont pas pris en compte étant donné qu’ils ne sont pas porteurs de sens 15 . Ainsi, la phrase : (21) d.
Luc avait (de la + une certaine) énergie
qui est considérée comme standard par rapport à (21a), (21b) et (21c), donne lieu à la RM suivante : P(21) → énergi- (Luc0 ) Une telle schématisation tient compte également de la possibilité pour le prédicat d’avoir une forme adjectivale : (21) e.
Luc est énergique
Lorsque les phrases associées à (21d) ou (21e) sont marquées intensivement, i.e. (21a), (21b), (21c) ou encore : (21) f.
Luc est (très + vraiment) énergique
nous proposons la RM suivante : P(21abcd) → INT+ (énergi- (Luc0 )) Le symbole INT+ correspond ici à l’opérateur d’intensité forte dont l’unique variable est instanciée par la RM de (21e) ou (21f). Nous souhaitons montrer maintenant l’intérêt d’une telle formalisation pour la traduction automatique.
3. Traduction automatique français-espagnol L’architecture du système de traduction que nous sommes en train de construire comporte trois composantes :
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109
– un module de reconnaissance dont l’élément central est un dispositif qui produit une RM à partir d’une phrase canonique de la langue source ; – un module de transfert chargé de transposer la RM relative à la langue source en RM relative à la langue cible ; – un module de génération dont l’élément central est également un dispositif analogue à celui du module de génération si ce n’est qu’il doit spécifier une phrase canonique en langue cible à partir d’une RM relative à cette langue. Nous indiquons ci-dessous (Tableau 4 et Tableau 5) comment le système peut traduire en espagnol des phrases canoniques du français comportant des déterminants intensifs : Analyse Transfert Génération Tableau 4
Luc avait très peur = INT+ (peur(Luc)) INT+ (peur(Luc)) = INT+ (miedo(Luc)) INT+ (miedo(Luc)) = Luc tiene mucho miedo
Analyse Transfert Génération Tableau 5
Luc avait une peur bleue = INT+ (peur(Luc)) INT+ (peur(Luc)) = INT+ (miedo(Luc)) INT+ (miedo(Luc)) = Luc tiene un miedo cerval
Le module de transfert fait appel ici à des dictionnaires monolingues coordonnés. Cela implique notamment que chaque dictionnaire décrivant une langue donnée est doté d’un champ qui présente des équivalents de traduction possibles du lemme et à partir duquel il est possible d’accéder aux dictionnaires de la langue mise en correspondance. Le module de transfert fonctionne donc comme un pointeur qui utilise les dictionnaires électroniques de L1 pour identifier les données lexicales majeures apparaissant dans la RM de la phrase canonique en L1 et, via le champ traduction, donner leur équivalent dans la RM correspondante en L2 de telle sorte que le module de génération puisse utiliser les diverses informations rattachées aux unités lexicales majeures de la RM en L2, afin que le dispositif qu’il comporte puisse aboutir à une phrase canonique en L2, qui sera donc la traduction de la phrase de départ16 . Les autres constituants phrastiques que le prédicat et ses arguments (i.e. les actualisateurs) n’apparaissent donc pas en tant que tels dans les RM ; ils sont soit occultés dans la mesure où leur présence est jugée consubstantielle à celle du prédicat (comme c’est le cas pour les verbes supports et les déterminants standard) soit codés spécifiquement de telle sorte que le système de traduction ne tienne compte de leur caractère plus ou moins idiosyncrasique comme c’est
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le cas notamment pour les déterminants intensifs. La formalisation que nous proposons pour ce type de détermination permet, d’une part, d’éviter les contraintes sensibles au contexte et spécifique à chaque langue 17 et, d’autre part, de simplifier la mise en regard de L1 et L2. Ainsi, les équivalents espagnols donnés par le système pour les déterminants intensifs une_bleue ou très du nom prédicatif peur (mucho ou un_cerval) sont indépendant de leur forme de départ puisqu’ils ne figurent pas en tant que tels dans les RM des phrases les contenant ; ils ne réapparaissent qu’au niveau du module de génération où sont spécifiés les différents marqueurs intensifs du nom prédicatif miedo.
Conclusions L’encodage des différents déterminants intensifs en L1 ou L2 d’un nom prédicatif donné et leur représentation métalinguistique s’effectue dans des transducteurs élaborés à partir de grammair es locales spécifiques, des classes d’objets18 . Par exemple, la prise en compte de la détermination intensive du nom peur par le système de traduction résulte, entre autres, de la reconnaissance de ce substantif, et de l’un de ces déterminants par l’intermédiaire d’un automate à états finis qui correspond à la grammaire locale des noms de <sentiment> ; cf. (Blanco & Buvet 1999) et (Buvet à paraître b). Une approche lexicale de la détermination est donc sous-jacente à sa prise en charge dans le système de traduction. Autrement dit, nous postulons qu’audelà des propriétés générales des déterminants 19 , il convient de décrire leurs différentes contraintes relatives aux substantifs dont ils dépendent, notamment s’il s’agit de noms prédicatifs. Une telle approche suppose que la phrase soit le cadre d’analyse minimum de la détermination et nécessite des descriptions syntactico-sémantiques complètes des prédicats nominaux (entre autres prédicats) ainsi qu’un recensement exhaustif de leur détermination standard et non standard. Un tel travail est en cours d’élaboration pour l'espagnol, le français, le grec dans le cadre du projet DétTAL et sera bientôt entrepris pour plusieurs autres langues européennes. Signalons également que l’implémentation du formalisme adopté a déjà été expérimenté avec succès et, par conséquent, que le système de traduction que nous souhaitons mettre en place serait effectivement fonctionnel.
LES DÉTERMINANTS INTENSIFS
111
RÉFÉRENCES Blanco, Xavier & Pierre-André Buvet. 1999. “La traduction automatique des déterminants de l'espagnol et du français”. Méta 44-4. Blanco, Xavier & Pierre-André Buvet, Zoé Gavriilidou. 1999. “Étude comparée de modifieurs figées”. Proceedings of the 2Oth annual meeting of the department of linguistics Faculty of Philosophy. Aristotle University of Thessaloniki. Brunot, Fernand. 1922. La pensée et la langue. Paris : Masson Buvet, Pierre-André. 1993. Les déterminants nominaux quantifieurs, Thèse de Doctorat, Université Paris XIII. Buvet, Pierre-André. 1994. “Déterminants : les noms”, Lingvisticæ Investigationes XVIII:1. Buvet, Pierre-André. 1996. “Les compléments de nom intensifs”, Neophilologica 12. Buvet, Pierre-André. 1999a. “Détermination et génération automatique”. Actes du colloque GAT 99. Université Stendhal Grenoble III. Buvet, Pierre-André. 1999b. “Vers une modélisation des quantifieurs dans les phrases simples”. Actes du colloque VEXTAL. Université International de Venise. Buvet, Pierre-André. à paraître a. Remarques sur la détermination du français. Buvet, Pierre-André. à paraître b. “Représentations métalinguistiques de phrases a partir de transducteurs”. Buvet, Pierre-André & Peter Greenfield. à paraître. “Analyse et génération de phrases simples en Prolog”. Buvet, Pierre-André & Gaston Gross. 1995. “Comparaison et expression du haut degré dans le groupe nominal”. Faits de langues 5. PUF. Buvet, Pierre-André & Jung-Hae Lim. 1996. “Les déterminants nominaux aspectuels”. Linguisticae Investigationes XX : 2. Corblin, Francis. 1987. Indéfini défini et démonstratif. Genève : Droz. Corblin, Francis. 1995. Les formes de reprise dans le discours. Anaphores et chaîne de référence. Presses Universitaires de Rennes. Danlos, Laurence. 1994. “Coder des informations monolingues sur les noms pour éviter des règles bilingues sensibles au contexte”. Langages 116. Paris : Larousse. Flaux, Nelly. à paraître. “Le classement des noms de quantité : quelques remarques”. Gross, Gaston. 1992. “Format d'un dictionnaire électronique”. Actes du Colloque La station du traducteur de l'an 2000. Mons. Gross, Gaston. 1994. “Classes d’objets et description des verbes”. Langages 115. Paris : Larousse.
112
PIERRE-ANDRÉ BUVET
Gross, Gaston. 1995a. “Pour une typologie de la détermination nominale”. in Tendances récentes en linguistique française et générale. Volume dédié à David Gaatone, Lingvisticæ Investigationes Supplementa, XX. Amsterdam : John Benjamins B. V. Gross, Gaston 1995b. “Une sémantique nouvelle pour la traduction automatique. Les classes d’objets”. La tribune des industries de la langue et de l’information électronique 17-18-19. Gross, Gaston 1996a. Les expressions figés en français. Ophrys. Gross, Gaston 1996b. “Prédicats nominaux et compatibilités aspectuelles”, Langages 121. Paris : Larousse. Gross, Gaston. 1989. Les constructions converses du français. Droz. Gross, Gaston & Robert Vivès 1986. “Les constructions nominales et l'élaboration d'un lexique-grammaire”, Langue française 69. Gross, Maurice. 1981. “Les bases empiriques de la notion de prédicat sémantique”. Langages 63. Paris : Larousse. Gross, Maurice. 1986. Grammaire transformationnelle du français : syntaxe du nom. Paris : ASTRIIL. Gross, Maurice. 1995. “Une grammaire locale de l'expression des sentiments”. Langue française 105. Harris, Zellig S. 1976. Notes du cours de syntaxe. Le Seuil. Kleiber, Georges. 1981a. Problèmes de référence. Descriptions définies et noms propres. Paris : Klincksieck. Kleiber, Georges. 1990. L’article LE générique. La généricité sur le mode massif, Genève-Paris : Droz. Le Pesant, Denis & Michel Mathieu-Colas. 1998. “Introduction aux classes d’objets”, Langages 131. Paris : Larousse. Mel’èuk, Igor. 1992. Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain Recherches lexico-sémantiques III. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. Silberztein, Max. 1993. Dictionnaires électroniques et analyse automatique de textes. Le système INTEX. Paris : Masson. Van de Velde, Danièle. 1995. Le spectre nominal Des noms de matières aux noms d’abstraction. . Louvain / Paris : Editions Peeters.
SUMMARY The intensity terms of high adjective, the predicate is a
is a peculiarity of certain predicates; it characterizes them in or low degree. When the predicate corresponds to a verb or an intensity is marked by adverbs. On the other hand, if the noun, determiners can also work as intensive markers. First, I
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113
explain the various types of extensive determiners, then I propose a formal representation of the intensity, independently from the shape of the predicates and that of their various markers.
NOTES 1
DétTAL = Détermination et Traitement Automatique des Langues. DINT dans notre classification sémantique des déterminants. 3 Van de Velde (1995 : 144) propose des noms déterminatifs comme niveau ou degré et comportant des modifieurs adjectivaux comme tel, remarquable, rare, élevé, haut, bas, supérieur, inférieur, exceptionnel, médiocre, moyen, etc. pour caractériser les substantifs qui sont compatibles avec des déterminants intensifs. 4 DADV dans notre classification morpho-syntaxique des déterminants. 5 Van de Velde (1995) distingue, en ce qui concerne les noms, les états des qualités ; les premiers seraient moins permanents que les secondes. 6 La forme de est ici de l’article indéfini pluriel des élidé du fait de l’antéposition des adjectifs. 7 Une description détaillée des différentes formes de la détermination est proposée dans Buvet (à paraître). 8 La possibilité de commutation avec des déterminants complexes une_terrible, une_de loup confirme l’interprétation déterminative de très dans (7) ; cf. Gross G. (1995a) pour une discussion sur ce point. 9 Cf. Buvet (1993, 1994, à paraître) et Flaux (à paraître). 10 Selon Gross G. (1996a) “les notions de composition et de figement ne sont pas synonymes”. La composition a trait à des configurations d’éléments suffisamment stables pour que des valeurs constantes leur soient globalement associées. Le figement résulte de l’impossibilité (totale ou partielle) de rendre compte des relations entre les différents constituants d’une structure donnée sur le plan syntaxique ou sémantique. 11 Une autre classe de phénomènes, distinctes de celles que nous venons de mentionner, a trait à l’interaction des notions de figement et de détermination : les déterminants dans les expressions figées, e.g. la dans Luc a pris la poudre d’escampette. Sur ces différents faits de langue; cf. Blanco, Buvet & Gavriilidou (1999), Buvet (à paraître a) et Gross G. (1 995a, 1996a) 12 Cf. Buvet (1996), Buvet & Gross G. (1995) à propos de ce type de modifieur. 13 Les définis ne sont pas pris en compte ici. 14 De ce fait, contrairement aux déterminants intensifs, les déterminants non standard qui caractérisent aspectuellement les noms auxquels ils se rapportent ne constituent pas une classe autonome. 15 Les informations de temps, de personnes et de nombres rattachées aux verbes supports sont négligées ici ; il va de soi qu’elles ne peuvent pas être éliminées des RM destinées à être implémentées dans un système de traduction. 16 Sur les potentialités et le fonctionnement des deux autres modules, cf. Buvet (1999a, à paraître b), Buvet & Greenfield (à para ître). 17 Cf. Danlos (1994). 18 Sur les notions de transducteur, de grammaire locale et de classe d’objets, cf. respectivement Silberztein (1993), Gross M. (1995) et Gross G. (1992, 1994, 1995b, 1996b). 19 Sur la description des propriétés générales des déterminants, cf. entre autres, Corblin (1987, 1995) Kleiber (1981, 1990) et Gross M. (1986). 2
GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS EN ALLEMAND SYLVIANE CARDEY Université de Franche-Comté
PETER GREENFIELD Université de Franche-Comté
Introduction Nous montrerons comment nous sommes parvenus par la recherche de l’algorithme optimal à créer un système permettant d’obtenir la bonne flexion de l’adjectif dans le groupe nominal. On trouve dans les différents manuels de grammaire que : –
l’adjectif précédé d’un adjectif numéral sans déterminant suit la déclinaison forte : (1)
–
Zwei weitere Tage
l’adjectif précédé d’un adjectif numéral précédé d’un déterminant prend la déclinaison faible, par exemple au génitif pluriel : (2)
Der vier (Adj -en) N
Aussi, à partir de ces données, on peut déduire à l’inverse que si l’adjectif a une déclinaison faible et qu’il est précédé d’un adjectif numéral alors il sera également précédé d’un déterminant. Ceci nous intéresse, entre autres, en correction automatique au cas où le déterminant serait oublié, la machine pourrait le signaler automatiquement. Nous avons eu à représenter des cas parfois très particuliers comme : –
si l’adjectif est précédé de folgend et que nous avons un singulier alors l’adjectif aura une déclinaison faible mais si le genre est pluriel alors la déclinaison est forte et encore plus complexe, si le cas est le génitif alors la déclinaison peut être soit forte soit faible.
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SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD
Notre système peut aussi dire quand il ne doit pas y avoir d’article c’est-àdire quand la place est vide.
1. La génération automatique de la flexion de l’adjectif qualificatif 1.1. Le corpus Un corpus a été constitué représentant tous les cas de la déclinaison de l’adjectif en allemand. Il est vrai qu’ici nous fonctionnons dans un système complexe mais clos. Nous en donnons, ci-dessous, un extrait qui montre la complexité du système (certains exemples peuvent paraître rares ou viellis) : exemple(25,’etwas warme Speise’). exemple(26,’sie möchte mehr rote Rosen’). exemple(45,’in welcher aufregenden Stunde...’). exemple(47,’welcher andere Text’). exemple(48,’welche reizende Frau’). exemple(50,’beider jungen Menschen’). exemple(51,’fern von aller spöttischen Überlegenheit’). exemple(56,’bei allem bösen Gewissen’). exemple(60,’die Spitzen einiger grossen Radnägel’). exemple(64,’die Filme einiger guter Filmemacher’). exemple(65,’die Filme einiger guten Filmemacher’). exemple(66,’einiger poetischer Geist’). exemple(67,’nach...einiger erfolgreicher Zurwehrsetzung’). exemple(68,’einiges milde Nachsehen’). exemple(69,’einiges geborgenes Mobiliar’). exemple(70,’bei einigem guten Willen’). exemple(71,’einigen poetischen Geistes’). exemple(72,’einiges poetischen Geistes (rarement)’). exemple(73,’etliche schöne Bücher’). exemple(74,’die Taten etlicher guter Menschen’). exemple(75,’die Taten etlicher guten Menschen’). exemple(76,’etliche schöne getriebene Becher’). Ce corpus qui compte 148 exemples présente les 148 possibilités de déclinaison.
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1.2. Les conditions et opérateurs Comme nous n’allions pas réinventer la roue, nous avons consulté un certain nombre de manuels de grammaire linguistique ou non et nous avons obtenu des données, des règles plus ou moins en vrac. Un extrait des conditions est donné ci-après. /* c(Condition_Name,Condition). */ : c(1110,`L’ADJECTIF EST PRECEDE DES MOTS SUIVANTS SANS ARTICLE einzeln, gewiss, zahlreich, verschieden, übrige, derartig, letztere, obig, selbig, sonstig, etwaig, ähnlich, besagt, sogenannt, gedacht, ungezählt, unzählbar, unzählig, zahlos, zahlreich, weiter(e) ). c(1170,`LE CAS EST : -LE DATIF MASCULIN ou NEUTRE OU -LE GENITIF PLURIEL`). c(1231,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ADJECTIF NUMERAL`). c(1232,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : de ETWAS ou de MEHR`). c(1233,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un PRONOM PERSONNEL`). c(1234,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un PRONOM DEMONSTRATIF OU RELATIF`). c(1235,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un MOT INVARIABLE`). c(1236,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ADJECTIF INDEFINI`). c(1237,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ARTICLE ou d’un DETERMINANT SE DECLINANT SUR LE MODELE DE L’ARTICLE`). c(1238,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’AUCUN DETERMINANT`). c(1300,`L’ADJECTIF NUMERAL EST PRECEDE D’UN ARTICLE OU D’UN DETERMINANT SE DECLINANT SUR LE MODELE DE L’ARTICLE`). c(1450,`LE CAS EST : -LE DATIF SINGULIER MASCULIN, FEMININ ou NEUTRE ou -LE NOMINATIF PLURIEL`). c(1550,`LE CAS EST LE DATIF SINGULIER`). c(1700,`L’ADJECTIF INDEFINI EST DECLINE`). c(1741,`all`). c(1742,`ander`). c(1743,`einig`). c(1744,`etlich ou etwelch`). c(1745,`folgend`). c(1746,`irgendwelch`).
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c(1747,`manch`). c(1748,`mehrere`). c(1749,`sämtlich`). c(1750,`solch`). c(1751,`viel`). c(1752,`wenig`). c(1753,`UN AUTRE ADJECTIF INDEFINI QUE all, ander, einig, etlich ou etwelch, folgend, irgendwelch, manch, mehrere, sämtlich, solch, viel, wenig`). Nous avions donc une liste de données ordonnées en ensembles de conditions et sous-conditions, ces dernières pouvant à leur tour être première condition de conditions dépendantes d’elles. Ce qui nous donnait une organisation du type donné ci-dessous : L’adjectif est précédé de un adjectif indéfini qui est décliné cet adjectif est all Avec cette liste de conditions, nous avions une liste d’opérateurs du type : /* o(Operator_Name,Operation). */ o(180,`L’ADJECTIF RESTE TEL QUEL MAIS IL PEUT SE DECLINER`). o(500,`LE -C DISPARAIT LORS DE LA DECLINAISON`). o(800,`L’ADJECTIF RESTE TEL QUEL`). o(850,`LE -E PRECEDENT LA FLEXION DISPARAIT`). o(950,`LE -E PRECEDENT LA FLEXION PEUT ETRE ENLEVE`). o(1090,`LE -E PRECEDENT LA FLEXION ou LE -E DE LA FLEXION PEUT ETRE ENLEVE`). o(1490,`AJOUTEZ -EN ou AJOUTEZ LA DESINENCE DE L’ARTICLE DEFINI`). o(1850,`AJOUTEZ -EN OU -E A L’ADJECTIF`). o(1940,`LA DESINENCE -EN SERA EMPLOYEE PLUS FREQUEMMENT QUE -EM`). o(2040,`AJOUTEZ -ER A L’ADJECTIF`). o(2100,`AJOUTEZ -E ou -ES A L’ADJECTIF`). o(2160,`AJOUTEZ -EN A L’ADJECTIF`).
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o(2230,`AJOUTEZ -EN ou -ER A L’ADJECTIF`). o(3120,`AJOUTEZ -E`). o(3145,`L’ADJECTIF PREND LA DESINENCE DEFINI`)
DE
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L’ARTICLE
Les opérateurs pouvaient parfois être eux-mêmes des conditions qui envoyaient à d’autres opérateurs comme par exemple les différents types de déclinaisons dites faible, forte ou mixte à leur tour organisées en conditions et opérateurs en fonction du système des cas. Si l’on prend dans un extrait de l’algorithme général ci-dessous, la condition c(1235), on peut voir qu’elle envoie à l’opérateur algorithmique a(3310) qui donne soit l’opérateur final par défaut o(2160) soit l’opérateur o(3145) si la condition c(3311) est retenue. 1.3. L’algorithme Ces données, conditions et opérateurs, ont été organisées de façon algorithmique, ce qui n’a pas été forcément simple. Nous avons pour cela utilisé notre théorie SyGuLAC (Cardey, 1987), (S. Cardey, 2000) que l’on retrouve dans nombre des travaux du centre Tesnière : Studygram (Greenfield, 1993), Labelgram (El Harouchy, 1996), TACT (Hong, 1997), (Al Shafi, 1996) et Multicodict (Greenfield, 1999) pour les plus importants. Nous donnons un extrait de l’algorithme ci-dessous. root_algorithm(a(10)). a(10, [ : l(c(1231), a(3310), [ l(c(1300), o(2160), [ l(c(3210), o(3120),) ]) ]), l(c(1232), o(3145), [ l(c(3310), o(2160),) ]), l(c(1233), a(3310), [ l(c(1450), o(1490),)
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]), l(c(1235), a(3310),), l(c(1236), a(3310), [ l(c(1700), a(3210), [ l(c(1741), a(3210), [ l(c(1810), o(1850),) ]), l(c(1742), a(3310), [l(c(1900), o(1940),) ]), : ]). a(3310, [ l(c(3310), o(2160),), l(c(3311), o(3145)) ]). 1.4. Exemple Le système a été implémenté (voir extrait ci-dessous) et donnait ainsi la marque de la flexion à ajouter à l’adjectif placé dans un certain contexte, autrement dit soumis, à certaines contraintes, c représentant les conditions, o les opérateurs et a les différents algorithmes : l(c(1236),`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ADJECTIF INDEFINI` a(3310), [ l(c(1700),`L’ADJECTIF INDEFINI EST DECLINE` a(3210), [ l(c(1741),`all`). a(3210), [ l(c(1810),`LE CAS EST LE NOMINATIF PLURIEL` o(1850),) ]), l(c(1742),`ander`).
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a(3310), [l(c(1900),`LE CAS EST :LE DATIF SINGULIER MASCULIN ou NEUTRE` o(1940),) ]), l(c(1743),`einig`). a(3310), [ l(c(1960),`einig- EST EMPLOYE AU SINGULIER` a(3210), [ l(c(2000),`LE CAS EST : -LE NOMINATIF MASCULIN ou -LE GENITIF ou DATIF FEMININ` o(2040),]), l(c(2060),`LE CAS EST : LE NOMINATIF ou L’ACCUSATIF NEUTRE` o(2100),), l(c(2120),`LE CAS EST : LE DATIF MASCULIN ou NEUTRE` o(2160),) ]), l(c(2190),`LE PLURIEL`
CAS
EST
:
LE
GENITIF
o(2230),) ]), À partir de cet extrait, prenons un exemple : si l’adjectif est précédé d’un adjectif indéfini, que l’adjectif indéfini est décliné que cet adjectif indéfini est einig que einig est employé au singulier que le cas n’est ni le nominatif masculin, ni le génitif ou datif féminin, ni le nominatif ou
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accusatif neutre, ni encore le datif masculin ou neutre alors l’opérateur est a(3210) et il envoie à l’algorithme du même nom qui nous indique que si le cas est le nominatif masculin, féminin ou neutre ou l’accusatif féminin ou neutre alors on ajoute -e soit opérateur o(3120) sinon on ajoute -en soit opérateur o(2160) Pour conclure cette première partie, on notera que l’algorithme de départ donne 148 chemins possibles qui conduisent aux différentes flexions, un chemin traitant un ensemble qui peut comprendre de 1 à un très grand nombre d’adjectifs. Par exemple hoch appartient à un singleton car il a la particularité de perdre le c quand il est décliné, par contre si l’on prend une ‘règle’ plus générale c’est-à-dire qui s’applique à un grand nombre d’adjectifs alors l’ensemble contient beaucoup plus d’éléments.
2. La génération automatique des déterminants A partir de ce système qui traite de la déclinaison de l’adjectif en allemand et puisque nous savons que la déclinaison se répartit sur les déterminants, les adjectifs et les noms et que tout ceci forme un tout, nous avons voulu essayer de voir s’il ne serait pas possible de générer automatiquement les déterminants qui sont susceptibles d’apparaître dans ces groupes qui vont être soumis à une même déclinaison et plus spécialement prendre telle flexion particulière sur l’adjectif. 2.1. Essai par lecture inversée de notre algorithme principal Au lieu de partir de ce que nous avons appelé condition en vue de trouver une marque de flexion, nous avons fait le chemin inverse. Partant d’un opérateur, nous avons demandé à notre système de nous donner, par exemple, tous les chemins remontant à la racine. Quelques chemins sont donnés ci-après :
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[o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(700),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(1110),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1232),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1743),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1744),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1745),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1748),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1751),c(1700),c(1236),a(10)] [o(3120),c(3080),c(3040),c(3000),c(1237),a(10)] [o(3120),c(3210),a(3210),c(1700),c(1236),a(10)] Partant de l’opérateur o(3120), on pouvait remonter à a(10) en passant par c(3080), c(3040), c(3000), c(1237) ou encore en passant par c et a(3210), c(1700), c(1236). (cf. 1.3 et 1.4). 2.2. Défaut du système de départ Si nous voulions interroger le système pour trouver une autre information que celle concernant la flexion de l’adjectif, soit dans notre cas “quel(s) déterminant(s) est(sont) susceptible(s) d’apparaître selon telles contraintes ?”, il manquait des informations. Nous avions alors le choix entre donner une autre représentation des données que celle qui avait été faite dans un but précis, c’est-à-dire trouver les désinences de l’adjectif, ou bien nous pouvions créer un nouvel algorithme qui permettrait de générer les déterminants. 2.3. Système final Afin que ce système soit réutilisable peut-être à d’autres fins, nous avons préféré reconsidérer notre premier système et lui ajouter des informations qui peuvent paraître redondantes à première vue mais qui dans la réalité sont indispensables si l’on veut un système multitâche. Par exemple, lorsque nous avions des solutions proposées par l’algorithme pour (voir extrait précédent) l’emploi de all, einig, etc., il était impossible de récupérer la règle générale, nous ne pouvions pas, en lecture inverse, utiliser le cas par défaut, il fallait écrire la donnée (ce cas par défaut) entièrement en notant dans cette même donnée ses exceptions, ce qui pouvait s’écrire de façon grossière : –
un autre adjectif que all et einig conduit à tel opérateur dans un contexte donné.
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De plus il fallait respecter un certain ordre pour la lecture de cette condition qui ne pouvait apparaître qu’avant les cas particuliers all et einig ; cette condition ne pouvant alors plus être utilisée par la suite pour résoudre un autre problème. On voit sur le dernier chemin ci-dessous que, pour avoir les données complètes qui vont permettre de trouver les déterminants susceptibles d’apparaître avec la flexion indiquée par l’opérateur o(3120), une condition c(1753) a dû être ajoutée qui n’était pas dans la représentation de départ qui la traitait par défaut et qui de ce fait n’avait pas besoin d’être explicitement mentionnée. [o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(700),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(1110),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1232),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1743),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1744),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1745),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1748),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1751),c(1700),c(1236),a(10)] [o(3120),c(3080),c(3040),c(3000),c(1237),a(10)] [o(3120),c(3210),a(3210),c(1753),c(1700),c(1236),a(10)]
3. Généralisation Cette même base aujourd’hui nous permet de demander à partir de chaque opérateur les contraintes sur le cas ou les contraintes sur le nombre entre autres. Pour l’opérateur o(2230), nous savons que einig, etlich, etwelch, filgend, mehrere, viel peuvent précéder l’adjectif mais on sait aussi que le cas est le génitif pluriel par la condition c(2600). [o(2230),c(2600),c(17..),c(1700),c(1236),a(10)] `einig` `etlich ou etwelch` `folgend` `mehrere` `viel` Pour terminer, nous donnons une représentation symbolique des transformations que nous avons opérées pour parvenir à la génération des déterminants entre autres.
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Procedural Representation ↔ Declarative Representation A, B, C : P ENTITY, B ⊂ A , C ⊂ B c(Condition_Name,Condition). */ c(1, entity ∈ A). c(2, entity ∈ B). c(3, entity ∈ C).
/*o(Op_Name,Operation) */ o(1, operation_1). o(2, operation_2). o(3, operation_3).
Procedural form with defaults (conditions with implicit inclusions) SyGuLAC Representation a(1, [ l(c(1), o(1), [ l(c(2), o(2), [ l(c(3), o(3), []) ]) ]) ]).
Conventional Representation a1 : if c(1) then if c(2) then if c(3) then RETURN o(3) else RETURN o(2) fi else RETURN o(1) fi fi
Declarative form with disjoint conditions /* c(Condition_Name,Condition). */ c(1e, entity ∈ A \ B). c(2e, entity ∈ B \ C). c(3e, entity ∈ C \ ∅). SyGuLAC Representation a(1e, l(c(1e), o(1),), l(c(2e), o(2),]), l(c(3e), o(3),)
]). Conventional Representation
a1e : seq if
c(1e)
then
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RETURN o(1) fi; if c(2e) then RETURN o(2) fi; if c(3e) then RETURN o(3) fi
qes
Conclusions Le problème posé par ce type de représentation est de ne rien oublier dans la description des données. Nous savons, nous êtres humains, que si en allemand un mot n’est pas pluriel il est alors singulier. Dans ce type de modélisation, il faut spécifier chaque fois ce genre d’information. Chaque condition générale doit aussi contenir toutes ses exceptions, ce qui fait que ces dernières vont apparaître au moins deux fois car elles sont forcément aussi à soustraire de la règle générale. Par essence, le processus décrit est la transformation d’un algorithme en un modèle auquel on accède de la même façon qu’à une base de données. Il n’y a pour finir plus ni conditions, ni opérateurs, définis à l’avance, chacun pouvant devenir l’un ou l’autre en fonction des besoins de l’utilisateur, en fonction de la question posée. Il faut insister, pour terminer, qu’à partir du modèle complet on peut générer tous les algorithmes particuliers voulus, comme ici par exemple celui qui générera plus particulièrement les déterminants. De plus les lacunes d’un tel modèle sont aisément traçables.
RÉFÉRENCES Bilal, Al-Shafi. 1996. “Le traitement informatique des signes diacritiques, quelles ambiguï tés, quelles solutions”, BULAG 21. Université de FrancheComté. 9-28. Cardey, Sylviane. 1987. Traitement Algorithmique de la grammaire du français. Thèse d’état, Université de Besançon. Cardey, Sylviane & Greenfield, Peter. à paraître. “The SyGuLAC (Systematic Grammar using a Linguistic Algebra and Calculus) calculus applied to morphology”. (Ericeira, Portugal, 16-21 September 2000). El Harouchy, Zahra. 1996. “Vers un traitement automatique des ambiguï tés morphologiques”. BULAG 21. Université de Franche-Comté. 93-103. Greenfield, Peter & Cardey, Sylviane. 1993. “A Platform for Teaching the Morphology of Natural Languages Accessible by Different Languages”. Anais do X Simposio Brasileiro de Inteligência Artificiel. (13-15 octubre). 33-44.
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Greenfield, Peter et al. à paraître. “Conception de systèmes de dictionnaires de collocations multilingues, le projet MultiCoDiCT”. Actes du Colloque International Aupelf-Uref (Beyrouth, 11-13 novembre 1999). Hong, Mi-Seon. 1997. “Dictionnaire coréen-français pour la traduction automatique”, Actes du Colloque International FRACTAL, BULAG numéro spécial. (Besançon, 10-12 décembre 1997). 215-225.
SUMMARY The German nominal group should be marked with the inflexion appropriate to the function that it occupies. Starting from a system which has already been implemented and which allows one to find the correct inflexion of adjectives or substantivised adjectives in context, we have exploited this system in trying to generate or correct automatically pre-adjectival determinants occurring in nominal groups. The adjective’s inflexion depends not only on the case but also on the preceding determinant.
LA DÉTERMINATION DANS DES ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS EN FRANÇAIS ET EN ESPAGNOL DOLORS CATALÀ Université Autonome de Barcelone
MATÍAS MELLADO Université Autonome de Barcelone
Introduction Dans le cadre de la traduction automatique, la référence à la détermination constitue un thème à débattre. Nous avons été amenés à nous y intéresser, en nous basant sur les recherches de Maurice Gross (Gross M. 1985) pour le français. À cet effet, nous sommes partis de son approche monolingue pour réaliser une étude comparée, au niveau syntactico-sémantique, de l’usage des déterminants dans deux langues et, concrètement, en ce qui concerne les expressions figées. Qu’en est-il à ce niveau de l’emploi ou de l’absence de déterminants ? Observe-t-on dans les deux cas des régularités, des similitudes, des différences ? Pour aborder une étude descriptive, nous ferons, dans un premier temps, quelques considérations générales sur les notions de figement et de détermination, puis, en adoptant une démarche contrastive, nous analyserons les déterminants dans deux catégories d’expressions figées : les verbes et les adverbes composés. Pour ce faire, nous nous baserons sur les travaux de Gross (Gross M. 1986a) et des inventaires lexicaux que nous avons dressés dans le cadre de travaux antérieurs à cette recherche 1 .
1. Notion de figement Longtemps considérées comme des exceptions, les expressions figées, ignorées ou méconnues, constituent cependant un des points forts de la langue. Les études de Maurice Gross, suivies de celles de Gaston Gross, ont permis de mieux analyser ce phénomène syntaxico-sémantique. Ces expressions s’opposent aux constructions libres de ce double point de vue. Une construction libre débouche sur une interprétation littérale car elle tire son sens des éléments qui la composent, la modification de ces derniers ou l’inclusion
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DOLORS CATALÀ & MATÍAS MELLADO
d’autres termes facilitent ainsi l’actualisation de l’énoncé. Il est à remarquer en outre que les constructions libres ont la capacité de constituer des paradigmes synonymiques. Ces aspects fondamentaux séparent les expressions libres des expressions figées. D’un point de vue sémantique les expressions figées se caractérisent par l’opacité d’une interprétation non-compositionnelle, contrairement aux expressions libres il n’y a pas ici un encodage linéaire. Ces expressions forment un tout et c’est cet ensemble, dont le sens reste à préciser en fonction du contexte discursif, qui doit être pris en considération lors du décodage. Elles apparaissent à première vue comme des ensembles opaques et qui ne facilitent guère de clés d’accès au sens 2 . Faisant référence à cette opacité, G. Gross la présente comme un phénomène scalaire. Ainsi peut-elle être partielle, comme dans les expressions suivantes que nous arrivons à interpréter sans trop de difficulté: (1) a. b.
se creuser la cervelle andar con cien ojos
(2) a. b.
à bras ouverts a ojos vistas
Cependant, elle est totale dans les expressions ci-dessous qui forment un bloc et pour lesquelles le sens ne peut être reconstitué à partir des éléments qui les composent : (3) a. b.
(4) a. b.
finir en queue de poisson “se terminer brusquement” pelar la pava “draguer” [se jeter sur quelqu’un] à bras raccourcis “avec la plus grande violence” [quedarse] a dos velas “sans le sou”
D’un point de vue syntaxique, les expressions figées apparaissent comme un phénomène polylexical dans lequel “deux des termes sont indissociables, autrement dit figés l’un par rapport à l’autre” (Gross M. 1993 : 40). G. Gross ajoute que les mots qui composent la séquence doivent avoir par ailleurs une existence autonome et que, d’autre part, les structures d’une phrase figée ne peuvent faire l’objet d’aucune modification. Il commente à ce sujet :
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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“il faut souligner avec insistance que l’opacité sémantique et les restrictions syntaxiques vont de pair” (Gross G. 1996 :12). Pour définir si une suite est figée, nous avons appliqué les critères syntaxiques définis dans (Mejri 1996) : (5) a. b. c. d. e. f. g.
Marie effeuille la marguerite passivation : *La marguerite est effeuillée par Marie. pronominalisation : *Marie l’a effeuillée. détachement : *La marguerite, Marie l’a effeuillée. extraction : *C’est la marguerite que Marie a effeuillée. relativation : *La marguerite que Marie a effeuillée. interrogation : * Qu’est-ce que Marie effeuille?
De plus, et ce, quelle que soit la catégorie concernée, un autre critère à prendre en considération est la difficulté, voire l’impossibilité d’actualiser les éléments lexicaux qui constituent l’expression, ainsi dans les séquences figées l’insertion d’éléments nouveaux est vraiment très réduite : (6) a. b. c. d. e.
crier sur les toits crier sur tous les toits *crier sur le toit *crier sur nos toits *crier sur les grands toits
Par ailleurs, nous avons pu constater qu’en général, comme le précise G. Gross, les éléments qui composent la chaîne d’une expression figée ne peuvent faire l’objet d’un paradigme, dans le meilleur des cas, comme le souligne Anscombre (Anscombre 1991), sont-ils l’objet d’une faible productivité. À ce sujet, d’après notre corpus, il nous est apparu que ce phénomène était moins fréquent en français qu’en espagnol. Néanmoins, il est des cas, très limités en français, dans lesquels il est possible de trouver un verbe synonyme, alors que le reste de l’expression se maintient : (7) a. b. c.
se dévorer les sangs se ronger les sangs se manger les sangs
En espagnol, cependant, apparaissent des expressions figées présentant un vrai paradigme aussi bien au niveau du verbe qu’au niveau du complément. Dans cette langue nous avons trouvé plusieurs cas de productivité dans les
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DOLORS CATALÀ & MATÍAS MELLADO
expressions figées. Dans l’exemple qui suit, tous les verbes peuvent se construire avec chacun des compléments de la liste : (8)
(armarse + prepararse + organizarse + formarse +montarse) (la gorda + la marimorena + un zafarrancho)
2. Notion de détermination La détermination a fait l’objet de nombreuses analyses. Elle comprend un ensemble de moyens morphologiques servant à actualiser les substantifs. Nous n’aborderons pas son étude en ce qui concerne les arguments élémentaires ni les noms prédicatifs, un certain nombre de restrictions de nature syntaxique ou sémantique affecte les déterminants simples ; nous centrerons notre recherche sur les déterminants dans les expressions figées telles que nous venons de les définir et dans lesquelles, à l’instar de (Gross M. 1985 : 91) nous considérons qu’ils sont eux aussi figés. Ainsi: (9) (10)
prendre (les + *des + *cette) arme(s) il s’est levé (d’un + de ce) bond
Cependant, nous avons observé des modifications de déterminants qui donnent lieu à des expressions que l’on peut considérer comme synonymes. Ainsi dans les phrases suivantes : (11) (12) (13)
arriver (cent + mille) fois faire les (quatre + trente-six) volontés buscarle (tres + cinco) pies al gato
le changement de déterminant cardinal n’implique pas une nouvelle expression. Il s’agit de variantes formelles d’une même expression figée. De même, en espagnol, nous trouvons des expressions synonymes dans lesquelles il y a alternance entre le défini et l’indéfini : (14)
quedarse como (una + la) seda
alors que, d’après notre corpus, ces cas semblent plus rares en français 3 . (15) a. b.
donner (un + le) bal à quelqu’un méchant comme (un + l’) âne rouge
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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Dans d’autres expressions figées, le défini peut alterner avec d’autres déterminants : (16) a. b.
hasta (tal + el) punto que selon (les + toutes) apparences
De ce point de vue, nous avons pu observer en français des cas d’alternance défini-indéfini/adjectif possessif : (17) a. b.
charger (les + ses) batteries suivre comme (une + son) ombre
Toutefois, en espagnol, la grande majorité des variantes oppose l’article défini au non déterminant ou déterminant zéro, alors que nous n’observons pas ce phénomène en français : (18) a. b.
a (E + el) redopelo a (E + el) canto
3. Adverbes composés Dans ce volet , nous présenterons les déterminants des adverbes composés de l’espagnol et du français. Rappelons que la notion d’adverbe généralisé qui sous-tend notre travail peut être représentée par la formule : Adv =: Prép Dét N Modif. Elle englobe, en fait, plusieurs notions de la grammaire traditionnelle comme celles de ‘complément circonstanciel’, ‘complément adverbial’ ou ‘locution prépositionnelle’. Nous n’aborderons pas la détermination dans les classes PCDN et PCPN car leur étude semble se rapporter plutôt à celle des noms prédicatifs qu’à celle des formes figées (Blanco 1998). 3.1. La classe PDETC La classification des adverbes composés établie par Maurice Gross (Gross M.1986) prend en compte la présence ou l’absence du déterminant. Ainsi, la classe PDETC se distingue de PC parce qu’elle comprend un déterminant, même si, en espagnol, il peut être parfois omis comme nous l’avons vu antérieurement.
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Dans la classe PDETC, les déterminants sont variés. On observe una majorité d’articles définis, dans les formes fléchies el, la, los, las ; le, la, les, l’, aussi bien en espagnol qu’en français : (19) a. b.
[examiner N] à la loupe [apurar N] hasta las heces
Les prépositions à et de étant les plus fréquentes, l’article défini masculin singulier apparaît dans la contraction al (a + el) en espagnol et au (à + le) en français, del (de + el) en espagnol et du (de + le) en français. En outre, le français a recours à l’article défini masculin et féminin pluriel : (20) a. b.
al pelo au noir
(21) a. b. c.
ser tonto del bote se tromper du reste être (beau + belle) des plus
Tout apparaît comme un déterminant assez courant, qu’il soit suivi ou non d’un article défini ou d’un adjectif possessif : (22) a. b.
[agir] en toute modestie [hablar] con toda franqueza
Tous les autres types de déterminants bien que présents, sont plutôt rares, ainsi en est-il du cas des possessifs (pour son plaisir ; en mi opinión), des indéfinis (d’un poil ; de un salto), des démonstratifs (à cette occasion ; en estas circunstancias) et des cardinaux (à quatre pattes ; entre cuatro paredes). Ces derniers se combinent occasionnellement avec l’article défini (a las mil maravillas). En espagnol, on note aussi le déterminant lo en général pour les cas où C = : Adj, nous avons alors des adjectifs substantivés ([casarse] por lo civil). 3.2. Les classes PAC et PCA Dans ces classes, le déterminant est normalement E en espagnol. Quand il apparaît , nous avons surtout le défini el : (23) a. b.
[saber] de buena tinta [azotar] a culo pajarero
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
(24) a. b.
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[contestar] al buen tuntún [irse] con las orejas caídas
Le possessif occupe une proportion faible (con Poss0 propios ojos ; en su fuero interior). L’indéfini est présent beaucoup plus rarement (en un primer momento ; con un ojo abierto), ainsi que le neutre (lo mejor posible). En français, par contre, même si le déterminant E est le plus courant, on a souvent recours aux articles contractés : (25) a. b.
[se produire] en plein jour [délivrer N] à titre provisoire
(26) a. b.
[se passer] au petit jour [chauffer] au bain-marie
Les indéfinis, quant à eux, suivent de près : (27) a. b.
[vivre] sur un grand pied [observer] d’un œil distrait
D’autres déterminants seraient encore à considérer, comme les possessifs (à mon humble opinion ; pour son compte personnel), les démonstratifs (en ce bas monde ; à ce sujet précis) et les adjectifs indéfinis (tout bien pesé ; toutes dents dehors). La présence des quantifieurs qui est pratiquement nulle dans la classe PAC, et ce, dans les deux langues, est également insignifiante dans la classe PCA (à Dnum mètres près, tres veces consecutivas). 3.3. Les classes PCDC et PCPC En ce qui concerne la classe PCDC, le recours au déterminant zéro est majoritaire en espagnol : (28)
[tratar] a cuerpo de rey
Il apparaît comme étant deux fois plus fréquent que l’emploi de l’article défini : (29)
[viajar] a la buena de Dios
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Alors que les autres déterminants y sont assez rares, on trouve cependant des possessifs (a mi modo de ver), des indéfinis (en un abrir y cerrar de ojos), des démonstratifs (en este orden de ideas) et des adjectifs indéfinis (con todo lujo de detalles). Néanmoins, en ce qui concerne le français, nous observons une fréquence similaire du déterminant zéro et de l’article défini : (30) (31)
[répéter] à longueur de journée [regarder] avec les yeux de l’amour
Les autres déterminants y sont fréquents tout en restant minoritaires, ainsi par exemple les articles indéfinis ou les adjectifs : (32) (33)
[aller] à un train d’enfer [prier] pour un juste retour des choses
Quant aux adjectifs indéfinis et aux numéraux, ils y sont nettement moins nombreux (pour tout l’or du monde, pour cent sous de l’heure). Pour ce qui est de la table PCPC, nous sommes pratiquement dans la situation contraire, le français privilégie le déterminant zéro (34) par rapport a l’article défini (35) qui est minoritaire : (34) (35)
[répondre] de but en blanc [surprendre] les armes à la main
On dénombre aussi quelques articles indéfinis et adjectifs numéraux : (36) (37)
[changer] d’un jour sur l’autre [ouvrir] vingt-quatre heures sur vingt-quatre
En espagnol, le déterminant zéro est courant mais beaucoup moins qu’en français. Par contre le défini et l’indéfini sont aussi fréquents l’un que l’autre : (38) (39) (40)
[ir] de boca en boca [pillar N] con las manos en la masa [quedar] de un día para otro
3.4. La classe PCONJ Dans la classe PCONJ, la présence des déterminants n’est pas fréquente en espagnol, le déterminant E y est donc largement majoritaire (41), après, viennent successivement des articles définis (42), puis, des indéfinis (43) :
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
(41) (42) (43)
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[N0hum entra] de golpe y porrazo al fin y al cabo [salir] con una mano delante y otra atrás
Les autres déterminants suivent de très loin, c’est le cas des possessifs (actuar por su cuenta y riesgo), de la forme neutre (para lo bueno y para lo malo) et des adverbes (sin más acá ni más allá). En français, le déterminant zéro (44) occupe une place importante mais l’on trouve aussi des articles définis (45) en proportion semblable aux indéfinis (46) et aux adverbes (47) : (44) (45) (46) (47)
[rester] contre vents et marées [perdurer] dans l’espace et dans le temps [se produire] un jour ou l’autre bien mieux que ça
Les autres formes de déterminants sont à la limite de l’inexistence. Ainsi nous observons une présence faible dans le cas des démonstratifs (à ce titre ou à un autre) des adjectifs (partir bon gré mal gré), des numéraux (de deux choses l’une) et des possessifs (en son âme et conscience). Remarquons que généralement, lorsque l’adverbe composé PCONJ comporte un déterminant pour la première position C, il le comporte aussi pour la deuxième sauf rares exceptions (aux risques et périls) : (48) (49)
[estar] a las duras y a las maduras [arriver] à un moment ou à un autre
3.5. Les classes PECO, PVCO Comme observation préliminaire, signalons que le français recourt à toutes les variétés de déterminants, alors que l’espagnol se limite à l’emploi de l’indéfini, du défini et du determinant E. Ceci dit, l’article indéfini occupe la première position et, de loin, dans les deux langues et les deux classes : (50) a. b. c. d.
solide comme un roc más bruto que un arado [manger] comme un moineau [salir] como un cohete
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Le déterminant zéro arrive en deuxième position dans la classe PVCO (51) et en troisième position dans la classe PECO (52) : (51) a. b.
[s’entendre] comme chien et chat [correr] como alma que lleva el diablo
(52) a. b.
blanc comme neige más muerto que vivo
En fait il apparaît surtout avec des noms propres : (53) a. b.
[N0hum est] riche comme Crésus [N0hum es] más viejo que Matusalén
Le défini vient après, dans la classe PVCO (54) tandis qu’il est situé avant dans la classe PECO (55) : (54) a. b.
[fuir de quelqu’un] comme la peste [acabar] como el rosario de la aurora
(55) a. b.
frais comme l’œil más rápido que el rayo
Citons encore, pour le français, le recours au partitif (lourd comme du plomb ; [fondre] comme du sucre), l’emploi de quelques adjectifs (beurré comme un petit Lu ; [se démener] comme un beau diable), quelques cardinaux (haut comme trois pommes ; [rester] comme deux ronds de flans), ainsi que des possessifs (vieux comme mes robes ; [connaître N] comme sa poche). 3.6. La classe PPCO Il apparaît que le déterminant le plus représenté est le déterminant zéro et ce dans les deux langues : (56) a. b.
[réagir] comme de juste [actuar] como de costumbre
L’article défini arrive en deuxième position : (57) a. b.
[manger] comme à la maison [cambiar] como del día a la noche
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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suivi de près par l’article indéfini, alors qu’il est pratiquement inexistant en espagnol : [entrer] comme dans un moulin
(58)
L’adjectif possessif occupe la position suivante : (59) a. b.
[agir] comme à son habitude [andar] como por su casa
Finalement d’autres déterminants apparaissent en proportion faible en français. Nous parlons des partitifs ([entrer] comme dans du beurre) et des adjectifs (comme au bon vieux temps). 3.7. Remarques sur la traduction Au niveau de la traduction, il semblerait évident qu’avec deux langues aussi proches que le français et l’espagnol, les équivalents présentent des déterminants semblables, c’est le cas, en effet, pour un grand nombre d’expressions. Toutefois, ce n’est pas la règle générale et nous avons observé que, même lorsque les constituants du composé restent les mêmes dans l’autre langue, la forme du composé n’est pas prévisible ; le déterminant présent en français ne se maintient pas toujours dans l’équivalent espagnol, ainsi : (60) a. b. c.
à l’avantage de “en provecho de” aux enchères “a subasta” pour l’amour de l’art “por amor al arte”
Le cas contraire est beaucoup moins fréquent : (61) a. b. c.
en coup de vent “como un torbellino” à bras ouverts “con los brazos abiertos” en douce “a la chita callando”
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D’autre part, l’espagnol présente parfois une alternance, déterminant et non déterminant : (62)
contra (E + la) corriente “contre courant”
En outre, le français utilise souvent le déterminant au singulier alors que l’espagnol emploie le pluriel : (63) a. b.
à la barbe “en las barbas” à (son + l’) aise “a sus anchas”
Par ailleurs, le français a recours au possessif plus souvent que l’espagnol : (64) a.
de toute son âme “con toda el alma” entre ses dents “entre dientes”
Quand les constituants du composé ne sont pas sémantiquement présents, la traduction s’éloigne alors bien davantage et un adverbe composés peut même devoir être traduit par un verbe composé : (65)
[vestirse] de tiros largos se mettre sur son trente et un
Il est donc difficile de trouver des régularités en ce qui concerne la détermination dans les équivalents de traduction.
4. Les verbes composés Dans le cadre de notre recherche, nous avons été amenés à nous intéresser aussi à la détermination dans les locutions verbales. Dans ce cas nous aborderons cette exposition à partir de nos observations sur la fréquence des déterminants dans les quatre classes que nous avons retenues : – la classe C1, dans laquelle l’élément bloqué est en position d’objet direct, apparaît, et de loin, comme la plus nombreuse :
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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– la classe CP1, dans laquelle l’élément bloqué est en position d’objet indirect ; – la classe C1P2, dans laquelle les deux compléments sont bloqués, le premier en position d’objet direct et le deuxième en position d’objet indirect ; – la classe C1PN dans laquelle le premier complément est bloqué tandis que le second est libre. 4.1. L’article défini 4.1.1. Dans la classe C1 Dans la classe C1, l’article défini, en introduction d’un complément d’objet direct, se révèle être, avec une grande différence par rapport aux autres, le déterminant le plus employé dans les deux langues et ce sous ses différentes formes : (66) a. b. c. b.
allumer le sang perdre la boussole apretarse el cinturón aguar la fiesta
Cette position est figée en genre et en nombre par rapport à un verbe composé donné : (67) a. b.
prendre (l’ + *de l’ + *les + *un) air echarle (el + *los + *su) guante
4.1.2. Dans la classe CP1 Dans la classe CP1, lorsque le complément d’objet est précédé d’une préposition, l’article défini continue à ê tre le déterminant le plus employé dans les deux langues : (68) a. b. c. d.
taper dans l’œil passer sous le nez andar a la sopa boba poner contra las cuerdas
En outre, dans cette classe nous pouvons observer la propriété que présente l’article défini de se contracter lorsqu’il est précédé des prépositions à et de. Cependant, il nous est facile de constater que, si les deux langues possèdent
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cette propriété en ce qui concerne la rencontre des deux prépositions et des articles définis au singulier, seul le français la maintient avec les pluriels : (69) a. b. c. d. e. f.
rentrer au bercail claquer du bec clamar al cielo chupar del bote bayer aux corneilles coûter la peau des fesses
4.1.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 les articles définis sont également plus fréquents que les autres déterminants et ce aussi bien en position C1 que C2. (70) a. b. c. d.
jeter l’argent par les fenêtres boire le calice jusqu’à la lie poner el grito en el cielo tirarse los trastos a la cabeza
De plus, dans les deux langues, les formes contractées apparaissent en position C2 : (71) a. b.
saisir la balle au bond llevarse el gato al agua
4.1.4. Dans la classe C1PN Par ailleurs, dans la classe C1PN, l’article défini continue à être l’article le plus employé en position C1 : (72) a. b. c. d.
boucler le bec à quelqu’un mâcher la besogne à quelqu’un dar el día a alguien tirarle los tejos a alguien
4.2. Le déterminant zéro 4.2.1. Dans la classe C1 Après le recours à l’article défini, aussi important dans l’une que dans l’autre des langues étudiées, le corpus nous permet d’observer le cas de l’absence de déterminant dans la classe C1. En espagnol, il met en évidence l’importance de ce phénomène auquel a recours la langue dans la production d’expressions
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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contemporaines. À l’inverse, en français, grand nombre des expressions relevées sont archaï ques: (73) a. b. c. d.
chupar cámara dar calabazas tourner bride conter fleurette
4.2.2. Dans la classe CP1 Dans la classe CP1, le recours à l’absence de déterminant est similaire dans les deux langues : (74) a. b. c. d.
payer d’audace rire sous barbe echar en cara barrer para casa
4.2.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 apparaît, à nouveau, une différence entre les deux langues dans leur recours à l’absence de déterminant. Le déterminant zéro e st relativement fréquent en position C2 dans les structures françaises : (75) a. b. c. d.
acheter blé en herbe changer son fusil d’épaule pasar la noche en vela no dar pie con bola
4.2.4. Dans la classe C1PN Comme dans les classes précédentes, dans la classe C1PN l’absence de déterminant est plus fréquente en espagnol qu’en français et, en outre, dans le cas de ce dernier les expressions proviennent souvent du vieux français : (76) a. b. c. d.
accorder foi à quelqu’un chanter pouilles à quelqu’un atar cabos sobre algo dar coba a alguien
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4.3. L’adjectif possessif 4.3.1. Dans la classe C1 Comme pour le cas précédent, le corpus nous montre, en ce qui concerne l’adjectif possessif, une différence d’emploi dans les deux langues. En français, il apparaît comme étant la forme la plus usitée dans la classe C1, après l’article défini. En espagnol, au contraire, son emploi n’est guère fréquent : (77) a. b. c.
avaler sa fourchette arrêter son cinéma hacer sus pinitos
En outre, dans cette position, en français, l’adjectif possessif peut alterner avec l’article défini sans que cela entraîne une modification de sens, comme dans les exemples : (78) a. b.
charger (ses + les + la) batteries faire (son + l’) affaire
4.3.2. Dans la classe CP1 Dans le cadre même du français, nous constatons que dans la classe CP1 le recours au possessif devient moins fréquent que dans les classes mentionnées précédemment, alors qu’en espagnol son niveau de fréquence continue aussi faible : (79) a. b. c. d.
sortir de son assiette rire dans sa barbe mantenerse en sus trece campar por sus respetos
4.3.3. Dans la classe C1P2 Cette réduction de fréquence de l’emploi continue dans la classe C1P2. À ce niveau, nous avons cependant remarqué une différence dans la distribution, ainsi la présence de cette forme de déterminant est plus notoire en position C1 que C2. En espagnol, au contraire, l’adjectif possessif apparaît dans quelques cas isolés en position C2 : (80) a. b. c. d.
vendre son âme au diable aller son bonhomme de chemin arrimar el ascua a su sardina tirar piedras contra su propio tejado
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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4.4. Les articles indéfinis 4.4.1. Dans la classe C1 En ce qui concerne l’emploi des articles indéfinis, nous observons, d’après notre corpus, que dans certains cas les deux langues peuvent accepter des variantes limitées : (81) a. b.
prendre (des + un + ces + cet + *les) air(s) llevarse (un + algún + muchos + E + *el) chasco(s)
Pour ce qui est de la fréquence, ils se placent en troisième position, après les articles définis et les adjectifs possessifs. En espagnol, ces déterminants arrivent également en troisième position mais après l’article défini et l’absence de déterminant : (82) a. b. c.
faire un four prendre une veste armarse un zipizape
4.4.2. Dans la classe CP1 En français, dans la classe CP1, les indéfinis se placent en quatrième position, très loin derrière les articles définis et l’absence de déterminant et loin derrière les adjectifs possessifs. En espagnol, comme dans la classe précédente, le recours à l’article indéfini se maintient en troisième position mais tout comme en français nous observons la grande distance qui le sépare des articles définis et de l’absence de déterminant : (83) a. b. c.
ne pas céder d’une semelle marcher sur des épines ahogarse en un vaso de agua
4.4.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 les deux corpus mettent en évidence une différence dans la fréquence d’emploi de ces déterminants. Alors qu’en français la présence des articles indéfinis vient loin derrière les définis, en espagnol nous les retrouvons en troisième position, loin derrière les articles définis et l’absence de déterminant. Cependant nous observons également que, dans les deux langues, ils apparaissent davantage en position C1 que C2.
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chasser des poils sur un œuf mettre des bâtons dans les roues echar una cana al aire jugárselo todo a una carta
4.4.4. Dans la classe C1PN Dans la classe C1PN, l’article indéfini est utilisé dans les deux langues en position C1 et comme dans la classe précédente, alors qu’en français il arrive en deuxième position après l’article défini, nous le retrouvons en troisième position en espagnol où il est à peine employé après l’article défini et E. (85) a. b. c.
conserver une dent contre quelqu’un donner des ailes à quelqu’un echar una mano a alguien
4.5. Les cardinaux 4.5.1. Dans la classe C1 Le recours aux cardinaux est très peu utilisé dans les deux langues. Il apparaît à peine dans les classes que nous avons étudiées, en C1 par exemple : (86) a. b.
voir trente-six chandelles no tener dos dedos de frente
4.5.2. Dans la classe CP1 (87) a. b.
nadar entre dos aguas andar con cien ojos
4.5.3. Dans la classe C1P2 Nous observons ici, tout comme dans la classe C1PN, qu’il peut y avoir des variantes soit du verbe, soit du déterminant mais dans les deux cas les expressions affectées restent synonymes : (88) a. b.
(chasser + courir) deux lièvres à la fois buscarle (tres + cinco) pies al gato
4.5.4. Dans la classe C1PN (89) a. b.
faire les (quatre + trente-six) volontés de quelqu’un dar (siete + cien) vueltas a alguien
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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4.6. L’article partitif 4.6.1. Dans la classe C1 Quant aux formes de l’article partitif, elles sont inexistantes en espagnol. En français il est à remarquer que son emploi est plus fréquent dans la classe C1 : (90) a. b.
abattre de la besogne bouffer des briques
4.6.2. Dans la classe CP1 Dans la classe CP1 nous observons un nombre inappréciable de cas : (91) a. b.
élever dans du coton compter pour du beurre
4.6.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 sa fréquence n’est guère plus importante, il apparaît en position C1 : (92) a. b.
mettre du beurre dans les épinards amener de l’eau au moulin
4.6.4. Dans la classe C1PN Son emploi dans cette classe est similaire à celui de la classe précédente et dans les deux cas il apparaît en position C1 : (93) a. b.
chercher du suif à quelqu’un donner de l’eczéma à quelqu’un
4.7. Remarques sur la traduction Nous trouvons des cas de traduction littérale dans lesquels les mêmes éléments syntaxiques sont repris dans les deux langues : (94) a. b.
chanter victoire “cantar victoria” boucler le bec “cerrar el pico”
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Il est aussi des cas d’équivalence systématique comme celle de l’article partitif qu’emploie le français et qui se traduit par l’absence d’article en espagnol : (95)
se faire du mauvais sang “hacerse mala sangre”
Mais peut-on pour autant parler de l’existence de régularités en ce qui concerne la traduction des verbes composés ? Nous avons pu observer que ces exemples ne constituent pas la règle générale et nous avons relevé des cas qui présentent des différences dans la référence aux déterminants, ainsi l’article défini de l’expression française peut être modifié en genre et en nombre dans l’expression espagnole correspondante. Il y a aussi des cas où l’article défini de l’expression française correspond un indéfini dans l’expression espagnole : (96) a. b.
crever les yeux “saltar a la vista” coûter les yeux de la tête “costar un ojo de la cara”
Il est à souligner par ailleurs, d’autres cas où à l’article défini de l’expression française correspond l’article zéro en espagnol : (97) a.
se casser la gueule “darse de morros”
En fait, comme nous avons déjà commenté précédemment, les expressions figées constituent un tout, aussi bien dans une langue que dans l’autre, donc syntaxiquement nous ne pouvons chercher de régularités dans les expressions équivalentes. Ainsi à un verbe composé peut correspondre un verbe simple : (98)
ronger son frein “retenerse”
Par ailleurs, nous pouvons trouver des equivalences sémantiques dans des expressions présentant une différence non seulement au niveau de la structure mais qui en outre font référence à des classes d'entités différentes : (99)
ménager la chèvre et le chou “nadar entre dos aguas”
DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS
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Conclusions Au stade de notre étude contrastive sur la détermination dans deux langues aussi proches que le français et l’espagnol, le corpus que nous avons élaboré ne peut nous faciliter de données exhaustives. Toutefois, d’après nos observations sur l’emploi des déterminants dans les formes composées comme les adverbes et les locutions verbales, nous avons pu constater au niveau syntaxique certaines tendances qui mettent en évidence des points communs mais également des différences. Ainsi, dans les deux langues l’article défini est le plus usité en général. Le français, qui offre un éventail plus varié de déterminants, emploie plus volontiers les adjectifs possessifs et inclut dans son avoir des formes partitives que n’a pas l’espagnol, alors que ce dernier a plus souvent recours à l’absence de déterminant et utilise la forme neutre lo. De plus, la fréquence d’emploi d’un déterminant varie certes d’une langue à l’autre mais en outre, dans une même langue d’une classe à une autre et à l’intérieur d’une même classe en fonction de la position. Dans des expressions figées, les déterminants sont eux-mêmes figés, même s’ils peuvent parfois présenter des variantes. Quant à la traduction de ces expressions qui renvoient à un acquis collectif, c’est l’ensemble qui est à considérer et non pas des éléments détachés, il n’y a donc pas à ce niveau-là non plus d’équivalence régulière à observer.
RÉFÉRENCES Anscombre, Jean-Claude. 1991. La détermination zéro : quelques propriétés. Langages 102. Paris : Larousse. 103-124. Blanco, Xavier & Pierre-André Buvet. 1998. El tratamiento de los determinantes en procesamiento automàtico del lenguaje natural. Terminologie et Traduction 3. Luxembourg : Comission Européenne. 162180. Blanco, Xavier. & Pierre-André Buvet. 1999. À propos de la traduction automatique des déterminants de l’espagnol et du français. Méta 44 : 4. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. Blanco, Xavier. 1998. Figement et détermination en espagnol. Bulag 23. Besançon : Université de Franche-Comté. Blanco, Xavier. 1998. Les déterminants nominaux figés, perspective contrastive espagnol-français. Le figement lexical. S. Mejri. Tunis : Université de Tunis I.
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Blanco, Xavier ; Buvet, Pierre-André ; Gavriilidou, Zoé. 1999. Déterminants et modifieurs figés. Étude comparée grec-français-espagnol. Proceedings of the 20th Meeting of the Department of Linguistics. Aristotle University of Thessaloniki. Gross Maurice. 1993. Les phrases figées en français. L’ Information grammaticale. 59. 36-41. Gross, Gaston. 1996. Les expressions figées en français. Paris : Ophrys. Gross, Maurice. 1982. Une classification des phrases figées du français. Revue Québequoise de Linguistique 11 : 2. Montréal : UQAM. 151-185. Gross, Maurice. 1985. Sur les déterminants dans les expressions figées. Langages 79. Paris : Larousse. 89-117. Gross, Maurice. 1986a. Grammaire transformationnelle du français. 3. Syntaxe de l’adverbe. Paris : Asstril. Gross, Maurice. 1986b. Lexique-grammaire et adverbes : deux exemples. Revue Québéquoise de Linguistique. 15 : 2. Montréal : UQAM. 299-311. Kupferman, Lucien.1991. Structure événementielle de l’alternance un/E devant les noms humains attributs, Langages 102. Paris : Larousse. 52-75. Mejri, Salah. 1996. Le figement lexical. Thèse d’État, Université de Tunis I.
SUMMARY In the field of automatic translation, reference to the determination is an important subject of discussion and one in which we are particularly interested. Based on the research of Maurice Gross for the French language, we have carried out a comparative study of the use of determiners in French and Spanish relating to frozen expressions, at a syntactico-semantic level. In this paper, first, we shall present some general notions of fixed forms and determination. Then, using a contrastive approach, we shall examine the determination concerning compound adverbs and compound verbs.
NOTES 1
Le Groupe de Linguistique Appliquée aux Langues Romanes de l’UAB a entrepris la construction d’un dictionnaire électronique d’adverbes et de verbes composés. Ce travail a bénéficié du financement du Ministerio de Educación y Ciencia dans le cadre de l’Action Intégrée HA 1998-0103 Formas de predicados y divergencias de traducción 2 Certaines d’entre elles sont composées d’un élément lexical non reconnu comme mot simple : [s’approcher] en tapinois ; [llegar] en volandas. 3 Cependant, dans d’autres cas, cette alternance donne lieu à des expressions différentes : a la voz vs a una voz ; pour le coup vs pour un coup.
LE CLASSEMENT DES NOMS DE QUANTITÉ 1 NELLY FLAUX Université d'Artois & Grammatica
Introduction De nombreux travaux ont été consacrés aux noms dits ‘de quantité’ (entre autres, Dessaux- Berthonneau 1976 ; Gross 1977 ; Milner 1978, et plus récemment, Buvet, 1993 et 1994 ; Le Pesant 1996 ; Benninger, 1993, 1999 et à paraître). Cependant, le fonctionnement de ces noms n’est pas encore complètement élucidé, ni établi de façon absolument convaincante le principe de leur classement. Je m’intéresserai ici exclusivement aux noms (désormais N DET) qui entrent dans la structure DET1 N1 DE N2 dont le DET1 est indéfini (une multitude d’enfants, des montagnes de linge, certains groupes d’élèves, deux morceaux de beurre, un kilo de pommes, plusieurs jours de marche, une poignée de cerises, un bol de soupe, un ruban de guimauve, une dizaine de timbres, un quart de poire...).Ces structures sont généralement appelées ‘quantitatives’ par opposition aux structures dites ‘partitives’ (un kilo de ces pommes, cf. Milner 1978 ; Kupferman 1999). Elles s’opposent également, bien sûr, aux structures de même forme superficielle mais dans lesquelles N1 ne peut être considéré comme “déterminant” N2 (un fils de paysan)2 . Contrairement à une tradition assez récent e (Gross 1967 et encore Peterson 1999), je ne considérerai pas que la règle dite de ‘cacophonie’ énoncée par les auteurs de la grammaire de Port-Royal et redécouverte par Gross 1967, puisse être invoquée pour rendre compte des SN quantitatifs du type un kilo de pommes. Pour deux raisons ; la première est que, contrairement à ce que l’on observe dans l’exemple fameux il est accusé de crimes horribles qui “alterne” avec il est accusé d’un crime horrible ou avec il est accusé de plusieurs crimes horribles, aucun déterminant indéfini ne peut prendre la place de des ou de du / de dans un kilo de pommes. La seconde est que la différence de structure est trop importante entre un kilo de pommes et un kilo de ces pommes pour qu’il
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soit satisfaisant d’en rendre compte au moyen du seul effacement de des ou de du / de la après de3 . Les N DET sont des noms dépourvus d’autonomie référentielle4 . Cette absence d’autonomie se manifeste par l’impossibilité de fonctionner comme tête d’un groupe nominal à l’intérieur d’une phrase (*j’ai mangé un kilo / *j’ai acheté une dizaine)5 . La construction dite 'dislocation à droite' (j’en veux un kilo, de pommes / j’en ai fait une heure, de natation) est la propriété formelle qui les distingue de manière claire et systématique de tous les autres noms. De leur sens quantitatif, il découle que la plupart, mais pas tous, peuvent apparaître en réponse à une question en combien ? (combien veux-tu de pommes ? – Un kilo). L’emploi d’un nom comme N DET dans la structure DET1 N1 DE N2 se signale souvent par la possibilité de faire précéder l’ensemble du groupe du mot tout (toute une classe d’élèves) ou d’utiliser l’adjectif entier (une classe entière d’élèves). La construction adverbiale en par ou parfois en en caractérise certains types de N DET (les élèves arrivent par centaines). Enfin, l’absence d’adjectif devant le N DET (à l’exception d’un petit nombre, toujours les mêmes : bon, gros, grand, petit, comme dans un bon kilo de viande, une grande journée de ski, une petite heure de marche) signale également qu’on a affaire à un nom qui exprime l’idée de quantité.
1. Quantité ouverte et quantité fermée C’est la principale opposition autour de laquelle se distribuent les différentes classes de N DET. Le référent construit par la structure DET1 N1 DE N2 est, en effet, ou bien ouvert (ou ‘non borné’) ou bien fermé (ou ‘borné’6 ). Ainsi entrent en contraste j’ai acheté une grande quantité de livres et j’ai acheté une centaine de livres ou encore j’ai une montagne de foin à rentrer et j’ai une charretée de foin à rentrer. Cette opposition se signale par une caractéristique logico-formelle fondamentale. 1.1. L’alternance de nombre Lorsqu’il précède un N DET permettant de viser un référent ouvert, le déterminant un est l’article défini et non le cardinal, comme le prouve la possibilité de le remplacer par des et non par deux, trois etc. (j’ai acheté une grande quantité de livres ; j’ai acheté de grandes quantités de livres, où de remplace des devant un adjectif, vs *j’ai acheté deux grandes quantités de livres) ; et de même j’ai acheté (une montagne + des montagnes + *deux montagnes) de livres. Mais des lui-même n’est pas toujours possible. Ainsi le N
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DET infinité ne l’accepte pas ou l’accepte mal (??j’ai lu des infinités de romans ; *j’ai vu des infinités d’étudiants) ; de même, à j’ai lu un grand nombre de romans s’oppose *j’ai lu de grands nombres de romans. Et quand il est possible, le pluriel n’ajoute rien au singulier, sinon une nuance supplémentaire d’emphase, le N DET ayant souvent lui-même un sens hyperbolique. La valeur de vérité ne change pas, que je dise j’ai lu une grande quantité de romans ou j’ai lu de grandes quantités de romans ; ou bien encore j’ai acheté une montagne de livres ou j’ai acheté des montagnes de livres ; ou même j’ai acheté des montagnes et des montagnes de livres. Cette équivalence entre singulier et pluriel résulte de la neutralisation de l’opposition entre ‘un’ et ‘plus d’un’. Seule est exprimée l’idée de quantité, généralement de grande, de très grande quantité ; plus rarement de petite ou de très petite (un soupçon de poivre, un zeste d’humour, une pincée d’ironie) ; jamais l’idée de quantité moyenne, chaque référent visé par la structure DET1 N1 DE N2 en ayant forcément une. Il en découle que les quantificateurs sont naturellement exclus ; aussi bien devant les N DET non figurés, *j’ai acheté (plusieurs + trois) quantités de livres, que devant les N DET métaphoriques : *j’ai acheté (quelques + trois) montagnes de livres). Les noms de quantité fermée fonctionnent à cet égard d’une tout autre façon, comme on le verra ultérieurement (cf. 2). 1.2. Deux sous-classes de N DET exprimant la quantité ouverte Parmi les N DET non figurés permettant de viser un référent ouvert, deux se signalent par des caractéristiques distributionnelles étonnantes : ce sont les noms quantité et nombre. Faute de place, rappelons simplement leur aptitude à fonctionner sans déterminant, j’ai acheté (quantité + nombre) de livres, et la possibilité qu’ils ont de se construire de manière adverbiale, j’ai acheté des livres (en quantité + en nombre), tournures fort proches sémantiquement des deux précédentes. Quant aux N DET métaphoriques, leur étude exigerait, elle aussi, de longs développements. Je me contenterai de signaler ici que contrairement aux N DET non figurés comme nombre, quantité, multitude, infinité, force7 , ils constituent un paradigme ouvert très riche. Du fait qu’ils sont métaphoriques, leur emploi s’accompagne le plus souvent d’un effet hyperbolique supplémentaire. Une des questions qu’on se pose fréquemment à leur propos est celle de savoir quels sont les noms susceptibles, par métaphore, de fonctionner comme des N DET. C’est que, bien évidemment, en dehors des caprices de l’usage (pourquoi un torrent de larmes, un ruisseau de pleurs et pas ??une rivière de larmes ou ??une rivière de pleurs), il existe des contraintes, mais celles-ci ne
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sont pas toutes aisées à cerner. Il est clair que les no ms d’êtres animés sont exclus d’emblée en tant que sujets ‘intentionnels’, qu’il s’agisse de simple quantité, de mesure ou de nombre ; il est clair aussi que les noms concrets non comptables ne sont pas des candidats recevables puisqu’ils dénotent des substances dépourvues de forme propre. Il est clair enfin que les noms abstraits sont exclus, à l’exception des noms dénotant des procès sans sujet (noms dits ‘météorologiques’ comme tonnerre, tempête, cf. un tonnerre d’applaudissements, une tempête de protestations). Mais d’autres contraintes interviennent, dont la détermination est plus hasardeuse : les noms d’objets naturels semblent, par exemple, plus aptes à fonctionner comme N DET que les noms d’objets fabriqués (un lac de sang vs *un canal de sang), mais la distinction entre les deux types de noms d’objets (naturels et fabriqués) n’a pas un fondement toujours assuré.
2. Quantité indéterminée et quantité déterminée La quantité fermée devient déterminée grâce aux N DET de mesure et de nombre (cf. 3). Quant à l’opposition entre quantité indéterminée et quantité déterminée, elle se repère aux relations de compatibilité avec les types de quantificateurs. 2.1. Vrais et faux quantificateurs Les N DET qui permettent de construire des référents fermés mais indéterminés admettent d’être précédés non seulement des vrais quantificateurs (ou, comme on dit dans la littérature, quantificateurs ‘lourds’ ou ‘forts’) mais aussi des faux quantificateurs (dits encore ‘légers’ ou ‘faibles’). Ainsi, on peut dire tout aussi bien j’ai aperçu (quelques + plusieurs + trois) groupes d’élèves que j’ai aperçu (certains + divers + différents) groupes d’élèves. C’est du moins le cas lorsque le nom tête est comptable. Lorsqu’il est non comptable, certaines restrictions interviennent, semble-t-il, sur les faux quantificateurs selon le type du nom tête : ??j’ai fait fondre (certains + divers + différents) morceaux de beurre vs j’ai acheté (certains + divers + différents) morceaux de viande. C’est que les morceaux de viande sont souvent ‘pré-constitués’, pas les morceaux de beurre. En revanche, les N DET qui visent des quantités déterminées excluent catégoriquement les faux quantificateurs, que le nom tête soit ou non comptable : *j’ai acheté (certains + différents + divers) kilos (de pommes + de viande) vs j’ai acheté (deux + quelques + plusieurs) kilos (de pommes + de viande) ; et aussi j’ai acheté (trois + quelques + plusieurs) dizaines de disques
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vs *j’ai acheté (certaines + différentes + diverses) dizaines de disques. Cela se comprend : la mesure et le nombre exigent des déterminants qui expriment une véritable idée de quantité et non pas une idée de qualité ; or les faux quantificateurs ont une signification qui est plus proche de la seconde que de la première8 . 2.2. La quantité indéterminée : groupes et parties Les noms de groupes s’opposent aux noms de parties en ce qu’ils sont incompatibles avec un nom non comptable. Bien entendu, ce nom doit être au pluriel : j’ai acheté un ensemble (de crayons + *de crayon + *de beurre). Ils rassemblent les noms de groupes proprement dits, peu nombreux, (groupe, ensemble, classe...) et les noms collectifs employés métaphoriquement (un régiment de fourmis, une armée de linguistes, un bouquet de compliments)9 , lesquels constituent un paradigme beaucoup plus fourni. Les noms de parties (morceau, bout, fragment, tranche… à l’exception du nom partie lui-même10 ) ne sont compatibles qu’avec des noms non comptables (un fragment de marbre, un bout de tissu). S’il précède un nom comptable, le N DET ne fonctionne plus comme tel (un morceau de vélo), comme le montre le contraste entre j’en ai ramassé plusieurs fragments, de marbre et *j’en ai ramassé plusieurs morceaux, de vélo. Ces deux classes de N DET se distinguent également par la préposition qui introduit la construction adverbiale. Les noms de parties n’admettent que en (j’ai acheté du sucre en morceaux ; j’ai ramassé du marbre en fragments) ; les noms de groupes acceptent par et en (j’ai vu les élèves arriver (par + en) groupes), l’adjectif entier étant réservé à par (j’ai vu arriver les élèves par groupes entiers). Quant aux noms collectifs employés métaphoriquement comme N DET, on ne les trouve en construction adverbiale qu’avec par, souvent “complétés” par entiers (les linguistes arrivaient par régiments entiers). Mais la construction est loin d’être systématique (elle a reçu des bouquets de compliments vs *elle a reçu des compliments par bouquets (entiers)). Le syntagme un groupe d’élèves s’emploie pour désigner des élèves en nombre très divers : il peut s’agir de trois, de dix, de cent élèves ; un morceau de fromage peut viser un morceau de grande, de petite ou de moyenne taille ; mais un kilo de fromage réfère à un morceau de fromage qui pèse un kilo, ni plus ni moins ; et si une centaine d’élèves ne vise pas exactement cent élèves, le nombre d’élèves désignés ne peut varier beaucoup. De même les noms de mesure approximative (une camionnée de betteraves, une poignée de cerises) ne peuvent viser des objets en nombre infiniment variable. Du reste, si on peut dire un groupe de dix élèves, un ensemble de quatre tableaux, un régiment de
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trente linguistes, il est impossible de dire *un kilo de dix pommes, *une dizaine de plusieurs livres (ni *une dizaine de dix livres). Les N DET de nombre et de mesure présentent le référent visé comme exhaustivement évaluable dans toutes ses parties. C’est en cela que le référent est non seulement fermé mais aussi déterminé. 3. Nombre et mesure Les N DET qui expriment le nombre sont beaucoup moins variés que ceux qui marquent la mesure : le dénombrement, qu’il consiste soit à constituer des groupes nombrés soit à fractionner un tout, mobilise un secteur du lexique nettement plus restreint que la mesure, laquelle s’applique aux innombrables dimensions particulières des “choses”. 3.1. Les N DET de nombre Contrairement aux N DET de mesure, les N DET de nombre ignorent la distinction entre sens propre et sens figuré. Deux sous-classes se distinguent : les noms de fractions, et les noms de groupes nombrés. Les noms de fractions, tout aussi nombreux que les déterminants cardinaux eux-mêmes, ne sont compatibles qu’avec un nom comptable au singulier (un quart de pomme, une moitié de vélo, un tiers de seconde, un millième de centimètre : ils peuvent, on le voit, s’appliquer aussi à des noms de mesure exacte). Pour que le pluriel apparaisse, il faut que l’ensemble soumis au fractionnement soit mentionné d’une manière ou d’une autre (parmi les victimes, on déplore un tiers d’enfants). Quant aux noms non comptables, ils sont exclus lorsqu’il n’est pas référence à un tout (*je voudrais un quart de marbre vs dans ce matériau composite, il y a un quat de marbre seulement). Si on en trouve dans le langage des recettes de cuisine (un quart de beurre) c’est que la mention du tout (la pâte d’un gâteau) est toujours implicite. Les noms de groupes nombrés (dizaine, millier...) n’apparaissent, au contraire, que devant un nom comptable au pluriel. Les caprices de l’usage sont nombreux11 . Virtuellement le nombre des noms de groupes nombrés égale, comme les noms de fractions, celui des déterminants cardinaux, i.e. sont en nombre infini, puisqu’ils sont en correspondance avec les entiers naturels. Comme les noms de fractions encore (j’avale les pommes par moitiés), les noms de groupes nombrés acceptent la construction adverbiale en par (on voit les élèves arriver par centaines ; Paul mange des bonbons par dizaines). La construction en en est réservée aux noms de fractions employés avec certains prédicats (j’ai divisé le gâteau en quarts).
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3.2. Les noms de mesure On peut mesurer toutes les dimensions qu’isole la science : la taille, le poids, la surface, le volume, la température, le bruit, la durée, l’âge, le prix, la radioactivité etc. Ces dimensions sont autant de qualités des “choses” et la mesure elle-même est une qualité de qualité, puisque parler d’un poulet de deux kilos, par exemple, signifie que le poulet en question a un poids (qualité) et que ce poids équivaut à celui de deux kilos (qualité de qualité). Ce n’est du reste pas un hasard si les noms de mesure occupent une position quasi prédicative : après les verbes de type mesurer, faire, peser, que l’on peut considérer comme ‘pseudo-copulatifs’ (cet arbre fait dix mètres ; la pièce mesure 20 mètres carrés ; Paul pèse 80 kilos)12 . 3.2.1. Les compléments de mesure Les noms de mesure exacte (kilo, mètre, heure) ou approximative (coudée, poignée...) ont pour caractéristique de pouvoir fonctionner comme complément de mesure lorsque le nom tête est comptable (un bébé de trois kilos vs *du beurre de trois kilos). Il est remarquable que tous les noms comptables dénotant des entités comestibles acceptent les deux constructions : la ‘détermination’ à gauche par un N DET de mesure exacte (deux kilos de poulet) et la complémentation à droite (un poulet de deux kilos). En réalité, dans le premier cas, poulet désigne la matière “poulet”. Les noms de matières ou d’individus massifiables i.e. aisément réductibles à de la matière exigent que la mention de la mesure intervienne à leur gauche mais ne peuvent l’accepter à leur droite. À l’inverse, les noms dénotant des êtres correspondant à de véritables individus, c’est-à-dire non massifiables (ou difficilement), n’acceptent pas la mention de la mesure à leur gauche, mais seulement la complémentation à droite, laquelle exprime comme une caractérisation (*trois kilos de bébé vs un bébé de trois kilos). Si l’on dit sans difficulté trois kilos de pommes c’est parce que les pommes sont destinées à voir disparaître leur individualité propre ; trois kilos de romans est déjà plus étrange, précisément parce que l’individualité de chaque roman résiste davantage à la massification induite par la mesure. La durée pouvant être mesurée, les noms abstraits qui dénotent des entités en rapport avec le temps peuvent se construire avec un N DET de mesure (deux jours de marche ; une heure de natation ; dix ans de bonheur). Seuls ceux d’entre eux qui fonctionnent à la fois comme noms comptables et comme noms non comptables acceptent la mention de la mesure à leur droite (complémentation) : une marche de deux jours / un bonheur de dix ans vs *une natation d’une heure)13 .
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3.2.2. Nature des paradigmes Les noms de mesure exacte créés par la mise en place d’un système de métrologie sont des noms qui n’ont pas d’autre emploi dans la langue que celui de N DET. Les noms de mesure approximative non figurée (coudée, poignée) ont pour particularité de constituer un paradigme homogène morphologiquement : suffixés en -ée (une fois n’est pas coutume) et sans doute clos, bien qu’encore riche et largement utilisé (une bolée de cidre, une charretée de pommes, une camionnée de foin)14 . À ces deux paradigmes s’oppose celui des noms de mesure approximative figurée : c’est la classe très abondante des N DET dits ‘métonymiques’ qui, dans leur emploi propre, désignent des récipients (le plus souvent fabriqués) : un bol de cidre, un camion de pommes, une citerne de fuel, une assiette de soupe, etc. Leur emploi comme N DET se reconnaît à plusieurs constructions, entre autres, la présence possible de l’adjectif plein (un plein bol de soupe) qui leur est spécifique. Les noms de récipients ne sont pas les seuls à indiquer la mesure approximative à titre figuré. Il faut citer aussi, à la suite de D. Van de Velde 1995, les noms de formes géométriques (compatibles seulement avec les noms non comptables, comme carré dans un carré de chocolat ; cf. j’en ai mangé quatre carrés, de chocolat) et les noms de forme d’objets ‘simples’ (ruban dans un ruban de caramel ; cf. donne-m’en plusieurs rubans, de caramel). Avec ce dernier type de noms, il semble que la métonymie se combine à la métaphore (cf. du chocolat en forme de carré et surtout du caramel en forme de ruban). Du coup, la distinction entre N DET et nom tête n’est plus si nette. Ou plutôt l’idée de forme semble entrer en concurrence avec celle de mesure, sinon prévaloir sur elle. On voit comment s’articulent les différentes oppositions qui viennent d’être présentées. Toutes n’entrent pas dans une hiérarchie stricte i.e. non croisée : il en va ainsi de l’opposition propre/figuré, qui se retrouve dans diverses sousclasses. L’étude plus approfondie de la distribution de certaines propriétés syntaxiques (notamment les constructions adverbiales) devrait permettre, par ailleurs, la distinction de sous-classes plus fines : les propositions faites ici ne constituent qu’une esquisse. Mais l’essentiel est la mise à jour de distinctions logico-sémantiques corrélées à des propriétés formelles, qui n’apparaissent pas dans les classements habituellement proposés. Les N DET, y compris ceux qui ne fonctionnent que comme tels, bien qu’ils se distinguent fortement des “vrais” noms, restent fondamentalement des noms : morphologiquement (flexion en nombre) et syntaxiquement (position de complément à l’intérieur ou hors du groupe nominal). De plus, sauf exception, ils exigent un déterminant. En dépit de la variété de leur fonctionnement, ils ont tous en commun qu’à la différence des articles, ils ne suffisent pas à
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actualiser un nom et a fortiori, à la différence des quantificateurs, à le quantifier à eux seuls. Ce qu’ils ont en propre, c’est d’apporter au nom auquel ils s’appliquent à la façon d’un déterminant, une sorte de qualification (la quantité, spécifiée ou non sur le mode de la mesure ou du nombre, n’est autre qu’une qualité), ce qui les rapproche quelque peu des adjectifs : fonction quasi prédicative, en somme.
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NOTES 1
Ce travail est issu d’une réflexion menée en commun avec Danièle Van de Velde pour l’élaboration d’un livre sur les classes de noms en français (à paraître). Je la remercie vivement
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de ses critiques et de ses suggestions, ainsi que Dany Amiot. Merci aussi à Guillemette Tison pour ses encouragements et pour son aide matérielle. 2 Voir N. Flaux (1992 et 1993). 3 Il ne sera pas discuté ici du statut de la préposition de. Cf. à ce sujet le n° 109 de Langue française (1996). 4 Contrairement à un usage assez répandu, je ne parlerai pas de ‘syncatégorématicité ’ à propos des N DET, pas plus qu’à propos des autres noms qui sont dépourvus d’ind épendance référentielle (les noms dits ‘relationnels’ par exemple). Les raisons de la dépendance/indépendance référentielle sont en effet radicalement hétérogènes les unes au autres et on ne voit pas bien ce qui justifie de rassembler ces noms sous un chef commun. Du reste l’étymologie du terme syncatégorématique et son emploi dans la tradition philosophique, de l’Antiquité à Husserl, n’invite pas à un tel usage. Mais c’est là une question qui sera laissée de côté ici, cf. Flaux (1996). Je préciserai seulement que si les noms abstraits ne sont pas aptes à désigner de véritables individus, ils n’en réfèrent pas moins de manière totalement indépendante (on peut toujours construire un énoncé dont le nom tête est un nom abstrait seul, ce qui n’est pas le cas de nos N DET). Toutefois, signifiant des concepts non pas d’objets mais de propriétés, d’événements ou de relations, les noms abstraits n’ont pas l’autonomie conceptuelle des noms concrets véritables. Quant aux noms ‘localisateurs’ (le bord d’un fleuve, la fin d’un spectacle), leur non autonomie a un fondement encore différent. Sur ce point, cf. Flaux & Van de Velde (à paraître). 5 Il existe des “exceptions”, notamment avec le verbe suffire (un kilo suffira). Sur ce point, cf. Flaux & Van de Velde (à paraître). 6 C’est la terminologie employée par plusieurs auteurs ; notamment Bosveld-de Smet (1998 et à paraître). 7 Force comme terme de quantité est considéré par les lexicographes comme ‘vieux’ ou ‘littéraire’. Le Petit Robert (1996) cite J’ai dévoré force moutons (La Fontaine) et Nous nous séparâmes à la porte avec force poignées de main (Daudet). Il n’est pas sans intérêt de signaler également cet extrait d’un texte de Ronsard qui montre que force avait autrefois, lui aussi, un emploi adverbial qui s’est maintenu dans la locution à force de : Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force ? 8 Comme le montre Van de Velde (à para ître). Sur l’opposition entre les deux types de quantificateurs, cf. ce même travail. 9 Sur les noms collectifs, cf. Borillo (1996), Lecolle (1998) et Flaux (1999). 10 Comme le signale Van de Velde (1995). 11 Pourquoi le syntagme une dizaine de livres peut-il viser environ dix livres mais une douzaine d’œufs douze œufs, ni plus ni moins ? Quelques noms se sont spécialisés dans un emploi lexical (neuvaine, par exemple) ; de même certains noms de fractions (demi, tiers). Morphologiquement, on ne voit pas pourquoi huitaine “existe” et pas *septaine. 12 Cf. Flaux & Van de Velde (à paraître). 13 De nombreux travaux ont été consacrés à ces constructions ; outre les textes déjà cités, mentionnons Borillo (1985). 14 Cela n’empêche que de nombreux noms en -ée s’emploient avec un sens pleinement lexical.
STRUCTURES DÉT N1 N2 ET DÉTERMINATION FIGÉE1 ZOÉ GAVRIILIDOU Université Démocrite de Thrace
Introduction La détermination accompagnant un nom peut être libre ou figée. Dans Blanco, Buvet, Gavriilidou (1999), nous avons étudié un cas précis de détermination figée, à savoir les structures du type Dét N Modif (e.g. une peur bleue, un regard qui tue, une histoire à dormir debout) et nous avons essayé d’élaborer une typologie des modifieurs figés. Dans cet article, nous nous proposons d’étudier des structures comme une œuvre monument, une baisse massue, une voix cloche. Nous émettons l’hypothèse qu’il s’agit d’un cas de détermination figée de type Dét N Modif, où N2 joue le rôle d’un modifieur adjectival figé et N1 est le nom tête. Pour vérifier cette hypothèse, nous employons la méthode d’analyse des données adoptée au LLI (Laboratoire de Linguistique Informatique, Paris 13), qui se base sur des tests distributionnels et transformationnels. Nous avons recours également à l’approche syntacticosémantique du lexique élaborée au LLI et au cadre théorique de la ‘grammaticalisation’ (Hopper & Traugott 1993). Dans un premier temps, nous comparons les structures Dét N1 N2 en question avec les constructions Dét N Modif figé, pour mettre en évidence leur points communs. Ensuite, nous présentons les propriétés syntaxiques de ces suites (possibilité de pronominalisation, de coordination d’un Modifieur libre ou figé, etc.). Quelques problèmes liés à la détermination des exemples en question sont également étudiés (contraintes sur les déterminants, combinaisons des déterminants, etc). Enfin, nous examinons les propriétés sémantiques (valeur intensive, atténuative, laudative, péjorative, etc. ) qu’un N2 peut exprimer.
1. Description du cadre syntaxique Le modèle qui sous-tend cet article est l’approche morphosyntaxique développée par Maurice Gross (M. Gross 1986) dans le cadre du lexique-
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grammaire. Ce modèle s’attache à décrire la variété des combinaisons entre les noms-têtes des groupes nominaux et leurs déterminants dans une phrase. En effet, la possibilité pour un substantif donné d’admettre un certain type de déterminants et non un autre dépend d’autres éléments de la phrase dans laquelle il apparaît. Par conséquent, c’est la phrase et non le groupe nominal notre cadre d’analyse pour la détermination. La phrase est, par ailleurs, considérée en termes de prédicat et d’arguments. Cette approche morphosyntaxique tient aussi compte de la dimension syntactico-sémantique de la détermination (Buvet & Blanco 1998), dans la mesure où la sémantique est importante dans l’analyse de la détermination et peut être formalisée sur des bases syntaxiques. Le modèle des ‘classes d’objets’ (G. Gross 1994) est un outil théorique nous permettant d’atteindre la formalisation que nous souhaitons. Dans ce qui suit, nous exposons brièvement les notions de ‘déterminant figé’ et de ‘modifieur figé’. Notons que nous considérons que tous les éléments d’un groupe nominal qui ne sont pas des noms-têtes font partie de la détermination, les modifieurs inclus.
2. La détermination figée La détermination figée constitue une séquence de mots graphiquement discontinue, dans laquelle on peut constater une relation sémantico-syntaxique idiosyncrasique entre le nom-tête (le terme déterminé) et les éléments déterminants. Parmi les cas de détermination figée on peut énumérer : –
–
les ‘déterminants nominaux figés’, qu’il s’agisse des figuratifs (une pluie de projectiles), des métaphoriques (une armée de photographes) ou des hyperboliques (un million de problèmes) (Buvet 1993 ; cf. aussi Blanco 1998 ; Gavriilidou 1998a) ; les suites Dét N Modif figées comme une peur bleue, une mémoire d’éléphant. Dans ce cas, le modifieur peut prendre la forme d’un adjectif (une colère noire), d’une suite Prép N (un bonheur sans nuage, une fièvre de cheval) (Blanco 1996 ; Gavriilidou 1998b), d’une proposition relative (un regard qui tue), d’une suite Prép Vinf W (une histoire à dormir debout) et parfois d’une phrase figée à l’impératif, comme en grec : êáôÜóôáóç âñÜóå üñõæá (“situation à faire cuire du riz”) voulant dire situation étrange.
Ici nous soutenons que, dans ce catalogue d’éléments linguistiques qui fonctionnent comme modifieurs adjectivaux figés, on pourrait ajouter les N2 de
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certaines structures du type Dét N1 N2. Examinons, maintenant, quels sont les N2 qui peuvent jouer ce rôle.
3. Les structures Dét N1 N2 La question qui se pose ici est la suivante : est-ce que tous les N2 des structures du type Dét N1 N2 sont susceptibles d’être considérés comme des modifieurs figés ou ce rôle est-il limité à certains d’entre eux ? Dans Gavriilidou (1997), nous avons soutenu qu’il y a trois classes distinctes des suites Dét N1 N2 d’un point de vue syntactico-sémantique : les suites formées par coordination (un architecte-archéologue), les suites formées par complémentation (le centre-ville) et celles formées par attribution (une baisse massue). Dans le premier cas, le N2 est coordonné au N1 et joue, lui aussi, le rôle d’un nom-tête. De ce fait, nous ne pouvons, en aucun cas, soutenir qu’il s’agit d’un modifieur figé, dans la mesure où, comme nous l’avons dit plus haut (cf. 1), seuls les éléments qui ne sont pas des noms-têtes dans le groupe nominal font partie de la détermination d’un nom. Dans le cas de la complémentation, N2 constituant le complément du N1, qui est le nom-tête, ne peut donc pas être analysé en tant que modifieur figé, puisque c’est un argument du nom-tête. Par ailleurs, la dérivation des suites comme centre-ville d’une phrase du type la ville a un centre ne nous permet pas de traiter ville en tant que modifieur. Par conséquent, ce n’est que la troisième classe des structures Dét N1 N2 qui peut être considérée comme un cas de détermination figée de type Dét N Modif. Le N2 est alors un modifieur adjectival figé. Il y a deux questions auxquelles nous devons répondre maintenant. Premièrement, quels sont les critères nous permettant de soutenir que N2 joue le rôle d’un modifieur adjectival ? Deuxièmement, pourquoi ce modifieur est-il figé ? 3.1. N2 en tant que modifieur Dans Gavriilidou (1997 : 92), nous avons démontré que le N2 des suites attributives fonctionne, d’une certaine façon, comme un adjectif qualificatif, en nous appuyant sur des critères syntaxiques : – –
perte des propriétés distributionnelles qui distinguent le substantif de l’adjectif ; par exemple, perte de son déterminant ; possibilité de figurer à droite du verbe être (ces positions sont frontières), d’accepter la gradation (ces festivals un peu mammouths)2 ,
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d’être parfois pronominalisé par le (le concert est mammouth et le festival l’est aussi)3 , de coordonner un adjectif qualificatif (au Tchad visite éclair et tout à inattendue4 ) ou pragmatiques, comme la perte de l’autonomie référentielle des N2 : dans baisse massue le substantif massue ne réfère pas à l’objet dénommé par cette forme. Au côté de ces arguments, qui nous permettent de soutenir que les N2 en question jouent le rôle d’un modifieur (adjectival), ajoutons aussi un argument supplémentaire : dans les exemples suivants le modifieur est obligatoire, qu’il soit libre (maladive) ou figé (bleue) : (1) a. b. c.
Luc a une peur (*E + maladive + bleue) Ce produit a un prix (*E + élevée) Les yeux de Geneviève sont d’un bleu (*E + profond)
Si l’on ajoute respectivement des N2 comme mammouth, (choc + monstre), catastrophe, on obtient des phrases tout à fait acceptables : (2) a. b. c.
Luc a une peur monstre Ce produit a un prix (choc + monstre) Les yeux de Geneviève sont d’un bleu catastrophe5
Si ces phrases, qui exigent un modifieur, restent acceptables après l’adjonction des N2 ci-dessus mentionnés, cela veut dire que N2 sature la position du modifieur et rend les phrases acceptables. Par ailleurs, on ne pourrait pas ne pas remarquer l’analogie (au moins du point de vue sémantique : cf. ci-dessous) entre une vitesse vertigineuse et une vitesse vertige ; une voix de stentor et une voix cloche ; un temps (de chien + atroce) et un temps catastrophe, etc. Pour expliquer le passage du N2 du statut lexical au statut de modifieur adjectival, que l’on pourrait qualifier de syntaxique, nous utilisons le cadre théorique de la grammaticalisation (Hopper & Closs-Traugott 1993). Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : xv) la grammaticalisation est un procès selon lequel les éléments et constructions lexicales viennent dans certains contextes linguistiques, afin de servir à des fonctions grammaticales, et, une fois grammaticalisés, continuent à developper de nouvelles fonctions grammaticales. Ce phénomène comporte deux aspects différents : un aspect historique, qui cherche à définir les sources des formes grammaticales et les chemins qui mènent au changement de ces formes, et un aspect synchronique, qui considère
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la grammaticalisation comme un phénomène syntactico-pragmatique, étroitement lié à l’usage de la langue (language use). La grammaticalisation est motivée par certains facteurs comme l’économie de la langue, l’efficacité, la clarté, l’expressivité et la déroutinisation (deroutinizing) des constructions, c’est-à-dire le désir de trouver de nouvelles façons pour exprimer des choses déjà existantes (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 67). C’est un phénomène unidirectionnel6 régi par des procédures diachroniques comme la généralisation (generalization), la décatégorisation (decategorization), autrement dit le chemin qui mène d’une forme ‘moins grammaticale’ à une nouvelle ayant un statut grammatical élevé (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 103), et le renouvellement (renewal), c’est-à-dire la procédure selon laquelle un sens déjà existant acquiert une nouvelle forme (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 94). Il existe deux mécanismes principaux de grammaticalisation : la ré-analyse (reanalysis), qui modifie les représentations sémantiques, syntaxiques, morphologiques sous-jacentes et crée une règle de changement, et l’analogie (analogy), qui crée de nouvelles formes par analogie avec d’autres formes déjà existantes. Dans ce cadre théorique, la métaphore et la métonymie sont considérées comme des procédures bien établies de changement de sens. Dans notre cas, les N2 des constructions comme baisse massue, œuvre monument, festival mammouth manifestent certaines caractéristiques typiques de la grammaticalisation : – – –
–
le changement se réalise dans un contexte bien précis : Dét N1 N2 (cf. 3) ; le passage du statut substantival au statut adjectival implique une réanalyse du N2 ; une fois la ré-analyse complétée, le N2 subit une décatégorisation et perd donc les propriétés morpho-syntaxiques qui pourraient l’identifier en tant que membre de la catégorie majeure du substantif ; ainsi, il n’accepte plus de déterminant (cf. 3.1.), ne peut plus être modifié par un adjectif ou un démonstratif, ne peut plus devenir argument du prédicat ou accepter une telle lecture (même si N1 est un nom prédicatif), ne peut plus être pronominalisé en le, la, les, et le pluriel n’est pas possible. Notons ici que, pour Hopper et Closs-Traugott (1993 : 104), “the major categories are noun and verb and minor categories include preposition, conjunction, auxiliary verb, pronoun, and demonstrative”. Pour eux les adjectifs et les adverbes constituent une catégorie intermédiaire ; la grammaticalisation du N2 est motivée par l’économie de la langue qui exploite des éléments linguistiques déjà existants pour exprimer
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l’expérience extra-linguistique. L’expressivité est aussi un facteur majeur dans la procédure de grammaticalisation des N2, dans la mesure où elle cherche, d’un côté, à améliorer l’informativité d’un énoncé, et de l’autre, à permettre au locuteur de s’exprimer d’une manière plus efficace. Enfin, c’est aussi la déroutinisation qui motive la grammaticalisation des N2 : dans la plupart des cas, N2 exprime le haut degré d’une qualité, une valeur intensive. La structure en question devient alors une nouvelle façon d’exprimer l’intensité (cf. ci-dessous) ; partant de cette dernière remarque, mentionnons que le renouvellement est une procédure active dans la grammaticalisation des N2 : le sens d’intensité s’exprime par une nouvelle forme. Selon Hopper et ClossTraugott (1993 : 121), “intensifiers are especially subject to renewal, presumably because of their markedly emotional function”. Pour eux, les intensifieurs en anglais constituent un bon exemple de renouvellement ; notons enfin que la métaphore et la métonymie, présentes dans des exemples comme baisse massue, œuvre monument, réponse coup de poing, facilitent le passage des N2 du statut de substantif au statut d’adjectif (Gavriilidou 1997 : 97).
Bien évidemment, dans le modèle de la grammaticalisation les formes ne passent pas brusquement d’une catégorie à une autre. Elles procèdent plutôt d’une série de transitions graduelles, qui tendent à être similaires dans plusieurs langues. Des données du français, de l’espagnol et du grec montrent en effet que la grammaticalisation du N2 suit le même chemin dans les trois langues. Remarquons que, dans ces trois langues, il y a des exemples où le N2 manifeste une fonction plus proche de celle de l’adjectif, accepte donc plus facilement une série de transformations propres à l’adjectif (pronominalisation en le, possibilité de se trouver à droite du verbe être, etc.), et des cas où ceci n’est pas possible. Nous supposons que ceci n’est pas possible dans certains cas, parce que le N2 se trouve dans une phase préliminaire de grammaticalisation, et que la procédure n’est pas encore achevée. Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : 78), la métaphore motive fortement la grammaticalisation à un stade préliminaire7 . Nous avons déjà souligné le rôle de la métaphore dans les structures en question. Quant à savoir si le N2 est susceptible de changer complètement de statut un jour, c’est une question à laquelle on ne peut pas répondre actuellement. Pour l’instant, les N2 ne sont pas de vrais prédicats adjectivaux. Il s’agit plutôt de quasi-prédicats, de prédicats métaphoriques, qui n’ont pas achevé leur parcours vers l’adjectivation (Gavriilidou 1997 : 96). Une chose est sûre : il n’y a rien de déterministe dans la procédure de
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grammaticalisation. Le passage du N2 de la catégorie nominale à la catégorie adjectivale pourrait éventuellement ne pas se réaliser. Le résultat de la grammaticalisation est très souvent un sous-système incomplet qui n’est pas prévisible (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 95). 3.2. Le figement du N2 Nous avons jusqu’à présent justifié pourquoi nous considérons que le N2 est un modifieur. Nous avons également expliqué ce qui a motivé le glissement du N2 de la catégorie nominale vers la catégorie adjectivale. Il est temps maintenant d’expliquer pourquoi ce N2 est figé. Hopper et Closs-Traugott (1993 : 95) soutiennent que les éléments lexicaux grammaticalisés doivent tout d’abord servir à des fonctions du discours. Ces derniers se figent ensuite syntaxiquement, et deviennent des constructions. C’est aussi le cas des N2 qui forment des constructions avec les N1 auxquels ils s’attachent. Il existe un certain nombre de critères permettant d’affirmer que le N2 est figé, à savoir : –
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–
des critères syntaxiques (blocage des propriétés transformationnelles du N2 dû à sa grammaticalisation et à son glissement vers la catégorie adjectivale) ; des critères sémantiques (par exemple, l’opacité sémantique de la relation qui se développe entre N2 et N1, autrement dit la noncompositionnalité du sens8 et les restrictions de sélection. Le N2 impose aussi des restrictions quant au choix lexical du N1 ; des critères pragmatiques (perte de l’autonomie référentielle du N2).
Après avoir justifié le terme ‘modifieur (adjectival) figé’ pour les N2 des structures du type Dét N1 N2, présentons maintenant les propriétés sémantiques des N2 et insistons surtout sur le trait d’intensité qui marque les structures en question.
4. Valeurs sémantiques Dans les travaux de G. Gross (1995), Buvet (1998), Buvet et Blanco (1998), les déterminants doivent être étudiés séparément, selon qu’ils se rapportent à des noms prédicatifs ou à des arguments élémentaires, étant donné que leur fonctionnement dépend des propriétés syntactico-sémantiques des substantifs
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qui les acceptent. Nous suivons cette bipartition et nous distinguons les cas où un modifieur figé N2 s’attache à un nom-tête prédicatif (une baisse massue) des cas où il modifie un nom-tête non prédicatif (un avion mammouth). Dans son livre à paraître, Buvet propose de distinguer la d étermination des noms prédicatifs en ‘détermination standard’, d'une part, et en ‘détermination non standard’ ou ‘détermination marquée’ (du point de vue de l’intensité, de l’aspect, etc.) d'autre part. En utilisant cette distinction, nous soutenons que les Modif figés N2 qui se rapportent à des N1 prédicatifs appartiennent à la détermination non standard, marquée du point de vue de l’intensité. Par intensif, nous entendons un élément linguistique qui indique le degré élevé d’une propriété. Cet élément linguistique peut être de nature morphologique (e.g. les suffixes comme -issime ou les préfixes comme archi-, hyper-, super-, extra- appliqués à une racine), de nature lexicale (e.g. les adverbes très, énormément ou d’autres éléments figés comme les déterminants nominaux figés du type un océan de larmes, une rafale d’applaudissements, etc.), de nature syntaxique (e.g. répétition du même mot comme dans elle était femme-femme ; elle n’est pas jolie-jolie, mais.., etc.) ou de nature prosodique (e.g. utilisation de certains schémas intonatifs ou d’accents emphatiques). Pour reprendre les termes de I. Mel’ èuk (1988), il s’agit d’une ‘fonction lexicale’, à savoir la fonction lexicale Magn9 . Cette fonction intensifie une composante sémantique particulière du mot clé, c’est-à-dire qu’elle réfère à un trait sémantique particulier dans une situation donnée : par exemple, dans croissance champignon, la composante sémantique intensifiée est la rapidité de la croissance, dans concert marathon la composante sémantique intensifiée est la durée du concert, etc. Les N2 constituent, par conséquent, un des moyens linguistiques permettant d’exprimer le haut degré. Dans Buvet, Blanco, Gavriilidou (1999), nous avons soutenu que les Modif figés s’appliquant à des noms prédicatifs correspondent principalement à des : – – – –
intensifs (désignant le haut degré) : un amour fou ; atténuatifs (désignant le degré faible) : un appétit d’oiseau ; laudatifs (désignant une qualification positive) : un mari en or ; péjoratifs (désignant une qualification négative): un temps de chien.
Ces valeurs sémantiques peuvent être attribuées aussi aux N2 : – – – –
intensifs : succès monstre, concert mammouth ; atténuatifs : justice escargot 10 ; laudatifs : position clé, événement phare ; péjoratifs : classe poubelle, alimentation suicide.
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Souvent, une base donnée peut accepter différents types de Modif figés : une voix (forte + de stentor + cloche), temps (de chien + catastrophe), vérité (pure + choc), etc., ou bien différentes valeurs sémantiques (Blanco ; Buvet & Gavriilidou 1999) : – – –
intensif : concert mammouth ; laudatif : concert symbole ; péjoratif : concert catastrophe.
Les Modif figés N2 qui s’appliquent à des arguments élémentaires fonctionnent en tant que : – –
augmentatifs ou diminutifs : avion mammouth, voiture miniature ; laudatifs ou péjoratifs : objet fétiche, voiture bidon.
5. Remarques sur les déterminants Partant de la notion de classes d’objets (G. Gross 1994), qui sont des ensembles de substantifs sémantiquement et syntaxiquement homogènes, nous présentons ici quelques contraintes sur les déterminants concernant la structure Dét N1 N2, où N1 est un nom prédicatif. Selon Buvet et Blanco (1998) “les classes d’objets apparaissent comme des descripteurs privilégiés pour rendre compte des particularités de la relation entre un nom et ses déterminants au sein de la phrase”. Nous considérons ici les noms de mesure, les noms de maladie et les noms de sentiment. Commençons par les noms de mesure, qui peuvent entrer dans une phrase avec le Vsup avoir et un Dét Indéf et qui sélectionnent un syntagme nominal sujet et un syntagme nominal dont la fonction peut être appelée ‘complément circonstanciel de grandeur’ (Le Pesant 1995) : (3)
Cette planche a une longueur de 5 mètres
Si on enlève le complément circonstanciel de grandeur, qui fait partie de la détermination du mot longueur, la phrase devient agrammaticale : (4)
*Cette planche a une longueur
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Ce qui implique qu’un modifieur est obligatoire. L’adjonction du N2 record la rend à nouveau grammaticale : (5)
Cette planche a une longueur record
Ceci est aussi vrai des prédicats de sentiment et des prédicats de qualités ou de défauts humains. Un modifieur est obligatoire et N2 peut tenir ce rôle. Nous constatons que les prédicats de mesure acceptent une combinaison du type Dét Indéf - N2 - complément circonstanciel, où on observe en effet la présence de deux modifieurs après le nom-tête : (6)
Cette planche a une longueur record de 5 mètres
On pourrait analyser cette phrase comme si elle dérivait de la conjonction des deux phrases suivantes après effacement du sujet identique : (7) a. b.
Cette planche a une longueur record Cette planche a une longueur de 5 mètres
La combinaison du type Dét Déf - N2 - complément circonstanciel est aussi possible, malgré le fait qu’on ne peut pas appliquer la même analyse qu’avant : (8) a. b. c.
Cette planche a la longueur record de 5 mètres *Cette planche a la longueur record Cette planche a la longueur de 5 mètres
Nous concluons donc de cette brève présentation que la participation du modifieur N2 dans le bloc déterminatif des substantifs impose des contraintes sur la sélection du reste des éléments déterminatifs du nom-tête.
Conclusions Dans cet article, nous avons proposé de traiter les N2 des constructions Dét N1 N2 (baisse massue, œuvre monument) en tant que modifieurs figés, en nous appuyant sur des critères d’ordre syntaxique, sémantique et pragmatique. Le glissement sémantico-syntaxique du N2 vers la catégorie adjectivale, c’est-àdire sa décatégorisation, s’explique dans le cadre de la théorie de la grammaticalisation. Il s’agit d’une grammaticalisation en cours, motivée par des facteurs comme l’économie de la langue, l’expressivité et la
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déroutinisation. Ce type de N2 met en œuvre une procédure de renouvellement, dans la mesure où il constitue une nouvelle forme linguistique pour exprimer l’idée d’intensité.
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SUMMARY In this paper we put forward the idea that Dét N1 N2 structures such as une œuvre monument, une baisse massue constitute a case of frozen determination of the following type : Dét N Modif and that N2 in these exemples reacts as a frozen adjectival modifier, as for example, bleue in the expression peur bleue. To prove this idea we use a number of transformational tests and criteria. We
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use a syntactico-semantic approach elaborated in the LLI and based on the model of ‘classes of objects’ as well as the framework of grammaticalization.
NOTES 1
Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet DétTAL (Détermination et Traitement Automatique des Langues), qui a pour but de décrire la détermination en français, en espagnol et en grec. Je voudrais remercier Anna Anastassiadis -Syméonidis, Pierre-André Buvet et Xavier Blanco pour la lecture du texte et leurs remarques fécondes. 2 Exemple attesté, cité dans Noailly (1990 : 43). 3 Cette phrase semble peu probable dans le discours, elle est toutefois grammaticale. 4 Exemple attesté, cité dans Noailly (1990 : 43). 5 Exemple attesté, cité dans Noailly (1990 : 58). 6 Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : 95) : “The basic assumption is that there si a relationship between two stages A and B, such that A occurs before B, but not vice versa. This is what is meant by unidirectionality”. 7 Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : 78) : “Recently arguments have been put forward that early grammaticalization is also strongly motivated by metaphoric processes”. 8 Dans des exemples comme croissance champignon, baisse massue, etc. le sens du N2 n’est pas prévisible, à cause de la métaphore. Cependant, ce phénomène est scalaire. Si le trait métaphorique entre N1 et N2 est très évident, le sens devient moins opaque. 9 La fonction lexicale Magn est une fonction au sens mathématique, qui peut être représentée par la formule suivante : F(x) = y, où x est l’argument de la fonction et y sa valeur. Par exemple, dans voyage éclair, F est l’intensification, x correspond à voyage, et y à éclair. 10 Exemple cité dans Noailly (1990 : 50).
GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX MAURICE GROSS Université Paris 7 Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique1
Introduction Il existe des déterminants nominaux à caractère idiomatique, du type : (1) a. b.
un nombre astronomique de une quantité industrielle de
où les modifieurs sont figés avec des substantifs têtes comme nombre ou quantité. Ces mêmes noms (Buvet 1993, 1994) acceptent des modifieurs libres variés, en particulier des adjectifs quantitatifs préposés ou postposés : (2) a b.
un (nombre + quantité) (énorme + gigantesque) de un (énorme + petit) (nombre + quantité) de
Ces adjectifs ont une certaine généralité, on les retrouve combinés avec des noms qui ne sont pas des déterminants mais qui ont une syntaxe très voisine de ces derniers, par exemple coût, dose, montant, prix, somme, ils ont alors la même interprétation quantitative. Nous allons présenter2 des listes d’adjectifs se combinant avec un large éventail de noms, leur sens sera souvent quantitatif, mais nous verrons que les interprétations peuvent être plus complexes. En particulier, des jugements affectifs sur les quantités peuvent être localisées dans cette position syntaxique. Nous présenterons la construction de ces formes complexes, sous forme de grammaires locales, autrement dit, de graphes d’automates finis.
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1. La syntaxe des adjectifs Les adjectifs qui précisent une quantité sont très nombreux, nous en avons recensé plus de 400 dans les seules combinaisons qui mettent en jeu les deux noms nombre et quantité. Leur liste a été obtenue empiriquement, par consultation de dictionnaires et de dictionnaires de synonymes et par examen de corpus journalistiques et littéraires. Dans ce dernier cas, on a utilisé des textes disponibles sur support informatique et l’application des outils INTEX (Silberztein 1991) a fourni des concordances pour les noms étudiés ; l’examen de leurs contextes a permis de recueillir les adjectifs les plus courants. Mais rien ne remplace l’introspection dans la recherche des cas marginaux ou en tout cas d’emplois rares et non attestés. En vue de mettre en œuvre des intuitions différentes, nous avons organisé un concours parmi les membres du LADL qui ont recherché, par analogie ou en s’aidant d’outils variés, les emplois qui ne figuraient pas dans une liste initiale d’environ 150 adjectifs, les adjonctions nouvelles se sont élevées à plus de 400 adjectifs 3 . L’expérience nous ayant montré que l’intuition sous-estimait les attestations, nous avons incorporé les cas douteux aux listes. La même recherche reste à effectuer pour d’autres formes de modifieurs, par exemple, les expressions figées Prép X qui ont la fonction d’adjectif épithète : (3) a. b. c.
(au + en) dessous de la vérité, hors du commun sans (E + aucune) limite, sans nombre, à l’échelle (du continent + de la planète) à (te + vous) couper le souffle
D’autres modifieurs seront plus difficiles à énumérer systématiquement, c’est le cas de certaines propositions relatives associées à des phrases figées, comme dans : (4) a. b.
un (nombre + quantité) qui dépasse l’(entendement + imagination) un (nombre + quantité) qui (ne connaît + n’a) pas de (bornes + limites)
Elles peuvent éventuellement être extraites du lexique-grammaire des phrases figées, mais il n’en va pas de même pour les phrases plus libres encore qui introduisent le même sens, comme la proposition relative de (5). Même si les verbes principaux ont un sens quantitatif clair, il sera difficile d’en cerner l’extension. (5)
un (nombre + quantité) que les députés ont beaucoup augmenté
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1.1. Adjectifs préposés et adjectifs postposés Un adjectif épithète donné peut occuper soit la position à droite du nom : (6) a. b.
un (nombre + quantité) (infini + statistiquement significatif) de N *un (infini + statistiquement significatif) (nombre + quantité) de N
soit la position à gauche du nom : (7) a. b.
*un (nombre + quantité) (grand + petit) de N un (grand + petit) (nombre + quantité) de N
soit les deux positions : (8) a. b.
un (nombre + quantité) (énorme + minuscule) de N un (énorme + minuscule) (nombre + quantité) de N
Il existe des difficultés d’évaluation des acceptabilités (Garrigues 1997), nous nous sommes livré à des approximations, afin de représenter les combinaisons dans des graphes. Outre la position ‘intrinsèque’ de l’adjectif, il se pose ici un autre problème de position : dans les constructions Dét N1 de N2 où N1 est le déterminant nominal, la portée de l’adjectif demande à être précisée. On observe les deux positions : (9) a. b.
un (nombre + quantité) d’accidents (énorme + hallucinant(e)) un (nombre + quantité) (énorme + hallucinant(e)) d’accidents
Nous avons ici affaire à deux types sémantiques d’adjectifs : énorme qui n’affecte que le déterminant nominal et l’adjectif psychologique hallucinant qui est en partie sélectionné par le nom N2 =: accident (cf. ci-dessous), mais les deux positions observées sont indépendantes de cette portée sémantique. 1.2. Adverbes Les adverbes anormalement, étonnamment, assez, aussi, bien, fort, si, très, trop portent sur les adjectifs de quantité. Certains d’entre eux amplifient la quantité positivement, comme bien, fort, si, très, trop, d’autres négativement, comme peu et ses composés (e.g. un tout petit peu), mais les combinaisons sont contraintes, on observe ainsi les restrictions :
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(10) a. b.
une (bien + forte) grosse quantité de *une (bien + forte) énorme quantité de
(11) a. b. c.
un nombre très démesuré de *un nombre (très + trop) (colossal + vertigineux) de ?un nombre (anormalement + assez) (colossal + vertigineux) de
Bien que de nombreuses combinaisons aient des acceptabilités douteuses, nous avons amorcé la représentation de ces combinaisons. Certains adjectifs s’accompagnent d’une négation qui peut être vue comme un cas particulier d’adverbe. Les combinaisons peuvent dans certains cas être qualifiées de litotes. La négation prend l’une des formes : –
non ou pas, comme dans : (12)
–
un (nombre + quantité) (non + pas) (négligeable + ridicule) de
le préfixe négatif in- , une quarantaine d’adjectifs sont de cette forme, les formes dont ils dérivent (adjectif ou participe passé passif) n’ont pas toujours le sens quantitatif étudié ici : – –
–
impressionnant n’est plus dérivable, ni invariant, etc. invraisemblable n’est pas ici une négation de vraisemblable, il en va de même pour les couples calculable-incalculable, fini-infini, pensable-impensable, etc. signifiant est probablement à rapprocher de non significatif.
Les négations sont parfois obligatoires, sans que l’on détecte de régularités dans leurs apparitions. Par exemple, imaginable n’est pas un adjectif quantitatif, mais inimaginable l’est dans une (quantité + somme) inimaginable, toutefois, les formes : (13)
une (quantité + somme) (non + pas + peu + à peine) imaginable
sont acceptées. De même, la forme atteint n’est pas acceptée, mais on accepte : (14)
une (quantité + somme) (E + encore) jamais atteinte
Avec inestimable, la situation est différente, la forme estimable n’est pas utilisable avec aucune des négations acceptées par imaginable ou atteint :
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(15) a. b.
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*une (quantité + somme) (non + pas + peu + à peine) estimable *une (quantité + somme) (E + encore) jamais estimable
Une série de formes à caractère populaire, donc plutôt parlées, prennent obligatoirement la négation pas et aucune autre : (16)
une (quantité + somme) pas (dégueu + dégueulasse + sale + vilaine) de
1.3. Prédéterminants nominaux On notera que l’introduction de termes en genre, sorte, type ne change pas le sens des déterminants : (17)
ce (genre + sorte + type) de (nombre + quantité) d’accidents
avec le déterminant UN, un Modifieur du prédéterminant est obligatoire : (18)
*un (genre + sorte + type) de (nombre + quantité) d’accidents un (genre + sorte + type) bizarre de (nombre + quantité) d’accidents
Par ailleurs, il existe des constructions de forme analogue où les adjectifs apparaissent sous forme nominale, accompagnés d’un déterminant défini qui impose des déterminants définis en cascade : (19) a b.
L’énormité (du nombre + de la quantité) (des + d’) accidents étonne Luc *L’énormité (d’un nombre + d’une quantité) (des + d’) accidents étonne Luc
La relation avec les phrases adjectivales correspondantes est la suivante : le sujet de étonner est phrastique : (20)
Que (le nombre + la quantité) (des + d’) accidents soit énorme étonne Luc
par [Extraction directe] du sujet de la complétive on obtient :
182 (21)
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(Le nombre + la quantité) (des + d’) accidents qui est énorme étonne Luc
et par [Effacement de qui être] on aboutit à la forme à adjectif : (22)
(Le nombre + la quantité) (des + d’) accidents énorme étonne Luc
Par ailleurs, la [Nominalisation] générale (Meunier 1977) : (23)
Ce nombre est (énorme + extravagant) = Ce nombre a une certaine (énormité + extravagance)
s’applique à l’intérieur de la complétive sujet : (20) = (24), ce qui donne : (24)
Que (le nombre + la quantité) (des + d’) accidents ait une telle (énormité + extravagance) étonne Luc
par la même [Extraction directe] et par la [Réduction qui avoir = de] du verbe support, on obtient la forme nominale associée (1) : (25)
L’(énormité + extravagance) du nombre (des + d’) accidents étonne Luc
2. Les sens Bon nombre des adjectifs de quantité se classent sémantiquement de façon naturelle. A posteriori, c’est-à-dire lors de la lecture de la liste, des séries longues d’adjectifs sémantiquement apparentées se dessinent clairement et suggèrent de les constituer en classes, d’autres ensembles sont plus petits. On pense à des relations de synonymie à l’intérieur de chaque classe. Dans tous les cas, il s’agit clairement d’accidents, aucune règle ne permet de prévoir la liste des termes acceptés, en effet, des adjectifs synonymes ou quasi-synonymes qui pourraient se trouver dans ces listes n’y sont pas acceptés. 2.1. Les adjectifs à sens propres Ce sont des adjectifs dont le seul sens est quantitatif : énorme, grand, gros, infini, infinitésimal, microscopique (mais pas télescopique), maximal, minimal, minuscule, petit, statistiquement significatif, etc., ample, épais, étroit, large, long, profond ne sont pas utilisés avec cette signification. Avec d’autres noms,
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183
ces adjectifs peuvent prendre un sens quantitatif : (26)
une longue liste, un court instant, un fossé profond, etc.
avec hyperbolique on peut penser à une métaphore, avec éléphantesque et hippopotamesque, on peut penser à une relation morphosyntaxique comme : (27)
un (nombre + quantité) (éléphantesque + hippopotamesque) de N = un (nombre + quantité) de N de la taille d’un (éléphant + hippopotame)
2.2. Les adjectifs à sens figurés Des adjectifs psychologiques qui relèvent de divers états mentaux peuvent être adjoints aux noms de quantité, ils fournissent une indication de taille pour les quantités, à laquelle se superpose, sans dominer, le sens psychologique initial, on a par exemple la surprise : abracadabrant, abasourdissant, affolant, ahurissant, décevant, décoiffant, déconcertant, décontenançante, dépitant, désappointant, éberluant, époustouflant, étonnant, hallucinant, impressionnant, renversant, saisissant, stupéfiant, surprenant. Cette série peut être prolongée avec une certaine régularité par les adjectifs, surtout en -ant, dérivés des verbes psychologiques de la table 4 du lexique-grammaire du français (Gross 1975). Toutefois, certains de ces dérivés, comme assourdissant, assommant, etc., sont exclus de la liste sans qu’on comprenne pourquoi : (28) a. b.
un nombre (époustouflant + stupéfiant) d’automobiles *un nombre (paralysant + pétrifiant) d’automobiles
Des sentiments autres que la surprise peuvent être attachés à des noms de quantité, comme par exemple dans : (29)
un (nombre + quantité) (amusant + attendrissant + perturbant + rebutant) de
Mais la surprise a un statut d’énonciation particulier, le locuteur qui éprouve le sentiment décrit une quantité qui se trouve être soit supérieure soit inférieure à la quantité à laquelle il s’attendait, d’où la surprise. Certains adjectifs liés à la notion de spectacle ont un sens voisin : spectaculaire, burlesque, canularesque, clownesque, comique, dramatique, grotesque, mais pas théâtral, opératique, musical, etc.
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En fait, l’interprétation quantitative de l’adjectif dépend du nom principal : (30) a. b.
Une quantité perturbante d’accidents a eu lieu Une quantité perturbante de secours est arrivée
avec les accidents, que l’on trouve toujours trop nombreux, l’adjectif perturbant a un effet magnifiant, avec les secours, que l’on trouve toujours insuffisants, l’adjectif perturbant a un effet diminuant, l’adjectif surprenant est neutre, dans : (31)
Une quantité surprenante de secours est arrivée
où la surprise peut être bonne ou mauvaise, autrement dit, en termes de quantité, les secours peuvent être suffisants ou non. L’interprétation quantitative apparaît donc comme secondaire ou dérivée du nom principal. En conséquence, il n’y a pas lieu de classer ces adjectifs comme quantitatifs intrinsèques, on doit donc les séparer, ils figurent dans la liste AdjNombrePsy. En fait, ces adjectifs se rapprochent de la catégorie éthique (i.e. bon-mauvais), dans le sens où l’interprétation quantitative de l’adjectif dépend de la nature éthique des noms : (32) a. b. c. d.
une bonne quantité d’accidents est faible une mauvaise quantité d’accidents est forte une bonne quantité de secours est forte une mauvaise quantité de secours est faible
On observe quelques adjectifs que l’on peut qualifier d’esthétiques mais qui, dans le contexte des déterminants ont un sens quantitatif : (33)
une (belle + jolie)(dose + quantité) de riz
mais ni les quasi synonymes magnifique, ravissant, splendide, superbe ni les antonymes affreux, laid, moche n’entrent dans la construction. Nous avons aussi : –
–
la démence : cinglé, dément, démentiel, déraisonnable, débile, dingot, dingue, fou, insensé, mégalomaniaque, peut-être débile, malade, paranoïaque et parano, mais pas aliéné, schizophrénique, tordu ; la connaissance : impensable, imprévu, inespéré, incroyable, inestimable, inimaginable, et peut-être inqualifiable, inreprésentable, et plus difficile encore inconnaissable, inévaluable ou injugeable ;
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– – –
–
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des métaphores que nous présentons par séries intuitivement apparentées, issues : de la littérature : burlesque, dantesque, fantastique, grotesque, lilliputien, rocambolesque, symbolique, ubuesque, etc ; de la mythologie : apocalyptique, cyclopéen, diabolique, démoniaque, fabuleux, gargantuesque, gigantesque, herculéen, monstrueux, méphistophélique, monstrueux, prodigieux, mythique, pantagruélique, pharaonique, titanesque, mais on notera que paradisiaque, nain n’ont pas cette utilisation ; de la géographie : abyssal, astronomique, galactique, himalayesque, stratosphérique, vertigineux, mais on notera que des termes comme alpin, céleste, pyrénéen, montagneux, altimétrique, troposphérique, qui donnent lieu aux mêmes évocations n’ont pas cette utilisation.
2.3. Séries de synonymes On a relevé un nombre remarquable de dérivés de verbes en -able et préfixés par in-, comme : imbattable, incalculable, inégalable, insurpassable. Sans constituer un ensemble de synonymes, ils partagent le sens de la modalité associée à -able et celui de la négation associée à in-. D’autres séries rencontrées ont des sens variés, on a par exemple : – – – –
comique, hilarant, inénarrable, risible, la forme différente drôle de n’en fait pas partie ; palpable, impalpable, substantiel, mais pas touchable ou matériel ; calculable, incalculable, mesurable, démesuré ; habituel, inhabituel, usuel, inusité, inaccoutumé, mais pas accoutumé.
2.4. Autres sens Par ailleurs, nous avons donné dans le graphe AdjNombreAutres une variété d’exemples qui ne relèvent pas de la catégorie de la quantité et qui ont des constructions variées, avec les adjectifs à compléments, on a : (34) a. b.
une quantité d’accidents (équivalente à + différente de) celle de l’année dernière une quantité d’accidents disproportionnée par rapport à celle de l’année dernière
et les adjectifs se déplacent plus ou moins bien :
186 (35) a. b.
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?* une quantité équivalente d’accidents à celle de l’année dernière ? une quantité disproportionnée d’accidents par rapport à celle de l’année dernière
on a encore signalé des participes passés adjectivaux comme : (36)
une quantité de secours (calculée + décidée + souhaitée)
Cette classification sémantique n’a aucune généralité lexicologique ou syntaxique. La présence des exceptions que nous avons données dans chaque cas montre qu’il n’existe pas de procédé sémantique systématique pour former des adjectifs de quantité : des petites séries se constituent par analogie, c’est-àdire par quasi-synonymie, au hasard des circonstances et des modes stylistiques, ces séries s’arrêtent, nul ne sait pourquoi, laissant de côté des quasi synonymes qui a priori auraient très bien pu jouer le même rôle. Nous ne pouvons donc que constater que seules des listes permettent de rendre compte des emplois, en aucun cas des règles sémantiques de formation de métaphores. Dans la mesure où les listes les plus longues s’appliquent à une bonne variété de substantifs, déterminants ou autres, nous sommes en droit d’espérer que le problème descriptif général est ainsi résolu. Les ajustements sont constitués d’adjectifs en petits nombres ne s’appliquant qu’à un petit nombre de noms, il est normal de les traiter comme des expressions figées. Mais il n’est pas exclu qu’en accroissant le nombre des substantifs de quantité, on observe de nouvelles restrictions qui réduiraient la liste des adjectifs considérés comme le cas général. Dès lors, une révision du système global serait nécessaire, puisqu’il deviendrait plus lexical encore.
RÉFÉRENCES Buvet, Pierre-André. 1993. Les déterminants nominaux quantifieurs. Thèse de doctorat. Université Paris XIII. Villetaneuse. Buvet, Pierre-André. 1994. Les déterminants nominaux. Lingvisticæ Investigationes XVIII : 1. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins. Garrigues, Mylène. 1997. Méthodes de désambiguï sation locale Nom/Adjectif pour l’analyse automatique de textes. Langages 126, Paris : Larousse. Gross Maurice, 1977. Grammaire transformationnelle du français : 2. Syntaxe du nom. Larousse : Paris, Réimpression 1986 : Cantilène. Gross, Maurice. 1975. Méthodes en syntaxe. Paris : Hermann.
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Meunier, Annie. 1977. Sur les bases syntaxiques de la morphologie dérivationnelle. Lingvisticæ Investigationes 1 :2. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins. 287-332 Roche, Emmanuel. 1993. Une représentation par automate fini des textes et des propriétés transformationnelles des verbes. Lingvisticæ Investigationes XVII : 1. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins. 189-222. Silberztein, Max. 1993. Dictionnaires électroniques et analyse automatique de textes. Le système INTEX. Paris : Masson.
SUMMARY Numeral determiners (noted Dnum) are used together with names of units (NUnit) to indicate quantities of varied kinds (e.g. two hundred square meters, one thousand Francs, 1 000 F). Rules that lead to noun phrases of the type Dnum Nunit obey various constraints, among others, the rules of numeration in the decimal system. In the case of hours (a quarter to nine, six o’clock, two hours and fifteen minutes), numerical systems vary with the type of unit. We describe the noun phrases used to express time numerically by means of local grammars (i.e. graphs of finite automata). We describe the way hours and sub-units combine, in particular we introduce Pre- and Post- Determiners for numerals (e.g. about, almost, at least, more than). We also study possible abbreviations. The set of grammars obtained is formalized to a degree such that grammars can be transformed automatically into parsers and applied to corpora. Results, that is, adequacy and coverage, are discussed.
ANNEXES Graphes : AdjNombre, AdjNombreAutres, AdjNombrePre, AdjNombrePsy, DetQuantité.
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<E> à peu près moins plus plutôt presque si tellement terriblement tout à fait
AdjNombre.grf
assez aussi fort si très
anormalement <élevé> <écoeurant> <effroyable> <éléphantesque> <embryonnaire> <epsilonesque> <étriqué> <évanescent> <exceptionnel> <excédentaire> <excessif> <exorbitant> <extra>
<élevé> <exagéré> <minuscule> <misérable> <modeste>
<maousse> <marginal> <marquant> assez <massif> aussi artificiellement <maximal> fort exagérément <maximum> si démesurément <médiocre> très <méphistophélique> <menu> <mesquin> <extraordinaire> <microbique> <microscopique> <minable> <minimal> Peu <minime> <satisfaisant> <minimum> <significatif> <mirobolant> <substantiel> assez <modéré> aussi <modique> fort <moindre> si <monstre> très <monstrueux> <monumental> non non non <notable> assez aussi fort <palpable> si <pantagruélique> très <mégalo> <parcimonieux> <mégalomaniaque> <passable> assez <parano> aussi <paranoiaque> fort peu si très <prodigieux> à peine difficilement bien <dosé> <saisissant> largement <somptueux> <stratosphérique> presque <substantiel> pratiquement <succint> quasi <suffisant> quasiment <symbolique> pas <égalé> <E> encore presque jamais pratiquement <méchant> quasiment jamais encore <possible> <pourri> pâlir <sale> peur rire à faire tordre de rire se tordre de rire mourir de rire
GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX
<arrondi> <équitable> <erroné> <exact> <médian> <moyen> non non <mesurable> non <spécifié> <normal> <partiel> <précis> <prohibitif> <proliférant> <prometteur> <provisoire> sous-<évalué> <stable> statistiquement <significatif> <supplémentaire> <surévalué> <usuel>
AdjNombreAutres.grf
<E> dans parmi
<E> entre
<E> par
<proche>
<égal> <équivalent> <proportionné> <proportionnel> <supérieur> <double>
<E> <de>
<E> avec <E> par rapport à
<E> <à>
<E> <de> <doublé>